Commentaire de saint Thomas d'Aquin sur « Les Noms Divins » de
Denys le Mystique
In librum B. Dionysii De divinis nominibus expositio
© et traduction par
Serge Pronovost, Neuville,
le 18 mars 2017
Édition
numérique, https://www.i-docteurangelique.fr/DocteurAngelique, 2017
Les œuvres
complètes de saint Thomas d'Aquin
Leçon 1 (1a) : De la façon de procéder propre à
cette œuvre.
Leçon 3 (3a) : Comment Dieu peut être nommé.
Leçon 1 (4a) : Ce qui dans la Trinité se dit en
commun et en propre au sujet des trois Personnes.
Leçon 2 (5a) : La sorte d'unité et de distinction
qu'on retrouve en Dieu.
Leçon 4 (7a) : Que nous ne pouvons manifester les
distinctions divines d'une manière suffisante.
Leçon 5 (8a) : Les paroles de Hiérothée relatives à
la Divinité et à l'Incarnation du Christ.
Leçon 6 (9a) : De la distinction divine entendue au
sens où les créatures procèdent de Dieu.
Leçon UNIQUE (10a) : Présentation d'un proème à
toute l'oeuvre qui suit.
Leçon 2 (12a) : Comment le Bien se retrouve dans les
autres créatures corruptibles.
Leçon 3 (13a) : De la lumière sensible.
Leçon 4 (14a) : De la Lumière intelligible.
Leçon 5 (15a) : Du Beau et comment on peut
l’attribuer à Dieu.
Leçon 6 (16a) : De la causalité du Beau, quant à la
diversité de ses effets.
Leçon 7 (17a) : Quels sont les mouvements des
esprits et des âmes.
Leçon 10 (20a) : De l’Extase et du Zèle.
Leçon 11 (21a) : Comment peut-on dire de Dieu qu'il
est à la fois amour et aimable.
Leçon 12 (22a) : Ce que dit Hiérothée au sujet de
l’amour.
Leçon 14 (24a) : Résolution de la première question
: le mal est-il un être ?
Leçon 15 (25a) : Présentation de la deuxième
question : d’où vient le mal ?
Leçon 16 (26a) : Réponse à la seconde question
principale.
Leçon 18 (28a) : Le mal n’est pas dans les bons
Anges.
Leçon 19 (29a) : Les démons ne sont pas mauvais par
nature, et comment le mal s’est retrouvé en eux.
Leçon 20 : De quelle manière le mal est dans les
âmes.
Leçon 21 (31a) : Comment le mal existe dans les
choses naturelles.
Chapitre 5 - De l'Être et également des modèles.
Chapitre 7 - De la Sagesse, de l'Esprit, de la
Raison, de la Vérité, de la Foi.
Leçon 1 (39a) : Comment on doit entendre la Sagesse
qu'on attribue à Dieu.
Leçon 2 (40a) : Que la Sagesse divine est cause de
toute sagesse.
Leçon 3 : Comment Dieu connaît par sa sagesse
divine.
Leçon 4 : Comment Dieu est connu.
Leçon 5 (43a) : De ce qui se rattache à la Sagesse,
à savoir la Raison, la Vérité et la Foi.
Leçon 1 (44a) : Comment la puissance doit s'entendre
de Dieu et de l'infinité de sa puissance.
Leçon 2 (45a) : Que chaque être en particulier
procède de la puissance divine.
Leçon 3 (46a) : Pourquoi dit-on que la puissance
divine a une limite ?
Leçon 4 (47a) : De la Justice de Dieu.
Leçon 5 (48a) : Des effets de la justice divine : le
Salut, la Libération, l'Inégalité.
Leçon 1 (49A) : En quel sens on dit de Dieu qu'il
est Grand et Petit.
Leçon 2 (50a) : Du Même et de l'Autre et comment ils
s'attribuent à Dieu.
Leçon 3 (51a) : Du Semblable et du Dissemblable et
comment ils sont attribués à Dieu.
Chapitre 10 - Du Tout-Puissant, de l'Ancien des jours et aussi de l'Éternité et du Temps.
Leçon 1 : Comment la Toute-Puissance s'attribue à
Dieu.
Leçon 2 (54a) : Pourquoi on dit de Dieu qu'il est
l'Ancien des jours.
Leçon 3 (55a) : De l'Éternité et du Temps.
Leçon 1 (56a) : De la Paix divine et de sa causalité
prise universellement.
Leçon 2 (57a) : De la Causalité de la Paix divine
prise distinctement.
Chapitre 12 - Le Saint des Saints ; le Roi des rois ; le Seigneur des seigneurs ; le Dieu des
dieux.
Leçon unique (60a) : Explication des noms qui
désignent le gouvernement des choses.
Chapitre 13 - Du Parfait et de l’Un.
Leçon 2 (62a) : Il montre la Causalité de l’Un
entendue universellement.
Leçon 3 (63a) : Comment l’Un est attribué à Dieu.
Leçon 4 : Résumé de ce qui a été dit dans ce livre.
Dans la
préface à cette traduction du commentaire de Thomas d’Aquin au traité des Noms
Divins de Denys, j’ai cru nécessaire de faire deux choses : d’abord
d’expliquer certains termes utilisés par Denys et qui peuvent porter à
confusion ; ensuite de faire porter mes considérations sur le nom en général et
sur les différentes manières de l’attribuer à des réalités diverses. Cet examen
en effet m’apparaît utile non seulement pour la lecture de ce traité mais pour
aborder tout autre traité : il a donc une portée universelle. Néanmoins,
je ne prétends pas en faire un exposé global et qui tiendrait compte de toutes
les nuances, mais d’en présenter les grandes lignes en m’appuyant sur des
extraits d’auteurs, dont un est tiré du commentaire de Thomas d’Aquin sur la
Métaphysique d’Aristote. Ces deux auteurs reviennent constamment à travers
leurs ouvrages sur ces considérations et c’est là un signe de leur importance.
Il existe
certains termes dans le texte de Denys et dans le commentaire de Saint Thomas
qui sont de nature à occasionner de la confusion chez le lecteur et que
j'aimerais examiner sommairement. Il s'agit surtout des termes latins
¨participatio¨ et ¨processio¨ que je traduis simplement en français par les
noms participation et procession auxquels je donne les mêmes significations que
celles que donne Thomas d'Aquin à leurs correspondants latins. Il s'agit là de
deux termes dont les significations sont très apparentées dont la seconde à mon
avis précise et aide à mieux saisir la première.
Participer de quelque chose, au sens philosophique et commun du terme,
signifie prendre part, accueillir une part de quelque chose ; ainsi par
exemple, on pourrait dire que les végétaux, parce qu’ils sont informés par
l’énergie solaire et en participent, sont nommés participants de l’énergie
solaire et que l’énergie solaire elle-même, à laquelle ils participent, est
nommée participé. Quelle que soit la forme sous laquelle on présente ce
rapport, toutes ces formes étant présentes dans le commentaire de Saint Thomas,
on voit bien que c'en est un d'antériorité : le participé est antérieur au
participant, comme la cause première est antérieure aux effets et aux causes
secondes. Ce rapport, c'est celui que Denys pose entre Dieu et tout autre être :
tout ce qui existe dans l'univers doit son existence à Dieu, à Celui dont
l'essence est son existence même, à celui qui ne peut pas ne pas exister, à
Celui qui dit de Lui-même (Exode, ?)que son nom est: ¨Je suis¨ et qui, parce
qu'Il se donne aux créatures par pure bonté, se voit d'abord attribuer par
Denys le nom de Bien: il est dans la nature du Bien en effet de se diffuser.
Mais il y
a cependant plusieurs manières pour Dieu de se donner : elles se ramènent
toutes à deux catégories et c'est l'examen du nom procession tout au long du
commentaire de Saint Thomas qui aide à les saisir. Partons de la signification
courante et populaire de ce nom: si nous pensons par exemple à la procession de
la Fête-Dieu, nous voyons aussitôt un défilé qui comporte une multiplicité, une
diversité et un ordre dans la diversité: une multiplicité de personnes de rangs
différents, les plus hauts dignitaires se présentant au-devant de la scène, les
plus humbles à l'arrière; ce défilé procède d'un principe, d'un point de
départ, et il tend vers une destination, une finalité; toute procession,
entendue en ce sens, comporte nécessairement un mouvement.
Comment
ne pas voir alors une certaine analogie entre ce type de procession et
l'apparition des créatures dans l'univers, dans le cosmos ? En effet, qu'on se réfère
au livre de la Genèse ou à la théorie de l'évolution, on affirme que la
multiplicité des êtres est apparue selon un ordre de succession dans le temps,
les plus simples apparaissant en premier dans l’ordre d’exécution pour parvenir
par la suite aux plus complexes et aux plus nobles qui étaient visés en premier
lieu dans l’ordre d’intention, jusqu'à l'apparition de l'être humain. En ce
sens, l'apparition des créatures est comme une longue procession qui vient de
Dieu comme principe et qui tend à Lui comme finalité. La création est donc une
procession de l'Amour de Dieu. Mais sous quelle forme Dieu se donne-t-il alors ?
Ce qui permet de le voir, c'est de comparer ce type de procession à celui qu'on
retrouve à l'intérieur même des Personnes divines ; car le Fils, engendré par
le Père, procède de Lui, alors que l'Esprit-Saint procède de l’Amour qui existe
de toute éternité entre le Père et le Fils.
Saint-Thomas distingue bien ces deux sortes de processions en plusieurs
endroits de son commentaire mais je me contenterai d'attirer l'attention du
lecteur sur ce passage (n. 158) : ¨Car dans la procession des personnes
divines, c'est l'essence divine même qui est communiquée aux personnes qui
procèdent et ainsi ce sont les trois personnes qui possèdent l'essence divine;
alors que pour la procession des créatures, ce n'est pas l'essence divine
elle-même qui, demeurant alors non communiquée et non participée, est
communiquée aux créatures qui en procèdent; mais c'est comme une image de Dieu,
au moyen des dons qu'il fait aux créatures, qui se répand dans les créatures et
se multiplie en elles; et ainsi la Divinité, au moyen de sa ressemblance et non
de son essence, se prolonge dans les créatures et se multiplie d'une certaine
manière en elles de telle manière que la procession des créatures elle-même
puisse être appelée elle aussi une distinction divine, à condition d’entendre
par cette expression la communication de
la ressemblance divine et non de son Essence¨. Dieu ne communique pas davantage
son Essence aux créatures que l'artiste ne communique la sienne à ses oeuvres.
L'impuissance de Michel-Ange à donner la vie à ses personnages peints ou
sculptés illustre bien cela : il ne peut leur communiquer que l'image qu'il a à
l'esprit. De même Dieu, par impossibilité, ne peut communiquer son essence ;
comment en effet un être qui n’a reçu son existence d’aucun autre être
pourrait-il créer un être n’ayant pas reçu son existence?
Mais si
Dieu ne communique aux créatures non pas son essence mais comme une
ressemblance de Lui qui se manifestera à
titre de vestige ou d’image, cela pose un problème. En effet, puisque
nous nommons les êtres comme nous les connaissons et que nous connaissons
d’abord les choses sensibles auxquelles nous imposons d’abord des noms d’une
part, et que nous ne connaissons pas Dieu directement mais à partir des
perfections qui existent dans les créatures d’autre part, comment
nommerons-nous Dieu si ce n’est en lui transférant des noms que nous avons
d’abord attribués aux créatures ? Il semble alors difficile de voir comment
nous pourrions nommer Dieu autrement que selon un mode métaphorique en disant
de Lui par exemple qu’Il est un roc, un lion, etc. On sait pourtant que Denys a
écrit un autre traité, La Théologie
Symbolique, dans lequel il traite justement de ces noms qu’on transfère à
Dieu par métaphore à partir des créatures. Comment alors justifier qu’il ait
écrit un autre traité sur les noms qu’on attribue à Dieu : Les Noms Divins ? Y aurait-il
différentes sortes de noms attribuables à Dieu ?
J’entends
déjà ce qu’on s’apprête à me répondre : Dans le traité de La théologie
Symbolique, il s’agit de noms concrets : roc, lion, feu, souffle, etc.,
tandis que dans Les Noms divins, il s’agit de noms universels : le bien,
l’être, la beauté, la vie, etc. Cet énoncé est vrai mais il présente un fait
sans en donner la justification rationnelle. La raison qui justifie la
distinction entre les deux traités tient à notre façon de connaître et par
conséquent de nommer. Or dans le nom il y a deux choses à distinguer : la
signification elle-même et la manière de signifier. Quant à la manière de
signifier, aucun nom ne convient parfaitement à Dieu car tout nom signifie soit
à la manière de ce qui subsiste en tant que composé de matière et de forme,
comme les noms que l’homme forme pour les imposer aux espèces matérielles et à
leurs propriétés, tels les termes ¨chat, table, rocher, lion etc., soit à la
manière d’une forme qui est simple mais qui ne subsiste pas par elle-même, tel
celui de la beauté, de bien etc. Or Dieu est un être qui est à la fois simple
et subsistant. Donc, aucun nom ne lui est attribué de façon adéquate, puisque
nous ne connaissons Dieu qu’à partir des créatures qui ne le représentent
qu’imparfaitement.
Mais les
premiers, les noms concrets, ne conviennent à Dieu ni par la manière de nommer,
ni par la signification, laquelle se rapporte à un composé de matière et de
forme, par exemple lion, roc, etc. C’est pourquoi ils ne s’appliquent à Dieu
que métaphoriquement selon un transfert qui s’effectue selon une similitude de
proportion. En effet, en disant de Dieu qu’il est un roc, on veut seulement
dire que Dieu est immuable dans son être comme le roc dans sa constitution,
sachant bien que l’immuabilité en Dieu existe sous un mode infiniment plus
parfait. Le transfert dans ce cas se fait de la créature à Dieu.
Les
seconds, les noms universels, ceux qui ne se disent pas métaphoriquement de
Dieu mais qui s’attribuent communément à Dieu et aux réalités naturelles, se
distinguent des premiers en ce que ce qui est signifié par le nom est une forme
simple : l’immobilité, la force, la vie etc. Ces termes sont certes
imposés en premier lieu pour signifier les perfections telles qu’elles existent
dans les créatures qui, comme nous l’avons déjà dit, sont connues en premier de
nous et c’est pourquoi ils possèdent alors un mode de signifier qui témoigne du
caractère limité que ces perfections revêtent dans les créatures. Quant au mode même de signifier, ces noms
peuvent être niés de Dieu aussi bien qu’en être affirmés.
Mais
quant à la chose elle-même qui est signifiée par cette sorte de nom, c’est en
Dieu que ces perfections, à savoir le bien, la beauté etc., existent dans toute
leur perfection au-dessus de toute excellence et d’où elles procèdent pour
parvenir aux créatures selon les modalités limitées qui leur sont propres.
C’est donc à Dieu que ces noms conviennent le plus proprement et par priorité,
même si c’est pour signifier les perfections en tant qu’existant dans les
créatures qu’ils ont été d’abord imposés, car en Lui que ces perfections existent
dans toute leur plénitude. Il en est de même pour les noms dont nous parlons
maintenant et qui s’attribuent à la fois à Dieu et aux réalités naturelles qui
sont composées. Ces mêmes perfections appartiennent secondairement aux
créatures où elles ne sont plus que des participations limitées, multiples et
divisées dans des composés qui en participent.
Cette
nuance, Thomas d’Aquin la manifeste au moyen d’un exemple (1a, Q. 13, a. 2, ad 2.). En résumé, il dit que pour la
signification des noms, autre est parfois l’origine de l’imposition du nom,
autre est la signification pour laquelle le nom a été imposé. Par exemple, le
nom pierre en latin (lapis) tient son
origine de ce qui blesse le pied (quod
laedit pedem); mais ce n’est pas ultimement pour signifier ce fait que ce
nom a été imposé, mais pour signifier une partie du corps. Autrement, tout ce
qui blesse le pied serait une pierre
Il est
donc clair que l’attribution de ces noms à Dieu ne sera plus métaphorique, mais
on les Lui attribuera au sens propre. Ils s’attribueront aussi proprement aux
créatures mais comme postérieurement. C’est ce que nous allons développer en
distinguant les sortes d’attribution et pour ce faire, nous allons partir d’une
distinction faite précédemment.
Nous
avons vu plus haut que les notions de création et de génération, entendues au
sens strict, diffèrent grandement. Ce qu’un animal engendre en effet, c’est un
être de même espèce, qui a la même nature et tous ceux qui sont ainsi engendrés
reçoivent non seulement le même nom mais aussi, avec ce nom, la même
définition. Ainsi, tous les descendants des premiers humains reçoivent le nom
d’homme et avec lui la même définition : animal doué de raison etc. De
même, le bœuf le chien sont nommés animal et animal dans les deux cas garde la
même signification : vivant doué de sens, de passions, capable de
mouvement local, etc. Il y a là comme une égalité qui fait que pour eux
l’attribution du nom homme est univoque : ils sont différents par le
nombre mais identiques par l’espèce ou par le genre, par leur nature exprimée
dans cette définition.
Il peut
néanmoins arriver qu’un même nom soit attribué non seulement à ce qui est
multiple par le nombre mais aussi ce qui est multiple par l’espèce et même par
le genre. Or ce qui diffère par le genre ou l’espèce ne peut recevoir une même
définition. C’est ce qu’on observe pour des choses entre lesquelles il n’y a
aucune filiation, aucune ressemblance, mais qui ont reçu comme par hasard un
même nom. Ainsi, on donne le nom de chien à l’animal domestique qui jappe mais
aussi à telle partie du fusil, au chien de mer ou à la constellation. Le même
terme réfère alors à des significations qui n’ont pratiquement plus rien en
commun et l’attribution qu’on en fait est alors équivoque et peut conduire au
sophisme de l’homonymie.
Mais
l’attribution n’est pas seulement soit univoque, là où l’identité de
signification est parfaite, soit purement équivoque, là où la différence est
extrême ; elle peut être d’un autre genre, d’un genre plus subtil car il
comporte à la fois ressemblance et différence. Il y a en effet des noms qui
s’attribuent à une multiplicité d’êtres qui ont entre eux une certaine
filiation, une certaine ressemblance malgré une différence de nature. Je prendrai
un exemple utilisé par Thomas d’Aquin dans plusieurs traités, dont son
commentaire à la Métaphysique d’Aristote
(L. 1V, l. 1, n. 537.). Ainsi, voit bien que le mot sain s’attribue à la fois
au médicament, à l’aliment, à l’urine mais aussi à l’animal; dans ce cas,
l’attribution n’est pas univoque, car le mot sain dans chacun des cas ne garde
pas la même signification, mais elle n’est pas équivoque non plus car dans tous
ces cas, on parle d’une seule et même santé. Il y a ici un lien étroit entre
l’animal sain et l’urine saine, ce qui n’est pas le cas si on cherche à
comparer le chien comme animal à la constellation. En effet, sain se dit de la
diète, du médicament, de l’urine et de l’animal sous des rapports différents
d’une seule et même santé de l’animal qui en est le sujet, du médicament qui la
cause, de la diète qui la conserve et de l’urine qui est le signe de la santé
de l’animal. On voit bien que ce n’est pas également que sain s’attribue à
chacun de ces cas, puisque le sujet animal se retrouve dans l’attribution de
sain pour chacun des autres cas. En effet, on ne dit de l’urine qu’elle est
saine que parce qu’elle est le signe de la santé de l’animal, de la nourriture
parce qu’elle la conserve etc. Cela permet de constater qu’il y a ici un ordre :
c’est à l’animal comme sujet que s’attribue premièrement sain, puis
secondairement aux autres, dans l’ordre, selon leur proximité ou l’intimité de
leur rapport à la santé de l’animal. Alors, on pourrait dire de l’animal qu’il
est le premier analogué du mot sain, le sujet où la santé se trouve à être
parfaitement réalisée; puis le second serait la cause naturelle qui la
conserve, la nourriture; le médicament la cause qui la rétablit; enfin l’urine
qui en est le signe ou comme une conséquence. Lorsque le mot s’attribue de
cette manière à une multiplicité de cas qui se ramènent tous à quelque chose
d’un selon une suite plus ou moins étroite, on a affaire à un mot analogue.
Cet
exemple, Thomas d’Aquin l’applique ensuite dans le même chapitre à la notion
d’être. L’être, puisqu’il est commun à tout ce qui existe, ne se dit pas de
manière équivoque, mais il ne se dit pas non plus dans tous les cas en un seul
sens, de manière univoque. Et ici sa présentation est d’une grande clarté.
L’être dit-il peut se dire de la substance qui existe par elle-même, puis des
propriétés ou des accidents essentiels de la substance, puis de n’importe quel
accident qu’on retrouve dans une substance, ensuite de la génération et du
mouvement qui sont comme un chemin vers la substance, comme de l’être en
puissance, et même de l’altération et de la corruption qui sont comme des
éloignements et des délaissements de la substance, et enfin de la négation et
de la privation de la substance, êtres de raison, se voient aussi attribuer
l’être, puisque nous disons que le non-être est du non-être. Comme dans
l’exemple du terme sain, le terme être est attribué dans chacun de ces cas
selon un rapport différent, mais aussi suivant un ordre d’après une plus ou
moins grande proximité par rapport à la substance dont elle se dit en premier
et qui se retrouve dans tous les autres sens. L’être se dit en dernier de la
négation et de la privation car c’est là qu’on retrouve le moins d’être :
un être de raison plutôt qu’un être de nature et un être de raison dans la
négation, ce qui suppose antérieurement un être de raison dans l’affirmation
car l’affirmation est antérieure à la négation qui la suppose. L’être commun,
bien que commun, ne s’attribue pas de manière égale mais inégalement, suivant
un avant et un après.
Appliquons maintenant ces distinctions au sujet des noms divins : Dieu.
Denys dit de Dieu qu’il est la Substance supra-substantielle, qui transcende
infiniment toute autre substance : il est celui d’où procède toute autre
substance mais qui ne procède Lui-même de rien; il est l’Être dont l’existence
est nécessaire, Celui qui ne peut pas ne pas être. Il est le seul dont
l’essence même est d’exister. Dieu mérite donc qu’on lui attribue le terme être
dans un sens infiniment plus parfait que dans tous les autres cas. Il est donc,
antérieurement à toute autre substance, le premier analogué du terme ¨être¨.
C’est donc en ce sens que lui sont attribués aussi tous les autres termes
universels qu’on lui attribue : le Bien, le Beau, le Juste, etc. Car il
est le bien, le beau, le juste : c’est là, dans l’unité et la simplicité
qui le caractérisent, son essence. Toute autre substance tient de lui ce
qu’elle possède de bonté, de beauté, de justice, etc. Alors que Lui-même est la
Beauté, les autres ont de la beauté parce qu’elles participent pour une part de
sa Beauté et alors même qu’il est l’Être dans toute la plénitude de l’être, les
autres ont de l’être parce qu’elles participent de son être.
Voilà
pourquoi, à côté du traité de la théologie symbolique, Denys s’est consacré à
la rédaction des Noms Divins, ce
dernier traité ayant pour objet les noms qui se disent le plus proprement de
Dieu car même si le nom de bien quant à notre mode de nommer ne désigne qu’une
forme simple ne subsistant pas par elle-même, lorsqu’on l’attribue à Dieu,
notre intention est de désigner par ce nom le Bien subsistant lui-même qui est
le Bien d’où procèdent tous les autres bien.
Neuville, 21
mai 2017
Sancti Thomae de Aquino In librum B. Dionysii De
divinis nominibus
expositio a capite I ad caput II Textum
Taurini 1950 editum ac automato
translatum a Roberto Busa
SJ in taenias magneticas denuo
recognovit Enrique Alarcón atque instruxit |
DES NOMS DIVINS Du prêtre Denys
à son vicaire Timothée. Début de
l’examen du livre du bienheureux Denys intitulé ¨Des Noms divins¨. Disposition
organique du livre d’après la présentation qu’en fait Saint Thomas. |
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1.
Il expose en premier les notions pré-requises aux
considérations qui vont suivre : A)
Il montre le bien fondé des Noms divins. (cap. 1) ; B)
Il montre que les noms dont on traite dans ce livre sont
communs à toutes les personnes de la Trinité (cap. 11). 11. Il commence à exposer son propos
principal : A) Il présente un proème à toute l’œuvre qui
suit (cap. 111) B) Il transmet la doctrine sur les Noms
divins (cap. 1V-X111) |
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PROOEMIUM |
PROÈME DE SAINT THOMAS |
84833]
In De divinis nominibus, pr. Ad intellectum librorum
beati Dionysii considerandum est quod ea quae de Deo in sacris Scripturis
continentur, artificialiter quadrifariam divisit : nam in libro quodam, qui
apud nos non habetur, qui intitulatur de divinis hypotyposibus idest
characteribus, ea de Deo tradidit quae ad unitatem divinae essentiae et
distinctionem personarum pertinent. Cuius unitatis et distinctionis
sufficiens similitudo in rebus creatis non invenitur, sed hoc mysterium omnem
naturalis rationis facultatem excedit. Quae vero dicuntur de Deo in
Scripturis, quarum aliqua similitudo in creaturis invenitur, dupliciter se
habent. Nam huiusmodi similitudo in quibusdam quidem
attenditur secundum aliquid quod a Deo in creaturas derivatur. Sicut
a primo bono sunt omnia bona et a primo vivo sunt omnia viventia et sic de
aliis similibus. Et talia pertractat Dionysius in libro de divinis nominibus,
quem prae manibus habemus. In quibusdam vero
similitudo attenditur secundum aliquid a creaturis in Deum translatum. Sicut
Deus dicitur leo, petra, sol vel aliquid huiusmodi ; sic enim Deus symbolice
vel metaphorice nominatur. Et de huiusmodi tractavit Dionysius in quodam suo
libro quem de symbolica theologia intitulavit. Sed quia omnis similitudo
creaturae ad Deum deficiens est et hoc ipsum quod Deus est omne id quod in
creaturis invenitur excedit, quicquid in creaturis a nobis cognoscitur a Deo
removetur, secundum quod in creaturis est ; ut sic, post omne illud quod
intellectus noster ex creaturis manuductus de Deo concipere potest, hoc ipsum
quod Deus est remaneat occultum et ignotum. Non solum enim Deus non est lapis
aut sol, qualia sensu apprehenduntur, sed nec est talis vita aut essentia
qualis ab intellectu nostro concipi potest et sic hoc ipsum quod Deus est,
cum excedat omne illud quod a nobis apprehenditur, nobis remanet ignotum. De
huiusmodi autem remotionibus quibus Deus remanet nobis ignotus et occultus
fecit alium librum quem intitulavit de mystica idest occulta theologia. Est
autem considerandum quod beatus Dionysius in omnibus libris suis obscuro
utitur stilo. Quod quidem non ex imperitia fecit, sed ex industria ut sacra
et divina dogmata ab irrisione infidelium occultaret. Accidit etiam
difficultas in praedictis libris, ex multis : primo, quidem, quia plerumque
utitur stilo et modo loquendi quo utebantur Platonici, qui apud modernos est
inconsuetus. Platonici enim omnia composita vel materialia, volentes reducere
in principia simplicia et abstracta, posuerunt species rerum separatas,
dicentes quod est homo extra materiam, et similiter equus, et sic de aliis
speciebus naturalium rerum. Dicebant, ergo, quod hic homo singularis
sensibilis non est hoc ipsum quod est homo, sed dicitur homo participatione
illius hominis separati. Unde in hoc homine sensibili invenitur aliquid quod
non pertinet ad speciem humanitatis, sicut materia individualis et alia
huiusmodi. Sed in homine separato nihil est nisi quod ad speciem humanitatis
pertinet. Unde hominem separatum appellavit per se hominem, propter hoc quod
nihil habet nisi quod est humanitatis ; et principaliter hominem, inquantum
humanitas ad homines sensibiles derivatur ab homine separato, per modum
participationis. Sic etiam dici potest quod homo separatus sit super homines
et quod homo separatus sit humanitas omnium hominum sensibilium, inquantum
natura humana pure competit homini separato, et ab eo in homines sensibiles
derivatur. Nec solum huiusmodi abstractione Platonici considerabant circa
ultimas species rerum naturalium, sed etiam circa maxime communia, quae sunt
bonum, unum et ens. Ponebant, enim, unum primum quod est ipsa essentia
bonitatis et unitatis et esse, quod dicimus Deum et quod omnia alia dicuntur
bona vel una vel entia per derivationem ab illo primo. Unde illud primum nominabant
ipsum bonum vel per se bonum vel principale bonum vel superbonum vel etiam
bonitatem omnium bonorum seu etiam bonitatem aut essentiam et substantiam, eo
modo quo de homine separato expositum est. Haec igitur Platonicorum ratio
fidei non consonat nec veritati, quantum ad hoc quod continet de speciebus
naturalibus separatis, sed quantum ad id quod dicebant de primo rerum
principio, verissima est eorum opinio et fidei Christianae consona. Unde
Dionysius Deum nominat quandoque ipsum quidem bonum aut superbonum aut
principale bonum aut bonitatem omnis boni. Et similiter nominat ipsum
supervitam, supersubstantiam et ipsam deitatem thearchicam, idest principalem
deitatem, quia etiam in quibusdam creaturis recipitur nomen deitatis secundum
quamdam participationem. Secunda autem difficultas accidit in dictis eius,
quia plerumque rationibus efficacibus utitur ad propositum ostendendum et
multoties paucis verbis vel etiam uno verbo eas implicat. Tertia, quia
multoties utitur quadam multiplicatione verborum quae, licet superflua
videantur, tamen diligenter considerantibus magnam sententiae profunditatem
continere inveniuntur |
1. ¨Pour comprendre les livres du bienheureux Denys, il faut avoir à l’esprit qu’il divisa en quatre parties, comme quelqu’un qui procède avec art, tout ce qui est contenu dans les Saintes Écritures : a) Car dans un de ses livres qui n’est plus en notre possession et qui est intitulé ¨Des divines Hypotyposes¨, c’est-à-dire les caractères divins, il transmit au sujet de Dieu ce qui se rapporte à l’unité de l’essence et à la distinction des personnes divines, unité et distinction dont on ne retrouve aucune similitude dans les choses créées mais qui constituent un mystère qui dépasse complètement la puissance de la raison naturelle. b) De fait, ce qu’on dit de Dieu dans les Écritures, et dont une similitude se retrouve dans les créatures, se présente de deux manières. Car certes une telle similitude doit être considérée chez certaines comme quelque chose qui vient de Dieu pour se répandre dans les créatures. Ainsi par exemple c’est du premier bien que proviennent tous les biens et c’est du premier vivant que proviennent tous les vivants, et il en est ainsi pour d’autres cas semblables. Et Denys traite de cette sorte d’attributs de Dieu dans le livre que nous avons en main et qui est intitulé ¨Des Noms divins¨. c) Dans d’autres cas vraiment la similitude doit être considérée selon ce qui est transféré à Dieu et qui existe d’abord dans les créatures, comme lorsque nous disons que Dieu est un lion, une pierre, un soleil et d’autres choses de cette sorte ; en effet, les noms qui sont ainsi attribués à Dieu le sont d’une manière symbolique ou métaphorique. Et Denys a traité de ces noms dans un de ses livres intitulé ¨De la Théologie Symbolique¨. d) Mais parce que toute similitude ainsi transférée de la créature à Dieu est déficiente et que cela même, à savoir ce qu’est Dieu, dépasse tout ce qu’on peut retrouver dans les créatures, tout ce qu’on peut connaître des créatures et qui existe en elles reste loin de Dieu ; de telle sorte qu’après tout ce que notre intelligence peut concevoir au sujet de Dieu en se laissant conduire par ce qu’elle connaît des créatures, la nature même de Dieu lui demeure encore cachée et inconnue. En effet, non seulement Dieu n’est pas une pierre ou le soleil, lesquels sont saisis par les sens, mais il n’est pas telle vie ni une essence telle qu’elle puisse être saisie par notre intelligence et ainsi, puisqu'Il dépasse tout ce que nous pouvons appréhender, Dieu nous demeure inconnu quant à ce qu'Il est. Denys fit donc un autre livre qu’il intitula ¨De la Théologie Mystique¨, lequel traite justement de ces frontières lointaines au-delà desquelles Dieu nous demeure inconnu et caché. 11. Il faut cependant considérer que le bienheureux Denys usa d’un style voilé dans tous ses livres. Certes il ne fit pas cela par ignorance mais de propos délibéré afin de mettre les croyances sacrées et divines à l’abri des moqueries des infidèles. Mais l’examen des livres que nous venons de nommer présente des difficultés sous plusieurs rapports : a) D’abord, certes, parce qu’il se sert en plusieurs occasions du style et de la manière de parler des Platoniciens, lesquels sont inhabituels auprès des modernes. En effet, les Platoniciens, voulant ramener toutes les choses composées et matérielles à des principes simples et séparés, affirmèrent que les espèces des choses existent séparément, en soutenant qu’il existe un homme sans matière et qu’il en est de même du cheval et de toutes les autres espèces des choses naturelles. Ils disaient donc que cet homme individuel et sensible n’est pas ce qu’est l’homme, mais qu’on l’appelle homme en raison de sa participation à cet homme séparé. D’où il suit qu’on retrouve dans cet homme sensible quelque chose qui n’appartient pas à l’espèce de l’humanité, comme la matière individuelle et d’autres choses du même genre. Mais au contraire tout ce qu’on retrouve dans l’homme séparé appartient à l’espèce de l’humanité. C’est pourquoi Platon appela l’homme séparé l’homme par soi, parce qu’il n’y a rien en lui qui n’appartienne pas à l’humanité ; et il l’appela encore le premier homme, selon que l’humanité découle de l’homme séparé pour parvenir aux hommes sensibles par mode de participation. Ainsi encore on peut dire que l’homme séparé est au-dessus des hommes et qu’il est l’humanité de tous les hommes sensibles, selon que la nature humaine appartient purement et simplement à l’homme séparé et qu’elle s’étend aux hommes sensibles à partir de lui. Et les Platoniciens ne se servaient pas d’une telle abstraction uniquement pour l’examen des espèces les moins universelles des choses naturelles, mais aussi pour celui des notions les plus universelles comme le bien, l’un et l’être. Ils soutenaient en effet qu’il existe une unité première qui est l’essence même du bien, de l’un et de l’être, que nous appelons Dieu, et que tous les autres êtres ne sont dits bons, uns et êtres que parce qu’ils en proviennent comme d’un premier principe. Partant de là, ils donnèrent à cette unité première les noms de bien en soi, de bien par soi, ou encore de bien premier, de bien transcendant ou de bien de tous les biens, ou bien ils la nommèrent encore bien, essence et substance, à la manière dont nous avons parlé de l’homme séparé. Donc, cette conception des Platoniciens ne s’accorde ni avec la vérité ni avec la foi quant à ce qu’elle énonce sur les espèces séparées des choses naturelles, mais leur opinion est tout à fait vraie et conforme à la foi chrétienne pour ce qui est de leurs affirmations relatives au premier Principe des choses. C’est pourquoi il arrive parfois à Denys d’appeller Dieu le bien en soi, le bien transcendant, le premier bien ou encore la bonté de tout bien. Et de même il appelle Dieu la vie transcendante, la substance transcendante et la Divinité théarchique même, à savoir la divinité originelle ou première, car le nom de divinité est attribué même à certaines créatures mais dans le cadre d’une certaine participation. b) Mais une deuxième difficulté provient de son verbe lui-même car en plusieurs endroits où il manifeste son propos au moyen d’arguments puissants, il les réduit à peu de mots ou même à un seul. c) Une troisième difficulté provient au contraire du fait qu'en de nombreux autres endroits il se sert de paroles abondantes qui cependant, bien qu’elles paraissent inutiles, se trouvent à contenir, pour ceux qui y portent un examen attentif, une pensée d’une grande profondeur. |
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CAPUT 1 |
Chapitre 1 - Quelle est
l’intention visée par ce discours et que nous dit la tradition sur les Noms
divins.
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LECTIO 1 |
Leçon 1 (1a) : De la façon de
procéder propre à cette œuvre.
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[84834] In De divinis nominibus, cap. 1 l. 1 In hoc igitur libro, qui de divinis nominibus
inscribitur, more eorum qui artificiose scientias tradiderunt, primo, praemittit
quaedam necessaria ad sequentem considerationem ; secundo, incipit prosequi
principale intentum in 3 cap. quod incipit ibi : et primam et
cetera. Circa primum, duo facit : primo, ostendit rationem divinorum nominum
; secundo, ostendit quod nomina, de quibus in hoc libro tractatur, sunt
communia toti Trinitati ; et hoc 2 cap. quod incipit ibi : thearchicam
totam essentiam et cetera. Circa primum, duo
facit : primo, continuat se ad praecedentem librum, ubi alloquens beatum
Timotheum, dicit quod post theologicas hypotyposes, idest divinas
distinctiones quibus personae in Trinitate ad invicem distinguuntur,
transibit ad reserationem, idest manifestationem divinorum
nominum, secundum suam possibilitatem. Perfecte enim ea exponere supra
hominem esse videtur. Secundo, ibi : esto et cetera, incipit
praemittere quaedam necessaria ad sequens opus. Praemittit autem duo : primo
quidem, modum procedendi in hoc opere, hoc enim necessarium est praescire in
qualibet doctrina. Secundo, ostendit rationem divinorum nominum de
quibus in hoc libro intendit ; ibi : has sequentes et
cetera. Et haec duo satis exprimuntur in titulo huius capitis qui sic se
habet : quae sermonis intentio, quantum ad primum ; et quae
de divinis nominibus traditio, quantum ad secundum. Circa primum, duo
facit : primo, ostendit ex quibus procedendum sit in hoc opere ; secundo quae
sint tradenda ; ibi : igitur universaliter et cetera. Circa
primum, duo facit : primo, ostendit ex quibus sit procedendum in hoc opere,
quia non est innitendum rationi humanae, sed revelationi divinae, accipiens
hoc ab apostolo qui dicit I Corinth. 2 : non in persuasibilibus
humanae sapientiae verbis (...) : sed in doctrina spiritus, spiritualibus
spiritualia comparantes. Et hoc est quod dicit : esto autem,
idest sit, et, idest etiam, nunc lex eloquiorum,
idest quae in sanctis Scripturis traditur, praedefinita, idest
praedeterminata, a nobis, sicut olim fuit ab apostolo ; quae
quidem lex est : nos asseverare, idest astruere vel
manifestare veritatem dictorum de Deo, non in persuasibilibus humanae
sapientiae verbis, idest non innitentes, sicut principalibus mediis ad
probandum propositum, principiis humanae sapientiae, quae secundum naturalem
rationem procedit, sed in demonstratione virtutis theologorum,
idest eorum qui Scripturam canonicam tradiderunt, scilicet apostolorum et
prophetarum, virtutis, dico, motae a spiritu,
scilicet sancto. Innititur enim, in sua doctrina, Dionysius auctoritate
sacrae Scripturae, quae robur habet et virtutem secundum quod apostoli et
prophetae moti sunt ad loquendum a spiritu sancto eis revelante et in eis
loquente. Secundo, inducit praedictae legis rationem ; ibi : secundum
quam et cetera. Et virtus suae rationis talis est : in illis
doctrinis, principiis humanae sapientiae inniti possumus in quibus ea
traduntur quae hominibus cognoscibilia sunt et dicibilia et ab his qui habent
doctrinam illam et cognosci et dici possunt. Sed in doctrina fidei
proponuntur quaedam homini ignota et indicibilia quibus habentes fidem
inhaerent, non cognoscendo aut perfecte verbo explicando, licet certius eis
inhaereant et altior sit huiusmodi inhaesio quam aliqua cognitio naturalis.
In doctrina igitur fidei non possumus inniti principiis humanae sapientiae.
Et hoc est quod dicit : secundum quam, scilicet virtutem revelationis
procedentis a spiritu sancto in apostolos et prophetas, nos per fidem coniungimur
ineffabilibus et ignotis, idest veritati divinae quae excedit omnem
humanam locutionem et cognitionem. Nec fides sic coniungit eis ut faciat ea
ab homine credente cognosci et loqui sicut sunt, hoc enim esset apertae
visionis, sed coniungit ineffabiliter et ignote : videmus enim nunc
per speculum ut dicitur I Corinth. 13. Et ne aliquis hanc
coniunctionem despiceret propter sui imperfectionem, subiungit : secundum
meliorem unionem nostrae rationalis et intellectualis virtutis et operationis,
idest supra virtutem et operationem nostrae rationis et intellectus, ut
ponatur genitivus pro ablativo, more Graecorum. Altioribus enim per fidem
coniungimur quam sint ea ad quae ratio naturalis pertingit et certius
adhaeremus, quanto certior est divina revelatio quam humana cognitio. Dicit
autem : rationalis et intellectualis, quia eorum quae naturaliter
cognoscimus, quaedam per se a nobis conspiciuntur absque aliqua
investigatione et eorum proprie est intellectus ; quaedam vero cognoscuntur
per inquisitionem et horum est ratio. Dicit autem : operationis et
virtutis, quia multa cognoscimus virtute, quae actu non speculamur.
Deinde, cum dicit : igitur universaliter et cetera, ostendit
quae sunt tradenda in hac doctrina ; et primo, ponit propositum ; secundo,
manifestat ipsum ; ibi : nam supersubstantialem scientiam et
cetera. Propositum autem concludit ex praemissis. Hoc enim et in scientiis
humanis observatur, quod principia et conclusiones sunt ex eodem genere. Sic
igitur principia ex quibus procedit haec doctrina sunt ea quae per
revelationem spiritus sancti sunt accepta et in sacris Scripturis habentur :
hoc est ergo quod concludit, quod nullo modo aliquis debet audere dicere,
ore, nec etiam cogitare aliquid de occulta deitate supersubstantiali,
quae est super omnem substantiam, et per hoc est occulta nobis quibus creatae
substantiae sunt proportionatae ad cognoscendum et per consequens ad
loquendum, praeter ea quae nobis divinitus ex sanctis eloquiis sunt
expressa, idest, exprimuntur per sancta eloquia. Signanter autem non
dicit : in sanctis eloquiis, sed ex sanctis eloquiis, quia
quaecumque ex his quae continentur in sacra Scriptura elici possunt, non sunt
aliena ab hac doctrina, licet ipsa etiam in sacra non contineantur Scriptura.
Deinde, cum dicit : nam supersubstantialem scientiam et
cetera, inducit rationem ad manifestandum propositum ; et primo, ponit
rationem ; secundo, probat quaedam quae in ratione supponit ; ibi : etenim et
cetera. Virtus ergo suae rationis talis est : de eo quod ab aliquo solo
scitur, nullus potest cogitare vel loqui, nisi quantum ab illo manifestatur.
Soli autem Deo convenit perfecte cognoscere seipsum secundum id quod est.
Nullus igitur potest vere loqui de Deo vel cogitare nisi inquantum a Deo
revelatur. Quae quidem divina revelatio in Scripturis sacris continetur. Et
hoc est quod dicit quod convenit ipsi, scilicet Deo soli, attribuere
supersubstantialem scientiam ignorantiae supersubstantialitatis, idest
supersubstantialitatis divinae ignoratae ; quae quidem
supersubstantialitas non ignorata est propter aliquem suum defectum, sed
propter suum excessum, quia scilicet est super rationem et
intellectum creatum et super ipsam substantiam creatam
quae est obiectum commensuratum intellectui creato, sicut essentia increata
est proportionata scientiae increatae. Et ideo sicut essentia divina est
supersubstantialis, ita et eius scientiam supersubstantialem dixit.
Semper enim oportet obiectum cognitivae virtutis, virtuti cognoscenti
proportionatum esse. Ne tamen omnino simus in Dei ignorantia constituti,
subiungit : nos, dico, convenit rationem respicientes, per
spiritualem contemplationem, ad superius, idest ad id quod supra
nos est, scilicet Deum, tendere, quantum radius thearchicorum
eloquiorum seipsum immittit, idest se extendit, ad superiores
splendores, idest ad veritates intelligibiles divinorum. Veritas enim
sacrae Scripturae est quoddam lumen per modum radii derivatum a prima
veritate, quod quidem lumen non se extendit ad hoc quod per ipsum possimus
videre Dei essentiam aut cognoscere omnia quae Deus in seipso cognoscit aut
Angeli aut beati eius essentiam videntes, sed usque ad aliquem certum
terminum vel mensuram, intelligibilia divinorum, lumine sacrae Scripturae
manifestantur. Et sic, dum nos non plus extendimus ad
agnoscendum divina, quam lumen sacrae Scripturae se extendit, simus per
hoc constricti, quasi certis limitibus coarctati, circa
divina, quadam temperantia et sanctitate : sanctitate quidem
dum sacrae Scripturae veritatem mundam ab omni errore conservamus ; temperantia vero,
dum ad eas non magis nos ingerimus, quam nobis est datum. Deinde, cum dicit
: etenim et cetera, manifestat quae supposuerat in hac
ratione : et primo quidem, quod Deus soli sibi sit notus, nobis autem
occultus ; secundo, manifestat modum quo divina cognitio nobis communicatur ;
ibi : non tamen incommunicabile est et cetera. Primum
ostendit dupliciter : primo quidem, rationibus : secundo, auctoritatibus ;
ibi : etenim sicut ipsa de seipsa. Ponit autem, primo, duas
rationes ; quarum prima talis est : divina revelantur a Deo secundum
proportionem eorum quibus revelantur ; sed cognoscere infinitum est supra
proportionem intellectus finiti ; non ergo hoc ipsum quod Deus est, ex divina
revelatione a quocumque cognoscitur. Et hoc est quod dicit : quaedam divina
revelantur a Deo et inspiciuntur a nobis, secundum
proportionem mentium uniuscuiusque. Et hoc dico : si convenit
aliquid credere theologiae, idest sacrae Scripturae omni-sapienti
et verissimae. Dicit enim Matth. 25 : dedit (...) unicuique
secundum propriam virtutem. Et notandum quod ponit duo ex quibus habetur
quod sacrae Scripturae sit maxime credendum. Quod enim alicui non credatur ex
duobus contingit : aut quia est vel reputatur ignorans aut quia est vel
reputatur mendax. Unde, cum sacra Scriptura sit omni-sapiens et verissima
quia revelata et tradita a Deo qui est veritas et omnia sciens, maxime sacrae
Scripturae est credendum. Et hoc dico, thearchica, idest
divina, bonitate segregata a mensuratis, idest a
finitis, immensuratione, idest infinitate divinae essentiae, non
quidem ut nullo modo cognoscatur sed ut non comprehendatur. Et propter hoc
addit : sicut incomprehensibilem. Nam a beatis quidem mente
attingitur divina essentia non autem comprehenditur. Et hoc quidem facit
Deus in iustitia salutari. In hoc enim ratio distributivae
iustitiae consistit quod detur unicuique secundum suam conditionem. Et sicut
per ordinem distributivae iustitiae constitutae a principe civitatis,
salvatur totus ordo politicus, ita per hunc ordinem iustitiae salvatur a Deo
totus ordo universi ; hoc enim subtracto omnia confusa remanerent. Et hoc
quidem facit ut decet Deum ; eum enim decet sua bonitate salvare
quos condidit. Secundam rationem ponit ibi : sicut enim
incomprehensibilia et cetera, quae talis est : superior gradus
entium comprehendi non potest per inferiorem, sicut intelligibilia
comprehendi non possunt perfecte per sensibilia, nec simplicia per composita,
nec incorporea per corporalia ; sed Deus est super omnem ordinem existentium
; ergo per nihil existentium comprehendi potest. Et hoc est quod dicit
: sicut enim intelligibilia sunt incomprehensibilia et
incontemplabilia a sensibilibus, idest per sensibilia ; et
simplicia et infigurabilia per ea quae sunt in compositione
et figura, idest quae sunt composita et figurata (non enim est figura
nisi compositorum) ; et sicut carentia seu privatio formae,
scilicet corporalis, rerum incorporalium, quae quidem carentia
seu privatio est intangibilis et infigurabilis,
idest ipsa incorporalia, quae carent forma et sunt intangibilia et
infigurabilia (ut intelligamus poni abstractum pro concreto) sunt
incomprehensibilia et incontemplabilia formatis secundum figuras corporum,
idest ipsis corporibus sic, inquam, hoc est, secundum eamdem rationem
veritatis, superponitur unitas, idest Deus, qui est ipsa unitas quasi
existens unus per suam essentiam, quae est supersubstantialis,
superponitur substantiis et quae est super mentem superponitur mentibus,
idest intellectualibus spiritibus ; et ipsum bonum, scilicet
Deus, quod est super deliberationem, idest super omnem
rationem, est indeliberabile omnibus deliberationibus, idest non
investigabile aliqua ratione creata et quod est super verbum,
idest super omnem locutionem creaturae, est ineffabile, idest
indicibile, omni verbo creato. Ubi quatuor tetigit, scilicet
: substantias, quae sunt obiecta cognitionis ; mentem, idest intellectum
simplicem ; deliberationem, idest rationem inquirentem, quae pertinent ad
virtutes cognoscitivas ; et verbum, quod pertinet ad manifestationem
cognitionis. Ponit autem haec quatuor quia non solum intendit ostendere quod
Deus non possit per aliquam virtutem cognoscitivam comprehendi aut locutione
perfecte manifestari, sed quod neque per aliquod obiectum creatum vel per
quamcumque similitudinem creatam. Unde et in exemplis quae ponit, non dicit
quod intelligibilia sint incomprehensibilia sensibus, sed sensibilibus quia
per sensibilia intelligibilia comprehendi non possunt. Et eadem ratio est de
aliis. Et attendendum est quod non solum dixit quod intelligibilia sint incomprehensibilia sensibilibus,
sed etiam incontemplabilia, quia per ea quae sunt inferioris
ordinis, non solum comprehendi non possunt ea quae sunt superioris, sed neque
contemplari. Tunc enim per aliud contemplamur, cum per unum possumus
essentiam illius videre ut sciamus de eo quid est. Comprehenditur autem
illius essentia cum ita perfecte cognoscitur, sicut cognoscibilis est. Qui
enim conclusionem demonstrabilem medio probabili cognoscit, etsi eam
aliqualiter contempletur, non tamen eam comprehendit quia non pertingit ad
perfectum modum suae cognitionis. Sic, igitur, Deus incomprehensibilis quidem
est omni intellectui creato, quia est super omnem mentem et rationem, utpote
plus habens de claritate veritatis in sua essentia, quod ad eius
cognoscibilitatem pertinet, quam aliquod creatum de virtute ad cognoscendum.
Unde nulla creatura potest pertingere ad perfectum modum cognitionis ipsius,
quem nominavit supersubstantialem scientiam, et hoc esset eum
comprehendere. Potest tamen intellectus creatus eius essentiam contemplari
aliquo modo attingendo, non tamen per aliqua obiecta vel species vel
quascumque similitudines creatas, quia nullum horum potest manuducere in
divinam essentiam, multo minus quam corpus in incorpoream essentiam. Sic
igitur, secundum rationem Dionysii oportet dicere quod Deus et
incomprehensibilis est omni intellectui et incontemplabilis nobis in sua
essentia, quamdiu nostra cognitio alligata est rebus creatis, utpote nobis
connaturalibus ; et hoc est in statu viae. Et quia Deum unitatem vocaverat,
ne aliquis credat quod sit unitas formaliter rebus inhaerens, quasi in ipsis
rebus participata, ad hoc excludendum subiungit : unitas,
scilicet per se subsistens, unificans omnem unitatem, idest
diffundens unitatem in omnibus, quae quocumque modo unitatem participant.
Deinde, quia Deum nominaverat unitatem supersubstantialem et bonum super
mentem, posset aliquis credere quod Deus nullo modo posset dici substantia
aut mens aut aliquid huiusmodi et ideo, ad hoc excludendum subdit quod Deus
est quidem substantia sed supersubstantialis. Ad cuius evidentiam considerandum est quod nomina, cum sint a nobis
imposita, sic significant secundum quod res in cognitionem nostram cadunt.
Cum igitur hoc ipsum quod Deus est, sit supra cognitionem nostram, ut
ostensum est, cognitio autem nostra commensuretur rebus creatis, nomina a
nobis imposita non sic significant secundum quod congruit divinae
excellentiae, sed secundum quod convenit existentiae rerum creatarum. Esse
autem rerum creatarum deductum est ab esse divino secundum quamdam
deficientem assimilationem. Sic igitur, secundum quod qualitercumque
similitudo est rerum creatarum ad Deum, nomina a nobis imposita de Deo dici
possunt, non quidem sic sicut de creaturis, sed per quemdam excessum, et hoc
significat quod dicit, quod Deus est supersubstantialis substantia
; et similiter quod subdit quod est intellectus non-intelligibilis,
idest non quales sunt intellectus qui intelliguntur a nobis ; et est verbum
non-dicibile, idest non qualia sunt verba quae a nobis dicuntur. Sicut
autem nomina a nobis imposita, de Deo dici possunt secundum quod aliqua
similitudo est creaturarum ad Deum, ita secundum quod creaturae deficiunt a
repraesentatione Dei, nomina a nobis imposita a Deo removeri possunt et
opposita eorum praedicari. Unde subdit quod Deus sic dicitur ratio, quod
potest dici et irrationabilitas ; et sic dicitur intellectus,
quod potest dici non-intelligibilitas ; et sic dicitur verbum,
quod potest dici innominabilitas ; non quidem propter hoc quod
haec ei deficiant, sed quia secundum nihil existentium est existens,
idest non existit secundum modum alicuius rei existentis ; et ipse quidem est causa existendi omnibus,
transfundens in omnia aliqualiter suam similitudinem, ut sic ex nominibus
creatorum nominari possit ; ipsum autem est non-existens, non
quasi deficiens ab essendo, sed sicut supra omnem substantiam existens
; et est innominabilis, sic ut ipsum de seipso proprie et scienter
enuntiet, idest secundum proprietatem sui esse et secundum perfectam sui
ipsius scientiam, quo modo nullus eum enuntiare potest. Ex iam dictis,
principalem conclusionem infert cum subdit : de hac igitur, sicut
dictum est, supersubstantiali et occulta deitate, non est audendum dicere
neque cogitare aliquid praeter illa quae divinitus nobis ex sanctis eloquiis
sunt expressa ; quod est supra expositum. Deinde, cum subdit : etenim
sicut ipsa et cetera, quod supra rationibus ostendebatur, ostendit
auctoritate, cum dicit quod : ipsa, deitas, de seipsa in sacris eloquiis
tradidit, sicut decet bonam, idest bonitatem eius, ut veritatem,
scilicet, de seipsa tradat ; hoc inquam, tradidit, quod omnibus
existentibus scientia et contemplatio ipsius est invia, idest nullus ad
eam accedere potest, non quidem qualicumque scientia vel contemplatione, sed
qua quod quid est scitur vel contemplatur de ea quod quid est ; quae quidem
est scientia comprehensiva substantiae ipsius. Et haec quidem
scientia vel contemplatio ea ratione est invia, quia est ab
omnibus segregata supersubstantialiter, idest secundum supersubstantialem
deitatis excessum. Ei enim soli competit de se cognoscere quod quid est. Et
hoc praecipue videtur sumptum ex hoc quod dicitur Exod. 33 : non
videbit me homo et vivet et I Tim. 6 : lucem inhabitat
inaccessibilem, quem nullus hominum vidit sed nec videre potest. Et multos
theologorum invenies laudavisse ipsum non solum sicut invisibilem et
incomprehensibilem, sed etiam sicut inscrutabilem et non
investigabilem, secundum illud Iob II : forsitan vestigia Dei
comprehendes et Rom. II : quam incomprehensibilia sunt
iudicia eius et investigabiles viae eius. Et quare dicatur
non-investigabilis, consequenter exponit : sicut non existente ullo
vestigio eorum qui transierunt ad occultam infinitatem ipsius. Superfluit
autem ibi una negatio ; et loquitur secundum proprietatem vocabuli : nam
investigare proprie est per vestigia alicuius euntis per viam, ad viae
terminum perduci. Sic igitur deitas investigari posset, si aliqui accedentes
ad cognitionem ipsius aliqua documenta, quasi vestigia quaedam, nobis
reliquissent per quae ad videndum Deum accedere possemus. Sed hoc non est :
vel quia nulli transierunt in ipsum, si referatur ad visionem comprehensivam,
vel quia illi qui transierunt ad videndum Deum per essentiam, sicut beati
omnes, non potuerunt nobis exprimere ipsam divinam essentiam. Unde et Paulus
raptus ad tertium coelum, dicit se audivisse arcana verba, quae non
licet homini loqui, II Corinth. 12. Sic igitur triplicem modum
cognitionis excludit : primum quidem, illum quo aliquid per seipsum videtur
et hoc cum dicit deitatem : invisibilem ; secundo, modum quo
aliquid cognoscitur per inquisitionem rationis et hoc cum dicit eam inscrutabilem
: scrutari enim inquisitionem importat ; tertio, modum quo aliquid
cognoscitur ab alio addiscendo, per hoc quod dicit non-investigabilem.
Deinde, cum dicit : non tamen et cetera, manifestat quomodo
occultae deitatis cognitio aliis communicatur. Esset enim contra rationem
bonitatis divinae, si cognitionem suam sic sibi retineret quod nulli alteri
penitus communicaret, cum de ratione boni sit quod se aliis communicet. Et
ideo dicit quod licet supersubstantialis Dei scientia soli Deo attribuenda
sit, tamen, cum Deus sit ipsum bonum, non potest esse quod non communicetur
alicui existentium. Nec tamen ita communicatur eius cognitio aliis sicut ipse
seipsum cognoscit ; sed ipse collocans, idest
firmiter conservans singulariter in seipso supersubstantialem radium,
idest supersubstantialem veritatis suae cognitionem sibi soli
reservans, superapparet, quasi dicat, sursum apparet, benigne,
quasi non ex necessitate sed ex gratia, proportionabilibus
illuminationibus, idest secundum proportionales illuminationes, uniuscuiusque
existentium, quasi dicat : suae bonitatis ratio hoc habet ut, reservato
sibi quodam cognitionis modo qui sibi est singularis, communicet inferioribus
ex sua gratia, aliquem modum cognitionis, secundum suas illuminationes, quae
sunt secundum proportionem uniuscuiusque. Et non solum superapparet et illuminat,
sed etiam hoc ipsum quod inferiores mentes illuminatae, utentes dato lumine
ad ipsum cognoscendum accedunt, ab ipso est. Et hoc est quod subdit
quod extendit sanctas mentes ad contemplationem ipsius possibilem eis,
quia, sicut supra dictum est aliquo modo est omnibus contemplabilis. Et quia
qui contemplantur ipsum quodammodo unum cum ipso efficiuntur (secundum quod
intellectus in actu est quodammodo intellectum esse in actu) et per
consequens ei assimilantur utpote ab ipso informati, subdit : et communionem
et assimilationem. Consequenter autem ostendit conditiones sanctarum
mentium quae in Deum extenduntur : quarum prima est quod, secundum quod est
eis licitum ex concessione divina et secundum quod decet eas ex conditione
propria, se ad ipsum ingerunt. Unde subdit : quae, scilicet
mentes, ipsi, idest Deo, se immittunt sicut fas est et ut
decet sanctos, ita scilicet quod neque ad superius aliquid
ex superbia praesumunt, scilicet super id quod est eis
datum convenienter secundum Dei apparitionem sive revelationem, neque iterum prolabuntur
ad inferius, idest non deiiciunt se infra id quod eis datum est, ex
subiectione ad peius, idest ex quadam pusillanimitate, qua relictis
melioribus, peioribus inhaereant. Secunda conditio sanctarum mentium est
quod firme et indeclinabiliter extenduntur ad radium ipsius
supersplendentem, idest ad veritatem eis desuper manifestatam, ut
firmitas referatur ad certitudinem et indeclinabilitas ad immobilitatem.
Tertia conditio est quod affectum amoris, divinis manifestatis exhibeant ; et
hoc est quod subdit : et commensurato amore convenientium
illuminationum, ita scilicet quod affectus eorum circa ea insistat quae
secundum eorum mensuram eis sunt data, per quae elevantur in divina alis
spiritualibus scilicet contemplationibus intellectualibus, cum
reverentia sancta et caste et sancte : reverenter quidem, inquantum se
abstinent ab aliis quae supra eos sunt ; caste autem,
inquantum inferioribus non se detinent ; sancte vero,
inquantum his quae eis data sunt, secundum Dei ordinationem firmiter
inhaerent. |
1.
Donc, dans ce livre intitulé ¨ Des Noms
divins ¨, à l’exemple de ceux qui enseignèrent les sciences en procédant
selon les règles de l’art, il manifeste d’abord certaines notions
pré-requises à l’étude qui suit ; deuxièmement, il commence à exposer son
propos principal au chapitre 3 qui commence ainsi (78) : Et la première… 2. Au
sujet du premier point, il fait deux choses : d’abord, il montre la raison
d’être des Noms divins ; deuxièmement, il montre, au chapitre 2 qui commence ainsi
(31) : Toute l’essence de la Théarchie…,
que les Noms dont il est question dans ce livre sont communs à toutes les
Personnes de la Trinité. 3. Au
sujet du premier point, il fait deux choses : d’abord, il fait suite au livre
précédent où, s’adressant au bienheureux Timothée, il dit qu’après la
présentation ¨Des divines Hypotyposes¨, à savoir des
différences d'après lesquelles se distinguent les Personnes de la Trinité, il
passera au dévoilement, c’est-à-dire à l’exposé des Noms divins dans
la mesure de ses capacités. En effet, une présentation parfaite de ceux-ci
paraît être au-dessus des capacités de l’être humain. 4.
Deuxièmement, là (2) où il dit : Qu’il
en soit…, il commence à présenter ce qui est nécessaire à la
compréhension de l’œuvre qui suit. Et il présente alors deux parties :
d’abord, certes, le mode selon lequel il faut procéder dans cette œuvre car
dans toute science il faut connaître à l’avance le mode selon lequel il faut
procéder. Deuxièmement, il montre la raison d’être des Noms divins sur
lesquels il portera son attention dans cette œuvre, là (11) où il dit : Obéissant à ces… (leçon 2a). Et ces deux aspects sont
suffisamment bien exprimés dans le titre de ce chapitre qui se présente ainsi
: Quelle est l’intention visée par ce
discours ; en effet, cette première partie du titre se rapporte au
premier aspect alors que celle qui suit, à savoir : et que nous dit la tradition au sujet des Noms divins, se rapporte au
second. 5. Au
sujet du premier point, Denys fait deux choses : d’abord, il montre à partir
de quels principes il faut procéder dans cette œuvre ; deuxièmement, il
montre quelles choses doivent y être enseignées, là (4) où il dit : Donc, il ne faut absolument pas… 6. Au
sujet du premier point, il fait deux choses : d’abord, il montre à partir de
quels principes il faut procéder dans cette œuvre, en disant qu’il ne faut
pas s’appuyer sur la raison humaine, mais sur la révélation divine, tenant
cela de l’Apôtre lui-même qui dans sa première Épître aux Corinthiens (2, 4)
dit : ¨ Mon enseignement et ma
prédication ne se réglaient pas sur les discours de la sagesse humaine, mais
sur la puissance de l’Esprit divin qui en faisait une démonstration
convaincante¨. Et c’est ce que Denys dit (2) : Mais qu’il en soit ainsi, c’est-à-dire que s'applique ici et,
c’est-à-dire encore, maintenant la loi
des écrivains sacrés, c’est-à-dire celle qui est transmise dans les
saintes Écritures, déjà définie,
c’est-à-dire déterminée à l'avance par
nous, ainsi qu’elle le fut autrefois par l’Apôtre ; et certes cette loi
est la suivante : nous assurer d'affirmer
et de manifester la vérité de la Parole
de Dieu, non au moyen des paroles séduisantes de la sagesse humaine,
c’est-à-dire sans chercher à nous appuyer sur les principes de la sagesse
humaine comme sur les principaux moyens pour prouver notre propos, sagesse
qui procède selon la raison naturelle, mais
plutôt à nous appuyer sur les
démonstrations tirées de la puissance des Théologiens, c’est-à-dire de
ceux qui enseignèrent les Écritures canoniques, à savoir les Apôtres et les
Prophètes ; et je dis de la puissance
parce qu’ils étaient mus par l’Esprit,
à savoir l’Esprit-Saint. En effet, Denys s’appuie dans sa doctrine sur
l’autorité de l’Écriture sainte, qui possède solidité et puissance du fait
que les Apôtres et les Prophètes, lorsqu’ils parlaient, étaient mus par
l’Esprit-Saint qui se révélait à eux et parlait en eux. 7.
Deuxièmement, il amène la raison qui fonde la règle qui précède, là (3) où il
dit : Selon laquelle… Et voici la force de sa raison : Nous pouvons nous appuyer sur les
principes de la sagesse humaine dans ces doctrines dans lesquelles les choses
qui sont enseignées peuvent être connues et exprimées par les hommes et
qu’elles le sont par ces hommes qui possèdent ces sciences. Mais dans la doctrine de la foi
sont proposées à l’homme des vérités inconnues et indicibles auxquelles ceux
qui ont la foi adhèrent sans en avoir une connaissance qu’ils pourraient
expliquer parfaitement par leurs mots, bien qu’ils y adhèrent plus fermement
et qu’une adhésion de cette sorte soit plus élevée que celle qu’on retrouve
dans toute autre connaissance naturelle. Donc, dans la doctrine de la foi
nous ne pouvons pas nous appuyer sur les principes de la sagesse humaine. 8. Et
de fait c’est ce que Denys dit de cette adhésion par ces mots : Selon laquelle, c’est-à-dire
conformément à la puissance de la révélation qui part de l’Esprit-Saint pour
parvenir aux Apôtres et aux Prophètes, nous
nous unissons aux réalités inexprimables et cachées, c’est-à-dire à la
vérité divine qui dépasse toute parole et toute connaissance humaines. Et la
foi n’unit pas le croyant à ces réalités de telle sorte qu’elle lui fasse
connaître et exprimer ces réalités telles qu’elles sont en elles-mêmes, car
alors il en aurait une vision claire, mais elle l’unit à elles d’une manière inexprimable et cachée
ainsi qu’on le voit dans la première Épître aux Corinthiens (13, 12) : ¨En effet, nous voyons maintenant comme
dans un miroir, par énigme¨. 9. Et
afin qu’on ne méprise pas cette union à cause de son imperfection, il ajoute
: selon une union meilleure que l'union
de la puissance et de l’opération rationnelle et intellectuelle,
c’est-à-dire une union qui est au-dessus de la puissance et de l’opération de
notre raison et de notre intelligence, et il présente ici la forme du génitif
au lieu de celle de l’ablatif, comme le font généralement les Grecs. En effet, nous sommes unis par la
foi à des réalités plus élevées que ne le sont celles auxquelles parvient
notre raison naturelle et nous y adhérons d'autant plus fermement que la
révélation divine est plus certaine que la connaissance proprement humaine.
Et il dit : rationnelle et
intellectuelle, car parmi les choses qui sont naturellement connues de
nous, certaines s’aperçoivent d'elles-mêmes sans aucune recherche et ce sont
elles qui sont l’objet propre de l’intelligence ; mais certaines autres en
vérité nécessitent une recherche et sont l’objet de la raison. Mais il dit : de l’opération et de la puissance, car
nous connaissons plusieurs choses en puissance que nous ne considérons pas en
acte. 10.
Ensuite, lorsqu’il dit (4) : Donc, il
ne faut absolument pas…il montre de quoi on doit traiter dans cette
doctrine ; et d’abord, il présente son propos ; ensuite, il le manifeste, là
(5) où il dit : Car la science
supra-substantielle… 11. Et
il termine son propos à partir de ce qu’il vient de dire. On observe en effet
dans les sciences humaines que les principes et les conclusions sont du même
genre. Ainsi donc les principes à partir desquels procède la science sacrée
sont ceux qui sont reçus par la révélation du Saint-Esprit et qui sont
contenus dans les saintes Écritures : c’est donc ce qu’il conclut qu'en
aucune manière quelqu’un ne doit oser dire
de sa bouche ni même penser quelque
chose concernant la Déité cachée et supra-substantielle, laquelle dépasse
toute substance et qui à cause de cela nous demeure cachée, par opposition
aux substances créées dont la connaissance et l'expression nous sont
proportionnées, qui soit opposé aux
vérités qui nous ont été divinement exprimées à partir des saints prophètes,
c’est-à-dire qui sont exprimées par les écrivains sacrés. Et c’est
significatif de sa part de ne pas avoir dit : chez les saints prophètes mais
plutôt à partir des saints prophètes car les conclusions qu’on peut
tirer de ce qui est contenu dans les saintes Écritures ne sont pas étrangères
à cette doctrine bien qu’elles-mêmes n’y soient pas contenues. 12.
Ensuite, lorsqu’il dit (5) : Car la
science supra-substantielle…il avance le raisonnement qui prouve son propos
; et d’abord, il présente le raisonnement ; ensuite, il prouve certaines
choses qu’il supposait dans son raisonnement, là (6) où il dit : Et de fait… 13. La
force de son raisonnement est la suivante : nul ne peut penser ou parler de
ce qui est connu par un seul être, à moins que cela ne lui soit manifesté par
cet être. Mais il appartient à Dieu seul de
se connaître parfaitement lui-même quant à ce qu’il est. Donc nul ne peut en
vérité dire ou penser quelque chose au sujet de Dieu à moins que cela ne lui
ait été révélé par Dieu. Mais certes cette révélation
divine est contenue dans les saintes Écritures. 14. Et
c’est ainsi que Denys dit qu’il
convient de lui attribuer, c’est-à-dire à Dieu seul, la science supra-substantielle de l’ignorance supra-substantielle,
c’est-à-dire de la supra-substantialité divine inconnue : laquelle supra-substantialité n’est
certes pas inconnue en raison d’un défaut qui lui serait propre, mais en
raison de son excellence, car bien sûr elle
est au-dessus de la raison et de l’intelligence créées et elle transcende
aussi la substance créée elle-même
qui est un objet proportionné à l’intelligence créée, tout comme l’essence
incréée est proportionnée à la science incréée. Et alors, comme l’essence
divine est supra-substantielle, ainsi il appelle supra-substantielle la science qui Lui correspond. En effet, il
faut toujours que l’objet d’une puissance cognitive soit proportionné à cette
puissance. 15.
Mais afin que nous ne soyons pas totalement établis dans une ignorance de
Dieu, il ajoute : je dis qu’il convient que, tournant vers le haut notre raison au moyen de la contemplation
spirituelle, c’est-à-dire vers ce qui nous dépasse, à savoir vers Dieu, nous
tendions vers les splendeurs
supérieures, à savoir les vérités intelligibles des réalités divines, autant que le rayon des paroles
théarchiques se projette, c’est-à-dire se déploie vers nous. En effet, la vérité des saintes
Écritures est comme une certaine lumière issue de la Vérité première à la
manière d’un rayon, laquelle lumière ne se déploie pas au point que par elle
nous puissions voir l’essence de Dieu ou connaître tout ce que Dieu connaît
en lui-même ou tout ce que les anges et les bienheureux connaissent en voyant
son essence, mais jusqu’à un certain point et dans une certaine mesure les
vérités intelligibles des réalités divines nous sont manifestées par la
lumière des saintes Écritures. 16. Et ainsi, alors que nous n’avançons
pas dans la reconnaissance des réalités divines davantage que ne le permet la
lumière des Saintes Écritures, nous
sommes par cela liés, et comme contenus à l’intérieur de certaines
limites, au sujet des réalités divines,
par une certaine tempérance et une
certaine sainteté : par une
sainteté certes pour que nous conservions pure de toute erreur la vérité
des Saintes Écritures ; et en vérité par une
tempérance pour que nous ne nous y engagions pas davantage que ce qui est
permis par elles. 17.
Ensuite, lorsqu’il dit (6) : Et de fait…,
il explique ce qu’il avait supposé dans cet argument : et d’abord certes, que
Dieu n’est connu que de Lui-même et qu’Il nous est inconnu ; deuxièmement, il
manifeste le mode par lequel la connaissance de Dieu nous est communiquée, là
(10) où il dit : Cependant il n’est pas
incommunicable… 18. Il
manifeste le premier point, à savoir que Dieu n'est connu que de Lui-même, de
deux manières : d’abord, par des raisonnements ; deuxièmement, au moyen
d’arguments tirés d’autorités, là (9) où il dit : Et de fait tout comme elle-même au sujet d’elle-même… 19. Et
il présente, en premier lieu, deux raisonnements, dont voici le premier :
Dieu révèle les réalités divines proportionnellement à ceux auxquels Il les
révèle ; mais connaître l’infini dépasse la mesure d'une intelligence finie ;
donc, ce qu’est Dieu en lui-même, son essence, ne peut être connu par
quiconque à partir de la révélation divine. 20. Et
c’est justement ce que Denys dit : certaines réalités divines sont révélées par Dieu et sont examinées par nous proportionnellement aux esprits de
chacun. Et il ajoute : s’il
convient de croire quelque chose de la Théologie, c’est-à-dire des
saintes Écritures qui sont d'une sagesse achevée et d’une vérité parfaite.
C’est Matthieu (25, 15) en effet qui dit : ¨Il donna…à chacun selon la puissance qui lui est propre¨. 21. Et
il faut remarquer qu’il présente deux arguments permettant de conclure que
les saintes Écritures doivent être crues au plus haut point. En effet, s’il
arrive que certains ne croient pas quelqu’un, cela se produit pour deux
raisons : soit parce que ce dernier est ignorant ou qu’il a la réputation de
l’être, soit parce qu’il est menteur ou qu’il a la réputation de l’être. D’où
il suit que, puisque les Saintes Écritures sont d’une sagesse achevée et
d’une vérité parfaite parce qu’elles sont révélées et transmises par Dieu qui
est la Vérité même et qui connaît tout, les saintes Écritures doivent être
crues au plus haut point. 22. Et
je dis que c'est par sa démesure,
c’est-à-dire par l’infinité de son essence divine que la bonté théarchique, à savoir divine, est
séparée des réalités mesurées,
c’est-à-dire finies ; mais non pas certes à ce point qu’elle ne soit connue
d’aucune manière, mais de telle sorte qu’elle ne soit pas contenue par une
connaissance compréhensive. Et c’est à cause de cela qu’il ajoute : comme incompréhensible. Car l’essence
divine est certes atteinte par l’esprit des bienheureux mais non pas
comprise. Et c’est cela certes qui nous fait rendre hommage à Dieu en
toute justice. Et c’est en cela en effet que consiste la définition de la
justice distributive, à savoir : donner à chacun selon sa condition. Et ainsi
que tout l’ordre politique est conservé au moyen de la justice distributive
constituée par le chef de la cité, de même c’est par cette sorte de justice
que Dieu conserve tout l’ordre de l’univers ; s’il la retirait, tout
demeurerait chaotique. Et certes, Il le réalise ainsi qu’il convient à Dieu de le faire ; il convient en effet à
Dieu dans sa bonté de conserver ceux qu’il a créés. 23. Il
présente son deuxième raisonnement là (7) où il dit : En effet, tout comme sont incompréhensibles… et qui se présente
ainsi : Un genre d’êtres supérieurs ne peut être compris par un genre
inférieur, comme les réalités intelligibles ne peuvent être comprises
parfaitement par les réalités sensibles, ni celles qui sont simples par
celles qui sont composées, ni les incorporelles par les corporelles ; mais
Dieu est au-dessus de tous les genres d’êtres ; il ne peut donc être compris
par aucun d’eux. 24. Et
c’est ce que Denys dit : en effet,
comme les réalités intelligibles ne peuvent être ni comprises ni contemplées
par les réalités sensibles, c’est-à-dire au moyen des réalités sensibles
; et celles qui sont simples et ne
peuvent avoir de configuration ne peuvent l’être non plus par celles qui sont
composées et possèdent une configuration (la figure en effet n’existe que
dans les réalités composées) ; et comme l’absence
ou la privation de forme corporelle
chez les réalités incorporelles,
lequel manque ou privation est certes intangible
et ne peut être représenté,
c’est-à-dire que les réalités incorporelles elles-mêmes, qui manquent de
forme corporelle, sont intangibles et ne peuvent être représentées ( pour que
nous comprenions que c'est l’abstrait qui est présenté au lieu du concret), sont incompréhensibles et ne peuvent être
contemplées par celles qui ont été formées d'après des formes corporelles,
à savoir par les réalités corporelles elles-mêmes ; il en est de même,
dit-il, et conformément à la même
raison de vérité, de l’Unité qui
est placée au-dessus de tout, c’est-à-dire de Dieu qui est l’unité même
qui existe pour ainsi dire une par son essence, qui est supra-substantielle, qui est placée au-dessus de toute
substance et qui est au-delà de
l’esprit, surpasse tout esprit,
c’est-à-dire tout esprit intellectuel ; et
la Bonté même, à savoir Dieu, qui
est au-dessus de toute réflexion, c’est-à-dire au-dessus de toute raison,
ne peut faire l’objet d’un discours de
la part d’aucun de ceux qui sont capables de raison discursive,
c’est-à-dire qu’il ne peut faire l’objet d’une recherche par aucune raison
créée et ce qui est au-dessus de toute
parole, c’est-à-dire ce qui est au-dessus de toute expression venant
d’une créature, est inexprimable, à
savoir indicible de la part de tout
verbe créé. 25. Et
là il touche à quatre notions, dont les trois premières se rapportent aux
puissances cognitives à savoir : les
substances, qui sont objets de connaissance, l’esprit, c’est-à-dire l’intelligence simple, et le discours, c’est-à-dire la raison
qui est en recherche ; la quatrième, la
parole, se rapporte à l’expression de la connaissance. Et il présente ces
quatre aspects parce qu’il ne cherche pas seulement à montrer que Dieu ne
peut être compris ni parfaitement manifesté par aucune puissance cognitive
mais aussi qu’il ne peut l’être non plus par aucun objet créé ou aucune
similitude créée. C’est pourquoi, dans les exemples qu’il présente, il ne dit
pas seulement que les réalités intelligibles ne peuvent être saisies par les
sens, mais plutôt qu'elles ne peuvent être saisies par ce qui est perçu par
les sens, car les réalités intelligibles ne peuvent être saisies au moyen des
réalités sensibles. Et la même raison vaut pour les autres sortes de
réalités. 26. Et
il faut remarquer qu’il ne dit pas seulement que les réalités intelligibles ne
peuvent être saisies par les réalités sensibles, mais encore qu’elles ne
peuvent être contemplées par elles, car celles qui sont d’un ordre
supérieur ne peuvent non seulement être saisies ou comprises par les réalités
qui sont d’un genre inférieur mais elles ne peuvent non plus être contemplées
par elles. En effet, c’est à ce moment-là que nous contemplons une chose au
moyen d’un autre, lorsqu’au moyen de cette dernière nous pouvons voir
l'essence de la première de manière à savoir ce qu’elle est. Mais son essence
est comprise lorsqu’elle est connue parfaitement quant à tout ce qui peut
être connu d’elle. En effet, celui qui parvient à une conclusion manifestée
par un moyen terme probable ne la comprend pas même s’il la contemple d’une
certaine manière car il n’est pas parvenu au mode parfait de sa connaissance. 27.
Ainsi donc, Dieu est certes incompréhensible à toute intelligence créée, car
il transcende tout esprit et toute raison, vu qu’il possède plus de lumière
de vérité en son essence pouvant le rendre connaissable que ce qu’un être
créé possède de puissance à le connaître. D’où il suit qu’aucune créature ne
peut parvenir à le connaître selon un mode qui serait parfait et qu’il nomme la science supra-substantielle, qui
serait le seul qui permettrait de le comprendre. L’intelligence créée peut
cependant contempler son essence en y touchant en quelque sorte, non pas
cependant au moyen de certains objets ou d'espèces ou de quelques autres
similitudes créées, car rien de cela ne peut conduire à l’Essence divine,
encore beaucoup moins qu’un corps ne peut nous amener à connaître une essence
incorporelle. Ainsi donc, d’après l’argument de
Denys, il faut dire que Dieu est incompréhensible à toute intelligence et que
nous ne pouvons le contempler en son essence aussi longtemps que notre
connaissance est attachée aux choses créées, vu qu’elles nous sont
connaturelles ; et il en est ainsi dans l’état de la vie présente. 28. Et
parce que Denys avait appelé Dieu l’Un, afin que personne ne croie que
l’unité est inhérente aux choses à la manière d’une forme, comme si elle
était partagée dans les choses elles-mêmes, il ajoute, pour écarter cette
opinion : l’Un, c’est-à-dire le
subsistant par soi, qui unifie
toute unité, c’est-à-dire qui répand l’unité dans toutes les choses,
lesquelles participent de l’Un d’une certaine manière. Ensuite, parce qu’il
avait appelé Dieu l’un supra-substantiel et le bien qui est au-dessus de tout
esprit, quelqu’un pourrait croire que Dieu ne peut en aucune manière être
appelé substance ou esprit ou être nommé au moyen de quelque autre terme de
la sorte ; et c’est à cause de cela, pour écarter cette opinion, qu’il ajoute
que Dieu est certes une substance,
mais une substance supra-substantielle. 29.
Pour rendre cela plus clair, il faut considérer que puisque c’est par nous
que les noms sont assignés, ils signifient d’une manière qui est conforme à
la manière dont les choses parviennent à notre connaissance. Donc puisque
Dieu, quant à ce qu’il est, est au-dessus des capacités de notre
connaissance, ainsi que nous l’avons montré, et que celle dernière est
mesurée par les choses créées, les noms que nous assignons ne signifient pas
d’une manière qui serait conforme à l’excellence divine, mais d’une manière
qui est conforme à l’existence des choses créées. Mais l’être des choses créées est
tiré de l’Être divin selon une faible ressemblance. Ainsi donc, selon qu’il existe de
quelque manière que ce soit une ressemblance des choses à Dieu, les noms que
nous attribuons à Dieu peuvent se dire de Lui non à la manière dont nous les
disons des créatures mais par manière d'excellence et c’est ce que Denys veut
signifier lorsqu’il dit que Dieu est une
substance supra-substantielle ; et c'est de la même manière qu'il ajoute
que Dieu est une intelligence
inintelligible, distincte des intelligences que nous pouvons comprendre, et une parole indicible, c’est-à-dire
distincte des paroles que nous formons. 30.
Mais comme les noms que nous assignons peuvent être attribués à Dieu
conformément à une certaine ressemblance des créatures à l’égard de Dieu,
ainsi, puisque les créatures sont loin de représenter Dieu adéquatement, les
noms que nous Lui attribuons peuvent Lui en être retirés et leurs opposés Lui
être attribués. C’est pourquoi il ajoute qu'on peut dire de Dieu qu'il est
raison mais de telle manière qu'on puisse aussi dire de lui qu'il est irrationnel ; et de la même manière,
on peut l’appeler intelligence mais aussi le qualifier d'inintelligible ; et de même qu’on dit de Lui qu’Il est le verbe, on peut aussi dire de Lui
qu’Il est l’indicible ; non certes
parce que ces attributs lui font défaut, mais parce qu’il existe selon rien de ce qui existe, c’est-à-dire qu’il
n’existe pas à la manière des choses qui existent en dehors de Lui ; et
Lui-même certes est cause de
l’existence de toutes les choses,
déversant en toute chose de quelque manière sa ressemblance, de telle sorte
qu’Il puisse être nommé à partir des noms des créatures ; mais Lui-même est totalement exclu de la
catégorie de l'être, non pas qu’Il manque d’être, mais parce qu’Il existe au-dessus de toute substance ; et Il
est innommable, de telle sorte que
c’est Lui-même qui puisse énoncer quelque chose de Lui-même proprement et
avec science, c’est-à-dire conformément à ce qui est propre à son être et
conformément à la connaissance parfaite qu’Il a de Lui-même et d’une manière
telle que nul autre ne puisse L’exprimer. 31. De
ce qu’il a dit, Denys tire sa conclusion principale lorsqu’il ajoute (8) : Donc, ainsi que nous l’avons dit, il ne
faut oser dire ni même penser, au sujet de cette divinité supra-substantielle
et cachée, rien de ce qui s’écarterait de ce qui nous a été divinement révélé
par les Saintes Écritures ; et c’est ce qui avait été proposé plus haut (11). 32. Ensuite, lorsqu’il ajoute (9) : Et de fait, comme Elle-même…ce qu’il avait montré plus haut par des arguments, il le montre ici au moyen d’une autorité, lorsqu’il dit : Elle-même, la Divinité, enseigne au sujet d’elle-même dans les auteurs sacrés, ainsi qu’il convient à sa bienveillance, c’est-à-dire à sa bonté, qu'il lui appartient d’enseigner la vérité au sujet d’elle-même ; elle enseigne, dit-il, que la science et la contemplation d'Elle-même est inaccessible à tout ce qui existe, c’est-à-dire que nul ne peut s’en approcher, et on ne parle pas ici de n’importe quelle science ou contemplation, mais de celle grâce à laquelle on connaît ou contemple ce qu’est sa Divinité ; laquelle science est une science compréhensive de sa substance. Et certes cette science ou contemplation est inaccessible pour cette raison qu’elle est séparée de toute chose supra-substantiellement, en raison de l’excellence supra-substantielle de Dieu. C’est à Lui seul en effet qu’il appartient de connaître ce qu’Il est. 33. Et cela semble être tiré principalement de ce qui est dit dans le livre de l’Exode (33, 20) : ¨Aucun humain ne peut me voir de face et rester en vie¨ et dans la première épître à Timothée (6, 16) Paul dit : ¨Il habite une lumière dont personne ne peut s'approcher. Aucun être humain ne l'a jamais vu ni ne peut le voir¨. Et tu trouveras de nombreux théologiens qui L’ont loué non seulement comme étant invisible et incompréhensible mais aussi comme ne pouvant faire l’objet d’un examen ou d’une recherche ainsi qu’on peut le lire dans Job (11, 7) : ¨Mais peux-tu saisir la perfection du Dieu¨ ? Et dans l’épître aux Romains (11, 33) : ¨Qui pourrait expliquer ses décisions ? Qui pourrait comprendre ses plans¨ ? 34. Et Denys explique plus loin pourquoi il dit que Dieu ne peut faire l’objet d’une recherche : ¨Comme il n’existe aucune trace de ceux qui passèrent à sa secrète infinité¨. Et ici il y a une négation en trop ; et il parle d’après ce que le terme signifie à proprement parler : car rechercher consiste à proprement parler à parvenir au terme d’un chemin au moyen des traces de celui qui va sur le chemin. Si donc la Divinité pouvait faire l’objet d’une recherche, si certains étaient parvenus à la connaissance de Celle-ci, il nous resterait certains documents au moyen desquels, comme au moyen de certaines empreintes, nous pourrions parvenir à la vision de Dieu. Mais il n’en n’est pas ainsi : soit parce qu’aucun n’y est parvenu, si on se réfère à une vision compréhensive, soit parce que ceux qui passèrent à une vision de l’essence de Dieu, comme le firent les bienheureux, ne purent nous exprimer cette essence divine. C’est pourquoi Paul, qui fut ravi au troisième ciel, dit avoir entendu ¨ des paroles inexprimables et qu’il n’est permis à aucun être humain de répéter¨, ainsi qu’on peut le lire dans sa deuxième lettre aux Corinthiens (12, 4). 35. Ainsi donc, Denys écarte ici trois modalités de connaissances : la première certes est celle par laquelle une réalité est vue en elle-même et c’est celle dont il parle quand il dit que la Divinité est invisible ; la deuxième est celle par laquelle une chose est connue par une recherche de la raison et c’est celle qu’il écarte quand il dit qu’Elle ne peut faire l'objet d'un examen : en effet, examiner implique une recherche ; la troisième modalité est celle par laquelle une chose est connue en l’apprenant d'un autre et c’est celle qu’il vise quand il dit que la Divinité ne peut faire l'objet d'une investigation. 36. Ensuite, lorsqu’il dit (10) : Il n'est cependant pas…il manifeste comment la connaissance de la Divinité cachée est communiquée aux autres. Il serait en effet contraire à la nature même de la Bonté divine de garder pour elle-même la connaissance d’elle-même en ne se communiquant intimement à aucun autre être, étant donné qu’il est dans la nature même de la bonté de se communiquer aux autres. Et c’est pourquoi Denys dit que bien que la science supra-substantielle de Dieu ne doive être attribuée qu’à Dieu seul, cependant, puisque Dieu est la bonté même, il est impossible qu’Il ne se communique pas à certains êtres. 37.
Cependant la connaissance de Lui-même qu’il communique aux autres n’est pas
identique à celle qu’il possède de Lui-même ; mais Lui-même, établissant,
c’est-à-dire conservant fermement et séparément
en Lui-même le rayon supra-substantiel, c’est-à-dire se réservant à Lui
seul la connaissance supra-substantielle de sa vérité, Il se manifeste de l'au-delà, comme s’il disait qu’il apparaît de
haut, bienveillamment, non par
nécessité, mais comme par complaisance, par
des illuminations proportionnelles, c’est-à-dire selon des illuminations proportionnelles
à chacun des êtres, comme si Denys
voulait dire par là : la nature de sa bonté est telle que, s’étant réservé un
mode de connaître qui Lui est unique, Il communique néanmoins aux êtres
inférieurs par pure grâce un mode de connaître, de par son rayonnement qui
est proportionnel aux capacités de chacun. 38. Et
non seulement il se manifeste de l'au-delà et rayonne, mais ce fait lui-même,
à savoir que les esprits inférieurs ainsi éclairés se servent de la lumière
qui leur a été donnée et s’approchent de Lui pour le connaître, cela même
doit être attribué à Dieu. Et c’est ce que Denys ajoute en disant qu’Il attire les saints esprits dans la
contemplation qu’il leur est possible d’avoir de Lui, car, ainsi que nous
l’avons dit (36), il peut en un certain sens être contemplé par tous.
Et parce que ceux qui Le contemplent ne font plus qu’un avec Lui d’une
certaine manière (selon que l’intelligence en acte et ce qui est saisi en
acte par elle ne font plus qu’un) et Lui sont par conséquent assimilés puisqu’ils
sont façonnés par Lui, il ajoute : à la fois dans la communion et l’assimilation. 39.
Mais par la suite il montre les conditions dans lesquelles doivent se trouver
les saints esprits qui s'avancent vers Dieu : et la première est qu’ils ne
s'élancent vers Lui que selon ce qui leur est permis à partir de ce que Dieu
leur accorde, et selon ce qui leur convient à partir de leur nature propre.
C’est pourquoi Denys ajoute : lesquels,
c’est-à-dire les esprits, à Lui-même,
à savoir à Dieu, s’abandonnent ainsi
qu’il est permis et qu’il convient aux saints, c’est-à-dire de telle
sorte qu’ils n'usurpent pas par
orgueil ce qui les dépasse,
c’est-à-dire qu'ils ne cherchent pas à s'avancer au-delà de ce qui leur a été
convenablement donné suite à
l’apparition ou à la révélation de Dieu et qu’ils ne se laissent pas entraîner vers le bas, c’est-à-dire
qu’ils ne s’abaissent pas à ce qui est au-dessous de ce qui leur a été donné,
par une soumission à ce qu’il y a de
pire, de sorte que, par suite d’une certaine faiblesse, ils finissent par
adhérer à ce qu’il y a de pire après avoir abandonné ce qu’il y a de
meilleur. La seconde condition des saints
esprits est qu'ils tendent avec
fermeté et constance vers son Rayon divin qui les illumine de l'au-delà,
c’est-à-dire vers la vérité qui leur a été manifestée, la fermeté se référant
à la certitude et la constance à l’immobilité. La troisième condition est qu’ils
manifestent extérieurement un sentiment d'amour aux réalités divines qui leur
ont été dévoilées ; et c’est ce que Denys ajoute par ces mots : et dans un élan amoureux proportionné aux
illuminations qu'ils ont reçues, c’est-à-dire de telle sorte que leur
sentiment s’attache aux lumières qui leur ont été données selon leur mesure
et grâce auxquelles ils sont élevés
aux réalités divines par des ailes spirituelles, c’est-à-dire par des
contemplations intellectuelles, avec
une crainte sacrée et respectueuse et d’une manière pure et sainte : avec
une crainte sacrée certes, selon qu’ils s’abstiennent de ce qui est au-dessus
d’eux ; d’une manière pure selon
qu’ils ne s’arrêtent pas aux réalités inférieures ; d’une manière sainte en vérité, selon qu’ils adhèrent avec
fermeté à ce qui leur a été donné conformément aux décrets de Dieu. |
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LECTIO 2 [84835] In De divinis
nominibus, cap. 1 l. 2 Postquam Dionysius ostendit modum huius doctrinae
quantum ad ea quae traduntur in ipsa et ex quibus procedit, hic incipit
prosequi de ratione divinorum nominum, de quibus in hoc libro intendit : et
primo, ostendit quam cognitionem de Deo per divina nomina possumus accipere ;
secundo, qualiter Deus nominari possit ; ibi : omnium quidem et
cetera. Circa primum duo facit : primo ostendit quam cognitionem de Deo per
divina nomina accipiamus ; secundo, ostendit quomodo, post huiusmodi
cognitionem, hoc ipsum quod Deus est remanet nobis occultum ; et hoc, ibi
: nunc autem et cetera. Circa primum duo facit : primo
ostendit qualis cognitio de Deo per divina nomina accipi possit ; secundo,
assignat differentiam huius cognitionis ad cognitionem quae erit in patria ;
ibi : haec et nos et cetera. Circa primum, duo facit :
primo, ostendit quam cognitionem de Deo per divina nomina accipere possumus ;
secundo, ostendit hoc quasi exemplariter, per quaedam Dei nomina ; ibi
: haec autem et cetera. Dicit ergo primo quod nos sequentes
has, scilicet praedictas thearchicas, idest divinas leges,
ut scilicet commensurate secundum nostram mensuram et firmiter et cum amore,
divinis illuminationibus nos immittamus ; quae quidem leges
non solum homines sanctos, sed etiam gubernant supercoelestium
ordinum et substantiarum sanctos ornatus, idest, ornant pulchras et
ordinatas dispositiones Angelorum ; venerantes per hoc et
occultum deitatis, quod quidem est super mentem et
substantiam, reverentiis mentis inscrutabilibus, idest habitis ad Deum in
hoc quod non scrutamur occulta Dei ; et sanctis, quia talis
reverentia ad sanctitatem pertinet ; et venerantes indicibilia deitatis casto
silentio, quod quidem dicit, quia occulta per hoc veneramur quod ea non
scrutamur et ineffabilia per hoc quod ea silemus ; et hoc quidem ex
sanctitate et castitate animi provenit, non se extra suas metas extendentis ;
sic, inquam, venerantes divina, secundum sequelam divinarum legum, extendimur
ad splendores nobis illucentes in sanctis eloquiis, idest ad veritates
sacrae Scripturae hominibus revelatas et ab ipsis sacrae
Scripturae splendoribus, illuminamur ad thearchicos hymnos, idest
ad divina nomina, quibus Deus laudatur, cognoscenda. Per haec enim scimus
laudare Deum viventem, bonum et alia huiusmodi, quae hic nobis de Deo in
Scripturis sacris traduntur ; nos, inquam, illuminati ab ipsis hymnis, supermundane,
idest super virtute naturalis rationis et quodammodo configurati ad
sanctas enuntiationes hymnorum, idest divinarum laudum quae traduntur in
Scripturis per divina nomina, in quantum scilicet eorum fide
informamur. Illuminati, inquam, et figurati ad
hoc, scilicet, quod per huiusmodi hymnos videamus, secundum nostram
mensuram, thearchica, idest divina lumina nobis data et
ad hoc quod laudemus principium totius sanctae
apparitionis luminis spiritualis ; quod quidem principium non solum
spirituale lumen tradit mentibus, sed universaliter bonum, sicut
ipsum principium de seipso tradit in sacris eloquiis
; in Psalmo 103 : aperiente te manum tuam, omnia implebuntur bonitate
; et Lucae II dicitur : pater vester de coelis, dabit spiritum bonum
petentibus se. Est igitur sensus praemissorum, quod desistamus a
perscrutatione divinorum secundum rationem nostram, sed inhaereamus sacrae
Scripturae, in qua traduntur nobis nomina divina, per quae manifestantur
nobis dona Dei et donorum principium. Per divina igitur nomina, quae nobis in
sacris Scripturis traduntur, duo cognovimus, scilicet : diffusionem sancti
luminis et cuiuscumque bonitatis seu perfectionis, et ipsum principium huius
diffusionis, utpote cum dicimus Deum viventem, cognoscimus diffusionem vitae
in creaturis et principium huius diffusionis esse Deum. Et hoc quidem
principium non cognoscimus per divina nomina sicuti est, hoc enim est
indicibile et inscrutabile, sed cognoscimus eum ut principium et ut causam.
Et ad manifestandum huius principii rationem, primo ponit quaedam quae
pertinent ad universalem rationem principii, cum dicit : sicut quod
est omnium causa et principium, ut causa referatur ad finem, quae est
prima causarum et principium ad causam agentem, a qua incipit operatio et
motus. Consequenter autem ponit quae pertinent ad rationem principii respectu
determinatorum effectuum : et primo, quantum ad institutionem rerum, cum
dicitur : et substantia et vita, quia scilicet, per hoc
principium existunt omnia existentia et vivunt omnia viventia ; deinde,
quantum ad meliorationem rerum in spiritualibus quae quidem secundum tria
attenditur, idest, secundum purgationem, illuminationem et perfectionem. Haec
autem tria ab Angelis quidem complentur secundum intellectum tantum : qui
quidem purgant, nescientiam removendo ; illuminant intellectum, auxilium
praebendo ad cognoscendum veritatem ; perficiunt autem dum ad cognitionem
veritatis perducunt. Perfectio enim rei consistit in hoc quod
pertingat ad finem. Unde in VII cap. angelicae hierarchiae dicitur quod purgatio,
illuminatio, perfectio est divinae scientiae assumptio. Sed ad Deum
pertinet non solum intellectum, sed etiam voluntatem mutare in melius et
quantum ad hoc loquitur hic de purgatione, illuminatione, et perfectione.
Ponit autem quinque ad purgationem pertinentia. Cum enim peccatum quo
inquinatur voluntas, contingat ex hoc quod homo, propter bonum temporale, ab
incommutabili bono avertitur, primum in purgatione voluntatis est quod
voluntas ad bonum incommutabile reducatur ; et quantum ad hoc dicit quod
divinitas est revocatio et resurrectio decidentium ab ipsa,
scilicet per peccatum. Et ponit revocationem et resurrectionem,
quia non solum attrahit nos, quod est revocare, sed etiam dat vires ut
revocati surgamus. Secundum autem est, quod ex hoc quod placet voluntati
humanae Deus, derelinquat illud commutabile bonum propter quod a Deo recessit
; et quantum ad hoc dicit quod Deus est renovatio et reformatio eorum
quae sunt prolapsa ad corruptivum deiformis, idest, divinae similitudinis
in nobis ; hoc autem est peccatum. Contingit autem, dum alicui incipit Deus
placere et peccata displicere, quod a principio quamdam titubationem mentis
patiatur, nunc huc nunc illuc tractus, unde indiget ut in uno collocetur ; et
quantum ad hoc, tertio, dicit quod Deus est collocatio sancta eorum
quae moventur secundum quamdam immundam commotionem. Ulterius autem
indiget homo, postquam est collocatus in uno, ut in illo firmetur, ne per
tentationes facile ab illo statu removeatur ; et quantum ad hoc dicit,
quarto, quod est firmatio stantium. Ulterius autem necesse est
quod homo ad meliora proficiat ; et quantum ad hoc, quinto, dicit quod
est suscitativa manuductio sursum actorum, idest eorum quae
sursum aguntur, idest proficiunt, ad ipsam, scilicet deitatem.
Dicitur autem suscitativa manuductio, quia non solum porrigit manum auxilii
volentibus proficere, sed etiam ad proficiendum excitat. Post haec igitur
quinque, quae ad purgationem pertinent, subdit de illuminatione, cum dicit
: et eorum quae illuminantur, illuminatio, quae quidem
illuminatio intelligitur quantum ad hoc quod lumen suae gratiae tradit sive
ad perfectionem intellectus sive ad perfectionem affectus. Et ulterius subdit
de perfectione, quam quidem tangit dupliciter : primo, quidem, secundum quod
aliquid perfici dicitur per hoc quod attingit finem proximum, puta iustitiam
vel qualemcumque virtutem ; et hoc cum dicit : et eorum quae
perficiuntur perfectionis principatus, respectu propriae perfectionis,
quia quaecumque est propria rei perfectio, principaliter praeexistit in Deo,
sicut regimen civitatis principaliter praeexistit in principe. Quantum vero
ad consecutionem ultimi finis, dicit : et eorum quae deificantur
thearchia, idest principalis deitas. Dicitur enim creatura rationalis
deificari per hoc quod, suo modo, Deo unitur ; ut sic, ipsa deitas
principaliter ipsi Deo conveniat, secundario vero et participative his qui
deificantur. Ulterius autem, ponit ea quae pertinent ad
meliorationem communiter omnium. Est autem considerandum quod duplex
processus invenitur in rebus, scilicet : resolutionis et compositionis ; et
secundum utrumque, tendunt res in divinam similitudinem. Nam secundum viam
resolutionis, tendunt res a compositione in simplicitatem quae summe est in
Deo ; et quantum ad hoc dicit quod est eorum quae simplificantur
simplicitas. Secundum autem viam compositionis, tendunt res a multitudine
in unitatem, dum ex multis fit unum. Unitas autem primo est in Deo ; et
quantum ad hoc dicit, et eorum quae uniuntur unitas. Non
solum autem a Deo communicatur rebus quod in se subsistant et meliorentur,
sed etiam quod aliis sint principium seu causa existentiae et meliorationis ;
et quantum ad hoc, subdit quod est supersubstantialiter
superprincipale principium universi principii. Non enim eodem modo est
principium quo alia, sed eminentius ; sic enim eminentius habet esse. Et ut
universos Dei effectus simul comprehendat, subdit quod est bona
traditio occulti. Manifestum est enim quod
quaecumque in creaturis sunt, in Deo praeexistunt eminentius. Sed creaturae
quidem manifestae sunt nobis, Deus autem occultus. Sic igitur, secundum quod
rerum perfectiones a Deo per quamdam participationem derivantur in creaturas,
fit traditio in manifestum eius quod erat occultum ; et hoc fit secundum
quod est conveniens, scilicet, secundum proportionem determinatam
uniuscuiusque. Et quia dixerat quod Deus est substantia et vita
omnium, ne aliquis intelligeret quod Deus esset essentia aut vita formalis
veniens in compositionem rerum, hunc perversum intellectum excludit, cum
subdit : et, ut simpliciter dicatur, idest universaliter
dicatur, vita viventium et substantia, idest essentia existentium,
qui est principium agens et causa fontalis omnis
vitae et substantiae, non quidem propter suam necessitatem, sed propter
bonitatem ipsius, quae existentia et deducit ad esse et continet, idest
conservat ea in esse. Et sicut exponit de substantia et vita, ita
intelligendum est et de omnibus consequentibus, ut scilicet Deus intelligatur
esse revocatio et reformatio rerum et simplicitas et unitas et alia quae
supra dixit, inquantum horum est principium et causa. Deinde, cum dicit
: haec autem a divinis eloquiis memoramus et cetera,
manifestat per quaedam divina nomina in Scripturis posita, quod ex divinis
nominibus praedictam cognitionem de Deo capiamus ; et dicit quod haec quae
supra dicta sunt scilicet quod per divina nomina Deus cognoscatur ut
principium et causa, non ex nobis ipsis dicimus, sed a divinis eloquiis
accipiendo commemoramus et, ut sic dicatur, omnem sanctum hymnum,
idest laudem Dei, theologorum, invenies, si diligenter in
Scripturis scruteris, dividentem, idest distinguentem, nominationes
Dei ad bonos thearchiae processus, idest secundum processus perfectionum,
quae ex divina bonitate in creaturas proveniunt. Quod enim Deus dicatur
bonus, vivus, sapiens et multis aliis nominibus nominetur, non est ex aliqua
multitudine seu diversitate in eius natura existente (quia omnia haec in eo
unum sunt), sed ex diversis perfectionibus creaturarum accipimus diversa
nomina, quae attribuimus Deo sicut primo principio omnium horum processuum ;
et hoc manifestative et laudative : manifestative, quidem,
inquantum Deus nobis per suos effectus innotescit et inquantum per huiusmodi
nomina, Deo attributa, nobis manifestantur huiusmodi perfectiones esse in
rebus a Deo ; laudative, vero, inquantum hoc totum ad Dei
pertinet bonitatem, quod rebus perfectiones communicantur. Et hoc, primo exponit in nomine unitatis, subdens quod fere in
omni theologico negotio, idest in omni libro theologiae, videmus
thearchiam, idest deitatem, laudatam sicut monadem et unitatem
; quae duo idem significare videntur, cum unum sit Graecum et aliud Latinum. Quod
quidem nomen unitatis Deo videtur maxime attribui propter duo : primo quidem,
propter quod in seipso est ; et hoc tangit cum dicit, propter
simplicitatem et unitatem supernaturalis impartibilitatis. Ratio enim
unitatis in impartibilitate consistit ; unum enim est ens quod non dividitur.
Contingit autem aliqua non dividi in actu, quae dividuntur in potentia, sicut
linea aut domus, quorum utrumque potest dici unum, sed non simpliciter.
Aliquid vero est indivisum non solum actu, sed etiam potentia, ut unitas et
punctus ; et haec possunt dici non solum unum, sed etiam simplicia. In Deo
autem utraque indivisibilitas consistit, quia non dividitur actu nec potentia
; et ideo signanter dixit : propter simplicitatem et unitatem et
addit : supernaturalis impartibilitatis, quia nulla simplicitas
aut unitas naturalium rerum, divinae simplicitati et unitati comparari
potest. Secundo, vero, nomen unitatis attribuitur Deo propter hoc quod rebus
unitatem communicat ; et hoc est quod subdit : ex qua, scilicet
unitate divina, ut unifica virtute mirifica, duo nobis
proveniunt : quorum primum est quod nos unimur, idest quamdam
unitatem habemus, secundum quod dicitur unus homo aut unum animal ; secundum
est quod, cum unitas nostra non sit ita perfecta quod omnem diversitatem
excludat, ipsa etiam quae sunt diversa in nobis, ad quamdam unitionem
reducuntur, secundum quod etiam ea quae sunt simpliciter diversa in
creaturis, unum quodam ordine sunt, ut sic saltem, Dei unitatem imitentur ;
et hoc est quod dicit, quod nos congregamur ad quamdam monadem,
idest unitatem, deiformem, idest, Deo similem, quantum ad ea quae
iam facta sunt unum ; et ad quamdam unitionem Dei
imitativam, quantum ad ea quae fiunt unum ; et hoc, conclusis
alteritatibus idest diversitatibus, nostris divisibilibus,
idest quae ex aliqua divisione contingunt, supermundane, idest,
supermundana virtute. Vel hoc quod dicit, unimur, potest referri
ad hoc quod unumquodque in se est unum ; quod autem sequitur : et
divisibilibus nostris alteritatibus, potest referri ad hoc quod multa,
licet sint diversa et altera, tamen ad aliquam unitatem reducuntur vel
perfecte vel imperfecte. Monas enim, idest unitas,
perfectionem unitatis designat ; unitio vero, viam ad unitatem, in quo
imperfectio unitatis ostenditur. Deinde, ostendit idem in nomine Trinitatis ;
et dicit quod invenimus Deum laudari sicut Trinitatem ad
manifestandum supersubstantialem fecunditatem trium personarum,
quae non distinguuntur nisi secundum originem ; ex qua quidem
fecunditate divina derivatur omnis paternitas idest
fecunditas quae nomine paternitatis intelligitur, ut apostolus dicit, ad Eph.
3, quod ex Deo patre, omnis paternitas in coelo et in terra nominatur
; nec solum nominatur, sed etiam existit sive causatur. Tertio
autem, manifestat idem in nomine causae ; et dicit quod Deus laudatur sicut causa existentium,
propter hoc quod omnia sunt deducta ad esse ex bonitate
eius, substantificante res, non autem ex necessitate naturae. Quarto, autem,
manifestat idem per nomen sapientis et pulchri ; et dicit quod laudant
deitatem theologi sicut sapientem et pulchram, quia omnia existentia,
in quibus invenitur propria natura salvata absque corruptione, sunt
plena omni harmonia divina, idest perfecta consonantia seu ordine a
Deo et sunt, iterum, plena sancto decore ; ut
quod dicit : harmonia, referatur ad sapientiam cuius est ordinare
et commensurare res ; quod autem dicit : decore, maxime ad
pulchritudinem referatur. Per hoc, autem, quod diminuitur aliquid de harmonia
vel decore, accidit corruptio in rebus, secundum excessum a propria natura,
sicut aegritudo in corporibus et peccatum in anima. Quinto manifestat idem de
nomine benignitatis ; et dicit quod divina Scriptura laudat deitatem
sicut benignam, differenter tamen a praedictis nominibus.
Nam secundum praedicta nomina, laudatur Deus, inquantum non communicabat sua
; benignus autem laudatur, inquantum in opere incarnationis, in una
personarum ipsius deitatis, scilicet in persona filii, communicavit
nostris, idest his quae ad naturam nostram pertinent, non afferens corpus
coeleste, ut Valentinus dixit ; ad veritatem, idest secundum
veritatem, non phantastice, ut dixit Manichaeus ; totaliter,
idest quantum ad omnes partes nostrae naturae, non assumens corpus absque
anima aut animam absque corpore aut animam et corpus absque intellectu, ut
Arius et Apollinaris dixerunt. Et ut finem incarnationis ostendat, subdit
: revocans a statu peccati humanam extremitatem,
idest humanam naturam, quae est ultima creaturarum, secundum ordinem
creationis, ad seipsam, scilicet deitatem, et non solum revocans
amovendo, sed etiam reponens, operando. Et ne aliquis crederet
quod ita communicaverit nostris, secundum inhabitationem solam, ut Nestorius
dixit, sed secundum veram unionem in persona et hypostasi ut, scilicet, ipse,
qui est Deus, vere sit homo, subiungit : ex qua, scilicet deitate
operante vel ex qua, idest secundum quam humanitatem, Iesus,
qui est ineffabiliter simplex, secundum deitatem, ipse idem
hypostasi est compositus secundum humanitatem ; et qui
est aeternus, secundum deitatem, accepit praesentationem
temporalem, idest ut sit temporalis in hoc praesenti tempore, secundum
humanam naturam ; et qui, secundum deitatem, supersubstantialiter excellit omnem
ordinem secundum omnem naturam, factus est intra nostram naturam, vere
homo sub specie humana contentus sicut et coeteri homines ; per quae omnia
dat intelligere quod idem est suppositum Deus et homo. Et ne aliquis perverse
intelligeret quod Deus factus sit homo secundum aliquam conversionem deitatis
in carnem vel in animam vel etiam secundum aliquam commassationem ut sic
esset una natura Dei et hominis, ut Eutyches confinxit, subiungit : cum
intransmutabili et inconfusa collocatione, idest firma salvatione propriorum,
idest proprietatum utriusque naturae, quia neque divinitas conversa est in
humanitatem neque humanitas in divinitatem. Et quia de mysterio incarnationis
plura dici possent, quae ad praesens omittit, quia non est de hoc principalis
intentio, subdit quod non solum praedicta intelliguntur per divinam
benignitatem, sed et quaecumque alia deifica lumina, idest quascumque
alias divinas illuminationes et veritates, occulta traditio nostrorum
ducum, scilicet apostolorum et aliorum doctorum post eos, nobis
donavit manifestative iuxta consequentiam eloquiorum divinorum, idest
secundum quod in sacra Scriptura traditur. Deinde, cum subdit : haec
et nos docti sumus, ostendit differentiam cognitionis, quam in praesenti
vita de Deo per nomina divina accepimus, ad cognitionem quam sancti habent in
vita futura, cum dicit quod haec quae dicta sunt in
expositione divinorum nominum de Deo, nos sumus edocti nunc,
idest in praesenti vita, iuxta proportionem nostram per sancta
velamina eloquiorum, idest sacrae Scripturae, et hierarchicarum
traditionum, idest aliorum dogmatum quae apostoli et eorum discipuli
tradiderunt quae non continentur in sacra Scriptura, ut puta quae pertinent
ad sacrorum mysteriorum cognitionem. Hierarchia enim idem est quod sacer
principatus, unde apostoli et alii Ecclesiae praelati, hierarchae dicuntur
quasi sacri principes. Dicit autem : per sancta velamina, quia in
praesenti vita, non possumus per ea quae nobis tradita sunt, ipsam Dei
essentiam, prout in se est, videre, sed instruimur de Deo in Scripturis, per
similitudinem effectus ipsius, quasi per quaedam velamina, secundum illud, I
Corinth. 13 : videmus nunc per speculum in aenigmate. Qualia vero
sunt ista velamina exponit subdens quod ex bonitate Dei intelligibilia
circumvelantur per sensibilia, sicut cum Scripturae de Deo et Angelis sub
similitudine quorumdam sensibilium loquuntur ut patet Esa. 6 : vidi dominum
sedentem super solium excelsum et infra : Seraphim stabant
super illud, sex alae uni et sex alae alteri ; et similiter
velantur supersubstantialia scilicet divina, cum existentibus,
sicut cum Deo attribuuntur non solum sensibilia, sed etiam intelligibiles
perfectiones creaturarum, ut cum attribuimus Deo vitam, intellectum et
huiusmodi perfectiones in rebus creatis inventas ; similiter ex eadem
bonitate, circumponuntur formae corporeae et figurae, rebus incorporeis non sic
formabilibus vel figurabilibus ; et, similiter, res simpliciter
supernaturalis et infigurabilis multipliciter componitur per varietatem divisibilium
signorum, inquantum scilicet ipse Deus, qui est supernaturalis et simplex
per diversa nobis manifestatur in Scripturis sive sint diversae processiones
sive diversae similitudines. Signanter autem dixit benignitate ;
quod enim in Scripturis exprimuntur nobis intelligibilia per sensibilia et
supersubstantialia per existentia et incorporalia per corporalia, et
simplicia per composita et diversa, non est propter invidiam, ut subtrahatur
nobis cognitio divinorum, sed propter nostram utilitatem, quia Scriptura
nobis condescendens tradidit nobis quae supra nos sunt, secundum modum
nostrum. Et hic quidem modus cognitionis est quo Deum in praesenti vita
cognoscere possumus. Tunc autem, scilicet post resurrectionem
beatam, quando incorruptibiles et immortales erimus, corruptibili
hoc accipiente incorruptionem, et mortali hoc accipiente immortalitatem, ut
dicitur I Corinth. 15 et quando consequemur finem
Christiformem, idest assimilationem ad Christum secundum illud Philipp. 3
: reformabit corpus humilitatis nostrae, configuratum corpori
claritatis suae, et beatissimum quia non solum beatificabitur anima
sed etiam, suo modo, glorificabitur corpus, tunc semper cum domino
erimus, secundum eloquium, ut dicitur I Thessal. 4. Nos, inquam, adimpleti
visibili apparitione, idest sensibili et corporali ipsius Dei,
quantum ad humanitatem Christi et hoc in castissimis
contemplationibus, quia ad carnem Christi non afficiemur carnaliter, sed
spiritualiter, secundum illud apostoli II Corinth. 5 : et si
cognovimus secundum carnem Christum, sed nunc non novimus ; ipso, inquam,
Christo refulgente circa nos per sui corporis
claritatem, manifestissimis splendoribus sicut factum
est circa discipulos in illa divinissima transformatione, idest
transfiguratione, ut habetur Matth. 17 : facies eius resplenduit
sicut sol ; et non solum erimus adimpleti sensibili apparitione ipsius,
sed etiam erimus participantes intelligibili datione luminis ipsius Christi,
quod effundet in nos, secundum virtutem suae divinitatis. Et hoc lumen
participabimus in impassibili et immateriali mente. Mens enim
nostra nunc quidem passibilis est per accidens, ex unione ad corpus et
materialis efficitur secundum affectionem ad res materiales ; et ideo, nunc,
non est idonea ad tanti luminis participationem, sicut tunc erit, quando in
nullo impedietur per corporales passiones neque subdetur materialibus
affectionibus. Et per hanc participationem luminis erimus et
participantes unitionem quae est super mentem, quia
scilicet mens nostra, ut intelligibili, ipsi Deo qui est super mentem,
unietur ; et hoc fiet per ignotas et beatas immissiones superclarorum
radiorum, idest divinarum illuminationum quae, nunc, sunt nobis occultae
sicut inexpertae ; quibus, tunc, eaedem mentes beatificabuntur. Et hoc quidem
consequentur homines, secundum imitationem supercoelestium mentium,
idest Angelorum, diviniore modo quam nunc ; nunc, enim, licet in qualibet
contemplatione veritatis, mentes humanae ad Angelorum unitionem illustrentur,
tamen multum deficimus ab eorum aequalitate, sed tunc aequales erimus
Angelis ut dicit veritas eloquiorum, et erunt filii Dei,
existentes filii resurrectionis, ut habetur Luc. 20. Deinde, cum
dicit. Nunc autem, ostendit quod post omnem cognitionem quam in
praesenti vita de Deo habemus, id quod est Deus remanet nobis occultum ; et
circa hoc, duo facit : primo, proponit quod intendit ; secundo, probat
propositum ; ibi : in quo et cetera. Dicit ergo, primo,
quod nunc, idest in praesenti vita, sicut supra expositum
est, utimur, sicut nobis est possibile, propriis signis ad divina cognoscenda
; quae quidem signa sunt tam perfectiones quae procedunt a Deo in creaturas,
quam et metaphorae quae a creaturis per similitudinem transferuntur in Deum.
Et huiusmodi quidem signa dicuntur propria cognitioni rerum divinarum ex
parte nostra, quia non est possibile nobis aliter innotescere res divinas
nisi hoc modo. Non tamen sic utimur huiusmodi signis in cognitione divinorum,
quod in eis mens nostra remaneat, nihil ultra huiusmodi Deum existimans, sed
ex istis signis, rursus extendimur, secundum nostram
proportionem ad simplicem et unitam veritatem intelligibilium
miraculorum, idest admirabilium contemplationum, quas de rebus divinis
per huiusmodi signa accipimus. Dicit autem, ad simplicem et unitam
veritatem, ut simplicitas correspondeat compositioni signorum ; unitas,
vero, eorum multitudini et diversitati. Et ne aliquis credat quod per signa
praedicta, veritatem et intelligentiam divinorum perfecte comprehendere
possimus, subiungit quod immittimus nos ad supersubstantialem radium,
idest ad veritatem de Deo cognoscendam, sed non perfecte ; sed secundum
quod est fas nobis, scilicet sedantes, idest quietantes nostras
intellectuales operationes, ne ultra ferantur quam nobis sit datum ; et
hoc dico, post omnem secundum nos unitionem deiformium, quasi
dicat : postquam secundum deiformitatem uniti fuerimus per cognitionem rebus
divinis, quantumcumque nobis est possibile, adhuc remanet aliquid de rebus
divinis nobis occultum, a cuius inquisitione oportet nos sedare intellectum
nostrum. Deinde, cum dicit : in quo et cetera, probat quod
dixerat ; et circa hoc, tria facit : primo enim inducit probationem ;
secundo, exponit eam ; ibi : et omnium et cetera ; tertio,
probat quoddam quod in probatione supposuerat ; ibi : si enim et
cetera. Ad evidentiam autem primae partis, considerandum est quod nulla
virtus finita extendit se in infinitum, sed ad aliquem certum terminum
concluditur ; unde, cum omnis virtus cognoscitiva creaturae sit finita,
cuiuslibet cognitionis creaturae est certus terminus ultra quem non tendit.
Et huius exemplum accipi potest ex diversis scientiis. Habet enim geometria
aliquem terminum, ultra quem non tendit ; et, similiter, naturalis scientia.
Et hoc quidem intelligendum est de re qualibet conditione creata. Manifestum
est autem quod illud quod excedit terminum alicuius cognitionis non
attingitur ab illa cognitione. Supersubstantialis autem radius, idest, ipsa
divina veritas, excedit omnes terminos et fines quarumcumque cognitionum,
quia omnes fines quarumcumque cognitionum eminentius praeexistunt in ipso
radio, sicut in causa primordiali, modo ineffabili nobis, propter suam
eminentiam. Unde relinquitur quod praedictum radium non possumus cogitare
inquirendo neque exprimere loquendo neque perfecte contemplari quocumque modo
; non propter sui defectum, sed propter hoc quod est ab omnibus distinctus
et, per consequens, ignotus omnibus, quasi super omnia existens. Deinde, cum
dicit : et omnium et cetera, exponit quod dixerat :
scilicet, quod fines cognitionum praeexistunt in supersubstantiali radio ; et
dicit quod cum ille radius sit supersubstantialis, virtutes autem
cognoscitivae et cognitiones ipsae sint substantiales, idest substantiis
creatis proportionatae et per consequens finitae, manifestum est quod
praedictus radius praeaccepit in seipso, tamquam causa
suprema, terminationes omnium praedictarum cognitionum
et virtutum, non quidem successive, ut nunc habeat hanc, nunc illam sed
simul et unite ; neque iterum particulariter, ut habeat hanc terminationem et
non illam, sed universaliter omnes ; neque, iterum, habet in se huiusmodi
terminationes eo modo quo sunt in substantiis creatis, sed supersubstantialiter.
Et quia quod dixerat : quem neque cogitare possibile est, posset
aliquis referre solum ad cognitionem praesentis vitae, ulterius extendit hoc
etiam ad Angelos ; et dicit quod ille supersubstantialis radius est
collocatus non solum super mentes humanas, sed etiam super
mentes coelestes, idest angelicas, non ut nullo modo attingatur ab eis,
sed ita quod comprehendi non possit ; et hoc est quod dicit : incomprehensibili
virtute. Deinde, cum dicit : si enim et cetera, probat
quod supposuerat, scilicet quod in Deo praeexistant terminationes omnium
cognitionum et ratio sua talis est : omnes cognitiones sunt de rebus
existentibus ; obiectum enim cognitionis est ens. Existentia autem sunt
finita. Ens igitur finitum est obiectum cognitionis finitae. Deus ergo, cum
sit infinitus, excedit omnem substantiam finitam, praehabens in se fines
omnium ; et, per consequens, est separatus ab omni cognitione, inquantum
omnem cognitionem creaturae excedit, ut a nulla comprehendi possit. |
Leçon 2 (2a) : De la connaissance que nous pouvons acquérir au sujet de Dieu au moyen des Noms divins.40.
Après avoir manifesté le mode propre à cette science quant à l’objet qui est
enseigné dans cette science et aux principes d’où elle procède, il continue
en poursuivant sur la nature des noms divins dont il fait son propos dans ce
livre : et d’abord, il montre quelle connaissance de Dieu nous pouvons
acquérir au moyen des noms divins ; deuxièmement, de quelle manière Dieu peut
être nommé, là (21) où il dit : Certes,
de tous… 41. Au
sujet du premier point, il fait deux choses : il montre d’abord quelle
connaissance nous acquérons de Dieu au moyen des noms divins ; ensuite, il
montre comment, suite à cette connaissance, ce qu’est Dieu en Lui-même nous
demeure inconnu, là (16) où il dit : Mais
maintenant… 42. Au
sujet du premier point, il fait deux choses : d’abord, il montre quelle
connaissance de Dieu peut être acquise au moyen des noms divins ;
deuxièmement, il montre la différence qui existe entre cette connaissance et
celle que nous en aurons dans la patrie céleste, là (15) où il dit : Et nous, ces… 43. Au
sujet du premier point, il fait deux choses : d’abord, il montre quelle
connaissance nous pouvons acquérir de Dieu au moyen des noms divins ;
deuxièmement, il le montre avec des exemples, au moyen de certains noms de
Dieu, là (13) où il dit : Mais ces… 44. Il
dit donc en premier que nous
nous soumettons à celles-là, c’est-à-dire aux lois théarchiques ou divines, pour nous élancer vers les
illuminations divines d’une manière qui nous est proportionnelle, selon notre
mesure, avec fermeté et amour ; lesquelles lois gouvernent non seulement les hommes saints, mais aussi les beautés sacrées des ordres et des
substances supra-célestes, c’est-à-dire qu’elles embellissent les formes
belles et ordonnées des Anges ; nous témoignons par là d'un saint respect
à l’égard du secret de la Divinité,
qui certes transcende tout esprit et
toute substance, par d'insondables
vénérations de l'esprit, c’est-à-dire qui se rapportent à Dieu du fait
que nous ne pouvons fouiller les secrets de Dieu ; et elles sont saintes ces vénérations, parce qu’un tel témoignage
de respect appartient à celui qui est saint ; et nous témoignons encore de ce respect à l’égard des vérités
indicibles de Dieu par un pieux
silence, et c’est ce que Denys dit certes, parce que nous témoignons du
respect à l’égard des secrets de Dieu en ne les explorant pas et, à l’égard
de ce qui est indicible en Lui, en nous taisant ; et cela certes, à savoir ne
pas s’aventurer au-delà des bornes de sa nature, provient de la sainteté et
de la pureté de l’âme. Ainsi, dit-il, honorant ce qui est
divin par une obéissance aux lois divines, nous sommes entraînés vers les lumières dont l'éclat nous vient des
saintes Écritures, c’est-à-dire vers les vérités des saintes Écritures révélées
aux hommes, et par la magnificence même des saintes Écritures, nous sommes éclairés dans la connaissance
des hymnes théarchiques, c’est-à-dire des noms divins, par lesquels Dieu
est loué. C’est au moyen de ces noms en effet que nous savons louer Dieu en
tant que vivant, en tant que bon et par d’autres attributs de cette sorte qui
nous sont transmis au sujet de Dieu dans les Écritures ; Nous, dit-il, sommes illuminés par ces hymnes eux-mêmes, d’une manière
qui n'est pas de ce monde, c’est-à-dire qui est au-dessus de la puissance
de la raison naturelle, et comme configurés
aux saintes paroles de ces hymnes, c’est-à-dire des louanges divines qui
sont enseignées dans les Écritures au moyen des noms divins, dans la mesure
où nous nous laissons façonner par la foi en elles. Illuminés, dit-il, et
formés pour cela, c’est-à-dire pour qu’au moyen de ces hymnes nous
voyions, selon notre mesure, les
lumières théarchiques, c’est-à-dire divines, qui nous ont été données et pour que nous louions le principe de toute sainte apparition de
lumière spirituelle ; lequel principe certes ne fait pas que transmettre
la lumière spirituelle aux esprits, mais plus universellement le bien, ainsi que le principe lui-même l’enseigne à son sujet par les saintes Écritures, comme dans le Psaume (103, 28)
: ¨Ouvre la main et tous seront comblés
de ta bonté¨ ; et chez Luc (11, 13) : ¨Votre Père du ciel donnera l’Esprit-Saint à ceux qui le lui demandent¨. 45.
Denys veut nous signifier par ces paroles qu'il nous faut renoncer à scruter les
réalités divines selon notre raison, et que nous devons plutôt adhérer aux
saintes Écritures dans lesquelles nous sont transmis les noms divins au moyen
desquels nous sont manifestés les dons de Dieu et le principe même de ces
dons. Donc, au moyen des noms divins qui nous sont enseignés dans les saintes
Écritures, nous connaissons deux choses, à savoir : la diffusion de la sainte
lumière, de toute bonté ou de toute perfection d’une part, le principe même
de cette diffusion d’autre part ; comme lorsque nous disons que Dieu est
vivant, nous connaissons à la fois que la vie a été répandue dans les
créatures et que le principe de cette diffusion est Dieu. Et certes, les noms
divins ne nous font pas connaître le principe de cette diffusion tel qu’il
est en Lui-même, car cela est indicible et insondable, mais nous le
connaissons en tant que principe et cause. 46. Et
pour manifester la nature de ce principe, il présente d’abord certaines
distinctions qui se rapportent à la notion universelle de principe, lorsqu’il
dit (12) : tout comme ce qui est
principe et cause de toute chose, alors que la cause se rapporte à la
finalité qui est la première des causes et que le principe réfère à la cause
efficiente par laquelle commencent l’opération et le mouvement. Et par la
suite il présente ce qui se rapporte à la nature du principe à l’égard de ses
effets déterminés : et d’abord quant à la formation des choses, lorsqu’il dit
: et la substance et la vie,
c’est-à-dire parce que c’est au moyen de ce principe qu’existent tous les
êtres et que vivent tous les vivants ; et ensuite quant à l’amélioration des
choses dans les réalités spirituelles, ce qui s’observe de trois manières, à
savoir selon la purgation, l’illumination et la perfection. 47. Ces
trois manières se réalisent certes chez les Anges selon l’intelligence
seulement : lesquels certes purgent en écartant l’ignorance ; ils illuminent
l’intelligence en présentant des moyens pour connaître la vérité ; et ils
achèvent leur œuvre lorsqu’ils conduisent à la connaissance de la vérité. En
effet, la perfection pour une chose consiste à atteindre sa finalité. C’est
pourquoi au chapitre 7 de ¨La
Hiérarchie des Anges¨ ( MG 111, 209
C.) on dit que la purgation,
l’illumination et la perfection sont empruntées à la sagesse divine. Mais c'est à Dieu qu'il appartient
de tourner non seulement l’intelligence, mais aussi la volonté vers ce qu’il
y a de mieux ; et c’est pourquoi Denys parle ici de purgation, d’illumination
et de perfection. 48. Et
il présente cinq points qui se rapportent à la purgation. En effet puisque le
péché, par lequel la volonté est souillée, se produit parce que l’homme se
détourne d’un bien immuable à cause d’un bien temporel, il faut d’abord dans
la purgation de la volonté que celle-ci soit ramenée au bien immuable ; et
quant à cela Denys dit que la Divinité est le rappel et la résurrection de ceux qui se sont coupés d’Elle
par le péché. Et il parle de rappel et de résurrection car non seulement Dieu
nous attire à Lui, ce en quoi consiste le rappel, mais encore il nous donne
les forces pour que nous nous relevions à son appel. Le deuxième est que l’homme, à
partir du moment où Dieu lui plaît, abandonne ce bien temporel à cause duquel
il s’est éloigné de Dieu ; et à cet égard, Denys dit que Dieu est le renouvellement et la réforme de ceux
qui se sont laissés aller à perdre l'empreinte de Dieu, c’est-à-dire la
ressemblance de Dieu qui est en nous, ce en quoi consiste le péché. Il arrive cependant, alors que
Dieu commence à plaire à quelqu’un et que le péché commence à lui déplaire,
que l’esprit de cette personne subisse au début une certaine hésitation,
étant attiré tantôt par ceci tantôt par cela, et qu'elle ait besoin d’être
établie en une seule chose ; et à cet égard, Denys dit en troisième lieu que
Dieu est le saint affermissement de
ceux qui sont mus par une agitation impure de l'âme. Mais l’homme a besoin par la
suite, après avoir été établi en une chose, d’être affermi dans cette chose
afin qu'il ne s’éloigne pas facilement de cet état en raison de la tentation ;
et à cet égard Denys dit en quatrième lieu que Dieu est la solidité de ceux qui demeurent fermes. Mais par la suite il est
nécessaire que l’homme progresse vers ce qu’il y a de mieux ; et à cet égard
il dit en cinquième lieu que Dieu est une
main secourable pour ceux dont les actes cherchent à s'élever,
c’est-à-dire pour ceux qui agissent de manière à s'élever, c’est-à-dire à
progresser vers Elle, à savoir vers la Divinité. On dit de la Divinité
qu'elle est une main secourable car non seulement elle étend une main
bienveillante à ceux qui veulent progresser, mais encore elle les stimule au
progrès. 49.
Donc, suite à ces cinq points qui appartiennent à la purgation, il continue
au sujet de l’illumination lorsqu’il dit : et il est l’illumination de ceux qui sont illuminés, laquelle
illumination s’entend certes suivant que Dieu transmet la lumière de sa grâce
soit pour la perfection de l’intelligence, soit pour celle de l'affectivité. 50. Et
plus loin il continue avec la perfection qu’il considère certes de deux
manières : d’abord certes selon qu’on dit qu’un être est achevé quand il
atteint sa finalité immédiate, comme la justice ou une autre vertu, quand il
dit : et principe de perfection pour ceux qui sont parfaits, par
rapport à leur perfection propre, car quelle que soit la perfection propre
d’une chose, elle existe en premier lieu en Dieu comme le gouvernement de la
cité existe en premier lieu dans le prince. En vérité, quant à la poursuite
de la finalité ultime, il dit : et de
ceux qui sont déifiés par la Théarchie, c’est-à-dire par la Divinité
première. On peut dire en effet que la créature rationnelle est déifiée,
selon le mode qui lui est propre, par son union à Dieu de telle sorte que la
divinité qui appartient premièrement à Dieu appartient en deuxième lieu et
par participation à ceux qui sont déifiés par Lui. 51. Et
plus loin Denys présente ce qui se rapporte à l’amélioration de toutes les
choses prises universellement. Mais il faut considérer qu’on retrouve dans
les choses deux sortes de processus, à savoir celui de résolution et celui de
composition ; et c’est selon l’un et l’autre que les choses tendent à
ressembler à Dieu. Car selon la voie de résolution, qui procède du composé au
simple, les choses tendent vers la simplicité qui se retrouve au plus haut
point en Dieu ; et quant à ce mode, Denys dit que Dieu est la simplicité de ceux qui sont simplifiés.
Mais selon la voie ou le mode de composition, les choses tendent vers l’unité
à partir de la multiplicité, alors que l’un se réalise à partir du multiple.
Mais l’unité se retrouve en premier lieu en Dieu ; et sous ce rapport Denys
dit que Dieu est l’unité de ceux qui
sont unis. Et non seulement Dieu communique aux choses leur aptitude à
subsister et à s’améliorer en elles-mêmes mais il leur donne aussi d’être
principes et causes d’existence et d’amélioration pour les autres choses ; et
quant à cela, Denys ajoute que Dieu est Principe de tout principe, situé
supra-substantiellement au-delà de tout principe. En effet, il n’est pas principe de la même manière que les autres le
sont, mais Il l’est de la manière la plus élevée tout comme Il possède l’être
de la manière la plus élevée. Et comme Dieu saisit
simultanément tous ses effets, il ajoute qu’Il est la transmission bienveillante de ce qui est secret. Il est
manifeste en effet que tout ce qui existe dans les créatures préexiste de la
manière la plus élevée en Dieu. Mais les créatures nous sont certes
manifestes alors que Dieu nous est caché. Donc, de cette manière, selon que
les perfections des choses sont répandues par Dieu dans les créatures par
mode de participation, il se produit comme une transmission dans la
manifestation de ce qui était caché ; et cela se réalise selon ce qui convient, c’est-à-dire proportionnellement à la
nature déterminée de chacun. 52. Et parce qu’il avait dit que Dieu est la substance et
la vie de toute chose, afin que personne n’entende par cela que Dieu serait
l’essence ou la vie entrant dans la composition des choses à la manière d’une
forme, il écarte cette interprétation erronée en ajoutant : et, pour parler purement et simplement,
c’est-à-dire universellement, il est la
vie des vivants et la substance, c’est-à-dire l’essence de tout ce qui existe, le principe actif et la cause originelle de toute vie et de toute substance, non certes par nécessité,
mais par pure Bonté de sa part Il
conduit tous les êtres à l’existence et il les embrasse, c’est-à-dire
qu’Il les conserve dans l’existence. Et ce que Denys vient de dire au sujet
de la substance et de la vie, il faut l’entendre de la même manière pour tout
ce qui s’ensuit, à savoir comme lorsqu'on dit de Dieu qu'Il est le rappel et
la résurrection des choses et encore qu'Il est leur simplicité et leur unité,
ainsi que d'autres attributs présentés plus haut, il faut l'entendre selon
qu'Il est le principe et la cause de toutes ces choses. 53. Ensuite, lorsqu’il dit (13) : Mais nous nous rappelons ces enseignements tirés des Saintes
Écritures…il manifeste au moyen de certains noms divins présentés dans
les Écritures que c’est à partir de ces noms divins que nous saisissons la
connaissance de Dieu dont nous avons parlé précédemment : et il rappelle que
ce que nous avons dit plus haut (45), à savoir qu’au moyen des noms divins
Dieu est connu en tant que Principe et Cause, nous ne le disons pas de
nous-mêmes, mais nous nous rappelons l’avoir pris des écrivains sacrés et, comme il est dit, tu trouveras que tout sainte louange des
théologiens, c’est-à-dire toute louange adressée à Dieu, si tu sondes les
Écritures avec attention, divise, c’est-à-dire
distingue les dénominations de Dieu
d'après les manifestations bienveillantes de la Théarchie, lesquelles
témoignent de toutes les perfections qui procèdent de la bonté divine pour se
répandre dans les créatures. 54. Le fait que nous disions que Dieu est bon, vivant,
sage et que nous Le nommions encore par de nombreux autres noms, cela ne
provient pas d’une multiplicité ou d’une diversité qui existerait dans sa
nature (car toutes ces qualités sont une en Lui) mais c’est plutôt à partir
de la diversité des perfections qu’on retrouve dans les créatures que nous
apprenons tous ces noms que nous attribuons à Dieu comme au premier Principe
de toutes ces manifestations ; et cela
avec évidence et louange : avec
évidence certes, dans la mesure où Dieu nous est connu par ses effets et
dans la mesure où par les noms de cette sorte attribués à Dieu, il nous
devient évident que ces perfections qui sont dans les choses procèdent de
Dieu ; et en vérité avec louange,
selon que cette communication des perfections aux choses relève entièrement
de la bonté de Dieu. 55. Et cela, il le manifeste en premier lieu à l’égard du
nom d’unité, ajoutant que dans presque
tout ouvrage théologique, c’est-à-dire dans tout livre de théologie, nous voyons la Théarchie, c’est-à-dire
la Divinité, louée en tant que Monade
et Unité ; et ces deux mots semblent signifier la même chose, puisque le
premier est d'origine grecque, l’autre d'origine latine. Il semble certes que
le nom d’Unité doive être attribué à Dieu au plus haut point pour deux
raisons : et d’abord certes, parce qu’il existe en lui-même ; et c’est ce que
Denys aborde lorsqu’il dit : à cause de
la simplicité et de l’unité d'une indivisibilité surnaturelle. En effet,
la nature de l’unité consiste dans l’indivisibilité ; l’un en effet est
l’être qui n’est pas divisé. Mais il arrive que
certaines choses ne sont pas divisées en acte, mais le sont en puissance,
comme la ligne ou la maison, qui l’une et l’autre peuvent être dites unes,
mais non purement et simplement. En vérité certaines choses sont indivisées
non seulement en acte mais aussi en puissance, comme l’unité et le point et
on peut dire que ceux-ci sont non seulement uns mais aussi qu’ils sont
simples. Et les deux formes
d’indivisibilité se retrouvent en Dieu, car il n’est divisé ni en acte ni en
puissance ; et c’est pourquoi Denys dit avec insistance : à cause de la simplicité et de l’unité
et il ajoute : d’une indivisibilité
surnaturelle, car aucune simplicité ou unité des choses naturelles ne se
compare à la simplicité et à l’unité divines. 56. Deuxièmement, en vérité, le nom d’unité est attribué
à Dieu parce qu’il communique l’unité aux choses ; et c’est ce qu’il ajoute
en disant : à partir de laquelle, à
savoir à partir de l’unité divine, comme
par une puissance unificatrice prodigieuse, deux choses se produisent en
nous : dont la première est que nous
sommes unifiés, c’est-à-dire que nous sommes constitués en une certaine
unité d’après laquelle nous sommes justifiés de dire que nous sommes en
présence d’un homme ou d’un animal ; et la deuxième est que, puisque notre
unité n’est pas si parfaite qu’elle écarte toute diversité, cela même qui est
différent en nous se ramène à une certaine unité d’après laquelle même ce qui
est purement et simplement différent dans les créatures est uni par un
certain ordre de telle sorte qu'ainsi l’unité de Dieu se trouve pour le moins
à être imitée ; et c’est ce que Denys dit, à savoir que nous sommes
rassemblés en une certaine monade,
c’est-à-dire en une certaine unité conforme
à Dieu, c’est-à-dire semblable à Dieu, quant aux différences qui ont déjà
été unifiées ; quant à celles qui sont appelées à le devenir, elles sont
rassemblées aussi en une certaine unification
qui cherche à imiter Dieu ; et cela, se produit d’une manière qui n'est pas de ce monde, c’est-à-dire par une
puissance surnaturelle, à partir de la division de nos altérités,
c'est-à-dire de nos diversités, c'est-à-dire à partir de ce qui est le
résultat d'une division. Ce que Denys dit, à
savoir que nous sommes unifiés,
peut se rapporter soit à ceci que chaque chose est une en elle-même ; mais ce
qui suit, à savoir et à partir de la
division de nos altérités, peut se rapporter aussi à cela, à savoir
qu’une multitude, bien que diverse et contenant des différences, se ramène à l’unité
soit parfaitement, soit imparfaitement. La monade en effet, à savoir l’unité,
désigne la perfection de l’unité alors que l’unification désigne le
cheminement vers l’unité dans lequel on peut voir une certaine imperfection
d’unité. 57. Ensuite, il montre la même chose à l’égard du nom de
Trinité ; et il dit qu’il nous arrive de voir Dieu être loué comme Trinité pour manifester la
fécondité supra-substantielle des trois
personnes qui ne se distinguent que selon l’origine ; et c’est de cette fécondité divine que provient
toute paternité, à savoir toute
fécondité qui se reconnaît au moyen du nom de paternité, ainsi que l’Apôtre
le dit dans son Épître aux Éphésiens (3, 15), à savoir que c’est à partir de
Dieu le Père ¨qu’est dénommée toute
paternité dans le ciel et sur la terre¨ ; et non seulement c’est à partir
de Lui que toute paternité est dénommée, mais c’est de Lui aussi que toute
paternité tient son existence et c’est par Lui qu’elle est causée. 58. Et troisièmement, il manifeste la même chose à l’égard
du nom de Cause ; et il dit que Dieu est loué en tant que Cause de tout
ce qui existe, parce que toute
chose est amenée à l’existence à partir de sa bonté, mais non par une
nécessité de nature, qui donne aux choses leur substance. 59. Et quatrièmement, il manifeste la même chose au moyen
des noms de Sagesse et de Beauté ; et il dit que les théologiens louent la
Divinité comme étant sage et belle,
car tous les êtres chez lesquels on
retrouve une nature propre exempte de toute corruption, sont tous remplis d'une harmonie divine, c’est-à-dire d’un
équilibre ou d’un ordre parfait donné par Dieu et sont derechef comblés d’une
sainte grâce ; de sorte que ce qu’il dit par le mot harmonie se rapporte à la Sagesse à laquelle il appartient
d’ordonner et de mesurer les choses ; et ce qu’il dit par le mot grâce se rapporte au plus haut point à
la Beauté. Et c’est par une diminution de l’harmonie et de la grâce que
s’ensuit la corruption dans les choses, selon qu’on sort de sa nature propre,
comme c’est le cas pour la maladie à l'égard du corps et pour le péché à
l'égard de l’âme. 60. Cinquièmement, il manifeste la même chose au sujet du
nom de Bienveillance ; et Denys dit que les saintes Écritures célèbrent la
Divinité comme étant bienveillante, mais d’une manière qui diffère
de celle qui se rapporte aux noms précédents. Car d’après les noms qui
précèdent, Dieu est loué dans la mesure où il ne se communique pas ; mais il
est loué en tant que bienveillant dans la mesure où, par l’œuvre de
l’Incarnation, Il se communiqua à nous dans une des personnes mêmes
de la Divinité, c’est-à-dire dans la personne du Fils, à savoir par des
traits qui appartiennent à notre nature propre, n’apportant pas avec Lui un
corps céleste, ainsi que le dit Valentin ; et en vérité, c’est-à-dire
conformément à la vérité, il ne se communiqua pas non plus à nous d’une
manière imaginaire, ainsi que le dit Manès, mais totalement,
c’est-à-dire quant à toutes les parties de notre nature, n’assumant pas le
corps sans l’âme ou l’âme sans le corps ou l’âme et le corps sans
l’intelligence ainsi que le dirent Arius et Apollinaire. Et pour montrer la
finalité de l’Incarnation, il ajoute : rappelant
de l’état du péché les limites humaines,
c’est-à-dire la nature humaine, qui est la dernière des créatures dans l’ordre
de la création, à Elle-même, à
savoir à la divinité, et non seulement Il la rappelle en la détournant du péché, mais Il la rétablit en agissant sur elle. 61. Et afin que personne ne croie qu’Il se communique à
nous de telle sorte que ce soit seulement en habitant notre humanité, ainsi
que le dit Nestor, mais que ce soit plutôt selon une véritable union en
personne et par hypostase, il ajoute : à
partir de laquelle, c’est-à-dire à partir de sa divinité agissante et à partir de laquelle, à savoir selon
l'humanité, Jésus, lequel est indiciblement simple selon
sa divinité, Lui-même par son hypostase est
composé selon son humanité ; et
celui qui est éternel selon sa
divinité, reçoit une présence
temporelle, c’est-à-dire qu’il est temporel dans le temps présent,
conformément à la nature humaine ; et
celui qui, conformément à la divinité, surpasse supra-substantiellement tout ordre de toute nature, a été
inséré à l’intérieur de notre nature, vrai homme qui, comme tous les
autres hommes, fait partie de l’espèce humaine ; et par toutes ces
expressions, Denys donne à entendre que c’est le même être qui est à la fois
Dieu et homme. 62. Et afin que personne ne comprenne à tort que Dieu fut
fait homme selon une métamorphose de la divinité en un être charnel ou en une
âme ou selon un mélange de sorte que la nature de Dieu et celle de l’homme
seraient une seule nature, ainsi qu’Eutychès l’imagina, Denys ajoute : selon une disposition qui est sans transfert et
sans mélange, c’est-à-dire par la ferme sauvegarde de ce qui est propre, c’est-à-dire des propriétés appartenant à
chaque nature, car la Divinité ne se métamorphose pas en humanité ni
l’humanité en Divinité. 63. Et parce qu’il omet à ce moment-ci plusieurs points
se rapportant au mystère de l’Incarnation qui ne font pas partie de son
propos, il ajoute que ce n’est pas seulement ce qui précède qu'on doit
entendre par le nom de bienveillance divine, mais aussi toutes les
autres lumières divines, c’est-à-dire toutes les autres illuminations et
vérités divines que l’enseignement
voilé de nos maîtres, c’est-à-dire des Apôtres et des autres docteurs qui
les ont suivis, nous dispense
clairement à la suite des écrivains sacrés, c’est-à-dire conformément à
ce qui est enseigné dans les saintes Écritures. 64. Ensuite, lorsqu’il dit (15) : Et nous sommes
instruits de ces choses…il montre la différence qu’il y a entre la
connaissance que nous acquérons de Dieu en cette vie au moyen des noms divins
et celle dont les saints jouissent dans l’autre vie, lorsqu’il dit que de ces
choses, qui ont été dites au sujet de Dieu dans la présentation des noms
divins, nous sommes maintenant
instruits, c’est-à-dire dans la vie présente, proportionnellement à nos capacités, à travers les voiles sacrés dont se revêtent les écrivains sacrés, c’est-à-dire les saintes Écritures, et les enseignements hiérarchiques,
c’est-à-dire les autres dogmes que les Apôtres et leurs disciples transmirent
et qui ne sont pas contenus dans les saintes Écritures, comme par exemple ce
qui se rapporte à la connaissance des saints mystères. La hiérarchie en effet
est la même chose que la suprématie sacrée ; c’est pourquoi les Apôtres et
les autres prélats de l’Église sont ainsi nommés en quelque sorte Primats
sacrés. Et Denys dit : à travers les
voiles sacrés, parce que dans la vie présente, nous ne pouvons voir
l’essence de Dieu en elle-même au moyen de ce qui nous est enseigné, mais
dans les Écritures nous sommes instruits de Dieu comme au moyen de son image
qu’on retrouve dans ses effets, comme à travers un voile, conformément à ce
que nous lisons dans la première Épître aux Corinthiens (13 : 12) : ¨À présent nous voyons comme dans un
miroir, par énigme.¨ 65. Il explique quels sont ces voiles en ajoutant que
l’intelligible est comme enveloppé dans le sensible par la bonté de Dieu,
tout comme dans les Écritures on parle de Dieu et des Anges sous la
ressemblance de certaines réalités sensibles, ainsi qu’on le voit dans Ésaïe
(6 : 1) : ¨Dans une vision, j’aperçus
le Seigneur assis sur un trône très élevé¨ et plus loin (6 : 2) : ¨Des Séraphins se tenaient au-dessus de
lui, ils avaient chacun six ailes¨ ; et de même les réalités
supra-substantielles, c’est-à-dire divines, sont enveloppées dans les êtres, comme lorsqu’on
attribue à Dieu non seulement les qualités sensibles, mais aussi les
perfections intelligibles des créatures, comme lorsque nous attribuons à Dieu
la vie, l’intelligence et les autres perfections du même genre découvertes
dans les créatures ; de même c’est grâce à la même bonté de Dieu que les
formes et les figures corporelles enveloppent les réalités incorporelles qui
sont dénuées de formes et de figures ; et de même, la réalité
qui est purement et simplement surnaturelle et sans figure est associée de
plusieurs manières à une grande variété de
signes divisibles selon que Dieu lui-même, qui est surnaturel et simple
nous est manifesté dans les saintes Écritures au moyen de divers symboles,
qu’il s’agisse de diverses réalités qui procèdent de Lui ou de diverses
similitudes. C’est pourquoi Denys dit avec insistance : par bienveillance ; en effet, le fait que dans les Écritures les
réalités intelligibles nous soient représentées au moyen des réalités
sensibles, les supra-substantielles au moyen des substances, les
incorporelles au moyen des corporelles, les simples au moyen des composées et
des variées, cela n’est pas dû à une malveillance pour nous retirer la
connaissance des réalités divines, mais cela est en vue de notre utilité car
il nous transmit les Écritures qui nous dépassent en se proportionnant à nous
selon nos capacités. Et ce mode de connaître est certes celui par lequel nous
pouvons connaître Dieu en cette vie. 66. Mais alors,
c’est-à-dire suite à la bienheureuse résurrection, quand nous serons incorruptibles et immortels, le corruptible
acquérant l’incorruptibilité et le mortel l’immortalité comme on le dit dans
la première Épître aux Corinthiens (15 : 53-54) et quand nous aurons
atteint la finalité christéiforme, à savoir l’assimilation au Christ
selon ce qui est dit dans la Lettre aux Philippiens (3 :21) : ¨Il transformera notre misérable corps
mortel pour le rendre semblable à son corps glorieux¨, et bienheureux,
car non seulement notre âme, mais aussi notre corps, à sa façon, sera
glorifié et alors ainsi qu’on le dit dans la première Épître aux Thessaloniciens
(4 : 17) : ¨Nous serons toujours avec
le Seigneur, conformément aux Écritures¨. Nous, dit-il, remplis d’une manifestation visible,
c’est-à-dire sensible et corporelle de Dieu lui-même, quant à l’humanité du
Christ et cela dans les contemplations
les plus pures, car nous ne serons pas affectés charnellement à la chair
du Christ, mais spirituellement selon cette parole de l’Apôtre dans sa
deuxième Épître aux Corinthiens (5 : 16) : ¨et même si autrefois nous avons connu le Christ selon la chair,
maintenant nous ne le connaissons plus ainsi¨ ; le Christ lui-même,
dit-il, resplendira sur nous de la
clarté de son corps par les splendeurs
les plus remarquables comme cela se produisit auprès des disciples dans cette transformation la plus divine,
c’est-à-dire lors de la Transfiguration, ainsi que le rapporte Matthieu (17 :
2) : ¨son visage resplendit comme le
soleil¨ ; et non seulement nous serons comblés par cette manifestation
sensible de sa Personne, mais nous
participerons au don intelligible de la lumière même du Christ qui se
répandra en nous selon la puissance de sa Divinité. 67. Et nous participerons de cette lumière avec un esprit impassible et immatériel.
