Commentaire de saint Thomas d'Aquin sur « Les Noms Divins » de
Denys le Mystique
In librum B. Dionysii De divinis nominibus expositio
© et traduction par
Serge Pronovost, Neuville,
le 18 mars 2017
Édition
numérique, https://www.i-docteurangelique.fr/DocteurAngelique, 2017
Les œuvres
complètes de saint Thomas d'Aquin
Leçon 1 (1a) : De la façon de procéder propre à
cette œuvre.
Leçon 3 (3a) : Comment Dieu peut être nommé.
Leçon 1 (4a) : Ce qui dans la Trinité se dit en
commun et en propre au sujet des trois Personnes.
Leçon 2 (5a) : La sorte d'unité et de distinction
qu'on retrouve en Dieu.
Leçon 4 (7a) : Que nous ne pouvons manifester les
distinctions divines d'une manière suffisante.
Leçon 5 (8a) : Les paroles de Hiérothée relatives à
la Divinité et à l'Incarnation du Christ.
Leçon 6 (9a) : De la distinction divine entendue au
sens où les créatures procèdent de Dieu.
Leçon UNIQUE (10a) : Présentation d'un proème à
toute l'oeuvre qui suit.
Leçon 2 (12a) : Comment le Bien se retrouve dans les
autres créatures corruptibles.
Leçon 3 (13a) : De la lumière sensible.
Leçon 4 (14a) : De la Lumière intelligible.
Leçon 5 (15a) : Du Beau et comment on peut
l’attribuer à Dieu.
Leçon 6 (16a) : De la causalité du Beau, quant à la
diversité de ses effets.
Leçon 7 (17a) : Quels sont les mouvements des
esprits et des âmes.
Leçon 10 (20a) : De l’Extase et du Zèle.
Leçon 11 (21a) : Comment peut-on dire de Dieu qu'il
est à la fois amour et aimable.
Leçon 12 (22a) : Ce que dit Hiérothée au sujet de
l’amour.
Leçon 14 (24a) : Résolution de la première question
: le mal est-il un être ?
Leçon 15 (25a) : Présentation de la deuxième
question : d’où vient le mal ?
Leçon 16 (26a) : Réponse à la seconde question
principale.
Leçon 18 (28a) : Le mal n’est pas dans les bons
Anges.
Leçon 19 (29a) : Les démons ne sont pas mauvais par
nature, et comment le mal s’est retrouvé en eux.
Leçon 20 : De quelle manière le mal est dans les
âmes.
Leçon 21 (31a) : Comment le mal existe dans les
choses naturelles.
Chapitre 5 - De l'Être et également des modèles.
Chapitre 7 - De la Sagesse, de l'Esprit, de la
Raison, de la Vérité, de la Foi.
Leçon 1 (39a) : Comment on doit entendre la Sagesse
qu'on attribue à Dieu.
Leçon 2 (40a) : Que la Sagesse divine est cause de
toute sagesse.
Leçon 3 : Comment Dieu connaît par sa sagesse
divine.
Leçon 4 : Comment Dieu est connu.
Leçon 5 (43a) : De ce qui se rattache à la Sagesse,
à savoir la Raison, la Vérité et la Foi.
Leçon 1 (44a) : Comment la puissance doit s'entendre
de Dieu et de l'infinité de sa puissance.
Leçon 2 (45a) : Que chaque être en particulier
procède de la puissance divine.
Leçon 3 (46a) : Pourquoi dit-on que la puissance
divine a une limite ?
Leçon 4 (47a) : De la Justice de Dieu.
Leçon 5 (48a) : Des effets de la justice divine : le
Salut, la Libération, l'Inégalité.
Leçon 1 (49A) : En quel sens on dit de Dieu qu'il
est Grand et Petit.
Leçon 2 (50a) : Du Même et de l'Autre et comment ils
s'attribuent à Dieu.
Leçon 3 (51a) : Du Semblable et du Dissemblable et
comment ils sont attribués à Dieu.
Chapitre 10 - Du Tout-Puissant, de l'Ancien des jours et aussi de l'Éternité et du Temps.
Leçon 1 : Comment la Toute-Puissance s'attribue à
Dieu.
Leçon 2 (54a) : Pourquoi on dit de Dieu qu'il est
l'Ancien des jours.
Leçon 3 (55a) : De l'Éternité et du Temps.
Leçon 1 (56a) : De la Paix divine et de sa causalité
prise universellement.
Leçon 2 (57a) : De la Causalité de la Paix divine
prise distinctement.
Chapitre 12 - Le Saint des Saints ; le Roi des rois ; le Seigneur des seigneurs ; le Dieu des
dieux.
Leçon unique (60a) : Explication des noms qui
désignent le gouvernement des choses.
Chapitre 13 - Du Parfait et de l’Un.
Leçon 2 (62a) : Il montre la Causalité de l’Un
entendue universellement.
Leçon 3 (63a) : Comment l’Un est attribué à Dieu.
Leçon 4 : Résumé de ce qui a été dit dans ce livre.
Dans la
préface à cette traduction du commentaire de Thomas d’Aquin au traité des Noms
Divins de Denys, j’ai cru nécessaire de faire deux choses : d’abord
d’expliquer certains termes utilisés par Denys et qui peuvent porter à
confusion ; ensuite de faire porter mes considérations sur le nom en général et
sur les différentes manières de l’attribuer à des réalités diverses. Cet examen
en effet m’apparaît utile non seulement pour la lecture de ce traité mais pour
aborder tout autre traité : il a donc une portée universelle. Néanmoins,
je ne prétends pas en faire un exposé global et qui tiendrait compte de toutes
les nuances, mais d’en présenter les grandes lignes en m’appuyant sur des
extraits d’auteurs, dont un est tiré du commentaire de Thomas d’Aquin sur la
Métaphysique d’Aristote. Ces deux auteurs reviennent constamment à travers
leurs ouvrages sur ces considérations et c’est là un signe de leur importance.
Il existe
certains termes dans le texte de Denys et dans le commentaire de Saint Thomas
qui sont de nature à occasionner de la confusion chez le lecteur et que
j'aimerais examiner sommairement. Il s'agit surtout des termes latins
¨participatio¨ et ¨processio¨ que je traduis simplement en français par les
noms participation et procession auxquels je donne les mêmes significations que
celles que donne Thomas d'Aquin à leurs correspondants latins. Il s'agit là de
deux termes dont les significations sont très apparentées dont la seconde à mon
avis précise et aide à mieux saisir la première.
Participer de quelque chose, au sens philosophique et commun du terme,
signifie prendre part, accueillir une part de quelque chose ; ainsi par
exemple, on pourrait dire que les végétaux, parce qu’ils sont informés par
l’énergie solaire et en participent, sont nommés participants de l’énergie
solaire et que l’énergie solaire elle-même, à laquelle ils participent, est
nommée participé. Quelle que soit la forme sous laquelle on présente ce
rapport, toutes ces formes étant présentes dans le commentaire de Saint Thomas,
on voit bien que c'en est un d'antériorité : le participé est antérieur au
participant, comme la cause première est antérieure aux effets et aux causes
secondes. Ce rapport, c'est celui que Denys pose entre Dieu et tout autre être :
tout ce qui existe dans l'univers doit son existence à Dieu, à Celui dont
l'essence est son existence même, à celui qui ne peut pas ne pas exister, à
Celui qui dit de Lui-même (Exode, ?)que son nom est: ¨Je suis¨ et qui, parce
qu'Il se donne aux créatures par pure bonté, se voit d'abord attribuer par
Denys le nom de Bien: il est dans la nature du Bien en effet de se diffuser.
Mais il y
a cependant plusieurs manières pour Dieu de se donner : elles se ramènent
toutes à deux catégories et c'est l'examen du nom procession tout au long du
commentaire de Saint Thomas qui aide à les saisir. Partons de la signification
courante et populaire de ce nom: si nous pensons par exemple à la procession de
la Fête-Dieu, nous voyons aussitôt un défilé qui comporte une multiplicité, une
diversité et un ordre dans la diversité: une multiplicité de personnes de rangs
différents, les plus hauts dignitaires se présentant au-devant de la scène, les
plus humbles à l'arrière; ce défilé procède d'un principe, d'un point de
départ, et il tend vers une destination, une finalité; toute procession,
entendue en ce sens, comporte nécessairement un mouvement.
Comment
ne pas voir alors une certaine analogie entre ce type de procession et
l'apparition des créatures dans l'univers, dans le cosmos ? En effet, qu'on se réfère
au livre de la Genèse ou à la théorie de l'évolution, on affirme que la
multiplicité des êtres est apparue selon un ordre de succession dans le temps,
les plus simples apparaissant en premier dans l’ordre d’exécution pour parvenir
par la suite aux plus complexes et aux plus nobles qui étaient visés en premier
lieu dans l’ordre d’intention, jusqu'à l'apparition de l'être humain. En ce
sens, l'apparition des créatures est comme une longue procession qui vient de
Dieu comme principe et qui tend à Lui comme finalité. La création est donc une
procession de l'Amour de Dieu. Mais sous quelle forme Dieu se donne-t-il alors ?
Ce qui permet de le voir, c'est de comparer ce type de procession à celui qu'on
retrouve à l'intérieur même des Personnes divines ; car le Fils, engendré par
le Père, procède de Lui, alors que l'Esprit-Saint procède de l’Amour qui existe
de toute éternité entre le Père et le Fils.
Saint-Thomas distingue bien ces deux sortes de processions en plusieurs
endroits de son commentaire mais je me contenterai d'attirer l'attention du
lecteur sur ce passage (n. 158) : ¨Car dans la procession des personnes
divines, c'est l'essence divine même qui est communiquée aux personnes qui
procèdent et ainsi ce sont les trois personnes qui possèdent l'essence divine;
alors que pour la procession des créatures, ce n'est pas l'essence divine
elle-même qui, demeurant alors non communiquée et non participée, est
communiquée aux créatures qui en procèdent; mais c'est comme une image de Dieu,
au moyen des dons qu'il fait aux créatures, qui se répand dans les créatures et
se multiplie en elles; et ainsi la Divinité, au moyen de sa ressemblance et non
de son essence, se prolonge dans les créatures et se multiplie d'une certaine
manière en elles de telle manière que la procession des créatures elle-même
puisse être appelée elle aussi une distinction divine, à condition d’entendre
par cette expression la communication de
la ressemblance divine et non de son Essence¨. Dieu ne communique pas davantage
son Essence aux créatures que l'artiste ne communique la sienne à ses oeuvres.
L'impuissance de Michel-Ange à donner la vie à ses personnages peints ou
sculptés illustre bien cela : il ne peut leur communiquer que l'image qu'il a à
l'esprit. De même Dieu, par impossibilité, ne peut communiquer son essence ;
comment en effet un être qui n’a reçu son existence d’aucun autre être
pourrait-il créer un être n’ayant pas reçu son existence?
Mais si
Dieu ne communique aux créatures non pas son essence mais comme une
ressemblance de Lui qui se manifestera à
titre de vestige ou d’image, cela pose un problème. En effet, puisque
nous nommons les êtres comme nous les connaissons et que nous connaissons
d’abord les choses sensibles auxquelles nous imposons d’abord des noms d’une
part, et que nous ne connaissons pas Dieu directement mais à partir des
perfections qui existent dans les créatures d’autre part, comment
nommerons-nous Dieu si ce n’est en lui transférant des noms que nous avons
d’abord attribués aux créatures ? Il semble alors difficile de voir comment
nous pourrions nommer Dieu autrement que selon un mode métaphorique en disant
de Lui par exemple qu’Il est un roc, un lion, etc. On sait pourtant que Denys a
écrit un autre traité, La Théologie
Symbolique, dans lequel il traite justement de ces noms qu’on transfère à
Dieu par métaphore à partir des créatures. Comment alors justifier qu’il ait
écrit un autre traité sur les noms qu’on attribue à Dieu : Les Noms Divins ? Y aurait-il
différentes sortes de noms attribuables à Dieu ?
J’entends
déjà ce qu’on s’apprête à me répondre : Dans le traité de La théologie
Symbolique, il s’agit de noms concrets : roc, lion, feu, souffle, etc.,
tandis que dans Les Noms divins, il s’agit de noms universels : le bien,
l’être, la beauté, la vie, etc. Cet énoncé est vrai mais il présente un fait
sans en donner la justification rationnelle. La raison qui justifie la
distinction entre les deux traités tient à notre façon de connaître et par
conséquent de nommer. Or dans le nom il y a deux choses à distinguer : la
signification elle-même et la manière de signifier. Quant à la manière de
signifier, aucun nom ne convient parfaitement à Dieu car tout nom signifie soit
à la manière de ce qui subsiste en tant que composé de matière et de forme,
comme les noms que l’homme forme pour les imposer aux espèces matérielles et à
leurs propriétés, tels les termes ¨chat, table, rocher, lion etc., soit à la
manière d’une forme qui est simple mais qui ne subsiste pas par elle-même, tel
celui de la beauté, de bien etc. Or Dieu est un être qui est à la fois simple
et subsistant. Donc, aucun nom ne lui est attribué de façon adéquate, puisque
nous ne connaissons Dieu qu’à partir des créatures qui ne le représentent
qu’imparfaitement.
Mais les
premiers, les noms concrets, ne conviennent à Dieu ni par la manière de nommer,
ni par la signification, laquelle se rapporte à un composé de matière et de
forme, par exemple lion, roc, etc. C’est pourquoi ils ne s’appliquent à Dieu
que métaphoriquement selon un transfert qui s’effectue selon une similitude de
proportion. En effet, en disant de Dieu qu’il est un roc, on veut seulement
dire que Dieu est immuable dans son être comme le roc dans sa constitution,
sachant bien que l’immuabilité en Dieu existe sous un mode infiniment plus
parfait. Le transfert dans ce cas se fait de la créature à Dieu.
Les
seconds, les noms universels, ceux qui ne se disent pas métaphoriquement de
Dieu mais qui s’attribuent communément à Dieu et aux réalités naturelles, se
distinguent des premiers en ce que ce qui est signifié par le nom est une forme
simple : l’immobilité, la force, la vie etc. Ces termes sont certes
imposés en premier lieu pour signifier les perfections telles qu’elles existent
dans les créatures qui, comme nous l’avons déjà dit, sont connues en premier de
nous et c’est pourquoi ils possèdent alors un mode de signifier qui témoigne du
caractère limité que ces perfections revêtent dans les créatures. Quant au mode même de signifier, ces noms
peuvent être niés de Dieu aussi bien qu’en être affirmés.
Mais
quant à la chose elle-même qui est signifiée par cette sorte de nom, c’est en
Dieu que ces perfections, à savoir le bien, la beauté etc., existent dans toute
leur perfection au-dessus de toute excellence et d’où elles procèdent pour
parvenir aux créatures selon les modalités limitées qui leur sont propres.
C’est donc à Dieu que ces noms conviennent le plus proprement et par priorité,
même si c’est pour signifier les perfections en tant qu’existant dans les
créatures qu’ils ont été d’abord imposés, car en Lui que ces perfections existent
dans toute leur plénitude. Il en est de même pour les noms dont nous parlons
maintenant et qui s’attribuent à la fois à Dieu et aux réalités naturelles qui
sont composées. Ces mêmes perfections appartiennent secondairement aux
créatures où elles ne sont plus que des participations limitées, multiples et
divisées dans des composés qui en participent.
Cette
nuance, Thomas d’Aquin la manifeste au moyen d’un exemple (1a, Q. 13, a. 2, ad 2.). En résumé, il dit que pour la
signification des noms, autre est parfois l’origine de l’imposition du nom,
autre est la signification pour laquelle le nom a été imposé. Par exemple, le
nom pierre en latin (lapis) tient son
origine de ce qui blesse le pied (quod
laedit pedem); mais ce n’est pas ultimement pour signifier ce fait que ce
nom a été imposé, mais pour signifier une partie du corps. Autrement, tout ce
qui blesse le pied serait une pierre
Il est
donc clair que l’attribution de ces noms à Dieu ne sera plus métaphorique, mais
on les Lui attribuera au sens propre. Ils s’attribueront aussi proprement aux
créatures mais comme postérieurement. C’est ce que nous allons développer en
distinguant les sortes d’attribution et pour ce faire, nous allons partir d’une
distinction faite précédemment.
Nous
avons vu plus haut que les notions de création et de génération, entendues au
sens strict, diffèrent grandement. Ce qu’un animal engendre en effet, c’est un
être de même espèce, qui a la même nature et tous ceux qui sont ainsi engendrés
reçoivent non seulement le même nom mais aussi, avec ce nom, la même
définition. Ainsi, tous les descendants des premiers humains reçoivent le nom
d’homme et avec lui la même définition : animal doué de raison etc. De
même, le bœuf le chien sont nommés animal et animal dans les deux cas garde la
même signification : vivant doué de sens, de passions, capable de
mouvement local, etc. Il y a là comme une égalité qui fait que pour eux
l’attribution du nom homme est univoque : ils sont différents par le
nombre mais identiques par l’espèce ou par le genre, par leur nature exprimée
dans cette définition.
Il peut
néanmoins arriver qu’un même nom soit attribué non seulement à ce qui est
multiple par le nombre mais aussi ce qui est multiple par l’espèce et même par
le genre. Or ce qui diffère par le genre ou l’espèce ne peut recevoir une même
définition. C’est ce qu’on observe pour des choses entre lesquelles il n’y a
aucune filiation, aucune ressemblance, mais qui ont reçu comme par hasard un
même nom. Ainsi, on donne le nom de chien à l’animal domestique qui jappe mais
aussi à telle partie du fusil, au chien de mer ou à la constellation. Le même
terme réfère alors à des significations qui n’ont pratiquement plus rien en
commun et l’attribution qu’on en fait est alors équivoque et peut conduire au
sophisme de l’homonymie.
Mais
l’attribution n’est pas seulement soit univoque, là où l’identité de
signification est parfaite, soit purement équivoque, là où la différence est
extrême ; elle peut être d’un autre genre, d’un genre plus subtil car il
comporte à la fois ressemblance et différence. Il y a en effet des noms qui
s’attribuent à une multiplicité d’êtres qui ont entre eux une certaine
filiation, une certaine ressemblance malgré une différence de nature. Je prendrai
un exemple utilisé par Thomas d’Aquin dans plusieurs traités, dont son
commentaire à la Métaphysique d’Aristote
(L. 1V, l. 1, n. 537.). Ainsi, voit bien que le mot sain s’attribue à la fois
au médicament, à l’aliment, à l’urine mais aussi à l’animal; dans ce cas,
l’attribution n’est pas univoque, car le mot sain dans chacun des cas ne garde
pas la même signification, mais elle n’est pas équivoque non plus car dans tous
ces cas, on parle d’une seule et même santé. Il y a ici un lien étroit entre
l’animal sain et l’urine saine, ce qui n’est pas le cas si on cherche à
comparer le chien comme animal à la constellation. En effet, sain se dit de la
diète, du médicament, de l’urine et de l’animal sous des rapports différents
d’une seule et même santé de l’animal qui en est le sujet, du médicament qui la
cause, de la diète qui la conserve et de l’urine qui est le signe de la santé
de l’animal. On voit bien que ce n’est pas également que sain s’attribue à
chacun de ces cas, puisque le sujet animal se retrouve dans l’attribution de
sain pour chacun des autres cas. En effet, on ne dit de l’urine qu’elle est
saine que parce qu’elle est le signe de la santé de l’animal, de la nourriture
parce qu’elle la conserve etc. Cela permet de constater qu’il y a ici un ordre :
c’est à l’animal comme sujet que s’attribue premièrement sain, puis
secondairement aux autres, dans l’ordre, selon leur proximité ou l’intimité de
leur rapport à la santé de l’animal. Alors, on pourrait dire de l’animal qu’il
est le premier analogué du mot sain, le sujet où la santé se trouve à être
parfaitement réalisée; puis le second serait la cause naturelle qui la
conserve, la nourriture; le médicament la cause qui la rétablit; enfin l’urine
qui en est le signe ou comme une conséquence. Lorsque le mot s’attribue de
cette manière à une multiplicité de cas qui se ramènent tous à quelque chose
d’un selon une suite plus ou moins étroite, on a affaire à un mot analogue.
Cet
exemple, Thomas d’Aquin l’applique ensuite dans le même chapitre à la notion
d’être. L’être, puisqu’il est commun à tout ce qui existe, ne se dit pas de
manière équivoque, mais il ne se dit pas non plus dans tous les cas en un seul
sens, de manière univoque. Et ici sa présentation est d’une grande clarté.
L’être dit-il peut se dire de la substance qui existe par elle-même, puis des
propriétés ou des accidents essentiels de la substance, puis de n’importe quel
accident qu’on retrouve dans une substance, ensuite de la génération et du
mouvement qui sont comme un chemin vers la substance, comme de l’être en
puissance, et même de l’altération et de la corruption qui sont comme des
éloignements et des délaissements de la substance, et enfin de la négation et
de la privation de la substance, êtres de raison, se voient aussi attribuer
l’être, puisque nous disons que le non-être est du non-être. Comme dans
l’exemple du terme sain, le terme être est attribué dans chacun de ces cas
selon un rapport différent, mais aussi suivant un ordre d’après une plus ou
moins grande proximité par rapport à la substance dont elle se dit en premier
et qui se retrouve dans tous les autres sens. L’être se dit en dernier de la
négation et de la privation car c’est là qu’on retrouve le moins d’être :
un être de raison plutôt qu’un être de nature et un être de raison dans la
négation, ce qui suppose antérieurement un être de raison dans l’affirmation
car l’affirmation est antérieure à la négation qui la suppose. L’être commun,
bien que commun, ne s’attribue pas de manière égale mais inégalement, suivant
un avant et un après.
Appliquons maintenant ces distinctions au sujet des noms divins : Dieu.
Denys dit de Dieu qu’il est la Substance supra-substantielle, qui transcende
infiniment toute autre substance : il est celui d’où procède toute autre
substance mais qui ne procède Lui-même de rien; il est l’Être dont l’existence
est nécessaire, Celui qui ne peut pas ne pas être. Il est le seul dont
l’essence même est d’exister. Dieu mérite donc qu’on lui attribue le terme être
dans un sens infiniment plus parfait que dans tous les autres cas. Il est donc,
antérieurement à toute autre substance, le premier analogué du terme ¨être¨.
C’est donc en ce sens que lui sont attribués aussi tous les autres termes
universels qu’on lui attribue : le Bien, le Beau, le Juste, etc. Car il
est le bien, le beau, le juste : c’est là, dans l’unité et la simplicité
qui le caractérisent, son essence. Toute autre substance tient de lui ce
qu’elle possède de bonté, de beauté, de justice, etc. Alors que Lui-même est la
Beauté, les autres ont de la beauté parce qu’elles participent pour une part de
sa Beauté et alors même qu’il est l’Être dans toute la plénitude de l’être, les
autres ont de l’être parce qu’elles participent de son être.
Voilà
pourquoi, à côté du traité de la théologie symbolique, Denys s’est consacré à
la rédaction des Noms Divins, ce
dernier traité ayant pour objet les noms qui se disent le plus proprement de
Dieu car même si le nom de bien quant à notre mode de nommer ne désigne qu’une
forme simple ne subsistant pas par elle-même, lorsqu’on l’attribue à Dieu,
notre intention est de désigner par ce nom le Bien subsistant lui-même qui est
le Bien d’où procèdent tous les autres bien.
Neuville, 21
mai 2017
Sancti Thomae de Aquino In librum B. Dionysii De
divinis nominibus
expositio a capite I ad caput II Textum
Taurini 1950 editum ac automato
translatum a Roberto Busa
SJ in taenias magneticas denuo
recognovit Enrique Alarcón atque instruxit |
DES NOMS DIVINS Du prêtre Denys
à son vicaire Timothée. Début de
l’examen du livre du bienheureux Denys intitulé ¨Des Noms divins¨. Disposition
organique du livre d’après la présentation qu’en fait Saint Thomas. |
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1.
Il expose en premier les notions pré-requises aux
considérations qui vont suivre : A)
Il montre le bien fondé des Noms divins. (cap. 1) ; B)
Il montre que les noms dont on traite dans ce livre sont
communs à toutes les personnes de la Trinité (cap. 11). 11. Il commence à exposer son propos
principal : A) Il présente un proème à toute l’œuvre qui
suit (cap. 111) B) Il transmet la doctrine sur les Noms
divins (cap. 1V-X111) |
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PROOEMIUM |
PROÈME DE SAINT THOMAS |
84833]
In De divinis nominibus, pr. Ad intellectum librorum
beati Dionysii considerandum est quod ea quae de Deo in sacris Scripturis
continentur, artificialiter quadrifariam divisit : nam in libro quodam, qui
apud nos non habetur, qui intitulatur de divinis hypotyposibus idest
characteribus, ea de Deo tradidit quae ad unitatem divinae essentiae et
distinctionem personarum pertinent. Cuius unitatis et distinctionis
sufficiens similitudo in rebus creatis non invenitur, sed hoc mysterium omnem
naturalis rationis facultatem excedit. Quae vero dicuntur de Deo in
Scripturis, quarum aliqua similitudo in creaturis invenitur, dupliciter se
habent. Nam huiusmodi similitudo in quibusdam quidem
attenditur secundum aliquid quod a Deo in creaturas derivatur. Sicut
a primo bono sunt omnia bona et a primo vivo sunt omnia viventia et sic de
aliis similibus. Et talia pertractat Dionysius in libro de divinis nominibus,
quem prae manibus habemus. In quibusdam vero
similitudo attenditur secundum aliquid a creaturis in Deum translatum. Sicut
Deus dicitur leo, petra, sol vel aliquid huiusmodi ; sic enim Deus symbolice
vel metaphorice nominatur. Et de huiusmodi tractavit Dionysius in quodam suo
libro quem de symbolica theologia intitulavit. Sed quia omnis similitudo
creaturae ad Deum deficiens est et hoc ipsum quod Deus est omne id quod in
creaturis invenitur excedit, quicquid in creaturis a nobis cognoscitur a Deo
removetur, secundum quod in creaturis est ; ut sic, post omne illud quod
intellectus noster ex creaturis manuductus de Deo concipere potest, hoc ipsum
quod Deus est remaneat occultum et ignotum. Non solum enim Deus non est lapis
aut sol, qualia sensu apprehenduntur, sed nec est talis vita aut essentia
qualis ab intellectu nostro concipi potest et sic hoc ipsum quod Deus est,
cum excedat omne illud quod a nobis apprehenditur, nobis remanet ignotum. De
huiusmodi autem remotionibus quibus Deus remanet nobis ignotus et occultus
fecit alium librum quem intitulavit de mystica idest occulta theologia. Est
autem considerandum quod beatus Dionysius in omnibus libris suis obscuro
utitur stilo. Quod quidem non ex imperitia fecit, sed ex industria ut sacra
et divina dogmata ab irrisione infidelium occultaret. Accidit etiam
difficultas in praedictis libris, ex multis : primo, quidem, quia plerumque
utitur stilo et modo loquendi quo utebantur Platonici, qui apud modernos est
inconsuetus. Platonici enim omnia composita vel materialia, volentes reducere
in principia simplicia et abstracta, posuerunt species rerum separatas,
dicentes quod est homo extra materiam, et similiter equus, et sic de aliis
speciebus naturalium rerum. Dicebant, ergo, quod hic homo singularis
sensibilis non est hoc ipsum quod est homo, sed dicitur homo participatione
illius hominis separati. Unde in hoc homine sensibili invenitur aliquid quod
non pertinet ad speciem humanitatis, sicut materia individualis et alia
huiusmodi. Sed in homine separato nihil est nisi quod ad speciem humanitatis
pertinet. Unde hominem separatum appellavit per se hominem, propter hoc quod
nihil habet nisi quod est humanitatis ; et principaliter hominem, inquantum
humanitas ad homines sensibiles derivatur ab homine separato, per modum
participationis. Sic etiam dici potest quod homo separatus sit super homines
et quod homo separatus sit humanitas omnium hominum sensibilium, inquantum
natura humana pure competit homini separato, et ab eo in homines sensibiles
derivatur. Nec solum huiusmodi abstractione Platonici considerabant circa
ultimas species rerum naturalium, sed etiam circa maxime communia, quae sunt
bonum, unum et ens. Ponebant, enim, unum primum quod est ipsa essentia
bonitatis et unitatis et esse, quod dicimus Deum et quod omnia alia dicuntur
bona vel una vel entia per derivationem ab illo primo. Unde illud primum nominabant
ipsum bonum vel per se bonum vel principale bonum vel superbonum vel etiam
bonitatem omnium bonorum seu etiam bonitatem aut essentiam et substantiam, eo
modo quo de homine separato expositum est. Haec igitur Platonicorum ratio
fidei non consonat nec veritati, quantum ad hoc quod continet de speciebus
naturalibus separatis, sed quantum ad id quod dicebant de primo rerum
principio, verissima est eorum opinio et fidei Christianae consona. Unde
Dionysius Deum nominat quandoque ipsum quidem bonum aut superbonum aut
principale bonum aut bonitatem omnis boni. Et similiter nominat ipsum
supervitam, supersubstantiam et ipsam deitatem thearchicam, idest principalem
deitatem, quia etiam in quibusdam creaturis recipitur nomen deitatis secundum
quamdam participationem. Secunda autem difficultas accidit in dictis eius,
quia plerumque rationibus efficacibus utitur ad propositum ostendendum et
multoties paucis verbis vel etiam uno verbo eas implicat. Tertia, quia
multoties utitur quadam multiplicatione verborum quae, licet superflua
videantur, tamen diligenter considerantibus magnam sententiae profunditatem
continere inveniuntur |
1. ¨Pour comprendre les livres du bienheureux Denys, il faut avoir à l’esprit qu’il divisa en quatre parties, comme quelqu’un qui procède avec art, tout ce qui est contenu dans les Saintes Écritures : a) Car dans un de ses livres qui n’est plus en notre possession et qui est intitulé ¨Des divines Hypotyposes¨, c’est-à-dire les caractères divins, il transmit au sujet de Dieu ce qui se rapporte à l’unité de l’essence et à la distinction des personnes divines, unité et distinction dont on ne retrouve aucune similitude dans les choses créées mais qui constituent un mystère qui dépasse complètement la puissance de la raison naturelle. b) De fait, ce qu’on dit de Dieu dans les Écritures, et dont une similitude se retrouve dans les créatures, se présente de deux manières. Car certes une telle similitude doit être considérée chez certaines comme quelque chose qui vient de Dieu pour se répandre dans les créatures. Ainsi par exemple c’est du premier bien que proviennent tous les biens et c’est du premier vivant que proviennent tous les vivants, et il en est ainsi pour d’autres cas semblables. Et Denys traite de cette sorte d’attributs de Dieu dans le livre que nous avons en main et qui est intitulé ¨Des Noms divins¨. c) Dans d’autres cas vraiment la similitude doit être considérée selon ce qui est transféré à Dieu et qui existe d’abord dans les créatures, comme lorsque nous disons que Dieu est un lion, une pierre, un soleil et d’autres choses de cette sorte ; en effet, les noms qui sont ainsi attribués à Dieu le sont d’une manière symbolique ou métaphorique. Et Denys a traité de ces noms dans un de ses livres intitulé ¨De la Théologie Symbolique¨. d) Mais parce que toute similitude ainsi transférée de la créature à Dieu est déficiente et que cela même, à savoir ce qu’est Dieu, dépasse tout ce qu’on peut retrouver dans les créatures, tout ce qu’on peut connaître des créatures et qui existe en elles reste loin de Dieu ; de telle sorte qu’après tout ce que notre intelligence peut concevoir au sujet de Dieu en se laissant conduire par ce qu’elle connaît des créatures, la nature même de Dieu lui demeure encore cachée et inconnue. En effet, non seulement Dieu n’est pas une pierre ou le soleil, lesquels sont saisis par les sens, mais il n’est pas telle vie ni une essence telle qu’elle puisse être saisie par notre intelligence et ainsi, puisqu'Il dépasse tout ce que nous pouvons appréhender, Dieu nous demeure inconnu quant à ce qu'Il est. Denys fit donc un autre livre qu’il intitula ¨De la Théologie Mystique¨, lequel traite justement de ces frontières lointaines au-delà desquelles Dieu nous demeure inconnu et caché. 11. Il faut cependant considérer que le bienheureux Denys usa d’un style voilé dans tous ses livres. Certes il ne fit pas cela par ignorance mais de propos délibéré afin de mettre les croyances sacrées et divines à l’abri des moqueries des infidèles. Mais l’examen des livres que nous venons de nommer présente des difficultés sous plusieurs rapports : a) D’abord, certes, parce qu’il se sert en plusieurs occasions du style et de la manière de parler des Platoniciens, lesquels sont inhabituels auprès des modernes. En effet, les Platoniciens, voulant ramener toutes les choses composées et matérielles à des principes simples et séparés, affirmèrent que les espèces des choses existent séparément, en soutenant qu’il existe un homme sans matière et qu’il en est de même du cheval et de toutes les autres espèces des choses naturelles. Ils disaient donc que cet homme individuel et sensible n’est pas ce qu’est l’homme, mais qu’on l’appelle homme en raison de sa participation à cet homme séparé. D’où il suit qu’on retrouve dans cet homme sensible quelque chose qui n’appartient pas à l’espèce de l’humanité, comme la matière individuelle et d’autres choses du même genre. Mais au contraire tout ce qu’on retrouve dans l’homme séparé appartient à l’espèce de l’humanité. C’est pourquoi Platon appela l’homme séparé l’homme par soi, parce qu’il n’y a rien en lui qui n’appartienne pas à l’humanité ; et il l’appela encore le premier homme, selon que l’humanité découle de l’homme séparé pour parvenir aux hommes sensibles par mode de participation. Ainsi encore on peut dire que l’homme séparé est au-dessus des hommes et qu’il est l’humanité de tous les hommes sensibles, selon que la nature humaine appartient purement et simplement à l’homme séparé et qu’elle s’étend aux hommes sensibles à partir de lui. Et les Platoniciens ne se servaient pas d’une telle abstraction uniquement pour l’examen des espèces les moins universelles des choses naturelles, mais aussi pour celui des notions les plus universelles comme le bien, l’un et l’être. Ils soutenaient en effet qu’il existe une unité première qui est l’essence même du bien, de l’un et de l’être, que nous appelons Dieu, et que tous les autres êtres ne sont dits bons, uns et êtres que parce qu’ils en proviennent comme d’un premier principe. Partant de là, ils donnèrent à cette unité première les noms de bien en soi, de bien par soi, ou encore de bien premier, de bien transcendant ou de bien de tous les biens, ou bien ils la nommèrent encore bien, essence et substance, à la manière dont nous avons parlé de l’homme séparé. Donc, cette conception des Platoniciens ne s’accorde ni avec la vérité ni avec la foi quant à ce qu’elle énonce sur les espèces séparées des choses naturelles, mais leur opinion est tout à fait vraie et conforme à la foi chrétienne pour ce qui est de leurs affirmations relatives au premier Principe des choses. C’est pourquoi il arrive parfois à Denys d’appeller Dieu le bien en soi, le bien transcendant, le premier bien ou encore la bonté de tout bien. Et de même il appelle Dieu la vie transcendante, la substance transcendante et la Divinité théarchique même, à savoir la divinité originelle ou première, car le nom de divinité est attribué même à certaines créatures mais dans le cadre d’une certaine participation. b) Mais une deuxième difficulté provient de son verbe lui-même car en plusieurs endroits où il manifeste son propos au moyen d’arguments puissants, il les réduit à peu de mots ou même à un seul. c) Une troisième difficulté provient au contraire du fait qu'en de nombreux autres endroits il se sert de paroles abondantes qui cependant, bien qu’elles paraissent inutiles, se trouvent à contenir, pour ceux qui y portent un examen attentif, une pensée d’une grande profondeur. |
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CAPUT 1 |
Chapitre 1 - Quelle est
l’intention visée par ce discours et que nous dit la tradition sur les Noms
divins.
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LECTIO 1 |
Leçon 1 (1a) : De la façon de
procéder propre à cette œuvre.
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[84834] In De divinis nominibus, cap. 1 l. 1 In hoc igitur libro, qui de divinis nominibus
inscribitur, more eorum qui artificiose scientias tradiderunt, primo, praemittit
quaedam necessaria ad sequentem considerationem ; secundo, incipit prosequi
principale intentum in 3 cap. quod incipit ibi : et primam et
cetera. Circa primum, duo facit : primo, ostendit rationem divinorum nominum
; secundo, ostendit quod nomina, de quibus in hoc libro tractatur, sunt
communia toti Trinitati ; et hoc 2 cap. quod incipit ibi : thearchicam
totam essentiam et cetera. Circa primum, duo
facit : primo, continuat se ad praecedentem librum, ubi alloquens beatum
Timotheum, dicit quod post theologicas hypotyposes, idest divinas
distinctiones quibus personae in Trinitate ad invicem distinguuntur,
transibit ad reserationem, idest manifestationem divinorum
nominum, secundum suam possibilitatem. Perfecte enim ea exponere supra
hominem esse videtur. Secundo, ibi : esto et cetera, incipit
praemittere quaedam necessaria ad sequens opus. Praemittit autem duo : primo
quidem, modum procedendi in hoc opere, hoc enim necessarium est praescire in
qualibet doctrina. Secundo, ostendit rationem divinorum nominum de
quibus in hoc libro intendit ; ibi : has sequentes et
cetera. Et haec duo satis exprimuntur in titulo huius capitis qui sic se
habet : quae sermonis intentio, quantum ad primum ; et quae
de divinis nominibus traditio, quantum ad secundum. Circa primum, duo
facit : primo, ostendit ex quibus procedendum sit in hoc opere ; secundo quae
sint tradenda ; ibi : igitur universaliter et cetera. Circa
primum, duo facit : primo, ostendit ex quibus sit procedendum in hoc opere,
quia non est innitendum rationi humanae, sed revelationi divinae, accipiens
hoc ab apostolo qui dicit I Corinth. 2 : non in persuasibilibus
humanae sapientiae verbis (...) : sed in doctrina spiritus, spiritualibus
spiritualia comparantes. Et hoc est quod dicit : esto autem,
idest sit, et, idest etiam, nunc lex eloquiorum,
idest quae in sanctis Scripturis traditur, praedefinita, idest
praedeterminata, a nobis, sicut olim fuit ab apostolo ; quae
quidem lex est : nos asseverare, idest astruere vel
manifestare veritatem dictorum de Deo, non in persuasibilibus humanae
sapientiae verbis, idest non innitentes, sicut principalibus mediis ad
probandum propositum, principiis humanae sapientiae, quae secundum naturalem
rationem procedit, sed in demonstratione virtutis theologorum,
idest eorum qui Scripturam canonicam tradiderunt, scilicet apostolorum et
prophetarum, virtutis, dico, motae a spiritu,
scilicet sancto. Innititur enim, in sua doctrina, Dionysius auctoritate
sacrae Scripturae, quae robur habet et virtutem secundum quod apostoli et
prophetae moti sunt ad loquendum a spiritu sancto eis revelante et in eis
loquente. Secundo, inducit praedictae legis rationem ; ibi : secundum
quam et cetera. Et virtus suae rationis talis est : in illis
doctrinis, principiis humanae sapientiae inniti possumus in quibus ea
traduntur quae hominibus cognoscibilia sunt et dicibilia et ab his qui habent
doctrinam illam et cognosci et dici possunt. Sed in doctrina fidei
proponuntur quaedam homini ignota et indicibilia quibus habentes fidem
inhaerent, non cognoscendo aut perfecte verbo explicando, licet certius eis
inhaereant et altior sit huiusmodi inhaesio quam aliqua cognitio naturalis.
In doctrina igitur fidei non possumus inniti principiis humanae sapientiae.
Et hoc est quod dicit : secundum quam, scilicet virtutem revelationis
procedentis a spiritu sancto in apostolos et prophetas, nos per fidem coniungimur
ineffabilibus et ignotis, idest veritati divinae quae excedit omnem
humanam locutionem et cognitionem. Nec fides sic coniungit eis ut faciat ea
ab homine credente cognosci et loqui sicut sunt, hoc enim esset apertae
visionis, sed coniungit ineffabiliter et ignote : videmus enim nunc
per speculum ut dicitur I Corinth. 13. Et ne aliquis hanc
coniunctionem despiceret propter sui imperfectionem, subiungit : secundum
meliorem unionem nostrae rationalis et intellectualis virtutis et operationis,
idest supra virtutem et operationem nostrae rationis et intellectus, ut
ponatur genitivus pro ablativo, more Graecorum. Altioribus enim per fidem
coniungimur quam sint ea ad quae ratio naturalis pertingit et certius
adhaeremus, quanto certior est divina revelatio quam humana cognitio. Dicit
autem : rationalis et intellectualis, quia eorum quae naturaliter
cognoscimus, quaedam per se a nobis conspiciuntur absque aliqua
investigatione et eorum proprie est intellectus ; quaedam vero cognoscuntur
per inquisitionem et horum est ratio. Dicit autem : operationis et
virtutis, quia multa cognoscimus virtute, quae actu non speculamur.
Deinde, cum dicit : igitur universaliter et cetera, ostendit
quae sunt tradenda in hac doctrina ; et primo, ponit propositum ; secundo,
manifestat ipsum ; ibi : nam supersubstantialem scientiam et
cetera. Propositum autem concludit ex praemissis. Hoc enim et in scientiis
humanis observatur, quod principia et conclusiones sunt ex eodem genere. Sic
igitur principia ex quibus procedit haec doctrina sunt ea quae per
revelationem spiritus sancti sunt accepta et in sacris Scripturis habentur :
hoc est ergo quod concludit, quod nullo modo aliquis debet audere dicere,
ore, nec etiam cogitare aliquid de occulta deitate supersubstantiali,
quae est super omnem substantiam, et per hoc est occulta nobis quibus creatae
substantiae sunt proportionatae ad cognoscendum et per consequens ad
loquendum, praeter ea quae nobis divinitus ex sanctis eloquiis sunt
expressa, idest, exprimuntur per sancta eloquia. Signanter autem non
dicit : in sanctis eloquiis, sed ex sanctis eloquiis, quia
quaecumque ex his quae continentur in sacra Scriptura elici possunt, non sunt
aliena ab hac doctrina, licet ipsa etiam in sacra non contineantur Scriptura.
Deinde, cum dicit : nam supersubstantialem scientiam et
cetera, inducit rationem ad manifestandum propositum ; et primo, ponit
rationem ; secundo, probat quaedam quae in ratione supponit ; ibi : etenim et
cetera. Virtus ergo suae rationis talis est : de eo quod ab aliquo solo
scitur, nullus potest cogitare vel loqui, nisi quantum ab illo manifestatur.
Soli autem Deo convenit perfecte cognoscere seipsum secundum id quod est.
Nullus igitur potest vere loqui de Deo vel cogitare nisi inquantum a Deo
revelatur. Quae quidem divina revelatio in Scripturis sacris continetur. Et
hoc est quod dicit quod convenit ipsi, scilicet Deo soli, attribuere
supersubstantialem scientiam ignorantiae supersubstantialitatis, idest
supersubstantialitatis divinae ignoratae ; quae quidem
supersubstantialitas non ignorata est propter aliquem suum defectum, sed
propter suum excessum, quia scilicet est super rationem et
intellectum creatum et super ipsam substantiam creatam
quae est obiectum commensuratum intellectui creato, sicut essentia increata
est proportionata scientiae increatae. Et ideo sicut essentia divina est
supersubstantialis, ita et eius scientiam supersubstantialem dixit.
Semper enim oportet obiectum cognitivae virtutis, virtuti cognoscenti
proportionatum esse. Ne tamen omnino simus in Dei ignorantia constituti,
subiungit : nos, dico, convenit rationem respicientes, per
spiritualem contemplationem, ad superius, idest ad id quod supra
nos est, scilicet Deum, tendere, quantum radius thearchicorum
eloquiorum seipsum immittit, idest se extendit, ad superiores
splendores, idest ad veritates intelligibiles divinorum. Veritas enim
sacrae Scripturae est quoddam lumen per modum radii derivatum a prima
veritate, quod quidem lumen non se extendit ad hoc quod per ipsum possimus
videre Dei essentiam aut cognoscere omnia quae Deus in seipso cognoscit aut
Angeli aut beati eius essentiam videntes, sed usque ad aliquem certum
terminum vel mensuram, intelligibilia divinorum, lumine sacrae Scripturae
manifestantur. Et sic, dum nos non plus extendimus ad
agnoscendum divina, quam lumen sacrae Scripturae se extendit, simus per
hoc constricti, quasi certis limitibus coarctati, circa
divina, quadam temperantia et sanctitate : sanctitate quidem
dum sacrae Scripturae veritatem mundam ab omni errore conservamus ; temperantia vero,
dum ad eas non magis nos ingerimus, quam nobis est datum. Deinde, cum dicit
: etenim et cetera, manifestat quae supposuerat in hac
ratione : et primo quidem, quod Deus soli sibi sit notus, nobis autem
occultus ; secundo, manifestat modum quo divina cognitio nobis communicatur ;
ibi : non tamen incommunicabile est et cetera. Primum
ostendit dupliciter : primo quidem, rationibus : secundo, auctoritatibus ;
ibi : etenim sicut ipsa de seipsa. Ponit autem, primo, duas
rationes ; quarum prima talis est : divina revelantur a Deo secundum
proportionem eorum quibus revelantur ; sed cognoscere infinitum est supra
proportionem intellectus finiti ; non ergo hoc ipsum quod Deus est, ex divina
revelatione a quocumque cognoscitur. Et hoc est quod dicit : quaedam divina
revelantur a Deo et inspiciuntur a nobis, secundum
proportionem mentium uniuscuiusque. Et hoc dico : si convenit
aliquid credere theologiae, idest sacrae Scripturae omni-sapienti
et verissimae. Dicit enim Matth. 25 : dedit (...) unicuique
secundum propriam virtutem. Et notandum quod ponit duo ex quibus habetur
quod sacrae Scripturae sit maxime credendum. Quod enim alicui non credatur ex
duobus contingit : aut quia est vel reputatur ignorans aut quia est vel
reputatur mendax. Unde, cum sacra Scriptura sit omni-sapiens et verissima
quia revelata et tradita a Deo qui est veritas et omnia sciens, maxime sacrae
Scripturae est credendum. Et hoc dico, thearchica, idest
divina, bonitate segregata a mensuratis, idest a
finitis, immensuratione, idest infinitate divinae essentiae, non
quidem ut nullo modo cognoscatur sed ut non comprehendatur. Et propter hoc
addit : sicut incomprehensibilem. Nam a beatis quidem mente
attingitur divina essentia non autem comprehenditur. Et hoc quidem facit
Deus in iustitia salutari. In hoc enim ratio distributivae
iustitiae consistit quod detur unicuique secundum suam conditionem. Et sicut
per ordinem distributivae iustitiae constitutae a principe civitatis,
salvatur totus ordo politicus, ita per hunc ordinem iustitiae salvatur a Deo
totus ordo universi ; hoc enim subtracto omnia confusa remanerent. Et hoc
quidem facit ut decet Deum ; eum enim decet sua bonitate salvare
quos condidit. Secundam rationem ponit ibi : sicut enim
incomprehensibilia et cetera, quae talis est : superior gradus
entium comprehendi non potest per inferiorem, sicut intelligibilia
comprehendi non possunt perfecte per sensibilia, nec simplicia per composita,
nec incorporea per corporalia ; sed Deus est super omnem ordinem existentium
; ergo per nihil existentium comprehendi potest. Et hoc est quod dicit
: sicut enim intelligibilia sunt incomprehensibilia et
incontemplabilia a sensibilibus, idest per sensibilia ; et
simplicia et infigurabilia per ea quae sunt in compositione
et figura, idest quae sunt composita et figurata (non enim est figura
nisi compositorum) ; et sicut carentia seu privatio formae,
scilicet corporalis, rerum incorporalium, quae quidem carentia
seu privatio est intangibilis et infigurabilis,
idest ipsa incorporalia, quae carent forma et sunt intangibilia et
infigurabilia (ut intelligamus poni abstractum pro concreto) sunt
incomprehensibilia et incontemplabilia formatis secundum figuras corporum,
idest ipsis corporibus sic, inquam, hoc est, secundum eamdem rationem
veritatis, superponitur unitas, idest Deus, qui est ipsa unitas quasi
existens unus per suam essentiam, quae est supersubstantialis,
superponitur substantiis et quae est super mentem superponitur mentibus,
idest intellectualibus spiritibus ; et ipsum bonum, scilicet
Deus, quod est super deliberationem, idest super omnem
rationem, est indeliberabile omnibus deliberationibus, idest non
investigabile aliqua ratione creata et quod est super verbum,
idest super omnem locutionem creaturae, est ineffabile, idest
indicibile, omni verbo creato. Ubi quatuor tetigit, scilicet
: substantias, quae sunt obiecta cognitionis ; mentem, idest intellectum
simplicem ; deliberationem, idest rationem inquirentem, quae pertinent ad
virtutes cognoscitivas ; et verbum, quod pertinet ad manifestationem
cognitionis. Ponit autem haec quatuor quia non solum intendit ostendere quod
Deus non possit per aliquam virtutem cognoscitivam comprehendi aut locutione
perfecte manifestari, sed quod neque per aliquod obiectum creatum vel per
quamcumque similitudinem creatam. Unde et in exemplis quae ponit, non dicit
quod intelligibilia sint incomprehensibilia sensibus, sed sensibilibus quia
per sensibilia intelligibilia comprehendi non possunt. Et eadem ratio est de
aliis. Et attendendum est quod non solum dixit quod intelligibilia sint incomprehensibilia sensibilibus,
sed etiam incontemplabilia, quia per ea quae sunt inferioris
ordinis, non solum comprehendi non possunt ea quae sunt superioris, sed neque
contemplari. Tunc enim per aliud contemplamur, cum per unum possumus
essentiam illius videre ut sciamus de eo quid est. Comprehenditur autem
illius essentia cum ita perfecte cognoscitur, sicut cognoscibilis est. Qui
enim conclusionem demonstrabilem medio probabili cognoscit, etsi eam
aliqualiter contempletur, non tamen eam comprehendit quia non pertingit ad
perfectum modum suae cognitionis. Sic, igitur, Deus incomprehensibilis quidem
est omni intellectui creato, quia est super omnem mentem et rationem, utpote
plus habens de claritate veritatis in sua essentia, quod ad eius
cognoscibilitatem pertinet, quam aliquod creatum de virtute ad cognoscendum.
Unde nulla creatura potest pertingere ad perfectum modum cognitionis ipsius,
quem nominavit supersubstantialem scientiam, et hoc esset eum
comprehendere. Potest tamen intellectus creatus eius essentiam contemplari
aliquo modo attingendo, non tamen per aliqua obiecta vel species vel
quascumque similitudines creatas, quia nullum horum potest manuducere in
divinam essentiam, multo minus quam corpus in incorpoream essentiam. Sic
igitur, secundum rationem Dionysii oportet dicere quod Deus et
incomprehensibilis est omni intellectui et incontemplabilis nobis in sua
essentia, quamdiu nostra cognitio alligata est rebus creatis, utpote nobis
connaturalibus ; et hoc est in statu viae. Et quia Deum unitatem vocaverat,
ne aliquis credat quod sit unitas formaliter rebus inhaerens, quasi in ipsis
rebus participata, ad hoc excludendum subiungit : unitas,
scilicet per se subsistens, unificans omnem unitatem, idest
diffundens unitatem in omnibus, quae quocumque modo unitatem participant.
Deinde, quia Deum nominaverat unitatem supersubstantialem et bonum super
mentem, posset aliquis credere quod Deus nullo modo posset dici substantia
aut mens aut aliquid huiusmodi et ideo, ad hoc excludendum subdit quod Deus
est quidem substantia sed supersubstantialis. Ad cuius evidentiam considerandum est quod nomina, cum sint a nobis
imposita, sic significant secundum quod res in cognitionem nostram cadunt.
Cum igitur hoc ipsum quod Deus est, sit supra cognitionem nostram, ut
ostensum est, cognitio autem nostra commensuretur rebus creatis, nomina a
nobis imposita non sic significant secundum quod congruit divinae
excellentiae, sed secundum quod convenit existentiae rerum creatarum. Esse
autem rerum creatarum deductum est ab esse divino secundum quamdam
deficientem assimilationem. Sic igitur, secundum quod qualitercumque
similitudo est rerum creatarum ad Deum, nomina a nobis imposita de Deo dici
possunt, non quidem sic sicut de creaturis, sed per quemdam excessum, et hoc
significat quod dicit, quod Deus est supersubstantialis substantia
; et similiter quod subdit quod est intellectus non-intelligibilis,
idest non quales sunt intellectus qui intelliguntur a nobis ; et est verbum
non-dicibile, idest non qualia sunt verba quae a nobis dicuntur. Sicut
autem nomina a nobis imposita, de Deo dici possunt secundum quod aliqua
similitudo est creaturarum ad Deum, ita secundum quod creaturae deficiunt a
repraesentatione Dei, nomina a nobis imposita a Deo removeri possunt et
opposita eorum praedicari. Unde subdit quod Deus sic dicitur ratio, quod
potest dici et irrationabilitas ; et sic dicitur intellectus,
quod potest dici non-intelligibilitas ; et sic dicitur verbum,
quod potest dici innominabilitas ; non quidem propter hoc quod
haec ei deficiant, sed quia secundum nihil existentium est existens,
idest non existit secundum modum alicuius rei existentis ; et ipse quidem est causa existendi omnibus,
transfundens in omnia aliqualiter suam similitudinem, ut sic ex nominibus
creatorum nominari possit ; ipsum autem est non-existens, non
quasi deficiens ab essendo, sed sicut supra omnem substantiam existens
; et est innominabilis, sic ut ipsum de seipso proprie et scienter
enuntiet, idest secundum proprietatem sui esse et secundum perfectam sui
ipsius scientiam, quo modo nullus eum enuntiare potest. Ex iam dictis,
principalem conclusionem infert cum subdit : de hac igitur, sicut
dictum est, supersubstantiali et occulta deitate, non est audendum dicere
neque cogitare aliquid praeter illa quae divinitus nobis ex sanctis eloquiis
sunt expressa ; quod est supra expositum. Deinde, cum subdit : etenim
sicut ipsa et cetera, quod supra rationibus ostendebatur, ostendit
auctoritate, cum dicit quod : ipsa, deitas, de seipsa in sacris eloquiis
tradidit, sicut decet bonam, idest bonitatem eius, ut veritatem,
scilicet, de seipsa tradat ; hoc inquam, tradidit, quod omnibus
existentibus scientia et contemplatio ipsius est invia, idest nullus ad
eam accedere potest, non quidem qualicumque scientia vel contemplatione, sed
qua quod quid est scitur vel contemplatur de ea quod quid est ; quae quidem
est scientia comprehensiva substantiae ipsius. Et haec quidem
scientia vel contemplatio ea ratione est invia, quia est ab
omnibus segregata supersubstantialiter, idest secundum supersubstantialem
deitatis excessum. Ei enim soli competit de se cognoscere quod quid est. Et
hoc praecipue videtur sumptum ex hoc quod dicitur Exod. 33 : non
videbit me homo et vivet et I Tim. 6 : lucem inhabitat
inaccessibilem, quem nullus hominum vidit sed nec videre potest. Et multos
theologorum invenies laudavisse ipsum non solum sicut invisibilem et
incomprehensibilem, sed etiam sicut inscrutabilem et non
investigabilem, secundum illud Iob II : forsitan vestigia Dei
comprehendes et Rom. II : quam incomprehensibilia sunt
iudicia eius et investigabiles viae eius. Et quare dicatur
non-investigabilis, consequenter exponit : sicut non existente ullo
vestigio eorum qui transierunt ad occultam infinitatem ipsius. Superfluit
autem ibi una negatio ; et loquitur secundum proprietatem vocabuli : nam
investigare proprie est per vestigia alicuius euntis per viam, ad viae
terminum perduci. Sic igitur deitas investigari posset, si aliqui accedentes
ad cognitionem ipsius aliqua documenta, quasi vestigia quaedam, nobis
reliquissent per quae ad videndum Deum accedere possemus. Sed hoc non est :
vel quia nulli transierunt in ipsum, si referatur ad visionem comprehensivam,
vel quia illi qui transierunt ad videndum Deum per essentiam, sicut beati
omnes, non potuerunt nobis exprimere ipsam divinam essentiam. Unde et Paulus
raptus ad tertium coelum, dicit se audivisse arcana verba, quae non
licet homini loqui, II Corinth. 12. Sic igitur triplicem modum
cognitionis excludit : primum quidem, illum quo aliquid per seipsum videtur
et hoc cum dicit deitatem : invisibilem ; secundo, modum quo
aliquid cognoscitur per inquisitionem rationis et hoc cum dicit eam inscrutabilem
: scrutari enim inquisitionem importat ; tertio, modum quo aliquid
cognoscitur ab alio addiscendo, per hoc quod dicit non-investigabilem.
Deinde, cum dicit : non tamen et cetera, manifestat quomodo
occultae deitatis cognitio aliis communicatur. Esset enim contra rationem
bonitatis divinae, si cognitionem suam sic sibi retineret quod nulli alteri
penitus communicaret, cum de ratione boni sit quod se aliis communicet. Et
ideo dicit quod licet supersubstantialis Dei scientia soli Deo attribuenda
sit, tamen, cum Deus sit ipsum bonum, non potest esse quod non communicetur
alicui existentium. Nec tamen ita communicatur eius cognitio aliis sicut ipse
seipsum cognoscit ; sed ipse collocans, idest
firmiter conservans singulariter in seipso supersubstantialem radium,
idest supersubstantialem veritatis suae cognitionem sibi soli
reservans, superapparet, quasi dicat, sursum apparet, benigne,
quasi non ex necessitate sed ex gratia, proportionabilibus
illuminationibus, idest secundum proportionales illuminationes, uniuscuiusque
existentium, quasi dicat : suae bonitatis ratio hoc habet ut, reservato
sibi quodam cognitionis modo qui sibi est singularis, communicet inferioribus
ex sua gratia, aliquem modum cognitionis, secundum suas illuminationes, quae
sunt secundum proportionem uniuscuiusque. Et non solum superapparet et illuminat,
sed etiam hoc ipsum quod inferiores mentes illuminatae, utentes dato lumine
ad ipsum cognoscendum accedunt, ab ipso est. Et hoc est quod subdit
quod extendit sanctas mentes ad contemplationem ipsius possibilem eis,
quia, sicut supra dictum est aliquo modo est omnibus contemplabilis. Et quia
qui contemplantur ipsum quodammodo unum cum ipso efficiuntur (secundum quod
intellectus in actu est quodammodo intellectum esse in actu) et per
consequens ei assimilantur utpote ab ipso informati, subdit : et communionem
et assimilationem. Consequenter autem ostendit conditiones sanctarum
mentium quae in Deum extenduntur : quarum prima est quod, secundum quod est
eis licitum ex concessione divina et secundum quod decet eas ex conditione
propria, se ad ipsum ingerunt. Unde subdit : quae, scilicet
mentes, ipsi, idest Deo, se immittunt sicut fas est et ut
decet sanctos, ita scilicet quod neque ad superius aliquid
ex superbia praesumunt, scilicet super id quod est eis
datum convenienter secundum Dei apparitionem sive revelationem, neque iterum prolabuntur
ad inferius, idest non deiiciunt se infra id quod eis datum est, ex
subiectione ad peius, idest ex quadam pusillanimitate, qua relictis
melioribus, peioribus inhaereant. Secunda conditio sanctarum mentium est
quod firme et indeclinabiliter extenduntur ad radium ipsius
supersplendentem, idest ad veritatem eis desuper manifestatam, ut
firmitas referatur ad certitudinem et indeclinabilitas ad immobilitatem.
Tertia conditio est quod affectum amoris, divinis manifestatis exhibeant ; et
hoc est quod subdit : et commensurato amore convenientium
illuminationum, ita scilicet quod affectus eorum circa ea insistat quae
secundum eorum mensuram eis sunt data, per quae elevantur in divina alis
spiritualibus scilicet contemplationibus intellectualibus, cum
reverentia sancta et caste et sancte : reverenter quidem, inquantum se
abstinent ab aliis quae supra eos sunt ; caste autem,
inquantum inferioribus non se detinent ; sancte vero,
inquantum his quae eis data sunt, secundum Dei ordinationem firmiter
inhaerent. |
1.
Donc, dans ce livre intitulé ¨ Des Noms
divins ¨, à l’exemple de ceux qui enseignèrent les sciences en procédant
selon les règles de l’art, il manifeste d’abord certaines notions
pré-requises à l’étude qui suit ; deuxièmement, il commence à exposer son
propos principal au chapitre 3 qui commence ainsi (78) : Et la première… 2. Au
sujet du premier point, il fait deux choses : d’abord, il montre la raison
d’être des Noms divins ; deuxièmement, il montre, au chapitre 2 qui commence ainsi
(31) : Toute l’essence de la Théarchie…,
que les Noms dont il est question dans ce livre sont communs à toutes les
Personnes de la Trinité. 3. Au
sujet du premier point, il fait deux choses : d’abord, il fait suite au livre
précédent où, s’adressant au bienheureux Timothée, il dit qu’après la
présentation ¨Des divines Hypotyposes¨, à savoir des
différences d'après lesquelles se distinguent les Personnes de la Trinité, il
passera au dévoilement, c’est-à-dire à l’exposé des Noms divins dans
la mesure de ses capacités. En effet, une présentation parfaite de ceux-ci
paraît être au-dessus des capacités de l’être humain. 4.
Deuxièmement, là (2) où il dit : Qu’il
en soit…, il commence à présenter ce qui est nécessaire à la
compréhension de l’œuvre qui suit. Et il présente alors deux parties :
d’abord, certes, le mode selon lequel il faut procéder dans cette œuvre car
dans toute science il faut connaître à l’avance le mode selon lequel il faut
procéder. Deuxièmement, il montre la raison d’être des Noms divins sur
lesquels il portera son attention dans cette œuvre, là (11) où il dit : Obéissant à ces… (leçon 2a). Et ces deux aspects sont
suffisamment bien exprimés dans le titre de ce chapitre qui se présente ainsi
: Quelle est l’intention visée par ce
discours ; en effet, cette première partie du titre se rapporte au
premier aspect alors que celle qui suit, à savoir : et que nous dit la tradition au sujet des Noms divins, se rapporte au
second. 5. Au
sujet du premier point, Denys fait deux choses : d’abord, il montre à partir
de quels principes il faut procéder dans cette œuvre ; deuxièmement, il
montre quelles choses doivent y être enseignées, là (4) où il dit : Donc, il ne faut absolument pas… 6. Au
sujet du premier point, il fait deux choses : d’abord, il montre à partir de
quels principes il faut procéder dans cette œuvre, en disant qu’il ne faut
pas s’appuyer sur la raison humaine, mais sur la révélation divine, tenant
cela de l’Apôtre lui-même qui dans sa première Épître aux Corinthiens (2, 4)
dit : ¨ Mon enseignement et ma
prédication ne se réglaient pas sur les discours de la sagesse humaine, mais
sur la puissance de l’Esprit divin qui en faisait une démonstration
convaincante¨. Et c’est ce que Denys dit (2) : Mais qu’il en soit ainsi, c’est-à-dire que s'applique ici et,
c’est-à-dire encore, maintenant la loi
des écrivains sacrés, c’est-à-dire celle qui est transmise dans les
saintes Écritures, déjà définie,
c’est-à-dire déterminée à l'avance par
nous, ainsi qu’elle le fut autrefois par l’Apôtre ; et certes cette loi
est la suivante : nous assurer d'affirmer
et de manifester la vérité de la Parole
de Dieu, non au moyen des paroles séduisantes de la sagesse humaine,
c’est-à-dire sans chercher à nous appuyer sur les principes de la sagesse
humaine comme sur les principaux moyens pour prouver notre propos, sagesse
qui procède selon la raison naturelle, mais
plutôt à nous appuyer sur les
démonstrations tirées de la puissance des Théologiens, c’est-à-dire de
ceux qui enseignèrent les Écritures canoniques, à savoir les Apôtres et les
Prophètes ; et je dis de la puissance
parce qu’ils étaient mus par l’Esprit,
à savoir l’Esprit-Saint. En effet, Denys s’appuie dans sa doctrine sur
l’autorité de l’Écriture sainte, qui possède solidité et puissance du fait
que les Apôtres et les Prophètes, lorsqu’ils parlaient, étaient mus par
l’Esprit-Saint qui se révélait à eux et parlait en eux. 7.
Deuxièmement, il amène la raison qui fonde la règle qui précède, là (3) où il
dit : Selon laquelle… Et voici la force de sa raison : Nous pouvons nous appuyer sur les
principes de la sagesse humaine dans ces doctrines dans lesquelles les choses
qui sont enseignées peuvent être connues et exprimées par les hommes et
qu’elles le sont par ces hommes qui possèdent ces sciences. Mais dans la doctrine de la foi
sont proposées à l’homme des vérités inconnues et indicibles auxquelles ceux
qui ont la foi adhèrent sans en avoir une connaissance qu’ils pourraient
expliquer parfaitement par leurs mots, bien qu’ils y adhèrent plus fermement
et qu’une adhésion de cette sorte soit plus élevée que celle qu’on retrouve
dans toute autre connaissance naturelle. Donc, dans la doctrine de la foi
nous ne pouvons pas nous appuyer sur les principes de la sagesse humaine. 8. Et
de fait c’est ce que Denys dit de cette adhésion par ces mots : Selon laquelle, c’est-à-dire
conformément à la puissance de la révélation qui part de l’Esprit-Saint pour
parvenir aux Apôtres et aux Prophètes, nous
nous unissons aux réalités inexprimables et cachées, c’est-à-dire à la
vérité divine qui dépasse toute parole et toute connaissance humaines. Et la
foi n’unit pas le croyant à ces réalités de telle sorte qu’elle lui fasse
connaître et exprimer ces réalités telles qu’elles sont en elles-mêmes, car
alors il en aurait une vision claire, mais elle l’unit à elles d’une manière inexprimable et cachée
ainsi qu’on le voit dans la première Épître aux Corinthiens (13, 12) : ¨En effet, nous voyons maintenant comme
dans un miroir, par énigme¨. 9. Et
afin qu’on ne méprise pas cette union à cause de son imperfection, il ajoute
: selon une union meilleure que l'union
de la puissance et de l’opération rationnelle et intellectuelle,
c’est-à-dire une union qui est au-dessus de la puissance et de l’opération de
notre raison et de notre intelligence, et il présente ici la forme du génitif
au lieu de celle de l’ablatif, comme le font généralement les Grecs. En effet, nous sommes unis par la
foi à des réalités plus élevées que ne le sont celles auxquelles parvient
notre raison naturelle et nous y adhérons d'autant plus fermement que la
révélation divine est plus certaine que la connaissance proprement humaine.
Et il dit : rationnelle et
intellectuelle, car parmi les choses qui sont naturellement connues de
nous, certaines s’aperçoivent d'elles-mêmes sans aucune recherche et ce sont
elles qui sont l’objet propre de l’intelligence ; mais certaines autres en
vérité nécessitent une recherche et sont l’objet de la raison. Mais il dit : de l’opération et de la puissance, car
nous connaissons plusieurs choses en puissance que nous ne considérons pas en
acte. 10.
Ensuite, lorsqu’il dit (4) : Donc, il
ne faut absolument pas…il montre de quoi on doit traiter dans cette
doctrine ; et d’abord, il présente son propos ; ensuite, il le manifeste, là
(5) où il dit : Car la science
supra-substantielle… 11. Et
il termine son propos à partir de ce qu’il vient de dire. On observe en effet
dans les sciences humaines que les principes et les conclusions sont du même
genre. Ainsi donc les principes à partir desquels procède la science sacrée
sont ceux qui sont reçus par la révélation du Saint-Esprit et qui sont
contenus dans les saintes Écritures : c’est donc ce qu’il conclut qu'en
aucune manière quelqu’un ne doit oser dire
de sa bouche ni même penser quelque
chose concernant la Déité cachée et supra-substantielle, laquelle dépasse
toute substance et qui à cause de cela nous demeure cachée, par opposition
aux substances créées dont la connaissance et l'expression nous sont
proportionnées, qui soit opposé aux
vérités qui nous ont été divinement exprimées à partir des saints prophètes,
c’est-à-dire qui sont exprimées par les écrivains sacrés. Et c’est
significatif de sa part de ne pas avoir dit : chez les saints prophètes mais
plutôt à partir des saints prophètes car les conclusions qu’on peut
tirer de ce qui est contenu dans les saintes Écritures ne sont pas étrangères
à cette doctrine bien qu’elles-mêmes n’y soient pas contenues. 12.
Ensuite, lorsqu’il dit (5) : Car la
science supra-substantielle…il avance le raisonnement qui prouve son propos
; et d’abord, il présente le raisonnement ; ensuite, il prouve certaines
choses qu’il supposait dans son raisonnement, là (6) où il dit : Et de fait… 13. La
force de son raisonnement est la suivante : nul ne peut penser ou parler de
ce qui est connu par un seul être, à moins que cela ne lui soit manifesté par
cet être. Mais il appartient à Dieu seul de
se connaître parfaitement lui-même quant à ce qu’il est. Donc nul ne peut en
vérité dire ou penser quelque chose au sujet de Dieu à moins que cela ne lui
ait été révélé par Dieu. Mais certes cette révélation
divine est contenue dans les saintes Écritures. 14. Et
c’est ainsi que Denys dit qu’il
convient de lui attribuer, c’est-à-dire à Dieu seul, la science supra-substantielle de l’ignorance supra-substantielle,
c’est-à-dire de la supra-substantialité divine inconnue : laquelle supra-substantialité n’est
certes pas inconnue en raison d’un défaut qui lui serait propre, mais en
raison de son excellence, car bien sûr elle
est au-dessus de la raison et de l’intelligence créées et elle transcende
aussi la substance créée elle-même
qui est un objet proportionné à l’intelligence créée, tout comme l’essence
incréée est proportionnée à la science incréée. Et alors, comme l’essence
divine est supra-substantielle, ainsi il appelle supra-substantielle la science qui Lui correspond. En effet, il
faut toujours que l’objet d’une puissance cognitive soit proportionné à cette
puissance. 15.