En effet, notre esprit en cette vie est certes passible par accident en
raison de son union au corps, et de la même manière il est rendu matériel en
raison de ce penchant que le corps éprouve à l’égard des choses matérielles ;
et alors, maintenant, il n’est pas apte à participer à une telle lumière
comme il le sera quand il ne sera aucunement empêché par les passions
corporelles et qu’il ne sera pas assujetti aux tendances matérielles. Et par
cette participation à la lumière, nous
participerons à une union qui
dépasse notre entendement car notre esprit, alors intelligible, s’unira à
Dieu lui-même qui est au-dessus de tout esprit ; et cela se produira par la
libération inconnue et bienheureuse de rayons
d’une clarté incomparable, c’est-à-dire d'illuminations divines qui nous
sont maintenant cachées et dont nous n’avons pas l’expérience, et grâce
auxquelles les mêmes esprits goûteront alors la félicité. Et les hommes
rechercheront certes cela par imitation des
esprits supra-célestes, c’est-à-dire des Anges, selon un mode plus divin
que celui qui leur est accessible maintenant ; maintenant en effet, bien que
les esprits humains, dans une certaine contemplation de la vérité, sont
éclairés par leur union aux Anges, ils sont très loin de les égaler, mais
alors nous serons égaux aux Anges ainsi
que nous le dit la vérité des Écritures, et les hommes seront fils
de Dieu, ceux qui vivent comme des
fils de la résurrection, ainsi qu’on le voit chez Luc (20 : 36). 68. Et ensuite, lorsqu’il dit (16) : Mais maintenant, il montre qu’après toute la connaissance que
nous pouvons avoir de Dieu dans cette vie, ce qu’est Dieu nous demeure caché
; et à ce sujet, il fait deux choses : d’abord, il présente son propos ;
ensuite, il le prouve là (17) où il dit : Dans
lequel… 69. Denys dit donc en premier que maintenant, c’est-à-dire au cours de la vie présente, ainsi que
nous l’avons expliqué, nous nous
servons, dans la mesure où cela nous est possible, des signes propres à nous
faire connaître les réalités divines ; lesquels signes sont certes autant
les perfections qui procèdent de Dieu vers les créatures que les métaphores
qui par similitude sont transférées à Dieu à partir des créatures. Et certes
on dit que ces signes sont propres à nous faire connaître les choses divines
car de notre part il ne nous est pas possible de connaître les choses divines
autrement. Mais cependant, nous ne nous servons pas des signes de cette sorte
dans la connaissance des choses divines de telle manière que notre esprit en
reste là, estimant que Dieu n’est rien au-delà d’eux, mais à partir de ces
signes, une fois encore, nous
tendons, à la mesure de nos forces, à
la vérité simple et une des merveilles intelligibles, c’est-à-dire à des
contemplations admirables que nous pouvons acquérir des choses divines au
moyen de tels signes. Et il dit à la
vérité simple et une, puisque la simplicité correspond à la composition
des signes alors que l’unité en vérité correspond à leur multiplicité et à
leur diversité. 70. Et afin que personne ne croie qu’au moyen de ces
signes nous puissions parvenir parfaitement à la vérité et à l’intelligence
des réalités divines, il ajoute que nous
nous abandonnons au rayon supra-substantiel, c’est-à-dire à la
connaissance de la vérité sur Dieu, non d’une manière parfaite, mais conformément à ce qui nous convient,
c’est-à-dire en suspendant,
c’est-à-dire en mettant au repos nos
opérations intellectuelles, afin de ne pas nous laisser emporter au-delà
de ce qui nous a été donné ; et il dit ceci, à savoir, suite à toute union à ce qui est déiforme conformément à nos
capacités, comme s’il disait : après que nous aurons été unis par la
connaissance aux choses divines selon la forme divine, dans la mesure où cela
nous est possible, il demeure encore quelque chose des réalités divines qui
nous reste caché et à l'égard de quoi il faut que notre intelligence apaise
ou arrête sa recherche. 71. Ensuite, lorsqu’il dit (17) : Dans lequel…, il prouve ce qu’il avait dit ; et à ce sujet il
fait trois choses ; d’abord, il présente la preuve ; deuxièmement, il
l’explique, là (18) où il dit : Et de
tous… ; enfin, il prouve un point qui était supposé dans la preuve, là
(19) où il dit : Si en effet… 72. Pour manifester la première partie, il faut
considérer qu’aucune puissance finie ne peut se déployer à l’infini, mais
s’arrête à un terme déterminé ; de là, comme toute puissance cognitive d’une
créature est finie, la connaissance de la créature comporte un terme
déterminé au-delà duquel elle ne peut se déployer. Et on peut tirer des
exemples de cela à partir des diverses sciences. En effet la géométrie a un
terme au-delà duquel elle ne tend pas ; et il en est de même pour la science
de la nature. Et certes il faut comprendre qu'il en est ainsi des choses en
raison de leur nature créée. Mais il est manifeste que ce qui dépasse le
terme d’une connaissance ne peut être atteint par cette connaissance. Mais le
rayon supra-substantiel, c’est-à-dire la vérité divine elle-même, dépasse
toutes les bornes et toutes les limites de toute connaissance, car les termes de toutes les connaissances préexistent dans le rayon lui-même
d’une manière plus excellente, comme dans leur cause première, d’une manière
qui nous est inexprimable en raison de son excellence. D’où il reste que nous
ne pouvons pas par la recherche penser
ce rayon, ni par la parole l’exprimer, ni d'aucune manière en avoir une contemplation parfaite ; et il en est
ainsi non en raison d’un défaut qui se tiendrait du côté du rayon lui-même,
mais parce qu’il est séparé de toute chose, parce qu’existant
au-dessus de tout, il est par conséquent inconnu de tout. 73. Ensuite, lorsqu’il dit (18) : Et de tous…, il explique ce qu’il a dit : à savoir que les termes
des connaissances préexistent dans le rayon supra-substantiel ; et il dit que
puisque ce rayon est supra-substantiel, et que les puissances cognitives et
les connaissances elles-mêmes sont substantielles, c’est-à-dire
proportionnées aux substances créées et par conséquent finies, il est
manifeste que ce rayon contient à
l’avance en lui-même, comme une cause première, les termes de toutes ces connaissances et de toutes
ces puissances, non pas selon une succession dans le temps, de sorte
qu’Il posséderait tantôt celui-ci, tantôt celui-là, mais plutôt simultanément et comme s'ils n’étaient
qu’un seul terme ; et ce rayon ne contient pas à l’avance ces termes en
partie, de sorte qu’Il posséderait ce terme-ci et non celui-là, mais il les
contient tous, en totalité ; et
derechef, il ne possède pas en lui ces termes à la manière dont ils existent
dans les substances créées, mais supra-substantiellement. 74. Et comme à partir de ce que Denys avait dit, à savoir
: et qu’il n’est pas même possible de
concevoir (17) quelqu’un pourrait rapporter ces paroles uniquement à la
connaissance dont nous sommes capables dans cette vie temporelle, il applique
plus loin cet énoncé aux Anges aussi ; et il dit que ce rayon
supra-substantiel est établi non
seulement au-dessus des esprits humains, mais aussi au-dessus des esprits célestes, à savoir
angéliques ; non pas qu’il ne puisse être atteint d’aucune manière par eux,
mais il ne peut être atteint de manière à être compris par eux ; et c’est ce
qu’il dit de Dieu en ces mots, à savoir qu'Il est d'une puissance insaisissable. 75. Ensuite, lorsqu’il dit (19) : Si en effet…il prouve ce qu’il a dit, à savoir qu’en Dieu
préexistent les termes de toutes les connaissances, et voici son raisonnement
: Toutes les connaissances
portent sur les choses qui existent ; en effet, l’objet de la connaissance est l’être. Mais les êtres sont
finis. Donc, l’être fini est
l’objet d’une connaissance finie. Donc Dieu, puisqu’il est
infini, dépasse toute substance finie, possédant en lui à l'avance leurs
limites ou leurs termes ; et, par conséquent, il transcende toute
connaissance selon qu’Il dépasse toute connaissance d’une créature, de sorte
qu’Il ne puisse être compris par aucune d’elle. |
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LECTIO 3 [84836] In De divinis
nominibus, cap. 1 l. 3 Postquam ostenderat Dionysius quam cognitionem de
Deo per divina nomina accipere possumus, hic ostendit quomodo Deus nominari
possit ; et primo movet dubitationem, secundo solvit eam ; ibi : sed
quod diximus et cetera. Est ergo dubitatio talis : ostensum est quod
Deus est potior omni nostra locutione et omni cognitione et non solum excedit
nostram locutionem et cognitionem, sed universaliter collocatur super omnem
mentem etiam angelicam et super omnem substantiam. Et ne aliquis crederet sic
Deum esse super omnia remotum ut non solum non cognosceretur, sed quod nec
etiam cognosceret quae infra se sunt, subiungit quod ipse est omnium
circumapprehensivus, inquantum cognoscit proprietates et circumstantias
rerum ; et comprehensivus, inquantum perfecte cognoscit
quidditates seu essentias omnium ; et praeapprehensivus,
inquantum scilicet cognitionem rerum non accipit a rebus sicut nos, sed
scientia eius praeexistit rebus, utpote causa earum ; et tamen ipse
omnibus rebus est incomprehensibilis et neque
potest comprehendi sensu neque phantasia sive imaginatione, neque opinione,
in quibus et bruta comunicant ; neque etiam comprehendi potest per ea quae
sunt propria rationalium : quia neque nomen est eius, ut
comprehendens ipsum, neque sermo aliquis complexus, neque
tactus, idest simpliciter intuitus intellectus, neque scientia,
quae provenit ex deductione principiorum in conclusiones. Si ergo ita
est, quomodo de divinis nominibus poterit aliquis sermo tractari
a nobis ? Cum demonstratum sit quod supersubstantialis
deitas voce significari non potest, utpote supra omne nomen existens.
Ridiculum enim videtur velle tractare de nominibus rei quae nominari non
potest. Deinde, cum dicit : sed quod diximus et cetera,
solvit praedictam dubitationem ; et circa hoc duo facit : primo, ostendit
qualiter Deus nominari potest ; secundo, qualiter de divinis nominibus sit
agendum ; ibi : nunc autem et cetera. Prima pars dividitur
in tres, secundum tres modos Dei nominationum, quos assignat ; secunda pars
incipit ibi : quoniam autem et cetera ; tertia pars incipit
ibi : et quidem et cetera. Circa primum, duo facit : primo
ponit radicem primi modi nominationum ; secundo, assignat primum modum Dei
nominationum ; ibi istis deiformes et cetera. Dicit ergo,
primo, quod, sicut dictum est in libro de theologicis hypotyposibus, ipsum
per se unum, quod Deus est, quod est ignotum et supersubstantiale,
idest super omnem substantiam et quod est ipsum bonum, idest ipsa
essentia bonitatis et quod est ipsum quod est, idest ipsum per se
esse, scilicet ipsam trinam unitatem, dico, in qua non est
aliquis gradus, sed omnes tres per se sunt simul et
aequaliter Deus et simul et aequaliter ipsum bonum,
non quod filius sit umbra bonitatis sicut Origenes et Arius dixerunt, istud,
inquam, secundum quod in se est, neque dicere, neque cogitare est
possibile nobis ; non enim possumus ipsam essentiam Dei, quae est
unitas in Trinitate, in praesenti vita videre. Et licet Angeli videant
essentiam, tamen etiam sunt nobis ineffabiles et ignotae sanctarum
virtutum unitiones quae conveniunt Angelis, quibus
scilicet uniuntur per cognitionem ad divinam essentiam, ipsam aliqualiter
attingendo, sed non comprehendendo ; quas, scilicet
unitiones, oportet dicere sive immissiones sive susceptiones
bonitatis divinae, superignotae et superclarae ; non
enim est ignota propter obscuritatem, sed propter abundantiam
claritatis. Immissiones autem dici possunt, inquantum ipsa
divina bonitas se immittit quodammodo sanctis mentibus ; susceptiones autem,
inquantum sanctae mentes ipsam capiunt, secundum suum modum. Et licet nunc
huiusmodi immissiones sint nobis ineffabiles et
ignotae, inerunt tamen aliquibus hominibus, sed illis
solis qui digni habiti sunt ipsis Angelis, idest societate et
consortio Angelorum, quantum ad cognitionem superangelicam.
Visio enim Dei per essentiam est super naturam cuiuslibet intellectus creati,
non solum humani, sed etiam angelici. Deinde, cum dicit istis
deiformes et cetera, assignat primum modum Dei nominationum, qui
scilicet fit per remotionem et dicit quod mentes Deo
conformatae sanctorum, scilicet prophetarum et apostolorum, unitae,
idest coniunctae praedictis immissionibus et susceptionibus, secundum imitationem
Angelorum, non quidem aequaliter Angelis sed sicut est possibile in
hac vita, laudant Deum maxime proprie per remotionem
a cunctis existentibus ; et hoc ideo, quia unitio sanctarum mentium ad
Deum, qui est super omne lumen, fit talis, scilicet per
remotionem a cunctis existentibus, secundum quietem omnis
intellectualis operationis, idest in ultimo, in quo quiescit omnis eorum
intellectualis operatio. Hoc enim est ultimum ad quod pertingere possumus
circa cognitionem divinam in hac vita, quod Deus est supra omne id quod a
nobis cogitari potest et ideo nominatio Dei quae est per remotionem est
maxime propria ; etenim illi qui sic laudant Deum per remotionem, per
illuminationem Dei vere et supernaturaliter sunt hoc
edocti ex beatissima coniunctione ad Deum ; qui
Deus, cum sit omnium existentium causa, ipse nihil est
existentium, non quasi deficiens ab essendo, sed supereminenter segregatus
ab omnibus. Et ideo divina supersubstantialitas, quae est bonitatis
essentia, ab his qui sunt divinae veritatis amatores, quae est supra
omnem veritatem, non potest laudari, quomodocumque est, idest
comprehensive, neque ut dicatur ratio aut virtus neque ut mens aut vita aut
substantia. Et eadem ratio est de omnibus aliis nominibus, quae processiones
Dei in creaturas signant. Sed laudant eam sicut
superexcellenter segregatam ab omni habitu, quod potest referri ad
artificialia vel ad quascumque exteriores circumstantias ; etiam motu,
quantum ad naturalia ; vita, quantum ad viventia ; phantasia,
opinione, idest aestimatione, quantum ad sensitiva ; nomine incomplexo, verbo complexo, deliberatione,
idest inquisitiva ratione, quantum ad rationalia, ut sunt homines ; intellectu,
quantum ad intellectualia, ut sunt Angeli ; et universaliter quantum ad omnia
dicit, substantia, si consideretur esse rerum ; statione,
collocatione, quantum ad rerum permanentiam : ut statio referatur ad
firmitatem rei secundum quod consistit in seipsa ; collocatio vero, secundum
quod firmatur in aliis ; et quantum ad perfectionem rerum, subdit : unitione,
fine, infinitate, et universaliter ab omnibus quocumque modo existant.
Hic igitur est primus modus Dei nominationum per abnegationem omnium, ea
ratione quod ipse est super omnia et quidquid est quocumque nomine signatum,
est minus eo quod est Deus, quia excedit nostram cognitionem, quam, per
nomina a nobis imposita, exprimimus. Deinde cum dicit quoniam autem et
cetera, tradit secundum modum Dei nominationum, quae scilicet nominant Deum
ut causam ; et circa hoc tria facit : primo, praemittit rationem huiusmodi
nominationum ; secundo, ponit ipsas nominationes, ibi : hoc igitur et
cetera ; tertio, excludit quemdam errorem, ibi : et vere laudatur et
cetera. Ad evidentiam autem primae partis, considerandum est quod cum
effectus procedant per quamdam assimilationem a suis causis, secundum modum
quo aliquid est causa, praehabet in se similitudinem sui effectus. Si enim
aliquid est causa alterius secundum suam speciem vel naturam, effectus in se
habet similitudinem secundum suam naturam : sicut homo generat hominem et
equus equum. Si vero sit causa alterius secundum aliquam dispositionem superadditam,
secundum hoc etiam habebit similitudinem sui effectus. Aedificator enim est
causa domus, non secundum suam naturam, sed secundum suam artem, unde
similitudo domus non est in natura aedificatoris, sed in eius arte. Ulterius
autem considerandum est, quod cum bonum habeat rationem finis, quia bonum est
quod omnia appetunt, finis autem est prima causarum, bonum est cui primo
competit ratio causandi. Secundum hoc igitur quod aliquid se habet ad bonum,
secundum hoc se habet quod sit causa. Quia igitur Deus est bonus, non quidem
bonus quasi bonitatem participans, sed sicut ipsa essentia
bonitatis, non per aliquam dispositionem creatam est causa rerum,
sed per ipsum esse suum est causa omnium existentium
; nec per hoc excluditur quin agat per intellectum et voluntatem, quia
intelligere eius et velle est ipsum esse eius. Sic
igitur in ipso sua causa praehabet similitudinem omnium suorum effectuum. Omnis
autem causa intantum potest nominari ex nomine sui effectus, inquantum habet
in se similitudinem eius. Si enim sit similitudo secundum identitatem
rationis, nomen illud conveniet causae et causato, sicut nomen hominis,
generanti et generato. Si vero non sit similitudo secundum eamdem rationem,
sed sit supereminentius in causa, non dicetur nomen de utroque secundum unam
rationem, sed supereminentius de causa, sicut calor de sole et igne. Sic
igitur, quia similitudo omnium rerum praeexistit in divina essentia non per
eamdem rationem, sed eminentius, sequitur quod providentiam deitatis,
sicut principem totius boni, idest,
principaliter in se totum bonum habentem et aliis diffundentem, convenit
laudare ex omnibus causatis ; non tamen univoce sed supereminenter, quod
contingit propter convenientiam creaturarum cum ipsa ; quam quidem
convenientiam designat cum subdit : quoniam et circa ipsam sunt omnia.
Effectus enim dicuntur circa causam consistere,
inquantum accedunt ad similitudinem ipsius, secundum similitudinem qua lineae
egredientes e centro circumstant ipsum, secundum quamdam similitudinem, ab
ipso derivatae. Inveniuntur autem aliqua esse circa aliquid, quod
tamen est propter ea quae circumstant, sicut columna est propter domum. Non
autem Deus est propter creaturas, sed e converso, et ideo subdit : et
ipsius causa sunt omnia eo modo loquendi quo medicina dicitur esse
causa sanitatis, idest propter sanitatem. Contingit autem apud nos, quod id
quod est propter finem est causa activa finis et prius eo in generatione,
sicut se habet medicatio ad sanitatem ; et ne sic Deus esse finis credatur,
subiungit : et ipse est ante omnia. Sunt etiam
aliqua propter finem quae licet non praecedant id propter quod sunt, tamen
aliquid ad ipsum conferunt, sicut vestimenta sunt propter hominem ; et ad hoc
excludendum a Deo, subdit : et omnia in ipso consistunt,
unde ex nullo, aliquid accipere potest, sed omnia acquirunt quidquid habent,
ab ipso. Et ne aliquis credat esse Deum causam rerum solum per modum finis,
ut quidam posuerunt et non per modum factionis et conservationis, subiungit
: et esse hanc, scilicet deitatem vel providentiam divinam, est
totorum, idest omnium vel perfectorum, deductio, idest,
productio, et substantia ; ac si dicat : ipsa deitas per suum
esse est causa productionis et existentiae rerum. Est autem ulterius
considerandum quod omnis effectus convertitur ad causam a qua procedit, ut
Platonici dicunt. Cuius ratio est quia unaquaeque res convertitur ad suum
bonum, appetendo illud ; bonum autem effectus est ex sua causa, unde omnis
effectus convertitur ad suam causam, appetendo ipsam. Et ideo postquam
dixerat quod a deitate deducuntur omnia, subiungit quod omnia convertuntur ad
ipsam per desiderium ; et hoc est quod dicit : et omnia ipsam
desiderant. Et ne aliquis credat quod omnia ipsam cognoscant, ostendit
quomodo, diversimode, diversa ipsam desiderant, subdens : intellectualia
quidem, idest Angeli, et rationalia, idest homines,
desiderant ipsam cognitione, idest cognoscendo ipsam, non enim
cognosci potest nisi intellectu aut ratione ; istis autem subiecta,
non cognitione ipsam desiderant, sed alia quidem solum sensibiliter,
ut bruta animalia ; et alia secundum vivificum motum, ut plantae
; aut secundum aptitudinem substantialem, ut ea quae moventur
secundum generationem et corruptionem ; aut habitudinariam, ut in
aliis motibus, qui sunt secundum qualitatem et quantitatem et ubi ; omnia
enim huiusmodi licet non cognoscant Deum, tamen dicuntur ipsum desiderare,
inquantum tendunt ad quoddam bonum particulare. In omni autem bono
particulari refulget primum bonum, ex quo habet quodlibet bonum quod sit
appetibile. Deinde, cum dicit : hoc igitur et cetera, ponit
nominationes divinas secundum rationem praedictam et dicit quod theologi,
considerantes praedicta, scilicet quod Deus est segregatus ab omnibus et
tamen est causa omnium, quandoque quidem dicunt ipsum innominabilem,
quandoque autem attribuuntur ei omnium rerum nomina : innominabilem
quidem, dicunt ipsum, sicut quando dicunt ipsam deitatem in quadam mysticarum
visionum, quae fuerunt secundum apparitionem divinam imaginativam, significative
increpare eum qui quaesivit : quod est nomen tuum ? Ab
Angelo qui apparebat in persona Dei. Et ut excluderet eum ab omni cognitione
quae posset provenire ex Dei nomine, dixit : quare interrogas nomen
meum quod est mirabile ? Et habetur hoc, Genes. 32.
Et vere hoc nomen est mirabile, quod est super omne nomen, ut
dicitur Philipp. 2 ; quod est innominabile, quasi collocatum
super omne nomen quod nominatur sive in isto saeculo sive in futuro, ut
habetur Ephes. 1. Et non solum laudatur in Scripturis Deus ut innominabilis
sed etiam ut multorum nominum, sicut quando ipse Deus
inducitur dicens : ego sum qui sum, Exod. 3 ; et vita et
veritas, Ioan. 14 ; et lumen, Ioan. 8 ; et Deus,
Exod. 3 : ego sum Deus Abraham. Et non solum ipsum inducunt ipsa
nomina de se dicentem, sed etiam ipsi qui erant periti circa
deitatem ut apostoli et prophetae, laudant Deum, ut omnium
causam ex multis causatis. Diversitatem autem horum causatorum quae hic
subiungit, non oportet hic distinguere, quia ista distinguentur in
distinctione capitulorum, cum ad certa capitula omnes effectus huiusmodi
reducat. Laudant enim eum sicut bonum, Luc. 18 ; sicut
pulchrum, Cant. 1 sicut sapientem, Iob 9 ; sicut
diligibilem, Cant. 5 ; sicut Deum deorum, Psalm. 49 ; sicut
sanctum sanctorum, Dan. 9 ; sicut aeternum, Baruch 4 ; sicut
existentem, Iob 14 : nonne tu qui solus es ? Sicut causam saeculorum, Eccli. 24 ; sicut
vitae largitorem, Act. 17 ; sicut sapientiam, I ad Corinth. 1
; sicut mentem, Esaiae 29 et alia translatio habet intellectum
; sicut rationem, Esaiae 63 : ego qui loquor iustitiam, ubi
alia translatio habet : ego qui disputo iustitiam vel melius
dici potest quod ratio in Graeco logos dicitur, quod etiam signat verbum,
quod pluries in Scripturis invenitur ; sicut cognitorem, II ad
Timoth. 2 ; sicut praehabentem omnes thesauros universae cognitionis,
Coloss. 2 ; sicut virtutem, I Corinth. 1 ; sicut potentem,
Psalm. 88 ; sicut regem regum, Apoc. 19 ; sicut veterem
dierum, Dan. 7 ; sicut sine senectute et invariabilem, Jac. 1
; sicut salvationem, Matth. 1 ; sicut iustitiam, sicut
iustificantem sicut liberationem vel redemptionem,
secundum aliam translationem, I Corinth. 1 ; sicut magnitudinem cuncta
excedentem, Iob 23 ; sicut in aura subtili, III Reg. 19
; et dicunt ipsum etiam esse in mentibus, sive
cordibus, Eph. 3 ; in animabus, Sap. 7 ; et in corporibus,
I Corinth. 6 ; in coelo et in terra ; Hierem. 23 ; et
simul in eodem, idest quantum ad eamdem materiam, dicunt eumdem esse mundanum,
idest in mundo, Ioan. 1 ; circamundanum, Eccli. 24
; supermundanum, Esaiae 66 ; et supercoelestem, Psalm.
112 : excelsus super omnes gentes dominus et super coelos gloria eius
; supersubstantialem, Matth. 6 ; solem, Malach. 4 ; astrum,
idest stellam, Apoc. 22 ; ignem, Deuter. 4 ; aquam,
Ioan. 4 ; spiritum, Ioel. 2 ; et rorem, Oseae, 14
; nubem, Oseae 6 ; lapidem, Psalm. 117 ; petram,
I Corinth. 10 ; et omnia alia existentia ei
attribuuntur sicut causae ; et nihil existentium est, in
quantum omnia superexcedit. Ita igitur Deo, qui est omnium causa
et tamen super omnia existens, convenit et esse innominabile,
inquantum super omnia existens, et tamen conveniunt ei omnia nomina
existentium, sicut omnium causae ; et rationem subiungit. Ad cuius
evidentiam considerandum est quod regimen universi est optimum. Ad bonitatem
autem regiminis requiritur quod ille qui regit, non sit omnino ab his qui
reguntur alienus, sed cum eis aliquam convenientiam habeat, ut possit esse
utilis ; et ut tamen subditos superexcedat, ne sit contemptibilis, ut
imperare possit. Et hoc est quod subdit : ut regnum totorum,
idest ut regimen universi, sit diligenter, idest optime
procedat, omnia sunt circa primam causam,
quasi ab ipsa secundum quamdam similitudinem derivata ; et ab ipsa sunt
omnia segregata, sicut a causa, propter quam omnia sunt ; sicut a principio,
a quo effluunt ; sicut a fine, quem consequentur
; et ipsa, per hunc modum, sit omnia in omnibus,
inquantum omnis perfectio omnium est ipse Deus causaliter, secundum
eloquium ; hoc enim scriptum est I Corinth. 15. Deinde, cum dicit : et
vere laudatur et cetera, excludit quorumdam errorem. Fuerunt enim
quidam Platonici qui processiones perfectionum ad diversa principia
reducebant, ponentes unum principium esse vitae, quod appellabant primam
vitam, et aliud principium esse intelligendi, quod appellabant primum
intellectum et aliud existendi quod appellabant primum ens et bonum. Et ad
hoc excludendum, dicit quod Deus vere laudatur ut principalis
substantia omnium, inquantum est principium existendi omnibus ; et
dicitur causa perfectiva omnium, inquantum dat omnes
perfectiones rebus ; et dicitur causa contentiva, custodia et cibus,
quae tria ad conservationem rerum pertinere videntur. Quaedam enim sunt quae
non indigent nisi ut in suis principiis conserventur, quia ab exteriori
corrumpi non possunt, ut corpora coelestia, et quantum ad hoc dicit quod est
causa contentiva, quia haec continet in esse. Quaedam vero sunt
quae, etsi non deficiant ex suis principiis, corrumpi possunt ab exteriori
sicut aqua ab igne et quantum ad hoc dicit : custodia, quia haec
defenduntur a Deo, ne, praeter ordinem suae rationis, ab illis corrumpantur.
Quaedam autem sunt quae ad sui conservationem indigent supplementis, sicut
homines et animalia cibis et quantum ad hoc dicit : cibus, quia
scilicet omnibus administrat ea quae sunt necessaria ad suam conservationem.
Est etiam et causa conversiva ad ipsum, quia hoc
ipsum quod res convertuntur in Deum, desiderando ipsum sicut finem, est eis a
Deo. Et haec omnia conveniunt Deo unitive, idest non secundum
diversas virtutes, sed secundum unam simplicem virtutem ; et communicabiliter
segregate, quia ita communicat aliis causalitates praedictas, quod tamen
quidam singularis modus causandi separatim remanet apud eum. Ideo autem sic
diversimode laudatur ut causa, quia non solum est causa continentiae,
idest salvationis rerum, aut vitae aut perfectionis, ut bonitas divina quae
est super omne nomen nominetur, idest debeat
nominari a sola hac aut alia providentia, idest
causalitate, sed ipsa divina bonitas praeaccipit in
seipsa omnia existentia simpliciter, idest non ita quod ex omnibus
componatur, sed quae in seipsis sunt multa composita, in Deo sunt unum simpliciter
et incircumfinite, quia, cum singula nomina determinate aliquid
significant distinctum ab aliis, venientia in divinam praedicationem, non
significant illud finite, sed infinite : sicut nomen sapientiae prout in
rebus creatis accipitur significat aliquid distinctum a iustitia, ut puta in
determinato genere et specie existens, sed cum in divinis accipitur, non
significat aliquid determinatum ad genus et ad speciem seu distinctionem ab
aliis perfectionibus, sed aliquid infinitum ; et ideo convenienter laudatur
et nominatur Deus ex perfectissimis bonitatibus, idest
perfectionibus, quae proveniunt rebus per providentiam illius supremae causae
; quae cum sit una et eadem, est tamen diversorum, immo omnium causa, utpote
cum nominatur nomine substantiae aut vitae aut alicuius huiusmodi, et etiam nominatur
ex universis existentibus, propter perfectiones in eis participatas,
utpote si nominetur sol propter claritatem et petra propter firmitatem et sic
de aliis. Deinde, cum dicit et quidem et cetera, ponit
tertium modum Dei nominationum et dicit quod sancti theologi non
solas istas Dei nominationes nobis commendant quae
sumuntur a providentiis aut provisis, perfectis aut particularibus ut
per providentias, intelligamus perfectiones rebus communicatas, ut bonitatem
et sapientiam ; per provisa autem, ipsas res participantes huiusmodi
perfectiones, ut hominem aut solem : quorum perfectae quidem providentiae
dicuntur quae sunt universales, ut bonum, existens et huiusmodi ;
particulares autem quae alicui generi rerum conveniunt, ut sapiens et iustum
sed contingit quod aliquando nominant Dei bonitatem quae
est supernominabilis, propter suum supersplendorem, a quibusdam
divinis apparitionibus, idest imaginativis visionibus, quibus illuminati
sunt prophetae aut magistri, quod dicit propter eos qui
Agiographa conscripserunt ; vel in sanctis templis vel in
quibuscumque aliis locis et hoc secundum diversas causas
et virtutes. Ex diversis enim rationibus, diversae apparitiones sunt
factae, unde circumponunt ei formas humanas aut
igneas aut electrinas et ad laudem ipsius describunt ei oculos
et aures et alia membra et circumponunt ei coronas et
honores et alia huiusmodi, quae facile est considerare ex diversis Scripturae
locis. Et de huiusmodi Dei nominibus promittit se dicturum in libro de
symbolica theologia, qui nondum apud nos habetur. Deinde cum dicit : nunc
autem et cetera, ostendit quomodo de divinis nominibus sit agendum
et circa hoc tria facit : primo ostendit de quibus divinis nominibus in hoc
libro sit agendum ; secundo, quis modus doctrinae servandus sit et quantum ad
docentes et quantum ad audientes, ibi : et quod semper et
cetera ; tertio, exhortatur Timotheum cui scribit, ad hoc observandum, ibi
: igitur et cetera. Dicit
ergo, primo, quod nunc procedendum est, in hoc libro, ad
manifestationem divinorum nominum intelligibilium, idest quae non
sumuntur a rebus sensibilibus symbolice, sed ex intelligibilibus
perfectionibus procedentibus ab eo in creaturas, sicut sunt esse, vivere et
huiusmodi, ita quod congregentur quaecumque nomina ad praesens negotium
pertinent, ex sacris Scripturis ; et quod his quae dicta sunt in isto
capitulo, sit utendum sicut quadam regula, ad quam in toto praesenti opere
oportet respicere. Cum enim praemissa sint tria genera Dei nominationum, de
primo, qui est per remotionem, agitur in mystica theologia ; de secundo, qui
est per intelligibiles processiones, in hoc libro ; de tertio, qui est per
sensibiles similitudines, in libro de symbolica theologia. Deinde,
cum dicit : et quod semper et cetera, ostendit modum
determinandi de divinis nominibus, cum dicit quod considerandum est ut
proprie dicamus, in hoc libro, contemplationes quibus Deus apparet.
Et dicit proprie, contra metaphoricas apparitiones. Et iterum
inspiciendum est quod ad manifestationes sanctorum Dei nominum, admittantur
sanctae aures scilicet fidelium, qui pie et reverenter
audiant, non infidelium qui irrideant et blasphement, ut sic sancta collocemus in
sanctis, secundum divinam traditionem, Deo praecipiente : nolite
sanctum dare canibus, Matth. 7 ; ut sic auferantur sancta
derisionibus indoctorum ; immo magis ipsi homines,
si qui sint totaliter divinis resistentes, liberentur ab
impugnatione Dei ; ipsi enim deridendo divinis non divina laedunt, sed
seipsos. Et hoc, inquam, in hoc opere providendum est, quia semper
secundum omnem doctrinam theologicam lex hierarchica,
idest quae per sacros principes traditur, inducit, idest
praecipit aut exhortatur haec esse observanda secundum quamdam
deliberationem, quae non ex humana sapientia provenit, sed ex ipsa Dei
circumspectione. Deinde, cum dicit : igitur et cetera,
inducit Timotheum ad haec observanda ; et dicit quod utile est
ei praedicta custodire, sed ut ipse haec sanctissime recordetur
et quod ea quae sunt divina neque dicat, neque quocumque
modo exportet, idest prodat indoctis, scilicet infidelibus vel quibuscumque
indoctis qui, propter imperitiam non capientes, irrident. Ultimo, autem, in
oratione terminat praesens capitulum, rogans Deum ut det ei
cum Dei laude, secundum quod decet Deum, tradere diversas nominationes
deitatis, quae voce exprimi non potest nec nominari et quod non
auferat verbum veritatis ab ore eius. |
Leçon 3 (3a) : Comment Dieu peut être nommé.76. Après avoir montré quelle connaissance de Dieu nous
pouvons acquérir au moyen des Noms divins, Denys montre ici comment Dieu peut
être nommé ; et d’abord, il avance une difficulté et deuxièmement, il la
résout, là (22) où il dit : Mais ce que
nous avons dit… 77. Et voici quelle est cette difficulté : Nous avons
montré en effet que Dieu surpasse toute parole et toute connaissance humaine
et non seulement il dépasse nos paroles et nos connaissances, mais il est
établi universellement au-dessus de tout esprit, même au-dessus des esprits
angéliques, et au-dessus de toute substance. Et afin que personne ne croie
que Dieu est tellement éloigné au-delà de toute chose que non seulement il ne
serait pas connu par elles mais encore qu’il ne connaîtrait pas ce qui est
au-dessous de lui-même, il ajoute que Dieu Lui-même embrasse tout ce qui l’entoure, dans la mesure
où il connaît les propriétés et les circonstances des choses ; et il les comprend, selon qu’il connaît
parfaitement les quiddités ou les essences de toutes les choses ; et il les conçoit à l'avance,
c’est-à-dire selon qu’il n’acquiert pas la connaissance des choses à partir
des choses comme nous le faisons, mais sa science préexiste aux choses en
tant que cause des choses ; et cependant Il
est Lui-même insaisissable par les choses et ne peut être saisi ni par les sens, ni par l’image, ni par
l’imagination, ni par l’estimative
, connaissances que les animaux ont en commun ; il ne peut être saisi non
plus au moyen de ce qui est propre aux êtres rationnels : car aucun nom, ni aucun discours complexe, ni aucun
toucher, c’est-à-dire aucune intuition simple de l’intelligence, ni aucune science, laquelle est issue du
processus par lequel les conclusions dérivent de principes, ne Lui sont
attribués de manière à L’embrasser totalement. Si donc il en est ainsi, comment arriverons-nous à présenter un discours sur les Noms
divins ? Puisqu’on a démontré que la Divinité supra-substantielle ne peut
être signifiée par des noms vu qu’Elle existe au-dessus de tout nom, il semble
en effet ridicule de vouloir traiter des noms d’une réalité qui ne peut être
nommée. 78. Ensuite, lorsqu’il dit (22 : Mais ce que nous avons dit…il résout le doute qu’il vient de
présenter ; et à ce sujet, il fait deux choses : d’abord, il montre comment
Dieu peut être nommé ; deuxièmement, il montre comment on doit poursuivre
notre recherche au sujet des Noms divins, là (28) où il dit : Mais maintenant… 79. La première partie se divise en trois sections qui
correspondent aux trois manières de nommer Dieu présentées par Denys ; la
deuxième partie commence ici (24) où il dit : Mais puisque… ; et la troisième, par ces paroles (27) : Et certes… 80. Au sujet de la première partie, il fait deux choses :
premièrement, il présente la raison fondamentale qui est au principe de la
première manière de nommer Dieu ; deuxièmement, il présente cette première
modalité de nommer Dieu, là (23) où il dit : À ceux qui sont conformes à Dieu… 81. Il dit donc en premier lieu (22) que, ainsi qu’on l’a
dit au livre ¨Des Divines Hypotyposes¨, l’un par soi Lui-même, qui est Dieu, lequel est inconnu et supra-substantiel,
c’est-à-dire qui est au-dessus de toute substance et qui est le bien lui-même, c’est-à-dire
l’essence même de la bonté, et qui est celui-là même qui est, c’est-à-dire l’être par soi lui-même, l’Unité trine elle-même, à savoir dans laquelle il n’y a aucun
rang, mais dans laquelle les trois Personnes sont par elles-mêmes simultanément et également Dieu et sont simultanément et également le
bien lui-même, dans laquelle encore le Fils n'est pas l’ombre de la bonté
ainsi qu’Origène et Arius l’ont dit, Denys affirme au sujet de cette Trinité
que quant à ce qu’Elle est en elle-même, il
ne nous est possible ni de la
nommer ni de la concevoir ; en cette vie temporelle en effet, nous ne
pouvons voir l’essence même de Dieu, qui est l’Unité dans la Trinité. 82. Et bien que les Anges quant à eux voient l’essence,
cependant les unions de ces saintes
puissances qui conviennent aux
Anges et au moyen desquelles Ils sont unis par la connaissance à
l'essence divine en y touchant mais sans pouvoir la saisir, elles nous sont
aussi indicibles et inconnues ; il faut dire qu’elles, c’est-à-dire ces unions, sont soit des émissions soit des réceptions de la bonté divine qui nous sont des plus inconnues et d’une clarté sans pareil ; en effet, elles
ne nous sont pas inconnues en raison d’un manque de clarté mais plutôt en
raison d’une surabondance de clarté. Ces unions peuvent être nommées élancements selon que la bonté divine
elle-même s’élance d’une certaine façon en direction des esprits saints ; et
elles peuvent aussi être nommées réceptions,
selon que les saints esprits les accueillent conformément au mode qui leur
est propre. Et bien que maintenant les émissions de cette sorte nous sont indicibles
et inconnues, elles se produisent cependant dans certains hommes, mais
seulement dans ceux qui se sont trouvés
dignes des Anges eux-mêmes, par une union et une association avec les
Anges à une connaissance
supra-angélique. En effet, la vision de Dieu à travers son essence dépasse la
nature de toute intelligence créée, non seulement celle de l’être humain mais
aussi celle des Anges. 83. Ensuite, lorsque Denys dit (23) À ceux qui
sont conformes à Dieu…il
présente la première façon de nommer Dieu, c’est-à-dire celle qui se fait par
la négation et il dit que les esprits
des saints, conformés à Dieu, à savoir ceux des Prophètes et des Apôtres, unis, c’est-à-dire joints à ces
élancements et à ces réceptions dont nous venons de parler, conformément à une imitation des Anges, non certes
d’une manière qui est identique à la leur mais selon qu’il leur est possible en cette vie, louent Dieu de la manière
la plus appropriée par la négation de
tous les êtres réunis ; et la cause de cela, c’est parce que l’union des saints esprits à Dieu, qui dépasse toute
lumière, se réalise ainsi,
c’est-à-dire au moyen d’un éloignement de tous les êtres suite à un repos de toute opération intellectuelle, c’est-à-dire
comme dans un au-delà dans lequel se reposent toutes leurs opérations
intellectuelles. Au sujet de la connaissance de Dieu, c’est là le point le
plus élevé où notre intelligence puisse parvenir en cette vie, parce que Dieu
est au-dessus de tout ce qui peut faire l’objet de notre pensée et c'est pour
cette raison que les dénominations de Dieu par la négation sont les plus
appropriées ; et de fait ceux qui louent Dieu par la négation sont, grâce à cette bienheureuse union à Dieu, instruits véritablement et d’une manière surnaturelle par une
illumination divine ; Lequel, puisqu’Il est la cause de tous les êtres, n’est Lui-même rien de ce qu’ils sont, non parce qu’il est privé d’être, mais il
est séparé de tous de la manière la
plus excellente. Et c’est pourquoi la supra-substantialité divine, qui est
l’essence même de la bonté, ne peut être louée de quelque manière que ce
soit, et encore moins d'une manière compréhensive, par ceux qui sont les amants de la divine vérité qui est au-dessus de toute
vérité, ni quand elle est
dénommée raison ou vertu, ni quand on l’appelle esprit, vie ou substance. Et
la même raison vaut pour tous les autres noms qui désignent une manifestation
ou une participation de Dieu dans les créatures. 84. Mais l'Unité
trine, ils La louent comme étant séparée de toute forme d'existence selon
le mode le plus excellent, ce qui peut se rapporter soit aux choses
artificielles soit à toute autre situation extérieure, comme de tout mouvement se rapportant aux choses
naturelles ; de toute vie se
rapportant aux vivants ; de toute image
et opinion, c’est-à-dire de toute estimation se rapportant à la puissance
sensitive des animaux ; de tout nom
simple, de tout verbe complexe, de
toute délibération, c’est-à-dire de
toute recherche rationnelle se rapportant aux êtres rationnels que sont les
hommes ; et de toute intelligence se
rapportant aux êtres intellectuels que sont les Anges ; et plus
universellement, quant à ce qui se rapporte à tous les êtres, il dit de toute
substance, s’il faut considérer
l’être même des choses ; de toute stabilité
et de toute disposition, pour ce
qui se rapporte à la permanence des choses, étant donné que la stabilité se
rapporte à la solidité de la chose selon qu’elle est fixée en elle-même et
que la disposition se rapporte à l’affermissement de la chose par rapport aux
autres choses ; et quant à la perfection des choses, il ajoute : de toute union, de tout terme et de toute infinité
et plus universellement de tout ce qui existe d’une manière ou d’une autre. Voici donc la première
manière de nommer Dieu, à savoir par la négation de tous les êtres et de ce
qui leur appartient, pour cette raison que Lui-même est au-dessus de toute
chose et que tout ce qui est désigné par un nom est moins que ce que Dieu
est, car Il dépasse de loin la connaissance que nous exprimons au moyen des
noms que nous assignons aux choses. 85. Ensuite, lorsqu’il dit (24) Mais puisque…, il enseigne la deuxième manière de dénommer Dieu,
à savoir au moyen de noms qui s’attribuent à Lui en tant que Cause ; et à ce
sujet, il fait trois choses : d’abord, il avance la raison d’une telle sorte
de dénomination ; deuxièmement, il présente ces dénominations elles-mêmes là
(25) où il dit : Donc, cela… ;
troisièmement, il écarte une erreur là (26) où il dit : Et il est loué en vérité… 86. Pour manifester la première partie (24), il faut considérer
que comme les effets procèdent de leurs causes selon une certaine
ressemblance, une chose possède à l’avance en elle la ressemblance de son
effet conformément au mode par lequel cette chose est cause. Si en effet une
chose est cause d’une autre selon l’espèce ou la nature, c’est selon l’espèce
qu’elle a en elle la ressemblance de son effet : tout comme l’homme engendre
l’homme et le cheval un cheval. Si en vérité une chose est cause d’une autre
selon une disposition surajoutée, c’est selon cette disposition encore
qu’elle aura en elle la ressemblance de son effet. Le constructeur en effet
est cause de la maison non pas selon la nature, mais selon l’art et c’est
pourquoi la ressemblance de la maison ne se retrouve pas dans la nature du
constructeur, mais dans son art. 87. Et par la suite il faut considérer que comme le bien
a raison de fin, car le bien est ce que tous désirent, et que la fin est la
première des causes, le bien s’attribue à l'être où se rencontre en premier
lieu la raison de cause ; donc, une chose se trouve à être cause selon
qu’elle se trouve à être un bien. 88. Donc parce que Dieu est bon, non pas bon parce qu’il
participe de la bonté, mais parce
qu’Il est l’essence même de la bonté, ce n’est pas par une
disposition créée qu’Il est cause des choses, mais c’est au moyen de son être même qu’Il est cause de tout ce qui existe ; et cela n’empêche pas qu’Il agisse
par intelligence et par volonté, car son comprendre et son vouloir sont son
être même. Ainsi donc c'est en tant que cause qu'Il contient à l’avance en
Lui-même la ressemblance de tous ses effets. 89. Mais toute cause peut d’autant plus être nommée à
partir du nom de son effet qu’elle possède en elle la ressemblance de cet
effet. Si en effet il y a ressemblance selon une identité de sens, ce nom
conviendra et à la cause et à l’effet tout comme le nom d’homme convient à la
fois à celui qui engendre et à celui qui est engendré. Si en vérité il n’y a
pas de ressemblance selon une identité de sens, mais que la ressemblance
existe plus parfaitement dans la cause, ce n’est pas dans le même sens qu’on
attribuera le nom à l’un et à l’autre, mais on l’attribuera à la cause d’une
manière bien supérieure, comme on attribue la chaleur bien davantage au
soleil et au feu. 90. Ainsi donc, parce que la ressemblance de toutes les
choses préexiste dans l’essence divine non dans le même sens mais d’une
manière supérieure, il s’ensuit qu’il
convient de louer la providence de la Divinité comme étant le premier
de tous les biens, c’est-à-dire
comme celui qui possède en Lui à l’origine le bien dans sa totalité, et de la
célébrer ainsi à partir de tous ses
effets ; non pas d’une manière univoque, mais d’une manière
incomparablement plus élevée, ce qui se justifie par le rapport qu’ont les
créatures avec Elle ; et certes c’est ce rapport que Denys désigne lorsqu’il
dit : et puisque c’est autour d'Elle
que toute chose existe. En effet, on dit que les effets entourent la
cause dans la mesure où, dépendant d'elle, ils s’approchent de sa
ressemblance, selon l’analogie par laquelle les lignes qui sortent du centre
et qui dérivent de lui se tiennent autour de ce centre selon une certaine
ressemblance. 91. Il arrive cependant que certaines choses se tiennent
autour d’une autre et que cette dernière existe cependant en vue de celles
qui l’entourent, tout comme la colonne existe en vue de la maison. Cependant
Dieu n’existe pas en vue des créatures, mais c’est l’inverse qui est vrai, et
c’est pourquoi Denys ajoute : Et toutes
les choses existent à cause de Lui, de la même manière que l’on dit que
la médecine existe à cause de la santé, c’est-à-dire en vue de la santé. 92. Il arrive cependant que ce qui est en vue de la fin
soit cause active de la fin et lui soit antérieur dans l’ordre de la
génération, tout comme l’acte de soigner l’est à la santé ; et afin qu’on ne
pense pas que Dieu est une fin de cette sorte, c'est-à-dire une finalité qui
dépendrait d'une cause productrice qui lui serait antérieure, il ajoute : et Lui-même précède tout. Il existe
aussi certaines choses qui sont en vue de la fin et qui, bien qu’elles ne
précèdent pas ce en vue de quoi elles existent, lui apportent cependant
quelque chose, comme les vêtements qui sont en vue de l’homme ; et pour
exclure de Dieu cette possibilité, il ajoute : et toutes les choses subsistent en Lui, d’où Il ne peut rien acquérir d’aucune chose mais toute
chose acquiert de Lui tout ce qu’elle a. 93. Et afin que personne ne pense que Dieu est cause des
choses uniquement par mode de finalité, ainsi que certains l’ont affirmé, et
non par mode de production et de conservation, il ajoute : et cet être, à savoir la Divinité ou
la Providence divine est le déploiement,
c’est-à-dire la production, et la
substance de tous, c’est-à-dire de toutes les choses et de toutes leurs
perfections ; et c’est comme s’il disait : la Divinité elle-même, par son
être, est la cause de la production et de l’existence des choses. 94. Et plus loin il faut considérer que tout effet se
tourne vers la cause d’où il procède ainsi que l’affirment les Platoniciens.
La raison en est que toute chose se tourne vers son bien en le désirant ;
mais le bien d’un effet lui vient de sa cause, d’où il faut que tout effet se
tourne vers sa cause en la désirant. Et c’est pourquoi, après avoir dit que
toutes les choses proviennent de la Divinité, il ajoute, au moyen des mots
qui vont suivre, qu’elles se tournent toutes vers Elle au moyen du désir : et toutes les choses tendent vers Elle. 95. Et afin que personne ne croie que toutes les choses
La connaissent, Denys montre comment les diverses choses La désirent de
différentes manières en ajoutant : certes
les êtres intellectuels, à
savoir les Anges, et les êtres
rationnels, à savoir les hommes, désirent la Divinité par la connaissance, c’est-à-dire en
La connaissant, car elle ne peut être connue que par l’intelligence et la
raison ; mais les êtres qui leur sont
inférieurs ne La désirent pas par la connaissance, si ce n'est certes
uniquement selon le mode de la
sensation, comme les bêtes ; d’autres
selon un mouvement de vie, comme les plantes ; soit selon une aptitude substantielle comme ceux qui sont mus
selon la génération et la corruption ; soit selon une aptitude de disposition, comme dans les autres
mouvements qui ont lieu selon la qualité, la quantité et le lieu ; en effet,
toutes les réalités de cette sorte, bien qu’elles ne connaissent pas Dieu, Le
désirent cependant dans la mesure où elles tendent vers quelque bien
particulier. En effet, le Bien Premier resplendit dans tout bien particulier
qui n’est désirable que parce qu’il vient de Lui. 96. Ensuite, lorsqu’il dit (25) : Donc, cela…il présente les dénominations divines d’après la
raison qui précède et il dit que les
Théologiens, considérant ce qui vient d’être dit, c’est-à-dire que Dieu
est séparé de tous les êtres et est cependant leur cause à tous, disent
certes parfois qu’Il n'a Lui-même aucun nom et parfois Lui attribuent
néanmoins les noms de toutes les choses : ils disent certes de Lui qu'Il ne peut
être nommé, comme quand ils disent
que la Divinité elle-même, par
l'intermédiaire de l'Ange qui La représentait dans une des visions
mystiques où elle apparut symboliquement, fit des reproches sentis à
celui qui demanda : Quel est ton
nom ?. Et afin d'exclure Dieu de toute connaissance qui pourrait provenir
du nom de Dieu, il répondit : Pourquoi
me demandes-tu mon nom qui est admirable
? Et c’est ce qu’on lit dans la Genèse (32 : 29). Et Paul dit dans sa Lettre
aux Philippiens (2 : 9) que ¨vraiment
ce nom est admirable, qui est
au-dessus de tout nom¨ ; et au sujet de Dieu il ajoute encore dans sa
Lettre aux Éphésiens (1 : 2) ¨qu’Il est
innommable, établi au-dessus de tout nom qui soit donné en ce siècle ou dans
l’avenir¨. 97. Et non seulement Dieu est loué comme innommable dans
les Écritures, mais on l'y retrouve aussi célébré au moyen d'une multitude de
noms, comme quand Dieu se présente lui-même en disant dans le livre de
l’Exode (3 : 14) : ¨Je suis celui qui
suis¨ ; et dans Jean (14 : 6) : ¨Je
suis la Vérité et la Vie¨ ; et dans
l’Exode ( 3 : 6) comme étant Dieu : ¨Je suis le Dieu d’Abraham¨. 98. Et
il n’y a pas seulement les noms qu'Il dit de Lui-même qui Le présentent, mais
il y aussi ceux-là même qui sont instruits sur la divinité, à
savoir les Apôtres et les Prophètes, qui louent
Dieu en partant de ses effets comme étant la Cause de tout ce qui existe. Et il n’y a pas lieu de
distinguer ici la diversité des effets que Denys nous soumet ici, car ils se
trouvent à être distingués dans les différents chapitres où il les regroupe
tous. Ces experts louent en effet Dieu dans Luc (18 : 19) comme étant bon ; dans le Cantique (1
: 16) comme étant beau et dans Job
(9 : 4) comme étant sage ; dans cet
autre passage du Cantique (5 : 2) comme
étant le Bien-aimé ; dans les Psaumes (49 : 1) comme étant le Dieu des dieux ; dans Daniel (9 :
24) comme étant le Saint des saints
; dans Baruch (4 : 10) comme étant l’Éternel
; dans Job (14 : 4) comme celui qui
Existe : ¨N’y a-t-il pas que Toi
qui existe ?¨ ; dans l’Ecclésiaste (24 : 14-28) comme la cause du Temps ; dans les Actes (17 : 25) comme Celui qui distribue la vie ; dans
l’Épître aux Corinthiens ( 1 ; 1 : 21) comme étant la sagesse ; dans Ésaïe (29 : 14) comme étant esprit et intelligence ainsi que le rend une autre traduction ; et comme raison encore dans Ésaïe (63 : 1) : ¨Moi qui te parle je prononce la justice¨,
où une autre traduction dit : ¨Moi qui
règle la justice¨ ou bien on peut s’exprimer avec plus de justesse en
disant qu’en grec le nom ¨raison¨ est rendu par le nom ¨logos¨ qui signifie
aussi le ¨verbe¨ terme qu’on retrouve dans les Écritures en plusieurs
occasions ; Dieu est aussi loué comme le défenseur dans la Deuxième épître à
Timothée (2 : 19) et dans l’Épître aux Colossiens (2 : 3), comme Celui en qui se trouvent cachés tous les trésors
de la sagesse et de la connaissance divines ; dans la Première épître aux
Corinthiens (1 : 24) comme étant la
force ; dans le Psaume (88 : 9) comme étant la Puissance ; comme le Roi
des rois dans l’Apocalypse (19 : 16) ; comme l'Ancien des jours dans Daniel (7 : 13) ; dans
Jacques (1 : 17) comme étant jeunesse
éternelle et immutabilité ; dans Matthieu (1 : 21), comme étant le salut ; dans la Première épître aux
Corinthiens (1 : 30) comme étant la
justice même, celui qui justifie et selon une autre traduction, comme
étant la libération et la rédemption
; dans Job (23 : 6) comme étant la
grandeur qui dépasse toute chose ; dans le premier livre des Rois (19 :
12) comme étant Celui qui se manifeste dans
un souffle léger ; dans l’Épître aux Éphésiens (3 : 17), comme étant Celui qui habite dans les esprits ou
dans les cœurs ; comme étant dans ceux
qui ont une âme dans le livre de la Sagesse (7 : 27) et dans les corps dans la Première épître
aux Corinthiens (6 : 19) ; dans Jérémie (23 : 24) comme étant dans le ciel et la terre ; comme étant
simultanément partout, c’est-à-dire que sur le même sujet, on dit de Lui dans
Jean (1 : 10) qu’il est dans le monde
; dans l’Ecclésiaste (24 : 8), qu’il est autour
du monde ; dans Ésaïe (66 : 1) qu’il est au-dessus du monde ; dans le Psaume (112 : 4) qu’il est au-dessus des cieux : ¨Le Seigneur est au-dessus de toutes les
nations, sa gloire monte plus haut que le ciel¨. ; dans Matthieu (6 : 1)
comme étant au-dessus de toute
substance ; dans Malachie (4 : 2) comme étant un soleil ; dans l’Apocalypse (22 : 16) comme étant un astre ; dans le Deutéronome (4 :
24) comme un feu ; dans Jean (4 :
10) comme une eau ; dans Joël (2 :
28) comme un esprit ; dans Osée (14
: 6) comme la rosée, lequel (6 : 4)
le loue aussi comme étant une nuée
dans le Psaume (117 : 21), on le loue comme pierre ; dans la Première épître aux Corinthiens (10 : 4) comme un roc ; et toutes les autres choses
créées Lui sont attribuées comme à une cause ; et il n’est aucune d’elles, puisqu’Il les dépasse toutes
infiniment. Il convient donc ainsi
à Dieu, qui est la cause de toutes les
choses et qui cependant existe au-delà
d’elles, d’être à la fois innommable
puisqu’Il est tout Autre et en même temps nommé de tous les noms des choses créées, lesquels Lui conviennent en tant
que Cause de toutes ces choses ; et Denys ajoute une raison. 99. Et
pour la manifester il faut considérer que le gouvernement de l’univers est le
plus parfait. Mais l'excellence d’un gouvernement requiert que celui qui
gouverne ne soit pas totalement étranger à ceux qu’il gouverne mais qu’il soit
dans une certaine harmonie avec eux pour pouvoir leur être utile ; et comme
il dépasse cependant ceux qui lui sont subordonnés, elle requiert aussi qu’il
ne puisse être méprisé afin de pouvoir commander. Et c’est là ce que Denys
ajoute : afin que la royauté sur toute
chose, c’est-à-dire afin que le gouvernement de l’univers, soit attentive, c’est-à-dire procède
de la manière la plus excellente, à toutes
les choses étant autour de la
Cause première, et qui proviennent d’Elle selon une certaine ressemblance ;
et toutes les choses sont séparées
d’Elle comme de leur Cause, en vue de laquelle elles existent toutes ; et
elles en sont toutes séparées aussi comme
de leur principe duquel elles découlent ; comme aussi de la finalité qu’elles recherchent ; et Elle-même, de cette manière, est tout en toutes les choses, dans la
mesure où, selon les Écritures,
leurs perfections à toutes est Dieu lui-même en tant que cause, ainsi qu’on
le voit dans la Première épître aux Corinthiens (15 : 28). 100.
Ensuite, lorsqu’il dit (26) : Et il est
loué en vérité…, il écarte une erreur commise par certains. En effet,
certains Platoniciens ramenaient la procession des perfections à divers
principes, affirmant que l’un d’eux était le principe d'où procède la vie,
qu’ils appelaient la vie première, et qu’un autre était le principe de
l’entendement, qu’ils appelaient l'intelligence première et un autre le
principe de l’existence qu’ils appelaient le premier être et le bien. Et pour
écarter cette opinion, Denys dit que Dieu est
loué en vérité comme substance
première de toute chose, selon qu’Il est le principe de l’existence de
toutes les choses ; et on dit qu’Il est la cause du perfectionnement de toutes les choses, selon qu’Il donne toutes
leurs perfections aux choses. Et on dit aussi qu’Il est la cause qui embrasse, protège et nourrit, ces trois fonctions
semblant se rapporter à la conservation des choses. Il y a certaines choses
en effet, comme les corps célestes, qui n’ont besoin que d’être conservées
dans leurs principes, puisqu’elles ne peuvent être détruites par quelque
chose d’extérieur à elles ; et quant à elles, Denys dit que Dieu est une
cause qui embrasse, car Il les
contient dans l’être. Il y en a certaines autres en vérité qui, bien qu’elles
ne se détachent pas de leurs principes, peuvent être détruites par un élément
venant de l’extérieur, comme l’eau peut l’être par le feu et quant à elles,
il parle de la protection, parce
que Dieu les défend afin qu’elles ne soient pas détruites par celles-là
au-delà de l’ordre de leur nature. Et il y en a certaines autres qui pour
leur conservation ont besoin de compléments, comme les hommes et les animaux
qui ont besoin de nourritures et quant à elles, Denys parle de nourriture, car Dieu administre à
tous les êtres ce qui est nécessaire à leur conservation. Et Dieu est encore une cause qui les tourne vers Lui-même, car le
fait même que les choses se tournent vers Dieu en Le désirant comme leur
finalité, cela même leur vient de Dieu. Et toutes ces fonctions appartiennent
à la Déité d’une manière qui est une,
c’est-à-dire qu’elles ne procèdent pas de différentes puissances, mais de la
puissance unique et simple qui est la sienne ; et de manière à se communiquer tout en demeurant séparée, car
Dieu communique aux autres choses les causalités précédentes de telle manière
cependant qu’Il se réserve à part pour Lui son mode unique de causer. 101.
Mais Il est loué comme cause de diverses façons, car Dieu n’est pas seulement une cause de conservation,
c’est-à-dire de salut pour les choses, ou
de vie ou de perfection, de telle sorte que la bonté divine qui est
au-dessus de tout nom serait
nommée, c’est-à-dire devrait être nommée par cette seule Providence, c’est-à-dire par cette seule forme de
causalité, mais la bonté divine
elle-même contient à l’avance en
elle-même tous les êtres sous une forme simple, c’est-à-dire non pas de
telle sorte qu’elle en soit composée, mais plutôt les êtres qui en eux-mêmes
sont de nombreux composés ne sont plus qu’un en Dieu et existent en Lui sous une forme simple et sans délimitations
car alors que les noms pris individuellement signifient quelque chose de
déterminé qui diffère des autres choses, lorsqu’on les attribue à Dieu, ils
ne signifient pas cette chose d’une manière finie, mais d’une manière infinie
: tout comme le nom de sagesse attribué aux choses créées signifie une
qualité différente de la justice et existe dans un genre et une espèce
déterminés ; mais attribué à Dieu il ne signifie pas quelque chose de
délimité par une genre et une espèce ou une différence qui distingue cette
qualité des autres perfections, mais quelque chose d’infini ; et alors pour
cette raison il convient de louer et de nommer Dieu à partir des bontés les plus parfaites, c’est-à-dire à partir des
perfections qui se produisent dans les choses au moyen de la providence de
cette Cause suprême ; laquelle Cause, bien qu’elle soit une et identique à
elle-même, est par ailleurs Cause de toute la diversité des êtres, vu qu’Elle
est nommée du nom de substance ou de vie ou de tout autre nom du même genre, et même qu’elle est nommée à partir de tous les êtres à cause de toutes
ses perfections dont ils participent, car on Le nomme soleil à cause de sa
clarté et pierre à cause de sa solidité et il en est de même pour les autres
noms. 102.
Ensuite, lorsqu’il dit (27) : Et certes…il
présente la troisième façon de nommer Dieu et il dit que les saints théologiens ne nous recommandent pas ces
seuls noms de Dieu qui proviennent des Providences ou prévoyances parfaites
ou particulières ou de ceux qui en sont pourvus ( de sorte que par
providences nous entendions les perfections qui sont communiquées aux choses,
telles la bonté et la sagesse ; et que par ceux qui en sont pourvus nous
entendions les choses mêmes qui participent de ces perfections, tels l’homme
ou le soleil ; et on appelle parfaites ces providences parce qu’elles sont
universelles, comme le bien, l’être et les autres perfections de la sorte ;
et celles qu’on appelle particulières sont celles qui appartiennent à un
genre de choses comme la sagesse et la justice. Mais la bonté de Dieu qui est au-dessus de tout nom, à cause de son
éclat incomparable, il arrive qu’ils la
nomment parfois à partir de
certaines apparitions divines, c’est-à-dire à partir de visions imagées,
par lesquelles les Prophètes ou les
Maîtres ont été illuminés, ce que Denys dit à cause de ceux qui ont consigné
par écrit les Agiographes ; visions qui se sont produites soit dans les saints temples soit dans tout
autre lieu, d'après ses différentes
causalités et puissances.
En effet, c’est pour des raisons différentes que se produisent les
différentes apparitions et c’est pourquoi ils Lui appliquent des figures humaines, celles du feu ou celles de la foudre
et dans leurs louanges ils Le décrivent comme ayant des yeux et des oreilles et d’autres organes et membres et lui attribuent des couronnes, des
honneurs et autres choses du même genre, ce qu’on peut observer facilement en
divers endroits dans les Écritures. Et Denys promet de traiter de ces noms
qu’on attribue à Dieu dans un livre qui a pour titre ¨De la Théologie Symbolique, lequel n'est plus en notre
possession. 103.
Ensuite, lorsqu’il dit (28) : Mais
maintenant…il montre comment il faut traiter des Noms divins et à ce
sujet il fait trois choses : d’abord, il montre de quels Noms divins il faut
traiter dans ce livre ; deuxièmement il montre quel mode d’enseignement doit
être respecté ici, tant du côté de celui qui enseigne que du côté de celui
qui écoute, là (29) où il dit : Et que
toujours… ; troisièmement, il exhorte Timothée, à qui il écrit, à
observer ce mode, là (30) où il dit : Donc… 104. Il
dit donc qu’il faut maintenant
procéder, dans ce livre, à l'examen des Noms divins qui sont intelligibles, c’est-à-dire qui ne
sont pas tirés des choses sensibles à la manière de symboles, mais des
perfections intelligibles qui procèdent de Dieu vers les créatures, telles
que l’être, la vie et autres perfections du genre, de sorte qu’on rassemble,
à partir des saintes Écritures, tous les noms qui se rapportent à notre tâche
actuelle ; et Denys dit encore qu’il faut se servir de ce qui a été dit dans
ce chapitre comme d’une règle que nous devons prendre en considération tout
le long de cet ouvrage. En effet, nous avons présenté trois genres de
dénominations qui se rapportent à Dieu : la première, qui se réalise par la
négation et dont on traite dans ¨La Théologie Mystique¨ ; la seconde
qui s’effectue au moyen des perfections intelligibles qui procèdent de Dieu
et dont on traite dans ce livre-ci ; la troisième qui se fait au moyen des
similitudes sensibles, dont il est question dans ¨La Théologie Symbolique¨. 105.
Ensuite, lorsqu’il dit (29) : Et que
toujours…il montre quelle doit être la manière de traiter des Noms divins
et il dit qu’il faut considérer dans ce livre, à proprement parler, les
contemplations par lesquelles Dieu se manifeste. Et Denys dit à proprement parler, pour opposer ces
contemplations aux apparitions métaphoriques. Et il faut avoir à l’esprit en
maintes occasions qu'on ne doit admettre que de saintes oreilles à la manifestation des saints noms de Dieu, c’est-à-dire
celles des fidèles qui écoutent avec amour et respect, et non celles des
infidèles qui se moquent et blasphèment, pour qu’ainsi nous établissions les saintes paroles parmi les saints, conformément à
l’enseignement de Dieu, ainsi que Dieu l’enseigne lui-même dans
l’évangile de Matthieu (7 : 6) : ¨Ne
donnez pas ce qui est saint aux chiens¨, afin qu’ainsi ce qui est saint
échappe aux moqueries des ignorants ;
bien plus, au contraire, s'il se trouve de tels hommes qui
résistent totalement à Dieu, épargnons-leur ce combat impie ;
en effet, en se moquant des réalités divines, ce n’est pas Dieu qu’ils se
trouvent à blesser, mais eux-mêmes. Et cela, dit-il, doit être planifié à
l'avance dans cet ouvrage car toujours
et conformément à toute doctrine théologique, la loi hiérarchique, c’est-à-dire celle qui est enseignée par les
autorités sacrées, prescrit,
c’est-à-dire commande et exhorte, de nous conformer à ce précepte avec
résolution, lequel ne provient pas d’une sagesse humaine mais de la prudence
divine. 106.
Ensuite, lorsqu’il dit (30) : Donc…il
incite Timothée à obéir à ces recommandations ; et il dit qu’il lui est utile de conserver en lui-même ce qui précède afin qu'il s’en souvienne
saintement et qu’ainsi il ne dise pas les
vérités divines et ne les révèle d’aucune manière, c’est-à-dire ne les
dévoile pas, aux profanes, c’est-à-dire aux infidèles ou à tout autre profane
qui, ne pouvant rien en saisir en raison de son ignorance, s’en moquerait. 107. Et
à la fin, il termine le présent chapitre par une prière, demandant à Dieu de
lui accorder de célébrer d'une
manière digne de Lui, c'est-à-dire d'une manière qui convient à Dieu, les diverses dénominations de la
Divinité, laquelle ne peut être ni exprimée ni nommée parfaitement par les
paroles, et de ne pas retirer de sa
bouche la parole de vérité. |
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CAPUT 2 |
Chapitre 2 - De la Théologie commune et de la théologie spécifique et en quoi consistent l’unité et la distinction qu’on retrouve en Dieu. |
LECTIO 1 [84837] In De divinis
nominibus, cap. 2 l. 1 Postquam Dionysius, in praecedenti capitulo,
tradidit modum procedendi in opere et rationem divinorum nominum, in hoc II
cap. intendit ostendere quod divina nomina, de quibus in hoc libro agitur,
communia sunt toti Trinitati ; et ideo capitulum istud intitulatur de
unita et discreta theologia, quia in hoc capitulo traditur quae dicantur
communiter de tota Trinitate et quae de distinctis personis. Et traditur
etiam in eodem capitulo, quae sit ratio communitatis et distinctionis in
divinis, quod ad secundam partem tituli pertinet, cum dicit : et quae
est divina unitio et discretio. Dividitur autem istud capitulum in duas
partes : in prima ostendit quae dicantur communiter et quae distinctim in
Trinitate ; in secunda assignat rationem communitatis et distinctionis ; ibi
: oportet et cetera. Circa primum, duo facit : primo,
ostendit quod nomina divina, de quibus in hoc libro agendum est, in tota
Trinitate accipienda sunt ; in secunda, removet obiectionem in contrarium
factam ; ibi : si autem et cetera. Circa primum, tria facit
: primo, ponit veritatem intentam ; secundo, probat eam ; ibi : et
quidem et cetera ; tertio, excusat se a diligentiori probatione ;
ibi : igitur istis et cetera. Dicit ergo, primo, quod per
se bonitas laudatur ab eloquiis, idest sacris Scripturis, sicut determinans,
idest distinguens ab aliis et manifestans totam divinam essentiam,
quodcumque est, quia cuicumque convenit divina essentia, convenit ei per
se bonitatem esse et e converso. Et hoc probat per hoc quod in sancta Scriptura
inducitur ipsa divinitas, in persona filii, dicens : quid me
interrogas de bono ? Nullus bonus nisi solus Deus ut habetur Luc. 18
; quod intelligendum est de bonitate per se. Et quia ita est de nomine
bonitatis, igitur et in aliis libris post inquisitionem demonstratum
est a nobis, quod omnia nomina Deo convenientia, laudantur in sacris
Scripturis, non particulariter, quasi uni soli perfecte
convenientia, sed in Trinitatis tota et perfecta et
integra et prima deitate. Totum autem hic non accipitur secundum quod ex
partibus componitur, sic enim deitati congruere non posset, utpote eius
simplicitati repugnans, sed prout secundum Platonicos totalitas quaedam
dicitur ante partes, quae est ante totalitatem quae est ex partibus ; utpote
si dicamus quod domus, quae est in materia, est totum ex partibus et quae
praeexistit in arte aedificatoris, est totum ante partes. Et in hunc modum
tota rerum universitas, quae est sicut totum ex partibus, praeexistit sicut
in primordiali causa in ipsa deitate ; ut sic, ipsa deitas patris et filii et
spiritus sancti, dicatur tota, quasi praehabens in se universa. Perfecta,
non est accipiendum secundum modum significationis vocabuli, quo perfectum
dicitur quasi complete factum, sicut perambulasse nos dicimus, quando
ambulationem complevimus ; unde quod non est factum, non potest secundum hanc
rationem dici perfectum ; sed quia res quae fiunt, tunc ad finem suae
perfectionis perveniunt, quando consequuntur naturam et virtutem propriae
speciei, inde est quod hoc nomen perfectum assumptum est ad significandum
omnem rem quae attingit propriam virtutem et naturam. Et hoc modo divinitas
dicitur perfecta, inquantum maxime est in sua natura et virtute. Integrum
autem et perfectum idem videntur esse ; differunt tamen ratione : nam perfectum
videtur dici aliquid in attingendo ad propriam naturam, integrum autem per
remotionem diminutionis, sicut dicimus aliquem hominem non esse integrum, si
postquam attigit propriam naturam, aliquo membro mutiletur. Et quia a deitate
Trinitatis nihil subtrahi potest, ad hoc significandum addidit : integra.
Prima autem ad significandum quod deitas trium personarum non est
deitas participata ; primum enim dicitur quod est imparticipatum, sicut per
se deitas et per se bonitas. Et videntur esse posita ad excludendum errorem
Origenis et Arii, qui posuerunt deitatem filii esse participatam. Et ut
ostendat quod Dei nomina non solum communiter dicuntur de tribus personis,
sed aequaliter et eodem modo, subiungit quod et demonstratum est
omnes praedictas nominationes apponi, idest
attribui, simpliciter, absolute et inobservatim totaliter, universae
totalitati perfectae et omnis, idest totius deitatis ; ut
quod dicit : universae, referatur ad numerum personarum, alia
vero ad perfectionem essentiae ; et hoc : simpliciter, quod
respondet ei quod dixerat : prima ; nam ea quae sunt
imparticipata dicuntur simpliciter, ea vero quae sunt participata bona
particulariter dicuntur, secundum Augustinum : tolle hoc et illud et
videbis bonum omnis boni ; absolute, quod respondet ei quod dixerat
: integra ; nam ea quae sunt corrupta non possunt absolute
nominari, sicut homo mortuus non dicitur absolute homo ; inobservatim
totaliter, idest absque reliqua observantia distinctionis, quod respondet
ei quod dixit : perfecta ; nisi enim esset perfecta deitas in
qualibet personarum, oporteret observare qualiter aliquid diceretur de una et
qualiter de alia. Deinde, cum dicit : et quidem et cetera,
probat quod supposuerat ; et primo : specialiter dicitur de quibusdam
nominibus ; secundo : de omnibus ; ibi : et ut summatim et
cetera. Dicit ergo, primo, quod, sicut commemoratum
est in libro de theologicis hypotyposibus, si
aliquis dicat hoc quod dictum est : nullus bonus nisi solus
Deus non esse dictum de tota deitate, idest de omnibus personis et per
hoc praesumat errorem, dividere audens unitatem unitatis
divinae, dicendum est contra eum quod et ipsum
verbum, idest Dei filius, tamquam naturaliter bonitatem habens dixit
Ioan. 10 : ego sum pastor bonus, et in Psalmis dicitur, nempe
Psalm. 142 : spiritus tuus bonus. Et similiter si aliquis hoc
quod dicitur, Exod. 3 : ego sum qui sum non dixerit laudari de tota Trinitate,
idest de omnibus personis, sed de una tantum, quomodo accipiet hoc quod
dicitur Apoc. 1 de filio : haec dicit qui est et qui erat et qui
venturus est omnipotens ; et quod introducit apostolus de filio, Hebr. 1
: tu autem idem ipse es ; et de spiritu sancto, Ioan. 15 : spiritus
veritatis qui est, qui a patre procedit ? Licet littera nostra non
habeat : qui est. Et similiter si aliquis dicat quod non tota
divinitas est vita, quomodo verum est quod Dei filius dixit, Ioan. 5 : sicut
pater suscitat mortuos et vivificat, sic et filius quos vult vivificat et
ibid. 6 : spiritus est qui vivificat ? Et quod tota
deitas habeat omnium dominationem, non posset dici in
quot locis sacrae Scripturae frequentatur hoc
nomen dominus de patre et filio, et hoc ut
loquamur de deigena deitate patris aut filiali filii.
Sed et spiritus dominus est, ut dicitur II Corinth. 3. Et similiter pulchrum
et sapiens, in omnibus personis deitatis, laudatur et lumen et
deificum et causa et omnia quaecumque sunt totius deitatis, sacra
eloquia deducunt ad omnem laudationem divinam, quandoque quidem simul
comprehendendo quod convenit omnibus personis, ut cum dicitur : omnia sunt ex
Deo, quandoque autem distinctius de una persona, sicut cum dicitur de
filio Col. 1 : omnia per ipsum et in ipso facta sunt et (...) in ipso
consistunt ; et in Psalmis : emitte spiritum tuum et creabuntur.
Deinde, cum dicit : et ut summatim et cetera, ostendit
propositum communiter de omnibus Dei nominibus, dicens quod, ut in summa
dicatur de omnibus Dei nominibus, ipsum Dei verbum
dixit, Ioan. 10 : ego et pater unum sumus, per quod
ostenditur quod quaecumque dicuntur de filio et de patre dicuntur ; et Ioan.
16 : et cuncta quae habet pater mea sunt ; et similiter quaecumque
sunt patris et filii, sacra Scriptura attribuit communiter
et unite divino spiritui : divinas operationes, honorem divinum, fontanam
et indeficientem causam et distributionem benignorum donorum. Et haec omnia habentur I Corinth. 12 : haec omnia operatur
unus atque idem spiritus. Et haec adeo vera sunt quod nullum assuetum in
divinis eloquiis, qui non habeat corruptam intentionem in eis, arbitror
ad haec contradicere, quod scilicet omnia nomina Deo convenientia insunt
toti deitati, secundum perfectum modum loquendi de Deo. Deinde,
cum dicit : igitur istis et cetera, excusat se a
diligentiori inquisitione praedictorum ; et dicit quod ista breviter
et particulariter hic sunt determinata ex sacris Scripturis, sed in
alio libro sufficientius. Unde quamcumque
Dei nominationem conabimur exponere in praesenti opere, oportet
ipsum nomen recipi in tota deitate, idest in omnibus personis ;
et ad hoc inducitur totum praesens capitulum. Deinde, cum dicit : si
autem quis et cetera, excludit obiectionem ; et primo, ponit
obiectionem ; secundo, modum solvendi ; ibi : si enim aliquis et
cetera. Posset autem aliquis obiicere quod per hoc quod omnia nomina quae
dicuntur de patre, attribuuntur filio et spiritui sancto, tollitur omnino
distinctio personarum et inducitur confusio in divinis personis, quae Deo non
convenit. Sed ipse dicit quod si quis hoc obiiciat non est arbitrandum quod
sermo eius sufficiens sit ad persuadendum quod verum dicat ; non enim per hoc
tollitur distinctio personarum. Deinde, cum dicit : si enim aliquis et
cetera, ponit modum solvendi, dicens, quod si ille qui sic obiicit, totaliter contradicit
sacris Scripturis, talis omnino elongatus est a nostra sapientia.
Non enim ad theologum pertinet probare ea quae sunt fidei ei qui Scripturas
non recipit, cum fides sit supra rationem. Unde si ipse non habet curam ut
veneretur divina eloquia, quomodo nobis potest esse cura ut
manuducamus eum ad divinam scientiam ? Quia
in scientiis philosophicis ita est quod nullus sapiens disputat contra
negantem principia suae artis. Sed si aliquis sic obiiciens velit
respicere ad veritatem sacrorum eloquiorum, nos,
utentes sacra Scriptura quasi quadam regula et lumine manifestante
veritatem, procedimus, non declinantes a sacra Scriptura, ad excusandum nos a
praedicta obiectione et dicimus quod sacra Scriptura quaedam tradit communiter
de tribus personis, quaedam distinctius et neque ea
quae sunt communia licet distinguere, neque ea
quae sunt distincta confundere ; sed, sequendo sacram
Scripturam, secundum nostrum posse, convenit nos respicere
ad divinas veritates. Quia nos, a sacra Scriptura recipientes
manifestationem Dei, ea quae in sacra Scriptura sunt posita, oportet nos
custodire sicut quamdam optimam regulam veritatis, ita quod neque
multiplicemus, addentes ; neque minoremus, subtrahentes ; neque pervertamus,
male exponentes ; quia dum nos custodimus sancta ab ipsis custodimur et ab
ipsis confirmamur ad custodiendum eos qui custodiunt sancta. Oportet enim non
solum conservare ea quae in sanctis Scripturis sunt tradita, sed et ea quae
dicta sunt a sacris doctoribus, qui sacram Scripturam illibatam
conservaverunt. Deinde, cum dicit : igitur unita et cetera,
manifestat positam solutionem quantum ad hoc quod dixit quod sacra Scriptura
quaedam tradit de Trinitate unite et quaedam discrete ; et dicit quod unita
totius deitatis, idest communia toti Trinitati, ut dictum est in libro de
divinis hypotyposibus et probatur per multas auctoritates a sacris Scripturis
acceptas, sunt duo genera nominum : primo quidem, ea quae dicuntur de Deo,
remotive per excellentiam quamdam, ut superbonum, supersubstantiale,
supervivum, supersapiens et quaecumque alia dicuntur de Deo per
remotionem, propter sui excessum ; cum quibus, dico, connumeranda sunt omnia nomina causalia,
idest quae designant Deum ut principium processionis perfectionum quae
emanant ab ipso in creaturas, scilicet : bonum, pulchrum, existens,
vitae generativum, sapiens et quaecumque alia per quae causa
omnium bonorum nominatur ex dono suae bonitatis. Et ex hoc potest
accipi regula magistralis quod omnia nomina designantia effectum in
creaturas, pertinent ad divinam essentiam. Discreta autem nomina,
idest pertinentia distinctim ad tres personas, sunt : nomen patris supersubstantiale vel
hypostaticum, idest personale et usus patris, idest actus
eius qui est generatio ; et similiter nomen filii et actus, qui est generari
; et nomen spiritus sancti et actus eius qui est processio ; ita quod, in
talibus, nulla debet superinduci conversio, ut si diceretur quod pater
generat filium et e converso ; aut qualiscumque communio, ut si diceretur
quod pater et filius generant aliquam aliam personam. Et similiter distinctim
ad divinam personam pertinet mysterium incarnationis, quia sola persona filii
est incarnata ; et hoc est quod dicit quod cum praedictis discretum
est : quia perfecta et invariabilis essentia Jesu secundum
naturam deitatis, est secundum nos per unitionem humanitatis
; et quaecumque alia substantialia, idest
personalia mysteria pertinent ad benignitatem incarnationis. |
Leçon 1 (4a) : Ce qui dans la Trinité se dit en commun et en propre au sujet des trois Personnes.108.
Après avoir montré dans le chapitre qui précède le mode de procéder à
respecter dans cet ouvrage ainsi que le bien fondé des Noms divins, Denys
cherche à montrer dans ce deuxième chapitre que les Noms divins, dont on
traite dans ce livre, sont communs à toute la Trinité ; et c'est pourquoi ce
chapitre s'intitule de la Théologie commune et de la théologie spécifique car
dans ce chapitre on enseigne ce qui se dit communément de toute la Trinité et
ce qui se dit distinctement de chacune des Personnes. Et on enseigne aussi
dans ce même chapitre quelle est la nature de ce qui est commun et de ce qui
est propre aux Personnes divines, et cela se rapporte à la seconde partie du
titre, lorsqu'il dit : et en quoi consistent cette unité et cette
distinction qu'on retrouve en Dieu. 109.
Mais ce chapitre se divise en deux parties : dans la première il montre ce
qui se dit communément et ce qui se dit en propre des Personnes de la Trinité
; dans la deuxième il assigne la nature du commun et du propre, là où il dit
(38) : Il faut... 110. Au
sujet de la première partie, il fait deux choses : d'abord, il montre que les
Noms divins, dont il est question dans cet ouvrage, doivent s'entendre de
toutes les Personnes de la Trinité ; ensuite, il écarte une objection qui
prétend le contraire, là où il dit (35) : Mais si... 111. Au
sujet du premier point, il fait trois choses : d'abord, il présente la vérité
qu'il se propose de démontrer ; deuxièmement il la démontre là où il dit (32)
: Et certes... ; troisièmement, il s'excuse de ne pas présenter une
démonstration plus soignée, là où il dit (34) : Donc, à ces... 112. Il
dit donc en premier que la bonté par soi est loué par les auteurs
sacrés, c'est-à-dire dans les Saintes Écritures, comme définissant,
c'est-à-dire comme distinguant du reste, et comme manifestant la
totalité de l'essence divine, quelle qu'elle soit, car à quiconque appartient
l'essence divine lui appartient aussi la bonté par soi et inversement. Et
Denys prouve cela au moyen de ce qui est dit dans les Saintes Écritures
lorsque la Divinité elle-même s’y présente dans la personne du Fils dans
l'évangile de Luc (18, 19) : ¨Pourquoi m'appelles-tu bon ? Personne n'est
bon si ce n'est Dieu seul.¨ ; ce qui doit s'entendre de la bonté par soi.
Et parce qu'il en est ainsi au sujet du nom de bonté, alors dans d'autres
livres suite à une recherche nous avons démontré que tous les noms qui
appartiennent à Dieu sont loués dans les Saintes Écritures non pas à titre
particulier ou comme s'ils ne convenaient parfaitement qu'à une seule des
Personnes, mais plutôt comme devant s'attribuer à la Trinité dans
sa totalité, sa perfection, son intégralité et sa Divinité première. 113.
Mais la totalité ou le tout ne s'entend pas ici comme un ensemble résultant
de la composition de parties ; en effet un tel tout ne pourrait appartenir à
la Divinité puisqu'il ferait obstacle à sa simplicité, mais il faut plutôt
entendre ce terme à la manière des Platoniciens, à savoir comme une certaine
totalité antérieure aux parties, antérieure au tout qui résulte de la
composition des parties ; c'est comme dire que la maison qui est dans la
matière est un tout qui résulte des parties alors que celle qui préexiste
dans l'art du constructeur est antérieure aux parties. Et c'est de cette
manière que toute la totalité des choses, qui est comme un tout résultant des
parties, préexiste néanmoins dans la Divinité elle-même comme dans sa cause
première ; et c'est ainsi que la Divinité même du Père, du Fils et de
l'Esprit Saint est dite totale, comme possédant à l'avance en elle
l'universalité des choses. 114. Perfection
ne doit pas s'entendre ici selon le mode de signifier du terme lui-même,
alors que parfait se dit de ce qui est complètement fait, de ce qui est
achevé, tout comme nous disons que nous nous sommes promenés quand nous avons
complété la promenade ; d'où il suit que ce qui n'a pas été fait ne peut être
nommé parfait selon cette définition ; mais parce que les choses qui sont
sujettes au devenir parviennent au terme de leur perfection lorsqu'elles
réalisent la nature et le bien propres à leur espèce, de là le nom parfait a
été utilisé pour désigner toute réalité qui est fixée en son bien et en sa
nature propres. Et c'est de cette manière qu'on dit de la Divinité qu'elle
est parfaite, selon qu'elle existe au plus haut point dans sa nature et dans
son bien. 115. Et
les mots intégral et parfait semblent avoir une signification identique ; ils
diffèrent cependant par la raison : car parfait se dit de ce qui parvient à
réaliser sa nature propre, alors qu'intégral semble signifier ce qui est à
l'abri d'une diminution, comme lorsque nous disons qu'un homme n'est pas intact
si, après avoir réalisé sa nature propre, il a été diminué par la perte d'un
membre. Et c'est parce que rien ne peut être enlevé à la Divinité de la
Trinité que Denys, pour signifier cette idée, ajoute ce nom : intégralité. 116. Le
mot première est utilisé ici pour signifier que la Divinité des trois
personnes n'est pas une Divinité qui participe d'une autre, une divinité de
dépendance ; premier en effet se dit de ce qui ne participe pas d'un autre,
mais dont tout le reste participe, comme la Divinité et la Bonté par soi. Et
ces paroles ont été formulées pour écarter l'erreur d'Origène et d'Arius qui
affirmaient que la Divinité du Fils était une Divinité qui participe d'une
autre. 117. Et
pour montrer que non seulement les Noms divins se disent communément des
trois Personnes mais qu'ils se disent d'Elles d'une manière égale et
identique, il ajoute qu'il a été démontré que tous les noms qui précèdent
s'appliquent ou s'attribuent simplement et absolument, universellement
et indistinctement à la totalité universelle de la Divinité parfaite et
entière, c'est-à-dire à toute la Divinité ; lorsqu'il dit universellement,
il renvoie alors au nombre des Personnes ; pour ce qui est des autres termes,
ils se rapportent à la perfection de l'essence ; et ce terme, à savoir simplement,
correspond à celui qu'il avait avancé plus haut : première ; car les
réalités qui ne participent pas d'une autre sont dites bonnes purement et
simplement alors que celles qui en participent sont dites bonnes
partiellement d'après Saint-Augustin : ¨Enlève ce bien-ci et ce bien-là et
tu verras le bien de tout bien¨ ; absolument, quant à lui, est un
terme qui correspond à celui qu'il avait formulé précédemment, à savoir intégrale
; car les choses qui ont connu la corruption ne peuvent être nommées telles
absolument, comme l'homme mort ne peut être appelé homme absolument ; quant à
ces termes, à savoir indistinctement à la totalité, c'est-à-dire sans
qu'il reste la moindre observation d'une distinction, ils correspondent à ce
qu'il avait dit plus haut : parfaite ; en effet, si la Divinité
n'était pas parfaite ou totale dans chacune des personnes, il faudrait
observer comment une chose se dit de l'une et de quelle manière elle se dit
de l'autre. 118.
Ensuite, lorsqu'il dit (32) : et certes..., il prouve ce qu'il avait
supposé ; et d'abord, il le fait en parlant spécifiquement de certains noms ;
deuxièmement, en parlant de tous, là (33) où il dit : et comme
sommairement... 119. Il
dit donc en premier qu'ainsi qu'on l'a évoqué dans le livre ¨Des
divines Hypotyposes¨, si quelqu'un affirme à partir de ce qui a
été dit, à savoir que : ¨nul n'est bon si ce n'est Dieu seul¨, que
la bonté ne s'attribue pas à toute la Divinité, c'est-à-dire à toutes les
Personnes de la Trinité et qu'il conjecture par là une erreur, osant ainsi
diviser la cohérence de l'unité divine, il faut affirmer contre lui que
le Verbe lui-même, à savoir le Fils de Dieu, comme possédant par nature
en Lui la bonté, dit dans l'évangile de Jean (10, 11) : ¨Je suis le bon
pasteur¨, et dans les Psaumes, c'est un fait, on dit (14, 10) : ¨Ton
Esprit est bon¨. Et de même, si quelqu'un prétend que ce qu'on dit dans
le livre de l'Exode (3, 14) : ¨Je suis Celui qui est¨, ne se dit pas
comme louange à l'égard de toutes les Personnes de la Trinité, mais à l'égard
d'une seule, comment alors pourrait-on entendre ce qu'on dit du Fils dans
l'Apocalypse (1, 8) : ¨C'est ce que déclare Celui qui est, qui était et
qui vient, le Dieu tout-puissant¨ ; et aussi ce qu'avance l'Apôtre au
sujet du Fils dans sa Lettre aux Hébreux (1, 12) : ¨Mais toi, tu demeures
le même¨ ; et ce qu'on lit au sujet de l'Esprit-Saint dans Jean (15, 26)
: ¨Qui est l'Esprit de vérité qui procède du Père ?¨, bien que notre
langue n'ait pas ¨qui est¨. Et de même si quelqu'un dit que ce n'est
pas toute la Divinité qui est la vie, comment pourrait être vrai ce
qu'affirme le Fils de Dieu dans Jean (5, 21) : ¨Car de même que le Père
relève les morts et leur donne la vie, de même le Fils donne la vie à qui il
veut¨ et un peu plus loin Jean ajoute (6, 63) : ¨ C'est l'Esprit de
Dieu qui donne la vie¨. Et s'il n'était pas vrai que ce soit toute la
Divinité qui possède une souveraineté sur toute chose, cela ne
pourrait se dire en de si nombreux endroits des Saintes Écritures où le nom
de Seigneur est célébré au sujet du Père et du Fils lorsque
nous parlons de la divinité du Père qui engendre ou de la
divinité filiale du Fils. Mais l'Esprit-Saint aussi est Seigneur,
ainsi qu'on le dit dans la Deuxième lettre aux Corinthiens (3, 17). Et de
même la beauté et la sagesse se rapportent à la louange de toutes les
personnes de la Divinité, tout comme la lumière, la toute-puissance et la
causalité se disent aussi de toutes, les écrivains sacrés les étendant à
toute louange qu'on fait de Dieu, en les exprimant certes parfois comme
appartenant en même temps à toutes les personnes, comme on le voit dans la
Deuxième épître aux Corinthiens (5, 18) : ¨Toute chose vient de Dieu¨
; mais ils les expriment parfois comme appartenant plus distinctement à l'une
des Personnes, comme ce qu'on dit du Fils dans l'Épître aux Colossiens (1,
16-17) : ¨Toutes les choses ont été faites par Lui et en Lui¨ et ...c'est
par Lui qu'elles sont toutes maintenues à leur place¨ ; et spécifiquement
à l'Esprit dans les Psaumes (103, 30) où on lit : ¨Envoie ton Esprit et
ils seront créés¨. 120.
Ensuite lorsqu'il dit (33) : Et comme sommairement... il montre le
même propos mais communément, au sujet de tous les noms de Dieu en disant que
, comme pour le dire en résumé et en général de tous les noms de Dieu, le
Verbe de Dieu lui-même a dit dans Jean (10, 30) : ¨Le Père et
moi nous sommes un.¨ au moyen de quoi il montre que tout ce qui est dit
du Père est dit du Fils ; et encore dans Jean ( 16,15) on lit : ¨Et tout
ce que le Père possède est aussi à moi¨ ; et de même tout ce qui se
dit du Père et du Fils est attribué aussi en commun et de la même
manière à l'Esprit divin par les Saintes Écritures, à savoir : les
opérations divines, tous les honneurs dus à Dieu, la source et la
cause indéfectible de tous les biens distribués avec prodigalité. Et tout
cela est énuméré ainsi qu'on peut le voir dans la Première lettre aux
Corinthiens (12, 11) : ¨C'est le seul et même Esprit qui produit tout cela¨.
Et ces choses sont d'autant plus vraies que je juge qu'aucun de
ceux qui sont habitués aux saintes Écritures, et dont l'intention est
droite, ne contredit cela, à savoir que tous les noms qui conviennent
à Dieu appartiennent à toute la divinité, conformément à la manière parfaite
de parler de Dieu. 121.
Ensuite, lorsqu'il dit (34) : Donc, ces...il s'excuse de ne pas avoir
fait une recherche plus soignée sur les choses qui précèdent ; et il dit que
celles-ci ont été traitées ici brièvement et partiellement à partir
des saintes Écritures mais qu'elles sont traitées d'une manière plus
satisfaisante dans un autre livre. D'où il suit que pour toute appellation
de Dieu que nous chercherons à expliquer dans ce livre, il faudra
attribuer ce nom lui-même à toute la divinité, c'est-à-dire comme
appartenant à toutes les Personnes ; et c'est à montrer cela que s'applique
tout le présent chapitre. 122.
Ensuite, lorsqu'il dit (35) : Mais si quelqu'un...il écarte une
objection ; et d'abord, il présente l'objection ; deuxièmement, il présente
la manière de la résoudre là où il dit (36) : Si en effet quelqu'un... 123.
Mais quelqu'un pourrait objecter qu'en attribuant au Fils et à l'Esprit-Saint
tous les noms qu'on dit du Père, on abolit ainsi toute distinction entre les
personnes divines et qu'on introduit ainsi une confusion entre elles,
confusion qui ne peut convenir à Dieu. Mais Denys affirme qu'il ne faut pas
estimer que le discours de celui qui présente cette objection suffit à nous
persuader qu'il dit vrai ; en effet, cette attribution commune à toutes les
Personnes n'efface pas la distinction qu'il y a entre elles. 124.
Ensuite, lorsqu'il dit (36) : Si en effet quelqu'un...il présente la
manière de résoudre cette objection en disant que celui qui parle ainsi, lui
qui est fort éloigné de notre Sagesse, s'oppose radicalement
aux saintes Écritures. En effet il n'appartient pas au Théologien de prouver
les vérités de la foi à celui qui n'accueille pas les saintes Écritures,
puisque la foi est au-dessus de la raison. D'où il suit que si celui-là ne se
soucie pas de respecter les saintes Écritures, comment pourrons-nous
avoir souci de le guider vers la science divine ? Car dans les
sciences philosophiques, aucun sage n'argumente contre celui qui nie les
principes de sa discipline. 125.
Mais si celui qui présente une telle objection veut tourner son attention du
côté de la vérité des Écritures saintes, nous par ailleurs,
nous servant des Saintes Écritures comme d'un étalon de mesure et d'une
lumière pour manifester la vérité, nous continuons, sans nous éloigner
des Saintes Écritures, à nous justifier à l'égard de l'objection qui précède
et nous disons que les Saintes Écritures enseignent certaines choses
qui sont communes aux trois Personnes, certaines autres qui sont
propres à l'Une ou à l'Autre et qu'il n'est permis ni de séparer ce
qui est commun ni de confondre ce qui est propre ; mais en
obéissant aux Saintes Écritures, il convient de nous tourner vers les
vérités divines dans la mesure de nos capacités. Car, recevant des
Saintes Écritures la révélation de Dieu, il faut que nous conservions tout ce
qui y a été dit comme étant la règle la plus parfaite de la Vérité, de sorte
que nous ne l'augmentions pas en y ajoutant, que nous ne la diminuions pas en
y retranchant et que nous ne la corrompions pas en l'expliquant d'une manière
erronée ; car lorsque nous conservons les Saintes Écritures, c'est alors que
nous sommes conservés par Elles et que nous sommes assurés par Elles de
conserver ceux qui les conservent. Il faut donc conserver non seulement
ce qui est contenu dans les Saintes Écritures, mais aussi ce qu'enseignent
les saints Docteurs qui les ont conservées dans leur intégrité. 126.
Ensuite, lorsqu'il dit (37) : Donc, certains sont communs...il
manifeste la solution présentée sous le rapport de ce qu'il a dit, à savoir
que les Saintes Écritures enseignent certaines choses communes à toute la
Trinité et d'autres propres à telle ou à telle autre Personne ; et il dit que
pour ce qui est commun à toute la divinité, c'est-à-dire ce qui est
commun à toute la Trinité, ainsi qu'on le dit au livre ¨Des divines
Hypotyposes¨ et qu'on le prouve au moyen de nombreuses autorités
tirées des Saintes Écritures, il existe deux genres de noms : tout d'abord
certes ceux qui se disent de Dieu comme par négation, à cause de son
excellence, tels la supra-bonté, la supra-substance, la supra-vie, la
supra-sagesse ainsi que tous les autres noms qui se disent de Dieu comme
par éloignement, à cause de son excellence, parmi lesquels, dis-je, il
faut énumérer tous les noms qui réfèrent à la causalité,
c'est-à-dire ceux qui désignent Dieu comme principe d'où procèdent toutes les
perfections qui émanent de Lui pour se retrouver dans les créatures, à savoir
: la bonté, la beauté, l'être, la génération de la vie, la sagesse et tous
les autres noms au moyen desquels la Cause de tous les biens est nommée
à partir du don de sa bonté. Et c'est à partir de là que peut s'acquérir la
règle maîtresse suivante, à savoir que tous les noms qui désignent les effets
de Dieu dans les créatures appartiennent à l'Essence divine. 127. Mais
les noms distinctifs, à savoir ceux qui appartiennent en propre à
chacune des trois Personnes de la Trinité, sont : le nom supra-substantiel
ou hypostatique de la Personne du Père et sa fonction, à savoir
son acte qui est celui d'engendrer ; et de même le nom de Fils et sa
fonction qui est d'être engendré ; et le nom d'Esprit-Saint
ainsi que son acte qui est de procéder des deux premiers, à savoir du Père et
du Fils ; de telle sorte que pour de tels noms, on ne peut opérer aucune
conversion, comme si on disait que le Père engendre le Fils et inversement
que le Fils engendre le Père ; on ne peut y opérer non plus aucune mise en
commun, comme si on disait que le Père et le Fils engendrent une autre
personne. Et de même le mystère de l'Incarnation appartient séparément ou en
propre à une personne divine, car seule la personne du Fils est incarnée ; et
c'est ce que Denys dit, à savoir qu'Il est distinct des précédentes
Personnes : car la nature parfaite et invariable de Jésus quant à sa divinité
tient selon nous à son union à l'humanité et tous ses autres mystères
substantiels ou personnels se rapportent à la bonté de son Incarnation. |
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LECTIO 2 [84838] In De divinis
nominibus, cap. 2 l. 2 Quia in solutione obiectionis supra positae
dixerat quod theologia de divinis personis quaedam
tradit unitive et quaedam discretive, intendit hic exponere qualis sit
unitio et discretio in divinis ; et primo, exponit secundum quod possibile
est ; secundo, dicit quod non potest totaliter et perfecte a nobis exponi ;
ibi : sed harum et cetera. Circa primum duo facit : primo,
tradit modum secundum quem exponere intendit ; secundo, secundum illum modum
exponit ; ibi : vocant enim et cetera. Dicit ergo quod ad
pleniorem intellectum praemissae solutionis, oportet, secundum
eius arbitrium, magis exponere perfectum modum divinae unitionis et
discretionis, resumentes solutionem a principio, ita ut
omnis sermo noster circa hoc fiat conspicuus, idest
manifestus. Ad quod consequendum, duo ponit vitanda et tria observanda :
vitandum enim est sive respuendum omne varium confusum et
permixtum. Cum enim aliquis diversa confuse et indistincte dicit, oportet
quod nunc de hoc, nunc de illo loquatur et sic in sermone apparet varietas ;
respuendum est omne non planum idest obscurum, quod quidem
potest contingere si intelligibilia tradantur absque sensibilium exemplorum
manuductione vel si per verba inusitata aliqua manifesta traderentur. Contra
haec autem duo, ponit duo observanda : ut scilicet, sermo eius
determinet, secundum virtutem loquentis, propria,
idest connaturalia nobis ; discrete, contra hoc quod dixerat
: varium ; et plane, contra hoc quod dixerat : non planum
; et addit tertium, scilicet, ordinate ; oportet enim ad hoc quod
doctrina sit manifesta, ut procedatur secundum ordinem disciplinae, a manifestioribus
incipiendo et ab his per quorum cognitionem alia cognoscuntur. Promittit
etiam se expositurum perfectum modum divinae unitionis et discretionis, quia
assignabit modos omnes, secundum quos unitio et discretio possunt accipi in
divinis, non autem quod ipsum modum, secundum quod in Deo perfectus est,
manifestare possit ; hoc enim supra virtutem nostram est, ut infra probabit.
Deinde, cum dicit : vocant enim et cetera, prosequitur
expositionem unitionis et discretionis divinae : et primo, quantum pertinet
ad deitatem ; secundo, quantum pertinet ad humanitatem Christi ; ibi : discretum
autem est et cetera. Circa primum, duo facit : primo, exponit duos
modos unitionis et discretionis ; secundo, subdit utrumque ; ibi : et
dicunt et cetera. Circa primum, duo facit : primo, exponit communem
modum unitionis ; secundo, communem modum discretionis ; ibi : discretionis et
cetera. Dicit ergo, primo, quod, sicut in aliis suis libris dixerat, scilicet
in libro de divinis hypotyposibus, sancti magistri nostrae theologicae
traditionis idest Christianae doctrinae, scilicet apostoli et eorum
discipuli vocant unitiones divinas, quasdam occultas et
inegressibiles supercollocationes divinas quae sunt singularitatis divinae, superineffabilis
et superignotae. Ad cuius evidentiam considerandum est, quod, cum omnis
multitudo rerum a principio primo effluat, primum principium, secundum quod
in se consideratur, unum est ; secundum autem emanationem qua ab eo procedit
multitudo, iam invenitur a quo primum principium distingui possit, quia ratio
multitudinis in distinctione consistit. Considerare igitur primum principium,
secundum quod in se est, hoc est considerare unitionem ipsius et hanc
existentiam primi principii in seipso, supercollocationem vocat
; et nominat hanc supercollocationem et occultam et inegressibilem :
occultam quidem quia intantum Deus potest a nobis cognosci,
inquantum participationes suae bonitatis cognoscimus ; secundum autem quod
est in se, est nobis occultus ; inegressibilem autem dicit,
quia secundum quod in seipso est primum principium nulli communicatur et sic
quasi a seipso non egreditur : et propter hoc et ipsam divinitatem sic
consideratam, per excellentiam distinguentem ipsam ab omnibus, vocat singularitatem,
quia singulare est quod est incommunicabile. Deinde, cum dicit : discretiones et
cetera, exponit, per oppositum, communem modum discretionum ; et dicit quod
praedicti magistri vocant discretiones, processiones et
manifestationes deitatis, quae conveniunt ei inquantum ipsum bonum,
quia de ratione boni est quod ab eo procedant effectus per eius
communicationem. Et considerandum quod contra id quod supra dixerat : occultas
et inegressibiles, satis congrue posuit processiones et
manifestationes, quia per effectus progredientes ab ipso manifestatur, et
quodammodo ipsa deitas in effectus procedit, dum sui similitudinem rebus
tradit, secundum earum proportionem, ita tamen, quod sua excellentia et
singularitas sibi remanet, incommunicata rebus et occulta nobis. Hae igitur
processiones vocantur discretiones, quia nisi a primo principio
alia effluerent, non haberet primum principium a quo discerneretur. Deinde,
cum dicit : et dicunt et cetera, subdit utrumque dictorum
modorum ; et primo, ponit subdivisionem ; secundo, manifestat eam ; ibi
: sicut et cetera. Dicit ergo, primo, quod illi qui
sequuntur sacras Scripturas et sequuntur proprias rationes praedictae
unitionis et iterum praedictae discretionis, dicunt quod tam in praedicta
unitione communi sunt quaedam propriae unitiones et discretiones,
quam etiam in praedicta communi discretione. Deinde, cum dicit sicut
in unitione divina et cetera, exponit subdivisionem ; et primo,
ostendit quomodo, in praedicto modo unitionis communi, sit quaedam unitio et
discretio ; secundo, ostendit quod, etiam in discretione praedicta, est
unitio et discretio ; ibi : est autem et cetera. Circa
primum, duo facit : primo, ostendit quomodo in praedicta unitione sit propria
unitio ; secundo, quomodo in praedicta unitione sit discretio ; ibi : mansio
principalium et cetera. Ad intellectum ergo huius partis
considerandum est quod, cum supra, acceperit rationem unitionis divinae ex eo
quod Deus in seipso secundum suam excellentiam consideratur, ista
consideratio est duplex. Potest enim considerari ista superexcellens Dei
essentia in seipso : vel secundum essentiam et sic est unitum et commune toti
Trinitati ; vel secundum quod una personarum est in alia et sic in unitione
invenitur discretio. Hoc est ergo quod dicit : sicut in unitione
divina, idest supersubstantialitate, quasi dicat : sic accipio, modo
unitionem divinam secundum communem rationem unitionis supra positam,
secundum quod ratio unitionis consistit in quadam excellentia deitatis ; in
hac, inquam, unitione communi, est unitum et commune principali
Trinitati, quidquid ad superexcellentiam essentiae divinae pertinet et,
per hoc, dat intelligere quod ratio unitatis propriae, quam nunc exponit,
nihil est aliud quam esse commune tribus personis ; et exemplificat :
sicut essentia supersubstantialis, divinitas superdea, idest
super modum deitatis communicatae rebus, et bonitas superbona, et
identitas quae est super omnia, secundum quam, scilicet, Deus est idem
sibi, et unitas super principatum, unitas, inquam, totalis
proprietatis existentis scilicet super omnia. Et hoc
dicit quia unum habet rationem principii. Unum autem est unum secundum quod
in seipso indivisum est ; hoc autem est illud quod retinet proprietatem suae
naturae. Quasi dicat quod ipse, inquantum est unitas, est principium super
omne principium, habens in se suam proprietatem qua supra omnia existit. Ad
hanc etiam excellentiam est et quod a nobis ignoratur propter excellentiam
sui luminis et quod a nullo intellectu creato est perfecte intelligibilis,
idest comprehensibilis et quod de eo omnia possunt affirmari et omnia negari,
secundum modum in praecedenti capitulo expositum, cum tamen ipse sit super
omnem affirmationem et negationem ; est enim super omnem intellectum nostrum,
qui affirmationes et negationes componit. Deinde, cum dicit : mansio
principalium et cetera, exponit quomodo discretio est in communi
modo unitionis, quae est superexcellentiae collocatio ; et circa hoc, tria
facit : primo, ponit quod intendit ; secundo, manifestat propositum, per
exemplum sensibile ; ibi : quemadmodum et cetera ; tertio,
ostendit exemplum esse deficiens a tantae rei repraesentatione ; ibi : et
haec totaliter et cetera. Dicit ergo, quod mansio
principalium personarum in se invicem, idest secundum quod una divinarum
personarum est in alia, et collocatio unius in aliam, si
ita oporteat nominari, cum distinctionem importet, tamen est totaliter
superunita, idest pertinens ad illam unitionem excellentiae de qua supra
dictum est. Deinde, cum dicit : quemadmodum et cetera,
manifestat, per exemplum sensibile, quod in praedicta unitione possit esse
discretio ; in quo quidem exemplo, tria facit : primo, ponit exemplum
sensibile, in quo dicit esse simul unitionem et discretionem ; secundo,
ostendit quod in illo exemplo sit unitio ; ibi : et quidem videmus et
cetera ; tertio, quod in eo sit discretio ; ibi : sed etiam si unus et
cetera. Dicit ergo primo quod ut utamur exemplis
sensibilibus et propriis nobis, lumina plurium luminarium,
existentia in domo una, et tota sunt invicem in se totis et tamen habent
diligentem, idest optimam et perfectam discretionem ad se invicem
proprie subsistentem ; et sic plura lumina sunt unita cum discretione
et discreta cum unitione. Deinde, cum dicit : et
quidem et cetera, ostendit quod praedicta lumina habeant unitionem
ad invicem ; et dicit quod videmus, multis luminaribus existentibus
in domo una, omnium luminarium lumina esse unita
ad unum quoddam lumen, quia in eadem parte aeris omnium luminarium lumina resplendent
; et hoc est quod subdit : et una claritate indiscreta, idest
indistincta, secundum locum vel subiectum, resplendentia ; et nullus,
ut arbitror, posset lumen huius luminaris, in aere, secundum
quod continet omnia lumina, discernere ab aliis et videre alterum
eorum sine altero, propter hoc quod totum unum lumen est
concretum alteri, sine mixtione, tollente scilicet discretionem.
Deinde, cum dicit : sed etiam si unus et cetera, ostendit
quod maneat ibi discretio, quia si aliquis educat unum de
luminaribus, utpote unam candelarum, simul egreditur cum illo totum proprium
lumen, quod ex luminari illo in domo erat, quod ex hoc patet quod lumen,
in domo, minoratum invenietur ; ita tamen, quod lumen egrediens non simul
secum avellet aliquod aliorum luminum, nec etiam aliquid sui cum aliis luminibus
derelinquat ; quod esse non posset, si esset facta mixtio luminum, utpote si
aqua cineri aut farinae misceatur, non potest extrahi tota, quin aliquid
remaneat farinae aut cineri immixtum et quin etiam de cineribus aut farina
deperdatur vel simul egrediatur. Sed quod hoc in luminibus non contingit,
ideo est quia erat totorum luminum ad tota, perfecta coniunctio
absque omni mixtione et nulla partium confusione existente. Est autem hic
considerandum quod, de lumine, fuit duplex opinio physicorum : quidam enim
dixerunt lumen esse corpus et secundum hanc opinionem, satis plane videtur
procedere exemplum inductum. Sic enim loqui videtur Dionysius de pluribus
luminibus ex diversis luminaribus in uno aere procedentibus, sicut si
loqueretur de pluribus corporibus et praecipue propter hoc quod dicit
quod habent discretionem subsistentem, subsistere enim est
substantiarum tantum, et propter hoc est quod dicit, quod unum lumen
egreditur sine altero, in quo videtur designari quidam motus localis, qui est
corporum tantum. Si vero lumen non sit corpus, sed qualitas, secundum
opinionem aliorum, non haberent lumina discretionem subsistentem, quin immo,
ex diversis luminaribus, sicut ex diversis causis agentibus, fiet unum lumen
tantum, intensius in aere et uno lumine subtracto, cessaret superadditio
intensionis, sicut ex pluribus causis calefacientibus, intenditur calor in
calefactibili et, una causa subtracta, minuitur calor. Haec autem secunda
opinio verior est ; unde potest dici quod Dionysius hic loquitur de
subsistenti discretione luminum et de egressione alicuius eorum per respectum
ad luminaria et non secundum se. Tamen considerandum est quod consueverunt
tam philosophi quam etiam sacri doctores, aliquando, ad propositum
manifestandum, exemplis aliquibus uti, secundum aliquas opiniones apud
aliquos probabiles, licet ipsi eam non sequantur. Deinde, cum dicit : et
haec totaliter et cetera, ostendit quod istud exemplum deficit a
tantae rei repraesentatione ; et dicit quod haec quae dicta
sunt de diversis luminibus, totaliter accidunt in rebus
corporeis et materialibus, scilicet in corpore aere ut in
loco, si lumina sint corpora vel ut in subiecto, si lumen est qualitas
; et, iterum, lumine sensibili dependente ex
materiali igne. Sed in divinis personis, dicimus collocari
supersubstantialem unitionem, non super solas unitiones quae sunt in corpore,
sed et super illas quae sunt in ipsis animabus et in ipsis mentibus angelicis
; quas quidem unitiones habent deiformia et
supercoelestia lumina, idest ipsi Angeli, tota per tota non mixte
et supermundane, dum scilicet unus Angelus toti alteri coniungitur per
intellectum et affectionem. Et huiusmodi inconfusa unitio in mentibus et
animabus, fit secundum proportionalem participationem illius unitionis quae
est in divinis personis, quae est supersegregata ab omnibus
participantibus, quia scilicet nullum participantium potest perfecte
imitari divinam unitionem. Deinde, cum dicit : est autem discretio et
cetera, exponit quomodo in communi modo discretionis supra signatae,
invenitur et discretio et unitio, idest aliquid commune toti Trinitati et
aliquid distinctum ad personas pertinens. Dictum est enim supra quod
discretiones divinae vocantur secundum processiones deitatis. Est autem
duplex processio : una quidem secundum quod una persona procedit ab alia et
per hanc multiplicantur et distinguuntur divinae personae et quantum ad hoc
attenditur discretio propria in communi modo discretionis ; alia est
processio secundum quam creatura procedit a Deo, secundum quam fit multitudo
rerum et distinctio creaturarum a Deo, et haec est discretio unita, idest
communis toti Trinitati. Primo, igitur, exponit quomodo aliqua discretio
pertineat ad discretionem personarum ; secundo, quomodo aliqua discretio
pertineat ad essentiae unitatem, ibi : si autem et divina discretio et
cetera. Dicit ergo primo, quod discretio in
supersubstantialibus theologiis ad divinas personas, non solum
est illa quam dixi quod per ipsam unitionem communem,
quae pertinet ad superexcellentiam deitatis, unaquaeque divinarum personarum,
immixtim et inconfuse collocatur in altera, sed etiam quod
ea quae pertinent ad fecunditatem Dei supersubstantialem,
numquam convertuntur ad se invicem, sicut convertebantur ea quae
pertinent ad collocationem personalem. Mutuo enim pater est in
filio et filius in patre, non tamen mutuo pater generat filium et filius
patrem ; et hoc est quod subdit quod solus pater est fons
supersubstantialis deitatis, ut in fonte, auctoritas intelligatur sive
principium non de principio ; nec filius est pater nec pater filius,
cum divinae laudes conservent secundum fidem Christianae religionis, suas
proprietates unicuique divinarum personarum.
Ultimo epilogando subdit, quod istae quae dictae sunt, sunt
unitiones et discretiones pertinentes ad ipsam divinam essentiam
ineffabilem et ad ineffabilem eius unitionem ; quia quod
sequitur de unitione et discretione, pertinet ad creaturas. |
Leçon 2 (5a) : La sorte d'unité et de distinction qu'on retrouve en Dieu.128.
Parce que dans la résolution de l'objection présentée plus haut (36 ; 124-125)
il avait dit qu'il existe une Théologie qui enseigne sur Dieu ce qu'il y a de
commun et qui en fait l'unité et une autre qui enseigne ce qui est propre à
chacune des Personnes divines et qui les distingue l'une de l'autre, il
cherche ici à expliquer quelle est cette unité et cette distinction qu'on
retrouve en Elles ; et d'abord, il l'explique dans la mesure du possible ;
deuxièmement, il dit qu'il n'est pas possible de l'expliquer totalement et
parfaitement, là (54) où il dit : mais de ces...(leçon 4) 129. Au
sujet du premier point, il fait deux choses : d'abord, il présente le mode
selon lequel il cherche à expliquer cela ; deuxièmement, il l'explique
conformément à ce mode, là (39) où il dit : En effet, ils appellent... 130. Il
dit donc que pour parvenir à une compréhension plus claire de la solution
précédente il faut, selon lui, expliquer davantage le mode
parfait de l'unité et de la distinction qu'on retrouve en Dieu, reprenant
cette solution à son point de départ de sorte que tout notre discours
à ce sujet devienne plus précis, plus évident. Pour y arriver il
présente deux choses à éviter et trois à observer : il faut éviter en effet tout
ce qui est bigarré, confus et mêlé. En effet lorsque quelqu'un dit de
nombreuses choses d'une manière confuse et grossière, il faut alors qu'il
parle tantôt de ceci et tantôt de cela et une incohérence apparaît ainsi dans
son discours ; il faut rejeter tout ce qui n'est pas clair, tout ce
qui est obscur, ce qui peut se produire si les vérités intelligibles sont
enseignées sans l'aide d'exemples sensibles ou si celles qui sont évidentes
le sont au moyen de termes inhabituels. Par opposition à ces deux défauts, il
présente deux choses à respecter de manière à ce que son discours marque les
limites, conformément aux capacités de celui qui parle, de ce qui nous
est propre, c'est-à-dire de ce qui nous est le plus naturel ; il devra
parler distinctement, par opposition à ce qu'il avait dit : de
manière bigarrée ; et clairement, par opposition à un autre terme
utilisé : de manière obscure ; et il ajoute un troisième point, à
savoir de manière ordonnée ; en effet, pour que la doctrine devienne
évidente, il faut procéder conformément à l'ordre propre à cette science en
commençant par ce qui est le plus évident et à partir des choses au moyen
desquelles s'acquiert la connaissance des autres choses. Il promet encore
d'expliquer le mode parfait de l'unité et de la distinction qu'il y a en
Dieu, car il assignera tous les modes selon lesquels l'unité et la
distinction peuvent être entendues chez les Personnes divines ; il ne parle
évidemment pas de la capacité de manifester ce mode parfait tel qu'il existe
en Dieu ; cela en effet dépasse notre capacité, ainsi qu'il le prouvera plus
loin (leçon 4). 131.
Ensuite, lorsqu'il dit (39) : En effet, ils nomment...il poursuit son
explication sur l'unité et la distinction qu'il y a en Dieu : et en premier
lieu, il le fait quant à ce qui appartient à la Divinité en tant que telle ;
deuxièmement, quant à ce qui appartient à l'Humanité du Christ, là (53) où il
dit : Mais il se distingue...(leçon 3) 132. Au sujet
du premier point, il fait deux choses : d'abord, il explique les deux modes
de l'unité et de la distinction divines ; deuxièmement, il subdivise l'un et
l'autre, là (41) où il dit : Et ils disent... 133.
Quant à la première partie, il fait deux choses : d'abord, il explique le
mode commun de l'unité ; deuxièmement, le mode commun de la distinction, là
(40) où il dit : les distinctions... 134. Il
dit donc en premier que, ainsi qu'il l'avait déjà affirmé dans ses autres
livres, c'est-à-dire dans le livre ¨Des divines Hypotyposes¨, les
saints maîtres de notre tradition théologique, à savoir de la doctrine
chrétienne, c'est-à-dire les Apôtres et leurs disciples, appellent unités
divines les supra-demeures divines, cachées et incommunicables qui
appartiennent en propre à la singularité divine supra-ineffable et
supra-inconnue. 135.
Pour comprendre cela, il faut considérer que, comme toute la multiplicité des
choses découle d'un premier Principe, ce dernier, en tant qu'il est considéré
en lui-même, est un ; mais selon l'écoulement par lequel la multitude procède
de lui, on découvre de quoi le premier Principe peut être distingué car la
notion de multiplicité implique la distinction. Donc, considérer le premier
Principe en tant qu'il existe en lui-même c'est le considérer dans son unité
et c'est cette existence du premier Principe en lui-même qu'il appelle supra-demeure
; et cette dernière, il la qualifie de cachée et d'incommunicable
: cachée certes parce que Dieu ne peut être connu de nous que dans la
mesure où nous connaissons ce qui participe de sa bonté ; mais quant à ce
qu'il est en lui-même, il nous demeure caché ; il la nomme aussi incommunicable
car selon ce qu'Il est en lui-même, le premier Principe ne se communique à
aucune réalité et ainsi en quelque sorte il ne sort pas de lui-même : et
c'est pour cela qu'il appelle singulière la divinité elle-même ainsi
considérée dans son excellence qui la distingue de toute créature car le
singulier est justement ce qui est incommunicable. 136.
Ensuite, lorsqu'il dit (40) : les distinctions...il explique, par
opposition, le mode commun de la distinction ; et il dit que pour ce qui est des
processions et des manifestations de Dieu, les maîtres dont il vient de
parler les appellent ainsi distinctions ; et ces dénominations Lui
conviennent en tant qu'Il est la bonté même car il est dans la nature du bien
de se communiquer aux effets qui procèdent de Lui. Et il faut considérer que
par opposition à ce qu'il avait dit plus haut de la Divinité quant à son
unité, à savoir qu'elle est cachée et incommunicable, il parle ici
avec suffisamment de justesse de processions et de manifestations car
c'est au moyen des effets qui procèdent de Lui que le Principe devient connu
; et la Divinité elle-même se prolonge d'une certaine manière dans les
effets, puisqu'elle transmet aux choses, proportionnellement à leur nature,
une image d'Elle-même de telle sorte cependant qu'elle retienne en elle son
excellence et sa singularité qui demeurent non communiquées aux choses et
inconnues de nous. Donc ces processions sont nommées distinctions car
le premier Principe ne pourrait se distinguer de rien si rien ne procédait de
Lui. 137. Et
ensuite lorsqu'il dit (41) : Et ils disent...il subdivise chacun des
modes précédents ; et d'abord, il présente la subdivision ; deuxièmement, il
la manifeste là (42) où il dit : Tout comme... 138. Il
dit donc en premier que ceux qui suivent les Saintes Écritures et qui
adhèrent aux définitions spécifiques de l'unité et de la
distinction présentées plus haut affirment que tant dans l'unité commune
que dans la distinction commune présentées plus haut il existe certaines unités
et distinctions spécifiques. 139.
Ensuite, lorsqu'il dit (42) : Comme dans l'unité divine...il présente
la subdivision ; et d'abord, il montre comment il existe, dans le précédent
mode commun de l'unité, à la fois une certaine unité et une certaine
distinction ; deuxièmement, il montre que dans la distinction commune
précédente aussi il existe une unité et une distinction, là (43) où il dit : Mais
il existe... 140. Au
sujet du premier point, il fait deux choses : d'abord, il montre comment il
existe une unité spécifique dans l'unité dont nous avons parlé ;
deuxièmement, il montre comment il existe aussi dans cette unité une
distinction, là (43) où il dit : La demeure des principes... 141.
Donc, pour comprendre cette partie, il faut considérer que, puisqu'il a
précédemment compris la notion d'unité divine à partir de ce que Dieu est
considéré en lui-même selon son excellence, cette considération est double.
En effet, cette essence éminemment excellente de Dieu qui existe en lui peut
être considérée soit sous le rapport de l'essence elle-même et ainsi elle est
une et commune à toute la Trinité, soit selon qu'une Personne existe dans une
autre et c'est ainsi qu'on retrouve une distinction dans cette unité. 142.
C'est donc cela que Denys dit en ces mots : Comme dans l'unité divine,
c'est-à-dire dans la supra-substantialité, comme s'il disait : j'entends
ainsi de cette manière l'unité divine conformément à la définition commune de
l'unité présentée plus haut, d'après laquelle la nature de l'unité consiste
en une certaine excellence de la Divinité ; dans cette unité commune, dis-je,
est un et commun à la Trinité originelle tout ce qui appartient
à l'éminente excellence de l'essence divine et par là il donne à comprendre
que la nature de cette unité propre qu'il explique maintenant n'est rien
d'autre que l'être commun aux trois Personnes ; et il illustre ce qu’il vient
de dire par ceci : comme l'essence supra-substantielle, la divinité
supra-divine, c'est-à-dire qui est au-dessus de la sorte de divinité
communiquée aux choses, et la bonté éminemment bonne et l'identité qui est
au-dessus de tout, c'est-à-dire selon laquelle Dieu est identique à
Lui-même, et l'unité qui est au-dessus de tout principe d'unité ,
l'unité, dit-il, de toute propriété existante, c'est-à-dire l'unité
qui transcende tout. 143. Et
il dit cela car l'un a raison de principe. Mais l'un est un selon qu'il n'est
pas divisé en lui-même ; et est précisément tel celui qui retient en lui-même
la spécificité de sa nature. Comme s'il disait que Lui-même, en tant
qu'unité, est le Principe qui transcende tout principe, possédant en Lui la
spécificité par laquelle il existe au-dessus de toute chose. C'est encore en
raison de cette excellence que nous l'ignorons, à cause de sa lumière
exceptionnelle, et qu'il n'est parfaitement intelligible ou compréhensible
par aucune intelligence créée et qu'à son sujet on puisse tout affirmer et
tout nier à la manière dont nous l'avons expliqué au chapitre précédent, bien
qu'Il soit Lui-même au-dessus de toute affirmation et de toute négation ; en
effet, il est totalement au-dessus de notre intelligence qui procède par mode
de composition en affirmant et en niant. 144. Ensuite,
lorsqu'il dit (43) : La demeure des principes...il explique comment se
présente la distinction qui existe dans le mode commun de l'unité, qui est la
demeure des principes qui transcendent toute excellence ; et à ce sujet, il
fait trois choses : d'abord, il présente son propos ; deuxièmement, il
manifeste son propos au moyen d'un exemple sensible, là (44) où il dit : de
même que... ; troisièmement, il montre que l'exemple est impuissant à
représenter parfaitement une telle réalité, là (47) où il dit : Et ceci ne
peut totalement... 145. Il
dit donc que la demeure des Principes personnels existant réciproquement
les uns dans les autres, c'est-à-dire d'après laquelle une des Personnes
demeure dans une autre, et la résidence de l'une dans une autre, s'il
faut s'exprimer ainsi, quoiqu'elle implique une distinction, est
cependant totalement et éminemment une, c'est-à-dire qu'elle
appartient à cette unité de l'excellence dont nous avons parlé plus haut (135,
141-142). 146.
Ensuite, lorsqu'il dit (44) : De même que...il manifeste, au moyen
d'un exemple sensible, que dans l'unité qui précède il puisse exister une
distinction ; et pour cet exemple, il fait trois choses : d'abord, il
présente l'exemple sensible dans lequel il dit qu'il y a à la fois unité et
distinction ; deuxièmement, il montre que dans cet exemple il y a unité, là
(45) où il dit : Et certes nous voyons... ; troisièmement, il montre
qu'il y a en lui distinction, là (46) où il dit : Mais aussi, si un … 147. Il
dit donc en premier que, pour nous servir d'exemples sensibles et
qui nous sont familiers, les lumières qui existent dans une
seule et même maison et qui proviennent de plusieurs luminaires sont
mutuellement toutes les unes dans les autres et gardent cependant une
soigneuse, c'est-à-dire une très grande et une parfaite distinction
qui subsiste véritablement entre elles ; et ainsi plusieurs lumières
se trouvent à être unies malgré leur distinction et à demeurer distinctes
malgré leur unité. 148.
Ensuite, lorsqu'il dit (45) : Et certes...il montre que les lumières
dont il vient de parler sont unies entre elles pour n'en former qu'une seule
; et il dit que nous voyons, à partir des nombreux luminaires qui existent
dans une maison, que les lumières de tous les
luminaires sont unies pour n'en former qu'une seule car les
lumières de tous les luminaires éclairent dans le même espace aérien ; et
c'est ce qu'il ajoute par ces mots : et par une seule clarté brillant dans
une union étroite, c'est-à-dire qui ne comporte aucune distinction sous
le rapport du lieu et du sujet ; et nul ne pourrait, je crois, dans cet
espace d'air qui contient toutes les lumières, distinguer la lumière
de ce luminaire de celle des autres et voir l'une sans l'autre
pour cette raison qu'une lumière est totalement unie à une autre mais sans
mélange qui ferait disparaître la distinction. 149.
Ensuite lorsqu'il dit (46) : Mais encore, si un ...il montre que même
alors la distinction est conservée, car si quelqu'un retire un des
luminaires, par exemple une des chandelles, en même temps sort avec lui toute
la lumière qui lui est propre et qui éclairait la maison à partir de
lui, ce qui devient évident en considérant qu'avec ce retrait, la lumière se
trouve à être diminuée dans la maison ; mais de telle sorte cependant que la
lumière qu'on retire n'enlève pas en même temps avec elle quelque chose des
autres lumières et n'abandonne pas aux autres lumières quelque
chose d'elle-même ; ce qui ne pourrait se produire s'il y avait eu un
mélange des lumières, comme cela se produit lorsque l'eau est mélangée à de
la cendre ou à de la farine car alors on ne peut retirer de l'eau qui ne soit
pas mélangée à de la farine ou à de la cendre et on ne peut le faire sans
retirer et perdre simultanément de la farine et de la cendre. Mais si cela ne
se produit pas pour notre exemple des luminaires, c'est bien sûr parce qu'il
y avait une union parfaite de toutes les lumières entre
elles sans aucun mélange et sans aucune confusion entre elles. 150. Il
faut cependant considérer ici qu'il y avait chez les Physiciens deux opinions
au sujet de la lumière : certains en effet disaient que la lumière est un
corps et il semble suffisamment clair que l'exemple qui précède procède de
cette opinion. C'est de cette manière en effet que Denys semble parler de
plusieurs lumières procédant de plusieurs luminaires dans un même espace
aérien, comme s'il parlait de plusieurs corps ; et ce qui nous le fait
penser, c'est qu'il dit que leur distinction subsiste dans l'unité, subsister
n'appartenant en effet qu'aux substances et c'est à cause de cela qu'il dit
qu'une lumière sort du faisceau sans les autres, en quoi il semble se référer
à un certain mouvement local, lequel est propre aux corps. 151.
Mais si en réalité la lumière n'était pas un corps mais plutôt une qualité
d'après l'opinion des autres Physiciens, les lumières dont on parle dans
notre exemple ne pourraient conserver une distinction qui subsisterait lors
de leur union ; mais au contraire à partir de différents luminaires comme à
partir de différentes causes efficientes ne serait produite qu'une seule
lumière ayant une plus grande intensité dans l'air et le retrait d'un
luminaire entraînerait la cessation dans l'augmentation de l'intensité, tout
comme à partir de plusieurs principes calorifiques la chaleur s'intensifie
dans le corps réchauffé et si on en enlève un, la chaleur diminue. Et cette
deuxième opinion est davantage conforme à la vérité ; d'où on peut dire que
quand Denys parle ici d'une distinction qui subsiste dans les lumières et du
retrait de l'une d'elles par rapport aux autres, il le fait en se référant
aux luminaires et non aux lumières en tant que telles. Cependant il faut
considérer que tant les Philosophes que les saints Docteurs avaient souvent
l'habitude pour manifester leur propos de se servir d'exemples tirés de
certaines opinions probables aux yeux de certains, même si eux-mêmes
n'adhéraient pas à ces opinions. 152.
Ensuite, lorsqu'il dit (47) : Et celles-ci totalement...il montre que
cet exemple ne suffit pas à représenter une réalité d'une telle grandeur et
il ajoute que tout ce qui a été dit des différentes lumières se
produit totalement dans les réalités corporelles et matérielles,
c'est-à-dire dans un air corporel, soit comme dans le lieu si la
lumière est un corps, soit comme dans un sujet si la lumière est une qualité
; et, encore une fois, la lumière sensible dépend d'un feu matériel.
Mais chez les Personnes divines nous disons que l'unité
supra-substantielle demeure non seulement au-dessus des seules unités qu'on
retrouve chez les corps mais aussi au-dessus de celles qui existent dans les
âmes elles-mêmes et dans les esprits angéliques eux-mêmes ; et ces
unités, c'est-à-dire celles des Anges, possèdent certes des
lumières supra-célestes qui sont conformes à Dieu et qui sont en tout
et partout sans mélange et au-dessus du monde, alors qu'un Ange s'unit
totalement à un autre par l'intelligence et l'affectivité. Et une telle unité
se produit sans mélange dans les âmes et dans les esprits dans la mesure où
ils participent, proportionnellement à leurs forces, de cette unité
qu'on retrouve dans les Personnes divines, unité qui transcende éminemment
tout ce qui en participe car rien de ce qui participe de l'unité divine
ne peut parfaitement l'imiter. 153.
Ensuite, lorsqu'il dit (48) : Il y a cependant une distinction...il
explique comment dans le mode commun de distinction présenté plus haut on
retrouve à la fois distinction et unité, c'est-à-dire quelque chose qui est
commun à toute la Trinité et quelque chose qui en distingue chacune des
Personnes. En effet nous avons dit plus haut (40 ; 136) qu'on appelle
distinctions divines tout ce qui procède de Dieu. Il existe cependant deux
manières de procéder ou de provenir de la Divinité : une certes selon
laquelle une Personne procède d'une autre et selon cette dernière c'est chez
les Personnes mêmes de la divinité qu'on retrouve multiplicité et distinction
et sous ce rapport notre attention se porte sur une distinction spécifique à
l'intérieur même du mode commun de distinction ; la deuxième est celle selon
laquelle une créature procède ou provient de Dieu et selon celle-là c'est
chez les choses créées par Dieu qu'on retrouve multiplicité et distinction et
cette distinction est une, c'est-à-dire commune à toute la Trinité. 154.
Donc il explique en premier comment il existe une distinction qui se rapporte
à la distinction des Personnes elles-mêmes ; deuxièmement, comment une autre
distinction se rapporte à l'unité de l'essence, là (49) où il dit : Si
cependant la distinction de la Divinité... (leçon 3a). 155. Il
dit donc que la distinction, qu'on retrouve chez les Théologiens de
la supra-substantialité à l'égard des Personnes divines, est non
seulement celle dont j'ai dit qu'au moyen de l'unité commune elle-même
qui appartient à la supra-excellence de Dieu, chacune des Personnes de
la Divinité demeure distincte dans l'autre sans mélange et sans confusion,
mais aussi celle dont j'ai dit que les propriétés qui se
rapportent à la fécondité supra-substantielle de Dieu ne se convertissent
jamais entre elles comme se convertissent celles qui appartiennent à la
demeure commune des Personnes. En effet le Père est dans le Fils et
réciproquement le Fils est dans le Père, cependant le Père engendre le Fils
mais le Fils n'engendre pas réciproquement le Père ; et c'est ce que Denys ajoute
en disant que seul le Père est la source supra-substantielle de la
Divinité, de sorte qu'on comprenne par le mot source l'autorité ou le
principe et non ce qui en provient ; le Fils n'est pas le Père et le Père
n'est pas le Fils, étant donné que les louanges adressées à Dieu
conservent à chacune des Personnes divines leurs propriétés
conformément à la foi de la religion chrétienne. 156. En
concluant il ajoute finalement que ces choses dont nous venons de
parler sont les unités et les distinctions qui se rapportent à l'essence
inexprimable de Dieu et à son indicible unité ; car ce qui suit
sur l'unité et la distinction se rapporte aux créatures. |
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LECTIO 3 [84839] In De divinis
nominibus, cap. 2 l. 3 Postquam exposuit Dionysius quomodo sub communi
modo discretionis, qui est secundum processionem, continetur propria
discretio, quae est secundum processionem unius personae ab alia, nunc
intendit exponere quomodo sub eodem communi discretionis modo, continetur et
quaedam propria unitio, quae est secundum processionem creaturarum a Deo, ad
totam Trinitatem pertinens ; et circa hoc duo facit : primo, proponit quod
intendit ; secundo, manifestat per exempla ; ibi : quemadmodum et
cetera. Ad evidentiam autem primae partis, considerandum est quod posset
aliquis dicere quod processio creaturarum non continetur sub divina
discretione, unde licet processio creaturarum communiter ad totam Trinitatem
pertineat, non tamen potest dici quod aliqua divina discretio sit communis
vel unita in Trinitate. Et ideo vult ostendere
quod processio creaturarum est quodammodo divina discretio, non tamen eo modo
quo processio divinarum personarum. Nam in processione divinarum personarum
ipsa eadem divina essentia communicatur personae procedenti et sic sunt
plures personae habentes divinam essentiam, sed in processione creaturarum,
ipsa divina essentia non communicatur creaturis procedentibus, sed remanet
incommunicata seu imparticipata ; sed similitudo eius, per ea quae dat
creaturis, in creaturis propagatur et multiplicatur et sic quodammodo
divinitas per sui similitudinem non per essentiam, in creaturas procedit et
in eis quodammodo multiplicatur, ut sic ipsa creaturarum processio possit
dici divina discretio, si respectus ad divinam similitudinem habeatur, non
autem si respiciatur divina essentia. Hoc est ergo quod dicit,
quod si processio possit dici divina essentia bonitati conveniens,
quae est unitionis divinae superunitae, idest unitatis essentiae,
in qua tres personae uniuntur, quae est super omnem unitatem, quae
quodammodo seipsam agit sive ducit ex sua bonitate in
pluralitatem et multiplicat seipsam, scilicet secundum suam
similitudinem, si, inquam, talis processio ea
ratione quod per eam divina unitas quodammodo multiplicetur, dici
potest divina discretio, tunc consequenter dicendum est
quod traditiones, idest donationes divinorum donorum, quae sunt
incomprehensae ex parte principii, sunt unitae, idest communes
toti Trinitati secundum divinam discretionem, idest secundum
communem modum divinae discretionis, qui secundum processionem attenditur. Et
quae sint istae traditiones ostendit subdens : substantificationes secundum
quod dat esse omnibus subsistentibus ; vivificationes secundum
quod dat vitam ; sapientificationes, secundum quod dat
sapientiam et alia dona divinae bonitatis, quae est
omnium causa, secundum quae dona divina participata per
similitudinem, non participabiliter, inquantum essentia manet
imparticipata, laudantur ex participationibus, idest ex donis
participatis, ut est esse, sapientia et vita et participantibus,
quibus scilicet, ista communicantur. Loquitur autem pluraliter de divinis vel
propter pluralitatem personarum vel propter pluralitatem nominum quae ipsi
Deo attribuuntur ; et hoc est toti divinitati commune. Et ne
intelligatur communitas rationis tantum sicut genus est commune speciebus et
species individuis, addidit : et unitum, ut ostendat unum numero
esse in tribus. Et ne aliquis intelligat unitatem ex multis congregatam,
sicut domus unitur ex partibus, addidit : et unum hoc,
scilicet omnem ipsam divinitatem, idest, secundum quamlibet
personam, totam participari ab unoquoque participantium per
similitudinem et a nullo participantium in nulla sui parte participari,
per commixtionem suae substantiae. Dicit autem totam eam participari,
non tamen totaliter vel perfecte, qui omnibus incomprehensibilis est, ut
supra dictum est. Et quia hoc ultimo dictum difficile videbatur et
contradictionem implicans, manifestat hic consequenter per exempla, cum dicit
: quemadmodum et cetera ; et circa hoc tria facit : primo,
ponit exempla ; secundo, ostendit ea esse deficientia ; ibi : excedit et
cetera ; tertio, obiicit contra praedicta et solvit ; ibi : quamvis et
cetera. Dicit ergo quod hoc ita est de participatione deitatis sicut punctum quod
est in medio circuli participatur ab omnibus lineis
in circulo circumpositis quae scilicet protrahuntur a centro ad
circumferentiam, inquantum quaelibet linea sortitur indivisibilitatem
secundum latitudinem, ad similitudinem indivisibilitatis puncti, prout
imaginamur punctum suo motu facere lineam et tamen punctum secundum situm
distinctum est a longitudine lineae. Et sicut etiam, multae
expressiones sigilli participant archetypo sigillo, idest principali
figurae sigilli (dicitur enim archetypum ab archon, quod est princeps et
typos, quod est figura) toto et eodem archetypo existente
in unaquaque expressionum, secundum similitudinem et in nulla earum secundum
nullam sui partem per substantiae commixtionem.
Deinde, cum dicit : excedit et cetera, ostendit haec exempla
esse deficientia a repraesentatione divina et dicit quod imparticipabilitas
divinitatis quae est omnium causa, excedit haec praedicta
exempla, quia imparticipabilior et minus commixta est deitas participantibus,
quam punctum et sigillum. Non enim est aliquis tactus deitatis
ad creaturas, eo scilicet modo quo, ex sigillo et cera, fit unum per
contactum ; neque etiam est alia quaedam communio per
quam commisceatur partibus rerum, sicut punctum commiscetur lineae, inquantum
est terminus eius. Deinde, cum dicit : quamvis et cetera, obiicit
contra hoc quod dixerat, quod sigillum totum existit in unaquaque
expressionum. Potest enim aliquis dicere hoc non esse verum, propter hoc quod
aliqua expressio invenitur quae non perfecte recipit formam sigilli. Sed ipse
respondet quod huius causa non est ex parte sigilli, quia
sigillum unum et idem totum se ingerit unicuique expressioni, sed
diversitas participantium facit dissimiles expressiones, idest
repraesentationes, unius et eiusdem principalis formae, quae
totaliter habet formam. Quomodo autem diversimode recipiatur in diversis,
forma unius sigilli, ostendit subdens : si enim ea in quibus
fit expressio, sint intantum mollia quod
facile possint recipere figuram ; et plana, idest absque
tumorositatibus, ut uniformis in eis fiat impressio ; et immaculata,
ne commixtio alienae materiae expressionem figurae impediat ; et neque
sit contraria figura, utpote si quis unius sigilli figuram imprimere
velit in cera iam alio sigillo signata ; et cum ad
recipiendum figuram sint aliqualiter dura, ut non sint facile
fusibilia et calefactibilia aut nimis liquefacta et mollia et
instabilia, quia sic non remaneret figurae impressio ; istis
conditionibus existentibus, materiae in quibus fit impressio, habebunt
figuram sigilli quamdam, absque permixtione alterius figurae
impressam et planam, idest inturgidam, absque deformitate et
permanentem. Sed si aliquid deficiat de dicta opportunitate figurationis, haec
erit causa quod figura non participetur vel quod non plane,
idest uniformiter, participetur et aliorum defectuum,
quicumque pertinent ad inopportunitatem participationis. Deinde, cum dicit
: discretum est autem et cetera, exponit discretionem quae
est secundum humanitatem Christi et dicit quod discretum est,
idest ad unam tantum personam pertinens, supersubstantiale verbum,
idest Dei filium esse factum secundum nos, idest hominem similem
nobis in natura ; ex nobis, accepta carne, non de coelo allata,
secundum Valentinum ; totaliter, idest non subtracta anima vel
intellectu, secundum Arium et Apollinarium ; et vere, non
phantastice, secundum Manichaeum. Et non solum ipsa incarnatio est
discretum, sed etiam actiones et passiones Dei incarnati ; quaecumque
sunt cum quadam electione et segregatione ab aliis attributa
Christo, secundum considerationem humanitatis ipsius, ut concipi, nasci,
comedere, bibere, dormire, crucifigi et alia huiusmodi ; istis enim
pater et spiritus secundum nullam rationem communicaverunt, quia neuter
eorum est incarnatus aut mortuus ; nisi forte dicat aliquis quod
communicaverunt praemissis, secundum voluntatem bonitati
divinae convenientem et benignam quoad nos : acceptaverunt
enim pater et spiritus sanctus incarnationem filii et passionem et alia
huiusmodi et similiter communicaverunt secundum omnem divinam
operationem superpositam creaturis et ineffabilem nobis, quam
faciebat Christus factus secundum nos, idest factus homo
passibilis, invariabilis manens secundum quod Deus
et Dei verbum. Non enim sic factus est homo quod divinitatem amitteret,
sed homo existens habebat operationem divinam, quae communis est sibi et
patri et spiritui sancto. Et sic destruitur hic
error ponentium unam operationem in Christo, per hoc quod attribuit Christo
operationem divinam communem toti Trinitati et operationem propriam sibi.
Ultimo autem epilogat : quod sic studemus divina nostro
sermone et unire et discernere sicut, secundum rei
veritatem, sunt unita et discreta. |
Leçon 3 (6a) : Comment une certaine unité spécifique, qui existe selon le rapport de proportion des créatures à Dieu, est contenue sous le mode commun de la distinction et appartient à toute la Trinité.157.
Après avoir montré que sous le mode commun de la distinction, lequel
s'établit selon ce qui procède de Dieu, est contenue une distinction
spécifique qui se définit par le fait qu'une Personne procède d'une autre,
Denys cherche ici à expliquer comment sous le même mode commun de
distinction, qui se manifeste par le fait que les créatures procèdent de
Dieu, est contenue une certaine unité spécifique et qui est commune à toute
la Trinité ; et à ce sujet il fait deux choses : d'abord, il présente son
propos ; deuxièmement, il l'explique au moyen d'exemples, là (50) où il dit :
De même que... 158.
Pour manifester la première partie, il faut considérer que quelqu'un pourrait
dire que le fait que les créatures procèdent de Dieu ne fait pas partie de la
distinction divine et de là, bien que la procession des créatures se rapporte
communément à toute la Trinité, on ne pourrait dire qu'une certaine
distinction de Dieu serait commune à la Trinité. Et c'est pourquoi Denys veut
montrer que le fait que les créatures procèdent de Dieu est d'une certaine
manière une distinction divine, distinction qui n'est pas la même que celle
par laquelle une Personne procède d'une autre. Car dans le fait qu'une
Personne divine procède d'une autre, c'est la même essence divine elle-même
qui est communiquée à la Personne qui procède et c'est ainsi qu'il y a
plusieurs Personnes qui possèdent la même essence divine, tandis que dans le
fait que les créatures procèdent de Dieu, l'Essence divine elle-même n'est
pas communiquée aux créatures qui en procèdent mais elle demeure dans la
Trinité, et n'est pas communiquée aux créatures ni participée par elles ;
mais au moyen de tout ce que la Divinité donne aux créatures, une image de
son essence se répand et s'accroît dans les créatures et c'est ainsi que
d'une certaine manière la Divinité se prolonge et s'accroît dans les
créatures par son image et non par son essence de telle sorte que le
prolongement même de Dieu dans les créatures puisse être nommé une
distinction divine si on le considère comme une image de Lui et non comme son
Essence. 159.
C'est donc là ce que Denys affirme en disant que si l'essence divine peut
être nommée procession, conformément à sa bonté, laquelle appartient
à son unité divine qui transcende toute unité, c'est-à-dire à l'unité
de son essence dans laquelle les trois Personnes sont unies, et qui est
au-dessus de toute unité, d'une certaine manière Dieu, de par sa bonté même,
s'étend et se répand dans la multiplicité et s'accroît lui-même,
c'est-à-dire par manière de ressemblance ; et si, dit-il, une telle procession
peut être nommée distinction divine, pour cette raison qu'au moyen de
son image l'unité divine se multiplie d'une certaine manière, alors par
conséquent il faut dire que ces transmissions, c'est-à-dire les
donations des dons divins, qui sont incompréhensibles du côté du Principe,
sont unes, c'est-à-dire communes à toute la Trinité selon la
distinction divine, c'est-à-dire selon le mode commun de la distinction
divine qui s'entend selon la procession ou la participation. 160. Et
il montre quelles sont ces transmissions en ajoutant : les
substantifications, selon qu'Il donne l'être à tout ce qui subsiste ; les
vivifications, selon qu'Il donne la vie ; les productions de sagesse,
selon qu'Il donne la sagesse et les autres largesses tirées de sa bonté
divine qui est la Cause de tout ce qui existe et conformément à laquelle
les dons divins sont participés par mode de ressemblance, mais qui
n'est pas participable en Elle-même puisque l'essence divine demeure
imparticipable. Et ces transmissions sont célébrées tant à partir des
participations, c'est-à-dire à partir des dons participés, tels l'être,
la sagesse et la vie, qu'à partir des participants, c'est-à-dire de
ceux auxquels ces dons sont communiqués. Mais en outre il parle du divin de
plusieurs manières, soit à cause de la pluralité des Personnes divines, soit
à cause de la multiplicité des noms qui sont attribués à Dieu lui-même ; et cela
reste commun à toute la divinité. 161. Et
pour qu'on n'entende pas seulement par là une communauté de raison, comme le
genre est commun aux espèces et les espèces aux individus, il ajoute : et
l'unité, pour montrer que dans les trois Personnes il y a une unité selon
le nombre. Et afin qu'on n'entende pas par là une unité tirée de la
composition des parties, tout comme l'unité de la maison se tire de la
composition de ses parties, il ajoute : et cet un, c'est-à-dire toute
la Divinité elle-même, c'est-à-dire toutes les Personnes, est toute
participée par chacun des participants par manière de ressemblance et par
aucun d'eux et en aucune de ses parties par union à sa
substance. Il dit par ailleurs que la Divinité est totalement participée,
mais non qu'elle l'est entièrement ou parfaitement, puisqu'elle est
incompréhensible à tout être, ainsi que nous l'avons souligné précédemment (72). 162. Et
parce qu'à la fin cette parole semblait difficile à saisir et impliquer une
contradiction, il la manifeste ici par conséquent au moyen d'exemples lorsqu'il
dit (50) : Et de même que … ; et à ce sujet il fait trois choses :
d'abord, il présente les exemples ; deuxièmement, il montre leur insuffisance
là (51) où il dit : Elle dépasse... ; troisièmement, il présente une
objection à l'encontre de ce qui précède et il la résout là (52) où il dit : Bien
que... 163. Il
dit donc qu'il en est de la participation de la Divinité par ses créatures
comme il en est de la participation du point, qui est au milieu du
cercle, par toutes les lignes qui sont disposées autour de lui dans le
cercle, c'est-à-dire qui se prolongent du centre vers la circonférence,
dans la mesure où toute ligne obtient l'indivisibilité selon l'étendue à la
ressemblance de l'indivisibilité du point, selon que nous imaginons le point
en train de faire la ligne par son mouvement, et cependant le point, selon le
lieu, est distinct de la longueur de la ligne. 164. Et
de même encore, les différentes empreintes d'un sceau participent du
sceau archétype, c'est-à-dire de la figure du sceau originel (archétype
en effet se tire de ¨archon¨ qui signifie premier et de ¨typos¨ qui signifie
figure), du même archétype qui existe en totalité dans chacune des
empreintes par mode de ressemblance mais qui n'existe dans aucune
d'elles et selon aucune de ses parties par manière de mélange à
sa substance. 165.
Ensuite, lorsqu'il dit (51) : Elle dépasse...il montre que ces
exemples ne représentent pas adéquatement la Divinité et il dit que l'imparticipabilité
de la Divinité qui est la cause de toute chose, dépasse ces
exemples qui précèdent, car la divinité est plus imparticipable et moins unie
aux créatures qui en participent que le point et le sceau ne le sont
respectivement à la ligne et aux empreintes. En effet il n'y a pas de toucher
entre la Divinité et les créatures, c'est-à-dire à la manière dont le sceau
et la cire deviennent unis pas contact ; et encore il n'y a pas d'autre
mise en commun par laquelle elle se confondrait aux parties des choses
comme le point se confond avec la ligne dans la mesure où il en est le terme. 166.
Ensuite, lorsqu'il dit (52) : Bien que...il présente une objection à
l'égard de ce qu'il vient de dire, à savoir que le sceau existe dans sa
totalité dans chacune de ses empreintes. Quelqu'un pourrait dire en
effet que cela n'est pas vrai puisqu'on retrouve certaines empreintes qui ne
reçoivent pas parfaitement la forme du sceau. 167.
Mais il répond lui-même que la cause de cela ne doit pas se trouver du
côté du sceau car l'unique et même sceau se donne en son entier
à chacune de ses empreintes, mais c'est une différence parmi ceux
qui en participent qui conduit à des empreintes ou à des
représentations différentes d'une seule et même forme originelle qui
est la forme dans sa totalité. Mais
il montre comment la forme d'un sceau est reçue différemment dans différents
sujets qui en participent en ajoutant : si en effet les matières dans
lesquelles se produisent les empreintes sont souples au point qu'elles
puissent facilement recevoir la figure ; et de surface unie,
c'est-à-dire sans saillies pour que l'empreinte se fasse en elles de manière
uniforme ; et sans souillure, afin qu'il n'y ait pas de mélange avec
une matière étrangère qui empêcherait la représentation de la figure ; et
qu'il n'y ait pas déjà de figure qui s'y opposerait, par exemple si
quelqu'un voulait imprimer la figure d'un sceau dans une cire qui serait déjà
marquée par un autre sceau ; mais parfois il y a des matières qui sont
dures d'une manière ou d'une autre et résistent à la réception d'une
figure de sorte qu'elles sont difficilement aptes à fondre et à être
réchauffées et qu'il y en a d'autres qui au contraire sont trop liquéfiables,
trop souples et trop instables pour que l'impression de la figure
puisse s'y conserver ; quand existeront les premières conditions, les
matières dans lesquelles se fera l'impression auront une figure du
sceau qui sera imprimée d'une manière unie, sans le mélange d'une
autre figure, c'est-à-dire sans enflure, sans difformité, et permanente.
Mais si une de ces conditions favorables à la réalisation de la figure
vient à manquer, cela sera cause du côté de la matière d'une
incapacité à participer entièrement ou uniformément de la figure, ou de
tout autre défaut qui fait obstacle à sa participation. 168.
Ensuite, lorsqu'il dit (53) : Mais il est distinct..., il explique la
distinction qui se rapporte à l'Humanité du Christ et il dit qu'il est
propre au Verbe supra-substantiel, c'est-à-dire qu'il appartient à une
seule Personne, c'est-à-dire au Fils de Dieu, d'avoir été fait semblable à
nous, à savoir qu'Il a été fait homme semblable à nous selon la nature ;
d'une chair reçue de nous et non apportée du ciel comme le pensait
Valentin ; d'avoir été fait homme totalement, c'est-à-dire sans qu'il
lui manqua l'âme ou l'intelligence, ainsi que le croyaient Arius et
Apollinaire ; et de l'avoir été véritablement et non de manière
symbolique comme le prétendait Manès. Et non seulement l'Incarnation
elle-même lui est propre mais les actions et les passions du Dieu
incarné le sont tout autant ; quelles que soient celles qu'on
choisisse de mettre à part pour les attribuer au Christ en considérant son
humanité, comme d'avoir été conçu, de naître, de manger, de boire, de dormir,
d'être crucifié, et les autres choses du même genre ; en effet, le Père et
l'Esprit ne partagèrent en aucune manière avec le Fils les actions et les
passions de cette sorte car aucun d'eux n'est incarné ou mortel ; à
moins bien sûr que quelqu'un dise qu'Ils partagèrent ces choses
avec Lui selon la volonté conforme à leur bonté divine et bienveillante
à notre égard : en effet le Père et l'Esprit-Saint ont accepté l'Incarnation
du Fils ainsi que sa Passion tout comme le reste et de même Ils prirent part à
toute opération divine transcendant les créatures et qui nous est indicible
et que le Christ faisait alors qu'Il était fait comme nous,
c'est-à-dire comme un homme passible, tout en demeurant invariable en
tant que Dieu et Fils de Dieu. En effet, le Christ ne fut pas fait homme
de manière à perdre sa Divinité, mais en existant comme homme il possédait
l'opération divine qui est commune à la fois au Père, à l'Esprit-Saint et à
Lui-même. Et ainsi, en attribuant au Christ à la fois l'opération commune à
toute la Trinité et l'opération qui Lui est propre, Denys détruit l'erreur de
ceux qui affirmaient qu'il n'y a qu'une seule sorte d'opération dans le
Christ. 169. Et
il conclut finalement ainsi : appliquons-nous par notre discours à
l'examen des réalités divines de telle manière que, conformément à la
vérité des choses, nous gardions uni ce qui est commun à toute la Divinité
et que nous distinguions ce qui y est différent. |
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LECTIO 4 [84840] In De divinis
nominibus, cap. 2 l. 4 Postquam Dionysius exposuit modum unitionis et
discretionis divinae, excusat se a perfecta horum manifestatione ; et
dividitur in partes duas : in prima, ostendit quod discretiones divinae et
unitiones non possunt sufficienter a nobis manifestari ; in secunda,
prosequitur de discretione quae est secundum processionem creaturarum, quia
hoc maxime pertinet ad intentionem praesentis libri ; ibi : igitur et
cetera. Circa primum, duo facit : primo, ponit excusationem a perfecta
manifestatione praedictorum ; secundo, rationem assignat ; ibi : omnia
enim et cetera. Dicit ergo, primo, quod in libro de theologicis
hypotyposibus, ipse exponit sicut erat sibi possibile, causas idest
rationes praedictarum unitionum et discretionum, quascumque invenit
in sacris Scripturis, Deo convenientes, tractans id quod erat
proprium unicuique ; ita, tamen, quod quaedam revolvit et
discussit veridico sermone et reseravit, idest aperuit et
ulterius reduxit in manifestas visiones eloquiorum, idest
manifestas auctoritates sacrae Scripturae quae continent visiones et
revelationes factas prophetis et apostolis ; id quod sancte intelligi potuit
et manifeste, post discussionem et reserationem. Non enim sufficit in rebus
divinis humano ingenio veritatem discutere et aperire, nisi veritas, quae
post discussionem invenitur, sacrae Scripturae concordet et per eam
confirmetur. Et cum quaedam sic reseravit, quibusdam tamen sicut
mysticis, idest occultis, unitus fuit super operationem
intellectualem et hoc secundum quod tradita est a
Deo : ordinatum est enim nobis a Deo, ut in his quae super intellectum
nostrum sunt, uniamur adhaerentes per fidem. Deinde, cum dicit : omnia
enim et cetera, assignat rationem quare in rebus divinis sint
quaedam mystica, quae intellectum nostrum excedunt ; et circa hoc, duo facit
: primo, manifestat hoc ex parte deitatis ; secundo, ex parte humanitatis
Christi ; ibi : sed quod est et cetera. Circa primum, tria
facit : primo, assignat rationem praemissorum ; secundo, manifestat rationem
assignatam, per exempla ; ibi : sicut et cetera ; tertio,
probat per similitudinem in aliis causis et causatis ; ibi : neque
enim et cetera. Dicit ergo, primo, quod omnia divina etiam quae
nobis manifestata sunt, cognoscuntur a nobis solum
participationibus. Cuius ratio est, quia nihil cognoscitur nisi secundum
quod est in cognoscente. Sunt autem quaedam cognoscibilia, quae sunt infra
intellectum nostrum, quae quidem habent simplicius esse in intellectu nostro,
quam in seipsis, sicut sunt omnes res corporales, unde huiusmodi res dicuntur
cognosci a nobis per abstractionem. Divina autem simplicia et perfectiora
sunt in seipsis quam in intellectu nostro vel in quibuscumque aliis rebus
nobis notis, unde divinorum cognitio dicitur fieri non per abstractionem, sed
per participationem. Sed haec participatio est duplex : una quidem, secundum
quod divina in ipso intellectu participantur, prout scilicet intellectus
noster participat intellectualem virtutem et divinae sapientiae lumen ; alia
vero, secundum quod divina participantur in rebus quae se intellectui nostro
offerunt, inquantum scilicet per participationem divinae bonitatis, omnia
sunt bona et per participationem divini esse seu vitae, res dicuntur
existentes seu viventes. Et secundum utramque istarum participationum divina
cognoscimus. Ostensum est autem supra, quod Deus ita participatur a creaturis
per similitudinem, quod tamen remanet imparticipatus super omnia per proprietatem
suae substantiae. Unde, si divina non cognoscuntur a nobis nisi solis
participationibus, consequens est quod ipsa divina, qualia sunt et secundum
propriam rationem principii et secundum quod divina collocantur in seipsis,
sunt super omnia, sicut supra omnem mentem et supra omnem substantiam et
supra omnem cognitionem. Deinde, cum dicit : sicut si et
cetera, manifestat rationem propositam per exempla ; et primo, in
processionibus creaturarum ; secundo, in processionibus divinarum personarum
; ibi : rursus et cetera. Dicit ergo, primo, quod si illud occultum divinae
essentiae, quod est super omnem substantiam, nominemus aut Deum
aut vitam aut substantiam aut lumen aut rationem vel quocumque alio
tali nomine, non per hoc intelligimus id ipsum quod Deus est, sed nihil
aliud intellectus concipit, nisi virtutes quae
rebus ex Deo proveniunt, quibus formaliter deificantur vel substantificantur
aut vivificantur aut sapientificantur. Sed cum Deus sit super omnes huiusmodi
processiones, oportet quod nos immittamus nos in Deum, ad cognoscendum ipsum
secundum remotionem ab omnibus operationibus intellectualibus,
idest ab omni eo quod cadit in intellectum nostrum et hoc ideo quia nos non
possumus per intellectum videre aliquam deificationem aut vitam vel substantiam,
quae perfecte comparari possit illi causae quae est
segregata ab omnibus rebus secundum totalem excessum.
Non enim cadit in visionem intellectus nostri, nisi aliquod ens creatum et
finitum quod omnino deficit ab ente increato et infinito et ideo oportet quod
Deum intelligamus esse supra omne id quod intellectu apprehendere possumus.
Deinde, cum dicit : rursus et cetera, manifestat idem in his
quae pertinent ad processiones divinarum personarum et dicit quod ex sacris
Scripturis, accepimus quod pater est fontana deitas, idest quod
pater est fons et principium totius deitatis et quod filius et
spiritus sanctus, si ita oportet dicere, sunt quaedam pullulationes
deigenae deitatis, idest patris qui est Deus generans, pullulationes inquam
non extra divinam naturam sicut creaturae, sed in ipsa divina natura et sunt
etiam sicut flores et supersubstantialia lumina. Nec est mirum si
haec pluraliter dicimus de divinis personis, quia si in metaphoricis
locutionibus accipiatur ipsum signatum metaphorarum, oportet singulariter
praedicari de divinis personis ; si vero accipiantur ipsae metaphorae,
possunt pluraliter praedicari ; per lumen enim metaphorice intelligitur
veritas. Possumus ergo dicere quod filius et spiritus sanctus sunt unum
lumen, quia sunt una veritas ; possumus etiam dicere quod sunt duo lumina, ut
sit sensus quod signantur per duo lumina, idest per duos radios ab uno lumine
procedentes, sicut per duos flores, quia uterque procedit a patre. Nec tamen
per hoc excluditur quin spiritus sanctus procedat a filio. Sed quomodo
haec sunt non possumus dicere nec cogitare,
ut scilicet exprimamus vel cognoscamus qualis sit illa paternitas vel
filiatio, sed usque ad hoc cognoscendum solum se extendit
tota virtus nostri intellectus, quod et nobis et
supercoelestibus virtutibus, scilicet Angelis, ex principali paternitate
divina, quae est segregata ab omnibus creaturis et similiter
ex principali filiatione, data est omnis paternitas et filiatio quae
est secundum propagationem in rebus divinis, prout scilicet unus Angelus purgat,
illuminat et perficit alium et unus homo alium ; ex qua scilicet,
principali paternitate et filiatione, mentes Angelorum Deo conformes et fiunt per
participationem divinorum donorum et nominantur in
Scripturis et dii et deorum filii et deorum patres, per
assimilationem ad paternitatem principalem et filiationem. Et ne videatur
deesse communicatio proprietatum spiritus sancti, subiungit quod talis
paternitas et filiatio in sanctis Angelis perficitur spiritualiter,
cum exponit spiritualitatem per tria : spirituale enim significat aliquid
incorporale et immateriale et intelligibile. Et quamvis haec spiritualitas
inveniatur in Angelis, divinus tamen spiritus est supercollocatus super omnem
intelligibilem immaterialitatem Angelorum vel animarum, sicut et pater et
filius sunt segregati per modum excessus ab omni paternitate et filiatione
quae est in creaturis, secundum participationem rerum divinarum. Deinde, cum
dicit : neque enim et cetera, probat quod dixerat, per
assimilationem in aliis causis et causatis et dicit quod inter causas et
causata, non potest esse diligens, idest perfecta comparatio,
quia causae excedunt sua causata, sed est quaedam alia
comparatio causatorum ad causas, inquantum causata habent imagines,
idest similitudines causarum. Omnis enim causa producit suum
effectum per aliquem modum similitudinis, non tamen causata consequuntur
perfectam similitudinem causae ; contingentes, idest prout
contingit secundum suam proportionem. Sed ideo non est perfecta comparatio,
quia causae separantur a causatis, inquantum
superponuntur eis, secundum rationem proprii principii, idest in
illa ratione in qua sunt principia. Et hoc manifestat per exempla sumpta a
rebus quae sunt apud nos : et primo quidem ex passionibus, secundum
quod delectationes et tristitiae faciunt delectari et
tristari non per modum causae efficientis, sed formalis, sicut dicitur quod
albedo facit album, sed ipsae delectationes et
tristitiae non delectantur neque tristantur. De eo enim quod
delectatur vel tristatur, praedicatur delectatio seu tristitia per
participationem, sed non de ipsa delectatione vel tristitia per essentiam et
sic causa excedit effectum. Deinde ponit exemplum in causis agentibus cum
dicit : ignis qui calefacit et urit, non dicitur
calefieri aut uri, sed esse calidus et sic per suam naturam, calefacere
alia. Postea ponit exemplum in causis formalibus, scilicet de per se vita, et
per se lumine, ut inde per hoc non intelligatur aliquod lumen aut vita
separata, sed ipsae formae participatae, secundum quem modum nec de vita
potest dici quod vivat aut de lumine quod illuminetur, secundum rationem
praedictam, nisi forte aequivoce, ut intelligatur vita vivere, quia est causa
vivendi. Et assignat rationem illorum exemplorum et similium, per hoc
quod ea quae sunt causatorum per modum participationis, sunt
causarum superabundanter et substantialiter, sicut vivere est
viventis participative, ipsius vero vitae est essentialiter. Deinde, cum
dicit : sed quod est et cetera, manifestat idem circa
humanitatem Christi ; et primo, per sua verba ; secundo, per verba Hierothei
; ibi : haec autem et cetera. Dicit ergo, primo, quod
quamvis in omnibus quae de Deo dicuntur, manifestissimum videatur quod ad
incarnationem pertinet, tamen compositio qua, divinitus, Iesus compositus
est secundum nos, idest secundum quod habet naturam nostram, non
potest sufficienter exprimi quocumque verbo, nec sufficienter cognosci
quacumque mente, etiam ipsius supremi Angeli. Accepimus quidem secundum
Scripturas, velut quoddam occultum mysterium, quod ipse Iesus est factus
substantia viriliter, idest hypostasis virilis, sed nescimus
sufficienter quomodo corpus eius compactum sit ex
virgineis sanguinibus, lege quadam praeter naturam :
factum est enim virtute spiritus sancti, quae est omni menti creatae
incomprehensibilis. Et etiam non possumus perfecte scire quomodo
ambulavit super aquam maris, quae est humida et instabilis
substantia, pedibus siccis, non quidem deposita corporis
gravitate per assumptionem dotis agilitatis, ut quidam dixerunt, sed adhuc
pedibus habentibus materiae gravitatem : hoc enim factum est
virtute divina incomprehensibili. Et eadem ratio est in omnibus aliis
quaecumque pertinent ad cognitionem Iesu, quae excedit naturale lumen aut
naturalem rationem. Haec autem et a nobis in aliis sufficienter dicta
sunt et a nobili duce in theologicis ipsius Stoichiosibus laudata sunt valde
supernaturaliter. His quae praemiserat ad incarnationis mysterium
necessaria, adiungit quaedam verba Hierothei de laude Christi ; et circa hoc
duo facit : primo, ostendit unde Hierotheus accepit haec verba quae dixit ;
quia scilicet : vel habuit haec ex doctrina apostolorum vel ex studio
sanctarum Scripturarum vel ex speciali revelatione ipsi facta ; secundo,
ponit verba ipsius ; ibi : omnium causa et cetera. Dicit
ergo, primo, quod praedicta quae pertinent ad laudem Christi, sufficienter ipse
dixit in aliis, scilicet in libro de divinis hypotyposibus et
sunt etiam, valde excellenter super naturalem modum, laudata a quodam
Hierotheo, qui fuit nobilis dux, idest magister, discipulus apostolorum et
hoc in quodam libro suo quem intitulavit de theologicis Stoichiosibus, idest
divinis obscuris commentis ; et ponit consequenter tres modos quibus ea quae
sequuntur, Hierotheus acquirere potuit : unus modus est quod accepit ea,
addiscendo a sanctis theologis, idest ab apostolis ; alius modus
est quod ipse, proprio studio, inspexit ea, ex sapienti et subtili
discussione sanctarum Scripturarum. Quae quidem subtilis discussio in duobus
consistit : quorum primum subdit dicens : ex multa luctatione circa
ipsa, in quo assiduitas studii designatur : tunc enim aliquis multum
luctatur cum Scriptura, quando aliquis, inspecta difficultate Scripturae,
nititur ad videndum difficultatem ; secundum subdit, dicens : et
contritione in quo designatur diligens Scripturae expositio, quod
enim conteritur, usque ad minima dividitur ; tunc ergo aliquis Scripturam
sacram conterit, quando subtiles sensus in ea latentes exquirit. Tertius
modus habendi est, quod doctus est ista quae dixit ex quadam
inspiratione diviniore, quam communiter fit multis, non solum
discens, sed et patiens divina, idest non solum divinorum scientiam in
intellectu accipiens, sed etiam diligendo, eis unitus est per affectum. Passio enim magis ad appetitum quam ad cognitionem pertinere videtur, quia
cognita sunt in cognoscente secundum modum cognoscentis et non secundum modum
rerum cognitarum, sed appetitus movet ad res, secundum modum quo in seipsis
sunt, et sic ad ipsas res, quodammodo afficitur. Sicut autem aliquis
virtuosus, ex habitu virtutis quam habet in affectu, perficitur ad recte
iudicandum de his quae ad virtutem illam pertinent, ita qui afficitur ad
divina, accipit divinitus rectum iudicium de rebus divinis. Et ideo subdit
quod ex compassione ad divina, idest ex hoc quod diligendo
divina coniunctus est eis (si tamen dilectionis unio, compassio dicit debet,
idest simul passio), perfectus est Hierotheus, id est
institutus, ad unitionem et fidem ipsorum, idest ut eis quae
dixit, uniretur per fidei unitionem ; dico : indocibilem, idest
quae humano magisterio doceri non potest ; et mysticam, idest
occultam, quia excedit naturalem cognitionem. Et, ut in
paucis comprehendamus multas et beatas visiones, idest
revelationes potentis deliberationis, idest virtuosae
discussionis illius, scilicet Hierothei, licet multa alia
dixerit, haec tamen, quae sequuntur, dicit ad
laudem Iesu Christi, in libro supra nominato. |
Leçon 4 (7a) : Que nous ne pouvons manifester les distinctions divines d'une manière suffisante.170.
Après avoir expliqué le mode de l'unité et de la distinction divines, Denys
s'excuse de ne pouvoir les manifester parfaitement et il le fait par une
division en deux parties : dans la première, il montre que nous ne pouvons
manifester d'une manière suffisante les distinctions et les unités divines ;
dans la deuxième il s'attache à décrire la distinction selon laquelle les
créatures procèdent de Dieu, laquelle se rapporte au plus haut point au
propos de ce livre, là (65) où il dit : Donc... (leçon 6a). 171.
Dans la première partie, il fait deux choses : d'abord, il présente sa
justification de ne pouvoir présenter une explication parfaite de ces
distinctions et de ces unités ; deuxièmement, il en donne la raison là (55)
où il dit : En effet, tout... 172. Il
dit donc, en premier, que dans le livre intitulé ¨Des divines Hypotyposes¨,
il exposa lui-même, dans la mesure où cela lui était possible, les
causes ou les raisons des unités et des distinctions qui précèdent et
qui se rapportent à Dieu, et qu'il a découvertes dans les
Saintes Écritures, traitant de ce qui était propre à chacune ; de telle
manière cependant qu'il rappela et discuta certaines au moyen d'un
discours vrai et les dévoila, c'est-à-dire qu'il les mit en lumière et
plus loin les ramena aux claires visions des prophètes, c'est-à-dire à
l'autorité manifeste des saintes Écritures qui contiennent les visions et les
révélations faites par les Prophètes et les Apôtres, ce qui put être compris
saintement et avec évidence suite à une examen attentif et à une découverte. 173.
Dans les choses divines en effet il ne suffit pas au génie humain d'examiner
attentivement et de découvrir la vérité à moins que cette vérité, qui est
découverte suite à un examen attentif, s'accorde avec les Saintes Écritures
et soit confirmée par elles. Et comme il en dévoila certaines de cette sorte,
il s'unit, au-delà de l'opération intellectuelle, à certaines
vérités mystiques, c'est-à-dire cachées, selon qu'elles étaient
révélées par Dieu ; en effet Dieu nous disposa de telle manière que nous
puissions nous unir par une adhésion de foi aux choses qui dépassent notre
intelligence. 174.
Ensuite, lorsqu'il dit (55) : En effet, toutes...il présente la raison
pour laquelle dans les choses divines il y a certains mystères qui dépassent
notre intelligence ; et à ce sujet, il fait deux choses : d'abord, il
manifeste cela du côté de la divinité ; deuxièmement, il le fait du côté de
l'Humanité du Christ, là (59) où il dit : Mais ce qui est... 175. Au
sujet du premier point, il fait trois choses : d'abord, il présente la raison
de ce qui précède ; deuxièmement, il manifeste au moyen d'exemples la raison
qu'il a présentée, là (56) où il dit : Tout comme... ; troisièmement,
il la prouve au moyen d'une comparaison avec d'autres causes et d'autres
effets, là (58) où il dit : En effet, ni... 176. Il dit donc en
premier que toutes les vérités divines, même celles qui nous sont
manifestes, ne nous sont connues que par des participations.
Et la raison en est que rien n'est connu à moins d'exister dans celui qui
connaît. Mais certaines réalités connaissables, comme l'ensemble des réalités
corporelles, sont inférieures à notre intelligence et possèdent certes une
existence plus simple dans notre intelligence que celle qu'elles possèdent en
elles-mêmes, comme c’est le cas pour toutes les réalités corporelles, d'où
l'on dit que de telles réalités sont connues de nous par mode d'abstraction.
Mais les réalités divines sont plus simples et plus parfaites en elles-mêmes
qu'elles ne le sont dans notre intelligence ou dans toute autre réalité connue
de nous, et par conséquent on doit dire que la connaissance de ces réalités
se réalise non au moyen d'une abstraction, mais au moyen d'une participation. 177.
Mais cette participation est double : la première a lieu certes selon que
notre intelligence participe des vérités divines, c'est-à-dire dans la mesure
où notre intelligence participe de la puissance intellectuelle et de la
lumière de la Sagesse divine ; la seconde se présente en vérité selon que les
choses mêmes qui s'offrent à notre intelligence participent de ces vérités,
c'est-à-dire dans la mesure où, grâce à cette participation à la Bonté divine
toutes les choses sont bonnes et que grâce à cette participation à l'Être et
à la vie de Dieu, on dit à leur sujet qu'elles existent et qu'elles vivent. Et
c'est selon ces deux sortes de participations que nous connaissons les
vérités divines. 178.
Mais nous avons montré plus haut (49, 158), que les créatures
participent de Dieu par manière de ressemblance et qu'elles ne peuvent
cependant participer de Lui sous le rapport de ce qui est propre à sa
substance puisqu'il est au-dessus de tout. D'où il suit que, puisque les
réalités divines ne nous sont connues qu'au moyen de ce qui en participe, les
réalités divines elles-mêmes en tant que telles et selon leur nature
propre de principes et selon qu'Elles demeurent en elles-mêmes, sont
au-dessus de tout comme au-dessus de tout esprit, de toute
substance et de toute connaissance. 179.
Ensuite, lorsqu'il dit (56) : Tout comme si...il manifeste au moyen
d'exemples la raison qu'il vient de présenter ; et en premier il le fait dans
les processions qui se tiennent du côté des créatures ; ensuite, dans celles
qui se tiennent du côté des Personnes divines, là (57) où il dit : En
revanche... 180. Il
dit donc en premier que si ce mystère de l'Essence divine, qui
est au-dessus de toute substance, nous le nommions soit Dieu, soit
la vie, soit la substance, soit la lumière, soit la raison, soit au moyen
de tout autre nom de la sorte, nous n'entendrions pas par là ce que Dieu est
en lui-même, mais notre intelligence ne concevrait alors rien d'autre
que les puissances qui procèdent de Dieu dans les choses et grâce
auxquelles ces choses sont formellement rendues divines, substantielles,
vivantes ou sages. Mais puisque Dieu est au-dessus de tout ce qui procède
ainsi de Lui, il faut que nous nous élancions vers Lui pour Le connaître
Lui-même dans un renoncement à toute opération intellectuelle,
c'est-à-dire à tout ce qui tombe sous notre intelligence et cela bien sûr
parce que nous ne pouvons au moyen de notre intelligence voir aucune
divinité, vie ou substance qui puisse se comparer parfaitement à cette Cause
qui est séparée de toute chose par un abîme infini. En effet
nous ne pouvons saisir par notre intelligence que des êtres créés et finis,
lesquels sont totalement séparés de l'Être incréé et infini ; et bien sûr il
nous faut comprendre Dieu comme étant au-dessus de tout ce que nous pouvons
saisir par notre intelligence. 181.
Ensuite, lorsqu'il dit (57) : En revanche...il manifeste la même chose
dans ce qui se rapporte aux relations des Personnes divines et il dit qu'à
partir des saintes Écritures, nous tenons que le Père est la fontaine
divine, c'est-à-dire que le Père est la source et le principe de toute la
Divinité et que le Fils et l'Esprit-Saint, s'il faut le dire ainsi,
sont en quelque sorte des rejetons de la puissance génératrice de Dieu,
c'est-à-dire des rejetons du Père qui engendre, dit-il, non pas
en-dehors de sa nature divine comme il le fait pour les créatures, mais de l'intérieur
même de celle-ci et ces rejetons sont aussi comme des fleurs et des
lumières qui transcendent toute substance. 182. Et
il n'est pas étonnant que ce soit au pluriel que ces métaphores se disent des
personnes divines car si nous entendons par ces locutions métaphoriques la
signification même des métaphores, c'est au singulier qu'il faut les
attribuer aux Personnes divines ; si vraiment ce sont les métaphores
elles-mêmes qui retiennent notre attention, elles peuvent alors leur être
attribuées au pluriel ; par le terme lumière en effet on entend, par manière
de métaphore, la vérité. Nous pouvons donc dire que le Fils et l'Esprit-Saint
sont une lumière, car ils sont une vérité ; nous pouvons aussi dire qu'Ils
sont deux lumières pour comprendre par là qu'Ils sont signifiés par deux
lumières, c'est-à-dire par deux rayons qui procèdent d'une seule lumière,
tout comme ils sont désignés par deux fleurs qui procèdent l'une et l'autre
du même Père. Et il ne faut cependant pas exclure à partir de là que l'Esprit-Saint
procède du Fils. 183.
Mais nous ne pouvons ni dire ni même penser de quelle
manière ces choses se passent, de sorte que nous pourrions exprimer et
connaître quelle est cette Paternité et cette Filiation, mais toute la
puissance de notre intelligence doit se borner à comprendre ceci,
à savoir que c'est à partir de la paternité originelle de Dieu, qui est
séparée de toute créature par sa transcendance, et semblablement à partir de
la filiation divine originelle, que nous est donnée, à nous tout
comme aux puissances célestes, c'est-à-dire aux anges, toute paternité
et toute filiation d'après un prolongement de Dieu dans les choses
divines, c'est-à-dire selon qu'un Ange purge, éclaire et améliore un autre et
qu'un homme fait de même pour un autre homme ; à partir de là,
c'est-à-dire à partir de cette Paternité et de cette Filiation divines, les
esprits des Anges conformes à Dieu deviennent, par participation aux
dons de Dieu, et sont nommés dans les Écritures, à la fois dieux et
fils de dieux et pères de dieux, par comparaison à la Paternité
originelle et à la Filiation. 184. Et
afin qu'on ne semble pas omettre de communiquer les propriétés de
l'Esprit-Saint, il ajoute qu'une telle paternité et une telle filiation
s'achève chez les saints Anges d'une manière spirituelle, alors qu'il
définit la spiritualité au moyen de trois éléments : en effet, spirituel
signifie à la fois ce qui est incorporel, immatériel et intelligible. Et bien
que cette spiritualité se retrouve chez les Anges, l'Esprit-Saint se situe cependant
au-delà de toute immatérialité qui puisse être intelligible par les Anges et
les âmes, tout comme le Père et le Fils sont séparés, par un abîme sans fin,
de toute paternité et de toute filiation qu'on retrouve dans les créatures en
raison de leur participation aux choses divines. 185.
Ensuite lorsqu'il dit (58) : En effet, il ne..., il prouve ce qu'il
avait dit par une comparaison à d'autres causes et à d'autres effets et dit
qu'entre les causes et les effets, on ne peut trouver une exacte,
c'est-à-dire une parfaite ressemblance, car les causes dépassent leurs effets
; mais il y a une autre comparaison des effets aux causes, selon que les
effets possèdent des images, à savoir des empreintes de leurs causes.
En effet, toute cause produit son effet par mode de ressemblance, sans
cependant que les effets parviennent à une parfaite ressemblance avec leur
cause ; et ces images sont comme des empreintes, c'est-à-dire qu'elles
s'impriment sur les effets proportionnellement à ce qu'ils sont. Et pour
cette raison il n'y a pas une parfaite ressemblance entre eux, car la
cause est séparée des effets dans la mesure où elle les transcende
en raison de sa nature même de principe propre, c'est-à-dire pour
cette raison qu'elle est leur principe. 186. Et
il manifeste cela au moyen d'exemples qui nous sont familiers : et d'abord
certes à partir des passions dans la mesure où les délectations et les
afflictions nous font nous délecter et nous affliger non par mode de cause
efficiente, mais par mode de cause formelle, tout comme on dit que la
blancheur rend blanc, car les délectations et les afflictions en elles-mêmes ne
se délectent pas ni ne s'affligent. En effet, le plaisir et l'affliction
s'attribuent à ce qui se délecte et à ce qui s'afflige par participation,
mais non d'une manière essentielle à la délectation et à l'affliction en
elles-mêmes, et c'est par là qu'on voit que la cause dépasse son effet.
Ensuite il présente un exemple tiré des causes efficientes ou agentes
lorsqu'il dit : on ne dit pas du feu, qui réchauffe et qui brûle, qu'il
est réchauffé et brûlé, mais qu'il est chaud et qu'ainsi, par sa nature,
il réchauffe les autres choses. Par la suite il présente un exemple de cause
formelle, c'est-à-dire la vie par soi et la lumière par soi afin que par là
on n'entende pas une vie ou une lumière séparées, mais les formes participées
elles-mêmes, d'après le mode selon lequel on ne puisse dire ni de la vie
qu'elle vit ni de la lumière qu'elle est éclairée conformément à la raison
qui précède, à moins peut-être qu'on le fasse d'une manière équivoque comme
lorsqu'on entend que la vie vit au sens où elle est la cause du vivant. Et il
présente la raison de ces exemples et de ces similitudes en disant que ce
qui se dit des effets par mode de participation se dit des causes d'une
manière surabondante et substantiellement, tout comme vivre se dit du
vivant par participation, mais en vérité de la vie elle-même essentiellement. 187.
Ensuite, lorsqu'il dit (59) : Mais ce qui est..., il manifeste la même
chose au sujet de l'Humanité du Christ ; et d'abord, d'après ses propres
paroles ; deuxièmement, d'après les paroles de Hiérothée, là (60) où il dit :
Mais ces... 188. Il
dit donc premièrement que bien que dans tout ce qu'on dit de Dieu le plus
évident semble se rapporter à son Incarnation, la composition par
laquelle le divin Jésus est composé tout comme nous, c'est-à-dire
qu'il possède une nature semblable à la nôtre, ne peut être exprimée de
manière suffisante par aucune parole, ni suffisamment connue par aucun
esprit, même par celui des Anges les plus élevés. Certes nous croyons
conformément aux Écritures, comme à un mystère caché, que Jésus lui-même fut
fait homme quant à sa substance, c'est-à-dire avec une substance
humaine, mais nous ignorons comment son corps fut assemblé à partir
du sang de la vierge par une loi qui est au-delà de la nature
: en effet, il fut produit par la puissance de l'Esprit-Saint qui dépasse la
compréhension de tout esprit créé. Et de plus nous ne pouvons parfaitement
saisir comment il parvint à se promener à pieds secs sur les eaux de
la mer, laquelle est une substance humide et instable, grâce à l'adjonction
d'un don de légèreté ainsi que certains l'affirmèrent, sans que soit
abandonnée, mais en gardant au contraire dans ses pieds, la lourdeur de la
matière : cela en effet se réalisa par une puissance divine que nous ne
pouvons saisir. Et la même raison s'applique à tous les autres faits de la
vie de Jésus que nous pouvons chercher à connaître et qui dépassent les
lumières de la raison naturelle. 189. Mais
ces choses ont à la fois suffisamment été traitées par nous dans d'autres
ouvrages et grandement été considérées d'une manière surnaturelle par un
noble maître dans son livre intitulé Les Fondamentaux Théologiques. Aux
choses qu'ils avait présentées antérieurement comme nécessaires au mystère de
l'Incarnation, Denys ajoute certaines paroles de Hiérothée portant sur
l'éloge du Christ ; et à ce sujet il fait deux choses : d'abord, il montre
d'où Hiérothée tenait ces paroles qu'il a dites ; c'est-à-dire, il les tenait
soit de l'enseignement des Apôtres, soit de l'étude des Saintes Écritures,
soit d'une révélation spéciale qui lui aurait été faite ; deuxièmement, il
présente ses paroles, là (61) où il dit : La Cause de tout...(leçon
5a). 190.
Tout d'abord il dit donc en premier que ce qui précède à la louange du
Christ, il l'a lui-même suffisamment considéré dans d'autres
ouvrages et en particulier dans le traité intitulé ¨Des divines
Hypotyposes¨, et un certain Hiérothée l'a très sublimement examiné
au-delà du mode naturel, lui qui fut un noble guide, c'est-à-dire un maître,
et un disciple des Apôtres, dans un de ses livres qu'il intitula Les
Fondamentaux Théologiques, c'est-à-dire les mystérieux plans divins ; et
Denys présente par la suite trois manières par lesquelles Hiérothée put
acquérir les choses qui suivent : la première manière selon laquelle il put
les recevoir, ce fut en les apprenant des saints théologiens,
c'est-à-dire des Apôtres ; une autre manière fut l'application zélée qu'il y
porta en les examinant au moyen d'un sage et subtil approfondissement des
Saintes Écritures. Lequel approfondissement subtil consiste certes en deux
choses, dont il ajoute la première en disant : à partir d'un grand combat
avec elles, en quoi il veut désigner par ces mot une grande assiduité à
l'étude : en effet quelqu'un combat considérablement avec les Écritures alors
même que, ayant remarqué la difficulté de l'Écriture, il s'efforce de la voir
; il ajoute la deuxième en disant : et par une grande usure, en quoi
il veut désigner une explication scrupuleuse des Écritures car en effet, ce
qui est usé ou consumé en est réduit à ses plus petites parties ; donc
quelqu'un use ou consume l'Écriture Sainte quand il en extrait les sens
subtils qui y sont cachés. 191. La
troisième manière se ramène à ceci : les choses qu'il a dites, il les a
enseignées à partir d'une certaine inspiration divine qu'on retrouve à
plusieurs endroits, et il les a non seulement apprises, mais ces vérités
divines, il les a aussi vécues, c'est-à-dire qu'il a non seulement acquis
la science des choses divines par son intelligence, mais en les aimant, il
leur fut uni par son affectivité. En effet, la passion appartient davantage à
l'appétit qu'à la connaissance car ce qui est connu existe dans celui qui connaît
selon le mode propre à ce dernier et non à la manière de la réalité connue
elle-même mais au contraire l'appétit est mû vers les choses selon le mode
même par lequel elles existent en elles-mêmes et c'est en quelque sorte à
l'égard des choses elles-mêmes qu'il est affecté. 192. Et
tout comme la personne vertueuse, à cause de l'habitude de la vertu qu'elle
possède dans son affectivité, réussit à bien juger des choses qui se
rapportent à cette vertu, de même celui qui est bien disposé à l'égard des
réalités divines acquiert de la part de Dieu un jugement droit sur ces
réalités. Et c'est pourquoi il ajoute que c'est par sympathie à
l'égard du divin, c'est-à-dire que c'est à partir de l'amour des réalités
divines que Hiérothée leur fut uni (si cependant l'union de l'amour doit être
appelé sympathie, qui signifie attirance mutuelle) et qu'il parvint à
s'établir dans l'union et dans la foi à ces réalités, c'est-à-dire de
telle sorte qu'aux choses qu'il dit, il s'unit par une union de foi ; et je
dis que cette sorte d'union est intransmissible, c'est-à-dire qu'elle
ne peut être enseignée par un humain ; et qu'elle est mystique,
c'est-à-dire mystérieuse car elle dépasse nos capacités naturelles de
connaître. Et, afin de saisir en peu de mots les nombreuses et heureuses
visions tirées de la puissante réflexion de Hiérothée, bien
qu'il ait dit beaucoup d'autres choses, voici néanmoins celles qui
suivent et qu'il a dites à la louange de Jésus le Christ dans
le livre que nous avons nommé plus haut. |
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LECTIO 5 [84841] In De divinis
nominibus, cap. 2 l. 5 Deinde cum dicit : omnium causa et
cetera, ponit verba Hierothei de Christo ; et primo, ponit ea quae pertinent
ad laudem deitatis Christi ; secundo, ea quae pertinent ad laudem
incarnationis eius ; ibi : unde et cetera. Circa primum, duo
facit : primo, comprehendit in summa, laudem deitatis Christi ; secundo,
explicat in speciali ; ibi : quae partes et cetera. Dicit
ergo, primo, quod deitas Iesu Christi est causa
omnium, inquantum per ipsam omnia reducuntur in esse ; et est
etiam adimpletiva omnium, inquantum per ipsam omnia suis
perfectionibus replentur. Deinde, cum dicit : quae partes et
cetera, exponit, per singula, causalitatem praemissam. Ubi considerandum est
quod, primo, ostendit praedictam deitatem esse causam eorum quae ad essentiam
rerum pertinent ; secundo, eorum quae sunt exemplum essentiarum rerum ; ibi
: et mensura et cetera. Circa primum, considerandum est
quod, in rerum essentiis, talis quidem processus et ordo considerantur : nam,
primo, sunt rerum principia ; secundo, substantia rei, ex principiis
constituta ; tertio, determinatio rei ad propriam speciem quae est per formam
; quarto, ex forma consequitur res perfectionem, non solum in esse specifico,
sed etiam quantum ad propriam operationem et finem : quinto, res diversae
quae singulae quamdam perfectionem habent in seipsis, quodam ordine adunatae,
aliquod totum perficiunt. Procedit ergo Hierotheus ad ostendendum
causalitatem deitatis Christi divinam, retrogirando, per viam resolutionis,
eam incipiens a toto ; et dicit quod deitas Iesu conservat partes
consonas, idest proportionatas totalitati, in quo consistit
perfectio totius ; et neque est pars neque totum et est totum
et pars. Est quidem totum et pars Christi deitas, sicut
in seipsa non divisim, sed simul accipiens omnium et partem et totum,
quia quidquid est perfectionis, in quocumque toto vel parte, totum
praeexistit in Deo. Est autem neque totum neque pars,
quia non eodem modo habet perfectionem totius et partis, sicut totum et pars,
sed supereminentius et prius. Secundo, ostendit causalitatem deitatis Christi
quantum ad perfectionem rerum ; ibi : perfecta et cetera, et
dicit quod deitas Christi dicitur perfecta, per comparationem ad
imperfectionem, inquantum est principalis causa omnis perfectionis ; sed si
comparetur ad res perfectas, dicitur non perfecta, non quasi deficiens a
perfectione, sed supereminentius et prius perfectionem habens. Tertio,
ostendit idem circa formas ; et dicit quod deitas Christi comparata ad ea
quae carent forma, potest dici forma effective, inquantum est forma
formam faciens ; comparata vero ad formas, potest dici sine forma,
non per defectum, sed per excessum, quia superat omnem formam. Quarto,
ostendit idem quantum ad substantias ; et dicit quod deitas Christi potest dici
causaliter substantia, inquantum supervenit totis
substantiis, idest omnibus et unicuique secundum totum, per modum
cuiusdam participationis ; sed tamen supervenit immaculate, quia
non participatur per commixtionem substantiae, sed per modum similitudinis
; et, iterum, est segregata ab omni substantia,
inquantum supersubstantialiter existit. Quinto, ostendit
idem quantum ad principia ; et dicit quod deitas Christi, determinat
omnia principia (diversorum enim diversa sunt principia) et
determinat ordinem principiorum ad principiata, sed tamen, est
supercollocata super omnem ordinem et super omnem
principatum. Deinde, ostendit idem per comparationem ad ea quae sunt
exemplum rei ; et primo, quantum ad mensuram durationis rerum et dicit quod
deitas Christi est mensura existentium, quasi determinans
unicuique mensuram sui esse vel quia unumquodque intantum habet esse,
inquantum appropinquat ei ; et etiam est aevum quod dicitur
mensura essendi, sicut tempus est mensura durationis et tamen est super
aevum, inquantum est mensura superexcedens totum creatum. Secundo,
ostendit causalitatem eius, quantum ad perfectionem supervenientem qua rerum
capacitas impletur, sicut intellectus impletur speciebus intelligibilibus ;
et dicit quod deitas Christi, comparata ad deficientia quae dicuntur minus
existentia, dicitur plena, quasi plenitudinis causa et comparata
ad ea quae sunt plena, dicitur superplena, quasi excedens super
omnem plenitudinem. Tertio, ostendit eam per comparationem ad intellectum et
locutionem quae sunt extra rem et dicit, quod est indicibilis et ineffabilis,
quia neque sermone complexo, neque incomplexo, sufficienter exprimi potest ;
et est super mentem et super omnem vitam,
quia excedit omnem cognitionem et omnem actum vitae. Et quia multa
supernaturalia attribuerat deitati Christi, consequenter ostendit quod non
habet ea defectivo modo, sed supereminenti ; et hoc est quod dicit, quod
habet id quod est supernaturale, supernaturaliter et id
quod supersubstantiale, supersubstantialiter. Absolvere enim a
peccatis est supernaturale, sed purus homo non habet hoc supernaturaliter
sicut habet filius Dei et similiter dicendum est de aliis huiusmodi. Deinde,
cum dicit : unde et cetera, laudat humanitatem Christi et
dicit quod deitas Christi est tanta et excellens ; inde est quod ipse per
suam benignitatem venit usque ad naturam nostram et
vere factus est substantia, idest hypostasis nostrae naturae et cum superdeus esset,
factus est vir, idest homo. Haec quae dicuntur secundum
propitiationem ipsius, per quam humanam naturam assumpsit, debent
laudari super mentem et super rationem. Quamvis enim
acceperit propria nostrae naturae, tamen in ipsis rebus humanis habuit supernaturale
et supersubstantiale, idest : uno modo, inquantum communicavit nobis,
assumens nostram naturam absque variatione divinae naturae et absque
commixtione ipsius et confusione ad humanam naturam, ita quod per
exinanitionem ineffabilem, de qua apostolus loquitur ad Philipp. 2, nihil
passus est ad superplenum ipsius, idest nihil diminutum est de plenitudine
suae deitatis ; non enim dicitur exinanitus per diminutionem deitatis, sed
per assumptionem nostrae naturae deficientis ; alio modo, quia, quod
est inter omnia nova magis novum et mirabile,
ipse erat in naturalibus nostris supernaturaliter et in
substantialibus nostris supersubstantialiter, omnia humana,
quae ex nobis accepit, supra nos habens ; quia caro eius maioris
virtutis est et dignitatis quam alterius et anima eius dignior omni anima et
actus eius et operationis fuerunt unificae, ex virtute deitatis, ad invicem. |
Leçon 5 (8a) : Les paroles de Hiérothée relatives à la Divinité et à l'Incarnation du Christ.193.
Ensuite, lorsqu'il dit (61) : La Cause de tout...Denys présente les
paroles que Hiérothée a prononcées au sujet du Christ ; et en premier, il
présente celles que se rapportent à la louange de la Divinité du Christ ;
deuxièmement, il présente celles qui se rapportent à la louange de son
Incarnation, là (70) où il dit : D'où... 194. Au
sujet du premier point, il fait deux choses : d'abord, il embrasse dans son
ensemble la louange à la Divinité du Christ ; ensuite, il l'explique en ses
parties, là (62) où il dit : lesquelles parties... 195. Il
dit donc en premier que la Divinité de Jésus-Christ est la cause de toute
chose selon que c'est par elle que toute chose reçoit l'être ; et cette
même divinité du Christ comble toute chose selon que c'est grâce à
Elle que toute chose est remplie de ses perfections. 196.
Ensuite, lorsqu'il dit (62) : lesquelles parties..., il explique cette
causalité par l'examen de cas particuliers. Et là il faut considérer qu'il
montre d'abord que cette divinité est la cause de ce qui appartient à
l'essence des choses ; ensuite qu'elle est la cause des choses qui sont le
modèle des essences des choses, là (67) où il dit : Et la mesure... 197.
Relativement au premier point, il faut considérer que dans les essences des
choses il faut être attentif au processus et à l'ordre suivants : car en
premier, il y a les principes des choses ; deuxièmement, il y a la substance
des choses, laquelle est en elle-même constituée de ces principes ;
troisièmement, il y a la détermination de la chose à son espèce propre au
moyen de la forme ; quatrièmement, il y a la réalisation par la chose de sa
perfection à partir de sa forme et cela non seulement quant à son être
spécifique mais aussi quant à son opération et à sa finalité propres ;
cinquièmement, les réalités diverses et singulières qui possèdent en
elles-mêmes une certaine perfection contribuent à la perfection d'un ensemble
lorsqu'elles sont réunies d'après un certain ordre. 198.
Hiérothée continue donc à montrer la causalité divine de la divinité du
Christ et, comme à rebours, par voie de résolution, il commence son exposé
par l'examen du tout ou de l'ensemble : et il dit (62) que la Divinité de
Jésus conserve les parties en harmonie avec le tout, c'est-à-dire
qu'elles sont proportionnées à la totalité et qu'elles font la perfection du
tout ; et elle n'est ni la partie ni le tout et en un autre sens elle est le
tout et la partie. La Divinité du Christ est certes le tout et la partie,
puisqu'elle contient en elle-même sans division et simultanément les parties
et la totalité de toutes les choses car tout ce qui se rapporte à la
perfection, dans quelque tout ou partie que ce soit, préexiste en Dieu en
totalité. Mais elle n'est ni le tout ni la partie, car ce n'est pas à
la manière du tout et de la partie que Dieu possède la perfection du tout et
de la partie, mais selon un mode qui leur est antérieur et supérieur. 199.
Deuxièmement, il montre la causalité de la Divinité du Christ quant à la
perfection des choses, là (63) où il dit : Elle est parfaite...et il
dit que la divinité du Christ est dite parfaite par opposition à
l'imperfection, selon qu'elle est la cause première de toute perfection ; mais
si on la compare aux choses parfaites, on dit qu'elle n'est pas parfaite, non
parce qu'elle manque de perfection, mais au contraire parce qu'elle possède
la perfection selon un mode plus élevé et antérieur. 200.
Troisièmement, il montre la même chose relativement aux formes : et il dit
(64) que la Divinité du Christ, si on la compare à ce qui est privé de forme,
peut être qualifiée de forme productrice, selon qu'elle est la forme qui
produit des formes ; mais si on la compare aux formes, on peut dire qu'elle
est sans forme, non en raison d'un manque ou d'une privation de forme
en elle, mais plutôt en raison d'un excès, parce qu'elle dépasse toute forme. 201.
Quatrièmement, il montre la même chose relativement aux substances ; et il
dit (65) que la Divinité du Christ peut être dite substance à la
manière d'une cause, selon qu'elle est le fondement de toutes les
substances, c'est-à-dire de chaque chose dans son ensemble, par mode de
participation ; mais cependant ; elle les supporte sans en être flétrie
car les choses ne participent pas d'elle en se mêlant à sa substance, mais
plutôt par mode de ressemblance ; et, encore une fois, elle est
séparée de toute substance selon qu'elle existe au-dessus
de toute substance. 202.
Cinquièmement, il montre la même chose relativement aux principes ; et il dit
(66) que c'est la Divinité du Christ qui définit tous les principes
(en effet à des réalités différentes correspondent des principes différents)
ainsi que l'ordre des principes à leurs effets ; mais cependant elle établit
sa demeure au-dessus de tout ordre et au-dessus de tout principe. 203.
Ensuite, il montre la même chose relativement à ce qui constitue le modèle de
la chose ; et d'abord, quant à la mesure de la durée des choses et il dit
(67) que la Divinité du Christ est la mesure des êtres , déterminant
en quelque sorte pour chaque être la mesure de son être car chaque chose
possède d'autant plus d'être qu'elle s'approche d'Elle ; et Elle est
aussi l'éternité qu'on appelle la mesure de l'être, tout comme le temps
est la mesure de la durée, et elle est cependant au-dessus de l'éternité,
selon qu'Elle est la mesure qui dépasse en excellence tout être créé. 204.
Deuxièmement, il montre la causalité de la Divinité du Christ qui est comme
une perfection survenant comme un secours et par laquelle les puissances des
choses sont comblées, tout comme l'intelligence est remplie des espèces
intelligibles ; et il dit (68) que la Divinité du Christ est qualifiée d'abondante,
au sens de cause d'abondance, si on la compare à la pauvreté de ceux qui
possèdent moins d'être ; et qu'elle est qualifiée de surabondante
parce qu'elle s'élève au-dessus de toute abondance. 205.
Troisièmement, il manifeste la causalité de la Divinité du Christ en la
comparant à l'intelligence et à la parole, lesquelles sont distinctes des
choses, et il dit (69) à son sujet qu'Elle est indicible et ineffable
parce qu'elle ne peut être exprimée d'une manière adéquate par aucun
discours, qu'il soit complexe ou simple ; et aussi qu'Elle est au-dessus
de tout esprit et de toute vie car Elle dépasse toute connaissance
et toute opération vitale. 206. Et
parce qu'il avait attribué à la Divinité du Christ plusieurs réalités
surnaturelles, il montre par la suite qu'Elle ne les possède pas d'une
manière limitée, mais d'une manière surélevée ; et c'est ce qu'il dit, à
savoir que la Divinité du Christ possède ce qui est surnaturel d'une
manière qui est infiniment au-dessus de tout ce qui est surnaturel et
aussi qu'elle possède ce qui est au-dessus de toute substance d'une
manière infiniment élevée au-dessus de toute autre substance. En effet,
pardonner les péchés est un acte surnaturel, mais l'homme seul n'est pas
capable de cet acte d'une manière surnaturelle ainsi que le Fils de Dieu en
est capable et il faut dire la même chose pour tous les autres actes de cette
sorte. 207. Ensuite, lorsqu'il dit (70) : D'où..., il loue l'Humanité
du Christ et il dit que la Divinité du Christ est d'une telle excellence que
Lui-même, de par sa bonté, en vint jusqu'à notre nature et devint
une vraie substance, c'est-à-dire une personne de notre nature, et alors
qu'Il était Dieu au-dessus de tout dieu, il prit notre humanité,
c'est-à-dire qu'Il prit la nature humaine. Et les choses qu'on dit de Lui
selon son sacrifice et par lequel il prit la nature humaine doivent être
louées au-delà de tout esprit et de toute raison. En effet, bien
qu'Il prit les caractéristiques propres à notre nature, cependant il les
posséda, même dans les choses humaines, d'une manière surnaturelle et qui
dépasse toute substance, c'est-à-dire premièrement d'une manière telle
que tout en étant uni à notre nature, il ne subit aucun changement dans sa
nature divine qui ne se mélangea et ne se confondit point avec la nature
humaine de telle sorte que par un dépouillement ineffable dont parle l'Apôtre
dans sa lettre aux Philippiens (2, 7), sa plénitude ne fut en rien
affectée, c'est-à-dire que la plénitude de sa Divinité ne fut en rien
diminuée ; en effet, on ne dit pas qu'Il se dépouilla en ce sens où sa
Divinité aurait été diminuée, mais en ceci qu'Il prit notre pauvre nature ;
et deuxièmement d'une manière telle, ce qui est le plus singulier et le plus
étonnant parmi tout ce qu'il y a de singulier, que Lui-même était
surnaturel dans tout ce qui nous est naturel et au-dessus de toute
substance dans ce qui nous est substantiel, possédant
supérieurement à nous tout ce qu'il avait acquis de notre nature
humaine ; car sa chair est d'une plus grande puissance et d'une plus grande
dignité que celle de tout autre et son âme est plus digne que toute autre âme
et ses actes et ses opérations étaient unies entre elles par la puissance de
la Divinité. |
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LECTIO 6 [84842] In De divinis
nominibus, cap. 2 l. 6 Postquam Dionysius exposuit divinae discretionis
et unitionis modum, hic prosequitur de illo modo qui principaliter pertinet
ad materiam huius libri, scilicet de discretione divina quae attenditur
secundum processionem creaturarum ; quae quidem discretio unita est et
communis toti Trinitati, ut supra dictum est. Circa hoc, ergo, duo facit :
primo, exponit quomodo ista discretio est cum unitione ; secundo, promittit
de istis quae ad hanc discretionem pertinent, in sequentibus se
determinaturum ; ibi : istas et cetera. Circa primum, tria
facit : primo, dicit de quo est intentio ; secundo, manifestat propositum ;
ibi : et ut plane et cetera ; tertio, assignat rationem
dictorum ; ibi : etenim et cetera. Dicit
ergo, primo quod, de illis quae pertinent ad laudem Christi, sufficiant ad
praesens quae dicta sunt tam ab ipso, quam a Hierotheo ; sed procedendum est
ulterius ad ea quae pertinent ad intentionem verbi quod
intendit in hoc opere, ut scilicet discutiamus, secundum nostram
possibilitatem, nomina pertinentia ad illam discretionem divinam, quae
attenditur secundum processionem creaturarum ; quae quidem nomina
communia sunt toti Trinitati et non solum communia, sed etiam unita.
Est enim animal commune homini et equo, non tamen eadem numero
animalitas est in utroque ; sed bonitas et essentia et huiusmodi sic sunt
communia toti Trinitati, quod unum numero sunt in tribus. Deinde, cum dicit
: et ut plane et cetera, manifestat quomodo possit esse
divina discretio cum unitione ; et hoc manifestat in quatuor : primo, quidem,
in ipso bono ; secundo, in ente ; ibi : postea et cetera ;
tertio, in uno ; ibi : sed et unum et cetera ; quarto, in
ipso nomine deitatis ; ibi : rursus et cetera. Haec enim
quatuor maxime videntur Deo convenire : primo, quidem, tam propter eorum
communitatem, non enim determinatur ad genus vel speciem quod infinitati
divinae naturae convenire videtur, quam etiam propter usum nominis, quod
omnes supposito rerum principio attribuunt. Dicit ergo primo quod discretionem
divinam dicimus esse processiones deitatis, quae conveniunt ei
secundum rationem boni, sicut supra dictum est. Et ideo incipiamus, primo, a
bono ut consequenter in aliis manifestius ostendamus quod de bono ostensum
fuerit. Nam bonum universaliter se habet ad omnes processiones : quidquid
enim Deus creaturae communicat, ex sua bonitate communicat. Alia vero nomina,
aliquas processiones speciales designant. Sic, ergo, quod in universali
manifestatum fuerit, planius videri poterit in specialibus. Considerandum est
autem quod multitudo procedit ex uno tripliciter : uno quidem modo, per
divisionem sicut unum totum dividitur in multas partes, sed talis multitudo
tollit plenitudinem et adunationem quae erat in toto. Alio modo, per modum
communitatis sicut ex uno genere proveniunt multae species et ex una specie
multa individua, sed istud unum sic multiplicatum non est unum singulare, sed
commune. Tertio modo, multiplicatur apud nos aliquod unum per effusionem
sicut ex uno fonte proveniunt multi rivuli, sed hoc fit cum quadam
egressione, inquantum scilicet, aqua a fonte egrediens, se in multos rivulos
diffundit. In existentia autem omnium bonorum participantium sapientiae,
vitae et huiusmodi, ipsa quidem bonitas discernitur, idest
distinguitur, dum distincta bona ab ea proveniunt, sed hoc fit unitive
: nihil enim diminuitur de plenitudine, qua omnia bona adunantur in ipsa ; et
iterum in pluralitatem agitur singulariter, idest in pluralitatem
plurificatur in suis effectibus non sicut aliquod universale, sed singulare
in seipsa manens ; et iterum multiplicatur per
diffusionem ex uno, inegressibiliter, quia nihil de substantia
eius egreditur. Et hoc ideo est, quia discretio et multiplicatio et diffusio
attenditur secundum quasdam similitudines divinae bonitatis ; ipsa autem
divina bonitate manente, secundum suam essentiam, indistincta et una et in se
collocata. Deinde, cum dicit ; postea et cetera, manifestat
idem in ente et dicit quod quia Deus est supersubstantialiter ens,
quantum ad suam existentiam, sed tamen dat esse omnibus existentibus et
producit universaliter substantias rerum, propter hoc, illud ens unum supersubstantiale
quod Deus est, dicitur multiplicari in sua, scilicet,
similitudine ; et quamquam ex ipso multa existentia deducuntur,
sed tamen nihilominus, huiusmodi ens manet unum, secundum suam
existentiam, in multiplicatione quae fit per eius
similitudinem ; et manet unitum, idest adunatum in
processione ; et manet plenum et integrum in
distinctione. Et hoc ideo, quia ipsum, in sua substantia, est
supersubstantialiter segregatum ab omnibus entibus ; et quia omnia
producuntur ab ipso unitive, idest secundum unam virtutem, quae
producendo diversa non dividitur ; et quia diffusio donorum
eius, quae distribuit rebus, minorari non potest nec minoratur.
Non enim est dicendum quod sic uni bona communicet quod non possit amplius
communicare : in nullo enim plenitudo bonitatis eius, per huiusmodi
communicationem, diminuitur. Deinde, cum dicit : sed et unum existens et
cetera, ostendit idem quantum ad unum et dicit quod Deus, cum sit unum et
det unum esse parti et toti et communi
unitati et multitudini, inquantum omnis multitudo aliqualiter
participat unum, ipse, inquam, sic existens unum et dans
unitatem, supersubstantialiter est unum simpliciter, sicut bonum
et ens ; quia non est aliquid eorum quibus dat esse unum. Non enim est sicut
unum quod est pars multitudinis, cum nihil ei ex aequo
connumerari possit ; neque etiam est unum, sicut aliquod totum ex
partibus constitutum ; et sic non est unum eo modo
quo alia, neque habet unum quasi participans ipso ; sed
tamen unum est, elongatum ab istis quae hoc sunt
unum, in quantum est super unum quod invenitur in
existentibus creatis ; et hoc est unum quod producit multitudinem
rerum in esse et perficit, attribuendo rebus proprias perfectiones et
continet, conservando omnia in suo esse et in suo ordine. Deinde, cum dicit
: rursus et cetera, ostendit idem in ipso nomine deitatis ;
et dicit quod videtur esse et dicitur unius Dei discretio et
multiplicatio inquantum multi dii fiunt ex hoc quod Deus aliquas
creaturas deificat per conformitatem ad Deum secundum virtutem
uniuscuiusque deificatorum, non quod perfecte ei conformari possint
aut quod per existentiam dii dicantur. Et quamquam sint et dicantur multi dii
beatificati, nihilominus tamen est unus principalis Deus qui est super omnem
deitatem communicatam, supersubstantialiter existens unus
Deus. Et cum ipse existat in omnibus, indivisibilis manet
in rebus divisibilibus existens quibus esse communicat et
est unitus in seipso et multitudini non admiscetur et
non multiplicatur secundum quod in se consideratur. Et hoc
supernaturaliter intelligens beatus Paulus qui fuit manuductor,
idest instructor ad divinam illuminationem tam ipsius Dionysii quam
etiam ducis eius, idest Hierothei (qui, scilicet
Paulus, multa de divinis cognovit et qui est lumen mundi, sicut
ipse in se dicit impletum, Act. 13 quod dicitur Isai. 49 : posui te
in lucem gentium) haec dicit in suis sanctis epistolis,
scilicet I Corinth. 8, motus per inspirationem a Deo,
quia etsi sunt qui dicantur dii sive in coelo sive in terra (...)
nobis tamen unus Deus pater ex quo omnia et nos in illo ; et unus dominus
Iesus Christus per quem omnia et nos per ipsum. Ex hac enim auctoritate,
patet quod multitudo deificatorum et in coelestibus sicut sunt Angeli et in
terra sicut sancti homines, non praeiudicat unitati deitatis, quae communis
est patri et filio. Deinde, cum dicit : etenim et cetera,
assignat rationem dictorum. Ideo enim processio praedicta et multiplicatio et
discretio unitatem divinam non tollit, quia in divinis unitiones
superant discretiones et principantur eis ; unitiones enim
attenduntur secundum ipsam divinam essentiam, discretiones autem secundum
similitudines Dei rebus impressas, quae multum deficiunt a suo principio et
ideo divina nihilominus remanent unita, postquam illud unum quod est Deus,
discernitur per diversas similitudines, discretione inegressibili,
quia nihil egreditur de divina essentia et unitiva, quia talis
discretio unitatem divinam non tollit. Deinde, cum dicit : istas
communes et cetera, promittit se de huiusmodi in sequentibus acturum
et dicit quod tentabit, secundum suam possibilitatem, cum laude Dei, exponere
praedictas discretiones quae sunt unitae et communes toti deitati sive etiam
nominentur processiones convenientes bonitati divinae.
Intendit autem eas manifestare ex divinis nominibus quae in Scripturis
traduntur, quae demonstrant huiusmodi processiones, sicut cum dicimus Deum
vivum vel sapientem, demonstratur processio vitae et sapientiae a Deo in
creaturas. Hoc tamen praecognosci debet, quia, ut dictum est quaecumque Dei
nominatio ad eius beneficientiam pertinens, de quacumque divinarum personarum
dicatur, de omnibus personis, absque dubio, accipienda est. |
Leçon 6 (9a) : De la distinction divine entendue au sens où les créatures procèdent de Dieu.208.
Après avoir expliqué le mode de la distinction et de l'unité divines, il
poursuit ici avec le mode qui se rapporte principalement à la matière de ce
livre, à savoir la distinction divine qui s'entend selon que les créatures
procèdent de la divinité qui en diffère, laquelle distinction est une,
c'est-à-dire commune à toute la Trinité ainsi qu'il l'a dit plus haut (158-161). 209.
Ainsi donc à ce sujet il fait deux choses : il explique d'abord comment cette
distinction comporte en même temps une unité ; deuxièmement il promet que
tout ce qui se rapporte à cette distinction sera traité dans les chapitres
qui suivent, là (77) où il dit : Ces... 210. Au
sujet du premier point, il fait trois choses : en premier, il dit sur quoi
porte son propos ; deuxièmement, il manifeste son propos, là (72) où il dit :
Et afin que plus clairement... ; troisièmement, il donne la raison qui
explique ce qu'il vient de dire, là (76) où il dit : Et de fait... 211. Il
dit donc en premier lieu (71) que ces choses, qui ont été dites tant par
lui-même que par Hiérothée au sujet de ce qui se rapporte à la gloire du
Christ, suffisent pour le moment et qu'il faut poursuivre plus avant dans
l'examen des choses qui se rapportent au propos du discours qu'il vise
dans cet ouvrage afin de scruter, dans la mesure de ses possibilités,
les noms qui se rapportent à cette distinction divine qui s'entend selon que
les créatures procèdent de Dieu ; et certes ces noms sont communs
à toute la Trinité et non seulement sont-ils communs, mais ils sont encore un.
En effet, animal est commun à l'homme et au cheval, mais cependant
l'animalité n'est pas une numériquement dans l'un et dans l'autre ; mais la
bonté, l'essence et les autres traits de cette sorte sont communs à toute la
Trinité de telle sorte qu'ils sont aussi un numériquement dans les trois
Personnes. 212.
Ensuite, lorsqu'il dit (72) : Et afin que plus clairement... il
manifeste comment la distinction divine peut exister dans l'unité ; et il
manifeste cela de quatre manières : d'abord sous le rapport du bien lui-même
; deuxièmement, sous celui de l'être, là (73) où il dit : Ensuite... ;
troisièmement, sous celui de l'un, là (74) où il dit : Mais et l'un...
; quatrièmement, sous le rapport du nom même de Divinité, là (75) où il dit :
Et encore une fois...En effet, ces quatre caractéristiques semblent
appartenir à Dieu au plus haut point : d'abord, certes, tant à cause de leur
universalité, car en effet Dieu n'est pas déterminé à un genre ou à une
espèce en raison de l'infinité de sa nature, qu'à cause aussi de l'usage du
nom que tous attribuent au Principe qui supporte toute chose. 213. Il
dit donc en premier (72) que nous parlons ici de la distinction divine qui
s'entend d'après ce qui procède de Dieu, et qui relève de Lui sous la
raison de bien, ainsi que nous l'avons dit (136) plus haut. Et
c'est pour cela que nous commençons d'abord par le bien pour que par la suite
nous montrions plus clairement dans les autres caractéristiques ce que nous
aurons montré au sujet du bien. Car le bien se rapporte universellement à
tout ce qui procède de Dieu : en effet, tout ce que Dieu communique aux
créatures, il le leur communique par sa bonté. En vérité les autres noms
désignent ce qui procède de Dieu d'une manière plus spécifique. Ainsi donc,
ce qui aura été manifesté universellement pourra se montrer avec plus
d'évidence dans l'examen de ce qui est particulier. 214.
Mais il faut considérer que la multiplicité des êtres procède de l'un de
trois manières : premièrement, elle en procède par division comme lorsqu'un
tout est divisé en plusieurs parties, mais alors une telle multiplicité fait
disparaître la plénitude et l'unité qui était dans le tout. La deuxième se
fait par mode d'universalité, tout comme les nombreuses espèces qui procèdent
d'un même genre et les nombreux individus qui procèdent d'une seule et même
espèce mais cet un ainsi multiplié n'est pas un à la manière du singulier
mais à la manière de l'universel. Troisièmement, nous pouvons voir qu'il y a
aussi l'un qui se multiplie par mode d'effusion tout comme de nombreux
ruisseaux proviennent d'une même source ; mais cela s'accompagne d'une
certaine perte, c'est-à-dire en ce sens que c'est en s'échappant de la source
que l'eau se répand dans plusieurs ruisseaux. 215.
Mais dans l'existence de tous les biens qui participent de la sagesse, de la
vie et du reste, la Bonté elle-même reste distincte, c'est-à-dire
qu'Elle reste séparée de tous ces biens particuliers qui proviennent d'Elle,
et cela se réalise dans l'unité : en effet sa plénitude, par laquelle
tous les biens sont unis en Elle, n'est diminuée en rien ; et encore
une fois, son action est individuelle dans la pluralité,
c'est-à-dire qu'elle se multiplie dans la multitude de ses effets non à la
manière d'un universel mais à la manière d'un singulier qui demeure identique
à lui-même ; et encore une fois elle se multiplie par mode de
diffusion à partir de l'un mais sans perte, car rien ne peut
s'échapper de sa substance. Et il en est ainsi pour cette raison que la
distinction, la multiplication et la diffusion doivent s'entendre de la bonté
divine d’après ce qui ressemble à la bonté divine ; car la bonté divine
elle-même demeure, selon son essence, à la fois indivisée, une et établie en
elle-même. 216.
Ensuite, lorsqu'il dit (73) : Puis...il manifeste la même chose sous
le rapport de l'être et il dit que parce que Dieu est un être supra-substantiel
quant à son existence, il donne cependant l'être à tout ce
qui existe et c'est Lui qui produit la totalité des substances des choses
et c'est à cause de cela qu'on dit que cet être un et
supra-substantiel qui est Dieu se multiplie dans ce qui Lui ressemble
et quoique de nombreux êtres sont tirés de Lui, cet Être n'en demeure
pas moins un, quant à son existence, à travers cette multiplication
qui est faite à sa ressemblance et son unité demeure, c'est-à-dire
qu'Il demeure un au sein même de cette procession ou de cette production
; et sa plénitude est conservée et Il demeure intact à travers
cette différenciation. Et il en est ainsi à la fois parce que Lui-même, quant
à sa substance, est supra-substantiellement séparé de tous les êtres ;
parce que ces derniers viennent tous de Lui dans l'unité, c'est-à-dire
selon une puissance unique qui n'est pas différenciée dans la production de
ce qui est différent ; et parce que la diffusion des dons qu'Il
distribue aux choses ne peut être diminuée et qu'elle ne l'est pas en
réalité. En effet, il ne faut pas dire de l’Un que les dons qu'Il
communique ainsi, Il ne pourrait les communiquer plus abondamment : il n'y a
aucun être en effet dans lequel la plénitude de sa bonté ne peut être
diminuée par la communication qu'Il en fait ainsi. 217.
Ensuite, lorsqu'il dit (74) : Mais l'un qui existe...il montre la même
chose quant à l'un et dit que Dieu, puisqu'Il est l’Un et qu'il donne l'un
à toute partie et à toute totalité, à toute unité et à toute multiplicité
pour autant que toute multiplicité participe de l'un d'une certaine manière,
Lui-même, dit-il, étant ainsi l’un et donnant l'unité, est l'un pur
et simple d'une manière supra-substantielle, comme Il est le bien et
l'être de la même manière ; car il ne fait pas partie de ceux auxquels il
donne d'être un. En effet, il n'est pas comme l'un qui fait partie d'une
multiplicité, puisque rien ne peut être regardé comme son égal ; et il
n'est pas non plus un à la manière d'un tout composé de parties
et il n'est pas non plus un à la manière des autres êtres, et il
ne possède pas non plus l'unité à la manière de ceux qui participent de
Lui ; mais il est cependant l'un qui est éloigné de ceux qui
sont un de cette manière, parce qu'il est l'Un qui est au-dessus de l'un
qu'on retrouve dans les êtres créés ; et c'est là l'Un qui
produit dans l'être la multitude des choses et les conduit à
leur perfection en leur attribuant leurs perfections propres, et qui
les conserve dans l'être en les maintenant toutes dans leur être et dans leur
rang. 218.
Ensuite, lorsqu'il dit (75) : De même...il montre la même chose quant
au nom même de Dieu ; et il dit qu'on dit qu'il semble y avoir une
différenciation et une multiplication de Dieu dans la mesure où on
assiste au devenir de plusieurs dieux du fait que Dieu déifie certaines
créatures par leur conformité à Lui-même et selon les capacités de chacune
des choses ainsi déifiées ; non pas que ces dernières puissent parfaitement
se conformer à Lui ou qu'on puisse les nommer divines d'après leur existence
même. Et quoique ces nombreux dieux soient bienheureux et soient ainsi
nommés, il n'existe néanmoins qu'un seul Dieu primordial qui
est au-dessus de toute divinité communiquée, un seul Dieu qui existe d'une
manière supra-substantielle. Et quoique ce soit Lui qui existe en toute
chose, il demeure indivisible dans les choses divisibles dans
lesquelles Il existe et auxquelles il communique l'être et Il reste un en
lui-même et ne se mélange pas à la multitude et, considéré en lui-même, Il n'est
pas sujet à multiplication. 219. Et
le bienheureux Paul, comprenant cela d'une manière surnaturelle, lui qui fut
un éducateur, c'est-à-dire un formateur en matière d'illumination
divine tant pour Denys lui-même que pour son maître Hiérothée (lequel,
c'est-à-dire Paul, ayant eu une grande connaissance de Dieu et de celui
qui est la lumière du monde dont lui-même se dit rempli au livre des
Actes (13, 47) et dont parle Ésaïe (49, 6) : ¨J'ai fait de toi la lumière
des nations¨), dit ces choses dans ses saintes
Lettres, plus précisément dans la Première Lettre aux Corinthiens (8, 5-6), mû
par une inspiration de Dieu : ¨Même s'il y a de prétendus dieux au
ciel et sur la terre – et en fait, il y a beaucoup de ¨dieux¨ et de
¨seigneurs¨-, il n'est est pas moins vrai que pour nous il n'y a qu'un seul
Dieu, le Père, qui a créé toutes choses et pour qui nous vivons ; il n'y a
également qu'un seul Seigneur, Jésus-Christ, par qui toutes choses existent
et par qui nous vivons¨. En effet, à partir de cette autorité il apparaît
que la multitude de ceux qui sont devenus des dieux, à la fois dans les cieux
comme le sont les anges et sur la terre ainsi que le sont devenus les saints
hommes, cela n'enlève rien à l'unité de Dieu qui est commune au Père et au
Fils. 220.
Ensuite, lorsqu'il dit (76) : Et de fait...il présente la raison sur
laquelle se fonde ce qui précède. En effet, les productions, les
multiplications et les différenciations qui précèdent ne détruisent pas
l'unité divine pour cette raison que dans les Personnes divines les unités
transcendent les différenciations et leur commandent ; les unités en
effet doivent s'entendre selon l'Essence divine elle-même alors que les
différenciations doivent être comprises comme une empreinte de l'image de
Dieu appliquée sur les choses, lesquelles déclinent grandement de leur
Principe et c'est pourquoi les Personnes divines conservent néanmoins
leur unité après que cet Un qui est Dieu se soit différencié au moyen d'une
multitude d'images ou de ressemblances de Lui-même par une différenciation
inaltérable, car rien ne s'échappe de l'Essence divine et unifiante
car une telle différenciation n'entame en rien l'unité divine. 221.
Ensuite, lorsqu'il dit (77) : Ces communes...il promet de s'occuper
des choses de cette sorte par la suite et il dit qu'il tentera, dans la
mesure de ses capacités et avec la grâce de Dieu, de présenter les différenciations
précédentes qui sont unes, c'est-à-dire communes à toute la Divinité, si
l'on désigne ainsi par ces mots les processions qui relèvent de la
bonté divine. Il se propose cependant de les manifester à partir des noms
divins qui sont transmis dans les Écritures et qui manifestent les
processions de cette sorte, tout comme lorsque nous disons que Dieu est
vivant et sage, nous manifestons par ces mots que la vie et la sagesse
procèdent de Dieu, c'est-à-dire qu'elles proviennent de Dieu pour parvenir
aux créatures. Mais cela doit être connu à l'avance car ainsi que nous
l'avons dit (158-161), toute dénomination de Dieu se rapportant à sa
bienveillance, quelle que soit la Personne divine à laquelle on
l'attribue, doit s'entendre sans le moindre doute comme appartenant à toutes
les Personnes de la Trinité. |
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CAPUT 3 |
Chapitre 3 - De la
puissance de la prière, du bienheureux Hiérothée, du respect et du traité de
théologie.
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[84843] In De divinis nominibus, cap. 3 Postquam Dionysius praemisit quaedam necessaria
ad sequentem doctrinam, hic incipit prosequi suam intentionem et primo
praemittit quoddam prooemium ad totum opus sequens ; secundo incipit tradere
doctrinam de divinis nominibus, quam intendit. Circa primum, duo facit :
primo ostendit necessarium esse ut ab oratione incipiat ; secundo, excusat se
quod, post Hierotheum, ipse conatus est eadem tractare de quibus ille
tractaverat et quomodo reverentiam ad magistrum servat ; ibi : et hoc
forsitan et cetera, et haec duo tanguntur in titulo capituli, qui
talis est : quae orationis virtus, quantum ad primam partem capituli ; et de
beato Hierotheo et de reverentia et tractatu theologico, quantum ad secundam
partem. Circa primum, tria facit : primo, proponit quod intendit ; secundo,
manifestat propositum per rationem ; ibi : oportet et cetera
; tertio, per exempla ; ibi sicut si et cetera. Dicit ergo
primo quod si hoc conveniens videbitur, inter alias divinas nominationes,
nunc debemus considerare ipsam nominationem boni, idest secundum
quam Deus nominatur bonus. Et ad huiusmodi nominationem accipiendam,
considerandum est quod Platonici, materiam a privatione non distinguentes,
ponebant eam in ordine non-entis, ut dicit Aristoteles in I physicorum.
Causalitas autem entis non se extendit nisi ad entia. Sic igitur secundum eos
causalitas entis non se extendebat ad materiam primam, ad quam tamen se
extendit causalitas boni. Cuius signum est quod ipsa maxime appetit bonum.
Proprium autem est effectus ut convertatur per desiderium in suam causam. Sic
igitur bonum est universalior et altior causa quam ens, quia ad plura se
extendit eius causalitas. Et quamvis Dionysius hoc tangere videatur in
sequenti capitulo, tamen aliam rationem huius ordinis considerasse videtur.
Intendit enim in hoc libro agere de divinis nominibus manifestantibus
processiones creaturarum a Deo, secundum quod est causa rerum. Id autem quod
habet rationem causae, primo et universaliter est bonum. Quod apparet duplici
ratione : primo quidem, quia bonum habet rationem finis ; finis autem, primo,
habet rationem causae. Nam forma est causa inquantum facit materiam esse actu
; materia autem fit actu primo quando ab agente incipit. Secundo, quia agens
agit sibi simile, non inquantum est ens quocumque modo, sed inquantum est
perfectum. Perfectum enim, ut dicitur in IV Meteorologicorum, est quod potest
sibi simile facere. Perfectum autem habet rationem boni. Sic igitur, quidquid
Deus facit creaturis, sive esse sive vivere et quodcumque aliud, totum ex
bonitate divina procedit et totum ad bonitatem pertinet creaturae. Et ideo
dicit quod nominatio est perfecta, inquantum omnia comprehendit et est
manifestativa omnium divinarum processionum. Ad hoc autem quod de processione
boni tractemus oportet nos, orando, invocare sanctam Trinitatem, quae est
principium omnis boni et est super omnem bonitatem. Sicut enim ipsa, ex sua
benignitate, dat omnia dona ab ea provisa ita ipsa sola sufficienter
manifestare potest : opera enim artis in artifice optime cognoscuntur.
Deinde, cum dicit : oportet enim et cetera, manifestat
propositum per rationem, dicens quod oportet nos ad
cognoscendas divinas processiones divinae bonitatis, Trinitatem, orando,
invocare ; et circa hoc, tria facit : primo, ponit rationem ad principale
propositum ; secundo, manifestat quoddam in ratione suppositum ; ibi : etenim et
cetera ; tertio, probat quoddam in hac ratione assumptum ; ibi : ipsa
enim et cetera. Dicit ergo quod oportet nos produci,
idest extendi, per orationes, ad ipsam Trinitatem, sicut ad
principium omnis boni processionis, quia per hoc quod nos
oramus, ei appropinquamus ; et quanto magis propinquamus ei, tanto magis
possumus addiscere dona bonitatis eius, quae circa ipsam collocantur, quasi
ab ea per similitudinem bonitatis derivata ; quanto enim aliquis magis
appropinquat alicui rei, magis cognoscit quae circa ipsam sunt. Deinde cum
dicit : etenim ipsa et cetera, quoddam quod proposuerat
manifestat, scilicet quod per orationem nos appropinquamus sanctae Trinitati,
et dicit quod ipsa quidem sancta Trinitas omnibus adest,
inquantum omnibus sua dona communicat, sed non omnia ipsi adsunt,
inquantum deficiunt a participatione eius. Sed quando nos invocamus
ipsam, tunc adsumus ei, appropinquantes ad ipsam. Sed ad hoc quod
oratio nos faciat ei propinquos, tria requiruntur : primo, quod sensualitas
sit munda ab omnibus carnalibus et mundanis affectionibus, quibus illecti
retrahimur inferius et hoc tangit cum dicit : castissimis orationibus
; secundo, ut intellectus noster non obumbretur caligine phantasmatum, quod
accidit illis qui spiritualia non supra corporalia capere volunt, ut qui
posuerunt Deum effiguratum figura humani corporis, propter quod etiam
impedimur ab ascensu in Deum et quantum ad hoc, dicitur : revelata
mente ; tertio, ut voluntas nostra per caritatem et devotionem sit
ordinata in Deum, et hoc est quod subdit : et apti ad
divinam unitionem. Deinde, cum dicit : ipsa enim et
cetera, probat quod supposuerat, scilicet quod deitas universis adest ; quod
quidem probat duabus rationibus. Deitas enim non est in loco ut diffinita vel
circumscripta loco. Omne autem quod alicubi adest, alibi non existens, aut
quod sic transit ad quaedam ut alia deserat, est in loco ut circumscriptum
vel definitum. Non ergo hoc de deitate dici potest. Manifestum est autem quod
alicui praesens est, ad minus sibi ipsi ; ergo omnibus adest. Secundam
rationem ponit ibi : sed et dicere et cetera. Omne infinitum
quod est super omnia et comprehendit omnia, adest omnibus ; sed Trinitas est
huiusmodi ; ergo relinquitur quod ipsa adsit omnibus. Et ex hoc potest accipi
quod nulla creatura sit ubique, cum ex infinitate Dei hoc per consequentiam
relinquatur quod Deus sit ubique. Ultimo autem, concludit
principale intentum, quod debemus nos per orationem extendere ad
altiorem considerationem radiorum divinae
bonitatis. Deinde, cum dicit : sicut et
cetera, manifestat propositum per exempla : et primo, ponit exempla duo ad
propositum manifestandum ; secundo, concludit principale propositum, ibi
: propter quod et cetera. Primum exemplum est quod
imaginemur catenam multi luminis quae pendeat a summitate coeli
et descendat usque ad terram, coram facie nostra. Si acciperemus illam
catenam et semper mutaremus manus versus superius, videremur quidem trahere catenam deorsum,
sed secundum veritatem non deiiceremus eam, cum ipsa esset praesens sursum
et deorsum, sed nos ipsi elevaremur in maiorem
splendorem illius luminosae catenae. Secundum exemplum ponit ibi : aut
sicut et cetera, et dicit quod si ascenderemus
in navem et teneremus quosdam funes, qui extenderentur ab
aliqua petra exteriori ad nos, qui essent
nobis ad auxilium dati, non traheremus ad
nos petram, sed secundum rei veritatem et nos ipsos et navem duceremus ad
petram ; et e contrario si aliquis stans in navi
impingat ad petram quae stat iuxta mare, nihil ageret contra
petram, quae est stans et immobilis, sed seipsum separabit ab
illa et tanto magis quanto magis impinget ad
eam. Ad hoc autem quod ista exempla ad propositum adaptentur, considerandum
quod circa orationem secundum quinque opiniones oportet diversimode iudicare
: quidam enim sustulerunt totaliter Dei providentiam, ponentes omnia a casu
accidere et haec fuit opinio Epicureorum ; quidam vero posuerunt Dei
providentiam circa res incorporales et universales, sed a rebus humanis
divinam providentiam subtraxerunt et haec fuit opinio quorumdam
Peripateticorum ; quidam vero extenderunt divinam providentiam usque ad
omnia, sed dixerunt ex divina providentia res omnes necessarios eventus
habere, totaliter a rebus contingentiam auferentes et haec fuit opinio
Stoicorum ponentium, secundum inevitabilem causarum seriem quam fatum
nominabant, omnia ex necessitate contingere ; quarta fuit opinio quorumdam
Aegyptiorum qui dixerunt providentiam Dei mutabilem esse ; quinta fuit opinio
quorumdam Platonicorum dicentium quod divina providentia immutabilis est, sed
sub ea res aliquae mutabiliter et contingenter continentur. Primae igitur
tres opiniones totaliter orationis fructum evacuant. Si enim Deo nulla cura
est de rebus vel saltem non est ei cura de rebus humanis aut si omnia ex
necessitate eveniunt, frustra Deo preces funduntur. Quarta autem opinio
fructum orationis non tollit, sed ei plus debito tribuit, scilicet immutare
divinam providentiam. Unde, sola quinta opinio rectum iudicium de oratione
habet, quam Dionysius hic sequitur ut scilicet per orationem nos ipsos
trahamus mutabiles existentes ad divinae providentiae participationem, non
autem credamus nos divinam providentiam posse mutare. Catena ergo luminis ab
immobili coeli summitate dependens vel funes qui ab immobili petra extensi
sunt, significant ordinem divinae providentiae ab immobilitate divinae
sapientiae procedentem. Quod autem dicit catenam ubique praesentem in coelo
et in terra et deinde omnibus adesse, significat providentiam eius ad omnia
se extendere contra primam opinionem. Quod autem dicit de immutabilitate
lapidis et quod catena luminis ad nos trahi non potest, significat divinam
providentiam immobilem esse, contra quartam positionem vel opinionem. Quod
autem dicit quod nosipsi sursum ducimur per catenam immobilem et petrae
appropinquamus per funem aut ab ea separamur per impulsionem, significat
mobilitatem nostram ad sequendum divinae providentiae fructum, contra tertiam
positionem. Ultimo, concludit propositum, quod scilicet, ante omnia, maxime
autem theologica negotia, utile est nos incipere ab oratione, non ita quod
nos per orationem trahamus divinam virtutem, quae ubique praesens est et
nusquam concluditur, sed sicut per divinam commemorationem et invocationem
nos ipsos trahentes et ei unientes. Praemissa orationis necessitate, procedit
Dionysius ad sui excusationem ; et primo, ponit unde accusabilis alicui
videri posset ; secundo, se excusat ; ibi : etenim et cetera.
Dicit ergo primo, quod hic videtur accusatione dignus, quod cum Hierotheus
qui fuit nobilis magister eius adunaverit, subtiliter loquendo, quosdam
tractatus de rebus divinis, Dionysius scripsit et alios tractatus de rebus
divinis et praesentem librum ac si tractatus Hierothei non sufficerent, quod
ad quamdam irreverentiam pertinere videtur. Deinde, cum dicit : etenim et
cetera, procedit ad sui excusationem ; et circa hoc, tria facit : primo,
excusat se ab irreverentia ; secundo, ostendit reverentiam suam ad Hierotheum
; ibi : quoniam et cetera ; tertio, concludit intentionem
suam in hoc opere conscribendo ; ibi : igitur istis et
cetera. Excusat autem tripliciter : prima excusatio est quod ea quae
Hierotheus in unum dixerat, ipse ex mandato Hierothei et ad petitionem
Timothei per singula tractavit ; et hoc est quod dicit : quod si Hierotheus dignatus
esset tractare per ordinem omnia quae pertinent ad
theologicam considerationem et tractatum totius theologiae, quem scilicet
quasi in quodam genere et summa peregit, voluisset percurrere perscrutando in
particulari, Dionysius non pervenisset ad tantum furorem vel
pravitatem, quod vellet scribere de divinis. Quod autem ad
furorem vel pravitatem pertinuisset, ostendit altero duorum modorum, quorum
unus est quod Dionysius arbitraretur se elevare ad considerationes
theologicas perspicacius quam Hierotheus et magis divine ; alius modus est
quod ipse non crederet se altiora dicere et tunc sequerentur duo
inconvenientia : quorum unum est quod eadem repetendo quae Hierotheus
dixisset, inutiliter scriberet et sic incurreret vaniloquium ; aliud
inconveniens est quod, quasi furtive arripiendo sibi nobilissimam
contemplationem et manifestationem divinorum ipsius Hierothei, faceret ei
iniuriam, cum tamen ipse fuerit magister eius et amicus et Dionysius fuerit
introductus ad theologicam cognitionem, maxime ex verbis Hierothei, tamen
post doctrinam Pauli. Sed Hierotheus exposuit quasdam determinationes conspicaces,
idest ex magna difficultate et intelligentia acceptas et comprehendentes
multa in uno universali, secundum rei veritatem prudenter homines
ad divina inducens ; et praecepit Dionysio et aliis ei
similibus qui sunt magistri animarum quae de novo
instruuntur, quod secundum eorum possibilitatem manifestarentur et distinguerentur
ab eis, universales determinationes profundae contemplationis illius
viri, in quibus multa involvebat in uno et hoc facerent sermone eis commensurato,
non ita universali sicut usus fuerat Hierotheus. Ipse
etiam Timotheus multoties exhortatus est Dionysium ad
hoc ipsum complendum et librum Hierothei ei remiserat, sicut eius
capacitatem excedentem. Quia ergo ista ita sunt, ideo nos determinamus
praedictum librum esse magistrum perfectarum considerationum,
non aptum quibuscumque, sed his tantum qui sua capacitate multitudinem
excedunt, ita quod ille liber habet quamdam secundam auctoritatem ab eloquiis
Scripturae canonicae, cui nulla auctoritas adaequari potest ; ita quod verba
illius libri consequenter se habent ad verba christorum Dei,
idest ad verba sanctorum apostolorum, qui dicuntur Christi, propter
plenitudinem spiritualis gratiae et propter sacerdotii dignitatem. Et sic cum
ille liber tam altus conveniat tantum perfectis, nos secundum nostram
proportionem trademus divina his qui sunt secundum nos, idest
imperfectis, nobis similibus. Non enim sufficimus ad perfectam doctrinam
perfectis tradendam, quia si solidus cibus, idest perfecta
doctrina, perfectorum tantum est, ut dicitur
Hebr. 5, quia ipsi soli doctrinam perfectam capere possunt, maioris perfectionis
est tali cibo alios cibare. Maius enim est perfectam doctrinam
alios docere, quam eam ab aliis capere posse. Considerandum est autem quod
quanto aliquis intellectus est altior et perfectior, tanto plura in uno
potest comprehendere. Infirmitas autem intellectus requirit ut singula
singulariter explicentur. Et ideo doctrinam Hierothei, in paucis multa
comprehendentem, dixit perfectam. Secundam excusationem ponit, ibi : recte
igitur et cetera, et dicit quod recte dici potest,
ad suam excusationem, quod ad hoc quod aliquis per se inspiciat
intelligentiam eloquiorum divinorum, quae sunt eloquia sanctae Scripturae et
ipsa perspicua eorum doctrina in se considerata, requirit perfectam virtutem.
Sed quod aliquis habeat scientiam et considerationem verborum introducentium
ad praemissam considerationem et doctrinam et quod ista verba addiscat,
potest convenire etiam imperfectioribus et doctoribus quos vocat
sanctificatores et doctis quos vocat sanctificatos. Sicut igitur per se
inspicere et docere scientiam divinorum perfectam ad Hierotheum pertinebat
qui perfectus fuit, ita habere scientiam exponendi praedictam doctrinam et
addiscere huiusmodi expositionem, ad minores pertinet, inter quos Dionysius
se computat. Tertia excusatio ponitur ibi : quamvis et
cetera, et dicit quod etiam hoc studiose Dionysius
observavit, quod ipse totaliter manum non apposuit nec etiam
ad manifestandum verba Hierothei in illis quae Hierotheus distinguere
voluit secundum planam manifestationem. Deinde, cum dicit : quoniam et
cetera, ostendit reverentiam quam ad Hierotheum habet ; et primo, ostendendo
magnitudinem eius ; secundo, recognoscendo propriam humilitatem : ibi : ita
enim et cetera. Ex his enim duobus sequitur quod aliquis alium in
reverentia habeat, quod de illo magna sentit et de se parva. Commendat autem
Hierotheum dupliciter : primo quidem, quantum ad hoc quod fuit subtilissimus
et totus divinus ; secundo, quantum ad hoc quod parvulis in Christo lac
utiliter noverat dare ; ibi : et ut mystica et cetera. Dicit
ergo primo quod ipse Dionysius simul cum Timotheo et ipso Hierotheo et multis
aliis sanctis fratribus, convenerunt apud apostolos ad videndum corpus eius
qui est principium totius vitae et quod suscepit Deum. Et potest intelligi de
corporali visione Christi, de qua facit mentionem apostolus I Corinth. 15.
Corpus enim Christi est corpus Dei qui est vitae princeps et illud corpus per
unitionem Deum suscepit, unde et templum dictum est, secundum illud Ioan. 2
: hoc autem dicebat de templo corporis sui. Potest etiam
intelligi quod convenerunt ad videndum corpus beatae virginis Mariae in eius
morte, quod etiam suscepit Deum, incarnatione. Et in illo conventu, aderat etiam Iacobus
frater domini et Petrus qui erat summum caput omnium
apostolorum. Post visionem autem praedictam, visum
est omnibus ut universi apostoli et episcopi, qui
ibi aderant, laudarent infinitam bonitatem divinae infirmitatis,
idest humanitatis, sicut unicuique erat possibile. Et tunc
Hierotheus superabat omnes magistros post apostolos, quibus
nullus alius comparari potest ; et illa laude, erat totus excedens omnia
sensibilia et mundana et quasi extra seipsum positus, his quae laudabat per
quamdam unitionem coniunctus videbatur et sic ab omnibus, quicumque audiebant
et videbant sive ante eum cognovissent sive non, iudicatus est Deo
acceptus et divinus laudator. Et quid potest dici de his quae
ipse ibi theologizavit, quae tam sublimia fuerunt ? Quae, ut
Dionysius dicit, si ab eius mente non excidit, multoties recognovit quasdam
partes illarum divinarum laudum, quas Hierotheus protulerat, Deo
inspirante, dum eas a Timotheo prolatas audivit. Tantum
enim fuit Timotheus in studio circa divina, ut ea quae audivit, etiam curavit
memoria retinere. Deinde, cum dicit : et ut mystica et
cetera, commendat eum de eruditione simplicium ; et dicit quod, ut omittat
loqui de illis occultis ibi dictis quia Timotheo nota erant, hoc dicendum est
quod, quando oportebat divina communicare multitudini
et reducere quos poterat ad cognoscendum sancta, cognitione proportionata
imperfectis, excedebat Hierotheus multos sanctorum
magistrorum et temporis tritione quia plurimum temporis terebat sive
expendebat in docendo et mentis puritate quia non
obvolvebatur phantasiis aut erroribus quibus impediretur a recto iudicio
veritatis et demonstrationum diligentia, idest efficacia verborum
in demonstrando veritatem et reliquis locutionibus sanctis, idest
in aliis quae requiruntur ad sanctas locutiones. Unde concludit quod numquam
fuit suus conatus ut respiceret contra tantum solem, scilicet
Hierotheum, se ei praeferendo aut aequando. Deinde, cum dicit : ita
enim et cetera, ostendit quam humilia de se sentiat ; et dicit quod
ita est conscius sibi quod ipse non est sufficiens ad intelligendum divina
non solum quae sunt supra intellectum humanum, sed etiam multa quae sunt
intellecta aliis hominibus ; et similiter reputat se insufficientem ad
dicendum et manifestandum ea quae de divina cognitione ab aliis dici possunt
; et multo longe reputat se deficere a scientia theologicae veritatis, quam
perfectiores habuerunt. Et hoc ideo introducit, quia ad hoc deductus
est propter perfectam reverentiam quam
habet ad maiores et ad divinam philosophiam ; quia totaliter non audet
cogitare aut dicere aliquid de divina sapientia, nisi ea
quae secundum suam mentem capere potest et
illa etiam audit et dicit, quia non oportet negligere divinorum
cognitionem quam contingit aliquem posse habere. Et ad hoc dupliciter
persuasus est : primo quidem, ex naturali desiderio mentium quae
semper cum quodam amore cupiunt contemplationem rerum supernaturalium
quam capere possunt, quia per hoc maxime perficiuntur ; secundo,
quia optima dispositio divinarum legum prohibet multum
scrutari ea quae sunt supra nos, tum quia sunt
supra dignitatem nostram, tum quia impossibile est nobis
adipisci, ut patet in Ecclesiastico, 3, ubi dicitur : altiora te ne
quaesieris. Sed ea quae a nobis desiderantur et data sunt nobis
ut ea capere possimus, praecipit lex divina nos attente discere et
aliis benigne tradere, secundum illud Sap. 7 : quam sine fictione
didici et sine invidia communico. Et hoc etiam ex pluribus aliis
Scripturae locis habetur. Deinde, cum dicit : igitur et
cetera, concludit suam intentionem et dicit quod persuasus est ex praemissis
et non revocatur ab inveniendo veritatem divinorum, secundum scientiae
possibilitatem, neque propter pigritiam neque propter formidinem
pusillanimitatis. Iterum, non poterat animus eius pati ut sine
auxilio dimitteret eos, qui non poterant maiora contemplari quam
ipse. Propter omnia haec, disposuit se ad scribendum hoc opus, ita tamen
quod nihil novum auderet introducere, sed ea quae
conspicaciter a Hierotheo dicta sunt in quadam universali
intelligentia, vult distinguere et manifestare, per quasdam inquisitiones
magis particulares et subtiles, descendendo ad singula. Et loquitur per
similitudinem corporalium, in quibus quanto aliquod totum in plures partes
dividitur, subtiliores partes efficiuntur. |
Leçon UNIQUE (10a) : Présentation d'un proème à toute l'oeuvre qui suit.222.
Après avoir fait précéder ce qui est nécessaire à la compréhension de la
doctrine qui suit, Denys commence ici à poursuivre son propos et il présente
d'abord un proème (chapitre 3) à toute l'oeuvre qui suivra ; deuxièmement, il
commence à présenter la doctrine des Noms divins (chapitre 4) qu'il se propose
d'enseigner. 223. Au
sujet du premier point, il fait deux choses : d'abord il montre qu'il est
nécessaire de commencer par la prière ; deuxièmement, il se justifie de ce
que, à la suite de Hiérothée, il tente lui-même de traiter des mêmes
questions que ce dernier avait traitées et témoigne du grand respect qu'il
conserve à l'égard de son maître, là (87) où il dit : Et cela peut-être...Et
ces deux points sont touchés dans le titre qui est : Quelle est la
puissance de la prière, pour ce qui est de la première partie du chapitre
; et du bienheureux Hiérothée et du respect à l'égard de son traité de
théologie, pour ce qui est de la seconde partie. 224. Au
sujet du premier point, il fait trois choses : d'abord, il présente son
propos ; deuxièmement, il manifeste son propos par un raisonnement, là (79)
où il dit : Il faut... ; troisièmement, il le manifeste par des
exemples, là (84) où il dit : Tout comme si... 225. Il
dit donc premièrement (78) que, ainsi qu'il convient, parmi les autres
appellations de Dieu, nous devons considérer d'abord le nom de bien
d'après lequel Dieu est appelé bon. 226. Et
pour mieux saisir cette appellation, il faut considérer que les Platoniciens,
ne distinguant pas la matière de la privation, plaçaient celle-ci dans la
catégorie du non-être, ainsi que le souligne Aristote dans le premier livre
des Physiques. Mais il se trouve que la causalité de l'être ne s'applique
qu'à ce qui existe. Ainsi donc, selon eux, la causalité de l'être ne
s'appliquait pas à la matière première à laquelle s'applique pourtant la
causalité du bien. Un signe en est que celle-ci désire le bien au plus haut
point. Et c'est le propre d'un effet de se tourner vers sa cause au moyen du
désir. Ainsi donc le bien est une cause plus universelle et plus élevée que l'être
car sa causalité a plus d'extension que celle de l'être. 227. Et
bien que Denys ait semblé avoir vu cela dans le chapitre qui suit, il paraît
cependant avoir considéré une autre raison relative à cette distinction. Il
cherche en effet dans ce livre à traiter des Noms divins qui manifestent les
processions des créatures à partir de Dieu qui est la Cause des choses. Mais
c'est le bien qui, en premier et plus universellement, a raison de cause. Et
cela devient évident pour deux raisons : et premièrement certes parce le bien
a raison de fin ; et c'est la fin qui en premier lieu a raison de cause. Car
la forme est cause dans la mesure où c'est elle qui fait que la matière
existe en acte ; mais la matière existe en acte d'abord quand elle commence à
exister par un agent. Deuxièmement, parce que l'agent cherche à reproduire ce
qui lui ressemble, non pas dans la mesure où il est un être quelconque, mais
dans la mesure où il est un être parfait. En effet, ainsi qu'on le voit au
quatrième livre des Météorologiques,
c'est celui qui est parfait qui peut reproduire ce qui lui est semblable. Et
la perfection a raison de bien. 228.
Ainsi donc, tout ce que Dieu produit dans les créatures, qu'il s'agisse
d'exister, de vivre et de tout autre acte, cela procède totalement de la
bienveillance de Dieu et se rapporte totalement au bien de la créature. Et
c'est pourquoi il dit qu'une appellation est parfaite dans la mesure où elle
embrasse tout et où elle manifeste tout ce qui procède de Dieu. 229.
Mais afin que nous puissions traiter de la diffusion ou de la procession du
bien, il nous faut, par la prière, invoquer la sainte Trinité qui est
le principe de tout bien et qui est au-dessus de toute bonté. En
effet, tout comme c'est Elle-même qui, de par sa bienveillance, donne tous
les biens qu'Elle distribue, de même c'est Elle qui est la seule à pouvoir
suffisamment manifester ce qu'Elle fait : en effet, c'est chez l'artisan que
les oeuvres de l'art sont les mieux connues. 230.
Ensuite, lorsqu'il dit (79) : Il faut en effet...il manifeste son
propos par une raison en disant qu'il nous faut, afin de connaître ce
qui procède divinement de la bonté de Dieu, invoquer la Trinité par la prière
; et à ce sujet, il fait trois choses : d'abord, il présente une raison
relative au propos principal ; deuxièmement, il manifeste une notion
présupposée à cette raison, là (90) où il dit : Et de fait... ;
troisièmement, il prouve un point qui était pris pour acquis dans cette
raison, là (81) où il dit : Elle-même en effet... 231. Il
dit donc (79) qu'il nous faut progresser, c'est-à-dire nous élancer,
au moyen des prières, vers la Trinité elle-même, comme
vers le principe de tout ce qui procède du bien, car c'est au moyen de
nos prières que nous nous approchons d'Elle ; et plus nous nous
approcherons d'elle, plus nous pourrons augmenter en nous les dons de sa
bonté qui sont disposés autour d'Elle comme s'ils dérivaient
d'Elle par une image de sa bonté ; en effet, plus quelqu'un s'approche d'une
chose, plus il connaît ce qui entoure cette même chose. 232.
Ensuite, lorsqu'il dit (80) : Et de fait Elle-même...il manifeste une
chose qu'il avait présentée, à savoir que nous nous approchons de la Sainte
Trinité au moyen de la prière, et il dit que certes la Sainte Trinité elle-même
est présente à toutes les choses parce qu'Elle leur communique ses
dons, mais ce ne sont pas toutes les choses qui Lui sont présentes
dans la mesure où elles se privent de communiquer avec Elle. Mais quand nous
l'invoquons, alors nous Lui devenons présents en nous
approchant d'Elle. 233.
Mais trois choses sont requises pour que notre prière nous approche de la
Trinité : d'abord, il faut que la sensualité soit purifiée de tous les
appétits charnels et mondains par lesquels nous sommes séduits et attirés
vers le bas et Denys touche cela du doigt lorsqu'il dit : par les prières
les plus pures ; deuxièmement, il faut que notre intelligence ne soit pas
assombrie par le brouillard de l'imaginaire, ce qui se produit chez ceux qui
ne veulent pas comprendre les réalités spirituelles autrement que comme des
réalités corporelles, comme ceux qui affirment que Dieu est représenté par la
figure d'un corps humain, ce à cause de quoi nous sommes empêchés de nous
élever vers Dieu et quant à cela il dit : par un esprit dégagé ;
troisièmement, il faut que notre volonté soit ordonnée à Dieu par l'amour et
le dévouement et c'est ce qu'il ajoute en disant : et aptes à être
unis à Dieu. 234.
Ensuite, lorsqu'il dit (81) : Elle-même en effet...il prouve ce qu'il
avait supposé, à savoir que Dieu est présent à tout ce qui existe, ce qu'il
prouve au moyen de deux raisonnements. Dieu en effet n'est pas dans
le lieu à la manière des réalités qui sont délimitées ou circonscrites
dans le lieu. Mais tout ce qui est présent à un endroit en n'existant pas
dans un autre endroit ou qui passe ainsi à des endroits de sorte qu'il en
quitte d'autres est une réalité qui est délimitée ou circonscrite dans le
lieu. On ne peut donc pas dire cela de Dieu. Il est manifeste cependant qu'il
est présent à quelqu'un, au moins à Lui-même ; donc il est présent à tout ce
qui existe. 235.
Voici (82) le deuxième raisonnement : Mais dire...Tout infini qui est
au-dessus de tout et qui embrasse tout est présent à tout ; mais
la Trinité est de cette nature ; il s'ensuit donc qu'Elle-même est
présente à tout ce qui existe. 236. Et
c'est à partir de là qu'on peut comprendre qu'aucune créature n'est partout
puisque c'est à partir de la considération de son infinité qu'on voit que
c'est à Dieu par conséquent qu'il appartient d'être partout. 237. À
la fin cependant il conclut son propos principal, à savoir que nous devons
par la prière nous élever à la haute considération des rayons
de la bonté divine. 238.
Ensuite, lorsqu'il dit (84) : Tout comme...il manifeste son propos par
des exemples ; et d'abord, il présente deux exemples pour le manifester ;
deuxièmement, il conclut son propos principal là (86) où il dit : À cause
de cela... 239. Le
premier exemple se présente ainsi : imaginons une chaîne parsemée de
plusieurs lumières et qui pend du sommet du ciel et qui descend
jusqu'à terre, en face de notre visage. Si nous saisissions cette chaîne en
alternant constamment nos mains vers le haut, il nous semblerait
certes que la chaîne est tirée vers le bas mais en vérité nous ne
l'abaisserions pas puisqu'elle-même demeurerait présente à la fois en haut
et en bas, mais c'est nous-mêmes que nous élèverions ainsi vers le
plus grand éclat de cette chaîne de lumières. 240. Il
présente le deuxième exemple là (85) où il dit : Ou comme si...et il
dit que si nous étions montés sur un navire et que nous tenions des
câbles qui nous auraient été lancés pour nous porter secours et
qui seraient attachés à un rocher extérieur à nous, ce n'est pas
le rocher que nous attirerions à nous, mais en vérité
c'est nous-mêmes et le navire que nous tirerions vers le rocher
; et à l'opposé si quelqu'un se tenant dans le navire
poussait contre ce rocher qui est à proximité de la mer, il ne mettrait en
aucune manière ce rocher en mouvement, lequel est stable et immobile, mais
c'est lui qui s'éloignerait du rocher et cela d'autant plus qu'il
le repousserait davantage. 241.
Pour adapter ces exemples au propos il faut considérer qu'il faut juger
différemment de la prière selon qu'on se positionne selon l'une ou l'autre de
ces cinq opinions : a) certains en effet suppriment complètement la
Providence divine en affirmant que tout se produit par hasard et telle fut
l'opinion des Épicuriens ; b) certains en vérité reconnurent la Providence
divine pour ce qui est des réalité incorporelles et universelles mais la
nièrent pour ce qui est des choses humaines et telle fut l'opinion de
certains Péripatéticiens ; c) certains en vérité étendirent la Providence
divine à tout, mais affirmèrent qu'à partir d'Elle toute chose aboutissait à
un dénouement nécessaire, éliminant ainsi toute contingence des choses et
telle fut l'opinion des Stoïciens qui affirmaient que tout arrive par
nécessité selon une suite inévitable de causes qu'ils appelaient le destin ;
d) la quatrième opinion fut celle de certains Égyptiens qui prétendaient que
la Providence divine était changeante ; e) la cinquième était celle de
certains Platoniciens qui affirmaient que la Providence divine est immuable
mais que certaines choses qui lui sont subordonnées se produisent d'une
manière contingente et changeante. 242. Les
trois premières opinions évacuent donc complètement le fruit de la prière. Si
en effet Dieu ne se soucie nullement des choses ou à tout le moins s'il ne se
soucie pas des choses humaines ou si tout se produit par nécessité, c'est en
vain qu'on adressera des supplications à Dieu. Cependant la quatrième
opinion, sans supprimer le fruit de la prière, lui attribue néanmoins plus
qu'il lui est dû, à savoir la capacité de fléchir la divine Providence. D'où
il suit que seule la cinquième opinion possède un jugement droit sur la
prière et c'est celle à laquelle Denys se conforme ici, à savoir qu'au moyen
de la prière nous attirons nos existences changeantes à une participation de
la Providence divine, sans cependant croire que nous puissions la fléchir. 243.
Donc la chaîne de lumières suspendue du sommet d'un ciel immobile ou bien les
câbles allongés à partir d'un rocher immobile désignent l'ordre de la divine
Providence qui procède de la Sagesse divine. En parlant cependant d'une
chaîne présente partout dans le ciel et sur la terre et qui est par la suite
présente à tout, il désigne la providence de Dieu s'appliquant à tous les
êtres contrairement à ce qu'affirme la première opinion. Et ce qu'il dit au
sujet de l'immobilité de la pierre et de la chaîne de lumière que nous ne
pouvons attirer à nous, cela s'applique à l'immobilité de la divine
Providence et s'oppose à la quatrième opinion. Mais lorsqu'il dit que nous
nous élevons nous-mêmes vers le haut au moyen d'une chaîne immobile et que
nous nous approchons de la pierre au moyen des câbles ou que nous nous en
éloignons au moyen des poussées, il désigne par là notre facilité à chercher
les douceurs de la divine Providence, contrairement à ce que soutient la
troisième opinion. 244.
Finalement (86), il conclut son propos, à savoir qu'avant toute chose,
et surtout avant les occupations théologiques, il nous est utile de
commencer par la prière, non pas de telle manière que nous attirions à
nous par la prière la puissance divine, laquelle est présente partout
et nulle part enfermée, mais de telle manière qu'au moyen de
l'invocation divine et de l'appel que nous faisons à Dieu nous soyons
attirés et unis à Lui. 245.
Ayant présenté la nécessité de la prière, Denys procède ensuite à sa
justification ; et d'abord, il présente ce à partir de quoi il pourrait
devoir subir une accusation ; deuxièmement, il se justifie, là (88) où il dit
: Vraiment... 246. Il
dit donc en premier (87) que ce en quoi il paraît ici digne d'être accusé,
c'est que, alors que Hiérothée, qui fut son célèbre maître, avait
composé, en parlant avec finesse, certains traités portant sur Dieu, Denys a
écrit d'autres livres sur Dieu, y compris le présent ouvrage, comme si ceux
de Hiérothée n'avaient pas suffi, ce qui paraît relever d'un certain
irrespect. 247.
Ensuite, lorsqu'il dit (88) : En vérité...il procède à sa
justification ; et à ce sujet, il fait trois choses : d'abord, il se disculpe
de cette accusation d'irrespect ; deuxièmement, il manifeste son respect à
l'égard de Hiérothée, là (91) où il dit : Puisque... ; troisièmement,
il précise l'intention qu'il poursuit en rédigeant ce livre, là (94) où il
dit : Donc, à ces... 248.
Mais il se justifie de trois manières et la première justification se
présente ainsi : tout ce que Hiérothée a dit universellement, lui-même
l'exposa au moyen de cas particuliers à partir d'un mandat de la part de
Hiérothée lui-même et suite à la demande de Timothée ; et c'est ce que Denys
dit (88) : que si Hiérothée, qui jugea bon de traiter
successivement de tout ce qui se rapporte à l'étude de la Théologie et
contribua à la mise en oeuvre de toute la Théologie qu'il parcourut comme
universellement et sans entrer dans le détail, avait voulu accomplir cela
jusque dans l'examen des cas particuliers, lui-même, Denys, ne serait pas
parvenu à un égarement et à un désordre tels qu'il
aurait voulu écrire au sujet des questions théologiques. 249. Et
il montre de deux manières que cela aurait relevé de l'égarement et du
désordre car ou bien Denys aurait cru pouvoir s'élever à l'étude de la
Théologie avec plus de lumières et plus divinement que ne le fit
Hiérothée ou bien il n'aurait pas cru dire des choses plus élevées et alors
il s'en serait suivi deux inconvénients : dont le premier est qu'il aurait
répété les mêmes choses que Hiérothée avait déjà dites, qu'il les aurait
écrites inutilement et qu'il serait ainsi tombé dans la vanité ; le deuxième
est qu'en voulant ainsi s'emparer pour ainsi dire furtivement de la
contemplation et de la clarté bien connues de Hiérothée lui-même sur les
choses de Dieu, il lui aurait fait injure bien que néanmoins ce
dernier avait été son maître et son ami et que Denys avait été introduit à la
connaissance de la théologie principalement à partir des paroles de
Hiérothée mais après l'enseignement de Paul. 250.
Mais Hiérothée expliqua certains points qu'il avait aperçus,
c'est-à-dire qu'il avait acquis avec grande difficulté et en déployant une
grande intelligence, et qui embrassaient une multitude de choses dans un verbe
universel, conduisant ainsi avec prudence des hommes dans les
choses divines conformément à la vérité des choses ; et il conseilla à
Denys, ainsi qu'à d'autres semblables à lui qui sont des maîtres à l'égard
de ceux dont les âmes sont fraîchement instruites, de leur manifester et
de leur distinguer les unes des autres, dans la mesure de leurs possibilités,
ces notions universelles dont la contemplation est d'une grande profondeur
chez cet homme et qui impliquent chacune une multitude d'autres
notions, et il les exhorta à faire cela au moyen d'un discours qui
leur soit proportionné et non pas au moyen d'un verbe universel ainsi
que Hiérothée avait coutume de le faire. De plus Timothée lui-même exhorta
Denys en maintes occasions à achever cette même tâche et lui avait
remis le livre de Hiérothée comme s'il dépassait pour ainsi dire ses
capacités. 251.
Donc, parce qu'il en est ainsi, c'est à cause de cela que nous identifions
ce livre de Hiérothée comme étant le guide des réflexions parfaites
et qui ne convient pas à n'importe qui mais seulement à ceux qui dépassent la
multitude par leurs capacités, de telle sorte que ce livre tient lieu de
deuxième référence auprès de ceux qui proclament les Écritures canoniques
qu'aucune autre référence ne peut égaler, de telle manière que ce livre est
cohérent avec les paroles des christs de Dieu, c'est-à-dire avec les
paroles des saints Apôtres qui sont appelés christs parce qu'ils sont comblés
de grâces spirituelles et parce qu'ils possèdent la dignité du sacerdoce. Et
ainsi, puisque ce livre est si élevé qu'il convient seulement aux parfaits, nous
enseignons, selon nos capacités et au moyen d'analogies les
réalités divines à ceux qui sont semblables à nous, c'est-à-dire à ceux
qui comme nous sont imparfaits. En effet, nous n'arrivons pas à enseigner la
doctrine parfaite aux parfaits car si la nourriture solide, à
savoir la doctrine parfaite, est seulement pour les parfaits,
ainsi qu'on le dit dans la Lettre aux Hébreux (5, 14), car eux seuls peuvent
la comprendre, il est d'une plus grande perfection encore de pouvoir nourrir
les autres d'un tel aliment. En effet, il est plus grandiose de
transmettre à d'autres la doctrine parfaite que de pouvoir l'acquérir d'un
autre. Et il faut avoir à l'esprit qu'une intelligence est d'autant plus
élevée et parfaite qu'elle peut saisir plus de choses dans un seul concept.
Et la faiblesse d'une intelligence exige que chaque cas particulier soit
expliqué séparément. Et c'est pourquoi Denys dit que la doctrine de Hiérothée
est parfaite, à savoir parce qu'elle saisit une multitude de choses dans
l'examen d'un seul concept ou d'un seul principe universel. 252. Il
présente la deuxième justification là (89) où il dit : À bon droit donc...et
il dit qu'à bon droit on pourrait dire pour appuyer sa justification
que pour que quelqu'un examine par lui-même la science des écrivains sacrés,
lesquels sont les prophètes des saintes Écritures, cela exige une puissance
intellectuelle parfaite, tout comme est parfaite la clarté de leur doctrine
considérée en elle-même. Mais pour ce qui est de la science et de la
connaissance des paroles qui introduisent ou préparent à cette
connaissance et à cette science dont nous venons de parler et d'en apprendre
le langage, cela peut se retrouver aussi chez les imparfaits, tant chez les
maîtres qu'il appelle les sanctificateurs que chez les élèves qu'il appelle
les sanctifiés. Donc, tout comme il appartenait à Hiérothée, en raison de sa
perfection, d'examiner par lui-même et d'enseigner la science parfaite des
choses divines, de même il appartient aux plus petits, dont Denys estime
faire partie, d'acquérir et de posséder la science qui consiste à expliquer
ce qui y prépare. 253. Il
présente la troisième justification là (90) où il dit : Bien que...et
il dit que c'est cela même que Denys observa avec application, à
savoir que lui-même ne mit pas non plus la main à manifester toutes
les paroles de Hiérothée, surtout pas les notions que Hiérothée avait voulu
distinguer en les expliquant clairement. 254.
Ensuite, lorsqu'il dit (91) : Puisque...il manifeste le respect qu'il
porte à Hiérothée ; ce qu'il fait en manifestant d'abord la grandeur de ce
dernier ; deuxièmement, en reconnaissant sa propre petitesse, là (93) où il
dit : Ainsi en vérité...En effet c'est à partir du constat de ces deux
points, à savoir que quelqu'un perçoit l'autre comme étant grand et qu'il se
perçoit lui-même comme petit, qu'il s'ensuit que quelqu'un porte à cet autre
du respect. Et il manifeste la valeur de Hiérothée de deux manières : d'abord
certes quant à ceci qu'il fut le plus pénétrant et le plus divin des
théologiens ; deuxièmement, quant à cela qu'il savait avec profit donner le
lait aux petits dans le Christ, là (92) où il dit : Et afin que ces
mystères... 255. Il
dit donc en premier (91) que Denys lui-même, avec et en même temps que
Timothée et Hiérothée lui-même, ainsi qu'avec plusieurs autres frères
irréprochables, s'unit avec les Apôtres dans la vision du Corps de celui qui
est le principe de toute vie et qui a accueilli la divinité. Et
par vision corporelle du Christ, on peut entendre celle dont fait mention
l'Apôtre dans sa Première lettre aux Corinthiens (15, 6). En effet, le corps
du Christ est le corps de Dieu qui est le Principe de la vie et ce corps
accueillit Dieu en s'unissant à Lui et c'est pourquoi il fut appelé temple,
conformément à ce passage de Jean (2, 21) : ¨Mais le temple dont parlait
Jésus, c'était son corps.¨ On peut aussi comprendre par là qu'ils
s'unirent dans la vision du corps de la bienheureuse Vierge Marie lors de Sa
mort, laquelle reçut également Dieu par l'incarnation. Et dans cette
assemblée étaient aussi présents Jacques le frère du
Seigneur ainsi que Pierre, la tête dirigeante de tous les Apôtres. 256. Suite
à la vision dont on vient de parler, il apparut à tous ceux qui
étaient présents que l'ensemble des Apôtres et des Évêques loueraient,
comme chacun le pouvait, l'infinie bonté de la divine faiblesse,
à savoir de son humanité. Et alors Hiérothée, après les Apôtres auxquels
aucun autre homme ne peut se comparer, dépassait tous les maîtres ; et
dans cette louange, comme en extase, il dépassait toutes les réalités
sensibles qui sont de ce monde et il semblait joint comme par une certaine
union intime aux réalités dont il faisait l'éloge et il fut ainsi considéré,
par tous ceux qui l'entendaient et le voyaient et qui l'avaient connu ou non,
comme étant agréable à Dieu et comme l'apologiste de Dieu. Et que
pouvons-nous dire encore de toutes les choses dont il fit l'apologie à
l'égard de Dieu et qui sont si sublimes ? Ainsi que Denys le dit, si
sa mémoire est bonne, il reconnut maintes fois certains passages de
ces éloges divins que Hiérothée, inspiré par Dieu, avait présentés, alors
qu'il les entendit prononcés par Timothée. En effet, Timothée baigna
tellement dans l'étude de la théologie que ce qu'il entendit, il prit soin
aussi de le retenir par sa mémoire. 257.
Ensuite, lorsqu'il dit (92) : Et afin que ces mystères...il fait
valoir les mérites de Hiérothée quant à l'instruction des personnes simples ;
et il dit que comme il a omis de parler de ces choses mystérieuses
mentionnées ici parce qu'elles étaient connues de Timothée, il faut dire
ceci, à savoir que quand il fallait communiquer les réalités
divines à la foule et ramener ceux qu'il pouvait à la connaissance des choses
saintes par une connaissance proportionnée aux imparfaits, Hiérothée dépassait
un grand nombre de maîtres irréprochables à la fois par la façon dont il
usait de son temps car il consumait ou dépensait beaucoup de temps à
enseigner, par la pureté de son intelligence car il n'était pas
enveloppé par les images et les erreurs qui l'auraient empêché de garder un
jugement droit sur la vérité, par l'exactitude de ses démonstrations,
c'est-à-dire par l'efficacité de ses paroles à démontrer la vérité, et par
ses autres vénérables paroles, à savoir par les autres choses qui sont
nécessaires à la réalisation des saints discours. Il conclut de là qu'il n'a
jamais été porté à regarder en face un tel soleil, à savoir Hiérothée,
en cherchant à se préférer à lui ou à se faire son égal. 258.
Ensuite, lorsqu'il dit (93) : Ainsi en effet...il montre à quel point
il se sent petit à ses propres yeux ; et il dit qu'il est bien conscient de
ne pouvoir lui-même comprendre non seulement les réalités divines qui
dépassent l'intelligence humaine, mais aussi plusieurs de celles que d'autres
hommes ont comprises ; et de même il s'estime incapable de présenter et
d'expliquer les choses que d'autres ont été capables d'exprimer sur la
connaissance de Dieu ; et il s'estime être encore beaucoup plus privé de la
science de la vérité théologique que d'autres, plus parfaits que lui, ont
possédée. Et il avance cela parce qu'il y a été conduit en raison
du profond respect qu'il porte à l'égard des plus grands et à l'égard
de la Philosophie divine ; car il n'ose pas même penser ou dire quelque chose
de la sagesse divine, si ce n'est les choses qu'il peut saisir selon
les capacités de son esprit et celles-là encore il les écoute et il
les dit parce que quelqu'un ne doit pas négliger la connaissance des
choses divines qui sont à sa portée. 259. Et
il en est convaincu pour deux raisons : d'abord certes en s’appuyant sur le
désir naturel des esprits de rechercher toujours avec une certaine
ardeur la contemplation des choses surnaturelles qu'ils peuvent acquérir
car c'est principalement au moyen de celle-ci qu'ils réalisent leur
perfection ; ensuite à partir du parfait arrangement des lois divines
qui nous défend de scruter en profondeur ces choses qui nous dépassent
d'une part parce qu'elles sont bien au-dessus de nous de par leur dignité,
d'autre part parce qu'il nous est impossible de les atteindre ainsi qu'il
apparaît dans l'Ecclésiaste (3, 22) où il est dit : ¨tu ne chercheras pas
à connaître les choses les plus élevées¨. Mais les choses que nous
désirons et qui nous sont données pour que nous puissions les
embrasser, la loi divine nous commande de nous en instruire avec
application et de les enseigner aux autres avec bonté ainsi que le dit ce
passage du livre de la Sagesse (7, 13) : ¨Ce que j'ai appris d'elle avec
un coeur sincère, j'en fais part aux autres sans réserve¨. Et ce précepte
se retrouve dans plusieurs autres passages des Écritures. 260.
Ensuite lorsqu'il dit (94) : Donc...il termine son propos et il dit
que les raisons qui précèdent suffisent à le convaincre et qu'il ne se
détournera pas de la recherche de la vérité au sujet de Dieu dans la
mesure où sa science le lui permet, ni en raison de la paresse, ni en raison
de la peur due au sentiment de sa petitesse. Derechef, son âme ne pourrait
pas supporter de laisser sans secours ceux qui comme lui-même ne
peuvent parvenir à contempler les réalités les plus élevées. Pour toutes ces
raisons, il se disposa à écrire cette oeuvre, de telle manière
cependant qu'il n'osa y introduire rien de nouveau mais qu'il voulut
au contraire distinguer et manifester au moyen de recherches plus
particulières et plus pointues, en descendant jusqu'aux détails, les
choses remarquables que Hiérothée avait dites et saisies comme
universellement. Et il s'exprime ici au moyen d'une image tirée des réalités
corporelles et grâce à laquelle on peut voir que plus un tout est divisé en
ses nombreuses parties, plus celles-ci sont rendues précises. |
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CAPUT 4 |
Chapitre 4 - Du Bien, de la Lumière, du Beau, de l’Amour, de l’Extase, du Zèle ; Et que le Mal n’est pas un être, qu’Il ne vient pas de l’être et qu’Il n’est pas dans les êtres. |
LECTIO 1 [84844] In De divinis
nominibus, cap. 4 l. 1 Praemisso prooemio, iam accedit ad
prosequendum principalem intentionem. Et ut sequentium capitulorum intentio,
numerus et ordo pateat, considerandum est quod, sicut in 1 et 2 cap. dictum
est, in hoc libro intendit exponere divina nomina quibus manifestantur
processiones Dei in creaturas. Principium autem commune omnium harum
processionum bonum est, ut in 3 cap. dictum est, quia quidquid a Deo in
creaturas procedit, hoc creaturae suae propter suam bonitatem communicat. Et
ideo primo, agit in hoc 4 cap. de bono et etiam de his quae ad
considerationem boni pertinent. Si autem singulae processiones considerentur,
quas divina nomina manifestant, tria videmus ex divina bonitate esse rebus
attributa : primo quidem, ut in se sint et perficiantur ; secundo, ut ad
invicem comparentur ; tertio, ut ordinentur in finem. Si autem ipsae res in
se considerentur : primum et communius, quod in eis invenitur, est esse ;
secundo, vivere ; tertio, cognoscere ; quarto iustum esse vel virtuosum. Et
secundum hunc ordinem, de divinis nominibus prosequitur : primo quidem post
bonum, de ente in 5 capitulo ; secundo, de vita in 6 ; tertio, de sapientia
in 7 ; quarto, de virtute et iustitia in 8. Comparatio autem rerum ad invicem
attenditur secundum duo : primo, secundum aliquid intrinsecum, prout una res
dicitur alteri similis vel aequalis, eadem vel diversa, propter convenientiam
in substantia, quantitate aut qualitate et de his agit in 9 capitulo ;
secundo vero, secundum aliquid extrinsecum, sive secundum quod continentur
sub una parte sive secundum quod continentur sub una mensura et de his agit
in 10, ubi agitur de omnipotente et antiquo dierum ; hanc autem ordinationem
sequitur pax et tranquillitas ordinis, unde in 11 agitur de pace. Sed circa
ordinem rerum in finem, duo sunt consideranda, scilicet providentia
gubernantis et ordinantis in finem et de hoc agitur in 12 capitulo, ubi
agitur de rege regum et domino dominorum, et ipse finis ad quem res per
providentiam et gubernationem perveniunt et hoc pertinet ad 13 capitulum, in
quo agitur de perfecto et uno. Ad sciendam vero continentiam huius 4
capituli, considerandum est quod opposita sunt eiusdem considerationis ;
malum autem opponitur bono, unde in cap. de bono determinat etiam de malo.
Rursus, quia actus per obiectum cognoscitur, ad eamdem considerationem
reducitur actus et obiectum ; bonum autem est proprium obiectum amoris, unde
in hoc cap. boni, agit etiam de amore et de extasi, quae est effectus amoris,
ut patebit, et de zelo qui quamdam amoris intensionem signat. Item, cum bonum
sit quod omnia appetunt, quaecumque de se important appetibilis rationem, ad
rationem boni pertinere videntur ; huiusmodi autem sunt lumen et pulchrum, de
quibus etiam in hoc cap. agit. Et hanc intentionem capituli exprimit titulus
qui talis est : de bono, lumine, pulchro, amore, extasi et zelo. Primo,
igitur, in hoc capitulo determinat de bono ; et primo, ostendit qualiter
bonum sit in Deo ; secundo, qualiter creaturis communicetur, ibi : propter
ipsos et cetera. Circa primum, duo facit : primo ostendit quomodo
attribuatur Deo ; secundo inducit exemplum, ibi : etenim et
cetera. Dicit ergo primo quod post praemissa iam oportet sermonem
dirigere de hoc nomine bonum quod in sacra Scriptura excellenter attribuitur
supremae deitati, quae in bonitate distinguitur ab omnibus aliis
rebus, ut patet per illud Lucae 18 : nemo bonus nisi solus Deus.
Et hoc, propter duo : primo, quidem, quia ipsa divina essentia est ipsa
bonitas, quod in aliis rebus non contingit : Deus enim est bonus per suam
essentiam, omnia vero alia per participationem ; unumquodque enim bonum est,
secundum quod est res actu ; Deo autem proprium est quod sit suum esse, unde
ipse solus est sua bonitas. Item, res aliae, etsi
inquantum sunt, bonae sint, tamen perfectam bonitatem consequuntur per
aliquod superadditum supra eorum esse ; sed Deus in ipso suo esse, habet
complementum suae bonitatis. Item, res aliae sunt bonae per ordinem ad
aliquid aliud, quod est ultimus finis ; Deus autem non ordinatur ad aliquem
finem extra se. Sic igitur, primum quod est proprium divinae bonitatis est
quod ipsa bonitas est essentia divina ; secundum proprium eius est quod
extendit bonitatem ad omnia, quae per participationem dicuntur derivari ab eo
quod per essentiam dicitur. Deinde cum dicit : etenim et
cetera, manifestat per exemplum quod dixerat de diffusione bonitatis et dicit
quod sicut noster sol materialis illuminat omnia quae
possunt participare per suam proportionem lumen eius, per suum esse naturale,
non ratiocinando vel praeeligendo unum alteri, ita et bonum quod
est Deus, quod est archetypum, idest principale exemplar vel
figura, per excellentiam separatum super solem, sicut supra
quamdam obscuram et deficientem imaginem, per suam essentiam
proportionaliter immittit omnibus existentibus, radios suae bonitatis quantum
ad omnia quae ab bonitatem pertinent. Considerandum est autem quod non
replicavit in Deo : non ratiocinans aut praeeligens quod de
sole dixerat ; sed sicut de sole dixerat quod per ipsum suum esse illuminat,
ita de Deo subdit quod per suam essentiam omnibus bonitatem tradit. Esse enim
solis non est eius intelligere aut velle, etiam si intellectum et voluntatem
haberet et ideo quod facit per suum esse, non facit per intellectum et
voluntatem. Sed divinum esse est eius intelligere et velle et ideo quod per
suum esse facit, facit per intellectum et voluntatem. Et ideo signanter dixit
quod Deus segregatur a sole, sicut archetypum supra obscuram
imaginem. Deinde, cum dicit : propter istos et cetera,
ostendit quomodo bonitas inveniatur in creaturis a Deo diffusa : et primo,
quomodo inveniatur in Angelis ; secundo, quomodo inveniatur in animabus
rationalibus, ibi : sed et post illas et cetera ; tertio,
quomodo inveniatur in aliis creaturis corruptibilibus, ibi : sed et
de ipsis et cetera ; quarto, quomodo inveniatur in materia prima,
ibi : si autem et super omnia et cetera, quinto, quomodo
inveniatur in corporibus coelestibus, ibi : sed quod nos et
cetera. Circa primum duo facit : primo ostendit quomodo invenitur bonum in
Angelis secundum se ; secundo, prout considerantur sub propria regula et
ordine ; ibi : inde ipsis et cetera. Circa primum, tria
facit : primo, ostendit quomodo bonum invenitur in Angelis, quantum ad eorum
naturam ; secundo, quantum ad eorum conservationem ; ibi : et
mansionem et cetera ; tertio, quantum ad ordinem in finem ; ibi
: et ipsam desiderantes et cetera. Circa primum, tria facit
: primo, ostendit quomodo ex divina bonitate habent esse ; secundo, quomodo
vivere ; ibi : propter istos sunt et cetera, tertio, quomodo
intelligere ; ibi : et sicut incorporales et cetera. Dicit
ergo primo, quod propter radios, idest diffusionem divinae bonitatis,
productae sunt in esse subsistenti coelestes creaturae in quibus invenitur
substantia, virtus et operatio, ut in cap. XI coelestis hierarchiae dicitur.
Et dicuntur intelligibiles, inquantum sunt actu secundum suam naturam et
intellectuales, inquantum actu intelligunt ; quamvis Platonici in substantiis
separatis distinguerent intelligibilia ab intellectualibus. Nam intellectus
per participationem intelligibilis fit intelligens et ideo intelligibile est
magis abstractum et altius. Et secundum hoc, posset dici quod intelligibiles
substantias, supremos Angelos vocat, intellectuales autem inferiores. Licet
melius sit quod intelligantur intelligibiles, inquantum intelliguntur et
intellectuales, inquantum intelligunt. Deinde, cum dicit : propter
istos et cetera, prosequitur de vita Angelorum et dicit quod propter
diffusionem divinae bonitatis, Angeli non solum habent esse, sed et vivere,
eminentiori vita quam nos ; non enim deficit per mortem sicut vita nostra,
quando prolongatur. Hoc enim accidit in viventibus inferioribus, quia
subiacent generationi et corruptioni et varietati quae est secundum
qualitatem et quantitatem, per quam res instabiles redduntur et defluentes et
diversimode se habentes ; et hoc accidit rebus inferioribus, quae habent
materiam ; sed Angeli supra omnia ista sunt elevati et depurati. Deinde, cum
dicit : et sicut incorporales et cetera, prosequitur de
intellectu eorum : et primo, quomodo sint intelligibiles et dicit quod intelliguntur
sicut incorporales et immateriales. Corpora enim sunt sensibilia et imaginabilia,
non tamen intelligibilia actu ; similiter, nulla forma in materia existens
est actu intelligibilis, sed potentia tantum. Ideo Angeli sunt intelligibiles
actu, inquantum sunt incorporei et immateriales. Secundo, ostendit quomodo
intelligant et dicit quod intelligunt supermundane, idest supra
modum quo nos intelligimus, sicut quaedam mentes et
intellectus separati. Forma enim immaterialis ex hoc quidem quod est in
mente, intelligitur, sed per hoc quod est mens subsistens, intelligit.
Tertio, dicit quid intelligant et unde ; et dicit quod illuminantur a
Deo de rationibus intelligibilibus per rationes
intelligibiles existentium, quia per rationes intelligibiles eis
a Deo inditas, rerum cognitionem habent, non colligendo rationes
intelligibiles ex rebus, sicut nos. Quarto, dicit quod propria intellecta deferunt ad
ea quae sunt proxima sui generis, inquantum superiores manifestant sua
intellecta inferioribus. Deinde, cum dicit : et mansionem et
cetera, ponit ea quae pertinent ad conservationem et ponit quinque per
similitudinem corporalium rerum : res enim corporales habent mansionem in
loco, secundum quod substantiae ; Angeli habent mansionem vel habitationem
per operationem intellectus et voluntatis in his quae intelligunt et amant,
secundum illud apostoli, Philip. 3 : nostra conversatio in coelis est.
Habitatio autem corporalis indiget fundamento in quo firmetur, et similiter
mansio, quae est secundum intellectum, fundatur in prima veritate
intelligibili et mansio, quae est secundum voluntatem, in ultimo fine ; et
ideo dicit quod ex bonitate divina non solum est eis mansio,
sed etiam collocatio vel fundamentum, secundum
aliam translationem. Rursus, corporalia inferiora continentur sub ordine
superiorum, ita et Angeli continentur sub ordine divinae providentiae ; solus
autem Deus est qui continet et continetur et ideo subdit : et
continentia. Item, corporalia, inquantum sunt corruptibilia, indigent
custodia ne corrumpantur ; Angeli autem non sunt mutabiles secundum
substantiam, sed secundum voluntatem et ideo indigent custodiri a Deo ne
eorum voluntas ab ordine divino avertatur et hoc est quod subditur : et
custodia. Item, viventia corporalia indigent refectione per quam
sustententur et similiter Angeli conservantur in esse per hoc quod
intellectus et affectus ipsorum satiatur divina fruitione et intelligibilium
consideratione ; ideo quinto, subditur : et cibus bonorum.
Deinde, cum dicit : et ipsam desiderantes et cetera,
prosequitur de ordine in finem. Divina enim bonitas convertit omnia ad
seipsam, ut supra dictum est et ideo sequitur quod propter divinam bonitatem,
Angeli ipsam desiderant, non tamquam carentes eo quod desiderant, sicut
imperfecti, sed sicut habentes esse et bene esse, quantum ad ipsos et
configurati divinae bonitati et deiformes effecti, inquantum inferioribus
communicant divina dona, quae ad eos de summo bono veniunt et hoc, sicut
lex divina inducit. Est enim lege divina sancitum, ut bona quae a Deo
accipimus, inferioribus communicemus et sic conformamur bonitati eius, ex qua
omnia bona profluunt. Positis his quae Angeli a divina bonitate consequuntur
ad eorum naturam pertinentia, hic primo, ponit ea quae pertinent ad eos,
secundum quod continentur in ordine ; secundo, ea quae pertinent ad eos,
secundum quod sunt in hierarchia, ibi : sed et quaecumque et
cetera ; tertio, ea quae conveniunt eis, secundum quod communiter Angeli
nominantur, ibi : ex qua et cetera. Dicit ergo primo, quod
ex divina bonitate sunt praemissis substantiis ordines supermundani,
prout quidam dicuntur esse in ordine Seraphim, quidam in ordine Cherubim et
de aliis similiter. Considerandum est autem quod ad ordinem tria concurrunt :
primo quidem distinctio cum convenientia ; secundo, cooperatio ; tertio,
finis. Dico autem distinctionem cum convenientia, quia ubi non est distinctio,
ordo locum non habet ; si autem quae distinguuntur in nullo convenirent,
unius ordinis non essent. Oportet ergo, Angelos, qui sunt unius ordinis, ad
invicem uniri, inquantum sub uno ordine continentur et hoc est quod dicit
: ad se invicem unitiones. Tamen quaedam uniuntur in ordine
tantum absque continuitate vel contactu, sicut domus in civitate et civitates
in regno, sed unitiones Angelorum in ordine, sunt cum quodam contactu sive
etiam continuitate et ideo subdit : in se invicem captiones, quia
scilicet unus Angelus alium in se capit per intellectum et affectum. Talis
tamen unio non tollit distinctionem quae est secundum proprietatem
substantiae uniuscuiusque et ideo subdit : inconfusae discretiones.
Sicut autem uniuscuiusque substantiae est propria operatio sic cuiuslibet
ordinis est accipere aliquam cooperationem eorum quae sub ordine continentur,
ad quam cooperationem tria requiruntur : primo quidem, ut inferiora se
elevent versus superiora ut eis subdantur et ab eis iuventur et hoc est quod dicit
quod ex divina bonitate, sunt eis virtutes subiectorum, idest
inferiorum substantiarum, sursum agentes, idest elevantes
eas ad meliores, idest superiores. Secundo, ut superiora
inferioribus provideant et hoc est quod subdit : providentia
provectiorum, idest superiorum, circa secundas, idest circa
inferiores. Et ne aliquis sic superioribus intendat vel inferioribus quod sui
obliviscatur, subdit tertium, ut unusquisque sit solicitus ad custodiam
propriae virtutis et hoc est quod dicit : custodiae propriorum
virtutis uniuscuiusque, idest eorum quae proprie pertinent ad virtutem
uniuscuiusque, ut scilicet unusquisque in suo gradu se custodiat. Sicut enim
omnis ordinis est aliqua operatio, sic et finis. Est autem eorum quae sunt in
ordine, duplicem finem accipere : unum scilicet qui est in ipsis ordinatis,
inquantum sunt ordinata ad invicem, quod consistit in habitudine unius ad
alterum ; et hunc finem tangit cum dicit : et intransmutabiles
convolutiones, idest circumitus circa seipsas. Circa quod
considerandum est quod cum motus circularis sit uniformis per totum, in
quolibet sui habet principium et finem in potentia, non in actu ; motus autem
rectus diversificatur secundum principium et finem et distantiam ad utrumque.
Sic ergo intelligibiles operationes Angelorum, ratione uniformitatis,
convolutiones dicuntur : habent enim intelligibiles operationes Angelorum id
quod perfectionis est in circulatione scilicet uniformitatem, sine eo quod
imperfectionis est, scilicet mutatione ; et ideo nominat intransmutabiles
convolutiones circa se, secundum quod unus Angelus alium intelligit
et amat. Secundus finis est bonum quod est supra ordinem et secundum hoc,
sicut dux est finis exercitus sic Deus est finis Angelorum sub ordine
contentorum ; et hunc finem tangit cum dicit : circa desiderium boni idest
Dei, identitates, quia omnes in hoc conveniunt vel quia semper,
eodem modo, circa hoc se habent, et summitates, quia omnia eorum
desideria ad hoc summum desiderium referuntur, vel sublimitates,
secundum aliam litteram, quia sublimius coeteris, Deum desiderant. Et non
solum ista sunt eis a bonitate divina ad rationem ordinis pertinentia, sed
etiam quaecumque alia dicta sunt in libro Angelorum
hierarchiae, in quo tractatur de angelicis proprietatibus et
ordinibus. Deinde, cum dicit : sed et quaecumque et
cetera, enumerat ea quae pertinent ad rationem hierarchiae et dicit quod
etiam ex omnium causa et bonitate divina, quae est fons
omnis bonitatis, proveniunt Angelis quaecumque actiones coelestis
hierarchiae sunt eis convenientes. Est autem
considerandum quod cum hierarchia sit sacer principatus, principis autem sit
dirigere, actio hierarchiae erit dirigere ad sacra ; et secundum hoc sunt
triplices hierarchiae actiones, scilicet : mundationes, idest
purgationes ; supermundanae illuminationes ; et ea quae
sunt perfectiva totius angelicae perfectionis. Mundat autem, sive
purgat unus Angelus alium, non quidem a macula culpae, quia nulla est in eis,
sed a nescientia, ut ipse dicit in VII coelestis hierarchiae. Superiores enim Angeli, clarius Deum vident quam inferiores et
ampliori ab ipso lumine replentur ad plura mysteria cognoscenda. Purgatio
ergo pertinet ad ablationem nescientiae ; illuminatio ad communicationem
luminis ; perfectio ad cognitionem eorum quae per lumen cognoscuntur. Quia
vero, licet superiores substantiae distinguantur secundum ordines et
hierarchias, conveniunt tamen in hoc quod Angeli dicuntur, consequenter
exponit rationem huius nominis, cum dicit : ex qua et
cetera. Circa quod considerandum est quod sicut lux solis in ipso sole videri
non potest a nobis propter excellentiam lucis, videtur autem vel in nubibus
vel in montibus irradiatis a sole et sic nubes vel montes manifestant nobis
solis claritatem, ita ipsa bonitas, prout est in summo rerum vertice a nobis
prospici non potest propter excellentiam claritatis, sed inquantum eius
similitudo in Angelis invenitur magis propinque nobis, manifestatur nobis
quodammodo in ipsis claritas divinae bonitatis ; et hoc est quod dicit, quod
ex divina bonitate datum est supremis substantiis boniforme,
idest conformitas ad divinam bonitatem et quod propter hoc, manifestatur in
ipsis Dei bonitas occulta. Sic igitur, uno modo, manifestant divinam
bonitatem, secundum quod in ipsis relucet similitudo divinae bonitatis, et
secundum hoc possunt dici manifestatores Dei. Sed super hoc, dicuntur Angeli,
idest nuntii, inquantum Deum manifestant per propriam actionem ; et hoc
dupliciter : primo quidem, per modum locutionis ; et hoc est quod dicit
: sicut enuntiativos divini silentii. Manifestum est enim, quod
conceptio cordis vel intellectus absque voce est cum silentio, sed per
sensibiles voces, illud silentium cordis enuntiatur. Sicut autem voces
exteriores sunt nobis magis manifestae et minus simplices quam interiores
conceptus cordium, ita quicumque modi manifestationum, sunt nobis magis noti
et minus simplices, quam divini verbi conceptio. Sic ergo, dum Angeli nobis
aliquid de divina sapientia manifestant sive sensibiliter colloquendo sive
secundum congruam apparitionem sive secundum intelligibilem locutionem, quia
et sibi invicem colloquuntur, semper sunt enuntiatores divini silentii.
Secundo vero, per modum illuminationis ; et hoc est quod subdit, quod
angelicae substantiae sunt nobis propositae sicut lumina clara
interpretativa eius, luminis scilicet divini quod est in abditis,
idest absconsum a nobis. Hoc autem secundum
necessarium est, postquam alicui aliquid enuntiatur, quod enuntiationem
intelligat. Ad hoc ergo quod ea quae nobis per Angelos enuntiantur intellectu
capere possimus, ipsi claritate sui luminis intellectum nostrum adiuvant ad
capiendum occulta Dei. Deinde, cum dicit : sed et post
illas et cetera, ponit quomodo divina bonitas relucet in animabus
rationalibus et dicit quod propter bonitatem Dei quae
est super omnem bonitatem, animae et quaecumque ad
animam pertinent, bonitatem habent, secundo tamen gradu, post illas sanctas et
admirabiles Angelorum mentes ; et ponit, primo, tria
quae pertinent ad eorum naturas, scilicet : quod sunt intellectuales et
quod habent vitam substantialem, idest ut per se subsistere
possint et quod esse eorum et posse sit inconsumptibile,
inquantum sunt immortales et incorruptibiles. Secundo, ponit ordinem earum ad
Angelos ; et ponit tria, scilicet : quod extenduntur ad angelicas
vitas, inquantum scilicet de eorum similitudine aliquid participant ; et
iterum, per illos Angelos, sicut per quosdam bonos
duces, elevantur ad summum principem omnium bonorum : sic
enim subditi in rebus humanis ad duces imitandos et eis serviendum subsunt,
ut per eos ad summum principem ordinentur ; et inde, idest ab
Angelis fiunt animae participes, secundum suam proportionem,
illuminationum a Deo emanantium, sicut et in rebus
humanis, directiones et praecepta a rege ad populum, per duces perveniunt.
Tertio, tangit ordinem animarum ad Deum ; et dicit quod participant
animae deiformi dono gratiae, secundum propriam virtutem et
non solum hoc habent animae ex divina bonitate, sed etiam quaecumque
alia sunt enumerata a nobis in sermone de anima. Fecit enim librum de
anima quem non habemus. |
Leçon 1 (11a) : Comment le bien est en Dieu et comment il se communique aux Anges et aux âmes rationnelles.261.
Après avoir présenté son proème, il aborde maintenant son propos principal.
Et pour que l’intention, le nombre et l’ordre des chapitres suivants soient
évidents, il faut avoir à l’esprit que l’objectif de Denys dans ce livre est
de présenter les noms de Dieu qui manifestent les prolongements ou les
processions de Dieu dans les créatures, ainsi que nous l’avons dit dans les
chapitres 1 ( 104 ) et 2 ( 208 ). Mais le principe commun à toutes ces
processions est le bien, ainsi que nous l’avons vu au chapitre trois ( 225-229
), car tout ce qui va de Dieu aux créatures, Dieu le leur communique à cause
de sa bonté. Et c’est pourquoi dans ce quatrième chapitre il traite d’abord
du Bien et des notions qui s’y rattachent. 262.
Mais si nous devions considérer chacun de ces prolongements en particulier,
nous verrions trois caractéristiques se manifester dans les choses et qui
proviennent de la Bonté de Dieu : certes, en premier, qu’elles existent en
elles-mêmes et qu’elles poursuivent leur perfection ; deuxièmement, qu’elles
se comparent les unes aux autres en raison de traits communs ; troisièmement,
qu’elles sont toutes ordonnées à une finalité. 263. Cependant,
si on considère les choses en elles-mêmes, ce qu’on retrouve d’abord en elles
de plus commun, c’est l’être ; deuxièmement, la vie ; troisièmement, la
connaissance ; quatrièmement, la justice ou la vertu. Et c’est conformément à
cet ordre que Denys poursuit son exposé sur les Noms divins : certes, après
avoir présenté dans ce quatrième chapitre ce qu’il en est du bien, il traite
de l’être au cinquième, de la vie au sixième, de la sagesse au septième et de
la vertu et de la justice au huitième. 264.