Mais afin que nous ne soyons pas totalement établis dans une ignorance de
Dieu, il ajoute : je dis qu’il convient que, tournant vers le haut notre raison au moyen de la contemplation
spirituelle, c’est-à-dire vers ce qui nous dépasse, à savoir vers Dieu, nous
tendions vers les splendeurs
supérieures, à savoir les vérités intelligibles des réalités divines, autant que le rayon des paroles
théarchiques se projette, c’est-à-dire se déploie vers nous. En effet, la vérité des saintes
Écritures est comme une certaine lumière issue de la Vérité première à la
manière d’un rayon, laquelle lumière ne se déploie pas au point que par elle
nous puissions voir l’essence de Dieu ou connaître tout ce que Dieu connaît
en lui-même ou tout ce que les anges et les bienheureux connaissent en voyant
son essence, mais jusqu’à un certain point et dans une certaine mesure les
vérités intelligibles des réalités divines nous sont manifestées par la
lumière des saintes Écritures. 16. Et ainsi, alors que nous n’avançons
pas dans la reconnaissance des réalités divines davantage que ne le permet la
lumière des Saintes Écritures, nous
sommes par cela liés, et comme contenus à l’intérieur de certaines
limites, au sujet des réalités divines,
par une certaine tempérance et une
certaine sainteté : par une
sainteté certes pour que nous conservions pure de toute erreur la vérité
des Saintes Écritures ; et en vérité par une
tempérance pour que nous ne nous y engagions pas davantage que ce qui est
permis par elles. 17.
Ensuite, lorsqu’il dit (6) : Et de fait…,
il explique ce qu’il avait supposé dans cet argument : et d’abord certes, que
Dieu n’est connu que de Lui-même et qu’Il nous est inconnu ; deuxièmement, il
manifeste le mode par lequel la connaissance de Dieu nous est communiquée, là
(10) où il dit : Cependant il n’est pas
incommunicable… 18. Il
manifeste le premier point, à savoir que Dieu n'est connu que de Lui-même, de
deux manières : d’abord, par des raisonnements ; deuxièmement, au moyen
d’arguments tirés d’autorités, là (9) où il dit : Et de fait tout comme elle-même au sujet d’elle-même… 19. Et
il présente, en premier lieu, deux raisonnements, dont voici le premier :
Dieu révèle les réalités divines proportionnellement à ceux auxquels Il les
révèle ; mais connaître l’infini dépasse la mesure d'une intelligence finie ;
donc, ce qu’est Dieu en lui-même, son essence, ne peut être connu par
quiconque à partir de la révélation divine. 20. Et
c’est justement ce que Denys dit : certaines réalités divines sont révélées par Dieu et sont examinées par nous proportionnellement aux esprits de
chacun. Et il ajoute : s’il
convient de croire quelque chose de la Théologie, c’est-à-dire des
saintes Écritures qui sont d'une sagesse achevée et d’une vérité parfaite.
C’est Matthieu (25, 15) en effet qui dit : ¨Il donna…à chacun selon la puissance qui lui est propre¨. 21. Et
il faut remarquer qu’il présente deux arguments permettant de conclure que
les saintes Écritures doivent être crues au plus haut point. En effet, s’il
arrive que certains ne croient pas quelqu’un, cela se produit pour deux
raisons : soit parce que ce dernier est ignorant ou qu’il a la réputation de
l’être, soit parce qu’il est menteur ou qu’il a la réputation de l’être. D’où
il suit que, puisque les Saintes Écritures sont d’une sagesse achevée et
d’une vérité parfaite parce qu’elles sont révélées et transmises par Dieu qui
est la Vérité même et qui connaît tout, les saintes Écritures doivent être
crues au plus haut point. 22. Et
je dis que c'est par sa démesure,
c’est-à-dire par l’infinité de son essence divine que la bonté théarchique, à savoir divine, est
séparée des réalités mesurées,
c’est-à-dire finies ; mais non pas certes à ce point qu’elle ne soit connue
d’aucune manière, mais de telle sorte qu’elle ne soit pas contenue par une
connaissance compréhensive. Et c’est à cause de cela qu’il ajoute : comme incompréhensible. Car l’essence
divine est certes atteinte par l’esprit des bienheureux mais non pas
comprise. Et c’est cela certes qui nous fait rendre hommage à Dieu en
toute justice. Et c’est en cela en effet que consiste la définition de la
justice distributive, à savoir : donner à chacun selon sa condition. Et ainsi
que tout l’ordre politique est conservé au moyen de la justice distributive
constituée par le chef de la cité, de même c’est par cette sorte de justice
que Dieu conserve tout l’ordre de l’univers ; s’il la retirait, tout
demeurerait chaotique. Et certes, Il le réalise ainsi qu’il convient à Dieu de le faire ; il convient en effet à
Dieu dans sa bonté de conserver ceux qu’il a créés. 23. Il
présente son deuxième raisonnement là (7) où il dit : En effet, tout comme sont incompréhensibles… et qui se présente
ainsi : Un genre d’êtres supérieurs ne peut être compris par un genre
inférieur, comme les réalités intelligibles ne peuvent être comprises
parfaitement par les réalités sensibles, ni celles qui sont simples par
celles qui sont composées, ni les incorporelles par les corporelles ; mais
Dieu est au-dessus de tous les genres d’êtres ; il ne peut donc être compris
par aucun d’eux. 24. Et
c’est ce que Denys dit : en effet,
comme les réalités intelligibles ne peuvent être ni comprises ni contemplées
par les réalités sensibles, c’est-à-dire au moyen des réalités sensibles
; et celles qui sont simples et ne
peuvent avoir de configuration ne peuvent l’être non plus par celles qui sont
composées et possèdent une configuration (la figure en effet n’existe que
dans les réalités composées) ; et comme l’absence
ou la privation de forme corporelle
chez les réalités incorporelles,
lequel manque ou privation est certes intangible
et ne peut être représenté,
c’est-à-dire que les réalités incorporelles elles-mêmes, qui manquent de
forme corporelle, sont intangibles et ne peuvent être représentées ( pour que
nous comprenions que c'est l’abstrait qui est présenté au lieu du concret), sont incompréhensibles et ne peuvent être
contemplées par celles qui ont été formées d'après des formes corporelles,
à savoir par les réalités corporelles elles-mêmes ; il en est de même,
dit-il, et conformément à la même
raison de vérité, de l’Unité qui
est placée au-dessus de tout, c’est-à-dire de Dieu qui est l’unité même
qui existe pour ainsi dire une par son essence, qui est supra-substantielle, qui est placée au-dessus de toute
substance et qui est au-delà de
l’esprit, surpasse tout esprit,
c’est-à-dire tout esprit intellectuel ; et
la Bonté même, à savoir Dieu, qui
est au-dessus de toute réflexion, c’est-à-dire au-dessus de toute raison,
ne peut faire l’objet d’un discours de
la part d’aucun de ceux qui sont capables de raison discursive,
c’est-à-dire qu’il ne peut faire l’objet d’une recherche par aucune raison
créée et ce qui est au-dessus de toute
parole, c’est-à-dire ce qui est au-dessus de toute expression venant
d’une créature, est inexprimable, à
savoir indicible de la part de tout
verbe créé. 25. Et
là il touche à quatre notions, dont les trois premières se rapportent aux
puissances cognitives à savoir : les
substances, qui sont objets de connaissance, l’esprit, c’est-à-dire l’intelligence simple, et le discours, c’est-à-dire la raison
qui est en recherche ; la quatrième, la
parole, se rapporte à l’expression de la connaissance. Et il présente ces
quatre aspects parce qu’il ne cherche pas seulement à montrer que Dieu ne
peut être compris ni parfaitement manifesté par aucune puissance cognitive
mais aussi qu’il ne peut l’être non plus par aucun objet créé ou aucune
similitude créée. C’est pourquoi, dans les exemples qu’il présente, il ne dit
pas seulement que les réalités intelligibles ne peuvent être saisies par les
sens, mais plutôt qu'elles ne peuvent être saisies par ce qui est perçu par
les sens, car les réalités intelligibles ne peuvent être saisies au moyen des
réalités sensibles. Et la même raison vaut pour les autres sortes de
réalités. 26. Et
il faut remarquer qu’il ne dit pas seulement que les réalités intelligibles ne
peuvent être saisies par les réalités sensibles, mais encore qu’elles ne
peuvent être contemplées par elles, car celles qui sont d’un ordre
supérieur ne peuvent non seulement être saisies ou comprises par les réalités
qui sont d’un genre inférieur mais elles ne peuvent non plus être contemplées
par elles. En effet, c’est à ce moment-là que nous contemplons une chose au
moyen d’un autre, lorsqu’au moyen de cette dernière nous pouvons voir
l'essence de la première de manière à savoir ce qu’elle est. Mais son essence
est comprise lorsqu’elle est connue parfaitement quant à tout ce qui peut
être connu d’elle. En effet, celui qui parvient à une conclusion manifestée
par un moyen terme probable ne la comprend pas même s’il la contemple d’une
certaine manière car il n’est pas parvenu au mode parfait de sa connaissance. 27.
Ainsi donc, Dieu est certes incompréhensible à toute intelligence créée, car
il transcende tout esprit et toute raison, vu qu’il possède plus de lumière
de vérité en son essence pouvant le rendre connaissable que ce qu’un être
créé possède de puissance à le connaître. D’où il suit qu’aucune créature ne
peut parvenir à le connaître selon un mode qui serait parfait et qu’il nomme la science supra-substantielle, qui
serait le seul qui permettrait de le comprendre. L’intelligence créée peut
cependant contempler son essence en y touchant en quelque sorte, non pas
cependant au moyen de certains objets ou d'espèces ou de quelques autres
similitudes créées, car rien de cela ne peut conduire à l’Essence divine,
encore beaucoup moins qu’un corps ne peut nous amener à connaître une essence
incorporelle. Ainsi donc, d’après l’argument de
Denys, il faut dire que Dieu est incompréhensible à toute intelligence et que
nous ne pouvons le contempler en son essence aussi longtemps que notre
connaissance est attachée aux choses créées, vu qu’elles nous sont
connaturelles ; et il en est ainsi dans l’état de la vie présente. 28. Et
parce que Denys avait appelé Dieu l’Un, afin que personne ne croie que
l’unité est inhérente aux choses à la manière d’une forme, comme si elle
était partagée dans les choses elles-mêmes, il ajoute, pour écarter cette
opinion : l’Un, c’est-à-dire le
subsistant par soi, qui unifie
toute unité, c’est-à-dire qui répand l’unité dans toutes les choses,
lesquelles participent de l’Un d’une certaine manière. Ensuite, parce qu’il
avait appelé Dieu l’un supra-substantiel et le bien qui est au-dessus de tout
esprit, quelqu’un pourrait croire que Dieu ne peut en aucune manière être
appelé substance ou esprit ou être nommé au moyen de quelque autre terme de
la sorte ; et c’est à cause de cela, pour écarter cette opinion, qu’il ajoute
que Dieu est certes une substance,
mais une substance supra-substantielle. 29.
Pour rendre cela plus clair, il faut considérer que puisque c’est par nous
que les noms sont assignés, ils signifient d’une manière qui est conforme à
la manière dont les choses parviennent à notre connaissance. Donc puisque
Dieu, quant à ce qu’il est, est au-dessus des capacités de notre
connaissance, ainsi que nous l’avons montré, et que celle dernière est
mesurée par les choses créées, les noms que nous assignons ne signifient pas
d’une manière qui serait conforme à l’excellence divine, mais d’une manière
qui est conforme à l’existence des choses créées. Mais l’être des choses créées est
tiré de l’Être divin selon une faible ressemblance. Ainsi donc, selon qu’il existe de
quelque manière que ce soit une ressemblance des choses à Dieu, les noms que
nous attribuons à Dieu peuvent se dire de Lui non à la manière dont nous les
disons des créatures mais par manière d'excellence et c’est ce que Denys veut
signifier lorsqu’il dit que Dieu est une
substance supra-substantielle ; et c'est de la même manière qu'il ajoute
que Dieu est une intelligence
inintelligible, distincte des intelligences que nous pouvons comprendre, et une parole indicible, c’est-à-dire
distincte des paroles que nous formons. 30.
Mais comme les noms que nous assignons peuvent être attribués à Dieu
conformément à une certaine ressemblance des créatures à l’égard de Dieu,
ainsi, puisque les créatures sont loin de représenter Dieu adéquatement, les
noms que nous Lui attribuons peuvent Lui en être retirés et leurs opposés Lui
être attribués. C’est pourquoi il ajoute qu'on peut dire de Dieu qu'il est
raison mais de telle manière qu'on puisse aussi dire de lui qu'il est irrationnel ; et de la même manière,
on peut l’appeler intelligence mais aussi le qualifier d'inintelligible ; et de même qu’on dit de Lui qu’Il est le verbe, on peut aussi dire de Lui
qu’Il est l’indicible ; non certes
parce que ces attributs lui font défaut, mais parce qu’il existe selon rien de ce qui existe, c’est-à-dire qu’il
n’existe pas à la manière des choses qui existent en dehors de Lui ; et
Lui-même certes est cause de
l’existence de toutes les choses,
déversant en toute chose de quelque manière sa ressemblance, de telle sorte
qu’Il puisse être nommé à partir des noms des créatures ; mais Lui-même est totalement exclu de la
catégorie de l'être, non pas qu’Il manque d’être, mais parce qu’Il existe au-dessus de toute substance ; et Il
est innommable, de telle sorte que
c’est Lui-même qui puisse énoncer quelque chose de Lui-même proprement et
avec science, c’est-à-dire conformément à ce qui est propre à son être et
conformément à la connaissance parfaite qu’Il a de Lui-même et d’une manière
telle que nul autre ne puisse L’exprimer. 31. De
ce qu’il a dit, Denys tire sa conclusion principale lorsqu’il ajoute (8) : Donc, ainsi que nous l’avons dit, il ne
faut oser dire ni même penser, au sujet de cette divinité supra-substantielle
et cachée, rien de ce qui s’écarterait de ce qui nous a été divinement révélé
par les Saintes Écritures ; et c’est ce qui avait été proposé plus haut (11). 32. Ensuite, lorsqu’il ajoute (9) : Et de fait, comme Elle-même…ce qu’il avait montré plus haut par des arguments, il le montre ici au moyen d’une autorité, lorsqu’il dit : Elle-même, la Divinité, enseigne au sujet d’elle-même dans les auteurs sacrés, ainsi qu’il convient à sa bienveillance, c’est-à-dire à sa bonté, qu'il lui appartient d’enseigner la vérité au sujet d’elle-même ; elle enseigne, dit-il, que la science et la contemplation d'Elle-même est inaccessible à tout ce qui existe, c’est-à-dire que nul ne peut s’en approcher, et on ne parle pas ici de n’importe quelle science ou contemplation, mais de celle grâce à laquelle on connaît ou contemple ce qu’est sa Divinité ; laquelle science est une science compréhensive de sa substance. Et certes cette science ou contemplation est inaccessible pour cette raison qu’elle est séparée de toute chose supra-substantiellement, en raison de l’excellence supra-substantielle de Dieu. C’est à Lui seul en effet qu’il appartient de connaître ce qu’Il est. 33. Et cela semble être tiré principalement de ce qui est dit dans le livre de l’Exode (33, 20) : ¨Aucun humain ne peut me voir de face et rester en vie¨ et dans la première épître à Timothée (6, 16) Paul dit : ¨Il habite une lumière dont personne ne peut s'approcher. Aucun être humain ne l'a jamais vu ni ne peut le voir¨. Et tu trouveras de nombreux théologiens qui L’ont loué non seulement comme étant invisible et incompréhensible mais aussi comme ne pouvant faire l’objet d’un examen ou d’une recherche ainsi qu’on peut le lire dans Job (11, 7) : ¨Mais peux-tu saisir la perfection du Dieu¨ ? Et dans l’épître aux Romains (11, 33) : ¨Qui pourrait expliquer ses décisions ? Qui pourrait comprendre ses plans¨ ? 34. Et Denys explique plus loin pourquoi il dit que Dieu ne peut faire l’objet d’une recherche : ¨Comme il n’existe aucune trace de ceux qui passèrent à sa secrète infinité¨. Et ici il y a une négation en trop ; et il parle d’après ce que le terme signifie à proprement parler : car rechercher consiste à proprement parler à parvenir au terme d’un chemin au moyen des traces de celui qui va sur le chemin. Si donc la Divinité pouvait faire l’objet d’une recherche, si certains étaient parvenus à la connaissance de Celle-ci, il nous resterait certains documents au moyen desquels, comme au moyen de certaines empreintes, nous pourrions parvenir à la vision de Dieu. Mais il n’en n’est pas ainsi : soit parce qu’aucun n’y est parvenu, si on se réfère à une vision compréhensive, soit parce que ceux qui passèrent à une vision de l’essence de Dieu, comme le firent les bienheureux, ne purent nous exprimer cette essence divine. C’est pourquoi Paul, qui fut ravi au troisième ciel, dit avoir entendu ¨ des paroles inexprimables et qu’il n’est permis à aucun être humain de répéter¨, ainsi qu’on peut le lire dans sa deuxième lettre aux Corinthiens (12, 4). 35. Ainsi donc, Denys écarte ici trois modalités de connaissances : la première certes est celle par laquelle une réalité est vue en elle-même et c’est celle dont il parle quand il dit que la Divinité est invisible ; la deuxième est celle par laquelle une chose est connue par une recherche de la raison et c’est celle qu’il écarte quand il dit qu’Elle ne peut faire l'objet d'un examen : en effet, examiner implique une recherche ; la troisième modalité est celle par laquelle une chose est connue en l’apprenant d'un autre et c’est celle qu’il vise quand il dit que la Divinité ne peut faire l'objet d'une investigation. 36. Ensuite, lorsqu’il dit (10) : Il n'est cependant pas…il manifeste comment la connaissance de la Divinité cachée est communiquée aux autres. Il serait en effet contraire à la nature même de la Bonté divine de garder pour elle-même la connaissance d’elle-même en ne se communiquant intimement à aucun autre être, étant donné qu’il est dans la nature même de la bonté de se communiquer aux autres. Et c’est pourquoi Denys dit que bien que la science supra-substantielle de Dieu ne doive être attribuée qu’à Dieu seul, cependant, puisque Dieu est la bonté même, il est impossible qu’Il ne se communique pas à certains êtres. 37.
Cependant la connaissance de Lui-même qu’il communique aux autres n’est pas
identique à celle qu’il possède de Lui-même ; mais Lui-même, établissant,
c’est-à-dire conservant fermement et séparément
en Lui-même le rayon supra-substantiel, c’est-à-dire se réservant à Lui
seul la connaissance supra-substantielle de sa vérité, Il se manifeste de l'au-delà, comme s’il disait qu’il apparaît de
haut, bienveillamment, non par
nécessité, mais comme par complaisance, par
des illuminations proportionnelles, c’est-à-dire selon des illuminations proportionnelles
à chacun des êtres, comme si Denys
voulait dire par là : la nature de sa bonté est telle que, s’étant réservé un
mode de connaître qui Lui est unique, Il communique néanmoins aux êtres
inférieurs par pure grâce un mode de connaître, de par son rayonnement qui
est proportionnel aux capacités de chacun. 38. Et
non seulement il se manifeste de l'au-delà et rayonne, mais ce fait lui-même,
à savoir que les esprits inférieurs ainsi éclairés se servent de la lumière
qui leur a été donnée et s’approchent de Lui pour le connaître, cela même
doit être attribué à Dieu. Et c’est ce que Denys ajoute en disant qu’Il attire les saints esprits dans la
contemplation qu’il leur est possible d’avoir de Lui, car, ainsi que nous
l’avons dit (36), il peut en un certain sens être contemplé par tous.
Et parce que ceux qui Le contemplent ne font plus qu’un avec Lui d’une
certaine manière (selon que l’intelligence en acte et ce qui est saisi en
acte par elle ne font plus qu’un) et Lui sont par conséquent assimilés puisqu’ils
sont façonnés par Lui, il ajoute : à la fois dans la communion et l’assimilation. 39.
Mais par la suite il montre les conditions dans lesquelles doivent se trouver
les saints esprits qui s'avancent vers Dieu : et la première est qu’ils ne
s'élancent vers Lui que selon ce qui leur est permis à partir de ce que Dieu
leur accorde, et selon ce qui leur convient à partir de leur nature propre.
C’est pourquoi Denys ajoute : lesquels,
c’est-à-dire les esprits, à Lui-même,
à savoir à Dieu, s’abandonnent ainsi
qu’il est permis et qu’il convient aux saints, c’est-à-dire de telle
sorte qu’ils n'usurpent pas par
orgueil ce qui les dépasse,
c’est-à-dire qu'ils ne cherchent pas à s'avancer au-delà de ce qui leur a été
convenablement donné suite à
l’apparition ou à la révélation de Dieu et qu’ils ne se laissent pas entraîner vers le bas, c’est-à-dire
qu’ils ne s’abaissent pas à ce qui est au-dessous de ce qui leur a été donné,
par une soumission à ce qu’il y a de
pire, de sorte que, par suite d’une certaine faiblesse, ils finissent par
adhérer à ce qu’il y a de pire après avoir abandonné ce qu’il y a de
meilleur. La seconde condition des saints
esprits est qu'ils tendent avec
fermeté et constance vers son Rayon divin qui les illumine de l'au-delà,
c’est-à-dire vers la vérité qui leur a été manifestée, la fermeté se référant
à la certitude et la constance à l’immobilité. La troisième condition est qu’ils
manifestent extérieurement un sentiment d'amour aux réalités divines qui leur
ont été dévoilées ; et c’est ce que Denys ajoute par ces mots : et dans un élan amoureux proportionné aux
illuminations qu'ils ont reçues, c’est-à-dire de telle sorte que leur
sentiment s’attache aux lumières qui leur ont été données selon leur mesure
et grâce auxquelles ils sont élevés
aux réalités divines par des ailes spirituelles, c’est-à-dire par des
contemplations intellectuelles, avec
une crainte sacrée et respectueuse et d’une manière pure et sainte : avec
une crainte sacrée certes, selon qu’ils s’abstiennent de ce qui est au-dessus
d’eux ; d’une manière pure selon
qu’ils ne s’arrêtent pas aux réalités inférieures ; d’une manière sainte en vérité, selon qu’ils adhèrent avec
fermeté à ce qui leur a été donné conformément aux décrets de Dieu. |
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LECTIO 2 [84835] In De divinis
nominibus, cap. 1 l. 2 Postquam Dionysius ostendit modum huius doctrinae
quantum ad ea quae traduntur in ipsa et ex quibus procedit, hic incipit
prosequi de ratione divinorum nominum, de quibus in hoc libro intendit : et
primo, ostendit quam cognitionem de Deo per divina nomina possumus accipere ;
secundo, qualiter Deus nominari possit ; ibi : omnium quidem et
cetera. Circa primum duo facit : primo ostendit quam cognitionem de Deo per
divina nomina accipiamus ; secundo, ostendit quomodo, post huiusmodi
cognitionem, hoc ipsum quod Deus est remanet nobis occultum ; et hoc, ibi
: nunc autem et cetera. Circa primum duo facit : primo
ostendit qualis cognitio de Deo per divina nomina accipi possit ; secundo,
assignat differentiam huius cognitionis ad cognitionem quae erit in patria ;
ibi : haec et nos et cetera. Circa primum, duo facit :
primo, ostendit quam cognitionem de Deo per divina nomina accipere possumus ;
secundo, ostendit hoc quasi exemplariter, per quaedam Dei nomina ; ibi
: haec autem et cetera. Dicit ergo primo quod nos sequentes
has, scilicet praedictas thearchicas, idest divinas leges,
ut scilicet commensurate secundum nostram mensuram et firmiter et cum amore,
divinis illuminationibus nos immittamus ; quae quidem leges
non solum homines sanctos, sed etiam gubernant supercoelestium
ordinum et substantiarum sanctos ornatus, idest, ornant pulchras et
ordinatas dispositiones Angelorum ; venerantes per hoc et
occultum deitatis, quod quidem est super mentem et
substantiam, reverentiis mentis inscrutabilibus, idest habitis ad Deum in
hoc quod non scrutamur occulta Dei ; et sanctis, quia talis
reverentia ad sanctitatem pertinet ; et venerantes indicibilia deitatis casto
silentio, quod quidem dicit, quia occulta per hoc veneramur quod ea non
scrutamur et ineffabilia per hoc quod ea silemus ; et hoc quidem ex
sanctitate et castitate animi provenit, non se extra suas metas extendentis ;
sic, inquam, venerantes divina, secundum sequelam divinarum legum, extendimur
ad splendores nobis illucentes in sanctis eloquiis, idest ad veritates
sacrae Scripturae hominibus revelatas et ab ipsis sacrae
Scripturae splendoribus, illuminamur ad thearchicos hymnos, idest
ad divina nomina, quibus Deus laudatur, cognoscenda. Per haec enim scimus
laudare Deum viventem, bonum et alia huiusmodi, quae hic nobis de Deo in
Scripturis sacris traduntur ; nos, inquam, illuminati ab ipsis hymnis, supermundane,
idest super virtute naturalis rationis et quodammodo configurati ad
sanctas enuntiationes hymnorum, idest divinarum laudum quae traduntur in
Scripturis per divina nomina, in quantum scilicet eorum fide
informamur. Illuminati, inquam, et figurati ad
hoc, scilicet, quod per huiusmodi hymnos videamus, secundum nostram
mensuram, thearchica, idest divina lumina nobis data et
ad hoc quod laudemus principium totius sanctae
apparitionis luminis spiritualis ; quod quidem principium non solum
spirituale lumen tradit mentibus, sed universaliter bonum, sicut
ipsum principium de seipso tradit in sacris eloquiis
; in Psalmo 103 : aperiente te manum tuam, omnia implebuntur bonitate
; et Lucae II dicitur : pater vester de coelis, dabit spiritum bonum
petentibus se. Est igitur sensus praemissorum, quod desistamus a
perscrutatione divinorum secundum rationem nostram, sed inhaereamus sacrae
Scripturae, in qua traduntur nobis nomina divina, per quae manifestantur
nobis dona Dei et donorum principium. Per divina igitur nomina, quae nobis in
sacris Scripturis traduntur, duo cognovimus, scilicet : diffusionem sancti
luminis et cuiuscumque bonitatis seu perfectionis, et ipsum principium huius
diffusionis, utpote cum dicimus Deum viventem, cognoscimus diffusionem vitae
in creaturis et principium huius diffusionis esse Deum. Et hoc quidem
principium non cognoscimus per divina nomina sicuti est, hoc enim est
indicibile et inscrutabile, sed cognoscimus eum ut principium et ut causam.
Et ad manifestandum huius principii rationem, primo ponit quaedam quae
pertinent ad universalem rationem principii, cum dicit : sicut quod
est omnium causa et principium, ut causa referatur ad finem, quae est
prima causarum et principium ad causam agentem, a qua incipit operatio et
motus. Consequenter autem ponit quae pertinent ad rationem principii respectu
determinatorum effectuum : et primo, quantum ad institutionem rerum, cum
dicitur : et substantia et vita, quia scilicet, per hoc
principium existunt omnia existentia et vivunt omnia viventia ; deinde,
quantum ad meliorationem rerum in spiritualibus quae quidem secundum tria
attenditur, idest, secundum purgationem, illuminationem et perfectionem. Haec
autem tria ab Angelis quidem complentur secundum intellectum tantum : qui
quidem purgant, nescientiam removendo ; illuminant intellectum, auxilium
praebendo ad cognoscendum veritatem ; perficiunt autem dum ad cognitionem
veritatis perducunt. Perfectio enim rei consistit in hoc quod
pertingat ad finem. Unde in VII cap. angelicae hierarchiae dicitur quod purgatio,
illuminatio, perfectio est divinae scientiae assumptio. Sed ad Deum
pertinet non solum intellectum, sed etiam voluntatem mutare in melius et
quantum ad hoc loquitur hic de purgatione, illuminatione, et perfectione.
Ponit autem quinque ad purgationem pertinentia. Cum enim peccatum quo
inquinatur voluntas, contingat ex hoc quod homo, propter bonum temporale, ab
incommutabili bono avertitur, primum in purgatione voluntatis est quod
voluntas ad bonum incommutabile reducatur ; et quantum ad hoc dicit quod
divinitas est revocatio et resurrectio decidentium ab ipsa,
scilicet per peccatum. Et ponit revocationem et resurrectionem,
quia non solum attrahit nos, quod est revocare, sed etiam dat vires ut
revocati surgamus. Secundum autem est, quod ex hoc quod placet voluntati
humanae Deus, derelinquat illud commutabile bonum propter quod a Deo recessit
; et quantum ad hoc dicit quod Deus est renovatio et reformatio eorum
quae sunt prolapsa ad corruptivum deiformis, idest, divinae similitudinis
in nobis ; hoc autem est peccatum. Contingit autem, dum alicui incipit Deus
placere et peccata displicere, quod a principio quamdam titubationem mentis
patiatur, nunc huc nunc illuc tractus, unde indiget ut in uno collocetur ; et
quantum ad hoc, tertio, dicit quod Deus est collocatio sancta eorum
quae moventur secundum quamdam immundam commotionem. Ulterius autem
indiget homo, postquam est collocatus in uno, ut in illo firmetur, ne per
tentationes facile ab illo statu removeatur ; et quantum ad hoc dicit,
quarto, quod est firmatio stantium. Ulterius autem necesse est
quod homo ad meliora proficiat ; et quantum ad hoc, quinto, dicit quod
est suscitativa manuductio sursum actorum, idest eorum quae
sursum aguntur, idest proficiunt, ad ipsam, scilicet deitatem.
Dicitur autem suscitativa manuductio, quia non solum porrigit manum auxilii
volentibus proficere, sed etiam ad proficiendum excitat. Post haec igitur
quinque, quae ad purgationem pertinent, subdit de illuminatione, cum dicit
: et eorum quae illuminantur, illuminatio, quae quidem
illuminatio intelligitur quantum ad hoc quod lumen suae gratiae tradit sive
ad perfectionem intellectus sive ad perfectionem affectus. Et ulterius subdit
de perfectione, quam quidem tangit dupliciter : primo, quidem, secundum quod
aliquid perfici dicitur per hoc quod attingit finem proximum, puta iustitiam
vel qualemcumque virtutem ; et hoc cum dicit : et eorum quae
perficiuntur perfectionis principatus, respectu propriae perfectionis,
quia quaecumque est propria rei perfectio, principaliter praeexistit in Deo,
sicut regimen civitatis principaliter praeexistit in principe. Quantum vero
ad consecutionem ultimi finis, dicit : et eorum quae deificantur
thearchia, idest principalis deitas. Dicitur enim creatura rationalis
deificari per hoc quod, suo modo, Deo unitur ; ut sic, ipsa deitas
principaliter ipsi Deo conveniat, secundario vero et participative his qui
deificantur. Ulterius autem, ponit ea quae pertinent ad
meliorationem communiter omnium. Est autem considerandum quod duplex
processus invenitur in rebus, scilicet : resolutionis et compositionis ; et
secundum utrumque, tendunt res in divinam similitudinem. Nam secundum viam
resolutionis, tendunt res a compositione in simplicitatem quae summe est in
Deo ; et quantum ad hoc dicit quod est eorum quae simplificantur
simplicitas. Secundum autem viam compositionis, tendunt res a multitudine
in unitatem, dum ex multis fit unum. Unitas autem primo est in Deo ; et
quantum ad hoc dicit, et eorum quae uniuntur unitas. Non
solum autem a Deo communicatur rebus quod in se subsistant et meliorentur,
sed etiam quod aliis sint principium seu causa existentiae et meliorationis ;
et quantum ad hoc, subdit quod est supersubstantialiter
superprincipale principium universi principii. Non enim eodem modo est
principium quo alia, sed eminentius ; sic enim eminentius habet esse. Et ut
universos Dei effectus simul comprehendat, subdit quod est bona
traditio occulti. Manifestum est enim quod
quaecumque in creaturis sunt, in Deo praeexistunt eminentius. Sed creaturae
quidem manifestae sunt nobis, Deus autem occultus. Sic igitur, secundum quod
rerum perfectiones a Deo per quamdam participationem derivantur in creaturas,
fit traditio in manifestum eius quod erat occultum ; et hoc fit secundum
quod est conveniens, scilicet, secundum proportionem determinatam
uniuscuiusque. Et quia dixerat quod Deus est substantia et vita
omnium, ne aliquis intelligeret quod Deus esset essentia aut vita formalis
veniens in compositionem rerum, hunc perversum intellectum excludit, cum
subdit : et, ut simpliciter dicatur, idest universaliter
dicatur, vita viventium et substantia, idest essentia existentium,
qui est principium agens et causa fontalis omnis
vitae et substantiae, non quidem propter suam necessitatem, sed propter
bonitatem ipsius, quae existentia et deducit ad esse et continet, idest
conservat ea in esse. Et sicut exponit de substantia et vita, ita
intelligendum est et de omnibus consequentibus, ut scilicet Deus intelligatur
esse revocatio et reformatio rerum et simplicitas et unitas et alia quae
supra dixit, inquantum horum est principium et causa. Deinde, cum dicit
: haec autem a divinis eloquiis memoramus et cetera,
manifestat per quaedam divina nomina in Scripturis posita, quod ex divinis
nominibus praedictam cognitionem de Deo capiamus ; et dicit quod haec quae
supra dicta sunt scilicet quod per divina nomina Deus cognoscatur ut
principium et causa, non ex nobis ipsis dicimus, sed a divinis eloquiis
accipiendo commemoramus et, ut sic dicatur, omnem sanctum hymnum,
idest laudem Dei, theologorum, invenies, si diligenter in
Scripturis scruteris, dividentem, idest distinguentem, nominationes
Dei ad bonos thearchiae processus, idest secundum processus perfectionum,
quae ex divina bonitate in creaturas proveniunt. Quod enim Deus dicatur
bonus, vivus, sapiens et multis aliis nominibus nominetur, non est ex aliqua
multitudine seu diversitate in eius natura existente (quia omnia haec in eo
unum sunt), sed ex diversis perfectionibus creaturarum accipimus diversa
nomina, quae attribuimus Deo sicut primo principio omnium horum processuum ;
et hoc manifestative et laudative : manifestative, quidem,
inquantum Deus nobis per suos effectus innotescit et inquantum per huiusmodi
nomina, Deo attributa, nobis manifestantur huiusmodi perfectiones esse in
rebus a Deo ; laudative, vero, inquantum hoc totum ad Dei
pertinet bonitatem, quod rebus perfectiones communicantur. Et hoc, primo exponit in nomine unitatis, subdens quod fere in
omni theologico negotio, idest in omni libro theologiae, videmus
thearchiam, idest deitatem, laudatam sicut monadem et unitatem
; quae duo idem significare videntur, cum unum sit Graecum et aliud Latinum. Quod
quidem nomen unitatis Deo videtur maxime attribui propter duo : primo quidem,
propter quod in seipso est ; et hoc tangit cum dicit, propter
simplicitatem et unitatem supernaturalis impartibilitatis. Ratio enim
unitatis in impartibilitate consistit ; unum enim est ens quod non dividitur.
Contingit autem aliqua non dividi in actu, quae dividuntur in potentia, sicut
linea aut domus, quorum utrumque potest dici unum, sed non simpliciter.
Aliquid vero est indivisum non solum actu, sed etiam potentia, ut unitas et
punctus ; et haec possunt dici non solum unum, sed etiam simplicia. In Deo
autem utraque indivisibilitas consistit, quia non dividitur actu nec potentia
; et ideo signanter dixit : propter simplicitatem et unitatem et
addit : supernaturalis impartibilitatis, quia nulla simplicitas
aut unitas naturalium rerum, divinae simplicitati et unitati comparari
potest. Secundo, vero, nomen unitatis attribuitur Deo propter hoc quod rebus
unitatem communicat ; et hoc est quod subdit : ex qua, scilicet
unitate divina, ut unifica virtute mirifica, duo nobis
proveniunt : quorum primum est quod nos unimur, idest quamdam
unitatem habemus, secundum quod dicitur unus homo aut unum animal ; secundum
est quod, cum unitas nostra non sit ita perfecta quod omnem diversitatem
excludat, ipsa etiam quae sunt diversa in nobis, ad quamdam unitionem
reducuntur, secundum quod etiam ea quae sunt simpliciter diversa in
creaturis, unum quodam ordine sunt, ut sic saltem, Dei unitatem imitentur ;
et hoc est quod dicit, quod nos congregamur ad quamdam monadem,
idest unitatem, deiformem, idest, Deo similem, quantum ad ea quae
iam facta sunt unum ; et ad quamdam unitionem Dei
imitativam, quantum ad ea quae fiunt unum ; et hoc, conclusis
alteritatibus idest diversitatibus, nostris divisibilibus,
idest quae ex aliqua divisione contingunt, supermundane, idest,
supermundana virtute. Vel hoc quod dicit, unimur, potest referri
ad hoc quod unumquodque in se est unum ; quod autem sequitur : et
divisibilibus nostris alteritatibus, potest referri ad hoc quod multa,
licet sint diversa et altera, tamen ad aliquam unitatem reducuntur vel
perfecte vel imperfecte. Monas enim, idest unitas,
perfectionem unitatis designat ; unitio vero, viam ad unitatem, in quo
imperfectio unitatis ostenditur. Deinde, ostendit idem in nomine Trinitatis ;
et dicit quod invenimus Deum laudari sicut Trinitatem ad
manifestandum supersubstantialem fecunditatem trium personarum,
quae non distinguuntur nisi secundum originem ; ex qua quidem
fecunditate divina derivatur omnis paternitas idest
fecunditas quae nomine paternitatis intelligitur, ut apostolus dicit, ad Eph.
3, quod ex Deo patre, omnis paternitas in coelo et in terra nominatur
; nec solum nominatur, sed etiam existit sive causatur. Tertio
autem, manifestat idem in nomine causae ; et dicit quod Deus laudatur sicut causa existentium,
propter hoc quod omnia sunt deducta ad esse ex bonitate
eius, substantificante res, non autem ex necessitate naturae. Quarto, autem,
manifestat idem per nomen sapientis et pulchri ; et dicit quod laudant
deitatem theologi sicut sapientem et pulchram, quia omnia existentia,
in quibus invenitur propria natura salvata absque corruptione, sunt
plena omni harmonia divina, idest perfecta consonantia seu ordine a
Deo et sunt, iterum, plena sancto decore ; ut
quod dicit : harmonia, referatur ad sapientiam cuius est ordinare
et commensurare res ; quod autem dicit : decore, maxime ad
pulchritudinem referatur. Per hoc, autem, quod diminuitur aliquid de harmonia
vel decore, accidit corruptio in rebus, secundum excessum a propria natura,
sicut aegritudo in corporibus et peccatum in anima. Quinto manifestat idem de
nomine benignitatis ; et dicit quod divina Scriptura laudat deitatem
sicut benignam, differenter tamen a praedictis nominibus.
Nam secundum praedicta nomina, laudatur Deus, inquantum non communicabat sua
; benignus autem laudatur, inquantum in opere incarnationis, in una
personarum ipsius deitatis, scilicet in persona filii, communicavit
nostris, idest his quae ad naturam nostram pertinent, non afferens corpus
coeleste, ut Valentinus dixit ; ad veritatem, idest secundum
veritatem, non phantastice, ut dixit Manichaeus ; totaliter,
idest quantum ad omnes partes nostrae naturae, non assumens corpus absque
anima aut animam absque corpore aut animam et corpus absque intellectu, ut
Arius et Apollinaris dixerunt. Et ut finem incarnationis ostendat, subdit
: revocans a statu peccati humanam extremitatem,
idest humanam naturam, quae est ultima creaturarum, secundum ordinem
creationis, ad seipsam, scilicet deitatem, et non solum revocans
amovendo, sed etiam reponens, operando. Et ne aliquis crederet
quod ita communicaverit nostris, secundum inhabitationem solam, ut Nestorius
dixit, sed secundum veram unionem in persona et hypostasi ut, scilicet, ipse,
qui est Deus, vere sit homo, subiungit : ex qua, scilicet deitate
operante vel ex qua, idest secundum quam humanitatem, Iesus,
qui est ineffabiliter simplex, secundum deitatem, ipse idem
hypostasi est compositus secundum humanitatem ; et qui
est aeternus, secundum deitatem, accepit praesentationem
temporalem, idest ut sit temporalis in hoc praesenti tempore, secundum
humanam naturam ; et qui, secundum deitatem, supersubstantialiter excellit omnem
ordinem secundum omnem naturam, factus est intra nostram naturam, vere
homo sub specie humana contentus sicut et coeteri homines ; per quae omnia
dat intelligere quod idem est suppositum Deus et homo. Et ne aliquis perverse
intelligeret quod Deus factus sit homo secundum aliquam conversionem deitatis
in carnem vel in animam vel etiam secundum aliquam commassationem ut sic
esset una natura Dei et hominis, ut Eutyches confinxit, subiungit : cum
intransmutabili et inconfusa collocatione, idest firma salvatione propriorum,
idest proprietatum utriusque naturae, quia neque divinitas conversa est in
humanitatem neque humanitas in divinitatem. Et quia de mysterio incarnationis
plura dici possent, quae ad praesens omittit, quia non est de hoc principalis
intentio, subdit quod non solum praedicta intelliguntur per divinam
benignitatem, sed et quaecumque alia deifica lumina, idest quascumque
alias divinas illuminationes et veritates, occulta traditio nostrorum
ducum, scilicet apostolorum et aliorum doctorum post eos, nobis
donavit manifestative iuxta consequentiam eloquiorum divinorum, idest
secundum quod in sacra Scriptura traditur. Deinde, cum subdit : haec
et nos docti sumus, ostendit differentiam cognitionis, quam in praesenti
vita de Deo per nomina divina accepimus, ad cognitionem quam sancti habent in
vita futura, cum dicit quod haec quae dicta sunt in
expositione divinorum nominum de Deo, nos sumus edocti nunc,
idest in praesenti vita, iuxta proportionem nostram per sancta
velamina eloquiorum, idest sacrae Scripturae, et hierarchicarum
traditionum, idest aliorum dogmatum quae apostoli et eorum discipuli
tradiderunt quae non continentur in sacra Scriptura, ut puta quae pertinent
ad sacrorum mysteriorum cognitionem. Hierarchia enim idem est quod sacer
principatus, unde apostoli et alii Ecclesiae praelati, hierarchae dicuntur
quasi sacri principes. Dicit autem : per sancta velamina, quia in
praesenti vita, non possumus per ea quae nobis tradita sunt, ipsam Dei
essentiam, prout in se est, videre, sed instruimur de Deo in Scripturis, per
similitudinem effectus ipsius, quasi per quaedam velamina, secundum illud, I
Corinth. 13 : videmus nunc per speculum in aenigmate. Qualia vero
sunt ista velamina exponit subdens quod ex bonitate Dei intelligibilia
circumvelantur per sensibilia, sicut cum Scripturae de Deo et Angelis sub
similitudine quorumdam sensibilium loquuntur ut patet Esa. 6 : vidi dominum
sedentem super solium excelsum et infra : Seraphim stabant
super illud, sex alae uni et sex alae alteri ; et similiter
velantur supersubstantialia scilicet divina, cum existentibus,
sicut cum Deo attribuuntur non solum sensibilia, sed etiam intelligibiles
perfectiones creaturarum, ut cum attribuimus Deo vitam, intellectum et
huiusmodi perfectiones in rebus creatis inventas ; similiter ex eadem
bonitate, circumponuntur formae corporeae et figurae, rebus incorporeis non sic
formabilibus vel figurabilibus ; et, similiter, res simpliciter
supernaturalis et infigurabilis multipliciter componitur per varietatem divisibilium
signorum, inquantum scilicet ipse Deus, qui est supernaturalis et simplex
per diversa nobis manifestatur in Scripturis sive sint diversae processiones
sive diversae similitudines. Signanter autem dixit benignitate ;
quod enim in Scripturis exprimuntur nobis intelligibilia per sensibilia et
supersubstantialia per existentia et incorporalia per corporalia, et
simplicia per composita et diversa, non est propter invidiam, ut subtrahatur
nobis cognitio divinorum, sed propter nostram utilitatem, quia Scriptura
nobis condescendens tradidit nobis quae supra nos sunt, secundum modum
nostrum. Et hic quidem modus cognitionis est quo Deum in praesenti vita
cognoscere possumus. Tunc autem, scilicet post resurrectionem
beatam, quando incorruptibiles et immortales erimus, corruptibili
hoc accipiente incorruptionem, et mortali hoc accipiente immortalitatem, ut
dicitur I Corinth. 15 et quando consequemur finem
Christiformem, idest assimilationem ad Christum secundum illud Philipp. 3
: reformabit corpus humilitatis nostrae, configuratum corpori
claritatis suae, et beatissimum quia non solum beatificabitur anima
sed etiam, suo modo, glorificabitur corpus, tunc semper cum domino
erimus, secundum eloquium, ut dicitur I Thessal. 4. Nos, inquam, adimpleti
visibili apparitione, idest sensibili et corporali ipsius Dei,
quantum ad humanitatem Christi et hoc in castissimis
contemplationibus, quia ad carnem Christi non afficiemur carnaliter, sed
spiritualiter, secundum illud apostoli II Corinth. 5 : et si
cognovimus secundum carnem Christum, sed nunc non novimus ; ipso, inquam,
Christo refulgente circa nos per sui corporis
claritatem, manifestissimis splendoribus sicut factum
est circa discipulos in illa divinissima transformatione, idest
transfiguratione, ut habetur Matth. 17 : facies eius resplenduit
sicut sol ; et non solum erimus adimpleti sensibili apparitione ipsius,
sed etiam erimus participantes intelligibili datione luminis ipsius Christi,
quod effundet in nos, secundum virtutem suae divinitatis. Et hoc lumen
participabimus in impassibili et immateriali mente. Mens enim
nostra nunc quidem passibilis est per accidens, ex unione ad corpus et
materialis efficitur secundum affectionem ad res materiales ; et ideo, nunc,
non est idonea ad tanti luminis participationem, sicut tunc erit, quando in
nullo impedietur per corporales passiones neque subdetur materialibus
affectionibus. Et per hanc participationem luminis erimus et
participantes unitionem quae est super mentem, quia
scilicet mens nostra, ut intelligibili, ipsi Deo qui est super mentem,
unietur ; et hoc fiet per ignotas et beatas immissiones superclarorum
radiorum, idest divinarum illuminationum quae, nunc, sunt nobis occultae
sicut inexpertae ; quibus, tunc, eaedem mentes beatificabuntur. Et hoc quidem
consequentur homines, secundum imitationem supercoelestium mentium,
idest Angelorum, diviniore modo quam nunc ; nunc, enim, licet in qualibet
contemplatione veritatis, mentes humanae ad Angelorum unitionem illustrentur,
tamen multum deficimus ab eorum aequalitate, sed tunc aequales erimus
Angelis ut dicit veritas eloquiorum, et erunt filii Dei,
existentes filii resurrectionis, ut habetur Luc. 20. Deinde, cum
dicit. Nunc autem, ostendit quod post omnem cognitionem quam in
praesenti vita de Deo habemus, id quod est Deus remanet nobis occultum ; et
circa hoc, duo facit : primo, proponit quod intendit ; secundo, probat
propositum ; ibi : in quo et cetera. Dicit ergo, primo,
quod nunc, idest in praesenti vita, sicut supra expositum
est, utimur, sicut nobis est possibile, propriis signis ad divina cognoscenda
; quae quidem signa sunt tam perfectiones quae procedunt a Deo in creaturas,
quam et metaphorae quae a creaturis per similitudinem transferuntur in Deum.
Et huiusmodi quidem signa dicuntur propria cognitioni rerum divinarum ex
parte nostra, quia non est possibile nobis aliter innotescere res divinas
nisi hoc modo. Non tamen sic utimur huiusmodi signis in cognitione divinorum,
quod in eis mens nostra remaneat, nihil ultra huiusmodi Deum existimans, sed
ex istis signis, rursus extendimur, secundum nostram
proportionem ad simplicem et unitam veritatem intelligibilium
miraculorum, idest admirabilium contemplationum, quas de rebus divinis
per huiusmodi signa accipimus. Dicit autem, ad simplicem et unitam
veritatem, ut simplicitas correspondeat compositioni signorum ; unitas,
vero, eorum multitudini et diversitati. Et ne aliquis credat quod per signa
praedicta, veritatem et intelligentiam divinorum perfecte comprehendere
possimus, subiungit quod immittimus nos ad supersubstantialem radium,
idest ad veritatem de Deo cognoscendam, sed non perfecte ; sed secundum
quod est fas nobis, scilicet sedantes, idest quietantes nostras
intellectuales operationes, ne ultra ferantur quam nobis sit datum ; et
hoc dico, post omnem secundum nos unitionem deiformium, quasi
dicat : postquam secundum deiformitatem uniti fuerimus per cognitionem rebus
divinis, quantumcumque nobis est possibile, adhuc remanet aliquid de rebus
divinis nobis occultum, a cuius inquisitione oportet nos sedare intellectum
nostrum. Deinde, cum dicit : in quo et cetera, probat quod
dixerat ; et circa hoc, tria facit : primo enim inducit probationem ;
secundo, exponit eam ; ibi : et omnium et cetera ; tertio,
probat quoddam quod in probatione supposuerat ; ibi : si enim et
cetera. Ad evidentiam autem primae partis, considerandum est quod nulla
virtus finita extendit se in infinitum, sed ad aliquem certum terminum
concluditur ; unde, cum omnis virtus cognoscitiva creaturae sit finita,
cuiuslibet cognitionis creaturae est certus terminus ultra quem non tendit.
Et huius exemplum accipi potest ex diversis scientiis. Habet enim geometria
aliquem terminum, ultra quem non tendit ; et, similiter, naturalis scientia.
Et hoc quidem intelligendum est de re qualibet conditione creata. Manifestum
est autem quod illud quod excedit terminum alicuius cognitionis non
attingitur ab illa cognitione. Supersubstantialis autem radius, idest, ipsa
divina veritas, excedit omnes terminos et fines quarumcumque cognitionum,
quia omnes fines quarumcumque cognitionum eminentius praeexistunt in ipso
radio, sicut in causa primordiali, modo ineffabili nobis, propter suam
eminentiam. Unde relinquitur quod praedictum radium non possumus cogitare
inquirendo neque exprimere loquendo neque perfecte contemplari quocumque modo
; non propter sui defectum, sed propter hoc quod est ab omnibus distinctus
et, per consequens, ignotus omnibus, quasi super omnia existens. Deinde, cum
dicit : et omnium et cetera, exponit quod dixerat :
scilicet, quod fines cognitionum praeexistunt in supersubstantiali radio ; et
dicit quod cum ille radius sit supersubstantialis, virtutes autem
cognoscitivae et cognitiones ipsae sint substantiales, idest substantiis
creatis proportionatae et per consequens finitae, manifestum est quod
praedictus radius praeaccepit in seipso, tamquam causa
suprema, terminationes omnium praedictarum cognitionum
et virtutum, non quidem successive, ut nunc habeat hanc, nunc illam sed
simul et unite ; neque iterum particulariter, ut habeat hanc terminationem et
non illam, sed universaliter omnes ; neque, iterum, habet in se huiusmodi
terminationes eo modo quo sunt in substantiis creatis, sed supersubstantialiter.
Et quia quod dixerat : quem neque cogitare possibile est, posset
aliquis referre solum ad cognitionem praesentis vitae, ulterius extendit hoc
etiam ad Angelos ; et dicit quod ille supersubstantialis radius est
collocatus non solum super mentes humanas, sed etiam super
mentes coelestes, idest angelicas, non ut nullo modo attingatur ab eis,
sed ita quod comprehendi non possit ; et hoc est quod dicit : incomprehensibili
virtute. Deinde, cum dicit : si enim et cetera, probat
quod supposuerat, scilicet quod in Deo praeexistant terminationes omnium
cognitionum et ratio sua talis est : omnes cognitiones sunt de rebus
existentibus ; obiectum enim cognitionis est ens. Existentia autem sunt
finita. Ens igitur finitum est obiectum cognitionis finitae. Deus ergo, cum
sit infinitus, excedit omnem substantiam finitam, praehabens in se fines
omnium ; et, per consequens, est separatus ab omni cognitione, inquantum
omnem cognitionem creaturae excedit, ut a nulla comprehendi possit. |
Leçon 2 (2a) : De la connaissance que nous pouvons acquérir au sujet de Dieu au moyen des Noms divins.40.
Après avoir manifesté le mode propre à cette science quant à l’objet qui est
enseigné dans cette science et aux principes d’où elle procède, il continue
en poursuivant sur la nature des noms divins dont il fait son propos dans ce
livre : et d’abord, il montre quelle connaissance de Dieu nous pouvons
acquérir au moyen des noms divins ; deuxièmement, de quelle manière Dieu peut
être nommé, là (21) où il dit : Certes,
de tous… 41. Au
sujet du premier point, il fait deux choses : il montre d’abord quelle
connaissance nous acquérons de Dieu au moyen des noms divins ; ensuite, il
montre comment, suite à cette connaissance, ce qu’est Dieu en Lui-même nous
demeure inconnu, là (16) où il dit : Mais
maintenant… 42. Au
sujet du premier point, il fait deux choses : d’abord, il montre quelle
connaissance de Dieu peut être acquise au moyen des noms divins ;
deuxièmement, il montre la différence qui existe entre cette connaissance et
celle que nous en aurons dans la patrie céleste, là (15) où il dit : Et nous, ces… 43. Au
sujet du premier point, il fait deux choses : d’abord, il montre quelle
connaissance nous pouvons acquérir de Dieu au moyen des noms divins ;
deuxièmement, il le montre avec des exemples, au moyen de certains noms de
Dieu, là (13) où il dit : Mais ces… 44. Il
dit donc en premier que nous
nous soumettons à celles-là, c’est-à-dire aux lois théarchiques ou divines, pour nous élancer vers les
illuminations divines d’une manière qui nous est proportionnelle, selon notre
mesure, avec fermeté et amour ; lesquelles lois gouvernent non seulement les hommes saints, mais aussi les beautés sacrées des ordres et des
substances supra-célestes, c’est-à-dire qu’elles embellissent les formes
belles et ordonnées des Anges ; nous témoignons par là d'un saint respect
à l’égard du secret de la Divinité,
qui certes transcende tout esprit et
toute substance, par d'insondables
vénérations de l'esprit, c’est-à-dire qui se rapportent à Dieu du fait
que nous ne pouvons fouiller les secrets de Dieu ; et elles sont saintes ces vénérations, parce qu’un tel témoignage
de respect appartient à celui qui est saint ; et nous témoignons encore de ce respect à l’égard des vérités
indicibles de Dieu par un pieux
silence, et c’est ce que Denys dit certes, parce que nous témoignons du
respect à l’égard des secrets de Dieu en ne les explorant pas et, à l’égard
de ce qui est indicible en Lui, en nous taisant ; et cela certes, à savoir ne
pas s’aventurer au-delà des bornes de sa nature, provient de la sainteté et
de la pureté de l’âme. Ainsi, dit-il, honorant ce qui est
divin par une obéissance aux lois divines, nous sommes entraînés vers les lumières dont l'éclat nous vient des
saintes Écritures, c’est-à-dire vers les vérités des saintes Écritures révélées
aux hommes, et par la magnificence même des saintes Écritures, nous sommes éclairés dans la connaissance
des hymnes théarchiques, c’est-à-dire des noms divins, par lesquels Dieu
est loué. C’est au moyen de ces noms en effet que nous savons louer Dieu en
tant que vivant, en tant que bon et par d’autres attributs de cette sorte qui
nous sont transmis au sujet de Dieu dans les Écritures ; Nous, dit-il, sommes illuminés par ces hymnes eux-mêmes, d’une manière
qui n'est pas de ce monde, c’est-à-dire qui est au-dessus de la puissance
de la raison naturelle, et comme configurés
aux saintes paroles de ces hymnes, c’est-à-dire des louanges divines qui
sont enseignées dans les Écritures au moyen des noms divins, dans la mesure
où nous nous laissons façonner par la foi en elles. Illuminés, dit-il, et
formés pour cela, c’est-à-dire pour qu’au moyen de ces hymnes nous
voyions, selon notre mesure, les
lumières théarchiques, c’est-à-dire divines, qui nous ont été données et pour que nous louions le principe de toute sainte apparition de
lumière spirituelle ; lequel principe certes ne fait pas que transmettre
la lumière spirituelle aux esprits, mais plus universellement le bien, ainsi que le principe lui-même l’enseigne à son sujet par les saintes Écritures, comme dans le Psaume (103, 28)
: ¨Ouvre la main et tous seront comblés
de ta bonté¨ ; et chez Luc (11, 13) : ¨Votre Père du ciel donnera l’Esprit-Saint à ceux qui le lui demandent¨. 45.
Denys veut nous signifier par ces paroles qu'il nous faut renoncer à scruter les
réalités divines selon notre raison, et que nous devons plutôt adhérer aux
saintes Écritures dans lesquelles nous sont transmis les noms divins au moyen
desquels nous sont manifestés les dons de Dieu et le principe même de ces
dons. Donc, au moyen des noms divins qui nous sont enseignés dans les saintes
Écritures, nous connaissons deux choses, à savoir : la diffusion de la sainte
lumière, de toute bonté ou de toute perfection d’une part, le principe même
de cette diffusion d’autre part ; comme lorsque nous disons que Dieu est
vivant, nous connaissons à la fois que la vie a été répandue dans les
créatures et que le principe de cette diffusion est Dieu. Et certes, les noms
divins ne nous font pas connaître le principe de cette diffusion tel qu’il
est en Lui-même, car cela est indicible et insondable, mais nous le
connaissons en tant que principe et cause. 46. Et
pour manifester la nature de ce principe, il présente d’abord certaines
distinctions qui se rapportent à la notion universelle de principe, lorsqu’il
dit (12) : tout comme ce qui est
principe et cause de toute chose, alors que la cause se rapporte à la
finalité qui est la première des causes et que le principe réfère à la cause
efficiente par laquelle commencent l’opération et le mouvement. Et par la
suite il présente ce qui se rapporte à la nature du principe à l’égard de ses
effets déterminés : et d’abord quant à la formation des choses, lorsqu’il dit
: et la substance et la vie,
c’est-à-dire parce que c’est au moyen de ce principe qu’existent tous les
êtres et que vivent tous les vivants ; et ensuite quant à l’amélioration des
choses dans les réalités spirituelles, ce qui s’observe de trois manières, à
savoir selon la purgation, l’illumination et la perfection. 47. Ces
trois manières se réalisent certes chez les Anges selon l’intelligence
seulement : lesquels certes purgent en écartant l’ignorance ; ils illuminent
l’intelligence en présentant des moyens pour connaître la vérité ; et ils
achèvent leur œuvre lorsqu’ils conduisent à la connaissance de la vérité. En
effet, la perfection pour une chose consiste à atteindre sa finalité. C’est
pourquoi au chapitre 7 de ¨La
Hiérarchie des Anges¨ ( MG 111, 209
C.) on dit que la purgation,
l’illumination et la perfection sont empruntées à la sagesse divine. Mais c'est à Dieu qu'il appartient
de tourner non seulement l’intelligence, mais aussi la volonté vers ce qu’il
y a de mieux ; et c’est pourquoi Denys parle ici de purgation, d’illumination
et de perfection. 48. Et
il présente cinq points qui se rapportent à la purgation. En effet puisque le
péché, par lequel la volonté est souillée, se produit parce que l’homme se
détourne d’un bien immuable à cause d’un bien temporel, il faut d’abord dans
la purgation de la volonté que celle-ci soit ramenée au bien immuable ; et
quant à cela Denys dit que la Divinité est le rappel et la résurrection de ceux qui se sont coupés d’Elle
par le péché. Et il parle de rappel et de résurrection car non seulement Dieu
nous attire à Lui, ce en quoi consiste le rappel, mais encore il nous donne
les forces pour que nous nous relevions à son appel. Le deuxième est que l’homme, à
partir du moment où Dieu lui plaît, abandonne ce bien temporel à cause duquel
il s’est éloigné de Dieu ; et à cet égard, Denys dit que Dieu est le renouvellement et la réforme de ceux
qui se sont laissés aller à perdre l'empreinte de Dieu, c’est-à-dire la
ressemblance de Dieu qui est en nous, ce en quoi consiste le péché. Il arrive cependant, alors que
Dieu commence à plaire à quelqu’un et que le péché commence à lui déplaire,
que l’esprit de cette personne subisse au début une certaine hésitation,
étant attiré tantôt par ceci tantôt par cela, et qu'elle ait besoin d’être
établie en une seule chose ; et à cet égard, Denys dit en troisième lieu que
Dieu est le saint affermissement de
ceux qui sont mus par une agitation impure de l'âme. Mais l’homme a besoin par la
suite, après avoir été établi en une chose, d’être affermi dans cette chose
afin qu'il ne s’éloigne pas facilement de cet état en raison de la tentation ;
et à cet égard Denys dit en quatrième lieu que Dieu est la solidité de ceux qui demeurent fermes. Mais par la suite il est
nécessaire que l’homme progresse vers ce qu’il y a de mieux ; et à cet égard
il dit en cinquième lieu que Dieu est une
main secourable pour ceux dont les actes cherchent à s'élever,
c’est-à-dire pour ceux qui agissent de manière à s'élever, c’est-à-dire à
progresser vers Elle, à savoir vers la Divinité. On dit de la Divinité
qu'elle est une main secourable car non seulement elle étend une main
bienveillante à ceux qui veulent progresser, mais encore elle les stimule au
progrès. 49.
Donc, suite à ces cinq points qui appartiennent à la purgation, il continue
au sujet de l’illumination lorsqu’il dit : et il est l’illumination de ceux qui sont illuminés, laquelle
illumination s’entend certes suivant que Dieu transmet la lumière de sa grâce
soit pour la perfection de l’intelligence, soit pour celle de l'affectivité. 50. Et
plus loin il continue avec la perfection qu’il considère certes de deux
manières : d’abord certes selon qu’on dit qu’un être est achevé quand il
atteint sa finalité immédiate, comme la justice ou une autre vertu, quand il
dit : et principe de perfection pour ceux qui sont parfaits, par
rapport à leur perfection propre, car quelle que soit la perfection propre
d’une chose, elle existe en premier lieu en Dieu comme le gouvernement de la
cité existe en premier lieu dans le prince. En vérité, quant à la poursuite
de la finalité ultime, il dit : et de
ceux qui sont déifiés par la Théarchie, c’est-à-dire par la Divinité
première. On peut dire en effet que la créature rationnelle est déifiée,
selon le mode qui lui est propre, par son union à Dieu de telle sorte que la
divinité qui appartient premièrement à Dieu appartient en deuxième lieu et
par participation à ceux qui sont déifiés par Lui. 51. Et
plus loin Denys présente ce qui se rapporte à l’amélioration de toutes les
choses prises universellement. Mais il faut considérer qu’on retrouve dans
les choses deux sortes de processus, à savoir celui de résolution et celui de
composition ; et c’est selon l’un et l’autre que les choses tendent à
ressembler à Dieu. Car selon la voie de résolution, qui procède du composé au
simple, les choses tendent vers la simplicité qui se retrouve au plus haut
point en Dieu ; et quant à ce mode, Denys dit que Dieu est la simplicité de ceux qui sont simplifiés.
Mais selon la voie ou le mode de composition, les choses tendent vers l’unité
à partir de la multiplicité, alors que l’un se réalise à partir du multiple.
Mais l’unité se retrouve en premier lieu en Dieu ; et sous ce rapport Denys
dit que Dieu est l’unité de ceux qui
sont unis. Et non seulement Dieu communique aux choses leur aptitude à
subsister et à s’améliorer en elles-mêmes mais il leur donne aussi d’être
principes et causes d’existence et d’amélioration pour les autres choses ; et
quant à cela, Denys ajoute que Dieu est Principe de tout principe, situé
supra-substantiellement au-delà de tout principe. En effet, il n’est pas principe de la même manière que les autres le
sont, mais Il l’est de la manière la plus élevée tout comme Il possède l’être
de la manière la plus élevée. Et comme Dieu saisit
simultanément tous ses effets, il ajoute qu’Il est la transmission bienveillante de ce qui est secret. Il est
manifeste en effet que tout ce qui existe dans les créatures préexiste de la
manière la plus élevée en Dieu. Mais les créatures nous sont certes
manifestes alors que Dieu nous est caché. Donc, de cette manière, selon que
les perfections des choses sont répandues par Dieu dans les créatures par
mode de participation, il se produit comme une transmission dans la
manifestation de ce qui était caché ; et cela se réalise selon ce qui convient, c’est-à-dire proportionnellement à la
nature déterminée de chacun. 52. Et parce qu’il avait dit que Dieu est la substance et
la vie de toute chose, afin que personne n’entende par cela que Dieu serait
l’essence ou la vie entrant dans la composition des choses à la manière d’une
forme, il écarte cette interprétation erronée en ajoutant : et, pour parler purement et simplement,
c’est-à-dire universellement, il est la
vie des vivants et la substance, c’est-à-dire l’essence de tout ce qui existe, le principe actif et la cause originelle de toute vie et de toute substance, non certes par nécessité,
mais par pure Bonté de sa part Il
conduit tous les êtres à l’existence et il les embrasse, c’est-à-dire
qu’Il les conserve dans l’existence. Et ce que Denys vient de dire au sujet
de la substance et de la vie, il faut l’entendre de la même manière pour tout
ce qui s’ensuit, à savoir comme lorsqu'on dit de Dieu qu'Il est le rappel et
la résurrection des choses et encore qu'Il est leur simplicité et leur unité,
ainsi que d'autres attributs présentés plus haut, il faut l'entendre selon
qu'Il est le principe et la cause de toutes ces choses. 53. Ensuite, lorsqu’il dit (13) : Mais nous nous rappelons ces enseignements tirés des Saintes
Écritures…il manifeste au moyen de certains noms divins présentés dans
les Écritures que c’est à partir de ces noms divins que nous saisissons la
connaissance de Dieu dont nous avons parlé précédemment : et il rappelle que
ce que nous avons dit plus haut (45), à savoir qu’au moyen des noms divins
Dieu est connu en tant que Principe et Cause, nous ne le disons pas de
nous-mêmes, mais nous nous rappelons l’avoir pris des écrivains sacrés et, comme il est dit, tu trouveras que tout sainte louange des
théologiens, c’est-à-dire toute louange adressée à Dieu, si tu sondes les
Écritures avec attention, divise, c’est-à-dire
distingue les dénominations de Dieu
d'après les manifestations bienveillantes de la Théarchie, lesquelles
témoignent de toutes les perfections qui procèdent de la bonté divine pour se
répandre dans les créatures. 54. Le fait que nous disions que Dieu est bon, vivant,
sage et que nous Le nommions encore par de nombreux autres noms, cela ne
provient pas d’une multiplicité ou d’une diversité qui existerait dans sa
nature (car toutes ces qualités sont une en Lui) mais c’est plutôt à partir
de la diversité des perfections qu’on retrouve dans les créatures que nous
apprenons tous ces noms que nous attribuons à Dieu comme au premier Principe
de toutes ces manifestations ; et cela
avec évidence et louange : avec
évidence certes, dans la mesure où Dieu nous est connu par ses effets et
dans la mesure où par les noms de cette sorte attribués à Dieu, il nous
devient évident que ces perfections qui sont dans les choses procèdent de
Dieu ; et en vérité avec louange,
selon que cette communication des perfections aux choses relève entièrement
de la bonté de Dieu. 55. Et cela, il le manifeste en premier lieu à l’égard du
nom d’unité, ajoutant que dans presque
tout ouvrage théologique, c’est-à-dire dans tout livre de théologie, nous voyons la Théarchie, c’est-à-dire
la Divinité, louée en tant que Monade
et Unité ; et ces deux mots semblent signifier la même chose, puisque le
premier est d'origine grecque, l’autre d'origine latine. Il semble certes que
le nom d’Unité doive être attribué à Dieu au plus haut point pour deux
raisons : et d’abord certes, parce qu’il existe en lui-même ; et c’est ce que
Denys aborde lorsqu’il dit : à cause de
la simplicité et de l’unité d'une indivisibilité surnaturelle. En effet,
la nature de l’unité consiste dans l’indivisibilité ; l’un en effet est
l’être qui n’est pas divisé. Mais il arrive que
certaines choses ne sont pas divisées en acte, mais le sont en puissance,
comme la ligne ou la maison, qui l’une et l’autre peuvent être dites unes,
mais non purement et simplement. En vérité certaines choses sont indivisées
non seulement en acte mais aussi en puissance, comme l’unité et le point et
on peut dire que ceux-ci sont non seulement uns mais aussi qu’ils sont
simples. Et les deux formes
d’indivisibilité se retrouvent en Dieu, car il n’est divisé ni en acte ni en
puissance ; et c’est pourquoi Denys dit avec insistance : à cause de la simplicité et de l’unité
et il ajoute : d’une indivisibilité
surnaturelle, car aucune simplicité ou unité des choses naturelles ne se
compare à la simplicité et à l’unité divines. 56. Deuxièmement, en vérité, le nom d’unité est attribué
à Dieu parce qu’il communique l’unité aux choses ; et c’est ce qu’il ajoute
en disant : à partir de laquelle, à
savoir à partir de l’unité divine, comme
par une puissance unificatrice prodigieuse, deux choses se produisent en
nous : dont la première est que nous
sommes unifiés, c’est-à-dire que nous sommes constitués en une certaine
unité d’après laquelle nous sommes justifiés de dire que nous sommes en
présence d’un homme ou d’un animal ; et la deuxième est que, puisque notre
unité n’est pas si parfaite qu’elle écarte toute diversité, cela même qui est
différent en nous se ramène à une certaine unité d’après laquelle même ce qui
est purement et simplement différent dans les créatures est uni par un
certain ordre de telle sorte qu'ainsi l’unité de Dieu se trouve pour le moins
à être imitée ; et c’est ce que Denys dit, à savoir que nous sommes
rassemblés en une certaine monade,
c’est-à-dire en une certaine unité conforme
à Dieu, c’est-à-dire semblable à Dieu, quant aux différences qui ont déjà
été unifiées ; quant à celles qui sont appelées à le devenir, elles sont
rassemblées aussi en une certaine unification
qui cherche à imiter Dieu ; et cela, se produit d’une manière qui n'est pas de ce monde, c’est-à-dire par une
puissance surnaturelle, à partir de la division de nos altérités,
c'est-à-dire de nos diversités, c'est-à-dire à partir de ce qui est le
résultat d'une division. Ce que Denys dit, à
savoir que nous sommes unifiés,
peut se rapporter soit à ceci que chaque chose est une en elle-même ; mais ce
qui suit, à savoir et à partir de la
division de nos altérités, peut se rapporter aussi à cela, à savoir
qu’une multitude, bien que diverse et contenant des différences, se ramène à l’unité
soit parfaitement, soit imparfaitement. La monade en effet, à savoir l’unité,
désigne la perfection de l’unité alors que l’unification désigne le
cheminement vers l’unité dans lequel on peut voir une certaine imperfection
d’unité. 57. Ensuite, il montre la même chose à l’égard du nom de
Trinité ; et il dit qu’il nous arrive de voir Dieu être loué comme Trinité pour manifester la
fécondité supra-substantielle des trois
personnes qui ne se distinguent que selon l’origine ; et c’est de cette fécondité divine que provient
toute paternité, à savoir toute
fécondité qui se reconnaît au moyen du nom de paternité, ainsi que l’Apôtre
le dit dans son Épître aux Éphésiens (3, 15), à savoir que c’est à partir de
Dieu le Père ¨qu’est dénommée toute
paternité dans le ciel et sur la terre¨ ; et non seulement c’est à partir
de Lui que toute paternité est dénommée, mais c’est de Lui aussi que toute
paternité tient son existence et c’est par Lui qu’elle est causée. 58. Et troisièmement, il manifeste la même chose à l’égard
du nom de Cause ; et il dit que Dieu est loué en tant que Cause de tout
ce qui existe, parce que toute
chose est amenée à l’existence à partir de sa bonté, mais non par une
nécessité de nature, qui donne aux choses leur substance. 59. Et quatrièmement, il manifeste la même chose au moyen
des noms de Sagesse et de Beauté ; et il dit que les théologiens louent la
Divinité comme étant sage et belle,
car tous les êtres chez lesquels on
retrouve une nature propre exempte de toute corruption, sont tous remplis d'une harmonie divine, c’est-à-dire d’un
équilibre ou d’un ordre parfait donné par Dieu et sont derechef comblés d’une
sainte grâce ; de sorte que ce qu’il dit par le mot harmonie se rapporte à la Sagesse à laquelle il appartient
d’ordonner et de mesurer les choses ; et ce qu’il dit par le mot grâce se rapporte au plus haut point à
la Beauté. Et c’est par une diminution de l’harmonie et de la grâce que
s’ensuit la corruption dans les choses, selon qu’on sort de sa nature propre,
comme c’est le cas pour la maladie à l'égard du corps et pour le péché à
l'égard de l’âme. 60. Cinquièmement, il manifeste la même chose au sujet du
nom de Bienveillance ; et Denys dit que les saintes Écritures célèbrent la
Divinité comme étant bienveillante, mais d’une manière qui diffère
de celle qui se rapporte aux noms précédents. Car d’après les noms qui
précèdent, Dieu est loué dans la mesure où il ne se communique pas ; mais il
est loué en tant que bienveillant dans la mesure où, par l’œuvre de
l’Incarnation, Il se communiqua à nous dans une des personnes mêmes
de la Divinité, c’est-à-dire dans la personne du Fils, à savoir par des
traits qui appartiennent à notre nature propre, n’apportant pas avec Lui un
corps céleste, ainsi que le dit Valentin ; et en vérité, c’est-à-dire
conformément à la vérité, il ne se communiqua pas non plus à nous d’une
manière imaginaire, ainsi que le dit Manès, mais totalement,
c’est-à-dire quant à toutes les parties de notre nature, n’assumant pas le
corps sans l’âme ou l’âme sans le corps ou l’âme et le corps sans
l’intelligence ainsi que le dirent Arius et Apollinaire. Et pour montrer la
finalité de l’Incarnation, il ajoute : rappelant
de l’état du péché les limites humaines,
c’est-à-dire la nature humaine, qui est la dernière des créatures dans l’ordre
de la création, à Elle-même, à
savoir à la divinité, et non seulement Il la rappelle en la détournant du péché, mais Il la rétablit en agissant sur elle. 61. Et afin que personne ne croie qu’Il se communique à
nous de telle sorte que ce soit seulement en habitant notre humanité, ainsi
que le dit Nestor, mais que ce soit plutôt selon une véritable union en
personne et par hypostase, il ajoute : à
partir de laquelle, c’est-à-dire à partir de sa divinité agissante et à partir de laquelle, à savoir selon
l'humanité, Jésus, lequel est indiciblement simple selon
sa divinité, Lui-même par son hypostase est
composé selon son humanité ; et
celui qui est éternel selon sa
divinité, reçoit une présence
temporelle, c’est-à-dire qu’il est temporel dans le temps présent,
conformément à la nature humaine ; et
celui qui, conformément à la divinité, surpasse supra-substantiellement tout ordre de toute nature, a été
inséré à l’intérieur de notre nature, vrai homme qui, comme tous les
autres hommes, fait partie de l’espèce humaine ; et par toutes ces
expressions, Denys donne à entendre que c’est le même être qui est à la fois
Dieu et homme. 62. Et afin que personne ne comprenne à tort que Dieu fut
fait homme selon une métamorphose de la divinité en un être charnel ou en une
âme ou selon un mélange de sorte que la nature de Dieu et celle de l’homme
seraient une seule nature, ainsi qu’Eutychès l’imagina, Denys ajoute : selon une disposition qui est sans transfert et
sans mélange, c’est-à-dire par la ferme sauvegarde de ce qui est propre, c’est-à-dire des propriétés appartenant à
chaque nature, car la Divinité ne se métamorphose pas en humanité ni
l’humanité en Divinité. 63. Et parce qu’il omet à ce moment-ci plusieurs points
se rapportant au mystère de l’Incarnation qui ne font pas partie de son
propos, il ajoute que ce n’est pas seulement ce qui précède qu'on doit
entendre par le nom de bienveillance divine, mais aussi toutes les
autres lumières divines, c’est-à-dire toutes les autres illuminations et
vérités divines que l’enseignement
voilé de nos maîtres, c’est-à-dire des Apôtres et des autres docteurs qui
les ont suivis, nous dispense
clairement à la suite des écrivains sacrés, c’est-à-dire conformément à
ce qui est enseigné dans les saintes Écritures. 64. Ensuite, lorsqu’il dit (15) : Et nous sommes
instruits de ces choses…il montre la différence qu’il y a entre la
connaissance que nous acquérons de Dieu en cette vie au moyen des noms divins
et celle dont les saints jouissent dans l’autre vie, lorsqu’il dit que de ces
choses, qui ont été dites au sujet de Dieu dans la présentation des noms
divins, nous sommes maintenant
instruits, c’est-à-dire dans la vie présente, proportionnellement à nos capacités, à travers les voiles sacrés dont se revêtent les écrivains sacrés, c’est-à-dire les saintes Écritures, et les enseignements hiérarchiques,
c’est-à-dire les autres dogmes que les Apôtres et leurs disciples transmirent
et qui ne sont pas contenus dans les saintes Écritures, comme par exemple ce
qui se rapporte à la connaissance des saints mystères. La hiérarchie en effet
est la même chose que la suprématie sacrée ; c’est pourquoi les Apôtres et
les autres prélats de l’Église sont ainsi nommés en quelque sorte Primats
sacrés. Et Denys dit : à travers les
voiles sacrés, parce que dans la vie présente, nous ne pouvons voir
l’essence de Dieu en elle-même au moyen de ce qui nous est enseigné, mais
dans les Écritures nous sommes instruits de Dieu comme au moyen de son image
qu’on retrouve dans ses effets, comme à travers un voile, conformément à ce
que nous lisons dans la première Épître aux Corinthiens (13 : 12) : ¨À présent nous voyons comme dans un
miroir, par énigme.¨ 65. Il explique quels sont ces voiles en ajoutant que
l’intelligible est comme enveloppé dans le sensible par la bonté de Dieu,
tout comme dans les Écritures on parle de Dieu et des Anges sous la
ressemblance de certaines réalités sensibles, ainsi qu’on le voit dans Ésaïe
(6 : 1) : ¨Dans une vision, j’aperçus
le Seigneur assis sur un trône très élevé¨ et plus loin (6 : 2) : ¨Des Séraphins se tenaient au-dessus de
lui, ils avaient chacun six ailes¨ ; et de même les réalités
supra-substantielles, c’est-à-dire divines, sont enveloppées dans les êtres, comme lorsqu’on
attribue à Dieu non seulement les qualités sensibles, mais aussi les
perfections intelligibles des créatures, comme lorsque nous attribuons à Dieu
la vie, l’intelligence et les autres perfections du même genre découvertes
dans les créatures ; de même c’est grâce à la même bonté de Dieu que les
formes et les figures corporelles enveloppent les réalités incorporelles qui
sont dénuées de formes et de figures ; et de même, la réalité
qui est purement et simplement surnaturelle et sans figure est associée de
plusieurs manières à une grande variété de
signes divisibles selon que Dieu lui-même, qui est surnaturel et simple
nous est manifesté dans les saintes Écritures au moyen de divers symboles,
qu’il s’agisse de diverses réalités qui procèdent de Lui ou de diverses
similitudes. C’est pourquoi Denys dit avec insistance : par bienveillance ; en effet, le fait que dans les Écritures les
réalités intelligibles nous soient représentées au moyen des réalités
sensibles, les supra-substantielles au moyen des substances, les
incorporelles au moyen des corporelles, les simples au moyen des composées et
des variées, cela n’est pas dû à une malveillance pour nous retirer la
connaissance des réalités divines, mais cela est en vue de notre utilité car
il nous transmit les Écritures qui nous dépassent en se proportionnant à nous
selon nos capacités. Et ce mode de connaître est certes celui par lequel nous
pouvons connaître Dieu en cette vie. 66. Mais alors,
c’est-à-dire suite à la bienheureuse résurrection, quand nous serons incorruptibles et immortels, le corruptible
acquérant l’incorruptibilité et le mortel l’immortalité comme on le dit dans
la première Épître aux Corinthiens (15 : 53-54) et quand nous aurons
atteint la finalité christéiforme, à savoir l’assimilation au Christ
selon ce qui est dit dans la Lettre aux Philippiens (3 :21) : ¨Il transformera notre misérable corps
mortel pour le rendre semblable à son corps glorieux¨, et bienheureux,
car non seulement notre âme, mais aussi notre corps, à sa façon, sera
glorifié et alors ainsi qu’on le dit dans la première Épître aux Thessaloniciens
(4 : 17) : ¨Nous serons toujours avec
le Seigneur, conformément aux Écritures¨. Nous, dit-il, remplis d’une manifestation visible,
c’est-à-dire sensible et corporelle de Dieu lui-même, quant à l’humanité du
Christ et cela dans les contemplations
les plus pures, car nous ne serons pas affectés charnellement à la chair
du Christ, mais spirituellement selon cette parole de l’Apôtre dans sa
deuxième Épître aux Corinthiens (5 : 16) : ¨et même si autrefois nous avons connu le Christ selon la chair,
maintenant nous ne le connaissons plus ainsi¨ ; le Christ lui-même,
dit-il, resplendira sur nous de la
clarté de son corps par les splendeurs
les plus remarquables comme cela se produisit auprès des disciples dans cette transformation la plus divine,
c’est-à-dire lors de la Transfiguration, ainsi que le rapporte Matthieu (17 :
2) : ¨son visage resplendit comme le
soleil¨ ; et non seulement nous serons comblés par cette manifestation
sensible de sa Personne, mais nous
participerons au don intelligible de la lumière même du Christ qui se
répandra en nous selon la puissance de sa Divinité. 67. Et nous participerons de cette lumière avec un esprit impassible et immatériel.
En effet, notre esprit en cette vie est certes passible par accident en
raison de son union au corps, et de la même manière il est rendu matériel en
raison de ce penchant que le corps éprouve à l’égard des choses matérielles ;
et alors, maintenant, il n’est pas apte à participer à une telle lumière
comme il le sera quand il ne sera aucunement empêché par les passions
corporelles et qu’il ne sera pas assujetti aux tendances matérielles. Et par
cette participation à la lumière, nous
participerons à une union qui
dépasse notre entendement car notre esprit, alors intelligible, s’unira à
Dieu lui-même qui est au-dessus de tout esprit ; et cela se produira par la
libération inconnue et bienheureuse de rayons
d’une clarté incomparable, c’est-à-dire d'illuminations divines qui nous
sont maintenant cachées et dont nous n’avons pas l’expérience, et grâce
auxquelles les mêmes esprits goûteront alors la félicité. Et les hommes
rechercheront certes cela par imitation des
esprits supra-célestes, c’est-à-dire des Anges, selon un mode plus divin
que celui qui leur est accessible maintenant ; maintenant en effet, bien que
les esprits humains, dans une certaine contemplation de la vérité, sont
éclairés par leur union aux Anges, ils sont très loin de les égaler, mais
alors nous serons égaux aux Anges ainsi
que nous le dit la vérité des Écritures, et les hommes seront fils
de Dieu, ceux qui vivent comme des
fils de la résurrection, ainsi qu’on le voit chez Luc (20 : 36). 68. Et ensuite, lorsqu’il dit (16) : Mais maintenant, il montre qu’après toute la connaissance que
nous pouvons avoir de Dieu dans cette vie, ce qu’est Dieu nous demeure caché
; et à ce sujet, il fait deux choses : d’abord, il présente son propos ;
ensuite, il le prouve là (17) où il dit : Dans
lequel… 69. Denys dit donc en premier que maintenant, c’est-à-dire au cours de la vie présente, ainsi que
nous l’avons expliqué, nous nous
servons, dans la mesure où cela nous est possible, des signes propres à nous
faire connaître les réalités divines ; lesquels signes sont certes autant
les perfections qui procèdent de Dieu vers les créatures que les métaphores
qui par similitude sont transférées à Dieu à partir des créatures. Et certes
on dit que ces signes sont propres à nous faire connaître les choses divines
car de notre part il ne nous est pas possible de connaître les choses divines
autrement. Mais cependant, nous ne nous servons pas des signes de cette sorte
dans la connaissance des choses divines de telle manière que notre esprit en
reste là, estimant que Dieu n’est rien au-delà d’eux, mais à partir de ces
signes, une fois encore, nous
tendons, à la mesure de nos forces, à
la vérité simple et une des merveilles intelligibles, c’est-à-dire à des
contemplations admirables que nous pouvons acquérir des choses divines au
moyen de tels signes. Et il dit à la
vérité simple et une, puisque la simplicité correspond à la composition
des signes alors que l’unité en vérité correspond à leur multiplicité et à
leur diversité. 70. Et afin que personne ne croie qu’au moyen de ces
signes nous puissions parvenir parfaitement à la vérité et à l’intelligence
des réalités divines, il ajoute que nous
nous abandonnons au rayon supra-substantiel, c’est-à-dire à la
connaissance de la vérité sur Dieu, non d’une manière parfaite, mais conformément à ce qui nous convient,
c’est-à-dire en suspendant,
c’est-à-dire en mettant au repos nos
opérations intellectuelles, afin de ne pas nous laisser emporter au-delà
de ce qui nous a été donné ; et il dit ceci, à savoir, suite à toute union à ce qui est déiforme conformément à nos
capacités, comme s’il disait : après que nous aurons été unis par la
connaissance aux choses divines selon la forme divine, dans la mesure où cela
nous est possible, il demeure encore quelque chose des réalités divines qui
nous reste caché et à l'égard de quoi il faut que notre intelligence apaise
ou arrête sa recherche. 71. Ensuite, lorsqu’il dit (17) : Dans lequel…, il prouve ce qu’il avait dit ; et à ce sujet il
fait trois choses ; d’abord, il présente la preuve ; deuxièmement, il
l’explique, là (18) où il dit : Et de
tous… ; enfin, il prouve un point qui était supposé dans la preuve, là
(19) où il dit : Si en effet… 72. Pour manifester la première partie, il faut
considérer qu’aucune puissance finie ne peut se déployer à l’infini, mais
s’arrête à un terme déterminé ; de là, comme toute puissance cognitive d’une
créature est finie, la connaissance de la créature comporte un terme
déterminé au-delà duquel elle ne peut se déployer. Et on peut tirer des
exemples de cela à partir des diverses sciences. En effet la géométrie a un
terme au-delà duquel elle ne tend pas ; et il en est de même pour la science
de la nature. Et certes il faut comprendre qu'il en est ainsi des choses en
raison de leur nature créée. Mais il est manifeste que ce qui dépasse le
terme d’une connaissance ne peut être atteint par cette connaissance. Mais le
rayon supra-substantiel, c’est-à-dire la vérité divine elle-même, dépasse
toutes les bornes et toutes les limites de toute connaissance, car les termes de toutes les connaissances préexistent dans le rayon lui-même
d’une manière plus excellente, comme dans leur cause première, d’une manière
qui nous est inexprimable en raison de son excellence. D’où il reste que nous
ne pouvons pas par la recherche penser
ce rayon, ni par la parole l’exprimer, ni d'aucune manière en avoir une contemplation parfaite ; et il en est
ainsi non en raison d’un défaut qui se tiendrait du côté du rayon lui-même,
mais parce qu’il est séparé de toute chose, parce qu’existant
au-dessus de tout, il est par conséquent inconnu de tout. 73. Ensuite, lorsqu’il dit (18) : Et de tous…, il explique ce qu’il a dit : à savoir que les termes
des connaissances préexistent dans le rayon supra-substantiel ; et il dit que
puisque ce rayon est supra-substantiel, et que les puissances cognitives et
les connaissances elles-mêmes sont substantielles, c’est-à-dire
proportionnées aux substances créées et par conséquent finies, il est
manifeste que ce rayon contient à
l’avance en lui-même, comme une cause première, les termes de toutes ces connaissances et de toutes
ces puissances, non pas selon une succession dans le temps, de sorte
qu’Il posséderait tantôt celui-ci, tantôt celui-là, mais plutôt simultanément et comme s'ils n’étaient
qu’un seul terme ; et ce rayon ne contient pas à l’avance ces termes en
partie, de sorte qu’Il posséderait ce terme-ci et non celui-là, mais il les
contient tous, en totalité ; et
derechef, il ne possède pas en lui ces termes à la manière dont ils existent
dans les substances créées, mais supra-substantiellement. 74. Et comme à partir de ce que Denys avait dit, à savoir
: et qu’il n’est pas même possible de
concevoir (17) quelqu’un pourrait rapporter ces paroles uniquement à la
connaissance dont nous sommes capables dans cette vie temporelle, il applique
plus loin cet énoncé aux Anges aussi ; et il dit que ce rayon
supra-substantiel est établi non
seulement au-dessus des esprits humains, mais aussi au-dessus des esprits célestes, à savoir
angéliques ; non pas qu’il ne puisse être atteint d’aucune manière par eux,
mais il ne peut être atteint de manière à être compris par eux ; et c’est ce
qu’il dit de Dieu en ces mots, à savoir qu'Il est d'une puissance insaisissable. 75. Ensuite, lorsqu’il dit (19) : Si en effet…il prouve ce qu’il a dit, à savoir qu’en Dieu
préexistent les termes de toutes les connaissances, et voici son raisonnement
: Toutes les connaissances
portent sur les choses qui existent ; en effet, l’objet de la connaissance est l’être. Mais les êtres sont
finis. Donc, l’être fini est
l’objet d’une connaissance finie. Donc Dieu, puisqu’il est
infini, dépasse toute substance finie, possédant en lui à l'avance leurs
limites ou leurs termes ; et, par conséquent, il transcende toute
connaissance selon qu’Il dépasse toute connaissance d’une créature, de sorte
qu’Il ne puisse être compris par aucune d’elle. |
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LECTIO 3 [84836] In De divinis
nominibus, cap. 1 l. 3 Postquam ostenderat Dionysius quam cognitionem de
Deo per divina nomina accipere possumus, hic ostendit quomodo Deus nominari
possit ; et primo movet dubitationem, secundo solvit eam ; ibi : sed
quod diximus et cetera. Est ergo dubitatio talis : ostensum est quod
Deus est potior omni nostra locutione et omni cognitione et non solum excedit
nostram locutionem et cognitionem, sed universaliter collocatur super omnem
mentem etiam angelicam et super omnem substantiam. Et ne aliquis crederet sic
Deum esse super omnia remotum ut non solum non cognosceretur, sed quod nec
etiam cognosceret quae infra se sunt, subiungit quod ipse est omnium
circumapprehensivus, inquantum cognoscit proprietates et circumstantias
rerum ; et comprehensivus, inquantum perfecte cognoscit
quidditates seu essentias omnium ; et praeapprehensivus,
inquantum scilicet cognitionem rerum non accipit a rebus sicut nos, sed
scientia eius praeexistit rebus, utpote causa earum ; et tamen ipse
omnibus rebus est incomprehensibilis et neque
potest comprehendi sensu neque phantasia sive imaginatione, neque opinione,
in quibus et bruta comunicant ; neque etiam comprehendi potest per ea quae
sunt propria rationalium : quia neque nomen est eius, ut
comprehendens ipsum, neque sermo aliquis complexus, neque
tactus, idest simpliciter intuitus intellectus, neque scientia,
quae provenit ex deductione principiorum in conclusiones. Si ergo ita
est, quomodo de divinis nominibus poterit aliquis sermo tractari
a nobis ? Cum demonstratum sit quod supersubstantialis
deitas voce significari non potest, utpote supra omne nomen existens.
Ridiculum enim videtur velle tractare de nominibus rei quae nominari non
potest. Deinde, cum dicit : sed quod diximus et cetera,
solvit praedictam dubitationem ; et circa hoc duo facit : primo, ostendit
qualiter Deus nominari potest ; secundo, qualiter de divinis nominibus sit
agendum ; ibi : nunc autem et cetera. Prima pars dividitur
in tres, secundum tres modos Dei nominationum, quos assignat ; secunda pars
incipit ibi : quoniam autem et cetera ; tertia pars incipit
ibi : et quidem et cetera. Circa primum, duo facit : primo
ponit radicem primi modi nominationum ; secundo, assignat primum modum Dei
nominationum ; ibi istis deiformes et cetera. Dicit ergo,
primo, quod, sicut dictum est in libro de theologicis hypotyposibus, ipsum
per se unum, quod Deus est, quod est ignotum et supersubstantiale,
idest super omnem substantiam et quod est ipsum bonum, idest ipsa
essentia bonitatis et quod est ipsum quod est, idest ipsum per se
esse, scilicet ipsam trinam unitatem, dico, in qua non est
aliquis gradus, sed omnes tres per se sunt simul et
aequaliter Deus et simul et aequaliter ipsum bonum,
non quod filius sit umbra bonitatis sicut Origenes et Arius dixerunt, istud,
inquam, secundum quod in se est, neque dicere, neque cogitare est
possibile nobis ; non enim possumus ipsam essentiam Dei, quae est
unitas in Trinitate, in praesenti vita videre. Et licet Angeli videant
essentiam, tamen etiam sunt nobis ineffabiles et ignotae sanctarum
virtutum unitiones quae conveniunt Angelis, quibus
scilicet uniuntur per cognitionem ad divinam essentiam, ipsam aliqualiter
attingendo, sed non comprehendendo ; quas, scilicet
unitiones, oportet dicere sive immissiones sive susceptiones
bonitatis divinae, superignotae et superclarae ; non
enim est ignota propter obscuritatem, sed propter abundantiam
claritatis. Immissiones autem dici possunt, inquantum ipsa
divina bonitas se immittit quodammodo sanctis mentibus ; susceptiones autem,
inquantum sanctae mentes ipsam capiunt, secundum suum modum. Et licet nunc
huiusmodi immissiones sint nobis ineffabiles et
ignotae, inerunt tamen aliquibus hominibus, sed illis
solis qui digni habiti sunt ipsis Angelis, idest societate et
consortio Angelorum, quantum ad cognitionem superangelicam.
Visio enim Dei per essentiam est super naturam cuiuslibet intellectus creati,
non solum humani, sed etiam angelici. Deinde, cum dicit istis
deiformes et cetera, assignat primum modum Dei nominationum, qui
scilicet fit per remotionem et dicit quod mentes Deo
conformatae sanctorum, scilicet prophetarum et apostolorum, unitae,
idest coniunctae praedictis immissionibus et susceptionibus, secundum imitationem
Angelorum, non quidem aequaliter Angelis sed sicut est possibile in
hac vita, laudant Deum maxime proprie per remotionem
a cunctis existentibus ; et hoc ideo, quia unitio sanctarum mentium ad
Deum, qui est super omne lumen, fit talis, scilicet per
remotionem a cunctis existentibus, secundum quietem omnis
intellectualis operationis, idest in ultimo, in quo quiescit omnis eorum
intellectualis operatio. Hoc enim est ultimum ad quod pertingere possumus
circa cognitionem divinam in hac vita, quod Deus est supra omne id quod a
nobis cogitari potest et ideo nominatio Dei quae est per remotionem est
maxime propria ; etenim illi qui sic laudant Deum per remotionem, per
illuminationem Dei vere et supernaturaliter sunt hoc
edocti ex beatissima coniunctione ad Deum ; qui
Deus, cum sit omnium existentium causa, ipse nihil est
existentium, non quasi deficiens ab essendo, sed supereminenter segregatus
ab omnibus. Et ideo divina supersubstantialitas, quae est bonitatis
essentia, ab his qui sunt divinae veritatis amatores, quae est supra
omnem veritatem, non potest laudari, quomodocumque est, idest
comprehensive, neque ut dicatur ratio aut virtus neque ut mens aut vita aut
substantia. Et eadem ratio est de omnibus aliis nominibus, quae processiones
Dei in creaturas signant. Sed laudant eam sicut
superexcellenter segregatam ab omni habitu, quod potest referri ad
artificialia vel ad quascumque exteriores circumstantias ; etiam motu,
quantum ad naturalia ; vita, quantum ad viventia ; phantasia,
opinione, idest aestimatione, quantum ad sensitiva ; nomine incomplexo, verbo complexo, deliberatione,
idest inquisitiva ratione, quantum ad rationalia, ut sunt homines ; intellectu,
quantum ad intellectualia, ut sunt Angeli ; et universaliter quantum ad omnia
dicit, substantia, si consideretur esse rerum ; statione,
collocatione, quantum ad rerum permanentiam : ut statio referatur ad
firmitatem rei secundum quod consistit in seipsa ; collocatio vero, secundum
quod firmatur in aliis ; et quantum ad perfectionem rerum, subdit : unitione,
fine, infinitate, et universaliter ab omnibus quocumque modo existant.
Hic igitur est primus modus Dei nominationum per abnegationem omnium, ea
ratione quod ipse est super omnia et quidquid est quocumque nomine signatum,
est minus eo quod est Deus, quia excedit nostram cognitionem, quam, per
nomina a nobis imposita, exprimimus. Deinde cum dicit quoniam autem et
cetera, tradit secundum modum Dei nominationum, quae scilicet nominant Deum
ut causam ; et circa hoc tria facit : primo, praemittit rationem huiusmodi
nominationum ; secundo, ponit ipsas nominationes, ibi : hoc igitur et
cetera ; tertio, excludit quemdam errorem, ibi : et vere laudatur et
cetera. Ad evidentiam autem primae partis, considerandum est quod cum
effectus procedant per quamdam assimilationem a suis causis, secundum modum
quo aliquid est causa, praehabet in se similitudinem sui effectus. Si enim
aliquid est causa alterius secundum suam speciem vel naturam, effectus in se
habet similitudinem secundum suam naturam : sicut homo generat hominem et
equus equum. Si vero sit causa alterius secundum aliquam dispositionem superadditam,
secundum hoc etiam habebit similitudinem sui effectus. Aedificator enim est
causa domus, non secundum suam naturam, sed secundum suam artem, unde
similitudo domus non est in natura aedificatoris, sed in eius arte. Ulterius
autem considerandum est, quod cum bonum habeat rationem finis, quia bonum est
quod omnia appetunt, finis autem est prima causarum, bonum est cui primo
competit ratio causandi. Secundum hoc igitur quod aliquid se habet ad bonum,
secundum hoc se habet quod sit causa. Quia igitur Deus est bonus, non quidem
bonus quasi bonitatem participans, sed sicut ipsa essentia
bonitatis, non per aliquam dispositionem creatam est causa rerum,
sed per ipsum esse suum est causa omnium existentium
; nec per hoc excluditur quin agat per intellectum et voluntatem, quia
intelligere eius et velle est ipsum esse eius. Sic
igitur in ipso sua causa praehabet similitudinem omnium suorum effectuum. Omnis
autem causa intantum potest nominari ex nomine sui effectus, inquantum habet
in se similitudinem eius. Si enim sit similitudo secundum identitatem
rationis, nomen illud conveniet causae et causato, sicut nomen hominis,
generanti et generato. Si vero non sit similitudo secundum eamdem rationem,
sed sit supereminentius in causa, non dicetur nomen de utroque secundum unam
rationem, sed supereminentius de causa, sicut calor de sole et igne. Sic
igitur, quia similitudo omnium rerum praeexistit in divina essentia non per
eamdem rationem, sed eminentius, sequitur quod providentiam deitatis,
sicut principem totius boni, idest,
principaliter in se totum bonum habentem et aliis diffundentem, convenit
laudare ex omnibus causatis ; non tamen univoce sed supereminenter, quod
contingit propter convenientiam creaturarum cum ipsa ; quam quidem
convenientiam designat cum subdit : quoniam et circa ipsam sunt omnia.
Effectus enim dicuntur circa causam consistere,
inquantum accedunt ad similitudinem ipsius, secundum similitudinem qua lineae
egredientes e centro circumstant ipsum, secundum quamdam similitudinem, ab
ipso derivatae. Inveniuntur autem aliqua esse circa aliquid, quod
tamen est propter ea quae circumstant, sicut columna est propter domum. Non
autem Deus est propter creaturas, sed e converso, et ideo subdit : et
ipsius causa sunt omnia eo modo loquendi quo medicina dicitur esse
causa sanitatis, idest propter sanitatem. Contingit autem apud nos, quod id
quod est propter finem est causa activa finis et prius eo in generatione,
sicut se habet medicatio ad sanitatem ; et ne sic Deus esse finis credatur,
subiungit : et ipse est ante omnia. Sunt etiam
aliqua propter finem quae licet non praecedant id propter quod sunt, tamen
aliquid ad ipsum conferunt, sicut vestimenta sunt propter hominem ; et ad hoc
excludendum a Deo, subdit : et omnia in ipso consistunt,
unde ex nullo, aliquid accipere potest, sed omnia acquirunt quidquid habent,
ab ipso. Et ne aliquis credat esse Deum causam rerum solum per modum finis,
ut quidam posuerunt et non per modum factionis et conservationis, subiungit
: et esse hanc, scilicet deitatem vel providentiam divinam, est
totorum, idest omnium vel perfectorum, deductio, idest,
productio, et substantia ; ac si dicat : ipsa deitas per suum
esse est causa productionis et existentiae rerum. Est autem ulterius
considerandum quod omnis effectus convertitur ad causam a qua procedit, ut
Platonici dicunt. Cuius ratio est quia unaquaeque res convertitur ad suum
bonum, appetendo illud ; bonum autem effectus est ex sua causa, unde omnis
effectus convertitur ad suam causam, appetendo ipsam. Et ideo postquam
dixerat quod a deitate deducuntur omnia, subiungit quod omnia convertuntur ad
ipsam per desiderium ; et hoc est quod dicit : et omnia ipsam
desiderant. Et ne aliquis credat quod omnia ipsam cognoscant, ostendit
quomodo, diversimode, diversa ipsam desiderant, subdens : intellectualia
quidem, idest Angeli, et rationalia, idest homines,
desiderant ipsam cognitione, idest cognoscendo ipsam, non enim
cognosci potest nisi intellectu aut ratione ; istis autem subiecta,
non cognitione ipsam desiderant, sed alia quidem solum sensibiliter,
ut bruta animalia ; et alia secundum vivificum motum, ut plantae
; aut secundum aptitudinem substantialem, ut ea quae moventur
secundum generationem et corruptionem ; aut habitudinariam, ut in
aliis motibus, qui sunt secundum qualitatem et quantitatem et ubi ; omnia
enim huiusmodi licet non cognoscant Deum, tamen dicuntur ipsum desiderare,
inquantum tendunt ad quoddam bonum particulare. In omni autem bono
particulari refulget primum bonum, ex quo habet quodlibet bonum quod sit
appetibile. Deinde, cum dicit : hoc igitur et cetera, ponit
nominationes divinas secundum rationem praedictam et dicit quod theologi,
considerantes praedicta, scilicet quod Deus est segregatus ab omnibus et
tamen est causa omnium, quandoque quidem dicunt ipsum innominabilem,
quandoque autem attribuuntur ei omnium rerum nomina : innominabilem
quidem, dicunt ipsum, sicut quando dicunt ipsam deitatem in quadam mysticarum
visionum, quae fuerunt secundum apparitionem divinam imaginativam, significative
increpare eum qui quaesivit : quod est nomen tuum ? Ab
Angelo qui apparebat in persona Dei. Et ut excluderet eum ab omni cognitione
quae posset provenire ex Dei nomine, dixit : quare interrogas nomen
meum quod est mirabile ? Et habetur hoc, Genes. 32.
Et vere hoc nomen est mirabile, quod est super omne nomen, ut
dicitur Philipp. 2 ; quod est innominabile, quasi collocatum
super omne nomen quod nominatur sive in isto saeculo sive in futuro, ut
habetur Ephes. 1. Et non solum laudatur in Scripturis Deus ut innominabilis
sed etiam ut multorum nominum, sicut quando ipse Deus
inducitur dicens : ego sum qui sum, Exod. 3 ; et vita et
veritas, Ioan. 14 ; et lumen, Ioan. 8 ; et Deus,
Exod. 3 : ego sum Deus Abraham. Et non solum ipsum inducunt ipsa
nomina de se dicentem, sed etiam ipsi qui erant periti circa
deitatem ut apostoli et prophetae, laudant Deum, ut omnium
causam ex multis causatis. Diversitatem autem horum causatorum quae hic
subiungit, non oportet hic distinguere, quia ista distinguentur in
distinctione capitulorum, cum ad certa capitula omnes effectus huiusmodi
reducat. Laudant enim eum sicut bonum, Luc. 18 ; sicut
pulchrum, Cant. 1 sicut sapientem, Iob 9 ; sicut
diligibilem, Cant. 5 ; sicut Deum deorum, Psalm. 49 ; sicut
sanctum sanctorum, Dan. 9 ; sicut aeternum, Baruch 4 ; sicut
existentem, Iob 14 : nonne tu qui solus es ? Sicut causam saeculorum, Eccli. 24 ; sicut
vitae largitorem, Act. 17 ; sicut sapientiam, I ad Corinth. 1
; sicut mentem, Esaiae 29 et alia translatio habet intellectum
; sicut rationem, Esaiae 63 : ego qui loquor iustitiam, ubi
alia translatio habet : ego qui disputo iustitiam vel melius
dici potest quod ratio in Graeco logos dicitur, quod etiam signat verbum,
quod pluries in Scripturis invenitur ; sicut cognitorem, II ad
Timoth. 2 ; sicut praehabentem omnes thesauros universae cognitionis,
Coloss. 2 ; sicut virtutem, I Corinth. 1 ; sicut potentem,
Psalm. 88 ; sicut regem regum, Apoc. 19 ; sicut veterem
dierum, Dan. 7 ; sicut sine senectute et invariabilem, Jac. 1
; sicut salvationem, Matth. 1 ; sicut iustitiam, sicut
iustificantem sicut liberationem vel redemptionem,
secundum aliam translationem, I Corinth. 1 ; sicut magnitudinem cuncta
excedentem, Iob 23 ; sicut in aura subtili, III Reg. 19
; et dicunt ipsum etiam esse in mentibus, sive
cordibus, Eph. 3 ; in animabus, Sap. 7 ; et in corporibus,
I Corinth. 6 ; in coelo et in terra ; Hierem. 23 ; et
simul in eodem, idest quantum ad eamdem materiam, dicunt eumdem esse mundanum,
idest in mundo, Ioan. 1 ; circamundanum, Eccli. 24
; supermundanum, Esaiae 66 ; et supercoelestem, Psalm.
112 : excelsus super omnes gentes dominus et super coelos gloria eius
; supersubstantialem, Matth. 6 ; solem, Malach. 4 ; astrum,
idest stellam, Apoc. 22 ; ignem, Deuter. 4 ; aquam,
Ioan. 4 ; spiritum, Ioel. 2 ; et rorem, Oseae, 14
; nubem, Oseae 6 ; lapidem, Psalm. 117 ; petram,
I Corinth. 10 ; et omnia alia existentia ei
attribuuntur sicut causae ; et nihil existentium est, in
quantum omnia superexcedit. Ita igitur Deo, qui est omnium causa
et tamen super omnia existens, convenit et esse innominabile,
inquantum super omnia existens, et tamen conveniunt ei omnia nomina
existentium, sicut omnium causae ; et rationem subiungit. Ad cuius
evidentiam considerandum est quod regimen universi est optimum. Ad bonitatem
autem regiminis requiritur quod ille qui regit, non sit omnino ab his qui
reguntur alienus, sed cum eis aliquam convenientiam habeat, ut possit esse
utilis ; et ut tamen subditos superexcedat, ne sit contemptibilis, ut
imperare possit. Et hoc est quod subdit : ut regnum totorum,
idest ut regimen universi, sit diligenter, idest optime
procedat, omnia sunt circa primam causam,
quasi ab ipsa secundum quamdam similitudinem derivata ; et ab ipsa sunt
omnia segregata, sicut a causa, propter quam omnia sunt ; sicut a principio,
a quo effluunt ; sicut a fine, quem consequentur
; et ipsa, per hunc modum, sit omnia in omnibus,
inquantum omnis perfectio omnium est ipse Deus causaliter, secundum
eloquium ; hoc enim scriptum est I Corinth. 15. Deinde, cum dicit : et
vere laudatur et cetera, excludit quorumdam errorem. Fuerunt enim
quidam Platonici qui processiones perfectionum ad diversa principia
reducebant, ponentes unum principium esse vitae, quod appellabant primam
vitam, et aliud principium esse intelligendi, quod appellabant primum
intellectum et aliud existendi quod appellabant primum ens et bonum. Et ad
hoc excludendum, dicit quod Deus vere laudatur ut principalis
substantia omnium, inquantum est principium existendi omnibus ; et
dicitur causa perfectiva omnium, inquantum dat omnes
perfectiones rebus ; et dicitur causa contentiva, custodia et cibus,
quae tria ad conservationem rerum pertinere videntur. Quaedam enim sunt quae
non indigent nisi ut in suis principiis conserventur, quia ab exteriori
corrumpi non possunt, ut corpora coelestia, et quantum ad hoc dicit quod est
causa contentiva, quia haec continet in esse. Quaedam vero sunt
quae, etsi non deficiant ex suis principiis, corrumpi possunt ab exteriori
sicut aqua ab igne et quantum ad hoc dicit : custodia, quia haec
defenduntur a Deo, ne, praeter ordinem suae rationis, ab illis corrumpantur.
Quaedam autem sunt quae ad sui conservationem indigent supplementis, sicut
homines et animalia cibis et quantum ad hoc dicit : cibus, quia
scilicet omnibus administrat ea quae sunt necessaria ad suam conservationem.
Est etiam et causa conversiva ad ipsum, quia hoc
ipsum quod res convertuntur in Deum, desiderando ipsum sicut finem, est eis a
Deo. Et haec omnia conveniunt Deo unitive, idest non secundum
diversas virtutes, sed secundum unam simplicem virtutem ; et communicabiliter
segregate, quia ita communicat aliis causalitates praedictas, quod tamen
quidam singularis modus causandi separatim remanet apud eum. Ideo autem sic
diversimode laudatur ut causa, quia non solum est causa continentiae,
idest salvationis rerum, aut vitae aut perfectionis, ut bonitas divina quae
est super omne nomen nominetur, idest debeat
nominari a sola hac aut alia providentia, idest
causalitate, sed ipsa divina bonitas praeaccipit in
seipsa omnia existentia simpliciter, idest non ita quod ex omnibus
componatur, sed quae in seipsis sunt multa composita, in Deo sunt unum simpliciter
et incircumfinite, quia, cum singula nomina determinate aliquid
significant distinctum ab aliis, venientia in divinam praedicationem, non
significant illud finite, sed infinite : sicut nomen sapientiae prout in
rebus creatis accipitur significat aliquid distinctum a iustitia, ut puta in
determinato genere et specie existens, sed cum in divinis accipitur, non
significat aliquid determinatum ad genus et ad speciem seu distinctionem ab
aliis perfectionibus, sed aliquid infinitum ; et ideo convenienter laudatur
et nominatur Deus ex perfectissimis bonitatibus, idest
perfectionibus, quae proveniunt rebus per providentiam illius supremae causae
; quae cum sit una et eadem, est tamen diversorum, immo omnium causa, utpote
cum nominatur nomine substantiae aut vitae aut alicuius huiusmodi, et etiam nominatur
ex universis existentibus, propter perfectiones in eis participatas,
utpote si nominetur sol propter claritatem et petra propter firmitatem et sic
de aliis. Deinde, cum dicit et quidem et cetera, ponit
tertium modum Dei nominationum et dicit quod sancti theologi non
solas istas Dei nominationes nobis commendant quae
sumuntur a providentiis aut provisis, perfectis aut particularibus ut
per providentias, intelligamus perfectiones rebus communicatas, ut bonitatem
et sapientiam ; per provisa autem, ipsas res participantes huiusmodi
perfectiones, ut hominem aut solem : quorum perfectae quidem providentiae
dicuntur quae sunt universales, ut bonum, existens et huiusmodi ;
particulares autem quae alicui generi rerum conveniunt, ut sapiens et iustum
sed contingit quod aliquando nominant Dei bonitatem quae
est supernominabilis, propter suum supersplendorem, a quibusdam
divinis apparitionibus, idest imaginativis visionibus, quibus illuminati
sunt prophetae aut magistri, quod dicit propter eos qui
Agiographa conscripserunt ; vel in sanctis templis vel in
quibuscumque aliis locis et hoc secundum diversas causas
et virtutes. Ex diversis enim rationibus, diversae apparitiones sunt
factae, unde circumponunt ei formas humanas aut
igneas aut electrinas et ad laudem ipsius describunt ei oculos
et aures et alia membra et circumponunt ei coronas et
honores et alia huiusmodi, quae facile est considerare ex diversis Scripturae
locis. Et de huiusmodi Dei nominibus promittit se dicturum in libro de
symbolica theologia, qui nondum apud nos habetur. Deinde cum dicit : nunc
autem et cetera, ostendit quomodo de divinis nominibus sit agendum
et circa hoc tria facit : primo ostendit de quibus divinis nominibus in hoc
libro sit agendum ; secundo, quis modus doctrinae servandus sit et quantum ad
docentes et quantum ad audientes, ibi : et quod semper et
cetera ; tertio, exhortatur Timotheum cui scribit, ad hoc observandum, ibi
: igitur et cetera. Dicit
ergo, primo, quod nunc procedendum est, in hoc libro, ad
manifestationem divinorum nominum intelligibilium, idest quae non
sumuntur a rebus sensibilibus symbolice, sed ex intelligibilibus
perfectionibus procedentibus ab eo in creaturas, sicut sunt esse, vivere et
huiusmodi, ita quod congregentur quaecumque nomina ad praesens negotium
pertinent, ex sacris Scripturis ; et quod his quae dicta sunt in isto
capitulo, sit utendum sicut quadam regula, ad quam in toto praesenti opere
oportet respicere. Cum enim praemissa sint tria genera Dei nominationum, de
primo, qui est per remotionem, agitur in mystica theologia ; de secundo, qui
est per intelligibiles processiones, in hoc libro ; de tertio, qui est per
sensibiles similitudines, in libro de symbolica theologia. Deinde,
cum dicit : et quod semper et cetera, ostendit modum
determinandi de divinis nominibus, cum dicit quod considerandum est ut
proprie dicamus, in hoc libro, contemplationes quibus Deus apparet.
Et dicit proprie, contra metaphoricas apparitiones. Et iterum
inspiciendum est quod ad manifestationes sanctorum Dei nominum, admittantur
sanctae aures scilicet fidelium, qui pie et reverenter
audiant, non infidelium qui irrideant et blasphement, ut sic sancta collocemus in
sanctis, secundum divinam traditionem, Deo praecipiente : nolite
sanctum dare canibus, Matth. 7 ; ut sic auferantur sancta
derisionibus indoctorum ; immo magis ipsi homines,
si qui sint totaliter divinis resistentes, liberentur ab
impugnatione Dei ; ipsi enim deridendo divinis non divina laedunt, sed
seipsos. Et hoc, inquam, in hoc opere providendum est, quia semper
secundum omnem doctrinam theologicam lex hierarchica,
idest quae per sacros principes traditur, inducit, idest
praecipit aut exhortatur haec esse observanda secundum quamdam
deliberationem, quae non ex humana sapientia provenit, sed ex ipsa Dei
circumspectione. Deinde, cum dicit : igitur et cetera,
inducit Timotheum ad haec observanda ; et dicit quod utile est
ei praedicta custodire, sed ut ipse haec sanctissime recordetur
et quod ea quae sunt divina neque dicat, neque quocumque
modo exportet, idest prodat indoctis, scilicet infidelibus vel quibuscumque
indoctis qui, propter imperitiam non capientes, irrident. Ultimo, autem, in
oratione terminat praesens capitulum, rogans Deum ut det ei
cum Dei laude, secundum quod decet Deum, tradere diversas nominationes
deitatis, quae voce exprimi non potest nec nominari et quod non
auferat verbum veritatis ab ore eius. |
Leçon 3 (3a) : Comment Dieu peut être nommé.76. Après avoir montré quelle connaissance de Dieu nous
pouvons acquérir au moyen des Noms divins, Denys montre ici comment Dieu peut
être nommé ; et d’abord, il avance une difficulté et deuxièmement, il la
résout, là (22) où il dit : Mais ce que
nous avons dit… 77. Et voici quelle est cette difficulté : Nous avons
montré en effet que Dieu surpasse toute parole et toute connaissance humaine
et non seulement il dépasse nos paroles et nos connaissances, mais il est
établi universellement au-dessus de tout esprit, même au-dessus des esprits
angéliques, et au-dessus de toute substance. Et afin que personne ne croie
que Dieu est tellement éloigné au-delà de toute chose que non seulement il ne
serait pas connu par elles mais encore qu’il ne connaîtrait pas ce qui est
au-dessous de lui-même, il ajoute que Dieu Lui-même embrasse tout ce qui l’entoure, dans la mesure
où il connaît les propriétés et les circonstances des choses ; et il les comprend, selon qu’il connaît
parfaitement les quiddités ou les essences de toutes les choses ; et il les conçoit à l'avance,
c’est-à-dire selon qu’il n’acquiert pas la connaissance des choses à partir
des choses comme nous le faisons, mais sa science préexiste aux choses en
tant que cause des choses ; et cependant Il
est Lui-même insaisissable par les choses et ne peut être saisi ni par les sens, ni par l’image, ni par
l’imagination, ni par l’estimative
, connaissances que les animaux ont en commun ; il ne peut être saisi non
plus au moyen de ce qui est propre aux êtres rationnels : car aucun nom, ni aucun discours complexe, ni aucun
toucher, c’est-à-dire aucune intuition simple de l’intelligence, ni aucune science, laquelle est issue du
processus par lequel les conclusions dérivent de principes, ne Lui sont
attribués de manière à L’embrasser totalement. Si donc il en est ainsi, comment arriverons-nous à présenter un discours sur les Noms
divins ? Puisqu’on a démontré que la Divinité supra-substantielle ne peut
être signifiée par des noms vu qu’Elle existe au-dessus de tout nom, il semble
en effet ridicule de vouloir traiter des noms d’une réalité qui ne peut être
nommée. 78. Ensuite, lorsqu’il dit (22 : Mais ce que nous avons dit…il résout le doute qu’il vient de
présenter ; et à ce sujet, il fait deux choses : d’abord, il montre comment
Dieu peut être nommé ; deuxièmement, il montre comment on doit poursuivre
notre recherche au sujet des Noms divins, là (28) où il dit : Mais maintenant… 79. La première partie se divise en trois sections qui
correspondent aux trois manières de nommer Dieu présentées par Denys ; la
deuxième partie commence ici (24) où il dit : Mais puisque… ; et la troisième, par ces paroles (27) : Et certes… 80. Au sujet de la première partie, il fait deux choses :
premièrement, il présente la raison fondamentale qui est au principe de la
première manière de nommer Dieu ; deuxièmement, il présente cette première
modalité de nommer Dieu, là (23) où il dit : À ceux qui sont conformes à Dieu… 81. Il dit donc en premier lieu (22) que, ainsi qu’on l’a
dit au livre ¨Des Divines Hypotyposes¨, l’un par soi Lui-même, qui est Dieu, lequel est inconnu et supra-substantiel,
c’est-à-dire qui est au-dessus de toute substance et qui est le bien lui-même, c’est-à-dire
l’essence même de la bonté, et qui est celui-là même qui est, c’est-à-dire l’être par soi lui-même, l’Unité trine elle-même, à savoir dans laquelle il n’y a aucun
rang, mais dans laquelle les trois Personnes sont par elles-mêmes simultanément et également Dieu et sont simultanément et également le
bien lui-même, dans laquelle encore le Fils n'est pas l’ombre de la bonté
ainsi qu’Origène et Arius l’ont dit, Denys affirme au sujet de cette Trinité
que quant à ce qu’Elle est en elle-même, il
ne nous est possible ni de la
nommer ni de la concevoir ; en cette vie temporelle en effet, nous ne
pouvons voir l’essence même de Dieu, qui est l’Unité dans la Trinité. 82. Et bien que les Anges quant à eux voient l’essence,
cependant les unions de ces saintes
puissances qui conviennent aux
Anges et au moyen desquelles Ils sont unis par la connaissance à
l'essence divine en y touchant mais sans pouvoir la saisir, elles nous sont
aussi indicibles et inconnues ; il faut dire qu’elles, c’est-à-dire ces unions, sont soit des émissions soit des réceptions de la bonté divine qui nous sont des plus inconnues et d’une clarté sans pareil ; en effet, elles
ne nous sont pas inconnues en raison d’un manque de clarté mais plutôt en
raison d’une surabondance de clarté. Ces unions peuvent être nommées élancements selon que la bonté divine
elle-même s’élance d’une certaine façon en direction des esprits saints ; et
elles peuvent aussi être nommées réceptions,
selon que les saints esprits les accueillent conformément au mode qui leur
est propre. Et bien que maintenant les émissions de cette sorte nous sont indicibles
et inconnues, elles se produisent cependant dans certains hommes, mais
seulement dans ceux qui se sont trouvés
dignes des Anges eux-mêmes, par une union et une association avec les
Anges à une connaissance
supra-angélique. En effet, la vision de Dieu à travers son essence dépasse la
nature de toute intelligence créée, non seulement celle de l’être humain mais
aussi celle des Anges. 83. Ensuite, lorsque Denys dit (23) À ceux qui
sont conformes à Dieu…il
présente la première façon de nommer Dieu, c’est-à-dire celle qui se fait par
la négation et il dit que les esprits
des saints, conformés à Dieu, à savoir ceux des Prophètes et des Apôtres, unis, c’est-à-dire joints à ces
élancements et à ces réceptions dont nous venons de parler, conformément à une imitation des Anges, non certes
d’une manière qui est identique à la leur mais selon qu’il leur est possible en cette vie, louent Dieu de la manière
la plus appropriée par la négation de
tous les êtres réunis ; et la cause de cela, c’est parce que l’union des saints esprits à Dieu, qui dépasse toute
lumière, se réalise ainsi,
c’est-à-dire au moyen d’un éloignement de tous les êtres suite à un repos de toute opération intellectuelle, c’est-à-dire
comme dans un au-delà dans lequel se reposent toutes leurs opérations
intellectuelles. Au sujet de la connaissance de Dieu, c’est là le point le
plus élevé où notre intelligence puisse parvenir en cette vie, parce que Dieu
est au-dessus de tout ce qui peut faire l’objet de notre pensée et c'est pour
cette raison que les dénominations de Dieu par la négation sont les plus
appropriées ; et de fait ceux qui louent Dieu par la négation sont, grâce à cette bienheureuse union à Dieu, instruits véritablement et d’une manière surnaturelle par une
illumination divine ; Lequel, puisqu’Il est la cause de tous les êtres, n’est Lui-même rien de ce qu’ils sont, non parce qu’il est privé d’être, mais il
est séparé de tous de la manière la
plus excellente. Et c’est pourquoi la supra-substantialité divine, qui est
l’essence même de la bonté, ne peut être louée de quelque manière que ce
soit, et encore moins d'une manière compréhensive, par ceux qui sont les amants de la divine vérité qui est au-dessus de toute
vérité, ni quand elle est
dénommée raison ou vertu, ni quand on l’appelle esprit, vie ou substance. Et
la même raison vaut pour tous les autres noms qui désignent une manifestation
ou une participation de Dieu dans les créatures. 84. Mais l'Unité
trine, ils La louent comme étant séparée de toute forme d'existence selon
le mode le plus excellent, ce qui peut se rapporter soit aux choses
artificielles soit à toute autre situation extérieure, comme de tout mouvement se rapportant aux choses
naturelles ; de toute vie se
rapportant aux vivants ; de toute image
et opinion, c’est-à-dire de toute estimation se rapportant à la puissance
sensitive des animaux ; de tout nom
simple, de tout verbe complexe, de
toute délibération, c’est-à-dire de
toute recherche rationnelle se rapportant aux êtres rationnels que sont les
hommes ; et de toute intelligence se
rapportant aux êtres intellectuels que sont les Anges ; et plus
universellement, quant à ce qui se rapporte à tous les êtres, il dit de toute
substance, s’il faut considérer
l’être même des choses ; de toute stabilité
et de toute disposition, pour ce
qui se rapporte à la permanence des choses, étant donné que la stabilité se
rapporte à la solidité de la chose selon qu’elle est fixée en elle-même et
que la disposition se rapporte à l’affermissement de la chose par rapport aux
autres choses ; et quant à la perfection des choses, il ajoute : de toute union, de tout terme et de toute infinité
et plus universellement de tout ce qui existe d’une manière ou d’une autre. Voici donc la première
manière de nommer Dieu, à savoir par la négation de tous les êtres et de ce
qui leur appartient, pour cette raison que Lui-même est au-dessus de toute
chose et que tout ce qui est désigné par un nom est moins que ce que Dieu
est, car Il dépasse de loin la connaissance que nous exprimons au moyen des
noms que nous assignons aux choses. 85. Ensuite, lorsqu’il dit (24) Mais puisque…, il enseigne la deuxième manière de dénommer Dieu,
à savoir au moyen de noms qui s’attribuent à Lui en tant que Cause ; et à ce
sujet, il fait trois choses : d’abord, il avance la raison d’une telle sorte
de dénomination ; deuxièmement, il présente ces dénominations elles-mêmes là
(25) où il dit : Donc, cela… ;
troisièmement, il écarte une erreur là (26) où il dit : Et il est loué en vérité… 86. Pour manifester la première partie (24), il faut considérer
que comme les effets procèdent de leurs causes selon une certaine
ressemblance, une chose possède à l’avance en elle la ressemblance de son
effet conformément au mode par lequel cette chose est cause. Si en effet une
chose est cause d’une autre selon l’espèce ou la nature, c’est selon l’espèce
qu’elle a en elle la ressemblance de son effet : tout comme l’homme engendre
l’homme et le cheval un cheval. Si en vérité une chose est cause d’une autre
selon une disposition surajoutée, c’est selon cette disposition encore
qu’elle aura en elle la ressemblance de son effet. Le constructeur en effet
est cause de la maison non pas selon la nature, mais selon l’art et c’est
pourquoi la ressemblance de la maison ne se retrouve pas dans la nature du
constructeur, mais dans son art. 87. Et par la suite il faut considérer que comme le bien
a raison de fin, car le bien est ce que tous désirent, et que la fin est la
première des causes, le bien s’attribue à l'être où se rencontre en premier
lieu la raison de cause ; donc, une chose se trouve à être cause selon
qu’elle se trouve à être un bien. 88. Donc parce que Dieu est bon, non pas bon parce qu’il
participe de la bonté, mais parce
qu’Il est l’essence même de la bonté, ce n’est pas par une
disposition créée qu’Il est cause des choses, mais c’est au moyen de son être même qu’Il est cause de tout ce qui existe ; et cela n’empêche pas qu’Il agisse
par intelligence et par volonté, car son comprendre et son vouloir sont son
être même. Ainsi donc c'est en tant que cause qu'Il contient à l’avance en
Lui-même la ressemblance de tous ses effets. 89. Mais toute cause peut d’autant plus être nommée à
partir du nom de son effet qu’elle possède en elle la ressemblance de cet
effet. Si en effet il y a ressemblance selon une identité de sens, ce nom
conviendra et à la cause et à l’effet tout comme le nom d’homme convient à la
fois à celui qui engendre et à celui qui est engendré. Si en vérité il n’y a
pas de ressemblance selon une identité de sens, mais que la ressemblance
existe plus parfaitement dans la cause, ce n’est pas dans le même sens qu’on
attribuera le nom à l’un et à l’autre, mais on l’attribuera à la cause d’une
manière bien supérieure, comme on attribue la chaleur bien davantage au
soleil et au feu. 90. Ainsi donc, parce que la ressemblance de toutes les
choses préexiste dans l’essence divine non dans le même sens mais d’une
manière supérieure, il s’ensuit qu’il
convient de louer la providence de la Divinité comme étant le premier
de tous les biens, c’est-à-dire
comme celui qui possède en Lui à l’origine le bien dans sa totalité, et de la
célébrer ainsi à partir de tous ses
effets ; non pas d’une manière univoque, mais d’une manière
incomparablement plus élevée, ce qui se justifie par le rapport qu’ont les
créatures avec Elle ; et certes c’est ce rapport que Denys désigne lorsqu’il
dit : et puisque c’est autour d'Elle
que toute chose existe. En effet, on dit que les effets entourent la
cause dans la mesure où, dépendant d'elle, ils s’approchent de sa
ressemblance, selon l’analogie par laquelle les lignes qui sortent du centre
et qui dérivent de lui se tiennent autour de ce centre selon une certaine
ressemblance. 91. Il arrive cependant que certaines choses se tiennent
autour d’une autre et que cette dernière existe cependant en vue de celles
qui l’entourent, tout comme la colonne existe en vue de la maison. Cependant
Dieu n’existe pas en vue des créatures, mais c’est l’inverse qui est vrai, et
c’est pourquoi Denys ajoute : Et toutes
les choses existent à cause de Lui, de la même manière que l’on dit que
la médecine existe à cause de la santé, c’est-à-dire en vue de la santé. 92. Il arrive cependant que ce qui est en vue de la fin
soit cause active de la fin et lui soit antérieur dans l’ordre de la
génération, tout comme l’acte de soigner l’est à la santé ; et afin qu’on ne
pense pas que Dieu est une fin de cette sorte, c'est-à-dire une finalité qui
dépendrait d'une cause productrice qui lui serait antérieure, il ajoute : et Lui-même précède tout. Il existe
aussi certaines choses qui sont en vue de la fin et qui, bien qu’elles ne
précèdent pas ce en vue de quoi elles existent, lui apportent cependant
quelque chose, comme les vêtements qui sont en vue de l’homme ; et pour
exclure de Dieu cette possibilité, il ajoute : et toutes les choses subsistent en Lui, d’où Il ne peut rien acquérir d’aucune chose mais toute
chose acquiert de Lui tout ce qu’elle a. 93. Et afin que personne ne pense que Dieu est cause des
choses uniquement par mode de finalité, ainsi que certains l’ont affirmé, et
non par mode de production et de conservation, il ajoute : et cet être, à savoir la Divinité ou
la Providence divine est le déploiement,
c’est-à-dire la production, et la
substance de tous, c’est-à-dire de toutes les choses et de toutes leurs
perfections ; et c’est comme s’il disait : la Divinité elle-même, par son
être, est la cause de la production et de l’existence des choses. 94. Et plus loin il faut considérer que tout effet se
tourne vers la cause d’où il procède ainsi que l’affirment les Platoniciens.
La raison en est que toute chose se tourne vers son bien en le désirant ;
mais le bien d’un effet lui vient de sa cause, d’où il faut que tout effet se
tourne vers sa cause en la désirant. Et c’est pourquoi, après avoir dit que
toutes les choses proviennent de la Divinité, il ajoute, au moyen des mots
qui vont suivre, qu’elles se tournent toutes vers Elle au moyen du désir : et toutes les choses tendent vers Elle. 95. Et afin que personne ne croie que toutes les choses
La connaissent, Denys montre comment les diverses choses La désirent de
différentes manières en ajoutant : certes
les êtres intellectuels, à
savoir les Anges, et les êtres
rationnels, à savoir les hommes, désirent la Divinité par la connaissance, c’est-à-dire en
La connaissant, car elle ne peut être connue que par l’intelligence et la
raison ; mais les êtres qui leur sont
inférieurs ne La désirent pas par la connaissance, si ce n'est certes
uniquement selon le mode de la
sensation, comme les bêtes ; d’autres
selon un mouvement de vie, comme les plantes ; soit selon une aptitude substantielle comme ceux qui sont mus
selon la génération et la corruption ; soit selon une aptitude de disposition, comme dans les autres
mouvements qui ont lieu selon la qualité, la quantité et le lieu ; en effet,
toutes les réalités de cette sorte, bien qu’elles ne connaissent pas Dieu, Le
désirent cependant dans la mesure où elles tendent vers quelque bien
particulier. En effet, le Bien Premier resplendit dans tout bien particulier
qui n’est désirable que parce qu’il vient de Lui. 96. Ensuite, lorsqu’il dit (25) : Donc, cela…il présente les dénominations divines d’après la
raison qui précède et il dit que les
Théologiens, considérant ce qui vient d’être dit, c’est-à-dire que Dieu
est séparé de tous les êtres et est cependant leur cause à tous, disent
certes parfois qu’Il n'a Lui-même aucun nom et parfois Lui attribuent
néanmoins les noms de toutes les choses : ils disent certes de Lui qu'Il ne peut
être nommé, comme quand ils disent
que la Divinité elle-même, par
l'intermédiaire de l'Ange qui La représentait dans une des visions
mystiques où elle apparut symboliquement, fit des reproches sentis à
celui qui demanda : Quel est ton
nom ?. Et afin d'exclure Dieu de toute connaissance qui pourrait provenir
du nom de Dieu, il répondit : Pourquoi
me demandes-tu mon nom qui est admirable
? Et c’est ce qu’on lit dans la Genèse (32 : 29). Et Paul dit dans sa Lettre
aux Philippiens (2 : 9) que ¨vraiment
ce nom est admirable, qui est
au-dessus de tout nom¨ ; et au sujet de Dieu il ajoute encore dans sa
Lettre aux Éphésiens (1 : 2) ¨qu’Il est
innommable, établi au-dessus de tout nom qui soit donné en ce siècle ou dans
l’avenir¨. 97. Et non seulement Dieu est loué comme innommable dans
les Écritures, mais on l'y retrouve aussi célébré au moyen d'une multitude de
noms, comme quand Dieu se présente lui-même en disant dans le livre de
l’Exode (3 : 14) : ¨Je suis celui qui
suis¨ ; et dans Jean (14 : 6) : ¨Je
suis la Vérité et la Vie¨ ; et dans
l’Exode ( 3 : 6) comme étant Dieu : ¨Je suis le Dieu d’Abraham¨. 98. Et
il n’y a pas seulement les noms qu'Il dit de Lui-même qui Le présentent, mais
il y aussi ceux-là même qui sont instruits sur la divinité, à
savoir les Apôtres et les Prophètes, qui louent
Dieu en partant de ses effets comme étant la Cause de tout ce qui existe. Et il n’y a pas lieu de
distinguer ici la diversité des effets que Denys nous soumet ici, car ils se
trouvent à être distingués dans les différents chapitres où il les regroupe
tous. Ces experts louent en effet Dieu dans Luc (18 : 19) comme étant bon ; dans le Cantique (1
: 16) comme étant beau et dans Job
(9 : 4) comme étant sage ; dans cet
autre passage du Cantique (5 : 2) comme
étant le Bien-aimé ; dans les Psaumes (49 : 1) comme étant le Dieu des dieux ; dans Daniel (9 :
24) comme étant le Saint des saints
; dans Baruch (4 : 10) comme étant l’Éternel
; dans Job (14 : 4) comme celui qui
Existe : ¨N’y a-t-il pas que Toi
qui existe ?¨ ; dans l’Ecclésiaste (24 : 14-28) comme la cause du Temps ; dans les Actes (17 : 25) comme Celui qui distribue la vie ; dans
l’Épître aux Corinthiens ( 1 ; 1 : 21) comme étant la sagesse ; dans Ésaïe (29 : 14) comme étant esprit et intelligence ainsi que le rend une autre traduction ; et comme raison encore dans Ésaïe (63 : 1) : ¨Moi qui te parle je prononce la justice¨,
où une autre traduction dit : ¨Moi qui
règle la justice¨ ou bien on peut s’exprimer avec plus de justesse en
disant qu’en grec le nom ¨raison¨ est rendu par le nom ¨logos¨ qui signifie
aussi le ¨verbe¨ terme qu’on retrouve dans les Écritures en plusieurs
occasions ; Dieu est aussi loué comme le défenseur dans la Deuxième épître à
Timothée (2 : 19) et dans l’Épître aux Colossiens (2 : 3), comme Celui en qui se trouvent cachés tous les trésors
de la sagesse et de la connaissance divines ; dans la Première épître aux
Corinthiens (1 : 24) comme étant la
force ; dans le Psaume (88 : 9) comme étant la Puissance ; comme le Roi
des rois dans l’Apocalypse (19 : 16) ; comme l'Ancien des jours dans Daniel (7 : 13) ; dans
Jacques (1 : 17) comme étant jeunesse
éternelle et immutabilité ; dans Matthieu (1 : 21), comme étant le salut ; dans la Première épître aux
Corinthiens (1 : 30) comme étant la
justice même, celui qui justifie et selon une autre traduction, comme
étant la libération et la rédemption
; dans Job (23 : 6) comme étant la
grandeur qui dépasse toute chose ; dans le premier livre des Rois (19 :
12) comme étant Celui qui se manifeste dans
un souffle léger ; dans l’Épître aux Éphésiens (3 : 17), comme étant Celui qui habite dans les esprits ou
dans les cœurs ; comme étant dans ceux
qui ont une âme dans le livre de la Sagesse (7 : 27) et dans les corps dans la Première épître
aux Corinthiens (6 : 19) ; dans Jérémie (23 : 24) comme étant dans le ciel et la terre ; comme étant
simultanément partout, c’est-à-dire que sur le même sujet, on dit de Lui dans
Jean (1 : 10) qu’il est dans le monde
; dans l’Ecclésiaste (24 : 8), qu’il est autour
du monde ; dans Ésaïe (66 : 1) qu’il est au-dessus du monde ; dans le Psaume (112 : 4) qu’il est au-dessus des cieux : ¨Le Seigneur est au-dessus de toutes les
nations, sa gloire monte plus haut que le ciel¨. ; dans Matthieu (6 : 1)
comme étant au-dessus de toute
substance ; dans Malachie (4 : 2) comme étant un soleil ; dans l’Apocalypse (22 : 16) comme étant un astre ; dans le Deutéronome (4 :
24) comme un feu ; dans Jean (4 :
10) comme une eau ; dans Joël (2 :
28) comme un esprit ; dans Osée (14
: 6) comme la rosée, lequel (6 : 4)
le loue aussi comme étant une nuée
dans le Psaume (117 : 21), on le loue comme pierre ; dans la Première épître aux Corinthiens (10 : 4) comme un roc ; et toutes les autres choses
créées Lui sont attribuées comme à une cause ; et il n’est aucune d’elles, puisqu’Il les dépasse toutes
infiniment. Il convient donc ainsi
à Dieu, qui est la cause de toutes les
choses et qui cependant existe au-delà
d’elles, d’être à la fois innommable
puisqu’Il est tout Autre et en même temps nommé de tous les noms des choses créées, lesquels Lui conviennent en tant
que Cause de toutes ces choses ; et Denys ajoute une raison. 99. Et
pour la manifester il faut considérer que le gouvernement de l’univers est le
plus parfait. Mais l'excellence d’un gouvernement requiert que celui qui
gouverne ne soit pas totalement étranger à ceux qu’il gouverne mais qu’il soit
dans une certaine harmonie avec eux pour pouvoir leur être utile ; et comme
il dépasse cependant ceux qui lui sont subordonnés, elle requiert aussi qu’il
ne puisse être méprisé afin de pouvoir commander. Et c’est là ce que Denys
ajoute : afin que la royauté sur toute
chose, c’est-à-dire afin que le gouvernement de l’univers, soit attentive, c’est-à-dire procède
de la manière la plus excellente, à toutes
les choses étant autour de la
Cause première, et qui proviennent d’Elle selon une certaine ressemblance ;
et toutes les choses sont séparées
d’Elle comme de leur Cause, en vue de laquelle elles existent toutes ; et
elles en sont toutes séparées aussi comme
de leur principe duquel elles découlent ; comme aussi de la finalité qu’elles recherchent ; et Elle-même, de cette manière, est tout en toutes les choses, dans la
mesure où, selon les Écritures,
leurs perfections à toutes est Dieu lui-même en tant que cause, ainsi qu’on
le voit dans la Première épître aux Corinthiens (15 : 28). 100.
Ensuite, lorsqu’il dit (26) : Et il est
loué en vérité…, il écarte une erreur commise par certains. En effet,
certains Platoniciens ramenaient la procession des perfections à divers
principes, affirmant que l’un d’eux était le principe d'où procède la vie,
qu’ils appelaient la vie première, et qu’un autre était le principe de
l’entendement, qu’ils appelaient l'intelligence première et un autre le
principe de l’existence qu’ils appelaient le premier être et le bien. Et pour
écarter cette opinion, Denys dit que Dieu est
loué en vérité comme substance
première de toute chose, selon qu’Il est le principe de l’existence de
toutes les choses ; et on dit qu’Il est la cause du perfectionnement de toutes les choses, selon qu’Il donne toutes
leurs perfections aux choses. Et on dit aussi qu’Il est la cause qui embrasse, protège et nourrit, ces trois fonctions
semblant se rapporter à la conservation des choses. Il y a certaines choses
en effet, comme les corps célestes, qui n’ont besoin que d’être conservées
dans leurs principes, puisqu’elles ne peuvent être détruites par quelque
chose d’extérieur à elles ; et quant à elles, Denys dit que Dieu est une
cause qui embrasse, car Il les
contient dans l’être. Il y en a certaines autres en vérité qui, bien qu’elles
ne se détachent pas de leurs principes, peuvent être détruites par un élément
venant de l’extérieur, comme l’eau peut l’être par le feu et quant à elles,
il parle de la protection, parce
que Dieu les défend afin qu’elles ne soient pas détruites par celles-là
au-delà de l’ordre de leur nature. Et il y en a certaines autres qui pour
leur conservation ont besoin de compléments, comme les hommes et les animaux
qui ont besoin de nourritures et quant à elles, Denys parle de nourriture, car Dieu administre à
tous les êtres ce qui est nécessaire à leur conservation. Et Dieu est encore une cause qui les tourne vers Lui-même, car le
fait même que les choses se tournent vers Dieu en Le désirant comme leur
finalité, cela même leur vient de Dieu. Et toutes ces fonctions appartiennent
à la Déité d’une manière qui est une,
c’est-à-dire qu’elles ne procèdent pas de différentes puissances, mais de la
puissance unique et simple qui est la sienne ; et de manière à se communiquer tout en demeurant séparée, car
Dieu communique aux autres choses les causalités précédentes de telle manière
cependant qu’Il se réserve à part pour Lui son mode unique de causer. 101.