Mais la comparaison des choses entre elles doit s’entendre de deux manières :
tout d’abord, d'après un principe interne, selon qu’on dit d’une chose
comparée à une autre qu’elle est semblable ou de même rang, identique ou
différente, en raison d’une communauté de substance, de quantité ou de
qualité et c’est de cela qu’il traite au chapitre 9 ; les choses se comparent
aussi entre elles d'après un principe externe, soit selon qu’elles sont
contenues sous une partie soit qu'elles sont contenues sous une mesure et
c’est là ce dont il traite au chapitre 10, intitulé de la Toute-Puissance et
de l'Ancien des jours ; cette séquence est suivie de considérations sur la
paix et la tranquillité de l’ordre et c’est pourquoi au chapitre onze Denys
traite de la paix. 265.
Mais au sujet de la finalité à laquelle les choses sont ordonnées, il faut
considérer deux aspects différents : tout d’abord, la providence de celui qui
les gouverne et les ordonne à leur finalité et c’est de cela dont il est
question au chapitre 12, où il traite du Roi des rois, du Seigneur des
seigneurs ; ensuite, il faut considérer la finalité elle-même à laquelle les
choses parviennent grâce à celui qui exerce la providence et le gouvernement,
ce dont il est question au chapitre 13, là où il traite du parfait et de
l’un. 266.
Pour saisir le contenu de ce chapitre 4, il faut savoir que les opposés
relèvent d’un même examen ; et comme le mal est l’opposé du bien, c’est dans
le chapitre où il traite du bien qu’il examine aussi ce qu’il en est du mal (leçons
13 à 23). De même, puisqu’on connaît l’acte par son objet, les deux font
aussi partie de la même étude ; mais le bien est l’objet propre de l’amour et
c’est pourquoi, dans ce chapitre sur le bien, il traite aussi de l’amour et
de l’extase, ce dernier étant un effet de l’amour comme nous le verrons,
ainsi que du zèle qui désigne une certaine intensité de l’amour (leçons
9 à 12). Pareillement, comme le bien est ce que tous désirent, tout ce qui
comporte un rapport avec le désir se rapporte aussi à la notion de bien, ce
qui est le cas pour la lumière et le beau, dont il traite aussi dans ce
chapitre (leçons 3 à 8). Et c’est tout cela que le titre de ce
chapitre veut exprimer : Du bien, de la
lumière, du beau, de l’amour, de l’extase et du zèle. 267.
Donc, en premier, dans ce chapitre, il établit la vérité sur le bien (leçons
1 et 2) ; et d’abord, il montre comment le bien existe en Dieu ;
deuxièmement, comment il est communiqué aux créatures, là où il dit (97) : C'est
à cause d’eux-mêmes… 268. Au
sujet du premier point, il fait deux choses : d’abord, il montre comment le
bien est attribué à Dieu ; ensuite, il apporte un exemple, là où il dit (96)
: Vraiment… 269. Il
dit donc en premier (95) qu’après avoir exposé ce qui précède, il faut déjà
faire porter notre discours sur le nom de ¨Bien¨, lequel est éminemment
attribué dans les saintes Écritures à la Divinité suprême, laquelle se
distingue par sa bonté de toutes les autres choses, ainsi qu’on le voit chez
Luc (18, 19) : ¨Personne n’est bon, si ce n’est Dieu seul¨. Et ce nom
est attribué à Dieu pour deux raisons : premièrement, parce que l’essence
même de Dieu est sa bonté, ce qui n’est pas le cas dans les autres êtres : en
effet c’est par son essence même que Dieu est bon, alors que les autres ne le
sont que par participation ; chaque chose en effet est bonne selon qu’elle
existe en acte ; mais c’est le propre de Dieu d’être son existence même, d’où
il suit que lui seul est sa bonté. De plus, les
autres choses, même si elles sont bonnes dans la mesure où elles existent,
recherchent la perfection de leur bien au moyen de dimensions qui s’ajoutent
à leur existence ; mais Dieu, dans son existence même possède sa bonté dans
toute sa perfection. Aussi, les autres êtres ne sont bons que par rapport à
quelque chose d’autre qui est leur fin ultime ; mais Dieu n’est pas ordonné à
une finalité extérieure à Lui. Ainsi donc, la première propriété de la bonté
divine, c’est que sa bonté même est son essence ; la seconde, c’est qu’elle déploie
sa bonté dans toutes les autres choses au sujet desquelles on peut dire
que leur existence provient par participation de Celui dont l’essence même
est d’exister. 270.
Ensuite, lorsqu’il dit (96) : Et
vraiment…il manifeste par un exemple ce qu’il avait dit au sujet de la
diffusion de la bonté divine dans les autres choses en disant que de même que
dans notre monde matériel notre soleil
illumine, par sa seule existence naturelle, et non par
l’exercice d’un raisonnement ou d’un choix qui porterait sur une chose plutôt
que sur une autre, tout ce qui peut participer de sa lumière dans les
limites de sa nature, de même le bien
qui est Dieu, lequel est l’archétype,
c’est-à-dire l’exemplaire ou la figure principale et qui dépasse en excellence le soleil qui n’est qu’une image obscure et appauvrie de Dieu, répand par sa seule essence sur
tous les êtres et dans les limites de leur nature les rayons de sa
bonté pour tout ce qui se rapporte à leur bien. 271. Et
il faut considérer que ce qu’il avait dit du soleil, à savoir que ce n’est
pas par l’exercice d’un raisonnement ou d’un choix qu’il éclaire, il ne
l’applique pas à Dieu ; mais tout comme il avait dit du soleil que c’est par
son être même qu’il illumine, de même il ajoute au sujet de Dieu que c’est
par son essence même qu’il transmet à tous sa bonté. En effet, même si le
soleil avait une intelligence et une volonté, son être ne serait pas son
intelligence et sa volonté et c’est pour cela que ce qu’il fait par son être,
il ne le ferait pas par son intelligence et sa volonté. Mais l’être de Dieu
est l’acte même de son intelligence et de sa volonté et c’est pour cela que
ce qu’Il fait par son être, il le fait par son intelligence et sa volonté. Et
c’est pourquoi il dit avec insistance que Dieu dépasse le soleil comme l’archétype qui transcende une image obscure. 272.
Ensuite, lorsqu’il dit (97) : C'est à cause de ceux-ci…, il montre comment la bonté se trouve à être
diffusée par Dieu dans les créatures ; et d’abord, il montre comment elle se
retrouve dans les Anges ; deuxièmement, comment elle se retrouve dans les
âmes rationnelles, là où il dit (105) : Mais
après celles-là… ; troisièmement, comment on la retrouve dans les autres
créatures corruptibles, là où il dit (108) : Mais au sujet d’elles-mêmes…(leçon 2a) ; quatrièmement, comment
on la retrouve dans la matière première, là ((111) où il dit : Mais si au-dessus de tout… ; enfin,
comment on la retrouve dans les corps célestes, là où il dit (112) : Mais pour nous… 273. Au
sujet du premier point, il fait deux choses : d’abord, il montre comment le
bien se retrouve dans les Anges conformément à ce qu’ils sont ; deuxièmement,
que ces derniers sont soumis à une règle et à un ordre qui leur sont propres,
là où il dit (102) : D'où il suit que
c'est à eux… 274. Au
sujet du premier point, il fait trois choses : d’abord, il montre de quelle
manière le bien se retrouve dans les Anges dans les limites de leur nature ;
deuxièmement, comment il s'y retrouve à la mesure de leur conservation dans
l’être, là où il dit (100) : Et leur
permanence… ; troisièmement, à la mesure du rapport à leur finalité, là
où il dit (101) : Et désirant… 275. Au
sujet du premier point, il fait trois choses : d’abord, il montre comment
c’est de la bonté divine qu’ils tirent leur l’être ; deuxièmement, comment
c'est d'elle aussi qu'ils tirent leur vie, là où il dit (98) : C’est encore à cause de ceux-ci qu’ils
sont… ; troisièmement, comment ils en tirent enfin leur intelligence, là où
il dit (99) : Et comme ils sont
incorporels… 276. Il
dit donc en premier (97) que c’est à cause de ces rayons, c’est-à-dire à
cause de la diffusion de la bonté divine, que les créatures célestes, dans
lesquelles on retrouve à la fois substance, puissance et opération, ont été
produites dans une existence qui subsiste, ainsi que nous l’avons dit au
onzième chapitre de La Hiérarchie
céleste. Et ces créatures célestes, on les appelle à la fois intelligibles, selon qu’elles sont en
acte quant à leur nature, et intellectuelles
selon qu’elles sont en acte quant à l’opération de leur intelligence, bien
que les Platoniciens divisaient les substances séparées en intelligibles et
intellectuelles. Car c’est au moyen d’une participation à l’intelligible que
l’intelligence pose son opération et c’est pourquoi la substance intelligible
est plus séparée et élevée que la substance intellectuelle. Et d’après cette
distinction, on pourrait dire que Denys désignait par substances
intelligibles les Anges les plus élevés et par substances intellectuelles les
Anges inférieurs. Mais on s’exprime mieux si on entend par intelligibles ce qui peut être compris
et par intellectuels les sujets qui
comprennent. 277.
Ensuite, lorsqu’il dit (98) : À cause
de ceux-ci…, il poursuit son propos en enchaînant avec la vie des Anges
et il dit que grâce à cette
diffusion de la bonté divine, les Anges ne possèdent pas seulement l’être,
mais aussi la vie, et une vie supérieure à la nôtre, une vie qui ne vient pas
à manquer par la mort, contrairement à la nôtre quand elle disparaît. En
effet, cela se rencontre chez les vivants inférieurs car ils sont assujettis
à la génération et à la corruption, ainsi qu’aux changements de quantité et
de qualité par lesquels les choses deviennent instables, s’évanouissent et se
retrouvent dans des états divers ; et cela se rencontre dans les réalités
inférieures car elles sont composées de matière ; mais les Anges, qui sont
élevés au-dessus de toutes ces réalités, en sont dégagés. 278.
Ensuite, lorsqu’il dit (99) : Et comme
ils sont incorporels…, il poursuit en examinant leur intelligence : et
tout d’abord, il examine comment ils sont intelligibles en disant qu’ils sont compris comme des réalités
incorporelles et immatérielles. En effet les corps sont de nature
sensible et on peut s'en former des images, mais ils ne sont pas
intelligibles en acte ; de même, aucune forme existant dans la matière n’est
intelligible en acte, mais elle ne l’est qu’en puissance. C’est pourquoi les
Anges sont intelligibles en acte, puisqu’ils sont incorporels et immatériels.
Deuxièmement, il montre comment les Anges posent leur opération
intellectuelle et il affirme qu’ils
comprennent d’une manière qui est au-dessus de celle qui appartient à notre
monde, c’est-à-dire à la manière d’esprits
et d’intelligences séparées, à savoir selon un mode qui dépasse celui par
lequel nous comprenons. En effet, du fait qu’elle existe dans un esprit, une
forme immatérielle est comprise ; mais si elle est un esprit qui subsiste,
elle comprend. Troisièmement, il dit ce qu’ils comprennent et d’où cela leur
vient. Et il dit que ces esprits, les Anges, sont immédiatement illuminés par Dieu sur les causes intelligibles d'une manière
directe, c'est-à-dire au moyen des causes intelligibles elles-mêmes des êtres, car c’est au moyen des
causes intelligibles qui leur sont données par Dieu qu’ils arrivent à
posséder une connaissance des choses, et non pas en recueillant ces causes à
partir des choses comme nous le faisons. Quatrièmement, il ajoute que ces
raisons propres qu'ils tiennent de Dieu, ils les transmettent à ceux qui leur sont le plus proches à
l’intérieur de leur genre, selon que les Anges supérieurs manifestent aux
inférieurs ce qu’ils ont compris. 279.
Ensuite, lorsqu’il dit (100) : Et leur
permanence …, il présente ce qui se rapporte à leur conservation, à
savoir cinq points, au moyen d’une similitude tirée des réalités corporelles
: en effet les réalités corporelles, en tant que substances, possèdent une
demeure dans le lieu ; les anges, quant à eux, c’est au moyen de l’opération
de leur intelligence et de leur volonté dans les réalités qu’ils saisissent
et qu’ils aiment qu’ils trouvent leur demeure
ou leur habitation, conformément à ce passage de l’Apôtre aux Philippiens (3,
20) : ¨C’est dans les cieux que nous
nous tenons¨. Mais l’habitation corporelle a besoin de fondations sur
lesquelles s’appuyer et trouver solidité ; de même, la demeure de
l’intelligence se fonde sur la première Vérité intelligible et celle de la
volonté sur la fin ultime ; et c’est pourquoi Denys dit que c’est de la bonté divine qu’ils tirent non
seulement leur demeure, mais aussi leur stabilité
ou leur ¨fondation¨, d’après une autre traduction, celle de Jean Scot. À
l’inverse, les êtres corporels inférieurs sont maintenus sous la classe des
supérieurs et de même les Anges sont conservés en subordination à la divine
Providence ; mais c'est de Dieu seul qu'on peut dire à la fois qu'il se
conserve et qu'il conserve ; et c’est pourquoi il ajoute : et la conservation. Pareillement, dans
la mesure où elles sont corruptibles, les réalités corporelles ont besoin de
protections pour éviter la corruption ; et les Anges ne sont pas assujettis
au changement quant à leur substance mais seulement quant à leur volonté et
c’est pourquoi ils ont besoin d’être protégés par Dieu afin que leur volonté
ne soit pas détournée de l’ordonnance divine et c’est ce que Denys veut dire
lorsqu’il ajoute : et la protection.
De même, les vivants qui ont un corps ont besoin d’une restauration par
laquelle ils soient conservés en bon état ; de la même manière, les Anges
sont conservés dans l’être du fait que leur intelligence et leur volonté sont
rassasiées par la joie divine et la contemplation des intelligibles ; et
c’est pourquoi, en cinquième lieu il ajoute : et nourris des biens. 280.
Ensuite, lorsqu’il dit (101) : Et la
désirant…, il poursuit son propos en montrant comment le bien se retrouve
dans les Anges quant à leur ordonnance à une finalité. En effet, la bonté
divine tourne toutes les choses à elle-même, ainsi que nous l’avons dit (269)
et c’est pourquoi les Anges, mus par cette Bonté, la désirent ; non parce
qu’ils en sont privés comme les êtres imparfaits mais parce qu’ils possèdent
au contraire quant à eux-mêmes à la fois l’être et le bien-être,
qu’ils sont façonnés par la Bonté divine et qu’ils possèdent une forme
achevée à l’image de Dieu, dans la mesure où ils communiquent aux êtres
inférieurs les biens qui leur sont parvenus de la part du Bien le plus
parfait, ainsi que la loi de Dieu les y
entraîne. En effet, la loi divine nous prescrit de transmettre aux êtres
inférieurs les biens que nous recevons de Lui pour que nous nous conformions
ainsi à sa Bonté d’où tous les biens découlent. 281.
Ayant présenté ce que les Anges recherchent grâce à la Bonté divine et qui
convient à leur nature, il présente d’abord ici (102) ce qui se rapporte à
eux selon qu’ils sont contenus dans un ordre, lorsqu’il dit : D'où il suit
que c'est à eux… ; deuxièmement, ce qui se rapporte à eux selon qu’ils
font partie d’une hiérarchie, là où il dit (103) : Mais toutes… ; troisièmement, ce qui leur convient d’après
l’appellation commune d’Ange qui leur est attribuée, là où il dit (104) : De laquelle… 282. Il
dit donc en premier que c’est par la Bonté divine que sont attribuées aux
substances angéliques des hiérarchies qui ne sont pas de ce monde et
d’après lesquelles on dit que certaines font partie des Séraphins, certaines
des Chérubins et que certaines autres font partie de d’autres ordres. 283. Il
faut cependant considérer que trois choses se rencontrent dans un même ordre
: d’abord, la différence dans l’harmonie ; deuxièmement, la coopération ;
troisièmement, la finalité. Mais je dis la distinction dans l’harmonie, car
où il n’y a pas de différence, il n’y a pas non plus d’ordre ; mais si les
choses qui diffèrent n’avaient rien en commun, ils ne pourraient pas faire
partie d’un même ordre. Il faut donc que les Anges qui sont d’un même ordre
soient unis entre eux pour autant qu’ils sont contenus sous un même ordre et
c’est ce que Denys veut signifier en disant : des unions mutuelles. Cependant, certaines réalités sont unies
dans un même ordre sans qu’il y ait contact ou continuité entre elles, comme
la maison dans la cité ou les cités dans le royaume ; mais l’union des Anges
dans un même ordre comporte un contact ou même une continuité et c’est
pourquoi Denys ajoute : des saisies
mutuelles ; c’est-à-dire qu’un Ange en saisit un autre en lui à la fois
par l’intelligence et la volonté. Mais une telle union ne fait pas
disparaître les différences conformes aux propriétés découlant de la
substance de chacun et c’est pourquoi il ajoute : des distinctions sans confusion. 284. Et
comme chaque substance possède son opération propre ainsi dans chaque ordre
il faut admettre qu’il y ait une coopération entre ceux qui font partie du
même ordre ; et trois conditions sont requises à cette coopération :
premièrement, il faut que les êtres inférieurs s’élèvent vers leurs
supérieurs pour s’y soumettre et être aidés par eux et c’est ce que Denys
veut signifier en disant que c’est à la Bonté divine qu’il appartient de conduire les puissances des sujets,
c’est-à-dire des substances inférieures, de
bas en haut, c’est-à-dire de les élever à ce qu’il y a de meilleur, à savoir aux substances
supérieures. Deuxièmement, il faut que les substances supérieures pourvoient
au bien des inférieures et c’est là ce à quoi se réfère Denys lorsqu’il dit :
la providence des anciens, à savoir
des supérieurs, à l’égard de leurs
subordonnés, à savoir des substances inférieures. Et afin que personne
n’oublie de tendre ainsi vers les supérieurs et les inférieurs qui sont les
leurs, il ajoute une troisième condition, à savoir que chacun soit attentif à
la conservation de la puissance qui lui est propre et c’est ce qu’il veut
dire par ces mots : la garde de ce qui
est propre à la puissance de chacun, c’est-à-dire des caractéristiques
qui appartiennent en propre à la puissance de chacun, afin que chacun se
conserve dans son rang. 285. En
effet, à toute finalité comme à tout ordre correspond une opération.
Cependant, pour les réalités qui sont d’un même ordre, il y a deux sortes de
finalité à distinguer : à savoir une qui se tient du côté des choses
ordonnées elles-mêmes, pour autant qu’elles sont ordonnées les unes aux
autres, et qui consiste dans les dispositions qu’elles entretiennent les unes
à l’égard des autres ; et c’est de cette finalité dont Denys parle lorsqu’il
dit : et leurs cycles immuables,
c’est-à-dire leurs révolutions autour
d’elles-mêmes. Et à ce sujet il faut considérer que, puisque le mouvement
circulaire est simple dans sa totalité, il possède en chacune de ses parties
un commencement et une fin en puissance seulement et non en acte ; mais le
mouvement rectiligne se distingue en ce qu’il possède un début et un terme en
acte, ainsi qu’une distance déterminée entre les deux. Ainsi donc, les
opérations intelligibles des Anges sont appelées cycles en raison de leur
simplicité : en effet, les opérations intelligibles des Anges possèdent
quelque chose de la perfection du cercle, à savoir la simplicité, sans être
touchées par ce qui relève de son imperfection, à savoir le changement ; et
c’est pourquoi il parle à leur sujet de cycles immuables, selon qu’un Ange
comprend et aime un autre Ange. La deuxième finalité est le bien qui règle un
ordre et, conformément à cette dernière finalité, ainsi que le chef est la
finalité de l’armée, de même Dieu est la finalité des Anges contenus sous un
ordre ; et c’est de cette finalité dont il est question quand Denys dit : au sujet de leur désir du bien,
c’est-à-dire de Dieu, ils sont les
mêmes, car tous s’accordent en cela qu’ils se rapportent à cette finalité
soit toujours et de la même manière ; et
sublimes, parce que tous leurs désirs sont subordonnés à ce désir
supérieur ; ou encore grands, selon
la traduction de Jean Scot, parce qu’il désirent Dieu d’un désir plus grand
que tous les autres. Et non seulement ces désirs qui leur conviennent sous le
rapport de l’ordre leur viennent de la Bonté divine, mais il en est de même de toutes les autres caractéristiques dont
nous avons parlé dans le livre de La Hiérarchie des Anges, dans lequel il
est question des propriétés et des
ordres angéliques. 286.
Ensuite, lorsqu’il dit (103) : Mais
toutes…il passe en revue ce qui appartient à la notion de hiérarchie et
il dit que c’est encore de la cause et
de la Bonté divine de tout ce qui existe, source de toute bonté, que les
Anges tiennent toutes les opérations
qui leur conviennent en vertu de leur hiérarchie céleste. Mais il faut
considérer qu’une hiérarchie est une dignité sacrée et comme il appartient au
prince de diriger, l’action de la hiérarchie consistera à conduire au sacré ;
et conformément à cela, il existe trois sortes d’actions hiérarchiques, à
savoir les purifications,
c’est-à-dire les purgations ; les
illuminations qui ne sont pas de ce monde ; et les actions qui conduisent
à l’achèvement de toute la perfection angélique. Mais un Ange en purifie ou
en purge un autre non pas de la souillure d’une faute car il n’en existe pas
chez eux, mais de l’ignorance, ainsi que Denys le dit lui-même au septième
livre de La Hiérarchie céleste. En
effet, les Anges supérieurs voient Dieu plus clairement que les inférieurs
et, magnifiés par Lui, ils sont remplis d’une lumière qui leur révèle une
multitude de mystères. La purgation se rapporte donc à la disparition de
l’ignorance ; l’illumination à la communication de la lumière divine ; et la
perfection à la connaissance des vérités connues par cette lumière. 287. En
vérité, parce que les substances supérieures se rejoignent en ceci qu’on les
appelle Anges, bien qu’ils diffèrent les uns des autres selon des ordres et
des hiérarchies, Denys présente par la suite la raison de ce nom lorsqu’il
dit (104) : c'est à partir de cette
bonté…Et à ce sujet il faut considérer que tout comme nous ne pouvons pas
regarder directement la lumière du soleil à cause de son extrême intensité
mais seulement à travers les nuages ou sur les montagnes éclairées par lui,
et qu’ainsi c’est par des intermédiaires de cette sorte que nous est
manifestée sa clarté, de même la Bonté elle-même, puisqu’elle est située au
sommet le plus élevé des êtres, ne peut être contemplée directement par nous
à cause de l’excellence de sa clarté ; mais dans la mesure où sa ressemblance
se retrouve dans les Anges, elle se trouve à nous être plus accessible et
d’une certaine façon c’est à travers eux que se révèle à nous la clarté de la
Bonté divine. Et c’est ce que Denys entend lorsqu’il dit que c’est la Bonté
divine elle-même qui donne aux substances supérieures la forme du Bien, c’est-à-dire la conformité à la Bonté divine et
que c’est à cause de cela que la Bonté divine se découvre en eux. Ainsi donc,
d’une manière, les Anges manifestent la Bonté
divine puisque c’est en eux que se reflète l’image de cette Bonté et c’est
pour cela qu’on peut les appeler des témoins de Dieu. 288.
Mais en plus de cela, on les appelle Anges, c’est-à-dire messagers, selon
qu’ils manifestent Dieu dans l'action qui lui est propre ; et ils font cela
de deux façons : d’abord certes par mode de parole ; et c’est ce que Denys
dit à leur sujet : les
révélateurs du silence divin. Il est manifeste en effet qu’une conception
du cœur ou de l’intelligence sans la voix demeure silencieuse et que c’est
par les sons de voix que ce silence du cœur trouve à s’exprimer. Et tout
comme les sons de voix extérieurs nous sont plus connus et moins simples que
les concepts intérieurs de l’esprit, de même tous les modes d’expression nous
sont plus connus et moins simples que la conception du verbe divin. Ainsi
donc, alors que les Anges nous manifestent quelque chose de la Sagesse divine
soit par une parole sensible, soit selon une apparition appropriée, soit
selon une parole intelligible, car ils s’entretiennent entre eux, ils
demeurent toujours les messagers du silence
divin. Deuxièmement, ils sont messagers par mode d’illumination ; et
c’est ce que Denys ajoute, à savoir que les substances angéliques nous sont
présentées comme des lumières
brillantes et révélatrices de Dieu, à savoir d’une lumière divine et secrète, c’est-à-dire qui nous est
cachée. Mais immédiatement après, il est nécessaire que ce qui a été exprimé
à quelqu’un soit compris de lui. Donc, pour que ce qui nous a été exprimé par
les Anges puisse être saisi par notre intelligence, il faut qu’au moyen de la
clarté même de leur lumière ils nous aident à saisir les mystères de Dieu. 289.
Ensuite, lorsqu’il dit (105) : Mais après
celles-là…, il expose comment la Bonté divine se reflète dans les âmes
rationnelles et il dit que c’est à
cause de la Bonté de Dieu qui dépasse
toute bonté que les âmes, ainsi que
tout ce qui se rattache à elles, possèdent de la bonté ; mais selon un rang
inférieur, à savoir qu’en bonté elles viennent après ces esprits saints et admirables que sont les Anges ; et d’abord, il présente trois
traits qui se rapportent à la nature de ces âmes, à savoir qu’elles sont intellectuelles et qu’elles possèdent une vie substantielle, c’est-à-dire
qu’elles peuvent subsister par elles-mêmes et que leur être ainsi que leur puissance
propre ne peuvent être consumés,
puisqu’elles sont immortelles et incorruptibles. 290.
Deuxièmement (106), il montre la relation que ces âmes entretiennent avec les
Anges ; et il présente trois rapports : premièrement, elles se prolongent
dans la vie des Anges, dans la mesure où elles participent de leur
ressemblance ; ensuite, au moyen de ces Anges, comme au moyen de bons guides, elles s’élèvent à la plus haute
suprématie de tous les biens : il
en est ainsi en effet dans les choses humaines où ceux qui se soumettent à
l’imitation et au service de leurs guides le font pour qu’au moyen de ceux-ci
ils se conforment à la plus haute autorité ; enfin, à partir de là, c’est-à-dire au moyen des Anges, les âmes
participent, dans les limites de leurs
capacités, aux illuminations
qui émanent de Dieu tout comme dans
les choses humaines les directives et les préceptes du Roi parviennent au
peuple par l’intermédiaire de ses chefs. 291.
Troisièmement (107), Denys touche à la relation des âmes à Dieu ; et il dit
que les âmes qui sont conformes à Dieu participent, selon leur nature propre,
du don de la grâce qui a la forme de Dieu ; et non seulement les âmes,
grâce à la Bonté de Dieu, jouissent de cela mais aussi de tout ce dont il a fait mention dans son traité intitulé ¨De l’Âme¨, traité que nous n’avons plus
en notre possession. |
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LECTIO 2 [84845] In De divinis
nominibus, cap. 4 l. 2 Determinatis his quae rationales creaturae de
divina bonitate participant, hic accedit ad irrationales creaturas ; et
primo, prosequitur ea quae pertinent ad animalia irrationalia et dicit
: si oportet loqui non solum de nobilibus creaturis, sed
etiam de ignobilibus, ut puta de irrationalibus animabus aut
animalibus, sciendum est quod quaedam eorum aera secant volando,
ut aves ; quaedam vero habent motum in terra et hoc dupliciter : quaedam
enim vadunt, idest ambulant, ut animalia quadrupedia ; quaedam
vero in terra extenduntur, idest per sui corporis extensionem
moventur, ut reptilia ; quaedam sunt sortita vitam in aquis, ut
pisces ; aut ambigue, sicut quaedam animalia, quae, nunc in
aquis, nunc in terra, vivunt ; quaedam vero vivunt sub terra, ut talpae
; et pulvere affecta, ut quidam vermes qui sub pulveribus
inveniuntur. Tam ista quam quaecumque alia universaliter habent substantiam
et vitam sensibilem, quod sunt et quod sic vivunt, ex divina
bonitate habent. Deinde, cum dicit : et plantae et cetera,
prosequitur de plantis ; et dicit quod omnes plantae ex divina bonitate
habent vitam, non quidem sensibilem, sed quae attenditur secundum nutritionem
et motum augmenti et decrementi. Deinde, cum dicit : et quaecumque et
cetera, prosequitur de inanimatis ; et dicit quod omnis substantia inanimata
et non vivens ex divina bonitate habet quod sit et quod substantialem obtineat habitum,
idest quod se habeat ut subsistens, per quod excedit accidens. Deinde, cum
dicit : si autem et cetera, prosequitur de materia prima.
Circa quod considerandum est quod Plato correxit errorem antiquorum
naturalium, qui non distinxerunt inter materiam et formam in rebus
generabilibus et corruptibilibus, ponentes primam materiam esse aliquod
corpus in actu, ut ignem aut aerem aut aliquod huiusmodi. Intellexit enim Plato formae corporali subesse materiam quae in sui
essentia non habet aliquam speciem ; sed tamen materiam a privatione non
distinxit, ut Aristoteles dicit in I physicorum. Unde tam ipse quam sui
sectatores materiam appellabant non-ens, propter privationem adiunctam. Et
hoc modo loquendi etiam Dionysius utitur, quamvis secundum Aristotelem
necessarium sit materiam a privatione distinguere, quia materia quandoque
invenitur sub forma, quandoque sub privatione ; unde privatio adiungitur ei
per accidens. Item, considerandum est, secundum Platonicos,
quod quanto aliqua causa est altior, tanto ad plura se extendit eius
causalitas. Unde oportet quod id quod est primum subiectum in effectibus,
idest materia prima, sit effectus solius primae causae quae est bonum,
causalitate secundarum causarum usque ad hoc non pertingente. Omne autem causatum convertitur in suam causam per desiderium, unde
materia prima desiderat bonum, secundum quod desiderium nihil aliud esse
videtur quam privatio, et ordo ipsius ad actum. Rursus, considerandum est
quod sicut materia prima dicitur informis per defectum formae, sic informitas
attribuitur ipsi primo bono, non per defectum, sed per excessum ; et sic,
secundum quamdam remotam assimilationem, similitudo causae primae invenitur in
materia prima. Secundum hoc ergo Dionysius dicit quod Deus, cum
sit super omnia existentia, format res, inquantum est bonum
et carens forma per excessum ; et hoc manifestat per singula : in
ipso enim solo Deo invenitur quod est excessus
substantiae ; quia, inquam, excellenter subsistit ; et hoc dicitur non-existens ut
alia ; similiter, cum sit excedens vita, dicitur non-vivens
; et, cum sit excellens sapientia, dicitur sine mente et
similiter de omnibus aliis quaecumque sunt in bono, scilicet Deo,
de numero non formatorum, per negationem dicta et deinde
sunt excedentis formationis, quia illae formae in eo sunt per
excessum ; et, si fas est dicere, illud bonum quod est
super omnia existentia et non-existens, ut dictum est, desiderat
ipsum non-existens, idest materia prima, inquantum desiderat formam quae
est similitudo divini esse et certat aliquo modo in bono, idest
ut primo bono assimiletur, quae quidem communicatio nihil aliud est quam
inclinatio ipsius ad formam ; et communicat ut sit id, scilicet ens et bonum quod
vere idest essentialiter praedicatur de substantiali bono, quod
nominatur secundum ablationem ab omnibus per nomina
negativa, non propter defectum, ut materia prima, sed propter excessum.
Deinde, cum dicit : sed quod nos et cetera, prosequitur de
corporibus coelestibus de quibus tractare effugerat et primo in medio.
Requirebat enim consequentia ordinis ut inter substantias incorporeas
incorruptibiles et substantias corporeas corruptibiles, tractaretur de
substantiis corporeis incorruptibilibus, sed propter adiunctionem animarum ad
corpora corruptibilia, praedictum ordinem praetermisit. Circa corpora autem
coelestia, primo ponit quae pertinent ad ipsas spheras coelestes ; et ponit
tria : primo, habitudinem ipsorum ad inferiora, nam sunt corpora coelestia
principia activa respectu corporum generabilium et corruptibilium et terminus
discretivus uniuscuiusque eorum praefigitur secundum corpora coelestia ; et
hoc est quod dicit, quod bonum divinum est causa
coelestium principiorum et terminationum. Secundo, ponit quod pertinet ad
modum substantiae eorum ; circa quod, sciendum est quod quidam antiqui,
credentes corpora coelestia naturae igneae, posuerunt ea cibari et nutriri
vaporibus ex terra et aquis resolutis et, per hunc modum, conservari
coelestia corpora, sicut conservatur ignis per appositionem lignorum ; et ad
hoc removendum, dicit quod bonum divinum est causa huius,
scilicet coelestis corporis, non augmentabilis, scilicet per
aliquam appositionem et non minorabilis per aliquam
consumptionem et tamen invariabilis quia secundum suam
substantiam alterari non possunt. Tertio, ponit quod pertinet ad motus
ipsorum, ex quibus Pythagorici dicebant sonos quosdam harmonicos provenire.
Sed hoc ipse excludens, dicit quod bonum est causa maximae revolutionis motuum
coeli, quae est sine sono, si ita oportet dicere ; aliqui enim
contrarium dixerunt. Deinde, ponit ea quae pertinent ad stellas fixas, in
quibus quatuor sunt consideranda : primo, ordinationes earum ad invicem,
secundum distantiam et propinquitatem et situm, prout ex eis diversae figurae
constituuntur ; secundo, pulchritudo earum quae est per claritatem, figuram
et quantitatem ; tertio, lumina earum, secundum quod per suos radios effectum
in istis inferioribus habent ; quarto, collocationes earum, secundum quod, in
sphera sua, immobiliter figuntur. Deinde, ponit quod pertinet ad quinque
planetas, scilicet Saturnum, Iovem, Martem, Mercurium, Venerem et dicit quod
divinum bonum est causa motus multi transitivi horum astrorum. Vocat autem motus horum astrorum transitivos, quia non servant eamdem
figuram secundum situm neque ad se invicem neque ad alias stellas fixas, sed
transeunt de figura in figuram, cum quandoque inveniantur in ariete,
quandoque in tauro aut in aliquo alio signo. Attribuit autem eis
multitudinem motuum, quia id quod apparet sensibiliter de motu uniuscuiusque
eorum, oportet quod resultet ex multis motibus ; cum quandoque tardius
sensibiliter moveri videantur ; quod invariabilitas coelestium corporum non
patitur. Ultimo, prosequitur de luminaribus, idest de sole et luna ; et dicit
quod divinum bonum est causa circularis motus duorum luminarium,
idest solis et lunae quae vocat sacra Scriptura : magna, secundum
quod motus circulares restituuntur ab eisdem signis ad eadem. Et secundum
haec luminaria, distinguuntur a nobis dies et noctes et
mensurantur anni et menses, determinant, idest distinguunt et
numerant idest mensurant et ordinant secundum prius
et posterius et continent secundum certam
illuminationem, circulares motiones temporis et omnium quae
moventur in tempore. Dicit autem circulos temporis, secundum quod de mane
redeunt ad mane et de vere ad ver. Manifestum est autem quod per
distinctionem annorum et mensium et dierum et motuum distinguimus ea quae
aguntur in uno tempore ab his quae aguntur in alio et per eadem etiam scimus
quantitatem temporis et actionis, secundum quod pluribus aut paucioribus
diebus, mensibus et annis durat. Scitur etiam quid prius vel posterius
agatur, ex hoc quod illo die, mense, vel anno est actum. Principium etiam et
terminationem uniuscuiusque durationis, secundum certum diem et mensem et
annum distinguuntur et per hoc dicuntur continere omnia quae aguntur in
tempore. |
Leçon 2 (12a) : Comment le Bien se retrouve dans les autres créatures corruptibles.292.
Ayant montré comment les créatures rationnelles participent de la Bonté
divine, Denys aborde ici (108) les créatures irrationnelles ; et d’abord, il
s’attache à décrire ce qui se rapporte aux animaux irrationnels en disant : s’il faut parler non seulement des créatures
nobles, mais aussi des inférieures, c’est-à-dire des âmes irrationnelles ou des brutes, il faut noter que certaines
d’entre elles fendent l’air en
volant, comme les oiseaux ; certains d’autre part se meuvent sur la terre et cela de deux façons :
certains en effet marchent ou se
promènent, comme les animaux quadrupèdes ; d’autres rampent sur le sol, c’est-à-dire qu’ils se
meuvent au moyen d’une extension de leur corps, comme les reptiles ; d’autres
habitent les eaux, comme les
poissons ; d’autres se meuvent de deux
façons comme les amphibiens qui vivent tantôt dans l’eau, tantôt sur
terre ; d’autres vivent sous terre,
comme les taupes ; et ceux qui sont ensevelis
sous les poussières , comme certains vers qu’on retrouve sous la terre.
Tant ceux-là que tous les autres qui ont une essence et une vie sensible, tirent leur être et leur
vie de la Bonté divine. 293.
Ensuite, lorsqu’il dit (109) : Et les
plantes…, il enchaîne avec les plantes ; et il dit que c’est de la Bonté
divine que toutes les plantes tiennent
la vie, non une vie sensible, mais qui doit s’entendre seulement selon la
nutrition et le mouvement de croissance et de décroissance. 294.
Ensuite, lorsqu’il dit (110) : Et toute…il
continue avec les êtres inanimés ; et il dit que c’est de la Bonté divine que
toute substance inanimée ou non vivante tient à la fois son
existence et sa manière d’exister à
titre de substance, en quoi elle
dépasse l’accident. 295.
Ensuite, lorsqu’il dit (111) : Si
cependant…il poursuit avec la matière première. Et à ce sujet il faut se
rappeler que Platon corrigea l’erreur des anciens naturalistes qui n’avaient
pu faire la différence entre la matière et la forme dans les choses sujettes
à la corruption et à la génération lorsqu’ils affirmaient que la matière
première était un corps qui existait en acte, comme le feu ou l’air ou
quelque autre corps de ce genre. En effet Platon comprit que la matière, qui
par définition n’appartient à aucune espèce, est comme le substrat d’une
forme corporelle ; mais cependant il ne parvint pas à faire la différence
entre matière première et privation, ainsi que le souligna Aristote au
premier livre de son traité des
Physiques. C’est pourquoi tant lui-même que ses disciples nommèrent la
matière ¨non-être¨ à cause de la privation qui lui est rattachée. Et même
Denys utilise cette manière de parler, bien que selon Aristote il soit
nécessaire de distinguer la matière de la privation car la matière se
retrouve parfois sous la forme, parfois sous la privation ; c’est donc par
accident que la privation est unie à la matière. 296. De
plus, il faut considérer, conformément à ce que disent les Platoniciens, que
plus une cause est élevée, plus elle s’applique à un grand nombre de
réalités. D’où il faut que la matière première, qui tient lieu de premier
sujet dans les effets, soit elle-même l’effet de la seule Cause première qui
est le bien, la causalité des causes secondes étant d’elle-même incapable de
parvenir à cet effet. Cependant, c’est au moyen du désir que tout effet se
tourne vers sa cause, d’où il suit que la matière première désire le bien,
selon que le désir ne semble être rien d’autre que la privation et
l’ordonnance de cette dernière à l’acte. 297. À
l’inverse, il faut penser que comme on dit de la matière première qu’elle est
informe en raison d’un défaut de forme, on peut dire de même du premier Bien
qu’il est informe en raison d’une démesure et non d’un défaut de forme ; et
ainsi, d’après cette ressemblance lointaine, on retrouve une certaine
similitude entre la Cause première et la matière première. 298.
Donc, d’après cela, Denys dit que Dieu, qui
dépasse tout ce qui existe, forme
les choses, puisqu’il est le bien et que
c’est par démesure qu’on dit de Lui
qu’il n’a pas de forme ; et il montre cela par l’examen de cas
particuliers : c’est seulement en Dieu
lui-même que l’on retrouve la démesure
de la substance ; car, dit-il, Il subsiste de la manière la plus
excellente ; et c’est pourquoi il dit que Dieu n’existe pas comme les autres ; et de même, puisqu’Il est une vie illimitée, il l’appelle non vivant ; et, comme il est la
sagesse la plus excellente, il
l’appelle sans intelligence et il
fait de même pour toutes les autres
dénominations qu’on applique au bien, c’est-à-dire à Dieu, et qui font
partie de ce qui n’a pas été formé
; elles sont dénommées par mode de négation et de plus elles appartiennent à
une transcendance formatrice, car ces formes en Lui sont démesurées ;
et, s’il est permis de le dire, le non-être lui-même, à savoir la
matière première désire ce bien qui dépasse tout ce qui existe et
qui lui-même n’est pas un être
ainsi que nous l’avons dit, dans la mesure où elle désire la forme qui est
comme une image de l’être divin et cherche
ainsi à obtenir d’une certaine manière
le bien, c’est-à-dire à être assimilée au premier bien, et cette sorte de
relation n’est rien d’autre que l’inclination de la matière vers la forme ;
et elle veut communiquer avec la forme pour devenir cela, à savoir l’être et
le bien qui est vraiment ou
essentiellement attribué au bien substantiel, lequel est dénommé, par mode de retranchement de tout ce
qui existe, au moyen de noms qui expriment une négation non à cause d’un
défaut d’être comme c’est le cas pour la matière première, mais à cause d’une
démesure d’être. 299.
Ensuite, lorsqu’il dit (112) : Mais
pour nous… il poursuit avec les corps célestes dont la considération lui
avait échappé en milieu de
parcours. En effet, la suite de l’ordre exigeait que, entre les substances
incorporelles incorruptibles et les substances corporelles corruptibles, on
traite des substances corporelles incorruptibles mais en raison de l’ajout
des âmes aux corps corruptibles, il omit de suivre cet ordre. 300.
Mais au sujet des corps célestes, il expose ce qui se rapporte aux sphères
célestes elles-mêmes ; et il fait trois considérations ; d’abord, il parle de
la relation qui existe entre ces corps et les corps inférieurs, car les corps
célestes sont des principes actifs à l’égard des corps assujettis à la
génération et à la corruption et ce sont eux qui fixent à l’avance le terme
propre à chacun d’eux ; et c’est ce que Denys dit, à savoir que le bien divin
est cause des principes et des termes
des corps célestes. Deuxièmement, il présente ce qui se rapporte à la
modalité de leurs substances ; et à ce sujet, il faut savoir que certains parmi
les anciens, croyant que les corps célestes étaient de même nature que le
feu, affirmèrent que ceux-ci se nourrissaient des vapeurs dissoutes à partir
de la terre et des eaux et que c’était de cette façon qu’ils pouvaient se
conserver, comme le feu se conserve par l’ajout de bois ; et pour écarter
cette opinion, Denys dit que le bien divin est cause des corps célestes non
pas quant à leur augmentation, à savoir par l’ajout de quelque substance,
ni quant à leur diminution, à
savoir par mode de destruction, mais
d’une façon invariable car conformément à leur substance, ils ne peuvent
être assujettis au changement. Troisièmement, il présente ce qui se rapporte
à leurs mouvements d’où proviennent certains sons harmonieux, selon ce qu’en
disaient les Pythagoriciens. Mais Denys écarte aussi cette opinion en disant
que le bien est cause des plus grandes
révolutions des mouvements célestes,
lesquels sont silencieux, s’il faut le
dire ainsi ; car certains en effet dirent le contraire. 301.
Ensuite, il présente ce qui se rapporte aux étoiles fixes chez lesquelles il
considère quatre aspects : d’abord, les ordonnances qu’elles respectent les
unes à l’égard des autres selon la distance, la proximité et le lieu à partir
desquels diverses figures sont déterminées entre elles ; deuxièmement, leur
beauté qui est déterminée par leur éclat, leur figure et leur quantité ;
troisièmement, leur luminosité, selon que par leurs rayonnements elles
agissent sur les corps inférieurs ; quatrièmement, leur place selon que
chacune d'elles est fixée immobile dans sa sphère respective. 302.
Ensuite, il présente ce qui se rapporte aux cinq planètes, c’est-à-dire à
Saturne, Jupiter, Mars, Mercure et Vénus et il dit que le bien divin est
cause chez ces astres de plusieurs
mouvements passagers. Il dit que les mouvements de ces astres sont
passagers car ils ne gardent pas toujours la même figure ni selon le lieu, ni
les unes à l’égard des autres ou encore à l’égard des autres étoiles, mais
elles passent d’une figure à une autre ainsi que cela se produit parfois pour
la configuration du bélier, celle du taureau ou celle de tout autre signe. Et
il leur attribue une multitude de mouvements car les mouvements de chacun
d’eux apparaissent à nos sens comme le résultat d’une multitude de mouvements
puisque parfois à nos sens ils paraissent se mouvoir plus lentement, ce qui
est incompatible avec l’invariabilité des corps célestes. 303.
Finalement, il termine en parlant des luminaires, à savoir du soleil et de la
lune ; et il dit que le Bien divin est cause du mouvement circulaire de ces deux luminaires, c’est-à-dire du soleil et de la lune que
les saintes Écritures appellent grands
(Genèse 1, 16.), puisque leurs mouvements circulaires se rétablissent
toujours du même signe au même signe.
Et c’est d'après ces luminaires que nous
distinguons les jours et les nuits et que nous mesurons les années et les mois, et ce sont eux
qui permettent de déterminer ou de
distinguer, de compter ou de
mesurer et d'ordonner selon l’avant
et l’après, et de conserver,
conformément à un éclairage déterminé, les
mouvements cycliques du temps et de tout ce qui se meut dans le temps. Et
il parle de cycles du temps à cause de ces retours continuels du matin au
matin et du printemps au printemps. Mais il est évident que c’est grâce à la
distinction des années, des mois, des jours et des mouvements que nous
arrivons à distinguer les actions qui ont lieu à un moment de celles qui ont
lieu à un autre et que c’est par elle aussi que nous connaissons la quantité
de temps et d’actions écoulées selon qu’elles durent plusieurs jours, mois et
années ou quelques-uns seulement. On connaît aussi ce qui a lieu avant ou
après, selon que cela se passe tel jour, tel mois et telle année. Aussi,
c’est d’après un jour, un mois et une année déterminés que se distinguent le
commencement et le terme d’une durée et c'est ainsi qu'on dit d'eux qu’ils
embrassent tout ce qui se produit dans le temps. |
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LECTIO 3 [84846] In De divinis
nominibus, cap. 4 l. 3 Postquam prosecutus est ea quae pertinent ad
nomen boni, hic prosequitur ea quae pertinent ad nomen luminis ; et primo,
ostendit quomodo nomen luminis solaris metaphorice Deo attribuitur ; secundo,
quomodo attribuitur ei intelligibile lumen ; ibi : sed haec quidem et
cetera. Circa primum, tria facit : primo, ostendit quod nomen solaris luminis
Deo attribuitur ; secundo, manifestat similitudinem ; ibi : sicut
enim et cetera ; tertio, excludit errorem ; ibi : et non
dico et cetera. Dicit ergo primo, quod sicut praedicta ex divina
bonitate habent esse et bene esse, ita et radius solaris per se consideratus,
est ex bonitate Dei et est quaedam imago, idest expressa similitudo divinae
bonitatis. Inde est quod ipsum bonum, quod est Deus, laudatur
nominatione solaris luminis, eo quod manifestatur
bonitas divina in tali lumine, sicut archetypum, idest
principalis figura vel principale exemplar in impressa imagine.
Dicitur enim Malach. 4 : vobis timentibus nomen meum, orietur sol
iustitiae. Deinde, cum dicit : sicut enim et cetera,
manifestat praemissam similitudinem ; et primo, quantum ad processum rerum in
esse a divina bonitate ; secundo, quantum ad ordinem rerum in finem ; ibi
: et sic omnia et cetera. Primo, ergo, ponit ea quae ad
divinam bonitatem pertinent, secundum quod res ab ipsa procedunt ; et circa
hoc, ponit tria : primo quidem, universalem causalitatem ipsius et dicit
quod bonitas divinitatis super omnia existentis transit,
causando, a supremis et perfectissimis substantiis
usque ad ultimas. Posset autem aliquis credere quod transiret per omnia
sicut eis permixta et in eis conclusa et ad hoc excludendum, subdit quod,
quamvis per omnia transeat tradendo similitudinem suam rebus, adhuc
tamen super omnes est, per suae substantiae singularitatem. Posset etiam aliquis credere quod, quamvis excedat omnes substantias, tamen
supremae substantiae usque ad eam attingant per modum quo corpus inferius
attingit suum superius ; et ad hoc excludendum, subdit quod superiores
substantiae non pertingunt ad excessum divinae bonitatis.
Posset iterum aliquis credere quod quaedam, quae sunt infima in rebus, non
sunt a Deo creata propter eorum imperfectionem, sicut Manichaei posuerunt
corpora corruptibilia non esse creata a Deo et ad hoc excludendum, subdit
quod inferiora non transeunt ambitum causalitatis eius. Secundo
; ibi : sed et illuminat et cetera, postquam posuerat quod
causalitas eius se extendit ad omnes substantias, ostendit quid substantiae
ex divina bonitate consequuntur ; et dicit quod divina bonitas illuminat
omnia quae illuminari possunt, scilicet rationales substantias ;
universaliter autem omnes substantias creat, dans eis esse ; et vivificat
omnia quae vivunt et continet, idest conservat ; et perficit,
dans eis suas perfectiones. Tertio ; ibi : et mensura et
cetera, ostendit quam habitudinem habeat divina bonitas ad res iam productas
; et dicit, primo, quod habet habitudinem mensurae. Est enim mensura
existentium, quia ex hoc potest sciri quantum unumquodque existentium
habeat de nobilitate essendi, quod appropinquat ei vel distat ab eo, sicut si
dicamus albedinem esse mensuram omnium colorum, quia unusquisque color est
tanto nobilior, quanto albedini propinquior. Specialiter autem descendit ad
quasdam speciales mensuras : mensura autem durationis motus et mutabilium
rerum est tempus ; esse vero immobilium rerum non mensuratur tempore nisi per
accidens, ratione motus adiuncti sed propria mensura essendi est aevum ;
duratio autem uniuscuiusque esse praefigitur et mensuratur a Deo et secundum
hoc Deus dicitur omnium existentium aevum. Invenitur etiam, inter species
quantitatis, aliqua mensura quae est numerus et haec etiam mensura
attribuitur Deo qui est numerus rerum omnium ; et determinatio multitudinis
earum, quod ad rationem numeri pertinet, a divina sapientia procedit.
Rationem autem tam temporis quam numeri sequitur ordo, quia una species
numeri naturaliter est alia prior et tempus est etiam numerus motuum secundum
prius et posterius. Unde consequenter dicit, quod Deus est ordo omnium,
inquantum omnia quae ab ipso sunt, ordinata sunt. Est etiam inter species
quantitatis, aliqua mensura quae est locus : locus quidem mensurat ambiendo
corpus localiter, et hunc etiam Deo attribuit, qui immediate omnia ambit. Non
solum autem habet ad res productas habitudinem mensurae, sed etiam
habitudinem causae agentis et finis et ideo subiungit : et causa et
finis. Deinde, cum dicit : ita quidem et cetera,
ostendit quomodo inveniatur similitudo Dei quantum ad praemissa ; et, primo,
quantum ad universalitatem causandi : et dicit quod, sicut praedicta
conveniunt divinae bonitati, ita sol iste sensibilis, qui est maximus,
transcendens omnia corpora coelestia secundum quantitatem et totus
splendens, non habens aliquas nebulas sicut luna et semper lucens, ad
differentiam lunae cuius lumen augetur et diminuitur et quandoque deficit ;
et quod aliquando eclipsari videtur, non est propter defectum luminis in
ipso, sed quando lumen eius ad nos non pertingit propter interpositionem
lunae ; iste inquam sol, tamquam manifesta
imago divinae bonitatis, secundum multam resonantiam ad divinam
bonitatem, illuminat quaecumque possunt participare lumine
eius et tamen lumen eius est superextentum, quia
nihil potest pertingere ad aequalitatem luminis eius et extendit splendores
radiorum suorum ad totum istum corporeum et visibilem
mundum, tam sursum quam deorsum, quia non
solum ista inferiora, sed etiam superiora corpora coelestia illuminantur ab
ipso ; et si est aliquid quod non
participat lumine eius, hoc non est propter
debilitatem vel parvitatem illuminantis virtutis in ipso, sicut est in
candela quae propter parvitatem vel debilitatem sui luminis usque ad modicum
spatium illuminat, sed quod aliqua a sole non illuminantur, est propter
defectum eorum quae non possunt extendere se ad participandum lumen solis,
propter hoc quod non sunt opportuna vel apta ad accipiendum lumen. Sed tamen
solaris radius multa talia corpora illuminari non valentia praetermittens,
illuminat sequentia, sicut praetermittens nubem aliquam illuminat quae sub
nube sunt et breviter nihil est visibilium ad quod non pertingat solis
causalitas, secundum excedentem magnitudinem sui proprii
splendoris. Secundo ; cum dicit : sed ad generationem et
cetera, ostendit similitudinem quantum ad effectus quos Deus facit in omnibus
rebus. Dictum est enim quod divina bonitas dat esse omnibus per creationem, sed
in hoc aliquam similitudinem eius habet sol, qui dat esse per
generationem. Confert enim ad generationem sensibilium
corporum, sicut quoddam universale agens et causa non univoca. Dictum est
etiam quod Deus vivificat res et in hoc assimilatur ei sol, quod movet
inferiora corpora ad vitam. Manifestum est enim quod ex radiis solis viventia
generantur, non solum quae generantur sine semine, sed etiam in his quae
semine generantur virtus solis operatur. Auget etiam quaedam quae ad actum
vitae pertinent, scilicet nutrimentum et augmentum, quae ex virtute solaris
luminis causantur, sicut et ceteri motus corporales. Perficit etiam corpora
sensibilia solaris radius, inquantum eius virtute ad statum perfectum
perducuntur et etiam si qua per elongationem solis corruptionem aliquam et
vetustatem incurrunt, sole appropinquante purgantur et renovantur, sicut
arbores et omnes plantae in vere pullulant et crescunt. Tertio ; ibi : et
mensura est et cetera, quantum ad rationem mensurae, ostendit
similitudinem et dicit quod sol est mensura et numerus horarum et dierum totius nostri
temporis, quod maxime mensuratur et numeratur per motum solis. Et ne
aliquis ferat instantiam de tribus primis diebus qui leguntur Gen. I, ante
quartum diem, quo factus dicitur esse sol, subiungit quod, cum Moyses dixit
quod primo die Deus dixit : fiat lux et facta est lux et divisit
lucem a tenebris et tenebras vocavit noctem et lucem diem, illa lux fuit
lux solis, quae tamen fuit primo creata, sed postea fuit formata et perfecta
quarto die, quando factus legitur sol ; et sic, radius solaris determinavit
et distinxit et primos tres dies et nostri temporis dies. Deinde, cum dicit
: et sic omnia et cetera, exponit praemissam similitudinem,
quantum ad ordinem rerum in divinam bonitatem ; et primo, ponit id quod
pertinet ad divinam bonitatem ; secundo, ostendit huius similitudinem in sole
; ibi : secundum eamdem et cetera. Circa primum, tria facit
: primo, ostendit ex qua causa contingat quod omnia, ordinentur in Deum sicut
in finem ; secundo ; quae sit ratio ordinis ; ibi : et omnia et
cetera ; tertio, modum ordinis ; ibi : et quod desiderant et
cetera. Causam autem huius ordinis assignat dicens, quod
divina bonitas omnia convertit ad seipsam : hoc enim ipsum quod
res ordinantur in Deum, ab ipso habent. Sunt enim res quasi dispersae et
segregatae, secundum quod ad diversos fines proprios ordinantur, sed
inquantum communicant in ordine ad ultimum finem, sic congregantur. Divina
igitur bonitas, inquantum omnia ad seipsam convertit, est principaliter congregativa
omnium dispersorum, sicut quaedam deitas principaliter vivifica.
Deinde, cum dicit : et omnia et cetera, assignat rationem
ordinis : intantum enim omnia convertuntur in ipsum, inquantum omnia
desiderant ipsum triplici ratione, scilicet : ut principium activum
; et ut continentiam, idest conservantiam rerum ; et ut
finem ; ista est triplex ratio desiderii. Desideramus enim Deum ut
principium quia ex eo provenit nobis bonum ; ut continentiam quia ex eo
conservatur nobis bonum ; ut finem quem adipisci intendimus. Et haec tria
manifestat : quod enim sit principium, patet ex hoc quod, sicut Scriptura
dicit, omnia subsistunt et sunt ex ipso, deducta ab
eo sicut ex quadam causa perfecta. Et quod ipse
sit continens omnia et conservans, patet per hoc quod omnia in
ipso consistunt custodita ab exterioribus nocivis et
contenta per conservationem propriae virtutis, sicut in quadam omnipotente
plantatione. Sicut enim arbores conservantur per hoc
quod sunt in terra plantatae ita omnia conservantur in hoc quod sunt firmata
in omnipotenti Dei virtute. Quod etiam desiderant omnia divinam bonitatem ut
finem, ostendit consequenter cum dicit quod ad ipsum convertuntur
omnia, sicut singula ad proprios fines. Deinde, cum dicit : et
quod desiderant et cetera, ostendit modum ordinis ; et dicit quod
bonum divinum desiderant intellectualia quidem, ut Angeli et
rationalia, ut homines, cognitive ; haec enim solum
cognoscere possunt ipsum bonum quod est Deus. Sed sensibilia ipsum
desiderant, inquantum desiderant aliquod sensibile bonum quod est similitudo
summi boni. Sed plantae quae sunt expertes sensus, desiderant bonum divinum
naturali motu vitalis desiderii, quia et ipsum bonum est ad quod naturali
inclinatione tendunt per opera vitae in similitudinem aliquam summi boni. Ea
vero quae carent vita, ut inanimata corpora, quae sunt tantum existentia,
desiderant bonum divinum per aptitudinem ad participandum a Deo esse
subsistens, ut ipsa aptitudo eorum intelligatur esse desiderium. Deinde, cum
dicit : secundum eamdem rationem et cetera, ostendit quomodo
praedictorum similitudo in sole inveniatur ; et dicit quod, sicut praedicta
conveniunt divinae bonitati, ita non principaliter, sed secundum
rationem imaginis, lumen solare congregat et convertit ad
se omnia. Ea enim quae vident, desiderant lumen solis ad videndum
et ea quae moventur et quae illuminantur et quae calefiunt desiderant lumen
solis, ut ad hoc necessarium ; et similiter, quocumque modo aliqua
contineantur, idest dependeant vel causentur a fulgoribus solis et ideo
nominatur in Graeco ilios, scilicet quia facit omnia corpora
esse indestructibilia et congregat dispersa, inquantum ea quae
sunt in seipsis separata, communiter ipsum desiderant : aut ad
hoc ut videant aut ad hoc quod moveantur aut ad hoc quod illuminentur aut ad
hoc quod calefiant aut qualitercumque contineri a virtute luminis desiderant.
Deinde, cum dicit : et non dico et cetera, removet errorem ;
et dicit quod praedicta non dixit secundum opinionem antiquorum, qui dicebant
quod Deus erat sol, quod sol erat creator totius universi sensibilis et quod
gubernat totum mundum sensibilem, sed secundum quod invisibilia Dei
manifestantur per ea quae facta sunt, ut apostolus dicit, Rom. I. |
Leçon 3 (13a) : De la lumière sensible.304. Après avoir parcouru ce qui se rapporte à la dénomination du Bien, il poursuit en examinant ce qui se rapporte au nom de Lumière ; et d’abord, il montre comment ce nom, à savoir lumière solaire, ne s’attribue à Dieu que d’une manière métaphorique ; deuxièmement, il montre comment s’attribue à Lui la lumière intelligible, là où il dit (114) : Mais certes, celle-ci… (leçon 4) 305. Au sujet du premier point, il fait trois choses : d’abord, il montre comment le nom de lumière solaire s’attribue à Dieu ; deuxièmement, il explique cette similitude, là où il dit (114) : En effet, comme… ; troisièmement, il écarte une erreur, là (124) où il dit : Et je ne dis pas… 306. Il dit donc en premier (113) que, tout comme les réalités présentées plus haut tiennent leur être et leur bien-être de la Bonté divine, de même le rayon solaire, considéré en lui-même, tient son être de cette même Bonté et en est une certaine image, c’est-à-dire une similitude qui est l’expression de la Bonté divine. Et c’est de là que le Bien lui-même qui est Dieu est loué sous le vocable de lumière solaire, d’autant que la Bonté divine se manifeste dans une telle lumière comme étant l’archétype, à savoir la forme ou le modèle principal imprimé dans une image. En effet, c’est Malachie (3, 20) lui-même qui dit : ¨ Pour vous qui craignez mon nom, un soleil de justice se lèvera¨. 307. Ensuite, lorsqu’il dit (114) : ¨En effet, comme…¨ il explique la similitude qu’il vient de présenter ; et en premier lieu, quant à la procession des choses dans l’être par l'action de la Bonté divine ; deuxièmement, quant à l’ordonnance des choses à leur finalité, là où il dit (120) : Et ainsi tout… 308. Tout d’abord, donc, il présente ce qui caractérise la Bonté divine, selon que les choses procèdent d’Elle ; et à ce sujet il présente trois éléments : dont le premier certes est sa causalité universelle et à ce sujet il dit que la bonté de Dieu passe dans tout ce qui est appelé à exister en produisant dans l’être toutes les substances, à partir des plus élevées et des plus parfaites jusqu'aux plus humbles. Mais quelqu’un pourrait croire que Dieu passe en toute chose comme s’il s’y mélangeait et s’y enfermait ; mais pour écarter cette opinion, Denys ajoute que bien qu’Il passe en toute chose en leur transmettant sa ressemblance, cependant Dieu demeure encore au-dessus de tout à cause du caractère unique de sa substance. Quelqu’un pourrait encore croire que, bien que Dieu dépasse toute substance, les substances supérieures parviennent jusqu’à Lui de la même manière qu’un corps inférieur touche un corps supérieur ; et pour repousser cette croyance, il ajoute que les substances supérieures sont incapables d’avoir accès à l’excellence de la Bonté divine. De plus, d’autres pourraient croire que certaines réalités parmi les plus humbles, en raison de leur imperfection, ne sont pas créées par Dieu : c’est ainsi que les Manichéens affirmèrent que les corps corruptibles ne sont pas créés par Dieu ; et pour écarter cette opinion, il ajoute que les substances inférieures n’échappent pas au contrôle de la causalité divine. 309. Après avoir affirmé que la causalité de Dieu s’étend à toutes les substances, il montre ensuite ici quelles substances découlent de la Bonté divine, là où il dit (115) : Mais il éclaire … ; et il dit que la Bonté divine illumine tout ce qui peut recevoir sa Lumière, à savoir les substances rationnelles ; mais plus universellement Elle crée toutes les substances en leur donnant l’être ; et Elle engendre la vie chez ceux qui vivent et Elle les contient ou les conserve dans l’être ; et enfin Elle les conduit à leur accomplissement en leur attribuant leurs perfections. 310. Troisièmement, là (115) où il dit : et la mesure…, il montre quel rapport la Bonté divine entretient à l’égard des choses déjà créées ; et Denys dit qu’Elle entretient premièrement un rapport de mesure. Elle est en effet la mesure de tout ce qui existe car c’est à partir d’Elle qu’on peut savoir dans quelle mesure ce qui existe possède dans son être même une certaine noblesse, selon que cet être s’approche ou s’éloigne d’Elle ; c’est comme si nous disions que la blancheur est la mesure de toutes les autres couleurs puisque chaque couleur est d’autant plus noble qu’elle s’approche de la blancheur. Mais d’une manière plus précise, il descend à la considération de certaines mesures particulières : ainsi la mesure de la durée du mouvement et du changement dans les choses est le temps ; en vérité, l’être des réalités qui échappent au mouvement ne se mesure pas par le temps, si ce n’est par accident, dans la mesure où elles s’accompagnent de mouvement, mais la mesure propre à leur être est l’éternité ; mais la durée de tout être est fixée et mesurée par Dieu et c’est à cause de cela qu’on dit de Dieu qu’il est l’éternité de tout ce qui existe. On retrouve aussi, parmi les espèces de la quantité, une mesure qui est le nombre et cette mesure aussi est attribuée à Dieu dont on dit qu’Il est le nombre de toutes les choses ; et la fixation des limites à l’égard de la multitude de ces choses, puisqu’elle se rapporte à la nature du nombre, procède de la sagesse divine. Mais l’ordre accompagne tant la nature du temps que celle du nombre car une espèce de nombre est naturellement antérieure à une autre et même le temps est le nombre du mouvement selon l’avant et l’après. D’où Denys dit par conséquent que Dieu est l’ordre de tout dans la mesure où tout ce qui tient son être de Lui est soumis à un ordre. Il y a aussi parmi les espèces de la quantité une mesure qui est le lieu : certes le lieu mesure l’environnement local d’un corps et on attribue aussi cette mesure à Dieu qui entoure immédiatement toute chose. Non seulement Dieu maintient-il à l’égard des choses produites une relation de mesure, mais aussi celle de cause efficiente et de cause finale et c’est pourquoi Denys ajoute : et il est cause et finalité. 311. Ensuite, lorsqu’il dit (117) : ainsi certes…il montre comment se rencontre une similitude ou une image de Dieu, à savoir le Soleil, dans ce qui vient d’être présenté ; et d’abord, il le montre quant à l’universalité de la causalité : et il dit qu’ainsi que ce que nous avons dit précédemment convient à la Bonté de Dieu, de même ce Soleil que nous percevons qui est le plus grand et qui dépasse tous les corps célestes selon la quantité et qui resplendit dans sa totalité n’est entouré d'aucun nuage contrairement à la Lune et il brille toujours, à la différence de la Lune dont la lumière parfois croît, parfois diminue et parfois disparaît ; et si parfois la lumière du Soleil semble totalement s’éclipser, cela n’est pas dû à un manque de lumière en lui-même mais à cause de l’interposition de la Lune qui empêche que sa lumière nous parvienne ; ce Soleil, dit-il, est comme une image évidente de la Bonté divine puisqu’il y correspond de multiples manières, et il éclaire tous ceux qui peuvent participer de sa lumière et cependant sa lumière se prolonge indéfiniment, car rien ne peut parvenir à l’égaler et il étend les éclats de ses rayons à la totalité de ce monde corporel et visible, tant vers le haut que vers le bas car il illumine non seulement ces corps inférieurs qui nous entourent mais aussi les corps célestes supérieurs ; et si une chose ne participe pas de sa lumière, cela ne doit pas être attribué à la faiblesse ou à la petitesse du potentiel de lumière qui est en lui, ainsi qu’on le voit dans la chandelle qui n’éclaire qu’un espace limité en raison de la faiblesse et de la petitesse de sa lumière ; mais s’il arrive qu’une chose ne soit pas éclairée par le Soleil, cela est dû à un défaut de cette chose elle-même qui ne peut s’élever à une participation de cette lumière parce qu’elle n’est pas disposée ou apte à la recevoir. Mais les rayons du Soleil, laissant de côté de nombreux corps de cette sorte ne pouvant être illuminés, éclaire cependant ceux qui les suivent, comme lorsqu’il omet d’éclairer un nuage, il éclaire les choses situées sous ce nuage et, en bref, parmi les réalités visibles, il n’y en a aucune à laquelle la causalité du Soleil ne puisse parvenir, à cause de la grandeur illimitée de l’éclat qui lui est propre. 312. Deuxièmement, lorsqu’il dit (118) : Mais à la génération…il développe la similitude du Soleil par rapport aux effets que Dieu produit dans toutes les choses. On a dit en effet que la Bonté divine donne l’être à toute chose par la création, mais en cela le soleil montre une certaine ressemblance avec Elle, puisqu’il donne l’être au moyen de la génération. Le soleil contribue en effet à la génération des corps sensibles comme à titre d’agent universel et de cause non univoque. On a dit aussi que Dieu vivifie les choses et le Soleil se compare à Dieu sous ce rapport, car il meut les corps inférieurs vers la vie. Il est manifeste en effet que c’est à partir des rayons solaires que les vivants sont engendrés, non seulement ceux qui sont engendrés sans recours à une semence mais la puissance du soleil agit même chez ceux qui sont engendrés au moyen d’une semence. De plus il fait croître des choses qui contribuent à des actes vitaux comme la nutrition et la croissance, choses qui sont produits par la puissance de la lumière solaire, tout comme il favorise aussi les autres mouvements corporels. De plus, les rayons du soleil conduisent les corps sensibles à leur achèvement, dans la mesure où par leur puissance ils les conduisent à leur maturité, car si un éloignement du soleil amène corruption et vieillissement, un rapprochement de ce dernier entraîne purification et renouvellement, ainsi qu’on l’observe au printemps chez les arbres et toutes les plantes. 313. Troisièmement, il continue de manifester la similitude sous le rapport de la notion de mesure, là où il dit (119) : et il est la mesure…, en affirmant que le soleil est la mesure et le nombre des heures et des jours de tout notre temps, lequel temps est mesuré et compté de la manière la plus excellente au moyen du mouvement du soleil. Et afin que personne ne présente comme objection l’exemple des trois premiers jours qui dans le livre de la Genèse (1, 3-13) sont présentés avant le quatrième où on dit que le Soleil fut créé, il ajoute que, puisque Moïse dit que c’est le premier jour que Dieu dit : ¨Que la lumière soit, et la lumière fut¨, et ¨Il sépara la lumière des ténèbres et il appela les ténèbres nuit et la lumière jour¨, il faut penser que cette lumière était la lumière du soleil qui fut créée dès le premier jour, mais que c’est au quatrième jour qu’elle reçut sa forme définitive ainsi que sa perfection, là où on lit que le Soleil fut créé le quatrième jour ; et ainsi, c’est la lumière du Soleil qui permit de distinguer les trois premiers jours de ceux qui suivirent. 314. Ensuite lorsqu’il dit (120) : Et ainsi toutes…, il examine la similitude sous le rapport de l’ordonnance des choses à l’égard de la Bonté divine ; et d’abord, il présente ce qui se rapporte à la Bonté divine ; deuxièmement, il manifeste en cela la ressemblance avec le soleil, là où il dit (123) : Selon la même… 315. Au sujet du premier point, il fait trois choses : d’abord, il montre la cause qui explique que toutes les choses soient ordonnées à Dieu comme à leur fin ; deuxièmement, il montre la nature de l’ordonnance des choses à Dieu, là où il dit (121) : Et toutes… ; troisièmement, il montre le mode de cette ordonnance, là où il dit (122) : et que toute chose désire… 316. Denys identifie la cause de cette ordonnance des choses à Dieu en disant que la Bonté divine convertit toutes les choses à Elle-même : en effet, cela même qu'elles soient ordonnées à Dieu, les choses le tiennent de Dieu lui-même. En effet, les choses sont comme dispersées et séparées selon qu’elles sont ordonnées aux finalités qui leur sont propres et qui les distinguent, mais elles se rassemblent dans la mesure où elles communiquent dans cette ordonnance à la finalité ultime. La Bonté divine est donc le principe qui rassemble ce qui est divisé tout comme elle en est le principe vivificateur, puisque c’est Elle qui tourne toutes les choses à Elle-même. 317. Ensuite, lorsqu’il dit (121) : et toutes…il présente la nature de l’ordonnance : en effet toutes les choses se tournent d’autant plus vers Dieu qu’elles Le désirent toutes pour ces trois raisons, à savoir : en tant que principe actif, en tant que protection, c’est-à-dire en tant que principe qui conserve dans l’être, et en tant que finalité ; ce sont là les trois raisons du désir. En effet, nous désirons Dieu en tant que principe car c’est de Lui que provient notre bien ; nous le désirons aussi en tant que protection parce que c’est Lui qui conserve notre bien ; et en tant que finalité car c’est Lui que nous cherchons à atteindre comme Bien ultime. Et Denys explique ces trois raisons : que Dieu soit principe, cela se voit à partir de ce qu’en dit l’Écriture elle-même, à savoir que c’est à Lui que toutes les choses doivent de subsister et d’exister, étant tirées de Lui comme d’une cause parfaite. Et qu’Il les maintienne et les conserve toutes, on le voit à ceci que toutes se tiennent en Lui protégées de tous les dangers extérieurs et qu’elles se maintiennent conservées dans l’être par la Puissance qui Lui est propre comme dans une plantation toute-puissante. En effet, tout comme les arbres se conservent du fait qu’ils sont plantés dans la terre, ainsi toutes les choses se conservent dans l’être du fait qu’elles sont établies dans la toute-puissance de Dieu. Enfin, il montre que toutes les choses désirent la Bonté de Dieu en disant par la suite que toute chose se tourne vers Lui tout comme chaque espèce se tourne vers la finalité qui lui est propre. 318. Ensuite, lorsqu’il dit (122) : et ce qu’ils désirent…il manifeste la modalité de cette ordonnance ; et il dit certes que les êtres intellectuels, comme les Anges, ainsi que les êtres rationnels, comme l’homme, désirent le Bien divin d’une manière cognitive ; eux seuls en effet peuvent connaître le Bien en Lui-même, à savoir Dieu. Mais les êtres doués de sensibilité Le désirent dans la mesure où ils désirent un bien sensible qui est comme l’image du Bien ultime. Et les plantes qui sont privées de sens désirent le Bien divin au moyen d’un mouvement naturel grâce auquel elles désirent la vie, car ce bien lui-même est ce vers quoi elles tendent naturellement comme vers une image du Bien ultime au moyen des opérations vitales. Et en vérité, les êtres qui sont privés de vie, comme les corps inanimés, qui ne font qu’exister, désirent le Bien divin au moyen de leur aptitude à participer à une existence subsistante, et c’est cette aptitude même, qui est la leur, qui est comprise comme étant un désir. 319. Ensuite, lorsqu’il dit (123) : pour la même raison…, il montre comment ce qu’il vient de dire de ces êtres se retrouve dans l’image du soleil ; et il dit que, tout comme ce que nous venons de dire appartient à la divine Bonté, de même cela appartient aussi au Soleil non à titre de cause première, mais à titre d’image de la cause première : en effet la lumière du soleil rassemble et tourne toutes les choses à soi. En effet, les êtres qui sont capables de vision désirent la lumière du soleil parce qu’ils en ont besoin pour voir et ceux qui se meuvent, qui sont éclairés et qui se réchauffent désirent la lumière du soleil parce qu’elle leur est nécessaire quant à ces opérations ; et de même, toute chose est contenue d’une manière ou d’une autre, c’est-à-dire dépend ou est causée par les éclats du soleil qu’on nomme en grec ¨Hélios¨ car il rend tous les corps indestructibles et rassemble ceux qui sont dispersés, dans la mesure où ceux qui en eux-mêmes sont séparés Le recherchent dans un désir commun : que ce désir ait pour fin de voir, de se mouvoir, d’être éclairé, d’être réchauffé ou d’être embrassé de quelque manière par la puissance de la lumière. 320. Ensuite, lorsqu’il dit (124) : Et je ne dis pas…, il écarte une erreur ; et il dit que ce qu’il a affirmé précédemment, il ne l’a pas fait pour se conformer à l’opinion des anciens qui disaient que dieu est le Soleil, que le Soleil est le créateur de tout l’univers sensible et qu’il gouverne ce dernier dans sa totalité, mais pour rester fidèle aux paroles que l’Apôtre présente dans la l’épître aux Romains (1, 20) : ¨Les qualités invisibles de Dieu se voient fort bien au moyen de ses œuvres¨. |
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LECTIO 4 [84847] In De divinis
nominibus, cap. 4 l. 4 Postquam ostendit quomodo nomen sensibilis
luminis in divinam praedicationem transferatur per quamdam similitudinem,
nunc ostendit quomodo intelligibile lumen ei attribuatur ; et primo continuat
se ad praecedentia ; secundo, prosequitur intentum ; ibi : et
dicendum et cetera. Dicit ergo primo quod haec quae
dicta sunt per praedicationem sensibilis luminis de Deo et de similitudine
eius ad ipsum, dicta sunt in libro de symbolica
theologia, sed nunc oportet considerare quomodo laudetur
bonum divinum, nomine intelligibilis luminis. Non enim est intentio huius
libri, tractare de nominibus sensibilium translatis in Deum, sed de nominibus
intelligibilibus. Deinde, cum dicit : et dicendum et cetera,
prosequitur intentum, scilicet de intelligibili lumine, quod signat in Deo
causalitatem intelligibilis luminis ; unde circa hoc, tria facit : primo
tangit causalitatem luminis ; secundo, ostendit quomodo Deus se habeat ad ea
in quibus lumen causatur ; ibi : igitur et cetera ; tertio,
ostendit quis est finis diffusionis huius luminis ; ibi : et
intellectualia et cetera. Circa primum, duo facit : primo, tangit de
causalitate intelligibilis luminis in Angelis ; secundo, in animabus
rationalibus ; ibi : omnem et cetera. Dicit ergo primo quod
Deus, qui est per essentiam suam bonus, nominatur intelligibile lumen ; Ioan.
8 : ego sum lux mundi, propter hoc, quidem, quod implet omnem
supercoelestem mentem, idest angelicam, intelligibili lumine,
quod nihil est aliud quam cognitio veritatis. In
hoc autem quod dicit : implet, designat perfectam veritatis
cognitionem, Angelis a Deo datam. Deinde, cum dicit : omnem
autem et cetera, ostendit causalitatem luminis in animabus ; et
primo, ponit duo quae facit divinum lumen in animabus ; secundo, assignat
modum utriusque ; ibi : et intellectuales et cetera. Duorum
autem quae facit divinum lumen in animabus, primum est : quod ab
omnibus animabus quibus innascitur, expellit omnem
ignorantiam et errorem. Ignorantia pertinet ad remotionem veritatis, sed
error ad inhaesionem falsitatis ; dicit autem : ingignitur, ut
alludat ei quod dicitur II Petri, 1 : donec dies illucescat et
Lucifer oriatur in cordibus vestris. Unde patet quod hoc de Angelis non
dixit, in quibus ignorantia et error locum non habent, licet in eis sit
aliquorum nescientia, a qua purgantur, ut dicit Dionysius VII cap. coelestis
hierarchiae. Non enim omnis nescientia ignorantia dici potest, sed solum
nescientia eorum ad quae quis natus est et debet scire. Secundum est :
quod tradit sanctum lumen ; et nota quod dicit : sanctum
lumen, tum quia a Deo immittitur, tum quia ad Deum cognoscendum nos
ordinat. Et notandum quod non fuit usus verbo impletionis, sed simplicis
traditionis, ad ostendendum quod cognitio veritatis est imperfecta in
animabus in comparatione ad illam plenitudinem quam Angeli a Deo possident.
Deinde, cum dicit : et intellectuales et cetera, exponit
modum utriusque ; et primo, primi ; secundo, secundi ; ibi : et
tradit et cetera. Circa primum, considerandum est quod corporalis
tenebra, tria facit in corporibus : primo enim reddit ea squalida et sordida
ex eo quod non studiose purgantur quae in tenebris sunt ; secundo, tenebrae
reddunt animalia immobilia, unde plerisque animalium naturale est ut in nocte
quiescant et in die moveantur, quia per lucem diriguntur in motu, videntia
quo vadunt ; tertio, tenebrae corporales concludunt, ut in tenebris aliquis
non praeparet se ad aliquid agendum et naturaliter aliquam pigritiam
ingerunt. Et haec tria facit etiam spiritualis tenebra, idest ignorantia
veritatis : primo enim, contrahuntur ex ea sordes non solum errorum in
intellectu, sed etiam pravarum affectionum in affectu et inordinatio actionum
in actu, dum mala quae ignorat homo nec vitat nec purgat ; secundo, tenebra
reddit homines otiosos, qui, dum habent ignorantiam boni quod est finis et
viae qua ad ipsum pervenitur, non se movent ad finem consequendum ; tertio,
reddit eos conclusos, quia dum non cognoscunt bonum, non aperitur eorum
affectus per desiderium ad capiendum ipsum intra se. Sed haec tria removet
intelligibile lumen, idest cognitio veritatis : et quantum ad primum, dicit
quod intelligibile lumen mundat intellectuales oculos ipsarum,
scilicet animarum, a faece, idest immunditia, circumposita
ipsis, idest superveniente eis ex ignorantia ; quantum ad
secundum, dicit : et movet, scilicet ad bene agendum ; et quantum
ad tertium, dicit : et aperit, idest apertos reddit ad
recipiendum per desiderium, conclusos, idest qui prius erant
conclusi tenebris aggravantibus, idest tarditatem quamdam ad bonum
immittentibus. Quia ergo conclusi erant, indigebant aperitione ; quia
aggravati, indigebant motione. Deinde, cum dicit : et tradit et
cetera, ostendit modum et ordinem quomodo traditur sanctis animabus lumen
intellectuale ; et dicit primo quod quidem traditur unicuique lumen intelligibile,
secundum determinatam mensuram, secundum illud Ephes. 4 : unicuique
data est gratia, secundum mensuram donationis Christi ; et quia
spiritualia gustata desiderium excitant quae prius ignorata contemnebantur,
post primam receptionem luminis, gustata iam cognitione luminis veritatis,
magis desideratur, et magis desiderantibus magis immittitur : effectus enim
divinae gratiae multiplicantur, secundum multiplicationem desiderii et
dilectionis, secundum illud Luc. 7 : dimissa sunt ei peccata multa,
quoniam dilexit multum ; sic enim quaedam circulatio attenditur, dum ex
lumine crescit desiderium luminis et ex desiderio aucto crescit lumen.
Circulatio autem secundum suam naturam perpetua est et sic semper divinum
lumen extendit animas ad anteriora per
profectum, non tamen in omnibus aequaliter, sed secundum proportionem
ipsarum ad respectum luminis : quaedam enim diligentius respiciunt
ad lumen immissum, quae magis desiderant et magis proficiunt. Deinde, cum
dicit : igitur et cetera, ostendit quomodo Deus se habeat ad
ea in quibus lumen intelligibile causat ; et ponit tres habitudines, scilicet
: diffusionis et excessus et comprehensionis. Quantum ad primum ergo dicit
quod supersubstantiale bonum, licet sit super omne lumen et
sensibile et intelligibile, tamen nominatur lumen intelligibile,
inquantum est quidam radius et fons omnis intellectualis
luminis : et ne intelligatur fons in se solo consistens, subdit quod
est effusio luminis desuper manans ; et ut sciatur ad quos
manat, subdit quod ex sua plenitudine illuminat omnem mentem
supermundanam, quantum ad Angelos assistentes et circamundanam quantum
ad ministrantes, quorum ministerio mundus iste gubernatur, et
mundanam, quantum ad animas ; et non solum a principio illuminat mentes,
naturalem cognitionem eis praebendo, sed etiam renovat omnes intellectuales
virtutes ipsarum, novum lumen superfundendo gratiae et gloriae et novarum
revelationum. Secundo, ponit id quod pertinet ad excessum et dicit quod lumen
divinum excedit omnes mentes, licet in eas diffundatur, quia semper
superexcessus est per suam substantiam. Tertio, ponit id quod pertinet ad
comprehensionem, et dicit quod Deus omnia comprehendit quae sunt in
praedictis mentibus, inquantum superiacet eis, sicut causa superior praehabet
in se quod in effectibus inferioribus invenitur ; unde, ad hoc exponendum,
subdit quod ipse Deus, universaliter, omnem dominationem, seu
potestatem illuminativae virtutis, idest quidquid pertinet ad
cuiuscumque cognitionem vel ad quamcumque virtutem docendi, Deus in se coassumens,
idest simul assumens, non per diversas virtutes diversa cognoscens, sicut nos
colores visu et sonos auditu cognoscimus, sed secundum unam virtutem
cognoscit omnia ; et superhabet, quia excellentius unumquodque cognoscit quam
ab aliquo cognoscatur ; et praehabet, quia non acquirit cognitionem virtutis
vel virtutem docendi ab aliquo, sed omnes ab ipso ; et hoc competit ei,
inquantum est principalis lucens, ut principium luminis et inquantum est
super omnia lucens. Deinde, cum dicit : et intellectualia et
cetera, ostendit finem et fructum causalitatis luminis ; et dicit quod, per
illuminationem congregat omnia intellectualia, idest
Angelos et rationalia, idest homines et facit
ea indestructibilia, quia dum uniuntur in veritate, in ea
conservantur. Et hoc, consequenter, exponit ex opposito : sicut enim ignorantia
est divisiva eorum qui in errorem inducuntur, ita praesentia
intellectualis luminis, per quod cognoscitur veritas, congregat eos qui
illuminantur, ad invicem et unit eos in una veritate cognita ; manifestum
est enim quod circa unum non contingit nisi uno modo verum dicere, sed
multipliciter errare a veritate contingit. Et ideo illi qui cognoscunt
veritatem, conveniunt in una sententia, sed illi qui ignorant, dividuntur per
diversos errores. Est etiam praesentia luminis perfectiva,
inquantum constituit in fine rei cognitae, quae est veritas et est
etiam conversiva, idest revocativa ad veritatem, convertens homines a
multis opinionibus quae non habent firmitatem veritatis ; et non
solum ab opinione ad certam scientiam transfert, sed etiam a veritate ad
uniformitatem ; et hoc est quod subdit, quod congregat varias
visiones vel ut magis proprie dicatur phantasias ad unam
veram cognitionem, per oppositum falsitatis. Et non solum convertit ad
lumen veritatis sed etiam replet ipso lumine veritatis, quod in se est unum
et aliorum unitivum. |
Leçon 4 (14a) : De la Lumière intelligible.321. Après avoir montré comment le nom de lumière sensible est attribué à Dieu par le transfert d’une certaine ressemblance, Denys montre maintenant comment Lui est attribué celui de lumière intelligible ; et d’abord, il ajoute à ce qu’il a déjà dit précédemment ; ensuite, il poursuit son propos là où il dit (126) : Et il faut dire… 322. Il dit donc en premier que c'est dans le livre intitulé ¨De la Théologie symbolique¨ qu'ont été présentées les choses qui ont été dites de Dieu par l’attribution qui lui a été faite de la lumière sensible et de la ressemblance qu'elle manifeste à son égard ; mais maintenant il faut considérer comment le bien divin est loué par le nom de lumière intelligible. En effet l’intention de ce livre n’est pas de traiter des noms sensibles qu’on peut attribuer à Dieu, mais plutôt des noms intelligibles. 323. Ensuite, lorsqu’il dit (126) : Et il faut dire…il poursuit son propos, qui est celui de traiter de la lumière intelligible, laquelle désigne chez Dieu la causalité même de la lumière intelligible ; et à ce sujet il fait trois choses : premièrement, il considère la causalité de la lumière ; deuxièmement, il montre comment Dieu se rapporte aux réalités dans lesquelles il cause la lumière, lorsqu’il commence ainsi (130) : Donc… ; troisièmement, il montre quelle est la finalité de la diffusion de cette lumière lorsqu’il débute ainsi (131) : et les intelligences… 324. Au sujet du premier point, il fait deux choses : d’abord, il traite de la causalité de la lumière intelligible chez les anges ; deuxièmement, il traite de la même causalité à l'égard des âmes rationnelles là où il dit (127) : mais toute… 325. Il dit donc en premier lieu que Dieu, qui est bon de par son essence même, est nommé Lumière intelligible ; on lit en effet chez Jean 8 (12) : ¨Je suis la Lumière du monde¨. Et Il est ainsi nommé pour cette raison certes qu’il comble tout esprit céleste, c’est-à-dire angélique, de la lumière intelligible, laquelle n’est rien d’autre que la connaissance de la vérité. Et en disant qu’Il comble, il veut signifier que cette connaissance de la vérité qui est donnée par Dieu aux anges est parfaite. 326. Ensuite lorsqu’il dit (127) : mais toute…, il montre la causalité de la lumière dans les âmes ; et premièrement, il présente deux effets que la lumière divine produit dans les âmes ; en deuxième lieu il présente les modalités de l’un et de l’autre lorsqu’il dit (128) : et les yeux de leur intelligence… 327. Le premier des deux effets que la lumière divine produit dans les âmes est qu’elle repousse toute ignorance et toute erreur de toutes les âmes dans lesquelles elle vient à naître. L’ignorance se rapporte à la privation de la vérité, mais l’erreur désigne l’adhésion à une fausseté ; Denys dit cependant : est engendrée, pour faire allusion à cette deuxième lettre de Pierre 1 (19) : ¨Jusqu’à ce que le jour paraisse et que l’étoile du matin illumine vos cœurs.¨ D’où il est évident qu’il ne dit pas cela des anges, chez lesquels l’ignorance et l’erreur n’ont pas de place, bien qu’il y ait en eux une certaine privation de connaissance dont ils sont justifiés comme le dit Denys au chapitre 7 de La Hiérarchie céleste. En effet, ce n’est pas toute privation de connaissance qu’on doive appeler ignorance, mais seulement la privation de connaissance à l’égard des choses qu’on peut et qu’on doit connaître. Le deuxième effet est qu’elle transmet une lumière sacrée ; et notez qu’il dit lumière sacrée, à la fois parce qu’elle est transmise par Dieu, à la fois parce qu’elle nous destine à la connaissance de Dieu. Et il faut remarquer qu’il n’usa pas ici du verbe combler, mais simplement du verbe transmettre, pour montrer que chez les âmes la connaissance de la vérité est imparfaite comparativement à la plénitude de celle qui est donnée par Dieu aux anges. 328. Ensuite, lorsqu’il dit (128) : et de leur intelligence…il présente la modalité propre à chacun de ces deux effets produits dans les âmes par la lumière divine. ; et d’abord, il présente celle du premier effet ; ensuite, celle du second lorsqu’il dit (129) : et elle transmet… 329. Au sujet de la première, il faut considérer que les ténèbres corporelles produisent trois effets dans les corps : premièrement en effet elles les rend malpropres et négligés étant donné que ce qui se trouve dans les ténèbres ne peut être nettoyé avec soin ; deuxièmement, les ténèbres rendent les animaux immobiles et c’est pourquoi il est naturel à de nombreux animaux de se reposer la nuit et de se mouvoir le jour puisque la lumière, guidant leurs mouvements, ils voient où ils vont ; troisièmement les ténèbres corporelles emprisonnent, de sorte que dans ces conditions on ne se prépare pas à agir et cela entraîne naturellement une certaine paresse. Et ce sont ces trois mêmes effets que produisent les ténèbres spirituelles, c’est-à-dire l’ignorance de la vérité : en effet c’est à cause d’elles que sont contractées non seulement ces saletés que sont les erreurs au plan de l’intelligence, mais celles des passions mauvaises au plan de l’appétit et celles des actes désordonnés au plan du comportement. Car l’homme ne peut ni éviter ni se purger des maux qu’il ignore ; deuxièmement, les ténèbres rendent paresseux les hommes qui, ignorant le bien qui est leur finalité ainsi que le chemin pour y parvenir, ne peuvent se mouvoir pour l’atteindre ; troisièmement elles les rendent refermés sur eux-mêmes puisque, ne connaissant pas le bien, leur cœur ne peut s’ouvrir par le désir de le recevoir en eux. Mais la lumière intelligible, c’est-à-dire la connaissance de la vérité, repousse ces trois effets : et quant au premier effet, il dit que la lumière intelligible purifie les yeux de leur intelligence, c’est-à-dire ceux des âmes, des déchets, à savoir de ces saletés qui les couvrent, c’est-à-dire qui leur surviennent en raison de l’ignorance ; et quant au second, il dit : et elle meut à bien agir ; et quant au troisième, il dit : et elle ouvre, c’est-à-dire qu’elle rend ouverts à recevoir le bien par le désir ceux qui étaient auparavant fermés sur eux-mêmes, c’est-à-dire ceux qui étaient d’abord enfermés dans des ténèbres oppressants qui produisent une certaine lenteur à l’égard du bien. Parce qu’ils étaient renfermés, ils avaient besoin d’ouverture ; parce qu’ils étaient alourdis, ils avaient besoin de mouvement. 330. Ensuite lorsqu’il dit : et elle transmet…, il montre le mode et l’ordre selon lesquels la lumière intelligible est transmise aux âmes saintes ; et il dit d’abord que la lumière intelligible est transmise à chacun selon une mesure déterminée conformément à ce qu’on lit dans l’Épître aux Éphésiens (4, 7) : ¨À chacun la grâce est accordée selon la mesure du don du Christ.¨ ; et parce que les réalités spirituelles une fois goûtées stimulent le désir à l’égard des choses qui étaient méprisées parce qu’elles étaient d’abord ignorées, après la première réception de la lumière, ce qui est déjà goûté par la connaissance de la lumière de la vérité est davantage désiré, et à ceux qui désirent davantage il est donné davantage : en effet les effets de la grâce divine se multiplient proportionnellement à la multiplication du désir et de l’amour, conformément à ce qu’on lit dans Luc (7, 47) : ¨Le grand amour qu’elle a manifesté prouve que ses nombreux péchés ont été pardonnés.¨ Ainsi en effet on parvient à un certain mouvement circulaire, puisque c’est de la lumière que croît le désir de la lumière et que de ce désir accru croît encore la lumière. Il est de la nature même du mouvement circulaire d’être sans fin et ainsi la lumière divine porte toujours les âmes à aller de l’avant, pas d’une manière égale chez toutes, mais d'une manière qui est proportionnelle à la considération qu’elles ont pour la lumière : en effet, certaines désirent et cheminent davantage vers la lumière et ce sont celles qui portent un regard plus attentif sur la lumière qui leur est envoyée. 331. Ensuite, lorsqu’il dit : Donc…, il montre comment Dieu se rapporte aux choses dans lesquelles il produit la lumière intelligible ; et il présente trois rapports, à savoir : la diffusion, la transcendance et la compréhension. Quant au premier point, il affirme que le Bien supra-substantiel, bien qu’il soit au-dessus de toute lumière, soit sensible, soit intelligible, est cependant nommé lumière intelligible, en tant qu’il est le rayon et la source de toute lumière intellectuelle : et afin qu’on n’entende pas par là une source qui demeure en elle seule, il ajoute qu’elle est une effusion de lumière qui se répand de haut en bas ; et afin qu’on sache vers quoi elle se répand, il ajoute qu’elle illumine de sa plénitude tout esprit qui existe au-dessus de ce monde, à savoir les anges qui L’assistent, et aussi tout esprit au service de ce monde à savoir les gouvernants par le ministère desquels ce monde est conduit, et enfin tout esprit de ce monde, à savoir les âmes rationnelles. Et c’est non seulement au principe qu’Il illumine les esprits en leur fournissant la lumière qui leur est naturelle, mais il renouvelle encore continuellement leurs puissances intellectuelles en déversant en elles une nouvelle lumière de grâce et de gloire, et de nouvelles révélations. Deuxièmement il présente ce qui se rapporte à l'excellence ou à la transcendance de cette lumière et affirme que la lumière divine, bien qu’elle se diffuse en eux, transcende tous les esprits, car de par sa substance elle les dépasse tous infiniment. Troisièmement, il présente ce qui se rapporte à la compréhension en affirmant que Dieu comprend en lui tout ce qui existe dans les esprits déjà mentionnés, parce qu’Il les domine, comme la cause supérieure contient à l’avance en elle ce qui se retrouve ensuite dans les effets inférieurs ; et, pour le montrer il ajoute que Dieu a en lui-même sur toute chose une souveraineté absolue, une parfaite capacité d’éclairer tout ce qui se rapporte à quelque connaissance ou à quelque puissance d’enseignement que ce soit ; en effet, Dieu s’approprie en lui-même, c’est-à-dire qu’il saisit simultanément et non séparément comme nous qui connaissons diverses choses au moyen de diverses puissances, par exemple les couleurs par la vue et les sons par l’ouïe ; mais Lui au contraire connaît toute chose par une seule puissance ; et il les possède éminemment, car il connaît toute chose plus excellemment qu’elle est connue par un autre être ; et Il les possède à l’avance, car Il ne reçoit pas d’un autre la connaissance ou la capacité d’enseigner mais au contraire tous les autres êtres reçoivent de Lui ces capacités ; et cela Lui revient de droit car Il est celui qui éclaire dès le principe, en tant que cause même de la lumière et dans la mesure où il éclaire au-dessus de toute chose. 332. Ensuite, lorsqu’il dit : et les intelligences…, il montre la finalité et les fruits produits par
la causalité de la lumière ; et il dit qu’en les éclairant, elle rassemble toutes les puissances intellectuelles,
c’est-à-dire les Anges et les âmes rationnelles, à savoir les hommes,
et Elle les rend indestructibles,
car puisqu’elles sont unies dans la vérité, c'est en elle qu'elles sont conservées
dans l’être. Et cela, par la suite, il l’explique en partant de son contraire
: en effet, tout comme l’ignorance
produit la division parmi ceux qu’elle conduit dans l’erreur, ainsi la
présence de la lumière
intellectuelle, par laquelle la vérité est connue, rassemble ceux qu’elle illumine et les unit
dans la vérité connue ; il est évident en effet que sur une seule et même
chose il n’y a qu’une seule manière de dire ce qui est vrai, mais qu’il y a
de nombreuses manières de s’écarter de la vérité. Et ainsi ceux qui
connaissent la vérité s’entendent sur une même proposition mais ceux qui
ignorent la vérité s’opposent par des erreurs multiples. La présence de la
lumière est aussi une perfection
parce qu’elle fixe la finalité de la connaissance du réel qui est la vérité ;
et elle a aussi un
pouvoir de conversion, c’est-à-dire qu’elle ramène à la vérité les hommes
en les détournant de la
multitude des opinions qui ne possèdent pas la fermeté de la vérité ; et
non seulement elle fait passer de l’opinion à la certitude de la science,
mais encore de la vérité à l’uniformité ; et c’est ce qu’il ajoute, à savoir
qu’elle rassemble diverses visions ou
pour dire mieux diverses imaginations en une seule connaissance vraie,
contrairement à l’erreur. Et non seulement la présence de la lumière
intellectuelle les ramène à la lumière de la vérité, mais elle les comble de
cette lumière de vérité, laquelle est en elle-même à la fois une et
unifiante. |
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LECTIO 5 [84848] In De divinis
nominibus, cap. 4 l. 5 Postquam Dionysius tractavit de lumine, nunc agit
de pulchro, ad cuius intellectum praeexigitur lumen ; et circa hoc, duo
facit, primo : praemittit quod pulchrum attribuitur Deo ; secundo, ostendit
modum quo ei attribuitur ; ibi : pulchrum autem et cetera.
Dicit ergo, primo, quod hoc supersubstantiale bonum quod est Deus laudatur
a sanctis theologis in sacra Scriptura sicut pulchrum ;
Cant. I : ecce tu pulcher es, dilecte mi ; et sicut pulchritudo ;
Psalm. 95 : confessio et pulchritudo in conspectu eius ; et sicut
dilectio : I Ioan. 4 : Deus caritas est, et sicut diligibile,
ut in auctoritate canticorum inducta ; et quaecumque aliae sunt
convenientes Dei nominationes, ad pulchritudinem
pertinentes : sive per causalitatem pulchritudinis, quod dicit propter
pulchrum et pulchritudinem ; sive secundum quod pulchritudo gratiose habetur,
quod dicit propter dilectionem et diligibile. Deinde, cum dicit : pulchrum
autem et cetera, ostendit quomodo Deo attribuitur ; et circa hoc,
tria facit : primo, praemittit quod differenter attribuitur Deo et creaturis
pulchrum et pulchritudo ; secundo, quomodo attribuitur creaturis ; ibi
: haec enim et cetera ; tertio, quomodo attribuitur Deo ;
ibi : supersubstantiale et cetera. Dicit ergo primo
quod in causa prima, scilicet Deo non sunt dividenda
pulchrum et pulchritudo, quasi aliud sit in eo pulchrum et pulchritudo ;
et hoc ideo quia causa prima propter sui simplicitatem et perfectionem sola
comprehendit tota, idest omnia in uno, unde etsi in creaturis differant
pulchrum et pulchritudo, Deus tamen utrumque comprehendit in se, secundum
unum et idem. Deinde, cum dicit : haec enim et cetera,
ostendit qualiter attribuuntur creaturis ; et dicit quod in
existentibus, pulchrum et pulchritudo distinguuntur secundum participans
et participatum ita quod pulchrum dicitur hoc quod
participat pulchritudinem ; pulchritudo autem participatio primae causae
quae omnia pulchra facit : pulchritudo enim creaturae nihil est aliud quam
similitudo divinae pulchritudinis in rebus participata. Deinde, cum dicit
: supersubstantiale et cetera, ostendit quomodo praedicta
Deo attribuantur : et primo, quomodo attribuatur ei pulchritudo ; secundo,
quomodo attribuatur ei pulchrum ; ibi : pulchrum autem et
cetera. Dicit ergo primo quod Deus qui est supersubstantiale
pulchrum, dicitur pulchritudo propter hoc quod omnibus entibus
creatis dat pulchritudinem, secundum proprietatem
uniuscuiusque : alia enim est pulchritudo spiritus et alia corporis,
atque alia huius et illius corporis. Et in quo consistat pulchritudinis
ratio, ostendit subdens quod sic Deus tradit pulchritudinem, inquantum
est causa consonantiae et claritatis in omnibus : sic enim
hominem pulchrum dicimus, propter decentem proportionem in quantitate et situ
et propter hoc quod habet clarum et nitidum colorem. Unde proportionaliter
est in caeteris accipiendum, quod unumquodque dicitur pulchrum, secundum quod
habet claritatem sui generis vel spiritualem vel corporalem et secundum quod
est in debita proportione constitutum. Quomodo autem Deus sit causa
claritatis, ostendit subdens, quod Deus immittit omnibus creaturis, cum
quodam fulgore, traditionem sui radii luminosi, qui est fons omnis luminis ;
quae quidem traditiones fulgidae divini radii, secundum participationem
similitudinis sunt intelligendae et istae traditiones sunt pulchrificae,
idest facientes pulchritudinem in rebus. Rursus exponit aliud membrum,
scilicet quod Deus sit causa consonantiae in rebus ; est autem duplex
consonantia in rebus : prima quidem, secundum ordinem creaturarum ad Deum et
hanc tangit cum dicit quod Deus est causa consonantiae, sicut vocans
omnia ad seipsum, inquantum convertit omnia ad seipsum sicut ad finem, ut
supra dictum est et propter hoc pulchritudo in Graeco callos dicitur quod est
a vocando sumptum ; secunda autem consonantia est in rebus, secundum
ordinationem earum ad invicem ; et hoc tangit cum subdit, quod congregat
omnia in omnibus, ad idem. Et potest hoc intelligi, secundum sententiam
Platonicorum, quod superiora sunt in inferioribus, secundum participationem ;
inferiora vero sunt in superioribus, per excellentiam quamdam et sic omnia
sunt in omnibus ; et ex hoc quod omnia in omnibus inveniuntur ordine quodam,
sequitur quod omnia ad idem ultimum ordinentur. Deinde, cum dicit : pulchrum
autem et cetera, ostendit quomodo pulchrum de Deo dicitur ; et primo
ostendit quod dicitur secundum excessum ; secundo, quod dicitur per causam ;
ibi : ex pulchro isto et cetera. Circa primum, duo facit :
primo, proponit excessum ; secundo, exponit ; ibi : et semper
existens et cetera. Excessus autem est duplex : unus in genere, qui
significatur per comparativum vel superlativum ; alius extra genus, qui
significatur per additionem huius praepositionis : super ; puta, si dicamus
quod ignis excedit in calore excessu in genere, unde dicitur calidissimus ; sol
autem excedit excessu extra genus, unde non dicitur calidissimus sed
supercalidus, quia calor non est in eo, eodem modo, sed excellentiori. Et
licet iste duplex excessus in rebus causatis non simul conveniat, tamen in
Deo simul dicitur et quod est pulcherrimus et superpulcher ; non quod sit in
genere, sed quod ei attribuuntur omnia quae sunt cuiuscumque generis. Deinde,
cum dicit : et semper existens et cetera, exponit quod
dixerat ; et primo, exponit quare Deus dicatur pulcherrimus ; secundo, quare
dicatur superpulcher ; ibi : et sicut et cetera. Sicut enim aliquid dicitur albius, quia est nigro impermixtius, ita
dicitur aliquid pulchrius per remotionem a defectu pulchritudinis. Est autem
duplex defectus pulchritudinis in creaturis : unus, quod quaedam sunt quae
habent pulchritudinem variabilem, sicut de rebus corruptibilibus apparet et
hunc defectum primo excludit a Deo, dicens quod Deus semper est pulcher
secundum idem et eodem modo et sic excluditur alteratio pulchritudinis ; et
iterum, non est in eo generatio aut corruptio pulchritudinis, neque iterum
augmentum vel diminutio eius, sicut in rebus corporalibus apparet. Secundus
autem defectus pulchritudinis est quod omnes creaturae habent aliquo modo
particulatam pulchritudinem sicut et particulatam naturam ; hunc defectum
excludit a Deo, quantum ad omnem modum particulationis : et dicit quod Deus
non est in aliqua parte pulcher et in alia turpis, sicut in rebus
particularibus contingit quandoque ; neque etiam est in aliquo tempore et in
aliquo non, sicut contingit in his quorum pulchritudo cadit sub tempore ;
neque iterum est pulcher quantum ad unum et non quantum ad aliud, sicut
contingit in omnibus quae sunt determinata ad unum determinatum usum vel
finem : si enim applicentur ad aliud, non servabitur consonantia unde nec
pulchritudo ; neque iterum est in aliquo loco pulcher et in alio non pulcher,
quod quidem in aliquibus contingit propter hoc quod quibusdam videntur
pulchra et quibusdam non videntur pulchra, sed Deus quoad omnes et
simpliciter pulcher est. Et omnium praemissorum assignat rationem, cum subdit
quod ipse est pulcher secundum seipsum ; per quod, excluditur
quod non est pulcher secundum unam partem tantum, neque in aliquo tempore
tantum, neque in aliquo loco tantum ; quod enim alicui secundum se et primo
convenit, convenit et toti et semper et ubique. Iterum, Deus est pulcher in
seipso, non per respectum ad aliquod determinatum et ideo non potest dici
quod ad aliquid sit pulcher et ad aliquid non pulcher et neque quibusdam
pulcher et quibusdam non pulcher. Iterum, est semper et uniformiter pulcher,
per quod excluditur primus defectus pulchritudinis, scilicet variabilitas.
Deinde, cum dicit : et sicut omnis et cetera, ostendit qua
ratione dicatur Deus superpulcher, in quantum in seipso habet excellenter et
ante omnia alia, fontem totius pulchritudinis. In ipsa enim natura
simplici et supernaturali omnium pulchrorum ab ea
derivatorum praeexistunt omnis pulchritudo et omne pulchrum, non
quidem divisim, sed uniformiter per modum quo multiplices
effectus in causa praeexistunt. Deinde, cum dicit : ex pulchro isto et
cetera, ostendit quomodo pulchrum de Deo dicitur secundum causam ; et primo
ponit causalitatem pulchri ; secundo, exponit ; ibi : et est
principium et cetera. Dicit ergo primo quod ex pulchro isto provenit esse
omnibus existentibus : claritas enim est de consideratione
pulchritudinis, ut dictum est ; omnis autem forma, per quam res habet esse,
est participatio quaedam divinae claritatis ; et hoc est quod subdit,
quod singula sunt pulchra secundum propriam rationem,
idest secundum propriam formam ; unde patet quod ex divina pulchritudine esse
omnium derivatur. Similiter etiam dictum est quod de ratione pulchritudinis
est consonantia, unde omnia, quae, qualitercumque ad consonantiam pertinent, ex
divina pulchritudine procedunt ; et hoc est quod subdit, quod propter
pulchrum divinum sunt omnium rationalium
creaturarum concordiae, quantum ad intellectum ; concordant enim
qui in eamdem sententiam conveniunt ; et amicitiae, quantum ad
affectum ; et communiones, quantum ad actum vel ad quodcumque
extrinsecum ; et universaliter omnes creaturae, quantamcumque unionem habent,
habent ex virtute pulchri. Deinde, cum dicit : et est principium et
cetera, exponit quod primo dixerat de causalitate pulchri ; et primo, quantum
ad rationem causandi ; secundo, quantum ad diversitatem causatorum ; ibi
: hoc unum bonum et cetera. Circa primum, duo facit : primo,
assignat secundum quam rationem pulchrum dicitur causa ; secundo, infert
quoddam corollarium ex dictis ; ibi : propter quod et
cetera. Dicit ergo primo quod pulchrum quidem est principium omnium
sicut causa effectiva dans esse ; et sicut causa movens et
sicut causa continens, idest conservans omnia ; haec enim tria
videntur ad rationem causae efficientis pertinere : ut det esse, moveat et
conservet. Sed causa agens, quaedam agit ex desiderio finis, quod est agentis
imperfecti, nondum habentis quod desiderat ; sed agentis perfecti est ut agat
per amorem eius quod habet et propter hoc subdit quod pulchrum, quod est
Deus, est causa effectiva et motiva et continens, amore propriae
pulchritudinis. Quia enim propriam pulchritudinem habet, vult eam
multiplicare, sicut possibile est, scilicet per communicationem suae
similitudinis. Secundo ait quod pulchrum, quod est Deus, est finis
omnium sicut finalis causa omnium rerum. Omnia enim facta sunt ut
divinam pulchritudinem qualitercumque imitentur. Tertio, est causa exemplaris,
quia omnia distinguuntur secundum pulchrum divinum et huius signum est quod
nullus curat effigiare vel repraesentare, nisi ad pulchrum. Deinde, cum dicit
: propter quod et cetera, infert quoddam corollarium ex
dictis ; et dicit quod, quia tot modis pulchrum est causa omnium, inde est
quod bonum et pulchrum sunt idem, quia omnia desiderant pulchrum et bonum,
sicut causam omnibus modis ; et quia nihil est quod
non participet pulchro et bono, cum unumquodque sit pulchrum et bonum
secundum propriam formam ; et ulterius, etiam, audacter hoc dicere poterimus quod
non-existens, idest materia prima participat pulchro et bono,
cum ens primum non-existens habeat quamdam similitudinem cum pulchro et bono
divino : quoniam pulchrum et bonum laudatur in Deo per omnium
ablationem ; sed in materia prima, consideratur ablatio per defectum, in
Deo autem per excessum, in quantum supersubstantialiter existit. Quamvis
autem pulchrum et bonum sint idem subiecto, quia tam claritas quam
consonantia sub ratione boni continentur, tamen ratione differunt : nam
pulchrum addit supra bonum, ordinem ad vim cognoscitivam illud esse huiusmodi. |
Leçon 5 (15a) : Du Beau et comment on peut l’attribuer à Dieu.333. Après nous avoir fait son exposé sur la lumière, Denys nous présente maintenant celui qui traite du beau, dont la compréhension présuppose celle de la lumière ; et à ce sujet il fait deux choses : il montre d'abord que le beau est attribué à Dieu ; deuxièmement, il montre la manière selon laquelle le beau Lui est attribué là où il dit (133) : Le Beau cependant… 334. Donc, il dit tout d’abord que ce bien au-dessus de toute substance qui est Dieu est loué par les saints théologiens dans les saintes Écritures comme étant beau ; on lit en effet dans Le Cantique des Cantiques (1, 15) : ¨Toi, qui es beau, aime moi.¨ ; mais aussi il est célébré en tant que beauté comme par le Psalmiste (95, 6) : ¨le rayonnement et la beauté sont en sa présence¨ ; il est encore loué comme étant amour ainsi qu’on le voit dans la première lettre de Jean (4,10) : ¨Dieu est amour¨, et enfin comme aimable, ainsi que le proclame l’autorité du Cantique présentée plus haut ; il est encore loué par de nombreux autres noms qui conviennent à Dieu et qui se rapportent à la beauté, soit sous le rapport de sa causalité et c’est ce qu’il évoque par les noms de beau et de beauté, soit sous le rapport de la grâce par laquelle elle est obtenue, ce qu’il évoque par les noms d’amour et d’aimable. 335. Ensuite, lorsqu’il dit (133) : Le beau cependant… il montre comment le beau est attribué à Dieu ; et à ce sujet, il fait trois choses : d’abord il montre que le beau et la beauté s’attribuent à Dieu et aux créatures, mais différemment ; ensuite, comment ils s’attribuent aux créatures lorsqu’il dit (134) : ces dernières en effet… ; troisièmement, comment ils s’attribuent à Dieu lorsqu’il dit (135) : le beau supra-substantiel… 336. Il dit alors qu'en Dieu, c’est-à-dire dans la Cause première, le beau et la beauté ne doivent pas être séparés, comme si autres étaient en lui le beau et la beauté ; et il en est ainsi parce que la Cause première est la seule, en raison de sa perfection et de sa simplicité, à pouvoir saisir la totalité du réel dans l’unité ; c’est ce qui explique que bien que le beau et la beauté diffèrent dans les créatures, Dieu cependant les saisit l’un et l’autre selon un seul et même acte. 337. Ensuite, lorsqu’il dit (134) : Ces
dernières en effet… il montre comment le beau et la beauté s’attribuent
aux créatures ; et il dit que dans les êtres qui existent,
c’est-à-dire dans les créatures, le beau et la beauté se distinguent selon le
participant et le participé de telle manière qu’on dit du beau qu’il
participe de la beauté ; la beauté cependant est une participation
directe de la Cause première qui fait toute chose belle : la beauté
des créatures en effet n’est rien d’autre qu’une image de la beauté divine
dont les choses participent. 338. Ensuite, lorsqu’il dit (135) : le beau supra-substantiel…il monte comment la beauté et le beau s’attribuent à Dieu : et d’abord, il commence par la beauté ; deuxièmement, il montre comment le beau s’attribue à Dieu lorsqu’il dit (136) : Le beau cependant… 339. Denys dit donc en premier que Dieu, qui est le
beau supra-substantiel, est nommé beauté pour cette raison qu’Il
est celui qui donne à toutes les créatures la beauté,
conformément à la nature qui est propre à chacune : autre en effet est
la beauté d'un esprit et autre celle d'un corps, tout comme autre est celle
de ce corps-ci, autre celle de ce corps-là. Et il montre en quoi consiste la
nature de la beauté en ajoutant que Dieu transmet la beauté parce qu’il est cause
d’harmonie et de rayonnement en tout. Ainsi on dit qu’un homme est beau
d’une part à cause d’une proportion qui convient tant sous le rapport de la
quantité que sous celui de la disposition de ses membres et d’autre part à
cause de son rayonnement. Et c’est ainsi, proportionnellement, qu’il faut
considérer la beauté dans les autres choses, à savoir qu’une chose est dite
belle pour autant qu’elle possède en son genre un rayonnement, soit
spirituel, soit corporel, et pour autant qu’elle est constituée dans de
justes proportions. 340. Et il montre comment Dieu est cause de rayonnement lorsqu’il ajoute que Dieu envoie à toutes les créatures, comme par un éclair, une émission de son rayon lumineux, source de toute lumière, laquelle émission lumineuse du rayon divin devant être entendue comme la participation d’une ressemblance ; et cette émission a un pouvoir d’embellissement, c’est-à-dire qu’elle réalise la beauté dans les choses. D’un autre côté, Denys présente l’autre composante de la beauté, à savoir que Dieu est cause d’harmonie dans les choses ; il existe cependant deux sortes d’harmonie : la première qui est certes celle qui se définit d'après l'ordonnance des choses par rapport à Dieu et c’est celle qu’il touche du doigt lorsqu’il dit que Dieu est cause d’harmonie en appelant toutes les choses à Lui pour autant qu’il les tourne vers lui comme vers leur finalité, comme nous l’avons dit plus haut (316), et c’est pourquoi la beauté est nommée en grec kallos , mot dont l’origine signifie ¨appeler¨ ; mais la deuxième harmonie présente dans les choses s’entend selon l’ordre qu’elles présentent les unes à l’égard des autres ; et c’est là celle que Denys considère lorsqu’il ajoute qu’elle rassemble tout en tout vers le même. Et cela peut s’entendre à la manière des Platoniciens, à savoir que les réalités supérieures sont dans les inférieures par mode de participation mais que les inférieures sont dans les supérieures selon un mode d’excellence et c’est en ce sens que tout est présent en tout ; et de ce que tout est en tout selon un certain ordre, il s’ensuit par conséquent que toute réalité est ordonnée à la même finalité ultime. 341. Ensuite, lorsqu’il dit (136) : Le beau cependant… il monte comment le beau se dit de Dieu ; et d’abord il montre que le beau se dit de Dieu selon l’excellence ; deuxièmement qu’il se dit de Lui par mode de causalité lorsqu’il ajoute (139) : À partir de ce beau… 342. En rapport avec le premier point, il fait deux choses : d’abord, il présente cette excellence ; ensuite, il l’explique lorsqu’il dit (137) : et toujours existant… 343. Il existe cependant deux sortes d’excellence :
une qui se situe dans le même genre et qu’on signifie par le comparatif et le
superlatif ; une autre qui se réfère à une réalité d’un autre genre et qu’on
signifie par l’addition de cette préposition : supra ; par exemple, lorsque
nous voulons signifier que le feu dépasse en excellence tout le reste dans le
genre de la chaleur, nous disons alors qu’il est le plus chaud ; le soleil
cependant dépasse en chaleur par une excellence d’un autre genre et c’est
pourquoi nous ne disons pas de lui qu’il est le plus chaud, mais bien qu’il
est supra-chaud car la chaleur n’existe pas en lui comme dans le feu, mais
selon un mode plus excellent. Et bien que ces deux sortes d’excellence ne
conviennent pas simultanément aux réalités causées, cependant on dit de Dieu
qu’il est à la fois le plus beau et supra-beau, non parce qu’il serait dans
un genre, mais parce qu’on Lui attribue ce qui existe dans tous les genres. 344. Ensuite, lorsqu’il dit (137) : et toujours existant…il explique ce qu’il vient de dire : et d’abord, il explique pourquoi on dit de Dieu qu’Il est le plus beau ; deuxièmement, pourquoi on dit aussi de lui qu’Il est supra-beau lorsqu’il affirme (138) : et comme… 345. En effet, tout comme on dit d’une chose qu’elle est plus blanche parce qu’elle est moins mélangée au noir, ainsi on dit d’une chose qu’elle est plus belle parce qu’elle est plus éloignée de comporter un manque de beauté. Il existe toutefois deux sortes de manques de beauté dans les créatures : le premier, par lequel certaines réalités possèdent une beauté variable ainsi qu’on peut le voir dans les réalités corruptibles et Denys exclut ce défaut de Dieu en disant que Dieu est toujours beau de la même manière et sous le même rapport et ainsi il exclut de Lui la possibilité que Sa beauté puisse être altérée ; et de plus, il ne peut y avoir en Lui de génération ou de corruption, ni de croissance ou de diminution de la beauté comme cela se produit dans les réalités corporelles. Le deuxième défaut de beauté est manifeste en ceci que toutes les créatures possèdent d’un manière ou d’une autre une beauté particulière découlant de leur nature particulière ; et Denys exclut ce défaut de Dieu sous quelque forme particulière que ce soit : et il dit que Dieu n’est pas beau dans une de ses parties et laid dans une autre, comme cela se produit parfois dans les réalités individuelles ; et il ajoute qu'il n'est pas beau, comme ces réalités dont la beauté est assujettie au temps ; et enfin il dit que Dieu n'est pas beau sous un rapport et non sous un autre ainsi qu’on le voit dans tout ce qui est déterminé à un usage ou à une finalité déterminée : si en effet on voulait se servir de ces choses à une autre fin, l’harmonie et par conséquent la beauté ne seraient plus conservées en elles ; et on ne peut dire de Lui non plus qu’Il serait beau en un lieu et non en un autre, ce qui se produit dans les réalités qui paraissent belles à certains mais non à d’autres, tandis qu'au contraire c’est purement et simplement que Dieu est beau et c’est aux yeux de tous qu’Il est beau. 346. Et Denys donne la raison qui explique tout ce qui précède lorsqu’il ajoute que Dieu est beau en Lui-même ; et c’est grâce à cela qu’il faut exclure de Lui qu’Il soit beau seulement quant à une de ses parties, quant à un temps ou quant à un lieu seulement ; en effet, ce qui convient à une réalité en elle-même, à savoir quant à sa nature, et s’attribue d’abord à elle, cela lui convient en sa totalité, toujours et partout. De plus, Dieu est beau en lui-même et non en rapport avec une finalité déterminée et on ne peut donc dire de Lui qu’Il serait beau sous un rapport et non sous un autre, ni qu’Il serait beau pour certains et non pour d’autres. Derechef, Il est toujours et uniformément beau, ce qui exclut de Dieu le premier défaut de beauté, à savoir la variabilité. 347. Ensuite, lorsqu’il dit (138) : et comme de toute…il montre pour quelle raison on dit de Dieu qu’Il est supra-beau, à savoir parce qu’il possède en lui-même de la manière la plus excellente et antérieurement à toute autre réalité la source de toute beauté. En effet c’est dans la nature simple et surnaturelle que préexistent la beauté et le beau de toutes les belles choses qui proviennent d'elle. Et elles y préexistent non séparément mais unies, à la manière selon laquelle les nombreux effets préexistent dans la cause. 348. Ensuite, lorsqu’il dit (139) : de ce beau…il montre que c'est en tant que cause que le beau se dit de Dieu ; et d’abord il présente la causalité du beau ; ensuite il l’explique lorsqu’il dit (140) : et il est le principe… 349. Il dit donc en premier lieu que c’est de ce beau que tous les êtres tirent leur existence : le rayonnement en effet fait partie de la définition même de la beauté ainsi que nous l’avons vu (339) ; cependant, toute forme, grâce à laquelle une chose possède l’être, est une certaine participation du rayonnement divin ; et c’est ce que Denys ajoute, lorsqu’il dit que les réalités singulières sont belles conformément à la nature qui leur est propre, et qui découle de leur forme propre ; d’où il est clair que c’est de la beauté divine que provient l'existence de toutes les choses. De la même manière, nous avons dit (339) que l’harmonie aussi entre dans la définition de la beauté ; d’où il suit que toute réalité qui se rapporte d'une manière ou d'une autre à l’harmonie procède de la beauté divine ; et c’est ce qu’il ajoute en disant que c’est à cause du beau divin qu’existent les accords de toutes les créatures rationnelles, car c’est sous le rapport de l’intelligence que s’accordent ceux qui s’entendent sur un même jugement ; et qu'existent aussi les amitiés, sous le rapport de l’affectivité ; et aussi les communautés, sous le rapport de l’action ou d’un objectif à réaliser extérieurement ; et enfin plus universellement, toutes les créatures, dans la mesure où elles sont toutes unies entre elles, tirent cette union de la puissance du beau. 350. Ensuite, lorsqu’il dit (140) : et il est le principe…il explique ce qu’il avait dit en premier au sujet de la causalité du beau ; et d’abord, il le fait sous le rapport même de la causalité ; ensuite, quant à la diversité des effets produits par cette cause, quand il ajoute (142) : et ce bien unique… (leçon 6a). 351. Au sujet du premier point, il fait deux choses : en premier, il donne le rapport sous lequel on attribue la causalité au beau ; deuxièmement, il tire de là une conséquence lorsqu’il ajoute (141) : pour cette raison… 352. Il dit donc en premier que le beau est certes principe de tout à la fois en tant que cause productrice qui donne l’être, en tant que cause motrice et en tant que cause protectrice qui conserve toutes les réalités dans l’être qu’elles ont reçu de lui ; en effet, ces trois rapports semblent se ramener à la notion de cause efficiente, puisque cette dernière est précisément responsable de l’être, du mouvement et de la conservation. Mais la cause agente ou efficiente, quand elle est mue dans son action par le désir d’une finalité à atteindre, est imparfaite puisqu’elle ne possède pas encore ce qu’elle désire ; mais celle qui est parfaite est celle qui agit par amour de ce qu’elle possède et c’est à cause de cela que Denys ajoute que le beau, qui est Dieu, est la cause agente qui produit, meut et conserve par amour de sa propre beauté. En effet, puisqu’Il possède sa propre beauté, il veut la multiplier dans la mesure où cela est possible, c’est-à-dire en communiquant une image de sa beauté. 353. Deuxièmement, il dit que le beau qui est Dieu
est la finalité même de tout ce qui existe, c'est-à-dire la cause finale
de toutes les choses. Toute chose en effet a été faite pour imiter la
beauté de Dieu dans la mesure où sa nature le lui permet. 354. Troisièmement, le beau est aussi cause
à titre de modèle parce que toutes les réalités se distinguent d’après
le beau divin et le signe de cela c’est que chacun a le souci de représenter
ou de reproduire ce qui est beau. 355. Ensuite lorsqu’il dit (141) : pour cette raison…il tire une conséquence de ce qu’il vient de dire ; et il dit que parce que le beau est cause de tout sous tant de rapports, il suit de là que le bien et le beau se confondent puisque toute chose désire à la fois le beau et le bien comme cause, et cela sous tous les rapports puisqu’il n’y a rien qui ne participe pas du beau et du bien, chacun étant beau et bon conformément à sa forme ; et même, nous pouvons encore dire ceci avec audace que même le non-être, entendu comme matière première, participe du beau et du bien puisque l’être qui n’existe pas encore possède une certaine ressemblance avec le beau et le bien divins, dans la mesure où le beau et le bien sont loués en Dieu par la négation de tout ce qui existe ; sauf que dans la matière première, la négation est entendue comme un défaut ou un manque alors qu’en Dieu il faut l’entendre comme une excellence ou une transcendance, puisqu’Il existe d'une manière qui est supra-substantielle. 356. Cependant, bien que le beau et le bon se
confondent dans un même sujet, car tant le rayonnement que l’harmonie entrent
aussi bien dans la notion du bien que dans celle du beau, cependant ils
diffèrent quant à la raison : car le beau ajoute à la notion de bien un
rapport à la puissance cognitive, à savoir que ce bien puisse exister selon
cette modalité. |
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LECTIO 6 [84849] In De divinis
nominibus, cap. 4 l. 6 Postquam Dionysius exposuit, secundum quam
rationem pulchrum sit causa, hic ostendit quorum sit causa ; et circa hoc duo
facit : primo, proponit in generali ; secundo prosequitur distinguendo per
singula ; ibi : ex hoc et cetera. Dicit ergo, primo, quod bonum
et pulchrum, quamvis sit unum esse, est tamen causa
omnium bonorum et pulchrorum, quae sunt multa. Deinde, cum dicit ; ex
hoc et cetera, prosequitur per singula, de his quorum pulchrum est
causa ; et primo, quantum ad ipsum ens ; secundo, quantum ad unum ; ibi
: unitiones et cetera ; tertio, quantum ad ordinem ; ibi
: providentiae et cetera ; quarto, quantum ad motum et
quietem ; ibi : stationes et cetera. Dicit ergo, quod ex
pulchro causantur omnes essentiae substantiales entium.
Omnis enim essentia vel est forma simplex vel habet complementum per formam ;
forma autem est quaedam irradiatio proveniens ex prima claritate ; claritas
autem est de ratione pulchritudinis, ut dictum est. Deinde, cum subdit
: unitiones et cetera, ponit ea quae pertinent ad
considerationem unius. Ubi considerandum est quod unum addit supra rationem
entis, indivisionem : est enim unum, ens indivisum ; unde unitati distinctio
sive discretio opponitur ; et ideo, primo, ponit unitiones et discretiones rerum
a divina pulchritudine causari. Unum autem in substantia facit idem,
distinctio autem in substantia facit diversitatem et ideo subiungit : identitates et alteritates idest
diversitates. Ex uno autem in qualitate causatur simile, ex discretione autem
dissimile et ideo subiungit : similitudines, dissimilitudines.
Similiter autem, unum in quantitate causat aequalitatem et discretio
inaequalitatem, sed de his mentionem non facit, quia pertinent ad
commensurationem rerum, de qua post aget. Observatur autem hoc in rebus, quod
et dissimilia in aliquo conveniunt : sicut contraria, in genere et materia ;
et quae uniuntur secundum aliquid, manent distincta : sicut partes in toto ;
et ideo subdit : communiones contrariorum, quantum ad primum
; et incommixtiones unitorum, quantum ad secundum. Haec autem
omnia ad causalitatem pulchri reducuntur, quia pertinent ad consonantiam,
quae est de ratione pulchritudinis, ut supra dictum est. Deinde, cum dicit
: providentiae superiorum et cetera, enumerat ea quae
pertinent ad ordinem rerum ; et primo, quantum ad actionem, prout superiora
provident inferioribus, quod tangit cum dicit alternae habitudines
coordinatorum, idest aequalium ; et prout inferiora convertuntur ad
recipiendum a superioribus, perfectionem et regimen ; et hoc est quod dicit
: conversiones minus habentium. Secundo, tangit ea quae pertinent
ad existentiam rerum in seipsis ; et hoc est quod subdit quod ex pulchro
sunt mansiones conservativae eorumdem, idest, aliquorum in
seipsis. Ex hoc enim aliquid conservatur quod infra limites naturae suae
manet ; si enim totaliter extra se efflueret, periret ; sed addit : et
intransmutabiles collocationes, idest fundationes ; sicut enim ex hoc
quod aliquid manet in seipso, conservatur, ita ex hoc quod habet aliquid
firmum in seipso super quod fundatur, intransmutabile est. Tertio ponit ea quae pertinent ad mansionem unius rei in alia. Unde
sciendum est quod, cum ex aliquibus aliquid constitui oportet, primo quidem
requiritur quod partes conveniant : sicut multi lapides conveniunt ad invicem
ex quibus constituitur domus et similiter omnes partes universi conveniunt in
ratione existendi ; et hoc ideo dicit, quia non solum ex pulchro sunt
mansiones rerum in seipsis, sed etiam communiones omnium in omnibus secundum proprietatem
uniuscuiusque ; non enim uno modo omnia sunt in omnibus, sed superiora
quidem in inferioribus participatione, inferiora vero in superioribus
excellenter et tamen omnia cum omnibus aliquid commune habent. Secundo,
requiritur in partibus quod in hoc etiam quod diversae sunt, invicem coaptari
possint ; non enim ex coemento et lapide fieret domus, nisi invicem
coaptarentur et similiter partes universi coaptantur, inquantum possunt
cadere sub uno ordine ; et hoc est quod dicit : et adaptationes.
Tertio, requiritur quod una pars iuvetur ex alia : sicut paries et tectum
sustentantur ex fundamento et tectum cooperit parietem et fundamentum et
similiter in universo superiora dant perfectionem inferioribus et in
inferioribus virtus superior manifestatur ; et hoc est quod dicit : et
inconfusae amicitiae, quia mutuum iuvamentum est absque praeiudicio
distinctionis rerum. Quarto, requiritur debita proportio in partibus, ut
scilicet tale sit fundamentum quod congruat aliis partibus ; et hoc est quod
dicit : et harmoniae cunctae rei, idest omnium partium universi.
Harmonia enim causatur in sonis ex debita proportione numerorum. Partibus
ergo sic dispositis, sequitur earum compositio in toto, secundum quod ex
omnibus partibus universi constituitur una rerum universitas ; et hoc est
quod subdit : in omni, idest in universo, concretiones.
Haec autem concretio partium in universo attenditur dupliciter : primo quidem
per modum localis continentiae, secundum quod superiora sunt in entibus,
aliquo modo, locus inferiorum vel spiritualis vel corporalis ; et hoc est
quod subdit : indissolubiles continentiae existentium secundum
scilicet quod superiora continent inferiora, indissolubili ordine. Secundo,
quantum ad temporis successionem, sed tamen in generabilibus et
corruptibilibus, in quibus posteriora prioribus succedunt ; et hoc est quod
subdit : indeficientes successiones eorum quae fiunt. Dicuntur
autem indeficientes successiones rerum, non quia in perpetuum durent genera,
sed quia absque interpolatione succedunt quaedam quibusdam, quamdiu durat
iste cursus mundi. Haec autem omnia dicit ex pulchritudine causari, inquantum
pertinent ad rationem consonantiae, quae est de ratione pulchritudinis.
Deinde, cum dicit : stationes omnes et cetera, prosequitur
de quiete et motu, quae etiam, inquantum important aliquam habitudinem unius
ad alterum, pertinent ad rationem consonantiae et pulchritudinis ; et circa
hoc, tria facit : primo, proponit causalitatem pulchri, respectu quietis et
motus ; secundo, exponit quosdam motus qui videbantur non motus ; ibi : et
moveri et cetera ; tertio, concludit propositum ; ibi : igitur et
cetera. Dicit ergo primo quod ex pulchro divino causantur omnes
stationes, idest quietes, et motus sive sint mentium sive animarum sive corporum.
Et hoc ideo dicit, quia illud plerumque quod est super omnem quietem et
motum est causa omnibus et quietis et motus, inquantum
collocat unumquodque in propria sua ratione in
qua res habet suam stationem et inquantum movet omnia ad divinum
motum, quia motus omnium ordinantur ad motum quo moventur in Deum, sicut
motus qui sunt ad fines secundos, ordinantur ad motum qui est ad finem
ultimum. Forma autem a qua dependet propria ratio rei,
pertinet ad claritatem ; ordo autem ad finem, ad consonantiam ; et sic motus
et quies reducuntur in causalitatem pulchri. |
Leçon 6 (16a) : De la causalité du Beau, quant à la diversité de ses effets.357. Après avoir expliqué sous quel rapport le beau est cause, Denys montre de quoi il est cause ; et à ce sujet il fait deux choses : d’abord, il présente cela en général ; deuxièmement il poursuit son propos par l’examen de cas particuliers lorsqu’il dit (143) : à partir de cela… 358. Il dit donc en premier que le bien et le beau, bien qu’il soit un être un, cet être est cependant la cause de tous les biens et de toutes les belles choses, lesquels sont innombrables. 359. Ensuite lorsqu’il dit (143) : à partir de cela…, il poursuit son propos par l’examen de cas particuliers dont le beau est cause ; et d’abord, quant à l’être lui-même ; deuxièmement, quant à l’un lorsqu’il dit (144) : les unions… ; troisièmement, quant à l’ordre quand il ajoute (145) : les providences… ; quatrièmement, quant au mouvement et au repos quand il écrit (146) : les repos… 360. Il dit donc que c’est à partir du beau que
sont causées toutes les essences substantielles des êtres. En effet, toute
essence est soit une forme simple, soit un composé complété par une forme ;
la forme cependant est une certaine irradiation provenant du premier
rayonnement ; le rayonnement cependant fait partie de la notion même de beauté
comme nous l’avons dit (339). 361. Ensuite lorsqu’il ajoute (144) : les unions…, il présente ce qui se rapporte à la considération de l’un. Et là, il faut noter que l’un ajoute à la notion d’être le caractère d’indivision : l’un en effet est l’être indivisé ; d’où il suit que la distinction ou la différence s’oppose à l’unité ; et alors, il affirme en premier que les unions et des distinctions des choses sont causées par la beauté divine. L’un dans la substance produit l’identité tandis que la distinction y engendre la diversité et c’est pourquoi il ajoute : les identités et les altérités, c’est-à-dire les diversités. Quant à la qualité, l’un y produit le semblable et la distinction le dissemblable et c’est pourquoi il ajoute : les similitudes et les dissimilitudes…De la même manière, quant à la quantité, l’un y cause l’égalité et la distinction l’inégalité, mais il n’en fait pas mention ici parce qu’elles se rapportent à la mesure des choses dont il traite plus loin (chapitre 9). On observe cependant ceci dans les choses, à savoir qu’on y rencontre des différences, tels les contraires dans le genre et la matière ; et même lorsqu’elles sont unies sous un rapport, elles conservent leur caractère distinct, comme les parties dans le tout. Et c’est pourquoi il ajoute d’une part les unions des contraires pour en exprimer l’aspect d’unité, et les unions sans confusion d’autre part pour en exprimer le caractère distinct. Cependant, tous ces aspects se ramènent à la causalité du beau car ils se rapportent tous à l’harmonie qui fait partie de la notion de beauté, comme nous l’avons vu plus haut (339). 362. Ensuite, lorsqu’il dit (145) : les providences des êtres supérieurs…, il énumère les composantes de l’ordre des choses ; et premièrement, quant à l’action, dans la mesure où les êtres supérieurs pourvoient aux besoins des inférieurs, ce qu’il touche du doigt par l’expression suivante : les providences des supérieurs ; dans la mesure aussi où celles qui sont égales entre elles sont bien disposées les unes à l’égard des autres, ce qu’il traite en disant : les rapports mutuels de ce qui est coordonné, c’est-à-dire des réalités de même rang ; et dans la mesure enfin où les inférieurs se tournent vers les supérieurs pour en recevoir la perfection et le gouvernement et c’est ce à quoi il fait allusion en disant : les conversions de ceux qui possèdent moins. 363. Deuxièmement, il traite de ce qui se rapporte à l’existence des choses en elles-mêmes ; et c’est ce qu’il dit en ajoutant que la stabilité grâce à laquelle les choses sont conservées en elles-mêmes dans l’être vient du beau. En effet, une réalité se conserve dans la mesure où elle demeure à l’intérieur des limites de sa nature ; si en effet elle s’écoulait totalement à l’extérieur d’elle-même, elle périrait ; mais il ajoute : et les arrangements immuables, à savoir les fondations ; en effet tout comme une chose se conserve parce qu’elle demeure en elle-même, de même elle est immuable parce qu’elle possède en elle-même quelque chose de stable sur quoi elle se fonde. 364. Troisièmement, il présente ce qui explique qu’une chose puisse demeurer dans une autre. D’où il faut savoir que, comme une chose est constituée de certaines parties, il est premièrement requis que ces parties puissent être rassemblées ; tout comme les nombreuses pierres à partir desquelles la maison est constituée sont rassemblées , de même toutes les parties de l’univers sont réunies en tant qu’êtres et c’est ce qu’il dit, car c’est non seulement la stabilité des choses en elles-mêmes qui doit son existence au beau, mais aussi la communauté qu’entretient chaque être avec tous les autres, dans une mesure propre à chacun ; en effet, ce n’est pas d’une seule manière que tout est en tout, mais les supérieurs sont dans les inférieurs par mode de participation tandis que les inférieurs sont dans les supérieurs selon un mode plus élevé que le mode d'existence qui leur est propre et cependant chaque chose a quelque chose en commun avec toutes les autres. Deuxièmement, il est requis des parties qu’elles puissent s’adapter les unes aux autres dans leurs différences ; en effet, la maison ne peut être réalisée à partir des pierres et du ciment que si celles-ci peuvent s'ajuster les unes aux autres et de même les parties de l’univers se rattachent les unes aux autres pour autant qu’elles peuvent se conformer à un même ordre. Et c’est ce que Denys veut dire lorsqu’il dit : et les ajustements. Troisièmement il est encore requis qu’une partie soit aidée par une autre : tout comme les murs et le toit sont supportés par les fondations et qu’il existe une coopération entre le toit, les murs et les fondations, de même dans l’univers les réalités supérieures donnent leur perfection aux inférieures et c’est ainsi qu’en ces dernières se révèle la puissance des supérieures ; et c’est ce qu’il dit par ces mots : et les amitiés sans confusion, parce que l’aide mutuelle se réalise sans préjudice à l’égard des différences entre les êtres. Quatrièmement, il est enfin requis que les parties soient proportionnées les unes aux autres comme il convient, c’est-à-dire de sorte que les fondations soient telles qu’elles correspondent aux autres parties de la maison ; et c’est ce qu’il dit en ajoutant : et les harmonies entre toutes les choses, c’est-à-dire entre toutes les parties de l’univers. En effet, dans les sons, l’harmonie provient d’une juste proportion entre les nombres. Et c’est parce que les parties sont ainsi disposées les unes à l’égard des autres que peut découler de là leur composition en un seul tout, de sorte que c’est à partir de toutes les parties de l’univers qu’est constitué un seul ensemble de choses ; et c’est pourquoi il ajoute : et les rassemblements dans le tout, c’est-à-dire dans l’univers. 365. Mais cet assemblage des parties dans l’univers doit s’entendre de deux façons : premièrement, par manière de conservation dans le lieu, selon que les réalités supérieures sont pour les êtres, d’une certaine manière, le lieu spirituel ou corporel des réalités inférieures ; et c’est ce qu’il veut signifier en ajoutant : et les conservations indissolubles des êtres, c’est-à-dire que les réalités supérieures enferment les inférieures dans un ordre indissoluble. Deuxièmement, cet assemblage s’entend quant à la succession du temps dans l’ordre des réalités sujettes à la génération et à la corruption, chez lesquelles les choses qui viennent après font suite à celles qui les ont précédées ; et c’est ce qu’il ajoute en disant : les générations qui se suivent sans arrêt. Il parle de suites ininterrompues des choses non pas parce que les générations puissent durer éternellement, mais parce que les unes succèdent aux autres sans répit, tant que durera le cours de ce monde. Il dit que toutes ces caractéristiques sont causées par la beauté puisqu’elles se rapportent à la notion d’harmonie, laquelle entre dans la définition de la beauté. 366. Ensuite, lorsqu’il dit (146) : tous les repos…il poursuit avec le repos et le mouvement qui eux aussi, dans la mesure où ils comportent une relation de l’un à l’autre, se rapportent aux notions d’harmonie et de beauté ; et à ce sujet il fait trois choses ; en premier lieu, il présente la causalité du beau par rapport au repos et au mouvement ; deuxièmement il présente certains mouvements qui sembleraient ne pas en être lorsqu’il dit (147) : Et le mouvement…, (leçon 7a) ; troisièmement, il conclut son propos là où il dit (151) (leçon 8) : Donc… 367. Il dit donc que toutes les
stabilités, c’est-à-dire les repos, et les mouvements, qu’on les retrouve
dans les esprits, les âmes ou les corps, ont pour cause
le beau divin. Et c’est pour cette raison qu’il dit que ce qui est de
soi au-dessus de tout repos et de tout mouvement est cause pour
tous de repos et de mouvement pour autant qu’il établit toute chose dans
sa nature propre dans laquelle elle trouve sa stabilité et pour autant
qu’il meut toute chose vers le mouvement divin, car les mouvements de
toutes les choses sont ordonnés à un mouvement grâce auquel elles sont mues
vers Dieu, tout comme les mouvements qui sont ordonnés à des finalités
secondes sont ordonnés à un mouvement qui tend vers la finalité ultime.
Cependant la forme dont dépend la nature propre d’une chose se rapporte à son
rayonnement tandis que l’ordre qui est déterminé à une finalité se rapporte à
son harmonie ; et c’est ainsi que le mouvement et le repos se ramènent à la
causalité du beau. |
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LECTIO 7 [84850] In De divinis
nominibus, cap. 4 l. 7 Quia Dionysius fecerat mentionem de motibus
mentium et animarum quae videntur immobiles, hic exponit quales sint motus
ipsarum ; et primo, quales sint motus angelicarum mentium ; secundo, quales
sint motus animarum rationalium ; ibi : animae autem et
cetera. Considerandum est autem quod, sicut dicit philosophus in III de
anima, duplex est motus : unus qui est actus imperfecti, idest existentis in
potentia et talis est motus rerum corporalium quae secundum hoc moveri
dicuntur sive secundum substantiam sive secundum quantitatem sive secundum
qualitatem sive secundum locum, inquantum exeunt de potentia in actum ; alius
autem est motus perfecti, secundum quod ipsa operatio existentis in actu,
manens in ipso operante, motus dicitur, ut sentire, intelligere et velle. Sic
igitur accipiens motum, distinguit angelicarum mentium motum in tria ad
similitudinem motus localis, qui est perfectior inter motus corporeos, scilicet
in circularem, rectum et obliquum. Est autem in motu circulari duo
considerare : unum, scilicet, quod est uniformis ; aliud vero, quod motus
circularis est sine principio et fine. Intellectualis ergo operatio qua
mentes angelicae Deum contemplantur circulari motui comparatur, quia
uniformiter se habent in Dei contemplatione et ipse Deus est sine principio
et fine ; et ideo dicit quod mentes angelicae, quae sunt
divina participatione uniformes, dicuntur moveri circulariter intelligendo
Deum, inquantum moventur unite, idest uniformiter, per
illuminationes ex pulchro procedentes et bono, quae sunt sine principio et
sine termino. De proprietate autem motus recti est quod inveniatur in eo
principium et finis et quod sit in eo ordo et difformitas secundum propinquitatem
ad principium et finem ; unde motus rectus in eis dicitur, secundum quod
intendunt ad providendum inferioribus : cuius quidem providentiae principium
fit ab ipso Angelo providente, terminus autem est in eo ad quod ultimo
providentia pertingit. Et in hoc motu, non invenitur uniformitas, quia
propinquioribus perfectiva prius provident ; et hoc est quod dicit quod in
directum moventur per hoc quod procedunt ad
providendum inferioribus : eorum enim providentia transit per omnia
inferiora, ad modum cuiusdam rectae lineae. De proprietate autem motus
obliqui est quod sit medius inter circularem et rectum, habens aliquid de
utroque ; et hic motus convenit Angelis, inquantum regulariter moventur ad
providendum inferioribus (quod ad motum rectum pertinet) ex ipsa
contemplatione Dei (quod pertinet ad motum circularem) ; et hoc est quod
dicit, quod oblique moventur angelicae mentes per hoc quod,
dum provident inferioribus, non egrediuntur ab uniformitate sui motus ; quae
quidem uniformitas vel identitas eis convenit ex hoc quod indesinenter circumeunt,
quasi chorizantes, per uniformem contemplationem, circa causam totius
identitatis, quae est pulchrum et bonum divinum. Deinde, cum
dicit : animae autem et cetera, exponit motum animae ; et
primo, circularem eius motum ; secundo, motum obliquum ; ibi : oblique et
cetera ; tertio, motum rectum ; ibi : in directum et cetera.
Est autem considerandum quod oportet aliter motum circularem animae quam
Angeli exponere ; cum enim motus Angeli et animae sit operatio eius, circularitas
autem motus rationem uniformitatis exprimat, necesse est eo modo circularem
motum Angelo et animae attribuere, inquantum competit eis uniformitas
intellectualis operationis. Angelus autem intelligit, non quidem accipiendo a
rebus, sed accipiendo lumen a primo uno simplici, scilicet Deo ; unde maxime
in operatione intellectuali Angeli attendendum est secundum quod ab ipso Deo
illuminatur, et ideo supra dixit quod divinae mentes moventur circulariter,
illuminationibus pulchri et boni. Animae autem connaturale est quod
intelligat accipiendo a rebus exterioribus quae sunt multiformes et divisae,
unde in hac receptione non potest attendi circularitas motus eius, sed magis
in hoc quod a rebus exterioribus revocatur : primo quidem, in seipsam
conversa ; secundo, elevata in considerationem angelicarum virtutum ; tertio
autem, usque ad ipsum Deum. Hoc est ergo quod dicit, quod motus
circularis animae est secundum quod ab exterioribus intrat ad
seipsam et ibi uniformiter convolvitur, sicut in quodam
circulo, secundum suas intellectuales virtutes ; quae quidem convolutio
dirigit virtutem animae, ut non erret : manifestum est enim quod anima,
discurrendo de uno ad aliud sicut de effectu in causam vel de uno simili ad
aliud vel de contrario in contrarium, ratiocinatur multipliciter ; sed omnis
ista ratiocinatio diiudicatur per resolutionem in prima principia, in quibus
non contingit errare, ex quibus anima contra errorem defenditur, quia ipsa
prima principia simplici intellectu absque discursu cognoscuntur et ideo
eorum consideratio, propter sui uniformitatem, circularis convolutio
nominatur. Per hanc ergo convolutionem, primo congregatur ad seipsam,
considerans id quod in natura sua habet ut cognoscat ; deinde, sic uniformis
facta, unitur per huiusmodi convolutionem, unitis virtutibus, scilicet
angelicis, inquantum per similitudinem huius uniformis apprehensionis,
uniformitatem Angelorum aliquo modo considerat ; et ulterius per istam
convolutionem, manuducitur ad pulchrum et bonum, idest
Deum, quod est super omnia existentia et est maxime unum
et idem et est sine principio et interminabile, quae
pertinent ad rationem circuli, ut dictum est ; et ideo circularitas motus
animae, completur in hoc quod ad Deum manuducit. Deinde, cum dicit : oblique
autem et cetera, describit motum obliquum animarum, qui etiam aliter
accipitur in anima et in Angelis. In Angeli enim operatione, nulla est
difformitas, secundum quod ipse intelligit ; sed, secundum quod providet
inferioribus, eius provisio per diversa variatur ; et ideo motus obliquus,
qui compositus est ex recto et circulari, habens in se aliquid uniformitatis
et difformitatis, in Angelis attenditur unus, secundum quod sic provident
inferioribus quod tamen manent in uniformi consideratione Dei ; sed anima in
sua naturali cognitione difformitatem habet, inquantum nata est non
cognoscere nisi discurrendo per diversa ; uniformitas autem in ipsa est,
secundum quod subditur uniformi principio, a quo accipit. Sic ergo motus
obliquus ex uniformitate et difformitate compositus, in anima attenditur
secundum quod uniformes Dei illuminationes recipit non uniformiter, sed
differenter secundum suum modum. Hoc est ergo quod dicit, quod anima
movetur oblique inquantum illuminatur divinis cognitionibus secundum suam
proprietatem non quidem intellectualiter et singulariter,
idest simpliciter sicut Angeli, sed rationabiliter et diffuse,
idest discursive et diffundendo se per diversa ; et hoc exponit subdens
: sicut operationibus commixtis, quodam enim modo se commiscet
rebus, inquantum se ad diversa cognoscenda diffundit ; et transitivis,
quod refertur ad hoc quod dixit rationabiliter : est enim
proprium rationis transire sive discurrere ab uno in aliud. Deinde, cum dicit
: in directum autem et cetera, exponit rectum motum animae,
qui de sui ratione habet difformitatem. Difformitas autem in operatione
Angeli attendebatur secundum provisionem inferiorum, sed in anima secundum
apprehensionem variam et multiformem diversorum, ex quibus cognitiones
simplicium et uniformium capit. Dicit ergo quod in directum movetur
anima, quando non ingreditur ad seipsam ita
quod quadam singulari, idest simplici intellectualitate operetur,
quia hoc pertinet ad circularem motum ipsius ut dictum est, sed quando progreditur
ad res exteriores, quae sunt circa ipsam, a quibus sicut
a quibusdam signis variis et multiplicibus elevatur ad contemplandum
res simplices et unitas. Patet autem haec sufficientia et
distinctio horum motuum animae, quia anima vel a sui uniformitate progreditur
in superiora magis uniformia et sic est motus circularis ipsius totus
uniformis ; vel ex influentia uniformis illuminationis accipit cognitionem
variam et multiformem et sic est motus obliquus eius ; vel e converso ex
multiformibus et variis in simplicem cognitionem proficit et sic est motus
eius rectus. |
Leçon 7 (17a) : Quels sont les mouvements des esprits et des âmes.368. Parce qu’il avait fait mention des mouvements des esprits et des âmes, lesquels semblent immobiles, il explique ici quels sont ces mouvements ; et premièrement, quels sont les mouvements des esprits angéliques ; deuxièmement, quels sont ceux des âmes rationnelles là où il dit (148) : Cependant les âmes… 369. Il faut cependant considérer qu’il existe deux
sortes de mouvements ainsi que le dit le Philosophe au troisième livre du traité
de l’Âme : un qui est l’acte de ce qui est imparfait, c’est-à-dire de ce qui
existe en puissance et tel est le mouvement des réalités corporelles dont on
dit qu’elles se meuvent selon qu’elles passent de la puissance à l’acte, que
ce soit selon la substance, selon la quantité, selon la qualité ou selon le
lieu ; autre cependant est le mouvement de ce qui est parfait, selon que
l’opération même de ce qui existe déjà en acte, demeurant dans celui qui
opère, est appelée mouvement, comme la sensation, l’intellection et le
vouloir. 370. En entendant ainsi le mouvement, il divise le
mouvement des esprits angéliques en trois parties en prenant modèle sur le
mouvement local, le plus parfait des mouvements corporels, lequel se divise
en circulaire, rectiligne et oblique. 371. Il faut cependant considérer deux choses dans
le mouvement circulaire : la première, à savoir qu’il est uniforme ; mais la
seconde, c’est que le mouvement circulaire n’a ni début ni fin. Donc,
l’opération intellectuelle grâce à laquelle les esprits angéliques
contemplent Dieu se compare au mouvement circulaire parce que c’est d’une
façon uniforme qu’ils se trouvent dans la contemplation de Dieu et que Dieu
lui-même n’a ni début ni fin ; et c’est pour cela qu’il dit que les
esprits angéliques dont la nature, qui participe de Dieu, est simple, se
meuvent d’une manière circulaire dans leur contemplation de Dieu
puisqu’ils se meuvent dans l’unité, c’est-à-dire uniformément, grâce à
des illuminations qui proviennent du Beau qui est aussi le Bien, lesquelles
n’ont ni début ni fin. 372. Mais c’est le propre du mouvement rectiligne d’avoir un début et une fin et de comporter ordre ou désordre d’après une plus ou moins grande proximité par rapport au début ou à la fin. C’est pourquoi on dit qu’on retrouve en eux, à savoir chez les Anges, un mouvement rectiligne selon qu’ils tendent à pourvoir aux besoins des réalités inférieures, le début de cette providence se trouvant dans l’Ange lui-même qui pourvoie, alors que son terme s’identifie à celui auquel le mouvement providentiel s’achève ultimement. Et on ne retrouve pas d’uniformité dans ce mouvement car ceux qui rendent parfaits pourvoient en premier ceux dont la proximité est plus grande ; et c’est ce que Denys dit, à savoir qu’ils se meuvent en ligne droite par cela même qu’ils progressent dans leur approvisionnement en faveur des réalités inférieures : en effet, leur approvisionnement passe par toutes les réalités inférieures, à la manière d’une ligne droite. 373. C’est le propre cependant du mouvement oblique
ou hélicoïdal d’être intermédiaire entre le mouvement circulaire et le
mouvement rectiligne, puisqu’il possède quelque chose de l’un et de l’autre ;
et ce mouvement convient aux Anges, pour autant qu’ils se meuvent en ligne
droite pour pourvoir aux besoins des inférieurs (ce qui se rapporte au
mouvement rectiligne) en s’appuyant sur la contemplation de Dieu (ce qui se
rapporte au mouvement circulaire) ; et c’est ce que Denys dit, à savoir que
les esprits angéliques se meuvent obliquement puisqu’alors même qu’ils
pourvoient aux besoins des réalités inférieures, ils ne s’écartent jamais de
l’uniformité du mouvement qui leur est propre ; laquelle uniformité ou
identité se produit en eux parce qu’ils tournent sans cesse, dans une
contemplation uniforme et comme en dansant et chantant en choeur, autour
de la Cause de toute identité, laquelle est le Beau et le Bien
divins. 374. Ensuite, lorsqu’il dit (148) : Les âmes cependant…il présente le mouvement propre aux Âmes ; et premièrement, il présente leur mouvement circulaire ; deuxièmement, leur mouvement oblique lorsqu’il dit (149) : Obliquement… ; troisièmement, leur mouvement rectiligne en ajoutant (150) : En ligne droite… 375. Il faut cependant considérer qu’il ne faut pas expliquer le mouvement circulaire des Âmes de la même manière que celui des Anges ; comme en effet le mouvement de l’Ange et celui de l’Âme consistent en leur opération et que le mouvement circulaire est l’expression de l’idée d’uniformité, il est nécessaire d’attribuer le mouvement circulaire à l’Ange et à l’Âme de la manière selon laquelle l’uniformité convient à leur opération intellectuelle respective. Cependant, l’Ange pose son opération intellectuelle non en partant des choses, mais en recevant la lumière de l’Un simple, c’est-à-dire de Dieu ; d’où il faut au plus haut point être attentif à ceci : dans son opération intellectuelle, l’Ange se trouve à être illuminé par Dieu lui-même, et c’est pourquoi Denys ajoute plus haut (147) que les esprits divins se meuvent de façon circulaire grâce aux illuminations du Beau qui est aussi le Bien. Cependant, il est naturel aux Âmes de poser leur opération intellectuelle en prenant pour point de départ les choses extérieures qui sont changeantes et différentes et c’est pourquoi il ne faut pas rechercher la circularité de son mouvement dans ce point de départ, mais plutôt en ce qu’elle se retire des choses extérieures : certes en premier en se retournant vers elle-même ; deuxièmement, en s’élevant à la considération des puissances angéliques ; troisièmement enfin, en s'élevant jusqu’à la considération de Dieu lui-même. 376. C’est donc ce qu’il dit (148), à savoir que le
mouvement circulaire de l’Âme se réalise selon qu’elle se retire des
réalités extérieures pour entrer en elle-même et là elle rassemble
dans l'unité, comme en un cercle, ses capacités intellectuelles ;
certes cette concentration dirige la puissance de l’âme afin qu’elle ne se
perde pas : il est manifeste en effet que l’âme, en allant d’un point à un
autre, comme de l’effet à sa cause ou d’un semblable à un autre ou d’un
contraire à son contraire, raisonne de plusieurs manières ; mais toute cette
suite de raisonnements s’évalue par une résolution dans les premiers
principes dans lesquels on ne peut se tromper, et c’est à partir d’eux que l’Âme
se défend contre l’erreur, car ce sont ces premiers principes eux-mêmes qui
sont connus sans discourir, par une saisie simple de l’intelligence et certes
la seule considération de ceux-ci, à cause de sa simplicité, se nomme concentration
circulaire. Au moyen de cette concentration, elle se recueille d’abord en
elle-même pour considérer ce qu’elle possède et qui la rend capable de
connaître ; ensuite, étant ainsi parvenue à la simplicité, elle s’unit par
cette concentration aux puissances unies, c’est-à-dire aux Anges, pour
autant qu’au moyen de la similitude de cette appréhension simple, elle
considère d’une certaine manière la simplicité des Anges ; et par la suite,
grâce à cette concentration, elle est conduite au Beau qui est aussi le
Bien, c’est-à-dire à Dieu, qui est au-dessus de tout ce qui existe
et qui est éminemment un et identique à lui-même et qui est sans
commencement et sans fin, caractères qui se rapportent à la notion de
cercle ainsi que nous l’avons dit (371) ; et enfin la circularité du mouvement
de l’âme s’achève en ceci qu’elle conduit à Dieu. 377. Ensuite, lorsqu’il dit (149) : C'est cependant d’un mouvement hélicoïdal…il
décrit le mouvement hélicoïdal des Âmes qui lui aussi ne s’entend pas de la
même manière chez les Âmes et chez les Anges. Il n’existe aucune composition
dans l’opération intellectuelle de l’Ange dans la mesure où il se saisit
lui-même ; mais selon qu’il pourvoit aux réalités inférieures, son
approvisionnement varie de plusieurs manières ; et certes le mouvement hélicoïdal,
qui est composé du mouvement rectiligne et du mouvement circulaire, ayant en
lui à la fois quelque chose de simple et de composé, se remarque chez les
Anges comme étant un, selon qu’ils pourvoient les inférieurs de telle manière
qu’ils demeurent dans une considération simple de Dieu ; mais l’Âme, quant à
la connaissance qui lui est naturelle, comporte composition, selon qu’elle
n’est apte à connaître qu’en discourant d’un point à un autre ; cependant,
considérée en elle-même, elle est simple selon qu'elle n’existe qu’en
subordination au Principe simple d’où elle reçoit tout. Ainsi donc le
mouvement hélicoïdal, à la fois simple et composé, s'observe dans l’Âme selon
qu’elle reçoit les illuminations simples de Dieu non pas uniformément, mais
de plusieurs manières, conformément à son mode naturel de connaître. C’est
donc ce que Denys dit, en affirmant que l’Âme se meut par un mouvement
oblique pour autant qu’elle est éclairée par les illuminations divines dans
les limites de sa nature propre, non pas certes d’une manière
intellectuelle et extraordinaire, c’est-à-dire non pas dans la simplicité
qui caractérise les Anges, mais d’une manière rationnelle et progressive,
à savoir discursive, qui progresse en plusieurs étapes différentes ; et c’est
ce que Denys fait voir en ajoutant : comme par le mélange d'opérations complexes ; d’une certaine manière en
effet l’âme se mélange aux choses selon qu’elle s’étend à la diversité des
choses qu’elle doit connaître ; et il ajoute transitoires, ce qui se rapporte à ce qu’il avait dit, à savoir rationnellement : en effet c’est le
propre de la raison de passer ou de discourir d’un point à un autre. 378. Ensuite, lorsqu’il dit (150) : en ligne droite…il présente le mouvement rectiligne de l’âme qui par définition comporte composition. La composition dans l’opération de l’Ange s’entendait selon son approvisionnement auprès des réalités inférieures, mais dans l’Âme elle doit s'entendre selon qu’elle saisit les différentes réalités d’une manière variée et changeante, à partir desquelles elle parvient à la connaissance de ce qui est simple et uniforme. Il dit donc que l’Âme se meut en ligne droite, non pas quand elle rentre en elle-même pour opérer un acte d’intelligence unique et simple car cela se rapporte à son mouvement circulaire ainsi que nous l’avons dit (375-376), mais quand elle se porte vers les réalités extérieures qui l’entourent à partir desquelles, comme à partir de certains signes variés et multiples, elle s’élève à la contemplation des réalités simples et unifiées. 379. Cette distinction des mouvements de l’Âme
paraît suffisante car l’Âme ou bien se porte de par son uniformité vers les
réalités supérieures plus simples et ainsi son mouvement totalement uniforme
est circulaire ; ou bien sous l’influence d’une illumination simple elle
reçoit une connaissance variée et multiforme et ainsi il s’agit de son
mouvement hélicoïdal ; ou bien au contraire à partir des réalités multiformes
et variées elle progresse vers une connaissance simple et il s’agit alors de
son mouvement rectiligne. |
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LECTIO 8 [84851] In De divinis
nominibus, cap. 4 l. 8 Expositis motibus Angeli et animae, hic concludit
causalitatem pulchri et boni respectu tam horum quam omnium aliorum motuum et
quietum ; et primo, manifestat causalitatem pulchri et boni circa
differentias motuum et quietum ; secundo, circa differentias omnium rerum ;
ibi : etenim ex ipso et cetera. Dicit ergo, primo,
quod pulchrum et bonum est causa ipsorum motuum mentium et
animarum, de quibus iam dictum est et etiam trium motionum sensibilium,
quae sunt in hoc universo : quia etiam in rebus sensibilibus
invenitur motus circularis, ut in corporibus coelestibus ; et motus rectus,
ut in gravibus et levibus ; et motus obliquus, ut in animalibus ; et cum
immobilia et quieta sint priora secundum naturam, his quae moventur, cum
primum cuiuslibet motus sit ab aliquo immobili, pulchrum et bonum
multo prius est causa mansionum uniuscuiusque, quae quidem attenditur
secundum quod una res dicitur esse in alia et stationum, secundum
quod una res quiescit in alia et collocationum, secundum quod una
res per aliam conservatur et firmatur. Horum, autem, pulchrum et
bonum divinum quod est super omnem stationem et motum creaturarum,
causa est non solum productiva, sed etiam contentiva, idest
conservativa et causa finalis et ad quod et cuius gratia, sicut
in causam finalem : ad finem enim consequendum movemur et eius gratia
operamur ; unde quod dicit : ad quod pertinet ad ipsam
nominationem finis ; quod autem dicit : cuius gratia respicit
intentionem secundum quod volentes unum, tendimus in illud quasi in finem.
Deinde, cum dicit : etenim ex ipso et cetera, colligit
universam causalitatem pulchri et boni, circa omnes rerum differentias : et
primo, ponit differentias rerum quae causantur ex pulchro et bono ; secundo,
diversos modos causandi qui attribuuntur pulchro et bono ; ibi : et
simpliciter et cetera. Circa primum : primo, ponit substantiales
differentias, dicens ; ideo oportet quod omnis statio et motus causetur ex
pulchro et bono, quia ex ipso causantur omnes rerum differentiae : ex
ipso enim sicut ex causa activa et per ipsum, sicut per
causam exemplarem, secundarie est omnis substantia cuiuscumque
sit speciei et omnis vita sive sit mentis angelicae
quae sic vivit quod non vivificat corpus sive animae quae vivificat
corpus. Deinde, descendit ad res corporales : in quibus, primo, considerantur
differentiae ad quantitatem continuam pertinentes ; et dicit quod ab ipso
causantur omnes parvitates, aequalitates, magnitudines rerum omnis naturae
corporalis. Differentiae autem quantitatis sunt magnum et parvum, quorum
medium est aequale, ut dicitur in X Metaph. Haec autem signant quantitatem
indeterminatam ; sed quaedam aliae sunt quae significant quantitatem
determinatam, ut bicubitum, tricubitum ; et ad huiusmodi exprimenda, subdit
: mensurae omnes. Ex determinatione autem quantitatum, consurgit
proportio quae est habitudo unius quantitatis ad aliam ; et ideo subdit
: existentium proportiones. Proportiones autem quaedam sunt
convenientes secundum naturam et conditionem rerum et quaedam non
convenientes ; proportiones autem in sonis vocantur harmoniae et, per quamdam
similitudinem, proportiones convenientes quarumcumque rerum harmoniae
dicuntur ; unde subdit : et harmoniae. Est autem, in quantitate
continua, considerare ipsam continuitatis rationem ; ad quam pertinet quod
subdit : et concretiones. De ratione autem continui est quod
dividatur ; divisio autem constituit rationem totius et partis, quia pars est
in quam dividitur totum ; et ideo subdit : totalitatis partes.
Deinde, accedit ad quantitatem discretam, quae est numerus, cuius principium
est unum ; unde subdit : omne unum et multitudo. Est autem in
ipsa multitudine quamdam unitatem considerare, secundum quod ex multis unum
constituitur vel secundum continuationem aut contactum partium, ad quod
pertinet quod subdit : et coniunctiones partium, aut quocumque
modo ; ad quod pertinet : omnis multitudinis unitiones. Ex
unitione autem partium resultat forma, quae est perfectio totius ; unde
subdit : perfectiones totalitatum. Deinde, accedit ad
differentias diversorum generum ; unde subdit : quale, quantum ad
genus qualitatis ; quantum, secundum genus quantitatis ; quotum,
prout dicit ordinem secundum genus situs vel quotum, quantum ad
quantitatem discretam secundum quod importat numerum ; et subdit : infinitum,
quod convenit quantitati continuae quidem secundum divisionem ; discretae
vero secundum appositionem ; et subdit : comparationes, quantum
ad genus relationis et discretiones, idest differentiae. Quantum ad idem ergo comparatio pertinet ad relationem convenientiae :
ut idem, aequale, simile ; discretio vero, ad relationem differentiae : ut
diversum, inaequale, dissimile. Et quia posuit infinitum et relationem,
quasi consequentia quantitatem et qualitatem, circa utrumque differentias
quasdam considerat : et primo, quidem, circa infinitum considerat ipsam
infinitatem, cum dicit ; omnis infinitas, omnis finis ; et
effectivum finis, cum dicit : diffinitiones omnes : dicit enim
aliquid infinitum secundum quod est indeterminatum. Deinde, ponit
diversitates comparationum : comparatur autem aliquid alteri, secundum prius
et posterius et quantum ad hoc dicit : ordines, et secundum magis
et minus et quantum ad hoc dicit : excessus, et quantum ad causam
et causatum : et sic dicit : elementa, propter causas materiales
; et formae, propter causas formales. Ulterius, procedit ad
actiones ; et primo ponit divisionem secundum substantiam et virtutem et
operationem ; deinde dicit processum operationis in homine : in qua, primo,
est habitus animae ; secundo, sensus, idest
cognitio vel apprehensio ; tertio, verbum ; quarto,
exterius factum ; iterum, sic factionem distinguit : in
corporibus enim est actio per contactum, et quantum ad hoc dicit : omnis
tactus ; in intellectu autem per scientiam, quae est quidam contactus
intellectus ; in voluntate vero per unitionem, quae est etiam quidam tactus
voluntatis, unde subdit : omnis scientia, omnis unitio. Deinde,
cum dicit : et simpliciter et cetera, ostendit diversos
modos causandi qui conveniunt pulchro et bono ; et circa hoc, tria facit :
primo, ostendit quomodo pulchrum et bonum est diversimode causa rerum ;
secundo, quod omnis causalitas rerum in ipso praeexistit ; ibi : et
in ipso et cetera ; tertio, ostendit quomodo ab ipso omnis
causalitas derivatur ; ibi : et simpliciter et cetera. Dicit
ergo, primo, universaliter loquendo : omne quod est,
est ex pulchro et bono quod est Deus, sicut ex principio
effectivo ; et in pulchro et bono est, sicut in principio
contentivo vel conservativo ; et ad pulchrum et bonum convertitur,
ipsum desiderans, sicut ad finem, et non solum est finis ut desideratus, sed
etiam inquantum omnes substantiae et actiones ordinantur in ipsum, sicut in
finem ; et hoc est quod subdit : et omnia quaecumque sunt et fiunt,
propter pulchrum et bonum sunt et fiunt et ad ipsum omnia inspiciunt,
sicut ad causam exemplarem, quam habent ut regulam suae operationis ; et
ab ipso moventur, sicut a causa movente ; et continentur et
conservantur in suo motu et actione. Non autem movet res propter aliquem
finem extraneum, sed gratia sui ipsius, quantum
ad suam intentionem, et propter ipsum attingendum a rebus.
Deinde, cum dicit : et in ipso et cetera, ostendit quod
omnis causalitas aliarum causarum, in ipso praeexistit ; et dicit quod in
ipso est omne principium tam exemplare,
quam finale, efficiens, formale et elementale, idest materiale,
sicut effectus sunt in virtute suae causae. Deinde, cum dicit : et
simpliciter omne et cetera, ostendit quomodo ab ipso derivantur ; et
dicit quod universaliter omne principium rerum productivum
et omne principium conservativum et omnis continentia et omnis
finis et, ut breviter dicam, omnia
existentia, sunt ex pulchro et bono et omnia non-existentia
supersubstantialiter, quia scilicet negationes omnium rerum conveniunt
Deo per suum excessum. Quod autem dicitur Deus esse omnium principium et
finis est supra modum aliorum principiorum et perfectio huius est super
perfectionem aliorum. Hanc autem universalem causalitatem pulchri et boni,
confirmat per auctoritatem Scripturae, subdens : quoniam ex ipso,
ut ex principio effectivo ; et per ipsum, sicut per principium
exemplare ; et in ipso, sicut in principio contentivo ; et
ad ipsum, sicut ad finem, sunt omnia, sicut dicit sanctus sermo apostoli,
Rom. 9. Quomodo autem omnis causalitas attribuatur pulchro et bono ex supra
dictis haberi potest. |
Leçon 8 (18a) : De la causalité du Beau et du Bien considérée tant par rapport à ces mouvements que par rapport à toutes les autres sortes de mouvements et de repos.380. Ayant traité des mouvements de l’Ange et de l’Âme, il termine ici par l’examen de la causalité du Beau et du Bien tant à l'égard de ces derniers mouvements qu'à l'égard des autres sortes de mouvements et de repos ; et d’abord, il manifeste la causalité du Beau et du Bien par rapport aux différentes sortes de mouvements et de repos ; deuxièmement, par rapport aux différences sortes entre toutes les choses, là où il dit (152) : le fait est qu’à partir de lui… 381. Il dit donc, en premier lieu, que le Beau,qui est aussi le Bien, est la cause de ces mouvements des esprits et des âmes dont nous avons parlé (369-379) mais aussi de ces trois sortes de mouvements sensibles qu’on retrouve dans cet univers : car c’est aussi dans les réalités sensibles, comme dans les corps célestes, qu’on retrouve le mouvement circulaire ; et le mouvement rectiligne comme dans les corps lourds et légers ; et le mouvement hélicoïdal comme chez les animaux ; et comme ce qui est immobile et en repos est par nature antérieur à ce qui se meut puisque le début de tout mouvement vient d’un principe immobile, le Beau qui est aussi le Bien est de beaucoup antérieurement cause des demeures pour chaque chose, entendant par là ce qu’on veut dire lorsqu’on dit d’une chose qu’elle demeure dans une autre ; et de leurs repos, au sens où une chose se repose dans une autre ; et de leurs positions, au sens où une chose est conservée et affermie par une autre. 382. Le Beau et le Bien divin, qui est au-delà de tout repos et de tout mouvement des créatures, est cause de tous ces mouvements et de tous ces repos, non seulement comme cause productrice, mais comme cause qui maintient, c’est-à-dire qui les conserve, et comme cause finale, à savoir comme ce vers quoi et ce en vue de quoi ils existent, comme dans leur cause finale : en effet, c’est pour atteindre le but que nous nous mettons en mouvement et c’est en vue de l'atteindre que nous posons nos opérations ; d’où l’expression ce vers quoi désigne le nom même de la finalité ; mais lorsqu’il dit : ce en vue de quoi, cette expression se rapporte à l’intention selon laquelle, voulant une chose, nous tendons vers elle comme vers notre fin. 383. Ensuite, lorsqu’il dit (152) : et de fait c’est à partir de lui…il embrasse la causalité universelle du Beau et du Bien à l’égard de la totalité des différences se rapportant aux choses : et premièrement il présente les différences des choses qui sont causées à partir du Beau et du Bien ; deuxièmement il présente les différents modes de causalité attribués au Beau et au Bien là où il dit (153) : et purement et simplement… 384. Et au sujet du premier point, il présente en premier lieu les différences substantielles en disant que tous les repos et tous les mouvements sont causés à partir du Beau et du Bien pour cette raison que c’est à partir de Lui que sont causées toutes les différences qu’on retrouve dans les choses : c’est à partir de lui comme d’une cause productrice et par lui comme par une cause exemplaire ; deuxièmement en disant qu’il est toute substance et toute vie de quelque espèce que ce soit, qu’il s’agisse de la vie de l’esprit angélique qui vit de manière à ne pas vivifier un corps, ou de la vie de l’âme qui, elle, vit en vivifiant un corps. 385. Ensuite, il descend aux réalités corporelles dans lesquelles il considère en premier les différences qui se rapportent à la quantité continue ; et il dit que c’est le beau qui est la cause de tout ce qui est petit, égal ou grand dans toutes les natures corporelles. Les différences dans la quantité sont le grand et le petit, dont l’intermédiaire est l’égal, ainsi qu’Aristote le dit au dixième livre de la Métaphysique. Cependant ces termes désignent une quantité indéterminée, alors que d’autres renvoient à une quantité déterminée, comme une longueur de deux ou de trois coudées ; et pour les signifier, il ajoute : de toutes les mesures. De l’examen de la quantité suit celui de la proportion qui est le rapport d’une quantité à une autre ; et c’est pourquoi il ajoute : des proportions des choses. Parmi les proportions cependant, certaines conviennent aux réalités selon leur nature et leur condition et d’autres non ; et les proportions dans les sons se nomment harmonies et par une certaine analogie, on appelle harmonie les rapports de ressemblance qu’il y a entre toutes les choses, quelles qu’elles soient, et c’est pourquoi il ajoute : et des harmonies. Dans la quantité continue cependant, il faut considérer la nature même de la continuité à laquelle se rapporte l’expression qu’il ajoute : et des assemblages. Mais il est de la nature même du continu de pouvoir être divisé ; et c’est la division qui est au principe des notions de tout et de partie, car la partie est ce en quoi le tout se divise et c’est pourquoi il ajoute : les parties du tout. 386. Ensuite, il passe à la quantité discrète qui est le nombre dont le principe est l’un ; c’est pourquoi il ajoute que le Beau, qui est aussi le Bien, est le principe de toute unité et de toute multiplicité. Cependant il faut considérer dans la multiplicité elle-même une certaine unité selon que c’est à partir du multiple que l’un est constitué : soit par la continuation ou le contact entre les parties ; et c’est à cela que se rapporte l’expression : et les liens entre les parties ; soit selon tout autre mode, ce à quoi il réfère en disant : les unions de toutes les multiplicités. Mais c’est de l’union des parties que provient la forme, laquelle est la perfection du tout ; c’est pourquoi il ajoute : les perfections des totalités. 387. Ensuite, il accède aux différences qu’on observe dans les différents genres, d’où l’ajout de quel, quant au genre de la qualité ; de combien, quant au genre de la quantité ; de où selon que ce terme exprime un rapport au lieu ; de combien, quant à la quantité discrète selon qu’elle se rapporte au nombre ; et il ajoute : l’infini, lequel convient à la quantité continue qui est certes divisible, et à la quantité discrète qui se fait selon l’addition ; et il ajoute : les comparaisons, et les distinctions, c’est-à-dire les différences, quant au genre de la relation . Donc à l'égard du même la comparaison se rapporte à la relation de ressemblance, comme le même, l’égal, le semblable ; mais à l'égard de ce qui est distinct, la comparaison se rapporte à la relation de différence, comme le divers, l’inégal et le dissemblable. Et parce qu’il présente l’infini et la relation comme des conséquences de la quantité et de la qualité, il considère certaines différences qui les séparent : et d’abord, certes, il considère au sujet de l’infini la nature même de celui-ci lorsqu’il dit : tout infini, tout fini : et ce qui produit un terme lorsqu’il dit : toutes les limites : en effet, l’infini est ce qui est indéterminé ou sans terme. Ensuite, il présente les différentes sortes de comparaisons : mais une chose se compare à une autre soit selon l’avant et l’après et par rapport à cela il dit : les ordres ; soit selon le plus et le moins et par rapport à cela il dit : les excellences ; et quant à la cause et à l’effet : et quant à cela il dit : les éléments, pour désigner les causes matérielles ; et les formes, pour désigner les causes formelles. 388. Plus loin, il passe à la considération des actes ; et d’abord il présente la division qui s’effectue selon la substance, selon la puissance et selon l’opération ; ensuite, il exprime le processus de l’opération tel qu’il se présente chez l’homme et dans lequel il faut d’abord considérer toute disposition acquise de l’âme ; deuxièmement la sensation, à savoir la connaissance ou l’appréhension ; troisièmement, le verbe et quatrièmement l’action extérieure ; de plus, il distingue ainsi l’action : dans les corps en effet l’action se réalise par contact et c’est pourquoi il dit : tout toucher ; dans l’intelligence l’action se réalise par la science qui est un certain contact entre l’intelligence et le réel ; enfin dans la volonté l’action se réalise par l’union qui est aussi un certain contact de la volonté avec le bien, et c'est pourquoi il ajoute : toute science et toute union. 389. Ensuite, lorsqu’il dit (153) : et purement et simplement…il montre les divers modes de causalité qui conviennent au Beau et au Bien ; et à ce sujet il fait trois choses : d’abord, il montre comment le Beau, qui est aussi le Bien, est cause des choses de différentes manières ; deuxièmement, que toute causalité des choses préexiste en Lui, là où il dit (154) : et en lui-même… ; troisièmement, il montre comment toute causalité provient de lui, là où il dit (155) : et absolument parlant… 390. En premier, il dit donc qu’universellement parlant, tout ce qui existe, existe à partir du Beau et du Bien, comme de sa cause efficiente qui est Dieu ; et que tout existe en Lui comme dans le principe qui le contient et le conserve dans l’existence ; et que tout, en Le désirant, se tourne vers Lui comme vers sa finalité. Et non seulement Il est la finalité au sens où Il est désiré, mais aussi pour autant que toute substance et toute action est ordonnée à Lui comme à sa fin ; et c’est ce que Denys ajoute en disant : et tout ce qui existe et tout ce qui est le résultat d’un devenir existe et devient à cause du Beau et du Bien et toute réalité tourne son regard vers Lui comme vers son modèle ou sa cause exemplaire qu’elle prend comme règle de ses opérations ; et c'est par Lui que toute réalité se meut comme par sa cause motrice, et par Lui qu'elle est contenue et conservée dans son mouvement et son action. Mais la chose ne se meut pas à cause d’une finalité extérieure, mais grâce à Lui, d'un mouvement qui est comme le résultat de son intention, et en vue de Lui, que les choses cherchent à atteindre. 391. Ensuite, lorsqu’il dit (154) : et en lui-même…il montre que toute forme de causalité se rapportant aux autres causes préexiste en Lui ; et il dit que c’est en Lui que réside tout principe, qu’il soit exemplaire, final, efficient, formel ou élémentaire, c’est-à-dire matériel, de la même manière que les effets existent en puissance dans leur cause. 392. Ensuite, lorsqu’il dit (155) : et absolument tout…il montre comment ces causes proviennent de Lui ; et il dit qu’universellement, tout principe producteur des choses et tout principe de conservation dans l’être et tout ce qui contient et toute finalité et, pour le dire brièvement, tout ce qui existe et tout ce qui n’existe pas provient du Beau et du Bien qui les dépasse supra-substantiellement, car même les négations de toutes les choses conviennent à Dieu, mais par mode d'excellence. Que Dieu soit nommé le principe et la fin de tout, cela signifie qu'Il l'est d'une manière qui dépasse le mode de causalité des autres principes et sa perfection transcende leurs perfections. 393. Denys appuie cette causalité universelle du Beau et du Bien par l’autorité des Écritures lorsqu’il ajoute : puisque c’est de Lui, comme du principe efficient, et par Lui, comme par le principe exemplaire ; et en Lui, comme dans le principe qui conserve ; et pour Lui, comme vers leur finalité, qu’existent toutes les choses, ainsi que l’affirme le saint discours de l’Apôtre dans sa Lettre aux Romains (11, 36). On peut donc saisir, à partir de ce qui a été dit plus haut (349-354), comment toute causalité est attribuée au Beau et au Bien. |
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LECTIO 9 [84852] In De divinis
nominibus, cap. 4 l. 9 Postquam Dionysius determinavit de pulchro et
bono quae incitant ad amandum, hic determinat de ipso amore ; et primo, per
verba propria ; secundo, per verba Hierothei, ibi : haec et nobilis et
cetera ; circa primum, duo facit : primo, determinat de amore divino ;
secundo, ostendit quomodo Deus et amor et amabilis dicatur ; ibi : quid
autem et cetera. Circa primum, tria facit : primo, determinat de
ipso amore ; secundo, de extasi, quae est effectus amoris ; ibi : est
autem et cetera ; tertio, de zelo, qui est quaedam amoris species ;
ibi : propter quod et cetera. Circa primum, duo facit :
primo, determinat de amore ; secundo, excludit quamdam obiectionem ; ibi
: et non aliquis et cetera. Circa primum, duo facit : primo,
ostendit quomodo Deus est obiectum amoris ; secundo, quomodo Deus amat ; ibi
: confidit et cetera. Circa primum, tria facit : primo,
ostendit quid sit obiectum amoris ; secundo quomodo singulis est amor
respectu singulorum ; ibi : et propter ipsum et cetera ;
tertio, quid facit amor in amantibus ; ibi : et omnia et
cetera. Dicit ergo, primo, quod, ex quo pulchrum et bonum est finis omnium,
consequens est quod pulchrum et bonum sit amabile ab
omnibus, desiderabile et diligibile, quia
obiectum desiderii et amoris est pulchrum et bonum. Ad
evidentiam autem eorum quae hic dicuntur, considerandum est quod amor ad
appetitum pertinet. Est autem amor prima et communis radix omnium
appetitivarum operationum ; quod patet inspicienti per singula : nihil enim
desideratur nisi quod est amatum ; neque aliquis gaudet de re habita, nisi
quia amat eam ; nec aliquis tristatur de aliquo, nisi quia est contrarium
amato. Et ideo oportet quod ratio amoris accipiatur ex eo quod est commune
obiectum appetitus. Hoc autem est bonum. Ex hoc igitur aliquid dicitur amari,
quod appetitus amantis se habet ad illud sicut ad suum bonum. Ipsa igitur habitudo vel coaptatio appetitus ad aliquid velut ad suum
bonum amor vocatur. Omne autem quod ordinatur ad aliquid sicut ad suum bonum,
habet quodammodo illud sibi praesens et unitum secundum quamdam
similitudinem, saltem proportionis, sicut forma quodammodo est in materia
inquantum habet aptitudinem et ordinem ad ipsam. Sed tamen contingit quod
bonum amatum totaliter est absens amanti et sic causatur in amante desiderium
amati ; quandoque autem est totaliter praesens ei et sic causatur in eo
delectatio vel gaudium de amato ; et per contrarium, de eius absentia
causatur timor et tristitia de ipso et per consequens aliae affectiones quae
ab his derivantur. Sic igitur patet in quo differt quod dicit : desiderabile
et amabile ; nam desiderium est quidam effectus amoris. Quod autem dicit
: diligibile, determinat quemdam modum amoris : cum enim amor ad
appetitum pertineat, secundum ordinem appetituum est ordo amorum. Est autem
imperfectissimus appetituum, naturalis appetitus absque cognitione, quod
nihil aliud importat quam inclinationem naturalem. Supra hunc autem est
appetitus sensibilis, qui sequitur cognitionem, sed est absque libera
electione. Supremus autem appetitus est qui est cum
cognitione et libera electione : hic enim appetitus quodammodo movet seipsum,
unde et amor ad hunc pertinens est perfectissimus et vocatur dilectio,
inquantum libera electione discernitur quid sit amandum. Deinde, cum dicit
: et propter ipsum et cetera, ostendit quomodo amor
conveniat singulis, respectu singulorum. Unde considerandum est quod, cum
amor importet habitudinem appetitus ad bonum amantis, tot modis contingit
aliquid amari, quot modis contingit aliquid esse bonum alterius. Quod quidem,
primo, contingit dupliciter ; nam bonum dupliciter dicitur, sicut et ens :
dicitur enim, uno modo ens proprie et vere, quod subsistit ut lapis et homo ;
alio modo quod non subsistit, sed eo aliquid est, sicut albedo non subsistit,
sed ea aliquid album est. Sic igitur bonum dupliciter dicitur : uno modo,
quasi aliquid in bonitate subsistens ; alio modo, quasi bonitas alterius, quo
scilicet alicui bene sit. Sic igitur dupliciter aliquid amatur : uno modo,
sub ratione subsistentis boni et hoc vere et proprie amatur, cum scilicet
volumus bonum esse ei ; et hic amor, a multis vocatur amor benevolentiae vel
amicitiae ; alio modo, per modum bonitatis inhaerentis, secundum quod aliquid
dicitur amari, non inquantum volumus quod ei bonum sit, sed inquantum volumus
quod eo alicui bonum sit, sicut dicimus amare scientiam vel sanitatem. Nec
est inconveniens si hoc etiam modo amemus aliqua quae per se subsistunt, non
quidem ratione substantiae eorum, sed ratione alicuius perfectionis quam ex
eis consequimur ; sicut dicimus amare vinum, non propter substantiam vini ut
bene sit ei, sed ut per vinum bene sit nobis vel inquantum delectamur eius
sapore vel inquantum sustentamur eius humore. Omne
autem quod est per accidens reducitur ad id quod est per se. Sic igitur hoc
ipsum quod aliquid amamus, ut eo alicui bene sit, includitur in amore illius
quod amamus, ut ei bene sit. Non est enim alicui aliquid diligendum per id
quod est per accidens, sed per id quod est per se ; et ideo oportet quidem
diversitatem amorum accipere secundum ea quae sic amamus ut eis velimus
bonum. Et quia unumquodque amamus inquantum est bonum nostrum, oportet tot
modis variare amorem, quot modis contingit aliquid esse bonum alicuius. Quod
quidem contingit quadrupliciter : uno modo, secundum quod aliquid est bonum
suipsius et sic aliquid amat seipsum ; alio modo, secundum quod aliquid per
quamdam similitudinem est quasi unum alicui et sic aliquid amat id quod est
sibi aequaliter coordinatum in aliquo ordine, sicut homo amat hominem alium
eiusdem speciei et sicut civis amat concivem et sicut consanguineus,
consanguineum ; alio modo, aliquid est bonum alterius quia est aliquid eius,
sicut manus est aliquid hominis et universaliter pars est aliquid totius ;
alio vero modo, secundum quod, e converso, totum est bonum partis : non enim
est pars perfecta nisi in toto, unde naturaliter pars amat totum et exponitur
pars sponte pro salute totius. Quod enim est superius in entibus, comparatur
ad inferius sicut totum ad partem, inquantum superius, perfecte et totaliter,
habet quod ab inferiori, imperfecte et particulariter habetur et inquantum
supremum continet in se, inferiora multa. Unde et Dionysius hic quatuor modos
amoris ponit : et primus est secundum quod inferius amat suum superius ; et
hoc est quod dicit quia propter bonum et pulchrum et
ipsius gratia, minora, idest inferiora, amant meliora, idest
superiora, convertendo se ad ea, quia in eis habent suam
perfectionem ; secundo, ponit modum, quo aequalia amant aequalia ; et dicit
quod ordinata, idest ea quae sunt unius ordinis, amant coordinata,
idest aequalia communicative, idest inquantum communicant cum eis
vel in specie vel in quocumque ordine ; tertio, ponit modum quo superiora
amant inferiora ; et dicit quod meliora, idest superiora
amant minora, idest inferiora provisive, idest
inquantum provident eis ut sub se contentis ; quarto, ponit modum quo aliqua
amant seipsa et dicit quod ipsa singula amant seipsa
contentive, idest inquantum unumquodque in seipso continetur. Deinde, cum
dicit : et omnia pulchrum et cetera, ostendit quid facit
amor in amante. Quia enim amor est communis radix appetitus, oportet quod
omnis operatio appetitus ex amore causetur, ut dictum est. Et quia omnis
operatio uniuscuiusque rei ex appetitu causatur, sequitur quod omnis actio
cuiuscumque rei ex amore causetur ; et hoc est quod dicit quod omnia ex
desiderio pulchri et boni faciunt et volunt quaecumque faciunt et
volunt. Et sumit hic desiderium pro amore, quia est effectus eius, ut
dictum est. Deinde, cum dicit : confidit et cetera, ostendit
quomodo Deus amat ; et dicit quod confidenter dicere possumus quod Deus qui
est omnium causa, propter excessum suae bonitatis,
omnia amat ; et ex amore facit omnia dans eis
esse ; et omnia perficit, implendo singula propriis
perfectionibus ; et omnia continet, conservando ea in esse ;
et cuncta convertit, idest in se ordinat sicut in finem ; et sic
dicimus : amor divinus est bonus et est boni,
idest Dei quasi amantis et est propter bonum sicut propter
obiectum ; Deus enim nihil amat nisi propter suam bonitatem. Et ad exponendum hoc quod dixerat, subdit quod amor, quo Deus amat
existentia est operativus bonitatis in ipsis ; et propter hoc dicit ipsum
bonum, quia causaliter praeexistit in bono, idest Deo, secundum
excessum, sicut omnia ad perfectionem pertinentia quae sunt in creaturis,
excellentius sunt in Deo et ideo dixerat divinum amorem esse boni ; hic,
inquam, divinus amor non permisit manere ipsum in
seipso sine germine, idest sine productione creaturarum, sed amor movit
ipsum ad operandum, secundum excellentissimum modum operationis
inquantum produxit omnia in esse. Ex amore enim bonitatis suae processit quod
bonitatem suam voluit diffundere et communicare aliis, secundum quod fuit
possibile, scilicet per modum similitudinis et quod eius bonitas non tantum
in ipso maneret, sed ad alia efflueret. Et
non aliquis et cetera. Hic excludit quamdam objectionem
: posset enim alicui videri quod nomen amoris semper naturalem passionem
significaret et ideo non esset eo utendum in divinis. Hanc autem obiectionem
primo quidem excludit per rationem ; secundo, per auctoritatem, ibi : sed
ut non ista et cetera. Circa primum, duo facit : primo, dicit
obiectionem esse irrationabilem ; secundo, adhibet rationem ; ibi : oportet
autem et cetera. Dicit ergo primo quod nullus debet opinari quod nos
commendemus in Deo nomen amoris praeter consuetudinem et convenientiam
sacrarum Scripturarum. Irrationabile enim est et pravum,
sicut arbitror, quod homo non attendat ad virtutem intentionis,
idest ad id quod aliquis intendit significare per nomen, sed ad
ipsas dictiones ; et hoc non pertinet ad eos qui
volunt intelligere divina, sed ad eos qui respiciunt ad ipsas
dictiones vel ipsos sonos leviter non ponderando
significationem eorum et qui etiam continent sonos extra tantum,
scilicet usque ad aures, ita quod non transeant ultra usque ad
intellectum ; qui non volunt videre quid talis dictio significet
et quomodo contingit unam dictionem exponere per alias
dictiones manifestiores, idem significantes. Sed tales patiuntur aliquid
ab ipsis elementis, idest litteris, syllabis et lineis,
idest figuris scriptis sensibilibus et non intelligibilibus, quia ipsi soni
dictionum non transeunt usque ad intelligibilem partem animae, sed
morantur circa labia loquentium et circa auditus audientium, sicut
non sit possibile quod quaternarius numerus significetur per
bis duo aut hoc quod dico rectilineum significetur per
habens rectas lineas aut maternum solum significetur per
patriam. Et simile est de quibuscumque aliis in quibus contingit unam
intentionem significari diversis partibus orationis. Illi autem
dicuntur compati litteris et dictionibus vocalibus et non intellectualibus,
qui acceptant aliquas dictiones, quia afficiuntur ad ipsa voces et non
attendunt ad sensus eorum. Deinde, cum dicit : oportet autem et
cetera, assignat rationem praemissorum ; et primo, quod non oportet attendere
ad voces, quando constat de sensibus ; secundo, quod utendum sit vocibus
planioribus ; ibi : quando autem et cetera. Dicit ergo primo
quod oportet videre, secundum rectam rationem, quod elementis,
scilicet vocibus et syllabis et lineis et orationibus, scriptis
vel dictis, utimur propter sensus ipsos, scilicet propter
auditum et visum. Sed quando anima nostra movetur intelligibili
operatione ad intelligibilia participanda, tunc sensus exteriorum sensibilium superfluunt
quia sensibilia sunt praeambula ad intelligibilia ; quando autem pervenimus
ad terminum, recedimus a via et ita quando iam constat de intentione
intellecta per voces cessat officium vocum quibus significantur. Et ideo de
hoc non est disceptandum. Et ponit exemplum de hoc quod intellectuales
virtutes nostrae naturalis rationis etiam superfluunt quando
anima nostra Deo conformata immittit se rebus
divinis, non immissione oculorum corporalium,
sed immissione fidei, scilicet per hoc quod divinum lumen ignotum et
inaccessibile, seipsum nobis unit et communicat. Dum enim consideramus ea
quae fidei sunt, non diiudicamus ea per rationem naturalem ; et similiter cum
volumus aliquid intelligere, non oportet hoc diiudicare per voces. Deinde,
cum dicit : quando autem et cetera, ostendit quod vocibus
manifestioribus est magis utendum ; et dicit quod quando mens nostra studet
moveri ad contemplationem intellectivam per sensibilia,
tunc sunt pretiosiores, idest utiliores illae sensibiles species
quae manifestius portant vel deferunt intellectuales intentiones, ut
planiores orationes, manifestiora visibilia. Sed quando ea quae non sunt
manifesta in sensibilibus repraesentantur sensibus, tunc nec ipsi sensus
possunt bene repraesentare sensibilia menti, ita scilicet quod ex ipsis
sensibilibus intelligibilia capiantur. Et ideo, quia nomen amoris planius et
communius, quam nomen dilectionis est, magis eo utendum ad intellectualem
intentionem significandam. Deinde, cum dicit : sed ut non ista et
cetera, manifestat idem per auctoritates Scripturae ; et circa hoc, tria
facit : primo, ostendit quomodo nomine amoris sacra Scriptura utitur in
divinis rebus ; secundo, quomodo quidam reputant convenientius uti nomine
amoris, quam nomine dilectionis ; ibi : quamvis et cetera ;
tertio, ostendit quod indifferenter utroque est utendum ; ibi : ab
audientibus et cetera. Dicit ergo primo quod, ut non videatur praedictas
rationes inducere tamquam volens pervertere sacras Scripturas, contra istos
qui nomen amoris in divinis accusant, inducit has auctoritates : ama
eam et servabit te, secundum aliam translationem ; nostra autem
translatio habet, Prov. 4 : dilige illam, idest sapientiam et
servabit te (...) arripe illam et exaltabit te, et glorificaberis ab ea, cum
eam fueris amplexatus. Et multa alia dicuntur ad
laudem amoris in Scripturis, ut patet in amatoriis theologiis, idest in
canticis canticorum. Deinde, cum dicit : quamvis et
cetera, ostendit quod quidam magis utendum hoc nomine amoris in divinis
censebant ; et circa hoc, tria facit : primo, ponit sententiam aliorum ;
secundo, ostendit quid sibi super hoc videtur ; ibi : mihi enim et
cetera ; tertio, assignat rationem sententiae aliorum ; ibi : propter
hoc autem et cetera. Dicit ergo primo quod quibusdam doctorum qui
sanctos sermones tractaverunt, licet canonicas Scripturas non conderent,
visum est quod nomen amoris convenientius esset rebus divinis quam nomen dilectionis.
Unde Ignatius martyr scribit de Christo dicens : meus amor, idest
Christus in quo totus meus amor est, crucifixus est. Philo dicit in libro quem fecit introducentem ad sacra eloquia, de
divina sapientia : amator factus sum, pulchritudinis eius, Sapient.
8. Ex quo patet quod liber sapientiae nondum habebatur inter canonicas
Scripturas. Unde concluditur quod non debemus timere uti nomine amoris nec ab
hoc debet nos revocare aliqua obiectio, super hoc dubitationem ingerere
intendens. Deinde, cum dicit : mihi enim et cetera, ostendit
quid sibi super hoc videatur ; et dicit quod sibi videtur quod conditores
sacrae Scripturae communiter et indifferenter utuntur nomine dilectionis et
amoris. Deinde, cum dicit : propter hoc et cetera, assignat
rationem quare quidam in divinis magis dicunt utendum nomine amoris ; et
dicit quod propter hoc videtur quod nomen amoris apponatur
rebus divinis, ut excludatur acceptio illorum qui inconvenienter
nomine amoris utuntur ; quia cum in Deo, ut ipsum decet,
laudetur verus amor non solum a nobis qui sacras Scripturas
exponimus sed et ab ipsis Scripturis, multitudines hominum
insipientium qui non possunt capere uniformitatem quam signat nomen amoris
divini, prolapsae sunt secundum suam consuetudinem ad amorem
qui invenitur in rebus corporalibus, qui est dissimilis et divisus : quia
talis amor non invenit in uno totum quod ei sufficiat et ideo dividitur per
diversa ; et si per aliquod tempus sibi satisfiat in uno, tamen in hoc non
durat, sed natus est quaerere in diversis quod sibi placet. Et hoc contingit
rebus corporalibus quia sunt dissimilia et divisa. Hic autem amor non
est verus amor, sicut nec bonum divisum, cum divisibile non sit verum et
perfectum bonum, sed bonum indivisibile, quod est maxime unum ; bonum enim et
unum in idem concurrunt, ut Boetius probat in libro de consolatione. Hic
autem amor corporalis est quoddam idolum, idest similitudo veri
amoris vel magis quidam defectus sive casus a vero
amore. Ideo autem prolabuntur multitudines ad hunc amorem, quia non possunt
capere uniformitatem divini amoris ; et ideo hoc nomen dispositum est in
divina sapientia, sicut apparens multis molestius, idest
inconvenientius, ad hoc quod sursum eleventur
et excitentur, quasi in inferioribus recumbentes, ad cognitionem veri
amoris et ut etiam liberentur a difficultate quam patiuntur circa
hoc nomen ; sicut etiam et in aliis Dei nominationibus, frequenter
attribuuntur corporalia magis infima, ut mens cogatur in eis non remanere,
sed super omnia Deum intelligere, ut in II cap. angelicae hierarchiae dictum
est. Et ideo nomine amoris utitur Scriptura in divinis, quia hoc nomine magis
utimur pro infimo et carnali amore. Rursus, inquam, inconveniens
esset quod a nobis opinaretur esse terrenos
zelos, idest amores in rebus divinis, qui videntur exprimi per nomen
dilectionis, secundum quod apparet ex plano modo Scripturae. Dixit enim quidam,
scilicet David, II Reg. 1 secundum aliam translationem : cecidit
dilectio tua super me, sicut dilectio mulierum ; nostra vero translatio
habet : doleo super te, frater mi Ionatha, decore nimis, et amabilis
super amorem mulierum. Deinde, cum dicit : ab audientibus et
cetera, ostendit quomodo accipitur secundum Scripturas nomen dilectionis et
amoris ; et dicit quod ab illis qui recte audiunt divina hoc
sancitur, quod in eadem virtute et significatione
accipitur a sanctis theologis qui canonicas Scripturas
ediderunt, nomen dilectionis et amoris, secundum ea quae eis
a Deo manifestata sunt vel quae ipsi de Deo manifestaverunt. Utrumque enim
nomen est significativum cuiusdam virtutis unitivae, inquantum unit amantem
amato, prout utrumque idem desiderant ; et coniunctivae, prout utrumque
coniungitur convenientiae alterius secundum inclinationem, secundum quam duo
amantia se habent ad invicem ; et differenter concretivae, secundum quod in
tali coniunctione salvatur differentia utriusque amantium, quorum quandoque
unum est superius aliud inferius ; et haec quidem virtus praeexistit in
pulchro et bono, scilicet in Deo qui amat et se et alia propter suam
pulchritudinem et bonitatem. Et iterum haec virtus attribuitur rebus creatis
a Deo, qui est pulcher et bonus, propter pulchrum et bonum, quod
est proprium obiectum amoris. Nihil enim amatur, nisi secundum quod habet
rationem pulchri et boni. Et haec quidem virtus continet coordinata,
idest aequalia secundum quod sic se habent ad invicem quod alternatim sibi
invicem communicant sua. Movet etiam virtus amoris
superiora ad providendum inferioribus et collocat minus habentia,
idest inferiora in superioribus inquantum convertit haec ad illa sicut ad
proprium bonum quod habent in illis. Et haec supra exposita
sunt. |
Leçon 9 (19a) : De l’Amour.394. Après avoir déterminé du beau et du bien qui poussent à l’amour, Denys traite ici le l’amour en lui-même ; et en premier, en ses propres mots ; deuxièmement, au moyen des paroles de Hiérothée, lorsqu’il dit (179) : Et ces choses, notre noble… (leçon 12a). 395. Au sujet du premier point, il fait deux choses
: d’abord, il traite de l’amour divin ; deuxièmement, il montre comment on
dit de Dieu qu’Il est à la fois amour et aimable lorsqu’il dit (173) : Cependant,
qu'est-ce que… (leçon 11a) 396. Au sujet de l’amour divin, il fait trois choses : premièrement, il traite de l’amour en lui-même ; deuxièmement, de l’extase, qui est un effet de l’amour, là où il dit (168) : Il est cependant…, (leçon 10a) ; troisièmement, il traite du zèle, qui est une certaine espèce d’amour, là où il dit (172) : C’est pourquoi…à la même leçon. 397. Au sujet de l’amour, il fait deux choses : premièrement, il traite de l’amour ; deuxièmement, il écarte une objection là où il dit (170) : Et quelqu’un ne… 398. Au sujet du premier point, il fait deux choses : d’abord, il montre comment Dieu est objet d’amour ; deuxièmement, comment Dieu aime, là où il dit (159) : Ce discours compte… 399. Au sujet du premier point, il fait trois choses : d’abord, il montre quel est l’objet de l’Amour ; deuxièmement, il montre comment l’amour est unique par rapport à chacun, là où il dit (157) : et c'est à cause de Lui… ; troisièmement, il montre ce que produit l’amour chez les amants, là où il dit (158) : et toutes… 400. Il dit donc en premier que, de ce que le Beau
et le Bien est la finalité de toute chose, il suit de là que le Beau, qui
est aussi le Bien, est aimable par tous, désirable et préférable,
parce que l’objet du désir et de l’amour est le Beau et le Bien. 401. Mais pour manifester davantage ce qui vient
d’être dit, il faut considérer que l’amour se rapporte à la partie appétitive
de l’âme. Cependant, l’amour est la racine première et commune à toutes les
opérations de la partie appétitive ; c’est ce qui devient évident à celui qui
examine les cas particuliers : rien n’est désiré s’il n’est d’abord aimé ; et
rien ne se réjouit de la chose qu’il possède si ce n’est parce qu’il l’aime ;
et personne ne s’attriste d’une chose, si ce n’est parce qu’elle est
contraire à ce qu’il aime. Et c’est pour cette raison qu’il faut que la
définition de l’amour se comprenne à partir de ce qui se présente comme
l’objet commun de l’appétit. Et cet objet est le bien. On dit donc qu’une
chose est aimée selon que l’appétit de celui qui aime se rapporte à elle
comme à son bien. Donc le rapport même ou l’adaptation de l’appétit à une
chose comme à son bien se nomme amour. Et tout ce qui est ordonné à une chose
comme à son bien la possède déjà d’une certaine manière et est comme uni à
elle, au moins selon une similitude de proportion, tout comme la forme d’une
certaine manière est déjà dans la matière pour autant qu’elle a rapport avec
elle et qu’elle est apte à s’y unir. Il arrive cependant que le bien aimé
soit totalement absent de l’amant et c’est ainsi qu’est causé dans l’amant le
désir de l’objet aimé ; parfois cependant cet objet lui est totalement
présent et c’est ainsi qu’apparaît la délectation ou la joie chez celui qui
aime ; et au contraire, de son absence naissent chez lui la crainte et la
tristesse et par conséquent toutes les autres affections qui en découlent. 402. Ainsi donc il est évident en quoi diffèrent
les mots qu'emprunte Denys, à savoir désirable et aimable ; car le
désir est un certain effet de l’amour. Cependant en disant préférable,
il détermine une certaine manière d’aimer : comme en effet l’amour se
rapporte à l’appétit, les sortes d’amour découlent des sortes d’appétit. Mais
l’appétit le plus imparfait qui existe est l’appétit naturel, qui est
dépourvu de toute connaissance et qui n’implique rien d’autre que la seule
inclination naturelle. Au-dessus de lui se retrouve l’appétit sensible qui
suit la connaissance sensible, mais qui est dépourvu de libre arbitre. Mais
l’appétit le plus élevé est celui qui comporte à la fois connaissance et
libre arbitre : d’une certaine manière en effet cet appétit se meut lui-même,
ce qui fait que l’amour qui lui correspond est le plus parfait et se nomme
préférence, selon que l’amant discerne par son libre arbitre ce qui doit être
aimé. 403. Ensuite, lorsqu’il dit (157) : et c'est à cause de Lui…, il montre comment l’amour se rencontre dans des cas particuliers par rapport à des cas particuliers. 404. D’où il faut considérer que puisque l’amour
comporte un rapport entre l’appétit de l’amant et le bien, il y a autant de
modalités pour une chose d’être aimée qu’il y a de modalités pour une chose
de se présenter à une autre comme un bien. Ce qui, en vérité, se produit de
deux manières ; car le bien, tout comme l’être, se dit de deux manières :
d’une manière en effet, l’être se dit d’abord, au sens propre et strict, de
ce qui subsiste comme par exemple la pierre et l’homme ; en un autre sens,
l’être se dit de ce qui ne subsiste pas en soi, mais de ce par quoi quelque
chose existe, comme la blancheur qui ne subsiste pas en elle-même mais qui
est ce par quoi quelque chose est blanc. C’est donc ainsi que le bien se dit
de deux manières : premièrement, comme quelque chose qui subsiste dans la
bonté ; deuxièmement, comme le bien que possède un être, et par lequel
quelqu’un s'en trouve heureux. Ainsi donc une chose est aimée de deux façons
: premièrement, sous le rapport d’un bien subsistant et alors un être est aimé
au sens propre et strict quand nous voulons qu’il lui arrive du bien ; et cet
amour est nommé par plusieurs amour de bienveillance ou d’amitié ;
deuxièmement, une chose est aimée à la manière d’un bien présent dans un
être, et c’est en ce sens que nous disons que quelque chose est aimé, non pas
parce que nous voulons qu’un bien lui arrive, mais parce que nous désirons
que par lui un bien arrive à quelqu’un ; et c’est ainsi que nous disons que
nous aimons la science ou la santé. 405. Et rien ne s’oppose à ce que nous aimions
aussi de cette manière les réalités qui subsistent en elles-mêmes, non pas en
tant que réalités subsistantes, mais parce que nous poursuivons à travers
elles une perfection ; tout comme nous disons aimer le vin non pour lui-même
en tant que substance, pour qu’il lui arrive un bien, mais pour que par lui
un bien nous arrive, soit que nous nous délections de sa saveur, soit que
nous nous nourrissions de ses humeurs. Mais tout ce qui est par accident se
ramène à ce qui est par soi. Ainsi donc, cela même que nous aimons parce que
c’est ce grâce à quoi un bien arrive à un autre, cela est compris dans
l’amour de celui que nous aimons comme étant celui à qui nous voulons du
bien. En effet, ce n’est pas par ce qui existe par accident mais par ce qui
existe par soi qu’une chose est rendue préférable à une autre ; il faut donc
certes entendre la diversité des amours d’après les choses que nous aimons de
manière à leur vouloir du bien. 406. Et parce que nous aimons une chose dans la mesure où elle est un bien pour nous, il faut que l’amour varie d’autant de manières qu’il y a de manière pour une chose d’être un bien pour une autre. Ce qui se produit de quatre manières : premièrement, selon qu’une chose est son propre bien et ainsi une chose s’aime elle-même ; deuxièmement, selon qu’une chose fait un avec une autre par manière de ressemblance et ainsi une chose aime ce qui lui correspond dans un même ordre de choses, comme lorsqu’un homme aime un autre homme, les deux étant de même espèce, comme un citoyen aime son concitoyen ou comme un frère aime son frère ; troisièmement, une chose est le bien d’une autre parce qu’elle lui appartient comme la main appartient à l’homme ou plus universellement comme la partie appartient au tout ; enfin, selon qu’au contraire le tout est le bien de la partie : la partie en effet n’est parfaite que dans le tout et c’est pourquoi la partie aime naturellement le tout et est prête à se sacrifier spontanément pour le salut du tout. En effet, ce qui est supérieur dans les êtres se compare à l’inférieur comme le tout à la partie dans la mesure où cela même que le supérieur possède à la perfection et totalement n’est possédé par l’inférieur qu’imparfaitement et en partie et dans la mesure aussi où le supérieur contient en lui de nombreux inférieurs. 407. C’est pourquoi Denys présente ici quatre sortes d’amour : le premier, selon lequel l’inférieur aime son supérieur ; et c’est ce qu’il signifie en disant qu’à cause du Bien et du Beau et grâce à Lui, les moindres, c’est-à-dire les inférieurs, aiment les meilleurs, à savoir les supérieurs, en se tournant vers eux, car c’est en eux qu’ils trouvent leur perfection ; deuxièmement, il présente la sorte d'amour par laquelle les choses aiment celles qui leur sont égales ; et il dit que les choses qui sont ordonnées, c’est-à-dire disposées selon un même ordre, aiment celles qui leur correspondent, à savoir celles qui appartiennent à une même communauté, dans la mesure où elles communiquent avec elles soit selon l’espèce, soit selon un autre rapport ; troisièmement, il présente la sorte d'amour par laquelle les réalités supérieures aiment les inférieures ; et il dit alors que les meilleures, à savoir les supérieures, aiment les moindres, à savoir les inférieures, d’une manière providentielle en pourvoyant au bien des réalités qui sont contenues sous elles ; quatrièmement, il présente la sorte d'amour par laquelle certaines s’aiment elles-mêmes et il dit que les individus s’aiment eux-mêmes comme par embrassement, à savoir dans la mesure où chacun se conserve en soi-même. 408. Ensuite, lorsqu’il dit (158) : et le beau rend toute chose…, il montre ce que produit l’amour chez celui qui aime. En effet, parce que l’amour est la racine commune de toute la partie appétitive, il faut que toute opération de la partie appétitive soit causée par l’amour, ainsi que nous l’avons dit (401). Et parce que toute opération d’une chose est causée par l’appétit, il s’ensuit que l’amour est la cause de toutes les actions d’une chose. Et c’est ce qu’il dit, à savoir que c’est à partir du désir du Beau et du Bien que toute chose fait ou veut quelque chose, quoiqu’elle fasse ou qu'elle veuille. Et il prend ici le désir pour l’amour, car il en est un effet, ainsi que nous l’avons vu (402). 409. Ensuite, lorsqu’il dit (159) : Ce discours compte…, il montre comment Dieu aime ; et il dit que nous pouvons dire avec confiance que Dieu, qui est la cause de tout, à cause de son extrême bonté, aime toute chose et que c’est par amour qu’Il fait toutes les choses en leur donnant l’être, qu’il les achève en les comblant des perfections qui leur sont propres, qu’il les embrasse toutes en les conservant dans l’être et qu’il les convertit toutes à Lui, c'est-à-dire qu'Il les ordonne toutes à Lui comme à leur fin ; et ainsi nous disons que l’amour divin est bon et qu’il appartient au Bien, c’est-à-dire à Dieu comme à un amant qui est auprès du bien comme auprès de son objet. Dieu en effet aime toute chose à cause de sa bonté. Et pour expliquer ce qu’il vient de dire, il ajoute que l’amour par lequel Dieu aime toutes les choses est celui qui produit la bonté en elles ; et c’est à cause de cela qu’il dit que le bien lui-même, comme tout ce qui se retrouve dans les créatures et se rapporte à leur perfection, existe en Dieu selon une modalité plus excellente encore puisqu’il préexiste dans le Bien, à savoir en Dieu, de la manière la plus excellente et comme en sa cause ; c’est à cause de cela qu’il avait dit que l’amour divin est celui du bien ; ici, dit-il, l’amour divin ne se permit pas de demeurer en lui-même sans progéniture, c’est-à-dire sans produire les créatures, mais son amour au contraire le mut à agir selon le mode d’action le plus excellent en amenant toute chose à exister. Par amour pour sa propre bonté, il continua de telle sorte qu’il voulut étendre et communiquer sa bonté aux créatures dans la mesure du possible, c’est-à-dire par mode de ressemblance, de telle sorte qu’ainsi sa bonté ne demeure pas seulement en lui mais s’écoule aussi en elles. 410. Et lorsqu’il dit (160) : Et qu'on ne…, il écarte ici une objection : en effet il pourrait sembler à quelqu’un que le nom ‘amour’ signifie toujours une passion naturelle et que pour cela on ne devrait pas l’utiliser pour l’appliquer aux réalités divines. Il écarte cependant cette objection d’abord certes au moyen d’un raisonnement ; deuxièmement, au moyen d’un argument d’autorité, là où il dit (163) : Mais afin que nous ne… 411. Au sujet du premier point, il fait deux choses ; premièrement, il dit que l’objection est absurde ; ensuite, il apporte un raisonnement, là où il dit (161) : Il faut cependant… 412. Il dit donc en premier que nul ne doit penser que nous attribuions à Dieu le nom ‘amour’ en allant à l’encontre de la coutume et en désaccord avec les saintes Écritures. En effet je crois qu’il est irrationnel et faux pour un homme de ne pas s’attacher avant tout à l’importance de l’intention, c’est-à-dire à ce que quelqu’un cherche à signifier au moyen du nom, mais d'en rester aux noms eux-mêmes ; et ce reproche ne s’adresse pas à ceux qui veulent comprendre ce qu’il y a d’intelligible en Dieu, mais à ceux qui considèrent superficiellement les noms et les sons de voix eux-mêmes sans juger de leur signification et qui de plus maintiennent les sons de voix comme à l’extérieur d'eux-mêmes, c’est-à-dire qu’ils les laissent parvenir jusqu'à leurs oreilles seulement, de sorte qu’ils ne puissent parvenir plus loin, c'est-à-dire jusqu’à l'intelligence de ces noms ; cela s’adresse à ceux qui ne veulent pas voir ce que signifie tel mot et comment il arrive d’expliquer un mot par d’autres paroles plus évidentes et qui signifient la même chose. Car ceux-là ne sont atteints que par les éléments eux-mêmes, c’est-à-dire par les lettres, les syllabes et les lignes, à savoir par les configurations sensibles écrites et non par ce qui est intelligible, car dans ce cas les sons des paroles ne se rendent pas jusqu’à la partie intellectuelle de l’âme, mais s’arrêtent à proximité des lèvres de ceux qui parlent et des oreilles de ceux qui entendent, de sorte qu’il n’est pas possible à leurs yeux que le nombre quatre soit signifié par deux fois deux, qu'avoir des lignes droites le soit par rectiligne ou que terre maternelle puisse l'être par patrie. Et il en est de même pour certaines autres locutions dans lesquelles il arrive qu’une même intention soit signifiée par des termes différents. Ceux-là, en recevant les paroles, ne sont touchés que par les sons de voix et non par l’intention intelligible, car ils ne sont affectés que par les sons eux-mêmes sans rechercher leur signification. 413. Ensuite, lorsqu’il dit (161) : Il faut cependant…, il donne la raison de ce qu’il vient de dire ; et premièrement qu’il ne faut pas s’attacher aux sons de voix quand les significations apparaissent clairement ; deuxièmement, qu’il faut se servir des sons de voix les plus évidents, là (162) où il dit : Quand cependant… 414. Il dit donc en premier qu’il faut voir, conformément à la raison droite, que nous nous servons des éléments, à savoir des sons de voix, des syllabes, des mots et des discours, qu’ils soient écrits ou parlés, à cause des sens eux-mêmes, c’est-à-dire à cause de l’ouïe et de la vue. Mais quand notre âme s’est élevée à la participation des réalités intelligibles au moyen de l’opération intellectuelle, alors la contribution des sens à la perception des réalités sensibles devient inutile car celle-ci n’est qu’une préparation à la saisie des réalités intelligibles ; alors quand nous parvenons au terme, nous nous écartons du chemin qui y conduit et ainsi quand l’intention poursuivie par l’intelligence au moyen des sons de voix devient évidente, c’est alors que cesse ce rôle joué par ces sons de voix au moyen desquels cette intention est signifiée. Et pour montrer que cela n’est pas discutable, il donne un exemple qui présente la même analogie en disant que les puissances intellectuelles de notre raison naturelle deviennent elles aussi de trop quand notre âme, façonnée par Dieu, s’élance librement vers les réalités divines et qu’elle le fait non par un élan des yeux corporels, mais par un élan de la foi, à savoir par un abandon à l’action de la lumière divine inconnue et inaccessible qui s’unit et se communique à nous. En effet, alors que nous considérons les réalités qui sont de l’ordre de la foi, nous n’en jugeons pas au moyen de notre raison naturelle ; de même, lorsque nous voulons saisir une vérité au moyen de notre intelligence, ce n’est pas au moyen des sons de voix qu’il faut en juger. 415. Ensuite, lorsqu’il dit (162) : Quand cependant…, il montre qu’il faut davantage utiliser les noms qui sont les plus évidents ; et il dit que quand notre esprit s’applique à s’élever à la contemplation intellectuelle au moyen des signes sensibles, alors ce sont les espèces sensibles qui traduisent ou révèlent le plus clairement les intentions intellectuelles qui sont les plus précieuses ou les plus utiles, tout comme les discours les plus clairs le font pour les réalités sensibles les plus évidentes. Mais quand cela même qui s'offre aux sens dans le monde sensible est déjà obscur, alors les sens eux-mêmes deviennent inaptes à représenter adéquatement les réalités sensibles à l’esprit, de sorte que ce qui est intelligible ne peut être saisi à partir du sensible. Et alors, puisque le nom ‘amour’ est plus clair et plus communément répandu que le nom ‘dilection’, on doit l’utiliser de préférence pour signifier l’intention intelligible visée par notre propos. 416. Ensuite, lorsqu’il dit 163) : Mais afin que nous ne…, il manifeste la même conclusion par l’autorité des Écritures ; et à ce sujet il fait trois choses : premièrement, il montre comment les saintes Écritures se servent du nom ‘amour’ pour parler des réalités divines ; deuxièmement, comment certains estimaient plus convenable d’utiliser le nom ‘amour’ que le nom ‘dilection’, là où il dit (164) : Bien que… ; troisièmement, il montre qu’il faut se servir indifféremment de l’un et de l’autre, là où il dit (167) : Par tous ceux qui entendent… 417. Il dit donc en premier que, afin qu'il ne paraisse pas présenter les raisons précédentes comme s'il voulait aller à l’encontre des saintes Écritures, il présente ces arguments d’autorité tirés des Écritures contre ceux qui condamnent l’usage du nom ‘Amour’ pour traiter des choses divines, dont celui-ci : ¨Aime-la et elle te servira¨, selon une traduction qui n’est pas de nous ; la nôtre cependant dit, par rapport à ce passage du livre des Proverbes (4, 6) : ¨Honore-la, à savoir la sagesse, et elle te servira…étreins-la et elle te réjouira, et tu seras glorifié par elle quand tu l’auras embrassée¨. Et l’on retrouve de nombreux autres passages dans les Écritures qui ont été écrits à la louange de l’amour chez les théologiens de l’amour dans le Cantique des Cantiques. 418. Ensuite, lorsqu’il dit (164) : Bien que…, il montre que plusieurs ont estimé devoir préférer le nom ‘amour’ dans le domaine du divin ; et à ce sujet il fait trois choses : d’abord, il présente l’opinion des autres ; deuxièmement, il dit ce qu’il lui en semble lorsqu’il dit (165) : à moi en effet… ; troisièmement, il présente l’argument supportant l’opinion des autres quand il ajoute (166) : à cause de cela cependant… 419. Il dit donc qu’aux yeux de certains des docteurs qui traitèrent des livres sacrés, bien qu’ils ne composèrent pas les Livres canoniques, le nom ‘amour¨ convenait davantage aux choses divines que le nom ‘dilection’. D’où Ignace le Martyre, en écrivant au sujet du Christ, a dit : ‘mon amour’, à savoir le Christ dans lequel je mets tout mon amour, ¨fut crucifié¨. Philon, dans le livre qu’il fit pour introduire aux livres saints, intitulé De la Sagesse divine, dit : ¨Je suis devenu amoureux de sa beauté¨, ainsi qu'on le lit au livre De la Sagesse (8, 2.). D’où il est évident que le livre de la Sagesse ne fait pas encore partie des Livres canoniques. D’où on conclut que nous ne devons pas craindre de nous servir du nom ‘amour’ et qu’une objection qui chercherait à jeter un doute à ce sujet ne doit pas nous en détourner. 420. Ensuite, lorsqu’il dit (165) : à moi en effet…il montre ce qui lui en semble ; et il dit qu’il lui apparaît que ceux qui composèrent les saintes Écritures se servirent communément et indifféremment du nom ‘dilection’ et du nom ‘amour’. 421. Ensuite, lorsqu’il dit (166) : à cause de cela…il présente la raison pour laquelle certains disent devoir se servir davantage du nom ‘amour’ dans les écrits divins ; et il dit que si le nom ‘amour’ est appliqué aux choses divines, il semble que ce soit pour cette raison, à savoir pour écarter l’interprétation de ceux qui se servent de ce mot d’une manière grossière ; car tandis que le véritable amour est loué comme convenant à Dieu, non seulement par nous qui présentons les Saintes Écritures, mais aussi par ces Écritures elles-mêmes, la foule des hommes sots qui est incapable de saisir la simplicité signifiée par le nom d’amour divin, se laisse entraîner selon son habitude vers l’amour que l’on retrouve dans les réalités corporelles, lequel est multiple et divisé : car un tel amour est incapable de trouver en une seule chose tout ce dont il a besoin et alors il se disperse dans la multiplicité ; et si pendant un temps il trouve sa satisfaction en une chose, cependant il n’y persévère pas mais il cherche naturellement ce qui lui plaît dans les réalités les plus diverses. Et c'est ce qui se produit dans les choses corporelles car ces dernières sont multiples et divisées. Cette sorte d’amour, tout comme le bien divisé, n’est cependant pas le véritable amour, puisque ce qui peut être divisé n’est pas le bien véritable et parfait contrairement au bien indivisible qui est éminemment un ; en effet, le bien et l’un se rencontrent, ainsi que Boèce le prouve au troisième livre de son traité intitulé De la Consolation. 422. Et cet amour corporel est une certaine idole, c’est-à-dire une image du véritable amour ou même une caricature ou une détérioration du véritable amour. Et les multitudes s’abandonnent à cet amour parce qu’elles ne peuvent saisir la simplicité de l’amour divin ; et c’est pour cela que ce terme, apparaissant pour ainsi dire fâcheux à plusieurs, c’est-à-dire inconvenant, fut néanmoins attribué à la Sagesse divine afin que, de leur affaissement dans les réalités inférieurs, ces derniers soient poussés vers la connaissance du véritable amour et qu’ils se délivrent de l’obstacle que ce terme présentait à leurs yeux ; il en est de même aussi pour d’autres noms de Dieu, auxquels des réalités corporelles encore plus humbles sont fréquemment attribuées afin que l’esprit soit poussé à ne pas y demeurer, mais plutôt à comprendre par ce moyen que Dieu est au-dessus de toutes ces réalités, ainsi qu’on l’a déjà dit au deuxième chapitre de la Hiérarchie des Anges. Et c’est pourquoi les Écritures saintes attribuent à Dieu le nom ‘amour’, à savoir parce que nous nous en servons davantage pour désigner l’amour bas et charnel. 423. En revanche, dit-il, il serait inconvenant de croire, selon ce qui apparaît clairement dans les Écritures, qu’il existe des zèles ou des amours terrestres dans les réalités divines qu'on voit être nommées par le terme dilection. C'est ainsi que David dit, dans ce passage du deuxième Livre de Samuel (1, 26), selon cette traduction qui n’est pas de nous :¨Ton amour est tombé sur moi comme l’amour des femmes¨, mais que nous avons en vérité traduit ainsi : ¨ Je suis affligé pour toi, mon frère Jonathan, tu m'étais délicieusement cher ; ton amitié m'était plus merveilleuse que l’amour des femmes.¨ 424. Ensuite, lorsqu’il dit (167) : Par ceux qui entendent…il montre comment sont reçus selon les Écritures les noms de dilection et d’amour ; et il dit qu’auprès de ceux qui s’y entendent correctement au sujet de Dieu, il est convenu que les saints théologiens qui produisirent les Livres canoniques accordent la même portée et la même signification aux noms ‘dilection’ et ‘amour’, soit d'après ce que Dieu leur manifesta, soit d'après ce qu’ils manifestèrent de Dieu. En effet l’un et l’autre nom renvoient à une puissance d’unité, signifiant l’unité de l’amant et de l’aimé dans la mesure où l’un et l’autre désirent une seule et même chose ; et ils renvoient aussi à une puissance d’union, selon que l’un et l’autre s’unissent ensemble dans l’harmonie par une inclination naturelle grâce à laquelle les deux amants se trouvent ensemble ; et à celle d’un rassemblement dans les différences, selon que dans une telle union sont conservées les différences propres à chacun des amants, dont parfois l’un est supérieur et l’autre inférieur ; et cette puissance préexiste dans le Beau qui est aussi le Bien, à savoir en Dieu qui aime à la fois Lui-même et les autres à cause de sa beauté et de sa bonté. 425. Et encore une fois cette puissance est attribuée aux choses créées par Dieu, lequel est le Beau qui est aussi le Bien, à cause du Beau et du Bien qui est l’objet propre de l’amour. En effet, rien n’est aimé s’il ne se rapporte au beau et au bien. Et cette puissance embrasse certes les réalités qui sont du même ordre, à savoir celles qui sont égales selon qu’elles sont dans une relation telle qu’elles se communiquent les unes aux autres alternativement. De plus la puissance de l’amour meut les réalités supérieures à pourvoir aux besoins des inférieures et elle établit dans les réalités supérieures celles qui ont moins, c’est-à-dire les réalités inférieures, selon qu’elle tourne celles-ci vers celles-là dans lesquelles elles trouvent leur bien propre, ce que nous avons déjà expliqué plus haut (404-407). |
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LECTIO 10 [84853] In De divinis
nominibus, cap. 4 l. 10 Postquam Dionysius determinavit de amore, hic
determinat de extasi quae est effectus amoris et circa hoc, tria facit :
primo, proponit extasim esse amoris effectum ; secundo, manifestat hoc in
creaturis ; ibi : et monstrant et cetera ; tertio,
manifestat hoc in Deo ; ibi : audendum et cetera. Circa
primum, considerandum est quod haec est differentia inter vim cognoscitivam
et appetitivam, quia actus virtutis cognoscitivae est secundum quod cognita
sunt in cognoscente, actus autem virtutis appetitivae est secundum
inclinationem quam habet appetens ad rem quae appetitur. Prima autem operatio
appetitus est amor, ut supra dictum est, unde amor importat primam
inclinationem appetitus in rem secundum quod habet rationem boni, quod est
obiectum appetitus. Sicut autem ens dupliciter dicitur, scilicet de eo quod
per se subsistit et de eo quod alteri inest, ita et bonum : uno modo, dicitur
de re subsistente quae habet bonitatem, sicut homo dicitur bonus ; alio modo,
de eo quod inest alicui, faciens ipsum bonum, sicut virtus dicitur bonum
hominis, quia ea homo est bonus ; similiter enim albedo dicitur ens, non quia
ipsa sit subsistens in suo esse, sed quia ea aliquid est album. Tendit ergo amor dupliciter in aliquid : uno modo, ut in bonum
substantiale, quod quidem fit dum sic amamus aliquid ut ei velimus bonum,
sicut amamus hominem volentes bonum eius ; alio modo, amor tendit in aliquid,
tamquam in bonum accidentale, sicut amamus virtutem, non quidem ea ratione
quod volumus eam esse bonam, sed ratione ut per eam boni simus. Primum autem
amoris modum, quidam nominant amorem amicitiae ; secundum autem, amorem
concupiscentiae. Contingit autem, quandoque, quod etiam aliqua bona
subsistentia amamus hoc secundo modo amoris, quia non amamus ipsa secundum
se, sed secundum aliquod eorum accidens ; sicut amamus vinum, volentes potiri
dulcedine eius ; et similiter, cum homo propter delectationem vel utilitatem
amatur, non ipse secundum se amatur, sed per accidens. In utroque igitur modo
amoris, affectus amantis per quamdam inclinationem trahitur ad rem amatam,
sed diversimode : nam in secundo modo amoris, affectus amantis trahitur ad
rem amatam per actum voluntatis, sed per intentionem, affectus recurrit in
seipsum ; dum enim appeto iustitiam vel vinum, affectus quidem meus
inclinatur in alterum horum, sed tamen recurrit in seipsum, quia sic fertur
in praedicta ut per ea bonum sit ei ; unde talis amor non ponit amantem extra
se, quantum ad finem intentionis. Sed cum aliquid amatur primo modo amoris,
sic affectus fertur in rem amatam, quod non recurrit in seipsum, quia ipsi
rei amatae vult bonum, non ex ea ratione quia ei exinde aliquid accidat. Sic
igitur talis amor extasim facit, quia ponit amantem extra seipsum. Sed hoc
contingit tripliciter ; potest enim illud substantiale bonum, in quod
affectus fertur, tripliciter se habere : uno modo sic, quod illud bonum sit
perfectius quam ipse amans et per hoc amans comparetur ad ipsum ut pars ad
totum, quia quae totaliter sunt in perfectis partialiter sunt in imperfectis
; unde secundum hoc, amans est aliquid amati. Alio modo sic, quod bonum
amatum sit eiusdem ordinis cum amante. Tertio modo, quod amans sit perfectius
re amata et sic amor amantis fertur in amatum, sicut in aliquid suum. Sic
igitur cum affectus amantis fertur in amatum superius, cuius aliquid est ipse
amans, ipsum suum bonum amans ordinat in amatum ; sicut si manus amaret
hominem, hoc ipsum quod ipsa est in totum ordinaret, unde totaliter extra se
poneretur, quia nullo modo aliquid sui sibi relinqueretur, sed totum in
amatum ordinaret. Non autem ita est, cum aliquid amat sibi aequale vel id
quod infra se est : non enim una manus, si aliam amaret, totam se in aliam
ordinaret, neque homo amans suam manum, totum bonum suum in bonum manus
ordinat. Sic ergo aliquis debet Deum amare, quod nihil sui sibi relinquat,
quin in Deum ordinetur. Cum autem aequalia vel inferiora amat, sufficit quod
sit extra se exiens in illa ita dumtaxat quod non sibi soli intendat, sed
aliis ; nec oportet quod totaliter se in illa ordinet. Sic igitur amor
divinus dupliciter potest hic accipi : uno modo, amor quo Deus amatur et sic
exponenda est haec littera quod amor divinus facit extasim,
idest ponit amantem extra se, idest ordinat ipsum in Deum ita quod non permittit
ipsos amatores esse sui ipsorum, sed rerum divinarum quae
amantur, quia nihil sui sibi relinquunt quin in Deum ordinent. Alio modo,
potest intelligi amor divinus qui est a Deo derivatus, non solum in Deum, sed
etiam in alia, scilicet aequalia vel inferiora et sic intelligendum est
: non dimittens amatores esse sui ipsorum tantum, sed
amatorum, idest eorum quae amantur, quia amor facit quod non solum sibi
intendant, sed etiam aliis. Deinde, cum dicit : et monstrant et
cetera, manifestat quod dixerat, in creaturis ; et primo, per inductionem ;
secundo, per auctoritatem ; ibi : propter quod et cetera.
Dicit ergo primo quod praedictum effectum amoris, demonstrant superiora per
providentiam quam faciunt de inferioribus ; in hoc enim quodammodo extra se
ponuntur, quod aliis intendunt ; et similiter, monstrant coordinata, idest
aequalia, per continentiam qua se invicem continent, prout scilicet, unum ab
altero iuvatur et fovetur ; et monstrant etiam inferiora per hoc quod
divinius convertuntur in sua superiora, ut in quibus eorum bonum existit. In omnibus enim his apparet quod aliquid extra se exit, dum ad alterum
convertitur. Utitur autem hic genitivis pro ablativis, quia
Graeci ablativis carent. Deinde, cum dicit : propter quod et
cetera, ostendit idem per auctoritatem ; et dicit quod propter hoc quod amor
non permittit amatorem esse sui ipsius, sed amati, magnus Paulus constitutus
in divino amore sicut in quodam continente et virtute divini
amoris faciente ipsum totaliter extra se exire, quasi divino
ore loquens dicit, Galat. 2 : vivo ego, iam non ego, vivit autem in
me Christus scilicet quia a se exiens totum se in Deum proiecerat,
non quaerens quod sui est, sed quod Dei, sicut verus amator et passus
extasim, Deo vivens et non vivens vita sui
ipsius, sed vita Christi ut amati, quae vita erat sibi
valde diligibilis. Deinde, cum dicit : audendum et cetera,
dicit quod praedicta operatio amoris etiam in Deo invenitur, dicens
quod hoc audacter dicendum est pro veritate,
idest veritatem hanc audacter faciente ; vel pro veritate, idest
pro vero hoc asserendo, quod ipse qui est omnium
causa per suum pulchrum et bonum amorem quo omnia amat, secundum
abundantiam suae bonitatis qua amat res, fit extra seipsum, inquantum
providet omnibus existentibus per suam bonitatem et amorem vel dilectionem et
quodammodo trahitur et deponitur quodammodo a sua
excellentia, secundum quod supra omnia existit et ab omnibus
segregatur, ad hoc quod sit in omnibus, per effectus suae bonitatis,
secundum quamdam extasim, quae tamen sic ipsum facit in omnibus inferioribus
esse, ut supersubstantialis eius virtus non egrediatur ab ipso. Sic enim implet omnia quod ipse in nullo evacuetur sua virtute. Quod
quidem addit, ut per hoc quod dixerat : deponitur, non
intelligatur aliqua minoratio, sed hoc solum quod se inferioribus ingerit
propter suae bonitatis participationem. Deinde, cum dicit : propter
quod et cetera, determinat de zelo, qui importat quamdam intensionem
amoris ; et dicit quod, quia operatio amoris excellentissime in Deo
invenitur, propter hoc illi qui sunt excellentes in cognitione divinorum
nominant Deum Zelotem, ut patet Exod. 20 : ego dominus Deus tuus
Zelotes, quia habet multum de amore bono ad existentiam creaturarum.
Zelus autem importat intensionem amoris ; quae quidem intensio contingit
quandoque in hominibus, quia homo volens singulariter possidere quod amat,
non patitur illud ab alio amari et secundum hoc quidam diffiniunt zelum
dicentes : zelus est amor intensus non patiens consortium in amato. Sed hoc
excludit a divino zelo, cum subdit quod excitat omnia ad zelum sui desiderii
amativi ; facit enim quod illud quidem quod amat ipse, etiam ab aliis ametur.
Invenitur etiam in zelo et amore humano, alia conditio per quam differt a
divino : amor enim in nobis causatur et similiter zelus ex pulchritudine et
bonitate ; non enim ideo aliquid est pulchrum quia nos illud amamus, sed quia
est pulchrum et bonum ideo amatur a nobis ; voluntas enim nostra non est
causa rerum, sed a rebus movetur ; voluntas autem Dei est causa rerum et ideo
amor suus facit bona ea quae amat et non e converso : quia sua bonitas movet
seipsum in seipso, quod non facit nostra ; et hoc est quod dicit quod Deus
dicitur Zelotes, sicut per quem fiunt zelabilia,
idest intense amabilia, ea quae sunt volita vel desiderata ab
ipso vel a quibuscumque aliis. Contingit autem, quandoque, quod etiam nos
facimus quaedam amabilia quae sunt ex opere nostro, sed tamen non omnia quae
operamur amabilia sunt ; facimus enim interdum mala et defectiva opera ; Deus
autem omnia quae facit, ex hoc ipso sunt bona et amabilia ; et hoc est quod
subdit quod Deus dicitur Zelotes, sicut omnibus quae per eius providentiam
proveniunt, existentibus zelabilibus, idest amabilibus intense.
Sic igitur, finito eo quod dicere intendebat de bono et pulchro et amore,
subiungit, quasi ex praemissis colligendo, quod amabile et amor
totaliter est pulchri et boni. Sic amor et praeexistit in pulchro et bono
sicut in subiecto, quamvis non proprie dici possit primum pulchrum et bonum,
scilicet Deus, subiectum alicuius ; et iterum, propter pulchrum et bonum fit
et praeexistit amor et amabilitas in rebus, sicut propter causam. |
Leçon 10 (20a) : De l’Extase et du Zèle.426. Après avoir fait son exposé sur l’amour, Denys traite ici de l’extase qui est un effet de l’amour et à ce sujet il fait trois choses : premièrement, il se propose de montrer que l’extase est un effet de l’amour ; deuxièmement, il le manifeste chez les créatures, là où il dit (169) : Et elles montrent… ; troisièmement, il le manifeste chez Dieu là où il dit (171) : Osons dire… 427. Concernant le premier point, il faut
considérer cette différence entre les puissances cognitives et appétitives, à
savoir que pour ce qui est des premières, les réalités connues existent en
quelque sorte dans le sujet qui connaît alors que pour les secondes, les
puissances appétitives, le sujet qui désire tend par une inclination
naturelle vers la chose qu’il désire à l’extérieur de lui. Mais la première
opération de l’appétit est l’amour ainsi que nous l’avons montré (401),
d’où il suit que l’amour porte en lui la première inclination de l’appétit
vers la chose selon que cette dernière a raison de bien, lequel est l’objet
de l’appétit. 428. Mais ainsi que l’être se dit de deux manières,
c’est-à-dire de ce qui subsiste par soi et de ce qui existe dans un autre, de
même le bien se dit de deux manières : en un premier sens, le bien se dit de
la réalité subsistante qui possède en elle un bien, comme l’homme dont on dit
qu’il est bon ; en un deuxième sens, le bien se dit de ce qui existe en lui
et qui le rend bon, comme on dit que la vertu est le bien de l’homme, grâce à
laquelle il est bon ; c’est de la même manière qu’on veut dire que la
blancheur existe, non parce qu’elle subsiste par elle-même dans une existence
qui lui est propre, mais parce que c’est grâce à elle que quelque chose est
blanc. C’est donc de deux manière que l’amour tend vers un objet : la
première, comme vers un bien substantiel, ce qui se produit lorsque nous
aimons une réalité de telle sorte que nous lui voulons du bien, comme quand
nous aimons un homme en lui voulant du bien ; la deuxième, lorsque l’amour
tend vers une chose comme vers un bien accidentel, par exemple nous aimons la
vertu non pas certes pour cette raison que nous voulons qu’elle soit bonne,
mais plutôt pour que grâce à elle nous soyons bons. La première sorte
d’amour, certains la nomment amour d’amitié tandis qu’ils réservent pour la
seconde le nom d’amour de concupiscence, de convoitise. 429. Il arrive cependant parfois que nous aimions
même certains biens subsistants d’un amour de concupiscence parce que nous ne
les aimons pas pour elles-mêmes, mais pour ce qu’elles possèdent : c’est
ainsi que nous aimons le vin lorsque nous désirons, en le buvant, jouir de sa
douceur ; ou encore, lorsqu’on aime un humain non pour lui-même mais par
accident, à cause du plaisir ou de l’utilité qu’il nous donne (405). 430. Ainsi donc, dans les deux sortes d’amour,
l’appétit de l’amant, par une certaine inclination, est attiré vers la chose
aimée, mais de deux manières différentes : car dans l’amour de concupiscence,
l’appétit de l’amant est attiré vers la chose aimée par un acte de la volonté
mais à cause de son intention, l’appétit revient vite en lui-même : en effet,
lorsque je désire la justice ou le vin, mon appétit incline vers l’un des
deux, mais cependant il revient vite sur lui-même parce qu’il se porte vers
ces réalités de telle manière qu’au moyen d’elles il lui arrive un bien ;
c’est pourquoi une telle sorte d’amour, à cause de la finalité visée par cet
amour, ne place pas l’amant en dehors de lui-même. Mais lorsqu’un être est
aimé d’un amour d’amitié, l'appétit de l'amant est porté vers la réalité
aimée de telle manière qu’il ne revient pas sur lui-même, parce que c’est à
la réalité aimée qu’il veut du bien et non pour cette raison qu’il voudrait
qu’au moyen d’elle il lui arrive ensuite un bien. Ainsi donc c’est cette
dernière sorte d’amour qui produit l’extase car c’est elle qui place l’amant
en-dehors de lui-même. 431. Mais cet amour d'amitié se produit de trois
façons ; en effet, ce bien substantiel peut se rapporter de trois manières à
l’appétit de l’amant : premièrement, selon que le bien est plus parfait que
l’amant lui-même et alors l’amant se compare au bien comme la partie au tout,
car ce qui existe en totalité dans ce qui est parfait n'existe qu'en partie
dans ce qui est imparfait ; par conséquent, selon ce rapport, l’amant est en
quelque sorte une partie de l’aimé. Deuxièmement, selon que le bien aimé est
du même rang que l’amant. Troisièmement, selon que l’amant est plus parfait
que ce qui est aimé et ainsi l’amour de l’amant se porte vers son objet comme
vers quelque chose qui lui appartient. 432. Ainsi donc, quand l’appétit de l’amant se
porte vers l’aimé comme vers un supérieur dont une partie est l’amant
lui-même, alors l’amant règle son bien lui-même en fonction de l’aimé ; par
exemple, si la main aimait l’homme, elle ordonnerait tout ce qu’elle est au
corps, d’où elle se placerait totalement en-dehors d’elle-même car de cette
manière il ne lui resterait rien en propre mais elle ordonnerait tout ce
qu’elle est à l’objet aimé, c'est-à-dire à l’homme. Il n’en est pas ainsi
quand un être en aime un autre de même rang ou qui lui est inférieur : en
effet, si une main en aimait une autre, elle ne se règlerait pas totalement
sur l’autre ; et un homme, même s’il aime sa main, ne règle pas son bonheur
sur le bien de sa main. Ainsi donc quelqu’un doit aimer Dieu de sorte qu’il
ne lui reste plus rien qui ne soit pas ordonné à Lui. Cependant, lorsqu’il
aime des pairs ou des inférieurs, il suffit qu’il sorte de lui-même vers eux
de sorte qu’il ne tende pas seulement à son seul bien propre mais aussi à
celui des autres tout comme il ne faut pas qu’il règle totalement sa vie sur
eux. 433. Ainsi donc l’amour divin peut s’entendre ici de deux façons : premièrement, de l’amour par lequel Dieu est aimé et c’est ainsi qu’il faut expliquer cette parole qui dit que l’amour divin produit l’extase, c’est-à-dire qu’il place l’amant hors de lui, c’est-à-dire qu’il l’ordonne à Dieu de telle sorte qu’il ne permet pas aux amants d’exister pour eux-mêmes mais pour les réalités divines qu’ils aiment, car il ne leur reste rien qui ne soit ordonné à Dieu. Deuxièmement, l’amour divin peut s’entendre de l’amour qui vient de Dieu, non seulement de celui qui est en Lui, mais aussi de celui qui est dans les autres, c’est-à-dire dans ceux qui nous sont de même rang ou de rang inférieur et c’est ainsi qu’il faut comprendre ce qui suit : n'abandonnant pas les amants seulement à ce qui leur est propre, mais aussi à ceux qu’ils aiment, c’est-à-dire à ceux qui sont aimés, car c’est l’amour qui fait qu’ils ne se contentent pas seulement de se replier sur eux-mêmes, mais de se tourner aussi vers les autres. 434. Ensuite, lorsqu’il dit (169) : Et ils montrent…il manifeste dans les créatures ce qu’il vient de dire ; et d’abord, par mode d’induction ; deuxièmement par un recours à l’autorité lorsqu’il ajoute (170) : C’est à cause de cela… 435. Il dit donc en premier que cet effet de
l’amour, à savoir l’extase, les réalités supérieures en font la preuve
au moyen de la providence qu’elles exercent à l’égard des réalités
inférieures ; c’est en cela en effet qu’elles sont placées d’une certaine
manière hors d’elles-mêmes puisqu'alors elles se tournent vers les autres ; et
de même, celles qui sont de même rang, à savoir les égales,
manifestent la même chose par le support qu'elles exercent les unes à l'égard
des autres, c’est-à-dire pour autant qu’elles s’entraident et s’entretiennent
mutuellement ; et même les réalités inférieures en témoignent
en ce sens qu’elles se tournent parfaitement vers celles qui leur sont
supérieures, comme vers celles chez lesquelles leur bien existe. Dans tous
ces cas en effet il apparaît qu’une réalité sort d’elle-même aussitôt qu’elle
se tourne vers une autre. On se sert ici du génitif au lieu de l’ablatif car
la langue grecque en est dépourvue. 436. Ensuite, lorsqu’il dit (170) : C’est à
cause de cela…il montre la même chose, mais par voie d’autorité ; et il
dit que c’est à cause de cela que l’amour ne permet pas à
l’amant d’exister pour lui-même, mais l’invite à exister pour l’aimé, comme
on le voit chez le grand Paul qui fut établi dans l’amour divin comme
dans une étreinte et par une puissance de l’amour divin qui le fit
sortir complètement de lui-même lorsqu’il dit, en parlant comme par la bouche
de Dieu, au deuxième chapitre de l’épître aux Galates (2, 20) :¨Je vis,
mais ce n’est pas moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi¨, à savoir
que parce qu’il était sorti de lui-même, il se projetait totalement en Dieu,
ne cherchant pas son bien propre mais celui de Dieu, comme un vrai amant
transporté dans l’extase, vivant de Dieu et ne vivant pas de sa propre vie
mais de celle du Christ, son Amour, laquelle lui paraissait de loin
préférable. 437. Ensuite, lorsqu’il dit (171) : Osons dire…il dit qu’il faut affirmer ceci hardiment comme une vérité, à savoir établir cette vérité avec audace, que l’opération de l’amour dont nous venons de parler, à savoir l’extase, se retrouve aussi en Dieu ; pour parler plus exactement, il faut soutenir comme une vérité, c'est-à-dire qu’il faut soutenir comme vrai que Lui-même, qui est la cause de toute chose, grâce à son amour beau et bon par lequel Il aime tout, conformément à l’abondance de sa bonté par laquelle il aime les choses, sort de Lui-même selon qu’Il pourvoit aux besoins de tout ce qui existe par sa bonté, son amour et sa charité, et que d’une certaine manière il se prolonge et s’abandonne dans l’existence de tous les êtres, selon une certaine extase mais conformément à Son existence qui demeure au-dessus et séparée de tout à cause de son excellence. Cette extase cependant est telle qu’il fait exister tous les êtres de telle sorte que sa puissance, qui est au-dessus de toute substance, ne sort pas de Lui. En effet il comble toutes les choses sans que sa puissance s’anéantisse dans aucune d’elles. C’est ce que Denys ajoute certes pour montrer que par le mot ‘s’abandonne’, il ne faut pas comprendre que Dieu soit diminué, mais seulement qu'il se communique aux créatures qui participent de sa bonté. 438. Ensuite, lorsqu’il dit (172) : À cause de
cela…il traite du zèle qui porte en lui une certaine intensité de l’amour
; et il dit que, parce que l’opération de l’amour se retrouve en Dieu de la
manière la plus excellente, ceux qui s’y connaissent le
plus sur Dieu appellent ce dernier jaloux, ainsi qu’on le voit au
chapitre 20 du Livre de l’Exode (5) : ¨Moi, le Seigneur ton Dieu, je suis
un Dieu jaloux.¨ La raison en est que Dieu accorde beaucoup d'amour
bienveillant à l’existence de toutes les créatures. Et le zèle implique
une intensité de l’amour ; certes on retrouve parfois cette intensité chez
les hommes, parce que l’homme, voulant particulièrement posséder la chose
qu’il aime, ne peut supporter que cette chose soit aimée par un autre et
c’est pourquoi certains définissent ainsi le zèle : le zèle est un amour
intense qui ne souffre pas le partage de la chose aimée. Mais il faut écarter
cette définition de la jalousie divine, puisqu’il ajoute que Dieu provoque
toute chose au zèle de son amoureux désir ; il fait en sorte en effet
que ce que Lui-même aime soit aussi aimé par les autres. 439. On retrouve aussi dans le zèle et l’amour
humains une autre condition par laquelle ils diffèrent du zèle et de l’amour
divins : l’amour, tout comme le zèle, est causé en nous par la beauté et la
bonté ; en effet, ce n’est certes pas parce que nous aimons une chose que
cette dernière est belle, mais au contraire c’est parce qu’elle est belle et
bonne que nous l’aimons ; en effet, notre volonté n’est pas la cause des
choses mais elle est plutôt mue par celles-ci ; mais c’est la volonté de Dieu
qui est la cause des choses et c’est alors son amour qui rend bon ce qu’Il
aime et non l’inverse, parce que par sa bonté Il se meut en Lui-même, ce que
ne fait pas la nôtre ; et c’est ce qu’il dit, à savoir qu’on dit de Dieu
qu'il est jaloux au sens où Il est Celui par lequel deviennent dignes
de jalousie, à savoir intensément aimables, les choses qui sont voulues
ou désirées par Lui ou par tous les autres êtres. 440. Il arrive cependant parfois que nous aussi rendions aimables les œuvres que nous réalisons, mais ce ne sont pas toutes nos œuvres qui sont aimables ; en effet, il nous arrive de produire des œuvres mauvaises ou qui comportent des défauts ; mais toutes les œuvres de Dieu, du seul fait qu’elles sont faites par Lui, sont bonnes et aimables ; et c’est ce que Denys veut signifier en disant qu’on nomme Dieu jaloux en tant qu'Il est celui par la providence duquel tout ce qui existe devient digne de jalousie, c’est-à-dire intensément aimable. 441. Ainsi donc, ayant fini de présenter l’objectif
qu’il avait en vue au sujet du bien, du beau et de l’amour, il ajoute, comme
en résumé, que l’aimable et l’amour appartiennent totalement au Beau qui
est aussi le Bien. Ainsi l’amour préexiste dans le Beau et le Bien
comme dans son sujet, bien qu’on ne puisse dire à proprement parler que le
premier Beau et Bien, c’est-à-dire Dieu, soit sujet de quelque chose ; et
derechef, c'est en raison du Beau et du Bien dans lequel ils
préexistent en tant que cause que l’amour et l’aimable se produisent dans les
choses. |
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LECTIO 11 [84854] In De divinis
nominibus, cap. 4 l. 11 Postquam Dionysius de amore et de his quae
consequuntur ad amorem determinavit, hic solvit quamdam dubitationem ; et
primo, ponitur quaestio ; secundo, solutio ; ibi : huius enim et
cetera ; tertio, ponitur manifestatio solutionis ; ibi : ita quidem et
cetera. Quaerit ergo primo quid voluerint significare editores sacrae
Scripturae, quos theologos vocat, quod Deum aliquando quidem nominaverunt dilectionem
et amorem, sicut patet I Ioan. I : Deus charitas est ; aliquando vero
nominant ipsum amabilem et diligibilem : Cant. I : adolescentulae
dilexerunt te nimis. Deinde, cum dicit : huius enim et
cetera, ponit duas solutiones ad praemissam quaestionem : quarum prima est
quod Deus dicitur amor et dilectio causaliter, quia scilicet est causa
amoris, inquantum immittit amorem aliis et quodam modo in eis amorem generat
secundum quamdam similitudinem ; dicitur autem amabilis et diligibilis
essentialiter, quia ipse est hoc quod est amabile et diligibile. Et assignat
huius solutionis rationem, quia amor signat aliquem motum quo aliquis amans
movetur, sed diligibile est illud quod movet tali motu ; ad Deum autem
pertinet quod moveat et causet motum in aliis et ideo ad eum pertinere
videtur quod sit amabilis, in aliis amorem creans. Secunda solutio est quod
Deus dicitur amor et amabilis quia ipse amat motu sui ipsius et adducit se ad
seipsum ; velle enim est quidam motus. Vult enim Deus bonum suum et secundum
hoc, prout ipse est sua bonitas quae voluntatem ipsius quodammodo movet,
dicitur etiam esse diligibilis et amabilis a seipso. Inquantum vero ipsum
suum velle, quo bonum suum vult, est suum esse et sua substantia, Deus est
suus amor. Sic ergo prima solutio accepta fuit secundum amorem quo omnia
amant Deum ; haec autem secundum amorem quo Deus seipsum amat. Deinde, cum
dicit : ita quidem et cetera, manifestat positam solutionem
; et primo, quantum ad hoc quod Deus dicitur amabilis ; secundo, inquantum
Deus dicitur amor ; ibi : amorem autem et cetera. Dicit ergo
primo quod Deus est diligibilis et amabilis, inquantum est ipsum pulchrum et
bonum ; in hoc enim importatur objectum amoris. Deinde, cum dicit : amorem
autem et cetera, manifestat quomodo Deus dicatur amor ; et circa
hoc, tria facit : primo ponit effectus amoris qui Deo attribuuntur ; secundo,
proprietates amoris ; ibi : et segregatae et cetera, tertio,
processum amoris ; ibi : praeexistens in bono et cetera. Est
autem triplex effectus amoris : primus quidem quod movet amantem ad aliquam
operationem ; secundus effectus est quod convertit opera amantis per
intentionem in amatum ; tertius effectus est quod omnis amor est
manifestativus sui ipsius per signa et effectus amoris et per hoc quaerit
amans ut non solum amet, sed etiam ametur. Et haec tria Deo attribuit ; unde
dicit quod Deus dicitur amor et dilectio inquantum movet et se et alia per
amorem ad aliquid operandum, quantum ad primum ; et simul cum hoc dicitur
Deus amor elevans alia ad seipsum qui solus secundum seipsum est pulchrum et
bonum quasi essentia quaedam pulchritudinis et bonitatis et hoc quantum ad
secundum ; et dicitur etiam Deus amor secundum quod est manifestativus sui
ipsius per seipsum, idest sua propria virtute. Deinde, cum dicit : et
segregatae unitionis et cetera, ponit quinque proprietates amoris :
quarum prima capitur secundum eius causam quae quidem est aliqua unitio
amantis et amati inquantum est ens quod naturaliter amat seipsum, inquantum
unumquodque naturaliter appetit suum bonum et ex hoc quod aliquid est unum
secum sequitur quod amat ipsum et ideo ea quae sunt nobis magis coniuncta
magis amamus ; et hoc est quod dicit, quod amor attribuitur Deo sicut
quidam bonus processus cuiusdam segregatae,
idest excellentis unitionis, quia quanto amor est perfectior
tanto et unitio ex qua procedit est maior. Secunda proprietas sumitur ex
parte obiecti : est enim obiectum proprium amoris ut faciat amantem tendere
in amatum, per quod amor distinguitur a cognitione, quae non trahit
cognoscentem ad rem cognitam, sed e converso ; et hoc est quod dicit : et
amativus motus. Tertia proprietas est quod dicit : simplex ;
primum enim in quolibet genere oportet esse simplex, unde cum primus motus
appetitus sit amor, oportet quod simplex sit ; et per hoc differt amor ab ira
quae est motus compositus ex tristitia provocante et desiderio vindictae.
Quarta conditio eius est quod est per se mobilis, quae competit ei inquantum
est primus motus appetitus, quia in quolibet genere prius est quod per se est
quam quod per aliud ; et per hoc differt amor a timore, nam timor est sicut
motus violentus ab extrinseco proveniens, amor autem est sicut motus naturalis
simul ab intimo procedens. Quinta proprietas est quod est per se operans,
quod etiam convenit ei ratione suae prioritatis ; et in hoc a spe differt,
nam qui propter spem alterius operatur, propter aliud operatur ; qui autem ex
amore operatur aliquid, per seipsum operatur illud, tamquam sibi placitum.
Deinde, cum dicit : praeexistens et cetera, ostendit
processum amoris ; et dicit quod iste amor, primo, est in ipso bono quod est
Deus et ex isto bono emanavit in existentia et, iterum, in existentibus
participatus convertit se ad suum principium quod est bonum ; et quantum ad
hoc quod est divinus amor demonstrat differenter prae aliis suam
interminabilitatem et carentiam principii quae pertinent ad rationem circuli
: quaedam enim circulatio apparet in amore secundum quod est ex bono et ad
bonum et ista circulatio convenit aeternitati divini amoris, quia solus motus
circularis potest esse perpetuus ; et hoc est quod dicit quod amor est sicut
quidam circulus aeternus, inquantum est propter bonum sicut
obiectum ; et ex bono, sicut ex causa ; et in bono perseverans
; et ad bonum consequendum tendens et sic circuit bonum
quadam convolutione non errante, propter uniformitatem. Viae enim
tortuosae et difformes sunt causa erroris ; uniformitas viae praeservat ab
errore ; et hanc uniformitatem in via amoris dicit cum subdit quod amor
est in eodem et secundum idem, idest in bono et secundum bonum
procedit, sicut in causa ; et manet semper, inquantum retinet
formam boni, ut proprii obiecti ; et restituitur in idem, sicut in finem. |
Leçon 11 (21a) : Comment peut-on dire de Dieu qu'il est à la fois amour et aimable.442. Après avoir traité de l’amour et de ses effets, Denys résout ici un problème ; et en premier lieu, il présente son interrogation ; deuxièmement, il en présente la réponse lorsqu’il dit (174) : De cela en effet… ; troisièmement, il donne la raison de cette réponse en disant (175) : Ainsi, certes… 443. Il cherche donc à savoir en premier lieu ce que les rédacteurs des saintes Écritures, qu’il appelle Théologiens, voulaient signifier quand parfois certes ils appelaient Dieu amour et dilection comme on le voit dans la première lettre de Jean (1, 16) :¨Dieu est amour¨ ; mais parfois ils l’appellent aussi aimable et préférable comme on le voit dans le Cantique des Cantiques (1, 2) : ¨Les jeunes filles te préfèrent de loin à tout autre¨. 444. Ensuite, lorsqu’il dit (174) : De cela en effet…, il présente deux réponses à cette question : dont la première, à savoir que c’est en tant que cause que Dieu est appelé amour, c’est-à-dire parce qu’il est la cause de l’amour selon qu’Il distribue l’amour aux autres êtres et que d’une certaine manière il engendre en eux un amour qui est à l’image du sien ; cependant, on dit de Lui qu’Il est aimable et préférable par essence, car il est en Lui-même l’aimable et le préférable. Et il présente la raison qui fonde cette réponse en disant que l’amour désigne un certain mouvement par lequel un amant est mû, alors que l’aimable et le préférable réfèrent à ce qui meut dans ce mouvement ; mais c’est à Dieu qu’il appartient de mouvoir et de causer le mouvement dans les autres et c’est pourquoi on voit par là qu’il Lui appartient d’être aimable et d’engendrer en eux l’amour. La deuxième réponse consiste à dire qu’on appelle Dieu amour et aimable parce qu’Il s’aime Lui-même selon un amour qui vient de Lui et le conduit à Lui-même ; vouloir en effet est un certain mouvement. En effet, Dieu veut son bien et par conséquent, dans la mesure où il est Lui-même sa propre bonté qui meut à sa manière sa volonté, on dit aussi de Lui qu’il est préférable et aimable à ses propres yeux. D’un autre côté, dans la mesure où son vouloir lui-même, par lequel Il veut son bien, est son être et sa substance, Dieu s’identifie à son Amour. Ainsi donc, la première réponse présentée s’entendait de l’amour par lequel toute chose aime Dieu tandis que la dernière réfère à l’amour par lequel Dieu s’aime Lui-même. 445. Ensuite, lorsqu’il dit (175) : Ainsi, certes…il prouve la réponse présentée ; et en premier, quand on dit de Dieu qu’il est aimable ; deuxièmement quand on dit de Dieu qu’il est amour, lorsqu’il ajoute (176) : l’amour cependant… 446. Il dit donc en premier que Dieu est préférable et aimable, dans la mesure où Lui-même est le Beau qui est aussi le Bien ; c’est en cela en effet que consiste l’objet de l’amour. 447. Ensuite, lorsqu’il dit (176) : Mais on dit de Lui qu’Il est amour…il manifeste comment l’amour s’attribue à Dieu ; et à ce sujet, il fait trois choses : d’abord il présente les effets de l’amour qu’on attribue à Dieu ; deuxièmement, il présente les propriétés de l’amour, là où il dit (177) : et de l’unité transcendante… ; troisièmement, il présente le processus de l’amour là où il dit (178) : préexistant dans le bien… 448. Mais il existe trois effets de l’amour : le premier est celui qui pousse l’amant à poser une opération ; le deuxième effet consiste à orienter les œuvres de l’amant en direction de l’objet aimé ; le troisième effet consiste pour l’amour à se manifester par des signes et des effets au moyen desquels l’amant ne cherche pas seulement à aimer mais aussi à être aimé. Et Denys attribue ces trois effets de l’amour à Dieu ; c’est pourquoi il dit, quant au premier effet, que par l’amour Dieu meut à la fois Lui-même et les autres à poser des opérations ; quant au second effet, il dit que Dieu attire en même temps tout à Lui qui est le seul à être beau et bon en lui-même puisqu’il est l’essence même de la beauté et de la bonté ; enfin, on attribue l’amour à Dieu selon qu’Il est la manifestation de Lui-même par Lui-même, c’est-à-dire par la seule puissance qui Lui est propre. 449. Ensuite, lorsqu’il dit (177) : Et de l'unité transcendante…il présente les cinq propriétés de l’amour : la première, se prenant de la cause de l’amour, est certes une certaine unité entre l’amant et l’objet aimé selon qu’un être s’aime naturellement lui-même puisque chacun désire naturellement son bien et du fait qu'un être fait un avec lui-même il suit de là qu'il s'aime lui-même et c’est pour cela que ce sont les choses auxquelles nous sommes le plus unis que nous aimons le plus ; et c’est ce qu’il dit, à savoir que l’amour s’attribue à Dieu comme le processus bienfaisant d'une unité séparée, c’est-à-dire transcendante ou parfaite, car un amour est d’autant plus parfait que l’unité d’où il procède est plus grande. La seconde propriété se tire du côté de l’objet de l’amour : en effet, il appartient à l'objet propre de l’amour de faire tendre l’amant vers l’aimé, ce qui distingue l’amour de la connaissance, laquelle ne pousse pas celui qui connaît vers la chose connue, mais au contraire assimile en quelque sorte la chose connue à l'intelligence de celui qui connaît ; et c’est ce qu’il signifie par ces paroles : un amoureux désir. C’est par le mot simple qu’il présente la troisième propriété ; en effet, ce qui est premier dans chaque genre doit être simple ; d’où il suit que l’amour doit être simple puisqu’il est le premier mouvement de l’appétit ; et c’est en cela que l’amour diffère de la colère qui est un mouvement composé de la tristesse naissante et du désir de vengeance. La quatrième propriété de l’amour c’est qu’il se meut de lui-même, ce qui lui convient puisqu’il est le premier mouvement de l’appétit car dans chaque genre ce qui existe par soi est antérieur à ce qui existe par un autre ; et c’est en cela que l’amour diffère de la crainte, car la crainte est un mouvement comportant une certaine violence car il provient d’un principe extérieur alors que l’amour est un mouvement naturel provenant de l’intérieur. Enfin la cinquième propriété c’est qu’il agit par lui-même, laquelle propriété se rapporte à l’amour aussi en raison de sa priorité et c’est en cela qu’il diffère de l’espoir car celui qui pose une opération dans l’espoir d’obtenir autre chose, c’est en vue de cette autre chose qu’il pose cette opération alors que celui qui fait quelque chose par amour, c’est de lui-même et pour elle-même qu’il pose cette opération qui lui plaît en elle-même. 450. Ensuite, lorsqu’il dit (178) : Préexistant…il manifeste le processus même de l’amour ; il mentionne que cet amour, en premier lieu, existe d’abord dans le bien lui-même, à savoir Dieu, et que c’est à partir de ce bien qu’il se répand dans les êtres créés et que, ces êtres ayant pris part à cet amour, ce dernier se retourne à nouveau vers son principe qui est le bien ; et quant à ce qu’il est, l’amour divin se montre différent des autres amours par l’absence en lui de terme et de commencement, absence qui est une caractéristique du cercle : en effet, on voit dans l’amour divin un certain mouvement circulaire puisqu’il provient du bien et qu’il y retourne et ce mouvement circulaire s’accorde avec l’éternité de l’amour divin, car seul le mouvement circulaire peut être sans fin ; et c’est ce qu’il dit par ces mots, à savoir que l’amour est comme un cercle éternel, selon qu’il existe à cause du bien qui est son objet, qu’il vient du bien comme de sa cause, qu’il persévère dans le bien et qu’il cherche à parvenir au bien et c’est ainsi qu’il tourne autour du bien comme par une orbite qui ne se trompe pas à cause de son uniformité. En effet, les chemins qui sont tortueux et irréguliers sont causes d’erreurs tandis que les voies qui sont simples nous en préservent ; et c’est de cette simplicité du chemin de l’amour dont Denys nous parle lorsqu’il ajoute que l’amour progresse identique et conforme à lui-même, à savoir dans le bien et conformément au bien qui est sa cause, qu’il dure toujours dans la mesure où il conserve la forme du bien qui est celle de son objet propre et enfin qu’il se retourne constamment vers ce même bien comme vers sa finalité. |
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LECTIO 12 [84855] In De divinis
nominibus, cap. 4 l. 12 Postquam Dionysius tractavit de amore, hic ad
confirmationem praedictorum introducit verba Hierothei de amore ; et primo
dicit quid intendat ; secundo ponit ipsa verba ; ibi : amorem et
cetera. Dicit ergo primo quod haec quae infra ponentur et
sunt convenientia praemissis, noster recitavit Hierotheus,
qui fuit perfector, idest magister in his quae ad sanctitatem
pertinent, in quibusdam divinis laudibus quas de amore fecit inspiratus a Deo
; quos quidem hymnos hic commemorare non est inconveniens,
ad hoc quod imponatur tractatui nostro de amore, sicut quoddam
sanctum caput, idest sicut quaedam regula et quoddam principium ad
confirmandum quae supra dicta sunt de amore. Deinde, cum dicit : amorem et
cetera, ponit verba Hierothei de amore et circa hoc tria facit : primo,
ponuntur verba continentia divisionem et diffinitionem amoris ; secundo,
verba demonstrantia ordinem amorum ex uno amore procedentium ; ibi : quoniam et
cetera ; tertio, verba demonstrantia reductionem omnium amorum ad unum amorem
; ibi : nunc rursus et cetera. Distinguit, primo, quinque
amores : quorum primus est amor divinus ; secundus amor angelicus ; tertius
amor intellectualis, quo scilicet homines amant secundum intellectivam partem
; quartus est amor animalis qui pertinet ad sensitivam partem sive in
hominibus sive in animalibus ; quintus est naturalis qui pertinet ad
appetitum naturalem, sive in animalibus quantum ad nutritivam partem sive in
plantis sive etiam in rebus inanimatis. Cum enim dictum sit quod amor
importet primum motum voluntatis et appetitus, in quibuscumque contingit esse
voluntatem et appetitum, contingit esse amorem. Communis autem quaedam
notificatio amoris, omnibus praedictis amoribus conveniens est ; unde
subiungit quod, quemcumque praedictorum amorum nominemus, intelligimus per
nomen amoris, quamdam virtutem unitivam et concretivam. Sed
virtus hic non accipitur nec pro passione nec pro habitu, cum amor non sit
passio vel actus, sed accipitur communiter prout omne illud quod habet
efficaciam ad aliquid producendum, potest dici virtus vel virtuosum, unde
planius esset si diceretur unitio et concretio virtuosa, sed maluit dicere
virtutem, emphatice loquens, ad ostendendum efficaciam amoris. Unitio autem a
concretione differt ; est enim amor unitio secundum quod amans et amatum
conveniunt in aliquo uno sive illud sit substantia utriusque, sicut cum
aliquis amat seipsum ; sive sit species, sicut animalia quae sunt eiusdem
speciei se invicem diligunt ; sive sit patria, sicut compatriotae se diligunt
; sive sit quodcumque aliud. Concretio autem ad amorem pertinet, secundum
quod ea quae sic uniuntur quantum ad aliquid distincta remanent, scilicet
quantum ad divisionem amantis et amati. Haec autem unitio vel concretio
diversimode in diversis amoribus inveniuntur. Nam in cognoscentibus haec
unitio vel concretio est ex apprehensione amantis qui aestimat amatum aliquo
modo esse unum sibi et ex hoc movetur in illud per affectum amando, sicut
etiam in seipsum ; et propter hoc secundum diversas rationes apprehensibilium
distinguuntur diversi amores : alia enim est ratio cognitionis divinae et
cognitionis angelicae et humanae, secundum intellectum ; et omnium animalium,
secundum sensum. Sed unitio et concretio in amore naturali est ex quadam
convenientia naturali ex qua provenit ut aliquid inclinetur in alterum, sicut
in sibi conveniens et talis inclinatio amor naturalis dicitur. Ad quid autem
se extendat virtus amoris ostendit subdens, quod movet superiora ad
providendum inferioribus ; aequalia ad alternatim sibi convenientia
communicandum invicem ; et inferiora ut convertantur ad sua superiora,
subiiciendo se eis et attendendo ad ea, sicut ad suas causas et desiderando
ea, sicut ex quibus dependent eorum bona. Deinde cum dicit : quoniam
ex uno et cetera, ponit verba Hierothei ostendentia ordinem multorum
amorum derivatorum ab amore divino ; et videntur esse verba quasi
recapitulantia aliqua supradicta. Dicit ergo Hierotheus : quoniam
ordinavimus multos amores ex uno, idest ostendimus quod ex uno divino
amore multi amores ordinati proveniunt, etiam consequenter dicemus
quales sunt cognitiones et virtutes mundanorum et supermundanorum amorum,
idest qualiter mundani et supermundani amores cognosci possint et quae sit
efficacia utrorumque amorum. Ex quo datur intelligi quod amores omnes
diviserat in mundanos et supermundanos : mundanos amores nominans quibus bona
sensibilis mundi amantur quocumque amore, maxime autem animali ; amores autem
supermundanos quibus intelligibilia et vera bona amantur. Et inter istos
amores assignat ordinem quem consequenter tangit : ex quibus,
scilicet mundanis et supermundanis amoribus, excedunt, secundum
assignatam rationem, supermundani amores qui in duos ordines
dividuntur : quorum inferior et propinquior mundano amori est ordo et ornatus
amorum intellectualium, idest humanorum et intelligibilium, idest
supermundanorum. Intellectualem enim supra, vocavit humanum. Dicit autem
: intellectualium, ex parte amantium ; intelligibilium autem
ex parte eorum quae amantur. Quod autem super ordines addit ornatus,
ostendit in intellectualibus amoribus non solum ordinem, sed etiam
convenientiam ordinis esse, quae ordinem ornat et pulchrum facit. Sed,
ascendentibus a mundanis amoribus, post intellectuales amores humanos,
supereminent et a Hierotheo laudati fuerunt amores angelici, quos vocat per
se intelligibiles quia intelligibilia amant absque communione
affectus terreni. Et vocat eos divinos, quia maxime assimilantur divino amori
; quia in Angelis vere existunt pulchri amores, absque alicuius turpitudinis
admixtione. Deinde, cum dicit : nunc rursus et cetera,
praemisso ordine multorum amorum, nunc reducit omnes ad unum amorem ; et
primo reducit omnes in duos ; secundo, illos duos reducit ulterius in unum
amorem ; ibi : age igitur et cetera. Est autem considerandum
quod superior constructio pendet usque huc, quasi diceret : quoniam praemissa
diximus, nunc rursus resumentes omnes amores, convolvamus eos et
congregemus, idest quadam revolutione adunemus et reducamus ad amorem
divinum qui in se est unus et conclusus, quia omnes rationes amorum in eo
concluduntur et est sicut pater, idest principium profundens, per quamdam
similitudinem omnes amores. Et in hoc reductio est, ut primo colligamus
amorem omnem ad duas universales amativas virtutes,
quia omne quod amatur vel amatur propter bonum creatum vel propter bonum
increatum ; ratio enim amoris est bonum quod vel est ultimus finis vel
proximus. Inter has autem amativas virtutes, excedit incomprehensibilis causa
omnis amoris, quae est bonum increatum ; et hoc est quod subdit : quae quidem
causa amoris est ex eo qui est super omnia et ad quam causam
extendit se omnis amor ab omnibus entibus, diversimode tamen secundum
naturam uniuscuiusque, quia omnia convertuntur in ipsum Deum, sicut
dictum est. Nec solum dicit quod excedat amor habens Deum pro causa, sed
etiam quod principatur, quia amor qui dependet ex bono creato,
regulatur ab amore qui dependet a bono increato. Deinde, cum dicit : age
igitur et cetera, reducit ulterius praedictos duos modos amorum in
unum primum ; et dicit quod rursus congregat praedictas duas
virtutes amoris in unum primum amorem, scilicet divinum quo
Deus quidem, una quaedam simplex virtus, amat ; quae per
se movet ad quamdam unitivam concretionem omnia
quae amat, procedens a primo bono quod est Deus ; et venit per modum cuiusdam
derivationis usque ad infimum de numero existentium et
per quamdam conversionem in finem, rursus ab illo rediens,
scilicet ab ultimo existentium, consequenter per omnia ascendens,
redit ad primum bonum per modum
circulationis cuiusdam, reflectens seipsam et semper eodem modo
revoluta, ex ea prima virtute procedendo et per eamdem ; quia
omnes secundae virtutes a prima per quamdam similitudinem derivantur et in
eamdem redeunt, causa eadem : quia non solum per causas, sed etiam per
effectus, similitudo primae virtutis invenitur et sic amor semper manet in
illa virtute et ulterius semper revolvitur ad eamdem sicut ad finem. |
Leçon 12 (22a) : Ce que dit Hiérothée au sujet de l’amour.451. Dans le but de confirmer ce qu’il vient de
dire, après avoir traité de l’amour, Denys présente ici les paroles exprimées
par Hiérothée sur l’amour ; et en premier lieu, il formule son propos ; deuxièmement,
il présente les paroles mêmes de Hiérothée, là où il dit (180) : ¨L’amour… 452. Il dit donc en premier lieu que ce qui sera
présenté plus loin et qui est conforme à ce qu’il a dit précédemment, notre
Hiérothée, qui fut un parfait, c'est-à-dire un maître achevé dans les
choses qui relèvent de la sainteté, le proclama dans des hymnes saints
sur l’amour inspirés de Dieu ; certes il convient ici de rappeler ces
louanges, afin qu’en les insérant dans notre traité sur l’amour comme
un chapitre sacré, elles servent en quelque sorte de règle et de principe
sur lesquels s’appuyer pour consolider ce que nous avons dit précédemment sur
l’amour. 453. Ensuite, lorsqu’il dit (180) : ¨L’amour…, il présente les paroles de Hiérothée sur l’amour et à ce sujet il fait trois choses : d’abord, il présente les paroles qui contiennent la division et la définition qu’il fait de l’amour ; deuxièmement, il présente celles qui manifestent l’ordre qui existe entre les amours qui procèdent d’un même amour, là où il dit (181) : Puisque… ; troisièmement, il présente celles qui manifestent que tous les amours se ramènent à un seul et même amour, là où il dit (182) : ¨Maintenant ramenons de nouveau… 454. En premier lieu, il distingue trois sortes
d’amour : le premier est l’amour divin ; le second, l’amour angélique ; le
troisième est l’amour intellectuel, à savoir celui par lequel les hommes
aiment selon leur puissance intellectuelle ; le quatrième est l’amour animal
qui se rapporte à la partie sensitive et que l’on retrouve chez les hommes et
chez les animaux ; le cinquième est l’amour naturel, qui se rapporte à
l’appétit naturel et que l’on retrouve soit chez les animaux quant à leur
puissance végétative, soit chez les plantes, soit même chez les êtres
inanimés. En effet, puisque nous avons dit que l’amour renvoie au premier
mouvement de la volonté et de l’appétit, là où l’on retrouvera la volonté et
l’appétit, on retrouvera nécessairement l’amour. 455. Mais la définition commune de l’amour convient à toutes les sortes d’amour qui précèdent ; C’est pourquoi Denys ajoute que quelle que soit la sorte d’amour que nous nommions, nous entendons par le nom ‘amour’ une puissance d’union et de rapprochement. Mais le mot puissance ne s’entend ici ni au sens d’une passion ni au sens d’une disposition, puisque l’amour n’est ni une passion ni un acte, mais en un sens plus large tout ce qui possède la capacité de produire un effet peut s’appeler puissance ou puissant et c’est pourquoi il aurait été plus clair de dire de l’amour qu’il est une union et un rapprochement puissants mais il préféra, parlant avec emphase pour manifester la force de l’amour, le nommer puissance. Mais l’union diffère du rapprochement : l’amour en effet est une union selon que l’amant et l’aimé s’accordent sous un même rapport, qu’il s’agisse d’une substance commune aux deux, comme lorsqu’un être s’aime lui-même ; d’une même espèce, lorsque deux animaux de même espèce s’aiment ; ou d’une même patrie, comme lorsque deux compatriotes s’aiment ; ou encore d'un autre rapport. Mais le rapprochement se rapporte à l’amour selon que les réalités unies demeurent distinctes sous un autre rapport, à savoir quant à la distinction qu’il y a entre l’amant et l’aimé. 456. Cependant, cette union et ce rapprochement ne
se retrouvent pas de la même manière dans toutes les sortes d’amour. Car chez
les êtres capables de connaissance, cette union et ce rapprochement ont pour
point de départ l’appréhension de l’amant qui estime que l’être aimé fait un
avec lui d’une certaine manière et de là il se meut vers lui par le sentiment
de l’amour comme si c’était vers lui-même ; et c’est pour cela que les
diverses sortes d’amour se distinguent selon les diverses sortes
d’appréhensions : en effet, autres sont les connaissances divine, angélique
et humaine, lesquelles sont de nature intellectuelle, et la connaissance
animale qui s’effectue par les sens. Mais l’union et le rapprochement de
l’amour naturel ont pour point de départ une certaine correspondance
naturelle à partir de laquelle un être tend vers un autre qui lui est
proportionné et c’est une inclination de cette sorte qu’on appelle l’amour
naturel. Et Denys montre à quels êtres s’applique la puissance de l’amour en
ajoutant qu’elle meut les êtres supérieurs à pourvoir aux besoins des
inférieurs ; elle meut ceux qui sont de même rang à se communiquer
mutuellement et chacun leur tour ce qui leur convient ; et enfin elle meut
les êtres inférieurs à se tourner vers leurs supérieurs pour s’y soumettre,
les rechercher et les désirer comme les causes dont leur bonheur dépend. 457. Ensuite, lorsqu’il dit (181) : Puisqu'à partir de l'unique…, il présente les paroles de Hiérothée manifestant l’ordre qui existe entre les différentes sortes d'amour qui proviennent de l’amour divin ; et ces paroles semblent pratiquement résumer ce qui a été dit précédemment. Hiérothée dit donc : puisque nous avons ordonné les différents amours qui découlent du même et unique amour, à savoir que les nombreux amours proviennent du même amour divin selon une séquence ordonnée, aussi par conséquent nous montrerons quelles sont les connaissances et les puissances respectives des amours de l’univers et des amours qui ne sont pas de ce monde, c’est-à-dire comment les amours de ce monde et ceux de l’autre monde, ainsi que leurs forces respectives, peuvent être connus. C’est à partir de ces paroles qu’il nous est donné de comprendre que Denys avait divisé tous les amours en amours mondains et en amours de l’au-delà : par amours mondains il désignait ceux par lesquels les biens du monde sensible sont aimés d’un certain amour, principalement d’un amour animal ; par amours de l’au-delà il désignait ceux par lesquels les véritables biens, à savoir les biens intelligibles, sont aimés. Et il assigne un ordre à ces amours, ordre qu’il examine par la suite ; de ces amours, à savoir les amours mondains et ceux de l’au-delà, les seconds dépassent les premiers pour la raison donnée précédemment, et il divise les amours de l’au-delà en deux catégories : la dernière et la plus proche de l’amour mondain est l’ordre et la beauté des amours intellectuels, ou proprement humains, et l’autre est celui des amours intelligibles, à savoir des réalités qui ne sont pas de ce monde. Plus haut en effet Denys a appelé intellectuel (180) l’amour humain. Il dit intellectuel pour exprimer ce qui se tient du côté de l’amant et intelligible pour désigner ce qui se tient du côté de l’objet aimé. Et en ajoutant beauté à ordre, il montre que dans les amours intellectuels on ne retrouve pas seulement un ordre, mais encore que dans cet ordre on retrouve une harmonie qui le pare et le rend beau. Mais, au-dessus des amours mondains, après les amours intellectuels qu’il appelle humains, s’élèvent les amours angéliques que Hiérothée avait loués et qu’il appelle intelligibles par soi car les intelligibles sont capables d’un amour qui est sans mélange avec l’affection terrestre. Et il les appelle divins, car ce sont eux qui ressemblent le plus à l’amour divin ; car chez les Anges existe vraiment l’amour de la beauté sans aucun mélange avec la laideur. 458. Ensuite, lorsqu’il dit (182) : Maintenant de nouveau…ayant présenté l’ordre qui existe entre les différents amours, il les ramène tous à un seul amour ; mais en premier il les ramène à deux amours ; deuxièmement, il ramène plus loin ces deux amours à un seul, là où il dit (183) : Ramenons donc… 459. Il faut cependant considérer que le discours
qui précède tient à ceci, comme s’il avait dit : Ayant dit ce qui précède, derechef,
ramenons maintenant tous les amours,
réunissons-les et rassemblons les,
c’est-à-dire que par un certain retour nous les unissions et les ramenions à
l’amour divin qui en lui-même est un et achevé de sorte que toutes les sortes
d’amour trouvent en Lui leur achèvement ; cet amour divin est comme un père,
à savoir comme un principe d’où proviennent tous les amours comme à sa
ressemblance. Et cette réduction se fait en Lui, aussitôt que nous réunissons
tous les amours en deux catégories universelles de puissances d’amour, car tout ce qui
est aimé est aimé soit en vue d’un bien créé, soit en vue d’un bien incréé ;
en effet, la cause ou la raison d’être de l’amour est le bien, lequel est
soit le bien ultime, soit le bien immédiat. Cependant, parmi ces puissances
d’amour, la cause insaisissable de tout
amour, qui est le bien incréé, s’élève au-delà de toute limite ; et c’est
ce que Denys ajoute : certes cette cause de l’amour se tient du côté de Celui qui est au-dessus de tous les êtres et
c’est vers cette cause que tendent tous les amours dont sont capables
tous les êtres mais différemment, chacun
selon la nature qui lui est propre
; car c’est vers Dieu lui-même que se tournent toutes les choses, ainsi que
nous l’avons dit précédemment (382, 390). Et il ne dit pas seulement
que l’amour qui a Dieu pour cause est plus élevé que l’autre mais encore
qu’il commande l’autre, car l’amour
qui vient du bien créé se règle sur l’amour qui vient du bien incréé. 460. Ensuite, lorsqu’il dit (183) : ¨Ramenons donc…¨, il ramène donc plus loin ces deux sortes d’amour qui précèdent à un seul et premier amour ; et il dit qu’il ramène de nouveau ces deux puissances d’amour à un seul et premier amour, c'est-à-dire à l’amour divin par lequel Dieu aime au moyen d’une puissance unique et simple, laquelle puissance, qui procède du premier bien qui est Dieu, meut par elle-même toutes les choses qu’elle aime à se rassembler dans l’union ; et cette puissance parvient, comme par mode d’écoulement, jusqu’aux réalités les plus humbles parmi celles qui existent, et par manière de retournement, elle revient vers sa finalité car, de nouveau revenant de là, c’est-à-dire de l’être le plus humble, et par la suite s’élevant en passant par tous les autres échelons d'être, elle revient au premier Bien comme par un cycle, revenant sur elle-même et parcourant sa révolution toujours selon le même cycle qui procède à partir et au moyen de la même puissance originelle ; car toutes les puissances secondes proviennent de la première selon une certaine ressemblance et se ramènent à elle pour la même raison ; car la ressemblance de la première puissance se retrouve non seulement dans les causes mais aussi dans les effets et ainsi l’amour demeure toujours dans cette puissance et y revient toujours comme à sa finalité. |
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LECTIO 13 [84856] In De divinis
nominibus, cap. 4 l. 13 Postquam Dionysius determinavit de bono et de his
quae ad bonum pertinent, hic determinat de malo ; et primo, movet
dubitationem ; secundo, determinat veritatem ; ibi : igitur et
cetera. Circa primum, duo facit : primo, repetit de bono quae dicta sunt,
dubitationis occasione ; secundo, dubitationem movet ; ibi : quomodo et
cetera. De his autem quae supra dicta sunt, resumit quod pulchrum et
bonum est amabile et desiderabile et diligibile omnibus et quod non
solum ea quae sunt desiderant bonum, sed etiam id quod non-est,
scilicet materia prima, sicut supra dictum est, desiderat bonum
et suo modo certat ad hoc quod sit in bono, inquantum
scilicet habet inclinationem ad ipsum, secundum quod est in potentia ad illud
; et bonum quod format ea quae non sunt formata et quod
dicitur non-existens dicitur de summo bono et est etiam in
eo, non quidem per defectum, sicut dicitur de materia prima et de pura
negatione vel privatione sed supersubstantialiter. Deus enim
dicitur non-existens, non quia deficiat ab existendo, sed quia est super
omnia existentia. Deinde, cum dicit : quomodo et cetera,
movet dubitationes de malo ; et primo, quantum ad Daemones ; secundo,
communiter ad omnia ; ibi : et totaliter et cetera. Movet
autem, circa malum Daemonum, quatuor quaestiones : quarum prima est : cum
omnia bonum desiderent, ut dictum est, quomodo multitudo Daemonum non
desiderat pulchrum et bonum ? Sed inclinatur ad desiderandum res
materiales, sicut honores ab hominibus exhibitos et nidores sacrificiorum et
alia huiusmodi materialia ; et per hoc quod ipsi lapsi sunt ab uniformitate
desiderii quod Angeli habent circa summum bonum, efficiuntur causa omnium
malorum, non solum sibi ipsis, sed aliis quaecumque
mala fieri dicuntur quantum ad homines, quia invidia Diaboli
mors introivit in orbem terrarum ut dicitur Sapient. 2. Secunda
quaestio est : quomodo multitudo Daemonum, cum sit producta a bono Deo, non
est conformis ei in bonitate, cum unumquodque natum sit similia facere ? Et
quia posset aliquis dicere quod Daemones facti sunt boni, sed versi sunt in
malitiam, facit tertiam quaestionem : quomodo illud quod fuit naturaliter
bonum, utpote ex bono causatum, potuit variari ? Ea enim quae sunt naturalia,
semper manent. Et quia omne quod fit, fit ab aliquo, movet quartam
quaestionem : quid fuit illud quod fecit Daemonem malum ? Deinde, cum dicit
: et totaliter et cetera, movet dubitationes in communi de
malo et movet quatuor quaestiones, quarum prima est : quid est malum universaliter
? Secunda quaestio est : ex quo principio processit malum ?
Et apparet ordo quaestionum : prius enim quaerendum est quid est malum et
postea unde malum ortum sit, ut Augustinus dicit. Tertia quaestio est : in
quo existentium invenitur malum ? His autem tribus quaestionibus
propositis, secundam multiplicat dupliciter : primo : quid sit ; quia, aut
causa mali est ipse Deus vel aliquid aliud. Si detur quod ipse Deus, duae
dubitationes consurgunt, quarum prima est : quomodo Deus, cum sit bonus,
voluit producere malum ? Non enim boni est quod velit malum facere. Secunda quaestio
est : si voluit malum facere, quomodo potuit ? Non enim calidum potest
infrigidare et similiter nec bonum potest malum facere. Si vero malum sit ex
alia causa quam ex Deo, hoc videtur impossibile ; quia nulla est alia causa
essendi nisi summum bonum quod est Deus. Secunda deductio est quod, cum
providentiae sit malum impedire vel excludere, dubium videtur, cum Deus
habeat de omnibus providentiam, quomodo malum potuit fieri in mundo aut
factum non statim destruitur. Quarta quaestio est : quomodo aliquid potuit
desiderare malum, praetermisso desiderio boni ? |
Leçon 13 (23a) : Les doutes.461. Après avoir déterminé la vérité sur le bien et sur ce qui s’y rapporte, Denys traite ici du mal ; et d’abord, il avance un doute ; deuxièmement, il le résout dans la vérité, là où il dit (187) : Donc... (leçon 24a). 462. Relativement au premier point, il fait deux choses : d’abord, à l’occasion de ce doute, il rappelle ce qu’il a déjà dit au sujet du bien ; deuxièmement, il avance le doute, là où il dit(185) : Comment… 463. Il reprend donc ce qu’il a dit précédemment en disant que le Beau, qui est aussi le Bien, est aimable, désirable et préférable par tous et que c’est non seulement ce qui existe qui désire le bien, mais c’est aussi en un sens ce qui n’existe pas, à savoir la matière première, qui désire le bien et cherche à sa manière à exister en lui, c’est-à-dire dans la mesure où elle y tend selon qu’elle est en puissance à son égard, ainsi que nous l’avons dit plus haut (295-298 ; 355-356) ; et le bien lui-même, qui donne une forme à ce qui n’en a pas, on l’appelle non-être, et cette appellation se dit du plus grand bien et existe en Lui, non en raison d’un défaut d’être comme c’est le cas pour la matière première et pour la négation pure ou pour la privation, mais parce qu’Il transcende toute substance. On peut dire de Dieu en effet qu’Il est un non-être, non pas parce qu’Il manque d’être, mais parce qu’Il transcende absolument tous les êtres. 464. Ensuite, lorsqu’il dit (185) : comment.., il avance des doutes au sujet du mal ; et d’abord, relativement aux démons ; ensuite et plus universellement à l’égard de toute chose, là (186) où il dit : Et pour tout dire… 465. Et il avance quatre questions relativement au
mal qui se trouve dans les démons, dont voici la première : comme tous les
êtres désirent le bien, ainsi que nous l’avons dit (355), comment
se fait-il que la multitude des démons ne désire pas le Beau qui est aussi le
Bien ? Et cette multitude est portée à désirer les choses matérielles,
comme les honneurs dont les hommes font ostentation, ainsi que les odeurs des
sacrifices et autres choses matérielles de cette sorte ; et parce qu’ils
s’écartent de cette simplicité du désir que les Anges ont à l’égard du plus
grand bien, ils deviennent la cause de tous les maux,
non seulement pour eux-mêmes mais pour tous les autres, quels
que soient les maux qui se produisent chez les hommes, car ¨C'est par
l'envie du diable que la mort est entrée dans le monde¨, ainsi que le dit
le livre de la Sagesse (2, 24). 466. La deuxième question est la suivante : comment
se fait-il que la multitude des démons, puisqu’elle a été créée par un
Dieu qui est bon, ne se conforme pas à Sa bonté, étant
donné qu’il est naturel à chacun de produire ce qui lui ressemble ? Et parce
que quelqu’un pourrait dire que les démons au début ont été faits bons mais
qu’ils se sont tournés d’eux-mêmes vers le mal, il présente une troisième
question : comment ce qui fut bon selon sa nature, vu qu’il fut
produit à partir d’un principe bon, a-t-il pu être le sujet d’un tel
changement ? En effet, ce qui est naturel ne change jamais. Et parce que tout
ce qui est le sujet d’un changement le doit à un autre, il avance une
quatrième question : quelle fut cette cause qui rendit le démon
mauvais ? 467. Ensuite, lorsqu’il dit (186) : Et pour tout dire…il agite des questions qui se rapportent universellement au mal et soulève quatre questions, dont la première est la suivante : Qu’est-ce que le mal, considéré universellement ? La seconde est celle-ci : De quel principe vient le mal ? Et ces questions apparaissent ainsi dans l’ordre qui convient : en effet, il faut d’abord chercher à connaître ce qu’est le mal en lui-même avant de se mettre à la poursuite de son origine, ainsi que le dit Augustin au chapitre 4 de son ouvrage intitulé De la nature du Bien contre les Manichéens (chapitre 4). Et la troisième question est : Chez lesquels parmi les êtres retrouve-t-on le mal ? 468. Ayant présenté ces trois questions, il divise
la deuxième en deux parties : la première étant : quel est ce principe ? Car
ou bien la cause du mal est Dieu, ou bien quelque chose d’autre. Si on
accorde que c’est Dieu, deux doutes surgissent, dont le premier est : Comment
se fait-il que Dieu, qui est bon, ait pu vouloir produire le
mal ? Il n’appartient pas en effet au bien de vouloir faire le mal. Le second
est : S’il voulut faire le mal, comment a-t-il pu le vouloir ? En
effet, tout comme le chaud ne peut refroidir, de même le bien ne peut faire
le mal. Mais si vraiment le mal existe à partir d’une autre
cause que Dieu, cela semble tout aussi impossible ; car il n’y a aucune autre
cause que le bien le plus élevé, à savoir Dieu, qui soit capable de faire
exister. La deuxième conséquence est que puisqu’il appartient à la Providence
d’empêcher ou d’écarter le mal, il semble incompréhensible, puisque Dieu
veille sur tout par sa providence, que le mal ait pu arriver dans le
monde ou ait pu s'y produire sans avoir été aussitôt détruit.
Et enfin, la quatrième question est : comment un être a-t-il pu
désirer le mal et omettre de désirer le bien ? |
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LECTIO
14 [84857] In De divinis nominibus,
cap. 4 l. 14 Praemissis
quaestionibus de malo, hic incipit solvere; et primo, quaestiones quae
pertinent ad malum simpliciter; secundo, quaestiones quae pertinent ad malum,
secundum quod in Daemonibus invenitur; ibi: non
igitur et cetera. Prima
autem pars dividitur in duas: in prima, solvit tres principales quaestiones
quas fecerat de malo in communi; in secunda, procedit ad solvendum alias
secundarias quaestiones, quae positae sunt ad magis explicandum quaestionem
de causa mali; ibi: est
autem et cetera. Prima pars
adhuc dividitur in tres: in prima, solvit primam quaestionem qua quaerebatur
quid est malum; in secunda, solvit secundam qua quaerebatur ex quo principio
malum consistit; ibi: unde
igitur et cetera; in
tertia, solvit tertiam quaestionem qua quaerebatur in quo existentium esset
malum; ibi: sed neque et cetera. Circa primum, duo facit:
primo, continuat se ad praecedentia; secundo, ostendit propositum; ibi: et primum et cetera. Dicit ergo primo quod ea
quae praedicta sunt, forte poterit aliquis dicere dubitando. Sed nos rogamus eum ut respiciat ad rerum veritatem et sic quaestionum solutionem
invenire poterit; in quo et attentum et benevolum auditorem reddit. Deinde, cum
dicit: et primum et cetera, ostendit propositum,
scilicet, quod malum non est aliquod subsistens quod per suam naturam sit
malum; et circa hoc, duo facit: primo, ostendit quod malum non est aliquod
existens secundum suam naturam; secundo, quod malum per seipsum non est
aliquod existens; ibi: et si
existentia et cetera.
Primum ostendit duabus rationibus; quarum prima talis est: omne existens aut
habet causam aut ipsum est causa alterius; sed malum non habet causam nec est
causa alterius; ergo malum non est aliquid existens. Veritas autem primae
propositionis per se manifesta est, quia omne existens secundum existentiam
suam est in actu; unumquodque autem secundum hoc agit secundum quod actu est.
Si ergo essentia alicuius sit actus purus, erit causa tantum; si autem habeat
permixtum aliquid potentiae, poterit esse et causa et causatum. Quod autem
malum non habeat causam sic probat: malum non potest esse ex bono et si esset
ex bono non esset malum; unum enim contrariorum non est causa alterius, non
enim ad ignem pertinet infrigidare, neque ad bonum pertinet producere ea quae
non sunt bona, sed unumquodque producit sibi simile. Similiter etiam non
potest dici quod malum sit causa productiva alicuius; quod enim est de
ratione boni, non potest convenire malo. Sed producere et salvare naturale
est bono et de ejus ratione, quia generatio et salus bona sunt; similiter
corrumpere et destruere pertinent ad rationem mali. Ex quo sequitur quod
solum bonum sit causa existentium et quod malum nullius existentis sit causa.