Mais Il est loué comme cause de diverses façons, car Dieu n’est pas seulement une cause de conservation,
c’est-à-dire de salut pour les choses, ou
de vie ou de perfection, de telle sorte que la bonté divine qui est
au-dessus de tout nom serait
nommée, c’est-à-dire devrait être nommée par cette seule Providence, c’est-à-dire par cette seule forme de
causalité, mais la bonté divine
elle-même contient à l’avance en
elle-même tous les êtres sous une forme simple, c’est-à-dire non pas de
telle sorte qu’elle en soit composée, mais plutôt les êtres qui en eux-mêmes
sont de nombreux composés ne sont plus qu’un en Dieu et existent en Lui sous une forme simple et sans délimitations
car alors que les noms pris individuellement signifient quelque chose de
déterminé qui diffère des autres choses, lorsqu’on les attribue à Dieu, ils
ne signifient pas cette chose d’une manière finie, mais d’une manière infinie
: tout comme le nom de sagesse attribué aux choses créées signifie une
qualité différente de la justice et existe dans un genre et une espèce
déterminés ; mais attribué à Dieu il ne signifie pas quelque chose de
délimité par une genre et une espèce ou une différence qui distingue cette
qualité des autres perfections, mais quelque chose d’infini ; et alors pour
cette raison il convient de louer et de nommer Dieu à partir des bontés les plus parfaites, c’est-à-dire à partir des
perfections qui se produisent dans les choses au moyen de la providence de
cette Cause suprême ; laquelle Cause, bien qu’elle soit une et identique à
elle-même, est par ailleurs Cause de toute la diversité des êtres, vu qu’Elle
est nommée du nom de substance ou de vie ou de tout autre nom du même genre, et même qu’elle est nommée à partir de tous les êtres à cause de toutes
ses perfections dont ils participent, car on Le nomme soleil à cause de sa
clarté et pierre à cause de sa solidité et il en est de même pour les autres
noms. 102.
Ensuite, lorsqu’il dit (27) : Et certes…il
présente la troisième façon de nommer Dieu et il dit que les saints théologiens ne nous recommandent pas ces
seuls noms de Dieu qui proviennent des Providences ou prévoyances parfaites
ou particulières ou de ceux qui en sont pourvus ( de sorte que par
providences nous entendions les perfections qui sont communiquées aux choses,
telles la bonté et la sagesse ; et que par ceux qui en sont pourvus nous
entendions les choses mêmes qui participent de ces perfections, tels l’homme
ou le soleil ; et on appelle parfaites ces providences parce qu’elles sont
universelles, comme le bien, l’être et les autres perfections de la sorte ;
et celles qu’on appelle particulières sont celles qui appartiennent à un
genre de choses comme la sagesse et la justice. Mais la bonté de Dieu qui est au-dessus de tout nom, à cause de son
éclat incomparable, il arrive qu’ils la
nomment parfois à partir de
certaines apparitions divines, c’est-à-dire à partir de visions imagées,
par lesquelles les Prophètes ou les
Maîtres ont été illuminés, ce que Denys dit à cause de ceux qui ont consigné
par écrit les Agiographes ; visions qui se sont produites soit dans les saints temples soit dans tout
autre lieu, d'après ses différentes
causalités et puissances.
En effet, c’est pour des raisons différentes que se produisent les
différentes apparitions et c’est pourquoi ils Lui appliquent des figures humaines, celles du feu ou celles de la foudre
et dans leurs louanges ils Le décrivent comme ayant des yeux et des oreilles et d’autres organes et membres et lui attribuent des couronnes, des
honneurs et autres choses du même genre, ce qu’on peut observer facilement en
divers endroits dans les Écritures. Et Denys promet de traiter de ces noms
qu’on attribue à Dieu dans un livre qui a pour titre ¨De la Théologie Symbolique, lequel n'est plus en notre
possession. 103.
Ensuite, lorsqu’il dit (28) : Mais
maintenant…il montre comment il faut traiter des Noms divins et à ce
sujet il fait trois choses : d’abord, il montre de quels Noms divins il faut
traiter dans ce livre ; deuxièmement il montre quel mode d’enseignement doit
être respecté ici, tant du côté de celui qui enseigne que du côté de celui
qui écoute, là (29) où il dit : Et que
toujours… ; troisièmement, il exhorte Timothée, à qui il écrit, à
observer ce mode, là (30) où il dit : Donc… 104. Il
dit donc qu’il faut maintenant
procéder, dans ce livre, à l'examen des Noms divins qui sont intelligibles, c’est-à-dire qui ne
sont pas tirés des choses sensibles à la manière de symboles, mais des
perfections intelligibles qui procèdent de Dieu vers les créatures, telles
que l’être, la vie et autres perfections du genre, de sorte qu’on rassemble,
à partir des saintes Écritures, tous les noms qui se rapportent à notre tâche
actuelle ; et Denys dit encore qu’il faut se servir de ce qui a été dit dans
ce chapitre comme d’une règle que nous devons prendre en considération tout
le long de cet ouvrage. En effet, nous avons présenté trois genres de
dénominations qui se rapportent à Dieu : la première, qui se réalise par la
négation et dont on traite dans ¨La Théologie Mystique¨ ; la seconde
qui s’effectue au moyen des perfections intelligibles qui procèdent de Dieu
et dont on traite dans ce livre-ci ; la troisième qui se fait au moyen des
similitudes sensibles, dont il est question dans ¨La Théologie Symbolique¨. 105.
Ensuite, lorsqu’il dit (29) : Et que
toujours…il montre quelle doit être la manière de traiter des Noms divins
et il dit qu’il faut considérer dans ce livre, à proprement parler, les
contemplations par lesquelles Dieu se manifeste. Et Denys dit à proprement parler, pour opposer ces
contemplations aux apparitions métaphoriques. Et il faut avoir à l’esprit en
maintes occasions qu'on ne doit admettre que de saintes oreilles à la manifestation des saints noms de Dieu, c’est-à-dire
celles des fidèles qui écoutent avec amour et respect, et non celles des
infidèles qui se moquent et blasphèment, pour qu’ainsi nous établissions les saintes paroles parmi les saints, conformément à
l’enseignement de Dieu, ainsi que Dieu l’enseigne lui-même dans
l’évangile de Matthieu (7 : 6) : ¨Ne
donnez pas ce qui est saint aux chiens¨, afin qu’ainsi ce qui est saint
échappe aux moqueries des ignorants ;
bien plus, au contraire, s'il se trouve de tels hommes qui
résistent totalement à Dieu, épargnons-leur ce combat impie ;
en effet, en se moquant des réalités divines, ce n’est pas Dieu qu’ils se
trouvent à blesser, mais eux-mêmes. Et cela, dit-il, doit être planifié à
l'avance dans cet ouvrage car toujours
et conformément à toute doctrine théologique, la loi hiérarchique, c’est-à-dire celle qui est enseignée par les
autorités sacrées, prescrit,
c’est-à-dire commande et exhorte, de nous conformer à ce précepte avec
résolution, lequel ne provient pas d’une sagesse humaine mais de la prudence
divine. 106.
Ensuite, lorsqu’il dit (30) : Donc…il
incite Timothée à obéir à ces recommandations ; et il dit qu’il lui est utile de conserver en lui-même ce qui précède afin qu'il s’en souvienne
saintement et qu’ainsi il ne dise pas les
vérités divines et ne les révèle d’aucune manière, c’est-à-dire ne les
dévoile pas, aux profanes, c’est-à-dire aux infidèles ou à tout autre profane
qui, ne pouvant rien en saisir en raison de son ignorance, s’en moquerait. 107. Et
à la fin, il termine le présent chapitre par une prière, demandant à Dieu de
lui accorder de célébrer d'une
manière digne de Lui, c'est-à-dire d'une manière qui convient à Dieu, les diverses dénominations de la
Divinité, laquelle ne peut être ni exprimée ni nommée parfaitement par les
paroles, et de ne pas retirer de sa
bouche la parole de vérité. |
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CAPUT 2 |
Chapitre 2 - De la Théologie commune et de la théologie spécifique et en quoi consistent l’unité et la distinction qu’on retrouve en Dieu. |
LECTIO 1 [84837] In De divinis
nominibus, cap. 2 l. 1 Postquam Dionysius, in praecedenti capitulo,
tradidit modum procedendi in opere et rationem divinorum nominum, in hoc II
cap. intendit ostendere quod divina nomina, de quibus in hoc libro agitur,
communia sunt toti Trinitati ; et ideo capitulum istud intitulatur de
unita et discreta theologia, quia in hoc capitulo traditur quae dicantur
communiter de tota Trinitate et quae de distinctis personis. Et traditur
etiam in eodem capitulo, quae sit ratio communitatis et distinctionis in
divinis, quod ad secundam partem tituli pertinet, cum dicit : et quae
est divina unitio et discretio. Dividitur autem istud capitulum in duas
partes : in prima ostendit quae dicantur communiter et quae distinctim in
Trinitate ; in secunda assignat rationem communitatis et distinctionis ; ibi
: oportet et cetera. Circa primum, duo facit : primo,
ostendit quod nomina divina, de quibus in hoc libro agendum est, in tota
Trinitate accipienda sunt ; in secunda, removet obiectionem in contrarium
factam ; ibi : si autem et cetera. Circa primum, tria facit
: primo, ponit veritatem intentam ; secundo, probat eam ; ibi : et
quidem et cetera ; tertio, excusat se a diligentiori probatione ;
ibi : igitur istis et cetera. Dicit ergo, primo, quod per
se bonitas laudatur ab eloquiis, idest sacris Scripturis, sicut determinans,
idest distinguens ab aliis et manifestans totam divinam essentiam,
quodcumque est, quia cuicumque convenit divina essentia, convenit ei per
se bonitatem esse et e converso. Et hoc probat per hoc quod in sancta Scriptura
inducitur ipsa divinitas, in persona filii, dicens : quid me
interrogas de bono ? Nullus bonus nisi solus Deus ut habetur Luc. 18
; quod intelligendum est de bonitate per se. Et quia ita est de nomine
bonitatis, igitur et in aliis libris post inquisitionem demonstratum
est a nobis, quod omnia nomina Deo convenientia, laudantur in sacris
Scripturis, non particulariter, quasi uni soli perfecte
convenientia, sed in Trinitatis tota et perfecta et
integra et prima deitate. Totum autem hic non accipitur secundum quod ex
partibus componitur, sic enim deitati congruere non posset, utpote eius
simplicitati repugnans, sed prout secundum Platonicos totalitas quaedam
dicitur ante partes, quae est ante totalitatem quae est ex partibus ; utpote
si dicamus quod domus, quae est in materia, est totum ex partibus et quae
praeexistit in arte aedificatoris, est totum ante partes. Et in hunc modum
tota rerum universitas, quae est sicut totum ex partibus, praeexistit sicut
in primordiali causa in ipsa deitate ; ut sic, ipsa deitas patris et filii et
spiritus sancti, dicatur tota, quasi praehabens in se universa. Perfecta,
non est accipiendum secundum modum significationis vocabuli, quo perfectum
dicitur quasi complete factum, sicut perambulasse nos dicimus, quando
ambulationem complevimus ; unde quod non est factum, non potest secundum hanc
rationem dici perfectum ; sed quia res quae fiunt, tunc ad finem suae
perfectionis perveniunt, quando consequuntur naturam et virtutem propriae
speciei, inde est quod hoc nomen perfectum assumptum est ad significandum
omnem rem quae attingit propriam virtutem et naturam. Et hoc modo divinitas
dicitur perfecta, inquantum maxime est in sua natura et virtute. Integrum
autem et perfectum idem videntur esse ; differunt tamen ratione : nam perfectum
videtur dici aliquid in attingendo ad propriam naturam, integrum autem per
remotionem diminutionis, sicut dicimus aliquem hominem non esse integrum, si
postquam attigit propriam naturam, aliquo membro mutiletur. Et quia a deitate
Trinitatis nihil subtrahi potest, ad hoc significandum addidit : integra.
Prima autem ad significandum quod deitas trium personarum non est
deitas participata ; primum enim dicitur quod est imparticipatum, sicut per
se deitas et per se bonitas. Et videntur esse posita ad excludendum errorem
Origenis et Arii, qui posuerunt deitatem filii esse participatam. Et ut
ostendat quod Dei nomina non solum communiter dicuntur de tribus personis,
sed aequaliter et eodem modo, subiungit quod et demonstratum est
omnes praedictas nominationes apponi, idest
attribui, simpliciter, absolute et inobservatim totaliter, universae
totalitati perfectae et omnis, idest totius deitatis ; ut
quod dicit : universae, referatur ad numerum personarum, alia
vero ad perfectionem essentiae ; et hoc : simpliciter, quod
respondet ei quod dixerat : prima ; nam ea quae sunt
imparticipata dicuntur simpliciter, ea vero quae sunt participata bona
particulariter dicuntur, secundum Augustinum : tolle hoc et illud et
videbis bonum omnis boni ; absolute, quod respondet ei quod dixerat
: integra ; nam ea quae sunt corrupta non possunt absolute
nominari, sicut homo mortuus non dicitur absolute homo ; inobservatim
totaliter, idest absque reliqua observantia distinctionis, quod respondet
ei quod dixit : perfecta ; nisi enim esset perfecta deitas in
qualibet personarum, oporteret observare qualiter aliquid diceretur de una et
qualiter de alia. Deinde, cum dicit : et quidem et cetera,
probat quod supposuerat ; et primo : specialiter dicitur de quibusdam
nominibus ; secundo : de omnibus ; ibi : et ut summatim et
cetera. Dicit ergo, primo, quod, sicut commemoratum
est in libro de theologicis hypotyposibus, si
aliquis dicat hoc quod dictum est : nullus bonus nisi solus
Deus non esse dictum de tota deitate, idest de omnibus personis et per
hoc praesumat errorem, dividere audens unitatem unitatis
divinae, dicendum est contra eum quod et ipsum
verbum, idest Dei filius, tamquam naturaliter bonitatem habens dixit
Ioan. 10 : ego sum pastor bonus, et in Psalmis dicitur, nempe
Psalm. 142 : spiritus tuus bonus. Et similiter si aliquis hoc
quod dicitur, Exod. 3 : ego sum qui sum non dixerit laudari de tota Trinitate,
idest de omnibus personis, sed de una tantum, quomodo accipiet hoc quod
dicitur Apoc. 1 de filio : haec dicit qui est et qui erat et qui
venturus est omnipotens ; et quod introducit apostolus de filio, Hebr. 1
: tu autem idem ipse es ; et de spiritu sancto, Ioan. 15 : spiritus
veritatis qui est, qui a patre procedit ? Licet littera nostra non
habeat : qui est. Et similiter si aliquis dicat quod non tota
divinitas est vita, quomodo verum est quod Dei filius dixit, Ioan. 5 : sicut
pater suscitat mortuos et vivificat, sic et filius quos vult vivificat et
ibid. 6 : spiritus est qui vivificat ? Et quod tota
deitas habeat omnium dominationem, non posset dici in
quot locis sacrae Scripturae frequentatur hoc
nomen dominus de patre et filio, et hoc ut
loquamur de deigena deitate patris aut filiali filii.
Sed et spiritus dominus est, ut dicitur II Corinth. 3. Et similiter pulchrum
et sapiens, in omnibus personis deitatis, laudatur et lumen et
deificum et causa et omnia quaecumque sunt totius deitatis, sacra
eloquia deducunt ad omnem laudationem divinam, quandoque quidem simul
comprehendendo quod convenit omnibus personis, ut cum dicitur : omnia sunt ex
Deo, quandoque autem distinctius de una persona, sicut cum dicitur de
filio Col. 1 : omnia per ipsum et in ipso facta sunt et (...) in ipso
consistunt ; et in Psalmis : emitte spiritum tuum et creabuntur.
Deinde, cum dicit : et ut summatim et cetera, ostendit
propositum communiter de omnibus Dei nominibus, dicens quod, ut in summa
dicatur de omnibus Dei nominibus, ipsum Dei verbum
dixit, Ioan. 10 : ego et pater unum sumus, per quod
ostenditur quod quaecumque dicuntur de filio et de patre dicuntur ; et Ioan.
16 : et cuncta quae habet pater mea sunt ; et similiter quaecumque
sunt patris et filii, sacra Scriptura attribuit communiter
et unite divino spiritui : divinas operationes, honorem divinum, fontanam
et indeficientem causam et distributionem benignorum donorum. Et haec omnia habentur I Corinth. 12 : haec omnia operatur
unus atque idem spiritus. Et haec adeo vera sunt quod nullum assuetum in
divinis eloquiis, qui non habeat corruptam intentionem in eis, arbitror
ad haec contradicere, quod scilicet omnia nomina Deo convenientia insunt
toti deitati, secundum perfectum modum loquendi de Deo. Deinde,
cum dicit : igitur istis et cetera, excusat se a
diligentiori inquisitione praedictorum ; et dicit quod ista breviter
et particulariter hic sunt determinata ex sacris Scripturis, sed in
alio libro sufficientius. Unde quamcumque
Dei nominationem conabimur exponere in praesenti opere, oportet
ipsum nomen recipi in tota deitate, idest in omnibus personis ;
et ad hoc inducitur totum praesens capitulum. Deinde, cum dicit : si
autem quis et cetera, excludit obiectionem ; et primo, ponit
obiectionem ; secundo, modum solvendi ; ibi : si enim aliquis et
cetera. Posset autem aliquis obiicere quod per hoc quod omnia nomina quae
dicuntur de patre, attribuuntur filio et spiritui sancto, tollitur omnino
distinctio personarum et inducitur confusio in divinis personis, quae Deo non
convenit. Sed ipse dicit quod si quis hoc obiiciat non est arbitrandum quod
sermo eius sufficiens sit ad persuadendum quod verum dicat ; non enim per hoc
tollitur distinctio personarum. Deinde, cum dicit : si enim aliquis et
cetera, ponit modum solvendi, dicens, quod si ille qui sic obiicit, totaliter contradicit
sacris Scripturis, talis omnino elongatus est a nostra sapientia.
Non enim ad theologum pertinet probare ea quae sunt fidei ei qui Scripturas
non recipit, cum fides sit supra rationem. Unde si ipse non habet curam ut
veneretur divina eloquia, quomodo nobis potest esse cura ut
manuducamus eum ad divinam scientiam ? Quia
in scientiis philosophicis ita est quod nullus sapiens disputat contra
negantem principia suae artis. Sed si aliquis sic obiiciens velit
respicere ad veritatem sacrorum eloquiorum, nos,
utentes sacra Scriptura quasi quadam regula et lumine manifestante
veritatem, procedimus, non declinantes a sacra Scriptura, ad excusandum nos a
praedicta obiectione et dicimus quod sacra Scriptura quaedam tradit communiter
de tribus personis, quaedam distinctius et neque ea
quae sunt communia licet distinguere, neque ea
quae sunt distincta confundere ; sed, sequendo sacram
Scripturam, secundum nostrum posse, convenit nos respicere
ad divinas veritates. Quia nos, a sacra Scriptura recipientes
manifestationem Dei, ea quae in sacra Scriptura sunt posita, oportet nos
custodire sicut quamdam optimam regulam veritatis, ita quod neque
multiplicemus, addentes ; neque minoremus, subtrahentes ; neque pervertamus,
male exponentes ; quia dum nos custodimus sancta ab ipsis custodimur et ab
ipsis confirmamur ad custodiendum eos qui custodiunt sancta. Oportet enim non
solum conservare ea quae in sanctis Scripturis sunt tradita, sed et ea quae
dicta sunt a sacris doctoribus, qui sacram Scripturam illibatam
conservaverunt. Deinde, cum dicit : igitur unita et cetera,
manifestat positam solutionem quantum ad hoc quod dixit quod sacra Scriptura
quaedam tradit de Trinitate unite et quaedam discrete ; et dicit quod unita
totius deitatis, idest communia toti Trinitati, ut dictum est in libro de
divinis hypotyposibus et probatur per multas auctoritates a sacris Scripturis
acceptas, sunt duo genera nominum : primo quidem, ea quae dicuntur de Deo,
remotive per excellentiam quamdam, ut superbonum, supersubstantiale,
supervivum, supersapiens et quaecumque alia dicuntur de Deo per
remotionem, propter sui excessum ; cum quibus, dico, connumeranda sunt omnia nomina causalia,
idest quae designant Deum ut principium processionis perfectionum quae
emanant ab ipso in creaturas, scilicet : bonum, pulchrum, existens,
vitae generativum, sapiens et quaecumque alia per quae causa
omnium bonorum nominatur ex dono suae bonitatis. Et ex hoc potest
accipi regula magistralis quod omnia nomina designantia effectum in
creaturas, pertinent ad divinam essentiam. Discreta autem nomina,
idest pertinentia distinctim ad tres personas, sunt : nomen patris supersubstantiale vel
hypostaticum, idest personale et usus patris, idest actus
eius qui est generatio ; et similiter nomen filii et actus, qui est generari
; et nomen spiritus sancti et actus eius qui est processio ; ita quod, in
talibus, nulla debet superinduci conversio, ut si diceretur quod pater
generat filium et e converso ; aut qualiscumque communio, ut si diceretur
quod pater et filius generant aliquam aliam personam. Et similiter distinctim
ad divinam personam pertinet mysterium incarnationis, quia sola persona filii
est incarnata ; et hoc est quod dicit quod cum praedictis discretum
est : quia perfecta et invariabilis essentia Jesu secundum
naturam deitatis, est secundum nos per unitionem humanitatis
; et quaecumque alia substantialia, idest
personalia mysteria pertinent ad benignitatem incarnationis. |
Leçon 1 (4a) : Ce qui dans la Trinité se dit en commun et en propre au sujet des trois Personnes.108.
Après avoir montré dans le chapitre qui précède le mode de procéder à
respecter dans cet ouvrage ainsi que le bien fondé des Noms divins, Denys
cherche à montrer dans ce deuxième chapitre que les Noms divins, dont on
traite dans ce livre, sont communs à toute la Trinité ; et c'est pourquoi ce
chapitre s'intitule de la Théologie commune et de la théologie spécifique car
dans ce chapitre on enseigne ce qui se dit communément de toute la Trinité et
ce qui se dit distinctement de chacune des Personnes. Et on enseigne aussi
dans ce même chapitre quelle est la nature de ce qui est commun et de ce qui
est propre aux Personnes divines, et cela se rapporte à la seconde partie du
titre, lorsqu'il dit : et en quoi consistent cette unité et cette
distinction qu'on retrouve en Dieu. 109.
Mais ce chapitre se divise en deux parties : dans la première il montre ce
qui se dit communément et ce qui se dit en propre des Personnes de la Trinité
; dans la deuxième il assigne la nature du commun et du propre, là où il dit
(38) : Il faut... 110. Au
sujet de la première partie, il fait deux choses : d'abord, il montre que les
Noms divins, dont il est question dans cet ouvrage, doivent s'entendre de
toutes les Personnes de la Trinité ; ensuite, il écarte une objection qui
prétend le contraire, là où il dit (35) : Mais si... 111. Au
sujet du premier point, il fait trois choses : d'abord, il présente la vérité
qu'il se propose de démontrer ; deuxièmement il la démontre là où il dit (32)
: Et certes... ; troisièmement, il s'excuse de ne pas présenter une
démonstration plus soignée, là où il dit (34) : Donc, à ces... 112. Il
dit donc en premier que la bonté par soi est loué par les auteurs
sacrés, c'est-à-dire dans les Saintes Écritures, comme définissant,
c'est-à-dire comme distinguant du reste, et comme manifestant la
totalité de l'essence divine, quelle qu'elle soit, car à quiconque appartient
l'essence divine lui appartient aussi la bonté par soi et inversement. Et
Denys prouve cela au moyen de ce qui est dit dans les Saintes Écritures
lorsque la Divinité elle-même s’y présente dans la personne du Fils dans
l'évangile de Luc (18, 19) : ¨Pourquoi m'appelles-tu bon ? Personne n'est
bon si ce n'est Dieu seul.¨ ; ce qui doit s'entendre de la bonté par soi.
Et parce qu'il en est ainsi au sujet du nom de bonté, alors dans d'autres
livres suite à une recherche nous avons démontré que tous les noms qui
appartiennent à Dieu sont loués dans les Saintes Écritures non pas à titre
particulier ou comme s'ils ne convenaient parfaitement qu'à une seule des
Personnes, mais plutôt comme devant s'attribuer à la Trinité dans
sa totalité, sa perfection, son intégralité et sa Divinité première. 113.
Mais la totalité ou le tout ne s'entend pas ici comme un ensemble résultant
de la composition de parties ; en effet un tel tout ne pourrait appartenir à
la Divinité puisqu'il ferait obstacle à sa simplicité, mais il faut plutôt
entendre ce terme à la manière des Platoniciens, à savoir comme une certaine
totalité antérieure aux parties, antérieure au tout qui résulte de la
composition des parties ; c'est comme dire que la maison qui est dans la
matière est un tout qui résulte des parties alors que celle qui préexiste
dans l'art du constructeur est antérieure aux parties. Et c'est de cette
manière que toute la totalité des choses, qui est comme un tout résultant des
parties, préexiste néanmoins dans la Divinité elle-même comme dans sa cause
première ; et c'est ainsi que la Divinité même du Père, du Fils et de
l'Esprit Saint est dite totale, comme possédant à l'avance en elle
l'universalité des choses. 114. Perfection
ne doit pas s'entendre ici selon le mode de signifier du terme lui-même,
alors que parfait se dit de ce qui est complètement fait, de ce qui est
achevé, tout comme nous disons que nous nous sommes promenés quand nous avons
complété la promenade ; d'où il suit que ce qui n'a pas été fait ne peut être
nommé parfait selon cette définition ; mais parce que les choses qui sont
sujettes au devenir parviennent au terme de leur perfection lorsqu'elles
réalisent la nature et le bien propres à leur espèce, de là le nom parfait a
été utilisé pour désigner toute réalité qui est fixée en son bien et en sa
nature propres. Et c'est de cette manière qu'on dit de la Divinité qu'elle
est parfaite, selon qu'elle existe au plus haut point dans sa nature et dans
son bien. 115. Et
les mots intégral et parfait semblent avoir une signification identique ; ils
diffèrent cependant par la raison : car parfait se dit de ce qui parvient à
réaliser sa nature propre, alors qu'intégral semble signifier ce qui est à
l'abri d'une diminution, comme lorsque nous disons qu'un homme n'est pas intact
si, après avoir réalisé sa nature propre, il a été diminué par la perte d'un
membre. Et c'est parce que rien ne peut être enlevé à la Divinité de la
Trinité que Denys, pour signifier cette idée, ajoute ce nom : intégralité. 116. Le
mot première est utilisé ici pour signifier que la Divinité des trois
personnes n'est pas une Divinité qui participe d'une autre, une divinité de
dépendance ; premier en effet se dit de ce qui ne participe pas d'un autre,
mais dont tout le reste participe, comme la Divinité et la Bonté par soi. Et
ces paroles ont été formulées pour écarter l'erreur d'Origène et d'Arius qui
affirmaient que la Divinité du Fils était une Divinité qui participe d'une
autre. 117. Et
pour montrer que non seulement les Noms divins se disent communément des
trois Personnes mais qu'ils se disent d'Elles d'une manière égale et
identique, il ajoute qu'il a été démontré que tous les noms qui précèdent
s'appliquent ou s'attribuent simplement et absolument, universellement
et indistinctement à la totalité universelle de la Divinité parfaite et
entière, c'est-à-dire à toute la Divinité ; lorsqu'il dit universellement,
il renvoie alors au nombre des Personnes ; pour ce qui est des autres termes,
ils se rapportent à la perfection de l'essence ; et ce terme, à savoir simplement,
correspond à celui qu'il avait avancé plus haut : première ; car les
réalités qui ne participent pas d'une autre sont dites bonnes purement et
simplement alors que celles qui en participent sont dites bonnes
partiellement d'après Saint-Augustin : ¨Enlève ce bien-ci et ce bien-là et
tu verras le bien de tout bien¨ ; absolument, quant à lui, est un
terme qui correspond à celui qu'il avait formulé précédemment, à savoir intégrale
; car les choses qui ont connu la corruption ne peuvent être nommées telles
absolument, comme l'homme mort ne peut être appelé homme absolument ; quant à
ces termes, à savoir indistinctement à la totalité, c'est-à-dire sans
qu'il reste la moindre observation d'une distinction, ils correspondent à ce
qu'il avait dit plus haut : parfaite ; en effet, si la Divinité
n'était pas parfaite ou totale dans chacune des personnes, il faudrait
observer comment une chose se dit de l'une et de quelle manière elle se dit
de l'autre. 118.
Ensuite, lorsqu'il dit (32) : et certes..., il prouve ce qu'il avait
supposé ; et d'abord, il le fait en parlant spécifiquement de certains noms ;
deuxièmement, en parlant de tous, là (33) où il dit : et comme
sommairement... 119. Il
dit donc en premier qu'ainsi qu'on l'a évoqué dans le livre ¨Des
divines Hypotyposes¨, si quelqu'un affirme à partir de ce qui a
été dit, à savoir que : ¨nul n'est bon si ce n'est Dieu seul¨, que
la bonté ne s'attribue pas à toute la Divinité, c'est-à-dire à toutes les
Personnes de la Trinité et qu'il conjecture par là une erreur, osant ainsi
diviser la cohérence de l'unité divine, il faut affirmer contre lui que
le Verbe lui-même, à savoir le Fils de Dieu, comme possédant par nature
en Lui la bonté, dit dans l'évangile de Jean (10, 11) : ¨Je suis le bon
pasteur¨, et dans les Psaumes, c'est un fait, on dit (14, 10) : ¨Ton
Esprit est bon¨. Et de même, si quelqu'un prétend que ce qu'on dit dans
le livre de l'Exode (3, 14) : ¨Je suis Celui qui est¨, ne se dit pas
comme louange à l'égard de toutes les Personnes de la Trinité, mais à l'égard
d'une seule, comment alors pourrait-on entendre ce qu'on dit du Fils dans
l'Apocalypse (1, 8) : ¨C'est ce que déclare Celui qui est, qui était et
qui vient, le Dieu tout-puissant¨ ; et aussi ce qu'avance l'Apôtre au
sujet du Fils dans sa Lettre aux Hébreux (1, 12) : ¨Mais toi, tu demeures
le même¨ ; et ce qu'on lit au sujet de l'Esprit-Saint dans Jean (15, 26)
: ¨Qui est l'Esprit de vérité qui procède du Père ?¨, bien que notre
langue n'ait pas ¨qui est¨. Et de même si quelqu'un dit que ce n'est
pas toute la Divinité qui est la vie, comment pourrait être vrai ce
qu'affirme le Fils de Dieu dans Jean (5, 21) : ¨Car de même que le Père
relève les morts et leur donne la vie, de même le Fils donne la vie à qui il
veut¨ et un peu plus loin Jean ajoute (6, 63) : ¨ C'est l'Esprit de
Dieu qui donne la vie¨. Et s'il n'était pas vrai que ce soit toute la
Divinité qui possède une souveraineté sur toute chose, cela ne
pourrait se dire en de si nombreux endroits des Saintes Écritures où le nom
de Seigneur est célébré au sujet du Père et du Fils lorsque
nous parlons de la divinité du Père qui engendre ou de la
divinité filiale du Fils. Mais l'Esprit-Saint aussi est Seigneur,
ainsi qu'on le dit dans la Deuxième lettre aux Corinthiens (3, 17). Et de
même la beauté et la sagesse se rapportent à la louange de toutes les
personnes de la Divinité, tout comme la lumière, la toute-puissance et la
causalité se disent aussi de toutes, les écrivains sacrés les étendant à
toute louange qu'on fait de Dieu, en les exprimant certes parfois comme
appartenant en même temps à toutes les personnes, comme on le voit dans la
Deuxième épître aux Corinthiens (5, 18) : ¨Toute chose vient de Dieu¨
; mais ils les expriment parfois comme appartenant plus distinctement à l'une
des Personnes, comme ce qu'on dit du Fils dans l'Épître aux Colossiens (1,
16-17) : ¨Toutes les choses ont été faites par Lui et en Lui¨ et ...c'est
par Lui qu'elles sont toutes maintenues à leur place¨ ; et spécifiquement
à l'Esprit dans les Psaumes (103, 30) où on lit : ¨Envoie ton Esprit et
ils seront créés¨. 120.
Ensuite lorsqu'il dit (33) : Et comme sommairement... il montre le
même propos mais communément, au sujet de tous les noms de Dieu en disant que
, comme pour le dire en résumé et en général de tous les noms de Dieu, le
Verbe de Dieu lui-même a dit dans Jean (10, 30) : ¨Le Père et
moi nous sommes un.¨ au moyen de quoi il montre que tout ce qui est dit
du Père est dit du Fils ; et encore dans Jean ( 16,15) on lit : ¨Et tout
ce que le Père possède est aussi à moi¨ ; et de même tout ce qui se
dit du Père et du Fils est attribué aussi en commun et de la même
manière à l'Esprit divin par les Saintes Écritures, à savoir : les
opérations divines, tous les honneurs dus à Dieu, la source et la
cause indéfectible de tous les biens distribués avec prodigalité. Et tout
cela est énuméré ainsi qu'on peut le voir dans la Première lettre aux
Corinthiens (12, 11) : ¨C'est le seul et même Esprit qui produit tout cela¨.
Et ces choses sont d'autant plus vraies que je juge qu'aucun de
ceux qui sont habitués aux saintes Écritures, et dont l'intention est
droite, ne contredit cela, à savoir que tous les noms qui conviennent
à Dieu appartiennent à toute la divinité, conformément à la manière parfaite
de parler de Dieu. 121.
Ensuite, lorsqu'il dit (34) : Donc, ces...il s'excuse de ne pas avoir
fait une recherche plus soignée sur les choses qui précèdent ; et il dit que
celles-ci ont été traitées ici brièvement et partiellement à partir
des saintes Écritures mais qu'elles sont traitées d'une manière plus
satisfaisante dans un autre livre. D'où il suit que pour toute appellation
de Dieu que nous chercherons à expliquer dans ce livre, il faudra
attribuer ce nom lui-même à toute la divinité, c'est-à-dire comme
appartenant à toutes les Personnes ; et c'est à montrer cela que s'applique
tout le présent chapitre. 122.
Ensuite, lorsqu'il dit (35) : Mais si quelqu'un...il écarte une
objection ; et d'abord, il présente l'objection ; deuxièmement, il présente
la manière de la résoudre là où il dit (36) : Si en effet quelqu'un... 123.
Mais quelqu'un pourrait objecter qu'en attribuant au Fils et à l'Esprit-Saint
tous les noms qu'on dit du Père, on abolit ainsi toute distinction entre les
personnes divines et qu'on introduit ainsi une confusion entre elles,
confusion qui ne peut convenir à Dieu. Mais Denys affirme qu'il ne faut pas
estimer que le discours de celui qui présente cette objection suffit à nous
persuader qu'il dit vrai ; en effet, cette attribution commune à toutes les
Personnes n'efface pas la distinction qu'il y a entre elles. 124.
Ensuite, lorsqu'il dit (36) : Si en effet quelqu'un...il présente la
manière de résoudre cette objection en disant que celui qui parle ainsi, lui
qui est fort éloigné de notre Sagesse, s'oppose radicalement
aux saintes Écritures. En effet il n'appartient pas au Théologien de prouver
les vérités de la foi à celui qui n'accueille pas les saintes Écritures,
puisque la foi est au-dessus de la raison. D'où il suit que si celui-là ne se
soucie pas de respecter les saintes Écritures, comment pourrons-nous
avoir souci de le guider vers la science divine ? Car dans les
sciences philosophiques, aucun sage n'argumente contre celui qui nie les
principes de sa discipline. 125.
Mais si celui qui présente une telle objection veut tourner son attention du
côté de la vérité des Écritures saintes, nous par ailleurs,
nous servant des Saintes Écritures comme d'un étalon de mesure et d'une
lumière pour manifester la vérité, nous continuons, sans nous éloigner
des Saintes Écritures, à nous justifier à l'égard de l'objection qui précède
et nous disons que les Saintes Écritures enseignent certaines choses
qui sont communes aux trois Personnes, certaines autres qui sont
propres à l'Une ou à l'Autre et qu'il n'est permis ni de séparer ce
qui est commun ni de confondre ce qui est propre ; mais en
obéissant aux Saintes Écritures, il convient de nous tourner vers les
vérités divines dans la mesure de nos capacités. Car, recevant des
Saintes Écritures la révélation de Dieu, il faut que nous conservions tout ce
qui y a été dit comme étant la règle la plus parfaite de la Vérité, de sorte
que nous ne l'augmentions pas en y ajoutant, que nous ne la diminuions pas en
y retranchant et que nous ne la corrompions pas en l'expliquant d'une manière
erronée ; car lorsque nous conservons les Saintes Écritures, c'est alors que
nous sommes conservés par Elles et que nous sommes assurés par Elles de
conserver ceux qui les conservent. Il faut donc conserver non seulement
ce qui est contenu dans les Saintes Écritures, mais aussi ce qu'enseignent
les saints Docteurs qui les ont conservées dans leur intégrité. 126.
Ensuite, lorsqu'il dit (37) : Donc, certains sont communs...il
manifeste la solution présentée sous le rapport de ce qu'il a dit, à savoir
que les Saintes Écritures enseignent certaines choses communes à toute la
Trinité et d'autres propres à telle ou à telle autre Personne ; et il dit que
pour ce qui est commun à toute la divinité, c'est-à-dire ce qui est
commun à toute la Trinité, ainsi qu'on le dit au livre ¨Des divines
Hypotyposes¨ et qu'on le prouve au moyen de nombreuses autorités
tirées des Saintes Écritures, il existe deux genres de noms : tout d'abord
certes ceux qui se disent de Dieu comme par négation, à cause de son
excellence, tels la supra-bonté, la supra-substance, la supra-vie, la
supra-sagesse ainsi que tous les autres noms qui se disent de Dieu comme
par éloignement, à cause de son excellence, parmi lesquels, dis-je, il
faut énumérer tous les noms qui réfèrent à la causalité,
c'est-à-dire ceux qui désignent Dieu comme principe d'où procèdent toutes les
perfections qui émanent de Lui pour se retrouver dans les créatures, à savoir
: la bonté, la beauté, l'être, la génération de la vie, la sagesse et tous
les autres noms au moyen desquels la Cause de tous les biens est nommée
à partir du don de sa bonté. Et c'est à partir de là que peut s'acquérir la
règle maîtresse suivante, à savoir que tous les noms qui désignent les effets
de Dieu dans les créatures appartiennent à l'Essence divine. 127. Mais
les noms distinctifs, à savoir ceux qui appartiennent en propre à
chacune des trois Personnes de la Trinité, sont : le nom supra-substantiel
ou hypostatique de la Personne du Père et sa fonction, à savoir
son acte qui est celui d'engendrer ; et de même le nom de Fils et sa
fonction qui est d'être engendré ; et le nom d'Esprit-Saint
ainsi que son acte qui est de procéder des deux premiers, à savoir du Père et
du Fils ; de telle sorte que pour de tels noms, on ne peut opérer aucune
conversion, comme si on disait que le Père engendre le Fils et inversement
que le Fils engendre le Père ; on ne peut y opérer non plus aucune mise en
commun, comme si on disait que le Père et le Fils engendrent une autre
personne. Et de même le mystère de l'Incarnation appartient séparément ou en
propre à une personne divine, car seule la personne du Fils est incarnée ; et
c'est ce que Denys dit, à savoir qu'Il est distinct des précédentes
Personnes : car la nature parfaite et invariable de Jésus quant à sa divinité
tient selon nous à son union à l'humanité et tous ses autres mystères
substantiels ou personnels se rapportent à la bonté de son Incarnation. |
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LECTIO 2 [84838] In De divinis
nominibus, cap. 2 l. 2 Quia in solutione obiectionis supra positae
dixerat quod theologia de divinis personis quaedam
tradit unitive et quaedam discretive, intendit hic exponere qualis sit
unitio et discretio in divinis ; et primo, exponit secundum quod possibile
est ; secundo, dicit quod non potest totaliter et perfecte a nobis exponi ;
ibi : sed harum et cetera. Circa primum duo facit : primo,
tradit modum secundum quem exponere intendit ; secundo, secundum illum modum
exponit ; ibi : vocant enim et cetera. Dicit ergo quod ad
pleniorem intellectum praemissae solutionis, oportet, secundum
eius arbitrium, magis exponere perfectum modum divinae unitionis et
discretionis, resumentes solutionem a principio, ita ut
omnis sermo noster circa hoc fiat conspicuus, idest
manifestus. Ad quod consequendum, duo ponit vitanda et tria observanda :
vitandum enim est sive respuendum omne varium confusum et
permixtum. Cum enim aliquis diversa confuse et indistincte dicit, oportet
quod nunc de hoc, nunc de illo loquatur et sic in sermone apparet varietas ;
respuendum est omne non planum idest obscurum, quod quidem
potest contingere si intelligibilia tradantur absque sensibilium exemplorum
manuductione vel si per verba inusitata aliqua manifesta traderentur. Contra
haec autem duo, ponit duo observanda : ut scilicet, sermo eius
determinet, secundum virtutem loquentis, propria,
idest connaturalia nobis ; discrete, contra hoc quod dixerat
: varium ; et plane, contra hoc quod dixerat : non planum
; et addit tertium, scilicet, ordinate ; oportet enim ad hoc quod
doctrina sit manifesta, ut procedatur secundum ordinem disciplinae, a manifestioribus
incipiendo et ab his per quorum cognitionem alia cognoscuntur. Promittit
etiam se expositurum perfectum modum divinae unitionis et discretionis, quia
assignabit modos omnes, secundum quos unitio et discretio possunt accipi in
divinis, non autem quod ipsum modum, secundum quod in Deo perfectus est,
manifestare possit ; hoc enim supra virtutem nostram est, ut infra probabit.
Deinde, cum dicit : vocant enim et cetera, prosequitur
expositionem unitionis et discretionis divinae : et primo, quantum pertinet
ad deitatem ; secundo, quantum pertinet ad humanitatem Christi ; ibi : discretum
autem est et cetera. Circa primum, duo facit : primo, exponit duos
modos unitionis et discretionis ; secundo, subdit utrumque ; ibi : et
dicunt et cetera. Circa primum, duo facit : primo, exponit communem
modum unitionis ; secundo, communem modum discretionis ; ibi : discretionis et
cetera. Dicit ergo, primo, quod, sicut in aliis suis libris dixerat, scilicet
in libro de divinis hypotyposibus, sancti magistri nostrae theologicae
traditionis idest Christianae doctrinae, scilicet apostoli et eorum
discipuli vocant unitiones divinas, quasdam occultas et
inegressibiles supercollocationes divinas quae sunt singularitatis divinae, superineffabilis
et superignotae. Ad cuius evidentiam considerandum est, quod, cum omnis
multitudo rerum a principio primo effluat, primum principium, secundum quod
in se consideratur, unum est ; secundum autem emanationem qua ab eo procedit
multitudo, iam invenitur a quo primum principium distingui possit, quia ratio
multitudinis in distinctione consistit. Considerare igitur primum principium,
secundum quod in se est, hoc est considerare unitionem ipsius et hanc
existentiam primi principii in seipso, supercollocationem vocat
; et nominat hanc supercollocationem et occultam et inegressibilem :
occultam quidem quia intantum Deus potest a nobis cognosci,
inquantum participationes suae bonitatis cognoscimus ; secundum autem quod
est in se, est nobis occultus ; inegressibilem autem dicit,
quia secundum quod in seipso est primum principium nulli communicatur et sic
quasi a seipso non egreditur : et propter hoc et ipsam divinitatem sic
consideratam, per excellentiam distinguentem ipsam ab omnibus, vocat singularitatem,
quia singulare est quod est incommunicabile. Deinde, cum dicit : discretiones et
cetera, exponit, per oppositum, communem modum discretionum ; et dicit quod
praedicti magistri vocant discretiones, processiones et
manifestationes deitatis, quae conveniunt ei inquantum ipsum bonum,
quia de ratione boni est quod ab eo procedant effectus per eius
communicationem. Et considerandum quod contra id quod supra dixerat : occultas
et inegressibiles, satis congrue posuit processiones et
manifestationes, quia per effectus progredientes ab ipso manifestatur, et
quodammodo ipsa deitas in effectus procedit, dum sui similitudinem rebus
tradit, secundum earum proportionem, ita tamen, quod sua excellentia et
singularitas sibi remanet, incommunicata rebus et occulta nobis. Hae igitur
processiones vocantur discretiones, quia nisi a primo principio
alia effluerent, non haberet primum principium a quo discerneretur. Deinde,
cum dicit : et dicunt et cetera, subdit utrumque dictorum
modorum ; et primo, ponit subdivisionem ; secundo, manifestat eam ; ibi
: sicut et cetera. Dicit ergo, primo, quod illi qui
sequuntur sacras Scripturas et sequuntur proprias rationes praedictae
unitionis et iterum praedictae discretionis, dicunt quod tam in praedicta
unitione communi sunt quaedam propriae unitiones et discretiones,
quam etiam in praedicta communi discretione. Deinde, cum dicit sicut
in unitione divina et cetera, exponit subdivisionem ; et primo,
ostendit quomodo, in praedicto modo unitionis communi, sit quaedam unitio et
discretio ; secundo, ostendit quod, etiam in discretione praedicta, est
unitio et discretio ; ibi : est autem et cetera. Circa
primum, duo facit : primo, ostendit quomodo in praedicta unitione sit propria
unitio ; secundo, quomodo in praedicta unitione sit discretio ; ibi : mansio
principalium et cetera. Ad intellectum ergo huius partis
considerandum est quod, cum supra, acceperit rationem unitionis divinae ex eo
quod Deus in seipso secundum suam excellentiam consideratur, ista
consideratio est duplex. Potest enim considerari ista superexcellens Dei
essentia in seipso : vel secundum essentiam et sic est unitum et commune toti
Trinitati ; vel secundum quod una personarum est in alia et sic in unitione
invenitur discretio. Hoc est ergo quod dicit : sicut in unitione
divina, idest supersubstantialitate, quasi dicat : sic accipio, modo
unitionem divinam secundum communem rationem unitionis supra positam,
secundum quod ratio unitionis consistit in quadam excellentia deitatis ; in
hac, inquam, unitione communi, est unitum et commune principali
Trinitati, quidquid ad superexcellentiam essentiae divinae pertinet et,
per hoc, dat intelligere quod ratio unitatis propriae, quam nunc exponit,
nihil est aliud quam esse commune tribus personis ; et exemplificat :
sicut essentia supersubstantialis, divinitas superdea, idest
super modum deitatis communicatae rebus, et bonitas superbona, et
identitas quae est super omnia, secundum quam, scilicet, Deus est idem
sibi, et unitas super principatum, unitas, inquam, totalis
proprietatis existentis scilicet super omnia. Et hoc
dicit quia unum habet rationem principii. Unum autem est unum secundum quod
in seipso indivisum est ; hoc autem est illud quod retinet proprietatem suae
naturae. Quasi dicat quod ipse, inquantum est unitas, est principium super
omne principium, habens in se suam proprietatem qua supra omnia existit. Ad
hanc etiam excellentiam est et quod a nobis ignoratur propter excellentiam
sui luminis et quod a nullo intellectu creato est perfecte intelligibilis,
idest comprehensibilis et quod de eo omnia possunt affirmari et omnia negari,
secundum modum in praecedenti capitulo expositum, cum tamen ipse sit super
omnem affirmationem et negationem ; est enim super omnem intellectum nostrum,
qui affirmationes et negationes componit. Deinde, cum dicit : mansio
principalium et cetera, exponit quomodo discretio est in communi
modo unitionis, quae est superexcellentiae collocatio ; et circa hoc, tria
facit : primo, ponit quod intendit ; secundo, manifestat propositum, per
exemplum sensibile ; ibi : quemadmodum et cetera ; tertio,
ostendit exemplum esse deficiens a tantae rei repraesentatione ; ibi : et
haec totaliter et cetera. Dicit ergo, quod mansio
principalium personarum in se invicem, idest secundum quod una divinarum
personarum est in alia, et collocatio unius in aliam, si
ita oporteat nominari, cum distinctionem importet, tamen est totaliter
superunita, idest pertinens ad illam unitionem excellentiae de qua supra
dictum est. Deinde, cum dicit : quemadmodum et cetera,
manifestat, per exemplum sensibile, quod in praedicta unitione possit esse
discretio ; in quo quidem exemplo, tria facit : primo, ponit exemplum
sensibile, in quo dicit esse simul unitionem et discretionem ; secundo,
ostendit quod in illo exemplo sit unitio ; ibi : et quidem videmus et
cetera ; tertio, quod in eo sit discretio ; ibi : sed etiam si unus et
cetera. Dicit ergo primo quod ut utamur exemplis
sensibilibus et propriis nobis, lumina plurium luminarium,
existentia in domo una, et tota sunt invicem in se totis et tamen habent
diligentem, idest optimam et perfectam discretionem ad se invicem
proprie subsistentem ; et sic plura lumina sunt unita cum discretione
et discreta cum unitione. Deinde, cum dicit : et
quidem et cetera, ostendit quod praedicta lumina habeant unitionem
ad invicem ; et dicit quod videmus, multis luminaribus existentibus
in domo una, omnium luminarium lumina esse unita
ad unum quoddam lumen, quia in eadem parte aeris omnium luminarium lumina resplendent
; et hoc est quod subdit : et una claritate indiscreta, idest
indistincta, secundum locum vel subiectum, resplendentia ; et nullus,
ut arbitror, posset lumen huius luminaris, in aere, secundum
quod continet omnia lumina, discernere ab aliis et videre alterum
eorum sine altero, propter hoc quod totum unum lumen est
concretum alteri, sine mixtione, tollente scilicet discretionem.
Deinde, cum dicit : sed etiam si unus et cetera, ostendit
quod maneat ibi discretio, quia si aliquis educat unum de
luminaribus, utpote unam candelarum, simul egreditur cum illo totum proprium
lumen, quod ex luminari illo in domo erat, quod ex hoc patet quod lumen,
in domo, minoratum invenietur ; ita tamen, quod lumen egrediens non simul
secum avellet aliquod aliorum luminum, nec etiam aliquid sui cum aliis luminibus
derelinquat ; quod esse non posset, si esset facta mixtio luminum, utpote si
aqua cineri aut farinae misceatur, non potest extrahi tota, quin aliquid
remaneat farinae aut cineri immixtum et quin etiam de cineribus aut farina
deperdatur vel simul egrediatur. Sed quod hoc in luminibus non contingit,
ideo est quia erat totorum luminum ad tota, perfecta coniunctio
absque omni mixtione et nulla partium confusione existente. Est autem hic
considerandum quod, de lumine, fuit duplex opinio physicorum : quidam enim
dixerunt lumen esse corpus et secundum hanc opinionem, satis plane videtur
procedere exemplum inductum. Sic enim loqui videtur Dionysius de pluribus
luminibus ex diversis luminaribus in uno aere procedentibus, sicut si
loqueretur de pluribus corporibus et praecipue propter hoc quod dicit
quod habent discretionem subsistentem, subsistere enim est
substantiarum tantum, et propter hoc est quod dicit, quod unum lumen
egreditur sine altero, in quo videtur designari quidam motus localis, qui est
corporum tantum. Si vero lumen non sit corpus, sed qualitas, secundum
opinionem aliorum, non haberent lumina discretionem subsistentem, quin immo,
ex diversis luminaribus, sicut ex diversis causis agentibus, fiet unum lumen
tantum, intensius in aere et uno lumine subtracto, cessaret superadditio
intensionis, sicut ex pluribus causis calefacientibus, intenditur calor in
calefactibili et, una causa subtracta, minuitur calor. Haec autem secunda
opinio verior est ; unde potest dici quod Dionysius hic loquitur de
subsistenti discretione luminum et de egressione alicuius eorum per respectum
ad luminaria et non secundum se. Tamen considerandum est quod consueverunt
tam philosophi quam etiam sacri doctores, aliquando, ad propositum
manifestandum, exemplis aliquibus uti, secundum aliquas opiniones apud
aliquos probabiles, licet ipsi eam non sequantur. Deinde, cum dicit : et
haec totaliter et cetera, ostendit quod istud exemplum deficit a
tantae rei repraesentatione ; et dicit quod haec quae dicta
sunt de diversis luminibus, totaliter accidunt in rebus
corporeis et materialibus, scilicet in corpore aere ut in
loco, si lumina sint corpora vel ut in subiecto, si lumen est qualitas
; et, iterum, lumine sensibili dependente ex
materiali igne. Sed in divinis personis, dicimus collocari
supersubstantialem unitionem, non super solas unitiones quae sunt in corpore,
sed et super illas quae sunt in ipsis animabus et in ipsis mentibus angelicis
; quas quidem unitiones habent deiformia et
supercoelestia lumina, idest ipsi Angeli, tota per tota non mixte
et supermundane, dum scilicet unus Angelus toti alteri coniungitur per
intellectum et affectionem. Et huiusmodi inconfusa unitio in mentibus et
animabus, fit secundum proportionalem participationem illius unitionis quae
est in divinis personis, quae est supersegregata ab omnibus
participantibus, quia scilicet nullum participantium potest perfecte
imitari divinam unitionem. Deinde, cum dicit : est autem discretio et
cetera, exponit quomodo in communi modo discretionis supra signatae,
invenitur et discretio et unitio, idest aliquid commune toti Trinitati et
aliquid distinctum ad personas pertinens. Dictum est enim supra quod
discretiones divinae vocantur secundum processiones deitatis. Est autem
duplex processio : una quidem secundum quod una persona procedit ab alia et
per hanc multiplicantur et distinguuntur divinae personae et quantum ad hoc
attenditur discretio propria in communi modo discretionis ; alia est
processio secundum quam creatura procedit a Deo, secundum quam fit multitudo
rerum et distinctio creaturarum a Deo, et haec est discretio unita, idest
communis toti Trinitati. Primo, igitur, exponit quomodo aliqua discretio
pertineat ad discretionem personarum ; secundo, quomodo aliqua discretio
pertineat ad essentiae unitatem, ibi : si autem et divina discretio et
cetera. Dicit ergo primo, quod discretio in
supersubstantialibus theologiis ad divinas personas, non solum
est illa quam dixi quod per ipsam unitionem communem,
quae pertinet ad superexcellentiam deitatis, unaquaeque divinarum personarum,
immixtim et inconfuse collocatur in altera, sed etiam quod
ea quae pertinent ad fecunditatem Dei supersubstantialem,
numquam convertuntur ad se invicem, sicut convertebantur ea quae
pertinent ad collocationem personalem. Mutuo enim pater est in
filio et filius in patre, non tamen mutuo pater generat filium et filius
patrem ; et hoc est quod subdit quod solus pater est fons
supersubstantialis deitatis, ut in fonte, auctoritas intelligatur sive
principium non de principio ; nec filius est pater nec pater filius,
cum divinae laudes conservent secundum fidem Christianae religionis, suas
proprietates unicuique divinarum personarum.
Ultimo epilogando subdit, quod istae quae dictae sunt, sunt
unitiones et discretiones pertinentes ad ipsam divinam essentiam
ineffabilem et ad ineffabilem eius unitionem ; quia quod
sequitur de unitione et discretione, pertinet ad creaturas. |
Leçon 2 (5a) : La sorte d'unité et de distinction qu'on retrouve en Dieu.128.
Parce que dans la résolution de l'objection présentée plus haut (36 ; 124-125)
il avait dit qu'il existe une Théologie qui enseigne sur Dieu ce qu'il y a de
commun et qui en fait l'unité et une autre qui enseigne ce qui est propre à
chacune des Personnes divines et qui les distingue l'une de l'autre, il
cherche ici à expliquer quelle est cette unité et cette distinction qu'on
retrouve en Elles ; et d'abord, il l'explique dans la mesure du possible ;
deuxièmement, il dit qu'il n'est pas possible de l'expliquer totalement et
parfaitement, là (54) où il dit : mais de ces...(leçon 4) 129. Au
sujet du premier point, il fait deux choses : d'abord, il présente le mode
selon lequel il cherche à expliquer cela ; deuxièmement, il l'explique
conformément à ce mode, là (39) où il dit : En effet, ils appellent... 130. Il
dit donc que pour parvenir à une compréhension plus claire de la solution
précédente il faut, selon lui, expliquer davantage le mode
parfait de l'unité et de la distinction qu'on retrouve en Dieu, reprenant
cette solution à son point de départ de sorte que tout notre discours
à ce sujet devienne plus précis, plus évident. Pour y arriver il
présente deux choses à éviter et trois à observer : il faut éviter en effet tout
ce qui est bigarré, confus et mêlé. En effet lorsque quelqu'un dit de
nombreuses choses d'une manière confuse et grossière, il faut alors qu'il
parle tantôt de ceci et tantôt de cela et une incohérence apparaît ainsi dans
son discours ; il faut rejeter tout ce qui n'est pas clair, tout ce
qui est obscur, ce qui peut se produire si les vérités intelligibles sont
enseignées sans l'aide d'exemples sensibles ou si celles qui sont évidentes
le sont au moyen de termes inhabituels. Par opposition à ces deux défauts, il
présente deux choses à respecter de manière à ce que son discours marque les
limites, conformément aux capacités de celui qui parle, de ce qui nous
est propre, c'est-à-dire de ce qui nous est le plus naturel ; il devra
parler distinctement, par opposition à ce qu'il avait dit : de
manière bigarrée ; et clairement, par opposition à un autre terme
utilisé : de manière obscure ; et il ajoute un troisième point, à
savoir de manière ordonnée ; en effet, pour que la doctrine devienne
évidente, il faut procéder conformément à l'ordre propre à cette science en
commençant par ce qui est le plus évident et à partir des choses au moyen
desquelles s'acquiert la connaissance des autres choses. Il promet encore
d'expliquer le mode parfait de l'unité et de la distinction qu'il y a en
Dieu, car il assignera tous les modes selon lesquels l'unité et la
distinction peuvent être entendues chez les Personnes divines ; il ne parle
évidemment pas de la capacité de manifester ce mode parfait tel qu'il existe
en Dieu ; cela en effet dépasse notre capacité, ainsi qu'il le prouvera plus
loin (leçon 4). 131.
Ensuite, lorsqu'il dit (39) : En effet, ils nomment...il poursuit son
explication sur l'unité et la distinction qu'il y a en Dieu : et en premier
lieu, il le fait quant à ce qui appartient à la Divinité en tant que telle ;
deuxièmement, quant à ce qui appartient à l'Humanité du Christ, là (53) où il
dit : Mais il se distingue...(leçon 3) 132. Au sujet
du premier point, il fait deux choses : d'abord, il explique les deux modes
de l'unité et de la distinction divines ; deuxièmement, il subdivise l'un et
l'autre, là (41) où il dit : Et ils disent... 133.
Quant à la première partie, il fait deux choses : d'abord, il explique le
mode commun de l'unité ; deuxièmement, le mode commun de la distinction, là
(40) où il dit : les distinctions... 134. Il
dit donc en premier que, ainsi qu'il l'avait déjà affirmé dans ses autres
livres, c'est-à-dire dans le livre ¨Des divines Hypotyposes¨, les
saints maîtres de notre tradition théologique, à savoir de la doctrine
chrétienne, c'est-à-dire les Apôtres et leurs disciples, appellent unités
divines les supra-demeures divines, cachées et incommunicables qui
appartiennent en propre à la singularité divine supra-ineffable et
supra-inconnue. 135.
Pour comprendre cela, il faut considérer que, comme toute la multiplicité des
choses découle d'un premier Principe, ce dernier, en tant qu'il est considéré
en lui-même, est un ; mais selon l'écoulement par lequel la multitude procède
de lui, on découvre de quoi le premier Principe peut être distingué car la
notion de multiplicité implique la distinction. Donc, considérer le premier
Principe en tant qu'il existe en lui-même c'est le considérer dans son unité
et c'est cette existence du premier Principe en lui-même qu'il appelle supra-demeure
; et cette dernière, il la qualifie de cachée et d'incommunicable
: cachée certes parce que Dieu ne peut être connu de nous que dans la
mesure où nous connaissons ce qui participe de sa bonté ; mais quant à ce
qu'il est en lui-même, il nous demeure caché ; il la nomme aussi incommunicable
car selon ce qu'Il est en lui-même, le premier Principe ne se communique à
aucune réalité et ainsi en quelque sorte il ne sort pas de lui-même : et
c'est pour cela qu'il appelle singulière la divinité elle-même ainsi
considérée dans son excellence qui la distingue de toute créature car le
singulier est justement ce qui est incommunicable. 136.
Ensuite, lorsqu'il dit (40) : les distinctions...il explique, par
opposition, le mode commun de la distinction ; et il dit que pour ce qui est des
processions et des manifestations de Dieu, les maîtres dont il vient de
parler les appellent ainsi distinctions ; et ces dénominations Lui
conviennent en tant qu'Il est la bonté même car il est dans la nature du bien
de se communiquer aux effets qui procèdent de Lui. Et il faut considérer que
par opposition à ce qu'il avait dit plus haut de la Divinité quant à son
unité, à savoir qu'elle est cachée et incommunicable, il parle ici
avec suffisamment de justesse de processions et de manifestations car
c'est au moyen des effets qui procèdent de Lui que le Principe devient connu
; et la Divinité elle-même se prolonge d'une certaine manière dans les
effets, puisqu'elle transmet aux choses, proportionnellement à leur nature,
une image d'Elle-même de telle sorte cependant qu'elle retienne en elle son
excellence et sa singularité qui demeurent non communiquées aux choses et
inconnues de nous. Donc ces processions sont nommées distinctions car
le premier Principe ne pourrait se distinguer de rien si rien ne procédait de
Lui. 137. Et
ensuite lorsqu'il dit (41) : Et ils disent...il subdivise chacun des
modes précédents ; et d'abord, il présente la subdivision ; deuxièmement, il
la manifeste là (42) où il dit : Tout comme... 138. Il
dit donc en premier que ceux qui suivent les Saintes Écritures et qui
adhèrent aux définitions spécifiques de l'unité et de la
distinction présentées plus haut affirment que tant dans l'unité commune
que dans la distinction commune présentées plus haut il existe certaines unités
et distinctions spécifiques. 139.
Ensuite, lorsqu'il dit (42) : Comme dans l'unité divine...il présente
la subdivision ; et d'abord, il montre comment il existe, dans le précédent
mode commun de l'unité, à la fois une certaine unité et une certaine
distinction ; deuxièmement, il montre que dans la distinction commune
précédente aussi il existe une unité et une distinction, là (43) où il dit : Mais
il existe... 140. Au
sujet du premier point, il fait deux choses : d'abord, il montre comment il
existe une unité spécifique dans l'unité dont nous avons parlé ;
deuxièmement, il montre comment il existe aussi dans cette unité une
distinction, là (43) où il dit : La demeure des principes... 141.
Donc, pour comprendre cette partie, il faut considérer que, puisqu'il a
précédemment compris la notion d'unité divine à partir de ce que Dieu est
considéré en lui-même selon son excellence, cette considération est double.
En effet, cette essence éminemment excellente de Dieu qui existe en lui peut
être considérée soit sous le rapport de l'essence elle-même et ainsi elle est
une et commune à toute la Trinité, soit selon qu'une Personne existe dans une
autre et c'est ainsi qu'on retrouve une distinction dans cette unité. 142.
C'est donc cela que Denys dit en ces mots : Comme dans l'unité divine,
c'est-à-dire dans la supra-substantialité, comme s'il disait : j'entends
ainsi de cette manière l'unité divine conformément à la définition commune de
l'unité présentée plus haut, d'après laquelle la nature de l'unité consiste
en une certaine excellence de la Divinité ; dans cette unité commune, dis-je,
est un et commun à la Trinité originelle tout ce qui appartient
à l'éminente excellence de l'essence divine et par là il donne à comprendre
que la nature de cette unité propre qu'il explique maintenant n'est rien
d'autre que l'être commun aux trois Personnes ; et il illustre ce qu’il vient
de dire par ceci : comme l'essence supra-substantielle, la divinité
supra-divine, c'est-à-dire qui est au-dessus de la sorte de divinité
communiquée aux choses, et la bonté éminemment bonne et l'identité qui est
au-dessus de tout, c'est-à-dire selon laquelle Dieu est identique à
Lui-même, et l'unité qui est au-dessus de tout principe d'unité ,
l'unité, dit-il, de toute propriété existante, c'est-à-dire l'unité
qui transcende tout. 143. Et
il dit cela car l'un a raison de principe. Mais l'un est un selon qu'il n'est
pas divisé en lui-même ; et est précisément tel celui qui retient en lui-même
la spécificité de sa nature. Comme s'il disait que Lui-même, en tant
qu'unité, est le Principe qui transcende tout principe, possédant en Lui la
spécificité par laquelle il existe au-dessus de toute chose. C'est encore en
raison de cette excellence que nous l'ignorons, à cause de sa lumière
exceptionnelle, et qu'il n'est parfaitement intelligible ou compréhensible
par aucune intelligence créée et qu'à son sujet on puisse tout affirmer et
tout nier à la manière dont nous l'avons expliqué au chapitre précédent, bien
qu'Il soit Lui-même au-dessus de toute affirmation et de toute négation ; en
effet, il est totalement au-dessus de notre intelligence qui procède par mode
de composition en affirmant et en niant. 144. Ensuite,
lorsqu'il dit (43) : La demeure des principes...il explique comment se
présente la distinction qui existe dans le mode commun de l'unité, qui est la
demeure des principes qui transcendent toute excellence ; et à ce sujet, il
fait trois choses : d'abord, il présente son propos ; deuxièmement, il
manifeste son propos au moyen d'un exemple sensible, là (44) où il dit : de
même que... ; troisièmement, il montre que l'exemple est impuissant à
représenter parfaitement une telle réalité, là (47) où il dit : Et ceci ne
peut totalement... 145. Il
dit donc que la demeure des Principes personnels existant réciproquement
les uns dans les autres, c'est-à-dire d'après laquelle une des Personnes
demeure dans une autre, et la résidence de l'une dans une autre, s'il
faut s'exprimer ainsi, quoiqu'elle implique une distinction, est
cependant totalement et éminemment une, c'est-à-dire qu'elle
appartient à cette unité de l'excellence dont nous avons parlé plus haut (135,
141-142). 146.
Ensuite, lorsqu'il dit (44) : De même que...il manifeste, au moyen
d'un exemple sensible, que dans l'unité qui précède il puisse exister une
distinction ; et pour cet exemple, il fait trois choses : d'abord, il
présente l'exemple sensible dans lequel il dit qu'il y a à la fois unité et
distinction ; deuxièmement, il montre que dans cet exemple il y a unité, là
(45) où il dit : Et certes nous voyons... ; troisièmement, il montre
qu'il y a en lui distinction, là (46) où il dit : Mais aussi, si un … 147. Il
dit donc en premier que, pour nous servir d'exemples sensibles et
qui nous sont familiers, les lumières qui existent dans une
seule et même maison et qui proviennent de plusieurs luminaires sont
mutuellement toutes les unes dans les autres et gardent cependant une
soigneuse, c'est-à-dire une très grande et une parfaite distinction
qui subsiste véritablement entre elles ; et ainsi plusieurs lumières
se trouvent à être unies malgré leur distinction et à demeurer distinctes
malgré leur unité. 148.
Ensuite, lorsqu'il dit (45) : Et certes...il montre que les lumières
dont il vient de parler sont unies entre elles pour n'en former qu'une seule
; et il dit que nous voyons, à partir des nombreux luminaires qui existent
dans une maison, que les lumières de tous les
luminaires sont unies pour n'en former qu'une seule car les
lumières de tous les luminaires éclairent dans le même espace aérien ; et
c'est ce qu'il ajoute par ces mots : et par une seule clarté brillant dans
une union étroite, c'est-à-dire qui ne comporte aucune distinction sous
le rapport du lieu et du sujet ; et nul ne pourrait, je crois, dans cet
espace d'air qui contient toutes les lumières, distinguer la lumière
de ce luminaire de celle des autres et voir l'une sans l'autre
pour cette raison qu'une lumière est totalement unie à une autre mais sans
mélange qui ferait disparaître la distinction. 149.
Ensuite lorsqu'il dit (46) : Mais encore, si un ...il montre que même
alors la distinction est conservée, car si quelqu'un retire un des
luminaires, par exemple une des chandelles, en même temps sort avec lui toute
la lumière qui lui est propre et qui éclairait la maison à partir de
lui, ce qui devient évident en considérant qu'avec ce retrait, la lumière se
trouve à être diminuée dans la maison ; mais de telle sorte cependant que la
lumière qu'on retire n'enlève pas en même temps avec elle quelque chose des
autres lumières et n'abandonne pas aux autres lumières quelque
chose d'elle-même ; ce qui ne pourrait se produire s'il y avait eu un
mélange des lumières, comme cela se produit lorsque l'eau est mélangée à de
la cendre ou à de la farine car alors on ne peut retirer de l'eau qui ne soit
pas mélangée à de la farine ou à de la cendre et on ne peut le faire sans
retirer et perdre simultanément de la farine et de la cendre. Mais si cela ne
se produit pas pour notre exemple des luminaires, c'est bien sûr parce qu'il
y avait une union parfaite de toutes les lumières entre
elles sans aucun mélange et sans aucune confusion entre elles. 150. Il
faut cependant considérer ici qu'il y avait chez les Physiciens deux opinions
au sujet de la lumière : certains en effet disaient que la lumière est un
corps et il semble suffisamment clair que l'exemple qui précède procède de
cette opinion. C'est de cette manière en effet que Denys semble parler de
plusieurs lumières procédant de plusieurs luminaires dans un même espace
aérien, comme s'il parlait de plusieurs corps ; et ce qui nous le fait
penser, c'est qu'il dit que leur distinction subsiste dans l'unité, subsister
n'appartenant en effet qu'aux substances et c'est à cause de cela qu'il dit
qu'une lumière sort du faisceau sans les autres, en quoi il semble se référer
à un certain mouvement local, lequel est propre aux corps. 151.