Unde sequitur, si malum non est ex bono sicut ex causa, quod non habeat
causam et quod non sit causatum. Sed est attendendum quod ratio qua probavit
quod bonum non est causa mali, probat quod bonum non sit causa mali per se,
non autem quod non sit causa mali per accidens; quia sic et calidum per
accidens potest esse causa frigidi, sicut maior flamma consumendo materiam
minoris per accidens inducit frigus. Sed hoc non est contra intentionem
Dionysii; oportet enim quod omne quod habet essentiam, natum sit habere
causam per se et non per accidens. Unde si malum non habet causam per se, sed
solum per accidens, solum sequitur quod malum non habet essentiam; et hoc est
quod, quasi concludens, subdit: quod neque
ipsum malum est aliquid, si
accipiatur malum secundum se, sicut aliquod subsistens in natura mali. Omne
autem quod est totaliter aliquale est essentialiter tale, sicut si aliquid
est totaliter bonum est essentia bonitatis; si enim participat bono, oportet
quod dividatur in participans et participatum. Si ergo nihil est malum
essentialiter, illud quod est malum non est totaliter malum, sed habet
aliquam partem boni et secundum illam est totum esse illius quod dicitur
malum. Sic igitur per hoc manifestavit quid est malum. Non enim malum potest
esse aliqua essentia subsistens, sicut bonum est ipsa essentia bonitatis, sed
quaelibet res mala, per suam essentiam est bona; mala autem est, secundum
quod deficit ab aliquo bono quod debet habere et non habet. Secundam ponit
rationem; ibi: et si
existentia et cetera, quae
talis est: omnia existentia
desiderant pulchrum et bonum, ut ex supradictis patet similiter et omnia quaecumque faciunt,
propter hoc quod est bonum
vel saltem propter hoc quod videtur
bonum, faciunt; et sic omnis intentio quorumcumque existentium habet bonum pro principio et fine, quia
desiderium boni movet, sicut principium quoddam, ad volendum ea quae sunt
propter finem; et iterum ipsam voluntatem eorum quae sunt ad finem, referimus
in bonum sicut in finem. Et hoc manifestat per hoc quod nullus facit illa quae facit,
respiciens ad rationem mali, etsi aliquando id ad quod respicit sit
malum, sicut aliquis facit aliquid ut fornicetur, non respiciendo ad
fornicationem inquantum est mala, sed inquantum est delectabilis. Ex quo
patet quod nullum existens desiderat malum nisi per accidens et quod omne
existens desiderat bonum. Sed si aliquid esset per suam essentiam malum non
posset desiderare bonum, cum contrarium non desideret suum contrarium, quia
est eius destructivum, sed desideraret per se malum sicut sibi simile et
conforme. Unde relinquitur quod malum essentialiter acceptum, neque est
aliqua pars alicuius existentis neque est universaliter existens. Deinde, cum
dicit: et si existentia et cetera, ostendit quod non potest
aliquid esse per seipsum malum ita quod sit non-existens et ad hoc probandum
inducit quod si omnia
existentia sunt ex summo bono, et illud summum bonum est supra omnia existentia, relinquitur quod in ipso summo bono invenitur hoc quod est non-existens. Quod enim
est super omnia existentia, oportet esse non-existens, sicut quod est supra
omnia corpora est non-corporeum. Sed hoc non potest dici de malo, quod hoc
ipsum quod dicitur malum sit non-existens. Non enim est existens, quia non esset totaliter malum, cum hoc quod est
existens sit quoddam bonum; neque iterum est non-existens totaliter, quia nihil est totaliter non-existens nisi secundum quod non-existens dicitur
de summo bono, secundum suam supersubstantialitatem. (…) Sed malum neque est in existentibus quasi sit de numero existentium aut
aliqua pars aut proprietas existentis alicuius; neque iterum est de numero
non-existentium, sed magis
est absistens, idest recedens vel distans a non-existente quam a bono et magis alienum ab eo, quia malum in bono saltem est
sicut in subiecto, sed non-ens simpliciter neque est malum. Et iterum malum
magis est sine subiecto quam non-ens, quia non-ens potest intelligi esse non
in aliquo, sed malum oportet quod intelligatur in bono. Sed contra hoc quod
hic dicitur, obiicitur dupliciter: primo quidem, quia malum est privatio
boni, privatio autem est non-ens; secundo, quia cum existens et non-existens
opponantur contradictorie non potest inter ea esse aliquod medium, unde si
malum non est existens, sequitur quod sit non-existens. Sed dicendum quod
loquitur hic de malo secundum quod malum dicitur res mala. Malum autem non
est res quaedam existens quae scilicet per suam essentiam sit mala, neque
iterum malum est res totaliter non existens, sed malum est res quae partim
est bona et ex illa parte existit et dicitur mala quia deficit ab aliquo
esse. |
Leçon 14 (24a) : Résolution de la première question : le mal est-il un être ?469. Après avoir présenté ces questions au sujet du mal, il commence ici à y répondre ; et premièrement, il commence à répondre à celles qui se rapportent au mal considéré universellement ; ensuite, à celles qui se rapportent au mal selon qu’on le retrouve chez les démons, là où il dit (251) : Donc, ce n’est pas… (leçon 23a) 470. La première partie se divise en deux : dans la première, il résout les trois principales questions qu’il avait avancées au sujet du mal considéré universellement ; dans la seconde, là où il dit (237) : Il y a cependant… (leçon 22a), il procède à la résolution des autres questions secondaires qu’il avait présentées pour mettre davantage en lumière la question sur la cause du mal. 471. La première partie se divise à son tour en trois parties : dans la première, il résout la première question par laquelle on cherche à savoir ce qu’est le mal ; dans la seconde, il résout la deuxième question par laquelle on cherche à savoir de quel principe il vient à se produire, là où il dit (191) : Donc, d'où… (leçon 15) ; dans la troisième, il résout la troisième question par laquelle on se demande chez lesquels parmi les êtres le mal existe, là (205) où il dit : Mais ce n'est pas… (leçon 17a). 472. Au sujet de la première question, Denys fait deux choses : d’abord, il fait suite à ce qui précède ; deuxièmement, il manifeste son propos, là où il dit (188) : Et en premier… 473. Il dit donc en premier que d’aventure
quelqu’un pourrait dire que les questions qui précèdent l’embarassent. Mais
nous lui demanderons de considérer la vérité des choses et qu’ainsi il
pourra parvenir à résoudre ces questions ; et faisant cela, Denys rend son
auditeur attentif et bienveillant. 474. Ensuite, lorsqu’il dit (188) : Et en premier…il manifeste son propos, à savoir que le mal n’est pas un être subsistant et qui serait mauvais selon sa nature ; et à ce sujet, il fait deux choses : d’abord, il montre que le mal n’est pas un être qui existe en ayant une nature ; deuxièmement, que le mal n’est pas quelque chose qui existerait par lui-même, là où (190) il dit : Et si tous les êtres… 475. Denys manifeste le premier point au moyen de
deux raisonnements, dont celui-ci : Tout ce qui existe ou bien possède une
cause ou bien est lui-même cause d’une autre chose ; mais le mal n’a pas de
cause et n’est pas la cause d’une autre chose ; donc le mal n’est pas un être
possédant une existence qui lui est propre. Mais la vérité de la première
proposition est évidente par elle-même car tout ce qui existe, en tant qu’il
existe, est en acte ; mais tout être agit selon qu’il est en acte. Si donc
l’essence d’un être consiste en un acte pur, cet être sera cause seulement ;
mais si un élément de puissance s’y trouve mélangé, elle pourra être à la
fois cause et effet. Et que le mal n’ait pas de cause, Denys le prouve ainsi
: Le mal ne peut exister à partir du bien et s’il
existait à partir du bien, il ne serait pas le mal ; un
des contraires ne peut être la cause de l’autre, en effet il
n’appartient pas au feu de refroidir, ni au bien de produire
des choses qui ne sont pas bonnes, mais au contraire chacun
produit ce qui lui ressemble. De la même façon, on ne peut dire que le mal
soit la cause productrice de quoi que ce soit ; en effet, ce qui fait partie
de la définition du bien ne peut appartenir au mal. Mais la production et
la conservation appartiennent naturellement au bien et font
partie de sa définition, car la génération et la conservation sont des biens
; de même, la corruption et la destruction appartiennent à la
définition du mal. D’où il s’ensuit que seul le bien peut être cause des
êtres et que le mal n’est cause d’aucun être. D’où il suit que, comme le mal
ne vient pas du bien comme de sa cause, le mal n’a pas de cause et n’est pas
un effet. 476. Mais il faut remarquer que la raison par laquelle il a prouvé que le bien n’est pas la cause du mal, prouve que le bien n’est pas la cause du mal par soi et non qu’il ne soit pas cause du mal par accident ; parce qu’ainsi, le chaud peut être cause du froid par accident lorsque qu’une plus grande flamme en se consumant rend froide par accident la matière d’une plus petite flamme. Mais cela ne s’oppose pas à l’intention de Denys ; il faut en effet que tout ce qui a une essence ait naturellement une cause par soi et non par accident. D’où il suit que si le mal n’a pas de cause par soi, mais seulement par accident, il en découle seulement que le mal n’a pas d’essence ; et c’est ce qu’il ajoute, comme à titre de conclusion : à savoir que le mal en lui-même n’est pas quelque chose, si on entend le mal en tant que tel, comme quelque chose qui subsisterait dans la nature du mal. Mais tout ce qui est totalement tel est essentiellement tel, comme si une chose est totalement bonne, elle est l'essence de la bonté ; si en effet elle participe du bien, elle ne l'est alors qu'en partie et il faut qu'elle se divise en participante et participée. Si donc rien n’est essentiellement un mal, ce qui est mal n’est pas totalement mal mais possède en soi une certaine partie du bien et c’est de cette partie que vient tout l’être de ce qui est dit mal. Ainsi donc c’est au moyen de cela que Denys manifesta ce qu’est le mal. En effet, le mal ne peut être une essence qui subsiste, comme le bien est l’essence même de la bonté, mais n’importe quelle chose mauvaise est bonne par essence ; elle est mauvaise cependant selon qu’elle s’éloigne du bien qu’elle devrait avoir et qu’elle n’a pas. 477. Là où il dit (189) : Et si les êtres…, il présente le deuxième raisonnement, qui est le suivant : Tous les êtres désirent le Beau qui est aussi le Bien ainsi que nous l’avons montré (355) et ainsi toutes les choses, quoiqu’elles fassent, elles le font en vue du bien ou pour le moins en vue de ce qui leur paraît être un bien ; et ainsi toutes les intentions de tous les êtres se rapportent au bien comme à leur principe et à leur fin car le désir du bien meut, à la manière d’un certain principe, à vouloir les moyens qui sont en vue de la fin ; et derechef, les moyens qui sont en vue de la fin, nous les rapportons au bien comme à leur fin. Et Denys manifeste cela par ceci que nul ne fait ce qu’il fait en ayant le regard tourné vers le mal en tant que mal, bien que parfois ce vers quoi on tourne son attention soit mal, comme quand quelqu’un se tourne vers une chose comme la fornication, ce n’est pas vers la fornication en tant que mal, mais pour autant qu’elle apporte du plaisir. Et à partir de cela il est évident qu’aucun être ne désire le mal si ce n’est par accident et que tout ce qui existe désire le bien. Mais si une chose était mauvaise par essence, elle ne pourrait pas désirer le bien, puisque qu’un contraire ne peut désirer son contraire qui implique sa destruction, mais il désirerait ce qui est mal en soi comme étant ce qui lui est semblable et qui lui convient. D’où il reste que le mal, considéré quant à son essence, n’est ni une partie d’un être, ni aucun des êtres considérés dans leur universalité. 478. Ensuite, lorsqu’il dit (190) : Et si les êtres…, il montre qu’une chose ne peut être mauvaise en elle-même à la manière d’un non-être et pour le prouver il avance que si tout ce qui existe vient du plus grand bien et que ce plus grand bien est au-dessus de tous les êtres, il reste que dans le plus grand bien lui-même on rencontre ce qui est comme un non-être. En effet, ce qui est au-dessus de tous les êtres doit être une sorte de non-être, de la même manière que ce qui est au-dessus de tous les corps n’est pas un corps. Mais cela ne peut se dire du mal, à savoir que cela même à quoi on attribue le mal soit un non-être. En effet le mal n’est pas un être, autrement il ne serait pas totalement mal puisque cela même qui est un être est un certain bien ; il n’est pas non plus totalement un non-être car rien n’est totalement un non-être si ce n’est quand on l’entend du plus grand bien qui est au-dessus de toute substance. Mais on ne peut l’entendre ainsi du mal, car ce qui dépasse toute substance est le plus grand bien. D’où il reste que le bien est établi d’une manière beaucoup plus élevée et transcendante par rapport à toute substance qui existe et qu'il est au-dessus de tout non-être qu’on puisse retrouver dans les choses. Mais le mal n’est aucun des êtres, il n’existe parmi aucun d’entre eux et il n’est aucune partie ni aucune propriété d’aucun de ces êtres ; et il ne fait pas partie non plus de ce qui n’existe pas, mais il est davantage éloigné, c’est-à-dire retiré et distant du non-être que du bien et il lui est aussi plus étranger car au moins le mal est dans le bien comme dans un sujet mais le non-être entendu purement et simplement n’est pas le mal. Et de plus le mal est davantage dans un sujet que le non-être car ce dernier peut s’entendre comme n’étant pas dans un sujet alors que le mal doit s’entendre comme étant dans le bien. 479. Mais en opposition à ce qu’il vient de dire,
il présente deux objections : certes, d’abord celle-ci, à savoir que le mal
est une privation du bien et la privation est un non-être ; et deuxièmement
que l’être et le non-être s’opposent par mode de contradiction et qu’il ne
peut y avoir aucun intermédiaire entre les deux, d’où il suit que si le mal
n’est pas un être, il est un non-être. 480. Mais il faut dire que Denys parle ici du mal
selon qu’on parle de lui comme d'une chose qui est mauvaise. Mais le mal
n’est pas une chose qui existe et qui serait par essence mauvaise et le mal
n’est pas non plus ce qui ne possède aucune existence, mais le mal est plutôt
une chose qui est en partie bonne, et sous ce rapport elle existe et par
ailleurs on dit d’elle qu’elle est mauvaise car elle s’écarte d’une certaine
forme d’être. |
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LECTIO 15 [84858] In De divinis
nominibus, cap. 4 l. 15 Postquam Dionysius ostendit quod malum non habet
essentiam et quod neque est causa neque causatum, nunc inquirit unde malum
proveniat in rebus ; et primo, movet dubitationem ; secundo, solvit ; ibi
: dicit autem et cetera. Movet autem duplicem dubitationem ;
et primo quidem, ex repugnantia sive contrarietate quae invenitur in rebus ;
secundo, ex concomitantia generationis et corruptionis ; ibi : et si
corruptio et cetera. Circa primum, duo facit : primo, movet
dubitationem ex illis in quibus apparet manifeste contrarietas boni et mali ;
secundo, ex illis in quibus non sic manifeste apparet ; ibi : et ad
rationem et cetera. Dicit ergo primo quod si malum non habet
existentiam nec est causa neque causatum, ut supra ostensum est, aliquis
obiiciendo dicet : unde igitur malum invenitur in rebus ? Si
enim respondeas quod in rebus non est malum, sequuntur duo inconvenientia :
quorum primum est quod virtus et malitia sunt idem et omnis toti,
idest virtus in generali, malitiae in generali ; et particularis
proportionali, idest specialis virtus speciali malitiae sibi
proportionalitate contrariorum respondenti, ut iustitia iniustitiae, quia et
malitia in generali virtuti contrariatur et specialis malitia speciali
virtuti. Virtus huius deductionis in hoc consistit quod, remotis differentiis
quibus aliqua ad invicem differunt, sequitur ea esse idem. Differentiae
autem, quibus virtus et malitia differunt, sunt bonum et malum ; nam virtus
est bona qualitas mentis, malitia autem mala qualitas mentis. Remota igitur
differentia boni et mali, si malum non sit in rebus, sequitur quod virtus et
malitia sunt idem in universali et in speciali. Secundum inconveniens est
quod etiam si virtus et malitia differant, sequitur quod malum non
contrariatur nec repugnat virtuti quia quod non est non potest contrariari
aut impugnare. Utrumque enim contrariorum oportet esse aliquid et natura
manifesta. Est autem contrarietas virtutis ad malum per hoc quod castitas et
impudicitia contrarientur et iustitia et iniustitia. Et quia posset aliquis
dicere quod ista contrarietas non est nisi secundum quod homines sibi invicem
contrariantur, quorum unus habet virtutem et alter non habet, hoc excludit
: et non dico, inquit, quod castitas et impudicitia et iustitia
et iniustitia sunt contraria solum secundum quod homo iustus et homo iniustus
et pudicus et impudicus sibi contrariantur invicem, sed per prius naturae
ordine ante distantiam et contrarietatem quae exterius apparet inter eum qui
habet virtutem et eum qui habet vitium oppositum, ipsa vitia sive malitiae
universaliter differunt a virtutibus in ipsa anima. Non enim castitas et
impudicitia sunt contraria propter contrarietatem casti et impudici, sed
potius e converso. Primo ergo dubitationem movit de contrarietate virtutis et
iustitiae, quia de ratione eius quod est contrarium virtuti, est malum nec
invenitur in aliquo genere quod aliquae species distinguantur per
differentiam boni et mali, nisi in habitibus animae vitiosis et virtuosis.
Huius ratio est quia virtutes et vitia pertinent ad voluntatem, cuius
obiectum est bonum et malum. Deinde, cum dicit : et ad rationem et
cetera, movet dubitationem de illis quae non habent de sua ratione quod
contrarientur bono, sicut passiones quae pugnant contra rationem. Dicuntur
autem passiones motus appetitus sensitivi qui dividitur per irascibilem et
concupiscibilem potentiam. De ratione autem harum passionum non est quod
contrarientur virtuti, quia contingit etiam secundum virtutem concupiscere et
gaudere et irasci et alias huiusmodi passiones habere, sed contrariantur
virtuti secundum quod inordinatae sunt. Omne autem inordinatum non est de
ratione earum. Huiusmodi igitur passiones contra rationem pugnant, quia sicut
apprehensio sensitiva est eius quod est hic et nunc ita appetitus sensitivus
huiusmodi apprehensionem consequens est eius quod est bonum hic et nunc et
secundum hoc, bonum non simpliciter est quod ratio attendit. Cum igitur
contingit id quod est bonum hic et nunc, non esse bonum simpliciter, sequitur
quod passio pugnet contra rationem et ex istis passionibus contra rationem
pugnantibus, necesse est dare aliquod malum esse contrarium bono, quamvis de
ratione passionum non sit malum, sicut erat de principio malitiarum. Et ideo
necesse fuit ut probaret quod ex huiusmodi pugna, sequatur contrarietas mali
ad bonum. Manifestum est enim quod bonum non est contrarium sibi ipsi, sed
omne bonum sicut ab uno principio procedens, et sicut genitum ab una causa
gaudet mutua communione et amicitia et unitate. Nec etiam potest dici quod
minus bonum sit contrarium maiori bono, sicut nec minus calidum aut frigidum
est contrarium magis calido et frigido. Quod quidem intelligendum est ex ea
parte qua utrumque est calidum aut frigidum ; sed inquantum minus calidum
habet aliquod permixtum de frigido vel magis appropinquat ei, sic, quod minus
est calidum, est contrarium magis calido, ut dicit philosophus, V Physic. sed
hoc est secundum quid, non simpliciter. Dionysius autem hic loquitur de
contrariis et simpliciter. Habito ergo quod bonum nullo modo contrarietur
bono, relinquitur quod id quod contrariatur bono et pugnat contra ipsum, sit
malum. Sic igitur, non solum ex passionibus quae pugnant contra rationem, sed
ex quibuscumque aliis contrariis et contra pugnantibus, videtur sequi quod
malum sit in numero existentium et sit aliquid existens et quod contrarietur
bono. Deinde, cum dicit : et si corruptio et cetera, procedit
alia via ad idem ostendendum, scilicet ex concomitantia generationis et
corruptionis ; et dicit quod si malum est corruptio existentium, istud non
excludit ipsum ab hoc quod habeat essentiam, sed magis per hoc probatur quod
sit existens et quod sit generativum existentium. Corruptio enim unius est
generatio alterius, unde quod corruptivum existentium est, est etiam
existentium generativum. Omne autem quod est generativum existentium confert
ad perfectionem universi ; sequitur ergo quod malum sit conferens ad
completionem omnis, idest universi et quod largiatur toti,
idest universo, quod non sit imperfectum ; et hoc per seipsum, quod est
inconveniens ; quia quod malum per accidens conferat ad pulchritudinem et
perfectionem universi non est inconveniens, inquantum ex malis per accidens
consequuntur bona, ut Augustinus dicit in Enchiridio. |
Leçon 15 (25a) : Présentation de la deuxième question : d’où vient le mal ?481. Après avoir montré que le mal n’est pas une substance et qu’il n’est ni une cause ni un effet, il se demande ici comment il se fait que le mal apparaisse dans les choses ; et d’abord, il avance une difficulté ; deuxièmement, il la résout, là (194) où il dit : Il dit cependant… (leçon 16 a) 482. Mais le doute qu'il avance est double ; et d’abord, le premier se tire du côté de l’opposition ou de la contrariété qu’on retrouve dans les choses ; le deuxième est celui qui se tient du côté de la coexistence de la génération et de la corruption dans les choses, là (193) où il dit : Et si la corruption… 483. Au sujet du premier, il fait deux choses : d’abord, il avance un doute qui se tient du côté des choses dans lesquelles apparaît manifestement la contrariété du bien et du mal ; deuxièmement, il en avance un autre qui se tient du côté de celles dans lesquelles cette contrariété n’apparaît pas si manifestement, là où il dit (192) : et contre la raison… 484. Il dit donc en premier que si le mal ne possède aucune existence en propre et qu’il n’est ni cause ni effet, ainsi qu’il l’a montré (475-476), quelqu’un pourrait objecter ceci : quelle est alors l'origine du mal qui apparaît dans les choses ? Si en effet tu réponds que le mal n’est pas dans les choses, il s’ensuit deux inconvénients : dont le premier se présente ainsi : la vertu et la malice seraient identiques et cela en tout et partout, c’est-à-dire que la vertu en général serait identique à la malice en général et qu’il en serait proportionnellement ainsi dans les cas particuliers, c’est-à-dire qu’une vertu particulière serait identique à un vice particulier qui lui correspondrait proportionnellement comme contraire, comme la justice serait identique à l’injustice, car le vice en général s’oppose à la vertu en général comme un vice particulier s’oppose à une vertu particulière. La force de cette inférence consiste en ceci que, une fois enlevées les différences par lesquelles deux choses diffèrent, ces mêmes choses deviennent identiques. Mais les différences grâce auxquelles la vertu et le vice diffèrent sont le bien et le mal ; car la vertu est une bonne qualité de l’esprit alors que le vice en est une mauvaise. Donc, une fois enlevée la différence du bien et du mal, il s’ensuit que la vertu et le vice sont identiques à la fois universellement et spécifiquement. 485. Le second inconvénient est que même si la vertu et le vice différaient, il s’ensuivrait que le mal ne serait plus contraire et ne s’opposerait à la vertu car ce qui n’existe pas ne peut s’opposer à un autre ni le combattre. En effet l’un et l’autre des contraires doivent être quelque chose et avoir une nature qui saute aux yeux. Mais on voit qu’il existe une contrariété de la vertu à l’égard du mal par ceci que la chasteté s’oppose à l’impudicité et la justice à l’injustice. Et parce que quelqu’un pourrait dire que cette contrariété n’a lieu que parce que les hommes, à savoir celui qui possède la vertu et celui qui ne la possède pas, s’opposent les uns aux autres, Denys écarte cette opinion ; et je ne dis pas, dit-il, que la chasteté et l’impudicité, tout comme la justice et l’injustice, s’opposent seulement parce que l’homme juste s’oppose à l’homme injuste et le chaste à l’impudique, mais plutôt qu'elles s'opposent à priori et selon un ordre de nature, antérieurement à la différence et à l’opposition qui apparaît extérieurement entre celui qui possède une vertu et celui qui possède le vice opposé, les vices eux-mêmes ou les méchancetés s'opposant totalement aux vertus dans l’âme elle-même. En effet la chasteté et l’impudicité ne sont pas contraires à cause de l’opposition qu’il y a entre celui qui est chaste et celui qui est impudique, mais c’est plutôt l’inverse qui est vrai : le chaste et l’impudique s’opposent à cause de l’opposition qu’il y a antérieurement entre la chasteté et l’impudicité. 486. En premier Denys a donc avancé le doute au
sujet de la contrariété de la vertu et du vice, car il est dans la nature de
ce qui est contraire à la vertu d’être un mal et il n’y a aucun genre où les
espèces se distinguent selon la différence du bien et du mal sauf pour les
habitudes de l’âme vicieuse et celles de l’âme vertueuse. La raison en est
que la vertu et le vice se rapportent à la volonté, dont l’objet est le bien
et le mal. 487. Ensuite, lorsqu’il dit (192) : et contre la raison…, il avance un doute au sujet de réalités dont la nature ne s’oppose pas nécessairement au bien, comme les passions qui peuvent combattre contre la raison. Mais on dit que les passions sont des mouvements de l’appétit sensible, lequel se divise en puissances irascibles et concupiscibles. Mais il n’est pas dans la nature même de ces passions de s’opposer à la raison, car il arrive aussi de désirer, de jouir, de se fâcher et d’avoir d’autres passions du même genre d'une manière qui soit conforme à la vertu, mais ces passions s’opposent à la vertu dans la mesure où elles sont désordonnées. Mais tout ce qui entre dans leur définition n’est pas désordonné. C’est donc de cette manière que les passions combattent contre la raison, à savoir que comme l’appréhension sensible porte sur ce qui a lieu ici et maintenant, ainsi l’appétit sensible, faisant suite à une appréhension de cette sorte, tend à ce qui est bien ici et maintenant et par conséquent, ce n’est pas le bien pur et simple que l’appétit sensible recherche. Comme il arrive donc que ce qui est bien ici et maintenant n’est pas le bien pur et simple, il s’ensuit alors que la passion combat contre la raison et qu’à partir de ces passions qui combattent contre la raison, il est nécessaire de concéder qu’un certain mal s’oppose au bien, bien qu’il n’entre pas dans la nature des passions d’être mauvaises comme c’était le cas pour le principe des actes mauvais. Et alors il lui fut nécessaire de reconnaître qu’à partir d’un tel combat s’ensuivait une opposition du mal au bien. Il est manifeste en effet que le bien n’est pas contraire à lui-même mais que tout bien, en tant que procédant d’un seul et même principe et en tant qu’engendré par une seule et même cause, se réjouit dans une communauté, une amitié et une unité réciproques. 488. Et on ne peut dire non plus qu'un moindre bien est contraire à un plus grand, ni que le moins chaud et le moins froid sont contraires au plus chaud et au plus froid. Ce qui doit s’entendre en ce sens par lequel l’un comme l’autre est chaud ou froid ; mais dans la mesure où le moins chaud est mélangé au froid ou s’en approche davantage, ainsi le moins chaud est contraire au plus chaud, ainsi que le dit le Philosophe au cinquième livre des Physiques ; mais il ne s’agit pas là d’une opposition pure et simple, mais d’une opposition sous un certain rapport, alors que Denys parle ici des contraires entendus purement et simplement. 489. Étant donc acquis que le bien ne s’oppose en aucune manière au bien, il reste que ce qui s’oppose au bien et combat contre lui est mal. Ainsi donc, en nous fondant non seulement sur les passions qui combattent contre la raison, mais sur n’importe quoi d’autre qui s’oppose à elle et la combat, il semble s’ensuivre que le mal fait partie des êtres, qu’il est un être et qu’il s’oppose au bien. 490. Ensuite, lorsqu’il dit (193) : Et si la corruption…il procède par une autre voie pour montrer la même chose, c’est-à-dire à partir de la coexistence de la génération et de la corruption ; et il dit que si le mal est la destruction des êtres, cela ne l’empêche pas d’avoir une essence, mais par cela on prouve davantage qu’il est un être et qu’il engendre des êtres. En effet, la corruption d’une chose est la génération d’une autre, d’où il suit que ce qui est destructeur les êtres est aussi producteur des êtres. Mais tout ce qui produit les êtres contribue à la perfection de l’univers ; il s’ensuit donc que, puisque le mal collabore à l’achèvement du tout, c’est-à-dire de l’univers, et qu’il distribue ses largesses au tout qu’est l’univers, le mal n’est pas une imperfection ; mais qu’il fasse cela par lui-même, cela fait problème ; car si le mal contribue par accident à la beauté et à la perfection de l’univers, cela ne cause pas problème, dans la mesure où les biens viennent par accident de ce qui est mal, ainsi qu’Augustin le dit dans son Manuel à Laurent. |
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LECTIO 16 [84859] In De divinis
nominibus, cap. 4 l. 16 Praepositis dubitationibus de existentia et causa
mali, hic incipit solvere ; et primo, solvit particulariter id quod obiectum
est de concomitantia generationis et corruptionis ; secundo, universaliter,
omnia quae supra opposita sunt, investigans veritatis radicem. Dicit ergo
primo quod ad praemissa verus sermo respondet quod
malum, secundum quod est malum, nullam substantiam facit neque generationem,
sed per se loquendo causat solummodo malum et corruptionem existentium. Et si
aliquis obiiciat quod malum est operativum generationis per hoc quod ex
corruptione unius datur generatio alterius, respondendum est secundum
veritatem quod corruptio non dat generationem, sed corruptio solum corrumpit
et malum solum male facit per se loquendo ; sed
generatio et substantia fit propter bonum. Quod quidem patet tam in
naturalibus quam in moralibus. Manifestum est enim quod ignis generat ignem
et corrumpit aerem ; coniungitur enim in igne forma ignis quae pertinet ad
bonum, et privatio formae aeris quae pertinet ad malum. Quod autem ignis
generat ignem non est ex hoc quod caret forma aeris, sed ex hoc quod habet
formam ignis. Alioquin quod careret forma aeris, faceret ignem quod falsum
est, sed corrumpit aerem inquantum ex necessitate formae ignis adiungitur
privatio formae aeris. Similiter in moralibus, adulterium corrumpit virtutem
in quantum caret ordine debito, quod pertinet ad rationem mali ; sed secundum
quod est delectabile, quod pertinet ad rationem boni, delectat et multa alia
bona facit. Sic igitur apparet quod malum secundum seipsum est corruptivum,
sed generativum nonnisi per accidens, scilicet propter bonum. Et ulterius
sequitur quod secundum quod est malum neque existens neque effectivum
existentium, sed per accidens, scilicet propter bonum adiunctum,
est existens et bonorum effectivum. Deinde, cum dicit : magis
autem et cetera, hic Dionysius manifestat praedictam solutionem et
virtutem totius dubitationis profundius investigat ; et circa hoc, tria facit
: primo, enim, ostendit differentiam mali et boni ; secundo, universalem
virtutem boni in essendo ; ibi : magis autem : ut comprehendens dicam et
cetera ; tertio, universalem virtutem boni in hoc quod est facere magis vel
minus bona et magis et minus existentia ; ibi : magis autem :
existentia et cetera. Circa primum, tria facit : primo, distinguit
malum a bono ; secundo, ostendit quid conveniat malo ; ibi : igitur et
cetera ; tertio, quid conveniat bono ; ibi : bonum autem et
cetera. Dixerat autem supra quod malum non generat, inquantum est malum, sed
inquantum est bonum. Ne autem aliquis crederet quod idem secundum idem esset
malum et bonum, subiungit quod non est idem secundum idem et bonum et
malum. Unde cum dicitur quod malum non generat inquantum malum, sed
inquantum bonum, non est distinctio secundum rationem tantum, scilicet quasi
eadem res secundum unam rationem sit bona et secundum aliam mala ; sed
aliqualiter secundum rem, scilicet secundum quod una et eadem res, inquantum
habet de esse, est bona ; quantum vero ad hoc quod privatur perfectione
debita, est mala. Et similiter, generatio et corruptio non est eadem
virtus eiusdem et secundum idem. Non enim idem secundum idem malum
generatur et corrumpitur. Et quia dixerat quod non est idem bonum et malum
nec generatio et corruptio et posset aliquis credere quod malum seorsum
invenitur a bono per se existens et corruptio seorsum a generatione, hoc
consequenter removet dicens quod non est aliqua virtus per se existens, sed
est in bono sicut in subiecto, ita quod idem subiectum est bonum et malum,
secundum aliud et aliud. Et similiter neque corruptio est per se existens
absque generatione, sed simul est et generatio et corruptio in subiecto, sed
non secundum idem, quia generatio unius est cum corruptione alterius. Quod
autem dicit : magis autem, idem est quod in libris Aristotelis
transfertur : amplius autem, et signat additionem rationis supra
rationem. Deinde, cum dicit : igitur ipsum malum et cetera,
concludit ex praemissis quid pertineat ad malum. Si enim malum non est per se
virtus, sequitur quod ipsum malum, ita quod ly ipsum ponatur
loco articuli et malum accipiatur pro essentia mali, sic
inquam malum acceptum neque existens est neque bonum neque
operatur generationem neque est effectivum
existentium et bonorum ; sed res quae est mala, inquantum habet aliquid
de bono est existens et operativa generationis et effectiva existentium et
bonorum. Deinde, cum dicit : bonum autem et cetera, ostendit
quid pertineat ad bonum ; et circa hoc, duo facit : primo, enim, ostendit
quod bonum est universalis causa rerum omnium bonarum ; secundo, ostendit
quomodo causalitas boni extendit se etiam ad mala ; ibi : nunc autem et
cetera. Circa primum, tria facit : primo, proponit quod per bonum fiunt
quaedam bona perfecta et quaedam imperfecta ; secundo, assignat modum per
quem hoc fiat ; ibi : quoniam et cetera ; tertio, probat,
rationem assignando praemissorum ; ibi : si enim et cetera.
Dicit ergo primo quod cum malum non sit operativum bonorum bonum est
quod quidem, ea in quibus interius generatur
perfecte ab eo quod est per suam essentiam bonum, facit formaliter
loquendo bona : perfecta, quidem secundum participationem
bonitatis ; immixta, secundum remotionem mali ; et
integra, secundum remotionem corruptionis. Sed illa quae minus
participant bono sunt imperfecta bona et habent
aliquam permixtionem mali propter defectum boni quod non
perfecte in eis participatur. Et sic universaliter malum non est existens neque est bonum
neque facit bonum ; sed et quod magis et minus appropinquat ei quod
est per essentiam bonum scilicet Deo, est bonum secundum eam proportionem
boni ; propter distantiam autem a primo bono, hoc dicitur malum, non quasi
sit universaliter privatum a bono, sed, inquantum est in eo aliquis defectus
boni. Deinde, cum dicit : quoniam et cetera, assignat modum
praedictorum, scilicet quomodo magis et minus bonum inveniatur in rebus ; et
dicit quod hoc ideo est, quia perfecta bonitas, scilicet
divina vadens per universa, inquantum scilicet communicat se
omnibus per similitudinem suae bonitatis, non proficiscitur usque ad
solas sanctissimas substantias Angelorum quae propinquae
Deo sunt, sed se extendit diffundendo per bonitatem, usque ad
infimas substantias. Illis enim sanctissimis substantiis Angelorum divina
bonitas est totaliter praesens sicut perfecte participata ab eis secundum
modum possibilem creaturae ; aliis autem subiecte, idest
inferiori modo praesens est, a quibus scilicet participatur, sed non ita
perfecte sicut ab Angelis, quod potest referri ad animas humanas ; aliis
vero extreme, idest infimo modo praesens est sicut irrationalibus
creaturis ; et hoc quidem contingit secundum possibilitatem uniuscuiusque ad
participandam divinam bonitatem. Quaedam enim omnino perfecte
secundum modum possibilem creaturae participant divinam
bonitatem, propter quod dicit quod eis divina bonitas totaliter
praesens est. Alia vero privantur ista perfecta
participatione, recedendo ab ea secundum magis et minus, ut patet
in diversis gradibus entium et maxime in creaturis viventibus. Alia vero habent
obscuriorem participationem boni, sicut creaturae corporales et praecipue
non viventes, in quibus obscuratur quodammodo divinae bonitatis claritas,
propter eorum materialitatem et corruptionem ; unde eorum obscuritas in hoc
attenditur quod non sunt intelligibilia actu, sed secundum potentiam tantum.
Quibusdam vero adest bonum secundum ultimam resonantiam, quae
scilicet tenent ultimum gradum in bonitate, ut sunt corrupta et ea quae
dicuntur mala. Et loquitur ad similitudinem eius quod in sonis accidit. Qui
enim propinqui sunt, audiunt totum sonum et secundum quod magis distant,
minus audiunt de sono, ita quod in fine non audiunt ipsum sonum, sed solum
quamdam resonantiam aut reboationem. Deinde, cum dicit : si enim et
cetera, assignat duas rationes praedictae diversitatis. Ad quarum evidentiam
considerandum est quod aliter assignatur ratio diversitatis in effectibus
causae per necessitatem naturae agentis et aliter in effectibus causae
agentis per voluntatem. In his enim quae per necessitatem naturae agunt, tota
diversitatis ratio est ex diversa proportione materiae. Non enim potest
assignari ratio quare ignis ceram liquefaciat et lutum induret, nisi propter
diversam materiae recipientis dispositionem, quia agens naturale quantum est
de se semper natum est unum facere. Sed in his quae agunt per voluntatem,
duplex ratio assignatur diversitatis effectuum : primo quidem ex parte finis
; secundo, ex diversa dispositione materiae. Sicut aedificator alio modo
facit fundamenta et alio modo parietes et alio modo tectum propter quemdam
finem, scilicet propter complementum domus quod recipit hanc diversitatem ;
secundo, ad hoc quod ista diversitas possit esse in partibus, quaerit
materiam diversimode dispositam vel ipse etiam eam diversimode disponit ad
diversitatem partium constituendam. Et similiter duplicem rationem assignat
diversitatis effectuum divinorum : primam quidem, quantum est ex parte finis
qui est complementum universi, quod non esset si esset unus tantum gradus
bonitatis in entibus omnibus aequalibus ; et hoc est quod dicit quod : si
bonum non adesset unicuique secundum proportionem suam diversimode,
sed omnia essent aequalia, sequeretur quod illa quae sunt Deo propinquissima
in rebus et perfectissima, essent in gradu et ordine extremorum,
idest inferiorum et sic non esset universum completum. Secundam rationem
assignat ex diversa capacitate rerum, quae tamen diversitas est a Deo provisa
propter finem, unde dicit : quomodo autem esset possibile quod omnia
uniformiter participarent bono, cum non omnia existentia sint eodem modo
disposita ad perfectam ipsius participationem ? His autem rationibus
assignatis, ulterius protendit virtutem boni usque ad malum ; et dicit quod
in hoc apparet excellens virtus boni ; quod non solum bona producit, sed
etiam firmat et statuit ea quae privantur bono et etiam sui
ipsius privationem et hoc fit secundum totalem ipsius
participationem, idest secundum rationem suae universalis participationis
quia necesse est, quocumque modo est aliquid, quod participet bono et sic
oportet quod subiectum privationis participet bono, cum sit quoddam ens et
per consequens ipsa privatio per bonum firmatur, inquantum non posset esse
nisi in subiecto. Et non solum per virtutem boni et privata et privatio
firmantur, sed etiam, si oportet confidenter dicere veritatem,
ea quae adversantur bono, virtute ipsius boni et
sunt et adversari possunt, quia hoc ipsum quod agunt adversando est ex
virtute boni. Deinde, cum dicit : magis autem, ut comprehendens dicam et
cetera, ostendit universalitatem boni in essendo, quod valet ad
manifestationem eius quod dixerat quod privata et privatio firmantur per
bonum ; et circa hoc tria facit : primo, proponit propositum ; secundo,
manifestat propositum per exempla ; ibi : sicut impudicus et
cetera ; tertio, adaptat ad solutionem, more distinctionis ; ibi : quare
et fieri et cetera. Dicit ergo primo quod non solum bonum invenitur
in singulis gradibus existentium, sed, ut universaliter
comprehendendo dicam omnia entia inquantum sunt et
sunt bona et ex bono ; sed inquantum sunt privata bono, non
solum non sunt bona, sed neque existentia ; non enim
ita est de bono, sicut de aliis particularibus habitibus et privationibus.
Patet enim in caliditate et frigiditate quod substantia quae fuerit calida remanet
existens, postquam totaliter deseritur a caliditate et multa sunt in entibus,
quae carent vita et mente, idest intellectu ; et etiam Deus est absque
substantia, quasi super omnem substantiam existens ; et universaliter in
omnibus aliis formis et perfectionibus invenitur hoc quod aliqua et sunt et
subsistere etiam possunt, recedente perfectione et non habendo talem
perfectionem. Sed illud quod omnino privatum est bono, in nullo loco, nullo
modo, nullo tempore aut est aut esse potest. Deinde, cum dicit : sicut
impudicus et cetera, manifestat quomodo ea quae dicuntur mala in
moribus, habent aliquid de bono ; et primo, manifestat hoc in malo
impudicitiae quae est secundum corruptionem concupiscibilis. Impudicus enim
privatus est bono, inquantum eius concupiscentia privatur ordine rationis et
quantum ad hoc non est ; privari enim ordine rationis non ponit aliquid esse,
sed non esse ; et sic etiam quantum ad hoc non concupiscit existentia, sed
concupiscit inordinata quae, inquantum sunt inordinata, sunt non existentia ;
sed tamen impudicus participat bono secundum quamdam resonantiam
obscuram et defectivam unitionis et amicitiae, quam
supra diximus bono convenire. Secundo, ostendit idem in malo iracundiae, quod
est secundum inordinationem irascibilis ; et dicit quod furor,
idest ira inordinata participat bono, secundum hoc ipsum quod movetur in
quiddam quod ei apparet bonum et iustum, scilicet vindicare offensam, et
inquantum desiderat illa quae secundum se videntur mala, sicut laesiones
proximi, reducere et convertere in aliquid apparens bonum, et pulchrum ; est
enim proprium iracundi semper ad hoc niti quod videatur iuste vindictam
inferre. Unde et philosophus dicit, in VIII Ethicorum, quod iracundus
assimilatur ei qui audit quasdam leges quantum ad hoc quod est vindicare
peccata, sed statim movetur antequam totum audiat, scilicet a quo et qualiter
et quantum offensam illatam debeat vindicare. Tertio, ostendit idem in eo qui
ex malitia peccat, non per passionem, sed per electionem malum agens ; et
dicit quod ille qui pessimam vitam desiderat quae tamen sibi optima videtur,
ut dicitur, participat bono, quantum ad ipsum motum desiderii et quantum ad
hoc quod respicit optimam vitam, quia malam vitam eligit inquantum sibi
apparet bona. Et universaliter comprehendit quod, si omnino bonum auferatur, neque
erit substantia neque vita neque aliquod desiderium neque
motus neque aliud nihil. Deinde, cum dicit : quare et fieri et
cetera, applicat praedictam veritatem ad solutionem dubitationis motae ; et
dicit, dum ita sit, quod cum nihil, quodcumque videatur malum, est totaliter
privatum bono, hoc ipsum quod per corruptionem unius, quae appropriatur malo,
fit generatio alterius, non est ex parte mali, sed ex praesentia boni
imperfecti : sicut morbus qui corrumpit naturam est quidem defectus alicuius
ordinis, scilicet proportionis humorum in qua consistit sanitas, non tamen
est defectus cuiuslibet ordinis ; quia, si omnis ordo tollatur, neque ipse
morbus remanebit, humoribus ab invicem totaliter recedentibus ; sed manet ordo
et ipsa aegritudo habet pro substantia vel essentia quod sit quidam ordo
minimus, idest imperfectus. Et quantum ad hunc ordinem aegritudo aliquid est
et corrumpere potest, sicut per calorem excedentem vel aliquid huiusmodi.
Illud enim quod omnino est expers boni neque est existens neque est
in existentibus ; sed illud quod est mixtum, idest partem
habens de bono et partem de malo, secundum hoc quod habet de bono,
connumeratur inter existentia et est aliquo modo existens. Deinde, cum dicit
: magis autem : existentia omnia et cetera, ostendit quod ex
bono est diversitas graduum in entibus et hoc ad solutionem applicat. Dicit,
ergo, quod omnia existentia intantum magis et minus de esse
participant, inquantum magis et minus participant
bono ; quia ens inquantum ens est bonum. Item est de bono sicut et de
ente ; quia in ipso esse si aliquid nullo modo
existit participans, sequitur quod nullo modo erit.
Illud autem quod secundum aliquam partem est et secundum aliquam partem non
est, sicut homo caecus qui est quidam homo, sed non est videns, inquantum quidem
deficit ab eo quod est semper et perfecte existens, non
est ; inquantum autem participat esse, intantum est ; et, ut
universaliter loquamur, ipsum non-existens per ipsum esse
tenetur et salvatur ; tamdiu enim remanet caecitas, quamdiu remanet homo.
Ita et similiter est de malo : quia si aliquid sit malum quod totaliter
recedat a bono, illud nullo modo potest esse, neque inter ea quae sunt magis
vel minus bona. Sed illud quod est secundum aliquam partem bonum,
secundum vero aliam partem non bonum,
contrariatur quidem bono non universali, quia non deficit
universaliter a bono, sed alicui bono a quo deficit, sicut malum caecitatis
opponitur bono visionis. Sed ipsum malum quod opponitur particulari bono,
retinetur per participationem boni, inquantum scilicet subiectum privationis
participat aliquo bono et ipsum bonum dat subiectum alicuius boni, inquantum
bonum universaliter participatur in omnibus entibus. Nec est inconveniens
quod bonum, universaliter loquendo, sit subiectum privationis alicuius
particularis boni, sicut quod est subiectum alicuius particularis entis
continetur sub ente communi. Omnino autem recedente bono, neque
aliquid erit totaliter bonum, neque erit aliquod bonum mixtum cum
malo, neque erit ipsum malum, quia subiecto
subtracto et privatio subtrahitur. Si enim malum est in
aliquo bono imperfecto, manifestum est quod si totaliter subtrahatur bonum,
tolletur totaliter et bonum imperfectum et bonum perfectum et
per consequens tolletur malum. Tunc igitur solum potest
esse malum quando respectu quorumdam bonorum est
malum quibus opponitur, sed ab aliis bonis
distinguitur sicut bonum a bono. Non enim est possibile quod
aliqua opponantur sibi secundum omnia, quia saltem oportet quod in esse
conveniant. Sic igitur cum malum non sit totaliter privatum bono, sed aliquo
particulari bono, relinquitur quod hoc ipsum quod est malum, non est aliqua
res per se existens. |
Leçon 16 (26a) : Réponse à la seconde question principale.491. Ayant présenté les difficultés relatives à
l’existence et à la cause du mal, il commence ici à les résoudre ; et en
premier, il résout spécialement l’objection relative à la coexistence de la
génération et de la corruption ; deuxièmement et plus universellement, il
résout toutes les oppositions présentées plus haut en recherchant la racine
de la vérité (195). 492. Il dit donc en premier qu’à l’égard de ce qui vient d’être dit, à vrai dire, le mal en tant que mal ne produit aucune substance ni aucune génération, mais en lui-même il ne peut causer que du mal et la corruption des êtres. Et si quelqu’un veut objecter que le mal est un agent de génération en disant que c’est à partir de la corruption d’une chose que s’ensuit la génération d’une autre, il faut répondre conformément à la vérité que la corruption n’apporte pas la génération mais qu’elle ne fait que corrompre et que le mal, considéré en lui-même, ne peut faire que du mal ; et qu’une génération et une substance ne peuvent avoir pour cause que le bien. Ce qui apparaît certes tant dans les choses naturelles que dans les actes humains. Il est manifeste en effet que le feu produit du feu et qu’il détruit l’air ; en effet, il y a dans le feu l’union de la forme du feu, qui se rapporte au bien, à la privation de la forme de l’air qui est relative au mal. Mais le fait que le feu engendre le feu ne vient pas de ce qu’il est privé de la forme de l’air mais de ce qu’il possède la forme du feu. Autrement, tout ce qui serait privé de la forme de l’air engendrerait le feu, ce qui est faux ; mais le feu corrompt l’air dans la mesure où la privation de la forme de l’air se rattache nécessairement à la forme du feu. Il en est de même dans les actes humains où l’adultère par exemple corrompt la vertu dans la mesure où il manque à l’ordre attendu, ce qui appartient à la nature du mal ; mais dans la mesure où l’adultère implique le plaisir qui appartient à la nature du bien, il charme et produit plusieurs autres biens. Ainsi donc il devient évident que le mal en lui-même est un principe de corruption mais que par accident, à cause du bien, il est principe de génération. Et plus loin Denys poursuit en disant que le mal en tant que mal n’est ni un être ni capable de produire des êtres, mais que par accident, c’est-à-dire à cause du bien auquel il est uni, il est un être et capable de produire des biens. 493. Ensuite, lorsqu’il dit (195) : Disons mieux encore…, Denys manifeste ici la réponse précédente et examine plus profondément la force de ce doute dans son ensemble. Et à ce sujet il fait trois choses : premièrement en effet il montre la différence qu’il y a entre le bien et le mal ; deuxièmement, il montre la puissance universelle du bien à l’égard de l’être, là où il dit (201) : Disons mieux encore, pour faire comprendre… ; troisièmement, il montre la puissance universelle du bien à faire des choses plus ou moins bonnes possédant plus ou moins d’être, là où il dit (204) : Disons mieux : les êtres… 494. Au sujet du premier point, il fait trois choses : d’abord, il distingue le mal du bien ; deuxièmement, il montre ce qui appartient au mal, là où il dit (196) : Donc… ; troisièmement, ce qui appartient au bien, là où il dit (197) : Le bien cependant… 495. Mais Denys avait dit plus haut que ce n’est pas en tant que mal que le mal peut engendrer, mais en tant que bien. Cependant, afin que personne ne croie que le mal est identique au bien sous le même rapport, il ajoute que le bien et le mal ne sont pas identiques sous le même rapport. C’est pourquoi, comme on a dit que ce n’est pas en tant que mal que le mal engendre mais en tant que bien, cette distinction n'est pas faite selon la raison seulement, comme on le ferait en disant que la même chose pour une raison serait bonne et pour une autre mauvaise ; mais on dit cela indifféremment en ne considérant que la chose, c’est-à-dire selon qu’une seule et même chose est bonne pour autant qu’elle a de l’être, mais elle est mauvaise quant à la privation d’une perfection qui lui convient. Et de la même manière, ce n'est pas sous le même rapport qu'une même chose engendre et corrompt. Ce n’est pas sous le même rapport en effet que le mal engendre et corrompt. Et parce qu’il avait dit que le bien et le mal tout comme la génération et la corruption, ne sont pas identiques, et que quelqu’un pourrait croire que le mal pourrait se retrouver existant par lui-même à part du bien et la corruption à part de la génération, il écarte par conséquent cette possibilité en disant que le mal n’est pas une puissance existant par elle-même, mais qu’il existe dans le bien comme dans un sujet, de telle sorte que le bien et le mal sont identiques quant au sujet mais différents quant à la raison ou aux autres rapports. Et de même la corruption n’a aucune existence par elle-même indépendamment de la génération, mais elle existe en même temps que la génération dans un même sujet, car la génération de l’un s’accompagne de la corruption de l’autre mais non sous le même rapport. 496. Cependant, ce qu’il dit, à savoir : Disons mieux cependant…, est identique à ce qui nous est transmis dans les livres d’Aristote : ¨Avec plus d’ampleur cependant¨, qui désigne l’ajout d’une raison à cette raison. 497. Ensuite, lorsqu’il dit (196) : Donc, le mal lui-même…, il conclut à partir de ce qui précède ce qui se rapporte au mal. Si en effet le mal n’est pas par lui-même une puissance, il s’ensuit que le mal lui-même, selon que lui-même est placé au lieu de l’article et que le mal s’entend au sens de l’essence du mal, le mal ainsi entendu, dit-il, n’est ni un être, ni un bien, ni agent de génération, ni cause des êtres et des biens ; mais la chose qui est mauvaise, dans la mesure où elle a quelque chose du bien, est un être et un agent de génération et la cause d’êtres et de biens. 498. Ensuite, lorsqu’il dit (197) : le bien cependant…, il montre ce qui se rapporte au bien ; et à ce sujet, il fait deux choses : d’abord, en effet, il montre que le bien est la cause universelle de toutes les choses bonnes ; deuxièmement, il montre ensuite comment la causalité du bien s’étend même aux choses mauvaises, là où il dit (200) : maintenant cependant… 499. Au sujet du premier point, il fait trois choses : d’abord, il propose que le bien soit la cause du devenir, parmi les choses bonnes, de certaines qui sont parfaites et d’autres qui sont imparfaites ; deuxièmement, il désigne la manière selon laquelle cela se produit, là où il dit (198) : Car… ; troisièmement il le prouve, en assignant la raison de ce qui précède, là où il dit (199) : Si en effet… 500. Il dit donc en premier que puisque le mal ne peut produire de bonnes choses, le bien est certes ce qui rend bonnes, à parler formellement, les choses dans lesquelles le bien est parfaitement et intérieurement engendré par Celui qui est bon dans son essence même : parfaitement, certes, selon leur participation à la bonté ; sans mélange, quant à leur éloignement par rapport au mal ; et entièrement quant à leur séparation de la corruption. Mais les choses qui participent moins du bien sont imparfaitement bonnes et sont d’une certaine manière mélangées au mal à cause d’une participation imparfaite au bien, ce qui amène un manque de bien. Ainsi, absolument parlant, le mal n’est pas un être, ni un bien, ni un agent du bien ; mais ce qui s’approche plus ou moins de Celui qui est le bien par son essence même, à savoir de Dieu, est bon dans la même proportion ; mais à cause de son éloignement par rapport à ce premier Bien une chose est dite mauvaise non parce qu’elle serait universellement privée du bien, mais parce qu’il y aurait en elle un certain manque de bien. 501. Ensuite, lorsqu’il dit (198) : Car…, il assigne le mode selon lequel cela se produit, c’est-à-dire comment il se fait qu’il y ait dans les choses du plus et du moins dans le bien ; et il dit qu’il en est ainsi parce que la Bonté parfaite, à savoir la bonté divine, parcourant l’univers, dans la mesure où elle se communique à tous au moyen d’une image de sa bonté, ne parvient pas seulement aux substances les plus saintes qui sont les plus proches de Dieu, à savoir les Anges, mais elle s’étend aussi en répandant sa bonté jusqu’aux substances les plus humbles. En effet, la bonté divine est totalement présente à ces substances les plus saintes que sont les Anges et elle est comme parfaitement participée par elles selon la modalité qui est possible à ces créatures ; cependant elle est présente à un moindre titre, c’est-à-dire à un niveau inférieur, aux autres êtres auxquels elle se communique mais pas aussi parfaitement qu'aux Anges, ce qui peut s’entendre des âmes humaines ; vraiment la bonté divine se communique aussi à d’autres de la manière la plus humble, c’est-à-dire qu'elle leur est présente selon la dernière des modalités, comme on peut le voir chez les créatures irrationnelles ; et cela se produit selon les possibilités de chacun de participer à la bonté divine. Certains en effet participent de la bonté divine entièrement et parfaitement selon ce qui est possible à une créature, et c’est pourquoi Denys dit que la bonté divine leur est totalement présente. Mais d’autres sont privés de la perfection de cette participation, distants de la Bonté selon le plus ou le moins, ainsi qu’il apparaît dans les divers degrés des êtres, et spécialement chez les vivants. D’autres encore ont part au bien de la manière la plus obscure, comme les créatures corporelles et principalement les non-vivants, chez lesquels d’une certaine manière l’éclat de la bonté divine est obscurci, en raison de leur matérialité et de leur corruptibilité ; d’où leur obscurité se remarque en ceci qu’ils ne sont pas intelligibles en acte, mais en puissance seulement. Chez certains enfin le bien n'est présent que selon l'écho le plus éloigné, c’est-à-dire chez ceux qui tiennent dans la bonté le dernier rang, comme les vicieux et ceux qu’on dit mauvais. Et il s’exprime ici au moyen d’une similitude tirée de ce qui se produit dans les sons. Ceux en effet qui sont les plus proches du son l’entendent dans sa totalité et ceux qui en sont plus éloignés l’entendent moins, de telle sorte qu’à la fin ils n’entendent plus le son lui-même mais un écho ou une résonance. 502. Ensuite, lorsqu’il dit (199) : Si en effet…, il assigne deux raisons à cette diversité. Et pour les rendre évidentes il faut considérer qu’autre est la nature de la diversité dans les effets qui découlent d’une cause agissant par une nécessité de nature, autre est celle qu’on retrouve dans les effets d’une cause qui agit par la volonté. Chez ceux en effet qui agissent par une nécessité de nature, toute la nature de la diversité se tire d'une diversité proportionnelle à la matière. En effet on ne peut assigner une raison qui explique pourquoi le feu fait fondre la cire et durcit l’argile, si ce n’est en invoquant une disposition différente du côté de la matière réceptrice, car l’agent naturel, quant à lui, n’est toujours apte à produire qu’un même effet. Mais chez les êtres qui agissent par volonté, il y a deux raisons qui peuvent expliquer la diversité des effets : d’abord, il y en a une qui se tient du côté de la fin, alors que la seconde se tient du côté d’une disposition différente de la matière. Par exemple, le constructeur fait autrement les fondations, autrement les murs et autrement le toit en raison d’une finalité différente, à savoir la réalisation de la maison qui doit recevoir cette diversité ; deuxièmement, afin que cette diversité puisse exister dans les parties, il cherche pour chaque partie une matière disposée différemment, ou lui-même encore la dispose différemment afin de constituer les parties dans ce qu’elles ont de distinct. 503. Et de même, Denys assigne une double raison à la diversité des effets de la Bonté divine : la première certes se tire du côté de la fin, qui est l’achèvement de tout l’univers qui ne pourrait se réaliser s’il n’existait qu’un seul degré de bonté dans des êtres qui seraient tous égaux ; et c’est ce qu’il dit, à savoir (199) : si le bien n’était pas présent à chacun différemment et proportionnellement à ce qui lui revient mais que tous les êtres étaient égaux, il s’ensuivrait que celles parmi les choses qui sont les plus proches de Dieu et les plus parfaites seraient dans le degré et l’ordre des dernières, c’est-à-dire de celles qui sont les plus inférieures et ainsi l’univers ne serait pas complet. Il assigne la deuxième raison qui se tire de la diversité des puissances qu’on retrouve dans les choses, laquelle diversité a été prévue par Dieu en vue de la fin, et c’est pourquoi Denys dit : Comment cependant serait-il possible que tous les êtres participent du bien de la même façon, puisque tous les êtres ne sont pas disposés de la même façon à une participation parfaite du bien. 504. Ayant présenté ces raisons, il étend la puissance du bien jusqu’au mal ; et il dit (200) que l’excellence de la puissance du bien apparaît en ceci que non seulement elle produit des biens, mais aussi en cela qu’elle fortifie et donne de la stabilité aux choses qui sont privées de bien et même à cette privation elle-même et cela se réalise selon une participation universelle du bien, c’est-à-dire pour la raison que tout participe du bien car il est nécessaire, quelle que soit la manière dont une chose existe, qu’elle participe du bien et ainsi il faut que le sujet de la privation participe du bien puisqu’il est un certain être et par conséquent la privation elle-même est déterminée par le bien, puisqu’elle ne peut exister sans un sujet. Et non seulement c’est par la puissance du bien qu’à la fois le sujet privé de bien et la privation elle-même reçoivent leur consolidation, mais s’il faut dire la vérité avec audace, même les choses qui s’opposent au bien, c’est par la puissance du bien lui-même qu’elles existent et peuvent se rebeller, car même ce qu’elles font en se rebellant n’est possible que par la puissance du bien. 505. Ensuite, lorsqu’il dit (201) : Mais pour mieux dire comme en résumant…, il montre l’universalité du bien quant à l’être, ce qui vise à manifester ce qu’il avait dit, à savoir qu’à la fois le sujet et la privation reçoivent du bien leur solidité ; et à ce sujet il fait trois choses : d’abord, il présente son propos ; deuxièmement, il manifeste ce propos par des exemples, là où il dit (202) : Tout comme l’intempérant… ; troisièmement, il applique ce propos à la solution par manière de distinction, là où il dit (203) : C'est pourquoi la génération… 506. Il dit donc en premier que non seulement le bien se retrouve dans chacune des classes d’êtres mais, pour entendre ceci d'une manière universelle, je dirai que tous les êtres, dans la mesure où ils existent, sont bons et viennent du Bien ; mais dans la mesure où ils sont privés de bien, non seulement ils ne sont pas bons, mais ils n’existent pas ; en effet il n’en est pas du bien comme des autres dispositions et privations. On voit en effet que, pour ce qui est de la chaleur et du froid, la substance qui était chaude continuer d’exister, même après avoir totalement perdu sa chaleur et on en voit plusieurs parmi les êtres qui sont privés de vie et d’esprit, c’est-à-dire d’une intelligence ; et même Dieu est sans substance, existant comme au-dessus de toute substance ; et universellement pour toutes les autres formes et perfections il se trouve des êtres qui existent et peuvent même subsister une fois que cette perfection particulière s’est retirée et qu’ils ne possèdent plus cette perfection. Mais ce qui est totalement privé de bien n’existe pas et ne peut exister en aucun lieu, d’aucune manière et en aucun temps. 507. Ensuite, lorsqu’il dit (202) : Tout comme l’intempérant…, il manifeste comment même ce qu'on appelle mauvais dans les actions humaines possède quelque chose du bien ; et d’abord, il manifeste cela dans ce mal qu’est l’intempérance qui se situe dans la corruption de l'appétit concupiscible. L’intempérant en effet est privé du bien dans la mesure où sa concupiscence est privée de l’ordre de la raison et quant à cela il n’existe pas ; en effet, être privé de l’ordre de la raison ne place pas une chose dans l’être, mais dans le non-être ; et ainsi encore, sous ce rapport, il ne désire pas ce qui est, mais il désire le désordre qui, en tant que désordre, est du non-être ; mais cependant l’intempérant participe du bien selon une certaine résonance obscure et selon un manque d’union et d’amitié dont nous avons dit plus haut (501) qu’elles appartiennent au bien. Deuxièmement, il montre la même chose quant à la colère qui est un désordre de l’irascible ; et il dit que la fureur, qui est une colère désordonnée, participe du bien selon cela même qu’elle est mue vers quelque chose qui lui apparaît bien et juste, à savoir châtier l’offense et quand il lui arrive de désirer ce qui en soi apparaît mal, comme des blessures au prochain, elle cherche à le ramener et à le convertir en quelque chose qui paraisse bien et beau ; c’est le propre du colérique en effet de toujours s’efforcer de faire paraître juste le fait de mener une vengeance. C’est pourquoi le Philosophe dit au huitième livre de l’Éthique que le colérique se compare à celui qui, entendant des lois stipulant que la vengeance est une faute, avant même d’avoir tout entendu, est aussitôt agité par l’idée que l’offense qui a été commise doit être vengée par un tel, de telle manière et dans telle mesure. Troisièmement, il montre la même chose en ce qui concerne ceux qui fautent par malice, c’est-à-dire non par passion, mais qui font le mal par choix ; et il dit que celui qui désire la vie qui, tout en lui paraissant la meilleure, est la pire de toutes, comme on dit, participe du bien quant au mouvement même du désir et quant à ce qu’il recherche la meilleure vie, car il choisit la mauvaise vie parce qu’elle lui apparaît bonne. Et par là Denys entend universellement que si on enlève totalement le bien, il ne restera aucune substance, aucune vie ni aucun désir ni aucun mouvement ni rien d’autre. 508. Ensuite, lorsqu’il dit (203) : C'est pourquoi la génération…, il applique la vérité qui précède à la solution du doute qui a été avancé ; et il dit que puisqu’il en est ainsi, à savoir comme rien, si mauvais soit-il, n’est totalement privé de bien, cela même qui par la corruption de l’un, attribuée au mal, devient la génération de l’autre, n’a pas pour cause le mal mais la présence d’un bien imparfait, tout comme la maladie qui corrompt la nature est l’absence d’un certain ordre, c’est-à-dire de la proportion des humeurs dans laquelle consiste la santé ; mais ce n’est pas l’absence de tout ordre car si tout ordre disparaissait, la maladie elle-même disparaîtrait puisque les humeurs elles-mêmes se détacheraient les unes des autres ; mais l’ordre demeure et la maladie elle-même a pour substance ou essence qu’elle est un ordre minimal, c'est-à-dire imparfait. Et par rapport à cet ordre, la maladie est quelque chose et elle peut corrompre, comme par une chaleur extrême ou quelque chose du genre. Ce qui en effet est complètement dépourvu de bien n’est ni un être ni quelque chose qui existe dans un être ; mais ce qui est composé, c’est-à-dire ce qui a en lui à la fois du bien et du mal, est compté parmi les êtres et est une certaine forme d’être pour autant qu’il a en lui du bien. 509. Ensuite, lorsqu’il dit (204) : Je dirai mieux cependant : tout ce qui existe…, il montre que la diversité dans les degrés des êtres vient du bien et il applique cela à la solution. Il dit donc que tout être participe d’autant plus ou moins de l’être qu’il participe plus ou moins du bien ; car l’être en tant qu’être est bon. Il en est du bien comme de l’être ; car si quelque chose n’existe d’aucune manière par la participation de l’être lui-même, il s’ensuit qu’il n’aura aucune forme d’existence. Mais ce qui pour une part existe et pour une autre n’existe pas, comme l’homme aveugle qui est un homme mais n’est pas voyant, dans la mesure où il décline de Celui qui existe toujours et parfaitement, n’existe pas ; et il existe d’autant plus qu’il participe davantage de l’être ; et, pour parler universellement, le non-être lui-même est supporté et conservé par l’être lui-même ; en effet, la cécité demeure aussi longtemps que l’homme demeure. Il en est ainsi et semblablement pour le mal : car s’il existait un mal qui se serait totalement retiré du bien, ce mal ne pourrait exister d’aucune manière, et ne pourrait pas même être compté parmi ceux qui sont plus ou moins bons. Mais ce qui d’une part est bon et qui d’autre part n’est pas bon ne s’oppose certes pas complètement au bien, car il ne manque pas totalement de bien, mais à un bien particulier dont il se détache, comme le mal de la cécité s’oppose à ce bien qu’est la vue. Mais ce mal lui-même qui s’oppose à un bien particulier se conserve par sa participation au bien, c’est-à-dire dans la mesure où le sujet de la privation participe de quelque bien et que c'est le Bien lui-même qui fournit le sujet du bien, selon que tous les êtres participent universellement du Bien. Et cela ne présente aucune difficulté, que le bien, universellement parlant, soit le sujet de la privation de quelque bien particulier, tout comme le sujet de tout être particulier est contenu dans l’être universel. Mais ce qui se serait totalement séparé du bien ne serait ni quelque chose de totalement bien, ni un composé de bien et de mal, ni le mal en lui-même, car la privation disparaît aussitôt que le sujet a disparu. Si en effet le mal existe dans un bien imparfait, il est évident que, si le bien se retire totalement, se retirent aussi totalement à la fois le bien parfait et le bien imparfait et par conséquent aussi le mal. Alors par conséquent il ne peut y avoir du mal qu’à l’égard de certains biens auxquels le mal s’oppose, et il diffère des autres biens comme un bien diffère d’un autre. En effet, il n’est pas possible que certaines choses s’opposent entre elles sous tous les rapports car il faut qu’elles aient au moins l’être en commun. Ainsi donc, comme le mal n’est pas une privation totale mais seulement partielle du bien, il s’ensuit que le mal, considéré en lui-même, n’est pas une chose qui existe par elle-même. |
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LECTIO 17 [84860] In De divinis nominibus, cap. 4 l. 17 Postquam Dionysius
ostendit quod malum non est aliquid existens per seipsum, hic incipit
ostendere quod malum non est aliquid in existentibus, ut pars vel accidens,
ut color in corpore ; et primo, ostendit hoc in generali ; secundo, in
speciali ; ibi : et quidem et cetera. Quod autem in
existentibus non sit malum, tamquam aliquid inhaerens,
sic probat communi ratione : omnia existentia causantur ex bono, ut ex
praemissis patet, sed effectus assimilatur causae ; ergo bonum invenitur in
quolibet existente. Omne autem illud quod in aliquo invenitur
bonum, continetur sub illo, sicut omne in quo invenitur animal, continetur
sub animali. Omne ergo subsistens continetur sub bono, tamquam bonum
existens. Aut ergo oportet quod malum non sit aliquid in aliquo existente aut
oportet quod sit in bono ; sed hoc est impossibile ; ergo impossibile est
quod malum sit in existente. Quod autem malum non sit in bono, probat
dupliciter : primo, sic : nullum contrariorum est in suo contrario, sicut
frigidum non est in igne ; sed si malum est aliquid quod sit contrarium bono,
malum non potest convenire bono, cum bonum etiam de malo faciat bonum.
Secundo, probat sic : si malum est aliquid in bono, sicut in subiecto, cum
omne accidens causetur vel ex subiecto vel ex aliquo alio extrinseco,
oportebit quod malum causetur ex ipso bono vel ex aliqua causa alia. Sed
inconveniens et impossibile est quod malum causetur ex bono naturali effluxu,
sicut accidentia naturalia causantur a suis subiectis, quia, ut dominus
dicit, Matth. 7, non potest arbor bona fructus malos facere nec
e converso. Si dicatur quod malum quod ponitur accidens
boni non causatur ex ipso bono, manifestum est quod oportet
ipsum causari ex aliquo alio principio et causa
: omne enim accidens, cum non sit de esse subiecti, ex aliqua causa in subiecto
causatur. Similiter autem bonum, quod ponitur subiectum mali, oportet esse
causatum, cum sit bonum per participationem non autem per essentiam. Oportet
ergo alterum duorum ponere : quorum unum est quod malum sit ex bono ;
secundum est quod bonum sit ex malo ; aut, si ista duo sunt impossibilia, ut
patet per auctoritatem inductam, oportet ponere tertium, scilicet quod et
bonum et malum causentur ex quodam principio et causa boni. Quartum enim poni
non potest, scilicet, quod neque bonum sit causatum neque malum, quia
binarius non potest esse principium, sed omnis binarii principium est unitas
et sic oportet quod contraria duo vel ita se habeant quod unum sit causa
alterius vel ab una causa causentur. Sicut autem duo prima sunt impossibilia,
ita et tertium : inconveniens enim est, quod ex uno et eodem principio
procedant et sint aliqua quae totaliter sunt contraria, sicut bonum et malum.
Et quia posset aliquis dicere quod idem secundum diversa facit contraria, ad
hoc excludendum subiungit quod impossibile est dicere, quod ipsum primum principium
non sit simplex et singulare ; idest uniforme, sed
divisibile, biforme et contrarium sibi ipsi et variatum a seipso.
Oportet enim, si aliquid idem causet contraria secundum aliud et aliud, quod
ex contrariis componetur et sic non erit primum principium, quod oportet esse
simplex. Patet ergo quod malum non est in existente. Deinde, cum dicit
: et quidem et cetera, ostendit per singula, quod malum non
est aliquid in existentibus ; et primo, quod non potest esse in Deo ; et
circa hoc, tria facit : primo, ostendit quod malum non est aliquod primum
principium contrarium Deo ; secundo, quod malum non est in Deo ; ibi : et
quidem de amicitia et cetera ; tertio, quod malum non est ex Deo ;
ibi : sed neque ex Deo et cetera. Primum ostendit duabus
rationibus, quarum prima talis est : si malum esset aliquod primum principium
contrarium Deo, quod est ponere duo principia existentium contraria et sibi
invicem totaliter adversantia, cum omne illud cui potest suum contrarium adversari
possit ab eo laedi et molestari, sequeretur quod Deus, qui est ipsum bonum,
non esset absque laesione et molestia. Sed hoc est impossibile : non enim
esset summum bonum nec summe beatus, si laederetur et molestaretur. Non ergo
sunt duo prima principia contraria : bonum et malum. Secunda ratio talis est
: effectus sequuntur conditionem causarum et principiorum. Si ergo prima
principia sunt contraria et sibi invicem adversantia, sequeretur quod omnia
in effectibus contra se invicem pugnarent et unum ad aliud non ordinaretur,
quod est impossibile et contra hoc quod apparet de ordine universi. Non
igitur sunt duo prima principia contraria. Deinde, cum dicit : et
quidem, de amicitia et cetera, ostendit quod malum non est in Deo ;
et quidem hoc evidenter apparet ex hoc quod Deus est ipsum bonum et malum non
potest esse in ipso bono, sicut nec frigidum in igne. Sed quia haec ratio
supra tacta est, ostendit alia ratione sumpta ab effectu : ipsum enim bonum,
quod est Deus, laudatur ut pax ; Ephes. 2 : ipse est pax
nostra ; et ut pacis dator, secundum illud I Corinth. 14
: non enim dissensionis est Deus, sed pacis, inquantum dat de
amicitia omnibus entibus ; et ex hoc consequitur quod omnia bona
sunt amica sibi invicem et conveniunt, utpote generata ex uno primo uniente
principio. Et iterum, sicut sunt ab uno primo
principio procedentia, ita ad unum bonum ultimum ordinantur. Et quamvis,
quantum ad aliqua propria dissideant, tamen in ordine ad illud unum bonum
omnia mansuete et sine impedimento se habent ad invicem et omnia in hoc
similantur et iuvant se invicem. Non autem ista pax et
convenientia esset in rebus a Deo et per comparationem ad Deum, si in Deo
esset aliqua contrarietas boni et mali. Unde manifestum est quod in Deo non
est aliquod malum ; et ulterius etiam, quod malum non est aliqua res quae
subdatur divinae motioni, quia omnia quae moventur a Deo, concordant in uno
fine saltem ultimo, ut dictum est. Deinde, cum dicit : sed neque ex
Deo et cetera, ostendit quod malum non est ex Deo ; et primo, quod
non est ab eo simpliciter ; secundo, quod non est ab eo secundum aliquod
tempus ; ibi : et non et cetera. Primum ostendit hoc modo :
bonum non est productivum mali, ut ex dictis patet ; aut igitur
oportet dicere quod Deus non sit bonus aut quod facit
et producit bona et non mala. Deinde, cum dicit : et non
aliquando et cetera, ostendit quod Deus non producit malum secundum
aliquod tempus ; et dicit quod non potest dici quod Deus quandoque quaedam mala
producat, quandoque autem non et non omnia : quia, cum malum non
possit produci a bono, si Deus quandoque produceret malum, sequeretur quod
transmutaretur a sua bonitate et variaretur, secundum seipsum, quod patet
esse impossibile dupliciter : primo quidem, quia illud quod est divinissimum,
idest optimum et causa omnis bonitatis, non potest mutari a bonitate, sicut
nec ignis a caliditate. Secundo, quia Deus aut est bonus per essentiam suam
aut per participationem. Si per essentiam, idem erit Deo recedere a bonitate
et recedere ab essentia et fieri totaliter non existens ; si autem sit bonum
participative oportet quod habeat causam suae bonitatis et hoc modo poterit
aliquando bonus aliquando non bonus esse. Sed hoc est contra hoc quod
intelligimus per hoc nomen Deus aliquod primum bonum et causam omnis
bonitatis. Sic igitur patet quod malum nec simpliciter in Deo vel a Deo est
nec secundum aliquod tempus. |
Leçon 17 (27a) : Solution de la troisième question : tant en général qu’en particulier, chez quels êtres retrouve-t-on le mal ? Et d’abord, qu’on ne peut le retrouver en Dieu.510. Après avoir montré que le mal n’est pas un être qui existerait par lui-même, il commence à montrer que le mal n’est pas non plus quelque chose qui existerait dans les êtres à titre de partie ou d’accident tel que la couleur dans un corps ; et d’abord, il montre cela en général ; deuxièmement, il le montre dans des cas particuliers, là où il dit (206) : Et certes… 511. Mais que le mal ne soit pas dans les êtres comme quelque chose qui leur serait inhérent, il le prouve ainsi à partir d'un principe universel : Tous les êtres ont pour cause le bien ainsi que nous en avons eu l’évidence (139, 349 ; 140, 352 ; 142, 358 ; 197, 500) ; mais l’effet est proportionnel à sa cause ; donc le bien se retrouve dans tous les êtres. Mais toutes ces choses dans lesquelles on retrouve le bien, elles sont contenues sous lui, comme toutes les choses dans lesquelles on retrouve l’animalité sont contenues sous le genre animal. Donc, tout être subsistant est contenu sous le bien et existe à titre de bien plus spécifique. Donc, il faut ou bien que le mal ne soit pas quelque chose qui existe dans un être ou bien il faut qu’il existe dans le bien. Mais cette dernière avenue est impossible ; il est donc impossible que le mal existe dans un être. 512. Mais que le mal ne soit pas dans le bien, il le prouve de deux manières : premièrement, de cette façon : aucun des contraires n’est dans son contraire, comme le froid n’est pas dans le feu ; mais si le mal est quelque chose de contraire au bien, il ne peut s’accorder avec le bien, puisque le bien fait du bien même à partir du mal. Deuxièmement, il le prouve ainsi : si le mal est quelque chose qui existe dans le bien comme dans un sujet, puisque tout accident est causé soit par le sujet, soit par quelque chose d’autre qui est extérieur au sujet, il faudra que le mal soit causé soit par le bien lui-même, soit par quelque autre cause. Mais il est paradoxal et même impossible que le mal vienne du bien comme par un écoulement naturel, comme lorsque les accidents naturels découlent naturellement de leurs sujets, car, ainsi que le Seigneur le dit dans Matthieu (7, 18) : ¨L’arbre bon ne peut produire de mauvais fruits¨ et il en est de même aussi inversement. Si on dit que le mal, qui est présenté comme un accident du bien, ne vient pas du bien lui-même, il est manifeste qu’il faut qu’il soit causé par quelque autre principe ou cause : en effet, comme aucun accident ne fait partie de l’être même du sujet, il est nécessaire qu’il vienne d’une cause existant dans le sujet. Mais de la même manière le bien, qu’on présente comme le sujet du mal, doit lui-même avoir une cause, puisqu’il est un bien par participation et non par essence. Il faut donc présenter l’une des deux possibilités suivantes, dont l’une affirme que le mal vient du bien, et l’autre que le bien vient du mal ; ou bien, si ces deux affirmations sont impossibles, ainsi qu’il est apparu au moyen de l’autorité que nous avons citée, il faut présenter une troisième possibilité, à savoir qu’à la fois le bien et le mal soient causés à partir de ce qui est principe et cause du bien. On ne peut présenter une quatrième possibilité qui prétendrait que le bien, pas plus que le mal, n’a de cause, car là où on retrouve deux termes, on ne peut avoir atteint le principe, mais au contraire toute dualité a pour principe l’unité et ainsi il faut donc que les deux contraires se rapportent l’un à l’autre ou bien de telle sorte que l’un soit la cause de l’autre ou bien de telle sorte que les deux soient causés par une seule et même cause. Mais comme c’est le cas pour les deux premières hypothèses, la troisième est elle aussi impossible : il ne sied pas en effet que deux éléments qui sont totalement contraires comme le bien et le mal, proviennent et existent à partir d’un seul et même principe. 513. Et parce que quelqu’un pourrait dire que c’est un seul principe agissant sous des rapports différents qui produit les contraires, il ajoute pour écarter cela qu’il est impossible de dire que le premier principe lui-même ne soit pas simple et unique, c’est-à-dire qu’il ne soit pas uniforme mais divisible, qu’il soit double, contraire à lui-même et sujet au changement. Il faut en effet que, si un même principe produit des contraires quant à ceci et à cela, il soit lui-même composé de ces contraires et qu’ainsi il ne soit plus le premier principe qui doit être simple par définition. Il devient donc évident que le mal n’existe pas dans un être. 514. Ensuite, lorsqu’il dit (206) : Et certes…, il montre, par l’examen de cas particuliers. que le mal n’est pas quelque chose qui existerait dans les êtres ; et d’abord, qu’il ne peut exister en Dieu ; et à ce sujet, il fait trois choses : d’abord, il montre que le mal n’est pas un principe premier qui serait contraire à Dieu ; deuxièmement, que le mal n’est pas en Dieu, là où il dit (207) : Et certes, au sujet de l’amitié… ; troisièmement, que le mal ne vient pas de Dieu, là où il dit (208) : Mais ni de Dieu… 515. Denys montre au moyen de deux raisonnements que le mal n’est pas comme un premier principe opposé à Dieu, et voici le premier : si le mal était un premier principe opposé à Dieu, ce serait là affirmer qu’il existe deux principes opposés des êtres et totalement hostiles l’un à l’autre ; et comme tout ce à quoi son contraire s’oppose peut être blessé et en subir des dommages, il s’en suivrait que Dieu, qui est le bien lui-même, serait atteint par ces torts et ces dommages. Mais cela est impossible car s’il était blessé et subissait des dommages, il ne serait plus le plus grand bien et ne jouirait pas du plus grand bonheur. Il ne peut donc pas y avoir deux principes premiers qui seraient contraires : le bien et le mal. Le deuxième raisonnement se présente ainsi : les effets sont du même genre que leurs causes et leurs principes. Si donc les premiers principes sont opposés et s’affrontent mutuellement, il s’ensuivrait que tous leurs effets combattraient les uns contre les autres et que les uns ne seraient pas ordonnés aux autres, ce qui est impossible et non conforme à ce qu’on observe dans l’ordre de l’univers. Il n’existe donc pas deux principes contraires. 516. Ensuite, lorsqu’il dit (207) : Et certes, au sujet de l’amitié…il montre que le mal n’est pas en Dieu ; et certes cela apparaît avec évidence du fait que Dieu est la bonté même et que le mal ne peut être dans ce qui est la bonté même, comme le froid ne peut être dans le feu. Mais parce que cette raison a été abordée plus haut (205, 512), il le montre par une autre raison tirée de l’effet : en effet, on loue cette bonté même qui est Dieu comme étant la paix ; on lit en effet dans l’épître aux Éphésiens (2, 14) : ¨Lui-même est notre paix¨ ; et on la loue aussi comme étant dispensatrice de paix dans la première épître aux Corinthiens (14, 33) : ¨Dieu en effet n’est pas un Dieu de désordre mais de paix¨, dans la mesure où il donne son amitié à tous les êtres ; et il s’ensuit que tous les êtres qui sont bons s’aiment mutuellement et s’accordent les uns avec les autres, puisqu’ils sont engendrés à partir d’un premier principe unique qui les unit. Et de plus, puisqu’ils procèdent d’un unique premier principe, ils sont ordonnés à un seul bien ultime. Et bien qu’il y ait désaccord entre eux quant à certains points qui leur sont propres, cependant toutes leurs relations sont dans la douceur et ne présentent pas d’obstacle par rapport à ce bien ultime auquel ils sont ordonnés et quant à cela ils se ressemblent tous et se réjouissent mutuellement. Mais cette paix et cette harmonie n’existeraient pas dans les choses à cause de Dieu et ne seraient pas à son image, s’il y avait en Lui une opposition du bien et du mal. D’où il est manifeste qu’il n’y a pas de mal en Dieu ; et de plus, le mal n’est pas une réalité subordonnée à l’action de Dieu car toutes les choses qui sont mues par Dieu s'accordent au moins sur cette même finalité ultime ainsi que nous l’avons dit (120, 316 ; 121, 317 ; 122, 318 ; 146, 367). 517. Ensuite, lorsqu’il dit (208) : Mais ni de Dieu…il montre que le mal ne vient pas de Dieu ; et en premier, qu’il ne vient pas de Dieu purement et simplement ; ensuite, qu’il ne vient pas de Dieu même quant à un temps déterminé, là où il dit (209) : Et non… 518. Denys montre de la manière suivante que le mal ne vient pas de Dieu purement et simplement : Le Bien n’engendre pas le mal, ainsi que nous l’avons vu (206, 515) ; ou bien donc il faut dire que Dieu n’est pas bon ou bien qu’il fait et produit des bonnes choses et non des mauvaises. 519. Ensuite, lorsqu’il dit (209) : Et que quelquefois il ne…il montre que Dieu ne produit le mal à aucune occasion ; et il dit qu’on ne peut dire que Dieu produit parfois certaines choses qui sont mauvaises et parfois non et que ce ne sont pas toutes ses œuvres qui sont bonnes : car, comme le mal ne peut être produit par le bien, si Dieu produisait parfois le mal, il s’ensuivrait qu’il s’écarterait de sa bonté et qu’il changerait en Lui-même, ce qui est évidemment impossible pour deux raisons : premièrement certes, parce que la divinité elle-même, c’est-à-dire le bien le plus élevé qui est cause de toute bonté, ne peut se séparer de la bonté comme le feu ne peut se séparer de la chaleur. Deuxièmement, parce que soit Dieu est le bien par essence, soit il est un bien par participation. S’il l’est de par son essence même, ce sera la même chose pour Dieu de se séparer du bien et de se séparer de son essence et par conséquent de ne plus exister ; mais s’il est un bien par participation, il faudra que la bonté de Dieu ait une cause extérieure à elle-même qui ferait qu'Il pourrait parfois être bon et parfois ne pas l’être. Mais cela est contraire à ce que nous entendons par le nom ¨Dieu¨, à savoir le premier bien et la cause de toute bonté. Ainsi donc il est évident que le mal n’est pas en Dieu et qu’il ne vient pas de Lui, et cela ni de façon absolue ni de façon passagère. |
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LECTIO 18 [84861] In De divinis nominibus,
cap. 4 l. 18 Postquam Dionysius ostendit quod in Deo non est
malum, incipit ostendere quod in creaturis malum non sit aliquid ; et primo,
ostendit de Angelis bonis, quod in eis nullo modo sit malum ; et circa hoc,
duo facit : primo, ostendit veritatem ; secundo, excludit obiectionem ; ibi
: sed eo quod puniunt et cetera. Circa primum, duo facit :
primo, ponit expositionem angelici nominis ; secundo, ex illa expositione
accipit definitionem Angeli ; ibi : speculum et cetera.
Circa primum, sciendum est quod Angelus nuntius interpretatur. Dicitur ergo
divinae bonitati conformis annuntiare divinam bonitatem, inquantum in Angelis
secundario per participationem existit quod primo enuntiatur de Deo, non
secundum participationem, sed secundum causam ; sicut si dicerem quod aer
illuminatus annuntiat claritatem solis, inquantum secundario et participative
est in aere et primo et causaliter est in sole. Et quia illud quod
participative et secundario habet aliquid, est imago eius quod primo et
causaliter habet illud et actus imaginis est ut manifestet illud cuius est
imago, consequenter concludit notificationem quamdam boni Angeli,
manifestationem divini luminis quod est nobis occultum propter sui
excellentiam et simplicitatem. Hanc autem notificationem manifestat
consequenter ; et primo, manifestat quomodo Angelus sit imago Dei ; secundo,
quomodo sit manifestatio occulti luminis ; ibi : et munde et
cetera. Quod autem Angelus sit imago Dei, manifestat per quoddam sensibile
exemplum. Videmus enim sensibiliter quod in speculo repraesentatur imago
videntis. Est autem in speculo duo considerare : primo quidem substantiam
ipsius speculi, unde per quamdam similitudinem, Angelum secundum suam naturam
vocat speculum. Requiritur autem in speculo quaedam opportunitas
ad recipiendum imaginem alicuius rei ; quae quidem opportunitas invenitur in
Angelo : qui quidem dicitur speculum purum, propter simplicitatem
et immaterialitatem suae naturae ; clarissimum autem propter
perfectissimam participationem intellectualis luminis ; incontaminatum autem
inquantum nihil est in Angelo repugnans rectitudini eius, quae ad sanctitatem
pertinet, nam proprie sancta contaminari dicuntur ; dicitur autem incoinquinatum,
inquantum nihil est in Angelo repugnans puritati naturae ; et
immaculatum, inquantum nihil est in eo repugnans claritati intellectus.
Sic autem descripta opportunitate istius speculi, exponit receptionem
similitudinis, secundum quam imago dicitur ; et dicit quod suscipit
totam pulchritudinem boniformis deiformitatis, idest similitudinis ad Dei
bonitatem comparatam, quia si optime disposita est natura Angeli, oportet
quod perfecte suscipiat dictam similitudinem. Sed considerandum est, quod non
dicit quod suscipiat totam pulchritudinem deitatis, sed deiformitatis quia
impossibile est quod in aliquo creato speculo, recipiatur tota pulchritudo
Dei ; sed in aliquo creato speculo, propter sui puritatem et claritatem,
recipitur perfecte tota pulchritudo quae est possibilis esse in creatura per
assimilationem ad Deum. Et quia deiformitas creaturae semper est ex parte et
non tota, propter hoc temperavit addens : si est conveniens dicere.
Ostenso igitur quomodo Angelus sit imago, ostendit consequenter quomodo
manifestat divinum bonum ; et dicit quod ex hoc ipso quod perfecte recipit
divinae pulchritudinis similitudinem, fit hoc consequenter quod in ipso
resplendet quodammodo, sicut est possibile creaturae, bonitas silentii quod
est in abditis, idest occultis Dei, qui exprimi non potest
propter hoc quod occultus est intellectui creato. Dicit autem faciens non
active, sed dispositive sicut si dicerem quod speculum facit in seipso
resplendere imaginem alicuius corporis ex hoc ipso quod est dispositum ad
recipiendum eius similitudinem. Quia igitur Angelus est tam perfecta imago
divinae bonitatis, divina autem bonitas nullum malum compatitur, sequitur
quod neque in Angelis sit malum. Deinde, cum dicit : sed eo quod
puniunt et cetera, excludit obiectionem ; et primo, ponit eam :
posset enim aliquis dicere quod in eo ipso quod Angeli puniunt peccatores, sunt
mali. Et quod puniant peccatores, expresse habetur Matth. 13 quod eiicient de
regno omnia scandala. Est ergo quaestio : an eo quod puniunt sint mali.
Secundo, ostendit quod non propter hoc possunt dici mali, quia secundum
eamdem rationem etiam illi qui castigant malos puniendo eos essent mali,
sicut iudices et magistri ; et similiter sequeretur quod aliqui sacerdotum
qui excludunt immundum, idest peccatorem a divinis mysteriis
excommunicando eum essent mali, quod est contra apostolum qui hoc praecipit I
Corinth. 5. Sed quia multiplicare inconveniens non est solvere, ideo tertio
solvit omnia praemissa ; et dicit quod puniri non est malum simpliciter et
secundum se, sed est secundum se bonum, cum sit iustum ; sed est malum
secundum quid, inquantum privat aliquod bonum alicuius. Sed fieri peccatorem,
hoc est simpliciter malum ; et ideo ille qui punit peccatorem non est malus,
sed est malus ille qui peccat. Eadem ratione, non est secundum se malum
excludi a sanctis secundum iustitiam, sed secundum se malum est quod
inquinetur aliquis per peccatum et discedat a sanctitate et per hoc fiat non
idoneus ad divina, quae sunt secundum se incontaminata. Et non peccat ille
qui excommunicat, sed ille peccat qui facit aliquid, unde fit
excommunicatione dignus. |
Leçon 18 (28a) : Le mal n’est pas dans les bons Anges.520. Après avoir montré qu’il n’y a pas de mal en Dieu, Denys commence ici à montrer que le mal n’est pas quelque chose qui existe dans les créatures ; et d’abord, il montre au sujet des bons Anges que le mal n’est en eux d’aucune manière ; et à ce sujet, il fait deux choses : d’abord, il manifeste la vérité ; deuxièmement, il écarte une objection, là où il dit (213) : Mais en cela même qu’ils punissent… 521. Au sujet du premier point, il fait deux choses : d’abord, il présente une explication du nom ¨Ange¨ ; deuxièmement, à partir de cette explication, il recueille la définition de l’Ange, là où il dit (211) : Le miroir… 522. Au sujet de l’explication sur le nom, il faut savoir que le nom ¨Ange¨ signifie ¨messager¨. Il dit donc qu'il appartient à celui qui est conforme à la bonté divine de faire connaître cette bonté divine, selon qu’existe dans les Anges en deuxième lieu et par participation, ce qu’on attribue d’abord à Dieu à titre de cause et non plus par participation ; c’est comme si on disait que la clarté de l’air annonce la clarté du soleil, selon que c’est en deuxième lieu et par participation que cette clarté existe dans l’air alors que c’est en premier lieu et à titre de cause qu’elle existe dans le soleil. Et parce que ce qu’une chose possède ainsi comme en deuxième main et par participation est l’image de ce que l’autre possédait déjà à l’origine et à titre de cause et que le rôle de l’image est de manifester ce dont elle est l’image, Denys termine par la suite avec une certaine définition du bon Ange, à savoir qu’il est la manifestation de la lumière divine qui nous est inaccessible en raison de son excellence et de sa simplicité. 523. Il manifeste par la suite cette définition ; et d’abord, il manifeste en premier lieu en quoi l’Ange est l’image de Dieu ; ensuite, en quoi il est la manifestation de la lumière inaccessible, là où il dit (212) : et sans souillure… 524. Que l’Ange soit une image de Dieu, il le manifeste au moyen d’un exemple tiré des choses sensibles (211). Tous peuvent voir en effet que c’est l’image de celui qui regarde qui est représentée dans le miroir. Mais il faut considérer deux choses dans le miroir : d’abord certes la substance du miroir lui-même et c’est pourquoi Denys, par comparaison, appelle l’Ange, quant à sa nature, un miroir. Mais dans le miroir une condition favorable est requise à la réception de l’image d’une chose ; et cette condition est présente dans l’Ange : on dit certes à son sujet qu’il est un pur miroir en raison de la simplicité et de l’immatérialité de sa nature ; on dit aussi de lui qu’il est le miroir le plus limpide parce qu’il participe le plus parfaitement de la lumière intellectuelle ; qu’il est aussi le miroir qui est intact car il n’y a rien dans l’Ange qui s’oppose à la droiture qui appartient à la sainteté, car on appelle saints ceux qui ne sont pas souillés ; on dit aussi qu’il est sans mélange, parce qu’il n’y a rien dans l’Ange qui répugne à la pureté de sa nature ; et enfin on le dit sans tache, parce qu’il n’y a rien en lui qui s’oppose à l’éclat de l'intelligence. 525. Les bonnes dispositions de ce miroir ayant été décrites, il reprend cette similitude selon laquelle l’Ange est appelé miroir ; et il dit qu’il reflète toute la beauté de la forme de Dieu qui porte l'empreinte du bien, c’est-à-dire de l’image qui ressemble à la bonté de Dieu, car puisque la nature de l’Ange est disposée de la meilleure façon, il faut qu’elle reçoive parfaitement cette image de Dieu. Mais il faut remarquer qu’il ne dit pas que l’Ange reçoit toute la beauté de Dieu, mais bien de la forme de Dieu car il est impossible à tout miroir créé de recevoir toute la beauté de Dieu ; mais un miroir créé, en raison de sa pureté et de son éclat, peut recevoir parfaitement toute la beauté qu’on peut rencontrer dans une créature et qui est à l’image de Dieu. Et parce que la forme de Dieu qu’on retrouve dans une créature est toujours partielle et non entière, c'est à cause de cela qu'il tempéra ce qu’il avait dit et ajouta : si l’on peut dire. 526. Ayant donc montré que l’Ange est comme une image, il montre par la suite comment l’Ange manifeste la bonté de Dieu ; et il dit (212) que du fait qu’il reçoit parfaitement l’image de la beauté de Dieu, il se produit conséquemment ceci, à savoir que la bonté du silence inaccessible, c’est-à-dire qui se tient dans les mystères de Dieu, resplendit en lui d’une certaine manière, dans la mesure où cela peut se produire dans une créature, bonté qui ne peut être exprimée parce qu’elle est cachée à l’intelligence créée. Mais il dit faisant non quant à l’action mais quant à la disposition, comme s’il avait dit que le miroir fait reluire en lui l’image d’un corps du seul fait qu’il est bien disposé à recevoir son image. Donc, parce que l’Ange est une image si parfaite de la bonté divine et que la bonté divine elle-même n’admet aucun mal, il s’ensuit que le mal ne peut se retrouver non plus chez les Anges. 527. Ensuite, lorsqu’il dit (213) : Mais de ce qu’ils punissent…il écarte une objection ; et d’abord, il présente l’objection : en effet, quelqu’un pourrait dire qu’en cela même que les Anges punissent les pécheurs, ils sont méchants. Et qu’ils punissent les pécheurs, on le tient clairement de Matthieu (13, 41-42 ; 49-50) qui dit qu’ils expulsent du royaume tous les scandales. Il nous vient donc une question : est-ce que ceux qui punissent sont mauvais ? Deuxièmement, il montre qu’on ne peut dire que les Anges sont mauvais pour cette raison, car pour la même raison, il faudrait dire que ceux qui corrigent les méchants en les punissant, comme les juges et les magistrats, sont mauvais ; et de même il s’ensuivrait que certains prêtres, ceux qui excluent les impurs, c’est-à-dire les pécheurs, des divins mystères au moyen de l’excommunication, seraient mauvais, ce qui va à l’encontre de ce que l’Apôtre recommande dans la première épître aux Corinthiens (5, 3-5). Mais puisque multiplier les difficultés ce n’est pas les résoudre, alors en troisième lieu il résout toutes celles qui précèdent ; et il dit que punir n’est pas en soi un mal purement et simplement, mais au contraire que c’est un bien en soi, puisque c’est juste ; mais c’est un mal sous un certain rapport, dans la mesure où cela prive quelqu’un d’un bien. Mais devenir un criminel, cela est un mal purement et simplement ; et alors celui qui punit le criminel n’est pas mauvais, mais c’est plutôt celui qui fait un crime qui est mauvais. Pour la même raison, être exclu des choses saintes conformément à la justice n’est pas en soi un mal, mais que quelqu’un se souille par le crime et qu’il s’écarte de la sainteté et devienne ainsi indigne des réalités divines qui en elles-mêmes sont pures, c’est cela qui est mauvais en soi. Et celui qui est fautif n’est pas celui qui excommunie, mais celui qui fait quelque chose qui est digne d’excommunication. |
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LECTIO 19 [84862] In De divinis
nominibus, cap. 4 l. 19 Postquam Dionysius ostendit quod malum non est in
Angelis, hic ostendit quod non sit in Daemonibus ; et circa hoc, duo facit :
primo, ostendit quod Daemones non sunt naturaliter mali
; secundo, qualiter mali sunt ; ibi : deinde : quomodo et
cetera. Circa primum ponit quatuor rationes, quarum prima talis est : ex bono
non causatur aliquid naturaliter malum. Sed omnia quae sunt in mundo sunt
causata a Deo qui est ipsum primum bonum ; inter quae sunt Daemones. Ergo
Daemones non sunt naturaliter mali. Secunda ratio talis est : ostensum est
quod malum neque est existens, neque est in existentibus. Si igitur Daemones
essent naturaliter mali, non essent de numero existentium. Tertia ratio talis
est : illud quod naturaliter convenit alicui semper ei convenit. Si igitur
Daemones essent naturaliter mali, semper fuissent mali et non fuissent
transmutati de bono in malum, ut fides Catholica confitetur. Quarta ratio
talis est : quod si Daemones sunt naturaliter mali aut sunt naturaliter mali
sibi ipsis aut aliis. Si sibi ipsis, cum de ratione mali sit quod noceat et
corrumpat, sequitur quod corrumpant seipsos, quod est impossibile, nihil enim
est corruptivum sui ipsius secundum naturam. Si autem sunt naturaliter mali
aliis, ergo naturaliter corrumpunt alia. Quaeritur ergo quid naturaliter
corrumpant vel quomodo corrumpant, utrum substantiam aut virtutem aut
operationem, quae tria inveniuntur in rebus omnibus. Si detur quod sint
naturaliter mali quia corrumpunt substantiam alicuius, contra hoc obiicit
tribus rationibus, quarum prima talis est : nihil quod est corruptivum
alterius secundum ordinem naturae est malum naturaliter, quia hoc ipsum quod
est conservare naturae ordinem est bonum naturae. Sed si malum corrumpat
substantiam non facit hoc praeter naturae ordinem : non enim corrumpit
incorruptibilia, sed ea quae sunt corruptionis susceptiva. Non ergo erit
secundum naturam malum. Secunda ratio talis est : illud quod est naturaliter
tale, simpliciter et respectu cuiuscumque est tale ; sicut illud quod est
naturaliter calidum, simpliciter et respectu cuiuscumque est calidum, sicut
ignis. Si igitur aliquid naturaliter est malum, erit simpliciter malum et
respectu cuiuscumque et respectu sui ipsius ; quod est impossibile, ut dictum
est. Tertia ratio talis est : nullum existentium corrumpitur per malum
quantum ad ipsam substantiam vel naturam rei quae dicitur mala ; sicut in
homine malo manet substantia et natura hominis ; sed dicitur aliquid malum
per hoc quod ratio, idest proportio harmoniae et
commensurationis quae est secundum naturam, debilitatur per aliquem
defectum ordinis, ita tamen quod non totaliter tollitur, sed aliquantulum
manet. Ista autem infirmitas, qua debilitatur talis proportio, non est
perfecta, quia si esset perfecta destrueret ipsum subiectum et per consequens
corruptionem quae est in subiecto et sic talis corruptio corrumpit seipsam.
Hoc ergo quod est infirmum, non simpliciter, sed secundum quid, non est
naturaliter malum, sed bonum cum defectu ; quia illud quod omnino expers est
boni non potest inveniri inter existentia. Eadem ratio est de corruptione
virtutis naturalis ; quia si semper remaneret in re quae dicitur mala vel
corrupta per malum, corrumperetur per malum. Relinquitur ergo quod nihil est
malum secundum naturam. Deinde, cum dicit : quomodo a Deo facti, sunt
mali Daemones ? Ostendit quomodo sit malum in Daemonibus ; et primo,
quaestionem movet ; secundo, solvit ; ibi : et quidem mali dicuntur et
cetera. Quaeritur ergo primo quomodo Daemones,
cum sint facti a Deo, sunt mali. Boni enim est bona
producere et conservare. Deinde, cum dicit : et quidem et
cetera, solvit propositam quaestionem et circa hoc duo facit : primo,
ostendit quod Daemones dicuntur mali, non secundum aliquam naturam, sed
secundum defectum boni ; secundo, ostendit quod iste defectus in eis non est
ex variatione ipsius boni, sed ex eorum voluntate ; ibi : et non
variatum et cetera. Quod autem Daemones non sint mali naturaliter,
sed secundum quod carent aliquo bono, tripliciter ostendit : primo quidem per
auctoritatem sacrae Scripturae ; et dicit quod sic debet aliquis dicere quod
Daemones dicuntur mali, non inquantum sunt quia ex
bono, scilicet Deo causatur eorum esse et ab eodem bonam
essentiam obtinuerunt, sed dicuntur mali, inquantum non sunt,
prout scilicet sunt infirmi servare principatum sui ipsorum, ut
dicunt eloquia sacrae Scripturae. Et sumitur hoc de canonica Iudae, ubi
dicitur : Angelos vero qui non servaverunt suum principatum (...)
vinculis aeternis reservavit. Dicuntur autem non servasse suum
principatum vel quia non servaverunt suam innocentiam, in qua a principio
conditi sunt vel quia a Deo, qui est eorum principium, sunt aversi. Et huic
expositioni consonat quod subdit : non enim dicimus Daemones fieri malos nisi
in hoc quod carent habitu et operatione per quam ordinari deberent in bona
divina. Secundo, cum subdit : et aliter : si natura et
cetera, subdit idem per rationem ; et circa hoc, tria facit : primo, ostendit
quod Daemones non sunt naturaliter mali, sed per defectum alicuius boni ;
secundo, quod non totaliter bono carent ; ibi : et non omnino et
cetera ; tertio, ostendit cuius boni in eis defectus sit ; ibi : mali
autem et cetera. Circa primum, ponit talem rationem : si Daemones
essent naturaliter mali, semper essent mali, quia quod naturaliter inest
alicui, semper inest ei. Sed si semper sunt mali non naturaliter sunt mali,
quod sic probat : quia omne instabile est quoddam malum et esse semper idem
est proprium boni ; unde videmus quod omnia sempiternitatem desiderant,
quantum possibile est. Et sic apparet quod si semper se habent eodem modo,
non sunt naturaliter mali ; ergo de primo ad ultimum, si sunt naturaliter
mali, non sunt naturaliter mali, quod est impossibile. Sic igitur patet quod
si non semper sunt mali, quia hoc est proprium boni, non erunt naturaliter
mali, sed per defectum aliquorum bonorum quae debentur Angelis. Deinde, cum
dicit : et non omnino et cetera, ostendit quod non totaliter
bono privantur ; et dicit quod non sunt omnino
expertes boni, participant enim bono, inquantum sunt et vivunt et
intelligunt et inquantum est in eis aliquis motus desiderii,
qui non tendit nisi in bonum verum vel apparens. Deinde, cum dicit : mali
autem et cetera, ostendit secundum cuius boni defectum, dicantur
mali ; et dicit quod dicuntur mali propter hoc quod defective
se habent in operatione quae competit naturae eorum. Et quo ordine hoc
eveniat, consequenter ostendit dicens : aversio igitur est ipsis
malum. Ubi considerandum est quod omne illud quod est naturaliter
subiectum alicui, bonum suum habet in hoc quod ei subdatur, sicut bonum
appetitus sensibilium in homine est quod reguletur ratione. Omnis autem
voluntas et Angeli et hominis est Deo naturaliter subdita. Bonum igitur voluntatis
angelicae et humanae est ut a divina voluntate reguletur. Aversio igitur a
regula divinae voluntatis est malum in Daemonibus. Omnis autem appetitus
deficiens a sua regula tendit in suum obiectum ultra quam rectum sit, sicut
concupiscibilis in delectabile secundum sensum plus debito tendit, quando
ratione non regulatur. Sic igitur voluntas Daemonum, aversa a regula divinae
voluntatis, magis debito in appetitum sui boni tendit ; et hoc est quod
subdit : et convenientium ipsis excessus ; quia scilicet appetiverunt
sibi aliquid quod excedebat conditionem eorum. Omne autem quod natum est
consequi aliquem finem per determinatum modum, si recedat ab illo modo finem
consequi non potest. Modus autem quo Angeli nati sunt consequi
ultimum finem suae voluntatis est per voluntatem moderatam secundum divinam
regulam. Si igitur excedant istum modum, non consequentur
finem ; et hoc est quod subdit : et non consecutio. Omne autem
quod non consequitur suam perfectionem remanet imperfectum, unde subditur
: et imperfectio. Omne autem imperfectum inquantum huiusmodi est
impotens, unde subditur : et impotentia. Et quia virtus est
perfectio potentiae sequitur circa virtutem, quae salvare perfectionem ipsorum
poterat, infirmitas et fuga et casus. Et ponit haec tria secundum
ea quae accidunt circa homines : si enim aliquis sit infirmus ad resistendum
alicui vel ad consequendum aliquid, fugit ab illo et fugiens propter
infirmitatem cadit. Et similiter Daemones infirmati circa consecutionem
divini finis, fugiunt ab eo et cadunt, praecipitati in peccatum. Deinde, cum
dicit : et aliter : quid est et cetera, ostendit, tertio
modo, quod Daemones non dicuntur mali secundam naturam, sed secundum defectum
alicuius boni ; et hoc secundum opinionem aliorum. Quidam enim
posuerunt Daemones esse animalia corpore aerea, mente rationalia,
animo passiva, tempore aeterna, ut Apuleius dicit et Augustinus
introducit IX de civitate Dei. Secundum ergo horum opinionem, in Daemonibus
est vis sensibilis et appetitus passivus, qui est sensitivus et dividitur per
irascibilem et concupiscibilem. Haec autem opinio non fuit Dionysii, quod
patet ex eo quod supra dixit Angelos immateriales et incorruptibiles. Hic
autem dicit Daemones esse malos per defectum angelicorum bonorum. Unde
manifestum est quod non est opinatus Daemones esse corporales et per
consequens sensitivos aut animo passivos. Sed quia ipse intendit ostendere
quod Daemones non sunt naturaliter mali, postquam hoc ostenderat secundum
opinionem propriam, scilicet si Daemones sint de natura angelica, ostendit
consequenter quod idem sequitur si ponatur quod sit eis natura sensitiva ;
tunc enim idem iudicium erit de malo Daemonum et de malo hominis. In nobis
autem malum est per hoc quod pars sensitiva non regulatur ratione ; et hoc
quantum ad tria, scilicet : quantum ad irascibilem quae, dum non regulatur
ratione, irrationabiliter furit vel irascitur ; et quantum ad concupiscibilem
quae, dum non regulatur ratione, stulte concupiscit ; et quantum ad
phantasiam sive imaginativam quae, dum non regulatur ratione, contra
veritatem protervit. Secundum ergo praedictam opinionem, malum in Daemonibus
non est aliud quam furor irrationabilis et demens concupiscentia et
phantasia proterva. Dicit autem : demens concupiscentia, furor
irrationabilis, quia concupiscentia nihil attendit ad rationem ; furor
autem attendit, sed imperfecte, ut supra dictum est. Si ergo ista tria sunt
in Daemonibus secundum opinionem aliorum, non tamen omnino,
quia non contra quamlibet veritatem proterviunt, neque quaelibet eorum
concupiscentia est demens. Naturaliter enim bonum et optimum concupiscunt ;
neque est etiam in omnibus Daemonibus, eodem modo ; neque etiam ista tria,
scilicet furor et concupiscentia et phantasia, secundum seipsa sunt mala, sed
secundum quod carent ordine rationis et debito obiecto. Unde videmus quod in
animalibus irrationalibus habere ista non est malum, sed habere ista,
conservat et facit quod habeatur animalis natura. Si vero Dionysius loquitur
hic secundum propriam opinionem, dicendum est quod loquitur metaphorice : sic
enim huiusmodi animae passiones Angelis attribuuntur in Scripturis, ut
Augustinus dicit in de civitate Dei. Sic ergo, concludit quod genus
Daemonum non est malum secundum quod est in sua natura, sed secundum quod non
est ; idest secundum quod privatur aliquo bono. Deinde, cum dicit : et
non variatum et cetera, ostendit unde provenit defectus boni in
Daemonibus. Posset enim aliquis credere quod, sicut defectus vel infirmitas
naturalis operationis provenit in hominibus ex ipsa variatione naturae quae
senescens deterioratur et sic operationes naturales debilitantur, ita etiam
ex transmutatione alicuius boni, defectus bonae operationis in Daemonibus
provenit. Sed hoc ipse excludit et quantum ad bonum universale quod Deus est
a quo aversi sunt et quantum ad bona participata quae sunt naturalia bona
Angelis data. Dicit ergo, quod universale bonum, scilicet divinum quod datum
est eis inquantum aliqualiter facti sunt eius participes, non est variatum
aliquo modo. Unde non sunt facti mali propter boni variationem, sed quia ipsi
deciderunt ab universali bono dato eis ; et similiter, dona angelica ad
angelicam naturam pertinentia, quae in principio sunt data eis, nequaquam
dicimus esse mutata, ut ex eorum mutatione mali effecti sint, sed
permanent adhuc integra, idest absque corruptione naturae et
splendidissima, idest absque diminutione naturalis luminis
intellectualis. Sed quod ipsi non vident, hoc provenit ex hoc quod ipsi per
liberum arbitrium clauserunt suas virtutes inspectivas boni,
idest averterunt voluntarie suum intellectum non a consideratione veri, sed
ab inspectione boni, inquantum est bonum, quia scilicet nolunt illud sequi.
Unde patet quod inquantum sunt et bonam causam habent et boni sunt secundum
suam naturam et bonum desiderant, scilicet esse, vivere et intelligere ; sed
inquantum privantur hoc per voluntarium recessum, quo quidem recessu
infirmati decidunt a bonis quae eis conveniebant secundum ordinem suae
naturae, dicuntur et sunt mali inquantum non sunt ; idest, inquantum aliquod
bonum eis deest ; et similiter cum desiderant malum, desiderant non-existens.
Dicuntur enim malum desiderare, inquantum desiderant aliquod bonum, cum
defectu debiti modi et ordinis. |
Leçon 19 (29a) : Les démons ne sont pas mauvais par nature, et comment le mal s’est retrouvé en eux.528. Après avoir montré que le mal n’est pas dans les Anges, Denys montre ici qu’il n’est pas non plus quelque chose qui existe dans les démons ; et à ce sujet, il fait deux choses : d’abord, il montre que les démons ne sont pas naturellement mauvais ; deuxièmement, il montre de quelle manière ils sont mauvais, là où il dit (215) : Ensuite : comment… 529. Au sujet du premier point, il présente quatre raisonnements, dont voici le premier : Du Bien rien ne peut être produit qui soit un mal par nature ; mais tout ce qui a été produit dans l’univers a été causé par Dieu qui est le premier bien lui-même ; et les démons font partie de ce qui a été produit dans l’univers. Donc les démons ne sont pas mauvais par nature. Le deuxième raisonnement est le suivant : nous avons montré que le mal n’est pas un être et qu’il n’est pas dans les êtres. Si donc les démons étaient naturellement mauvais, ils ne feraient pas partie des êtres. Voici le troisième : ce qui appartient par nature à un être lui appartient toujours. Si donc les démons étaient mauvais par nature, ils l’auraient toujours été et n’auraient donc pas pu passer du bien au mal, ainsi que la foi catholique le reconnaît. Le quatrième raisonnement soutient que si les démons sont naturellement mauvais ou bien ils le sont pour eux-mêmes ou bien ils le sont pour les autres. S’ils le sont pour eux-mêmes, puisque c’est dans la nature même du mal de nuire et de détruire, il s’ensuit qu’ils se détruiraient eux-mêmes, ce qui est impossible car rien en effet ne se détruit soi-même par nature. Mais si c’est pour les autres, c’est donc naturellement qu’ils détruisent les autres. 530. On se demande donc ce qu’ils détruisent ainsi naturellement et comment ils le détruisent : la substance, la puissance ou l’opération ? Ces trois dimensions se retrouvent en effet dans tous les êtres. Si on accorde qu’ils sont naturellement mauvais parce qu’ils détruisent la substance d’un être, Denys oppose à cela trois raisons dont voici la première : rien de ce qui détruit la substance d’un autre être conformément à l’ordre de la nature n’est mauvais par nature, car cela même qui consiste à conserver l’ordre de la nature est bon par nature. Mais si le mal détruit une substance il ne le fait pas indépendamment de l’ordre de la nature : en effet, il ne peut corrompre les réalités incorruptibles mais seulement celles qui sont susceptibles de corruption. Il ne sera donc pas un mal par nature. Voici la deuxième raison : ce qui est tel par nature est tel purement et simplement et à l’égard de toute chose, comme ce qui est naturellement chaud, comme le feu, est chaud purement et simplement et à l’égard de toute chose. Si donc une chose est naturellement mauvaise, elle le sera purement et simplement et à l’égard de tout, y compris elle-même, ce qui est impossible comme nous l’avons déjà dit (529). Voici la troisième raison : aucun des êtres n’est détruit par le mal quant à la substance ou à la nature même de la chose qu’on dit être mauvaise ; ainsi dans l’homme mauvais, la substance et la nature de l’homme continue à exister mais on dit qu’il est mauvais parce que l'équilibre, c’est-à-dire la proportion de l’harmonie et de la mesure qui est conforme à la nature, a été affaibli par un défaut d’ordre de telle manière cependant qu’il n’a pas été totalement emporté mais demeure tant soit peu. Mais cette infirmité par laquelle l'équilibre est affaibli n’est pas parfaite ou totale, car si elle l’était, elle détruirait le sujet lui-même et par conséquent la corruption elle-même qui est dans le sujet et ainsi une telle corruption ou infirmité se détruirait elle-même. Donc, cela même qui est faible non pas absolument mais sous un certain rapport n’est pas un mal par nature mais plutôt un bien qui comporte un manque ; car ce qui est totalement privé de bien ne peut trouver de place parmi les êtres. La même raison vaut pour la corruption de la puissance naturelle ; car si le mal demeurait toujours dans la chose qu’on dit être mauvaise ou corrompue par le mal, la puissance serait détruite par le mal. Il s’ensuit donc que rien n’est mauvais par nature. 531. Ensuite, lorsqu’il dit (215) :…Comment se fait-il alors que les démons, faits par Dieu, sont mauvais ? Il montre comment le mal existe dans les démons ; et d’abord, il soulève la question ; deuxièmement, il la résout, là (216) où il dit : Et on dit que certains sont mauvais…Il cherche donc en premier à savoir comment il se fait que les démons, ayant été faits par Dieu, sont mauvais. Il appartient en effet au Bien de produire de bonnes choses et de les conserver telles. 532. Ensuite, lorsqu’il dit (216) : Et certains…, il résout la question présentée et à ce sujet il fait deux choses : d’abord, il montre que les démons sont appelés mauvais, non d’après leur nature, mais d’après un manque de bien ; deuxièmement, il montre que ce défaut en eux ne provient pas d’un changement dans le bien lui-même, mais dans leur volonté, là (221) où il dit : Et est inchangé… 533. Denys montre au moyen de trois raisons que les démons ne sont pas mauvais par nature, mais en raison d'un manque de bien : d’abord certes (216) au moyen des saintes Écritures ; et il dit que c’est ainsi que quelqu’un doit dire que les démons sont appelés mauvais non pas dans la mesure où ils sont car leur être même provient du bien, c’est-à-dire de Dieu et c’est de Lui-même que leur a été donnée une essence bonne ; mais on dit qu’ils sont mauvais dans la mesure où ils ne sont pas, c’est-à-dire dans la mesure où ils sont impuissants à servir leur maître, ainsi que le disent les prophètes. Et il tire cela de la lettre de Jude (v. 6) : ¨Aux Anges qui n'ont pas servi leur maître,…Dieu a réservé les chaînes éternelles¨. Mais on dit qu’ils n’ont pas servi leur maître, soit parce qu’ils n’ont pas conservé l’innocence dans laquelle ils ont été établis à l’origine, soit parce qu’ils se sont détournés de Dieu qui est leur principe. Et ce qu’il ajoute est cohérent avec ce précède : en effet nous ne disons que les démons sont devenus mauvais, qu'en ce sens qu’ils sont privés de la disposition et de l’opération par lesquelles ils devaient être ordonnés aux biens divins. 534. Deuxièmement, lorsqu’il dit (217) : Et s'il en était autrement et que par nature…il ajoute la même chose par une raison ; et à ce sujet il fait trois choses : d’abord, il montre que les démons ne sont pas mauvais par nature mais en raison d’un manque de bien ; deuxièmement, qu’ils ne manquent pas totalement de bien, là où il dit (218) : Et non tout à fait… ; troisièmement, il montre de quel bien ils manquent, là où il dit (219) : Mais ils sont appelés mauvais… 535. Au sujet du premier point, il présente cette raison : si les démons étaient mauvais par nature, ils l’auraient toujours été car ce qui appartient naturellement à un être lui appartient toujours. Mais s’ils sont toujours mauvais ils ne le sont pas par nature, ce qu’il prouve ainsi : car tout ce qui est instable est un certain mal et être toujours identique à soi-même est le propre du bien ; d’où nous voyons que tous cherchent à exister toujours, dans la mesure du possible. Et c’est ainsi qu’il apparaît que si les démons sont toujours de la même manière, ils ne sont pas mauvais par nature ; donc, du premier au dernier, s’ils sont mauvais par nature, ils ne sont pas mauvais par nature, ce qui est impossible. Ainsi donc, il apparaît que s’ils ne sont pas toujours mauvais, car être toujours ainsi est le propre du bien, ils ne seront pas mauvais par nature, mais en raison d’un défaut de quelques biens qui devaient appartenir aux Anges. 536. Ensuite, lorsqu’il dit (218) : Et non tout à fait…il montre que les démons ne sont pas totalement privés du bien ; et il dit qu’ils ne sont pas tout à fait privés du bien et ils participent du bien, dans la mesure où ils existent, vivent et comprennent et dans la mesure aussi où il y a en eux un certain mouvement de désir qui ne tend vers rien d’autre que vers un bien véritable ou apparent. 537. Ensuite, lorsqu’il dit (219) : Mais ils sont appelés mauvais…il montre d’après quel manque de bien on les dit mauvais ; et il dit qu’on les dit mauvais à cause du manque dont ils font preuve dans l’opération qui est propre à leur nature. Et dans quel ordre cela arrive, il le montre plus loin en disant : donc, leur mal est une déviation. Là, il faut remarquer que tout ce qui est naturellement soumis à un autre trouve son bien en cela même qu’il lui est soumis tout comme chez l’homme il est bien que l’appétit des choses sensibles soit réglé par la raison. Mais toute volonté, qu’on la trouve chez l’Ange ou chez l’homme, est naturellement soumise à Dieu. Donc le bien des volontés angélique et humaine consiste à être réglé par la volonté divine. Le mal chez les démons réside dans leur déviation à l’égard de la règle établie par la volonté divine. Mais tout appétit qui s’écarte de sa règle tend vers son objet au-delà de ce qui est juste, comme le concupiscible tend plus que ce qui convient dans les plaisirs sensibles quand il n’est pas réglé par la raison. Ainsi donc la volonté des démons, détournée de la règle de la volonté divine, tend vers son bien plus qu’elle ne le devrait ; et c’est ce que Denys ajoute : et un éloignement des biens qui leur conviennent ; c’est-à-dire qu’ils auront désiré pour eux-mêmes quelque chose qui dépassait leur condition. Rien de ce qui est apte à poursuivre une fin selon un mode déterminé ne peut atteindre cette fin s’il s’écarte de ce mode. Mais le mode par lequel les Anges sont aptes à atteindre la fin ultime correspondant à leur volonté, c’est celui d’une volonté modérée par la règle divine. Si donc ils sortent de ce mode, ils n’atteignent pas leur fin ; et c’est ce qu’il ajoute : et un insuccès. Mais ceux qui ne parviennent pas à atteindre leur perfection demeurent imparfaits et c’est pourquoi il ajoute : et l’imperfection. Mais tout ce qui est imparfait demeure en tant que tel impuissant et c’est pourquoi il ajoute : et l’impuissance. Et parce que la vertu est la perfection de la puissance qui correspond à la vertu qui aurait pu conserver leur perfection, il ajoute l'affaiblissement, la déviation et la chute. Et il présente ces trois derniers traits d’après ce qui se produit chez les hommes : si en effet quelqu’un est faible à résister à quelqu’un ou à poursuivre un but, il en dévie et en déviant à cause de sa faiblesse, il tombe. De même les démons, affaiblis dans leur poursuite de la finalité divine, en dévient et tombent, précipités dans le péché. 538. Ensuite, lorsqu’il dit (220) : Et en outre ce qui est…, il montre, d’une troisième manière, que les démons ne sont pas appelés mauvais d’après leur nature, mais en raison d’un manque de bien ; et il le fait d’abord en s’appuyant sur l’opinion des autres. Certains en effet ont affirmé que les démons étaient des animaux aériens par le corps, rationnels par l’esprit, passifs par l’âme et éternels dans le temps, tout comme le dit Apulée et comme le mentionne Augustin au chapitre huit du neuvième livre de La Cité de Dieu. D’après l’opinion de ceux-ci, il y a dans les démons la puissance sensible et l’appétit passif, lequel est sensitif et se divise en irascible et concupiscible. Mais cette opinion ne fut pas celle de Denys, ce qui apparaît à partir de ce qu’il a dit plus haut (211). Les Anges en effet sont immatériels et incorruptibles. Et (217) il dit plutôt ici que les démons sont mauvais parce qu’ils manquent des biens angéliques. D’où il est manifeste qu’il ne pense pas que les démons sont des êtres corporels et par conséquent sensitifs ou passifs par l’âme. Mais parce que lui-même cherche à montrer que les démons ne sont pas mauvais par nature, après l’avoir montré d’après sa propre opinion, à savoir que les démons possèdent une nature angélique, il montre par après qu’il s’ensuit la même conclusion si on affirme qu’ils ont en eux une nature sensitive ; dans ce cas en effet on portera le même jugement sur le mal des démons et sur celui de l’homme. 539. Mais en nous le mal se produit du fait que la partie sensitive n’est pas réglée par la raison et cela de trois manières, à savoir : d’abord quant à l’irascible qui, lorsqu’il n’est pas réglé par la raison, entre en fureur ou se fâche déraisonnablement ; ensuite quant au concupiscible qui, dans la même situation, convoite avec folie ; et enfin quant à l’imagination qui, sans la règle de la raison, tempête contre la vérité. Donc, conformément à l’opinion précédente, le mal dans les démons n’est rien d’autre qu’une fureur irrationnelle, une folle convoitise et une imagination débordante. Mais il dit : une folle convoitise, une fureur irrationnelle, parce que la concupiscence ne tend aucunement à la raison alors que l’irascible y tend, mais imparfaitement, ainsi que nous l’avons dit (507). 540. Si donc d’après l’opinion des autres ces trois maux se retrouvent chez les démons, ils ne s’y retrouvent pas totalement, car ce n’est pas contre n’importe quelle vérité qu’ils tempêtent ni à l’égard de n’importe quels biens que leur concupiscence est folle. En effet, ils désirent naturellement le bien et la perfection ; et ces infirmités ne se retrouvent pas chez tous les démons de la même manière ; et aussi ces trois puissances, à savoir l’irascible, le concupiscible et l’imagination ne sont pas mauvaises en elles-mêmes, mais parce qu’elles manquent à l’ordre de la raison et à l'objet qui leur est dû. C’est pourquoi on voit que chez les animaux irrationnels la possession de ces trois facultés n’est pas un mal mais contribue au contraire à leur conservation et à la constitution de leur nature animale. En vérité, si Denys parle ici d’après son opinion propre, il faut dire qu’il parle d’une manière métaphorique : c’est ainsi en effet que les passions de l’âme sont attribuées aux Anges dans les Écritures, ainsi que le souligne Augustin dans La Cité de Dieu. Ainsi donc, il conclut que le genre des démons n’est pas mauvais selon qu’il est conforme à sa nature, mais selon qu’il ne l’est pas ; c’est-à-dire selon qu’il est privé d’un bien. 541. Ensuite, lorsqu’il dit (221) : Et inchangé…il montre d’où provient le manque de bien qui se rencontre chez les démons. En effet, quelqu’un pourrait croire que puisque chez les hommes la disparition ou l’affaiblissement de l’opération naturelle provient de la variation même de la nature qui en vieillissant se détériore et qu’ainsi les opérations naturelles s’affaiblissent, de même encore la disparition de la bonne opération chez les démons proviendrait aussi de la détérioration de leur bien. Mais Denys écarte cette idée à la fois quant au bien universel dont ils se sont détournés et qui est Dieu, et quant aux biens particuliers qui sont les biens naturels donnés aux Anges. Il dit donc que le bien universel ou divin qui leur fut donné dans la mesure où ils en participèrent d’une certaine manière, ne s’est altéré d’aucune façon. D’où il suit qu’ils ne devinrent pas mauvais en raison d’une altération du bien mais parce qu’eux même se sont détournés du bien universel qui leur avait été donné ; et de même, les dons angéliques destinés à la nature angélique et qui leur furent donnés à l’origine, nous ne disons nullement qu’ils ont été sujets à des détériorations, comme si les démons étaient devenus mauvais en raison de leur altération, mais nous disons plutôt qu’ils demeurent encore intacts, à savoir sans corruption naturelle, et les plus éclatants, c’est-à-dire sans diminution de la lumière intellectuelle qui leur est naturelle. Mais si les démons ne les voient plus, c’est parce qu’eux-mêmes, au moyen de leur libre arbitre, ont fermé leur capacité de contempler le bien, c’est-à-dire qu’ils ont volontairement détourné leur intelligence non de la considération de la vérité mais de l’attention au bien en tant que bien qu’ils ne veulent pas chercher à atteindre. D’où il apparaît que dans la mesure où ils sont, ils ont une bonne cause, ils sont bons quant à leur nature et désirent le bien, c’est-à-dire qu’ils tendent à être, à vivre et à comprendre ; mais dans la mesure où ils sont privés d'être par un retrait volontaire, lequel les affaiblit et les détache des biens qui leur appartenaient selon l’ordre de leur nature, ils sont mauvais et on les nomme tels dans la mesure où ils ne sont pas, à savoir dans la mesure où il leur manque un bien ; et de même, quand ils désirent le mal, ils désirent le non-être. On dit en effet qu’ils désirent le mal selon qu’ils désirent un bien qui ne possède pas l’ordre et le mode qui conviennent. |
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LECTIO 20 [84863] In De divinis
nominibus, cap. 4 l. 20 Postquam Dionysius ostendit quomodo malum sit in
Daemonibus, hic ostendit quomodo sit in animabus ; et primo, excludit modum
falsum ; secundo, ponit modum verum ; ibi : si autem et
cetera ; tertio, concludit propositum ; ibi : non igitur et
cetera. Dicit ergo, primo, quod forte aliquis dicit animas humanas esse
malas, quod quidem verum est de aliquibus ; sed inquirendum est quomodo mala
dicantur. Si autem aliquis dicat quod ideo dicuntur mala quia assistunt malis
quibus provident et quos salvare intendunt, sicut aliquis bonus homo
cohabitat malis ut eos salvet vel sicut etiam ipsa anima communicat et
coassistit corruptioni corporis et passionibus animae inordinatis et
huiusmodi ad ordinem reducere intendens, hoc non est malum, sed est bonum et
ex primo bono derivatur, cuius virtute etiam mala fiunt bona vel inquantum
mala transmutantur et fiunt bona vel inquantum ex malis divina ordinatione
eliciuntur bona. Deinde, cum dicit : si autem et cetera,
ponit verum modum ; et dicit quod si nos dicimus animas fieri malas, hoc non
possumus nisi inquantum deficiunt a bono, et quantum ad habitum et quantum ad
actum, et sic infirmatae ex defectu boni, non possunt consequi debitum finem,
sed prolabuntur ad aliquid contrarium fini ; sicut et aerem qui est
super nos dicimus obtenebrari per defectum et absentiam luminis. Sed lumen
est quod et tenebras illuminat ; idest quae prius tenebrosa erant facit
luminosa et sic bonum de malo facit bonum. Deinde, cum dicit : non
igitur et cetera, concludit propositum, quod scilicet neque
in Daemonibus neque in hominibus sit malum, quasi
aliquid existens positive, sed sicut defectus et quasi
quoddam desertum perfectionis propriorum bonorum. Sic igitur
intendit ostendere quod in existentibus non est malum ; quia, in quibusdam
quidem nullo modo est malum, sicut in Deo vel in Angelis ; in quibusdam vero
est malum, sed sicut privatio et defectus, non sicut aliquid existens.
Deinde, cum dicit : sed neque et cetera, ostendit quod non
est naturaliter in animalibus irrationalibus ; et excludit duo secundum quae
posset videri quod in eis esset naturaliter malum, scilicet passiones et
passionis defectus. Posset enim aliquis videns in brutis animalibus
naturaliter furorem et concupiscentiam quae in hominibus dicuntur mala,
existimare huiusmodi animalia naturaliter esse mala. Sed hoc excludit dicens
quod si auferas ab huiusmodi animalibus furorem et
concupiscentiam et alias huiusmodi passiones, quae ab
aliquibus dicuntur mala et tamen non
sunt mala simpliciter eorum naturae, si inquam ista auferantur, natura
eorum iam interimitur. Nam cum leo perdiderit animositatem
et superbiam, iam non erit leo ; et similiter canis,
cum perdiderit furorem, omnibus factus mansuetus, non erit canis.
Et hoc apparet in utilitate quam facit in rebus humanis, in quibus
officium canis est custodire domum vel alia huiusmodi ; et
hoc facit accedendo ad familiarem et abiiciendo alienum. Manifestum est autem
quod ea per quae servatur natura ne corrumpatur, non sunt mala, sed corruptio
ipsius naturae est infirmitas et quicumque defectus alius naturalium habituum
et virtutum et operationum et hoc est malum, ut supra dictum est. Unde patet
quod praedictae passiones, quibus interemptis, interimitur natura brutorum
animalium, non sunt in eis mala, sed bona. Posset autem aliquis dicere quod
ex hoc quod sunt imperfecta ratione carentia secundum suam naturam, huiusmodi
animalia sunt naturaliter mala ; sed hoc ipse excludit dicens : quaecumque
enim generantur, non perveniunt ad suam perfectionem nisi post determinatum
tempus ; ex quo patet quod esse imperfectum ante illud tempus est naturale et
secundum naturam ; ex quo patet, quod non omnis imperfectio est praeter
naturam, sed solum illa imperfectio, per quam tollitur perfectio debita
secundum illud tempus, est mala. |
Leçon 20 : De quelle manière le mal est dans les âmes.542. Après avoir montré de quelle manière le mal est dans les démons, il montre ici de quelle manière le mal est dans les âmes. Et d’abord, il écarte une modalité qui est erronée ; deuxièmement, il présente la véritable modalité, là (223) où il dit : Mais si… ; troisièmement, il conclut son propos, là (224) où il dit : Donc, ni… 543. Il dit donc en premier qu'il arrive à certains de dire que les âmes humaines sont mauvaises, ce qui est certainement vrai de certaines ; mais il faut rechercher en quel sens on dit qu’elles sont mauvaises. Mais si quelqu’un dit qu’on les appelle mauvaises pour cette raison qu’elles se tiennent auprès des mauvais qu’elles pourvoient et qu’elles cherchent à sauver, ainsi qu’un homme bon habite avec des mauvais pour les sauver ou encore comme l’âme elle-même qui est unie et qui assiste en quelque sorte à la corruption du corps et aux passions désordonnées de l’âme de telle sorte qu’elle cherche à les ramener à l’ordre, cela n’est pas mal, mais cela est bien et découle du premier Bien, par la puissance duquel même les maux deviennent des biens soit selon que les maux se transforment et deviennent des biens, soit selon que les biens sont tirés des maux par l’ordonnance divine. 544. Ensuite, lorsqu’il dit (223) : Mais si…, il présente la véritable modalité ; et il dit que si nous disons que les âmes deviennent mauvaises, nous ne le pouvons dire que dans la mesure où elles s’écartent d’un bien, à la fois quant à la disposition et quant à l’acte, et ainsi affaiblies par l’absence du bien, elles ne peuvent atteindre la fin attendue, car elles glissent vers quelque chose qui est contraire à la fin, tout comme nous disons que l’air qui est au-dessus de nous s’obscurcit par le manque et l’absence de lumière. Mais la lumière est ce qui illumine les ténèbres ; c’est-à-dire qu’elle rend clair l’air qui était d’abord sombre et c'est ainsi que le bien réalise le bien à partir du mal. 545. Ensuite, lorsqu’il dit (224) : Donc, ni…, il conclut son propos, c’est-à-dire que le mal n’existe ni dans les démons ni dans les hommes comme quelque chose qui y existerait positivement, mais à titre de manque et un peu à la manière d’un désert ou de l’absence de la perfection des biens propres. Ainsi donc il cherche à montrer que le mal n’est pas dans les êtres ; car chez certains certes le mal n’existe d’aucune façon, comme en Dieu ou dans les Anges ; chez certains certes il y a du mal, mais à titre de privation ou de manque et non comme un être qui y existerait. 546. Ensuite, lorsqu’il dit (225) : Mais ni…, il montre que le mal n’est pas non plus naturellement dans les animaux irrationnels ; et il écarte deux difficultés qui se fondent sur les passions et le défaut de passion et d’après lesquelles il pourrait sembler que le mal existe par nature chez eux. En effet, en voyant exister naturellement chez les brutes la colère et la concupiscence qu’on qualifie de mauvaises chez l’homme, quelqu’un pourrait croire que les animaux de cette sorte sont naturellement mauvais. Mais il repousse cette opinion en disant que si tu enlèves de ces animaux la fureur et la concupiscence ainsi que les autres passions du même genre que certains disent mauvaises et qui ne sont pas nuisibles purement et simplement à leur nature, si dit-il on les enlève, aussitôt leur nature est détruite. En effet, lorsque le lion aura perdu sa passion et sa fierté, il ne sera plus un lion ; et de même le chien, lorsqu’il aura perdu sa colère après avoir été rendu doux à l'égard de tous, ne sera plus un chien. Et cela apparaît dans les tâches qu’il fait dans les choses humaines, où le chien a pour rôle de garder la maison ou de faire des choses du même genre ; et il le fait en accueillant les familiers et en chassant les étrangers. Mais il est évident que ce au moyen de quoi la nature est conservée afin de ne pas se corrompre, cela n’est pas mauvais, mais la corruption de la nature elle-même, laquelle est une infirmité ainsi que tout autre défaut dans les dispositions, les puissances et les opérations naturelles, c’est cela qui est mal, ainsi que nous l’avons dit (544). D’où il est évident que puisque la disparition de ces passions entraîne la disparition de la nature de ces animaux, ces passions ne sont pas en elles-mêmes des maux, mais des biens. 547. Mais quelqu’un pourrait dire que du fait qu’ils sont imparfaits en raison d’un manque quant à leur nature, les animaux de cette sorte sont naturellement mauvais ; mais il repousse aussi cette position en disant ceci : quiconque en effet est engendré ne parvient à sa perfection qu’après un temps déterminé ; et de là il est évident qu’il est naturel et conforme à la nature d’être imparfait avant ce temps ; d’où on peut voir que ce n’est pas toute imperfection qui est contre nature, mais seule est mauvaise cette imperfection qui est responsable de l’absence de la perfection attendue en ce temps déterminé. |
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LECTIO 21 [84864] In De divinis
nominibus, cap. 4 l. 21 Postquam ostendit Dionysius quod, in his quae per
cognitionem agunt, non est malum aliquod existens, ostendit idem in rebus
naturalibus ; et primo, in ipsa natura ; secundo, in corpore naturali ; ibi
: sed neque et cetera ; tertio, quod neque in materia ; ibi
: sed neque multum et cetera ; quarto, ostendit quomodo
privatio se habeat ad malum ; ibi : sed neque hoc quod dicimus
privationem et cetera. Circa primum, duo facit : primo, ostendit
quod non est malum in natura universali ; secundo, quomodo sit malum in
natura particulari ; ibi : particulari et cetera. Circa
primum, sciendum est quod natura universalis dicitur causa universalis omnium
quae naturaliter fiunt. Est autem Deus universalis causa omnium quae
naturaliter fiunt ; unde et quidam ipsum nominant naturam naturantem. Sed
melius est ut natura universalis intelligatur causa universalis eorum quae
naturaliter fiunt in genere rerum naturalium. Quidam ergo posuerunt naturam
universalem esse aliquid separatum, communiter se habens ad omnia naturalia,
sicut homo separatus, secundum Platonicos, communiter se habet ad homines
singulares. Sed quia species rerum non sunt separatae, sed ipsae formae in
materia existentes sunt principia actionum, ut probatur in VII Metaphys.,
melius est dicendum quod natura universalis dicitur vis activa primi
corporis, quod est primum in genere causarum naturalium. In hac igitur natura
universali, non potest esse malum : malum enim in qualibet natura est
recessus ab ordine illius naturae, sicut oculus est aeger quando non est in
sua dispositione naturali. Licet autem aliquid possit esse praeter ordinem
alicuius particularis naturae, nihil tamen potest contrariari naturae
universali : non enim disceditur ab ordine alicuius naturae, nisi aliquo in
contrarium agente, puta ab ordine sanitatis, quod est naturale bonum corporis
humani, disceditur per actionem calidi aut frigidi. Omnes autem naturales actiones,
quae sunt virtutes activae, dependent ab universali natura et
sic nihil potest agere in contrarium toti universali
naturae. Unde patet quod in natura universali, non potest esse malum. Deinde,
cum dicit : particulari autem et cetera, ostendit quomodo
sit malum in particulari natura ; et dicitur particularis natura principium
motus alicuius rei determinatae. Dicit ergo quod alicui particulari naturae
aliquid est secundum naturam et aliquid non secundum
naturam : sicut igni secundum naturam est moveri sursum ; moveri autem
deorsum, non secundum naturam. Nec est idem omnibus praeter naturam ; sed
unum et idem potest esse alicui secundum naturam et
alicui praeter naturam : sicut moveri deorsum est praeter naturam
igni, et secundum naturam terrae. Nihil est autem malum aliquod naturae quam
praeter naturam esse, hoc est privari aliquo naturali. Ex quo patet quod
ipsa natura non est mala, sed hoc est malum naturae : non posse
pertingere ad ea quae pertinent ad perfectionem propriae naturae.
Deinde, cum dicit : sed neque et cetera, ostendit qualiter
in corpore est malum ; et circa hoc, tria facit : primo, ostendit quid
dicatur malum corporis ; secundo, excludit quamdam obiectionem ; ibi : quoniam
autem et cetera ; tertio, universaliter colligit quid sit malum in
omnibus quae dicuntur mala ; ibi : hoc enim et cetera. Dicit
ergo primo quod, sicut dictum est quod in Daemonibus et in animabus non est
malum quasi aliquid existens, ita et neque in corpore est malum quasi
aliquid existens. Malum enim corporis dicitur esse vel turpitudo vel infirmitas et
utrumque horum est defectus alicuius formae aut privatio alicuius ordinis.
Requiritur enim ad pulchritudinem et claritatem
forma et commensuratio quae ad ordinem pertinet. Utrolibet autem privato,
sequitur turpitudo. Nec tamen ita est malum in corpore quod omnino privetur
forma et ordine, quia si totaliter tolleretur omnis forma et omnis ordo et
per consequens totum id quod est in pulchritudine, nec ipsum corpus remanere
posset et per consequens neque turpitudo corporis. Unde
patet quod hoc quod dicitur turpe non est totaliter malum, nihil retinens de
bono, sed est bonum minoratum a debita perfectione. Deinde, cum dicit : quoniam
autem et cetera, excludit quamdam obiectionem : posset enim aliquis
dicere : hoc corpus ex hoc ipso est malum quod animae, malitiae causa
est. Sed hoc ipse excludit dicens, quod causa malitiae animae non est
corpus. Remota enim causa per se, removetur effectus ; remoto autem
corpore, non removetur malitia in natura spirituali, ut patet in Daemonibus
qui sunt incorporei et tamen mali. Relinquitur ergo quod causa malitiae
animae non sit corpus. Sed in peccato actuali, manifestum est quod malitia
animae est ex libero arbitrio, in hoc quod male utitur corporalibus rebus ;
in peccato autem originali, hanc maculam attraxit ipsa infectio corporis, secundum
quam inficit animam sibi unitam et primo ex anima primi parentis. Deinde, cum
dicit : hoc enim et cetera, colligit universaliter quid sit
malum in omnibus quae dicuntur mala ; et dicit quod tam in mentibus Daemonum,
quam in animabus, quam etiam in corporibus, malum non
est aliquid existens ; sed infirme et debiliter habere propria bona quae eis
conveniunt vel totaliter cadere ab habendo, hoc dicitur malum in singulis.
Deinde, cum dicit : sed neque multum et cetera, ostendit
quomodo materiae attribuitur malum ; et primo, ostendit veritatem ; secundo,
excludit obiectionem ; ibi : si autem et cetera. Circa
primum, duo facit : primo proponit veritatem ; secundo, probat eam ; ibi
: etenim ipsa et cetera. Circa primum, sciendum est quod
apud multos antiquorum vulgariter dicebatur quod materia est secundum se mala
et hoc ideo quia non distinguebant inter privationem et materiam ; privatio
autem est non-ens et malum. Unde, sicut Plato, dicebant materiam esse non-ens
et ita quidem materiam esse secundum se malum. Sed Aristoteles in I Physic.
dicit quod materia non est non-ens nec malum, nisi per accidens, idest
ratione privationis quae ei accidit ; et hoc est etiam quod hic Dionysius
dicit quod in materia non est malum, secundum quod
est materia ; et hoc probat tribus rationibus ; quarum prima, sumitur per
comparationem ad formam, quae talis est : materia potest dupliciter
considerari : uno modo, ut sub forma existens et sic habet
participationem formae quantum ad esse substantiale et
pulchritudinis quantum ad commensurationem et decorem, ad quem
operantur etiam accidentia intrinseca et etiam ornatus quantum
ad exteriora quae ipsam circumstant. Alio modo potest accipi materia prout
intelligitur secundum seipsam, praeter praedicta, quasi carens qualitate et
omni forma. Et si aliquis dicat quod materia sic accepta sit primum malum,
hoc non potest esse : quia primum malum dicunt quod facit omnia mala. Materia autem secundum
seipsam existens sine qualitate et forma non potest aliquid facere,
quia principium agendi est forma per quam aliquid est actu ; unumquodque
autem agit secundum quod actu est. Similiter etiam neque potest per se pati,
secundum quod pati est in abiiciendo aliquid a substantia, prout pati dicitur
contrarium a contrario ; sed secundum quod pati dicit recipere tantum, sic
materiae convenit pati secundum seipsam ; manifestum est ergo quod materia
non est secundum seipsam mala tamquam primum malum. Secundam rationem ponit
ibi : et aliter ; quomodo et cetera, quae sumitur ex
comparatione ad causam ; quae talis est : aut materia nullo modo est aut
est. Si non est neque in aliquo loco neque per aliquem modum ; quod autem non
est, neque bonum neque malum est. Sequitur
ergo quod materia neque sit bonum neque sit malum.
Si vero materia sit, cum omnia existentia sint ex
bono, sequitur quod materia sit ex bono. Quod autem est ex
bono, non est secundum se malum ; ergo materia non est secundum se malum. Ad
hoc autem ostendendum, inducit divisionem quinque membrorum ; circa
causalitatem enim rerum oportet alterum istorum quinque dicere : quorum
primum est quod bonum sit causa mali,
permanentis mali ; secundum membrum est quod malum ex hoc
ipso quod procedit ex bono, sit bonum ; tertium
membrum est quod e converso malum sit effectivum
boni, permanentis boni ; quartum membrum est quod bonum, eo
ipso quod procedit ex malo, sit malum. Et haec
quatuor sunt impossibilia : quia dicere quod bonum sit effectivum mali vel
malum boni, est ponere quod unum oppositorum sit causa alterius ; dicere vero
quod malum sit bonum, aut e converso, est dicere quod opposita sint simul.
Quintum membrum est quod si sint duo principia, bonum et malum,
sic oportet dicere quod ista duo, quae in se sunt distincta, procedant ab uno
primo principio, quia ante omnem multitudinem est unitas. Illud autem primum
principium oportet esse bonum vel malum et sic redibunt iterum quatuor prima
inconvenientia. Si dicatur quod bonum sit aliquid et malum sit aliquid,
oportet ergo dicere quod primum sit bonum ; et omne quod est aliquid existens
est bonum tamquam a bono principio causatum ; et sic materia prima, si sit
existens, est secundum se bona tamquam a bono causata. Tertiam rationem ponit
ibi : si autem necessariam et cetera, quae sumitur ex
utilitate materiae, et haec ratio habet quasi tria media, secundum tres utilitates
materiae : quarum prima est quod materia est complementum universi ; non enim
esset universitas entium completa, si tolleretur ens in potentia. Et hoc
medium tangit dicens quod si aliqui hoc concedant quod materia sit
necessaria ad completionem totius mundi, quomodo potest
esse quod materia sit secundum se malum ?
Necessarium enim est diversum a malo : ex hoc enim dicitur aliquid
necessarium quod habet ordinem ad bona et ex ipso, habet rationem boni.
Secunda utilitas materiae est respectu particularium entium quae ex materia
generantur. Et hoc medium tangit dicens : quomodo bonus, scilicet
Deus quaedam entia deducit ad generationem ex malo ? Quod
videtur inconveniens : sicut enim calidum non facit aliquid ex ipsa
frigiditate, ita nec bonum facit aliquid ex ipso malo et tamen hoc sequeretur
si materia esset secundum se mala. Aut iterum, quomodo potest
esse malum quod est necessarium ad generationem boni ? Hoc
enim pertinet ad rationem mali, quod fugiat naturam boni et non inducat ad
ipsam. Dicit autem quaedam ad generationem deduci ex
materia, propter substantias immateriales quae non habent materiam. Tertia
utilitas materiae est quod nutrit sustentando formam, unde Plato comparavit
materiam nutrici. Et hoc tangit cum dicit : quomodo materia,
cum sit mala secundum seipsam, potest gignere et
nutrire naturam rei generatae, suscipiendo et retinendo
formam eius ? Malum enim, inquantum huiusmodi, non est generativum
aut nutritivum alicuius aut, ut universalius loquamur,
non est effectivum aut salvativum alicuius. Effectivum enim
continet sub se generativum sicut minus commune et
similiter salvativum continet sub se nutritivum.
Efficere autem et salvare pertinet ad rationem boni, unde non possunt
convenire malo, inquantum huiusmodi. Deinde, cum dicit : si autem
dicant et cetera, removet quamdam obiectionem : dixerat enim supra
quod corpus non potest dici malum quasi sit causa malitiae ipsius animae. Posset autem aliquis dicere quod licet corpus non faciat malitiam
in animabus, tamen materia corporalis attrahit animas ad malitiam,
alliciendo eas. Sed ipse dicit hoc non esse verum.