Mais si en réalité la lumière n'était pas un corps mais plutôt une qualité
d'après l'opinion des autres Physiciens, les lumières dont on parle dans
notre exemple ne pourraient conserver une distinction qui subsisterait lors
de leur union ; mais au contraire à partir de différents luminaires comme à
partir de différentes causes efficientes ne serait produite qu'une seule
lumière ayant une plus grande intensité dans l'air et le retrait d'un
luminaire entraînerait la cessation dans l'augmentation de l'intensité, tout
comme à partir de plusieurs principes calorifiques la chaleur s'intensifie
dans le corps réchauffé et si on en enlève un, la chaleur diminue. Et cette
deuxième opinion est davantage conforme à la vérité ; d'où on peut dire que
quand Denys parle ici d'une distinction qui subsiste dans les lumières et du
retrait de l'une d'elles par rapport aux autres, il le fait en se référant
aux luminaires et non aux lumières en tant que telles. Cependant il faut
considérer que tant les Philosophes que les saints Docteurs avaient souvent
l'habitude pour manifester leur propos de se servir d'exemples tirés de
certaines opinions probables aux yeux de certains, même si eux-mêmes
n'adhéraient pas à ces opinions. 152.
Ensuite, lorsqu'il dit (47) : Et celles-ci totalement...il montre que
cet exemple ne suffit pas à représenter une réalité d'une telle grandeur et
il ajoute que tout ce qui a été dit des différentes lumières se
produit totalement dans les réalités corporelles et matérielles,
c'est-à-dire dans un air corporel, soit comme dans le lieu si la
lumière est un corps, soit comme dans un sujet si la lumière est une qualité
; et, encore une fois, la lumière sensible dépend d'un feu matériel.
Mais chez les Personnes divines nous disons que l'unité
supra-substantielle demeure non seulement au-dessus des seules unités qu'on
retrouve chez les corps mais aussi au-dessus de celles qui existent dans les
âmes elles-mêmes et dans les esprits angéliques eux-mêmes ; et ces
unités, c'est-à-dire celles des Anges, possèdent certes des
lumières supra-célestes qui sont conformes à Dieu et qui sont en tout
et partout sans mélange et au-dessus du monde, alors qu'un Ange s'unit
totalement à un autre par l'intelligence et l'affectivité. Et une telle unité
se produit sans mélange dans les âmes et dans les esprits dans la mesure où
ils participent, proportionnellement à leurs forces, de cette unité
qu'on retrouve dans les Personnes divines, unité qui transcende éminemment
tout ce qui en participe car rien de ce qui participe de l'unité divine
ne peut parfaitement l'imiter. 153.
Ensuite, lorsqu'il dit (48) : Il y a cependant une distinction...il
explique comment dans le mode commun de distinction présenté plus haut on
retrouve à la fois distinction et unité, c'est-à-dire quelque chose qui est
commun à toute la Trinité et quelque chose qui en distingue chacune des
Personnes. En effet nous avons dit plus haut (40 ; 136) qu'on appelle
distinctions divines tout ce qui procède de Dieu. Il existe cependant deux
manières de procéder ou de provenir de la Divinité : une certes selon
laquelle une Personne procède d'une autre et selon cette dernière c'est chez
les Personnes mêmes de la divinité qu'on retrouve multiplicité et distinction
et sous ce rapport notre attention se porte sur une distinction spécifique à
l'intérieur même du mode commun de distinction ; la deuxième est celle selon
laquelle une créature procède ou provient de Dieu et selon celle-là c'est
chez les choses créées par Dieu qu'on retrouve multiplicité et distinction et
cette distinction est une, c'est-à-dire commune à toute la Trinité. 154.
Donc il explique en premier comment il existe une distinction qui se rapporte
à la distinction des Personnes elles-mêmes ; deuxièmement, comment une autre
distinction se rapporte à l'unité de l'essence, là (49) où il dit : Si
cependant la distinction de la Divinité... (leçon 3a). 155. Il
dit donc que la distinction, qu'on retrouve chez les Théologiens de
la supra-substantialité à l'égard des Personnes divines, est non
seulement celle dont j'ai dit qu'au moyen de l'unité commune elle-même
qui appartient à la supra-excellence de Dieu, chacune des Personnes de
la Divinité demeure distincte dans l'autre sans mélange et sans confusion,
mais aussi celle dont j'ai dit que les propriétés qui se
rapportent à la fécondité supra-substantielle de Dieu ne se convertissent
jamais entre elles comme se convertissent celles qui appartiennent à la
demeure commune des Personnes. En effet le Père est dans le Fils et
réciproquement le Fils est dans le Père, cependant le Père engendre le Fils
mais le Fils n'engendre pas réciproquement le Père ; et c'est ce que Denys ajoute
en disant que seul le Père est la source supra-substantielle de la
Divinité, de sorte qu'on comprenne par le mot source l'autorité ou le
principe et non ce qui en provient ; le Fils n'est pas le Père et le Père
n'est pas le Fils, étant donné que les louanges adressées à Dieu
conservent à chacune des Personnes divines leurs propriétés
conformément à la foi de la religion chrétienne. 156. En
concluant il ajoute finalement que ces choses dont nous venons de
parler sont les unités et les distinctions qui se rapportent à l'essence
inexprimable de Dieu et à son indicible unité ; car ce qui suit
sur l'unité et la distinction se rapporte aux créatures. |
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LECTIO 3 [84839] In De divinis
nominibus, cap. 2 l. 3 Postquam exposuit Dionysius quomodo sub communi
modo discretionis, qui est secundum processionem, continetur propria
discretio, quae est secundum processionem unius personae ab alia, nunc
intendit exponere quomodo sub eodem communi discretionis modo, continetur et
quaedam propria unitio, quae est secundum processionem creaturarum a Deo, ad
totam Trinitatem pertinens ; et circa hoc duo facit : primo, proponit quod
intendit ; secundo, manifestat per exempla ; ibi : quemadmodum et
cetera. Ad evidentiam autem primae partis, considerandum est quod posset
aliquis dicere quod processio creaturarum non continetur sub divina
discretione, unde licet processio creaturarum communiter ad totam Trinitatem
pertineat, non tamen potest dici quod aliqua divina discretio sit communis
vel unita in Trinitate. Et ideo vult ostendere
quod processio creaturarum est quodammodo divina discretio, non tamen eo modo
quo processio divinarum personarum. Nam in processione divinarum personarum
ipsa eadem divina essentia communicatur personae procedenti et sic sunt
plures personae habentes divinam essentiam, sed in processione creaturarum,
ipsa divina essentia non communicatur creaturis procedentibus, sed remanet
incommunicata seu imparticipata ; sed similitudo eius, per ea quae dat
creaturis, in creaturis propagatur et multiplicatur et sic quodammodo
divinitas per sui similitudinem non per essentiam, in creaturas procedit et
in eis quodammodo multiplicatur, ut sic ipsa creaturarum processio possit
dici divina discretio, si respectus ad divinam similitudinem habeatur, non
autem si respiciatur divina essentia. Hoc est ergo quod dicit,
quod si processio possit dici divina essentia bonitati conveniens,
quae est unitionis divinae superunitae, idest unitatis essentiae,
in qua tres personae uniuntur, quae est super omnem unitatem, quae
quodammodo seipsam agit sive ducit ex sua bonitate in
pluralitatem et multiplicat seipsam, scilicet secundum suam
similitudinem, si, inquam, talis processio ea
ratione quod per eam divina unitas quodammodo multiplicetur, dici
potest divina discretio, tunc consequenter dicendum est
quod traditiones, idest donationes divinorum donorum, quae sunt
incomprehensae ex parte principii, sunt unitae, idest communes
toti Trinitati secundum divinam discretionem, idest secundum
communem modum divinae discretionis, qui secundum processionem attenditur. Et
quae sint istae traditiones ostendit subdens : substantificationes secundum
quod dat esse omnibus subsistentibus ; vivificationes secundum
quod dat vitam ; sapientificationes, secundum quod dat
sapientiam et alia dona divinae bonitatis, quae est
omnium causa, secundum quae dona divina participata per
similitudinem, non participabiliter, inquantum essentia manet
imparticipata, laudantur ex participationibus, idest ex donis
participatis, ut est esse, sapientia et vita et participantibus,
quibus scilicet, ista communicantur. Loquitur autem pluraliter de divinis vel
propter pluralitatem personarum vel propter pluralitatem nominum quae ipsi
Deo attribuuntur ; et hoc est toti divinitati commune. Et ne
intelligatur communitas rationis tantum sicut genus est commune speciebus et
species individuis, addidit : et unitum, ut ostendat unum numero
esse in tribus. Et ne aliquis intelligat unitatem ex multis congregatam,
sicut domus unitur ex partibus, addidit : et unum hoc,
scilicet omnem ipsam divinitatem, idest, secundum quamlibet
personam, totam participari ab unoquoque participantium per
similitudinem et a nullo participantium in nulla sui parte participari,
per commixtionem suae substantiae. Dicit autem totam eam participari,
non tamen totaliter vel perfecte, qui omnibus incomprehensibilis est, ut
supra dictum est. Et quia hoc ultimo dictum difficile videbatur et
contradictionem implicans, manifestat hic consequenter per exempla, cum dicit
: quemadmodum et cetera ; et circa hoc tria facit : primo,
ponit exempla ; secundo, ostendit ea esse deficientia ; ibi : excedit et
cetera ; tertio, obiicit contra praedicta et solvit ; ibi : quamvis et
cetera. Dicit ergo quod hoc ita est de participatione deitatis sicut punctum quod
est in medio circuli participatur ab omnibus lineis
in circulo circumpositis quae scilicet protrahuntur a centro ad
circumferentiam, inquantum quaelibet linea sortitur indivisibilitatem
secundum latitudinem, ad similitudinem indivisibilitatis puncti, prout
imaginamur punctum suo motu facere lineam et tamen punctum secundum situm
distinctum est a longitudine lineae. Et sicut etiam, multae
expressiones sigilli participant archetypo sigillo, idest principali
figurae sigilli (dicitur enim archetypum ab archon, quod est princeps et
typos, quod est figura) toto et eodem archetypo existente
in unaquaque expressionum, secundum similitudinem et in nulla earum secundum
nullam sui partem per substantiae commixtionem.
Deinde, cum dicit : excedit et cetera, ostendit haec exempla
esse deficientia a repraesentatione divina et dicit quod imparticipabilitas
divinitatis quae est omnium causa, excedit haec praedicta
exempla, quia imparticipabilior et minus commixta est deitas participantibus,
quam punctum et sigillum. Non enim est aliquis tactus deitatis
ad creaturas, eo scilicet modo quo, ex sigillo et cera, fit unum per
contactum ; neque etiam est alia quaedam communio per
quam commisceatur partibus rerum, sicut punctum commiscetur lineae, inquantum
est terminus eius. Deinde, cum dicit : quamvis et cetera, obiicit
contra hoc quod dixerat, quod sigillum totum existit in unaquaque
expressionum. Potest enim aliquis dicere hoc non esse verum, propter hoc quod
aliqua expressio invenitur quae non perfecte recipit formam sigilli. Sed ipse
respondet quod huius causa non est ex parte sigilli, quia
sigillum unum et idem totum se ingerit unicuique expressioni, sed
diversitas participantium facit dissimiles expressiones, idest
repraesentationes, unius et eiusdem principalis formae, quae
totaliter habet formam. Quomodo autem diversimode recipiatur in diversis,
forma unius sigilli, ostendit subdens : si enim ea in quibus
fit expressio, sint intantum mollia quod
facile possint recipere figuram ; et plana, idest absque
tumorositatibus, ut uniformis in eis fiat impressio ; et immaculata,
ne commixtio alienae materiae expressionem figurae impediat ; et neque
sit contraria figura, utpote si quis unius sigilli figuram imprimere
velit in cera iam alio sigillo signata ; et cum ad
recipiendum figuram sint aliqualiter dura, ut non sint facile
fusibilia et calefactibilia aut nimis liquefacta et mollia et
instabilia, quia sic non remaneret figurae impressio ; istis
conditionibus existentibus, materiae in quibus fit impressio, habebunt
figuram sigilli quamdam, absque permixtione alterius figurae
impressam et planam, idest inturgidam, absque deformitate et
permanentem. Sed si aliquid deficiat de dicta opportunitate figurationis, haec
erit causa quod figura non participetur vel quod non plane,
idest uniformiter, participetur et aliorum defectuum,
quicumque pertinent ad inopportunitatem participationis. Deinde, cum dicit
: discretum est autem et cetera, exponit discretionem quae
est secundum humanitatem Christi et dicit quod discretum est,
idest ad unam tantum personam pertinens, supersubstantiale verbum,
idest Dei filium esse factum secundum nos, idest hominem similem
nobis in natura ; ex nobis, accepta carne, non de coelo allata,
secundum Valentinum ; totaliter, idest non subtracta anima vel
intellectu, secundum Arium et Apollinarium ; et vere, non
phantastice, secundum Manichaeum. Et non solum ipsa incarnatio est
discretum, sed etiam actiones et passiones Dei incarnati ; quaecumque
sunt cum quadam electione et segregatione ab aliis attributa
Christo, secundum considerationem humanitatis ipsius, ut concipi, nasci,
comedere, bibere, dormire, crucifigi et alia huiusmodi ; istis enim
pater et spiritus secundum nullam rationem communicaverunt, quia neuter
eorum est incarnatus aut mortuus ; nisi forte dicat aliquis quod
communicaverunt praemissis, secundum voluntatem bonitati
divinae convenientem et benignam quoad nos : acceptaverunt
enim pater et spiritus sanctus incarnationem filii et passionem et alia
huiusmodi et similiter communicaverunt secundum omnem divinam
operationem superpositam creaturis et ineffabilem nobis, quam
faciebat Christus factus secundum nos, idest factus homo
passibilis, invariabilis manens secundum quod Deus
et Dei verbum. Non enim sic factus est homo quod divinitatem amitteret,
sed homo existens habebat operationem divinam, quae communis est sibi et
patri et spiritui sancto. Et sic destruitur hic
error ponentium unam operationem in Christo, per hoc quod attribuit Christo
operationem divinam communem toti Trinitati et operationem propriam sibi.
Ultimo autem epilogat : quod sic studemus divina nostro
sermone et unire et discernere sicut, secundum rei
veritatem, sunt unita et discreta. |
Leçon 3 (6a) : Comment une certaine unité spécifique, qui existe selon le rapport de proportion des créatures à Dieu, est contenue sous le mode commun de la distinction et appartient à toute la Trinité.157.
Après avoir montré que sous le mode commun de la distinction, lequel
s'établit selon ce qui procède de Dieu, est contenue une distinction
spécifique qui se définit par le fait qu'une Personne procède d'une autre,
Denys cherche ici à expliquer comment sous le même mode commun de
distinction, qui se manifeste par le fait que les créatures procèdent de
Dieu, est contenue une certaine unité spécifique et qui est commune à toute
la Trinité ; et à ce sujet il fait deux choses : d'abord, il présente son
propos ; deuxièmement, il l'explique au moyen d'exemples, là (50) où il dit :
De même que... 158.
Pour manifester la première partie, il faut considérer que quelqu'un pourrait
dire que le fait que les créatures procèdent de Dieu ne fait pas partie de la
distinction divine et de là, bien que la procession des créatures se rapporte
communément à toute la Trinité, on ne pourrait dire qu'une certaine
distinction de Dieu serait commune à la Trinité. Et c'est pourquoi Denys veut
montrer que le fait que les créatures procèdent de Dieu est d'une certaine
manière une distinction divine, distinction qui n'est pas la même que celle
par laquelle une Personne procède d'une autre. Car dans le fait qu'une
Personne divine procède d'une autre, c'est la même essence divine elle-même
qui est communiquée à la Personne qui procède et c'est ainsi qu'il y a
plusieurs Personnes qui possèdent la même essence divine, tandis que dans le
fait que les créatures procèdent de Dieu, l'Essence divine elle-même n'est
pas communiquée aux créatures qui en procèdent mais elle demeure dans la
Trinité, et n'est pas communiquée aux créatures ni participée par elles ;
mais au moyen de tout ce que la Divinité donne aux créatures, une image de
son essence se répand et s'accroît dans les créatures et c'est ainsi que
d'une certaine manière la Divinité se prolonge et s'accroît dans les
créatures par son image et non par son essence de telle sorte que le
prolongement même de Dieu dans les créatures puisse être nommé une
distinction divine si on le considère comme une image de Lui et non comme son
Essence. 159.
C'est donc là ce que Denys affirme en disant que si l'essence divine peut
être nommée procession, conformément à sa bonté, laquelle appartient
à son unité divine qui transcende toute unité, c'est-à-dire à l'unité
de son essence dans laquelle les trois Personnes sont unies, et qui est
au-dessus de toute unité, d'une certaine manière Dieu, de par sa bonté même,
s'étend et se répand dans la multiplicité et s'accroît lui-même,
c'est-à-dire par manière de ressemblance ; et si, dit-il, une telle procession
peut être nommée distinction divine, pour cette raison qu'au moyen de
son image l'unité divine se multiplie d'une certaine manière, alors par
conséquent il faut dire que ces transmissions, c'est-à-dire les
donations des dons divins, qui sont incompréhensibles du côté du Principe,
sont unes, c'est-à-dire communes à toute la Trinité selon la
distinction divine, c'est-à-dire selon le mode commun de la distinction
divine qui s'entend selon la procession ou la participation. 160. Et
il montre quelles sont ces transmissions en ajoutant : les
substantifications, selon qu'Il donne l'être à tout ce qui subsiste ; les
vivifications, selon qu'Il donne la vie ; les productions de sagesse,
selon qu'Il donne la sagesse et les autres largesses tirées de sa bonté
divine qui est la Cause de tout ce qui existe et conformément à laquelle
les dons divins sont participés par mode de ressemblance, mais qui
n'est pas participable en Elle-même puisque l'essence divine demeure
imparticipable. Et ces transmissions sont célébrées tant à partir des
participations, c'est-à-dire à partir des dons participés, tels l'être,
la sagesse et la vie, qu'à partir des participants, c'est-à-dire de
ceux auxquels ces dons sont communiqués. Mais en outre il parle du divin de
plusieurs manières, soit à cause de la pluralité des Personnes divines, soit
à cause de la multiplicité des noms qui sont attribués à Dieu lui-même ; et cela
reste commun à toute la divinité. 161. Et
pour qu'on n'entende pas seulement par là une communauté de raison, comme le
genre est commun aux espèces et les espèces aux individus, il ajoute : et
l'unité, pour montrer que dans les trois Personnes il y a une unité selon
le nombre. Et afin qu'on n'entende pas par là une unité tirée de la
composition des parties, tout comme l'unité de la maison se tire de la
composition de ses parties, il ajoute : et cet un, c'est-à-dire toute
la Divinité elle-même, c'est-à-dire toutes les Personnes, est toute
participée par chacun des participants par manière de ressemblance et par
aucun d'eux et en aucune de ses parties par union à sa
substance. Il dit par ailleurs que la Divinité est totalement participée,
mais non qu'elle l'est entièrement ou parfaitement, puisqu'elle est
incompréhensible à tout être, ainsi que nous l'avons souligné précédemment (72). 162. Et
parce qu'à la fin cette parole semblait difficile à saisir et impliquer une
contradiction, il la manifeste ici par conséquent au moyen d'exemples lorsqu'il
dit (50) : Et de même que … ; et à ce sujet il fait trois choses :
d'abord, il présente les exemples ; deuxièmement, il montre leur insuffisance
là (51) où il dit : Elle dépasse... ; troisièmement, il présente une
objection à l'encontre de ce qui précède et il la résout là (52) où il dit : Bien
que... 163. Il
dit donc qu'il en est de la participation de la Divinité par ses créatures
comme il en est de la participation du point, qui est au milieu du
cercle, par toutes les lignes qui sont disposées autour de lui dans le
cercle, c'est-à-dire qui se prolongent du centre vers la circonférence,
dans la mesure où toute ligne obtient l'indivisibilité selon l'étendue à la
ressemblance de l'indivisibilité du point, selon que nous imaginons le point
en train de faire la ligne par son mouvement, et cependant le point, selon le
lieu, est distinct de la longueur de la ligne. 164. Et
de même encore, les différentes empreintes d'un sceau participent du
sceau archétype, c'est-à-dire de la figure du sceau originel (archétype
en effet se tire de ¨archon¨ qui signifie premier et de ¨typos¨ qui signifie
figure), du même archétype qui existe en totalité dans chacune des
empreintes par mode de ressemblance mais qui n'existe dans aucune
d'elles et selon aucune de ses parties par manière de mélange à
sa substance. 165.
Ensuite, lorsqu'il dit (51) : Elle dépasse...il montre que ces
exemples ne représentent pas adéquatement la Divinité et il dit que l'imparticipabilité
de la Divinité qui est la cause de toute chose, dépasse ces
exemples qui précèdent, car la divinité est plus imparticipable et moins unie
aux créatures qui en participent que le point et le sceau ne le sont
respectivement à la ligne et aux empreintes. En effet il n'y a pas de toucher
entre la Divinité et les créatures, c'est-à-dire à la manière dont le sceau
et la cire deviennent unis pas contact ; et encore il n'y a pas d'autre
mise en commun par laquelle elle se confondrait aux parties des choses
comme le point se confond avec la ligne dans la mesure où il en est le terme. 166.
Ensuite, lorsqu'il dit (52) : Bien que...il présente une objection à
l'égard de ce qu'il vient de dire, à savoir que le sceau existe dans sa
totalité dans chacune de ses empreintes. Quelqu'un pourrait dire en
effet que cela n'est pas vrai puisqu'on retrouve certaines empreintes qui ne
reçoivent pas parfaitement la forme du sceau. 167.
Mais il répond lui-même que la cause de cela ne doit pas se trouver du
côté du sceau car l'unique et même sceau se donne en son entier
à chacune de ses empreintes, mais c'est une différence parmi ceux
qui en participent qui conduit à des empreintes ou à des
représentations différentes d'une seule et même forme originelle qui
est la forme dans sa totalité. Mais
il montre comment la forme d'un sceau est reçue différemment dans différents
sujets qui en participent en ajoutant : si en effet les matières dans
lesquelles se produisent les empreintes sont souples au point qu'elles
puissent facilement recevoir la figure ; et de surface unie,
c'est-à-dire sans saillies pour que l'empreinte se fasse en elles de manière
uniforme ; et sans souillure, afin qu'il n'y ait pas de mélange avec
une matière étrangère qui empêcherait la représentation de la figure ; et
qu'il n'y ait pas déjà de figure qui s'y opposerait, par exemple si
quelqu'un voulait imprimer la figure d'un sceau dans une cire qui serait déjà
marquée par un autre sceau ; mais parfois il y a des matières qui sont
dures d'une manière ou d'une autre et résistent à la réception d'une
figure de sorte qu'elles sont difficilement aptes à fondre et à être
réchauffées et qu'il y en a d'autres qui au contraire sont trop liquéfiables,
trop souples et trop instables pour que l'impression de la figure
puisse s'y conserver ; quand existeront les premières conditions, les
matières dans lesquelles se fera l'impression auront une figure du
sceau qui sera imprimée d'une manière unie, sans le mélange d'une
autre figure, c'est-à-dire sans enflure, sans difformité, et permanente.
Mais si une de ces conditions favorables à la réalisation de la figure
vient à manquer, cela sera cause du côté de la matière d'une
incapacité à participer entièrement ou uniformément de la figure, ou de
tout autre défaut qui fait obstacle à sa participation. 168.
Ensuite, lorsqu'il dit (53) : Mais il est distinct..., il explique la
distinction qui se rapporte à l'Humanité du Christ et il dit qu'il est
propre au Verbe supra-substantiel, c'est-à-dire qu'il appartient à une
seule Personne, c'est-à-dire au Fils de Dieu, d'avoir été fait semblable à
nous, à savoir qu'Il a été fait homme semblable à nous selon la nature ;
d'une chair reçue de nous et non apportée du ciel comme le pensait
Valentin ; d'avoir été fait homme totalement, c'est-à-dire sans qu'il
lui manqua l'âme ou l'intelligence, ainsi que le croyaient Arius et
Apollinaire ; et de l'avoir été véritablement et non de manière
symbolique comme le prétendait Manès. Et non seulement l'Incarnation
elle-même lui est propre mais les actions et les passions du Dieu
incarné le sont tout autant ; quelles que soient celles qu'on
choisisse de mettre à part pour les attribuer au Christ en considérant son
humanité, comme d'avoir été conçu, de naître, de manger, de boire, de dormir,
d'être crucifié, et les autres choses du même genre ; en effet, le Père et
l'Esprit ne partagèrent en aucune manière avec le Fils les actions et les
passions de cette sorte car aucun d'eux n'est incarné ou mortel ; à
moins bien sûr que quelqu'un dise qu'Ils partagèrent ces choses
avec Lui selon la volonté conforme à leur bonté divine et bienveillante
à notre égard : en effet le Père et l'Esprit-Saint ont accepté l'Incarnation
du Fils ainsi que sa Passion tout comme le reste et de même Ils prirent part à
toute opération divine transcendant les créatures et qui nous est indicible
et que le Christ faisait alors qu'Il était fait comme nous,
c'est-à-dire comme un homme passible, tout en demeurant invariable en
tant que Dieu et Fils de Dieu. En effet, le Christ ne fut pas fait homme
de manière à perdre sa Divinité, mais en existant comme homme il possédait
l'opération divine qui est commune à la fois au Père, à l'Esprit-Saint et à
Lui-même. Et ainsi, en attribuant au Christ à la fois l'opération commune à
toute la Trinité et l'opération qui Lui est propre, Denys détruit l'erreur de
ceux qui affirmaient qu'il n'y a qu'une seule sorte d'opération dans le
Christ. 169. Et
il conclut finalement ainsi : appliquons-nous par notre discours à
l'examen des réalités divines de telle manière que, conformément à la
vérité des choses, nous gardions uni ce qui est commun à toute la Divinité
et que nous distinguions ce qui y est différent. |
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LECTIO 4 [84840] In De divinis
nominibus, cap. 2 l. 4 Postquam Dionysius exposuit modum unitionis et
discretionis divinae, excusat se a perfecta horum manifestatione ; et
dividitur in partes duas : in prima, ostendit quod discretiones divinae et
unitiones non possunt sufficienter a nobis manifestari ; in secunda,
prosequitur de discretione quae est secundum processionem creaturarum, quia
hoc maxime pertinet ad intentionem praesentis libri ; ibi : igitur et
cetera. Circa primum, duo facit : primo, ponit excusationem a perfecta
manifestatione praedictorum ; secundo, rationem assignat ; ibi : omnia
enim et cetera. Dicit ergo, primo, quod in libro de theologicis
hypotyposibus, ipse exponit sicut erat sibi possibile, causas idest
rationes praedictarum unitionum et discretionum, quascumque invenit
in sacris Scripturis, Deo convenientes, tractans id quod erat
proprium unicuique ; ita, tamen, quod quaedam revolvit et
discussit veridico sermone et reseravit, idest aperuit et
ulterius reduxit in manifestas visiones eloquiorum, idest
manifestas auctoritates sacrae Scripturae quae continent visiones et
revelationes factas prophetis et apostolis ; id quod sancte intelligi potuit
et manifeste, post discussionem et reserationem. Non enim sufficit in rebus
divinis humano ingenio veritatem discutere et aperire, nisi veritas, quae
post discussionem invenitur, sacrae Scripturae concordet et per eam
confirmetur. Et cum quaedam sic reseravit, quibusdam tamen sicut
mysticis, idest occultis, unitus fuit super operationem
intellectualem et hoc secundum quod tradita est a
Deo : ordinatum est enim nobis a Deo, ut in his quae super intellectum
nostrum sunt, uniamur adhaerentes per fidem. Deinde, cum dicit : omnia
enim et cetera, assignat rationem quare in rebus divinis sint
quaedam mystica, quae intellectum nostrum excedunt ; et circa hoc, duo facit
: primo, manifestat hoc ex parte deitatis ; secundo, ex parte humanitatis
Christi ; ibi : sed quod est et cetera. Circa primum, tria
facit : primo, assignat rationem praemissorum ; secundo, manifestat rationem
assignatam, per exempla ; ibi : sicut et cetera ; tertio,
probat per similitudinem in aliis causis et causatis ; ibi : neque
enim et cetera. Dicit ergo, primo, quod omnia divina etiam quae
nobis manifestata sunt, cognoscuntur a nobis solum
participationibus. Cuius ratio est, quia nihil cognoscitur nisi secundum
quod est in cognoscente. Sunt autem quaedam cognoscibilia, quae sunt infra
intellectum nostrum, quae quidem habent simplicius esse in intellectu nostro,
quam in seipsis, sicut sunt omnes res corporales, unde huiusmodi res dicuntur
cognosci a nobis per abstractionem. Divina autem simplicia et perfectiora
sunt in seipsis quam in intellectu nostro vel in quibuscumque aliis rebus
nobis notis, unde divinorum cognitio dicitur fieri non per abstractionem, sed
per participationem. Sed haec participatio est duplex : una quidem, secundum
quod divina in ipso intellectu participantur, prout scilicet intellectus
noster participat intellectualem virtutem et divinae sapientiae lumen ; alia
vero, secundum quod divina participantur in rebus quae se intellectui nostro
offerunt, inquantum scilicet per participationem divinae bonitatis, omnia
sunt bona et per participationem divini esse seu vitae, res dicuntur
existentes seu viventes. Et secundum utramque istarum participationum divina
cognoscimus. Ostensum est autem supra, quod Deus ita participatur a creaturis
per similitudinem, quod tamen remanet imparticipatus super omnia per proprietatem
suae substantiae. Unde, si divina non cognoscuntur a nobis nisi solis
participationibus, consequens est quod ipsa divina, qualia sunt et secundum
propriam rationem principii et secundum quod divina collocantur in seipsis,
sunt super omnia, sicut supra omnem mentem et supra omnem substantiam et
supra omnem cognitionem. Deinde, cum dicit : sicut si et
cetera, manifestat rationem propositam per exempla ; et primo, in
processionibus creaturarum ; secundo, in processionibus divinarum personarum
; ibi : rursus et cetera. Dicit ergo, primo, quod si illud occultum divinae
essentiae, quod est super omnem substantiam, nominemus aut Deum
aut vitam aut substantiam aut lumen aut rationem vel quocumque alio
tali nomine, non per hoc intelligimus id ipsum quod Deus est, sed nihil
aliud intellectus concipit, nisi virtutes quae
rebus ex Deo proveniunt, quibus formaliter deificantur vel substantificantur
aut vivificantur aut sapientificantur. Sed cum Deus sit super omnes huiusmodi
processiones, oportet quod nos immittamus nos in Deum, ad cognoscendum ipsum
secundum remotionem ab omnibus operationibus intellectualibus,
idest ab omni eo quod cadit in intellectum nostrum et hoc ideo quia nos non
possumus per intellectum videre aliquam deificationem aut vitam vel substantiam,
quae perfecte comparari possit illi causae quae est
segregata ab omnibus rebus secundum totalem excessum.
Non enim cadit in visionem intellectus nostri, nisi aliquod ens creatum et
finitum quod omnino deficit ab ente increato et infinito et ideo oportet quod
Deum intelligamus esse supra omne id quod intellectu apprehendere possumus.
Deinde, cum dicit : rursus et cetera, manifestat idem in his
quae pertinent ad processiones divinarum personarum et dicit quod ex sacris
Scripturis, accepimus quod pater est fontana deitas, idest quod
pater est fons et principium totius deitatis et quod filius et
spiritus sanctus, si ita oportet dicere, sunt quaedam pullulationes
deigenae deitatis, idest patris qui est Deus generans, pullulationes inquam
non extra divinam naturam sicut creaturae, sed in ipsa divina natura et sunt
etiam sicut flores et supersubstantialia lumina. Nec est mirum si
haec pluraliter dicimus de divinis personis, quia si in metaphoricis
locutionibus accipiatur ipsum signatum metaphorarum, oportet singulariter
praedicari de divinis personis ; si vero accipiantur ipsae metaphorae,
possunt pluraliter praedicari ; per lumen enim metaphorice intelligitur
veritas. Possumus ergo dicere quod filius et spiritus sanctus sunt unum
lumen, quia sunt una veritas ; possumus etiam dicere quod sunt duo lumina, ut
sit sensus quod signantur per duo lumina, idest per duos radios ab uno lumine
procedentes, sicut per duos flores, quia uterque procedit a patre. Nec tamen
per hoc excluditur quin spiritus sanctus procedat a filio. Sed quomodo
haec sunt non possumus dicere nec cogitare,
ut scilicet exprimamus vel cognoscamus qualis sit illa paternitas vel
filiatio, sed usque ad hoc cognoscendum solum se extendit
tota virtus nostri intellectus, quod et nobis et
supercoelestibus virtutibus, scilicet Angelis, ex principali paternitate
divina, quae est segregata ab omnibus creaturis et similiter
ex principali filiatione, data est omnis paternitas et filiatio quae
est secundum propagationem in rebus divinis, prout scilicet unus Angelus purgat,
illuminat et perficit alium et unus homo alium ; ex qua scilicet,
principali paternitate et filiatione, mentes Angelorum Deo conformes et fiunt per
participationem divinorum donorum et nominantur in
Scripturis et dii et deorum filii et deorum patres, per
assimilationem ad paternitatem principalem et filiationem. Et ne videatur
deesse communicatio proprietatum spiritus sancti, subiungit quod talis
paternitas et filiatio in sanctis Angelis perficitur spiritualiter,
cum exponit spiritualitatem per tria : spirituale enim significat aliquid
incorporale et immateriale et intelligibile. Et quamvis haec spiritualitas
inveniatur in Angelis, divinus tamen spiritus est supercollocatus super omnem
intelligibilem immaterialitatem Angelorum vel animarum, sicut et pater et
filius sunt segregati per modum excessus ab omni paternitate et filiatione
quae est in creaturis, secundum participationem rerum divinarum. Deinde, cum
dicit : neque enim et cetera, probat quod dixerat, per
assimilationem in aliis causis et causatis et dicit quod inter causas et
causata, non potest esse diligens, idest perfecta comparatio,
quia causae excedunt sua causata, sed est quaedam alia
comparatio causatorum ad causas, inquantum causata habent imagines,
idest similitudines causarum. Omnis enim causa producit suum
effectum per aliquem modum similitudinis, non tamen causata consequuntur
perfectam similitudinem causae ; contingentes, idest prout
contingit secundum suam proportionem. Sed ideo non est perfecta comparatio,
quia causae separantur a causatis, inquantum
superponuntur eis, secundum rationem proprii principii, idest in
illa ratione in qua sunt principia. Et hoc manifestat per exempla sumpta a
rebus quae sunt apud nos : et primo quidem ex passionibus, secundum
quod delectationes et tristitiae faciunt delectari et
tristari non per modum causae efficientis, sed formalis, sicut dicitur quod
albedo facit album, sed ipsae delectationes et
tristitiae non delectantur neque tristantur. De eo enim quod
delectatur vel tristatur, praedicatur delectatio seu tristitia per
participationem, sed non de ipsa delectatione vel tristitia per essentiam et
sic causa excedit effectum. Deinde ponit exemplum in causis agentibus cum
dicit : ignis qui calefacit et urit, non dicitur
calefieri aut uri, sed esse calidus et sic per suam naturam, calefacere
alia. Postea ponit exemplum in causis formalibus, scilicet de per se vita, et
per se lumine, ut inde per hoc non intelligatur aliquod lumen aut vita
separata, sed ipsae formae participatae, secundum quem modum nec de vita
potest dici quod vivat aut de lumine quod illuminetur, secundum rationem
praedictam, nisi forte aequivoce, ut intelligatur vita vivere, quia est causa
vivendi. Et assignat rationem illorum exemplorum et similium, per hoc
quod ea quae sunt causatorum per modum participationis, sunt
causarum superabundanter et substantialiter, sicut vivere est
viventis participative, ipsius vero vitae est essentialiter. Deinde, cum
dicit : sed quod est et cetera, manifestat idem circa
humanitatem Christi ; et primo, per sua verba ; secundo, per verba Hierothei
; ibi : haec autem et cetera. Dicit ergo, primo, quod
quamvis in omnibus quae de Deo dicuntur, manifestissimum videatur quod ad
incarnationem pertinet, tamen compositio qua, divinitus, Iesus compositus
est secundum nos, idest secundum quod habet naturam nostram, non
potest sufficienter exprimi quocumque verbo, nec sufficienter cognosci
quacumque mente, etiam ipsius supremi Angeli. Accepimus quidem secundum
Scripturas, velut quoddam occultum mysterium, quod ipse Iesus est factus
substantia viriliter, idest hypostasis virilis, sed nescimus
sufficienter quomodo corpus eius compactum sit ex
virgineis sanguinibus, lege quadam praeter naturam :
factum est enim virtute spiritus sancti, quae est omni menti creatae
incomprehensibilis. Et etiam non possumus perfecte scire quomodo
ambulavit super aquam maris, quae est humida et instabilis
substantia, pedibus siccis, non quidem deposita corporis
gravitate per assumptionem dotis agilitatis, ut quidam dixerunt, sed adhuc
pedibus habentibus materiae gravitatem : hoc enim factum est
virtute divina incomprehensibili. Et eadem ratio est in omnibus aliis
quaecumque pertinent ad cognitionem Iesu, quae excedit naturale lumen aut
naturalem rationem. Haec autem et a nobis in aliis sufficienter dicta
sunt et a nobili duce in theologicis ipsius Stoichiosibus laudata sunt valde
supernaturaliter. His quae praemiserat ad incarnationis mysterium
necessaria, adiungit quaedam verba Hierothei de laude Christi ; et circa hoc
duo facit : primo, ostendit unde Hierotheus accepit haec verba quae dixit ;
quia scilicet : vel habuit haec ex doctrina apostolorum vel ex studio
sanctarum Scripturarum vel ex speciali revelatione ipsi facta ; secundo,
ponit verba ipsius ; ibi : omnium causa et cetera. Dicit
ergo, primo, quod praedicta quae pertinent ad laudem Christi, sufficienter ipse
dixit in aliis, scilicet in libro de divinis hypotyposibus et
sunt etiam, valde excellenter super naturalem modum, laudata a quodam
Hierotheo, qui fuit nobilis dux, idest magister, discipulus apostolorum et
hoc in quodam libro suo quem intitulavit de theologicis Stoichiosibus, idest
divinis obscuris commentis ; et ponit consequenter tres modos quibus ea quae
sequuntur, Hierotheus acquirere potuit : unus modus est quod accepit ea,
addiscendo a sanctis theologis, idest ab apostolis ; alius modus
est quod ipse, proprio studio, inspexit ea, ex sapienti et subtili
discussione sanctarum Scripturarum. Quae quidem subtilis discussio in duobus
consistit : quorum primum subdit dicens : ex multa luctatione circa
ipsa, in quo assiduitas studii designatur : tunc enim aliquis multum
luctatur cum Scriptura, quando aliquis, inspecta difficultate Scripturae,
nititur ad videndum difficultatem ; secundum subdit, dicens : et
contritione in quo designatur diligens Scripturae expositio, quod
enim conteritur, usque ad minima dividitur ; tunc ergo aliquis Scripturam
sacram conterit, quando subtiles sensus in ea latentes exquirit. Tertius
modus habendi est, quod doctus est ista quae dixit ex quadam
inspiratione diviniore, quam communiter fit multis, non solum
discens, sed et patiens divina, idest non solum divinorum scientiam in
intellectu accipiens, sed etiam diligendo, eis unitus est per affectum. Passio enim magis ad appetitum quam ad cognitionem pertinere videtur, quia
cognita sunt in cognoscente secundum modum cognoscentis et non secundum modum
rerum cognitarum, sed appetitus movet ad res, secundum modum quo in seipsis
sunt, et sic ad ipsas res, quodammodo afficitur. Sicut autem aliquis
virtuosus, ex habitu virtutis quam habet in affectu, perficitur ad recte
iudicandum de his quae ad virtutem illam pertinent, ita qui afficitur ad
divina, accipit divinitus rectum iudicium de rebus divinis. Et ideo subdit
quod ex compassione ad divina, idest ex hoc quod diligendo
divina coniunctus est eis (si tamen dilectionis unio, compassio dicit debet,
idest simul passio), perfectus est Hierotheus, id est
institutus, ad unitionem et fidem ipsorum, idest ut eis quae
dixit, uniretur per fidei unitionem ; dico : indocibilem, idest
quae humano magisterio doceri non potest ; et mysticam, idest
occultam, quia excedit naturalem cognitionem. Et, ut in
paucis comprehendamus multas et beatas visiones, idest
revelationes potentis deliberationis, idest virtuosae
discussionis illius, scilicet Hierothei, licet multa alia
dixerit, haec tamen, quae sequuntur, dicit ad
laudem Iesu Christi, in libro supra nominato. |
Leçon 4 (7a) : Que nous ne pouvons manifester les distinctions divines d'une manière suffisante.170.
Après avoir expliqué le mode de l'unité et de la distinction divines, Denys
s'excuse de ne pouvoir les manifester parfaitement et il le fait par une
division en deux parties : dans la première, il montre que nous ne pouvons
manifester d'une manière suffisante les distinctions et les unités divines ;
dans la deuxième il s'attache à décrire la distinction selon laquelle les
créatures procèdent de Dieu, laquelle se rapporte au plus haut point au
propos de ce livre, là (65) où il dit : Donc... (leçon 6a). 171.
Dans la première partie, il fait deux choses : d'abord, il présente sa
justification de ne pouvoir présenter une explication parfaite de ces
distinctions et de ces unités ; deuxièmement, il en donne la raison là (55)
où il dit : En effet, tout... 172. Il
dit donc, en premier, que dans le livre intitulé ¨Des divines Hypotyposes¨,
il exposa lui-même, dans la mesure où cela lui était possible, les
causes ou les raisons des unités et des distinctions qui précèdent et
qui se rapportent à Dieu, et qu'il a découvertes dans les
Saintes Écritures, traitant de ce qui était propre à chacune ; de telle
manière cependant qu'il rappela et discuta certaines au moyen d'un
discours vrai et les dévoila, c'est-à-dire qu'il les mit en lumière et
plus loin les ramena aux claires visions des prophètes, c'est-à-dire à
l'autorité manifeste des saintes Écritures qui contiennent les visions et les
révélations faites par les Prophètes et les Apôtres, ce qui put être compris
saintement et avec évidence suite à une examen attentif et à une découverte. 173.
Dans les choses divines en effet il ne suffit pas au génie humain d'examiner
attentivement et de découvrir la vérité à moins que cette vérité, qui est
découverte suite à un examen attentif, s'accorde avec les Saintes Écritures
et soit confirmée par elles. Et comme il en dévoila certaines de cette sorte,
il s'unit, au-delà de l'opération intellectuelle, à certaines
vérités mystiques, c'est-à-dire cachées, selon qu'elles étaient
révélées par Dieu ; en effet Dieu nous disposa de telle manière que nous
puissions nous unir par une adhésion de foi aux choses qui dépassent notre
intelligence. 174.
Ensuite, lorsqu'il dit (55) : En effet, toutes...il présente la raison
pour laquelle dans les choses divines il y a certains mystères qui dépassent
notre intelligence ; et à ce sujet, il fait deux choses : d'abord, il
manifeste cela du côté de la divinité ; deuxièmement, il le fait du côté de
l'Humanité du Christ, là (59) où il dit : Mais ce qui est... 175. Au
sujet du premier point, il fait trois choses : d'abord, il présente la raison
de ce qui précède ; deuxièmement, il manifeste au moyen d'exemples la raison
qu'il a présentée, là (56) où il dit : Tout comme... ; troisièmement,
il la prouve au moyen d'une comparaison avec d'autres causes et d'autres
effets, là (58) où il dit : En effet, ni... 176. Il dit donc en
premier que toutes les vérités divines, même celles qui nous sont
manifestes, ne nous sont connues que par des participations.
Et la raison en est que rien n'est connu à moins d'exister dans celui qui
connaît. Mais certaines réalités connaissables, comme l'ensemble des réalités
corporelles, sont inférieures à notre intelligence et possèdent certes une
existence plus simple dans notre intelligence que celle qu'elles possèdent en
elles-mêmes, comme c’est le cas pour toutes les réalités corporelles, d'où
l'on dit que de telles réalités sont connues de nous par mode d'abstraction.
Mais les réalités divines sont plus simples et plus parfaites en elles-mêmes
qu'elles ne le sont dans notre intelligence ou dans toute autre réalité connue
de nous, et par conséquent on doit dire que la connaissance de ces réalités
se réalise non au moyen d'une abstraction, mais au moyen d'une participation. 177.
Mais cette participation est double : la première a lieu certes selon que
notre intelligence participe des vérités divines, c'est-à-dire dans la mesure
où notre intelligence participe de la puissance intellectuelle et de la
lumière de la Sagesse divine ; la seconde se présente en vérité selon que les
choses mêmes qui s'offrent à notre intelligence participent de ces vérités,
c'est-à-dire dans la mesure où, grâce à cette participation à la Bonté divine
toutes les choses sont bonnes et que grâce à cette participation à l'Être et
à la vie de Dieu, on dit à leur sujet qu'elles existent et qu'elles vivent. Et
c'est selon ces deux sortes de participations que nous connaissons les
vérités divines. 178.
Mais nous avons montré plus haut (49, 158), que les créatures
participent de Dieu par manière de ressemblance et qu'elles ne peuvent
cependant participer de Lui sous le rapport de ce qui est propre à sa
substance puisqu'il est au-dessus de tout. D'où il suit que, puisque les
réalités divines ne nous sont connues qu'au moyen de ce qui en participe, les
réalités divines elles-mêmes en tant que telles et selon leur nature
propre de principes et selon qu'Elles demeurent en elles-mêmes, sont
au-dessus de tout comme au-dessus de tout esprit, de toute
substance et de toute connaissance. 179.
Ensuite, lorsqu'il dit (56) : Tout comme si...il manifeste au moyen
d'exemples la raison qu'il vient de présenter ; et en premier il le fait dans
les processions qui se tiennent du côté des créatures ; ensuite, dans celles
qui se tiennent du côté des Personnes divines, là (57) où il dit : En
revanche... 180. Il
dit donc en premier que si ce mystère de l'Essence divine, qui
est au-dessus de toute substance, nous le nommions soit Dieu, soit
la vie, soit la substance, soit la lumière, soit la raison, soit au moyen
de tout autre nom de la sorte, nous n'entendrions pas par là ce que Dieu est
en lui-même, mais notre intelligence ne concevrait alors rien d'autre
que les puissances qui procèdent de Dieu dans les choses et grâce
auxquelles ces choses sont formellement rendues divines, substantielles,
vivantes ou sages. Mais puisque Dieu est au-dessus de tout ce qui procède
ainsi de Lui, il faut que nous nous élancions vers Lui pour Le connaître
Lui-même dans un renoncement à toute opération intellectuelle,
c'est-à-dire à tout ce qui tombe sous notre intelligence et cela bien sûr
parce que nous ne pouvons au moyen de notre intelligence voir aucune
divinité, vie ou substance qui puisse se comparer parfaitement à cette Cause
qui est séparée de toute chose par un abîme infini. En effet
nous ne pouvons saisir par notre intelligence que des êtres créés et finis,
lesquels sont totalement séparés de l'Être incréé et infini ; et bien sûr il
nous faut comprendre Dieu comme étant au-dessus de tout ce que nous pouvons
saisir par notre intelligence. 181.
Ensuite, lorsqu'il dit (57) : En revanche...il manifeste la même chose
dans ce qui se rapporte aux relations des Personnes divines et il dit qu'à
partir des saintes Écritures, nous tenons que le Père est la fontaine
divine, c'est-à-dire que le Père est la source et le principe de toute la
Divinité et que le Fils et l'Esprit-Saint, s'il faut le dire ainsi,
sont en quelque sorte des rejetons de la puissance génératrice de Dieu,
c'est-à-dire des rejetons du Père qui engendre, dit-il, non pas
en-dehors de sa nature divine comme il le fait pour les créatures, mais de l'intérieur
même de celle-ci et ces rejetons sont aussi comme des fleurs et des
lumières qui transcendent toute substance. 182. Et
il n'est pas étonnant que ce soit au pluriel que ces métaphores se disent des
personnes divines car si nous entendons par ces locutions métaphoriques la
signification même des métaphores, c'est au singulier qu'il faut les
attribuer aux Personnes divines ; si vraiment ce sont les métaphores
elles-mêmes qui retiennent notre attention, elles peuvent alors leur être
attribuées au pluriel ; par le terme lumière en effet on entend, par manière
de métaphore, la vérité. Nous pouvons donc dire que le Fils et l'Esprit-Saint
sont une lumière, car ils sont une vérité ; nous pouvons aussi dire qu'Ils
sont deux lumières pour comprendre par là qu'Ils sont signifiés par deux
lumières, c'est-à-dire par deux rayons qui procèdent d'une seule lumière,
tout comme ils sont désignés par deux fleurs qui procèdent l'une et l'autre
du même Père. Et il ne faut cependant pas exclure à partir de là que l'Esprit-Saint
procède du Fils. 183.
Mais nous ne pouvons ni dire ni même penser de quelle
manière ces choses se passent, de sorte que nous pourrions exprimer et
connaître quelle est cette Paternité et cette Filiation, mais toute la
puissance de notre intelligence doit se borner à comprendre ceci,
à savoir que c'est à partir de la paternité originelle de Dieu, qui est
séparée de toute créature par sa transcendance, et semblablement à partir de
la filiation divine originelle, que nous est donnée, à nous tout
comme aux puissances célestes, c'est-à-dire aux anges, toute paternité
et toute filiation d'après un prolongement de Dieu dans les choses
divines, c'est-à-dire selon qu'un Ange purge, éclaire et améliore un autre et
qu'un homme fait de même pour un autre homme ; à partir de là,
c'est-à-dire à partir de cette Paternité et de cette Filiation divines, les
esprits des Anges conformes à Dieu deviennent, par participation aux
dons de Dieu, et sont nommés dans les Écritures, à la fois dieux et
fils de dieux et pères de dieux, par comparaison à la Paternité
originelle et à la Filiation. 184. Et
afin qu'on ne semble pas omettre de communiquer les propriétés de
l'Esprit-Saint, il ajoute qu'une telle paternité et une telle filiation
s'achève chez les saints Anges d'une manière spirituelle, alors qu'il
définit la spiritualité au moyen de trois éléments : en effet, spirituel
signifie à la fois ce qui est incorporel, immatériel et intelligible. Et bien
que cette spiritualité se retrouve chez les Anges, l'Esprit-Saint se situe cependant
au-delà de toute immatérialité qui puisse être intelligible par les Anges et
les âmes, tout comme le Père et le Fils sont séparés, par un abîme sans fin,
de toute paternité et de toute filiation qu'on retrouve dans les créatures en
raison de leur participation aux choses divines. 185.
Ensuite lorsqu'il dit (58) : En effet, il ne..., il prouve ce qu'il
avait dit par une comparaison à d'autres causes et à d'autres effets et dit
qu'entre les causes et les effets, on ne peut trouver une exacte,
c'est-à-dire une parfaite ressemblance, car les causes dépassent leurs effets
; mais il y a une autre comparaison des effets aux causes, selon que les
effets possèdent des images, à savoir des empreintes de leurs causes.
En effet, toute cause produit son effet par mode de ressemblance, sans
cependant que les effets parviennent à une parfaite ressemblance avec leur
cause ; et ces images sont comme des empreintes, c'est-à-dire qu'elles
s'impriment sur les effets proportionnellement à ce qu'ils sont. Et pour
cette raison il n'y a pas une parfaite ressemblance entre eux, car la
cause est séparée des effets dans la mesure où elle les transcende
en raison de sa nature même de principe propre, c'est-à-dire pour
cette raison qu'elle est leur principe. 186. Et
il manifeste cela au moyen d'exemples qui nous sont familiers : et d'abord
certes à partir des passions dans la mesure où les délectations et les
afflictions nous font nous délecter et nous affliger non par mode de cause
efficiente, mais par mode de cause formelle, tout comme on dit que la
blancheur rend blanc, car les délectations et les afflictions en elles-mêmes ne
se délectent pas ni ne s'affligent. En effet, le plaisir et l'affliction
s'attribuent à ce qui se délecte et à ce qui s'afflige par participation,
mais non d'une manière essentielle à la délectation et à l'affliction en
elles-mêmes, et c'est par là qu'on voit que la cause dépasse son effet.
Ensuite il présente un exemple tiré des causes efficientes ou agentes
lorsqu'il dit : on ne dit pas du feu, qui réchauffe et qui brûle, qu'il
est réchauffé et brûlé, mais qu'il est chaud et qu'ainsi, par sa nature,
il réchauffe les autres choses. Par la suite il présente un exemple de cause
formelle, c'est-à-dire la vie par soi et la lumière par soi afin que par là
on n'entende pas une vie ou une lumière séparées, mais les formes participées
elles-mêmes, d'après le mode selon lequel on ne puisse dire ni de la vie
qu'elle vit ni de la lumière qu'elle est éclairée conformément à la raison
qui précède, à moins peut-être qu'on le fasse d'une manière équivoque comme
lorsqu'on entend que la vie vit au sens où elle est la cause du vivant. Et il
présente la raison de ces exemples et de ces similitudes en disant que ce
qui se dit des effets par mode de participation se dit des causes d'une
manière surabondante et substantiellement, tout comme vivre se dit du
vivant par participation, mais en vérité de la vie elle-même essentiellement. 187.
Ensuite, lorsqu'il dit (59) : Mais ce qui est..., il manifeste la même
chose au sujet de l'Humanité du Christ ; et d'abord, d'après ses propres
paroles ; deuxièmement, d'après les paroles de Hiérothée, là (60) où il dit :
Mais ces... 188. Il
dit donc premièrement que bien que dans tout ce qu'on dit de Dieu le plus
évident semble se rapporter à son Incarnation, la composition par
laquelle le divin Jésus est composé tout comme nous, c'est-à-dire
qu'il possède une nature semblable à la nôtre, ne peut être exprimée de
manière suffisante par aucune parole, ni suffisamment connue par aucun
esprit, même par celui des Anges les plus élevés. Certes nous croyons
conformément aux Écritures, comme à un mystère caché, que Jésus lui-même fut
fait homme quant à sa substance, c'est-à-dire avec une substance
humaine, mais nous ignorons comment son corps fut assemblé à partir
du sang de la vierge par une loi qui est au-delà de la nature
: en effet, il fut produit par la puissance de l'Esprit-Saint qui dépasse la
compréhension de tout esprit créé. Et de plus nous ne pouvons parfaitement
saisir comment il parvint à se promener à pieds secs sur les eaux de
la mer, laquelle est une substance humide et instable, grâce à l'adjonction
d'un don de légèreté ainsi que certains l'affirmèrent, sans que soit
abandonnée, mais en gardant au contraire dans ses pieds, la lourdeur de la
matière : cela en effet se réalisa par une puissance divine que nous ne
pouvons saisir. Et la même raison s'applique à tous les autres faits de la
vie de Jésus que nous pouvons chercher à connaître et qui dépassent les
lumières de la raison naturelle. 189. Mais
ces choses ont à la fois suffisamment été traitées par nous dans d'autres
ouvrages et grandement été considérées d'une manière surnaturelle par un
noble maître dans son livre intitulé Les Fondamentaux Théologiques. Aux
choses qu'ils avait présentées antérieurement comme nécessaires au mystère de
l'Incarnation, Denys ajoute certaines paroles de Hiérothée portant sur
l'éloge du Christ ; et à ce sujet il fait deux choses : d'abord, il montre
d'où Hiérothée tenait ces paroles qu'il a dites ; c'est-à-dire, il les tenait
soit de l'enseignement des Apôtres, soit de l'étude des Saintes Écritures,
soit d'une révélation spéciale qui lui aurait été faite ; deuxièmement, il
présente ses paroles, là (61) où il dit : La Cause de tout...(leçon
5a). 190.
Tout d'abord il dit donc en premier que ce qui précède à la louange du
Christ, il l'a lui-même suffisamment considéré dans d'autres
ouvrages et en particulier dans le traité intitulé ¨Des divines
Hypotyposes¨, et un certain Hiérothée l'a très sublimement examiné
au-delà du mode naturel, lui qui fut un noble guide, c'est-à-dire un maître,
et un disciple des Apôtres, dans un de ses livres qu'il intitula Les
Fondamentaux Théologiques, c'est-à-dire les mystérieux plans divins ; et
Denys présente par la suite trois manières par lesquelles Hiérothée put
acquérir les choses qui suivent : la première manière selon laquelle il put
les recevoir, ce fut en les apprenant des saints théologiens,
c'est-à-dire des Apôtres ; une autre manière fut l'application zélée qu'il y
porta en les examinant au moyen d'un sage et subtil approfondissement des
Saintes Écritures. Lequel approfondissement subtil consiste certes en deux
choses, dont il ajoute la première en disant : à partir d'un grand combat
avec elles, en quoi il veut désigner par ces mot une grande assiduité à
l'étude : en effet quelqu'un combat considérablement avec les Écritures alors
même que, ayant remarqué la difficulté de l'Écriture, il s'efforce de la voir
; il ajoute la deuxième en disant : et par une grande usure, en quoi
il veut désigner une explication scrupuleuse des Écritures car en effet, ce
qui est usé ou consumé en est réduit à ses plus petites parties ; donc
quelqu'un use ou consume l'Écriture Sainte quand il en extrait les sens
subtils qui y sont cachés. 191. La
troisième manière se ramène à ceci : les choses qu'il a dites, il les a
enseignées à partir d'une certaine inspiration divine qu'on retrouve à
plusieurs endroits, et il les a non seulement apprises, mais ces vérités
divines, il les a aussi vécues, c'est-à-dire qu'il a non seulement acquis
la science des choses divines par son intelligence, mais en les aimant, il
leur fut uni par son affectivité. En effet, la passion appartient davantage à
l'appétit qu'à la connaissance car ce qui est connu existe dans celui qui connaît
selon le mode propre à ce dernier et non à la manière de la réalité connue
elle-même mais au contraire l'appétit est mû vers les choses selon le mode
même par lequel elles existent en elles-mêmes et c'est en quelque sorte à
l'égard des choses elles-mêmes qu'il est affecté. 192. Et
tout comme la personne vertueuse, à cause de l'habitude de la vertu qu'elle
possède dans son affectivité, réussit à bien juger des choses qui se
rapportent à cette vertu, de même celui qui est bien disposé à l'égard des
réalités divines acquiert de la part de Dieu un jugement droit sur ces
réalités. Et c'est pourquoi il ajoute que c'est par sympathie à
l'égard du divin, c'est-à-dire que c'est à partir de l'amour des réalités
divines que Hiérothée leur fut uni (si cependant l'union de l'amour doit être
appelé sympathie, qui signifie attirance mutuelle) et qu'il parvint à
s'établir dans l'union et dans la foi à ces réalités, c'est-à-dire de
telle sorte qu'aux choses qu'il dit, il s'unit par une union de foi ; et je
dis que cette sorte d'union est intransmissible, c'est-à-dire qu'elle
ne peut être enseignée par un humain ; et qu'elle est mystique,
c'est-à-dire mystérieuse car elle dépasse nos capacités naturelles de
connaître. Et, afin de saisir en peu de mots les nombreuses et heureuses
visions tirées de la puissante réflexion de Hiérothée, bien
qu'il ait dit beaucoup d'autres choses, voici néanmoins celles qui
suivent et qu'il a dites à la louange de Jésus le Christ dans
le livre que nous avons nommé plus haut. |
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LECTIO 5 [84841] In De divinis
nominibus, cap. 2 l. 5 Deinde cum dicit : omnium causa et
cetera, ponit verba Hierothei de Christo ; et primo, ponit ea quae pertinent
ad laudem deitatis Christi ; secundo, ea quae pertinent ad laudem
incarnationis eius ; ibi : unde et cetera. Circa primum, duo
facit : primo, comprehendit in summa, laudem deitatis Christi ; secundo,
explicat in speciali ; ibi : quae partes et cetera. Dicit
ergo, primo, quod deitas Iesu Christi est causa
omnium, inquantum per ipsam omnia reducuntur in esse ; et est
etiam adimpletiva omnium, inquantum per ipsam omnia suis
perfectionibus replentur. Deinde, cum dicit : quae partes et
cetera, exponit, per singula, causalitatem praemissam. Ubi considerandum est
quod, primo, ostendit praedictam deitatem esse causam eorum quae ad essentiam
rerum pertinent ; secundo, eorum quae sunt exemplum essentiarum rerum ; ibi
: et mensura et cetera. Circa primum, considerandum est
quod, in rerum essentiis, talis quidem processus et ordo considerantur : nam,
primo, sunt rerum principia ; secundo, substantia rei, ex principiis
constituta ; tertio, determinatio rei ad propriam speciem quae est per formam
; quarto, ex forma consequitur res perfectionem, non solum in esse specifico,
sed etiam quantum ad propriam operationem et finem : quinto, res diversae
quae singulae quamdam perfectionem habent in seipsis, quodam ordine adunatae,
aliquod totum perficiunt. Procedit ergo Hierotheus ad ostendendum
causalitatem deitatis Christi divinam, retrogirando, per viam resolutionis,
eam incipiens a toto ; et dicit quod deitas Iesu conservat partes
consonas, idest proportionatas totalitati, in quo consistit
perfectio totius ; et neque est pars neque totum et est totum
et pars. Est quidem totum et pars Christi deitas, sicut
in seipsa non divisim, sed simul accipiens omnium et partem et totum,
quia quidquid est perfectionis, in quocumque toto vel parte, totum
praeexistit in Deo. Est autem neque totum neque pars,
quia non eodem modo habet perfectionem totius et partis, sicut totum et pars,
sed supereminentius et prius. Secundo, ostendit causalitatem deitatis Christi
quantum ad perfectionem rerum ; ibi : perfecta et cetera, et
dicit quod deitas Christi dicitur perfecta, per comparationem ad
imperfectionem, inquantum est principalis causa omnis perfectionis ; sed si
comparetur ad res perfectas, dicitur non perfecta, non quasi deficiens a
perfectione, sed supereminentius et prius perfectionem habens. Tertio,
ostendit idem circa formas ; et dicit quod deitas Christi comparata ad ea
quae carent forma, potest dici forma effective, inquantum est forma
formam faciens ; comparata vero ad formas, potest dici sine forma,
non per defectum, sed per excessum, quia superat omnem formam. Quarto,
ostendit idem quantum ad substantias ; et dicit quod deitas Christi potest dici
causaliter substantia, inquantum supervenit totis
substantiis, idest omnibus et unicuique secundum totum, per modum
cuiusdam participationis ; sed tamen supervenit immaculate, quia
non participatur per commixtionem substantiae, sed per modum similitudinis
; et, iterum, est segregata ab omni substantia,
inquantum supersubstantialiter existit. Quinto, ostendit
idem quantum ad principia ; et dicit quod deitas Christi, determinat
omnia principia (diversorum enim diversa sunt principia) et
determinat ordinem principiorum ad principiata, sed tamen, est
supercollocata super omnem ordinem et super omnem
principatum. Deinde, ostendit idem per comparationem ad ea quae sunt
exemplum rei ; et primo, quantum ad mensuram durationis rerum et dicit quod
deitas Christi est mensura existentium, quasi determinans
unicuique mensuram sui esse vel quia unumquodque intantum habet esse,
inquantum appropinquat ei ; et etiam est aevum quod dicitur
mensura essendi, sicut tempus est mensura durationis et tamen est super
aevum, inquantum est mensura superexcedens totum creatum. Secundo,
ostendit causalitatem eius, quantum ad perfectionem supervenientem qua rerum
capacitas impletur, sicut intellectus impletur speciebus intelligibilibus ;
et dicit quod deitas Christi, comparata ad deficientia quae dicuntur minus
existentia, dicitur plena, quasi plenitudinis causa et comparata
ad ea quae sunt plena, dicitur superplena, quasi excedens super
omnem plenitudinem. Tertio, ostendit eam per comparationem ad intellectum et
locutionem quae sunt extra rem et dicit, quod est indicibilis et ineffabilis,
quia neque sermone complexo, neque incomplexo, sufficienter exprimi potest ;
et est super mentem et super omnem vitam,
quia excedit omnem cognitionem et omnem actum vitae. Et quia multa
supernaturalia attribuerat deitati Christi, consequenter ostendit quod non
habet ea defectivo modo, sed supereminenti ; et hoc est quod dicit, quod
habet id quod est supernaturale, supernaturaliter et id
quod supersubstantiale, supersubstantialiter. Absolvere enim a
peccatis est supernaturale, sed purus homo non habet hoc supernaturaliter
sicut habet filius Dei et similiter dicendum est de aliis huiusmodi. Deinde,
cum dicit : unde et cetera, laudat humanitatem Christi et
dicit quod deitas Christi est tanta et excellens ; inde est quod ipse per
suam benignitatem venit usque ad naturam nostram et
vere factus est substantia, idest hypostasis nostrae naturae et cum superdeus esset,
factus est vir, idest homo. Haec quae dicuntur secundum
propitiationem ipsius, per quam humanam naturam assumpsit, debent
laudari super mentem et super rationem. Quamvis enim
acceperit propria nostrae naturae, tamen in ipsis rebus humanis habuit supernaturale
et supersubstantiale, idest : uno modo, inquantum communicavit nobis,
assumens nostram naturam absque variatione divinae naturae et absque
commixtione ipsius et confusione ad humanam naturam, ita quod per
exinanitionem ineffabilem, de qua apostolus loquitur ad Philipp. 2, nihil
passus est ad superplenum ipsius, idest nihil diminutum est de plenitudine
suae deitatis ; non enim dicitur exinanitus per diminutionem deitatis, sed
per assumptionem nostrae naturae deficientis ; alio modo, quia, quod
est inter omnia nova magis novum et mirabile,
ipse erat in naturalibus nostris supernaturaliter et in
substantialibus nostris supersubstantialiter, omnia humana,
quae ex nobis accepit, supra nos habens ; quia caro eius maioris
virtutis est et dignitatis quam alterius et anima eius dignior omni anima et
actus eius et operationis fuerunt unificae, ex virtute deitatis, ad invicem. |
Leçon 5 (8a) : Les paroles de Hiérothée relatives à la Divinité et à l'Incarnation du Christ.193.
Ensuite, lorsqu'il dit (61) : La Cause de tout...Denys présente les
paroles que Hiérothée a prononcées au sujet du Christ ; et en premier, il
présente celles que se rapportent à la louange de la Divinité du Christ ;
deuxièmement, il présente celles qui se rapportent à la louange de son
Incarnation, là (70) où il dit : D'où... 194. Au
sujet du premier point, il fait deux choses : d'abord, il embrasse dans son
ensemble la louange à la Divinité du Christ ; ensuite, il l'explique en ses
parties, là (62) où il dit : lesquelles parties... 195. Il
dit donc en premier que la Divinité de Jésus-Christ est la cause de toute
chose selon que c'est par elle que toute chose reçoit l'être ; et cette
même divinité du Christ comble toute chose selon que c'est grâce à
Elle que toute chose est remplie de ses perfections. 196.
Ensuite, lorsqu'il dit (62) : lesquelles parties..., il explique cette
causalité par l'examen de cas particuliers. Et là il faut considérer qu'il
montre d'abord que cette divinité est la cause de ce qui appartient à
l'essence des choses ; ensuite qu'elle est la cause des choses qui sont le
modèle des essences des choses, là (67) où il dit : Et la mesure... 197.
Relativement au premier point, il faut considérer que dans les essences des
choses il faut être attentif au processus et à l'ordre suivants : car en
premier, il y a les principes des choses ; deuxièmement, il y a la substance
des choses, laquelle est en elle-même constituée de ces principes ;
troisièmement, il y a la détermination de la chose à son espèce propre au
moyen de la forme ; quatrièmement, il y a la réalisation par la chose de sa
perfection à partir de sa forme et cela non seulement quant à son être
spécifique mais aussi quant à son opération et à sa finalité propres ;
cinquièmement, les réalités diverses et singulières qui possèdent en
elles-mêmes une certaine perfection contribuent à la perfection d'un ensemble
lorsqu'elles sont réunies d'après un certain ordre. 198.
Hiérothée continue donc à montrer la causalité divine de la divinité du
Christ et, comme à rebours, par voie de résolution, il commence son exposé
par l'examen du tout ou de l'ensemble : et il dit (62) que la Divinité de
Jésus conserve les parties en harmonie avec le tout, c'est-à-dire
qu'elles sont proportionnées à la totalité et qu'elles font la perfection du
tout ; et elle n'est ni la partie ni le tout et en un autre sens elle est le
tout et la partie. La Divinité du Christ est certes le tout et la partie,
puisqu'elle contient en elle-même sans division et simultanément les parties
et la totalité de toutes les choses car tout ce qui se rapporte à la
perfection, dans quelque tout ou partie que ce soit, préexiste en Dieu en
totalité. Mais elle n'est ni le tout ni la partie, car ce n'est pas à
la manière du tout et de la partie que Dieu possède la perfection du tout et
de la partie, mais selon un mode qui leur est antérieur et supérieur. 199.
Deuxièmement, il montre la causalité de la Divinité du Christ quant à la
perfection des choses, là (63) où il dit : Elle est parfaite...et il
dit que la divinité du Christ est dite parfaite par opposition à
l'imperfection, selon qu'elle est la cause première de toute perfection ; mais
si on la compare aux choses parfaites, on dit qu'elle n'est pas parfaite, non
parce qu'elle manque de perfection, mais au contraire parce qu'elle possède
la perfection selon un mode plus élevé et antérieur. 200.
Troisièmement, il montre la même chose relativement aux formes : et il dit
(64) que la Divinité du Christ, si on la compare à ce qui est privé de forme,
peut être qualifiée de forme productrice, selon qu'elle est la forme qui
produit des formes ; mais si on la compare aux formes, on peut dire qu'elle
est sans forme, non en raison d'un manque ou d'une privation de forme
en elle, mais plutôt en raison d'un excès, parce qu'elle dépasse toute forme. 201.
Quatrièmement, il montre la même chose relativement aux substances ; et il
dit (65) que la Divinité du Christ peut être dite substance à la
manière d'une cause, selon qu'elle est le fondement de toutes les
substances, c'est-à-dire de chaque chose dans son ensemble, par mode de
participation ; mais cependant ; elle les supporte sans en être flétrie
car les choses ne participent pas d'elle en se mêlant à sa substance, mais
plutôt par mode de ressemblance ; et, encore une fois, elle est
séparée de toute substance selon qu'elle existe au-dessus
de toute substance. 202.
Cinquièmement, il montre la même chose relativement aux principes ; et il dit
(66) que c'est la Divinité du Christ qui définit tous les principes
(en effet à des réalités différentes correspondent des principes différents)
ainsi que l'ordre des principes à leurs effets ; mais cependant elle établit
sa demeure au-dessus de tout ordre et au-dessus de tout principe. 203.
Ensuite, il montre la même chose relativement à ce qui constitue le modèle de
la chose ; et d'abord, quant à la mesure de la durée des choses et il dit
(67) que la Divinité du Christ est la mesure des êtres , déterminant
en quelque sorte pour chaque être la mesure de son être car chaque chose
possède d'autant plus d'être qu'elle s'approche d'Elle ; et Elle est
aussi l'éternité qu'on appelle la mesure de l'être, tout comme le temps
est la mesure de la durée, et elle est cependant au-dessus de l'éternité,
selon qu'Elle est la mesure qui dépasse en excellence tout être créé. 204.
Deuxièmement, il montre la causalité de la Divinité du Christ qui est comme
une perfection survenant comme un secours et par laquelle les puissances des
choses sont comblées, tout comme l'intelligence est remplie des espèces
intelligibles ; et il dit (68) que la Divinité du Christ est qualifiée d'abondante,
au sens de cause d'abondance, si on la compare à la pauvreté de ceux qui
possèdent moins d'être ; et qu'elle est qualifiée de surabondante
parce qu'elle s'élève au-dessus de toute abondance. 205.
Troisièmement, il manifeste la causalité de la Divinité du Christ en la
comparant à l'intelligence et à la parole, lesquelles sont distinctes des
choses, et il dit (69) à son sujet qu'Elle est indicible et ineffable
parce qu'elle ne peut être exprimée d'une manière adéquate par aucun
discours, qu'il soit complexe ou simple ; et aussi qu'Elle est au-dessus
de tout esprit et de toute vie car Elle dépasse toute connaissance
et toute opération vitale. 206. Et
parce qu'il avait attribué à la Divinité du Christ plusieurs réalités
surnaturelles, il montre par la suite qu'Elle ne les possède pas d'une
manière limitée, mais d'une manière surélevée ; et c'est ce qu'il dit, à
savoir que la Divinité du Christ possède ce qui est surnaturel d'une
manière qui est infiniment au-dessus de tout ce qui est surnaturel et
aussi qu'elle possède ce qui est au-dessus de toute substance d'une
manière infiniment élevée au-dessus de toute autre substance. En effet,
pardonner les péchés est un acte surnaturel, mais l'homme seul n'est pas
capable de cet acte d'une manière surnaturelle ainsi que le Fils de Dieu en
est capable et il faut dire la même chose pour tous les autres actes de cette
sorte. 207. Ensuite, lorsqu'il dit (70) : D'où..., il loue l'Humanité
du Christ et il dit que la Divinité du Christ est d'une telle excellence que
Lui-même, de par sa bonté, en vint jusqu'à notre nature et devint
une vraie substance, c'est-à-dire une personne de notre nature, et alors
qu'Il était Dieu au-dessus de tout dieu, il prit notre humanité,
c'est-à-dire qu'Il prit la nature humaine. Et les choses qu'on dit de Lui
selon son sacrifice et par lequel il prit la nature humaine doivent être
louées au-delà de tout esprit et de toute raison. En effet, bien
qu'Il prit les caractéristiques propres à notre nature, cependant il les
posséda, même dans les choses humaines, d'une manière surnaturelle et qui
dépasse toute substance, c'est-à-dire premièrement d'une manière telle
que tout en étant uni à notre nature, il ne subit aucun changement dans sa
nature divine qui ne se mélangea et ne se confondit point avec la nature
humaine de telle sorte que par un dépouillement ineffable dont parle l'Apôtre
dans sa lettre aux Philippiens (2, 7), sa plénitude ne fut en rien
affectée, c'est-à-dire que la plénitude de sa Divinité ne fut en rien
diminuée ; en effet, on ne dit pas qu'Il se dépouilla en ce sens où sa
Divinité aurait été diminuée, mais en ceci qu'Il prit notre pauvre nature ;
et deuxièmement d'une manière telle, ce qui est le plus singulier et le plus
étonnant parmi tout ce qu'il y a de singulier, que Lui-même était
surnaturel dans tout ce qui nous est naturel et au-dessus de toute
substance dans ce qui nous est substantiel, possédant
supérieurement à nous tout ce qu'il avait acquis de notre nature
humaine ; car sa chair est d'une plus grande puissance et d'une plus grande
dignité que celle de tout autre et son âme est plus digne que toute autre âme
et ses actes et ses opérations étaient unies entre elles par la puissance de
la Divinité. |
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LECTIO 6 [84842] In De divinis
nominibus, cap. 2 l. 6 Postquam Dionysius exposuit divinae discretionis
et unitionis modum, hic prosequitur de illo modo qui principaliter pertinet
ad materiam huius libri, scilicet de discretione divina quae attenditur
secundum processionem creaturarum ; quae quidem discretio unita est et
communis toti Trinitati, ut supra dictum est. Circa hoc, ergo, duo facit :
primo, exponit quomodo ista discretio est cum unitione ; secundo, promittit
de istis quae ad hanc discretionem pertinent, in sequentibus se
determinaturum ; ibi : istas et cetera. Circa primum, tria
facit : primo, dicit de quo est intentio ; secundo, manifestat propositum ;
ibi : et ut plane et cetera ; tertio, assignat rationem
dictorum ; ibi : etenim et cetera. Dicit
ergo, primo quod, de illis quae pertinent ad laudem Christi, sufficiant ad
praesens quae dicta sunt tam ab ipso, quam a Hierotheo ; sed procedendum est
ulterius ad ea quae pertinent ad intentionem verbi quod
intendit in hoc opere, ut scilicet discutiamus, secundum nostram
possibilitatem, nomina pertinentia ad illam discretionem divinam, quae
attenditur secundum processionem creaturarum ; quae quidem nomina
communia sunt toti Trinitati et non solum communia, sed etiam unita.
Est enim animal commune homini et equo, non tamen eadem numero
animalitas est in utroque ; sed bonitas et essentia et huiusmodi sic sunt
communia toti Trinitati, quod unum numero sunt in tribus. Deinde, cum dicit
: et ut plane et cetera, manifestat quomodo possit esse
divina discretio cum unitione ; et hoc manifestat in quatuor : primo, quidem,
in ipso bono ; secundo, in ente ; ibi : postea et cetera ;
tertio, in uno ; ibi : sed et unum et cetera ; quarto, in
ipso nomine deitatis ; ibi : rursus et cetera. Haec enim
quatuor maxime videntur Deo convenire : primo, quidem, tam propter eorum
communitatem, non enim determinatur ad genus vel speciem quod infinitati
divinae naturae convenire videtur, quam etiam propter usum nominis, quod
omnes supposito rerum principio attribuunt. Dicit ergo primo quod discretionem
divinam dicimus esse processiones deitatis, quae conveniunt ei
secundum rationem boni, sicut supra dictum est. Et ideo incipiamus, primo, a
bono ut consequenter in aliis manifestius ostendamus quod de bono ostensum
fuerit. Nam bonum universaliter se habet ad omnes processiones : quidquid
enim Deus creaturae communicat, ex sua bonitate communicat. Alia vero nomina,
aliquas processiones speciales designant. Sic, ergo, quod in universali
manifestatum fuerit, planius videri poterit in specialibus. Considerandum est
autem quod multitudo procedit ex uno tripliciter : uno quidem modo, per
divisionem sicut unum totum dividitur in multas partes, sed talis multitudo
tollit plenitudinem et adunationem quae erat in toto. Alio modo, per modum
communitatis sicut ex uno genere proveniunt multae species et ex una specie
multa individua, sed istud unum sic multiplicatum non est unum singulare, sed
commune. Tertio modo, multiplicatur apud nos aliquod unum per effusionem
sicut ex uno fonte proveniunt multi rivuli, sed hoc fit cum quadam
egressione, inquantum scilicet, aqua a fonte egrediens, se in multos rivulos
diffundit. In existentia autem omnium bonorum participantium sapientiae,
vitae et huiusmodi, ipsa quidem bonitas discernitur, idest
distinguitur, dum distincta bona ab ea proveniunt, sed hoc fit unitive
: nihil enim diminuitur de plenitudine, qua omnia bona adunantur in ipsa ; et
iterum in pluralitatem agitur singulariter, idest in pluralitatem
plurificatur in suis effectibus non sicut aliquod universale, sed singulare
in seipsa manens ; et iterum multiplicatur per
diffusionem ex uno, inegressibiliter, quia nihil de substantia
eius egreditur. Et hoc ideo est, quia discretio et multiplicatio et diffusio
attenditur secundum quasdam similitudines divinae bonitatis ; ipsa autem
divina bonitate manente, secundum suam essentiam, indistincta et una et in se
collocata. Deinde, cum dicit ; postea et cetera, manifestat
idem in ente et dicit quod quia Deus est supersubstantialiter ens,
quantum ad suam existentiam, sed tamen dat esse omnibus existentibus et
producit universaliter substantias rerum, propter hoc, illud ens unum supersubstantiale
quod Deus est, dicitur multiplicari in sua, scilicet,
similitudine ; et quamquam ex ipso multa existentia deducuntur,
sed tamen nihilominus, huiusmodi ens manet unum, secundum suam
existentiam, in multiplicatione quae fit per eius
similitudinem ; et manet unitum, idest adunatum in
processione ; et manet plenum et integrum in
distinctione. Et hoc ideo, quia ipsum, in sua substantia, est
supersubstantialiter segregatum ab omnibus entibus ; et quia omnia
producuntur ab ipso unitive, idest secundum unam virtutem, quae
producendo diversa non dividitur ; et quia diffusio donorum
eius, quae distribuit rebus, minorari non potest nec minoratur.
Non enim est dicendum quod sic uni bona communicet quod non possit amplius
communicare : in nullo enim plenitudo bonitatis eius, per huiusmodi
communicationem, diminuitur. Deinde, cum dicit : sed et unum existens et
cetera, ostendit idem quantum ad unum et dicit quod Deus, cum sit unum et
det unum esse parti et toti et communi
unitati et multitudini, inquantum omnis multitudo aliqualiter
participat unum, ipse, inquam, sic existens unum et dans
unitatem, supersubstantialiter est unum simpliciter, sicut bonum
et ens ; quia non est aliquid eorum quibus dat esse unum. Non enim est sicut
unum quod est pars multitudinis, cum nihil ei ex aequo
connumerari possit ; neque etiam est unum, sicut aliquod totum ex
partibus constitutum ; et sic non est unum eo modo
quo alia, neque habet unum quasi participans ipso ; sed
tamen unum est, elongatum ab istis quae hoc sunt
unum, in quantum est super unum quod invenitur in
existentibus creatis ; et hoc est unum quod producit multitudinem
rerum in esse et perficit, attribuendo rebus proprias perfectiones et
continet, conservando omnia in suo esse et in suo ordine. Deinde, cum dicit
: rursus et cetera, ostendit idem in ipso nomine deitatis ;
et dicit quod videtur esse et dicitur unius Dei discretio et
multiplicatio inquantum multi dii fiunt ex hoc quod Deus aliquas
creaturas deificat per conformitatem ad Deum secundum virtutem
uniuscuiusque deificatorum, non quod perfecte ei conformari possint
aut quod per existentiam dii dicantur. Et quamquam sint et dicantur multi dii
beatificati, nihilominus tamen est unus principalis Deus qui est super omnem
deitatem communicatam, supersubstantialiter existens unus
Deus. Et cum ipse existat in omnibus, indivisibilis manet
in rebus divisibilibus existens quibus esse communicat et
est unitus in seipso et multitudini non admiscetur et
non multiplicatur secundum quod in se consideratur. Et hoc
supernaturaliter intelligens beatus Paulus qui fuit manuductor,
idest instructor ad divinam illuminationem tam ipsius Dionysii quam
etiam ducis eius, idest Hierothei (qui, scilicet
Paulus, multa de divinis cognovit et qui est lumen mundi, sicut
ipse in se dicit impletum, Act. 13 quod dicitur Isai. 49 : posui te
in lucem gentium) haec dicit in suis sanctis epistolis,
scilicet I Corinth. 8, motus per inspirationem a Deo,
quia etsi sunt qui dicantur dii sive in coelo sive in terra (...)
nobis tamen unus Deus pater ex quo omnia et nos in illo ; et unus dominus
Iesus Christus per quem omnia et nos per ipsum. Ex hac enim auctoritate,
patet quod multitudo deificatorum et in coelestibus sicut sunt Angeli et in
terra sicut sancti homines, non praeiudicat unitati deitatis, quae communis
est patri et filio. Deinde, cum dicit : etenim et cetera,
assignat rationem dictorum. Ideo enim processio praedicta et multiplicatio et
discretio unitatem divinam non tollit, quia in divinis unitiones
superant discretiones et principantur eis ; unitiones enim
attenduntur secundum ipsam divinam essentiam, discretiones autem secundum
similitudines Dei rebus impressas, quae multum deficiunt a suo principio et
ideo divina nihilominus remanent unita, postquam illud unum quod est Deus,
discernitur per diversas similitudines, discretione inegressibili,
quia nihil egreditur de divina essentia et unitiva, quia talis
discretio unitatem divinam non tollit. Deinde, cum dicit : istas
communes et cetera, promittit se de huiusmodi in sequentibus acturum
et dicit quod tentabit, secundum suam possibilitatem, cum laude Dei, exponere
praedictas discretiones quae sunt unitae et communes toti deitati sive etiam
nominentur processiones convenientes bonitati divinae.
Intendit autem eas manifestare ex divinis nominibus quae in Scripturis
traduntur, quae demonstrant huiusmodi processiones, sicut cum dicimus Deum
vivum vel sapientem, demonstratur processio vitae et sapientiae a Deo in
creaturas. Hoc tamen praecognosci debet, quia, ut dictum est quaecumque Dei
nominatio ad eius beneficientiam pertinens, de quacumque divinarum personarum
dicatur, de omnibus personis, absque dubio, accipienda est. |
Leçon 6 (9a) : De la distinction divine entendue au sens où les créatures procèdent de Dieu.208.
Après avoir expliqué le mode de la distinction et de l'unité divines, il
poursuit ici avec le mode qui se rapporte principalement à la matière de ce
livre, à savoir la distinction divine qui s'entend selon que les créatures
procèdent de la divinité qui en diffère, laquelle distinction est une,
c'est-à-dire commune à toute la Trinité ainsi qu'il l'a dit plus haut (158-161). 209.
Ainsi donc à ce sujet il fait deux choses : il explique d'abord comment cette
distinction comporte en même temps une unité ; deuxièmement il promet que
tout ce qui se rapporte à cette distinction sera traité dans les chapitres
qui suivent, là (77) où il dit : Ces... 210. Au
sujet du premier point, il fait trois choses : en premier, il dit sur quoi
porte son propos ; deuxièmement, il manifeste son propos, là (72) où il dit :
Et afin que plus clairement... ; troisièmement, il donne la raison qui
explique ce qu'il vient de dire, là (76) où il dit : Et de fait... 211. Il
dit donc en premier lieu (71) que ces choses, qui ont été dites tant par
lui-même que par Hiérothée au sujet de ce qui se rapporte à la gloire du
Christ, suffisent pour le moment et qu'il faut poursuivre plus avant dans
l'examen des choses qui se rapportent au propos du discours qu'il vise
dans cet ouvrage afin de scruter, dans la mesure de ses possibilités,
les noms qui se rapportent à cette distinction divine qui s'entend selon que
les créatures procèdent de Dieu ; et certes ces noms sont communs
à toute la Trinité et non seulement sont-ils communs, mais ils sont encore un.
En effet, animal est commun à l'homme et au cheval, mais cependant
l'animalité n'est pas une numériquement dans l'un et dans l'autre ; mais la
bonté, l'essence et les autres traits de cette sorte sont communs à toute la
Trinité de telle sorte qu'ils sont aussi un numériquement dans les trois
Personnes. 212.
Ensuite, lorsqu'il dit (72) : Et afin que plus clairement... il
manifeste comment la distinction divine peut exister dans l'unité ; et il
manifeste cela de quatre manières : d'abord sous le rapport du bien lui-même
; deuxièmement, sous celui de l'être, là (73) où il dit : Ensuite... ;
troisièmement, sous celui de l'un, là (74) où il dit : Mais et l'un...
; quatrièmement, sous le rapport du nom même de Divinité, là (75) où il dit :
Et encore une fois...En effet, ces quatre caractéristiques semblent
appartenir à Dieu au plus haut point : d'abord, certes, tant à cause de leur
universalité, car en effet Dieu n'est pas déterminé à un genre ou à une
espèce en raison de l'infinité de sa nature, qu'à cause aussi de l'usage du
nom que tous attribuent au Principe qui supporte toute chose. 213. Il
dit donc en premier (72) que nous parlons ici de la distinction divine qui
s'entend d'après ce qui procède de Dieu, et qui relève de Lui sous la
raison de bien, ainsi que nous l'avons dit (136) plus haut. Et
c'est pour cela que nous commençons d'abord par le bien pour que par la suite
nous montrions plus clairement dans les autres caractéristiques ce que nous
aurons montré au sujet du bien. Car le bien se rapporte universellement à
tout ce qui procède de Dieu : en effet, tout ce que Dieu communique aux
créatures, il le leur communique par sa bonté. En vérité les autres noms
désignent ce qui procède de Dieu d'une manière plus spécifique. Ainsi donc,
ce qui aura été manifesté universellement pourra se montrer avec plus
d'évidence dans l'examen de ce qui est particulier. 214.
Mais il faut considérer que la multiplicité des êtres procède de l'un de
trois manières : premièrement, elle en procède par division comme lorsqu'un
tout est divisé en plusieurs parties, mais alors une telle multiplicité fait
disparaître la plénitude et l'unité qui était dans le tout. La deuxième se
fait par mode d'universalité, tout comme les nombreuses espèces qui procèdent
d'un même genre et les nombreux individus qui procèdent d'une seule et même
espèce mais cet un ainsi multiplié n'est pas un à la manière du singulier
mais à la manière de l'universel. Troisièmement, nous pouvons voir qu'il y a
aussi l'un qui se multiplie par mode d'effusion tout comme de nombreux
ruisseaux proviennent d'une même source ; mais cela s'accompagne d'une
certaine perte, c'est-à-dire en ce sens que c'est en s'échappant de la source
que l'eau se répand dans plusieurs ruisseaux. 215.
Mais dans l'existence de tous les biens qui participent de la sagesse, de la
vie et du reste, la Bonté elle-même reste distincte, c'est-à-dire
qu'Elle reste séparée de tous ces biens particuliers qui proviennent d'Elle,
et cela se réalise dans l'unité : en effet sa plénitude, par laquelle
tous les biens sont unis en Elle, n'est diminuée en rien ; et encore
une fois, son action est individuelle dans la pluralité,
c'est-à-dire qu'elle se multiplie dans la multitude de ses effets non à la
manière d'un universel mais à la manière d'un singulier qui demeure identique
à lui-même ; et encore une fois elle se multiplie par mode de
diffusion à partir de l'un mais sans perte, car rien ne peut
s'échapper de sa substance. Et il en est ainsi pour cette raison que la
distinction, la multiplication et la diffusion doivent s'entendre de la bonté
divine d’après ce qui ressemble à la bonté divine ; car la bonté divine
elle-même demeure, selon son essence, à la fois indivisée, une et établie en
elle-même. 216.
Ensuite, lorsqu'il dit (73) : Puis...il manifeste la même chose sous
le rapport de l'être et il dit que parce que Dieu est un être supra-substantiel
quant à son existence, il donne cependant l'être à tout ce
qui existe et c'est Lui qui produit la totalité des substances des choses
et c'est à cause de cela qu'on dit que cet être un et
supra-substantiel qui est Dieu se multiplie dans ce qui Lui ressemble
et quoique de nombreux êtres sont tirés de Lui, cet Être n'en demeure
pas moins un, quant à son existence, à travers cette multiplication
qui est faite à sa ressemblance et son unité demeure, c'est-à-dire
qu'Il demeure un au sein même de cette procession ou de cette production
; et sa plénitude est conservée et Il demeure intact à travers
cette différenciation. Et il en est ainsi à la fois parce que Lui-même, quant
à sa substance, est supra-substantiellement séparé de tous les êtres ;
parce que ces derniers viennent tous de Lui dans l'unité, c'est-à-dire
selon une puissance unique qui n'est pas différenciée dans la production de
ce qui est différent ; et parce que la diffusion des dons qu'Il
distribue aux choses ne peut être diminuée et qu'elle ne l'est pas en
réalité. En effet, il ne faut pas dire de l’Un que les dons qu'Il
communique ainsi, Il ne pourrait les communiquer plus abondamment : il n'y a
aucun être en effet dans lequel la plénitude de sa bonté ne peut être
diminuée par la communication qu'Il en fait ainsi. 217.
Ensuite, lorsqu'il dit (74) : Mais l'un qui existe...il montre la même
chose quant à l'un et dit que Dieu, puisqu'Il est l’Un et qu'il donne l'un
à toute partie et à toute totalité, à toute unité et à toute multiplicité
pour autant que toute multiplicité participe de l'un d'une certaine manière,
Lui-même, dit-il, étant ainsi l’un et donnant l'unité, est l'un pur
et simple d'une manière supra-substantielle, comme Il est le bien et
l'être de la même manière ; car il ne fait pas partie de ceux auxquels il
donne d'être un. En effet, il n'est pas comme l'un qui fait partie d'une
multiplicité, puisque rien ne peut être regardé comme son égal ; et il
n'est pas non plus un à la manière d'un tout composé de parties
et il n'est pas non plus un à la manière des autres êtres, et il
ne possède pas non plus l'unité à la manière de ceux qui participent de
Lui ; mais il est cependant l'un qui est éloigné de ceux qui
sont un de cette manière, parce qu'il est l'Un qui est au-dessus de l'un
qu'on retrouve dans les êtres créés ; et c'est là l'Un qui
produit dans l'être la multitude des choses et les conduit à
leur perfection en leur attribuant leurs perfections propres, et qui
les conserve dans l'être en les maintenant toutes dans leur être et dans leur
rang. 218.
Ensuite, lorsqu'il dit (75) : De même...il montre la même chose quant
au nom même de Dieu ; et il dit qu'on dit qu'il semble y avoir une
différenciation et une multiplication de Dieu dans la mesure où on
assiste au devenir de plusieurs dieux du fait que Dieu déifie certaines
créatures par leur conformité à Lui-même et selon les capacités de chacune
des choses ainsi déifiées ; non pas que ces dernières puissent parfaitement
se conformer à Lui ou qu'on puisse les nommer divines d'après leur existence
même. Et quoique ces nombreux dieux soient bienheureux et soient ainsi
nommés, il n'existe néanmoins qu'un seul Dieu primordial qui
est au-dessus de toute divinité communiquée, un seul Dieu qui existe d'une
manière supra-substantielle. Et quoique ce soit Lui qui existe en toute
chose, il demeure indivisible dans les choses divisibles dans
lesquelles Il existe et auxquelles il communique l'être et Il reste un en
lui-même et ne se mélange pas à la multitude et, considéré en lui-même, Il n'est
pas sujet à multiplication. 219. Et
le bienheureux Paul, comprenant cela d'une manière surnaturelle, lui qui fut
un éducateur, c'est-à-dire un formateur en matière d'illumination
divine tant pour Denys lui-même que pour son maître Hiérothée (lequel,
c'est-à-dire Paul, ayant eu une grande connaissance de Dieu et de celui
qui est la lumière du monde dont lui-même se dit rempli au livre des
Actes (13, 47) et dont parle Ésaïe (49, 6) : ¨J'ai fait de toi la lumière
des nations¨), dit ces choses dans ses saintes
Lettres, plus précisément dans la Première Lettre aux Corinthiens (8, 5-6), mû
par une inspiration de Dieu : ¨Même s'il y a de prétendus dieux au
ciel et sur la terre – et en fait, il y a beaucoup de ¨dieux¨ et de
¨seigneurs¨-, il n'est est pas moins vrai que pour nous il n'y a qu'un seul
Dieu, le Père, qui a créé toutes choses et pour qui nous vivons ; il n'y a
également qu'un seul Seigneur, Jésus-Christ, par qui toutes choses existent
et par qui nous vivons¨. En effet, à partir de cette autorité il apparaît
que la multitude de ceux qui sont devenus des dieux, à la fois dans les cieux
comme le sont les anges et sur la terre ainsi que le sont devenus les saints
hommes, cela n'enlève rien à l'unité de Dieu qui est commune au Père et au
Fils. 220.
Ensuite, lorsqu'il dit (76) : Et de fait...il présente la raison sur
laquelle se fonde ce qui précède. En effet, les productions, les
multiplications et les différenciations qui précèdent ne détruisent pas
l'unité divine pour cette raison que dans les Personnes divines les unités
transcendent les différenciations et leur commandent ; les unités en
effet doivent s'entendre selon l'Essence divine elle-même alors que les
différenciations doivent être comprises comme une empreinte de l'image de
Dieu appliquée sur les choses, lesquelles déclinent grandement de leur
Principe et c'est pourquoi les Personnes divines conservent néanmoins
leur unité après que cet Un qui est Dieu se soit différencié au moyen d'une
multitude d'images ou de ressemblances de Lui-même par une différenciation
inaltérable, car rien ne s'échappe de l'Essence divine et unifiante
car une telle différenciation n'entame en rien l'unité divine. 221.
Ensuite, lorsqu'il dit (77) : Ces communes...il promet de s'occuper
des choses de cette sorte par la suite et il dit qu'il tentera, dans la
mesure de ses capacités et avec la grâce de Dieu, de présenter les différenciations
précédentes qui sont unes, c'est-à-dire communes à toute la Divinité, si
l'on désigne ainsi par ces mots les processions qui relèvent de la
bonté divine. Il se propose cependant de les manifester à partir des noms
divins qui sont transmis dans les Écritures et qui manifestent les
processions de cette sorte, tout comme lorsque nous disons que Dieu est
vivant et sage, nous manifestons par ces mots que la vie et la sagesse
procèdent de Dieu, c'est-à-dire qu'elles proviennent de Dieu pour parvenir
aux créatures. Mais cela doit être connu à l'avance car ainsi que nous
l'avons dit (158-161), toute dénomination de Dieu se rapportant à sa
bienveillance, quelle que soit la Personne divine à laquelle on
l'attribue, doit s'entendre sans le moindre doute comme appartenant à toutes
les Personnes de la Trinité. |
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CAPUT 3 |
Chapitre 3 - De la
puissance de la prière, du bienheureux Hiérothée, du respect et du traité de
théologie.
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[84843] In De divinis nominibus, cap. 3 Postquam Dionysius praemisit quaedam necessaria
ad sequentem doctrinam, hic incipit prosequi suam intentionem et primo
praemittit quoddam prooemium ad totum opus sequens ; secundo incipit tradere
doctrinam de divinis nominibus, quam intendit. Circa primum, duo facit :
primo ostendit necessarium esse ut ab oratione incipiat ; secundo, excusat se
quod, post Hierotheum, ipse conatus est eadem tractare de quibus ille
tractaverat et quomodo reverentiam ad magistrum servat ; ibi : et hoc
forsitan et cetera, et haec duo tanguntur in titulo capituli, qui
talis est : quae orationis virtus, quantum ad primam partem capituli ; et de
beato Hierotheo et de reverentia et tractatu theologico, quantum ad secundam
partem. Circa primum, tria facit : primo, proponit quod intendit ; secundo,
manifestat propositum per rationem ; ibi : oportet et cetera
; tertio, per exempla ; ibi sicut si et cetera. Dicit ergo
primo quod si hoc conveniens videbitur, inter alias divinas nominationes,
nunc debemus considerare ipsam nominationem boni, idest secundum
quam Deus nominatur bonus. Et ad huiusmodi nominationem accipiendam,
considerandum est quod Platonici, materiam a privatione non distinguentes,
ponebant eam in ordine non-entis, ut dicit Aristoteles in I physicorum.
Causalitas autem entis non se extendit nisi ad entia. Sic igitur secundum eos
causalitas entis non se extendebat ad materiam primam, ad quam tamen se
extendit causalitas boni. Cuius signum est quod ipsa maxime appetit bonum.
Proprium autem est effectus ut convertatur per desiderium in suam causam. Sic
igitur bonum est universalior et altior causa quam ens, quia ad plura se
extendit eius causalitas. Et quamvis Dionysius hoc tangere videatur in
sequenti capitulo, tamen aliam rationem huius ordinis considerasse videtur.
Intendit enim in hoc libro agere de divinis nominibus manifestantibus
processiones creaturarum a Deo, secundum quod est causa rerum. Id autem quod
habet rationem causae, primo et universaliter est bonum. Quod apparet duplici
ratione : primo quidem, quia bonum habet rationem finis ; finis autem, primo,
habet rationem causae. Nam forma est causa inquantum facit materiam esse actu
; materia autem fit actu primo quando ab agente incipit. Secundo, quia agens
agit sibi simile, non inquantum est ens quocumque modo, sed inquantum est
perfectum. Perfectum enim, ut dicitur in IV Meteorologicorum, est quod potest
sibi simile facere. Perfectum autem habet rationem boni. Sic igitur, quidquid
Deus facit creaturis, sive esse sive vivere et quodcumque aliud, totum ex
bonitate divina procedit et totum ad bonitatem pertinet creaturae. Et ideo
dicit quod nominatio est perfecta, inquantum omnia comprehendit et est
manifestativa omnium divinarum processionum. Ad hoc autem quod de processione
boni tractemus oportet nos, orando, invocare sanctam Trinitatem, quae est
principium omnis boni et est super omnem bonitatem. Sicut enim ipsa, ex sua
benignitate, dat omnia dona ab ea provisa ita ipsa sola sufficienter
manifestare potest : opera enim artis in artifice optime cognoscuntur.
Deinde, cum dicit : oportet enim et cetera, manifestat
propositum per rationem, dicens quod oportet nos ad
cognoscendas divinas processiones divinae bonitatis, Trinitatem, orando,
invocare ; et circa hoc, tria facit : primo, ponit rationem ad principale
propositum ; secundo, manifestat quoddam in ratione suppositum ; ibi : etenim et
cetera ; tertio, probat quoddam in hac ratione assumptum ; ibi : ipsa
enim et cetera. Dicit ergo quod oportet nos produci,
idest extendi, per orationes, ad ipsam Trinitatem, sicut ad
principium omnis boni processionis, quia per hoc quod nos
oramus, ei appropinquamus ; et quanto magis propinquamus ei, tanto magis
possumus addiscere dona bonitatis eius, quae circa ipsam collocantur, quasi
ab ea per similitudinem bonitatis derivata ; quanto enim aliquis magis
appropinquat alicui rei, magis cognoscit quae circa ipsam sunt. Deinde cum
dicit : etenim ipsa et cetera, quoddam quod proposuerat
manifestat, scilicet quod per orationem nos appropinquamus sanctae Trinitati,
et dicit quod ipsa quidem sancta Trinitas omnibus adest,
inquantum omnibus sua dona communicat, sed non omnia ipsi adsunt,
inquantum deficiunt a participatione eius. Sed quando nos invocamus
ipsam, tunc adsumus ei, appropinquantes ad ipsam. Sed ad hoc quod
oratio nos faciat ei propinquos, tria requiruntur : primo, quod sensualitas
sit munda ab omnibus carnalibus et mundanis affectionibus, quibus illecti
retrahimur inferius et hoc tangit cum dicit : castissimis orationibus
; secundo, ut intellectus noster non obumbretur caligine phantasmatum, quod
accidit illis qui spiritualia non supra corporalia capere volunt, ut qui
posuerunt Deum effiguratum figura humani corporis, propter quod etiam
impedimur ab ascensu in Deum et quantum ad hoc, dicitur : revelata
mente ; tertio, ut voluntas nostra per caritatem et devotionem sit
ordinata in Deum, et hoc est quod subdit : et apti ad
divinam unitionem. Deinde, cum dicit : ipsa enim et
cetera, probat quod supposuerat, scilicet quod deitas universis adest ; quod
quidem probat duabus rationibus. Deitas enim non est in loco ut diffinita vel
circumscripta loco. Omne autem quod alicubi adest, alibi non existens, aut
quod sic transit ad quaedam ut alia deserat, est in loco ut circumscriptum
vel definitum. Non ergo hoc de deitate dici potest. Manifestum est autem quod
alicui praesens est, ad minus sibi ipsi ; ergo omnibus adest. Secundam
rationem ponit ibi : sed et dicere et cetera. Omne infinitum
quod est super omnia et comprehendit omnia, adest omnibus ; sed Trinitas est
huiusmodi ; ergo relinquitur quod ipsa adsit omnibus. Et ex hoc potest accipi
quod nulla creatura sit ubique, cum ex infinitate Dei hoc per consequentiam
relinquatur quod Deus sit ubique. Ultimo autem, concludit
principale intentum, quod debemus nos per orationem extendere ad
altiorem considerationem radiorum divinae
bonitatis. Deinde, cum dicit : sicut et
cetera, manifestat propositum per exempla : et primo, ponit exempla duo ad
propositum manifestandum ; secundo, concludit principale propositum, ibi
: propter quod et cetera. Primum exemplum est quod
imaginemur catenam multi luminis quae pendeat a summitate coeli
et descendat usque ad terram, coram facie nostra. Si acciperemus illam
catenam et semper mutaremus manus versus superius, videremur quidem trahere catenam deorsum,
sed secundum veritatem non deiiceremus eam, cum ipsa esset praesens sursum
et deorsum, sed nos ipsi elevaremur in maiorem
splendorem illius luminosae catenae. Secundum exemplum ponit ibi : aut
sicut et cetera, et dicit quod si ascenderemus
in navem et teneremus quosdam funes, qui extenderentur ab
aliqua petra exteriori ad nos, qui essent
nobis ad auxilium dati, non traheremus ad
nos petram, sed secundum rei veritatem et nos ipsos et navem duceremus ad
petram ; et e contrario si aliquis stans in navi
impingat ad petram quae stat iuxta mare, nihil ageret contra
petram, quae est stans et immobilis, sed seipsum separabit ab
illa et tanto magis quanto magis impinget ad
eam. Ad hoc autem quod ista exempla ad propositum adaptentur, considerandum
quod circa orationem secundum quinque opiniones oportet diversimode iudicare
: quidam enim sustulerunt totaliter Dei providentiam, ponentes omnia a casu
accidere et haec fuit opinio Epicureorum ; quidam vero posuerunt Dei
providentiam circa res incorporales et universales, sed a rebus humanis
divinam providentiam subtraxerunt et haec fuit opinio quorumdam
Peripateticorum ; quidam vero extenderunt divinam providentiam usque ad
omnia, sed dixerunt ex divina providentia res omnes necessarios eventus
habere, totaliter a rebus contingentiam auferentes et haec fuit opinio
Stoicorum ponentium, secundum inevitabilem causarum seriem quam fatum
nominabant, omnia ex necessitate contingere ; quarta fuit opinio quorumdam
Aegyptiorum qui dixerunt providentiam Dei mutabilem esse ; quinta fuit opinio
quorumdam Platonicorum dicentium quod divina providentia immutabilis est, sed
sub ea res aliquae mutabiliter et contingenter continentur. Primae igitur
tres opiniones totaliter orationis fructum evacuant. Si enim Deo nulla cura
est de rebus vel saltem non est ei cura de rebus humanis aut si omnia ex
necessitate eveniunt, frustra Deo preces funduntur. Quarta autem opinio
fructum orationis non tollit, sed ei plus debito tribuit, scilicet immutare
divinam providentiam. Unde, sola quinta opinio rectum iudicium de oratione
habet, quam Dionysius hic sequitur ut scilicet per orationem nos ipsos
trahamus mutabiles existentes ad divinae providentiae participationem, non
autem credamus nos divinam providentiam posse mutare. Catena ergo luminis ab
immobili coeli summitate dependens vel funes qui ab immobili petra extensi
sunt, significant ordinem divinae providentiae ab immobilitate divinae
sapientiae procedentem. Quod autem dicit catenam ubique praesentem in coelo
et in terra et deinde omnibus adesse, significat providentiam eius ad omnia
se extendere contra primam opinionem. Quod autem dicit de immutabilitate
lapidis et quod catena luminis ad nos trahi non potest, significat divinam
providentiam immobilem esse, contra quartam positionem vel opinionem. Quod
autem dicit quod nosipsi sursum ducimur per catenam immobilem et petrae
appropinquamus per funem aut ab ea separamur per impulsionem, significat
mobilitatem nostram ad sequendum divinae providentiae fructum, contra tertiam
positionem. Ultimo, concludit propositum, quod scilicet, ante omnia, maxime
autem theologica negotia, utile est nos incipere ab oratione, non ita quod
nos per orationem trahamus divinam virtutem, quae ubique praesens est et
nusquam concluditur, sed sicut per divinam commemorationem et invocationem
nos ipsos trahentes et ei unientes. Praemissa orationis necessitate, procedit
Dionysius ad sui excusationem ; et primo, ponit unde accusabilis alicui
videri posset ; secundo, se excusat ; ibi : etenim et cetera.
Dicit ergo primo, quod hic videtur accusatione dignus, quod cum Hierotheus
qui fuit nobilis magister eius adunaverit, subtiliter loquendo, quosdam
tractatus de rebus divinis, Dionysius scripsit et alios tractatus de rebus
divinis et praesentem librum ac si tractatus Hierothei non sufficerent, quod
ad quamdam irreverentiam pertinere videtur. Deinde, cum dicit : etenim et
cetera, procedit ad sui excusationem ; et circa hoc, tria facit : primo,
excusat se ab irreverentia ; secundo, ostendit reverentiam suam ad Hierotheum
; ibi : quoniam et cetera ; tertio, concludit intentionem
suam in hoc opere conscribendo ; ibi : igitur istis et
cetera. Excusat autem tripliciter : prima excusatio est quod ea quae
Hierotheus in unum dixerat, ipse ex mandato Hierothei et ad petitionem
Timothei per singula tractavit ; et hoc est quod dicit : quod si Hierotheus dignatus
esset tractare per ordinem omnia quae pertinent ad
theologicam considerationem et tractatum totius theologiae, quem scilicet
quasi in quodam genere et summa peregit, voluisset percurrere perscrutando in
particulari, Dionysius non pervenisset ad tantum furorem vel
pravitatem, quod vellet scribere de divinis. Quod autem ad
furorem vel pravitatem pertinuisset, ostendit altero duorum modorum, quorum
unus est quod Dionysius arbitraretur se elevare ad considerationes
theologicas perspicacius quam Hierotheus et magis divine ; alius modus est
quod ipse non crederet se altiora dicere et tunc sequerentur duo
inconvenientia : quorum unum est quod eadem repetendo quae Hierotheus
dixisset, inutiliter scriberet et sic incurreret vaniloquium ; aliud
inconveniens est quod, quasi furtive arripiendo sibi nobilissimam
contemplationem et manifestationem divinorum ipsius Hierothei, faceret ei
iniuriam, cum tamen ipse fuerit magister eius et amicus et Dionysius fuerit
introductus ad theologicam cognitionem, maxime ex verbis Hierothei, tamen
post doctrinam Pauli. Sed Hierotheus exposuit quasdam determinationes conspicaces,
idest ex magna difficultate et intelligentia acceptas et comprehendentes
multa in uno universali, secundum rei veritatem prudenter homines
ad divina inducens ; et praecepit Dionysio et aliis ei
similibus qui sunt magistri animarum quae de novo
instruuntur, quod secundum eorum possibilitatem manifestarentur et distinguerentur
ab eis, universales determinationes profundae contemplationis illius
viri, in quibus multa involvebat in uno et hoc facerent sermone eis commensurato,
non ita universali sicut usus fuerat Hierotheus. Ipse
etiam Timotheus multoties exhortatus est Dionysium ad
hoc ipsum complendum et librum Hierothei ei remiserat, sicut eius
capacitatem excedentem. Quia ergo ista ita sunt, ideo nos determinamus
praedictum librum esse magistrum perfectarum considerationum,
non aptum quibuscumque, sed his tantum qui sua capacitate multitudinem
excedunt, ita quod ille liber habet quamdam secundam auctoritatem ab eloquiis
Scripturae canonicae, cui nulla auctoritas adaequari potest ; ita quod verba
illius libri consequenter se habent ad verba christorum Dei,
idest ad verba sanctorum apostolorum, qui dicuntur Christi, propter
plenitudinem spiritualis gratiae et propter sacerdotii dignitatem. Et sic cum
ille liber tam altus conveniat tantum perfectis, nos secundum nostram
proportionem trademus divina his qui sunt secundum nos, idest
imperfectis, nobis similibus. Non enim sufficimus ad perfectam doctrinam
perfectis tradendam, quia si solidus cibus, idest perfecta
doctrina, perfectorum tantum est, ut dicitur
Hebr. 5, quia ipsi soli doctrinam perfectam capere possunt, maioris perfectionis
est tali cibo alios cibare. Maius enim est perfectam doctrinam
alios docere, quam eam ab aliis capere posse. Considerandum est autem quod
quanto aliquis intellectus est altior et perfectior, tanto plura in uno
potest comprehendere. Infirmitas autem intellectus requirit ut singula
singulariter explicentur. Et ideo doctrinam Hierothei, in paucis multa
comprehendentem, dixit perfectam. Secundam excusationem ponit, ibi : recte
igitur et cetera, et dicit quod recte dici potest,
ad suam excusationem, quod ad hoc quod aliquis per se inspiciat
intelligentiam eloquiorum divinorum, quae sunt eloquia sanctae Scripturae et
ipsa perspicua eorum doctrina in se considerata, requirit perfectam virtutem.
Sed quod aliquis habeat scientiam et considerationem verborum introducentium
ad praemissam considerationem et doctrinam et quod ista verba addiscat,
potest convenire etiam imperfectioribus et doctoribus quos vocat
sanctificatores et doctis quos vocat sanctificatos. Sicut igitur per se
inspicere et docere scientiam divinorum perfectam ad Hierotheum pertinebat
qui perfectus fuit, ita habere scientiam exponendi praedictam doctrinam et
addiscere huiusmodi expositionem, ad minores pertinet, inter quos Dionysius
se computat. Tertia excusatio ponitur ibi : quamvis et
cetera, et dicit quod etiam hoc studiose Dionysius
observavit, quod ipse totaliter manum non apposuit nec etiam
ad manifestandum verba Hierothei in illis quae Hierotheus distinguere
voluit secundum planam manifestationem. Deinde, cum dicit : quoniam et
cetera, ostendit reverentiam quam ad Hierotheum habet ; et primo, ostendendo
magnitudinem eius ; secundo, recognoscendo propriam humilitatem : ibi : ita
enim et cetera. Ex his enim duobus sequitur quod aliquis alium in
reverentia habeat, quod de illo magna sentit et de se parva. Commendat autem
Hierotheum dupliciter : primo quidem, quantum ad hoc quod fuit subtilissimus
et totus divinus ; secundo, quantum ad hoc quod parvulis in Christo lac
utiliter noverat dare ; ibi : et ut mystica et cetera. Dicit
ergo primo quod ipse Dionysius simul cum Timotheo et ipso Hierotheo et multis
aliis sanctis fratribus, convenerunt apud apostolos ad videndum corpus eius
qui est principium totius vitae et quod suscepit Deum. Et potest intelligi de
corporali visione Christi, de qua facit mentionem apostolus I Corinth. 15.
Corpus enim Christi est corpus Dei qui est vitae princeps et illud corpus per
unitionem Deum suscepit, unde et templum dictum est, secundum illud Ioan. 2
: hoc autem dicebat de templo corporis sui. Potest etiam
intelligi quod convenerunt ad videndum corpus beatae virginis Mariae in eius
morte, quod etiam suscepit Deum, incarnatione. Et in illo conventu, aderat etiam Iacobus
frater domini et Petrus qui erat summum caput omnium
apostolorum. Post visionem autem praedictam, visum
est omnibus ut universi apostoli et episcopi, qui
ibi aderant, laudarent infinitam bonitatem divinae infirmitatis,
idest humanitatis, sicut unicuique erat possibile. Et tunc
Hierotheus superabat omnes magistros post apostolos, quibus
nullus alius comparari potest ; et illa laude, erat totus excedens omnia
sensibilia et mundana et quasi extra seipsum positus, his quae laudabat per
quamdam unitionem coniunctus videbatur et sic ab omnibus, quicumque audiebant
et videbant sive ante eum cognovissent sive non, iudicatus est Deo
acceptus et divinus laudator. Et quid potest dici de his quae
ipse ibi theologizavit, quae tam sublimia fuerunt ? Quae, ut
Dionysius dicit, si ab eius mente non excidit, multoties recognovit quasdam
partes illarum divinarum laudum, quas Hierotheus protulerat, Deo
inspirante, dum eas a Timotheo prolatas audivit. Tantum
enim fuit Timotheus in studio circa divina, ut ea quae audivit, etiam curavit
memoria retinere. Deinde, cum dicit : et ut mystica et
cetera, commendat eum de eruditione simplicium ; et dicit quod, ut omittat
loqui de illis occultis ibi dictis quia Timotheo nota erant, hoc dicendum est
quod, quando oportebat divina communicare multitudini
et reducere quos poterat ad cognoscendum sancta, cognitione proportionata
imperfectis, excedebat Hierotheus multos sanctorum
magistrorum et temporis tritione quia plurimum temporis terebat sive
expendebat in docendo et mentis puritate quia non
obvolvebatur phantasiis aut erroribus quibus impediretur a recto iudicio
veritatis et demonstrationum diligentia, idest efficacia verborum
in demonstrando veritatem et reliquis locutionibus sanctis, idest
in aliis quae requiruntur ad sanctas locutiones. Unde concludit quod numquam
fuit suus conatus ut respiceret contra tantum solem, scilicet
Hierotheum, se ei praeferendo aut aequando. Deinde, cum dicit : ita
enim et cetera, ostendit quam humilia de se sentiat ; et dicit quod
ita est conscius sibi quod ipse non est sufficiens ad intelligendum divina
non solum quae sunt supra intellectum humanum, sed etiam multa quae sunt
intellecta aliis hominibus ; et similiter reputat se insufficientem ad
dicendum et manifestandum ea quae de divina cognitione ab aliis dici possunt
; et multo longe reputat se deficere a scientia theologicae veritatis, quam
perfectiores habuerunt. Et hoc ideo introducit, quia ad hoc deductus
est propter perfectam reverentiam quam
habet ad maiores et ad divinam philosophiam ; quia totaliter non audet
cogitare aut dicere aliquid de divina sapientia, nisi ea
quae secundum suam mentem capere potest et
illa etiam audit et dicit, quia non oportet negligere divinorum
cognitionem quam contingit aliquem posse habere. Et ad hoc dupliciter
persuasus est : primo quidem, ex naturali desiderio mentium quae
semper cum quodam amore cupiunt contemplationem rerum supernaturalium
quam capere possunt, quia per hoc maxime perficiuntur ; secundo,
quia optima dispositio divinarum legum prohibet multum
scrutari ea quae sunt supra nos, tum quia sunt
supra dignitatem nostram, tum quia impossibile est nobis
adipisci, ut patet in Ecclesiastico, 3, ubi dicitur : altiora te ne
quaesieris. Sed ea quae a nobis desiderantur et data sunt nobis
ut ea capere possimus, praecipit lex divina nos attente discere et
aliis benigne tradere, secundum illud Sap. 7 : quam sine fictione
didici et sine invidia communico. Et hoc etiam ex pluribus aliis
Scripturae locis habetur. Deinde, cum dicit : igitur et
cetera, concludit suam intentionem et dicit quod persuasus est ex praemissis
et non revocatur ab inveniendo veritatem divinorum, secundum scientiae
possibilitatem, neque propter pigritiam neque propter formidinem
pusillanimitatis. Iterum, non poterat animus eius pati ut sine
auxilio dimitteret eos, qui non poterant maiora contemplari quam
ipse. Propter omnia haec, disposuit se ad scribendum hoc opus, ita tamen
quod nihil novum auderet introducere, sed ea quae
conspicaciter a Hierotheo dicta sunt in quadam universali
intelligentia, vult distinguere et manifestare, per quasdam inquisitiones
magis particulares et subtiles, descendendo ad singula. Et loquitur per
similitudinem corporalium, in quibus quanto aliquod totum in plures partes
dividitur, subtiliores partes efficiuntur. |
Leçon UNIQUE (10a) : Présentation d'un proème à toute l'oeuvre qui suit.222.
Après avoir fait précéder ce qui est nécessaire à la compréhension de la
doctrine qui suit, Denys commence ici à poursuivre son propos et il présente
d'abord un proème (chapitre 3) à toute l'oeuvre qui suivra ; deuxièmement, il
commence à présenter la doctrine des Noms divins (chapitre 4) qu'il se propose
d'enseigner. 223. Au
sujet du premier point, il fait deux choses : d'abord il montre qu'il est
nécessaire de commencer par la prière ; deuxièmement, il se justifie de ce
que, à la suite de Hiérothée, il tente lui-même de traiter des mêmes
questions que ce dernier avait traitées et témoigne du grand respect qu'il
conserve à l'égard de son maître, là (87) où il dit : Et cela peut-être...Et
ces deux points sont touchés dans le titre qui est : Quelle est la
puissance de la prière, pour ce qui est de la première partie du chapitre
; et du bienheureux Hiérothée et du respect à l'égard de son traité de
théologie, pour ce qui est de la seconde partie. 224. Au
sujet du premier point, il fait trois choses : d'abord, il présente son
propos ; deuxièmement, il manifeste son propos par un raisonnement, là (79)
où il dit : Il faut... ; troisièmement, il le manifeste par des
exemples, là (84) où il dit : Tout comme si... 225. Il
dit donc premièrement (78) que, ainsi qu'il convient, parmi les autres
appellations de Dieu, nous devons considérer d'abord le nom de bien
d'après lequel Dieu est appelé bon. 226. Et
pour mieux saisir cette appellation, il faut considérer que les Platoniciens,
ne distinguant pas la matière de la privation, plaçaient celle-ci dans la
catégorie du non-être, ainsi que le souligne Aristote dans le premier livre
des Physiques. Mais il se trouve que la causalité de l'être ne s'applique
qu'à ce qui existe. Ainsi donc, selon eux, la causalité de l'être ne
s'appliquait pas à la matière première à laquelle s'applique pourtant la
causalité du bien. Un signe en est que celle-ci désire le bien au plus haut
point. Et c'est le propre d'un effet de se tourner vers sa cause au moyen du
désir. Ainsi donc le bien est une cause plus universelle et plus élevée que l'être
car sa causalité a plus d'extension que celle de l'être. 227. Et
bien que Denys ait semblé avoir vu cela dans le chapitre qui suit, il paraît
cependant avoir considéré une autre raison relative à cette distinction. Il
cherche en effet dans ce livre à traiter des Noms divins qui manifestent les
processions des créatures à partir de Dieu qui est la Cause des choses. Mais
c'est le bien qui, en premier et plus universellement, a raison de cause. Et
cela devient évident pour deux raisons : et premièrement certes parce le bien
a raison de fin ; et c'est la fin qui en premier lieu a raison de cause. Car
la forme est cause dans la mesure où c'est elle qui fait que la matière
existe en acte ; mais la matière existe en acte d'abord quand elle commence à
exister par un agent. Deuxièmement, parce que l'agent cherche à reproduire ce
qui lui ressemble, non pas dans la mesure où il est un être quelconque, mais
dans la mesure où il est un être parfait. En effet, ainsi qu'on le voit au
quatrième livre des Météorologiques,
c'est celui qui est parfait qui peut reproduire ce qui lui est semblable. Et
la perfection a raison de bien. 228.
Ainsi donc, tout ce que Dieu produit dans les créatures, qu'il s'agisse
d'exister, de vivre et de tout autre acte, cela procède totalement de la
bienveillance de Dieu et se rapporte totalement au bien de la créature. Et
c'est pourquoi il dit qu'une appellation est parfaite dans la mesure où elle
embrasse tout et où elle manifeste tout ce qui procède de Dieu. 229.
Mais afin que nous puissions traiter de la diffusion ou de la procession du
bien, il nous faut, par la prière, invoquer la sainte Trinité qui est
le principe de tout bien et qui est au-dessus de toute bonté. En
effet, tout comme c'est Elle-même qui, de par sa bienveillance, donne tous
les biens qu'Elle distribue, de même c'est Elle qui est la seule à pouvoir
suffisamment manifester ce qu'Elle fait : en effet, c'est chez l'artisan que
les oeuvres de l'art sont les mieux connues. 230.
Ensuite, lorsqu'il dit (79) : Il faut en effet...il manifeste son
propos par une raison en disant qu'il nous faut, afin de connaître ce
qui procède divinement de la bonté de Dieu, invoquer la Trinité par la prière
; et à ce sujet, il fait trois choses : d'abord, il présente une raison
relative au propos principal ; deuxièmement, il manifeste une notion
présupposée à cette raison, là (90) où il dit : Et de fait... ;
troisièmement, il prouve un point qui était pris pour acquis dans cette
raison, là (81) où il dit : Elle-même en effet... 231. Il
dit donc (79) qu'il nous faut progresser, c'est-à-dire nous élancer,
au moyen des prières, vers la Trinité elle-même, comme
vers le principe de tout ce qui procède du bien, car c'est au moyen de
nos prières que nous nous approchons d'Elle ; et plus nous nous
approcherons d'elle, plus nous pourrons augmenter en nous les dons de sa
bonté qui sont disposés autour d'Elle comme s'ils dérivaient
d'Elle par une image de sa bonté ; en effet, plus quelqu'un s'approche d'une
chose, plus il connaît ce qui entoure cette même chose. 232.
Ensuite, lorsqu'il dit (80) : Et de fait Elle-même...il manifeste une
chose qu'il avait présentée, à savoir que nous nous approchons de la Sainte
Trinité au moyen de la prière, et il dit que certes la Sainte Trinité elle-même
est présente à toutes les choses parce qu'Elle leur communique ses
dons, mais ce ne sont pas toutes les choses qui Lui sont présentes
dans la mesure où elles se privent de communiquer avec Elle. Mais quand nous
l'invoquons, alors nous Lui devenons présents en nous
approchant d'Elle. 233.
Mais trois choses sont requises pour que notre prière nous approche de la
Trinité : d'abord, il faut que la sensualité soit purifiée de tous les
appétits charnels et mondains par lesquels nous sommes séduits et attirés
vers le bas et Denys touche cela du doigt lorsqu'il dit : par les prières
les plus pures ; deuxièmement, il faut que notre intelligence ne soit pas
assombrie par le brouillard de l'imaginaire, ce qui se produit chez ceux qui
ne veulent pas comprendre les réalités spirituelles autrement que comme des
réalités corporelles, comme ceux qui affirment que Dieu est représenté par la
figure d'un corps humain, ce à cause de quoi nous sommes empêchés de nous
élever vers Dieu et quant à cela il dit : par un esprit dégagé ;
troisièmement, il faut que notre volonté soit ordonnée à Dieu par l'amour et
le dévouement et c'est ce qu'il ajoute en disant : et aptes à être
unis à Dieu. 234.
Ensuite, lorsqu'il dit (81) : Elle-même en effet...il prouve ce qu'il
avait supposé, à savoir que Dieu est présent à tout ce qui existe, ce qu'il
prouve au moyen de deux raisonnements. Dieu en effet n'est pas dans
le lieu à la manière des réalités qui sont délimitées ou circonscrites
dans le lieu. Mais tout ce qui est présent à un endroit en n'existant pas
dans un autre endroit ou qui passe ainsi à des endroits de sorte qu'il en
quitte d'autres est une réalité qui est délimitée ou circonscrite dans le
lieu. On ne peut donc pas dire cela de Dieu. Il est manifeste cependant qu'il
est présent à quelqu'un, au moins à Lui-même ; donc il est présent à tout ce
qui existe. 235.
Voici (82) le deuxième raisonnement : Mais dire...Tout infini qui est
au-dessus de tout et qui embrasse tout est présent à tout ; mais
la Trinité est de cette nature ; il s'ensuit donc qu'Elle-même est
présente à tout ce qui existe. 236. Et
c'est à partir de là qu'on peut comprendre qu'aucune créature n'est partout
puisque c'est à partir de la considération de son infinité qu'on voit que
c'est à Dieu par conséquent qu'il appartient d'être partout. 237. À
la fin cependant il conclut son propos principal, à savoir que nous devons
par la prière nous élever à la haute considération des rayons
de la bonté divine. 238.
Ensuite, lorsqu'il dit (84) : Tout comme...il manifeste son propos par
des exemples ; et d'abord, il présente deux exemples pour le manifester ;
deuxièmement, il conclut son propos principal là (86) où il dit : À cause
de cela... 239. Le
premier exemple se présente ainsi : imaginons une chaîne parsemée de
plusieurs lumières et qui pend du sommet du ciel et qui descend
jusqu'à terre, en face de notre visage. Si nous saisissions cette chaîne en
alternant constamment nos mains vers le haut, il nous semblerait
certes que la chaîne est tirée vers le bas mais en vérité nous ne
l'abaisserions pas puisqu'elle-même demeurerait présente à la fois en haut
et en bas, mais c'est nous-mêmes que nous élèverions ainsi vers le
plus grand éclat de cette chaîne de lumières. 240. Il
présente le deuxième exemple là (85) où il dit : Ou comme si...et il
dit que si nous étions montés sur un navire et que nous tenions des
câbles qui nous auraient été lancés pour nous porter secours et
qui seraient attachés à un rocher extérieur à nous, ce n'est pas
le rocher que nous attirerions à nous, mais en vérité
c'est nous-mêmes et le navire que nous tirerions vers le rocher
; et à l'opposé si quelqu'un se tenant dans le navire
poussait contre ce rocher qui est à proximité de la mer, il ne mettrait en
aucune manière ce rocher en mouvement, lequel est stable et immobile, mais
c'est lui qui s'éloignerait du rocher et cela d'autant plus qu'il
le repousserait davantage. 241.
Pour adapter ces exemples au propos il faut considérer qu'il faut juger
différemment de la prière selon qu'on se positionne selon l'une ou l'autre de
ces cinq opinions : a) certains en effet suppriment complètement la
Providence divine en affirmant que tout se produit par hasard et telle fut
l'opinion des Épicuriens ; b) certains en vérité reconnurent la Providence
divine pour ce qui est des réalité incorporelles et universelles mais la
nièrent pour ce qui est des choses humaines et telle fut l'opinion de
certains Péripatéticiens ; c) certains en vérité étendirent la Providence
divine à tout, mais affirmèrent qu'à partir d'Elle toute chose aboutissait à
un dénouement nécessaire, éliminant ainsi toute contingence des choses et
telle fut l'opinion des Stoïciens qui affirmaient que tout arrive par
nécessité selon une suite inévitable de causes qu'ils appelaient le destin ;
d) la quatrième opinion fut celle de certains Égyptiens qui prétendaient que
la Providence divine était changeante ; e) la cinquième était celle de
certains Platoniciens qui affirmaient que la Providence divine est immuable
mais que certaines choses qui lui sont subordonnées se produisent d'une
manière contingente et changeante. 242. Les
trois premières opinions évacuent donc complètement le fruit de la prière. Si
en effet Dieu ne se soucie nullement des choses ou à tout le moins s'il ne se
soucie pas des choses humaines ou si tout se produit par nécessité, c'est en
vain qu'on adressera des supplications à Dieu. Cependant la quatrième
opinion, sans supprimer le fruit de la prière, lui attribue néanmoins plus
qu'il lui est dû, à savoir la capacité de fléchir la divine Providence. D'où
il suit que seule la cinquième opinion possède un jugement droit sur la
prière et c'est celle à laquelle Denys se conforme ici, à savoir qu'au moyen
de la prière nous attirons nos existences changeantes à une participation de
la Providence divine, sans cependant croire que nous puissions la fléchir. 243.
Donc la chaîne de lumières suspendue du sommet d'un ciel immobile ou bien les
câbles allongés à partir d'un rocher immobile désignent l'ordre de la divine
Providence qui procède de la Sagesse divine. En parlant cependant d'une
chaîne présente partout dans le ciel et sur la terre et qui est par la suite
présente à tout, il désigne la providence de Dieu s'appliquant à tous les
êtres contrairement à ce qu'affirme la première opinion. Et ce qu'il dit au
sujet de l'immobilité de la pierre et de la chaîne de lumière que nous ne
pouvons attirer à nous, cela s'applique à l'immobilité de la divine
Providence et s'oppose à la quatrième opinion. Mais lorsqu'il dit que nous
nous élevons nous-mêmes vers le haut au moyen d'une chaîne immobile et que
nous nous approchons de la pierre au moyen des câbles ou que nous nous en
éloignons au moyen des poussées, il désigne par là notre facilité à chercher
les douceurs de la divine Providence, contrairement à ce que soutient la
troisième opinion. 244.
Finalement (86), il conclut son propos, à savoir qu'avant toute chose,
et surtout avant les occupations théologiques, il nous est utile de
commencer par la prière, non pas de telle manière que nous attirions à
nous par la prière la puissance divine, laquelle est présente partout
et nulle part enfermée, mais de telle manière qu'au moyen de
l'invocation divine et de l'appel que nous faisons à Dieu nous soyons
attirés et unis à Lui. 245.
Ayant présenté la nécessité de la prière, Denys procède ensuite à sa
justification ; et d'abord, il présente ce à partir de quoi il pourrait
devoir subir une accusation ; deuxièmement, il se justifie, là (88) où il dit
: Vraiment... 246. Il
dit donc en premier (87) que ce en quoi il paraît ici digne d'être accusé,
c'est que, alors que Hiérothée, qui fut son célèbre maître, avait
composé, en parlant avec finesse, certains traités portant sur Dieu, Denys a
écrit d'autres livres sur Dieu, y compris le présent ouvrage, comme si ceux
de Hiérothée n'avaient pas suffi, ce qui paraît relever d'un certain
irrespect. 247.
Ensuite, lorsqu'il dit (88) : En vérité...il procède à sa
justification ; et à ce sujet, il fait trois choses : d'abord, il se disculpe
de cette accusation d'irrespect ; deuxièmement, il manifeste son respect à
l'égard de Hiérothée, là (91) où il dit : Puisque... ; troisièmement,
il précise l'intention qu'il poursuit en rédigeant ce livre, là (94) où il
dit : Donc, à ces... 248.
Mais il se justifie de trois manières et la première justification se
présente ainsi : tout ce que Hiérothée a dit universellement, lui-même
l'exposa au moyen de cas particuliers à partir d'un mandat de la part de
Hiérothée lui-même et suite à la demande de Timothée ; et c'est ce que Denys
dit (88) : que si Hiérothée, qui jugea bon de traiter
successivement de tout ce qui se rapporte à l'étude de la Théologie et
contribua à la mise en oeuvre de toute la Théologie qu'il parcourut comme
universellement et sans entrer dans le détail, avait voulu accomplir cela
jusque dans l'examen des cas particuliers, lui-même, Denys, ne serait pas
parvenu à un égarement et à un désordre tels qu'il
aurait voulu écrire au sujet des questions théologiques. 249. Et
il montre de deux manières que cela aurait relevé de l'égarement et du
désordre car ou bien Denys aurait cru pouvoir s'élever à l'étude de la
Théologie avec plus de lumières et plus divinement que ne le fit
Hiérothée ou bien il n'aurait pas cru dire des choses plus élevées et alors
il s'en serait suivi deux inconvénients : dont le premier est qu'il aurait
répété les mêmes choses que Hiérothée avait déjà dites, qu'il les aurait
écrites inutilement et qu'il serait ainsi tombé dans la vanité ; le deuxième
est qu'en voulant ainsi s'emparer pour ainsi dire furtivement de la
contemplation et de la clarté bien connues de Hiérothée lui-même sur les
choses de Dieu, il lui aurait fait injure bien que néanmoins ce
dernier avait été son maître et son ami et que Denys avait été introduit à la
connaissance de la théologie principalement à partir des paroles de
Hiérothée mais après l'enseignement de Paul. 250.
Mais Hiérothée expliqua certains points qu'il avait aperçus,
c'est-à-dire qu'il avait acquis avec grande difficulté et en déployant une
grande intelligence, et qui embrassaient une multitude de choses dans un verbe
universel, conduisant ainsi avec prudence des hommes dans les
choses divines conformément à la vérité des choses ; et il conseilla à
Denys, ainsi qu'à d'autres semblables à lui qui sont des maîtres à l'égard
de ceux dont les âmes sont fraîchement instruites, de leur manifester et
de leur distinguer les unes des autres, dans la mesure de leurs possibilités,
ces notions universelles dont la contemplation est d'une grande profondeur
chez cet homme et qui impliquent chacune une multitude d'autres
notions, et il les exhorta à faire cela au moyen d'un discours qui
leur soit proportionné et non pas au moyen d'un verbe universel ainsi
que Hiérothée avait coutume de le faire. De plus Timothée lui-même exhorta
Denys en maintes occasions à achever cette même tâche et lui avait
remis le livre de Hiérothée comme s'il dépassait pour ainsi dire ses
capacités. 251.
Donc, parce qu'il en est ainsi, c'est à cause de cela que nous identifions
ce livre de Hiérothée comme étant le guide des réflexions parfaites
et qui ne convient pas à n'importe qui mais seulement à ceux qui dépassent la
multitude par leurs capacités, de telle sorte que ce livre tient lieu de
deuxième référence auprès de ceux qui proclament les Écritures canoniques
qu'aucune autre référence ne peut égaler, de telle manière que ce livre est
cohérent avec les paroles des christs de Dieu, c'est-à-dire avec les
paroles des saints Apôtres qui sont appelés christs parce qu'ils sont comblés
de grâces spirituelles et parce qu'ils possèdent la dignité du sacerdoce. Et
ainsi, puisque ce livre est si élevé qu'il convient seulement aux parfaits, nous
enseignons, selon nos capacités et au moyen d'analogies les
réalités divines à ceux qui sont semblables à nous, c'est-à-dire à ceux
qui comme nous sont imparfaits. En effet, nous n'arrivons pas à enseigner la
doctrine parfaite aux parfaits car si la nourriture solide, à
savoir la doctrine parfaite, est seulement pour les parfaits,
ainsi qu'on le dit dans la Lettre aux Hébreux (5, 14), car eux seuls peuvent
la comprendre, il est d'une plus grande perfection encore de pouvoir nourrir
les autres d'un tel aliment. En effet, il est plus grandiose de
transmettre à d'autres la doctrine parfaite que de pouvoir l'acquérir d'un
autre. Et il faut avoir à l'esprit qu'une intelligence est d'autant plus
élevée et parfaite qu'elle peut saisir plus de choses dans un seul concept.
Et la faiblesse d'une intelligence exige que chaque cas particulier soit
expliqué séparément. Et c'est pourquoi Denys dit que la doctrine de Hiérothée
est parfaite, à savoir parce qu'elle saisit une multitude de choses dans
l'examen d'un seul concept ou d'un seul principe universel. 252. Il
présente la deuxième justification là (89) où il dit : À bon droit donc...et
il dit qu'à bon droit on pourrait dire pour appuyer sa justification
que pour que quelqu'un examine par lui-même la science des écrivains sacrés,
lesquels sont les prophètes des saintes Écritures, cela exige une puissance
intellectuelle parfaite, tout comme est parfaite la clarté de leur doctrine
considérée en elle-même. Mais pour ce qui est de la science et de la
connaissance des paroles qui introduisent ou préparent à cette
connaissance et à cette science dont nous venons de parler et d'en apprendre
le langage, cela peut se retrouver aussi chez les imparfaits, tant chez les
maîtres qu'il appelle les sanctificateurs que chez les élèves qu'il appelle
les sanctifiés. Donc, tout comme il appartenait à Hiérothée, en raison de sa
perfection, d'examiner par lui-même et d'enseigner la science parfaite des
choses divines, de même il appartient aux plus petits, dont Denys estime
faire partie, d'acquérir et de posséder la science qui consiste à expliquer
ce qui y prépare. 253. Il
présente la troisième justification là (90) où il dit : Bien que...et
il dit que c'est cela même que Denys observa avec application, à
savoir que lui-même ne mit pas non plus la main à manifester toutes
les paroles de Hiérothée, surtout pas les notions que Hiérothée avait voulu
distinguer en les expliquant clairement. 254.
Ensuite, lorsqu'il dit (91) : Puisque...il manifeste le respect qu'il
porte à Hiérothée ; ce qu'il fait en manifestant d'abord la grandeur de ce
dernier ; deuxièmement, en reconnaissant sa propre petitesse, là (93) où il
dit : Ainsi en vérité...En effet c'est à partir du constat de ces deux
points, à savoir que quelqu'un perçoit l'autre comme étant grand et qu'il se
perçoit lui-même comme petit, qu'il s'ensuit que quelqu'un porte à cet autre
du respect. Et il manifeste la valeur de Hiérothée de deux manières : d'abord
certes quant à ceci qu'il fut le plus pénétrant et le plus divin des
théologiens ; deuxièmement, quant à cela qu'il savait avec profit donner le
lait aux petits dans le Christ, là (92) où il dit : Et afin que ces
mystères... 255. Il
dit donc en premier (91) que Denys lui-même, avec et en même temps que
Timothée et Hiérothée lui-même, ainsi qu'avec plusieurs autres frères
irréprochables, s'unit avec les Apôtres dans la vision du Corps de celui qui
est le principe de toute vie et qui a accueilli la divinité. Et
par vision corporelle du Christ, on peut entendre celle dont fait mention
l'Apôtre dans sa Première lettre aux Corinthiens (15, 6). En effet, le corps
du Christ est le corps de Dieu qui est le Principe de la vie et ce corps
accueillit Dieu en s'unissant à Lui et c'est pourquoi il fut appelé temple,
conformément à ce passage de Jean (2, 21) : ¨Mais le temple dont parlait
Jésus, c'était son corps.¨ On peut aussi comprendre par là qu'ils
s'unirent dans la vision du corps de la bienheureuse Vierge Marie lors de Sa
mort, laquelle reçut également Dieu par l'incarnation. Et dans cette
assemblée étaient aussi présents Jacques le frère du
Seigneur ainsi que Pierre, la tête dirigeante de tous les Apôtres. 256. Suite
à la vision dont on vient de parler, il apparut à tous ceux qui
étaient présents que l'ensemble des Apôtres et des Évêques loueraient,
comme chacun le pouvait, l'infinie bonté de la divine faiblesse,
à savoir de son humanité. Et alors Hiérothée, après les Apôtres auxquels
aucun autre homme ne peut se comparer, dépassait tous les maîtres ; et
dans cette louange, comme en extase, il dépassait toutes les réalités
sensibles qui sont de ce monde et il semblait joint comme par une certaine
union intime aux réalités dont il faisait l'éloge et il fut ainsi considéré,
par tous ceux qui l'entendaient et le voyaient et qui l'avaient connu ou non,
comme étant agréable à Dieu et comme l'apologiste de Dieu. Et que
pouvons-nous dire encore de toutes les choses dont il fit l'apologie à
l'égard de Dieu et qui sont si sublimes ? Ainsi que Denys le dit, si
sa mémoire est bonne, il reconnut maintes fois certains passages de
ces éloges divins que Hiérothée, inspiré par Dieu, avait présentés, alors
qu'il les entendit prononcés par Timothée. En effet, Timothée baigna
tellement dans l'étude de la théologie que ce qu'il entendit, il prit soin
aussi de le retenir par sa mémoire. 257.