Si enim materia esset causa attrahens animas ad malitiam, sequeretur quod hoc
ex necessitate faceret : posita enim causa, ex necessitate sequitur effectus,
nisi aliquis impediat. Sed hoc videmus esse falsum : multae enim animarum
respiciunt ad bonum, quod non posset esse si materia totaliter
attraheret eas ad malum. Unde manifestum est
quod malum in animabus non est ex materia, sed ex inordinato motu
liberi arbitrii ; qui est ipsum peccatum. Si autem aliquis hoc ipsum imputet
materiae corporali, inquantum exterius existens allicit aliquo modo et
coniuncta animae inclinat, licet non ex necessitate, non propter hoc
removetur quin materia sit secundum se bona ; quia aliquid potest esse occasio
mali alicuius, quod tamen secundum se est bonum. Hoc est ergo quod dicit,
quod si aliqui hoc ipsum dicunt esse
ex materia quod anima movetur ad malum, oportet nihilominus dicere quod materia,
licet sit instabilis, tamen omnino consequens est,
idest consequentiam et ordinem habens in universo et necessaria est
formis, quae non possent in seipsis firmari. Quomodo autem malum potest
esse necessarium aut id quod necessarium est
potest esse secundum se malum ? Et notandum quod signanter
dicitur instabilis materia, quia inclinari ad materiam, intantum
videtur esse malum, inquantum, deserto incommutabili bono, adhaeret
commutabilibus bonis. Principium autem
mutabilitatis est materia, inquantum est in potentia ad diversa. Nec tamen
hoc ipsum quod est in potentia ad diversa, ostendit eam malam ; quinimmo per
hoc ipsum habet ordinem ad diversa bona, idest ad diversas formas, quae in
ipsa firmantur. Deinde, cum dicit : sed neque hoc et cetera,
ostendit quomodo se habeat privatio ad rationem mali ; et dicit quod nec ipsa
privatio adversatur bono, agendo contra ipsum secundum
propriam virtutem, sed secundum virtutem boni : quia, si
sit perfecta privatio, idest quae totum removeat omnino, excludet
omnem potentiam et ita erit non potens ad agendum contra bonum. Si
autem sit particularis privatio, excludens unam formam et
non aliam, habet virtutem agendi non ex hoc
quod est privatio, sed ex hoc quod non est perfecta privatio,
idest ex forma coniuncta, qua non privatur. Sed si bonum particulariter
privetur, nondum est totaliter malum, et si
recedat privatio particularis vel quia non sit aliquid privatum vel quia sit
totaliter ablatum, sequitur quod natura mali pereat. |
Leçon 21 (31a) : Comment le mal existe dans les choses naturelles.548. Après avoir montré que le mal n’est pas quelque chose qui existe chez les êtres qui agissent au moyen d’une connaissance, il montre qu’il en est de même chez les choses naturelles ; et en premier lieu, il le montre pour la nature elle-même ; deuxièmement pour le corps naturel, là où il dit (228) : Mais pas non plus… ; troisièmement, il montre qu’il en est de même pour la matière, là où il dit (231) : Mais ni davantage… ; quatrièmement, il montre comment la privation se rapporte au mal, là (236) où il dit : Mais ni ce que nous appelons privation… 549. Au sujet du premier point, il fait deux choses : d’abord, Denys montre que le mal n’est pas dans la nature en général ; deuxièmement, il montre comment le mal est dans une nature particulière, là (227) où il dit : En particulier… 550. Sur ce premier point, il faut savoir que la nature en général est la cause universelle de tout devenir naturel. Mais Dieu est la cause de tout ce qui est sujet au devenir dans la nature ; et c'est pour cette raison que plusieurs Le nomment nature naturante. Mais il est préférable qu’on entende par nature universelle la cause universelle des choses qui se produisent naturellement dans le genre des choses naturelles. Certains donc ont affirmé que la nature universelle est un être séparé qui se rapporte à toutes les choses naturelles de la même manière que l’homme séparé, selon les Platoniciens, se rapporte universellement à tous les hommes individuels. Mais parce que les espèces des choses ne possèdent aucune existence séparée, mais que les formes mêmes existant dans la matière sont les principes des opérations ainsi qu’on en a la preuve au septième livre des Métaphysiques, on s'exprimera d'une manière plus adéquate en disant que la nature universelle est la puissance active du premier corps, laquelle est première dans le genre des causes naturelles. 551. Donc, il ne peut y avoir de mal dans cette nature universelle : dans quelque nature que ce soit, le mal consiste à se séparer de l’ordre de cette nature, comme l’œil est malade quand il n’est pas dans sa disposition ou son ordre naturel. Mais bien que quelque chose puisse aller à l’encontre de l’ordre d’une nature particulière, rien cependant ne peut s’opposer à la nature universelle : rien en effet ne s’écarte de l’ordre d’une nature donnée, si ce n’est par un principe agissant en sens opposé ; par exemple, c’est par l’action du chaud ou du froid qu’il y a disparition de l’ordre de la santé qui est le bien naturel du corps humain. En effet, toutes les opérations naturelles, qui proviennent de puissances actives, dépendent de la nature universelle et ainsi rien ne peut agir en opposition à la nature prise dans son universalité. D’où il saute aux yeux qu’il ne peut y avoir de mal dans la nature universelle. 552. Ensuite, lorsqu’il dit (227) : Mais en particulier…il montre comment le mal est dans une nature particulière ; et il appelle nature particulière le principe de mouvement d’une chose déterminée. Il dit donc qu'à l'égard de quelque nature particulière, qu’il y a des choses qui sont conformes et d’autres qui ne sont pas conformes à la nature : c'est ainsi qu'il est conforme à la nature du feu de se mouvoir vers le haut ; le mouvement vers le bas est donc contraire à sa nature. Et ce qui est contraire à la nature n’est pas la même chose pour tous ; mais une seule et même chose peut être pour un être conforme à sa nature et pour un autre contraire à sa nature, comme le mouvement vers le bas est contraire à la nature du feu mais conforme à la nature de la terre. Mais rien n’est le mal d'une nature donnée, si ce n'est ce qui est contraire à cette nature, à savoir d’être privée de ce qui lui appartient naturellement. D’où il apparaît que la nature elle-même n’est pas mauvaise, mais cela seulement est un mal pour une nature, à savoir de ne pouvoir parvenir à ce qui appartient à la perfection de sa nature propre. 553. Ensuite, lorsqu’il dit (228) : Mais ... non plus…il montre comment le mal est dans un corps ; et à ce sujet il fait trois choses : d’abord, il montre ce qu’on dit être un mal pour le corps ; deuxièmement, il écarte une objection, là (229) où il dit : Mais par ailleurs… ; troisièmement, il tire une définition universelle du mal à partir de toutes les choses qu’on appelle mauvaises, là (230) où il dit : Cela en effet… 554. Il dit donc en premier que, ainsi qu’on l’a montré au sujet des démons (leçon 19a) et au sujet des âmes (leçon 20a), le mal n’est pas quelque chose qui existe à titre d’être et il n'existe pas non plus dans les corps selon cette même modalité. On dit en effet que le mal du corps est soit une laideur soit une maladie et l’un et l’autre sont le manque d’une forme ou la privation d’un ordre. En effet la forme et la mesure qui se rapportent à l’ordre sont requises à la beauté et à la clarté. La laideur découle de la privation de l’un et de l’autre. Cependant, le mal n’est pas dans le corps de telle sorte que ce dernier serait entièrement privé de forme et d’ordre, car si toute forme et tout ordre disparaissaient et par conséquent tout ce en quoi la beauté consiste, il ne resterait plus rien ni du corps lui-même ni de la laideur du corps. D’où il est évident que ce qu’on dit être laid n’est pas un mal absolu qui ne retiendrait rien du bien, mais plutôt un bien diminué par le manque d’une perfection attendue. 555. Ensuite, lorsqu’il dit (229) : Mais par ailleurs... il écarte une objection : quelqu’un en effet pourrait dire ceci : Ce corps est mauvais du fait même qu’il est cause d’un mal pour l’âme. Mais Denys écarte cette objection en disant que ce n’est pas le corps qui est cause d’un mal pour l’âme. En effet, l’effet disparaît si ce qui en est la cause par soi disparaît ; mais on voit que le corps étant absent chez les êtres qui ont une nature spirituelle, le mal ne disparaît pas pour autant ainsi qu’on le voit chez les démons qui n’ont pas de corps et qui pourtant sont mauvais. Il reste donc que la cause du mal dans l’âme n’est pas de nature corporelle. Mais il est manifeste que dans les péchés que nous commettons maintenant, le mal dans l’âme provient du libre arbitre, du fait qu’elle fait un mauvais usage des choses corporelles ; mais lors de la faute originelle, c’est la corruption même du corps qui, à partir d’abord de l’âme des premiers parents, attira cette tache par laquelle elle corrompit l’âme qui lui était unie. 556. Ensuite, lorsqu’il dit (230) : Cela en effet…, il conclut universellement par une définition qui s’applique à toutes les choses qu’on dit mauvaises ; et il dit que tant dans les esprits démoniaques que dans les animaux et dans les corps, le mal n’est pas quelque chose qui a de l’être ; mais le mal chez les individus consiste à posséder faiblement et de manière atrophiée les biens qui leur conviennent en propre ou à déchoir au point d’en être privé totalement. 557. Ensuite, lorsqu’il dit (231) : Mais il n'est pas davantage…, il montre comment le mal est attribué à la matière ; et d’abord, il manifeste la vérité sur ce point ; deuxièmement, il écarte une objection, là (235) où il dit : Mais si… 558. Sur le premier point, il fait deux choses : d’abord, il présente une vérité ; ensuite, il la prouve, là (232) où il dit : De fait, elle-même…. 559. Au sujet du premier point, il faut savoir que de nombreux anciens affirmaient communément que la matière est mauvaise en elle-même parce qu’ils n’arrivaient pas à faire la différence entre la matière et la privation ; mais c’est la privation qui est du non-être et du mal. D’où ils affirmaient, comme Platon, que la matière est du non-être et ainsi par conséquent que la matière est mauvaise en elle-même. Mais Aristote affirme au premier libre des Physiques que la matière n’est ni du non-être ni du mal, si ce n’est par accident, c’est-à-dire en raison de la privation qui l’accompagne ; et c’est aussi ce qu’affirme ici Denys, à savoir qu’il n’y a pas de mal dans la matière en tant que matière ; et c’est ce qu’il manifeste au moyen de trois raisonnements. 560. Le premier, que voici (232), se tire d’une comparaison de la matière à la forme : on peut considérer la matière de deux façons : on peut la considérer d’abord comme existant sous la forme et ainsi elle se trouve à participer à la fois de la forme quant à l’être substantiel, de la beauté quant à la mesure et à la grâce corporelle, auxquelles contribuent aussi les accidents intrinsèques, et enfin de la parure quant aux accidents extrinsèques qui l’entourent. On peut aussi comprendre la matière d’une autre façon, selon qu’on l’entend en elle-même, séparément de ce à quoi elle peut s’unir, comme privée de toute qualité et de toute forme. Et si quelqu’un affirme que la matière ainsi entendue est le premier mal, cela ne peut être vrai ; car ils prétendent que le premier mal est celui qui engendre tous les autres. Mais la matière entendue en elle-même, comme existant sans qualité et sans forme, ne peut rien faire car le principe de l’action est la forme grâce à laquelle quelque chose existe en acte ; et tout être agit selon qu’il est en acte. De même encore la matière ne peut non plus par elle-même être le sujet d’une passion dans le sens où cet état se retrouve dans celui qui cherche à rejeter quelque chose qui est contraire à sa substance, mais seulement dans le sens où passion signifie recevoir. Si on entend par passion seulement l’idée de recevoir, alors passion s’attribue à la matière en elle-même ; il est donc évident que la matière n’est donc pas mauvaise en elle-même et qu’elle ne peut être le premier mal. 561. Il présente ici (233) le deuxième raisonnement en disant : Et d'ailleurs, comment…, lequel se tire d’une comparaison de la matière à la cause : ou bien la matière existe, ou bien elle n’existe d’aucune manière. Si elle n’existe pas, elle n’existe en aucun lieu ni sous aucune modalité ; mais ce qui n’existe pas ne peut être ni bien ni mal. Il s’ensuit donc que la matière ainsi entendue n’est ni bonne ni mauvaise. Mais si la matière existe, puisque tout ce qui existe vient du bien, il s’ensuit que la matière elle-même vient du bien. Mais ce qui vient du bien ne peut être mauvais en lui-même ; donc la matière ne peut être mauvaise en elle-même. 562. Pour montrer cela, il présente une division comportant cinq membres ; en effet, au sujet de la causalité des choses il faut exprimer l’une de ces cinq alternatives : dont la première est que le bien soit la cause du mal, d’un mal permanent ; la deuxième possibilité c’est que le mal, du fait même qu’il procède du bien, soit un bien ; la troisième, c’est qu’au contraire le mal soit cause du bien et d’un bien permanent ; la quatrième c’est que le bien, du fait même qu’il procède du mal, soit un mal. Et ces quatre avenues sont impossibles : car dire que le bien soit cause du mal ou que le mal soit cause du bien, c’est affirmer qu’un des opposés soit cause de l’autre ; en vérité, dire que le mal est le bien ou l’inverse, revient à dire que les opposés existent simultanément. Le cinquième membre de la division est le suivant : s’il existe deux principes, le bien et le mal, il faut alors dire que tous les deux qui en eux-mêmes sont différents, procèdent d’un principe premier, car l’unité est antérieure à toute multiplicité. Mais ce premier principe doit être soit le bien soit le mal et ainsi on en revient à nouveau aux quatre premières impossibilités. Alors, si on affirme que le bien est quelque chose et que le mal existe, on est nécessairement amené à conclure que le bien est le premier principe et que tout ce qui existe est un bien en tant que causé par un principe qui est bon ; et ainsi la matière première, si elle existe, est bonne en elle-même en tant que causée par le bien. 563. Il présente le troisième raisonnement, là (234) où il dit : Mais s'ils prétendent qu'elle est nécessaire…, lequel est tiré de l’utilité de la matière et cette raison possède comme trois moyens termes se rapportant à trois utilités de la matière, dont la première est que la matière contribue à la perfection de l’univers ; en effet, l’universalité des êtres ne serait pas complète si l’être en puissance disparaissait. Et Denys touche à ce moyen terme en disant que si quelqu’un concède que la matière est nécessaire à l’achèvement de tout l’univers, comment pourrait-il être possible que la matière soit en elle-même un mal ? Le nécessaire en effet est distinct du mal : en effet, on dit que quelque chose est nécessaire du fait qu’il est ordonné à des biens et qu’en lui-même il a raison de bien. 564. La seconde utilité de la matière se rapporte aux êtres particuliers qui sont engendrés à partir d'elle. Et il considère ce moyen terme en disant : Comment le Bien, c’est-à-dire Dieu, pourrait-il amener certains êtres à être engendrés à partir du mal ? Cela paraît impossible : en effet, tout comme le chaud ne peut produire quelque chose à partir du froid lui-même, de même le bien ne peut rien produire à partir du mal lui-même et cependant c’est ce qui devrait s’ensuivre si la matière était en elle-même mauvaise. Ou plus encore, comment le mal peut-il être nécessaire à la génération du bien ? Cela en effet appartient à la notion de mal de fuir la nature du bien et de ne pouvoir y conduire. Mais quand il dit que c’est certains êtres qui sont amenés à la génération à partir de la matière, il le dit à cause des substances immatérielles qui ne possèdent pas de matière. 565. La troisième utilité de la matière consiste à conserver la forme en la soutenant, d’où Platon compara la matière à une nourrice. Et Denys considère cette raison quand il dit : comment la matière, si elle est mauvaise en elle-même, peut-elle engendrer et nourrir la nature de la chose engendrée, en accueillant et conservant sa forme ? En effet, le mal en tant que tel n’est principe ni de génération ni d’alimentation à l’égard de quoi que ce soit ou, pour parler plus universellement, il n’est en rien cause de production ou de conservation. La génération en effet est contenue sous la production comme le moins commun sous le plus commun et il en est de même pour la nutrition à l’égard de la conservation. Mais produire et conserver se rapportent à la raison de bien et par conséquent ils ne peuvent appartenir au mal en tant que mal. 566. Ensuite, lorsqu’il dit (235) : Mais s’ils disaient…, il rejette une objection : il avait dit en effet plus haut (555) qu’on ne peut dire que le corps est un mal en tant que cause du mal de l’âme elle-même. Mais quelqu’un pourrait dire que, bien que le corps ne produise pas le mal chez ceux qui ont une âme, cependant la matière corporelle entraîne les âmes au mal comme en les attirant à lui. Mais Denys dit que cela n’est pas vrai. Si en effet la matière était la cause de l’attirance des âmes vers le mal, il s’ensuivrait qu’elle le ferait nécessairement : en effet, la cause une fois présente, l’effet s’ensuit nécessairement s’il n’y a pas d’obstacle. Mais nous voyons que cela est faux : plusieurs âmes en effet sont tournées vers le bien, ce qui n’aurait pas lieu si la matière attirait toujours les âmes vers le mal. D’où il est évident que le mal chez ceux qui ont une âme ne provient pas de la matière, mais d’un mouvement désordonné du libre arbitre qui est le péché lui-même. 567. Mais si quelqu’un attribuait ce mouvement même
à la matière corporelle, dans la mesure où cette dernière, existant comme
extérieurement à l’âme, l’attire d’une certaine manière et, qu’attachée à
elle, elle l’incline sans toutefois que ce soit de façon nécessaire, cela
n’empêcherait pas que la matière soit bonne en elle-même ; car une chose peut
être pour une autre occasion de quelque mal tout en demeurant cependant bonne
en elle-même. 568. C’est donc ce que dit Denys, à savoir que, si certains disent que c’est à cause de la matière que l’âme est mue au mal, il faut néanmoins dire que la matière, bien qu’elle soit instable, est cependant absolument cohérente, c’est-à-dire qu’elle a sa place dans la suite et à l’ordre de l’univers et elle est nécessaire aux formes naturelles qui ne peuvent trouver sans elle de fermeté en elles-mêmes. Mais comment le mal pourrait-il être nécessaire ou comment ce qui est nécessaire pourrait-il être mauvais en lui-même ? Et il faut remarquer que c’est avec insistance qu’on dit que la matière est instable ou mobile car être entraîné vers la matière semble d’autant plus un mal qu’ayant abandonné les biens immuables, on adhère aux biens changeants. Mais le principe du changement est la matière selon qu’elle est en puissance à la multiplicité. Mais cela même qu’elle soit en puissance à la multiplicité ne prouve pas qu’elle soit mauvaise ; bien au contraire, c’est même pour cette raison qu’elle est ordonnée à de nombreux biens, à savoir à de nombreuses formes qui trouvent en elle leur solidité. 569. Ensuite, lorsqu’il dit (236) : Mais ni cela…, il montre comment la privation se rapporte à la notion de mal ; et il dit que la privation elle-même ne s’oppose pas au bien par une action qui s’opposerait à lui selon une puissance qui lui serait propre, mais selon la puissance du bien : car si la privation était totale, c’est-à-dire si elle anéantissait totalement le tout, elle ferait disparaître toute puissance et elle serait ainsi impuissante à agir contre le bien. Mais si elle est partielle, excluant une forme mais non une autre, elle garde son pouvoir d’action non pas du fait qu’elle est une privation, mais du fait qu’elle n’est pas une pure privation, c’est-à-dire du fait de son union avec la forme dont elle n’est pas privée. Mais si la privation du bien n'est que partielle, elle n’est pas encore totalement un mal, et si la privation partielle se retire soit parce qu’il n'y a plus rien qui manque, soit parce que le bien disparaît totalement, il s’ensuit que le mal par nature est anéanti. |
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LECTIO 22 [84865] In De divinis
nominibus, cap. 4 l. 22 Pertractatis principalibus quaestionibus quas
supra moverat de malo, scilicet an malum sit aliquid ; et unde sit malum ; et
in quibus sit malum, hic prosequitur alias quaestiones adiunctas ; et primo,
illam qua quaerebatur : utrum malum causaretur ex bono aut ex aliqua alia
causa ; secundo, qua quaerebatur : quomodo providentia compatitur malum ; ibi
: quomodo et cetera ; tertio, quaestionem quae quaerebatur :
quomodo aliquid existentium desiderat malum ; ibi : non igitur et
cetera. Circa primum, duo facit : primo, praemittit quasdam considerationes
de causa mali per quas solvitur praedicta quaestio ; secundo manifestat eas ;
ibi : omne et cetera. Ponit ergo primo tres considerationes
: quarum prima est quod ex omnibus colligi potest quod bonum procedit ex
una et perfecta causa, malum autem procedit ex
multis particularibus defectibus. Et hoc apparet tam in naturalibus, quam
in moralibus. Sanitas enim et pulchritudo causantur per hoc quod corpus,
quantum ad omnes partes, est bene proportionatum, sed ad hoc quod sit
turpitudo vel aegritudo, sufficit quod desit debita proportio in quacumque
parte. Et ideo multipliciter contingit esse aegrum et turpe, sed uno modo
esse sanum et pulchrum. Similiter, ad actum requiritur quod sit commensuratus
secundum omnes debitas circumstantias, quarum quaecumque tollatur, efficitur
actus vitiosus. Et ideo philosophus dicit in II Ethic. quod bonum contingit
uno modo, malum vero multipliciter. Deinde, cum dicit : vidit Deus et
cetera, ponit secundam considerationem quae talis est : quidquid est in
mundo, sive bonum sive malum, sic est visum a Deo ; omne autem visum,
inquantum est visum, est in vidente ; et quia Deo convenit nobilissimus modus
videndi, qui est videre aliquid per causam, manifestum est quod in Deo, qui
videt bona et mala, sunt causae et bonorum et malorum. Sed causae
malorum, quae apud Deum sunt, sunt ipsae virtutes quae
faciunt bonum : eadem enim virtus est quae facit bonum, inquantum
est perfecta et quae facit malum, inquantum est deficiens : sicut patet de
libero arbitrio, quod est causa boni et mali et, universaliter, omne quod est
causa mali est etiam causa alicuius boni. Deinde, cum dicit : si
autem et cetera, ponit tertiam considerationem, quae est contra hoc
quod malum non sit primum principium : quia si malum sit ab
aeterno non causatum, sed potius alia causans et habeat potestatem aliqua
faciendi et habeat existentiam et habeat causalitatem, dum aliqua facit,
quaerendum remanet unde hoc habeat : quandocumque enim
aliquod unum convenit multis, oportet quod illius unius sit una aliqua causa
: non est enim causa multiplicior quam effectus, ut scilicet effectus sit unus
et causae sint multae. Si igitur aeternitas et creatio et potentia et esse et
facere communiter conveniant bono et malo, oportet quod hoc procedat ab una
causa. Aut igitur malum hoc habet a bono aut bonum
a malo aut ambo ex aliqua causa priori
; et quid horum verius sit, posterius ostendetur. Deinde, cum dicit : omne
quod est secundum naturam et cetera, manifestat tres praemissas
considerationes ; et primo primam ; secundo, secundam ; ibi : omnium et
cetera ; tertio, tertiam ; ibi : sicut totaliter et cetera.
Primam considerationem, scilicet : quod malum non sit ex aliqua causa
determinata, probat tribus rationibus, quarum prima talis est : videmus enim
quod omne quod habet causam determinatam aut est a natura aut est ab arte
: omne enim quod est secundum naturam generatur ex aliqua causa
determinata ; et similiter quod est secundum artem. Sed malum non
est secundum naturam neque secundum artem : quia omne quod est
secundum naturam est aliquo modo in natura, sicut effectus sunt in suis
causis, neque est secundum artem : quia omne quod est secundum artem habet
aliquam rationem in arte. Malum autem in rebus naturalibus est contra naturam
esse et in rebus artificialibus malum est etiam inartificiatum esse. Non
autem potest dici quod id quod est contra naturam sit in
natura neque quod ratio eius quod est
inartificiatum, sit in arte. Et ita malum non est a natura neque
ab arte. Ex quo sequitur quod malum sit sine causa et indeterminatum, sicut
non proveniens ex aliqua determinata causa. Secundam autem rationem ponit ibi
: utrum et cetera, maxime enim videtur quod anima per
liberum arbitrium sit causa mali. Unde si anima non sit per se causa mali,
videtur quod nihil aliud sit per se causa mali. Quaerit ergo utrum
anima sit per se causa malorum ita quod omnia quibus
adiungitur impleat malitia, sicut ignis omnia quibus
appropinquat calefacit, quia est per se causa calefaciendi. Et ad
huius quaestionis solutionem, proponit duo : quorum primum est quod natura
animae est bona ; secundum est quod anima secundum suas operationes aliquando est
bona, aliquando mala. Primum horum sic probat : si enim
detur quod natura animae sit mala, et esse eius malum,
hoc videtur impossibile, quia anima non habet suum esse nisi ex causa
creativa omnium quam oportet esse bonum ; quia producere bonum
pertinet ad rationem boni. Quaecumque autem sunt creata ex bona
causa, sunt bona. Nullo modo igitur potest esse quod anima, secundum suam
substantiam et naturam, sit mala. Si autem detur secundum membrum, scilicet
quod anima sit mala propter suam operationem, hoc non est quasi operatio mala
ex necessitate et intransmutabiliter ab anima per se sit causa malae
operationis : non enim possent in anima esse virtutes et virtuosi actus, nisi
ipsa bono conformaretur. Sic igitur anima non est per se causa mali
determinata. Unde relinquitur quod malum sit
magis ex quadam debilitate causae et defectu boni. Tertiam rationem ponit ibi
: bonorum causa et cetera, quae talis est : causa
bonorum est una ; sed sicut bono malum est oppositum,
ita et uni multitudo : ergo causae mali sunt multae et
indeterminatae. Non quidem quod mala efficiantur per
aliquas rationes et virtutes (et dicit rationes quantum
ad ea quae fiunt per artem, et virtutes, quantum ad ea quae fiunt
per naturam), sed causa malorum est totalis defectus, ratione qua dicitur
impotentia vel debilitas potentiae quae dicitur infirmitas vel etiam hoc quod
aliquid dissimile adiungitur alteri absque debita commensuratione ; sicut si
calidum adiungitur frigido absque debita commensuratione, sequitur aegritudo.
Quod autem aliqua immobiliter et eodem modo perseverent, contingit ex
fortitudine causae imprimentis et conservantis. Quia igitur mala proveniunt
ex subtractione potentiae et debilitate ipsius, sequitur quod non sint immobilia
neque semper eodem modo se habentia, sed quod habeant
infinitas varietates et quod sint indeterminata ; quia quod ex debilitate
causae provenit, aliquando accidit sic aliquando aliter, propter hoc quod
causa debilis non potest conservare eumdem ordinem in causando. Et quia sunt
quaedam debilitates, oportet quod portentur in aliis, idest
sustententur sicut privationes in subiectis et quod habeant subiecta
determinata sicut habent causas determinatas. Deinde, cum dicit : omnium
et malorum et cetera, manifestat secundam considerationem, scilicet
quod causae malorum sint virtutes bonum facientes ; et circa hoc, duo facit :
primo, ostendit quod bonum sit principium mali ; secundo, ostendit per quem
modum ; ibi : malo esse ponendum et cetera. Quod autem bonum sit principium
mali sic ostendit : semper finis respondet principio activo ; ad hoc
enim operatur unumquodque quod est conveniens suae naturae, sicut ignis agit
ad generationem ignis. Sed finis omnium malorum est bonum.
Ergo et principium omnium malorum est bonum. Quod autem finis
malorum sit bonum, sic probat : illud enim finis alicuius est propter quod
illud fit ; sed quodcumque facit aliquid sive bonum sive malum, facit illud
propter bonum et hoc manifestat in his quae faciunt mala de quibus minus
videtur ; non enim facimus mala, nisi ex desiderio alicuius
boni ; nullus enim facit ea quae facit, respiciens per
intentionem ad malum : sicut ille qui committit adulterium non
allicitur ex inordinatione propter quam adulterium est malum, sed ex
delectatione quae est aliquod bonum. Ergo finis malorum est bonum
; et ita sequitur quod bonum sit etiam malorum
principium. Omne autem quod habet aliquam substantiam habet principium et
finem suae substantiae convenientem : quod non potest dici de malo, ut
ostensum est. Ergo relinquitur quod malum non habeat
substantiam, sed quod sit privatio substantiae,
cum sit factum boni gratia et non gratia sui ipsius,
sicut ostensum est. Sed si ille qui facit malum intendit ad bonum, ut hic
dicit, videtur quod non peccet, quia peccatum praecipue ex intentione dependet.
Sed dicendum est quod si aliud malum coniunctum bono esset ignoratum, utpote
adiunctum ei, raro et in paucioribus intentio quae fertur in bonum esset
mala. Sed quando malum adiunctum non latet, utpote semper adiunctum huic bono
in quod intentio fertur, aliquo etiam modo fertur in malum, licet non
principaliter. Ex quo enim non recusat illud bonum propter malum adiunctum,
sequitur quod magis velit illud malum quam carere bono et quod minus velit
maius bonum, quo privatur per illud malum, quam minus bonum cui adiungitur
malum. Deinde, cum dicit : malo esse ponendum et cetera,
ostendit qualiter bonum sit principium mali ; et circa hoc, duo facit :
primo, ostendit propositum ; secundo, infert conclusionem ex dictis ; ibi
: igitur privatio et cetera. Quia ergo supra ostenderat quod
bonum est principium mali, ne aliquis crederet quod sit per se principium
eius, ad hoc excludendum dicit quod malo assignandum est
esse per accidens et propter aliud et non quasi ex
proprio et per se principio ; quod sic probat :
quandocumque est aliud factum et aliud desideratum, illud quod
fit habet causam per accidens : sicut si aliquis fodiens sepulchrum inveniat
aurum, dicimus inventionem auri per accidens provenisse. Sed quando aliquis
facit malum, aliud est quod fit et aliud quod desideratur sive intenditur :
quia illud quod fit apparet esse bonum ; quod omnino necesse est, quia fit
boni gratia omne quod fit, ut ostensum est ; sed secundum rei
veritatem non est bonum, quia contingit quod aliquis opinatur esse bonum quod
non est bonum. Ergo relinquitur quod malum non habeat principium nisi per
accidens. Et inde ulterius concludit quod malum est praeter viam quia
motus qui est via ad non-ens, non per se terminatur ad malum ; et iterum
est praeter intentionem moventis, quia omnis intentio
agentis fertur in bonum ; et iterum est praeter naturam, quia non
progreditur ab agente secundum convenientiam suae naturae, cum omne agens
agat virtute boni ; et ulterius est etiam praeter causam, quia
non habet causam per se, sed solum per accidens, sive per causam intelligatur
principium effectivum sive causa finalis ; et sicut est praeter naturam ita
est etiam praeter artem. Est etiam praeter diffinitionem rationis
quae dirigit in operibus artis et praeter voluntatem quae
manet in eis ; et similiter est praeter substantiam subsistentem,
quia non habet formam per quam subsistat, sed est privatio formae. Si quis
obiiciat quod alicui peccanti apparet bonum illud quod facit et sic videtur
ex ignorantia peccare omnis peccans et ita a peccato excusari, dicendum est
quod huiusmodi error, propter quem opinatur esse bonum quod non est bonum,
est secundum ignorantiam electionis qua ignoratur in particulari quod scitur
in universali. Ille enim qui in universali scit adulterium esse malum, in
particulari iudicat bonum esse nunc adulterare, inquantum praeponderat in sua
voluntate bonum delectabile bono honesto, cui opponitur malum delectationi
adiunctum. Unde huius ignorantia magis est ex inordinatione voluntatis quam
quod sit causa inordinatae voluntatis. Et propter hoc dicit philosophus in
III Ethicor. quod peccat quidem ignorans, sed non ex ignorantia. Unde non
excusatur, nec in toto nec in parte. Deinde, cum dicit : igitur et
cetera, infert conclusionem ex dictis, in qua multiplicat rationes mali. Cum
igitur malum sit privatio boni dupliciter variari potest : aut ex parte
privationis, quia contingit multipliciter aliquid privari ; aut ex parte
boni, quia multipliciter bonum contingit privari. Concludit ergo quod quia
malum non habet subsistentiam, quod sit privatio privans totaliter aliquod
particulare bonum, sicut caecitas est malum quia privat totaliter visum ; et
iterum malum est defectus quando scilicet non totaliter aliquid tollitur, sed
deficienter habetur, ut patet in eo qui obscure videt ; et est etiam
infirmitas quando scilicet non firmiter habetur bonum, etiam si intense
habetur : sicut si quis acute videat et tamen non habeat firmum visum, sed
facile visus eius destituatur. Tria haec ergo accipiuntur ex parte
privationis. Sed ex parte eius quod privatur per malum, primo accipienda est
ratio boni in communi, ad quam tria pertinent : scilicet, commensuratio
aliquorum ex quibus aliquid componitur, ut sanitas est commensuratio humorum
et pulchritudo commensuratio membrorum et, per oppositum, malum est incommensuratio,
sicut aegritudo et turpitudo. Secundum quod pertinet ad rationem boni, est
quod actus pertingat ad debitum finem et, per oppositum, dicit quod malum
est peccatum : nam peccatum dicitur et in natura et in arte et in
voluntate, quando actus non pertingit ad debitum finem : sicut cum natura
producit partum monstruosum et cum scriptor non facit bonam Scripturam et cum
voluntas non facit actum virtuosum. Est etiam de ratione boni quod sit
intentum, quia bonum est quod omnia appetunt et, per oppositum, dicit quod
malum est sine intentione. Et haec tria possunt reduci ad modum,
speciem et ordinem, quem ponit Augustinus : nam incommensuratio est
per privationem modi ; peccatum, per privationem speciei ; hoc
autem quod dicit : sine intentione, per privationem ordinis.
Deinde, ponit ea quae consequuntur communem rationem boni ; et primo dicit
: sine pulchritudine, quia pulchrum convertitur cum bono, ut
supra dictum est. Et postea ponit quaedam particularia bona, quae privantur
per malum ; et dicit quod est sine vita et sine mente, idest
intellectu et sine ratione ; et est imperfectum,
perfectio enim ad rationem boni pertinet ; et est non collocatum,
idest non firmatum in aliquo, firmari enim in aliquo est de ratione boni ; et
est sine causa, ordo enim ad causam est quoddam bonum ; et
est indefinitum, sicut non est propria causa procedens ; et
est sine germine, quasi non habens proprium et per se effectum ;
et est vacuum, idest absque plenitudine ; et est non
operans, quia et ipsa operatio est quoddam bonum et perfectio operantis ;
et est inordinatum, quia etiam ordo ad rationem boni pertinet ;
et est dissimile, quia etiam similitudo quidam ordo est et ad
rationem boni pertinens ; et est infinitum, quia finis est bonum
et perfectio uniuscuiusque ; et est obscurum, idest sine
claritate ; et breviter sine omni substantia et
non est existens aliquo modo nec in aliquo
tempore nec aliquid est malum inquantum est malum. Deinde, cum dicit : sicut
totaliter et cetera, procedit ad manifestandam tertiam considerationem
supra positam scilicet quod malum non est aeternum et causativum quoddam
primum principium ; et hoc probat dupliciter ; primo sic : malum enim eo modo
quo aliquid potest facere, potest hoc per bonum sibi adiunctum, quia
illud quod omnino est expers boni neque est aliquid
neque potest aliquid. Et hoc sic probat : si enim
ita est, quod existere et appeti per voluntatem et esse potens et
esse effectivum pertinent ad rationem boni, quomodo illud quod
est bono contrarium, scilicet malum, quod est absque substantia
et operatione et voluntate, ut supra dictum est, poterit aliquid propria
virtute ? Quasi diceret : nullo modo. Si igitur malum nihil potest per
seipsum, sed solum virtute boni, manifestum est quod malum non est primum
principium causativum. Secundo, ibi : non omnia et cetera,
probat idem sic : nos videmus quod non omnia sunt omnibus
mala, nec eadem omnino sunt mala omnibus secundum
idem ; malum enim uniuscuiusque opponitur proprio bono eius : malum enim
Daemonis est esse intellectum non conformem divinae bonitati
et malum animae est esse praeter rationem et
malum corporis est esse praeter naturalem dispositionem. Non
ergo est aliquod malum quod idem sit malum omnibus. Hoc autem oporteret, si
esset aliquod primum malum causativum omnium malorum, sicut primum causativum
omnium bonorum est omnibus bonum. Patet igitur quod malum non est primum
principium causativum. |
Leçon 22 (32a) : Résolution de certaines questions secondaires et d’abord, si le mal est causé par le bien ou par quelque autre cause.570. Ayant approfondi les principales questions qu’il avait soulevées plus haut au sujet du mal, à savoir si le mal est un être (leçon 14a), d’où il vient (leçon 15a-16a) et dans quels êtres on le retrouve (leçon 17a-22a), il continue ici avec les autres questions qui avaient été ajoutées ; et d’abord, avec celle-ci, c’est-à-dire avec celle dans laquelle il se demandait si le mal était causé par le bien ou par une autre cause ; deuxièmement, avec celle dans laquelle il se demandait comment la Providence pouvait être compatible avec le mal, là où il dit (248) : Comment… ; troisièmement, avec celle dans laquelle il se demandait comment il pouvait se faire qu’un être puisse désirer le mal, là où il dit (251) : Donc, le mal n’est pas… 571. Au sujet de la première question, il fait deux choses : d’abord, il présente certaines considérations sur la cause du mal au moyen desquelles la question précédente sera résolue ; ensuite, il manifeste ces considérations, là où il dit (240) : Tout… 572. Il présente donc en premier lieu trois considérations : dont la première (237) est que de tout ce que nous avons dit nous pouvons conclure que le bien provient d’une cause unique et parfaite et que le mal provient d’une multitude de défauts particuliers. Et c’est ce que nous révèlent tant les choses naturelles que les actions humaines. En effet, la santé et la beauté résultent d’une juste proportion de toutes les parties du corps alors que pour qu’il y ait laideur et maladie, il suffit que manque cette juste proportion dans une seule de ses parties. Et c’est pourquoi la maladie et la laideur sont engendrées de si diverses façons, alors qu’il n’y a qu’une manière d’avoir la santé et la beauté. De même, pour que l’action humaine soit vertueuse, elle doit avoir une mesure conforme à toutes les circonstances attendues de sorte que si une seule est négligée, l’action devient vicieuse. Et c’est pourquoi le Philosophe dit au deuxième livre de l’Éthique à Nicomaque que le bien ne se réalise que d’une manière alors qu’il y a de multiples façons de mal faire. 573. Ensuite, lorsqu’il dit (238) : Dieu voit…, il présente sa deuxième considération : tout ce qui existe dans le monde est soit bon, soit mauvais et il en est de même pour ce qui est vu par Dieu ; mais tout ce qui est vu, selon qu’il est vu, existe dans celui qui voit ; et parce que le mode de voir le plus noble, qui consiste à voir une chose à travers sa cause, appartient à Dieu, il est évident qu’en Dieu, qui voit tout ce qui est bon et mauvais, existent les causes des bonnes comme des mauvaises choses. Mais les causes des mauvaises actions, lesquelles sont en présence de Dieu, sont les puissances mêmes qui font le bien : c’est la même puissance en effet qui fait le bien dans la mesure où elle est parfaite, et qui fait le mal, dans la mesure où elle est déficiente : c’est ce qu’on observe au sujet du libre arbitre qui peut être à la fois cause du bien et du mal et plus universellement, tout ce qui est cause du mal peut aussi être cause de quelque bien. 574. Ensuite, lorsqu’il dit (239 : Mais si…, il présente sa troisième considération qui porte sur ce qui s’oppose à ce que le mal ne soit pas le premier principe : car si le mal de toute éternité n’avait pas de cause mais était plutôt cause des autres, avait le pouvoir de faire des choses et possédait une existence et une causalité propre, alors même qu’il produirait des choses, il resterait à se demander d’où il tient tout cela : à chaque fois en effet qu’une même chose convient à plusieurs, il faut qu’il y ait une seule cause de cette chose : la cause en effet n’est pas plus nombreuse que l’effet, de sorte que l’effet serait unique et les causes nombreuses. Si donc l’éternité, la création, la puissance, l’être et l’opération convenaient à la fois au bien et au mal, il faudrait qu’ils procèdent d’une seule et même cause. Donc, soit que le mal tienne cela du bien ou que le bien le tienne du mal ou que les deux le tiennent de quelque autre cause qui leur serait antérieure ; et on montrera plus loin (246 ; 591) laquelle de ces possibilités est la plus conforme à la vérité. 575. Ensuite, lorsqu’il dit (240) : Tout ce qui provient de la nature…. Il manifeste les trois considérations présentées plus haut ; et d’abord la première ; puis la seconde, là (243) où il dit : De toutes… ; enfin, la troisième, là (246) où il dit : Comment ce qui est totalement… 576. Il manifeste donc la première considération, à savoir que le mal ne provient pas de quelque cause déterminée, au moyen de trois raisonnements dont voici le premier (240) : nous voyons en effet que tout ce qui a une cause déterminée est produit soit par la nature soit par l’art : en effet tout ce qui est produit naturellement est engendré à partir d’une cause déterminée et il en est de même pour ce qui est produit par l’art. Mais le mal n’est produit ni par la nature ni par l’art : car tout ce qui est produit par la nature est dans la nature d’une certaine manière, comme les effets sont dans leurs causes ; et le mal n’est pas produit par l’art non plus : car tout ce qui est produit par l’art possède sa raison d’être dans l’art. Mais dans les choses naturelles le mal consiste à être contraire à la nature et dans les choses artificielles à être contraire à l’art. Cependant on ne peut dire que ce qui est contraire à la nature soit dans la nature ni que la raison d’être de ce qui est contraire à l’art soit dans l’art. Et ainsi le mal n’est le produit ni de la nature, ni de l’art. D’où il suit que le mal est sans cause déterminée, et ne provient d’aucune cause déterminée. 577. Et il présente ici (241) son deuxième raisonnement : Si…On voit que c’est principalement l’âme, au moyen du libre arbitre, qui est cause du mal. D’où il apparaît que si l’âme n’est pas par elle-même cause du mal, rien d’autre ne sera par soi-même cause du mal. Denys cherche donc à savoir si l’âme est par elle-même cause des maux de telle sorte qu’elle remplisse de mal toutes les choses auxquelles elle se joint, tout comme le feu réchauffe tout ce qu’il approche parce qu’il est par lui-même cause de réchauffement. 578. Et il présente deux énoncés pour parvenir à répondre à cette question : le premier, c’est que la nature de l’âme est bonne ; le deuxième, c’est que l’âme quant à ses opérations est parfois bonne, parfois mauvaise. Et il prouve ainsi le premier : si en effet on concédait que la nature de l’âme est mauvaise et que son être même est mauvais, cela paraîtrait impossible car l’âme elle-même ne tient son être que de la cause créatrice de tous les êtres, laquelle doit être bonne ; car produire le bien appartient à la nature même du bien. Mais toutes les choses, créées à partir d’une cause qui est bonne, sont bonnes. Il ne se peut donc pas que l’âme, quant à sa substance et à sa nature, soit mauvaise. Mais si on admettait la deuxième possibilité, à savoir que l’âme est mauvaise quant à son opération, cela ne serait pas à la manière d'une opération qui serait nécessairement et invariablement mauvaise en raison d'une âme qui serait par elle-même cause de la mauvaise opération : en effet, les puissances et les actes vertueux ne pourraient pas ainsi exister dans l’âme, lesquels ne peuvent se produire que si cette dernière se conforme au bien. Ainsi donc, l’âme n’est pas par elle-même la cause déterminée du mal. D’où il reste que le mal provient davantage d’un manque de cause et d’un défaut de bien. 579. Il présente ici (242) son troisième raisonnement : La cause des biens… qui se ramène à ceci : la cause des biens est unique ; mais tout comme le mal est opposé au bien, ainsi le multiple s’oppose à l’un : donc les causes du mal sont multiples et indéterminées. Non pas certes que les maux soient produits par des causes et des puissances ( et il dit causes pour les choses qui sont produites par l’art et puissances pour celles qui sont produites par la nature ), mais la cause des maux est un manque total, et c’est pour cette raison qu’on la qualifie d’impuissance ou de pauvreté de puissance, de faiblesse, quand quelque chose de différent s’unit à une autre sans qu’il y ait la mesure attendue, tout comme lorsque le chaud s’unit au froid sans la mesure attendue il s’ensuit la maladie. Mais quand certaines choses persévèrent sans changer et de la même manière, cela se produit en raison d’une cause qui s’applique à elles et les conserve avec puissance. Donc, parce que les maux proviennent d’une diminution et d’un affaiblissement des puissances, il s’ensuit que les maux ne sont pas toujours identiques à eux-mêmes et ne se produisent pas toujours de la même manière mais ils présentent une infinité de formes différentes et ils sont indéterminés ; car ce qui provient de la faiblesse d’une cause se produit tantôt ainsi, tantôt autrement du fait qu’une cause faible ne peut conserver un ordre identique dans sa production. Et comme les maux sont comme des faiblesses, il faut qu’ils soient portés comme par quelque chose d’autre, c’est-à-dire qu’ils soient soutenus comme les privations le sont par les sujets et qu’ils aient des sujets déterminés tout comme ils ont des causes déterminées. 580. Ensuite, lorsqu’il dit (243) : Et de toutes les choses, y compris les mauvaises…, il manifeste la deuxième considération, à savoir que les causes des maux sont les puissances qui produisent le bien ; et à ce sujet, il fait deux choses : d’abord, il montre que le bien est le principe du mal ; ensuite, il montre selon quelle modalité il en est ainsi, là (244) où il dit : Il faut assigner au mal… 581. Que le bien soit le principe du mal, il le montre ainsi : la finalité correspond toujours à un principe actif ; en effet, toute chose agit en vue de ce qui est conforme à sa nature, comme l’opération du feu a pour finalité de produire du feu. Mais la finalité de tous les maux est le bien. Donc, le principe de tous les maux est le bien. Mais que la finalité de tous les maux soit le bien, il le prouve ainsi : en effet, la finalité d’une chose n’est rien d’autre que ce en vue de quoi elle est produite ; mais quoiqu’une chose fasse, que ce soit un bien ou un mal, elle le fait toujours en vue du bien ; et cela, Denys le montre dans les choses mauvaises pour lesquelles c’est le moins évident. En effet, nous ne faisons le mal qu’à partir du désir d’un certain bien ; nul en effet ne fait ce qu’il fait en ayant les yeux tournés vers le mal en tant que mal ; ainsi, celui qui commet l’adultère n’est pas attiré à ce désordre pour la raison que l’adultère est un mal, mais il le fait en raison du plaisir qui est un certain bien. La finalité des maux est donc le bien ; et ainsi il s’ensuit que le bien est aussi le principe des maux. Mais tout ce qui possède une substance possède aussi un principe et une finalité qui conviennent à sa substance : ce qu’on ne peut dire du mal, ainsi que nous l’avons montré. Il s’ensuit donc que le mal n’a pas de substance mais qu’il est la privation d’une substance puisqu’il se produit en vue du bien et non en vue de lui-même, ainsi que nous l’avons montré. 582. Mais si celui qui fait le mal tend vers un
bien ainsi qu’il le dit ici, il semble qu’il n’est pas fautif, car la faute
ou le péché dépend principalement de l’intention. Mais il faut dire que si ce
mal qui est uni au bien était inconnu en tant qu’uni à lui, ce n’est que
rarement et dans peu de cas que l’intention qui se porte vers le bien serait
mauvaise. Mais quand le mal qui est uni au bien n’est pas inconnu comme étant
toujours uni au bien vers lequel se porte l’intention, l’intention se porte
alors aussi vers le mal d’une certaine manière, bien que non principalement.
En effet, du fait qu’il n’abandonne pas ce bien à cause du mal qui lui est
attaché, il s’ensuit qu’il veut davantage ce mal que se priver de ce bien et
qu’il veut moins le plus grand bien dont il est privé par ce mal que le
moindre bien auquel le mal est rattaché. 583. Ensuite, lorsqu’il dit (244) : On doit assigner au mal…, il montre de quelle manière le bien est le principe du mal ; et à ce sujet, il fait deux choses : d’abord, il manifeste son propos ; ensuite, il tire une conclusion de ce qu’il a dit, là (245) où il dit : Donc, la privation… 584. Donc, parce qu’il avait plus haut montré que le bien est le principe du mal, afin que personne ne croit qu’il en est le principe par soi et pour écarter cette opinion, il dit qu’il faut attribuer au mal une existence par accident qu'il doit à un autre et qui ne provient pas d'un principe qui lui serait propre et qu'il posséderait par lui-même ; et Denys le prouve ainsi : à chaque fois que ce qui est réalisé diffère de ce qui était désiré, ce qui se produit est causé par accident : comme lorsque celui qui creuse un tombeau trouve de l’or, nous disons que la découverte de l’or se produit par accident. Mais quand quelqu’un fait le mal, ce qui se produit diffère de ce qui était désiré ou poursuivi : car ce qui se produit apparaît être un bien, ce qui est tout à fait nécessaire, parce que tout ce qui arrive a lieu en vue du bien, ainsi que nous l’avons montré (581) ; mais quant à la vérité de la chose, ce n’est pas un bien, car il arrive que quelqu’un croit être un bien ce qui n’en est pas un. Il reste donc que le mal n’a de principe que par accident. 585. Et de là il conclut plus loin que le mal est en dehors du bon chemin car le mouvement qui conduit au non-être, ce n'est pas de lui-même qu'il aboutit au mal ; et de plus il est contraire à l'intention de celui qui se meut car l'intention de tout agent se porte vers le bien ; et de plus il est contre nature, car il ne procède pas de l’agent par conformité à sa nature, puisque tout agent agit par la puissance du bien ; et plus encore, il est contraire à la causalité, car il n’a pas de cause par soi, mais seulement une cause par accident, soit qu’on entende par cause un principe efficient, soit la cause finale ; et tout comme le mal est contraire à la nature, il est aussi contraire à l’art. Il est aussi contraire à la définition de la raison qui règle les œuvres de l’art et contraire à la volonté qui demeure en elles ; et le mal est de même contraire à la substance subsistante, car il ne possède pas de forme par laquelle il puisse subsister, mais il est une privation de forme. 586. Si quelqu’un objecte que ce qu’il fait
apparaît au pécheur comme étant un bien et qu’ainsi tous ceux qui commettent
le péché le font par ignorance et qu’ils doivent ainsi être disculpés de leur
faute, il faut dire qu’une erreur de cette sorte, à cause de laquelle on
croit être bien ce qui ne l’est pas, se produit suivant une ignorance
d’élection par laquelle on ignore en particulier ce qu’on sait
universellement. En effet, si celui qui sait universellement que l’adultère
est un mal juge en particulier que l’adultère est maintenant un bien, c'est
dans la mesure où le bien délectable l’emporte dans sa volonté sur le bien
honnête auquel s’oppose le mal rattaché à la délectation. C’est pourquoi
l’ignorance de celui-ci est davantage causée par un désordre de la volonté
qu’elle n’est elle-même cause d’un tel désordre. Et c’est à cause de cela que
le Philosophe dit au troisième livre de l’Éthique que celui-ci commet
certes sa faute en ignorant mais non par ignorance. C’est pourquoi il ne doit
être disculpé ni totalement, ni en partie. 587. Ensuite, lorsqu’il dit (245) : Donc…il tire une conclusion de ce qu’il vient de dire, dans laquelle il manifeste une multiplicité de causes relativement au mal. Donc, puisque le mal est une privation du bien, il peut varier de deux façons : soit du côté de la privation car il arrive qu’une chose soit privée de plusieurs manières ; soit du côté du bien lui-même car c’est de plusieurs manières qu’il arrive au bien d’être manqué. 588. Il conclut donc que parce que le mal n’a pas de substance, il lui arrive d'être une privation totale d’un bien particulier, comme la cécité est un mal parce qu’elle prive totalement de la vue ; et d’un autre côté il lui arrive encore d'être un manque, c’est-à-dire quand quelque chose n’est pas enlevé totalement mais est possédé faiblement comme cela apparaît chez celui qui voit confusément ; et enfin d'être aussi une faiblesse, c’est-à-dire quand le bien n’est pas possédé avec fermeté même s’il l’est intensément, comme c’est le cas chez celui qui voit avec précision mais ne possède pas une vue ferme parce que celle-ci l’abandonne facilement. Ces trois sortes de maux se tiennent donc du côté de la privation. 589. Mais du côté de celui qui est privé par le mal, il faut d’abord saisir la notion du bien entendu universellement, laquelle comporte trois caractéristiques : à savoir premièrement la mesure de ce dont une chose est composée, comme la santé est la mesure des humeurs et la beauté est la mesure des membres et, par opposition, le mal est la démesure, comme le sont par exemple la maladie et la laideur. La deuxième caractéristique qui se rapporte à la notion du bien est que l’acte parvienne à la finalité attendue et, par opposition, Denys dit que le mal est une faute : car on parle de faute tant dans la nature et dans l’art que dans la volonté, lorsque l’acte ne parvient pas à la finalité qui lui est due : comme lorsque la nature produit un membre monstrueux, lorsque l’écrivain ne rédige pas bien son document et que la volonté ne produit pas un acte vertueux. Enfin, que l’acte soit intentionnel fait aussi partie de la notion du bien car le bien est ce que tous désirent et, par opposition, Denys dit que le mal est sans intention. Et ces trois rapports peuvent se ramener au mode, à l’espèce et à l’ordre dont parle Augustin : car la démesure se rapporte à la privation du mode, la faute à la privation de l’espèce et l’absence d’intention à la privation de l’ordre. 590. Ensuite, il présente ce qui découle de la définition du bien entendu universellement ; et d’abord, il dit : sans beauté, car le beau se convertit avec le bien, ainsi que nous l’avons dit (141 ; 355-356). Ensuite, il présente certains biens particuliers qui sont empêchés par le mal ; et il dit que le mal est sans vie et sans esprit, c’est-à-dire sans intelligence et sans raison ; et qu’il est imparfait, car la perfection en effet appartient à la notion de bien ; et qu’il est sans fermeté, c’est-à-dire qu’il n’est affermi en rien, car la fermeté en quelque chose entre dans la définition du bien ; et que le mal est sans cause, car être ordonné à une cause est un certain bien ; et qu’il est indéfini, comme ne procédant d’aucune cause qui lui serait propre ; et qu’il est stérile, comme incapable d’avoir par lui-même un effet qui lui serait propre ; et qu’il est vide, c’est-à-dire dépourvu de plénitude ; et qu’il n’est pas opérationnel car l’opération elle-même est un certain bien et constitue la perfection de celui qui pose l’opération ; et il dit encore que le mal est désordonné car l’ordre aussi se rapporte à la définition du bien ; et qu’il est dissemblable car la ressemblance aussi est un certain ordre et se rapporte à la définition du bien ; et il est infini car la fin est le bien et la perfection de chacun ; et il est obscur, c’est-à-dire sans clarté ; et, pour parler brièvement, le mal n’a aucune substance, et n’existe d’aucune manière ni en aucun temps et, en tant que mal, n’est pas un être. 591. Ensuite, lorsqu’il dit (246) : Comment ce qui est totalement…il procède à la manifestation de la troisième considération présentée plus haut (239), à savoir que le mal n’est pas éternel et qu’il n’est pas un premier principe ayant causé toute chose ; et il le prouve de deux façons ; et d’abord ainsi : en effet si le mal peut produire quelque chose de quelque manière, ce doit être au moyen d’un bien auquel il est rattaché, car ce qui est totalement privé de bien n’est pas un être et ne peut rien produire. Et il prouve cela ainsi : si en effet il en est ainsi, à savoir qu’exister et rechercher par la volonté et posséder des puissances et être productif appartiennent à la notion de bien, comment ce qui est contraire au bien, à savoir le mal, lequel est sans substance, sans opération et sans volonté comme nous l’avons dit (244-245), pourrait-il produire quelque chose par une puissance qui lui serait propre ? C’est comme si Denys disait qu'il ne le peut d'aucune manière. Si donc le mal ne peut rien par lui-même mais seulement par la puissance du bien, il est évident qu’il n’est pas le premier principe ayant causé toute chose. 592. Deuxièmement, là (247) où il dit : Ce ne sont pas toutes…, il prouve la même chose de cette manière : Nous voyons en effet que ce ne sont pas toutes les choses qui sont mauvaises pour toutes les autres et que ce ne sont pas les mêmes choses qui sont totalement mauvaises pour toutes les autres sous le même rapport ; en effet, le mal pour une chose, c’est ce qui s’oppose à son bien propre : le mal pour les démons consiste à être des intelligences qui ne sont pas conformes à la bonté divine, celui des âmes à s’écarter de la raison et celui des corps à s’écarter de leurs dispositions naturelles. Il n’existe donc pas un mal qui serait le même mal pour toutes les réalités. Ce qu’on devrait pourtant observer s’il existait un premier mal qui serait la cause de tous les autres maux, comme c’est le cas pour la cause première de tous les biens qui est un même bien à l’égard de tous les biens. Il est donc évident que le mal n’est pas le premier principe efficient. |
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LECTIO 23 [84866] In De divinis
nominibus, cap. 4 l. 23 Soluta prima quaestione de causa mali, hic solvit
secundam de providentia, quomodo scilicet mala possint esse, divina
providentia existente ; et circa hoc, tria facit : primo, ostendit quod non
cadit sub providentia, quasi ex providentia causatum ; secundo, ostendit quod
cadit sub providentia, quia a providentia ordinatum ; ibi : sed et factis et
cetera ; tertio, quod malum non debet esse totaliter per providentiam
impeditum ; ibi : et proprie et cetera. Dicit ergo primo
quod malum, inquantum est malum, non est
existens neque in existentibus, ut supra probatum est ; et cum nihil
sit existentium improvisum, idest ex divina providentia non
causatum, malum non est intentum seu causatum ex divina providentia. Quod
autem omnia existentia causantur ex divina providentia et nullum malum sic
probat : nullum enim est existentium quin
aliquo modo participet bono ; sed de ratione mali est quod sit defectus
boni. Nullum autem universaliter existentium privatur seu
deficit a bono ; proprius autem effectus providentiae videtur
esse bonum : hoc enim quilibet providens intendit ut sua providentia ea
quibus providet in bono statu constituat. Relinquitur ergo quod divina
providentia ad omnia existentia se extendit et nihil
existentium est non provisum a Deo ; sed malum
intantum non causatum est per providentiam divinam, inquantum non est
existens. Deinde, cum dicit : sed et factis malis et cetera,
ostendit quomodo mala cadunt sub providentia, ut a providentia ordinata ; et
dicit quod divina providentia bene utitur malis, quandoque quidem ad ipsorum
utilitatem in quibus sunt mala ; sicut infirmitates corporales vel etiam
spirituales, Deo id agente, cedunt in utilitatem eorum qui eas patiuntur ;
quandoque vero ad utilitatem aliorum, et hoc dupliciter : quandoque quidem ad
propriam utilitatem alicuius, sicut est cum ex poena unius alius emendatur ;
quandoque vero, ad utilitatem communem, sicut cum poena malefactorum
ordinatur ad pacem civitatis. Deinde, cum dicit : et proprie et
cetera, ostendit quod malum non debet esse totaliter per divinam providentiam
impeditum ; et dicit, quod divina providentia providet unicuique existentium
proprie, idest secundum proprietatem et conditionem suae naturae. Et ideo
non sunt recipienda vana obiecta multorum, qui dicunt quod divina providentia
debet et nos invitos inducere ad virtutem. Non enim pertinet ad providentiam
quod corrumpat naturam rerum, sed quod servet ; unde, eo modo,
providentia est conservativa naturae uniuscuiusque rei ;
sed providet ea quae per suam naturam
sunt mobilia, quasi per se mobilia, idest non
auferens ab eis quin per se moveri possint ; et similiter,
ea quae sunt tota et universalia et perfecta et ea
quae sunt particularia providet iuxta proprietatem naturalem totius
et uniuscuiusque particularis : et hoc inquantum natura eorum
quibus Deus providet, suscipit proportionaliter sibi,
bonitates datas largissima et universali Dei providentia. Et quia rationalis
creatura secundum suam naturam defectibilis est et per liberum arbitrium
potest deficere, non pertinet ad divinam providentiam ut eius mobilitatem
impediat ; et similiter, non pertinet ad Dei providentiam ut tantam bonitatem
attribuat uni particulari enti sicut toti universo vel rei quae est in
inferiori gradu, sicut rei quae est in superiori. Non igitur existens
est malum et cetera. Hic solvit tertiam quaestionem de desiderio
mali ; et circa hoc duo facit : primo, ostendit quomodo malum contingit esse
in desiderio ; secundo, quomodo contingit in cognitione peccare ; ibi : in
cognitione autem et cetera. Circa primum, primo resumit quaedam quae
sunt in malo in communi, concludens ex dictis quod malum neque est per
se existens neque in existentibus. Ostensum est enim quod malum,
secundum quod est malum, nusquam est, idest non est aliquid existens in
aliquo ; et iterum ostensum est quod hoc, quod aliquid dicitur fieri
malum, non contingit ex aliqua virtute activa, sed propter
infirmitatem et defectum virtutis. Secundo, ibi : et
Daemonibus et cetera, resumit quod dictum est specialiter de malo
Daemonum et dicit quod in Daemonibus hoc ipsum quod sunt est bonum et eis est
ex bono, scilicet Deo ; sed malum invenitur in ipsis ex hoc quod ceciderunt
a bonis propriis, idest ad quae erant ordinati secundum ordinem
suae naturae ; et iterum variatio, qua decesserunt ab illa identitate in qua
sunt boni Angeli et ab habendo ea quae illi habent ; quod nihil est aliud
quam infirmitas quaedam perfectionis eis naturaliter convenientis, prout
decet Angelos. Tertio, ibi : et desiderant et cetera,
ostendit quomodo desiderium se habet ad bonum et malum ; et dicit, quod
Daemones desiderant bonum inquantum desiderant bonum
naturale quod est esse, vivere et intelligere ; sed inquantum non
desiderant bonum, sed malum, desiderant non-existens : quia
malum, inquantum malum est non-existens ; et hoc ipsum desiderare, sicut
non-existens, non est ex perfectione desiderii, sed est quaedam infirmitas et
peccatum circa desiderium : sicut enim opinari falsum, est ex infirmitate
intellectus, ita desiderare malum est ex defectu virtutis desiderativae.
Deinde, cum dicit : in cognitione autem et cetera, ostendit
quomodo peccatum contingat esse in cognitione ; et circa hoc, tria facit :
primo, ostendit propositum ; secundo, excludit obiectionem ; ibi : et
quidem dicat et cetera ; tertio, epilogat quae in hoc capitulo dicta
sunt ; ibi : nunc autem et cetera. Dicit ergo primo quod
sicut peccare in desiderio est quaedam infirmitas desiderii, ita peccare in
cognitione, secundum sacra eloquia, dicitur esse infirmum circa duo : primo
quidem, circa cognitionem boni quam scire tenetur et quam obliviscitur : si
enim aliquis infirmetur in cognitione eius quod scire non tenetur, non est
peccatum. Secundo, circa actionem boni, quod quis cognoscit ; et quantum ad
hunc secundum modum, vituperantur scientes voluntatem domini
sui et non facientes, ut habetur Luc. 12. Et hi sunt qui audiunt
quidem et non possunt se excusare de ignorantia ; sed sunt infirmi ad
credendum aut ad bonum operandum. Quantum ad primum vero vituperantur in
Psalmo 34, illi qui nolunt intelligere ut bene agant : quod
quidem fit secundum quod avertitur voluntas aut infirme
se habet ad cognitionem boni. Et, ut universaliter dicamus, malum,
sicut multoties dictum est, est quaedam infirmitas,
idest debilitas potentiae vel totaliter impotentia et quicumque
potentiae defectus aut circa cognitionem aut circa
fidem aut circa desiderium aut circa operationem boni.
Et loquitur hic de malo culpae, quod circa aliquod horum quatuor necesse est
consistere. Deinde, cum dicit : et quidem dicat et cetera,
movet quamdam obiectionem : potest enim aliquis obiiciendo dicere quod
infirmitas non est imputanda, sed condonanda. Parcendum enim est, ut videtur,
infirmitati. Si igitur peccatum est infirmitas circa aliquod praedictorum,
videtur quod peccatum non sit puniendum. Sed
ad hoc respondet aliquis quod talis obiectio bene procederet, si omnino
peccanti deesset posse ad bonum. Sed quia unusquisque
habet posse bene facere ex bono, idest ex
auxilio Dei, qui dat omnibus convenientia ipsis affluenter ut
dicitur Iac. I, non est laudabile, idest, excusabile peccatum quod
est aversio et fuga et casus ab habitu propriorum
bonorum, quae proveniunt ex bono, scilicet Deo. Homo enim se
avertit ab auxilio Dei sibi parato et ei imputatur ad culpam quidem peccati ;
sicut si aliquis infirmus caderet dum nollet uti auxilio manum porrigentis.
Sed dicit quod haec sufficienter secundum suam virtutem dixit
in quodam libro quem fecit de iustitia, qui ad nos non pervenit : in quo
quidem secundum veritatem sacrae Scripturae reprobavit sophisticas rationes
eorum qui contra divinam iustitiam iniuste et mendaciter loquuntur. Deinde,
cum dicit : nunc autem et cetera, epilogat ea quae dicta
sunt in hoc capitulo ; et dicit quod nunc in isto
capitulo sufficienter laudavit, secundum suum
posse, bonum sicut vere amabile, ubi tractavit de amore ; et
sicut principium et finis omnium, in principio, ubi dixit de effectu boni
: in quo manifestatur quasi quidam circulus in existentibus, dum habent idem
principium et finem, scilicet bonum ; et ostensum est etiam ibi quod Deus
informat non existentia in actu sed in potentia ; et quod
Deus omnium bonorum est causa ; et quod non est causa
malorum ; et quod sua providentia est perfecta datrix
omnis boni ; et quod supergreditur tam existentia quam non
existentia ; et quod mala quae dicuntur secundum
privationem, ordinat in bonum quod est desiderabile
omnibus et diligibile ; et quaecumque alia demonstrata sunt,
secundum veritatem in praecedentibus, sunt vera. |
Leçon 23 (33a) : Deuxièmement, comment peut-il y avoir du mal étant donnée l'existence de la divine Providence ; troisièmement, comment peut-on désirer le mal.593. Ayant résolu la première question au sujet de la cause du mal, il résout ici la deuxième qui porte sur la Providence, à savoir comment peut-il y avoir du mal étant donnée l'existence de la divine Providence ; et à ce sujet il fait trois choses : d'abord, (248), il montre que le mal ne relève pas de la Providence comme s'il était causé par Elle ; deuxièmement, il montre qu'il relève d'Elle selon qu'il est réglé par Elle, là (249) où il dit : Mais une fois produits... ; troisièmement, il montre que le mal ne doit pas être complètement empêché par la Providence là (250) où il dit : Et c'est proprement... 594. Il dit donc en premier que le mal en tant que mal n'est pas un être et qu'il n'est pas quelque chose qui existe dans les êtres ainsi que nous l'avons prouvé (leçon 16a ; leçon 17a-21a) ; et comme rien de ce qui appartient aux êtres n'arrive à l'improviste, c'est-à-dire qui ne soit pas causé par la divine Providence, le mal ne peut donc être ni voulu ni causé par Elle. Mais que tous les êtres soient causés par la divine Providence contrairement au mal, il le prouve ainsi : il n'y a aucun être en effet qui ne participe pas du bien de quelque manière ; mais il est de la nature même du mal d'être la privation du bien. Mais, rien de ce qui existe n'est privé ou ne manque totalement de bien ; et l'effet propre de la Providence est manifestement le bien : en effet toute personne sage cherche par sa prévoyance à établir dans une bonne situation les êtres auxquels elle applique sa prévoyance. Il s'ensuit donc que la divine Providence se répand sur tous les êtres et que rien de ce qui est en eux n'est pas pourvu par Dieu ; mais le mal n'est d'autant pas causé par la divine Providence qu'il ne fait pas partie de ce qui a de l'être. 595. Ensuite,
lorsqu'il dit (249) : mais des maux ayant été faits...il montre
comment les maux tombent sous le pouvoir de la Providence selon qu'ils sont
réglés par Elle ; et il dit que la Providence se sert des maux en vue
du bien, parfois certes pour l'utilité de ceux mêmes dans lesquels le
mal se trouve, tout comme les infirmités corporelles ou même spirituelles,
permises par Dieu, finissent par être utiles à ceux qui les subissent ; et
parfois encore pour l'utilité des d'autres et cela de deux manières :
parfois certes pour le bien propre à un individu, comme quand un autre
se corrige à partir de la souffrance de l'un ; parfois en vérité pour le bien
commun, comme quand le châtiment des malfaiteurs conduit à la paix de
la cité. 596. Ensuite
lorsqu'il dit (250) : Et proprement...il montre que le mal ne doit pas
être totalement empêché par la divine Providence ; et il dit que la divine
Providence pourvoit au bien de chacun des êtres en particulier,
c'est-à-dire conformément aux conditions de sa nature propre. Et c'est
pourquoi on ne doit pas acquiescer aux objections de plusieurs qui
prétendent que la divine Providence doit nous conduire de force
à la vertu. En effet, il ne convient pas à la Providence
d'anéantir la nature des choses mais de la conserver ; à partir de
là, de cette manière, la Providence joue le rôle de conservatrice à
l'égard de la nature de chacune des choses ; et elle pourvoit au
bien des choses qui se meuvent de par leur nature même et qui se
dirigent par elles-mêmes de telle manière qu’elle ne leur retire pas ce
qui ferait qu'elles ne pourraient plus se mouvoir par elles-mêmes ; et
de la même manière elle pourvoit à la fois au bien des réalités qui sont complètes,
universelles et parfaites, et au bien de celles qui sont partielles,
et cela jusqu'aux caractéristiques naturelles propres à l'ensemble
et à chacune des parties : et cela selon que la nature des choses
auxquelles Dieu pourvoit accueille, proportionnellement à ce
qu'elle est, les bontés données par la Providence abondante et
universelle de Dieu. Et parce que la créature rationnelle de par sa nature
est faillible et qu'elle peut tomber par l'exercice du libre arbitre, il ne
convient pas à la divine Providence d'entraver sa mobilité ; et de même il ne
convient pas à la Providence de Dieu d'attribuer à un être particulier une bonté
comparable à celle qu'il attribue à tout l'univers ou d'attribuer à un être
qui est d'un degré inférieur celle qu'Elle attribue à un être d'un degré
supérieur. 597. (251) : Le
mal n'est donc pas de l'être...Il résout ici la troisième question au
sujet du désir du mal ; et à ce sujet il fait deux choses : d'abord, il
montre comment il arrive au mal d'être dans le désir, ou d'être désiré ;
deuxièmement, comment il arrive au mal d'entraîner la faute dans la
connaissance, là (254) où il dit : Mais c'est en connaissance de cause... 598. Au sujet du
premier point, il rappelle certaines choses relatives au mal pris
universellement, en concluant à partir de ce qui a été dit que le mal
n'est ni un être qui existerait par lui-même, ni rien
de ce qui pourrait exister dans les êtres. Nous avons en effet montré que
le mal, en tant que mal, n'existe en aucune façon, c'est-à-dire qu'il
n'est pas quelque chose qui existerait dans un être ; et, encore une fois,
nous avons montré que quand on dit que quelque chose devient mauvais,
cela ne se produit pas en vertu d'une puissance active, mais
en raison d'une faiblesse et d'un manque de puissance. 599. Deuxièmement,
là (252) où il dit : Et aux démons...il résume ce qui a été dit en
particulier au sujet du mal présent dans les démons et il dit que chez les
démons, leur existence même est un bien et elle leur vient du
bien, c'est-à-dire de Dieu ; mais le mal se retrouve en eux
du fait qu'ils se sont écartés de leurs biens propres auxquels ils
étaient ordonnés conformément à l'ordre de leur nature ; et derechef il est une
altération, par laquelle ils s'éloignèrent à la fois de leur identité qui
en faisait de bons Anges et de la possession de ce que ces derniers possèdent
; ce qui n'est rien d'autre qu'une certaine privation d'une perfection
qui leur appartenait naturellement dans la mesure où elle sied aux Anges. 600. Troisièmement,
là (253) où il dit : Et ils désirent...il montre comment le désir se
rapporte au bien et au mal ; et il dit que les démons désirent le bien
selon qu'ils désirent ces biens que sont l'être, la vie et le savoir
; mais selon qu'ils ne désirent pas le bien mais le mal, ils désirent le
non-être, le néant ; car le mal, en tant que mal, est du non-être ; et
désirer cela même, en tant que non-être, ne relève pas de la
perfection du désir, mais est plutôt d'une certaine infirmité et d'une
faute à l'endroit du désir : en effet, tout comme avoir une opinion
fausse provient d'une infirmité de l'intelligence, de même désirer le mal
vient d'un défaut de la puissance appétitive. 601. Ensuite
lorsqu'il dit (254) : Mais en connaissance de cause...il montre
comment il arrive à la faute d'exister dans la connaissance ; et à ce sujet,
il fait trois choses : d'abord, il montre le propos ; deuxièmement, il écarte
une objection, là (255) où il dit : Et certes on dit... ;
troisièmement, il résume les choses qui ont été dites dans ce chapitre, là
(256) où il dit : Maintenant cependant... 602. Il dit donc en
premier que tout comme la faute dans le désir est une certaine infirmité du
désir, de même la faute dans la connaissance, d'après les écrivains
sacrés, est une infirmité à l'égard de deux choses : premièrement certes à
l'égard de la connaissance du bien qu'on est tenu de savoir et qu'on a
oubliée : si en effet quelqu'un ignore la connaissance de ce qu'il n'est pas
tenu de savoir, il n'y a pas faute. Deuxièmement, à l'égard
de la réalisation du bien que quelqu'un connaît ; et relativement à
cette deuxième manière de fauter ceux qui connaissent la volonté du
Seigneur et qui ne la font pas sont blâmés ainsi qu'on le voit dans
Luc (12, 47). Et ceux-là certes sont ceux qui ont entendu cette
volonté et ne peuvent se justifier en prétextant l'ignorance ; mais ils sont
incapables de croire ou de faire le bien. Mais quant à la faute à
l'égard de la connaissance du bien sont blâmés par le psalmiste (34, 4) ceux
qui ne veulent pas savoir faire le bien : ce qui se produit certes selon
que la volonté se détourne ou qu'elle se tourne faiblement vers la
connaissance du bien. Et, pour parler universellement,
le mal, ainsi que nous l'avons dit en plusieurs occasions, est une
certaine infirmité, c'est-à-dire une faiblesse d'une puissance ou une
totale impuissance et quelque manque soit à
l'égard de la connaissance, soit à l'égard de la foi, soit à l'égard
du désir, soit à l'égard de la réalisation du bien. Et il parle
ici du mal de la faute qui se tient nécessairement dans au moins une de ces
quatre divisions. 603. Ensuite,
lorsqu'il dit (255) : Et certes on dit...il avance une objection : En
effet quelqu'un pourrait dire comme objection que la faiblesse ne doit pas
être retenue mais pardonnée à celui qui en souffre. Il semble bien en
effet qu'on doive épargner le faible d'être imputé de sa faiblesse. Si donc
la faute est une faiblesse à l'égard de l'une ou de l'autre des divisions
précédentes, il semble que la faute ne doive pas être sanctionnée. 604. Mais on
répondra que cette objection serait juste si celui qui est
fautif était totalement dénué de capacité à l'égard du bien. Mais
parce que chacun possède une capacité de bien agir à partir du bien,
c'est-à-dire à partir de l'aide de Dieu qui donne à tous ce qui leur
convient en abondance ainsi que le dit Jacques (1, 5), le péché,
qui est un détournement, une fuite et un abandon de la possession des
biens propres qui proviennent du bien, c'est-à-dire de Dieu, n'est
ni digne d'éloge ni excusable. En effet, c'est l'homme qui se détourne de
l'aide qui lui a été préparée par Dieu et c'est à lui qu'on impute la
responsabilité de la faute ; c'est comme si un infirme tombait et qu'il ne
voulait pas se servir de l'aide offerte par celui qui étendrait la main. Mais il dit qu'il a suffisamment
traité de ces choses selon ses capacités dans un livre qu'il a
intitulé ¨De la Justice¨, qui n'est pas parvenu jusqu'à nous, et dans
lequel il désapprouve, conformément à la vérité des saintes Écritures, les
arguments sophistiques de ceux qui ont parlé injustement et faussement contre
la Justice divine. 605. Ensuite,
lorsqu'il dit (256) : Mais maintenant...il résume ce qui a été dit
dans ce chapitre ; et il dit qu'il a maintenant suffisamment
fait l'éloge, dans la mesure de ses capacités, du bien comme étant
véritablement aimable là où il traita de l'amour ; et du bien comme
étant principe et fin de tous les êtres, au début, où il traita des
effets du bien : en quoi le bien se manifeste dans les êtres comme un certain
cycle alors qu'ils ont le même principe et la même fin, à savoir le bien ; et
il montra encore ici que Dieu informe non pas ce qui existe en acte
mais ce qui existe en puissance ; et que Dieu est la cause de tous les
biens ; et qu'Il n'est pas la cause des maux
; et que sa Providence est la donatrice parfaite de tout bien
; et qu'Il transcende autant ce qui existe que ce qui n'existe pas
; et qu'Il ordonne les maux, lesquels s'entendent selon la
privation, au bien que tous les êtres désirent et aiment ; et
toutes les autres choses qui, conformément à la vérité, ont été
démontrées précédemment, sont vraies. |
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CAPUT 5 |
Chapitre 5 - De l'Être et également des modèles.
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LECTIO 1 [84867] In De divinis
nominibus, cap. 5 l. 1 Postquam Dionysius tractavit de bono in 4
capitulo, hic in 5 determinat de ente ; de quo determinat primum post bonum,
quia bonum quodammodo ad plura se extendit, ut Platonici dixerunt : nam etiam
non existens actu, quod est ens in potentia, ex hoc ipso quod habet ordinem
ad bonum, habet rationem boni ; sed causalitatem entis participat quando fit
ens actu. Et quia quidam ponebant res fieri in actu, secundum aliquod
exemplum alicuius formae praeexistentis, ideo in capitulo de ente, determinat
etiam et de exemplis ad quae sunt entia, ut ex titulo patet. Dividitur autem
hoc capitulum in duas partes : in prima, praemittit quaedam quae sunt
necessaria ad propositam intentionem ; in secunda, prosequitur de causalitate
primi entis ; ibi : quoniam autem et cetera. Circa primum,
tria facit : primo, manifestat suam intentionem ; secundo, excludit errorem ;
ibi : non autem et cetera ; tertio, respondet cuidam
obiectioni ; ibi : et quidem et cetera. Dicit ergo primo
quod a consideratione boni transeundum est nunc ad veram
laudem Dei secundum quod a sanctis theologis nominatur ut vere existens.
Sed hoc praescire oportet quod non est in praesenti
sermone intentio quod ipsa supersubstantialis substantia
Dei, secundum quod in seipsa supersubstantialiter existit,
manifestetur, idest ut cognoscatur Dei essentia, hoc enim sermone
explicari non potest nec nostra cognitione capi : quidquid enim intellectus
noster apprehendit, minus est quam Dei essentia et quidquid lingua nostra
loquitur, minus est quam esse divinum nec potest divina essentia manifestari
perfecte unicuique intellectui creato ita quod eam comprehendat ; sed excedit
ipsam unitionem intellectus beatorum, qui essentiam Dei vident per unitionem
sui intellectus ad ipsam Dei essentiam : quamvis enim videant hoc ipsum quod
Deus est, non tamen est tanta perfectio visionis, quanta est perfectio ipsius
esse divini et quanta est perfectio visionis qua Deus se videt. Non est ergo
praesentis intentionis ut manifestetur ipsa Dei essentia, per quam omnia
substantificantur, secundum quod in se est, sed quod laudetur processus
essendi a divino principio in omnia existentia. Quolibet enim
divino nomine manifestatur aliquis processus alicuius perfectionis a Deo in
existentia et secundum quod de Deo dicitur est supra omnia entia. Sicut
nomen boni manifestat omnes processus universalis essentiae
rerum et extendit se tam ad existentia, quam ad non
existentia, inquantum non existentia habent aliquid boni, prout sunt in
potentia ad esse. Nomen vero entis designat processum essendi a Deo in omnia
entia et secundum quod de Deo dicitur, est super omnia existentia.
Nomen vero vitae extenditur ad omnia viventia et secundum
quod de Deo dicitur, est super omnia viventia. Nomen vero sapientiae significat
processum qui extenditur ad omnia intellectualia et rationalia et
sensibilia, quia etiam ipse sensus, inquantum est cognitio quaedam, est
participatio divinae sapientiae, cum tamen divina sapientia sit super
omnia ista. Ad hoc ergo tendit iste sermo ut exponat Dei
nomina secundum quod sunt manifestativa divinae providentiae, per
quam perfectiones rebus attribuuntur. Non enim promittit sermo
iste quod narret istam Dei supersubstantialem bonitatem et
substantiam et vitam et sapientiam, secundum quod in seipsa
supersubstantialiter existit super omnia quae in creaturis inveniuntur ; unde
de sapientia Dei dicitur Iob 28, quod abscondita est ab oculis omnium
viventium. Intentio ergo praesentis sermonis est laudare Deum nomine
boni, secundum quod est causa omnium bonorum ; et nomine
existentis, secundum quod facit omnem substantiam
; et nomine vitae, secundum quod vivificat omnia ; et nomine
sapientiae, secundum quod dat sapientiam. Deinde, cum dicit : non
autem et cetera, excludit errorem quorumdam Platonicorum qui
universales effectus in intelligibiliores causas reducebant. Et quia videbant
effectum boni universalissimum esse, dicebant suam causam esse ipsum bonum
quod effundit bonitatem in omnia, et sub ea ponebant aliam causam quae dat
vitam et sic de aliis et huiusmodi principia dicebant deos. Hoc ergo excludit
ipse Dionysius, dicens quod praesens sermo non dicit aliud principium esse ipsum bonum
et aliud ipsum existens et aliud vitam et
aliud sapientiam. Neque dicit praesens sermo esse multas
causas et diversas deitates productivas diversorum,
quorum quaedam sunt excedentes et quaedam inferiores,
secundum omnes processus perfectionum in creaturis. Et omnia nomina quae hic
exponuntur, dicit praesens sermo, esse unius principii, et aliquod nomen esse
quod manifestat totam providentiam Dei, universaliter, scilicet nomen boni ;
quaedam vero manifestant divinam providentiam, quantum ad aliquos
determinatos effectus vel magis universales vel magis particulares, sicut
ens, vivens et sapiens et huiusmodi. Deinde, cum dicit : et quidem et
cetera, solvit quamdam obiectionem ; et primo, ponit eam quae talis est : cum
ipsum esse excedat vitam et vita excedat sapientiam,
unde est quod viventia supereminent existentibus et
sentientia viventibus et rationabilia sentientibus, et
mentes, idest intellectus angelici, rationabilibus creaturis,
idest hominibus et magis sunt circa Deum et
quasi magis assimilatae ei et magis ei appropinquant secundum
dignitatem naturae, cum tamen oporteat ea quae maiora
dona participant a Deo, esse meliora et supereminere aliis
quae minora dona participant ? Secundo, ibi : sed si et
cetera, solvit praemissam obiectionem ; et dicit quod sermo praedictae
obiectionis recte se haberet, si ea quae sunt intellectualia
supponeret esse aliquis non existentia vel non esse viventia
; tunc enim sicut esse praeemineret vitae et vita sapientiae, ita existentia
praeeminerent viventibus et viventia sapientibus. Sed divinae mentes Angelorum
non carent esse, quinimmo habent excellentius super alia existentia creata
et habent vitam super alia viventia et intelligunt
et cognoscunt super cognitionem sensus animalium et rationis humanae
; et quantum ad ordinem ad bonum, super omnia existentia desiderant
pulchrum et bonum ; et non solum magis desiderant, quasi perfectius
ordinatae in ipsum, sed eo magis participant,
perfectiorem bonitatem actu habentes. His
enim duobus modis, bonum in creaturis invenitur : aut secundum
participationem actualem boni aut secundum ordinem ad bonum, sicut supra
dictum est in 4 cap. quod bonum se extendit etiam ad non-ens actu. Unde
rationabiliter substantiae angelicae magis sunt circa bonum divinum
per quamdam appropinquationem ad ipsum, quasi abundantius ipso divino
bono participantes, quasi possidentes ab eo
plura et maiora bona quam alia : plura quidem, quia habent
intelligentiam quod multa non habent ; maiora vero, quia ipsum esse et vivere
quod alia habent, perfectius ab Angelis possidetur. Et similiter etiam rationalia,
scilicet homines, supereminent sensibilibus, idest brutis
animalibus, quia praeabundant eis in ratione quam prae eis possident ; et
quaedam, sicut animalia bruta, superant alia, ut plantas, in sensibili ; et
alia, scilicet plantae, superant cetera corpora inanimata in vita. Et
universaliter hoc verum dici potest quod illa quae magis participant
ipso uno, quod est Deus, et infiniti doni Deo qui
donativus est affluenter omnibus, ut dicitur Iac. I, propinquiora sunt Deo et
magis ei similia derelictis, idest his quae exceduntur. Quoniam
autem et cetera. Praemissis quibusdam quae
erant necessaria ad praesentem intentionem, hic, Dionysius accedit ad
exponendum nomen entis, secundum quod de Deo dicitur. Et quia, sicut iam
dixit, non est suae intentionis ineffabilem Dei essentiam manifestare
secundum quod in se est, sed secundum quod nomen entis, de Deo dictum,
manifestat processionem essendi a Deo in creaturas ; ideo primo ostendit
processum essendi universalem in omnia ; secundo, ostendit quod a divino esse
effluunt etiam singula in speciali ; ibi : et ex eadem et
cetera. Circa primum, duo facit : primo, ostendit omnia existentia
universaliter esse a Deo ; secundo, ostendit omnia in ipso esse ; ibi : et
est ex ipsa et cetera. Circa primum, duo facit : primo, ostendit
divinum esse universalem causalitatem respectu omnium existentium ; secundo,
ostendit quod ex ipso esse, Deus proprie magis denominatur, ibi : et
ante alias et cetera. Circa primum, tria facit : primo, ostendit de
quo est intentio ; secundo, prosequitur propositum ; ibi : quod
totius et cetera ; tertio, epilogat ; ibi : resumentes et
cetera. Dicit ergo primo : quia de praemissis dictum est, quorum cognitio
praeexigebatur ad praesentem intentionem, debemus laudare ipsum bonum, quod
est Deus, sicut in se vere existens et sicut
faciens substantiam omnium existentium. Deinde cum dicit : quod,
totius et cetera, prosequitur propositum, et circa hoc tria facit :
primo, ostendit quod Deus est causa omnium quae ad esse pertinent ; secundo,
quod omnia ei quodammodo conveniunt, ibi : etenim et cetera
; tertio, quod omnia ab eo removentur, ibi : et neque et
cetera. Dicit ergo primo quod ipsum bonum quod est Deus, secundum suam
supereminentem virtutem, est causa substantificatrix omnium
substantiarum, et creatrix omnium existentium, quia scilicet non producit
substantias ex aliquo praeexistente, sed simpliciter omne existens ex virtute
ipsius provenit. Deinde, enumerat ea quae ad esse pertinere videntur : et
primo, ponit duo universalia : scilicet existens et mentem, idest
intellectum. Nam mens comprehensiva est totius esse. Sed quia mens, idest
intellectus non fit actu intelligens nisi per participationem intelligibilis
quod est ipsum existens, posuerunt Platonici quod ipsum existens, quod
separatum ponebant, est supra intellectum creatum primum, sicut intelligibile
est ante intelligens et participatum ante participans. Et propter hoc,
Dionysius hic dixit, quod Deus est et ipsius existentis causa creatrix
et ipsius mentis. Deinde, ponit ea quae pertinent specialiter ad
ipsas substantias existentium ; in quibus tria possunt considerari : quorum
unum est ipsum singulare, quod in se actu complectitur principia et
universalia et individualia ut Socrates vel Plato ; et quantum ad hoc, dicit
: personae. Secundum vero est species vel genus, ut homo vel
animal, in quibus comprehenduntur universalia principia in actu, singularia
autem in potentia : homo enim dicitur qui habet humanitatem, absque
praecisione individualium principiorum ; et quantum ad hoc dicit : substantiae.
Tertium vero est ipsa essentia generis vel speciei, ut significetur nomine humanitatis
(in quo quidem nomine comprehenduntur sola principia) speciei ratio : nullum
enim individualium principiorum pertinet ad rationem humanitatis, nisi
praecise significet hoc quod homo est homo. Nullum autem individualium
principiorum est huiusmodi ; unde in nomine humanitatis, non includitur nec
actu nec potentia, aliquod individuale principium ; et quantum ad hoc dicit
: naturae. Ad rationem autem essendi pertinet primo quidem
substantia rei, de qua iam dictum est, secundo vero ipsa mensura durationis
rerum ; et quantum ad hoc subdit quod Deus est principium et mensura
saeculorum. Dicitur autem saeculum mensura durationis uniuscuiusque rei.
Unde unum saeculum dicitur tempus quo una generatio hominum durare potest vel
quo solet durare communiter memoria factorum humanorum ; unde, spatium mille
annorum a quibusdam saeculum dicitur. Manifestum est autem quod a Deo
praefigitur mensura durationis uniuscuiusque rei et ideo dicit quod est
principium in quolibet genere et est mensura eorum quae sunt in genere illo,
sicut unitas numerorum et tonus in melodiis. Ipsum ergo divinum esse est
mensura omnium saeculorum, non quidem adaequata, sed excedens. Et
consequenter exponit in speciali, quomodo sit principium saeculorum.
Dupliciter enim aliqua existentia durationem habent : quorumdam enim esse
subiectum est mutationi ; et horum duratio tempore mensuratur, et quantum ad
hoc, dicit : et quod facit esse tempora. Quorumdam vero esse non
subiacet mutationi et horum duratio aevo mensuratur ; et quantum ad hoc,
dicit : et facit aevum existentium. Sicut enim
se habet tempus ad motum, ita se habet aevum ad ipsum esse ; et ideo subdit
quod Deus causaliter est tempus eorum quae fiunt et ipse
est esse causaliter omnibus quocumque modo
existentibus ; in quo excludit opinionem Platonicorum qui ponebant et
tempus et ipsum esse quasi separata subsistere sub Deo. Tertio, ad rationem
essendi pertinet generatio quae est mutatio ad esse ; et ideo subdit quod
Deus est generatio causaliter omnibus quocumque modo generatis,
quia ipse omnibus generationem tribuit ut dicitur Esa. ult. 66. Et sic patet
quod ex ipso primo existente, quod est Deus, causatur et aevum quod est
mensura essendi ; et substantia, quae est per se existens ; et omne existens
quocumque modo ; et iterum, ex Deo causatur quod est mensura motus et ipsa
generatio et id quod generatur, et non solum ipsa existentia causantur a Deo,
sed etiam quaecumque sunt in existentibus, ut partes et proprietates
naturales et ea quae quocumque modo vel insunt, ut accidentia, vel substant,
ut substantiae. Deinde, cum dicit : etenim Deus et cetera,
ostendit quod omnia conveniunt Deo, quodam modo. Ad cuius evidentiam
considerandum est quod omnis forma, recepta in aliquo, limitatur et finitur
secundum capacitatem recipientis ; unde, hoc corpus album non habet totam
albedinem secundum totum posse albedinis. Sed
si esset albedo separata, nihil deesset ei quod ad virtutem albedinis
pertineret. Omnia autem alia, sicut superius dictum est,
habent esse receptum et participatum et ideo non habent esse secundum totam
virtutem essendi, sed solus Deus, qui est ipsum esse subsistens, secundum
totam virtutem essendi, esse habet ; et hoc est quod dicit, quod ideo Deus
potest esse causa essendi omnibus, quia ipse non est existens quodam
modo, idest secundum aliquem modum finitum et limitatum, sed ipse
universaliter et infinite accepit in seipso totum esse et praeaccepit,
quia in eo praeexistit sicut in causa et ab eo ad alia derivatur. Et ideo
dicitur I Timoth. I : rex saeculorum, quia in seipso habet
totum esse et omnem substantiam et omnia existentia et
iterum sicut circa ipsum, inquantum ex eo derivantur.
Deinde, cum dicit : et neque erat et cetera, ostendit quod
omnia ab eo removentur, quantum ad illum modum quo creaturis conveniunt ; et
dicit quod ipse non erat, quasi aliquid de suo esse in praeterito
dilapsum sit ; neque erit, quasi aliquid de suo esse expectetur
in futurum ; et hoc ideo, quia ipse non est factus, solum autem
illorum esse per praeteritum et futurum variatur, quae contingit fieri ;
neque etiam ei contingit quod generetur in praesenti vel in futuro ad modum
generationis temporalis ; et quod plus est, neque est, secundum
scilicet quod significatur tempus praesens, quia eius esse tempore non
mensuratur, sed ipse est esse existentibus, non quidem ita quod
ipse Deus sit esse formale existentium, sed eo modo loquendi utitur quo
Platonici utebantur qui esse separatum dicebant esse existentium, inquantum
compositiva per participationem abstractorum participantur. Et quod
causaliter sit intelligendum, apparet per hoc quod subdit quod non
solum existentia sunt ex Deo, sed etiam ipsum
esse existentium est ex Deo, qui est ante saecula ; et
dicitur esse ante saecula quia est aevum aevorum, idest mensura
omnium dimensionum. Deinde, cum dicit : resumentes et
cetera, colligit ea quae dicta sunt et dicit resumendo quod omnia existentia
et mensurae essendi habent esse a praeexistente ; et omne aevum et
tempus, quae sunt durationes, sunt ex ipso et ipse est
principium effectivum et causa finalis omnis
saeculi et temporis et cuiuslibet quocumque modo existentis
; et iterum omnia ipso participant, sicut prima forma
exemplari ; et non solum est causa quantum ad fieri rerum,
sed et quantum ad totum esse et durationem, quod manifestat cum dicit : et
a nullo existentium recedit : aedificatore enim recedente, domus remanet,
quia est causa domus quantum ad fieri et non quantum ad esse, sed si Deus ab
effectu recederet, effectus non remaneret, quia est causa ipsius esse. Et
quia causa praeeminet effectibus, ipse est ante omnia et omnia
consistunt in ipso, Colos. I, sicut effectus virtute praeexistunt in
causa ; et universaliter, quidquid quocumque modo est, praeexistit in primo
ente, scilicet Deo et quantum ad esse quod habet in intellectu et quantum ad
conservationem sui esse. Deinde, cum dicit : et ante alias et
cetera, ostendit quod ens dictum de Deo, signat processum existentium a Deo ;
et ostendit quod hoc nomen ens, vel qui est convenientissime de Deo dicitur.
Ostendit autem hoc duabus rationibus ; quarum secunda incipit ibi : etenim
praeesse et cetera. Prima ratio talis est : si qua causa nominetur a
suo effectu, convenientissime nominatur a principali et dignissimo suorum
effectuum. Ipsum autem esse inter alios Dei effectus est principalius et
dignius. Ergo Deus, qui a nobis nominari non potest nisi per suos effectus,
convenientissime nominatur nomine entis. Hoc est ergo quod dicit, quod
ipsum esse propositum est creaturis ad participandum ante
alias Dei participationes. Quamcumque enim perfectionem
creatura habeat, fit per hoc in Dei participatione, qui quasi proponitur et
offertur omnibus ad participandum ; sed per prius participatur quantum ad
ipsum esse, quam quamcumque aliam perfectionem : et ipsum per se
esse est senius, idest primum et dignius eo quod est per se vitam
esse et eo quod est per se sapientiam esse et eo quod est per se
similitudinem divinam esse. Considerandum autem hic occurrit, quod hic
dicatur per se esse vel per se vita et huiusmodi. Ad cuius evidentiam
sciendum est quod Platonici, quos multum in hoc opere Dionysius imitatur,
ante omnia participantia compositionem, posuerunt separata per se existentia,
quae a compositis participantur ; sicut ante homines singulares qui
participant humanitatem, composuerunt hominem separatum sine materia existentem,
cuius participatione singulares homines dicuntur. Et similiter dicebant quod,
ante ista viventia composita, esset quaedam vita separata, cuius
participatione cuncta viventia vivunt, quam vocabant per se vitam ; et
similiter per se sapientiam et per se esse. Haec autem separata principia
ponebant ab invicem diversa a primo principio quod nominabant per se bonum et
per se unum. Dionysius autem in aliquo eis consentit et in aliquo dissentit ;
consentit quidem cum eis in hoc quod ponit vitam separatam per se existentem
et similiter sapientiam et esse et alia huiusmodi ; dissentit autem ab eis in
hoc quod ista principia separata non dicit esse diversa, sed unum principium
quod est Deus, sicut supra dixit. Cum ergo dicitur per se vita, secundum
sententiam Dionysii, dupliciter intelligi potest : uno modo, secundum quod
per se importat discretionem vel separationem realem et sic per se vita est
ipse Deus. Alio modo, secundum quod importat discretionem vel separationem
solum secundum rationem et sic per se vita est quae inest viventibus, quae
non distinguitur secundum rem, sed secundum rationem tantum a viventibus. Et
eadem ratio est de per se sapientia et sic de aliis ; et istam expositionem
ponit infra in 6 cap. Hic autem per se vitam accepit pro vita quae inest viventibus
: loquitur enim hic de participationibus, vita autem per se existens non est
participatio. Quod autem per se esse sit primum et dignius quam per se vita
et per se sapientia, ostendit dupliciter : primo quidem, per hoc quod
quaecumque participant aliis participationibus, primo participant ipso esse :
prius enim intelligitur aliquod ens quam unum, vivens, vel sapiens. Secundo,
quod ipsum esse comparatur ad vitam, et alia huiusmodi sicut participatum ad
participans : nam etiam ipsa vita est ens quoddam et sic esse, prius et
simplicius est quam vita et alia huiusmodi et comparatur ad ea ut actus
eorum. Et ideo dicit quod non solum ea quae participant aliis
participationibus, prius participant ipso esse,
sed, quod magis est, omnia quae nominantur
per se ipsa, ut per se vita, per se sapientia et alia huiusmodi quibus
existentia participant, participant ipso per se esse : quia nihil est
existens cuius ipsum per se esse non sit substantia et aevum, idest forma
participata ad subsistendum et durandum. Unde cum vita sit quoddam existens,
vita etiam participat ipso esse. Ex hoc ergo concludit principale propositum,
scilicet quod Deus convenienter, principalius prae
omnibus aliis nominibus, laudatur sicut existens,
quasi ex digniore donorum suorum. Et quod principalius sic
laudetur, patet Exod. 3, ubi dicitur : qui est misit me ad vos.
Deinde, cum dicit : etenim praeesse et cetera, ponit
secundam rationem quae talis est : si alia causa nominetur a suo effectu,
oportet quod principalius nominetur Deus per ipsum esse a primo effectu per
quem omnia fecit ; huiusmodi autem est ens ; ergo principalius nominatur Deus
per ipsum esse. Hoc ergo est quod dicit quod ipse Deus praeesse et
superesse praehabet et superhabet. Hic ergo considerandum est quod
dupliciter unum potest alteri praeferri, scilicet : quantum ad hoc quod
habetur et quantum ad modum habendi, sicut unus homo qui habet maiorem
scientiam quam alius, praefertur ei quantum ad quantitatem eius quod habetur.
Sed Angelus in sapientia praefertur homini, non solum quantum ad quantitatem
sapientiae, sed etiam quantum ad modum habendi, quia homo habet rationaliter,
Angelus vero intellectualiter et sic utroque modo excedit, scilicet et
quantum ad id quod habet et quantum ad modum habendi. Quantum autem ad id
quod habet, excedit dupliciter, scilicet : secundum ordinem, quia prius habet
esse et propter hoc dicit praeesse, et quantum ad dignitatem,
quia excellentius esse habet et propter hoc dicit superesse. Et
similiter quantum ad modum habendi potest intelligi ratio ordinis et
dignitatis et ideo dicit : praehabens et superhabens. Sic igitur,
Deus, eminentius esse habens ex seipso, per quamdam similitudinem inter alios
effectus prius fecit esse quod est, idest ipsum secundum se esse, et
per ipsum esse fecit subsistere omnia quaecumque sunt : per hoc enim
unumquodque est causatum a Deo, per suum esse ex Deo et non solum alia
existentia causata participant esse, sed etiam ipsa principia
existentium participant esse, inquantum sunt et principia sunt.
Et primum competit eis esse secundum se et postea quod
sint principia aliorum. Etiam si aliquis velit dicere,
secundum opinionem Platonicorum, quod per se vita, idest vita quaedam
separata sub Deo, sit principium viventium, inquantum sunt
viventia et similium, per se similitudo et similiter de
omnibus aliis participantibus, quaecumque participant hoc vel
illo vel ambobus vel multis, semper invenies quod
huiusmodi, licet participentur ab aliis, tamen ipsa etiam participant ipso
esse, et primo intelliguntur ut participantes esse, quam quod
sint principia aliorum, per hoc quod ab aliis participantur. Potest autem et
hoc intelligi, secundum quod per se vita intelligitur ipsa vita quae inest
viventibus, quae est formale viventibus principium et similiter de aliis.
Ergo si ista quae sunt principia aliorum, non sunt nisi
per participationem essendi, multo magis ea quae participant ipsis,
non sunt nisi per participationem ipsius esse. Et sic patet quod Deus per
ipsum esse omnia causat. Ex quo concludit principale intentum et dicit quod
Deus, qui est per se bonitas et primo proponens idest
tribuens rebus creatis hoc donum quod est per se esse, laudatur hoc
nomine, quod est quasi a digniore et prima suarum
participationum. Et ex ipsa et in ipsa est ipsum esse et
cetera. Postquam Dionysius ostendit quod omnia existentia universaliter sunt
a Deo, hic intendit ostendere quod omnia universaliter sunt in ipso ; et
circa hoc duo facit : primo, proponit quod intendit ; secundo, manifestat
propositum ; ibi : etenim et cetera. Dicit ergo primo quod
non solum ex ipsa Dei bonitate, sed etiam in ipsa est ipsum per
se esse, quod est Dei participatio et omnia principia
existentium et omnia existentia, tam substantiae quam accidentia et omnia quocumque
modo continentur sub esse, sicut entia imperfecta, ut
ens in potentia et motus et alia huiusmodi. Et ne aliquis crederet quod ista
hoc modo sint in Deo sicut in seipsis, consequenter hoc excludit. In seipsis
enim omnia causata sunt finita, in Deo autem sunt infinita, quia in Deo sunt
ipsa divina essentia ; et ideo dicit : et hoc incomprehensibiliter.
Iterum, in seipsis oppositionem habent et diversitatem, in Deo autem
coniunguntur simul ; et ideo dicit : et coniuncte. Iterum, in
seipsis habent multitudinem, in Deo autem sunt unum ; et ideo addit : et
singulariter, idest unite. Deinde, cum dicit : etenim et
cetera, probat propositum ; et primo, per exempla ; secundo, per rationem ;
ibi : principium et cetera. Circa primum, duo facit : primo,
proponit exempla ; secundo, per exemplum arguit ; ibi : nihil igitur et
cetera. Circa primum, proponit quatuor exempla : quorum primum est de unitate
et numero ; et dicit quod numerus uniformiter praeexistit in unitate,
quia unitas virtute est omnis numerus, ut Boetius dicit in arithmetica. Dicit
autem : uniformiter, quia omne quod est in altero, est in eo per
modum eius in quo est ; unde numerus in unitate est existens in ea per modum
unitatis et hoc est quod dicit : uniformiter. Iterum dicit
: unitas habet in seipsa omnem numerum, quia omnes proprietates
omnium numerorum aliquo modo inveniuntur in unitate : sive enim accipiam
numeros quadratos sive cubicos sive quascumque alias figuras numerorum, in
qualibet dispositione numerorum, invenitur unitas prima. Et iterum,
considerandum est quod omnis numerus in ipsa unitate est unus, sed quanto
magis recedit ab unitate, tanto magis distinguitur et in multitudinem
deducitur. Secundum exemplum ponit de centro et dicit quod in centro
omnes lineae quae deducuntur ad circumferentiam, simul existunt
sicut in principio communi ; et illud signum, idest punctum quod
dicitur centrum, habet in seipso uniformiter, omnes lineas coniunctas et sibi invicem
et principio a quo processerunt, quia sicut ab uno
producuntur in multitudinem, ita eorum multitudo terminatur ad centrum, sicut
ad terminum. Et considerandum est quod lineae quae in ipso centro
uniuntur perfecte, parum recedentes a centro, parum distant
ab invicem ; et hoc simpliciter dicendum
est quod in quantum sunt centro propinquiores, in tantum et ipsi centro et
sibi invicem magis uniuntur ; quanto vero magis distant
a centro, tanto etiam magis distant a se invicem, sicut etiam est
de numero qui quanto magis recedit ab unitate, tanto magis multiplicatur.
Tertium exemplum ponit de natura universali, quae, secundum Platonem, est
aliqua substantia separata ; secundum Aristotelem vero, est aliqua virtus
primi corporis naturalis. Utrolibet autem modo accipiatur natura universalis,
manifestum est quod in universali natura omnium naturalium adunantur rationes
cuiuslibet naturae particularis, non per modum confusionis, sicut adunantur
lapides in acervo, sed per modum unitionis cuiusdam : sicut si dicamus quod
rationes generabilium virtualiter consistunt in sole et omnes rationes
membrorum virtualiter existunt in semine. Quartum exemplum ponit de anima,
quae est causa corporis et sicut efficiens et sicut forma et sicut finis ut
dicitur in II de anima ; et sic in anima, sicut in causa communi,
praeexistunt omnes virtutes partium animalis, quibus toti corpori
praevidetur. Omnes enim virtutes radicantur in anima sicut in communi radice.
Ex his igitur exemplis, concludit ulterius quod nos possumus ex praemissis
sicut ex quibusdam similitudinibus obscuris, idest deficientibus
a divina repraesentatione, ascendere ad universalem causam
omnium per similitudinem causarum particularium, ut sic, oculis mentis
transcendendo omnia mundana, contemplemur omnia simpliciter
esse in Deo, qui est omnium causa et quod ea quae sibi
sunt invicem contraria, prout sunt in suis naturis, in Deo
praeexistunt simpliciter et unite. Quae enim est proportio
particularis causae ad suos effectus, eadem est proportio universalis causae
ad omnia. Deinde, cum dicit : principium et cetera, probat
idem per rationem, per quam praedicta probatio confirmatur. Omnia enim multa
quae sunt ex uno principio, praeexistunt unite in principio primo. Sic igitur
patet quod omnia sunt in Deo unite, cum ipse sit principium omnium. In hac
autem Dei causalitate, primo ponit ea quae pertinent ad ipsum esse ; et dicit
quod a Deo est ipsum esse rerum et omnia existentia,
quocumque modo sint. Ad esse autem pertinet et principium essendi et
finis, quia in omnibus existentibus inveniuntur ; et ideo dicit quod ab ipso
est omne principium et omnis finis. Secundo, ponit ea quae
pertinent ad vitam ; et dicit quod ex Deo est omnis vita et immortalitas,
quae est indeficientia vitae. Tertio, ponit ea quae pertinent ad sapientiam ;
et dicit quod ex Deo est omnis sapientia. Et quia sapientis est
ordinare, subiungit : et omnis ordo et omnis
harmonia, quae est convenientia ordinis. Quarto, ponit ea quae pertinent
ad virtutem ; et dicit quod ex Deo est omnis virtus. Ad virtutem
autem pertinet quod aliquis conservetur a nocivis et quantum ad hoc dicit
: omnis custodia, et quod firmetur in his quae ei conveniunt et
quantum ad hoc dicit : omnis collocatio, et quod diffundat ea
quae quis habet et quantum ad hoc dicit : omnis distributio.
Quinto, ponit ea quae pertinent specialiter ad cognitionem ; unde dicit
: omnis intellectus quantum ad Angelos ; omnis sermo,
idest ratio quantum ad homines ; omnis sensus quantum ad
animalia ; omnis habitus quo perficitur ratio cognoscitiva
vel appetitiva. Sexto, ponit ea quae pertinent ad corporalia ; et dicit
: omnis statio, idest quies ; et omnis motus.
Septimo, ponit ea quae pertinent ad unum ; et dicit : omnis unitio,
universaliter ; omnis concretio quantum ad unionem corporum
; omnis amicitia quantum ad unionem affectuum ; omnis
concordatio quantum ad unionem conceptionum et sententiarum. Ultimo,
ponit ea quae pertinent ad multitudinem ; et dicit : omnis discretio,
idest distinctio ; et omnis diffinitio, idest determinatio
uniuscuiusque : unumquodque enim determinatur in se per hoc quod est ab aliis
distinctum. Et non solum ista sunt a Deo, sed quaecumque alia pertinent
ad esse quibus entia informantur. |
Leçon 1 (34a) : Ayant la présentation de certaines notions nécessaires à l'intention qu'il se propose, il poursuit au sujet de la causalité du premier Être.606. Après avoir
traité du bien au chapitre quatre, Denys détermine ici de l'être et il
procède dans cet ordre car le bien a plus d'extension que l'être ainsi que le
disaient les Platoniciens : car même ce qui n'existe pas encore en acte, à
savoir l'être en puissance, du fait même qu'il est ordonné au bien, a raison
de bien ; mais c'est lorsqu'il devient un être en acte qu'il participe de la
causalité de l'être. Et parce que certains prétendaient que les choses
viennent à exister en acte d'après le modèle d'une forme préexistante, c'est
pourquoi il détermine aussi dans ce chapitre des modèles auxquels se rapportent
les êtres (leçon 3), ainsi que le titre l'indique. 607. Ce chapitre
est cependant divisé en deux parties : dans la première il présente d'abord
des notions qui sont nécessaires à la présentation du propos ; dans la
seconde, il poursuit sur la causalité du premier Être là (261) où il dit : Mais
puisque... 608. Au sujet du
premier point, il fait trois choses : d'abord, il manifeste son propos ;
deuxièmement, il écarte une erreur, là (258) où il dit : Non pas cependant...
; troisièmement, il répond à une certaine objection, là (259) où il dit : Et
quelqu'un... 609. Il dit donc en
premier lieu qu'il faut maintenant passer de la considération du bien à
la véritable louange de Dieu en tant que seul Être véritable
conformément à la dénomination qu'Il a reçue de la part des saints
Théologiens. Mais il faut savoir à l'avance ceci, à savoir que l'intention
du présent discours n'est pas de manifester la substance
supra-substantielle même de Dieu selon qu'elle existe
supra-substantiellement en elle-même, c'est-à-dire de connaître l'essence
même de Dieu ; cette dernière en effet ne peut ni être expliquée par ce
discours ni saisie par notre intelligence : en effet, tout ce que notre
intelligence peut appréhender est inférieur à l'essence de Dieu et tout ce
que notre langue peut exprimer est inférieur à l'être divin ; et l'essence
divine ne peut être parfaitement manifestée par une intelligence créée de
telle sorte qu'elle serait comprise par elle ; mais elle dépasse l'union
même des intelligences bienheureuses qui voient l'essence de Dieu au
moyen de l'union de leur intelligence à cette Essence : en effet, bien
qu'elles voient l'essence même de Dieu, la perfection de leur vision n'est
cependant pas telle qu'elle puisse se comparer à la perfection de l'être même
de Dieu ou à celle de la vision par laquelle Dieu se voit Lui-même. 610. L'intention du
présent chapitre n'est donc pas de manifester l'essence même de Dieu selon ce
qu'elle est en elle-même et grâce à laquelle toutes les choses reçoivent leur
substance, mais de faire l'éloge de cette procession de l'être qui à partir
du Principe divin se répand dans tous les êtres. En effet, quel que
soit le nom divin par lequel est manifestée toute procession d'une perfection
qui va de Dieu dans les êtres, selon que ce nom se dit de Dieu, il dépasse
tous les êtres. Il en est ainsi par exemple du nom de bien qui
manifeste toutes les processions de l’essence universelle des choses et qui
s'applique tant à tout ce qui existe qu'à ce qui n'existe pas
dans la mesure où ce qui n'existe pas encore, selon qu'il est en puissance à
exister, possède quelque chose du bien. Et aussi le nom d'être
désigne la procession de l'être qui va de Dieu dans tous les êtres ;
et selon qu'il se dit de Dieu, il est au-dessus de tout ce qui
existe. Et le nom de vie s'applique
à tous les vivants mais selon qu'il se dit de Dieu, il dépasse tous
les vivants. Et le nom de sagesse
désigne une procession qui s'étend à tous les êtres intellectuels, à tous
ceux qui sont rationnels et même à ceux qui sont sensibles car le sens
lui-même aussi, selon qu'il est une connaissance, est une participation de la
Sagesse divine, bien que cependant la Sagesse divine transcende tous ces êtres. 611. Le but que
poursuit ce discours est donc de présenter les noms divins selon qu'ils
contribuent mettre en lumière la Providence de Dieu grâce à laquelle
les perfections sont attribuées aux choses. En effet ce discours ne
promet pas d'exposer cette bonté, cette substance, cette vie et cette
sagesse supra-substantielles de Dieu selon qu'elles existent
supra-substantiellement en elles-mêmes au-dessus de tout ce qui se retrouve
dans les créatures ; en effet voici ce qu'on dit de la Sagesse de Dieu dans
Job (28, 21) : ¨elle reste cachée au regard des vivants¨. L'intention
du présent discours est donc de louer Dieu par le nom de bien selon qu'Il est
la cause de tous les biens ; et par le nom d'être selon qu'Il est
Celui qui produit toutes les substances ; et par le nom de vie
selon qu'Il engendre la vie dans tous les vivants ; et enfin par le nom
de sagesse, selon qu'Il est le distributeur de toute sagesse. 612. Ensuite,
lorsqu'il dit (258) : Non pas cependant...il écarte l'erreur de
certains Platoniciens qui ramenaient tous les effets à des causes plus
intelligibles. Et parce qu'ils voyaient que les effets du bien sont les plus
répandus, ils disaient que leur cause est le bien lui-même qui répand sa
bonté dans tous les êtres et ils prétendaient que sous cette cause existe une
autre cause qui donne la vie et qu'il en est ainsi du reste ; et les principes
de cette sorte, ils les appelaient des dieux. 613. Denys lui-même
écarte donc cette erreur en disant que son présent discours n'affirme pas
qu'autre est le principe qui est le bien, autre celui qui est l'être,
autre celui qui est la vie et autre celui qui est la sagesse. Et
ce discours ne dit pas qu'il existe plusieurs causes et
différentes divinités productrices de différentes sortes d'effets,
dont certaines seraient plus universelles et d'autres moins
universelles, correspondant aux différentes sortes de processions des
perfections dans les créatures. Le présent discours affirme au contraire que
tous les noms qui sont ici présentés n'appartiennent qu'à un seul
Principe, et qu'il y a un nom qui manifeste la Providence de Dieu dans sa
totalité quant à tous ses effets, à savoir le nom de bien ; mais que certains
noms mettent en lumière cette même Providence quant à certains effets
déterminés qui sont soit plus universels, soit moins universels, comme
l'être, la vie, la sagesse et d'autres effets de cette sorte. 614. Ensuite,
lorsqu'il dit (259) : Et quelqu'un...il résout une objection ; et
d'abord, il la présente ainsi : : comme l'être lui-même dépasse en extension
les limites de la vie et la vie celles de la sagesse, d'où
vient-il que les vivants surpassent ceux qui n’ont que l’être, que les
êtres sensibles surpassent les vivants, que les êtres rationnels
surpassent les êtres sensibles et que les esprits, à savoir les
intelligences angéliques, surpassent les créatures rationnelles, à
savoir les humains, et qu'ils ont une plus grande proximité à
l'égard de Dieu et qu'ils Lui sont comme plus semblables et ont
une relation plus intime avec Lui en raison de la dignité de leur
nature, puisqu'il faut encore que les êtres qui participent de plus
grands dons provenant de Dieu soient meilleurs et
surpassent les autres qui participent de moins grands dons ? 615. Ensuite, là
(260) où il dit : Mais si...il résout l'objection qui précède ; et il
dit que les paroles de l'objection précédente seraient justifiées
si les êtres qu'elle désigne comme intellectuels étaient dépourvus
d'existence ou de vie ; alors en effet comme l'être l'emporterait sur
la vie et la vie sur la sagesse, de même aussi ceux qui ne possèdent que
l’existence l'emporteraient sur les vivants et les vivants sur ceux qui sont
sages. Mais les esprits divins des Anges ne sont pas privés de l'être,
au contraire ils le possèdent d'une manière plus excellente, bien au-dessus
de tous les autres êtres créés et ils ont la vie au-dessus
de tous les autres vivants et ils sont doués d'une
intelligence et d'une connaissance qui dépassent la connaissance
sensible des animaux et la connaissance rationnelle des humains ; et quant à
leur disposition à l'égard du bien, ils s'élèvent au-dessus de tous les
êtres qui désirent le Beau qui est aussi le Bien ; et non seulement ils
le désirent davantage en raison d'une disposition plus parfaite à son égard,
mais ils en participent davantage puisqu'ils possèdent une bonté plus
parfaite en acte. 616. C'est de ces
deux manières en effet que le bien se retrouve dans les créatures : soit
selon une participation du bien en acte, soit selon une disposition à son
égard ainsi que nous l'avons montré plus haut au chapitre 4, où nous avons
dit que le bien s'étend même à ce qui n'existe pas encore en acte (298,
355, 463). C'est pourquoi c'est avec raison que nous disons que
les substances angéliques sont davantage dans les parages du bien divin
puisqu'elles vivent à une plus grande proximité de lui, comme participant
plus abondamment du bien divin lui-même, possédant pour ainsi
dire grâce à lui de plus nombreux et de meilleurs biens que les autres
êtres créés : de plus nombreux certes, car elles possèdent l'intelligence que
la plupart ne possèdent pas ; mais de meilleurs aussi car l'être lui-même et
la vie que les autres possèdent, les Anges les possèdent plus parfaitement. 617. Et de la même
manière encore les êtres rationnels, à savoir les hommes, s'élèvent
au-dessus des êtres sensibles, à savoir les brutes, car
comparativement à elles, ils abondent en raison qu'ils possèdent
contrairement à elles ; et certains, comme les brutes, l'emportent sur
d'autres vivants comme les plantes, parce qu'elles possèdent la sensibilité
dont ces dernières sont privées ; et d'autres, à savoir les plantes,
dépassent les corps inanimés parce qu'elles possèdent la vie. Et d'une
manière plus universelle il est vrai de dire que ceux qui participent davantage
de l'Un lui-même qui est Dieu, et du don infini de Dieu qui dans
sa largesse s'est donné abondamment à tous ainsi que le dit Jacques (1, 5),
sont plus près de Dieu et Lui sont plus semblables que ceux qui en sont
éloignés, c'est-à-dire que ceux qui lui sont plus étrangers. 618. Mais
puisque ...Ayant présenté certaines notions nécessaires au présent
propos, Denys procède ici (261) à l'explication du nom d'être selon qu'il est
attribué à Dieu. Et parce que son intention n'est pas, ainsi qu'il l'a déjà
dit (609), de manifester l'ineffable essence de Dieu quant à ce
qu'elle est en elle-même mais plutôt de manifester la procession de l'être
qui va de Dieu jusqu'aux créatures selon que le nom d’être s’attribue a Dieu,
c'est pourquoi il montre en premier lieu la procession universelle de l'être
dans l'ensemble du réel ; en deuxième lieu, il montre que chaque forme d’être
en particulier procède de l'être divin là où il dit (275) : Et de la même...(leçon
2a). 619. Au sujet du
premier point, il fait deux choses : d'abord, il montre que tous les êtres
tiennent universellement leur existence de Dieu ; deuxièmement, il montre que
tous existent en Lui, là (268) où il dit : Et elle vient de... 620. Au sujet du
premier point, il fait deux choses : d'abord, il montre que l'être divin est
la cause universelle de toute existence ; deuxièmement, il montre que c'est à
partir de son être même que Dieu est le plus proprement dénommé, là (266) où
il dit : Et antérieurement aux autres... 621. Au sujet du
premier point, il fait trois choses : tout d'abord, il montre quel est son
propos ; deuxièmement, il poursuit son propos là (262) où il dit : Que de
tout être... ; troisièmement, il conclut, là (265) où il dit : Répétant... 622. Il dit donc
premièrement ceci (261) : puisque nous avons parlé de ce qui précède et dont
la connaissance était nécessaire au présent propos, nous devons maintenant
faire l'éloge du bien lui-même qui est Dieu comme étant Celui qui
existe véritablement en lui-même et qui est l'Artisan de la substance de
tout ce qui existe. 623. Ensuite
lorsqu'il dit (262) : Que de tout être...il poursuit son propos et à
ce sujet il fait trois choses : d'abord, il montre que Dieu est la cause de
tout ce qui appartient à l'être ; deuxièmement que toutes les choses Lui
appartiennent d'une certaine manière, là où (263) il dit : Et à vrai dire...
; troisièmement que toutes les choses sont loin de Lui, là où (264) il dit : Et
Il n'était pas... 624. Il dit donc en
premier que le bien lui-même, à savoir Dieu, de par sa puissance
transcendante, est la cause qui produit toutes les substances et qui
crée tous les êtres car elle ne produit pas les substances à partir d'une
matière préexistante, mais tous les êtres proviennent tout simplement de Sa
seule puissance. 625. Ensuite, il
énumère les choses qui semblent appartenir à l'être : et en premier, il
présente deux universels : à savoir l'existence et l'esprit ou
l'intelligence. Car l'esprit est ce qui saisit tout l'être, tout ce qui
existe. Mais parce que l'esprit, à savoir l'intelligence, ne saisit en acte
qu'en participant de l'intelligible qui est l'existence même, les
Platoniciens affirmaient que cette dernière, qu'ils croyaient séparée, est
au-dessus de la première intelligence créée, tout comme l'intelligible est
antérieur à l'intelligence en acte et le participé antérieur à celui qui en
participe. Et c'est pour cela que Denys dit ici que Dieu est la cause
créatrice à la fois de l'existence elle-même et de l'esprit lui-même. 626. Ensuite, il
présente ce qui se rapporte spécialement aux substances mêmes des êtres chez
lesquels on peut considérer trois aspects : dont le premier est le singulier
lui-même qui embrasse en lui-même en acte à la fois les principes universels
et individuels, comme Socrate ou Platon ; et quant à cela il dit : les
personnes. Le deuxième est l'espèce
ou le genre, comme l'homme ou l'animal, chez lesquels les principes universels
sont saisis en acte alors que les singuliers ne le sont cependant qu'en
puissance : l'homme en effet désigne la possession de l'humanité sans aucune
précision relativement aux principes individuels ; et quant à cela il dit : les
substances. Le troisième aspect est
l'essence même du genre ou de l'espèce telle que la définition de l'espèce
est signifiée par le nom d'humanité (dans lequel nom ne sont saisis certes
que les principes universels) : en effet aucun des principes individuels
n'appartient à la définition de l'humanité, laquelle ne désigne précisément
que ce qu'est l'homme en tant qu'homme. Et aucun des principes individuels ne
désigne cela ; il s'ensuit que dans le nom d'humanité n'est inclus ni en acte
ni en puissance aucun des principes individuels ; et quant à cela il dit : les
natures. 627. Mais à la
notion de l'être appartient certes premièrement la substance de la chose dont
nous avons déjà parlé ; mais deuxièmement lui appartient aussi la mesure même
de la durée des choses : et à ce sujet, il ajoute que Dieu est le principe
et la mesure des siècles. Mais le siècle est appelé mesure de la durée
d'une chose. D'où l'on dit que le siècle est le temps pendant lequel une
génération d'hommes peut durer ou pendant lequel la mémoire des faits humains
a généralement l'habitude de durer ; d'où l'espace de mille ans se dit en
termes de siècles. Mais il est manifeste que la mesure de la durée d'une
chose est fixée par Dieu et c'est pourquoi Denys dit qu'Il est le principe de
tous les genres et qu'Il est la mesure des choses qui sont dans ces genres,
tout comme l'unité est la mesure pour les nombres et le son est la mesure
pour les mélodies. L'être divin lui-même est donc la mesure de tous les
siècles, non pas une mesure qui leur est comparable, mais une mesure qui les
transcende. Et par la suite il
explique plus précisément comment Il est le principe des siècles. En effet
c'est de deux manières que les êtres possèdent une durée : l'être de
certaines choses en effet est assujetti au changement ; et la durée de ces
choses se mesure par le temps et c'est à leur égard que Denys dit : c'est
Lui qui fait les êtres temporels. Mais l'être de certaines choses n'est
pas soumis au changement et leur durée se mesure par l'éternité ; et c'est à
leur sujet qu'il dit : et il fait les êtres éternels. En effet,
ce que le temps est au mouvement, l'éternité l'est à l'être lui-même ; et
c'est pour cela qu'il ajoute que Dieu, à la manière d'une cause, est à la
fois le temps de ce qui est sujet au devenir et qu'Il est lui-même,
toujours à la manière d'une cause, l'être de tout ce qui existe
d'une manière ou d'une autre, ce en quoi il écarte l'opinion des
Platoniciens qui prétendaient que le temps et l'être lui-même subsistaient
comme séparément de Dieu. 628. Troisièmement
à la notion de l'être appartient le devenir qui est un changement ordonné à
l'être ; et c'est pour cela qu'il ajoute que Dieu est, à la manière d'une
cause, la génération de tout ce qui est engendré d'une manière ou
d'une autre car Lui-même est Celui qui distribue à tous la génération
ainsi que le dit Ésaïe (66, 9). Et ainsi il devient
évident que c'est à partir du premier Être qui est Dieu que
sont causés à la fois l'éternité qui est la mesure de l'être, la
substance qui existe par elle-même et tout ce qui existe sous
une forme ou sous une autre ; et encore une fois c'est de Dieu que provient
le temps qui est la mesure du mouvement ainsi que la génération
elle-même ainsi que ce qui est engendré ; et non seulement les êtres
eux-mêmes sont causés par Dieu mais aussi tout ce qu'on retrouve en eux,
comme leurs parties et leurs propriétés naturelles et tout ce qui d'une
manière ou d'une autre ou bien existe en eux, comme les accidents, ou
bien subsiste, comme les substances. 629. Ensuite,
lorsqu'il dit (263) : Et de fait Dieu...il montre que tout se rapporte
à Dieu d'une certaine manière. Pour en avoir l'évidence il faut considérer
que toute forme reçue dans un sujet est limitée et déterminée d'après les
capacités de celui qui reçoit ; c'est pourquoi ce corps blanc ne possède pas
la totalité de la blancheur dans toute sa perfection. Mais s'il existait une
blancheur séparée, il ne lui manquerait rien qui appartienne à la perfection
de la blancheur. Mais tous les autres êtres, ainsi que nous l'avons dit (623-625)
plus haut, possèdent un être qui est reçu et participé et c'est pourquoi ils
ne possèdent pas un être qui soit conforme à toute la perfection de l'être,
mais Dieu seul, qui est l'être subsistant lui-même, possède un être qui
correspond à toute la perfection de l'être ; et c'est ce que dit Denys, que
c'est à cause de cela que Dieu peut être la cause de l'existence de tous les
êtres, à savoir parce que Lui-même n'est pas un être qui existe d'une
certaine manière, c'est-à-dire selon un mode limité et déterminé mais
Lui-même au contraire porte en Lui-même et contient à l'avance en
totalité et d'une manière infinie la plénitude de l'être ; car l'être
préexiste en Lui comme en sa Cause et par Lui se répand dans les autres. Et
c'est pourquoi on dit à son sujet dans la Première Lettre à Timothée (1, 17)
qu'Il est Le Roi éternel, car c'est en Lui-même qu'Il possède
la plénitude de l'être et toutes les substances, et tous les êtres sont
encore une fois dans son entourage dans la mesure où ils proviennent
tous de Lui. 630. Ensuite lorsqu'il dit (264) : Et il n'était pas...il montre d'un
autre côté que tout ce qui existe, considéré quant au mode d'existence qu'on
retrouve dans les créatures, Lui est étranger ; et il dit que Lui-même n'était
pas, comme si quelque chose de son être avait péri dans le passé ; et
qu'Il ne sera pas, comme si quelque chose de son être devait être attendu
dans le futur ; et il en est ainsi parce que Lui-même n'a pas été fait
; en effet, seul l'être de ceux-là qui sont sujets au devenir varie selon le
passé et le futur ; et Il ne peut encore être engendré ni dans le présent ni
dans le futur à la manière d'une génération temporelle ; et, de plus, il
n'est pas, à la manière où on entend par là le temps présent car son être
n'est pas mesuré par le temps, mais Lui-même est aux êtres leur propre
existence, non certes de telle sorte que Dieu lui-même soit l'être formel
des êtres, mais il utilise cette manière de parler dont se servaient les
Platoniciens qui affirmaient que l'être séparé est l'existence des êtres dans
la mesure où les êtres composés participent des êtres séparés par mode de
participation. Et que cela doive être entendu à la manière d'une cause, cela
devient évident au moyen de ce qu'il ajoute, à savoir que non seulement
tout ce qui existe vient de Dieu, mais encore l'être même de ce
qui existe vient de Lui qui est antérieur aux siècles ; et Denys
dit qu'Il est antérieur aux siècles parce qu'Il est l'éternité des
éternités, c'est-à-dire la mesure de toutes les dimensions. 631. Ensuite,
lorsqu'il dit (265) : Reprenant...il rassemble toutes les choses qui
ont été dites et affirme comme dans un résumé que tout ce qui existe et que
toutes les mesures de ce qui existe tiennent leur être de Celui qui
Préexiste ; et que toute éternité et tout temps, lesquels sont des
durées, viennent de Lui et que Lui-même est le principe
efficient et la cause finale de tous les siècles, de tous les temps et
de tout ce qui existe d'une manière ou d'une autre ; et encore
une fois toute chose participe de Lui comme d'une première forme
exemplaire ; et non seulement est-il la cause du devenir des choses,
mais il l'est encore quant à leur être même et à quant à leur durée, ce qu'il
rend évident en disant : et Il n'abandonne aucun de ceux qui existent
: en effet, lorsque le constructeur s'éloigne de la maison, celle-ci continue
à exister, car il en est la cause seulement sous le rapport du devenir et non
sous le rapport de l'être ; mais si Dieu s'éloignait de son effet, ce-dernier
ne pourrait continuer à exister car Dieu est la cause de l'être même de son
effet. Et parce que la cause l'emporte sur ses effets, Lui-même est
antérieur à toute chose et toute chose se fonde sur Lui, ainsi que
l'Apôtre le dit dans sa Lettre aux Colossiens (1, 17), tout comme les effets
préexistent en puissance dans leur cause ; et plus universellement, tout ce
qui existe d'une manière ou d'une autre préexiste dans le premier Être, à
savoir en Dieu, à la fois quant à l'existence qu'il possède dans son
intelligence et quant à la conservation de son être. 632. Ensuite
lorsqu'il dit (266) : Et antérieurement aux autres...il montre que
l'être, selon qu'on le dit de Dieu, désigne la procession des êtres à partir
de l'être de Dieu ; et il montre que ce nom existence, ou ¨qui est¨, se dit
de Dieu de la manière la plus appropriée. Et il montre cela au moyen de deux
raisons, dont la seconde commence ici (267) : Et en effet, préexister... 633. La première
raison est la suivante : Si une cause est dénommée à partir de son effet,
elle est dénommée de la manière la plus appropriée par le principal et le
plus digne de ses effets. Mais parmi tous les autres effets de Dieu, l'existence
elle-même ou l’être est l'effet principal et le plus digne. Donc Dieu,
qui ne peut être nommé par nous qu’à partir de ses effets, est nommé par nous
de la manière la plus appropriée par le nom d'existence. Et c'est ce que
Denys dit, à savoir que l'existence même est offerte aux
créatures pour qu'elles en participent antérieurement à toutes les autres
participations qui proviennent de Dieu. En effet, quelle que soit la
perfection qu'une créature possède, elle ne se réalise en elle qu'au moyen
d'une participation de Dieu, et elle est comme présentée et offerte à tous
pour qu'ils en participent ; mais antérieurement à toute autre perfection,
c'est l'existence même qui est participée de Dieu : et l'existence par
soi elle-même est plus ancienne, c'est-à-dire antérieure et plus digne
que la vie par soi, que la sagesse par soi et que la ressemblance divine
par soi. 634. Mais il lui
arrive ici de considérer ce que l'on veut dire ici par existence par soi, vie
par soi et par d'autres expressions du même genre. Et pour en avoir
l'évidence il faut savoir que les Platoniciens, que Denys imite dans cet
ouvrage en de nombreuses occasions, affirmaient que, antérieurement à tous
les êtres qui participent d'une composition, des êtres existent par soi et
séparément, et dont les êtres composés participent ; par exemple, avant les
hommes singuliers qui participent de l'humanité, ils inventèrent un homme
séparé existant sans matière et par la participation duquel les individus
humains existent. Et de même ils affirmaient qu'antérieurement à ces vivants
composés de matière qui existent autour de nous il existe une vie séparée de
la matière, par la participation de laquelle l'ensemble des vivants vivent,
et qu'ils appelaient la vie par soi ; et il en était de même pour la sagesse
par soi et l'être par soi. Mais ils prétendaient que ces principes séparés
étaient à leur tour distincts du premier principe qu'ils nommaient le bien par
soi et l'un par soi. Et Denys est d'accord
avec eux sur un point mais en désaccord sur un autre : il est d'accord certes
avec eux sur ceci qu'il affirme qu'une vie séparée existe par elle-même et
qu'il en est de même pour la sagesse, l'être et d'autres principes du même
genre ; mais il s'oppose à eux en ceci qu'il ne dit pas que ces principes
séparés sont distincts, mais qu'ils sont un seul et même principe qui est
Dieu, ainsi qu'il l'a déjà dit plus haut (612-613). Donc, puisque les écrits
mêmes de Denys parlent d'une vie par soi, cette expression peut s'entendre de
deux manières : la première selon que l'expression par soi implique une
distinction et une séparation réelle et de cette manière la vie par soi est
Dieu lui-même. La deuxième selon qu'elle implique une distinction ou une
séparation seulement selon la raison et de cette manière la vie par soi est
ce qui réside dans les vivants et qui ne se distingue pas d'eux en tant que
chose mais seulement selon la raison. Et la même distinction vaut pour la
sagesse par soi et pour les autres principes ; et Denys présente cette
explication plus loin au chapitre 6 (421-426). Mais il entend ici la
vie par soi comme étant celle qui réside dans les vivants : il est question
en effet ici de participations, et la vie qui existe par elle-même n'en est
pas une. 635. Mais que
l'être par soi soit antérieur et plus digne que la vie par soi et que la
sagesse par soi, il le montre de deux manières : d'abord certes au moyen de
ceci que tout ce qui participe des autres participations participe
en premier lieu de l'existence elle-même : l'existence en effet est
saisie dans l'intelligence antérieurement à l'un, à la vie et à la sagesse. Deuxièmement au moyen de
ceci que l'existence elle-même se compare à la vie et aux autres principes de
la sorte comme le participé se compare au participant : car même la vie
elle-même est une certaine forme d'existence et de cette manière cette
dernière est antérieure et est plus simple que la vie et que les autres
principes et elle se compare à eux comme si elle était leur acte. Et c'est
pourquoi il dit que non seulement les choses qui participent des autres
participations participent d'abord de l'existence elle-même,
mais, disons mieux, tous les principes qui sont dénommés par
soi, telle la vie par soi, la sagesse par soi et les autres principes de même
sorte dont les êtres participent, participent eux-mêmes de
l'existence par soi elle-même : car rien n'existe dont
l'existence par soi elle-même ne soit pas la substance et l'éternité,
c'est-à-dire la forme dont il participe et qui le fait subsister et durer.
D'où il suit que puisque la vie est une certaine forme d'existence, elle
aussi participe de l'existence elle-même. Il conclut donc suite à
cela son propos principal, à savoir que c'est de la manière la plus
appropriée et la plus importante que Dieu, avant tout autre nom, est
loué comme celui qui existe, comme à partir du plus digne de
ses dons. Et que ce soit là la principale manière de le louer, on le voit
dans ce passage de l'Exode (3, 14) où l'on dit : ¨Celui qui est m'a envoyé
vers vous¨. 636. Ensuite,
lorsqu'il dit (267) : Et en effet, préexister...il présente ainsi la
deuxième raison : si une autre cause est nommée à partir de son effet, il
importe que Dieu soit nommé principalement au moyen de l'existence elle-même
comme par le premier effet au moyen duquel il fit toutes choses ; mais
l'existence est justement cette sorte d'effet ; il faut donc que Dieu soit
nommé principalement au moyen de l'être lui-même. Et c'est donc ce que Denys dit,
à savoir que préexister et exister en abondance, Dieu les possède
antérieurement à tout autre être et Il les possède en abondance. 637. Ici donc il
faut considérer qu'une chose peut en surpasser une autre de deux manières, à
savoir d'abord quant à ce qu'elle possède et ensuite quant à la manière de le
posséder ; ainsi, un homme qui possède une plus grande science qu'un autre
surpasse ce-dernier quant à la quantité de ce qu'il possède. Mais l'Ange
surpasse l'homme en sagesse non seulement quant à la quantité de sagesse
qu'il possède mais aussi quant à la manière de la posséder car l'homme la
possède rationnellement alors que l'Ange la possède intellectuellement et
ainsi ce-dernier dépasse l'homme de deux façons, c'est-à-dire à la fois quant
à ce qu'il possède et quant à la manière de le posséder. 638. Dieu cependant
dépasse de deux manières quant à ce qu'Il possède, c'est-à-dire d'abord selon
l'ordre car il possède l'être antérieurement à toute autre chose et c'est à
cause de cela que Denys dit : préexister ; puis selon la dignité car
il possède l'être d'une manière plus excellente et c'est à cause de cela
qu'il dit exister en abondance. Et de même la distinction de l'ordre
et de la dignité peut s'entendre aussi quant à la manière de posséder l'être
et c'est pourquoi il dit : posséder à l'avance et posséder en abondance.
Ainsi donc Dieu, possédant de lui-même un être plus élevé, parmi tous les
autres effets, produisit en premier l'être comme par une certaine
ressemblance, ce qui est, c'est-à-dire l'être en soi lui-même, et
au moyen de l'être lui-même il fit subsister tout ce qui existe d'une
manière ou d'une autre : c'est au moyen de cela en effet qu'une chose est
causée par Dieu, c'est-à-dire à partir de Dieu au moyen de son être même et
ce ne sont pas seulement les autres êtres qui sont causés par lui qui
participent de l'être, mais ce sont aussi les principes des êtres qui
participent de l'être, à la fois selon qu'ils sont et qu'ils sont des
principes. Et en premier lieu il leur appartient d'être en eux-mêmes
et ensuite d'être les principes d'autres êtres. 639. Même si
quelqu'un voulait dire, conformément à l'opinion des Platoniciens, que la vie
par soi, c'est-à-dire la vie qui existe séparément comme principe subordonné
à Dieu, est le principe des vivants en tant que vivants, et que
la ressemblance par soi est le principe des semblables et qu'il
en est de même de tous les autres qui participent d'une principe séparé de la
sorte, quels que soient ceux qui participent de ce principe ou d'un
autre ou bien même qui participent de deux ou de plusieurs
d'entre eux, tu trouveras toujours que de tels principes, bien que les
autres en participent, participent cependant eux-mêmes de l'être lui-même
et on doit d'abord les voir comme participant de l'être plutôt que comme
principes des autres qui en participent. Mais on peut aussi comprendre cela
de la manière suivante, à savoir que la vie par soi soit entendue comme la
vie qui réside dans les vivants et qui serait comme leur principe formel et
qu'il en serait de même pour les autres principes. Donc, si ceux-là
qui sont les principes des autres ne peuvent exister qu’au moyen d'une
participation de l'être, ceux-là même qui participent de ces
derniers principes ne peuvent encore moins exister sans la
participation de l'être lui-même. Et de cette manière il est évident que
c'est au moyen de son être même que Dieu est la cause de tous les êtres. Et
c'est à la suite de cela que Denys conclut son propos principal en disant que
Dieu, qui est la bonté par soi et le premier dispensateur ou
distributeur de ce don aux créatures qu'est l'être par soi, est
à bon droit célébré au moyen de ce nom, à savoir l'être, qui est comme
la plus digne et la principale de ses participations. 640. (268) : Et
l'être même vient d'elle et est en elle...Après avoir montré que tous les
êtres sont en totalité produits par Dieu, Denys veut montrer ici que tous
existent en totalité en Lui ; et à ce sujet il fait deux choses : d'abord, il
présente son propos ; deuxièmement, il en donne l'évidence, là (269) où il
dit : Et en effet... 641. Il dit donc en
premier que l'être par soi lui-même, qui est une participation de
Dieu, non seulement provient de la bonté même de Dieu, mais
qu'il existe aussi en elle et qu'il en est de même pour tous les
principes des êtres et tous les êtres, qu'ils soient substances ou
accidents, et tout ce qui est contenu d'une manière ou d'une autre
dans l'être, comme les êtres imparfaits, comme l'être en puissance et
le mouvement et les autres réalités du même genre. Et afin que personne ne
pense que ces réalités existent en Dieu de la même manière qu'elles existent
en elles-mêmes, il écarte par la suite cette idée. Tous les effets sont en
eux-mêmes finis mais en Dieu ils sont infinis car c'est par l'essence divine
elle-même qu'ils existent ; et c'est pourquoi il ajoute : et cela d'une
manière incompréhensible. Derechef, ils comportent en eux-mêmes
opposition et diversité alors qu'en Dieu ils existent simultanément unis ; et
c'est pourquoi il ajoute : et synthétique. Et encore une fois, ils possèdent
en eux-mêmes une multiplicité alors qu'en Dieu ils sont un ; et c'est
pourquoi il ajoute : et indivisiblement, c'est-à-dire comme s’ils
n’étaient qu’un. 642. Ensuite,
lorsqu'il dit (269) : Et en effet...il prouve son propos ; et en
premier lieu, il le fait au moyen d'exemples ; deuxièmement, au moyen d'un
raisonnement, là (274) où il dit : Le Principe... 643. Au sujet du
premier point, il fait deux choses : d'abord, il présente les exemples ;
ensuite, il argumente au moyen des exemples, là (273) où il dit : Rien
donc... 644. Pour ce qui
est du premier point, il présente quatre exemples, dont le premier porte sur
l'unité et le nombre ; et il dit que le nombre préexiste dans l'unité sous
la forme de l'un, car l'unité est en puissance tout nombre, ainsi que le
dit Boèce dans ses Arithmétiques. Mais Denys dit sous la forme de
l'un car tout ce qui existe dans un autre y existe à la manière de celui
dans lequel il existe ; d'où il suit que le nombre existe dans l'unité à la
manière de l'unité et c'est ce qu'il veut dire par cette expression : sous
la forme de l'un. Et pour la seconde fois, il dit que l'unité contient
en elle-même tous les nombres, car toutes les propriétés de tous les
nombres se retrouvent d'une certaine manière dans l'unité : qu'on reçoive en
effet les nombres soit au cube soit au carré soit sous toute autre
organisation de nombres, on retrouve toujours l'unité première. Et encore une
fois il faut considérer que tous les nombres sont l'un dans l'unité
elle-même et qu'ils se différencient et débouchent d'autant plus sur la
multiplicité qu'ils s'éloignent davantage de l'unité. 645. Il présente le
deuxième exemple en parlant du centre et il dit (270) que c'est dans
le centre que toutes les lignes qui conduisent à la circonférence
existent simultanément comme dans leur principe commun ; et ce signe,
c'est-à-dire ce point qu'on appelle centre, possède en lui-même et sous la
forme de l'un toutes les lignes qui sont unies à la fois les unes aux
autres et au principe d'où elles procèdent, car tout comme
c'est par l'un qu'elles sont conduites à la multiplicité, de même c'est au
centre comme à leur terme que se termine leur multiplicité. Et il faut considérer
que les lignes qui sont parfaitement unies dans le centre, s'éloignant
peu du centre, se distinguent peu les unes des autres ; et il
faut dire qu'elles sont d'autant plus unies au centre
lui-même et les unes aux autres qu'elles sont plus près du centre et
cela sous la forme de l'un ; en effet, elles sont d'autant plus
éloignées les unes des autres qu'elles sont en vérité plus éloignées
du centre, tout comme le nombre qui se multiplie d'autant plus qu'il
s'éloigne davantage de l'unité. 646. Il présente le
troisième exemple en parlant de la nature universelle (271) qui selon Platon
est une substance séparée alors que chez Aristote elle est la puissance du
premier corps naturel. Mais de quelque manière qu'on entende la nature
universelle, il est évident que c'est dans la nature universelle de
toutes les choses naturelles que sont réunies les causes de chaque nature
particulière, non pas à la manière d'un mélange ainsi que les pierres qui
sont réunies dans un tas, mais à la manière d'une unité : tout comme si nous
disions que les causes des êtres pouvant être engendrés sont contenues en
puissance dans le soleil et que toutes les causes des membres du corps
existent en puissance dans la semence. 647. Il présente le
quatrième exemple en parlant de l'âme (272) qui est la cause du corps à la
fois comme cause efficiente, formelle et finale ainsi qu'on le voit au
deuxième livre de l'Âme (318-323) ; et de cette manière, c'est dans
l'âme comme dans leur cause commune qu'existent toutes les puissances
des parties des animaux par lesquelles elle voit à l'avance au bien de tout
le corps. En effet, toutes les puissances s'enracinent dans l'âme comme dans
leur fondement commun. 648. Donc, à partir
de ces exemples il conclut plus loin (273) que nous pouvons, comme à partir
de similitudes obscures, c'est-à-dire qui ne suffisent pas à nous
représenter Dieu d'une manière satisfaisante, nous élever à la
Cause universelle de toute chose au moyen de la ressemblance des
causes particulières afin qu'ainsi, en dépassant par les yeux de
l'esprit tout ce qui est de ce monde, nous considérions toutes les choses
comme existant dans la simplicité en Dieu, lequel est la cause de
toute chose, et que nous voyions que toutes les choses, qui sont opposées
les unes aux autres quant à leur existence dans leur nature propre,
préexistent en Dieu dans la simplicité et l'unité. En effet, le
rapport de la cause universelle à l'égard de tout ce qui existe est le même
que celui de la cause particulière à l'égard de ses effets. 649. Ensuite,
lorsqu'il dit (274) : Le Principe...il prouve la même chose au moyen
d'un raisonnement par lequel la démonstration qui précède se trouve à être
confirmée. En effet, tous les nombreux effets qui proviennent d'un même
principe préexistent sous la forme de l'unité dans ce premier principe. Ainsi
donc il est évident que toutes les choses existent en Dieu dans l'unité, puisqu'Il
est Lui-même le principe de tout. 650. Mais dans
cette causalité de Dieu, il présente d'abord ce qui se rapporte à l'être
lui-même ; et il dit que c'est de Dieu que provient l'être même des
choses ainsi que tout ce qui existe d'une manière ou d'une autre.
En effet, c'est à l'être que se rapportent à la fois le principe de l'être et
la finalité car on les retrouve dans tout ce qui existe ; et c'est pourquoi
il dit que c'est de Lui que provient tout principe et toute finalité. Deuxièmement il présente
ce qui se rapporte à la vie ; et il dit que c'est de Dieu que provient toute
vie et toute immortalité, laquelle est la vie indéfectible. Troisièmement, il
présente ce qui se rapporte à la sagesse ; et il dit que toute sagesse
vient de Dieu. Et comme il appartient au sage d'ordonner, il ajoute : à la
fois tout ordre et toute harmonie, laquelle est la convenance
dans l'ordre. Quatrièmement, il
présente ce qui se rapporte à la puissance ; et il dit que toute puissance
vient de Dieu. Mais c'est à la puissance qu'il appartient de protéger
quelqu'un contre les dangers et par rapport à cela il dit : toute
conservation ; et c'est à elle aussi qu'il appartient d'affermir
quelqu'un dans les choses qui lui conviennent et par rapport à cela il dit : toute
stabilité ; et aussi de diffuser les choses que quelqu'un possède et
c'est à ce sujet qu'il dit : tout partage. Cinquièmement, il
présente ce qui se rapporte spécialement à la connaissance ; c'est pourquoi
il dit : toute intelligence, pour ce qui est des Anges ; tout
discours, c'est-à-dire toute raison pour ce qui est des Hommes ; tout
sens, pour ce qui est des animaux ; et toute vertu par laquelle la
puissance cognitive et la puissance appétitive parviennent à leur achèvement. Sixièmement, il présente
ce qui se rapporte aux corps et là il dit : toute immobilité,
c'est-à-dire tout repos, et tout mouvement. Septièmement, il
présente ce qui se rapporte à l'un et il dit : toute union, prise
universellement ; tout rassemblement, pour ce qui est de l'union des
corps, puis toute amitié pour ce qui est de l'union des sentiments et
enfin tout accord pour ce qui est de l'union des idées et des
jugements. Finalement, il présente
ce qui se rapporte à la multiplicité ; et il dit : toute différence,
c'est-à-dire toute distinction ; et toute définition, c'est-à-dire
toute détermination sur quoi que ce soit : toute chose en effet se détermine
en elle-même au moyen de ce qui la distingue des autres. Et non seulement ces
réalités viennent-elles de Dieu, mais aussi toutes les autres modalités
qui procèdent de l'être et par lesquelles tout ce qui existe est façonné ou
formé. |
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LECTIO 2 [84868] In De divinis
nominibus, cap. 5 l. 2 Postquam Dionysius ostendit Deum universalem
omnium causam essendi, hic ostendit quod est causa omnium particularium
entium, secundum quod sunt in propriis naturis ; et dividitur in partes tres
: in prima, ostendit propositum ; in secunda, determinat de exemplaribus ;
ibi : exemplaria autem et cetera ; in tertia, epilogat quae
supra dicta sunt ; ibi : igitur et cetera. Circa primum,
tria facit : primo, ostendit proprias naturas rerum esse a Deo ; secundo,
infert corollarium ex dictis ; ibi : et propter hoc et
cetera ; tertio, manifestat per exemplum ; ibi : si enim noster sol et
cetera. Circa primum, duo facit : primo, ponit omnes gradus entium a Deo esse
; secundo, quod etiam ipsum esse commune est a Deo ; ibi : et quasdam et
cetera. Circa primum, tria facit : primo, distinguit gradus entium, dicens
eos esse a Deo ; secundo, subiungit gradus supremorum entium ; ibi : et
quidem et cetera ; tertio, distinguit gradus inferiorum entium ; ibi
: et animae et cetera. Dicit ergo primo quod ex universali causa
omnium quae Deus est, sunt substantiae Angelorum, Deo
similium quae sunt intelligibiles, inquantum sunt immateriales et
sunt intellectuales, inquantum habent virtutem intelligendi se et
alia, et iste est primus gradus substantiarum, quae nec corpora sunt, nec
corporibus unita. Secundus gradus est substantiarum quae non sunt corpora,
sed corporibus unita sunt ; et quantum ad hoc dicit : et animarum.