Ensuite, lorsqu'il dit (92) : Et afin que ces mystères...il fait
valoir les mérites de Hiérothée quant à l'instruction des personnes simples ;
et il dit que comme il a omis de parler de ces choses mystérieuses
mentionnées ici parce qu'elles étaient connues de Timothée, il faut dire
ceci, à savoir que quand il fallait communiquer les réalités
divines à la foule et ramener ceux qu'il pouvait à la connaissance des choses
saintes par une connaissance proportionnée aux imparfaits, Hiérothée dépassait
un grand nombre de maîtres irréprochables à la fois par la façon dont il
usait de son temps car il consumait ou dépensait beaucoup de temps à
enseigner, par la pureté de son intelligence car il n'était pas
enveloppé par les images et les erreurs qui l'auraient empêché de garder un
jugement droit sur la vérité, par l'exactitude de ses démonstrations,
c'est-à-dire par l'efficacité de ses paroles à démontrer la vérité, et par
ses autres vénérables paroles, à savoir par les autres choses qui sont
nécessaires à la réalisation des saints discours. Il conclut de là qu'il n'a
jamais été porté à regarder en face un tel soleil, à savoir Hiérothée,
en cherchant à se préférer à lui ou à se faire son égal. 258.
Ensuite, lorsqu'il dit (93) : Ainsi en effet...il montre à quel point
il se sent petit à ses propres yeux ; et il dit qu'il est bien conscient de
ne pouvoir lui-même comprendre non seulement les réalités divines qui
dépassent l'intelligence humaine, mais aussi plusieurs de celles que d'autres
hommes ont comprises ; et de même il s'estime incapable de présenter et
d'expliquer les choses que d'autres ont été capables d'exprimer sur la
connaissance de Dieu ; et il s'estime être encore beaucoup plus privé de la
science de la vérité théologique que d'autres, plus parfaits que lui, ont
possédée. Et il avance cela parce qu'il y a été conduit en raison
du profond respect qu'il porte à l'égard des plus grands et à l'égard
de la Philosophie divine ; car il n'ose pas même penser ou dire quelque chose
de la sagesse divine, si ce n'est les choses qu'il peut saisir selon
les capacités de son esprit et celles-là encore il les écoute et il
les dit parce que quelqu'un ne doit pas négliger la connaissance des
choses divines qui sont à sa portée. 259. Et
il en est convaincu pour deux raisons : d'abord certes en s’appuyant sur le
désir naturel des esprits de rechercher toujours avec une certaine
ardeur la contemplation des choses surnaturelles qu'ils peuvent acquérir
car c'est principalement au moyen de celle-ci qu'ils réalisent leur
perfection ; ensuite à partir du parfait arrangement des lois divines
qui nous défend de scruter en profondeur ces choses qui nous dépassent
d'une part parce qu'elles sont bien au-dessus de nous de par leur dignité,
d'autre part parce qu'il nous est impossible de les atteindre ainsi qu'il
apparaît dans l'Ecclésiaste (3, 22) où il est dit : ¨tu ne chercheras pas
à connaître les choses les plus élevées¨. Mais les choses que nous
désirons et qui nous sont données pour que nous puissions les
embrasser, la loi divine nous commande de nous en instruire avec
application et de les enseigner aux autres avec bonté ainsi que le dit ce
passage du livre de la Sagesse (7, 13) : ¨Ce que j'ai appris d'elle avec
un coeur sincère, j'en fais part aux autres sans réserve¨. Et ce précepte
se retrouve dans plusieurs autres passages des Écritures. 260.
Ensuite lorsqu'il dit (94) : Donc...il termine son propos et il dit
que les raisons qui précèdent suffisent à le convaincre et qu'il ne se
détournera pas de la recherche de la vérité au sujet de Dieu dans la
mesure où sa science le lui permet, ni en raison de la paresse, ni en raison
de la peur due au sentiment de sa petitesse. Derechef, son âme ne pourrait
pas supporter de laisser sans secours ceux qui comme lui-même ne
peuvent parvenir à contempler les réalités les plus élevées. Pour toutes ces
raisons, il se disposa à écrire cette oeuvre, de telle manière
cependant qu'il n'osa y introduire rien de nouveau mais qu'il voulut
au contraire distinguer et manifester au moyen de recherches plus
particulières et plus pointues, en descendant jusqu'aux détails, les
choses remarquables que Hiérothée avait dites et saisies comme
universellement. Et il s'exprime ici au moyen d'une image tirée des réalités
corporelles et grâce à laquelle on peut voir que plus un tout est divisé en
ses nombreuses parties, plus celles-ci sont rendues précises. |
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CAPUT 4 |
Chapitre 4 - Du Bien, de la Lumière, du Beau, de l’Amour, de l’Extase, du Zèle ; Et que le Mal n’est pas un être, qu’Il ne vient pas de l’être et qu’Il n’est pas dans les êtres. |
LECTIO 1 [84844] In De divinis
nominibus, cap. 4 l. 1 Praemisso prooemio, iam accedit ad
prosequendum principalem intentionem. Et ut sequentium capitulorum intentio,
numerus et ordo pateat, considerandum est quod, sicut in 1 et 2 cap. dictum
est, in hoc libro intendit exponere divina nomina quibus manifestantur
processiones Dei in creaturas. Principium autem commune omnium harum
processionum bonum est, ut in 3 cap. dictum est, quia quidquid a Deo in
creaturas procedit, hoc creaturae suae propter suam bonitatem communicat. Et
ideo primo, agit in hoc 4 cap. de bono et etiam de his quae ad
considerationem boni pertinent. Si autem singulae processiones considerentur,
quas divina nomina manifestant, tria videmus ex divina bonitate esse rebus
attributa : primo quidem, ut in se sint et perficiantur ; secundo, ut ad
invicem comparentur ; tertio, ut ordinentur in finem. Si autem ipsae res in
se considerentur : primum et communius, quod in eis invenitur, est esse ;
secundo, vivere ; tertio, cognoscere ; quarto iustum esse vel virtuosum. Et
secundum hunc ordinem, de divinis nominibus prosequitur : primo quidem post
bonum, de ente in 5 capitulo ; secundo, de vita in 6 ; tertio, de sapientia
in 7 ; quarto, de virtute et iustitia in 8. Comparatio autem rerum ad invicem
attenditur secundum duo : primo, secundum aliquid intrinsecum, prout una res
dicitur alteri similis vel aequalis, eadem vel diversa, propter convenientiam
in substantia, quantitate aut qualitate et de his agit in 9 capitulo ;
secundo vero, secundum aliquid extrinsecum, sive secundum quod continentur
sub una parte sive secundum quod continentur sub una mensura et de his agit
in 10, ubi agitur de omnipotente et antiquo dierum ; hanc autem ordinationem
sequitur pax et tranquillitas ordinis, unde in 11 agitur de pace. Sed circa
ordinem rerum in finem, duo sunt consideranda, scilicet providentia
gubernantis et ordinantis in finem et de hoc agitur in 12 capitulo, ubi
agitur de rege regum et domino dominorum, et ipse finis ad quem res per
providentiam et gubernationem perveniunt et hoc pertinet ad 13 capitulum, in
quo agitur de perfecto et uno. Ad sciendam vero continentiam huius 4
capituli, considerandum est quod opposita sunt eiusdem considerationis ;
malum autem opponitur bono, unde in cap. de bono determinat etiam de malo.
Rursus, quia actus per obiectum cognoscitur, ad eamdem considerationem
reducitur actus et obiectum ; bonum autem est proprium obiectum amoris, unde
in hoc cap. boni, agit etiam de amore et de extasi, quae est effectus amoris,
ut patebit, et de zelo qui quamdam amoris intensionem signat. Item, cum bonum
sit quod omnia appetunt, quaecumque de se important appetibilis rationem, ad
rationem boni pertinere videntur ; huiusmodi autem sunt lumen et pulchrum, de
quibus etiam in hoc cap. agit. Et hanc intentionem capituli exprimit titulus
qui talis est : de bono, lumine, pulchro, amore, extasi et zelo. Primo,
igitur, in hoc capitulo determinat de bono ; et primo, ostendit qualiter
bonum sit in Deo ; secundo, qualiter creaturis communicetur, ibi : propter
ipsos et cetera. Circa primum, duo facit : primo ostendit quomodo
attribuatur Deo ; secundo inducit exemplum, ibi : etenim et
cetera. Dicit ergo primo quod post praemissa iam oportet sermonem
dirigere de hoc nomine bonum quod in sacra Scriptura excellenter attribuitur
supremae deitati, quae in bonitate distinguitur ab omnibus aliis
rebus, ut patet per illud Lucae 18 : nemo bonus nisi solus Deus.
Et hoc, propter duo : primo, quidem, quia ipsa divina essentia est ipsa
bonitas, quod in aliis rebus non contingit : Deus enim est bonus per suam
essentiam, omnia vero alia per participationem ; unumquodque enim bonum est,
secundum quod est res actu ; Deo autem proprium est quod sit suum esse, unde
ipse solus est sua bonitas. Item, res aliae, etsi
inquantum sunt, bonae sint, tamen perfectam bonitatem consequuntur per
aliquod superadditum supra eorum esse ; sed Deus in ipso suo esse, habet
complementum suae bonitatis. Item, res aliae sunt bonae per ordinem ad
aliquid aliud, quod est ultimus finis ; Deus autem non ordinatur ad aliquem
finem extra se. Sic igitur, primum quod est proprium divinae bonitatis est
quod ipsa bonitas est essentia divina ; secundum proprium eius est quod
extendit bonitatem ad omnia, quae per participationem dicuntur derivari ab eo
quod per essentiam dicitur. Deinde cum dicit : etenim et
cetera, manifestat per exemplum quod dixerat de diffusione bonitatis et dicit
quod sicut noster sol materialis illuminat omnia quae
possunt participare per suam proportionem lumen eius, per suum esse naturale,
non ratiocinando vel praeeligendo unum alteri, ita et bonum quod
est Deus, quod est archetypum, idest principale exemplar vel
figura, per excellentiam separatum super solem, sicut supra
quamdam obscuram et deficientem imaginem, per suam essentiam
proportionaliter immittit omnibus existentibus, radios suae bonitatis quantum
ad omnia quae ab bonitatem pertinent. Considerandum est autem quod non
replicavit in Deo : non ratiocinans aut praeeligens quod de
sole dixerat ; sed sicut de sole dixerat quod per ipsum suum esse illuminat,
ita de Deo subdit quod per suam essentiam omnibus bonitatem tradit. Esse enim
solis non est eius intelligere aut velle, etiam si intellectum et voluntatem
haberet et ideo quod facit per suum esse, non facit per intellectum et
voluntatem. Sed divinum esse est eius intelligere et velle et ideo quod per
suum esse facit, facit per intellectum et voluntatem. Et ideo signanter dixit
quod Deus segregatur a sole, sicut archetypum supra obscuram
imaginem. Deinde, cum dicit : propter istos et cetera,
ostendit quomodo bonitas inveniatur in creaturis a Deo diffusa : et primo,
quomodo inveniatur in Angelis ; secundo, quomodo inveniatur in animabus
rationalibus, ibi : sed et post illas et cetera ; tertio,
quomodo inveniatur in aliis creaturis corruptibilibus, ibi : sed et
de ipsis et cetera ; quarto, quomodo inveniatur in materia prima,
ibi : si autem et super omnia et cetera, quinto, quomodo
inveniatur in corporibus coelestibus, ibi : sed quod nos et
cetera. Circa primum duo facit : primo ostendit quomodo invenitur bonum in
Angelis secundum se ; secundo, prout considerantur sub propria regula et
ordine ; ibi : inde ipsis et cetera. Circa primum, tria
facit : primo, ostendit quomodo bonum invenitur in Angelis, quantum ad eorum
naturam ; secundo, quantum ad eorum conservationem ; ibi : et
mansionem et cetera ; tertio, quantum ad ordinem in finem ; ibi
: et ipsam desiderantes et cetera. Circa primum, tria facit
: primo, ostendit quomodo ex divina bonitate habent esse ; secundo, quomodo
vivere ; ibi : propter istos sunt et cetera, tertio, quomodo
intelligere ; ibi : et sicut incorporales et cetera. Dicit
ergo primo, quod propter radios, idest diffusionem divinae bonitatis,
productae sunt in esse subsistenti coelestes creaturae in quibus invenitur
substantia, virtus et operatio, ut in cap. XI coelestis hierarchiae dicitur.
Et dicuntur intelligibiles, inquantum sunt actu secundum suam naturam et
intellectuales, inquantum actu intelligunt ; quamvis Platonici in substantiis
separatis distinguerent intelligibilia ab intellectualibus. Nam intellectus
per participationem intelligibilis fit intelligens et ideo intelligibile est
magis abstractum et altius. Et secundum hoc, posset dici quod intelligibiles
substantias, supremos Angelos vocat, intellectuales autem inferiores. Licet
melius sit quod intelligantur intelligibiles, inquantum intelliguntur et
intellectuales, inquantum intelligunt. Deinde, cum dicit : propter
istos et cetera, prosequitur de vita Angelorum et dicit quod propter
diffusionem divinae bonitatis, Angeli non solum habent esse, sed et vivere,
eminentiori vita quam nos ; non enim deficit per mortem sicut vita nostra,
quando prolongatur. Hoc enim accidit in viventibus inferioribus, quia
subiacent generationi et corruptioni et varietati quae est secundum
qualitatem et quantitatem, per quam res instabiles redduntur et defluentes et
diversimode se habentes ; et hoc accidit rebus inferioribus, quae habent
materiam ; sed Angeli supra omnia ista sunt elevati et depurati. Deinde, cum
dicit : et sicut incorporales et cetera, prosequitur de
intellectu eorum : et primo, quomodo sint intelligibiles et dicit quod intelliguntur
sicut incorporales et immateriales. Corpora enim sunt sensibilia et imaginabilia,
non tamen intelligibilia actu ; similiter, nulla forma in materia existens
est actu intelligibilis, sed potentia tantum. Ideo Angeli sunt intelligibiles
actu, inquantum sunt incorporei et immateriales. Secundo, ostendit quomodo
intelligant et dicit quod intelligunt supermundane, idest supra
modum quo nos intelligimus, sicut quaedam mentes et
intellectus separati. Forma enim immaterialis ex hoc quidem quod est in
mente, intelligitur, sed per hoc quod est mens subsistens, intelligit.
Tertio, dicit quid intelligant et unde ; et dicit quod illuminantur a
Deo de rationibus intelligibilibus per rationes
intelligibiles existentium, quia per rationes intelligibiles eis
a Deo inditas, rerum cognitionem habent, non colligendo rationes
intelligibiles ex rebus, sicut nos. Quarto, dicit quod propria intellecta deferunt ad
ea quae sunt proxima sui generis, inquantum superiores manifestant sua
intellecta inferioribus. Deinde, cum dicit : et mansionem et
cetera, ponit ea quae pertinent ad conservationem et ponit quinque per
similitudinem corporalium rerum : res enim corporales habent mansionem in
loco, secundum quod substantiae ; Angeli habent mansionem vel habitationem
per operationem intellectus et voluntatis in his quae intelligunt et amant,
secundum illud apostoli, Philip. 3 : nostra conversatio in coelis est.
Habitatio autem corporalis indiget fundamento in quo firmetur, et similiter
mansio, quae est secundum intellectum, fundatur in prima veritate
intelligibili et mansio, quae est secundum voluntatem, in ultimo fine ; et
ideo dicit quod ex bonitate divina non solum est eis mansio,
sed etiam collocatio vel fundamentum, secundum
aliam translationem. Rursus, corporalia inferiora continentur sub ordine
superiorum, ita et Angeli continentur sub ordine divinae providentiae ; solus
autem Deus est qui continet et continetur et ideo subdit : et
continentia. Item, corporalia, inquantum sunt corruptibilia, indigent
custodia ne corrumpantur ; Angeli autem non sunt mutabiles secundum
substantiam, sed secundum voluntatem et ideo indigent custodiri a Deo ne
eorum voluntas ab ordine divino avertatur et hoc est quod subditur : et
custodia. Item, viventia corporalia indigent refectione per quam
sustententur et similiter Angeli conservantur in esse per hoc quod
intellectus et affectus ipsorum satiatur divina fruitione et intelligibilium
consideratione ; ideo quinto, subditur : et cibus bonorum.
Deinde, cum dicit : et ipsam desiderantes et cetera,
prosequitur de ordine in finem. Divina enim bonitas convertit omnia ad
seipsam, ut supra dictum est et ideo sequitur quod propter divinam bonitatem,
Angeli ipsam desiderant, non tamquam carentes eo quod desiderant, sicut
imperfecti, sed sicut habentes esse et bene esse, quantum ad ipsos et
configurati divinae bonitati et deiformes effecti, inquantum inferioribus
communicant divina dona, quae ad eos de summo bono veniunt et hoc, sicut
lex divina inducit. Est enim lege divina sancitum, ut bona quae a Deo
accipimus, inferioribus communicemus et sic conformamur bonitati eius, ex qua
omnia bona profluunt. Positis his quae Angeli a divina bonitate consequuntur
ad eorum naturam pertinentia, hic primo, ponit ea quae pertinent ad eos,
secundum quod continentur in ordine ; secundo, ea quae pertinent ad eos,
secundum quod sunt in hierarchia, ibi : sed et quaecumque et
cetera ; tertio, ea quae conveniunt eis, secundum quod communiter Angeli
nominantur, ibi : ex qua et cetera. Dicit ergo primo, quod
ex divina bonitate sunt praemissis substantiis ordines supermundani,
prout quidam dicuntur esse in ordine Seraphim, quidam in ordine Cherubim et
de aliis similiter. Considerandum est autem quod ad ordinem tria concurrunt :
primo quidem distinctio cum convenientia ; secundo, cooperatio ; tertio,
finis. Dico autem distinctionem cum convenientia, quia ubi non est distinctio,
ordo locum non habet ; si autem quae distinguuntur in nullo convenirent,
unius ordinis non essent. Oportet ergo, Angelos, qui sunt unius ordinis, ad
invicem uniri, inquantum sub uno ordine continentur et hoc est quod dicit
: ad se invicem unitiones. Tamen quaedam uniuntur in ordine
tantum absque continuitate vel contactu, sicut domus in civitate et civitates
in regno, sed unitiones Angelorum in ordine, sunt cum quodam contactu sive
etiam continuitate et ideo subdit : in se invicem captiones, quia
scilicet unus Angelus alium in se capit per intellectum et affectum. Talis
tamen unio non tollit distinctionem quae est secundum proprietatem
substantiae uniuscuiusque et ideo subdit : inconfusae discretiones.
Sicut autem uniuscuiusque substantiae est propria operatio sic cuiuslibet
ordinis est accipere aliquam cooperationem eorum quae sub ordine continentur,
ad quam cooperationem tria requiruntur : primo quidem, ut inferiora se
elevent versus superiora ut eis subdantur et ab eis iuventur et hoc est quod dicit
quod ex divina bonitate, sunt eis virtutes subiectorum, idest
inferiorum substantiarum, sursum agentes, idest elevantes
eas ad meliores, idest superiores. Secundo, ut superiora
inferioribus provideant et hoc est quod subdit : providentia
provectiorum, idest superiorum, circa secundas, idest circa
inferiores. Et ne aliquis sic superioribus intendat vel inferioribus quod sui
obliviscatur, subdit tertium, ut unusquisque sit solicitus ad custodiam
propriae virtutis et hoc est quod dicit : custodiae propriorum
virtutis uniuscuiusque, idest eorum quae proprie pertinent ad virtutem
uniuscuiusque, ut scilicet unusquisque in suo gradu se custodiat. Sicut enim
omnis ordinis est aliqua operatio, sic et finis. Est autem eorum quae sunt in
ordine, duplicem finem accipere : unum scilicet qui est in ipsis ordinatis,
inquantum sunt ordinata ad invicem, quod consistit in habitudine unius ad
alterum ; et hunc finem tangit cum dicit : et intransmutabiles
convolutiones, idest circumitus circa seipsas. Circa quod
considerandum est quod cum motus circularis sit uniformis per totum, in
quolibet sui habet principium et finem in potentia, non in actu ; motus autem
rectus diversificatur secundum principium et finem et distantiam ad utrumque.
Sic ergo intelligibiles operationes Angelorum, ratione uniformitatis,
convolutiones dicuntur : habent enim intelligibiles operationes Angelorum id
quod perfectionis est in circulatione scilicet uniformitatem, sine eo quod
imperfectionis est, scilicet mutatione ; et ideo nominat intransmutabiles
convolutiones circa se, secundum quod unus Angelus alium intelligit
et amat. Secundus finis est bonum quod est supra ordinem et secundum hoc,
sicut dux est finis exercitus sic Deus est finis Angelorum sub ordine
contentorum ; et hunc finem tangit cum dicit : circa desiderium boni idest
Dei, identitates, quia omnes in hoc conveniunt vel quia semper,
eodem modo, circa hoc se habent, et summitates, quia omnia eorum
desideria ad hoc summum desiderium referuntur, vel sublimitates,
secundum aliam litteram, quia sublimius coeteris, Deum desiderant. Et non
solum ista sunt eis a bonitate divina ad rationem ordinis pertinentia, sed
etiam quaecumque alia dicta sunt in libro Angelorum
hierarchiae, in quo tractatur de angelicis proprietatibus et
ordinibus. Deinde, cum dicit : sed et quaecumque et
cetera, enumerat ea quae pertinent ad rationem hierarchiae et dicit quod
etiam ex omnium causa et bonitate divina, quae est fons
omnis bonitatis, proveniunt Angelis quaecumque actiones coelestis
hierarchiae sunt eis convenientes. Est autem
considerandum quod cum hierarchia sit sacer principatus, principis autem sit
dirigere, actio hierarchiae erit dirigere ad sacra ; et secundum hoc sunt
triplices hierarchiae actiones, scilicet : mundationes, idest
purgationes ; supermundanae illuminationes ; et ea quae
sunt perfectiva totius angelicae perfectionis. Mundat autem, sive
purgat unus Angelus alium, non quidem a macula culpae, quia nulla est in eis,
sed a nescientia, ut ipse dicit in VII coelestis hierarchiae. Superiores enim Angeli, clarius Deum vident quam inferiores et
ampliori ab ipso lumine replentur ad plura mysteria cognoscenda. Purgatio
ergo pertinet ad ablationem nescientiae ; illuminatio ad communicationem
luminis ; perfectio ad cognitionem eorum quae per lumen cognoscuntur. Quia
vero, licet superiores substantiae distinguantur secundum ordines et
hierarchias, conveniunt tamen in hoc quod Angeli dicuntur, consequenter
exponit rationem huius nominis, cum dicit : ex qua et
cetera. Circa quod considerandum est quod sicut lux solis in ipso sole videri
non potest a nobis propter excellentiam lucis, videtur autem vel in nubibus
vel in montibus irradiatis a sole et sic nubes vel montes manifestant nobis
solis claritatem, ita ipsa bonitas, prout est in summo rerum vertice a nobis
prospici non potest propter excellentiam claritatis, sed inquantum eius
similitudo in Angelis invenitur magis propinque nobis, manifestatur nobis
quodammodo in ipsis claritas divinae bonitatis ; et hoc est quod dicit, quod
ex divina bonitate datum est supremis substantiis boniforme,
idest conformitas ad divinam bonitatem et quod propter hoc, manifestatur in
ipsis Dei bonitas occulta. Sic igitur, uno modo, manifestant divinam
bonitatem, secundum quod in ipsis relucet similitudo divinae bonitatis, et
secundum hoc possunt dici manifestatores Dei. Sed super hoc, dicuntur Angeli,
idest nuntii, inquantum Deum manifestant per propriam actionem ; et hoc
dupliciter : primo quidem, per modum locutionis ; et hoc est quod dicit
: sicut enuntiativos divini silentii. Manifestum est enim, quod
conceptio cordis vel intellectus absque voce est cum silentio, sed per
sensibiles voces, illud silentium cordis enuntiatur. Sicut autem voces
exteriores sunt nobis magis manifestae et minus simplices quam interiores
conceptus cordium, ita quicumque modi manifestationum, sunt nobis magis noti
et minus simplices, quam divini verbi conceptio. Sic ergo, dum Angeli nobis
aliquid de divina sapientia manifestant sive sensibiliter colloquendo sive
secundum congruam apparitionem sive secundum intelligibilem locutionem, quia
et sibi invicem colloquuntur, semper sunt enuntiatores divini silentii.
Secundo vero, per modum illuminationis ; et hoc est quod subdit, quod
angelicae substantiae sunt nobis propositae sicut lumina clara
interpretativa eius, luminis scilicet divini quod est in abditis,
idest absconsum a nobis. Hoc autem secundum
necessarium est, postquam alicui aliquid enuntiatur, quod enuntiationem
intelligat. Ad hoc ergo quod ea quae nobis per Angelos enuntiantur intellectu
capere possimus, ipsi claritate sui luminis intellectum nostrum adiuvant ad
capiendum occulta Dei. Deinde, cum dicit : sed et post
illas et cetera, ponit quomodo divina bonitas relucet in animabus
rationalibus et dicit quod propter bonitatem Dei quae
est super omnem bonitatem, animae et quaecumque ad
animam pertinent, bonitatem habent, secundo tamen gradu, post illas sanctas et
admirabiles Angelorum mentes ; et ponit, primo, tria
quae pertinent ad eorum naturas, scilicet : quod sunt intellectuales et
quod habent vitam substantialem, idest ut per se subsistere
possint et quod esse eorum et posse sit inconsumptibile,
inquantum sunt immortales et incorruptibiles. Secundo, ponit ordinem earum ad
Angelos ; et ponit tria, scilicet : quod extenduntur ad angelicas
vitas, inquantum scilicet de eorum similitudine aliquid participant ; et
iterum, per illos Angelos, sicut per quosdam bonos
duces, elevantur ad summum principem omnium bonorum : sic
enim subditi in rebus humanis ad duces imitandos et eis serviendum subsunt,
ut per eos ad summum principem ordinentur ; et inde, idest ab
Angelis fiunt animae participes, secundum suam proportionem,
illuminationum a Deo emanantium, sicut et in rebus
humanis, directiones et praecepta a rege ad populum, per duces perveniunt.
Tertio, tangit ordinem animarum ad Deum ; et dicit quod participant
animae deiformi dono gratiae, secundum propriam virtutem et
non solum hoc habent animae ex divina bonitate, sed etiam quaecumque
alia sunt enumerata a nobis in sermone de anima. Fecit enim librum de
anima quem non habemus. |
Leçon 1 (11a) : Comment le bien est en Dieu et comment il se communique aux Anges et aux âmes rationnelles.261.
Après avoir présenté son proème, il aborde maintenant son propos principal.
Et pour que l’intention, le nombre et l’ordre des chapitres suivants soient
évidents, il faut avoir à l’esprit que l’objectif de Denys dans ce livre est
de présenter les noms de Dieu qui manifestent les prolongements ou les
processions de Dieu dans les créatures, ainsi que nous l’avons dit dans les
chapitres 1 ( 104 ) et 2 ( 208 ). Mais le principe commun à toutes ces
processions est le bien, ainsi que nous l’avons vu au chapitre trois ( 225-229
), car tout ce qui va de Dieu aux créatures, Dieu le leur communique à cause
de sa bonté. Et c’est pourquoi dans ce quatrième chapitre il traite d’abord
du Bien et des notions qui s’y rattachent. 262.
Mais si nous devions considérer chacun de ces prolongements en particulier,
nous verrions trois caractéristiques se manifester dans les choses et qui
proviennent de la Bonté de Dieu : certes, en premier, qu’elles existent en
elles-mêmes et qu’elles poursuivent leur perfection ; deuxièmement, qu’elles
se comparent les unes aux autres en raison de traits communs ; troisièmement,
qu’elles sont toutes ordonnées à une finalité. 263. Cependant,
si on considère les choses en elles-mêmes, ce qu’on retrouve d’abord en elles
de plus commun, c’est l’être ; deuxièmement, la vie ; troisièmement, la
connaissance ; quatrièmement, la justice ou la vertu. Et c’est conformément à
cet ordre que Denys poursuit son exposé sur les Noms divins : certes, après
avoir présenté dans ce quatrième chapitre ce qu’il en est du bien, il traite
de l’être au cinquième, de la vie au sixième, de la sagesse au septième et de
la vertu et de la justice au huitième. 264.
Mais la comparaison des choses entre elles doit s’entendre de deux manières :
tout d’abord, d'après un principe interne, selon qu’on dit d’une chose
comparée à une autre qu’elle est semblable ou de même rang, identique ou
différente, en raison d’une communauté de substance, de quantité ou de
qualité et c’est de cela qu’il traite au chapitre 9 ; les choses se comparent
aussi entre elles d'après un principe externe, soit selon qu’elles sont
contenues sous une partie soit qu'elles sont contenues sous une mesure et
c’est là ce dont il traite au chapitre 10, intitulé de la Toute-Puissance et
de l'Ancien des jours ; cette séquence est suivie de considérations sur la
paix et la tranquillité de l’ordre et c’est pourquoi au chapitre onze Denys
traite de la paix. 265.
Mais au sujet de la finalité à laquelle les choses sont ordonnées, il faut
considérer deux aspects différents : tout d’abord, la providence de celui qui
les gouverne et les ordonne à leur finalité et c’est de cela dont il est
question au chapitre 12, où il traite du Roi des rois, du Seigneur des
seigneurs ; ensuite, il faut considérer la finalité elle-même à laquelle les
choses parviennent grâce à celui qui exerce la providence et le gouvernement,
ce dont il est question au chapitre 13, là où il traite du parfait et de
l’un. 266.
Pour saisir le contenu de ce chapitre 4, il faut savoir que les opposés
relèvent d’un même examen ; et comme le mal est l’opposé du bien, c’est dans
le chapitre où il traite du bien qu’il examine aussi ce qu’il en est du mal (leçons
13 à 23). De même, puisqu’on connaît l’acte par son objet, les deux font
aussi partie de la même étude ; mais le bien est l’objet propre de l’amour et
c’est pourquoi, dans ce chapitre sur le bien, il traite aussi de l’amour et
de l’extase, ce dernier étant un effet de l’amour comme nous le verrons,
ainsi que du zèle qui désigne une certaine intensité de l’amour (leçons
9 à 12). Pareillement, comme le bien est ce que tous désirent, tout ce qui
comporte un rapport avec le désir se rapporte aussi à la notion de bien, ce
qui est le cas pour la lumière et le beau, dont il traite aussi dans ce
chapitre (leçons 3 à 8). Et c’est tout cela que le titre de ce
chapitre veut exprimer : Du bien, de la
lumière, du beau, de l’amour, de l’extase et du zèle. 267.
Donc, en premier, dans ce chapitre, il établit la vérité sur le bien (leçons
1 et 2) ; et d’abord, il montre comment le bien existe en Dieu ;
deuxièmement, comment il est communiqué aux créatures, là où il dit (97) : C'est
à cause d’eux-mêmes… 268. Au
sujet du premier point, il fait deux choses : d’abord, il montre comment le
bien est attribué à Dieu ; ensuite, il apporte un exemple, là où il dit (96)
: Vraiment… 269. Il
dit donc en premier (95) qu’après avoir exposé ce qui précède, il faut déjà
faire porter notre discours sur le nom de ¨Bien¨, lequel est éminemment
attribué dans les saintes Écritures à la Divinité suprême, laquelle se
distingue par sa bonté de toutes les autres choses, ainsi qu’on le voit chez
Luc (18, 19) : ¨Personne n’est bon, si ce n’est Dieu seul¨. Et ce nom
est attribué à Dieu pour deux raisons : premièrement, parce que l’essence
même de Dieu est sa bonté, ce qui n’est pas le cas dans les autres êtres : en
effet c’est par son essence même que Dieu est bon, alors que les autres ne le
sont que par participation ; chaque chose en effet est bonne selon qu’elle
existe en acte ; mais c’est le propre de Dieu d’être son existence même, d’où
il suit que lui seul est sa bonté. De plus, les
autres choses, même si elles sont bonnes dans la mesure où elles existent,
recherchent la perfection de leur bien au moyen de dimensions qui s’ajoutent
à leur existence ; mais Dieu, dans son existence même possède sa bonté dans
toute sa perfection. Aussi, les autres êtres ne sont bons que par rapport à
quelque chose d’autre qui est leur fin ultime ; mais Dieu n’est pas ordonné à
une finalité extérieure à Lui. Ainsi donc, la première propriété de la bonté
divine, c’est que sa bonté même est son essence ; la seconde, c’est qu’elle déploie
sa bonté dans toutes les autres choses au sujet desquelles on peut dire
que leur existence provient par participation de Celui dont l’essence même
est d’exister. 270.
Ensuite, lorsqu’il dit (96) : Et
vraiment…il manifeste par un exemple ce qu’il avait dit au sujet de la
diffusion de la bonté divine dans les autres choses en disant que de même que
dans notre monde matériel notre soleil
illumine, par sa seule existence naturelle, et non par
l’exercice d’un raisonnement ou d’un choix qui porterait sur une chose plutôt
que sur une autre, tout ce qui peut participer de sa lumière dans les
limites de sa nature, de même le bien
qui est Dieu, lequel est l’archétype,
c’est-à-dire l’exemplaire ou la figure principale et qui dépasse en excellence le soleil qui n’est qu’une image obscure et appauvrie de Dieu, répand par sa seule essence sur
tous les êtres et dans les limites de leur nature les rayons de sa
bonté pour tout ce qui se rapporte à leur bien. 271. Et
il faut considérer que ce qu’il avait dit du soleil, à savoir que ce n’est
pas par l’exercice d’un raisonnement ou d’un choix qu’il éclaire, il ne
l’applique pas à Dieu ; mais tout comme il avait dit du soleil que c’est par
son être même qu’il illumine, de même il ajoute au sujet de Dieu que c’est
par son essence même qu’il transmet à tous sa bonté. En effet, même si le
soleil avait une intelligence et une volonté, son être ne serait pas son
intelligence et sa volonté et c’est pour cela que ce qu’il fait par son être,
il ne le ferait pas par son intelligence et sa volonté. Mais l’être de Dieu
est l’acte même de son intelligence et de sa volonté et c’est pour cela que
ce qu’Il fait par son être, il le fait par son intelligence et sa volonté. Et
c’est pourquoi il dit avec insistance que Dieu dépasse le soleil comme l’archétype qui transcende une image obscure. 272.
Ensuite, lorsqu’il dit (97) : C'est à cause de ceux-ci…, il montre comment la bonté se trouve à être
diffusée par Dieu dans les créatures ; et d’abord, il montre comment elle se
retrouve dans les Anges ; deuxièmement, comment elle se retrouve dans les
âmes rationnelles, là où il dit (105) : Mais
après celles-là… ; troisièmement, comment on la retrouve dans les autres
créatures corruptibles, là où il dit (108) : Mais au sujet d’elles-mêmes…(leçon 2a) ; quatrièmement, comment
on la retrouve dans la matière première, là ((111) où il dit : Mais si au-dessus de tout… ; enfin,
comment on la retrouve dans les corps célestes, là où il dit (112) : Mais pour nous… 273. Au
sujet du premier point, il fait deux choses : d’abord, il montre comment le
bien se retrouve dans les Anges conformément à ce qu’ils sont ; deuxièmement,
que ces derniers sont soumis à une règle et à un ordre qui leur sont propres,
là où il dit (102) : D'où il suit que
c'est à eux… 274. Au
sujet du premier point, il fait trois choses : d’abord, il montre de quelle
manière le bien se retrouve dans les Anges dans les limites de leur nature ;
deuxièmement, comment il s'y retrouve à la mesure de leur conservation dans
l’être, là où il dit (100) : Et leur
permanence… ; troisièmement, à la mesure du rapport à leur finalité, là
où il dit (101) : Et désirant… 275. Au
sujet du premier point, il fait trois choses : d’abord, il montre comment
c’est de la bonté divine qu’ils tirent leur l’être ; deuxièmement, comment
c'est d'elle aussi qu'ils tirent leur vie, là où il dit (98) : C’est encore à cause de ceux-ci qu’ils
sont… ; troisièmement, comment ils en tirent enfin leur intelligence, là où
il dit (99) : Et comme ils sont
incorporels… 276. Il
dit donc en premier (97) que c’est à cause de ces rayons, c’est-à-dire à
cause de la diffusion de la bonté divine, que les créatures célestes, dans
lesquelles on retrouve à la fois substance, puissance et opération, ont été
produites dans une existence qui subsiste, ainsi que nous l’avons dit au
onzième chapitre de La Hiérarchie
céleste. Et ces créatures célestes, on les appelle à la fois intelligibles, selon qu’elles sont en
acte quant à leur nature, et intellectuelles
selon qu’elles sont en acte quant à l’opération de leur intelligence, bien
que les Platoniciens divisaient les substances séparées en intelligibles et
intellectuelles. Car c’est au moyen d’une participation à l’intelligible que
l’intelligence pose son opération et c’est pourquoi la substance intelligible
est plus séparée et élevée que la substance intellectuelle. Et d’après cette
distinction, on pourrait dire que Denys désignait par substances
intelligibles les Anges les plus élevés et par substances intellectuelles les
Anges inférieurs. Mais on s’exprime mieux si on entend par intelligibles ce qui peut être compris
et par intellectuels les sujets qui
comprennent. 277.
Ensuite, lorsqu’il dit (98) : À cause
de ceux-ci…, il poursuit son propos en enchaînant avec la vie des Anges
et il dit que grâce à cette
diffusion de la bonté divine, les Anges ne possèdent pas seulement l’être,
mais aussi la vie, et une vie supérieure à la nôtre, une vie qui ne vient pas
à manquer par la mort, contrairement à la nôtre quand elle disparaît. En
effet, cela se rencontre chez les vivants inférieurs car ils sont assujettis
à la génération et à la corruption, ainsi qu’aux changements de quantité et
de qualité par lesquels les choses deviennent instables, s’évanouissent et se
retrouvent dans des états divers ; et cela se rencontre dans les réalités
inférieures car elles sont composées de matière ; mais les Anges, qui sont
élevés au-dessus de toutes ces réalités, en sont dégagés. 278.
Ensuite, lorsqu’il dit (99) : Et comme
ils sont incorporels…, il poursuit en examinant leur intelligence : et
tout d’abord, il examine comment ils sont intelligibles en disant qu’ils sont compris comme des réalités
incorporelles et immatérielles. En effet les corps sont de nature
sensible et on peut s'en former des images, mais ils ne sont pas
intelligibles en acte ; de même, aucune forme existant dans la matière n’est
intelligible en acte, mais elle ne l’est qu’en puissance. C’est pourquoi les
Anges sont intelligibles en acte, puisqu’ils sont incorporels et immatériels.
Deuxièmement, il montre comment les Anges posent leur opération
intellectuelle et il affirme qu’ils
comprennent d’une manière qui est au-dessus de celle qui appartient à notre
monde, c’est-à-dire à la manière d’esprits
et d’intelligences séparées, à savoir selon un mode qui dépasse celui par
lequel nous comprenons. En effet, du fait qu’elle existe dans un esprit, une
forme immatérielle est comprise ; mais si elle est un esprit qui subsiste,
elle comprend. Troisièmement, il dit ce qu’ils comprennent et d’où cela leur
vient. Et il dit que ces esprits, les Anges, sont immédiatement illuminés par Dieu sur les causes intelligibles d'une manière
directe, c'est-à-dire au moyen des causes intelligibles elles-mêmes des êtres, car c’est au moyen des
causes intelligibles qui leur sont données par Dieu qu’ils arrivent à
posséder une connaissance des choses, et non pas en recueillant ces causes à
partir des choses comme nous le faisons. Quatrièmement, il ajoute que ces
raisons propres qu'ils tiennent de Dieu, ils les transmettent à ceux qui leur sont le plus proches à
l’intérieur de leur genre, selon que les Anges supérieurs manifestent aux
inférieurs ce qu’ils ont compris. 279.
Ensuite, lorsqu’il dit (100) : Et leur
permanence …, il présente ce qui se rapporte à leur conservation, à
savoir cinq points, au moyen d’une similitude tirée des réalités corporelles
: en effet les réalités corporelles, en tant que substances, possèdent une
demeure dans le lieu ; les anges, quant à eux, c’est au moyen de l’opération
de leur intelligence et de leur volonté dans les réalités qu’ils saisissent
et qu’ils aiment qu’ils trouvent leur demeure
ou leur habitation, conformément à ce passage de l’Apôtre aux Philippiens (3,
20) : ¨C’est dans les cieux que nous
nous tenons¨. Mais l’habitation corporelle a besoin de fondations sur
lesquelles s’appuyer et trouver solidité ; de même, la demeure de
l’intelligence se fonde sur la première Vérité intelligible et celle de la
volonté sur la fin ultime ; et c’est pourquoi Denys dit que c’est de la bonté divine qu’ils tirent non
seulement leur demeure, mais aussi leur stabilité
ou leur ¨fondation¨, d’après une autre traduction, celle de Jean Scot. À
l’inverse, les êtres corporels inférieurs sont maintenus sous la classe des
supérieurs et de même les Anges sont conservés en subordination à la divine
Providence ; mais c'est de Dieu seul qu'on peut dire à la fois qu'il se
conserve et qu'il conserve ; et c’est pourquoi il ajoute : et la conservation. Pareillement, dans
la mesure où elles sont corruptibles, les réalités corporelles ont besoin de
protections pour éviter la corruption ; et les Anges ne sont pas assujettis
au changement quant à leur substance mais seulement quant à leur volonté et
c’est pourquoi ils ont besoin d’être protégés par Dieu afin que leur volonté
ne soit pas détournée de l’ordonnance divine et c’est ce que Denys veut dire
lorsqu’il ajoute : et la protection.
De même, les vivants qui ont un corps ont besoin d’une restauration par
laquelle ils soient conservés en bon état ; de la même manière, les Anges
sont conservés dans l’être du fait que leur intelligence et leur volonté sont
rassasiées par la joie divine et la contemplation des intelligibles ; et
c’est pourquoi, en cinquième lieu il ajoute : et nourris des biens. 280.
Ensuite, lorsqu’il dit (101) : Et la
désirant…, il poursuit son propos en montrant comment le bien se retrouve
dans les Anges quant à leur ordonnance à une finalité. En effet, la bonté
divine tourne toutes les choses à elle-même, ainsi que nous l’avons dit (269)
et c’est pourquoi les Anges, mus par cette Bonté, la désirent ; non parce
qu’ils en sont privés comme les êtres imparfaits mais parce qu’ils possèdent
au contraire quant à eux-mêmes à la fois l’être et le bien-être,
qu’ils sont façonnés par la Bonté divine et qu’ils possèdent une forme
achevée à l’image de Dieu, dans la mesure où ils communiquent aux êtres
inférieurs les biens qui leur sont parvenus de la part du Bien le plus
parfait, ainsi que la loi de Dieu les y
entraîne. En effet, la loi divine nous prescrit de transmettre aux êtres
inférieurs les biens que nous recevons de Lui pour que nous nous conformions
ainsi à sa Bonté d’où tous les biens découlent. 281.
Ayant présenté ce que les Anges recherchent grâce à la Bonté divine et qui
convient à leur nature, il présente d’abord ici (102) ce qui se rapporte à
eux selon qu’ils sont contenus dans un ordre, lorsqu’il dit : D'où il suit
que c'est à eux… ; deuxièmement, ce qui se rapporte à eux selon qu’ils
font partie d’une hiérarchie, là où il dit (103) : Mais toutes… ; troisièmement, ce qui leur convient d’après
l’appellation commune d’Ange qui leur est attribuée, là où il dit (104) : De laquelle… 282. Il
dit donc en premier que c’est par la Bonté divine que sont attribuées aux
substances angéliques des hiérarchies qui ne sont pas de ce monde et
d’après lesquelles on dit que certaines font partie des Séraphins, certaines
des Chérubins et que certaines autres font partie de d’autres ordres. 283. Il
faut cependant considérer que trois choses se rencontrent dans un même ordre
: d’abord, la différence dans l’harmonie ; deuxièmement, la coopération ;
troisièmement, la finalité. Mais je dis la distinction dans l’harmonie, car
où il n’y a pas de différence, il n’y a pas non plus d’ordre ; mais si les
choses qui diffèrent n’avaient rien en commun, ils ne pourraient pas faire
partie d’un même ordre. Il faut donc que les Anges qui sont d’un même ordre
soient unis entre eux pour autant qu’ils sont contenus sous un même ordre et
c’est ce que Denys veut signifier en disant : des unions mutuelles. Cependant, certaines réalités sont unies
dans un même ordre sans qu’il y ait contact ou continuité entre elles, comme
la maison dans la cité ou les cités dans le royaume ; mais l’union des Anges
dans un même ordre comporte un contact ou même une continuité et c’est
pourquoi Denys ajoute : des saisies
mutuelles ; c’est-à-dire qu’un Ange en saisit un autre en lui à la fois
par l’intelligence et la volonté. Mais une telle union ne fait pas
disparaître les différences conformes aux propriétés découlant de la
substance de chacun et c’est pourquoi il ajoute : des distinctions sans confusion. 284. Et
comme chaque substance possède son opération propre ainsi dans chaque ordre
il faut admettre qu’il y ait une coopération entre ceux qui font partie du
même ordre ; et trois conditions sont requises à cette coopération :
premièrement, il faut que les êtres inférieurs s’élèvent vers leurs
supérieurs pour s’y soumettre et être aidés par eux et c’est ce que Denys
veut signifier en disant que c’est à la Bonté divine qu’il appartient de conduire les puissances des sujets,
c’est-à-dire des substances inférieures, de
bas en haut, c’est-à-dire de les élever à ce qu’il y a de meilleur, à savoir aux substances
supérieures. Deuxièmement, il faut que les substances supérieures pourvoient
au bien des inférieures et c’est là ce à quoi se réfère Denys lorsqu’il dit :
la providence des anciens, à savoir
des supérieurs, à l’égard de leurs
subordonnés, à savoir des substances inférieures. Et afin que personne
n’oublie de tendre ainsi vers les supérieurs et les inférieurs qui sont les
leurs, il ajoute une troisième condition, à savoir que chacun soit attentif à
la conservation de la puissance qui lui est propre et c’est ce qu’il veut
dire par ces mots : la garde de ce qui
est propre à la puissance de chacun, c’est-à-dire des caractéristiques
qui appartiennent en propre à la puissance de chacun, afin que chacun se
conserve dans son rang. 285. En
effet, à toute finalité comme à tout ordre correspond une opération.
Cependant, pour les réalités qui sont d’un même ordre, il y a deux sortes de
finalité à distinguer : à savoir une qui se tient du côté des choses
ordonnées elles-mêmes, pour autant qu’elles sont ordonnées les unes aux
autres, et qui consiste dans les dispositions qu’elles entretiennent les unes
à l’égard des autres ; et c’est de cette finalité dont Denys parle lorsqu’il
dit : et leurs cycles immuables,
c’est-à-dire leurs révolutions autour
d’elles-mêmes. Et à ce sujet il faut considérer que, puisque le mouvement
circulaire est simple dans sa totalité, il possède en chacune de ses parties
un commencement et une fin en puissance seulement et non en acte ; mais le
mouvement rectiligne se distingue en ce qu’il possède un début et un terme en
acte, ainsi qu’une distance déterminée entre les deux. Ainsi donc, les
opérations intelligibles des Anges sont appelées cycles en raison de leur
simplicité : en effet, les opérations intelligibles des Anges possèdent
quelque chose de la perfection du cercle, à savoir la simplicité, sans être
touchées par ce qui relève de son imperfection, à savoir le changement ; et
c’est pourquoi il parle à leur sujet de cycles immuables, selon qu’un Ange
comprend et aime un autre Ange. La deuxième finalité est le bien qui règle un
ordre et, conformément à cette dernière finalité, ainsi que le chef est la
finalité de l’armée, de même Dieu est la finalité des Anges contenus sous un
ordre ; et c’est de cette finalité dont il est question quand Denys dit : au sujet de leur désir du bien,
c’est-à-dire de Dieu, ils sont les
mêmes, car tous s’accordent en cela qu’ils se rapportent à cette finalité
soit toujours et de la même manière ; et
sublimes, parce que tous leurs désirs sont subordonnés à ce désir
supérieur ; ou encore grands, selon
la traduction de Jean Scot, parce qu’il désirent Dieu d’un désir plus grand
que tous les autres. Et non seulement ces désirs qui leur conviennent sous le
rapport de l’ordre leur viennent de la Bonté divine, mais il en est de même de toutes les autres caractéristiques dont
nous avons parlé dans le livre de La Hiérarchie des Anges, dans lequel il
est question des propriétés et des
ordres angéliques. 286.
Ensuite, lorsqu’il dit (103) : Mais
toutes…il passe en revue ce qui appartient à la notion de hiérarchie et
il dit que c’est encore de la cause et
de la Bonté divine de tout ce qui existe, source de toute bonté, que les
Anges tiennent toutes les opérations
qui leur conviennent en vertu de leur hiérarchie céleste. Mais il faut
considérer qu’une hiérarchie est une dignité sacrée et comme il appartient au
prince de diriger, l’action de la hiérarchie consistera à conduire au sacré ;
et conformément à cela, il existe trois sortes d’actions hiérarchiques, à
savoir les purifications,
c’est-à-dire les purgations ; les
illuminations qui ne sont pas de ce monde ; et les actions qui conduisent
à l’achèvement de toute la perfection angélique. Mais un Ange en purifie ou
en purge un autre non pas de la souillure d’une faute car il n’en existe pas
chez eux, mais de l’ignorance, ainsi que Denys le dit lui-même au septième
livre de La Hiérarchie céleste. En
effet, les Anges supérieurs voient Dieu plus clairement que les inférieurs
et, magnifiés par Lui, ils sont remplis d’une lumière qui leur révèle une
multitude de mystères. La purgation se rapporte donc à la disparition de
l’ignorance ; l’illumination à la communication de la lumière divine ; et la
perfection à la connaissance des vérités connues par cette lumière. 287. En
vérité, parce que les substances supérieures se rejoignent en ceci qu’on les
appelle Anges, bien qu’ils diffèrent les uns des autres selon des ordres et
des hiérarchies, Denys présente par la suite la raison de ce nom lorsqu’il
dit (104) : c'est à partir de cette
bonté…Et à ce sujet il faut considérer que tout comme nous ne pouvons pas
regarder directement la lumière du soleil à cause de son extrême intensité
mais seulement à travers les nuages ou sur les montagnes éclairées par lui,
et qu’ainsi c’est par des intermédiaires de cette sorte que nous est
manifestée sa clarté, de même la Bonté elle-même, puisqu’elle est située au
sommet le plus élevé des êtres, ne peut être contemplée directement par nous
à cause de l’excellence de sa clarté ; mais dans la mesure où sa ressemblance
se retrouve dans les Anges, elle se trouve à nous être plus accessible et
d’une certaine façon c’est à travers eux que se révèle à nous la clarté de la
Bonté divine. Et c’est ce que Denys entend lorsqu’il dit que c’est la Bonté
divine elle-même qui donne aux substances supérieures la forme du Bien, c’est-à-dire la conformité à la Bonté divine et
que c’est à cause de cela que la Bonté divine se découvre en eux. Ainsi donc,
d’une manière, les Anges manifestent la Bonté
divine puisque c’est en eux que se reflète l’image de cette Bonté et c’est
pour cela qu’on peut les appeler des témoins de Dieu. 288.
Mais en plus de cela, on les appelle Anges, c’est-à-dire messagers, selon
qu’ils manifestent Dieu dans l'action qui lui est propre ; et ils font cela
de deux façons : d’abord certes par mode de parole ; et c’est ce que Denys
dit à leur sujet : les
révélateurs du silence divin. Il est manifeste en effet qu’une conception
du cœur ou de l’intelligence sans la voix demeure silencieuse et que c’est
par les sons de voix que ce silence du cœur trouve à s’exprimer. Et tout
comme les sons de voix extérieurs nous sont plus connus et moins simples que
les concepts intérieurs de l’esprit, de même tous les modes d’expression nous
sont plus connus et moins simples que la conception du verbe divin. Ainsi
donc, alors que les Anges nous manifestent quelque chose de la Sagesse divine
soit par une parole sensible, soit selon une apparition appropriée, soit
selon une parole intelligible, car ils s’entretiennent entre eux, ils
demeurent toujours les messagers du silence
divin. Deuxièmement, ils sont messagers par mode d’illumination ; et
c’est ce que Denys ajoute, à savoir que les substances angéliques nous sont
présentées comme des lumières
brillantes et révélatrices de Dieu, à savoir d’une lumière divine et secrète, c’est-à-dire qui nous est
cachée. Mais immédiatement après, il est nécessaire que ce qui a été exprimé
à quelqu’un soit compris de lui. Donc, pour que ce qui nous a été exprimé par
les Anges puisse être saisi par notre intelligence, il faut qu’au moyen de la
clarté même de leur lumière ils nous aident à saisir les mystères de Dieu. 289.
Ensuite, lorsqu’il dit (105) : Mais après
celles-là…, il expose comment la Bonté divine se reflète dans les âmes
rationnelles et il dit que c’est à
cause de la Bonté de Dieu qui dépasse
toute bonté que les âmes, ainsi que
tout ce qui se rattache à elles, possèdent de la bonté ; mais selon un rang
inférieur, à savoir qu’en bonté elles viennent après ces esprits saints et admirables que sont les Anges ; et d’abord, il présente trois
traits qui se rapportent à la nature de ces âmes, à savoir qu’elles sont intellectuelles et qu’elles possèdent une vie substantielle, c’est-à-dire
qu’elles peuvent subsister par elles-mêmes et que leur être ainsi que leur puissance
propre ne peuvent être consumés,
puisqu’elles sont immortelles et incorruptibles. 290.
Deuxièmement (106), il montre la relation que ces âmes entretiennent avec les
Anges ; et il présente trois rapports : premièrement, elles se prolongent
dans la vie des Anges, dans la mesure où elles participent de leur
ressemblance ; ensuite, au moyen de ces Anges, comme au moyen de bons guides, elles s’élèvent à la plus haute
suprématie de tous les biens : il
en est ainsi en effet dans les choses humaines où ceux qui se soumettent à
l’imitation et au service de leurs guides le font pour qu’au moyen de ceux-ci
ils se conforment à la plus haute autorité ; enfin, à partir de là, c’est-à-dire au moyen des Anges, les âmes
participent, dans les limites de leurs
capacités, aux illuminations
qui émanent de Dieu tout comme dans
les choses humaines les directives et les préceptes du Roi parviennent au
peuple par l’intermédiaire de ses chefs. 291.
Troisièmement (107), Denys touche à la relation des âmes à Dieu ; et il dit
que les âmes qui sont conformes à Dieu participent, selon leur nature propre,
du don de la grâce qui a la forme de Dieu ; et non seulement les âmes,
grâce à la Bonté de Dieu, jouissent de cela mais aussi de tout ce dont il a fait mention dans son traité intitulé ¨De l’Âme¨, traité que nous n’avons plus
en notre possession. |
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LECTIO 2 [84845] In De divinis
nominibus, cap. 4 l. 2 Determinatis his quae rationales creaturae de
divina bonitate participant, hic accedit ad irrationales creaturas ; et
primo, prosequitur ea quae pertinent ad animalia irrationalia et dicit
: si oportet loqui non solum de nobilibus creaturis, sed
etiam de ignobilibus, ut puta de irrationalibus animabus aut
animalibus, sciendum est quod quaedam eorum aera secant volando,
ut aves ; quaedam vero habent motum in terra et hoc dupliciter : quaedam
enim vadunt, idest ambulant, ut animalia quadrupedia ; quaedam
vero in terra extenduntur, idest per sui corporis extensionem
moventur, ut reptilia ; quaedam sunt sortita vitam in aquis, ut
pisces ; aut ambigue, sicut quaedam animalia, quae, nunc in
aquis, nunc in terra, vivunt ; quaedam vero vivunt sub terra, ut talpae
; et pulvere affecta, ut quidam vermes qui sub pulveribus
inveniuntur. Tam ista quam quaecumque alia universaliter habent substantiam
et vitam sensibilem, quod sunt et quod sic vivunt, ex divina
bonitate habent. Deinde, cum dicit : et plantae et cetera,
prosequitur de plantis ; et dicit quod omnes plantae ex divina bonitate
habent vitam, non quidem sensibilem, sed quae attenditur secundum nutritionem
et motum augmenti et decrementi. Deinde, cum dicit : et quaecumque et
cetera, prosequitur de inanimatis ; et dicit quod omnis substantia inanimata
et non vivens ex divina bonitate habet quod sit et quod substantialem obtineat habitum,
idest quod se habeat ut subsistens, per quod excedit accidens. Deinde, cum
dicit : si autem et cetera, prosequitur de materia prima.
Circa quod considerandum est quod Plato correxit errorem antiquorum
naturalium, qui non distinxerunt inter materiam et formam in rebus
generabilibus et corruptibilibus, ponentes primam materiam esse aliquod
corpus in actu, ut ignem aut aerem aut aliquod huiusmodi. Intellexit enim Plato formae corporali subesse materiam quae in sui
essentia non habet aliquam speciem ; sed tamen materiam a privatione non
distinxit, ut Aristoteles dicit in I physicorum. Unde tam ipse quam sui
sectatores materiam appellabant non-ens, propter privationem adiunctam. Et
hoc modo loquendi etiam Dionysius utitur, quamvis secundum Aristotelem
necessarium sit materiam a privatione distinguere, quia materia quandoque
invenitur sub forma, quandoque sub privatione ; unde privatio adiungitur ei
per accidens. Item, considerandum est, secundum Platonicos,
quod quanto aliqua causa est altior, tanto ad plura se extendit eius
causalitas. Unde oportet quod id quod est primum subiectum in effectibus,
idest materia prima, sit effectus solius primae causae quae est bonum,
causalitate secundarum causarum usque ad hoc non pertingente. Omne autem causatum convertitur in suam causam per desiderium, unde
materia prima desiderat bonum, secundum quod desiderium nihil aliud esse
videtur quam privatio, et ordo ipsius ad actum. Rursus, considerandum est
quod sicut materia prima dicitur informis per defectum formae, sic informitas
attribuitur ipsi primo bono, non per defectum, sed per excessum ; et sic,
secundum quamdam remotam assimilationem, similitudo causae primae invenitur in
materia prima. Secundum hoc ergo Dionysius dicit quod Deus, cum
sit super omnia existentia, format res, inquantum est bonum
et carens forma per excessum ; et hoc manifestat per singula : in
ipso enim solo Deo invenitur quod est excessus
substantiae ; quia, inquam, excellenter subsistit ; et hoc dicitur non-existens ut
alia ; similiter, cum sit excedens vita, dicitur non-vivens
; et, cum sit excellens sapientia, dicitur sine mente et
similiter de omnibus aliis quaecumque sunt in bono, scilicet Deo,
de numero non formatorum, per negationem dicta et deinde
sunt excedentis formationis, quia illae formae in eo sunt per
excessum ; et, si fas est dicere, illud bonum quod est
super omnia existentia et non-existens, ut dictum est, desiderat
ipsum non-existens, idest materia prima, inquantum desiderat formam quae
est similitudo divini esse et certat aliquo modo in bono, idest
ut primo bono assimiletur, quae quidem communicatio nihil aliud est quam
inclinatio ipsius ad formam ; et communicat ut sit id, scilicet ens et bonum quod
vere idest essentialiter praedicatur de substantiali bono, quod
nominatur secundum ablationem ab omnibus per nomina
negativa, non propter defectum, ut materia prima, sed propter excessum.
Deinde, cum dicit : sed quod nos et cetera, prosequitur de
corporibus coelestibus de quibus tractare effugerat et primo in medio.
Requirebat enim consequentia ordinis ut inter substantias incorporeas
incorruptibiles et substantias corporeas corruptibiles, tractaretur de
substantiis corporeis incorruptibilibus, sed propter adiunctionem animarum ad
corpora corruptibilia, praedictum ordinem praetermisit. Circa corpora autem
coelestia, primo ponit quae pertinent ad ipsas spheras coelestes ; et ponit
tria : primo, habitudinem ipsorum ad inferiora, nam sunt corpora coelestia
principia activa respectu corporum generabilium et corruptibilium et terminus
discretivus uniuscuiusque eorum praefigitur secundum corpora coelestia ; et
hoc est quod dicit, quod bonum divinum est causa
coelestium principiorum et terminationum. Secundo, ponit quod pertinet ad
modum substantiae eorum ; circa quod, sciendum est quod quidam antiqui,
credentes corpora coelestia naturae igneae, posuerunt ea cibari et nutriri
vaporibus ex terra et aquis resolutis et, per hunc modum, conservari
coelestia corpora, sicut conservatur ignis per appositionem lignorum ; et ad
hoc removendum, dicit quod bonum divinum est causa huius,
scilicet coelestis corporis, non augmentabilis, scilicet per
aliquam appositionem et non minorabilis per aliquam
consumptionem et tamen invariabilis quia secundum suam
substantiam alterari non possunt. Tertio, ponit quod pertinet ad motus
ipsorum, ex quibus Pythagorici dicebant sonos quosdam harmonicos provenire.
Sed hoc ipse excludens, dicit quod bonum est causa maximae revolutionis motuum
coeli, quae est sine sono, si ita oportet dicere ; aliqui enim
contrarium dixerunt. Deinde, ponit ea quae pertinent ad stellas fixas, in
quibus quatuor sunt consideranda : primo, ordinationes earum ad invicem,
secundum distantiam et propinquitatem et situm, prout ex eis diversae figurae
constituuntur ; secundo, pulchritudo earum quae est per claritatem, figuram
et quantitatem ; tertio, lumina earum, secundum quod per suos radios effectum
in istis inferioribus habent ; quarto, collocationes earum, secundum quod, in
sphera sua, immobiliter figuntur. Deinde, ponit quod pertinet ad quinque
planetas, scilicet Saturnum, Iovem, Martem, Mercurium, Venerem et dicit quod
divinum bonum est causa motus multi transitivi horum astrorum. Vocat autem motus horum astrorum transitivos, quia non servant eamdem
figuram secundum situm neque ad se invicem neque ad alias stellas fixas, sed
transeunt de figura in figuram, cum quandoque inveniantur in ariete,
quandoque in tauro aut in aliquo alio signo. Attribuit autem eis
multitudinem motuum, quia id quod apparet sensibiliter de motu uniuscuiusque
eorum, oportet quod resultet ex multis motibus ; cum quandoque tardius
sensibiliter moveri videantur ; quod invariabilitas coelestium corporum non
patitur. Ultimo, prosequitur de luminaribus, idest de sole et luna ; et dicit
quod divinum bonum est causa circularis motus duorum luminarium,
idest solis et lunae quae vocat sacra Scriptura : magna, secundum
quod motus circulares restituuntur ab eisdem signis ad eadem. Et secundum
haec luminaria, distinguuntur a nobis dies et noctes et
mensurantur anni et menses, determinant, idest distinguunt et
numerant idest mensurant et ordinant secundum prius
et posterius et continent secundum certam
illuminationem, circulares motiones temporis et omnium quae
moventur in tempore. Dicit autem circulos temporis, secundum quod de mane
redeunt ad mane et de vere ad ver. Manifestum est autem quod per
distinctionem annorum et mensium et dierum et motuum distinguimus ea quae
aguntur in uno tempore ab his quae aguntur in alio et per eadem etiam scimus
quantitatem temporis et actionis, secundum quod pluribus aut paucioribus
diebus, mensibus et annis durat. Scitur etiam quid prius vel posterius
agatur, ex hoc quod illo die, mense, vel anno est actum. Principium etiam et
terminationem uniuscuiusque durationis, secundum certum diem et mensem et
annum distinguuntur et per hoc dicuntur continere omnia quae aguntur in
tempore. |
Leçon 2 (12a) : Comment le Bien se retrouve dans les autres créatures corruptibles.292.
Ayant montré comment les créatures rationnelles participent de la Bonté
divine, Denys aborde ici (108) les créatures irrationnelles ; et d’abord, il
s’attache à décrire ce qui se rapporte aux animaux irrationnels en disant : s’il faut parler non seulement des créatures
nobles, mais aussi des inférieures, c’est-à-dire des âmes irrationnelles ou des brutes, il faut noter que certaines
d’entre elles fendent l’air en
volant, comme les oiseaux ; certains d’autre part se meuvent sur la terre et cela de deux façons :
certains en effet marchent ou se
promènent, comme les animaux quadrupèdes ; d’autres rampent sur le sol, c’est-à-dire qu’ils se
meuvent au moyen d’une extension de leur corps, comme les reptiles ; d’autres
habitent les eaux, comme les
poissons ; d’autres se meuvent de deux
façons comme les amphibiens qui vivent tantôt dans l’eau, tantôt sur
terre ; d’autres vivent sous terre,
comme les taupes ; et ceux qui sont ensevelis
sous les poussières , comme certains vers qu’on retrouve sous la terre.
Tant ceux-là que tous les autres qui ont une essence et une vie sensible, tirent leur être et leur
vie de la Bonté divine. 293.
Ensuite, lorsqu’il dit (109) : Et les
plantes…, il enchaîne avec les plantes ; et il dit que c’est de la Bonté
divine que toutes les plantes tiennent
la vie, non une vie sensible, mais qui doit s’entendre seulement selon la
nutrition et le mouvement de croissance et de décroissance. 294.
Ensuite, lorsqu’il dit (110) : Et toute…il
continue avec les êtres inanimés ; et il dit que c’est de la Bonté divine que
toute substance inanimée ou non vivante tient à la fois son
existence et sa manière d’exister à
titre de substance, en quoi elle
dépasse l’accident. 295.
Ensuite, lorsqu’il dit (111) : Si
cependant…il poursuit avec la matière première. Et à ce sujet il faut se
rappeler que Platon corrigea l’erreur des anciens naturalistes qui n’avaient
pu faire la différence entre la matière et la forme dans les choses sujettes
à la corruption et à la génération lorsqu’ils affirmaient que la matière
première était un corps qui existait en acte, comme le feu ou l’air ou
quelque autre corps de ce genre. En effet Platon comprit que la matière, qui
par définition n’appartient à aucune espèce, est comme le substrat d’une
forme corporelle ; mais cependant il ne parvint pas à faire la différence
entre matière première et privation, ainsi que le souligna Aristote au
premier livre de son traité des
Physiques. C’est pourquoi tant lui-même que ses disciples nommèrent la
matière ¨non-être¨ à cause de la privation qui lui est rattachée. Et même
Denys utilise cette manière de parler, bien que selon Aristote il soit
nécessaire de distinguer la matière de la privation car la matière se
retrouve parfois sous la forme, parfois sous la privation ; c’est donc par
accident que la privation est unie à la matière. 296. De
plus, il faut considérer, conformément à ce que disent les Platoniciens, que
plus une cause est élevée, plus elle s’applique à un grand nombre de
réalités. D’où il faut que la matière première, qui tient lieu de premier
sujet dans les effets, soit elle-même l’effet de la seule Cause première qui
est le bien, la causalité des causes secondes étant d’elle-même incapable de
parvenir à cet effet. Cependant, c’est au moyen du désir que tout effet se
tourne vers sa cause, d’où il suit que la matière première désire le bien,
selon que le désir ne semble être rien d’autre que la privation et
l’ordonnance de cette dernière à l’acte. 297. À
l’inverse, il faut penser que comme on dit de la matière première qu’elle est
informe en raison d’un défaut de forme, on peut dire de même du premier Bien
qu’il est informe en raison d’une démesure et non d’un défaut de forme ; et
ainsi, d’après cette ressemblance lointaine, on retrouve une certaine
similitude entre la Cause première et la matière première. 298.
Donc, d’après cela, Denys dit que Dieu, qui
dépasse tout ce qui existe, forme
les choses, puisqu’il est le bien et que
c’est par démesure qu’on dit de Lui
qu’il n’a pas de forme ; et il montre cela par l’examen de cas
particuliers : c’est seulement en Dieu
lui-même que l’on retrouve la démesure
de la substance ; car, dit-il, Il subsiste de la manière la plus
excellente ; et c’est pourquoi il dit que Dieu n’existe pas comme les autres ; et de même, puisqu’Il est une vie illimitée, il l’appelle non vivant ; et, comme il est la
sagesse la plus excellente, il
l’appelle sans intelligence et il
fait de même pour toutes les autres
dénominations qu’on applique au bien, c’est-à-dire à Dieu, et qui font
partie de ce qui n’a pas été formé
; elles sont dénommées par mode de négation et de plus elles appartiennent à
une transcendance formatrice, car ces formes en Lui sont démesurées ;
et, s’il est permis de le dire, le non-être lui-même, à savoir la
matière première désire ce bien qui dépasse tout ce qui existe et
qui lui-même n’est pas un être
ainsi que nous l’avons dit, dans la mesure où elle désire la forme qui est
comme une image de l’être divin et cherche
ainsi à obtenir d’une certaine manière
le bien, c’est-à-dire à être assimilée au premier bien, et cette sorte de
relation n’est rien d’autre que l’inclination de la matière vers la forme ;
et elle veut communiquer avec la forme pour devenir cela, à savoir l’être et
le bien qui est vraiment ou
essentiellement attribué au bien substantiel, lequel est dénommé, par mode de retranchement de tout ce
qui existe, au moyen de noms qui expriment une négation non à cause d’un
défaut d’être comme c’est le cas pour la matière première, mais à cause d’une
démesure d’être. 299.
Ensuite, lorsqu’il dit (112) : Mais
pour nous… il poursuit avec les corps célestes dont la considération lui
avait échappé en milieu de
parcours. En effet, la suite de l’ordre exigeait que, entre les substances
incorporelles incorruptibles et les substances corporelles corruptibles, on
traite des substances corporelles incorruptibles mais en raison de l’ajout
des âmes aux corps corruptibles, il omit de suivre cet ordre. 300.
Mais au sujet des corps célestes, il expose ce qui se rapporte aux sphères
célestes elles-mêmes ; et il fait trois considérations ; d’abord, il parle de
la relation qui existe entre ces corps et les corps inférieurs, car les corps
célestes sont des principes actifs à l’égard des corps assujettis à la
génération et à la corruption et ce sont eux qui fixent à l’avance le terme
propre à chacun d’eux ; et c’est ce que Denys dit, à savoir que le bien divin
est cause des principes et des termes
des corps célestes. Deuxièmement, il présente ce qui se rapporte à la
modalité de leurs substances ; et à ce sujet, il faut savoir que certains parmi
les anciens, croyant que les corps célestes étaient de même nature que le
feu, affirmèrent que ceux-ci se nourrissaient des vapeurs dissoutes à partir
de la terre et des eaux et que c’était de cette façon qu’ils pouvaient se
conserver, comme le feu se conserve par l’ajout de bois ; et pour écarter
cette opinion, Denys dit que le bien divin est cause des corps célestes non
pas quant à leur augmentation, à savoir par l’ajout de quelque substance,
ni quant à leur diminution, à
savoir par mode de destruction, mais
d’une façon invariable car conformément à leur substance, ils ne peuvent
être assujettis au changement. Troisièmement, il présente ce qui se rapporte
à leurs mouvements d’où proviennent certains sons harmonieux, selon ce qu’en
disaient les Pythagoriciens. Mais Denys écarte aussi cette opinion en disant
que le bien est cause des plus grandes
révolutions des mouvements célestes,
lesquels sont silencieux, s’il faut le
dire ainsi ; car certains en effet dirent le contraire. 301.
Ensuite, il présente ce qui se rapporte aux étoiles fixes chez lesquelles il
considère quatre aspects : d’abord, les ordonnances qu’elles respectent les
unes à l’égard des autres selon la distance, la proximité et le lieu à partir
desquels diverses figures sont déterminées entre elles ; deuxièmement, leur
beauté qui est déterminée par leur éclat, leur figure et leur quantité ;
troisièmement, leur luminosité, selon que par leurs rayonnements elles
agissent sur les corps inférieurs ; quatrièmement, leur place selon que
chacune d'elles est fixée immobile dans sa sphère respective. 302.
Ensuite, il présente ce qui se rapporte aux cinq planètes, c’est-à-dire à
Saturne, Jupiter, Mars, Mercure et Vénus et il dit que le bien divin est
cause chez ces astres de plusieurs
mouvements passagers. Il dit que les mouvements de ces astres sont
passagers car ils ne gardent pas toujours la même figure ni selon le lieu, ni
les unes à l’égard des autres ou encore à l’égard des autres étoiles, mais
elles passent d’une figure à une autre ainsi que cela se produit parfois pour
la configuration du bélier, celle du taureau ou celle de tout autre signe. Et
il leur attribue une multitude de mouvements car les mouvements de chacun
d’eux apparaissent à nos sens comme le résultat d’une multitude de mouvements
puisque parfois à nos sens ils paraissent se mouvoir plus lentement, ce qui
est incompatible avec l’invariabilité des corps célestes. 303.
Finalement, il termine en parlant des luminaires, à savoir du soleil et de la
lune ; et il dit que le Bien divin est cause du mouvement circulaire de ces deux luminaires, c’est-à-dire du soleil et de la lune que
les saintes Écritures appellent grands
(Genèse 1, 16.), puisque leurs mouvements circulaires se rétablissent
toujours du même signe au même signe.
Et c’est d'après ces luminaires que nous
distinguons les jours et les nuits et que nous mesurons les années et les mois, et ce sont eux
qui permettent de déterminer ou de
distinguer, de compter ou de
mesurer et d'ordonner selon l’avant
et l’après, et de conserver,
conformément à un éclairage déterminé, les
mouvements cycliques du temps et de tout ce qui se meut dans le temps. Et
il parle de cycles du temps à cause de ces retours continuels du matin au
matin et du printemps au printemps. Mais il est évident que c’est grâce à la
distinction des années, des mois, des jours et des mouvements que nous
arrivons à distinguer les actions qui ont lieu à un moment de celles qui ont
lieu à un autre et que c’est par elle aussi que nous connaissons la quantité
de temps et d’actions écoulées selon qu’elles durent plusieurs jours, mois et
années ou quelques-uns seulement. On connaît aussi ce qui a lieu avant ou
après, selon que cela se passe tel jour, tel mois et telle année. Aussi,
c’est d’après un jour, un mois et une année déterminés que se distinguent le
commencement et le terme d’une durée et c'est ainsi qu'on dit d'eux qu’ils
embrassent tout ce qui se produit dans le temps. |
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LECTIO 3 [84846] In De divinis
nominibus, cap. 4 l. 3 Postquam prosecutus est ea quae pertinent ad
nomen boni, hic prosequitur ea quae pertinent ad nomen luminis ; et primo,
ostendit quomodo nomen luminis solaris metaphorice Deo attribuitur ; secundo,
quomodo attribuitur ei intelligibile lumen ; ibi : sed haec quidem et
cetera. Circa primum, tria facit : primo, ostendit quod nomen solaris luminis
Deo attribuitur ; secundo, manifestat similitudinem ; ibi : sicut
enim et cetera ; tertio, excludit errorem ; ibi : et non
dico et cetera. Dicit ergo primo, quod sicut praedicta ex divina
bonitate habent esse et bene esse, ita et radius solaris per se consideratus,
est ex bonitate Dei et est quaedam imago, idest expressa similitudo divinae
bonitatis. Inde est quod ipsum bonum, quod est Deus, laudatur
nominatione solaris luminis, eo quod manifestatur
bonitas divina in tali lumine, sicut archetypum, idest
principalis figura vel principale exemplar in impressa imagine.
Dicitur enim Malach. 4 : vobis timentibus nomen meum, orietur sol
iustitiae. Deinde, cum dicit : sicut enim et cetera,
manifestat praemissam similitudinem ; et primo, quantum ad processum rerum in
esse a divina bonitate ; secundo, quantum ad ordinem rerum in finem ; ibi
: et sic omnia et cetera. Primo, ergo, ponit ea quae ad
divinam bonitatem pertinent, secundum quod res ab ipsa procedunt ; et circa
hoc, ponit tria : primo quidem, universalem causalitatem ipsius et dicit
quod bonitas divinitatis super omnia existentis transit,
causando, a supremis et perfectissimis substantiis
usque ad ultimas. Posset autem aliquis credere quod transiret per omnia
sicut eis permixta et in eis conclusa et ad hoc excludendum, subdit quod,
quamvis per omnia transeat tradendo similitudinem suam rebus, adhuc
tamen super omnes est, per suae substantiae singularitatem. Posset etiam aliquis credere quod, quamvis excedat omnes substantias, tamen
supremae substantiae usque ad eam attingant per modum quo corpus inferius
attingit suum superius ; et ad hoc excludendum, subdit quod superiores
substantiae non pertingunt ad excessum divinae bonitatis.
Posset iterum aliquis credere quod quaedam, quae sunt infima in rebus, non
sunt a Deo creata propter eorum imperfectionem, sicut Manichaei posuerunt
corpora corruptibilia non esse creata a Deo et ad hoc excludendum, subdit
quod inferiora non transeunt ambitum causalitatis eius. Secundo
; ibi : sed et illuminat et cetera, postquam posuerat quod
causalitas eius se extendit ad omnes substantias, ostendit quid substantiae
ex divina bonitate consequuntur ; et dicit quod divina bonitas illuminat
omnia quae illuminari possunt, scilicet rationales substantias ;
universaliter autem omnes substantias creat, dans eis esse ; et vivificat
omnia quae vivunt et continet, idest conservat ; et perficit,
dans eis suas perfectiones. Tertio ; ibi : et mensura et
cetera, ostendit quam habitudinem habeat divina bonitas ad res iam productas
; et dicit, primo, quod habet habitudinem mensurae. Est enim mensura
existentium, quia ex hoc potest sciri quantum unumquodque existentium
habeat de nobilitate essendi, quod appropinquat ei vel distat ab eo, sicut si
dicamus albedinem esse mensuram omnium colorum, quia unusquisque color est
tanto nobilior, quanto albedini propinquior. Specialiter autem descendit ad
quasdam speciales mensuras : mensura autem durationis motus et mutabilium
rerum est tempus ; esse vero immobilium rerum non mensuratur tempore nisi per
accidens, ratione motus adiuncti sed propria mensura essendi est aevum ;
duratio autem uniuscuiusque esse praefigitur et mensuratur a Deo et secundum
hoc Deus dicitur omnium existentium aevum. Invenitur etiam, inter species
quantitatis, aliqua mensura quae est numerus et haec etiam mensura
attribuitur Deo qui est numerus rerum omnium ; et determinatio multitudinis
earum, quod ad rationem numeri pertinet, a divina sapientia procedit.
Rationem autem tam temporis quam numeri sequitur ordo, quia una species
numeri naturaliter est alia prior et tempus est etiam numerus motuum secundum
prius et posterius. Unde consequenter dicit, quod Deus est ordo omnium,
inquantum omnia quae ab ipso sunt, ordinata sunt. Est etiam inter species
quantitatis, aliqua mensura quae est locus : locus quidem mensurat ambiendo
corpus localiter, et hunc etiam Deo attribuit, qui immediate omnia ambit. Non
solum autem habet ad res productas habitudinem mensurae, sed etiam
habitudinem causae agentis et finis et ideo subiungit : et causa et
finis. Deinde, cum dicit : ita quidem et cetera,
ostendit quomodo inveniatur similitudo Dei quantum ad praemissa ; et, primo,
quantum ad universalitatem causandi : et dicit quod, sicut praedicta
conveniunt divinae bonitati, ita sol iste sensibilis, qui est maximus,
transcendens omnia corpora coelestia secundum quantitatem et totus
splendens, non habens aliquas nebulas sicut luna et semper lucens, ad
differentiam lunae cuius lumen augetur et diminuitur et quandoque deficit ;
et quod aliquando eclipsari videtur, non est propter defectum luminis in
ipso, sed quando lumen eius ad nos non pertingit propter interpositionem
lunae ; iste inquam sol, tamquam manifesta
imago divinae bonitatis, secundum multam resonantiam ad divinam
bonitatem, illuminat quaecumque possunt participare lumine
eius et tamen lumen eius est superextentum, quia
nihil potest pertingere ad aequalitatem luminis eius et extendit splendores
radiorum suorum ad totum istum corporeum et visibilem
mundum, tam sursum quam deorsum, quia non
solum ista inferiora, sed etiam superiora corpora coelestia illuminantur ab
ipso ; et si est aliquid quod non
participat lumine eius, hoc non est propter
debilitatem vel parvitatem illuminantis virtutis in ipso, sicut est in
candela quae propter parvitatem vel debilitatem sui luminis usque ad modicum
spatium illuminat, sed quod aliqua a sole non illuminantur, est propter
defectum eorum quae non possunt extendere se ad participandum lumen solis,
propter hoc quod non sunt opportuna vel apta ad accipiendum lumen. Sed tamen
solaris radius multa talia corpora illuminari non valentia praetermittens,
illuminat sequentia, sicut praetermittens nubem aliquam illuminat quae sub
nube sunt et breviter nihil est visibilium ad quod non pertingat solis
causalitas, secundum excedentem magnitudinem sui proprii
splendoris. Secundo ; cum dicit : sed ad generationem et
cetera, ostendit similitudinem quantum ad effectus quos Deus facit in omnibus
rebus. Dictum est enim quod divina bonitas dat esse omnibus per creationem, sed
in hoc aliquam similitudinem eius habet sol, qui dat esse per
generationem. Confert enim ad generationem sensibilium
corporum, sicut quoddam universale agens et causa non univoca. Dictum est
etiam quod Deus vivificat res et in hoc assimilatur ei sol, quod movet
inferiora corpora ad vitam. Manifestum est enim quod ex radiis solis viventia
generantur, non solum quae generantur sine semine, sed etiam in his quae
semine generantur virtus solis operatur. Auget etiam quaedam quae ad actum
vitae pertinent, scilicet nutrimentum et augmentum, quae ex virtute solaris
luminis causantur, sicut et ceteri motus corporales. Perficit etiam corpora
sensibilia solaris radius, inquantum eius virtute ad statum perfectum
perducuntur et etiam si qua per elongationem solis corruptionem aliquam et
vetustatem incurrunt, sole appropinquante purgantur et renovantur, sicut
arbores et omnes plantae in vere pullulant et crescunt. Tertio ; ibi : et
mensura est et cetera, quantum ad rationem mensurae, ostendit
similitudinem et dicit quod sol est mensura et numerus horarum et dierum totius nostri
temporis, quod maxime mensuratur et numeratur per motum solis. Et ne
aliquis ferat instantiam de tribus primis diebus qui leguntur Gen. I, ante
quartum diem, quo factus dicitur esse sol, subiungit quod, cum Moyses dixit
quod primo die Deus dixit : fiat lux et facta est lux et divisit
lucem a tenebris et tenebras vocavit noctem et lucem diem, illa lux fuit
lux solis, quae tamen fuit primo creata, sed postea fuit formata et perfecta
quarto die, quando factus legitur sol ; et sic, radius solaris determinavit
et distinxit et primos tres dies et nostri temporis dies. Deinde, cum dicit
: et sic omnia et cetera, exponit praemissam similitudinem,
quantum ad ordinem rerum in divinam bonitatem ; et primo, ponit id quod
pertinet ad divinam bonitatem ; secundo, ostendit huius similitudinem in sole
; ibi : secundum eamdem et cetera. Circa primum, tria facit
: primo, ostendit ex qua causa contingat quod omnia, ordinentur in Deum sicut
in finem ; secundo ; quae sit ratio ordinis ; ibi : et omnia et
cetera ; tertio, modum ordinis ; ibi : et quod desiderant et
cetera. Causam autem huius ordinis assignat dicens, quod
divina bonitas omnia convertit ad seipsam : hoc enim ipsum quod
res ordinantur in Deum, ab ipso habent. Sunt enim res quasi dispersae et
segregatae, secundum quod ad diversos fines proprios ordinantur, sed
inquantum communicant in ordine ad ultimum finem, sic congregantur. Divina
igitur bonitas, inquantum omnia ad seipsam convertit, est principaliter congregativa
omnium dispersorum, sicut quaedam deitas principaliter vivifica.
Deinde, cum dicit : et omnia et cetera, assignat rationem
ordinis : intantum enim omnia convertuntur in ipsum, inquantum omnia
desiderant ipsum triplici ratione, scilicet : ut principium activum
; et ut continentiam, idest conservantiam rerum ; et ut
finem ; ista est triplex ratio desiderii. Desideramus enim Deum ut
principium quia ex eo provenit nobis bonum ; ut continentiam quia ex eo
conservatur nobis bonum ; ut finem quem adipisci intendimus. Et haec tria
manifestat : quod enim sit principium, patet ex hoc quod, sicut Scriptura
dicit, omnia subsistunt et sunt ex ipso, deducta ab
eo sicut ex quadam causa perfecta. Et quod ipse
sit continens omnia et conservans, patet per hoc quod omnia in
ipso consistunt custodita ab exterioribus nocivis et
contenta per conservationem propriae virtutis, sicut in quadam omnipotente
plantatione. Sicut enim arbores conservantur per hoc
quod sunt in terra plantatae ita omnia conservantur in hoc quod sunt firmata
in omnipotenti Dei virtute. Quod etiam desiderant omnia divinam bonitatem ut
finem, ostendit consequenter cum dicit quod ad ipsum convertuntur
omnia, sicut singula ad proprios fines. Deinde, cum dicit : et
quod desiderant et cetera, ostendit modum ordinis ; et dicit quod
bonum divinum desiderant intellectualia quidem, ut Angeli et
rationalia, ut homines, cognitive ; haec enim solum
cognoscere possunt ipsum bonum quod est Deus. Sed sensibilia ipsum
desiderant, inquantum desiderant aliquod sensibile bonum quod est similitudo
summi boni. Sed plantae quae sunt expertes sensus, desiderant bonum divinum
naturali motu vitalis desiderii, quia et ipsum bonum est ad quod naturali
inclinatione tendunt per opera vitae in similitudinem aliquam summi boni. Ea
vero quae carent vita, ut inanimata corpora, quae sunt tantum existentia,
desiderant bonum divinum per aptitudinem ad participandum a Deo esse
subsistens, ut ipsa aptitudo eorum intelligatur esse desiderium. Deinde, cum
dicit : secundum eamdem rationem et cetera, ostendit quomodo
praedictorum similitudo in sole inveniatur ; et dicit quod, sicut praedicta
conveniunt divinae bonitati, ita non principaliter, sed secundum
rationem imaginis, lumen solare congregat et convertit ad
se omnia. Ea enim quae vident, desiderant lumen solis ad videndum
et ea quae moventur et quae illuminantur et quae calefiunt desiderant lumen
solis, ut ad hoc necessarium ; et similiter, quocumque modo aliqua
contineantur, idest dependeant vel causentur a fulgoribus solis et ideo
nominatur in Graeco ilios, scilicet quia facit omnia corpora
esse indestructibilia et congregat dispersa, inquantum ea quae
sunt in seipsis separata, communiter ipsum desiderant : aut ad
hoc ut videant aut ad hoc quod moveantur aut ad hoc quod illuminentur aut ad
hoc quod calefiant aut qualitercumque contineri a virtute luminis desiderant.
Deinde, cum dicit : et non dico et cetera, removet errorem ;
et dicit quod praedicta non dixit secundum opinionem antiquorum, qui dicebant
quod Deus erat sol, quod sol erat creator totius universi sensibilis et quod
gubernat totum mundum sensibilem, sed secundum quod invisibilia Dei
manifestantur per ea quae facta sunt, ut apostolus dicit, Rom. I. |
Leçon 3 (13a) : De la lumière sensible.304. Après avoir parcouru ce qui se rapporte à la dénomination du Bien, il poursuit en examinant ce qui se rapporte au nom de Lumière ; et d’abord, il montre comment ce nom, à savoir lumière solaire, ne s’attribue à Dieu que d’une manière métaphorique ; deuxièmement, il montre comment s’attribue à Lui la lumière intelligible, là où il dit (114) : Mais certes, celle-ci… (leçon 4) 305. Au sujet du premier point, il fait trois choses : d’abord, il montre comment le nom de lumière solaire s’attribue à Dieu ; deuxièmement, il explique cette similitude, là où il dit (114) : En effet, comme… ; troisièmement, il écarte une erreur, là (124) où il dit : Et je ne dis pas… 306. Il dit donc en premier (113) que, tout comme les réalités présentées plus haut tiennent leur être et leur bien-être de la Bonté divine, de même le rayon solaire, considéré en lui-même, tient son être de cette même Bonté et en est une certaine image, c’est-à-dire une similitude qui est l’expression de la Bonté divine. Et c’est de là que le Bien lui-même qui est Dieu est loué sous le vocable de lumière solaire, d’autant que la Bonté divine se manifeste dans une telle lumière comme étant l’archétype, à savoir la forme ou le modèle principal imprimé dans une image. En effet, c’est Malachie (3, 20) lui-même qui dit : ¨ Pour vous qui craignez mon nom, un soleil de justice se lèvera¨. 307. Ensuite, lorsqu’il dit (114) : ¨En effet, comme…¨ il explique la similitude qu’il vient de présenter ; et en premier lieu, quant à la procession des choses dans l’être par l'action de la Bonté divine ; deuxièmement, quant à l’ordonnance des choses à leur finalité, là où il dit (120) : Et ainsi tout… 308. Tout d’abord, donc, il présente ce qui caractérise la Bonté divine, selon que les choses procèdent d’Elle ; et à ce sujet il présente trois éléments : dont le premier certes est sa causalité universelle et à ce sujet il dit que la bonté de Dieu passe dans tout ce qui est appelé à exister en produisant dans l’être toutes les substances, à partir des plus élevées et des plus parfaites jusqu'aux plus humbles. Mais quelqu’un pourrait croire que Dieu passe en toute chose comme s’il s’y mélangeait et s’y enfermait ; mais pour écarter cette opinion, Denys ajoute que bien qu’Il passe en toute chose en leur transmettant sa ressemblance, cependant Dieu demeure encore au-dessus de tout à cause du caractère unique de sa substance. Quelqu’un pourrait encore croire que, bien que Dieu dépasse toute substance, les substances supérieures parviennent jusqu’à Lui de la même manière qu’un corps inférieur touche un corps supérieur ; et pour repousser cette croyance, il ajoute que les substances supérieures sont incapables d’avoir accès à l’excellence de la Bonté divine. De plus, d’autres pourraient croire que certaines réalités parmi les plus humbles, en raison de leur imperfection, ne sont pas créées par Dieu : c’est ainsi que les Manichéens affirmèrent que les corps corruptibles ne sont pas créés par Dieu ; et pour écarter cette opinion, il ajoute que les substances inférieures n’échappent pas au contrôle de la causalité divine. 309. Après avoir affirmé que la causalité de Dieu s’étend à toutes les substances, il montre ensuite ici quelles substances découlent de la Bonté divine, là où il dit (115) : Mais il éclaire … ; et il dit que la Bonté divine illumine tout ce qui peut recevoir sa Lumière, à savoir les substances rationnelles ; mais plus universellement Elle crée toutes les substances en leur donnant l’être ; et Elle engendre la vie chez ceux qui vivent et Elle les contient ou les conserve dans l’être ; et enfin Elle les conduit à leur accomplissement en leur attribuant leurs perfections. 310. Troisièmement, là (115) où il dit : et la mesure…, il montre quel rapport la Bonté divine entretient à l’égard des choses déjà créées ; et Denys dit qu’Elle entretient premièrement un rapport de mesure. Elle est en effet la mesure de tout ce qui existe car c’est à partir d’Elle qu’on peut savoir dans quelle mesure ce qui existe possède dans son être même une certaine noblesse, selon que cet être s’approche ou s’éloigne d’Elle ; c’est comme si nous disions que la blancheur est la mesure de toutes les autres couleurs puisque chaque couleur est d’autant plus noble qu’elle s’approche de la blancheur. Mais d’une manière plus précise, il descend à la considération de certaines mesures particulières : ainsi la mesure de la durée du mouvement et du changement dans les choses est le temps ; en vérité, l’être des réalités qui échappent au mouvement ne se mesure pas par le temps, si ce n’est par accident, dans la mesure où elles s’accompagnent de mouvement, mais la mesure propre à leur être est l’éternité ; mais la durée de tout être est fixée et mesurée par Dieu et c’est à cause de cela qu’on dit de Dieu qu’il est l’éternité de tout ce qui existe. On retrouve aussi, parmi les espèces de la quantité, une mesure qui est le nombre et cette mesure aussi est attribuée à Dieu dont on dit qu’Il est le nombre de toutes les choses ; et la fixation des limites à l’égard de la multitude de ces choses, puisqu’elle se rapporte à la nature du nombre, procède de la sagesse divine. Mais l’ordre accompagne tant la nature du temps que celle du nombre car une espèce de nombre est naturellement antérieure à une autre et même le temps est le nombre du mouvement selon l’avant et l’après. D’où Denys dit par conséquent que Dieu est l’ordre de tout dans la mesure où tout ce qui tient son être de Lui est soumis à un ordre. Il y a aussi parmi les espèces de la quantité une mesure qui est le lieu : certes le lieu mesure l’environnement local d’un corps et on attribue aussi cette mesure à Dieu qui entoure immédiatement toute chose. Non seulement Dieu maintient-il à l’égard des choses produites une relation de mesure, mais aussi celle de cause efficiente et de cause finale et c’est pourquoi Denys ajoute : et il est cause et finalité. 311. Ensuite, lorsqu’il dit (117) : ainsi certes…il montre comment se rencontre une similitude ou une image de Dieu, à savoir le Soleil, dans ce qui vient d’être présenté ; et d’abord, il le montre quant à l’universalité de la causalité : et il dit qu’ainsi que ce que nous avons dit précédemment convient à la Bonté de Dieu, de même ce Soleil que nous percevons qui est le plus grand et qui dépasse tous les corps célestes selon la quantité et qui resplendit dans sa totalité n’est entouré d'aucun nuage contrairement à la Lune et il brille toujours, à la différence de la Lune dont la lumière parfois croît, parfois diminue et parfois disparaît ; et si parfois la lumière du Soleil semble totalement s’éclipser, cela n’est pas dû à un manque de lumière en lui-même mais à cause de l’interposition de la Lune qui empêche que sa lumière nous parvienne ; ce Soleil, dit-il, est comme une image évidente de la Bonté divine puisqu’il y correspond de multiples manières, et il éclaire tous ceux qui peuvent participer de sa lumière et cependant sa lumière se prolonge indéfiniment, car rien ne peut parvenir à l’égaler et il étend les éclats de ses rayons à la totalité de ce monde corporel et visible, tant vers le haut que vers le bas car il illumine non seulement ces corps inférieurs qui nous entourent mais aussi les corps célestes supérieurs ; et si une chose ne participe pas de sa lumière, cela ne doit pas être attribué à la faiblesse ou à la petitesse du potentiel de lumière qui est en lui, ainsi qu’on le voit dans la chandelle qui n’éclaire qu’un espace limité en raison de la faiblesse et de la petitesse de sa lumière ; mais s’il arrive qu’une chose ne soit pas éclairée par le Soleil, cela est dû à un défaut de cette chose elle-même qui ne peut s’élever à une participation de cette lumière parce qu’elle n’est pas disposée ou apte à la recevoir. Mais les rayons du Soleil, laissant de côté de nombreux corps de cette sorte ne pouvant être illuminés, éclaire cependant ceux qui les suivent, comme lorsqu’il omet d’éclairer un nuage, il éclaire les choses situées sous ce nuage et, en bref, parmi les réalités visibles, il n’y en a aucune à laquelle la causalité du Soleil ne puisse parvenir, à cause de la grandeur illimitée de l’éclat qui lui est propre. 312. Deuxièmement, lorsqu’il dit (118) : Mais à la génération…il développe la similitude du Soleil par rapport aux effets que Dieu produit dans toutes les choses. On a dit en effet que la Bonté divine donne l’être à toute chose par la création, mais en cela le soleil montre une certaine ressemblance avec Elle, puisqu’il donne l’être au moyen de la génération. Le soleil contribue en effet à la génération des corps sensibles comme à titre d’agent universel et de cause non univoque. On a dit aussi que Dieu vivifie les choses et le Soleil se compare à Dieu sous ce rapport, car il meut les corps inférieurs vers la vie. Il est manifeste en effet que c’est à partir des rayons solaires que les vivants sont engendrés, non seulement ceux qui sont engendrés sans recours à une semence mais la puissance du soleil agit même chez ceux qui sont engendrés au moyen d’une semence. De plus il fait croître des choses qui contribuent à des actes vitaux comme la nutrition et la croissance, choses qui sont produits par la puissance de la lumière solaire, tout comme il favorise aussi les autres mouvements corporels. De plus, les rayons du soleil conduisent les corps sensibles à leur achèvement, dans la mesure où par leur puissance ils les conduisent à leur maturité, car si un éloignement du soleil amène corruption et vieillissement, un rapprochement de ce dernier entraîne purification et renouvellement, ainsi qu’on l’observe au printemps chez les arbres et toutes les plantes. 313. Troisièmement, il continue de manifester la similitude sous le rapport de la notion de mesure, là où il dit (119) : et il est la mesure…, en affirmant que le soleil est la mesure et le nombre des heures et des jours de tout notre temps, lequel temps est mesuré et compté de la manière la plus excellente au moyen du mouvement du soleil. Et afin que personne ne présente comme objection l’exemple des trois premiers jours qui dans le livre de la Genèse (1, 3-13) sont présentés avant le quatrième où on dit que le Soleil fut créé, il ajoute que, puisque Moïse dit que c’est le premier jour que Dieu dit : ¨Que la lumière soit, et la lumière fut¨, et ¨Il sépara la lumière des ténèbres et il appela les ténèbres nuit et la lumière jour¨, il faut penser que cette lumière était la lumière du soleil qui fut créée dès le premier jour, mais que c’est au quatrième jour qu’elle reçut sa forme définitive ainsi que sa perfection, là où on lit que le Soleil fut créé le quatrième jour ; et ainsi, c’est la lumière du Soleil qui permit de distinguer les trois premiers jours de ceux qui suivirent. 314. Ensuite lorsqu’il dit (120) : Et ainsi toutes…, il examine la similitude sous le rapport de l’ordonnance des choses à l’égard de la Bonté divine ; et d’abord, il présente ce qui se rapporte à la Bonté divine ; deuxièmement, il manifeste en cela la ressemblance avec le soleil, là où il dit (123) : Selon la même… 315. Au sujet du premier point, il fait trois choses : d’abord, il montre la cause qui explique que toutes les choses soient ordonnées à Dieu comme à leur fin ; deuxièmement, il montre la nature de l’ordonnance des choses à Dieu, là où il dit (121) : Et toutes… ; troisièmement, il montre le mode de cette ordonnance, là où il dit (122) : et que toute chose désire… 316. Denys identifie la cause de cette ordonnance des choses à Dieu en disant que la Bonté divine convertit toutes les choses à Elle-même : en effet, cela même qu'elles soient ordonnées à Dieu, les choses le tiennent de Dieu lui-même. En effet, les choses sont comme dispersées et séparées selon qu’elles sont ordonnées aux finalités qui leur sont propres et qui les distinguent, mais elles se rassemblent dans la mesure où elles communiquent dans cette ordonnance à la finalité ultime. La Bonté divine est donc le principe qui rassemble ce qui est divisé tout comme elle en est le principe vivificateur, puisque c’est Elle qui tourne toutes les choses à Elle-même. 317. Ensuite, lorsqu’il dit (121) : et toutes…il présente la nature de l’ordonnance : en effet toutes les choses se tournent d’autant plus vers Dieu qu’elles Le désirent toutes pour ces trois raisons, à savoir : en tant que principe actif, en tant que protection, c’est-à-dire en tant que principe qui conserve dans l’être, et en tant que finalité ; ce sont là les trois raisons du désir. En effet, nous désirons Dieu en tant que principe car c’est de Lui que provient notre bien ; nous le désirons aussi en tant que protection parce que c’est Lui qui conserve notre bien ; et en tant que finalité car c’est Lui que nous cherchons à atteindre comme Bien ultime. Et Denys explique ces trois raisons : que Dieu soit principe, cela se voit à partir de ce qu’en dit l’Écriture elle-même, à savoir que c’est à Lui que toutes les choses doivent de subsister et d’exister, étant tirées de Lui comme d’une cause parfaite. Et qu’Il les maintienne et les conserve toutes, on le voit à ceci que toutes se tiennent en Lui protégées de tous les dangers extérieurs et qu’elles se maintiennent conservées dans l’être par la Puissance qui Lui est propre comme dans une plantation toute-puissante. En effet, tout comme les arbres se conservent du fait qu’ils sont plantés dans la terre, ainsi toutes les choses se conservent dans l’être du fait qu’elles sont établies dans la toute-puissance de Dieu. Enfin, il montre que toutes les choses désirent la Bonté de Dieu en disant par la suite que toute chose se tourne vers Lui tout comme chaque espèce se tourne vers la finalité qui lui est propre. 318. Ensuite, lorsqu’il dit (122) : et ce qu’ils désirent…il manifeste la modalité de cette ordonnance ; et il dit certes que les êtres intellectuels, comme les Anges, ainsi que les êtres rationnels, comme l’homme, désirent le Bien divin d’une manière cognitive ; eux seuls en effet peuvent connaître le Bien en Lui-même, à savoir Dieu. Mais les êtres doués de sensibilité Le désirent dans la mesure où ils désirent un bien sensible qui est comme l’image du Bien ultime. Et les plantes qui sont privées de sens désirent le Bien divin au moyen d’un mouvement naturel grâce auquel elles désirent la vie, car ce bien lui-même est ce vers quoi elles tendent naturellement comme vers une image du Bien ultime au moyen des opérations vitales. Et en vérité, les êtres qui sont privés de vie, comme les corps inanimés, qui ne font qu’exister, désirent le Bien divin au moyen de leur aptitude à participer à une existence subsistante, et c’est cette aptitude même, qui est la leur, qui est comprise comme étant un désir. 319. Ensuite, lorsqu’il dit (123) : pour la même raison…, il montre comment ce qu’il vient de dire de ces êtres se retrouve dans l’image du soleil ; et il dit que, tout comme ce que nous venons de dire appartient à la divine Bonté, de même cela appartient aussi au Soleil non à titre de cause première, mais à titre d’image de la cause première : en effet la lumière du soleil rassemble et tourne toutes les choses à soi. En effet, les êtres qui sont capables de vision désirent la lumière du soleil parce qu’ils en ont besoin pour voir et ceux qui se meuvent, qui sont éclairés et qui se réchauffent désirent la lumière du soleil parce qu’elle leur est nécessaire quant à ces opérations ; et de même, toute chose est contenue d’une manière ou d’une autre, c’est-à-dire dépend ou est causée par les éclats du soleil qu’on nomme en grec ¨Hélios¨ car il rend tous les corps indestructibles et rassemble ceux qui sont dispersés, dans la mesure où ceux qui en eux-mêmes sont séparés Le recherchent dans un désir commun : que ce désir ait pour fin de voir, de se mouvoir, d’être éclairé, d’être réchauffé ou d’être embrassé de quelque manière par la puissance de la lumière. 320. Ensuite, lorsqu’il dit (124) : Et je ne dis pas…, il écarte une erreur ; et il dit que ce qu’il a affirmé précédemment, il ne l’a pas fait pour se conformer à l’opinion des anciens qui disaient que dieu est le Soleil, que le Soleil est le créateur de tout l’univers sensible et qu’il gouverne ce dernier dans sa totalité, mais pour rester fidèle aux paroles que l’Apôtre présente dans la l’épître aux Romains (1, 20) : ¨Les qualités invisibles de Dieu se voient fort bien au moyen de ses œuvres¨. |
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LECTIO 4 [84847] In De divinis
nominibus, cap. 4 l. 4 Postquam ostendit quomodo nomen sensibilis
luminis in divinam praedicationem transferatur per quamdam similitudinem,
nunc ostendit quomodo intelligibile lumen ei attribuatur ; et primo continuat
se ad praecedentia ; secundo, prosequitur intentum ; ibi : et
dicendum et cetera. Dicit ergo primo quod haec quae
dicta sunt per praedicationem sensibilis luminis de Deo et de similitudine
eius ad ipsum, dicta sunt in libro de symbolica
theologia, sed nunc oportet considerare quomodo laudetur
bonum divinum, nomine intelligibilis luminis. Non enim est intentio huius
libri, tractare de nominibus sensibilium translatis in Deum, sed de nominibus
intelligibilibus. Deinde, cum dicit : et dicendum et cetera,
prosequitur intentum, scilicet de intelligibili lumine, quod signat in Deo
causalitatem intelligibilis luminis ; unde circa hoc, tria facit : primo
tangit causalitatem luminis ; secundo, ostendit quomodo Deus se habeat ad ea
in quibus lumen causatur ; ibi : igitur et cetera ; tertio,
ostendit quis est finis diffusionis huius luminis ; ibi : et
intellectualia et cetera. Circa primum, duo facit : primo, tangit de
causalitate intelligibilis luminis in Angelis ; secundo, in animabus
rationalibus ; ibi : omnem et cetera. Dicit ergo primo quod
Deus, qui est per essentiam suam bonus, nominatur intelligibile lumen ; Ioan.
8 : ego sum lux mundi, propter hoc, quidem, quod implet omnem
supercoelestem mentem, idest angelicam, intelligibili lumine,
quod nihil est aliud quam cognitio veritatis. In
hoc autem quod dicit : implet, designat perfectam veritatis
cognitionem, Angelis a Deo datam. Deinde, cum dicit : omnem
autem et cetera, ostendit causalitatem luminis in animabus ; et
primo, ponit duo quae facit divinum lumen in animabus ; secundo, assignat
modum utriusque ; ibi : et intellectuales et cetera. Duorum
autem quae facit divinum lumen in animabus, primum est : quod ab
omnibus animabus quibus innascitur, expellit omnem
ignorantiam et errorem. Ignorantia pertinet ad remotionem veritatis, sed
error ad inhaesionem falsitatis ; dicit autem : ingignitur, ut
alludat ei quod dicitur II Petri, 1 : donec dies illucescat et
Lucifer oriatur in cordibus vestris. Unde patet quod hoc de Angelis non
dixit, in quibus ignorantia et error locum non habent, licet in eis sit
aliquorum nescientia, a qua purgantur, ut dicit Dionysius VII cap. coelestis
hierarchiae. Non enim omnis nescientia ignorantia dici potest, sed solum
nescientia eorum ad quae quis natus est et debet scire. Secundum est :
quod tradit sanctum lumen ; et nota quod dicit : sanctum
lumen, tum quia a Deo immittitur, tum quia ad Deum cognoscendum nos
ordinat. Et notandum quod non fuit usus verbo impletionis, sed simplicis
traditionis, ad ostendendum quod cognitio veritatis est imperfecta in
animabus in comparatione ad illam plenitudinem quam Angeli a Deo possident.
Deinde, cum dicit : et intellectuales et cetera, exponit
modum utriusque ; et primo, primi ; secundo, secundi ; ibi : et
tradit et cetera. Circa primum, considerandum est quod corporalis
tenebra, tria facit in corporibus : primo enim reddit ea squalida et sordida
ex eo quod non studiose purgantur quae in tenebris sunt ; secundo, tenebrae
reddunt animalia immobilia, unde plerisque animalium naturale est ut in nocte
quiescant et in die moveantur, quia per lucem diriguntur in motu, videntia
quo vadunt ; tertio, tenebrae corporales concludunt, ut in tenebris aliquis
non praeparet se ad aliquid agendum et naturaliter aliquam pigritiam
ingerunt. Et haec tria facit etiam spiritualis tenebra, idest ignorantia
veritatis : primo enim, contrahuntur ex ea sordes non solum errorum in
intellectu, sed etiam pravarum affectionum in affectu et inordinatio actionum
in actu, dum mala quae ignorat homo nec vitat nec purgat ; secundo, tenebra
reddit homines otiosos, qui, dum habent ignorantiam boni quod est finis et
viae qua ad ipsum pervenitur, non se movent ad finem consequendum ; tertio,
reddit eos conclusos, quia dum non cognoscunt bonum, non aperitur eorum
affectus per desiderium ad capiendum ipsum intra se. Sed haec tria removet
intelligibile lumen, idest cognitio veritatis : et quantum ad primum, dicit
quod intelligibile lumen mundat intellectuales oculos ipsarum,
scilicet animarum, a faece, idest immunditia, circumposita
ipsis, idest superveniente eis ex ignorantia ; quantum ad
secundum, dicit : et movet, scilicet ad bene agendum ; et quantum
ad tertium, dicit : et aperit, idest apertos reddit ad
recipiendum per desiderium, conclusos, idest qui prius erant
conclusi tenebris aggravantibus, idest tarditatem quamdam ad bonum
immittentibus. Quia ergo conclusi erant, indigebant aperitione ; quia
aggravati, indigebant motione. Deinde, cum dicit : et tradit et
cetera, ostendit modum et ordinem quomodo traditur sanctis animabus lumen
intellectuale ; et dicit primo quod quidem traditur unicuique lumen intelligibile,
secundum determinatam mensuram, secundum illud Ephes. 4 : unicuique
data est gratia, secundum mensuram donationis Christi ; et quia
spiritualia gustata desiderium excitant quae prius ignorata contemnebantur,
post primam receptionem luminis, gustata iam cognitione luminis veritatis,
magis desideratur, et magis desiderantibus magis immittitur : effectus enim
divinae gratiae multiplicantur, secundum multiplicationem desiderii et
dilectionis, secundum illud Luc. 7 : dimissa sunt ei peccata multa,
quoniam dilexit multum ; sic enim quaedam circulatio attenditur, dum ex
lumine crescit desiderium luminis et ex desiderio aucto crescit lumen.
Circulatio autem secundum suam naturam perpetua est et sic semper divinum
lumen extendit animas ad anteriora per
profectum, non tamen in omnibus aequaliter, sed secundum proportionem
ipsarum ad respectum luminis : quaedam enim diligentius respiciunt
ad lumen immissum, quae magis desiderant et magis proficiunt. Deinde, cum
dicit : igitur et cetera, ostendit quomodo Deus se habeat ad
ea in quibus lumen intelligibile causat ; et ponit tres habitudines, scilicet
: diffusionis et excessus et comprehensionis. Quantum ad primum ergo dicit
quod supersubstantiale bonum, licet sit super omne lumen et
sensibile et intelligibile, tamen nominatur lumen intelligibile,
inquantum est quidam radius et fons omnis intellectualis
luminis : et ne intelligatur fons in se solo consistens, subdit quod
est effusio luminis desuper manans ; et ut sciatur ad quos
manat, subdit quod ex sua plenitudine illuminat omnem mentem
supermundanam, quantum ad Angelos assistentes et circamundanam quantum
ad ministrantes, quorum ministerio mundus iste gubernatur, et
mundanam, quantum ad animas ; et non solum a principio illuminat mentes,
naturalem cognitionem eis praebendo, sed etiam renovat omnes intellectuales
virtutes ipsarum, novum lumen superfundendo gratiae et gloriae et novarum
revelationum. Secundo, ponit id quod pertinet ad excessum et dicit quod lumen
divinum excedit omnes mentes, licet in eas diffundatur, quia semper
superexcessus est per suam substantiam. Tertio, ponit id quod pertinet ad
comprehensionem, et dicit quod Deus omnia comprehendit quae sunt in
praedictis mentibus, inquantum superiacet eis, sicut causa superior praehabet
in se quod in effectibus inferioribus invenitur ; unde, ad hoc exponendum,
subdit quod ipse Deus, universaliter, omnem dominationem, seu
potestatem illuminativae virtutis, idest quidquid pertinet ad
cuiuscumque cognitionem vel ad quamcumque virtutem docendi, Deus in se coassumens,
idest simul assumens, non per diversas virtutes diversa cognoscens, sicut nos
colores visu et sonos auditu cognoscimus, sed secundum unam virtutem
cognoscit omnia ; et superhabet, quia excellentius unumquodque cognoscit quam
ab aliquo cognoscatur ; et praehabet, quia non acquirit cognitionem virtutis
vel virtutem docendi ab aliquo, sed omnes ab ipso ; et hoc competit ei,
inquantum est principalis lucens, ut principium luminis et inquantum est
super omnia lucens. Deinde, cum dicit : et intellectualia et
cetera, ostendit finem et fructum causalitatis luminis ; et dicit quod, per
illuminationem congregat omnia intellectualia, idest
Angelos et rationalia, idest homines et facit
ea indestructibilia, quia dum uniuntur in veritate, in ea
conservantur. Et hoc, consequenter, exponit ex opposito : sicut enim ignorantia
est divisiva eorum qui in errorem inducuntur, ita praesentia
intellectualis luminis, per quod cognoscitur veritas, congregat eos qui
illuminantur, ad invicem et unit eos in una veritate cognita ; manifestum
est enim quod circa unum non contingit nisi uno modo verum dicere, sed
multipliciter errare a veritate contingit. Et ideo illi qui cognoscunt
veritatem, conveniunt in una sententia, sed illi qui ignorant, dividuntur per
diversos errores. Est etiam praesentia luminis perfectiva,
inquantum constituit in fine rei cognitae, quae est veritas et est
etiam conversiva, idest revocativa ad veritatem, convertens homines a
multis opinionibus quae non habent firmitatem veritatis ; et non
solum ab opinione ad certam scientiam transfert, sed etiam a veritate ad
uniformitatem ; et hoc est quod subdit, quod congregat varias
visiones vel ut magis proprie dicatur phantasias ad unam
veram cognitionem, per oppositum falsitatis. Et non solum convertit ad
lumen veritatis sed etiam replet ipso lumine veritatis, quod in se est unum
et aliorum unitivum. |
Leçon 4 (14a) : De la Lumière intelligible.321. Après avoir montré comment le nom de lumière sensible est attribué à Dieu par le transfert d’une certaine ressemblance, Denys montre maintenant comment Lui est attribué celui de lumière intelligible ; et d’abord, il ajoute à ce qu’il a déjà dit précédemment ; ensuite, il poursuit son propos là où il dit (126) : Et il faut dire… 322. Il dit donc en premier que c'est dans le livre intitulé ¨De la Théologie symbolique¨ qu'ont été présentées les choses qui ont été dites de Dieu par l’attribution qui lui a été faite de la lumière sensible et de la ressemblance qu'elle manifeste à son égard ; mais maintenant il faut considérer comment le bien divin est loué par le nom de lumière intelligible. En effet l’intention de ce livre n’est pas de traiter des noms sensibles qu’on peut attribuer à Dieu, mais plutôt des noms intelligibles. 323. Ensuite, lorsqu’il dit (126) : Et il faut dire…il poursuit son propos, qui est celui de traiter de la lumière intelligible, laquelle désigne chez Dieu la causalité même de la lumière intelligible ; et à ce sujet il fait trois choses : premièrement, il considère la causalité de la lumière ; deuxièmement, il montre comment Dieu se rapporte aux réalités dans lesquelles il cause la lumière, lorsqu’il commence ainsi (130) : Donc… ; troisièmement, il montre quelle est la finalité de la diffusion de cette lumière lorsqu’il débute ainsi (131) : et les intelligences… 324. Au sujet du premier point, il fait deux choses : d’abord, il traite de la causalité de la lumière intelligible chez les anges ; deuxièmement, il traite de la même causalité à l'égard des âmes rationnelles là où il dit (127) : mais toute… 325. Il dit donc en premier lieu que Dieu, qui est bon de par son essence même, est nommé Lumière intelligible ; on lit en effet chez Jean 8 (12) : ¨Je suis la Lumière du monde¨. Et Il est ainsi nommé pour cette raison certes qu’il comble tout esprit céleste, c’est-à-dire angélique, de la lumière intelligible, laquelle n’est rien d’autre que la connaissance de la vérité. Et en disant qu’Il comble, il veut signifier que cette connaissance de la vérité qui est donnée par Dieu aux anges est parfaite. 326. Ensuite lorsqu’il dit (127) : mais toute…, il montre la causalité de la lumière dans les âmes ; et premièrement, il présente deux effets que la lumière divine produit dans les âmes ; en deuxième lieu il présente les modalités de l’un et de l’autre lorsqu’il dit (128) : et les yeux de leur intelligence… 327. Le premier des deux effets que la lumière divine produit dans les âmes est qu’elle repousse toute ignorance et toute erreur de toutes les âmes dans lesquelles elle vient à naître. L’ignorance se rapporte à la privation de la vérité, mais l’erreur désigne l’adhésion à une fausseté ; Denys dit cependant : est engendrée, pour faire allusion à cette deuxième lettre de Pierre 1 (19) : ¨Jusqu’à ce que le jour paraisse et que l’étoile du matin illumine vos cœurs.¨ D’où il est évident qu’il ne dit pas cela des anges, chez lesquels l’ignorance et l’erreur n’ont pas de place, bien qu’il y ait en eux une certaine privation de connaissance dont ils sont justifiés comme le dit Denys au chapitre 7 de La Hiérarchie céleste. En effet, ce n’est pas toute privation de connaissance qu’on doive appeler ignorance, mais seulement la privation de connaissance à l’égard des choses qu’on peut et qu’on doit connaître. Le deuxième effet est qu’elle transmet une lumière sacrée ; et notez qu’il dit lumière sacrée, à la fois parce qu’elle est transmise par Dieu, à la fois parce qu’elle nous destine à la connaissance de Dieu. Et il faut remarquer qu’il n’usa pas ici du verbe combler, mais simplement du verbe transmettre, pour montrer que chez les âmes la connaissance de la vérité est imparfaite comparativement à la plénitude de celle qui est donnée par Dieu aux anges. 328. Ensuite, lorsqu’il dit (128) : et de leur intelligence…il présente la modalité propre à chacun de ces deux effets produits dans les âmes par la lumière divine. ; et d’abord, il présente celle du premier effet ; ensuite, celle du second lorsqu’il dit (129) : et elle transmet… 329. Au sujet de la première, il faut considérer que les ténèbres corporelles produisent trois effets dans les corps : premièrement en effet elles les rend malpropres et négligés étant donné que ce qui se trouve dans les ténèbres ne peut être nettoyé avec soin ; deuxièmement, les ténèbres rendent les animaux immobiles et c’est pourquoi il est naturel à de nombreux animaux de se reposer la nuit et de se mouvoir le jour puisque la lumière, guidant leurs mouvements, ils voient où ils vont ; troisièmement les ténèbres corporelles emprisonnent, de sorte que dans ces conditions on ne se prépare pas à agir et cela entraîne naturellement une certaine paresse. Et ce sont ces trois mêmes effets que produisent les ténèbres spirituelles, c’est-à-dire l’ignorance de la vérité : en effet c’est à cause d’elles que sont contractées non seulement ces saletés que sont les erreurs au plan de l’intelligence, mais celles des passions mauvaises au plan de l’appétit et celles des actes désordonnés au plan du comportement. Car l’homme ne peut ni éviter ni se purger des maux qu’il ignore ; deuxièmement, les ténèbres rendent paresseux les hommes qui, ignorant le bien qui est leur finalité ainsi que le chemin pour y parvenir, ne peuvent se mouvoir pour l’atteindre ; troisièmement elles les rendent refermés sur eux-mêmes puisque, ne connaissant pas le bien, leur cœur ne peut s’ouvrir par le désir de le recevoir en eux. Mais la lumière intelligible, c’est-à-dire la connaissance de la vérité, repousse ces trois effets : et quant au premier effet, il dit que la lumière intelligible purifie les yeux de leur intelligence, c’est-à-dire ceux des âmes, des déchets, à savoir de ces saletés qui les couvrent, c’est-à-dire qui leur surviennent en raison de l’ignorance ; et quant au second, il dit : et elle meut à bien agir ; et quant au troisième, il dit : et elle ouvre, c’est-à-dire qu’elle rend ouverts à recevoir le bien par le désir ceux qui étaient auparavant fermés sur eux-mêmes, c’est-à-dire ceux qui étaient d’abord enfermés dans des ténèbres oppressants qui produisent une certaine lenteur à l’égard du bien. Parce qu’ils étaient renfermés, ils avaient besoin d’ouverture ; parce qu’ils étaient alourdis, ils avaient besoin de mouvement. 330. Ensuite lorsqu’il dit : et elle transmet…, il montre le mode et l’ordre selon lesquels la lumière intelligible est transmise aux âmes saintes ; et il dit d’abord que la lumière intelligible est transmise à chacun selon une mesure déterminée conformément à ce qu’on lit dans l’Épître aux Éphésiens (4, 7) : ¨À chacun la grâce est accordée selon la mesure du don du Christ.¨ ; et parce que les réalités spirituelles une fois goûtées stimulent le désir à l’égard des choses qui étaient méprisées parce qu’elles étaient d’abord ignorées, après la première réception de la lumière, ce qui est déjà goûté par la connaissance de la lumière de la vérité est davantage désiré, et à ceux qui désirent davantage il est donné davantage : en effet les effets de la grâce divine se multiplient proportionnellement à la multiplication du désir et de l’amour, conformément à ce qu’on lit dans Luc (7, 47) : ¨Le grand amour qu’elle a manifesté prouve que ses nombreux péchés ont été pardonnés.¨ Ainsi en effet on parvient à un certain mouvement circulaire, puisque c’est de la lumière que croît le désir de la lumière et que de ce désir accru croît encore la lumière. Il est de la nature même du mouvement circulaire d’être sans fin et ainsi la lumière divine porte toujours les âmes à aller de l’avant, pas d’une manière égale chez toutes, mais d'une manière qui est proportionnelle à la considération qu’elles ont pour la lumière : en effet, certaines désirent et cheminent davantage vers la lumière et ce sont celles qui portent un regard plus attentif sur la lumière qui leur est envoyée. 331. Ensuite, lorsqu’il dit : Donc…, il montre comment Dieu se rapporte aux choses dans lesquelles il produit la lumière intelligible ; et il présente trois rapports, à savoir : la diffusion, la transcendance et la compréhension. Quant au premier point, il affirme que le Bien supra-substantiel, bien qu’il soit au-dessus de toute lumière, soit sensible, soit intelligible, est cependant nommé lumière intelligible, en tant qu’il est le rayon et la source de toute lumière intellectuelle : et afin qu’on n’entende pas par là une source qui demeure en elle seule, il ajoute qu’elle est une effusion de lumière qui se répand de haut en bas ; et afin qu’on sache vers quoi elle se répand, il ajoute qu’elle illumine de sa plénitude tout esprit qui existe au-dessus de ce monde, à savoir les anges qui L’assistent, et aussi tout esprit au service de ce monde à savoir les gouvernants par le ministère desquels ce monde est conduit, et enfin tout esprit de ce monde, à savoir les âmes rationnelles. Et c’est non seulement au principe qu’Il illumine les esprits en leur fournissant la lumière qui leur est naturelle, mais il renouvelle encore continuellement leurs puissances intellectuelles en déversant en elles une nouvelle lumière de grâce et de gloire, et de nouvelles révélations. Deuxièmement il présente ce qui se rapporte à l'excellence ou à la transcendance de cette lumière et affirme que la lumière divine, bien qu’elle se diffuse en eux, transcende tous les esprits, car de par sa substance elle les dépasse tous infiniment. Troisièmement, il présente ce qui se rapporte à la compréhension en affirmant que Dieu comprend en lui tout ce qui existe dans les esprits déjà mentionnés, parce qu’Il les domine, comme la cause supérieure contient à l’avance en elle ce qui se retrouve ensuite dans les effets inférieurs ; et, pour le montrer il ajoute que Dieu a en lui-même sur toute chose une souveraineté absolue, une parfaite capacité d’éclairer tout ce qui se rapporte à quelque connaissance ou à quelque puissance d’enseignement que ce soit ; en effet, Dieu s’approprie en lui-même, c’est-à-dire qu’il saisit simultanément et non séparément comme nous qui connaissons diverses choses au moyen de diverses puissances, par exemple les couleurs par la vue et les sons par l’ouïe ; mais Lui au contraire connaît toute chose par une seule puissance ; et il les possède éminemment, car il connaît toute chose plus excellemment qu’elle est connue par un autre être ; et Il les possède à l’avance, car Il ne reçoit pas d’un autre la connaissance ou la capacité d’enseigner mais au contraire tous les autres êtres reçoivent de Lui ces capacités ; et cela Lui revient de droit car Il est celui qui éclaire dès le principe, en tant que cause même de la lumière et dans la mesure où il éclaire au-dessus de toute chose. 332. Ensuite, lorsqu’il dit : et les intelligences…, il montre la finalité et les fruits produits par
la causalité de la lumière ; et il dit qu’en les éclairant, elle rassemble toutes les puissances intellectuelles,
c’est-à-dire les Anges et les âmes rationnelles, à savoir les hommes,
et Elle les rend indestructibles,
car puisqu’elles sont unies dans la vérité, c'est en elle qu'elles sont conservées
dans l’être. Et cela, par la suite, il l’explique en partant de son contraire
: en effet, tout comme l’ignorance
produit la division parmi ceux qu’elle conduit dans l’erreur, ainsi la
présence de la lumière
intellectuelle, par laquelle la vérité est connue, rassemble ceux qu’elle illumine et les unit
dans la vérité connue ; il est évident en effet que sur une seule et même
chose il n’y a qu’une seule manière de dire ce qui est vrai, mais qu’il y a
de nombreuses manières de s’écarter de la vérité. Et ainsi ceux qui
connaissent la vérité s’entendent sur une même proposition mais ceux qui
ignorent la vérité s’opposent par des erreurs multiples. La présence de la
lumière est aussi une perfection
parce qu’elle fixe la finalité de la connaissance du réel qui est la vérité ;
et elle a aussi un
pouvoir de conversion, c’est-à-dire qu’elle ramène à la vérité les hommes
en les détournant de la
multitude des opinions qui ne possèdent pas la fermeté de la vérité ; et
non seulement elle fait passer de l’opinion à la certitude de la science,
mais encore de la vérité à l’uniformité ; et c’est ce qu’il ajoute, à savoir
qu’elle rassemble diverses visions ou
pour dire mieux diverses imaginations en une seule connaissance vraie,
contrairement à l’erreur. Et non seulement la présence de la lumière
intellectuelle les ramène à la lumière de la vérité, mais elle les comble de
cette lumière de vérité, laquelle est en elle-même à la fois une et
unifiante. |
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LECTIO 5 [84848] In De divinis
nominibus, cap. 4 l. 5 Postquam Dionysius tractavit de lumine, nunc agit
de pulchro, ad cuius intellectum praeexigitur lumen ; et circa hoc, duo
facit, primo : praemittit quod pulchrum attribuitur Deo ; secundo, ostendit
modum quo ei attribuitur ; ibi : pulchrum autem et cetera.
Dicit ergo, primo, quod hoc supersubstantiale bonum quod est Deus laudatur
a sanctis theologis in sacra Scriptura sicut pulchrum ;
Cant. I : ecce tu pulcher es, dilecte mi ; et sicut pulchritudo ;
Psalm. 95 : confessio et pulchritudo in conspectu eius ; et sicut
dilectio : I Ioan. 4 : Deus caritas est, et sicut diligibile,
ut in auctoritate canticorum inducta ; et quaecumque aliae sunt
convenientes Dei nominationes, ad pulchritudinem
pertinentes : sive per causalitatem pulchritudinis, quod dicit propter
pulchrum et pulchritudinem ; sive secundum quod pulchritudo gratiose habetur,
quod dicit propter dilectionem et diligibile. Deinde, cum dicit : pulchrum
autem et cetera, ostendit quomodo Deo attribuitur ; et circa hoc,
tria facit : primo, praemittit quod differenter attribuitur Deo et creaturis
pulchrum et pulchritudo ; secundo, quomodo attribuitur creaturis ; ibi
: haec enim et cetera ; tertio, quomodo attribuitur Deo ;
ibi : supersubstantiale et cetera. Dicit ergo primo
quod in causa prima, scilicet Deo non sunt dividenda
pulchrum et pulchritudo, quasi aliud sit in eo pulchrum et pulchritudo ;
et hoc ideo quia causa prima propter sui simplicitatem et perfectionem sola
comprehendit tota, idest omnia in uno, unde etsi in creaturis differant
pulchrum et pulchritudo, Deus tamen utrumque comprehendit in se, secundum
unum et idem. Deinde, cum dicit : haec enim et cetera,
ostendit qualiter attribuuntur creaturis ; et dicit quod in
existentibus, pulchrum et pulchritudo distinguuntur secundum participans
et participatum ita quod pulchrum dicitur hoc quod
participat pulchritudinem ; pulchritudo autem participatio primae causae
quae omnia pulchra facit : pulchritudo enim creaturae nihil est aliud quam
similitudo divinae pulchritudinis in rebus participata. Deinde, cum dicit
: supersubstantiale et cetera, ostendit quomodo praedicta
Deo attribuantur : et primo, quomodo attribuatur ei pulchritudo ; secundo,
quomodo attribuatur ei pulchrum ; ibi : pulchrum autem et
cetera. Dicit ergo primo quod Deus qui est supersubstantiale
pulchrum, dicitur pulchritudo propter hoc quod omnibus entibus
creatis dat pulchritudinem, secundum proprietatem
uniuscuiusque : alia enim est pulchritudo spiritus et alia corporis,
atque alia huius et illius corporis. Et in quo consistat pulchritudinis
ratio, ostendit subdens quod sic Deus tradit pulchritudinem, inquantum
est causa consonantiae et claritatis in omnibus : sic enim
hominem pulchrum dicimus, propter decentem proportionem in quantitate et situ
et propter hoc quod habet clarum et nitidum colorem. Unde proportionaliter
est in caeteris accipiendum, quod unumquodque dicitur pulchrum, secundum quod
habet claritatem sui generis vel spiritualem vel corporalem et secundum quod
est in debita proportione constitutum. Quomodo autem Deus sit causa
claritatis, ostendit subdens, quod Deus immittit omnibus creaturis, cum
quodam fulgore, traditionem sui radii luminosi, qui est fons omnis luminis ;
quae quidem traditiones fulgidae divini radii, secundum participationem
similitudinis sunt intelligendae et istae traditiones sunt pulchrificae,
idest facientes pulchritudinem in rebus. Rursus exponit aliud membrum,
scilicet quod Deus sit causa consonantiae in rebus ; est autem duplex
consonantia in rebus : prima quidem, secundum ordinem creaturarum ad Deum et
hanc tangit cum dicit quod Deus est causa consonantiae, sicut vocans
omnia ad seipsum, inquantum convertit omnia ad seipsum sicut ad finem, ut
supra dictum est et propter hoc pulchritudo in Graeco callos dicitur quod est
a vocando sumptum ; secunda autem consonantia est in rebus, secundum
ordinationem earum ad invicem ; et hoc tangit cum subdit, quod congregat
omnia in omnibus, ad idem. Et potest hoc intelligi, secundum sententiam
Platonicorum, quod superiora sunt in inferioribus, secundum participationem ;
inferiora vero sunt in superioribus, per excellentiam quamdam et sic omnia
sunt in omnibus ; et ex hoc quod omnia in omnibus inveniuntur ordine quodam,
sequitur quod omnia ad idem ultimum ordinentur. Deinde, cum dicit : pulchrum
autem et cetera, ostendit quomodo pulchrum de Deo dicitur ; et primo
ostendit quod dicitur secundum excessum ; secundo, quod dicitur per causam ;
ibi : ex pulchro isto et cetera. Circa primum, duo facit :
primo, proponit excessum ; secundo, exponit ; ibi : et semper
existens et cetera. Excessus autem est duplex : unus in genere, qui
significatur per comparativum vel superlativum ; alius extra genus, qui
significatur per additionem huius praepositionis : super ; puta, si dicamus
quod ignis excedit in calore excessu in genere, unde dicitur calidissimus ; sol
autem excedit excessu extra genus, unde non dicitur calidissimus sed
supercalidus, quia calor non est in eo, eodem modo, sed excellentiori. Et
licet iste duplex excessus in rebus causatis non simul conveniat, tamen in
Deo simul dicitur et quod est pulcherrimus et superpulcher ; non quod sit in
genere, sed quod ei attribuuntur omnia quae sunt cuiuscumque generis. Deinde,
cum dicit : et semper existens et cetera, exponit quod
dixerat ; et primo, exponit quare Deus dicatur pulcherrimus ; secundo, quare
dicatur superpulcher ; ibi : et sicut et cetera. Sicut enim aliquid dicitur albius, quia est nigro impermixtius, ita
dicitur aliquid pulchrius per remotionem a defectu pulchritudinis. Est autem
duplex defectus pulchritudinis in creaturis : unus, quod quaedam sunt quae
habent pulchritudinem variabilem, sicut de rebus corruptibilibus apparet et
hunc defectum primo excludit a Deo, dicens quod Deus semper est pulcher
secundum idem et eodem modo et sic excluditur alteratio pulchritudinis ; et
iterum, non est in eo generatio aut corruptio pulchritudinis, neque iterum
augmentum vel diminutio eius, sicut in rebus corporalibus apparet. Secundus
autem defectus pulchritudinis est quod omnes creaturae habent aliquo modo
particulatam pulchritudinem sicut et particulatam naturam ; hunc defectum
excludit a Deo, quantum ad omnem modum particulationis : et dicit quod Deus
non est in aliqua parte pulcher et in alia turpis, sicut in rebus
particularibus contingit quandoque ; neque etiam est in aliquo tempore et in
aliquo non, sicut contingit in his quorum pulchritudo cadit sub tempore ;
neque iterum est pulcher quantum ad unum et non quantum ad aliud, sicut
contingit in omnibus quae sunt determinata ad unum determinatum usum vel
finem : si enim applicentur ad aliud, non servabitur consonantia unde nec
pulchritudo ; neque iterum est in aliquo loco pulcher et in alio non pulcher,
quod quidem in aliquibus contingit propter hoc quod quibusdam videntur
pulchra et quibusdam non videntur pulchra, sed Deus quoad omnes et
simpliciter pulcher est. Et omnium praemissorum assignat rationem, cum subdit
quod ipse est pulcher secundum seipsum ; per quod, excluditur
quod non est pulcher secundum unam partem tantum, neque in aliquo tempore
tantum, neque in aliquo loco tantum ; quod enim alicui secundum se et primo
convenit, convenit et toti et semper et ubique. Iterum, Deus est pulcher in
seipso, non per respectum ad aliquod determinatum et ideo non potest dici
quod ad aliquid sit pulcher et ad aliquid non pulcher et neque quibusdam
pulcher et quibusdam non pulcher. Iterum, est semper et uniformiter pulcher,
per quod excluditur primus defectus pulchritudinis, scilicet variabilitas.
Deinde, cum dicit : et sicut omnis et cetera, ostendit qua
ratione dicatur Deus superpulcher, in quantum in seipso habet excellenter et
ante omnia alia, fontem totius pulchritudinis. In ipsa enim natura
simplici et supernaturali omnium pulchrorum ab ea
derivatorum praeexistunt omnis pulchritudo et omne pulchrum, non
quidem divisim, sed uniformiter per modum quo multiplices
effectus in causa praeexistunt. Deinde, cum dicit : ex pulchro isto et
cetera, ostendit quomodo pulchrum de Deo dicitur secundum causam ; et primo
ponit causalitatem pulchri ; secundo, exponit ; ibi : et est
principium et cetera. Dicit ergo primo quod ex pulchro isto provenit esse
omnibus existentibus : claritas enim est de consideratione
pulchritudinis, ut dictum est ; omnis autem forma, per quam res habet esse,
est participatio quaedam divinae claritatis ; et hoc est quod subdit,
quod singula sunt pulchra secundum propriam rationem,
idest secundum propriam formam ; unde patet quod ex divina pulchritudine esse
omnium derivatur. Similiter etiam dictum est quod de ratione pulchritudinis
est consonantia, unde omnia, quae, qualitercumque ad consonantiam pertinent, ex
divina pulchritudine procedunt ; et hoc est quod subdit, quod propter
pulchrum divinum sunt omnium rationalium
creaturarum concordiae, quantum ad intellectum ; concordant enim
qui in eamdem sententiam conveniunt ; et amicitiae, quantum ad
affectum ; et communiones, quantum ad actum vel ad quodcumque
extrinsecum ; et universaliter omnes creaturae, quantamcumque unionem habent,
habent ex virtute pulchri. Deinde, cum dicit : et est principium et
cetera, exponit quod primo dixerat de causalitate pulchri ; et primo, quantum
ad rationem causandi ; secundo, quantum ad diversitatem causatorum ; ibi
: hoc unum bonum et cetera. Circa primum, duo facit : primo,
assignat secundum quam rationem pulchrum dicitur causa ; secundo, infert
quoddam corollarium ex dictis ; ibi : propter quod et
cetera. Dicit ergo primo quod pulchrum quidem est principium omnium
sicut causa effectiva dans esse ; et sicut causa movens et
sicut causa continens, idest conservans omnia ; haec enim tria
videntur ad rationem causae efficientis pertinere : ut det esse, moveat et
conservet. Sed causa agens, quaedam agit ex desiderio finis, quod est agentis
imperfecti, nondum habentis quod desiderat ; sed agentis perfecti est ut agat
per amorem eius quod habet et propter hoc subdit quod pulchrum, quod est
Deus, est causa effectiva et motiva et continens, amore propriae
pulchritudinis. Quia enim propriam pulchritudinem habet, vult eam
multiplicare, sicut possibile est, scilicet per communicationem suae
similitudinis. Secundo ait quod pulchrum, quod est Deus, est finis
omnium sicut finalis causa omnium rerum. Omnia enim facta sunt ut
divinam pulchritudinem qualitercumque imitentur. Tertio, est causa exemplaris,
quia omnia distinguuntur secundum pulchrum divinum et huius signum est quod
nullus curat effigiare vel repraesentare, nisi ad pulchrum. Deinde, cum dicit
: propter quod et cetera, infert quoddam corollarium ex
dictis ; et dicit quod, quia tot modis pulchrum est causa omnium, inde est
quod bonum et pulchrum sunt idem, quia omnia desiderant pulchrum et bonum,
sicut causam omnibus modis ; et quia nihil est quod
non participet pulchro et bono, cum unumquodque sit pulchrum et bonum
secundum propriam formam ; et ulterius, etiam, audacter hoc dicere poterimus quod
non-existens, idest materia prima participat pulchro et bono,
cum ens primum non-existens habeat quamdam similitudinem cum pulchro et bono
divino : quoniam pulchrum et bonum laudatur in Deo per omnium
ablationem ; sed in materia prima, consideratur ablatio per defectum, in
Deo autem per excessum, in quantum supersubstantialiter existit. Quamvis
autem pulchrum et bonum sint idem subiecto, quia tam claritas quam
consonantia sub ratione boni continentur, tamen ratione differunt : nam
pulchrum addit supra bonum, ordinem ad vim cognoscitivam illud esse huiusmodi. |
Leçon 5 (15a) : Du Beau et comment on peut l’attribuer à Dieu.333. Après nous avoir fait son exposé sur la lumière, Denys nous présente maintenant celui qui traite du beau, dont la compréhension présuppose celle de la lumière ; et à ce sujet il fait deux choses : il montre d'abord que le beau est attribué à Dieu ; deuxièmement, il montre la manière selon laquelle le beau Lui est attribué là où il dit (133) : Le Beau cependant… 334. Donc, il dit tout d’abord que ce bien au-dessus de toute substance qui est Dieu est loué par les saints théologiens dans les saintes Écritures comme étant beau ; on lit en effet dans Le Cantique des Cantiques (1, 15) : ¨Toi, qui es beau, aime moi.¨ ; mais aussi il est célébré en tant que beauté comme par le Psalmiste (95, 6) : ¨le rayonnement et la beauté sont en sa présence¨ ; il est encore loué comme étant amour ainsi qu’on le voit dans la première lettre de Jean (4,10) : ¨Dieu est amour¨, et enfin comme aimable, ainsi que le proclame l’autorité du Cantique présentée plus haut ; il est encore loué par de nombreux autres noms qui conviennent à Dieu et qui se rapportent à la beauté, soit sous le rapport de sa causalité et c’est ce qu’il évoque par les noms de beau et de beauté, soit sous le rapport de la grâce par laquelle elle est obtenue, ce qu’il évoque par les noms d’amour et d’aimable. 335. Ensuite, lorsqu’il dit (133) : Le beau cependant… il montre comment le beau est attribué à Dieu ; et à ce sujet, il fait trois choses : d’abord il montre que le beau et la beauté s’attribuent à Dieu et aux créatures, mais différemment ; ensuite, comment ils s’attribuent aux créatures lorsqu’il dit (134) : ces dernières en effet… ; troisièmement, comment ils s’attribuent à Dieu lorsqu’il dit (135) : le beau supra-substantiel… 336. Il dit alors qu'en Dieu, c’est-à-dire dans la Cause première, le beau et la beauté ne doivent pas être séparés, comme si autres étaient en lui le beau et la beauté ; et il en est ainsi parce que la Cause première est la seule, en raison de sa perfection et de sa simplicité, à pouvoir saisir la totalité du réel dans l’unité ; c’est ce qui explique que bien que le beau et la beauté diffèrent dans les créatures, Dieu cependant les saisit l’un et l’autre selon un seul et même acte. 337. Ensuite, lorsqu’il dit (134) : Ces
dernières en effet… il montre comment le beau et la beauté s’attribuent
aux créatures ; et il dit que dans les êtres qui existent,
c’est-à-dire dans les créatures, le beau et la beauté se distinguent selon le
participant et le participé de telle manière qu’on dit du beau qu’il
participe de la beauté ; la beauté cependant est une participation
directe de la Cause première qui fait toute chose belle : la beauté
des créatures en effet n’est rien d’autre qu’une image de la beauté divine
dont les choses participent. 338. Ensuite, lorsqu’il dit (135) : le beau supra-substant |