Tertius gradus est substantiarum corporalium ; et quantum ad hoc dicit
: et omnis mundi naturae. In
quarto gradu entium, sunt accidentia quae sunt in novem generibus. Quintus
gradus est eorum quae non sunt in rerum natura, sed in sola cogitatione, quae
dicuntur entia rationis, ut genus, species, opinio et huiusmodi ; et quantum
ad hos duos gradus dicit quod a Deo sunt quocumque modo aliqua
dicantur inesse aliis, sicut accidentia aut esse secundum
cogitationem, sicut entia rationis. Deinde, cum dicit : et quidem et
cetera, distinguit gradus supremorum entium, idest Angelorum qui in tres
partes distinguuntur. Quantum ergo ad Angelos supremae hierarchiae, dicit
quod ab ipsa universali causa omnium et etiam in
ipsa habent et esse et conformitatem ad Deum, virtutes angelicae
supremae hierarchiae, quae sunt sanctissimae propter
perfectam coniunctionem ad Deum et provectissimae propter
altitudinem qua aliis supereminent et sunt collocatae quasi in
vestibulis supersubstantialis divinae Trinitatis : est
enim sententia Dionysii, ut patet in XIII cap. angelicae hierarchiae quod
Angeli supremae hierarchiae ad exteriora non mittuntur et sic in abscondito
altissimae divinae contemplationis constituti, semper assistere dicuntur, ad
similitudinem ministrorum qui cum rege semper morantur, in domibus eius
excubantes. Quantum vero ad Angelos secundae hierarchiae, dicit quod virtutes
angelicae mediae hierarchiae, quae praedictis virtutibus subiiciuntur, subiecte,
idest inferiori modo, a Deo esse habent. Quantum vero ad Angelos infimae
hierarchiae, angelicae virtutes habent esse a Deo, extreme, idest
infimo modo. Sed extremum et infimum dicitur in Angelis per comparationem ad
superiores, sed per comparationem ad nos, sunt supermundanae et super modum
rerum mundanarum Dei bonitatem participant. Deinde, cum dicit : et
animae et cetera, distinguit quosdam gradus in inferioribus,
scilicet in animabus et in corporalibus substantiis ; et hoc dupliciter :
primo, secundum ordinem qui est inter esse et bene esse ; et hoc est quod
dicit quod animae et omnia alia existentia, infra animas, habent
esse et bene esse et denominantur existentia et bene
existentia, inquantum habent esse et bene esse a primo
ente et inquantum sunt in primo ente et entia et bene entia ; et hoc, secundum
eamdem rationem, secundum quam dicuntur haec de Angelis. Secundo,
ostendit gradum in istis quantum ad progressum essendi : huiusmodi enim
incipiunt esse ex ipso primo ente, sicut ex primo principio ; et in ipso
primo ente custodiuntur, idest conservantur, sicut in primo principio quod
est causa non solum faciens, sed et conservans in esse et ad ipsum primum ens
terminantur omnia sicut ad ultimum finem. Huiusmodi autem gradus attribuuntur
substantiis inferioribus, inquantum sunt mutationi subiectae, per quam esse
incipiunt et meliorantur, secundum processum de esse in bene esse. Deinde,
cum dicit : et quasdam et cetera, ostendit quod Deus est
causa ipsius esse communis ; et circa hoc, duo facit : primo, ostendit quod
ipsum esse est omnibus commune ; secundo, ostendit qualiter ipsum esse
commune se habeat ad Deum ; ibi : et ipsum et cetera. Dicit
ergo primo quod Deus distribuit superioribus substantiis quasdam nobiliores
proprietates essendi, per quas superiores substantiae,
vocantur aeternae, quasi semper existentes, secundum illud
Psalmistae : elevamini portae aeternales. Dicuntur autem aeternae
quia, quantum ad aliquid, aeternitatem participant : non quia semper fuerunt,
sed quia, ex quo fuerunt, numquam desinunt esse. Et licet huiusmodi dignitates
essendi superioribus tantum substantiis conveniant, tamen hoc ipsum
quod est esse, ab omnibus existentibus non derelinquitur, quia
nihil potest dici existens nisi habeat esse. Deinde, cum dicit : et
ipsum et cetera, ostendit quomodo esse se habeat ad Deum ; et dicit
quod ipsum esse commune est ex primo ente, quod est Deus, et
ex hoc sequitur quod esse commune aliter se habeat ad Deum quam alia
existentia, quantum ad tria : primo quidem, quantum ad hoc quod alia
existentia dependent ab esse communi, non autem Deus, sed magis esse commune
dependet a Deo ; et hoc est quod dicit quod ipsum esse commune est
ipsius Dei, tamquam ab ipso dependens, et non ipse Deus est
esse, idest ipsius esse communis, tamquam ab ipso dependens. Secundo,
quantum ad hoc quod omnia existentia continentur sub ipso esse communi, non
autem Deus, sed magis esse commune continetur sub eius virtute, quia virtus
divina plus extenditur quam ipsum esse creatum ; et hoc est quod dicit,
quod esse commune est in ipso Deo sicut
contentum in continente et non e converso ipse Deus est
in eo quod est esse. Tertio, quantum ad hoc quod omnia alia existentia
participant eo quod est esse, non autem Deus, sed magis ipsum esse creatum
est quaedam participatio Dei et similitudo ipsius ; et hoc est quod dicit
quod esse commune habet ipsum scilicet
Deum, ut participans similitudinem eius, non autem ipse Deus habet
esse, quasi participans ipso esse. Et ex hoc patet quod ipse Deus est
ipsius esse creati aevum et duratio eius, hoc est durationis
ratio et est etiam principium eius et mensura ;
ita tamen quod ipse est existens ante omnem substantiam
et ante omne ens et ante omne aevum et
non solum est ante, duratione vel ordine, sed etiam causalitate, quia
est omnium substantificator, sicut causa subsistendi omnibus,
est principium essendi omnibus et medietas,
secundum quod duratio et processus omnium est ab eo et est etiam finis in
quem omnia tendunt. Deinde, cum dicit : propter hoc et
cetera, infert conclusionem ex dictis ; et dicit quod, propter hoc quod
Deus est principium omnibus, in sacra Scriptura ipse Deus qui vere
praeexistit omnibus, multipliciter laudatur secundum omnem
rationem existentium. Dicitur enim de eo, quod erat et
est et futurus est, per quod intelligitur quod factum est,
idest praeteritum et quod fit, idest praesens et quod fiet,
idest futurum. Quod quidem non est intelligendum quasi esse divinum subiaceat
tempori, sed per hoc significatur his qui possunt intelligere divina, ut
decet secundum Deum, quod omne esse, secundum quamcumque
rationem essendi, supersubstantialiter existit in eo, qui
omnium existentium est causa : non enim esse suum est finitum per aliquam
naturam determinatam ad genus vel speciem, ut possit dici, quod est hoc et
non est illud, ut sunt determinatae etiam substantiae spirituales ; neque
etiam per locum, ut possit dici quod est hic et non est ibi, sicut accidit in
corporibus, sed ipse quasi omnium causa est omnia, idest omne
esse in se praehabet et in ipso comprehenduntur et praehabentur principia
omnium entium et fines ; non tamen eodem modo sicut in ipsis rebus, sed
ipse est super omnia, sicut ante omnia supereminenter
existens. Et quia in ipso, quodammodo, sunt omnia, quasi in se omnia
comprehendente, simul de ipso omnia praedicantur et simul ab
ipso omnia removentur, quia nihil est omnium, sed super omnia ;
sicut dicitur quod ipse est omnis figurae, inquantum omnes in
ipso praeexistunt et tamen est sine figura, quia non habet esse ad modum
rerum figuratarum ; et eadem ratione est omnis pulchritudinis et tamen sine
pulchritudine, inquantum scilicet ipse in seipso
incomprehensibiliter et excellenter praeaccipit principia,
media et fines, non secundum aliquam corruptionem, sed ex hoc quod ipse
secundum unitatem unam, omnibus esse infundit, superlucendo eis absque sui
maculatione : non enim est alterans alteratum, sicut in corporibus accidit.
Deinde, cum dicit : si enim noster sol et cetera, manifestat
quod dixerat per exemplum sensibile ; et dicit quod noster sensibilis sol,
unus existens et uniformiter lumen infundendo omnibus, omnia
sensibilia et quantum ad substantias et quantum ad qualitates,
renovat, quibusdam corruptis alia de novo generando, sicut in plantis et
in vitibus ex gelu percussis apparet ; et nutrit omnia
viventia ; et custodit, idest conservat universaliter omnia, tam
viventia quam non viventia ; et perficit, idest ad vitam et
debitam perfectionem adducit ; et discernit, idest distinguit
sensibilium diversitatem ; et unit, ex multis unum constituendo ;
et plantas hieme per frigus exsiccatas reflorere facit, etiam
infra tecta conclusas et facit eas germinare, et eius virtute generantur
plantae et animalia ; et commutat ea quae commutantur in
rerum natura ; et collocat, idest firmiter esse et convalescere
facit unumquodque in suo loco vel etiam in suis principiis ; iterum, ex
planta facit prodire fructus et semina et alias plantas ; et
sursum movet alimentum a radice plantarum ad summitates ipsarum
; et vivificat omnia quae vivunt ; et unumquodque omnium
naturalium corporum, secundum suam proprietatem, participat virtutem
unius et eiusdem solis. Ex quo patet, quod unus et idem sol in seipso
causaliter praeaccepit uniformiter, idest secundum suam virtutem,
ea quae a diversis participantur : non enim effectus participarent causam,
nisi causa in se praehaberet causaliter ea quae sunt effectuum. Eadem autem
est proportio causae particularis ad suos particulares effectus et causae
universalis ad suos ; quinimmo plus influit causa universalis ad suos
effectus, quam causa particularis. Si igitur in sole secundum unam eius
virtutem praeexistunt uniformiter omnes eius effectus, multo magis in Deo,
qui est causa et ipsius solis et omnium existentium,
concedendum est quod praeexistant exemplares rationes omnium entium secundum
unitatem supersubstantialem, quae scilicet omnino substantiarum unitates
excedit. Sic enim omnia praeexistunt in Deo, sicut ipse omnium est
productivus ; producit autem omnes substantias secundum virtutem quae excedit
substantias omnes ; unde sequitur quod omnia in Deo praeexistant, secundum
virtutem substantialiter unam. |
Leçon 2 (35a) : Que Dieu est la cause de tous les êtres particuliers quant à ce qu'ils sont dans leur nature propre.651. Après avoir montré que Dieu est la cause
universelle de l'être de toutes les choses, il s'apprête à montrer ici qu'il
est la cause de tous les êtres particuliers quant à ce qu'ils sont dans leur
nature propre ; et il divise cette section en trois parties : dans la
première, il montre son propos ; dans la deuxième, il traite des modèles là
(282) où il dit : Mais les Modèles...(leçon 3a) ; dans la troisième il
résume ce qui a été présenté là (284) où il dit : Donc... 652. Sur le premier point, il fait trois choses :
d'abord, il montre que les natures propres des choses proviennent de Dieu ;
deuxièmement il tire une conséquence de ce qu'il a montré, là (280) où il dit
: Et à cause de cela... ; troisièmement, il la manifeste par un
exemple, là (281) où il dit : Si en effet notre soleil... 653. Au sujet du premier point, il fait deux choses
: d'abord, il affirme que tous les degrés des êtres viennent de Dieu ;
deuxièmement, que l'être commun lui-même vient de Dieu, là (278) où il dit : Et
certaines... 654. Au sujet du premier point, il fait trois
choses : d'abord, il distingue tous les degrés des êtres, en disant qu'ils
viennent tous de Dieu ; deuxièmement, il ajoute les degrés des êtres
supérieurs là (276) où il dit : Et certes... ; troisièmement, il
distingue les degrés des êtres inférieurs là (277) où il dit : Et les âmes... 655. Il dit donc en premier que les substances des
Anges, lesquelles sont semblables à Dieu en quelque sorte en ceci
qu'elles sont intelligibles, selon qu'elles sont immatérielles, et intellectuelles
selon qu'elles ont la capacité de se comprendre et de comprendre les autres
êtres, proviennent de la Cause universelle de tous les êtres
qui est Dieu ; et c'est là le premier degré des substances qui ne sont ni des
corps ni unies à des corps. Le
deuxième degré des substances est celui des êtres qui ne sont pas des corps
mais qui sont unis à des corps ; et c'est quant à ceux-là qu'il dit : et
des âmes... Le
troisième est celui des substances corporelles ; et c'est quant à elles qu'il
dit : et de toute nature de l'univers. Dans
le quatrième degré, il place les accidents qui se divisent en neuf genres. Le
cinquième degré se rapporte aux êtres qui n'ont pas d'existence dans la
nature des choses mais seulement dans la pensée et qui pour cela sont appelés
êtres de raison, tels le genre, l'espèce, l'opinion et d'autres êtres de
raison de même sorte ; et quant à ces deux derniers degrés, il dit qu'ils
viennent de Dieu les êtres qu'on dit exister en autre chose d'une manière
ou d'une autre, comme les accidents, et ceux qu'on dit exister
dans la pensée, comme les êtres de raison. 656. Ensuite lorsqu'il dit (276) : Et certes...il
distingue les degrés des êtres supérieurs, c'est-à-dire des Anges, lesquels
se divisent en trois catégories. Donc quant aux Anges de la hiérarchie
supérieure, il dit au sujet des puissances angéliques de cette
hiérarchie supérieure, qui sont les plus saintes à cause de leur union
parfaite à Dieu et les plus avancées à cause de leur élévation par
laquelle ils dominent les autres et sont établies comme dans les
vestibules supra-substantiels de la divine Trinité, que c'est de
la Cause universelle même de tous les êtres et même en Elle
qu'ils tiennent à la fois leur être et leur conformité à Dieu : c'est
là en effet l'opinion de Denys ainsi qu'il apparaît au chapitre 13 de la Hiérarchie
angélique, à savoir que les Anges de la hiérarchie supérieure n'ont pas
de mission à l'extérieur et que, ainsi établis dans les secrets de la plus
haute contemplation divine, ils se tiennent toujours auprès de Dieu, à la
ressemblance des ministres qui demeurent toujours auprès du roi en montant la
garde dans ses maisons. En
vérité quant aux Anges de la deuxième hiérarchie il dit que ces puissances
angéliques intermédiaires, qui sont subordonnées aux précédentes, reçoivent
leur être de Dieu au-dessous des premières, c'est-à-dire d'une manière
inférieure. Quant
aux Anges qui appartiennent à la hiérarchie la plus inférieure, ces
puissances angéliques tiennent leur être de Dieu selon l'ordre le plus bas,
c'est-à-dire de la manière la plus humble. Mais
on dit que cette dernière hiérarchie des Anges est la plus humble et la plus
inférieure en comparaison avec la hiérarchie la plus élevée des Anges, mais
comparativement à nous, les Anges de cette hiérarchie sont bien
au-dessus des hommes et ils participent de la bonté de Dieu d'une manière qui
dépasse les choses de notre monde. 657. Ensuite, lorsqu'il dit (277) : Et les âmes...il
distingue certains degrés des substances inférieures, c'est-à-dire ceux des
âmes et des substances corporelles, et il le fait de deux manières : d'abord,
selon le rapport qu'il y a entre l'être et le bien être ; et c'est ce qu'il
dit, à savoir que les âmes et tous les autres êtres qui sont
inférieurs à ceux qui possèdent une âme possèdent l'être et le bien-être
et on dit qu'ils existent et qu'ils existent bien selon qu'ils
tiennent du premier Être leur être et leur bien-être et selon que
c'est en Lui qu'ils ont cet être et ce bien-être. Et la même chose se dit
aussi des Anges pour la même raison. Deuxièmement,
il montre les étapes qu'on y retrouve quant à la progression dans l'être :
c'est de cette manière en effet qu'ils commencent à exister à partir
du premier Être lui-même comme à partir du premier principe ; et
c'est dans le premier Être lui-même qu'ils sont ensuite protégés,
c'est-à-dire conservés, comme dans leur premier principe qui est non seulement
la cause qui les produit dans l'être mais aussi celle qui les conserve dans
l'être, et enfin c'est auprès de ce premier Être lui-même, qui
est la finalité ultime en laquelle ils trouvent tous leur perfection, qu'ils
terminent leur course . Mais les degrés de cette progression s'attribuent aux
substances inférieures parce qu'elles sont soumises au changement par lequel
elles commencent à exister et s'acheminent vers leur perfection selon une
progression qui va de l'être au bien-être. 658. Ensuite, lorsqu'il dit (278) : Et certaines...il
montre que Dieu est la cause de l'être commun lui-même ; et à ce sujet, il
fait deux choses : d'abord, il montre que l'être lui-même est commun à tous ;
deuxièmement, il montre comment l'être commun lui-même se rapporte à Dieu, là
(279) où il dit : Et l'être lui-même... 659. Il dit donc en premier que Dieu distribua aux
substances supérieures certaines qualités de l'être qui sont plus
nobles et au moyen desquelles ces dernières sont appelées éternelles
ou qui existent toujours, ainsi que l'affirme ce passage du Psalmiste (23, 7)
: ¨Haussez-vous, portails éternels¨. On les appelle éternelles car
sous un certain rapport, elles participent de l'éternité : non pas parce
qu'elles ont toujours existé, mais parce qu'à partir du moment où elles ont
commencé à exister, jamais elles ne cesseront d'exister. Et bien que les
qualités d'existence de cette sorte appartiennent seulement aux
substances supérieures, cependant l'être en soi lui-même ne peut abandonner
aucun de ceux qui existent, car on ne peut dire d'aucun être qu'il existe
à moins qu'il ne possède l'être. 660. Ensuite, lorsqu'il dit (279) : Et l'être
lui-même...il montre comment l'être se rapporte à Dieu ; et il dit que l'être
commun lui-même vient du premier Être qui est Dieu et il
suit de là que l'être commun se rapporte à Dieu autrement qu'aux autres êtres
sous trois rapports : premièrement certes quant à ceci que les autres êtres
dépendent de l'être commun, ce qui n'est pas le cas pour Dieu, mais au
contraire c'est l'être commun qui dépend de Dieu ; et c'est ce que Denys veut
dire en disant que l'être commun vient de Dieu lui-même, qu'il
en dépend, et ce n'est pas Dieu lui-même qui vient de l'être,
c'est-à-dire de l'être commun lui-même, comme s'il en dépendait. Puis
il le montre deuxièmement quant à cela que tous les êtres sont contenus sous
l'être commun lui-même mais non pas Dieu et c'est plutôt l'être commun qui
est contenu sous la puissance de Dieu, car cette dernière est plus vaste que
l'être créé lui-même ; et c'est ce qu'il dit, à savoir que l'être
commun est en Dieu lui-même comme le contenu est dans le
contenant et que ce n'est pas Dieu lui-même qui à l'opposé serait
en lui, c'est-à-dire en l'être, comme dans son contenant. Troisièmement,
il le montre quant à cela que tous les autres êtres participent de ce qui est
l'être contrairement à Dieu mais c'est plutôt l'être créé lui-même qui est
une participation de Dieu et comme une image de Lui ; et c'est ce qu'il dit,
à savoir que c'est l'être commun qui a de la Divinité en tant
que participant de sa ressemblance et que ce n'est pas Dieu lui-même
qui a de l'être comme s'il participait de l'être lui-même. Et de là il
est évident que Dieu lui-même est l'éternité et la durée de l'être
créé, c'est-à-dire la cause de sa durée et en même temps son principe
et sa mesure ; de telle manière cependant que Lui-même existe
antérieurement à toute substance et antérieurement à tout
être et antérieurement à toute éternité et non seulement
il est antérieur selon la durée et l'ordre, mais aussi selon la causalité car
Il est l'architecte de tout ce qui existe, comme la cause qui soutient
toute chose, il est pour tous les êtres le principe et le moyen par
lequel ils existent, selon que la durée et la procession de tous les êtres
viennent de Lui, et il est encore la finalité vers laquelle tous
tendent. 661. Ensuite, lorsqu'il dit (280) : À cause de
cela...il tire une conclusion de ce qu'il vient de dire ; et il dit que
parce que Dieu est le principe de toute chose, Dieu lui-même qui préexiste en
vérité à toute chose est loué dans les Saintes Écritures de plusieurs
manières, d'après toutes les formes d'existences. On dit en effet de Lui dans
l'Apocalypse (1, 8) qu'Il était, qu'Il est et qu'Il sera, et par là on
doit entendre à la fois qu'il devint, c'est-à-dire qu'il est dans le
passé, qu'il devient, c'est-à-dire qu'il est dans le présent et qu'il
deviendra, c'est-à-dire qu'il est dans le futur. Il ne faut certes pas
entendre par là que l'être divin est comme soumis au temps mais pour ceux qui
sont capables de saisir quelque chose de la réalité divine, cela signifie,
conformément à ce qui convient à Dieu, que tout être, d'après
n'importe quelle définition de l'être, existe supra-substantiellement
en Lui qui est la cause de tous les êtres : son Être en effet n'est
pas enfermé dans une nature déterminée par un genre ou une espèce de sorte
qu'on dirait de lui qu'il est ceci et n'est pas cela ainsi
qu'on le fait même pour les natures déterminées que sont les substances
spirituelles ; ni non plus dans un lieu de sorte qu'on dirait de lui
qu'Il est ici et n'est pas là ainsi qu'on le fait pour les
corps, mais Lui-même, en tant que cause de tout, est toute chose,
c'est-à-dire qu'il possède en Lui à l'avance tout être et que les
principes de tous les êtres ainsi que leurs finalités sont compris et
possédés à l'avance en Lui ; non pas cependant de la même manière qu'ils
existent dans les choses car Lui-même est au-dessus de tout ce qui existe
tout comme il existe antérieurement à toute chose d'une manière
surélevée. Et parce que toutes les choses sont en Lui d'une certaine manière,
comme s'il les embrassait toutes, toutes Lui sont attribuées et en
même temps toutes sont niées de Lui car Il n'est rien de toutes ces
choses mais il les transcende toutes ; ainsi on dit de Lui qu'il est toutes
les figures selon qu'elles préexistent toutes en Lui ; et cependant on
dit aussi de Lui qu'Il en est complètement dépourvu parce qu'Il ne possède
pas l'être à la manière des choses qui ont une figure ; et pour la même
raison il possède toute beauté et cependant il est sans beauté, à
savoir selon qu'Il recueille en Lui-même de la manière la plus
incompréhensible et la plus excellente les principes, les moyens et les
finalités non pas selon un mode qui est sujet à corruption, mais du seul
fait qu'Il répand l'être en tout conformément à son unité unique,
en les éclairant avec abondance sans que Lui-même en soit affaibli : il n'est
pas en effet, comme les corps, un moteur qui est mû. 662. Ensuite, lorsqu'il dit (281) : Si en effet
notre soleil...il manifeste au moyen d'un exemple sensible cette
conclusion ; et il dit que notre soleil accessible par les sens, étant
existant d’une manière unique et répandant uniformément sa lumière sur
toutes les choses, renouvelle toutes les choses sensibles à la fois
quant à leur substance et à leurs qualités en engendrant de
nouveaux êtres à partir de ceux qui se corrompent ainsi qu'il apparaît dans
les plantes et les vignes frappées par le gel ; et de plus il
nourrit tous les vivants ; et il les protège, c'est-à-dire qu'il
conserve la totalité des êtres, tant les vivants que les non vivants ; et
il les achève, c'est-à-dire qu'il les conduit à la vie et à la perfection
qui leur est due ; et il les sépare, c'est-à-dire qu'il distingue la
diversité des êtres sensibles ; et il les unit en constituant un être
à partir d'une multiplicité ; et il fait refleurir les plantes qui ont
été desséchées par le froid en hiver, même celles qui sont enfermées sous
leur abri, et il les fait germer et c'est par sa puissance que les
plantes et les animaux sont engendrés ; et il change complètement ce qui
est changé dans la nature des choses ; et il les établit, c'est-à-dire
qu'il fait exister fermement et rétablit chaque chose dans son lieu ou encore
dans ses principes ; encore une fois, à partir de la plante il fait
produire les fruits et les semences ainsi que les autres plantes ; et de
la racine des plantes jusqu'à leur sommet, il dirige leur nourriture vers
le haut ; et il vivifie tous ceux qui vivent ; et chacun de
tous les êtres naturels, selon la capacité qui lui est propre, participe
de la puissance d'un seul et même soleil. À
partir de là il devient évident que c'est l'unique et même soleil
qui porte en lui-même et à l'avance à la manière d'une
cause et d'une manière synthétique, c'est-à-dire conformément à sa
puissance, tout ce dont participe la multiplicité des êtres : les effets ne
peuvent participer d'une cause que si la cause possède à l'avance en
elle-même et à la manière d'une cause ce qui appartient aux effets. Mais
le rapport d'une cause particulière à l'égard de ses effets particuliers est
identique à celui de la cause universelle à l'égard de ses effets ; bien
plus, la cause universelle pénètre davantage dans ses effets que la cause
particulière ne le fait dans les siens. Si donc dans le soleil préexistent
uniformément tous ses effets conformément à une puissance unique, il faut bien
davantage concéder qu'en Dieu, qui est la cause de tout ce qui existe
y compris du soleil lui-même, préexistent les causes exemplaires de
tous les êtres conformément à une unité supra-substantielle,
c'est-à-dire qui dépasse complètement les unités des substances. Ainsi en
effet toutes les choses préexistent en Dieu puisque ce dernier est leur cause
productrice ; mais Il produit toutes les substances selon une puissance qui
dépasse toutes les substances ; d'où il suit que toutes les substances
préexistent en Dieu selon une puissance qui est substantiellement une. |
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LECTIO 3 [84869] In De divinis
nominibus, cap. 5 l. 3 Postquam Dionysius ostendit Deum esse causam
omnium entium secundum proprias naturas, hic determinat de exemplaribus rerum
secundum quae, quaecumque res in propriis naturis productae esse videntur ;
et circa hoc, duo facit : primo enim ostendit quae sunt rerum exemplaria ;
secundo, excludit errorem ; ibi : si autem et cetera. Circa
primum, considerandum est quod Platonici, ponentes Deum esse totius esse
causam, quia credebant quod idem non posset esse causa plurium, secundum
propria in quibus differunt, sed solum secundum id quod est omnibus commune,
posuerunt quasdam secundas causas per quas res ad proprias naturas
determinantur et quae communiter esse a Deo recipiunt et has causas
exemplaria rerum vocabant, sicut exemplar hominis dicebant quemdam hominem
separatum, qui esset causa humanitatis omnibus singularibus hominibus ; et
similiter de aliis. Sed Dionysius, sicut dixerat Deum esse causam totius esse
communis, ita dixerat eum esse causam proprietatis uniuscuiusque, unde
consequebatur quod in ipso Deo essent omnium entium exemplaria. Quod quidem
hoc modo intelligi oportet : Deus enim, etsi sit in essentia sua unus, tamen
intelligendo suam unitatem et virtutem, cognoscit quidquid in eo virtualiter
existit. Sic igitur cognoscit ex ipso posse procedere res diversas ;
huiusmodi igitur quae cognoscit ex se posse prodire rationes intellectae
dicuntur. Non autem omnes huiusmodi rationes exemplaria dici possunt :
exemplar enim est ad cuius imitationem fit aliud ; non autem omnia quae scit
Deus ex ipso posse prodire, vult in rerum natura producere ; illae igitur
solae rationes intellectae a Deo exemplaria dici possunt, ad quarum
imitationem vult res in esse producere, sicut producit artifex artificiata ad
imitationem formarum artis quas mente concepit, quae etiam artificialium
exemplaria dici possunt. Hoc est ergo quod dicit, quod exemplaria
dicimus esse non res aliquas extra Deum, sed in ipso intellectu
divino quasdam existentium rationes intellectas, quae sunt
substantiarum factivae, et praeexistunt in Deo singulariter, idest
unite et non secundum aliquam diversitatem ; et huiusmodi rationes sacra
Scriptura vocat praediffinitiones sive praedestinationes,
secundum illud Rom. 8 : quos praedestinavit hos et vocavit et
vocat etiam eas, divinas et bonas voluntates, secundum illud
Psalm. 110 : magna opera domini, exquisita in omnes voluntates eius.
Quae quidem praediffinitiones et voluntates sunt distinctivae entium et
effectivae ipsorum, quia et secundum huiusmodi rationes,
supersubstantialis Dei essentia praedeterminavit et
omnia produxit. Deinde, cum dicit : si autem philosophus Clemens et
cetera, excludit contrarium errorem ponentium exemplaria rerum esse quaedam
suprema entia separata et imponit hunc errorem cuidam Clementi philosopho ;
et dicit quod si ille philosophus approbat quod quantum ad aliquid ea quae
sunt principaliora in existentibus dicuntur inferiorum exemplaria, non
procedit eius ratio per nomina propria et perfecta et simplicia :
exemplar enim est secundum quod fit aliud ut sic exemplar imitetur ; res
autem non sunt factae ad hoc ut imitentur aliqua superiora entia, sed ad hoc
quod in eis impleatur quod divina sapientia ordinavit ; unde non sunt proprie
rerum exemplaria, quaecumque rerum principalia. Similiter etiam non sunt
perfecta exemplaria, cum et ipsa aliis exemplaribus indigeant. Non sunt etiam
simplicia, quia sunt simul exemplaria et exemplata. Sed si et hoc concedatur
quod hoc recte dici possit quod superiora sunt inferiorum exemplaria
inquantum inferiora imitantur secundum quod possunt superiora, tamen commemoranda
est sacrae Scripturae sententia quae dicit : non monstrabo tibi
illa, scilicet superiora entia ut eas post illa, sed ut cognoscendo
ista secundum nostram proportionem elevemur, prout possumus, ad cognoscendum omnium
causam. Sic ergo concedi potest quod sunt exemplaria, non quidem ut eis
finaliter conformemur, sed ut per eorum considerationem tendamus in Deum, cui
conformari debemus. Sumitur autem sententia illa sacrae Scripturae, ex hoc
quod dicitur Deuter. 4 : ne forte (inquit) oculis
elevatis ad coelum, videas solem et lunam et omnia astra coeli et errore
deceptus adores ea. Deinde, cum dicit : igitur et
cetera, epilogat quae supra dicta sunt, ostendens quomodo Deus habet
universalem habitudinem ad omnia. Concludit ergo primo ex praemissis,
quod omnia sunt ei attribuenda, non quidem secundum aliquam
compositionem, sed secundum aliquam simplicem unitatem. Et hoc ideo quia ipse
Deus incipit suam perfectionem aliis communicare ab ipsa processione essendi
per quam res substantificantur et ab ipsa processione bonitatis ; haec enim
inveniuntur primo inter ea quae a Deo procedunt in creaturas : esse et bonum
; posteriora enim his sunt vita et sapientia, et huiusmodi processio esse et
bonitatis vadit per omnia entia, quia omnia sunt entia et bona, non omnia
sunt viventia vel sapientia ; et sic omnia implentur ex participatione ipsius
esse et sic in omnibus existentibus exultat per quamdam existentiam. Quia
igitur sic omnibus esse largitur divina essentia, omnia in seipsa
praehabet, non quidem secundum aliquam compositionem, sed secundum
simplicissimam unitatem, omnem pluralitatem refutans.
Sic igitur prima universalis habitudo est quod essentia divina omnia
in seipsa praehabet. Secunda est quod omnia in
esse continet et conservat secundum simplicem sui infinitam
unitatem. Tertia universalis habitudo est quod singularis et una
existens participatur ab omnibus, sicut et vox, una
et eadem existens, participatur a multis audientibus : est enim vox una
secundum principium, multiplex vero secundum diffusionem. Ex his autem
concludit quartam universalem habitudinem scilicet quod divina essentia
est principium omnium existentium et finis non quidem quod
per existentia generetur, sicut sanitas generatur per medicinam, sed sicut
qui existentibus praeexistit : principium quidem est
omnium, sicut causa factiva rerum ; finis vero sicut
cuius gratia fiunt omnia ; et ipse est etiam terminus omnium
: cuiuslibet enim motus terminatio est ad divinam essentiam et ab ipsius
infinitate derivatur omnis infinitas et omnis finis sicut a causa excedente
quae producit opposita ; quia neutri appropriatur tamquam ad unum eorum
limitata. Ratio quare potest esse omnium causa est ista : quia omnia
existentia praehabet in sui unitate ; et quia ex eo quod habet
unumquodque et causat aliquid ad similitudinem sui, sequitur quod ille qui in
se habet omnia, subsistere facit omnia, praesens
omnibus rebus et ubique, non secundum diversas sui
partes, sed secundum unum et idem et secundum idem est
omnia, inquantum in sua simplici essentia, omnia virtualiter praeexistunt ;
et similiter secundum idem procedit ad omnia causative et tamen manet in
seipso, immutabilis existens in causando et stans est inquantum non mutatur
et motus inquantum diffundit ad alia sui similitudinem. Et omnia ista quae de
Deo affirmamus, possunt etiam ab eo negari, quia non ita conveniunt ei sicut
inveniuntur in rebus creatis et sicut intelliguntur a nobis et significantur.
Unde, licet bene dictum sit quod sit principium omnium et finis, tamen neque
habet principium neque medium, neque finem. Et licet dictum sit quod est
praesens omnibus et ubique, tamen non est in aliquo existentium, eo modo quo
unum creatum dicitur esse in alio. Et licet dictum sit, quod ipse est omne
existens, non tamen est aliquid existens de numero existentium creatorum. Et
universaliter non convenit ei aliquid de numero creatorum vel existentium
aeternaliter, idest supra tempus vel etiam subsistentium
temporaliter, sed separatur per quamdam eminentiam et a tempore quod
mensurat motum et mutabilia et ab aevo quod mensurat ipsum esse et ea quae
existunt immutabiliter ; et etiam separatur ab his quae sunt in aevo et
tempore per eminentiam quamdam. Et ideo ipsum aevum et ea
quae sunt et quaecumque aliae mensurae entium et ea quae
huiusmodi mensuris mensurantur, sunt per ipsum, quia
similitudinem eius habent sicut primi exemplaris et ab ipso,
sicut a primo activo principio. |
Leçon 3 (36a) : Les Modèles.663. Après avoir montré que Dieu est la cause de
tous les êtres jusque dans leur nature propre, Denys détermine ici des
modèles des choses d'après lesquels toutes les choses semblent être produites
jusque dans leur nature propre ; et à ce sujet il fait deux choses : d'abord
en effet il montre quels sont ces exemplaires des choses ; deuxièmement, il
écarte une erreur, là (283) où il dit : Si cependant... 664. Au sujet du premier point, il faut considérer
que les Platoniciens, tout en affirmant que Dieu est la cause de tout être,
comme ils croyaient cependant que le même principe ne peut être la cause de
nombreux effets quant à ce qui leur est propre et qui les distingue,
pensaient qu'il existe certaines causes secondes, au moyen desquelles les
choses sont déterminées dans leur nature propre, et qui reçoivent toutes leur
être de Dieu ; et ces causes, ils les appelaient les exemplaires des choses ;
ainsi par exemple ils disaient que l'exemplaire de l'homme est un homme
séparé qui serait pour tous les hommes individuels la cause de leur humanité
; et ils prétendaient qu'il en était de même pour toutes les autres espèces
d'individus. Mais Denys, qui avait affirmé que Dieu est la cause de la
totalité de l'être pris universellement (660), affirmait encore qu'Il
est la cause de ce qui est propre à chaque espèce d'être (655, 662)
; d'où il s'ensuivait pour lui que c'est en Dieu lui-même que sont les
exemplaires de tous les êtres. 665. Ce qui doit certes être compris de cette
manière : Dieu en effet, bien qu'Il soit un en son essence, tout en
comprenant son unité et sa puissance, connaît aussi tout ce qui existe en
puissance en Lui. Ainsi donc il connaît que différentes choses peuvent
provenir de Lui-même ; c'est donc de cette manière que ce qu'il sait pouvoir
provenir de Lui est dénommé nature conceptualisée. Ce ne sont cependant pas
toutes les natures de cette sorte qui peuvent être appelées exemplaires : un
exemplaire en effet est ce à partir de quoi une chose est produite par mode
d'imitation. Et ce n'est pas tout ce que Dieu sait pouvoir provenir de Lui
qu'Il veut produire dans la nature des choses ; ce sont donc seulement les
natures conceptualisées à partir desquelles Dieu veut produire des choses
dans l'existence par mode d'imitation qui peuvent être appelées exemplaires ;
il en est de même chez l'artisan qui produit des choses artificielles qui
imitent les formes artificielles qu'il conçoit dans son esprit, ces dernières
pouvant aussi être appelées exemplaires des formes artificielles. 666. Et c'est justement là ce que dit Denys, à
savoir que nous disons que les exemplaires ne sont pas comme
des choses qui existeraient en dehors de Dieu, mais plutôt qu'ils existent dans
l'intelligence divine elle-même, à titre de natures conceptualisées
des êtres, qui sont productrices des substances et qui préexistent en Dieu
sous une forme simple, à savoir dans l'unité et non dans leur
diversité ; et les natures de cette sorte, les Saintes Écritures les appellent
préconceptions ou prédestinations selon ce qu'en dit ce passage de la
Lettre aux Romains (8, 30) : ¨Ceux qu'il a prédestinés, il les a aussi
appelés¨ et les Écritures les appellent aussi divines et bonnes volontés,
selon ce passage du Psalmiste (110, 2) : ¨Grandes sont les oeuvres du
Seigneur, exquises en toutes ses volontés¨. Certes ce sont ces
préconceptions et ces volontés qui sont à l'origine de la distinction et de
la production des êtres, car c'est d'après ces préconceptions
que l'essence supra-substantielle de Dieu fixa à l'avance et
produisit tous les êtres. 667. Ensuite, lorsqu'il dit (283) : Si cependant
le philosophe Clément...il écarte l'erreur opposée de ceux qui prétendent
que les exemplaires sont des êtres suprêmes séparés et il impute cette erreur
à un philosophe nommé Clément et il dit que si ce philosophe
est d'avis sous un certain rapport que ceux qui sont supérieurs
parmi les êtres sont appelés les exemplaires de ceux qui sont
inférieurs, son raisonnement ne procède pas d'une manière de
s'exprimer qui soit appropriée, parfaite et simple : un exemplaire en
effet est ce d'après quoi une chose est produite de manière à imiter
l'exemplaire ; mais les choses ne sont pas produites pour imiter des êtres
supérieurs mais pour qu'en elles soit accompli ce que la sagesse divine a
planifié ; d'où il suit que ce n’est pas tout ce qui est à l’origine des
choses qui est à proprement parler un exemplaire des choses. De même encore
ils ne sont pas des exemplaires parfaits puisqu'eux-mêmes ont besoin
d'autres exemplaires. Et ils ne sont pas non plus simples car ils sont
à la fois des exemplaires et des copies. 668. Mais si on concédait qu'on peut dire avec
raison que les êtres supérieurs sont les exemplaires des inférieurs pour
autant que les inférieurs imitent les supérieurs dans la mesure où ils le
peuvent, il faut cependant se rappeler la parole des Saintes Écritures qui
dit : Je ne te montrerai pas ceux-là, c'est-à-dire les êtres
supérieurs, pour que tu t'attaches à eux, mais pour qu'en les
connaissant proportionnellement à nos capacités nous nous élevions, dans
la mesure du possible, à la connaissance de la Cause de tous
les êtres. Ainsi
donc on peut concéder que les êtres supérieurs sont des exemplaires, non pas
certes pour que nous nous conformions ultimement à eux, mais pour qu'en les
examinant nous tendions vers Dieu auquel nous devons ultimement nous
conformer. Et cette manière de voir est tirée des Saintes Écritures, à partir
de ce qui est dit dans le Deutéronome (4, 19) : ¨Quand tu élèveras les
yeux vers le ciel, quand tu verras le soleil, la lune, les étoiles et toute
l'armée des cieux, ne vas pas te laisser entraîner à te prosterner devant eux
et à les servir¨. 669. Ensuite, lorsqu'il dit (284) : Donc...il
résume ce qui a été dit plus haut en montrant comment Dieu est le maître de
tout l'univers. Il conclut donc en premier lieu à partir de ce qui a été dit
que tout ce qui existe doit Lui être attribué, non certes par
mode de composition, mais à la manière d'une unité simple. Et il en
est ainsi parce que c'est par la procession même de l'être opérée par
sa bonté, grâce à laquelle les choses reçoivent leur substance, que
Dieu lui-même commence à donner leur perfection aux autres êtres ; l'être et
le bien sont en effet ce qu'on retrouve en premier dans tout ce qui procède
de Dieu dans les créatures ; après eux en effet on y voit apparaître la vie
et la sagesse et cette procession de l'être et de la bonté, elle passe à
travers tout ce qui existe, car tous ont de l'être et de la bonté,
mais tous ne participent pas de la vie ou de la sagesse ; et ainsi tous
sont comblés de la participation de l'Être lui-même et ainsi l'Être
trouve à se réjouir dans tout ce qui existe. Donc
parce que l'essence divine est ainsi distribuée à tous les êtres, elle les
possède à l'avance en Elle-même, non certes par mode de composition, mais
selon l'unité la plus simple qui répugne à toute pluralité.
Ainsi donc le premier rapport universel de Dieu à ses créatures, c'est qu'Il
les possède toutes à l'avance en Lui-même. 670. Le deuxième rapport est qu'Il les garde
toutes dans l'être et qu'Il les conserve selon l'unité infinie et
simple qui Lui est propre. 671. Le troisième rapport universel est que tous
participent de l'existence d'une seule et même Essence individuelle tout
comme de nombreux auditeurs participent de l'existence d'un seul et même
son de voix : en effet le son de voix est un quant au principe mais
multiple en vérité quant à ceux auxquels il parvient. 672. Et de là il termine avec un quatrième rapport
universel, à savoir que l'essence divine est à la fois le principe et la
fin de tous les êtres, non certes qu'elle soit engendrée au moyen de ces
êtres, comme la santé est engendrée au moyen de la médecine, mais elle est un
principe et une finalité qui préexistent à tous les êtres : Elle est Principe
de tous certes, en tant que cause productrice de toutes les
choses ; mais Elle est leur finalité car elle est ce en vue de quoi
toute chose est réalisée ; et Elle est encore le terme de toute chose
: en effet tout mouvement a pour terme l'essence divine et c'est de
l'infinité de cette dernière que toute infinité et toute finalité proviennent
comme d'une cause transcendante qui produit les opposés ; et elle n'appartient
à aucun d'eux comme si elle était limitée par l'un d'eux. La
raison pour laquelle Dieu peut être la cause de tout ce qui existe est la
suivante : c'est parce qu'Il possède à l'avance tous les êtres dans
son unité ; et parce qu'Il possède tous les êtres en Lui et qu'Il les produit
à son image, il s'ensuit que Celui qui possède en Lui tous les êtres les fait
tous subsister, présent qu'Il est à tous et partout, non pas
d'après différentes parties qu'Il aurait, mais c'est toujours en tant
qu'un et identique à lui-même qu'Il est toute chose selon que toute chose
préexiste en puissance dans son essence simple ; et de même c'est toujours en
restant identique à Lui-même qu'il procède en toute chose à la manière
d'une cause et cependant en procédant ainsi comme cause il demeure en Lui-même
inchangé dans son existence et immobile puisqu'il n'est pas
assujetti Lui-même au mouvement et Il est mobile selon qu'Il
répand sa ressemblance dans les autres. 673. Et tout ce qu'on peut affirmer de Dieu, on
peut aussi le nier de Lui, car cela ne lui appartient pas de la même manière
qu'on le retrouve dans les choses créées et de la même manière que cela est
compris et signifié par nous. Il
suit de là, bien qu'on ait bien parlé en disant qu'Il est le principe et la
finalité de tout, qu'Il n'a Lui-même ni principe, ni moyen, ni finalité. Et
bien qu'on ait dit qu'Il est présent à tous et partout, cependant il n'est dans
aucun des êtres à la manière dont on dit qu'un être créé est dans un
autre. Et
bien qu'on ait dit encore que Lui-même est tous les êtres, il ne fait
Lui-même partie d'aucun des êtres créés. Et
universellement Il est étranger à toutes les créatures ou aux êtres qui
existent éternellement, c'est-à-dire à ceux qui subsistent au-delà du
temps, ainsi qu'à ceux qui subsistent dans le temps, mais de
par une élévation certaine, il est séparé à la fois du temps qui
mesure le mouvement et les êtres changeants et de l'éternité qui
mesure l'être lui-même et les êtres qui existent d'une manière immuable ; et
il est encore séparé de ceux qui sont dans l'éternité et de ceux qui sont
dans le temps par une absolue transcendance. Et c'est à cause de cela que
l'éternité elle-même, tout comme ceux qui existent ainsi que
toutes les autres mesures des êtres et ceux qui sont mesurés de la
sorte par ces mesures, c'est grâce à Lui qu'ils existent tous car ils
ont en eux une image de Lui qui est comme celle du premier exemplaire, et
c'est par Lui qu'ils existent comme par un premier Principe actif. |
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CAPUT 6 |
Chapitre
6 - De la Vie.
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LECTIO 1 [84870] In De divinis
nominibus, cap. 6 l. 1 Postquam Dionysius determinavit de existente, hic
determinat de vita, quia processio vitae est minus communis quam processio
ipsius esse et circa hoc duo facit : primo, proponit quomodo nomine vitae ostenditur
in Deo causalitas omnis vitae ; secundo, manifestat divinae vitae
causalitatem ; ibi : et quidem et cetera. Dicit ergo primo
quod de his quae pertinent ad ens, dictum est diffusius et diligentius in
aliis libris : fecit enim multos libros quos non habemus. Sed nunc laudandus
est Deus per hoc quod dicitur : vita aeterna, secundum illud I
Ioannis 5 : hic est verus Deus et vita aeterna, sicut ex
qua est ipsa per se vita, idest ipsa vita communis et
omnis vita particularis et ab ipsa divina vita disseminatur,
idest distribuitur vivere ad omnia quae participant
vitam, quocumque modo secundum proprietatem
uniuscuiusque, quasi diceret quod Deus dicitur vita aeterna inquantum est
causa communis et particularis vitae et omnium viventium. Deinde, cum dicit
: et quidem et cetera, manifestat causalitatem divinae vitae
; et circa hoc tria facit : primo, manifestat universalem causalitatem Dei
respectu vitae ; secundo, ostendit causalitatem eius respectu cuiuslibet
proprietatis vivendi ; ibi : et dat quidem et cetera ;
tertio, ostendit qualis sit comparatio cuiuslibet vitae ad primam vitam ; ibi
: et sive et cetera. Circa primum, tria facit : primo,
manifestat causalitatem Dei respectu supremae vitae quae est Angelorum ;
secundo, respectu vitae communis ; ibi : et sicut in existente et
cetera ; tertio, quantum ad vitam infimam ; ibi : ex ipsa et
cetera. Circa primum, considerandum est quod illa proprie dicuntur viventia
in corporalibus quae habent motum ex seipsis, non ab aliquo extrinseco mota,
sicut animalia et plantae. Et quia quaelibet operatio quodammodo est motus,
quaecumque habent operationem ex seipsis, non ab aliis exterioribus acta vel
mota ad agendum, haec dicuntur viventia. Et quia operatio rei consequitur
existentiam eius, in nomine vitae duo intelliguntur, scilicet : ipsum esse
viventis, et ut tale sit quod ei competat per se operari propter hoc quod
operatio vel motus viventis inest ei per seipsum. Quantum ergo ad primum
horum dicit quod ex ipsa divina vita, sicut ex primo activo
principio, et propter ipsam, sicut propter finem, non solum esse,
sed et consistere habet vita et immortalitas Angelorum,
immortaliter viventium. Quantum vero ad secundum dicit quod existentia vitae
est ipsa incorruptibilitas sempiterni motus angelici, idest
operationis Angelorum in perpetuum durantis. Et quia semper vivere et operari
possunt, possunt dici immortales ; sed hoc ipsum quod sunt immortales et in
perpetuum vivunt, non habent a seipsis, sed a prima causa quae
est effectiva et conservativa omnis vitae. Illud
autem proprie et vere est immortale, quod non indiget aliquo extrinseco ad id
quod semper vivat, sed habet semper vivere ex seipso et sic solus Deus
dicitur immortalis, secundum illud I Timoth. I : regi saeculorum
immortali et invisibili, soli Deo, honor et gloria. Deinde, cum dicit
: et sicut in existente et cetera, manifestat divinam
causalitatem respectu vitae communis ; et dicit quod, sicut dictum est supra
quod ipsum ens primum est aevum, idest mensura et causa
eius quod est per se esse, idest ipsius esse
communis, ita hic dicendum est quod divina vita, quae est
supereminenter vivens est causa factiva et conservativa ipsius per se
vitae, idest vitae communis ; et per consequens, omnis vita particularis
et omnis motus vitalis et omne principium cuiuscumque vitae, procedit a vita
divina quae est super omnem vitam. Deinde, cum dicit : ex
ipsa et cetera, manifestat divinam causalitatem respectu vitae
inferioris et dicit quod ex vita divina, habent incorruptibiliter vivere
etiam animae humanae et ex vita divina sunt ea animalia quae vivunt vita
sensitiva, et omnes plantae quae habent vitam secundum ultimam
resonantiam, idest secundum extremam et infimam participationem vitae,
quia vita ultra plantas non procedit. Destructa autem vita participata in
creaturis, destruitur omnis vita, secundum doctrinam sacrae Scripturae, ubi
dicitur Psalm. 103 : auferes spiritum eorum et deficient et in
pulverem suum revertentur. Sed inquantum ea quae per infirmitatem naturae
deficiunt a participatione vitae, iterato convertuntur ad vitam, iterum fiunt
animalia vel qualitercumque viventia, ut patet in plantis et animalibus ex
putrefactione generatis ; et propter hoc, ibid. subditur : emitte
spiritum tuum et creabuntur et renovabis faciem terrae. Deinde, cum dicit
: et dat quidem et cetera, manifestat causalitatem divinae
vitae, quantum ad proprietates cuiuslibet vitae ; et hoc, propter quosdam qui
dicebant quod Deus est communis causa vitae, tamen particulares proprietates
vivendi sunt ex causis propriis, per quas effectus causae communis determinatur
ad proprias species ; et circa hoc, tria facit : primo, ostendit causalitatem
divinae vitae quantum ad proprietates vivendi, quae sunt in supremis
viventibus, scilicet in Angelis et in Daemonibus ; secundo, quantum ad
proprietates vivendi quae sunt in hominibus ; ibi : dans autem et
cetera, tertio, quantum ad proprietates vivendi quae sunt in infimis
viventibus, scilicet animalibus et plantis ; ibi : ex ipsa et
cetera. Dicit ergo primo quod Deus non solum dat vitae communi
quod sit vita, sed etiam cuilibet particulari vitae dat quod
sit proprie illud quod competit ei secundum
naturam ; sicut supercoelestibus vitis Angelorum, quantum
quidem ad esse viventium, dat immortalem vitam : primo quidem immaterialem quia
non habent vitam adiunctam materiae ; secundo, vitam deiformem quia
ex hoc ipso conformantur divinae vitae, quod absque materia vivunt ; tertio
sequitur quod habeant vitam invariabilem quia subiectum
variationis et motus est materia. Quantum etiam ad
operationem vitae, ponit tria contraria his quae sunt in nobis. In nobis enim
operatio intellectualis, primo quidem infirma est ad comprehensionem
veritatis et contra hoc dicit quod habent motum, idest
operationem intellectualem fortem ; secundo, operatio
intellectualis in nobis potest perverti in falsam opinionem et contra hoc
dicit quod habent motum indeclinabilem ; tertio, operatio
intellectualis in nobis non potest esse continua quia non possumus semper et
continue meditari ; et contra hoc dicit quod habent motum sempiternum.
Et quia ipsae proprietates manifeste apparent in Angelis beatis, ne
aliquis a causalitate divinae vitae velit excludere Daemonum vitam, subiungit
quod vita divina superextenditur per modum influentiae et causalitatis, et
abundantia suae bonitatis, etiam ad Daemonum vitam, quae non posset ab alia
causa conservari nisi a divina vita, ex qua habet quod sit vita et permaneat
conservata in esse. |
Leçon 1 (37a) : De la causalité universelle de Dieu à l'égard de la vie et à l'égard de toutes les propriétés de la vie qu'on retrouve chez les Anges.674. Après avoir traité de l'Être, Denys s'apprête
à examiner ici ce qu'il en est de la vie, car la procession de la vie est
moins commune que celle de l'être et à ce sujet il fait deux choses :
d'abord, il expose comment, par le nom de vie, on manifeste en Dieu la
causalité de toute vie ; deuxièmement, il met en lumière la causalité de la
vie divine là où il dit (286) : Et certes... 675. Il dit donc en premier qu'au sujet de
tout ce qui se rapporte à l'être, il en a parlé plus abondamment et avec plus
de soin dans d'autres livres : en effet, Denys a écrit plusieurs
livres qui ne sont pas parvenus jusqu'à nous. Mais il nous faut maintenant
louer Dieu par ces mots : vie éternelle, qu'on retrouve dans ce
passage de la Première Lettre de Jean (5, 20) : ¨Celui-ci est le Dieu
véritable et la vie éternelle¨, et ces mots désignent cette vie à
partir de laquelle existe la vie par soi elle-même,
c'est-à-dire la vie commune elle-même ainsi que toute vie particulière
et c'est à partir de la vie divine elle-même qu'est répandue la vie,
c'est-à-dire qu'il est donné de vivre à tout ce qui participe de la
vie d'une manière ou d'une autre, conformément à ce qui est propre
à la nature de chacun ; c'est comme si Denys, en affirmant cela, avait
dit que Dieu est la vie éternelle pour autant qu'il est la cause à la fois de
la vie commune, de la vie particulière et de chacun des vivants. 676. Ensuite, lorsqu'il dit (286) : Et certes...il
met en lumière la causalité de la vie divine ; et à ce sujet, il fait trois
choses : d'abord, il manifeste la causalité universelle de Dieu à l'égard de
la vie ; deuxièmement, il montre sa causalité à l'égard de n'importe quelle
propriété de la vie là (289) où il dit : Et il donne certes... ;
troisièmement, il montre comment toute vie se compare à la vie qui est la
première là (294) où il dit : Et soit... (leçon 2a). 677. Au sujet du premier point, il fait trois
choses : d'abord, il manifeste la causalité de Dieu à l'égard de cette vie
supérieure qui est celle des Anges ; deuxièmement, il fait la même chose à
l'égard de la vie commune là (287) où il dit : Et comme dans l'être...
; troisièmement, il le fait enfin quant à la vie la plus humble, là (288) où
il dit : C'est à partir d'elle-même... 678. Au sujet du premier point, il faut avoir à
l'esprit que parmi les corps, on dit à proprement parler que ceux-là seuls
sont vivants qui se meuvent par eux-mêmes comme le font les animaux et les
plantes, et qui ne sont pas mus par un principe extérieur. Et parce que toute
opération est en un sens un mouvement, tous ceux qui sont capables de poser
par eux-mêmes une opération, au lieu d'être mus ou poussés par un principe
extérieur, sont appelés vivants. Et parce que l'opération d'une chose découle
de son existence, on entend deux rapports par le nom vie, à savoir : l'être
même du vivant et aussi que cet être soit tel qu'il lui appartienne
d'opérer par lui-même du fait que c'est par lui-même que le vivant possède en
lui son opération ou son mouvement. 679. Quant au premier rapport, il dit que c'est à
partir de la vie divine elle-même, comme à partir d'un premier
principe actif, et en vue d'elle-même comme en vue de sa finalité, que
la vie immortelle des Anges, qui sont les vivants immortels, se
caractérise non seulement par l'être mais par la permanence dans l'être. Mais
quant au second rapport, il dit que la manifestation de la vie est
l'incorruptibilité même du mouvement angélique éternel, c'est-à-dire
de l'opération des Anges qui dure éternellement. Et parce qu'ils ont la
capacité de vivre et de poser leurs opérations sans cesse, ils peuvent être
appelés immortels ; mais leur immortalité et leur vie éternelle mêmes,
ils ne la possèdent pas par eux-mêmes, mais ils la tiennent de la
Cause première qui est productrice et conservatrice de toute vie.
Ce qui est véritablement et à proprement parler immortel, c'est ce qui n'a
pas besoin d'un principe extérieur pour vivre éternellement, mais qui de
lui-même possède la vie éternelle et ainsi seul Dieu est immortel,
conformément à ce passage de la Première Lettre à Timothée (1, 17) : ¨Au
Roi des siècles, Dieu incorruptible, invisible, unique, honneur et gloire
dans les siècles des siècles! Amen.¨. 680. Ensuite lorsqu'il dit (287) : Et comme dans
l'être...il manifeste la causalité divine à l'égard de la vie commune ;
et il affirme que, tout comme il a déjà dit plus haut (659-660)
que l'Être premier Lui-même est l'éternité, c'est-à-dire la mesure et
la cause de l'être par soi, c'est-à-dire de l'être commun lui-même,
de la même manière faut-il dire ici que la vie divine qui est
la vie qui surpasse toute vie, est la cause productrice et conservatrice de
la vie par soi elle-même, c'est-à-dire de la vie commune et par
conséquent de toute vie particulière et de tout mouvement vital
; et que tout principe de quelque vie que ce soit procède de la vie
divine qui surpasse toute vie. 681. Ensuite, lorsqu'il dit (288) : C’est à
partir d'Elle...il manifeste la causalité divine à l'égard de la vie
inférieure et il dit que c'est aussi de la vie divine que les âmes
humaines tiennent leur vie incorruptible et que c'est de la vie divine
que les animaux qui vivent d'une vie sensitive tiennent leur
existence, tout comme les plantes qui possèdent la vie dans
son dernier écho, c'est-à-dire selon la dernière et la plus humble
participation de la vie car la vie ne s'avance pas au-delà de la
frontière des plantes. Mais une fois détruite la vie qui est
participée par les créatures, toute vie est détruite en elles
conformément à l'enseignement des Saintes Écritures où le Psalmiste affirme
(103, 29) : ¨Tu retires leur souffle, ils expirent, à leur poussière ils
retournent.¨ Mais pour autant que les choses, en raison d'une faiblesse
naturelle, s'écartent d'une participation à la vie, alors à nouveau sont
ramenés à la vie et à nouveau apparaissent des animaux ou des vivants de
quelque forme que ce soit, ainsi qu'on le voit chez les plantes et les
animaux qui sont engendrés à partir d'êtres en putréfaction : et c'est à
cause de cela qu'il ajoute la suite du même passage du Psalmiste (103, 30) :
¨Tu envoies ton souffle, ils sont créés, tu renouvelles la face de la
terre.¨ 682. Ensuite lorsqu'il dit (289) : ¨Et il donne
certes...il manifeste la causalité de la vie divine quant aux propriétés
de toute vie ; et il fait cela à cause de certains qui disaient que Dieu est
la cause de la vie commune, mais que les propriétés particulières du vivant
proviennent de causes spécifiques au moyen desquelles l'effet de la cause
commune se détermine à des espèces particulières ; et à ce sujet il fait
trois choses : d'abord, il montre la causalité de la vie divine quant aux
propriétés du vivant qu'on retrouve chez les vivants supérieurs, c'est-à-dire
chez les anges et les démons ; deuxièmement, quant à celles qu'on retrouve
chez les humains, là (290) où il dit : Mais en donnant... (leçon 2a) ;
troisièmement, quant à celles qu'on observe chez les derniers des vivants, à
savoir les animaux et les plantes, là (293) où il dit : C'est d'elle...
(leçon 2a). 683. Il dit donc en premier que ce n'est pas
seulement à la vie commune que Dieu donne d'être une vie, mais
il permet encore à toute vie particulière que coïncide précisément
en elle ce qui lui correspond en propre et qui est conforme à sa
nature ; c'est ainsi qu'aux vies supra-célestes des Anges, quant à
leur existence d'êtres vivants, il donne une vie immortelle : laquelle est
d'abord certes immatérielle car la vie qu'ils possèdent n'est pas liée
à la matière ; deuxièmement, elle est aussi conforme à Dieu car ils se
conforment à la vie divine par cela même qu'ils vivent sans matière ;
troisièmement, il suit de là que leur vie est immuable puisque le
sujet du changement et du mouvement est la matière. 684. Quant à leurs opérations vitales, elles
présentent trois caractères qui s'opposent à ce qu'on retrouve en nous. Chez
nous en effet l'opération intellectuelle est d'abord faible à saisir la
vérité et par opposition à cela Denys dit que les Anges ont du mouvement,
c'est-à-dire une opération intellectuelle puissante ; deuxièmement,
l'opération intellectuelle chez nous peut tomber dans une opinion fausse et
par opposition à cela il dit que les Anges ont un mouvement indéfectible
; troisièmement, notre opération intellectuelle ne peut être continue car
nous sommes incapables de méditer sans fin et d'une manière continue ; et
contrairement à cela, il dit que les Anges possèdent un mouvement
perpétuel. 685. Et parce que ces propriétés semblent évidentes
chez les bons Anges, afin que personne ne veuille écarter la vie des démons
de la causalité de la vie divine, il ajoute que la vie divine s'étend à
l'extrême, comme par manière d'écoulement et de causalité, et par
surabondance de sa bonté, jusqu'à la vie des démons qui ne
pourrait être conservée par une autre cause que la vie divine d’où
elle tient à la fois sa vie et sa conservation dans l'être en permanence. |
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LECTIO 2 [84871] In De divinis
nominibus, cap. 6 l. 2 Hic manifestat Dionysius divinam causalitatem,
quantum ad proprietatem humanae vitae ; et primo, quantum ad vitam naturae ;
secundo, quantum ad vitam gratiae, cum dicit : et superemanationem et
cetera ; tertio, quantum ad vitam gloriae, quae erit in resurgentibus ; ibi
: et quod quidem est divinius et cetera. Vita autem
naturalis in hominibus in aliquo est conformis vitae angelicae, prout est
intellectualis et in aliquo ab ea differt, inquantum est vita coniuncta
materiae ; et ideo dicit quod divina vita dat hominibus, quasi commixtis ex
natura spirituali et corporali, vitam ad similitudinem Angelorum,
non perfecte, sed prout convenit. Deinde, quantum ad vitam
gratiae, dicit quod divina vita, per superemanationem suae bonitatis,
etiam recedentes nos ab ea per peccatum, convertit et
revocat ad seipsam, secundum illud Thren. 5
: converte nos domine ad te et convertemur. Quantum vero ad vitam
gloriae resurgentium, subiungit quod divina vita promittit quod
transfert nos totos, idest animas et corpora eadem quae nunc sunt
animabus nostris coniuncta, ad vitam perfectam, idest beatam et immortalem ;
et hoc dicit esse divinius, quia est magis virtutis divinae indicium. Et haec
quidem res, antiquis communiter praeter naturam apparebat, quod scilicet
corpora mortua resurgerent, sed mihi et tibi, idest fidelibus
omnibus, secundum veritatem fidei, apparet quiddam divinum et supra
naturam, scilicet quae a nobis cognoscitur in istis rebus particularibus,
non autem supra naturam omnipotentem divinae vitae, quia
divinae vitae, quae est naturale principium omnium vitarum et maxime vitarum divinarum quarum
est immediatum principium, nulla vita est praeter
naturam vel supra naturam, quia eius virtuti subest dare
vitam quibus voluerit. Unde stultissima verba Simonis, quae resurrectioni
contradicunt, longe repellenda sunt a divina Ecclesia et a tua sancta
anima, ne scilicet eis aliquo modo acquiescas. Cum enim ipse reputaretur
esse sapiens in istis rebus sensibilibus et naturalibus, tamen latuit
ipsum quia non oportet eum qui habet scientiam
horum sensibilium quae apparent, uti ratione quae sumitur ex
apparentibus secundum sensum, ad impugnandum universalem causam
omnium, quae propter sui excellentiam est occulta ; quia universalis
causae virtus non potest comprehendi aut mensurari per ea quae in sensibus
apparent. Et dicendum est Simoni quod cum dicitur aliquid esse contra naturam
hoc intelligitur, scilicet : quod sit contra manifestissimam sensus rationem,
sed ipsi occultae et universali causae omnium, nihil potest esse contrarium,
quia omnia quaecumque sunt ab ipsa derivantur. Deinde, cum dicit : ex
ipsa vivificantur et cetera, ostendit causalitatem divinae vitae,
respectu inferiorum viventium, scilicet animalium et plantarum ; et dicit
quod ex divina vita et animalia omnia et etiam plantae
vivificantur interius et exterius circumflorent. Quidquid enim exterius in eis apparet ad decorem vitae pertinens,
totum ex divina vita derivatur. Deinde, cum dicit : et sive
intellectualem et cetera, ostendit habitudinem divinae vitae ad
omnes vitas. Et primo, ponit duas habitudines divinae vitae ad omnes vitas ;
quarum prima est : Deus est omnis vitae causa ; et est hoc quod dicit,
quod sive tu dicas intellectualem vitam,
sicut est in Angelis sive rationalem, sicut est in
hominibus sive sensibilem, sicut est in animalibus et
augmentativam, sicut est in plantis sive qualemcumque vitam,
etiam si essent alii modi vivendi ; et non solum omnis vita, sed etiam
omne vitae principium et omnis substantia habens vitam, a
vita divina quae est super omnem vitam habent quod vivant
substantiae viventes et quod vivificent vitae principia. Secunda habitudo est
quod in divina vita, omnis vita praeexistit ; et hoc est quod dicit quod
omnes vitae praedictae praeexistunt causaliter in ipsa divina vita, non
quidem secundum aliquam compositionem, sed uniformiter secundum unitatem
vitae divinae et simplicitatem. Secundo, ibi : etenim supervivens et
cetera, manifestat praedictas duas habitudines et dicit ad manifestandam
primam habitudinem quod divina vita, quae est super omnem vitam
et quae omni vitae principatur, est causa omnis vitae, quantum ad
primam vitae originem ; et est generativa vitae, quia hoc ipsum
quod unum vivens ex alio vivente generari potest, ex divina vita est ; et
est adimpletiva vitae, quia quod vivens ex imperfecto ad
perfectum adducitur ex divina vita est ; et est divisiva vitae,
quia diversitates viventium ex virtute divinae vitae procedunt. Ad
manifestandam autem secundam habitudinem, scilicet quod omnis vita in ipso
existat, subiungit quod divina vita laudatur ex omni vita propter
eius fecunditatem qua producit omnes vitas. Et hoc quidem
competit divinae vitae, inquantum est largissima, quasi non coarctata ad
aliquam speciem vitae, sed habens amplitudinem comprehensivam omnis vitae et
exinde est quod comprehenditur et laudatur ex contemplatione omnis
vitae. Tertio, ibi : et sicut non indigens et cetera,
ponit conditiones divinae vitae, per quas differt ab aliis : et primo quidem
invenitur vita nostra, multis indigens ad conservationem vitae, sicut
alimento et aliis huiusmodi ; et ad hoc removendum dicit quod divina vita est
non indigens, sed magis est superabundanter plena. Secundo vero, id quod
vivit in istis inferioribus non per se vivit, sed corpus vivit per animam.
Sed divina vita est per se vivens, quia non est in Deo aliud vivificans ; et
supereminenter vivens vel qualitercumque aliquis posset
humanis verbis laudare vitam divinam, supereminenter viventem et
ineffabilem. |
Leçon 2 (38a) : De la causalité divine quant à ce qui appartient en propre à la vie humaine et aux vivants inférieurs.686. Denys manifeste ici la causalité divine quant
à ce qui se rapporte en propre à la vie humaine ; et d'abord, quant à sa vie
naturelle ; deuxièmement, quant à la vie de la grâce, lorsqu'il dit (291) : Et
la supra-émanation... ; troisièmement, quant à la vie de gloire qui sera
dans les ressuscités, là (292) où il dit : Et ce qui est certes plus divin
encore... 687. Mais la vie naturelle chez les hommes est pour
une part conforme à la vie angélique pour autant qu'elle est intellectuelle
et pour une autre part elle en diffère dans la mesure où elle est liée à la
matière ; et c'est pourquoi il dit (290) que la vie divine donne aux hommes,
qui sont comme un mélange d'une nature spirituelle et d'une nature
corporelle, une vie qui est à l'image de celle des Anges, non
pas parfaitement, mais dans une mesure qui convient à leur nature. 688. Ensuite, quant à la vie de la grâce, il dit
(291) que la vie divine, par une supra-émanation de sa bonté, même
lorsque nous nous séparons d'elle par le péché, nous convertit et nous
rappelle à elle, d'après ce passage de Jérémie (31, 18) : ¨Convertis-nous
à toi, Seigneur, et nous nous convertirons¨. 689. Quant à la vie de gloire des ressuscités, il
ajoute (292) que la vie divine promet de nous transporter totalement,
c'est-à-dire nos âmes et les mêmes corps qui sont
maintenant unis à nos âmes, à une vie parfaite, c'est-à-dire heureuse
et immortelle ; et il dit que cela est plus divin parce que c'est
davantage un signe de la puissance divine. 690. Et certes, cette merveille, à savoir que les
corps ressuscitent de la mort, apparaissait communément aux anciens comme
étant contre nature, mais à moi et à toi, c'est-à-dire à tous les
fidèles, cela apparaît divin et au-dessus de la nature conformément à la
vérité de la foi ; c'est-à-dire que ce qui nous est connu dans ces domaines
particuliers ne nous apparaît pas être au-dessus de la nature toute-puissante
de la vie divine car à cette dernière, qui est le principe naturel de
toutes les vies et au plus haut point des vies divines dont
elle est le principe immédiat, aucune vie n'est contre nature
ou au-dessus de la nature car il est en son pouvoir de donner la vie à
qui elle veut. D'où
il suit que les paroles insensées de Simon qui s'opposent à la
résurrection doivent être rejetées loin de la divine Église et de ta
sainte âme afin que tu n'y adhères en aucune manière. En effet, bien qu'il
était reconnu comme étant sage pour ce qui est de ces réalités
sensibles et naturelles, cependant il s'égara lui-même car il ne
faut pas que celui qui possède la science de ces choses sensibles que
l'on voit se serve d'une raison tirée de ce qui est évident aux sens
pour combattre la Cause universelle de toute chose, laquelle
nous est cachée en raison de son excellence ; car la puissance de la cause
universelle ne peut être saisie ou mesurée au moyen de ce qui apparaît aux
sens. Et il faut dire à Simon que lorsqu'on dit que quelque chose est
contraire à la nature, il faut l'entendre ainsi, à savoir qu'elle est alors
contraire à la raison la plus évidente tirée des sens, mais à la Cause cachée
et universelle même de toute chose rien ne peut être contraire,
car toutes les choses, quelles qu'elles soient, viennent d'Elle. 691. Ensuite, lorsqu'il dit (293) : C'est à
partir d'Elle-même que sont vivifiés...il montre la causalité de la vie
divine à l'égard des vivants inférieurs, à savoir les animaux et les plantes
; et il dit que c'est à partir de la vie divine elle-même que tous les
animaux et toutes les plantes sont vivifiés de l'intérieur et
qu'ils manifestent extérieurement leurs éclats. En effet, tout ce qui
apparaît extérieurement chez eux et qui se rapporte au charme de la vie
provient totalement de la vie divine. 692. Ensuite, lorsqu'il dit (294) : Qu'il
s'agisse de la vie intellectuelle...il montre comment la vie divine se
rapporte à toutes les vies. Et en premier il montre deux rapports qui
existent entre la vie divine et toutes les vies dont le premier est le
suivant : Dieu est la cause de toute vie ; et c'est ce que Denys veut
signifier en disant : soit que tu parles de la vie intellectuelle
telle qu'on la retrouve chez les Anges ou de la vie rationnelle
telle qu'on la retrouve chez les humains ou de la vie sensible
qui se manifeste chez les animaux et de la vie de croissance
présente chez les végétaux ou de toute autre vie s'il existait
d'autres modes de vie, elles viennent toutes de Dieu ; et non seulement toute
vie est causée par Dieu, mais encore tout principe de vie et toute substance
possédant la vie vient de Lui ; en effet, c'est de la vie divine qui
transcende toute vie que les substances vivantes tiennent leur vie et que les
principes de vie tiennent leur capacité de vivifier. Le deuxième rapport est
que toute vie préexiste dans la vie divine ; et c'est ce qu'il ajoute, à
savoir que toutes les formes de vie qui précèdent préexistent dans la
vie divine elle-même par mode de causalité et non par mode de
composition mais simplement, conformément à l'unité et à la simplicité
de la vie divine. 693. Deuxièmement lorsqu'il dit (295) : En
vérité le vivant par excellence...il manifeste les deux rapports
précédents et il dit pour mettre en lumière le premier que la vie
divine, qui est au-dessus de toute vie et qui commande à toute vie, est cause de toute vie
quant à l'origine première de la vie ; et elle est génératrice de vie
car la capacité même d'un vivant à en engendrer un autre vient de la vie
divine ; et elle comble de vie car chez un vivant le fait d'être
conduit d'un état imparfait à un état parfait vient de Dieu ; et c'est elle
qui différencie la vie car la diversité des vivants procède de la
puissance de la vie divine. Et
pour manifester le deuxième rapport, à savoir que toute vie préexiste dans la
vie divine, il ajoute que la vie divine peut être louée à partir de toute
vie en raison de la fécondité grâce à laquelle elle produit toutes
les vies. Et cela certes appartient à la vie divine selon qu'elle est la plus
vaste et comme non limitée à une espèce de vie déterminée et qu'elle
possède une dimension si illimitée qu'elle est capable d'embrasser toute vie
et c'est suite à cela, à partir de la contemplation de toute vie,
qu'on appréhende la vie divine et qu'on en fait l'éloge. 694. Troisièmement, là (296) où il dit : Et
comme rien ne lui fait défaut...il présente les conditions de la vie
divine par lesquelles elle diffère des autres vies, parmi lesquelles certes
on retrouve d'abord notre vie qui a besoin de plusieurs choses pour sa conservation,
tels les aliments et les autres choses du même genre ; et pour écarter cela
de la vie divine, il dit que cette dernière est celle qui ne manque de
rien mais qu'elle est plutôt la plénitude en surabondance. Deuxièmement
en vérité ce qui possède la vie chez les vivants inférieurs ne vit pas par
soi-même, mais le corps vit au moyen de l'âme. Mais la vie divine vit par
elle-même car il n'y a pas en Dieu quelque chose d'autre qui le vivifie ;
et c'est de la manière la plus excellente que tout vivant ou toute personne
pourrait par des paroles humaines célébrer la vie divine en la qualifiant de
vivant par excellence et d'indicible. |
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CAPUT 7 |
Chapitre 7 - De la Sagesse, de l'Esprit, de la Raison, de la Vérité, de la Foi. |
LECTIO 1 [84872] In De divinis
nominibus, cap. 7 l. 1 Postquam Dionysius determinavit de ente et vita,
hic determinat de sapientia et his quae sapientiae adiunguntur ad cognitionem
pertinentia ; et circa hoc, tria facit : primo, determinat de sapientia et
mente ; secundo de ratione ; ibi : ratio autem et cetera ;
tertio, de veritate et fide ; ibi : haec ratio et cetera.
Circa primum, duo facit : primo, ostendit quomodo sapientia in Deo accipiatur
; secundo, manifestat quod dixerat ; ibi : non enim et
cetera. Est autem considerandum quod semper in posterioribus priora
salvantur. Bonum autem, secundum quod prius dictum est, quantum ad
causalitatem est prius quam ens, quia bonum etiam ad non entia suam
causalitatem extendit ; ens autem ad plura se extendit quam vita et vita quam
sapientia, quia quaedam sunt quae non vivunt et quaedam vivunt quae non
cognoscunt. Et hoc Dionysius subtiliter insinuat : nam vitam quidem divinam,
quia secundum intellectum bonitatem praesupponit, nominat bonam ;
quia vero praesupponit esse immutabilem, nominat eam aeternam.
Sed quia vitae nulla sapientia deest, laudat eam ex sapientia ; et hoc
tripliciter : primo quidem, quia divina vita sapiens est ; et ut non
intelligas quod sit participative sapiens, subiungit quod ipsa est per se
sapientia, sicut enim Deus est sua vita, ita est sua sapientia. Secundo, quod divina vita est causa producens in esse omnem
sapientiam. Tertio vero, quia divina vita est super omnem sapientiam,
quae ad speculationem pertinet ; et super omnem prudentiam,
quae ad actionem pertinet. Deinde, cum dicit : non enim et
cetera, manifestat tria praedicta ; et circa hoc, tria facit : primo,
manifestat quod divina sapientia est super omnem sapientiam ; secundo, quod
sit omnis sapientiae causa ; ibi : hanc igitur et cetera ;
tertio, manifestat quomodo Deus est sapiens alia cognoscendo ; ibi : sic
autem et cetera. Circa primum, duo facit : primo, ostendit excessum
divinae sapientiae ; secundo, ostendit quomodo ad ipsam divinam sapientiam
excedentem nos habere debemus ; ibi : sed, quod in aliis dixi et
cetera. Circa primum, tria facit : primo proponit quod intendit, scilicet
quod Deus non tantum dicitur superabundanter plenus
omni sapientia, et quod habet prudentiam infinitam, sed etiam
dicitur esse firmatus supra omne id quod ad cognitionem pertinere videtur,
scilicet super rationem et super mentem, idest
intellectum et super sapientiam quae est
perfectio intellectus ; secundo, ibi : et hoc supernaturaliter et
cetera, probat excessum divinae sapientiae per auctoritatem et dicit quod
huiusmodi excessum divinae sapientiae, supernaturali modo intelligens Paulus,
qui fuit divinus vir ex participatione divinae sapientiae et
fuit sol, idest suo magisterio illustrator tam Dionysii quam ducis eius,
idest Hierothei qui fuit eius magister, dicit I Corinth. I : quod
stultum est Dei, sapientius est hominibus ; tertio, ibi : non
solum et cetera, exponit auctoritatem inductam. Ubi considerandum
est quod duplex modus invenitur in Scripturis ad signandum excellentiam
divinorum. Quoniam enim ea quae ad privationem et defectum pertinent, rebus
creatis attribuuntur secundum comparationem ad excellentiam divinam, sicut si
dicamus quod omnis iustitia hominis est immunditia in comparatione ad Dei
iustitiam ; et similiter possumus dicere quod omnis humana
deliberatio et cognitio reputatur quidam error in
comparatione ad stabilitatem et permanentiam divinae et perfectae
cognitionis, quam pluraliter nominat propter cognoscendam pluralitatem. Alio
modo, consuetum est in divina Scriptura ut ea quae privative dicit, Deo
attribuantur propter eius excessum ; sicut si Deus qui est clarissimum lumen
dicitur invisibilis ; et qui est ex omnibus laudabilis et nominabilis dicitur
ineffabilis et innominabilis ; et qui est omnibus praesens, dicitur
incomprehensibilis quasi sit omnibus absens ; et qui ex omnibus rebus
inveniri potest, dicitur non investigabilis : et hoc totum propter eius
excessum. Sic igitur, et apostolus in Deo laudat stultitiam propter
id quod apparet in Dei sapientia, praeter nostram rationem et
videtur nobis inconveniens, dum non possumus Dei sapientiam
comprehendere ; et per hoc elevat nos ad veritatem divinam,
quae est nobis ineffabilis et quae omnem nostram rationem excedit.
Deinde, cum dicit : sed quod in aliis dixi et cetera, dicit
qualiter nos habere debeamus ad excellentiam divinae sapientiae ; et circa
hoc, tria facit : primo, ostendit quomodo decipimur in contemplatione divinae
sapientiae ; et dicit quod, sicut in aliis libris suis dixit, dum res divinas
quae sunt supra nos, volumus accipere secundum modum nostrum et dum innitimur
rationi nostrae quae connutritur sensibus a principio scilicet a sensibilibus
veritatem colligens et dum volumus comparare res divinas rebus nostris, quae
scilicet nobis sunt notae, et hoc decipimur, volentes perscrutari rationem
divinam et ineffabilem nobis, secundum illud quod nobis apparet per rationem
et per sensum. Secundo, ibi : oportet autem et cetera,
ostendit quomodo hanc deceptionem vitemus ; et dicit quod oportet considerare
quod mens nostra duo habet ad intelligibilia cognoscenda : primo, quod habet
naturalem virtutem, idest intelligentiam, per quam inspicere
potest intelligibilia sibi proportionata ; secundo vero, habet quamdam
unitionem ad res divinas per gratiam, quae excedit naturam mentis
nostrae, per quam unitionem, coniunguntur homines
per fidem aut quamcumque cognitionem, ad ea quae sunt super naturalem
mentis virtutem. Oportet ergo ut intelligamus divina secundum
hanc unitionem gratiae, quasi non trahendo divina
ad ea quae sunt secundum nos, sed magis totos nos
statuentes extra nos in Deum, ita ut per praedictam
unitionem totaliter deificemur. Et quia posset aliquis dicere quod hoc nobis
esset nocivum, si nos ipsos deseramus, ideo hoc tertio excludit, ibi : melius et
cetera, et dicit quod, cum Deus sit melior nobis, melius est nobis quod simus
Dei per unitionem gratiae quam quod simus nostri ipsorum, idest
nostris naturalibus innitentes. Sic enim, nobis factis cum Deo,
idest cum Deo uniti fuerimus, divina nobis dona aderunt quae percipere non
possumus, si Dei unitionem neglegentes, nobis ipsis inhaereamus. |
Leçon 1 (39a) : Comment on doit entendre la Sagesse qu'on attribue à Dieu.695. Après avoir traité de l'être et de la vie, Denys traite ici de la sagesse et de ce qui s'y rapporte pour connaître ce qui lui appartient ; et à ce sujet, il fait trois choses : premièrement, il traite de la sagesse et de l'esprit ; deuxièmement de la raison là (325) où il dit : Mais c'est en tant que raison... (leçon 5a) ; troisièmement, il traite de la vérité et de la foi, là (326) où il dit : Cette raison... (leçon 5a). 696. Au sujet du premier point, il fait deux choses : d'abord, il montre en quel sens la sagesse doit s'attribuer à Dieu ; deuxièmement, il manifeste ce qu'il a dit (298) : En effet non seulement... 697. Mais il faut considérer que ce qui est premier est toujours conservé dans ce qui suit. Et le bien, selon ce que nous avons dit antérieurement (606), est antérieur à l'être quant à la causalité car il étend sa causalité même à ce qui n'existe pas encore en acte ; et l'être s'étend à plus de choses que la vie et la vie à plus que la sagesse car certaines choses existent qui n'ont pas la vie et certaines vivent qui ne peuvent connaître. Et c'est ce que Denys insinue subtilement : car il qualifie certes la vie divine de bonne car selon l'intelligence elle implique la bonté ; et parce qu'en vérité elle implique une existence immuable, il l'appelle éternelle. Mais parce qu'aucune sagesse ne fait défaut à la vie, il loue cette dernière en partant de la sagesse et il le fait de trois manières : d'abord certes parce que la vie divine est sage ; et afin que tu n'entendes pas par là qu'elle est sage par participation, il ajoute que c'est elle-même qui est la sagesse par soi et en effet tout comme Dieu est sa propre vie, il est sa propre sagesse. Deuxièmement il loue encore la vie divine parce qu'elle est la cause qui amène toute sagesse à l'existence. Mais il la loue enfin parce que la vie divine transcende toute sagesse, sous le rapport de la vie spéculative, ainsi que toute prudence, laquelle est la sagesse qui se rapporte à la vie active. 698. Ensuite lorsqu'il dit (298) : En effet non seulement...il manifeste les trois points qui précèdent ; et à ce sujet il fait trois choses : d'abord, il manifeste que la sagesse divine transcende toute sagesse ; deuxièmement, qu'elle est la cause de toute sagesse là (304) où il dit : Donc cette...( leçon 2a) ; troisièmement, il manifeste comment Dieu, en connaissant les autres choses, est sage, là (312) où il dit : Mais ainsi...(leçon 2a) 699. Pour ce qui est du premier point, il fait deux choses : d'abord, il montre l'excellence de la sagesse divine ; deuxièmement, il montre comment nous devons nous rapporter à la sagesse divine elle-même là (301) où il dit : Mais ce que j'ai dit dans d'autres... 700. Au sujet du premier point, il fait trois choses : d'abord (298) il présente son propos, c'est-à-dire qu'on ne dit pas seulement de Dieu qu'il est plein de toute sagesse en surabondance et qu'il possède une prudence infinie (Ps. 146, 5) mais aussi qu'il est établi au-dessus de tout ce qui semble se rapporter à la connaissance, c'est-à-dire au-dessus de la raison et de l'esprit, c'est-à-dire de l'intelligence, et au-dessus de la sagesse elle-même, laquelle est la perfection de l'intelligence ; deuxièmement, là (299) où il dit : Et cela d'une manière surnaturelle...il prouve l'excellence de la sagesse divine au moyen d'un énoncé d'autorité et il dit que Paul, qui fut un homme divin de par sa participation à la sagesse divine et qui fut comme un soleil, c'est-à-dire qu'il éclaira par son magistère tant Denys que son guide, à savoir Hiérothée qui fut son maître, saisissant cette excellence de la sagesse divine d'une manière surnaturelle, affirme dans la Première Lettre aux Corinthiens (1, 25) : ¨Car ce qui est folie de Dieu est plus sage que les hommes¨ ; troisièmement, là (300) où il dit : Non seulement...il explique l'énoncé d'autorité qu'il vient de présenter. 701. Là, il faut considérer que dans les Écritures on retrouve deux manières de signifier l'excellence de Dieu. Premièrement, puisqu'en effet ce qu'on attribue aux choses créées, lorsqu'on les compare à l'excellence divine, on le fait par manière de privation et de manque, comme lorsque nous disons que toute justice humaine est une injustice si on la compare à la justice de Dieu, de même nous pouvons dire que toute réflexion et toute connaissance humaine est comptée comme une certaine erreur comparée à la stabilité et à la permanence de la connaissance divine qui est parfaite et qu'il nomme de plusieurs manières en raison de la multitude des choses à connaître. 702. Deuxièmement il est courant dans l'Écriture Sainte d'attribuer à Dieu, en raison de son excellence, des paroles qu'elle exprime par mode de privation comme si on dit de Dieu qu'il est invisible alors qu'il est la lumière la plus éclatante, et qu'il est indicible et innommable alors que c'est à partir de toute chose qu'on peut le louer et le nommer, et qu'il est incompréhensible et comme absent de tout alors qu'il est présent à toute chose, et qu'on ne peut le chercher alors qu'on peut le trouver en toute chose : et tout cela se dit en raison de son excellence. C'est ainsi donc que l'Apôtre loue encore en Dieu sa folie en raison d'une apparence qu'on retrouve dans sa sagesse, car elle semble s'opposer à notre raison et nous être incompatible, alors même que nous ne pouvons l'embrasser ; et au moyen de ces paroles il nous élève à la vérité divine qui nous est indicible et qui dépasse complètement toute raison. 703. Ensuite lorsqu'il dit (301) : Mais ce que j'ai dit dans d'autres...il dit comment nous devons nous rapporter à la sagesse de Dieu ; et à ce sujet il fait trois choses : 704. D'abord, il montre comment nous nous abusons dans le regard que nous portons sur la sagesse divine ; et il dit que, ainsi qu'il l'a souligné dans d'autres livres, alors que nous voulons recevoir à notre manière les choses divines qui sont au-dessus de nous, et alors que nous nous appuyons sur notre raison qui au départ est nourrie par les sens, c'est-à-dire qui recueille la vérité à partir des perceptions sensibles, et alors que nous voulons comparer les choses divines aux nôtres, c'est-à-dire à celles qui nous sont connues, c'est en cela que nous nous abusons, car nous voulons alors examiner la raison divine, qui nous est indicible, à la lumière de ce qui nous apparaît au moyen de notre raison et des sens. 705. Deuxièmement, là (302) où il dit : Il faut cependant...il montre comment éviter cette erreur ; et il dit qu'il faut considérer que notre esprit possède deux choses qui sont ordonnées à la connaissance de ce qui est intelligible : d'abord, elle possède la puissance naturelle, c'est-à-dire l'intelligence au moyen de laquelle elle peut examiner les intelligibles qui lui sont proportionnés ; mais deuxièmement, elle possède au moyen de la grâce une certaine union aux choses divines qui dépasse la nature de notre esprit et au moyen de cette union les hommes sont reliés par la foi aux réalités qui dépassent la puissance naturelle de notre esprit. C'est donc selon cette union à la grâce qu'il faut chercher à embrasser les réalités divines, en ne les ramenant pas à ce qui nous est familier mais plutôt en nous plaçant totalement en dehors de nous et en Dieu, de sorte qu'au moyen de cette union nous soyons totalement déifiés. 706. Et parce que quelqu'un pourrait dire qu'il nous serait dangereux de nous abandonner ainsi nous-mêmes, c'est pour cela qu'il écarte ici (303) cette opinion en disant : Il est préférable...et il dit que, puisque Dieu est meilleur que nous, il nous est préférable d'appartenir à Dieu par l'union de la grâce que de nous appartenir à nous-mêmes en nous appuyant sur nos capacités naturelles. Ainsi en effet, en nous réalisant en Dieu, c'est-à-dire lorsque nous serons unis à Dieu, les dons divins, que nous ne pouvons recueillir en ne faisant aucun cas de l'union à Dieu et en restant attachés à nous-mêmes, nous seront présents. |
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LECTIO 2 [84873] In De divinis
nominibus, cap. 7 l. 2 Postquam Dionysius ostendit excessum divinae
sapientiae, hic ostendit causalitatem ipsius ; et primo, in generali ;
secundo, in speciali ; ibi : ex ipsa et cetera. Recolligit
ergo primo excessum divinae sapientiae dicens quod divina sapientia laudatur
excellenter sicut irrationabilis, inquantum excedit rationem ; et sicut
amens, inquantum excedit mentem sive intellectum ; et sicut stulta, inquantum
excedit habitum mentis, scilicet sapientiam ; et adiungit causalitatem
divinae sapientiae, ponens tres conditiones huius causae : primo quidem
causalitatem eius, dicens quod divina sapientia causa est per suae
similitudinis aliqualem participationem, potentiarum et practicarum et
cognoscitivarum, scilicet : mentis, idest intellectus ; et
rationis, quae est intellectuum et habituum practicorum et
cognoscitivorum ; sapientiae, quae est habitus contemplativus
mentis ; et prudentiae, quae est ratio recta in agendis. Secunda
conditio huius causae est quod effectus dicuntur de ipsa : ipsa enim est
omne consilium et tamen ab ipsa est omnis cognitio et
prudentia. Tertia conditio huius causae est quod effectus existunt in
ipsa : in ipsa enim sapientia Dei, quae est Christus, sunt
omnes thesauri sapientiae et scientiae absconditi, sicut apostolus dicit,
Coloss. 2. Et huiusmodi tertia conditio est causa secundae : ideo enim Deus
nominatur a suis effectibus, quia effectus supereminenter praeexistunt in
ipso. Unde quantum ad abundantiam sapientiae et
cognitionis in Deo, utitur nomine thesaurorum ; quantum vero ad eminentiam
divinae cognitionis, prout excedit nostrum intellectum, attribuit huiusmodi
thesauro, absconsionem. Et hanc quidem universalem divinae
sapientiae causalitatem manifestat per similitudinem praemissorum, scilicet
bonitatis ; essentiae ; et vitae et dicit : sicut dicitur in praedictis,
consequenter et hic dicendum est quod Deus, qui est causa supereminenter
sapiens et abundanter, utpote omnem sapientiam habens, est causa dans etiam
ipsi per se sapientiae, prout intelligitur ut quoddam formale, sive
intelligatur in universali sive in particulari, prout inducit sapientiam
huius vel illius. Deinde, cum dicit : ex ipsa et cetera,
ostendit causalitatem divinae sapientiae in particulari respectu singulorum ;
et primo, quantum ad Angelos ; secundo, quantum ad animam rationalem ; ibi
: propter divinam et cetera ; tertio, quantum ad sensus ;
ibi : sed et aliquis et cetera ; quarto, quantum ad
Daemones, non inquantum est depravatio cognitionis, sed inquantum est de
natura sua, in quibus est scientia quaedam cognoscens. Circa primum, tria
facit : primo, ponit processum angelicae cognitionis a Deo et dicit quod ex
divina sapientia virtutes angelicarum mentium, quae sunt intelligibiles inquantum
sunt immateriales et sunt intellectuales inquantum
intelligere possunt, secundum quamdam divinae similitudinis
participationem, habent quidem intellectus simplices,
secundum proprietatem suae naturae ; et beatos, secundum
unitionem ad Deum ; et bonos, secundum proprietatem suae
scientiae, dirigere sermonem ad Deum. Secundo, ibi : non in
divisibilibus et cetera, manifestat simplicitatem angelici
intellectus per remotionem eorum quae in nostro intellectu compositionem
inducunt. Est autem considerandum quod in nobis est duplex compositio
intellectus : una quidem quae pertinet ad inventionem veritatis, alia vero
quae pertinet ad iudicium ; inveniendo, quidem, quasi congregantes ex multis
ad unum procedimus sive multa dicantur diversa sensibilia per quorum
experimentum universalem cognitionem accipimus sive multa dicantur diversa
signa ex quibus ratiocinando ad talem veritatem pervenimus. Non solum autem
huiusmodi multis et divisibilibus procedimus ad unam intelligibilem veritatem
cum primo scientiam acquirimus, sed etiam iam scientiam habentes, in ipsis
multis vel divisibilibus per quamdam applicationem consideramus quod in
universali cognitione tenemus. In iudicio, vero, procedimus ab aliquo communi
principio ad praedicta multa et divisibilia sive particularia sui effectus et
signa. Utrumque autem istorum ab Angelis excludens, dicit quod intellectus
Angelorum non congregant sicut nos, divinam cognitionem, in divisibilibus
diversis considerantes quae iam sciunt aut ab huiusmodi divisibilibus
scientiam acquirentes : divisibilibus dico aut
sensibus, quantum ad sensibilia aut sermonibus diffusis,
idest rationibus, ut alia translatio habet ; nam logos, in Graeco
et rationem et sermonem significat ; et dicitur ratio diffusa, propter
processum ex uno in aliud. Neque etiam praedictae intellectuales virtutes,
similiter ut in nobis, aguntur ab aliquo communi ad ista multa
et divisa, sed cum sint purae ab omni materia, per quod
differunt a sensibus et sensibilibus, et multitudine, per quod
differunt a rationibus diffusis, intelligunt intelligibilia divinorum non
sensibiliter neque rationabiliter, sed intellectualiter ;
sed et immaterialiter, ad differentiam sensus et uniformiter ad
differentiam rationis. Tertio, ibi : et est ipsis et cetera,
assignat causam tam excellentis cognitionis in Angelis : et primo quidem ex
parte naturae ipsorum ; et dicit quod ipsis Angelis est
virtus et operatio intellectualis resplendens puritate munda et immaculata :
munda quidem per remotionem interioris immunditiae ; immaculata per
remotionem exterioris inquinantis ; et haec puritas in eis pervenit ex duobus
: primo quidem ex quadam simplicitate naturali et immaterialitate et convenit
ipsis intellectibus angelicis, quos vocat divinos, propter propinquitatem et
similitudinem ad Deum ; et ex hac simplicitate et immaterialitate redduntur
conspicaces, idest acute intelligentes. Secundo
etiam resplendet in eis puritas ex dono divinitus eis dato per quod uniuntur
ad Deum ; per quod quidem donum, secundum eorum possibilitatem,
intendunt ad divinum, idest ad hoc ipsum quod Deus est, ad
divinam mentem et rationem, quae omnem sapientiam excedit. Est
ergo in eis puritas intellectus et splendor, tam ex eorum simplicitate, quam
etiam ex dono divinae gratiae. Deinde, cum dicit : propter divinam et
cetera, ostendit quomodo animarum rationalitas a divina sapientia derivatur ;
et dicit quod propter divinam sapientiam et animae humanae
habent quod sint rationales. Et ad exponendum secundum quod animae rationales
dicuntur, subiungit quod circumeunt circa veritatem existentium,
diffusive et circulo. Veritas enim existentium radicaliter consistit in
apprehensione quidditatis rerum, quam quidditatem rationales animae non
statim apprehendere possunt per seipsam, sed diffundunt se per proprietates
et effectus qui circumstant rei essentiam, ut ex his ad propriam veritatem
ingrediantur. Haec autem circulo quodam efficiunt, dum ex proprietatibus et
effectibus causas inveniunt et ex causis de effectibus iudicant. Et quia
mentes angelicae secundum unitam et simplicem considerationem veritatem
inspiciunt, deficiunt ab eis animae inquantum, per divisionem et multitudinem
variarum rerum, diffunduntur ad veritatis cognitionem. Sed tamen, in hoc ipso
quod multa in uno convolvere possunt, sicut cum ex multis effectibus et
proprietatibus perveniunt ad cognoscendam rei essentiam, intantum dignae
habentur animae ut homines habeant intellectus quodammodo Angelis aequales,
scilicet secundum proprietatem et possibilitatem animarum : inquisitio enim
rationis ad simplicem intelligentiam veritatis terminatur, sicut incipit a
simplici intelligentia veritatis quae consideratur in primis principiis ; et
ideo, in processu rationis est quaedam convolutio ut circulus, dum ratio, ab
uno incipiens, per multa procedens, ad unum terminatur. Deinde, cum dicit
: sed et aliquis et cetera, ponit quod etiam cognitio
sensitiva a divina sapientia derivatur ; et dicit quod aliquis non peccabit,
quasi divertens ab intentione proposita secundum quam intendimus processum
divinae sapientiae assignare, si etiam ipsos sensus esse quamdam resonantiam dixerit
divinae sapientiae. Infimum enim cuiuslibet processionis
resonantia nominatur ad similitudinem eius quod non potest sentiri de sono
propter distantiam : sicut enim ultimum vitae est in plantis ita infimum
cognitionis est in sensu. Nam divina sapientia est super omnem cognitionem :
cuius primus effectus est cognitio intellectus angelici, quae tota in
uniformitate consistit ; secundus effectus est cognitio rationis, quae multa
ad unum convolvit ; tertius autem effectus est cognitio sensitiva, quae circa
multa diffunditur, sed uniformitatem cognoscere non valet. Deinde, cum dicit
: et quidem et Daemonum et cetera, ostendit quod etiam
cognitio Daemonum a divina sapientia derivatur ; et ponit ultimo cognitionem
Daemonum, quia est cognitio depravata, licet, secundum naturae ordinem, sit
altior cognitione rationis et sensus ; et dicit quod mens Daemonum,
inquantum retinet de natura et virtute mentis, ex divina sapientia procedit ;
sed inquantum habet cognitionem depravatam per malam voluntatem, dum summum
bonum, quod naturaliter desiderat, neque scit consequi neque vult eo modo quo
oportet, in hoc magis cadit a divina sapientia ; qui quidem casus non est eis
a Deo, sed ex libero arbitrio. Ultimo autem recapitulat quod dixerat ; et
dicit quod dictum est quod divina sapientia est principium a
quo tota cognitionis emanatio incipit et causa ipsam
profundens et substantificatrix, inquantum facit esse sapientiam in
unoquoque et perfectio, inquantum cognitionem ad perfectum
adducit et custodia, idest conservatio et finis, quia
in hoc terminatur omnis cognitio quod Deus cognoscatur. Est igitur divina
sapientia et principium et causa ipsius sapientiae secundum
se acceptae in communi ; et omnis mentis, idest intellectus,
quantum ad Angelos ; et omnis rationis, quantum ad homines
; et omnis sensus, quantum ad animalia. |
Leçon 2 (40a) : Que la Sagesse divine est cause de toute sagesse.707. Après avoir montré la transcendance de la sagesse divine, Denys met ici en lumière sa causalité et il le fait d'abord universellement puis par l'examen de cas particuliers, là (305) où il dit : C'est d'Elle... 708. Il rappelle donc en premier la transcendance de la sagesse divine et affirme qu'on en fait l'éloge en disant d'elle qu'elle est irrationnelle au sens où elle dépasse la raison, qu'elle est sans intelligence au sens où elle dépasse l'esprit ou l'intelligence et qu'elle est folle ou insensée au sens où elle dépasse cette disposition acquise de l'esprit qu'on appelle sagesse ; et il ajoute que la causalité de la sagesse divine présente trois conditions : et d'abord certes il présente sa causalité en elle-même en disant que la sagesse divine est la cause, par une participation à sa ressemblance, des puissances pratiques et spéculatives, c'est-à-dire de ces puissances qui sont celles de l'esprit ou de l'intelligence ; des connaissances et des dispositions pratiques et spéculatives qui sont celles de la raison ; de la sagesse, laquelle est la disposition contemplative de l'esprit ; et de la prudence qui est la raison droite à l'égard de l'action. La deuxième condition de sa causalité est que ses effets lui sont attribués : elle-même en effet est tout conseil et cependant c'est par elle que s'actualise toute connaissance et toute prudence. La troisième condition de sa causalité est que ses effets existent en elle : en effet, c'est dans la sagesse même de Dieu, qui est le Christ, que ¨se trouvent, cachés, tous les trésors de la sagesse et de la connaissance¨ ainsi que le dit l'Apôtre dans son Épître aux Colossiens (2, 3). Et c'est ainsi que la troisième condition est la cause de la seconde : c'est pour cela en effet que Dieu est nommé par ses effets, parce que ses effets préexistent en Lui d'une manière suprêmement élevée. Pour cette raison, il se sert du nom trésor pour ce qui est de l'abondance de sagesse et de connaissance qui est en Dieu ; pour ce qui est en vérité de l'élévation ou de la supériorité de la connaissance divine, dans la mesure où elle dépasse notre intelligence, il attribue à un trésor de cette sorte le qualificatif ¨caché¨. Et il manifeste certes la causalité universelle de la sagesse divine au moyen d'une comparaison avec ce qui précède, c'est-à-dire avec la bonté (ch. 4), l'essence (ch. 5) et la vie (ch. 6) et il dit : ainsi qu'on l'a dit dans ce qui précède il faut par conséquent ici affirmer que Dieu, qui est une cause éminemment et abondamment sage vu qu'Il possède toute sagesse, est la cause qui produit aussi la sagesse par soi elle-même, entendue comme formellement, soit qu'on la considère dans son ensemble, soit qu'on la considère dans une de ses parties, dans la mesure où Il produit la sagesse chez celui-ci ou celui-là. 709. Ensuite lorsqu'il dit (305) : C'est d'Elle...il manifeste plus spécifiquement la causalité de la sagesse divine à l'égard de cas particuliers ; et d'abord à l'égard des Anges ; deuxièmement à l'égard de l'âme rationnelle, là (308) où il dit : c'est à cause de la divine... ; troisièmement à l'égard du sens, là (309) où il dit : Mais quelqu'un... ; quatrièmement à l'égard des démons (310) non pas pour autant qu'il y a là une corruption de la connaissance mais pour autant qu'il est dans leur nature d'avoir la science de certaines choses. 710. Au sujet du premier point, il fait trois choses : d'abord, il montre comment la connaissance angélique procède de Dieu et il dit que c'est de la sagesse divine elle-même que les puissances des esprits angéliques, qui sont intelligibles puisqu'elles sont immatérielles et qui sont intellectuelles étant donné qu'elles peuvent comprendre, tiennent la simplicité de leur intelligence d'une participation à la ressemblance de Dieu conformément à la nature qui leur est propre ; et ces intelligences sont heureuses en raison de leur union à Dieu et elles sont aussi capables, conformément à la nature propre de leur savoir, de s'adresser à Dieu. 711. Deuxièmement, là (306) où il dit : Ce n'est pas dans ce qui peut être divisé...il manifeste la simplicité de l'intelligence angélique par opposition à ce qui présente une composition dans notre esprit. Mais il faut considérer que la composition qu'il y a dans notre intelligence est double : la première certes se rapporte à la recherche de la vérité et la seconde se rapporte au jugement ; dans la recherche de la vérité il y a certes composition car nous procédons comme en recueillant une vérité unique à partir d'une multiplicité, et cette multiplicité se dit soit des diverses choses sensibles par l'expérience desquelles nous acquérons une connaissance universelle, soit des différents signes à partir desquels en raisonnant nous parvenons à telle vérité. Et non seulement nous procédons de la sorte, à savoir à partir de ces réalités multiples et divisibles vers une vérité intelligible unique lorsque nous acquérons la science au début, mais même lorsque nous l'avons acquise, ce que nous tenons dans une connaissance universelle nous le considérons comme par une certaine application à ces réalités multiples et divisibles. Mais dans le jugement nous procédons d'un principe commun pour l'appliquer aux réalités multiples et divisibles ou particulières qui en sont les effets ou les signes. Excluant des Anges l'un et l'autre de ces procédés, il dit que les intelligences angéliques ne recueillent pas comme nous la connaissance divine, soit en considérant dans les diverses réalités divisibles ce qu'elles savent déjà, soit en acquérant la science à partir d'elles : et par divisibles je veux dire soit par les sens quant aux qualités sensibles, soit par des exposés discursifs, c'est-à-dire par des ¨raisonnements¨, ainsi que le rend une autre traduction ; car ¨logos¨ en grec signifie à la fois raison et discours ; et on dit que la raison est discursive à cause de son processus qui va d'un point à un autre. Et les puissances intellectuelles qui précèdent ne vont pas, comme nous le faisons, d'un principe commun à ces nombreuses réalités divisées, mais comme elles sont dégagées de toute matière, en quoi elles diffèrent des sens et des qualités sensibles, et de toute multiplicité, en quoi elles diffèrent des exposés discursifs, elles comprennent ce qui est intelligible de Dieu ni d'une manière sensible ni d'une manière rationnelle, mais d'une manière intellectuelle ; et encore elles le font selon un mode immatériel contrairement au sens et simple, contrairement à la raison. 712. Troisièmement là (307) où il dit : Et leur...il désigne la cause d'une connaissance si excellente chez les Anges ; et il fait cela certes en partant de leur nature ; et il dit que chez les Anges eux-mêmes la puissance et l'opération intellectuelles resplendissent d'une pureté nette et sans tache ; elle est nette certes en raison de l'absence de saletés intérieures et sans tache en raison de l'absence de souillures extérieures ; et cette pureté, on la retrouve en eux pour deux raisons : premièrement certes c’est à cause de leur simplicité naturelle et de leur immatérialité que cette pureté convient aux intelligences angéliques qu'il appelle divines à cause de leur proximité et de leur ressemblance à Dieu ; et c'est en raison de cette simplicité et de cette immatérialité que leur intelligence est rendue attentive et pénétrante. Deuxièmement cette pureté des Anges resplendit aussi en eux en raison du don divin qui leur est donné et au moyen duquel ils sont unis à Dieu ; et certes, au moyen de ce don, dans la mesure de leur possibilité, ils tendent à la divinité, c'est-à-dire à la contemplation de Dieu lui-même dans ce qu'il est, à son esprit et à sa raison, laquelle dépasse toute sagesse. Leur intelligence possède donc une pureté et un éclat qui leur vient à la fois de leur simplicité et du don de la grâce divine. 713. Ensuite, lorsqu'il dit (308) : À cause de la divine...il montre comment la rationalité des âmes découle de la sagesse divine ; et il dit que c'est à cause de la sagesse divine que les âmes humaines sont rationnelles. Et pour expliquer sous quel rapport on dit que les âmes sont rationnelles, il ajoute qu'elles tournent autour de la vérité des choses, en s'étendant et comme en cercle. En effet, la vérité des choses consiste essentiellement dans l'appréhension de leur quiddité que les âmes rationnelles ne peuvent saisir aussitôt par elles-mêmes, mais elles se répandent parmi les propriétés et les effets qui entourent l'essence de la chose afin de parvenir, à partir de là, à la vérité qui est propre à la chose. Elles réalisent cela comme par un certain cercle, alors qu'à partir des propriétés et des effets elles découvrent les causes et qu'à rebours, à partir de ces mêmes causes elles jugent des effets. Et parce que les esprits angéliques examinent la vérité au moyen d'une considération simple et unique, les âmes s'en distinguent pour autant qu'elles avancent petit à petit dans la connaissance de la vérité en se servant de la division et de la multiplicité des réalités diverses. Mais cependant, par cela même qu'elles peuvent ramener la multiplicité à l'unité, comme lorsqu'elles parviennent à la connaissance de l'essence de la chose à partir de ses nombreuses propriétés et de ses nombreux effets, les âmes possèdent une dignité telle que l'intelligence des hommes se compare d'une certaine façon à celle des Anges, c'est-à-dire dans la mesure de leur nature et des capacités propres à leur âme : la recherche de la raison en effet se termine à l'intelligence simple de la vérité, tout comme elle commence par l'intelligence simple de la vérité considérée dans les premiers principes ; et c'est pour cela que dans le procédé de la raison il y a comme un circuit comparable à un cercle puisque la raison, partant de l'unité pour se répandre dans la multiplicité, revient à l'unité. 714. Ensuite lorsqu'il dit (309) : Mais quelqu'un...il affirme que même la connaissance sensible vient de la sagesse divine ; et il dit que quelqu'un ne sera pas dans l'erreur et ne s'écartera pas du propos poursuivi, d'après lequel nous tendons à identifier comment la sagesse divine se répand dans les choses, s'il affirme que même les sens sont un écho de la sagesse divine. En effet, tout ce qui est dernier dans une séquence peut être appelé écho si on le compare au son lui-même qui ne peut être perçu à cause de la distance : en effet tout comme le plus éloigné ou le dernier échelon de la vie se retrouve chez les plantes (681), de même le dernier échelon de la connaissance se situe dans le sens. Car la sagesse divine est au-dessus de toute connaissance : et son premier effet est la connaissance de l'intelligence angélique qui consiste dans la simplicité de l’unité ; son deuxième est la connaissance de la raison qui ramène le multiple à l'un ; et son troisième effet est la connaissance sensible qui se répand dans la multiplicité mais qui est incapable de saisir l'unité. 715. Ensuite, lorsqu'il dit (310) : Et certes l'esprit des démons...il montre que même la connaissance des démons vient de Dieu ; et c'est en dernier qu'il présente la connaissance des démons car elle est une connaissance altérée bien que selon l'ordre de leur nature, elle soit supérieure à la connaissance rationnelle et à la connaissance sensible ; et il dit que l'esprit des démons, quant à ce qu'ils conservent de la nature et de la puissance de l'esprit, procède de la sagesse divine ; mais quant à leur connaissance corrompue par une mauvaise volonté, alors même qu'il désire naturellement le plus grand Bien, et qu'il ne sait pas et ne veut pas non plus y parvenir de la manière qu'il faut, en cela il déchoit de la sagesse divine ; et leur chute certes n'est pas due à Dieu, mais à l'exercice de leur libre arbitre. 716. Et finalement il résume ce qu'il vient de dire ; et il termine en disant (311) qu'il a été dit que la Sagesse divine est le principe par lequel toute connaissance voit le jour, et qu'elle est la cause qui la répand et la produit selon qu'elle fait exister la sagesse en chacun, qu'elle est sa perfection selon qu'elle conduit une connaissance à sa perfection, qu'elle est sa protection, selon qu'elle la conserve, et sa finalité car toute connaissance a pour fin la connaissance de Dieu. La Sagesse divine est donc à la fois le principe et la cause de la sagesse en soi entendue en tant que telle et universellement, de tout esprit, c'est-à-dire de l'intelligence si on se rapporte aux Anges, de toute raison relativement aux hommes et de tout sens si on se réfère aux animaux. |
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LECTIO 3 [84874] In De divinis
nominibus, cap. 7 l. 3 Postquam Dionysius manifestavit eminentiam et
causalitatem divinae sapientiae, hic ostendit quomodo per divinam sapientiam
Deus cognoscat ; et circa hoc, duo facit : primo, ostendit quomodo Deus
cognoscat ; secundo, quomodo cognoscatur ; ibi : praeterea et
cetera. Circa primum, tria facit : primo, movet dubitationem ; secundo,
solvit eam ; ibi : sed quod dixi et cetera ; tertio, ex
solutione posita, quasdam conclusiones infert ; ibi : igitur et
cetera. Dicit ergo primo quod, cum Deus sit super omnem sapientiam, ipse
tamen laudatur in Scriptura et ut mens et ut ratio et ut
cognitor. Est enim dubitatio : quomodo possit intelligere intelligibilia, cum
non habeat intellectuales operationes ; et quomodo possit cognoscere
sensibilia, cum sensum non habeat, sed sit super omnem sensum ; cum tamen
sacra eloquia tradant quod ipse cognoscat omnia et quod nihil effugit divinam
cognitionem, secundum illud Hebr. 4 : omnia nuda et aperta sunt
oculis eius et non est ulla creatura invisibilis in conspectu eius.
Deinde, cum dicit : sed quod dixi et cetera, solvit
propositam dubitationem ; et circa hoc, tria facit : primo, ostendit quomodo
sensus et intellectus removeantur a Deo ; secundo, quomodo cognitio ei
conveniat ; ibi : quare et cetera ; tertio, probat per
auctoritatem ; ibi : et hoc arbitror et cetera. Dicit ergo
primo quod, sicut multoties dictum est, conveniens est ut intelligantur
divina, ut decet Deum. Quod enim dicitur quod Deus est sine intellectu et
sine sensu, non est accipiendum secundum defectum, quasi Deus deterior sit
his quae habent sensum vel intellectum, sed secundum excessum accipi debet,
quia scilicet omnia intelligibilia excedit. Sic etiam attribuimus ei
irrationale, inquantum est supra rationem ; et attribuimus ei imperfectionem,
inquantum est perfectus super omnia et ante omnia ; et attribuimus ei quod
est caligo impalpabilis et invisibilis, inquantum est lumen inaccessibile,
excedens omne lumen quod a nobis videri potest vel per sensum vel per
intellectum. Deinde, cum dicit : quare divina mens et
cetera, concludit ex praemissis, quod divina mens omnia cognoscendo continet per
cognitionem separatam ab omnibus, quia scilicet eius cognitio est
et supra cognitionem intellectus et supra cognitionem sensus, inquantum
cognoscit omnia per ipsam primam causam omnium, primo in se habens omnem
scientiam, quam omnia esse habeant ; sicut prius habuit notitiam Angelorum,
quam Angeli fierent et prius etiam, intus in
sui dispositione produxit Angelos et omnia alia,
quam in propriis naturis essent, quasi sciens omnia, ut ita
dicam, ab ipso primordiali rerum principio ; et
per suam scientiam, duxit omnia ad hoc quod ipsa subsistunt. Deinde, cum
dicit : et hoc arbitror et cetera, probat quod dixerat, per
auctoritatem Scripturae ; et dicit quod, hoc quod dictum est, significatur in
sacra Scriptura cum dicitur quod Deus scit omnia antequam fiant et
potest accipi Eccli. 23 ; ubi dicitur : domino enim Deo,
antequam crearentur, omnia sunt agnita. Et exponit hoc, dicens
quod hoc quod dicit quia divina mens novit omnia, non est
per hoc quod acquirit scientiam rerum a rebus, sed ex seipsa et in
seipsa praehabet per modum causae, omnium scientiam et
cognitionem et substantiam. Et dicit substantiam, quia, sicut
supra dictum est in capitulo de ente, in ipso esse divino praeexistit omne
esse : aliter enim per suam essentiam non posset omnia cognoscere, nisi omnia
causaliter in ipso essent. Et quia omnia per suam essentiam cognoscit,
sequitur quod ipse sciat omnia et contineat sciendo, non per
hoc quod seorsum se immittat dividendo singulis, sicut nos
seorsum applicamus intellectum nostrum diversis, sed per unam
causae continentiam, quia scilicet cognoscendo unam causam continentem
omnia, cognoscit omnia ; sicut et lumen, si esset
cognoscitivum, per se ipsum cognosceret tenebras, non
aliunde accipiens tenebrarum cognitionem, quam a seipso. Comparatur autem Deus ad creaturas sicut lumen ad tenebras, propter
deficientiam creaturarum a divino lumine. Deinde, cum dicit : igitur
seipsam et cetera, infert ex praemissis, tres conclusiones.
Manifestum est enim quod omnis cognitio est secundum modum eius quo aliquid
cognoscitur, sicut omnis operatio est secundum modum formae quo aliquis
operatur. Cum igitur divina sapientia omnia cognoscat per hoc quod cognoscit
seipsam, ut dictum est, ipsa autem est immaterialis et indivisibilis et una,
sequitur quod cognoscat materialia immaterialiter et divisibilia
indivisibiliter et multa unitive, inquantum scilicet omnia cognoscit et
producit per unum quod est eius essentia. Si enim per causam possunt cognosci
effectus, sequitur quod si ipse tradit esse omnibus secundum unam
causam quae est eius essentia, quod etiam secundum eamdem
causam sciat omnia, sicut quae ab ipso
processerunt et quae praeextiterunt in ipso Deo, antequam
essent in propriis naturis. Et sic manifestum est quod Deus non sumit
cognitiones rerum ab ipsis rebus, sed magis ipsis cognoscentibus dat quod
possunt seipsa cognoscere et quod alia ab aliis cognoscantur. Secundam
conclusionem infert ibi : non igitur et cetera. Si enim Deus,
cognoscendo se cognoscat omnia, sequitur quod non sit in ipso alia cognitio
qua cognoscit seipsum et alia qua communiter comprehendit omnia. Si enim ita
esset quod cognoscendo seipsum non cognosceret omnia, sequeretur quod eius
causalitas alicubi vacaret, ita scilicet quod essent aliqua non ab eo
causata. Sicut igitur impossibile est quod sit aliquid a Deo non causatum,
ita impossibile est quod sit aliquid a Deo non cognitum. Tertiam conclusionem
infert ibi : ita igitur et cetera. Si enim modus cognitionis
sequitur cognitionis principium, ex quo Deus cognitionem rerum non accepit a
rebus, sequitur quod non cognoscit existentia per
cognitionem quae sit ad modum existentium, sed per cognitionem
quae sit ad modum sui ipsius ; quod etiam de Angelis Scriptura dicit, quod
cognoscunt quae sunt in terra, non tamen quod
cognoscant sensibilia per sensus, sed per propriam
virtutem et naturam suae mentis, prout Deo assimilantur
qui per suam essentiam cognoscit omnia, non solum universalia, sed etiam
singularia. Superioris enim naturae maior est virtus et potest plus per unum
cognoscere, quod inferior cognoscit per multa. Deus igitur et etiam Angelus
per assimilationem ad Deum, cognoscit per mentem non solum universalia, sed
etiam singularia ; quamvis homo intellectu cognoscat universalia, sensu vero
singularia. |
Leçon 3 : Comment Dieu connaît par sa sagesse divine.717. Après avoir manifesté la supériorité et la causalité de la sagesse divine, Denis montre ici comment Dieu connaît au moyen de sa Sagesse ; et à ce sujet il fait deux choses : d'abord, il montre comment Dieu connaît ; deuxièmement, comment il est connu, là (320) où il dit : De plus... (leçon 4). 718. Au sujet du premier point, il fait trois choses : d'abord, il présente une difficulté ; deuxièmement, il la résout là (314) où il dit : mais ce que j'ai dit... ; troisièmement, il tire certaines conclusions de la solution qu'il a apportée, là (317) où il dit : Donc... 719. Il dit donc en premier que, puisque Dieu est au-dessus de toute sagesse, Il est Lui-même cependant loué dans les Écritures à la fois comme esprit, comme raison et comme celui qui connaît (312). La difficulté en effet est la suivante : comment en effet peut-il saisir ce qui est intelligible puisque qu'Il ne possède pas les opérations intellectuelles ; et comment peut-il connaître ce qui est sensible alors qu'Il ne possède pas les sens mais qu'Il est au-dessus de toute sensibilité ; et cependant les écrivains sacrés enseignent que Lui-même connaît tout et que rien n'échappe à la connaissance divine selon ce passage de l'Épître aux Hébreux (4, 13) : ¨Aussi n'y a-t-il pas de créature qui reste invisible devant Lui, mais tout est nu et découvert aux yeux de Celui à qui nous devons rendre compte¨. 720. Ensuite, lorsqu'il dit (314) : Mais ce que j'ai dit...il résout le doute qu'il vient de présenter ; et à ce sujet il fait trois choses : d'abord, il montre comment le sens et l'intelligence sont absents de Dieu ; deuxièmement, il montre comment la connaissance Lui appartient, là (315) où il dit : C'est pourquoi... ; troisièmement, il le confirme par un énoncé d'autorité là (316) où il dit : Et je juge que... 721. Il dit donc en premier que, ainsi qu'il l'a déjà dit en plusieurs occasions, il convient d'entendre les caractères divins de la manière qui sied à Dieu. En effet, en disant de Dieu qu'il est privé d'intelligence et de sens, cela ne doit pas s'entendre dans le sens d'un manque, comme si Dieu était inférieur à ceux qui sont doués de sens ou d'intelligence, mais cela doit s'entendre dans le sens d'une excellence, c'est-à-dire d'un dépassement à l'égard de tout ce qui est intelligible. C'est ainsi encore que nous Lui attribuons l'irrationalité, parce qu'Il transcende la raison ; et aussi l'imperfection parce que sa perfection s'élève au-dessus de toute chose et antérieurement à toute chose ; et nous disons encore de Lui qu'il est un brouillard impalpable et invisible parce qu'il est une lumière inaccessible qui dépasse toute lumière qui peut être connue par nous soit par les sens soit par l'intelligence. 722. Ensuite lorsqu'il dit (315) : C'est pourquoi l'esprit divin...il conclut de ce qu'il vient de dire que l'esprit divin, en connaissant toutes les choses, les contient au moyen d'une connaissance qui est séparée de toutes ces choses, parce que sa connaissance dépasse la connaissance de l'intelligence et celle des sens, en tant qu'Il connaît toute chose par une connaissance qui est la cause première même de toutes ces choses, ayant en Lui une science de toutes ces choses avant même qu'elles possèdent l'existence ; tout comme Il eut la connaissance des Anges avant même que les Anges apparurent et il produisit encore du dedans de Lui, dans son ordonnance, les Anges et tous les autres êtres avant même qu'ils existent dans leur nature propre, les connaissant tous, pour ainsi dire, dans leur principe originel même, et au moyen de sa science il les conduisit tous à leur existence. 723. Ensuite, lorsqu'il dit (316) : Et je juge que ... il confirme ce qu'il vient de dire au moyen de l'autorité des Écritures ; et il dit que ce qui vient d'être dit, les saintes Écritures l'expriment lorsqu'elles disent que Dieu ¨connaît toutes les choses avant même qu'elles apparaissent¨ et on peut accepter ce passage de Daniel (13, 42) où l'on dit : ¨Avant même qu'elles soient créées, toutes les choses sont connues du Seigneur Dieu¨. Et il explique cela en affirmant que ce qu'il dit, à savoir que l'esprit divin connaissait tous les êtres, cela ne se fit pas en acquérant la science des choses en partant des choses, mais c'est à partir de Lui-même et en Lui-même qu'il possède à l'avance, à la manière d'une cause, la science, la connaissance et la substance de toutes les choses. Et il dit substance car ainsi que nous l'avons dit au chapitre sur l'être (641), tout être préexiste dans l'être divin lui-même : autrement en effet il ne pourrait pas connaître toutes les choses au moyen de son essence si elles n'existaient pas toutes en Lui comme dans leur cause. Et parce qu'Il les connaît toutes au moyen de son essence, il s'ensuit qu'il les comprend toutes et les embrasse en les comprenant, non pas en s'élançant vers les singuliers séparément et comme en se divisant, ainsi que nous appliquons notre intelligence séparément à différentes choses, mais il les embrasse toutes par la saisie unique de sa causalité, car certes par la connaissance d'une seule cause qui les contient toutes, Il les connaît toutes simultanément ; tout comme la lumière, si elle était capable de connaître, connaîtrait par elle-même les ténèbres, ne tirant pas d'ailleurs que d'elle-même sa connaissance des ténèbres. Et Dieu se compare aux créatures comme la lumière aux ténèbres à cause de l’absence de la lumière divine chez les créatures. 724. Ensuite lorsqu'il dit (317) : Donc, en se connaissant Elle-même...il tire trois conclusions de ce qui précède. Il est manifeste en effet que toute connaissance s'effectue selon le mode de celui par lequel quelque chose est connu, tout comme toute opération se réalise conformément au mode de la forme par laquelle un être agit. Donc, puisque la Sagesse divine connaît toute chose en se connaissant elle-même ainsi qu'on l'a dit (722), et qu'elle-même est immatérielle, indivisible et une, il s'ensuit qu'elle connaît ce qui est matériel d'une manière immatérielle, ce qui est divisible d'une manière indivisible et ce qui est multiple d'une manière qui est une, c'est-à-dire selon qu'elle connaît et produit toute chose par son essence qui est une. Si en effet les effets peuvent être connus par leur cause, il s'ensuit que, si Lui-même transmet à tous l'existence selon cette cause unique qui est son essence, Il les connaît aussi tous selon la même cause, comme étant les êtres qui auront procédé de Lui et préexisté en Dieu Lui-même avant même qu'ils existent dans leur nature propre. Ainsi donc il est manifeste que ce n'est pas à partir des choses elles-mêmes que Dieu tire sa connaissance des choses, mais au contraire c'est à partir de sa connaissance même qu'il leur donne de pouvoir se connaître elles-mêmes et de connaître les autres choses. 725. C'est lorsqu'il dit (318) : Donc, ce n'est pas...qu'il tire la deuxième conclusion. Si en effet Dieu connaît toute chose en se connaissant, il s'ensuit qu'il n'y a pas en Lui une connaissance par laquelle il connaîtrait universellement toute chose et qui serait différente de celle par laquelle il se connaît Lui-même. Si en effet il en était ainsi, à savoir qu'en se connaissant Lui-même il ne connaîtrait pas toute chose, il s'ensuivrait que sa causalité serait absente quelque part, c'est-à-dire qu'il y aurait des êtres qui ne seraient pas causés par Lui. Ainsi donc comme il est impossible qu'il y ait quelque chose qui ne soit pas causé par Dieu, il s'ensuit de même qu'il est impossible que quelque chose ne soit pas connu de Lui. 726. Il tire sa troisième conclusion là (319) où il dit : Ainsi donc...Si en effet le mode de la connaissance découle du principe de la connaissance, puisque ce n'est pas à partir des choses elles-mêmes que Dieu possède la connaissance qu'Il en a, il s'ensuit qu'il ne connaît pas les êtres au moyen d'une connaissance qui se réaliserait selon le mode des êtres mêmes qui existent, mais qu'Il les connaît au moyen d'une connaissance qui découle de son mode à Lui d'exister ; c'est ce que l'Écriture affirme aussi au sujet des Anges, à savoir qu'ils connaissent ce qui existe sur terre, non pas cependant de telle manière qu'ils connaissent les réalités sensibles au moyen des sens, mais par la puissance qui leur est propre et par la nature de leur esprit, dans la mesure où il ressemblent à Dieu qui par son essence connaît toute chose, non seulement les universels, mais même les singuliers. En effet la puissance d'une nature supérieure est plus grande et peut davantage connaître par un seul moyen que ce que la puissance d'une nature inférieure peut connaître par plusieurs moyens. Donc Dieu et aussi les Anges, par leur ressemblance à Dieu, connaissent par leur esprit non seulement les universels mais aussi les singuliers, même si l'homme connaît les universels par son intelligence et les singuliers par ses sens. |
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LECTIO 4 [84875] In De divinis
nominibus, cap. 7 l. 4 Postquam Dionysius ostendit quomodo Deus
cognoscat, hic ostendit quomodo cognoscatur ; et circa hoc, tria facit :
primo, movet dubitationem ; secundo, solvit ; ibi : numquid igitur et
cetera ; tertio, infert conclusionem ex dictis ; ibi : propter quod et
cetera. Dicit ergo primo quod, cum dictum sit quod Deus cognoscit omnia per
essentiam suam quae est super intellectum et sensum et super omnia
existentia, restat quaerendum quomodo nos possumus
cognoscere Deum, cum ipse non sit intelligibilis, sed supra intelligibilia ;
neque sensibilis, sed supra sensibilia ; neque est aliquid de
numero existentium, sed super omnia existentia : omnis autem
cognitio nostra est per intellectum vel sensum, nec cognoscimus nisi
existentia. Deinde, cum dicit : numquid igitur et cetera.
Solvit propositam dubitationem ; et quia quaestio ita est, solutionem sub
interrogatione infert. Est ergo haec solutio quod nos cognoscimus Deum, non
per naturam ipsius, quasi ipsam essentiam eius videntes : eius enim essentia
est ignota creaturae et excedit non solum sensum, sed etiam omnem
rationem humanam et etiam omnem mentem angelicam,
quantum ad naturalem virtutem rationis et mentis ; unde non potest aliter
convenire alicui, nisi ex dono gratiae. Non ergo cognoscimus Deum, videntes
eius essentiam, sed cognoscimus ipsum ex ordine totius universi. Ipsa enim
universitas creaturarum est nobis a Deo proposita ut per eam
Deum cognoscamus, inquantum universum ordinatum habet quasdam imagines
et assimilationes imperfectas divinorum quae
comparantur ad ipsas sicut principalia exemplaria ad imagines. Sic ergo ex
ordine universi, sicut quadam via et ordine, ascendimus per
intellectum, secundum nostram virtutem ad
Deum, qui est super omnia ; et hoc tribus modis : primo quidem et
principaliter in omnium ablatione, inquantum scilicet nihil horum
quae in creaturarum ordine inspicimus, Deum aestimamus aut Deo conveniens ;
secundario vero per excessum : non enim creaturarum perfectiones ut vitam, sapientiam
et huiusmodi, Deo auferimus propter defectum Dei, sed propter hoc quod omnem
perfectionem creaturae excedit, propterea removemus ab eo sapientiam, quia
omnem sapientiam excedit ; tertio, secundum causalitatem omnium dum
consideramus quod quidquid est in creaturis a Deo procedit sicut a causa. Sic
ergo nostra cognitio, contrario modo se habet cognitioni Dei : nam Deus
creaturas quidem per suam naturam cognoscit, nos autem Deum per creaturas.
Deinde, cum dicit : propter quod et cetera, infert conclusionem
ex dictis ; et circa hoc, tria facit : primo, infert conclusionem ; secundo,
ostendit quomodo conclusio ex praemissis sequatur ; ibi : etenim et
cetera ; tertio, manifestat quoddam quod supposuerat ; ibi : et
quidem ex omnibus et cetera. Dicit ergo primo quod quia a creaturis
in Deum ascendimus et in omnium ablatione et excessu et in omnium
causa, propterea Deus cognoscitur in omnibus, sicut in
effectibus et sine omnibus, sicut ab omnibus remotus et omnia
excedens ; et propter hoc etiam cognoscitur Deus per cognitionem nostram,
quia quidquid in nostra cognitione cadit, accipimus ut ab eo adductum ; et
iterum cognoscitur per ignorantiam nostram, inquantum
scilicet hoc ipsum est Deum cognoscere, quod nos scimus nos ignorare de Deo
quid sit. Et quod dixerat in generali cognitione, explicat per partes subdens
quod ipsius Dei est intellectus et sermo vel
melius ratio, ut alia translatio habet, et scientia quae
est coniunctio intellectus et rationis ; et quantum ad sensitivam
cognitionem, subiungit : et tactus, qui est sensus communis
omnibus animalibus ; et addit quod commune est, cum subdit : et
sensus ; et subiungit de his quae important deficientem cognitionem, cum
dicit : et opinio quae deficit a scientia ; et
phantasia quae deficit a certitudine sensus. Et subdit ea quae
pertinent ad manifestationem cognitionis et dicit : et nomen,
quod est signum intellectus et alia quaecumque pertinent ad
cognitionem vel significationem. Et e contrario, neque intelligitur,
neque sentitur nec dicitur aut nominatur. Et quomodo
utrumque istorum omnium sit, manifestat subdens : Deus enim non est aliquid
existentium, sed supra omnia existentia et ideo, cum per intellectum et alia
praedicta, cognoscantur existentia, nullo praedictorum per cognitionem
alicuius existentium Deus cognoscitur. Rursus Deus est omnia in
omnibus causaliter, cum tamen nihil sit eorum quae sunt in rebus
essentialiter : et ideo, quidquid in rebus existens cognoscatur vel
intellectu vel sensu vel quocumque praedictorum modorum, in omnibus istis
cognitis quodammodo cognoscitur Deus, sicut causa, cum tamen ex nullo
cognoscatur sicut est. Deinde, cum dicit : etenim et cetera,
ostendit quomodo conclusio inducta sequitur ex praemissis ; et dicit
quod hoc recte de Deo dicimus secundum quod cognoscitur et
non cognoscitur : ex omnibus enim entibus cognoscitur et laudatur
secundum quod habent proportionem ad ipsum,
ut quorum est causa. Rursus autem est alia
perfectissima Dei cognitio, per remotionem scilicet, qua
cognoscimus Deum per ignorantiam, per quamdam unitionem ad
divina supra naturam mentis, quando scilicet mens
nostra recedens ab omnibus aliis et postea etiam dimittens
seipsam unitur supersplendentibus radiis deitatis,
inquantum scilicet cognoscit Deum esse non solum super omnia quae sunt infra
ipsam, sed etiam supra ipsam et supra omnia quae ab ipsa comprehendi possunt.
Et sic cognoscens Deum, in tali statu cognitionis, illuminatur ab ipsa
profunditate divinae sapientiae, quam perscrutari non possumus. Quod etiam
intelligamus Deum esse supra omnia non solum quae sunt, sed etiam quae
apprehendere possumus, ex incomprehensibili profunditate divinae sapientiae
provenit nobis. Deinde, cum dicit : et quidem et cetera,
manifestat quoddam quod dixerat, scilicet quod Deus ex omnibus cognoscatur ;
et dicit quod ideo est, quia ipsa divina sapientia est omnium causa
effectiva, inquantum res producit in esse et non solum rebus dat esse, sed
etiam esse cum ordine in rebus, inquantum res invicem se coadunant in ordinem
ad ultimum finem ; et ulterius, est causa indissolubilitatis
huius concordiae et huius ordinis, quae semper
manent, qualitercumque rebus immutatis. Modum autem huius ordinis subiungit,
quia semper fines primorum, idest infima supremorum,
coniungit principiis secundorum, idest supremis inferiorum, ad
modum quo supremum corporalis creaturae scilicet corpus humanum, infimo
intellectualis naturae, scilicet animae rationali unit ; et simile est videre
in aliis ; et sic operatur pulchritudinem universi per unam omnium
conspirationem, idest concordiam et harmoniam, idest debitum
ordinem et proportionem. |
Leçon 4 : Comment Dieu est connu.727. Après avoir montré comment Dieu connaît, Denys montre ici comment Dieu est connu ; et à ce sujet, il fait trois choses : premièrement, il soulève une difficulté ; deuxièmement, il la résout lorsqu’il (321) dit : Alors n'est-il pas vrai… ; troisièmement, il tire une conclusion de ce qui précède en ajoutant (322) : C’est pourquoi… 728. Il dit donc d’abord (320) que, comme il a été dit (315 ;722) que Dieu connaît toute chose par son essence qui est au-dessus de l’intelligence et du sens d’une part et de toute réalité existante d’autre part, il reste à connaître comment nous pouvons connaître Dieu, puisque Lui-même n’est ni intelligible, étant au-dessus de toute réalité intelligible, ni sensible, étant au-dessus de toute réalité sensible, et qu'Il ne fait pas partie des réalités existantes, étant au-dessus de toute réalité existante : mais toute notre connaissance se réalise au moyen de l’intelligence et du sens et il n’y a rien que nous pouvons connaître en dehors des réalités existantes. 729. Ensuite lorsqu’il dit (321) : Alors n'est-il pas vrai… Il résout la difficulté qu’il vient de présenter ; et puisque la question est présentée de cette manière, la résolution est dégagée elle aussi sous la forme interrogatoire. Et elle consiste à dire que ce n'est pas à partir de Son essence que nous connaissons Dieu, comme si nous pouvions voir la nature même de Celui-ci : son essence en effet est inconnue à la créature et, si on considère les capacités naturelles mêmes de la raison et de l’esprit, elle dépasse non seulement le sens mais aussi toute raison humaine et même tout esprit angélique ; d’où il suit qu’on ne peut la retrouver à travers aucun être, mais seulement par un don de la grâce. Nous ne connaissons donc pas Dieu en voyant son essence, mais nous le connaissons à partir de l’ordre de tout l’univers. En effet, la totalité même des créatures nous est proposée par Dieu pour qu’à travers elle nous puissions Le connaître, dans la mesure où l’ordre de l’univers comporte certaines images et certaines ressemblances imparfaites des modèles divins, lesquels se rapportent aux créatures comme les exemplaires de départ se rapportent aux images qu’on reproduirait en s’en inspirant. Ainsi donc, à partir de l’ordre de l’univers, comme à partir d’un chemin et d’une ligne à suivre, nous nous élevons par notre intelligence, dans la mesure de nos capacités, jusqu’à Dieu qui est au-dessus de tout et cela se réalise de trois façons : tout d’abord et principalement par la négation de tout, c’est-à-dire dans la mesure où rien de ce que nous observons dans l’ordre des créatures n’est estimé être Dieu ou appartenir à Dieu ; deuxièmement, de fait, par l’excellence ou le dépassement : ce n’est pas en effet en raison d’un défaut chez Dieu que nous retranchons de lui les perfections qu’on retrouve chez les créatures, telles que la vie, la sagesse et les caractéristiques de cette sorte ; mais parce qu’il dépasse toutes les perfections des créatures, à cause de cela nous retranchons de Lui la sagesse, car il dépasse toute sagesse ; troisièmement, nous connaissons Dieu en tant que Cause de toute chose puisque nous considérons que tout ce qui existe dans les créatures procède de Dieu comme de sa cause. Ainsi donc c’est d’une manière opposée que notre connaissance se compare à la connaissance de Dieu : car c’est par sa nature que Dieu connaît les créatures alors que c’est au moyen des créatures que nous connaissons Dieu. 730. Ensuite, lorsqu’il dit (322) : C’est pourquoi…, il tire une conclusion de ce qui précède ; et à ce sujet, il fait trois choses : d’abord, il tire sa conclusion ; deuxièmement, il montre comment la conclusion découle des prémisses (323) : Et c'est en vérité… ; enfin, il manifeste quelque chose qu’il avait présupposé lorsqu’il dit (324) : Certes, à partir de tout… 731. Et il dit donc premièrement que parce que nous nous élevons à Dieu à partir des créatures à la fois par la négation, le dépassement et la causalité de toute chose, à cause même de cela Dieu nous est connu dans toute chose comme dans ses effets et indépendamment de toute chose, comme séparé de toutes les choses et les transcendant toutes ; et c’est encore à cause de cela que Dieu est connu au moyen de notre connaissance, car tout ce qui tombe dans notre connaissance, nous le recevons comme y étant amené par Lui ; et derechef il est connu par notre ignorance, c’est-à-dire pour autant que cela même est connaître Dieu que de savoir que nous devons ignorer ce qu’il est, son essence. Et ce qu’il avait dit de la connaissance en général, il l’explique ici plus spécifiquement ajoutant que Dieu Lui-même est à la fois objet d’intelligence et de discours, ou pour mieux dire de raison, ainsi que l'exprime une autre traduction, et de science qui est une combinaison de l’intelligence et de la raison ; et quant à la connaissance sensible, il ajoute : et de toucher, qui est le sens commun à tous les animaux ; et il ajoute ce qui est commun lorsqu’il dit : et de sens ; et il rattache à cela ce qui implique un défaut de connaissance, lorsqu’il dit : et d’opinion, laquelle décline de la science ; et d’imagination qui s’écarte de la certitude du sens. Et il ajoute ce qui se rapporte à la manifestation de la connaissance et il dit : et de nom, lequel est signe ou l'expression de l’intelligence, et des autres choses qui se rapportent à la connaissance ou à sa signification. Et Lui au contraire, il n’est compris ni par l’intelligence, ni par le sens ni par la parole. Et il montre comment Il est connu à la fois de toutes ces manières en ajoutant : Dieu en effet n’est rien de ce qui existe, mais il est au-dessus de tout ce qui existe et alors, comme c’est ce qui existe qui est connu par l’intelligence et par les autres modes de connaissance, aucun des modes de connaissance qui précèdent ne peut nous faire connaître Dieu par la connaissance de ce qui existe. Inversement, Dieu est tout en tout mais à la manière d’une cause, bien qu’il ne soit cependant rien de ce qui existe dans les choses quant à leur essence ; et alors, tout ce qui existe dans les choses et qui est connu soit par l’intelligence, soit par le sens soit par une autre des modalités précédentes, c'est dans la connaissance de toutes ces choses que Dieu est connu d’une certaine manière, à savoir en tant que cause, bien que cependant il ne soit connu, quant à son essence, à partir d’aucune d’elles. 732. Ensuite, lorsqu’il dit (323) et c'est en vérité…, il montre comment la conclusion qu’il a tirée découle des prémisses ; et il dit que c’est avec raison que nous disons de Dieu qu’il est à la fois connu et inconnu : en effet il est connu à partir de tous les êtres et il est loué parce qu’ils se rapportent à Lui-même comme ceux dont il est la Cause. Inversement cependant la connaissance la plus parfaite de Dieu est d’une autre nature, c’est-à-dire par mode de retrait de toutes les créatures, par lequel nous connaissons Dieu par mode d’ignorance, grâce à une union aux réalités divines qui dépasse la nature de l’esprit, plus précisément quand notre esprit, se retirant de tout ce qui existe et s’abandonnant lui-même, s’unit aux rayons éblouissants de la Divinité, c’est-à-dire dans la mesure où notre esprit connaît alors que Dieu est non seulement au-dessus de tout ce qui nous est inférieur mais qu’Il transcende aussi l'esprit humain lui-même ainsi que tout ce que ce dernier peut comprendre. Et ainsi, l’esprit humain, connaissant Dieu dans ces conditions, est illuminé par la profondeur même de la sagesse divine, laquelle nous est insondable. Que nous puissions saisir que Dieu dépasse non seulement tout ce qui existe mais aussi tout ce que nous pouvons comprendre, cela même nous est accordé par l’indicible prodigalité de la sagesse divine. 733. Ensuite, lorsqu’il dit (324) et certes…il manifeste quelque chose qu’il avait dit, à savoir que Dieu est connu à partir de toute chose ; et il dit qu’il en est ainsi, parce que la Sagesse divine elle-même est la cause efficiente de tout, dans la mesure où elle produit les choses dans l’être et non seulement elle donne aux choses l’être, mais encore un être qui est en harmonie avec l’ordre des autres choses, car les choses collaborent mutuellement et s’unissent en vue de leur fin ultime. Et de plus, cette Sagesse est la cause de l’indissolubilité de cette harmonie et de cet ordre qui durent toujours, quels que soient les changements qu’on observe dans les choses. Il ajoute le mode selon lequel cet ordre se manifeste, car toujours ce qui est dernier dans ce qui est le plus élevé, c’est-à-dire ce qu’il y a de plus humble dans le supérieur s’unit à ce qui est premier dans ce qui suit, c’est-à-dire à ce qu’il y a de plus élevé dans l’inférieur, à la manière selon laquelle ce qu’il y a de plus élevé dans la nature corporelle, le corps humain, est uni à l’âme rationnelle, laquelle est la moins élevée de tout ce qui existe dans la nature intellectuelle ; et c’est la même chose qu’on observe dans les autres ordres de réalités ; et c’est ainsi que la Sagesse divine engendre selon un plan unique la beauté de l’univers, c’est-à-dire l’accord et l’harmonie, à savoir la proportion et l’ordre appropriés à travers tout ce qui existe. |
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LECTIO 5 [84876] In De divinis
nominibus, cap. 7 l. 5 Postquam Dionysius determinavit de sapientia, hic
determinat de his quae sapientiae adiunguntur ; et primo, de ratione ; secundo,
de veritate et fide ; ibi : haec ratio et cetera. Dicit ergo
primo quod Deus in sacra Scriptura laudatur ut ratio,
quod maxime ex Scripturis sacris accipi potest in eo quod Deus dicitur
verbum, secundum illud Ioannis I : et Deus erat verbum. Logos
enim in Graeco, ut Augustinus dicit, et rationem et verbum significat. Ex
nomine autem rationis, quatuor intelliguntur : primo quidem dicitur esse
quaedam cognoscitiva virtus ; et sic Deus dicitur ratio causaliter, inquantum
ipse est largitor omnis cognitionis, scilicet rationis
et mentis et sapientiae et omnium huiusmodi. Alio modo, ponitur pro
causa, ut cum dicitur : qua ratione hoc fecisti ? Idest, qua de causa ? Et
sic Deus dicitur ratio, non solum quia ipse est omnium causa, sed quia etiam
omnes causas secundas in seipso causaliter praeaccipit, non tamen per modum
compositionis, sed per modum uniformitatis et simplicitatis. Tertio modo, dicitur ratio etiam computatio, sicut habetur Matth. 18,
quod rationem coepit ponere cum servis suis. Et sic dicitur Deus ratio,
quia ipse est summa rerum dispositio quae per omnia vadit pertingens, ut
dicitur Sap. 8, a fine usque ad finem omnium fortiter et disponens
omnia suaviter. Quarto modo, dicitur ratio aliquid simplex
abstractum a multis, sicut dicitur ratio hominis id quod per considerationem
abstrahitur a singularibus, ad hominum naturam pertinens. Et
quantum ad hoc dicit quod supra omnia haec, Deus est ratio magis proprie,
quia divina ratio est magis simplex super omnem simplicitatem et absoluta
est, idest separata vel abstracta ab omnibus, inquantum
secundum suam supersubstantialitatem est super omnia. Deinde, cum
dicit : haec ratio et cetera, agit de veritate et fide ; et
primo, proponit quod intendit ; secundo, manifestat propositum ; ibi : sicut
enim et cetera. Dicit ergo primo quod sicut ex ratione humana
causatur aliqua fides, ita ista divina ratio est quaedam simplex
veritas totius entis ; circa quam rationem vel
veritatem, sicut puram et non erroneam cognitionem omnium,
consistit fides : quae quidem divina fides est quaedam
permanens collocatio credentium, inquantum scilicet firmiter
locat eos in veritate et veritatem in ipsis, prout credentes
habent simplicem cognitionem veritatis absque dubitatione et inquisitione,
secundum quamdam intransmutabilem identitatem, quia scilicet eodem modo et
intransmutabiliter, in veritate permanent. Et propter hanc fidei firmitatem,
apostolus fidem substantiam dixit, quasi quoddam fundamentum et
collocationem. Deinde, cum dicit : sicut enim et cetera,
probat praedictam fidei firmitatem, tripliciter : primo quidem, per rationem
cognitionis : quia cognitio est unitiva mutuo eorum
qui cognoscunt, non solum ex eo quod omnes cognoscentes veritatem,
in una veritatis cognitione uniuntur, sed etiam, quia qui cognoscit
veritatem, semper eodem modo, permanet in una et eadem veritate ; ignorantia vero,
e contrario, est causa ut ignorans ex seipso transmutetur,
hoc modo illud opinans ut dividatur ab aliis, quia ignorantium diversi
diversa opinantur ; et ideo, secundum sermonem sacrae Scripturae, eum qui
credit in veritate divinae fidei, nihil potest removere a vera fide,
inquantum habet impermutabilem permanentiam : dicit enim apostolus, Rom. 8
: certus sum quia neque mors neque vita neque aliquid aliud potest me
separare a caritate Dei. Secundo, ibi : bene autem et
cetera, probat idem ex iudicio credentium. Ille enim qui veritati per
fidem unitus est, bene cognoscit quam bene sit
ei, sic veritati fidei adhaerendo ; quamvis multi reprehendant ipsum
sicut extasim passum, idest sicut fatuum et a se alienatum ; etenim latet
ipsos reprehendentes ex eorum errore,
quod ipse sine dubio per veram fidem est passus
extasim veritatis, quasi extra omnem sensum positus et veritati supernaturali
coniunctus, quia ipse credens novit de seipso quod non est
furens, ut ipsi dicunt, sed est liberatus per
veritatem simplicem et semper eodem modo se habentem, ne circumferatur
per instabiles et variabiles ventos diversorum errorum. Tertio, ibi : ita
igitur et cetera, probat idem exemplo apostolorum, qui sunt principes
et duces sapientiae Christianae et pro veritate mortificantur
tota die, contestantes, ut est conveniens, non
solum verbo, sed etiam opere et per veram Dei
cognitionem quae est unitiva Christianorum, quod ipsa Dei
cognitio in qua Christiani uniuntur, est simplicior et divinior quacumque Dei
cognitione quae in hoc mundo ab hominibus habetur ; immo, ut verius dicamus,
ipsa sola est vera et una et simplex Dei cognitio. Quaecumque enim alia Dei
cognitio discordat a communi Christianorum cognitione, quae Catholica fides
nominatur, magis dicenda est error, quam Dei cognitio. |
Leçon 5 (43a) : De ce qui se rattache à la Sagesse, à savoir la Raison, la Vérité et la Foi.734. Après avoir traité de la Sagesse, Denys traite ici de ce qui s'y rattache : et tout d'abord de la raison, deuxièmement de la vérité et de la foi, là où il dit (326) : Cette raison... 735. Il dit donc en premier (325) que Dieu est loué dans les Saintes Écritures comme étant raison et cela, c'est avec la plus grande évidence que nous pouvons l'observer dans ce passage de l'évangile de Jean (1, 1), où il est appelé le verbe : ¨Et Dieu était le verbe¨. En effet, ¨logos¨ en grec, comme le dit Augustin dans son Livre sur les quatre-vingt-trois questions, ¨signifie à la fois raison et verbe¨ ou parole. Mais par le nom raison, il faut entendre quatre choses : on dit certes de la raison en premier lieu qu'elle est une puissance cognitive ; et ainsi Dieu est appelé raison à la manière d'une cause, selon qu'il est le distributeur de toute connaissance, que ce soit de la raison, de l'esprit, de la sagesse ou de toute autre sorte de connaissance. Mais ce mot en un autre sens est présentée comme une cause, comme lorsque nous disons : Pour quelle raison as-tu fait cela ? C'est-à-dire, quelle en est la cause ? Et ainsi, Dieu est appelé raison non seulement parce qu'il est la cause de tout ce qui existe mais encore parce qu'il contient en lui à l'avance toutes les causes secondes et non pas cependant par mode de composition, mais par mode d'unité et de simplicité. En un troisième sens on dit que la raison est comme un calcul, ainsi qu'on le voit dans l'évangile de Matthieu (18, 23) où il dit que la ¨raison¨ commença à ¨régler ses comptes avec ses serviteurs¨. Et ainsi on dit que Dieu est raison car Lui-même est l'arrangement le plus élevé des choses qui s'achemine à travers toutes et chacune ainsi que le dit le livre de la Sagesse (8, 1) : ¨Elle s'étend avec force d'un bout du monde à l'autre et elle gouverne l'univers pour son bien¨. En un quatrième sens on dit que la raison est quelque chose de simple tiré de la multiplicité, tout comme on dit que la définition de l'homme est ce qui, au moyen d'une considération dégagée des singuliers, se rapporte à la nature même de l'homme. Et sous ce rapport il dit qu'au-dessus de toutes ces choses, Dieu est à plus proprement parler raison car la raison divine est d'autant plus simple encore, d'un simplicité qui est au-dessus de toute simplicité et qui est absolue, c'est-à-dire qui est séparée ou abstraite de toute autre réalité, conformément à sa supra-substantialité qui transcende toute autre réalité. 736. Ensuite lorsqu'il dit (326) : Cette raison...il considère la vérité et la foi ; et d'abord, il présente son propos ; ensuite il le manifeste là (327) où il dit : En effet, tout comme... 737. Denys dit donc en premier que tout comme une certaine foi est causée à partir de la raison humaine, ainsi cette raison divine est une certaine vérité simple de tout être ; et c'est à l'égard de cette raison ou de cette vérité, qui est une connaissance pure et sans erreur de toute chose, que se fixe la foi : laquelle foi divine est certes une certaine stabilité permanente des croyants selon qu'elle les établit fermement dans la vérité et qu'elle établit la vérité en eux, selon que les croyants possèdent alors, dans une identité immuable, une connaissance simple de la vérité dépourvue de doute et de recherche ; car la raison divine demeure toujours dans la vérité de la même manière et sans changement. Et c'est à cause de cette fermeté de la foi que l'Apôtre l'appelle substance dans son Épître aux Hébreux (11, 1) car elle est comme un fondement et une demeure. 738. Ensuite lorsqu'il dit (327) : En effet, tout comme...il manifeste cette fermeté de la foi de trois manières : d'abord certes au moyen de la nature même de la connaissance : car la connaissance engendre une union mutuelle chez ceux qui connaissent, non seulement du fait que tous ceux qui connaissent la vérité sont unis dans une seule et même connaissance de la vérité, mais aussi parce que celui qui connaît la vérité demeure toujours uni de la même manière à une seule et même vérité ; l'ignorance au contraire fait que de lui-même l'ignorant est comme agité de telle sorte que par son opinion il se sépare des autres car la multitude des ignorants croit une multitude de choses ; et c'est pour cela que, conformément à la parole des Saintes Écritures, celui qui croit en la vérité de la foi divine, ne peut en rien se détourner du contenu de la vraie foi, selon qu'il possède en elle une permanence immuable : l'Apôtre dit en effet dans sa Lettre aux Romains (8, 38) : ¨J'en ai l'assurance, ni la mort, ni la vie, ni aucune autre chose ne peut me séparer de l'amour de Dieu¨. 739. Deuxièmement, là (328) où il dit : Et bien...il montre la même chose à partir du jugement des croyants. Celui en effet qui est uni à la vérité par la foi sait bien ce qui lui est bénéfique en adhérant ainsi à la vérité de la foi ; bien que certains lui reprochent d'être extravagant, c'est-à-dire d'être comme insensé et étranger à lui-même, il demeure à l'abri des critiques provenant de leurs erreurs, car en vérité lui-même ne connaît aucune hésitation et c'est grâce à la vraie foi qu'il est extravagant pour la vérité, étant comme placé en dehors de toute sensibilité et uni à la vérité surnaturelle, car le croyant sait de lui-même qu'il n'est pas insensé, ainsi qu'ils le disent, mais qu'il est plutôt libéré par la vérité simple et toujours identique à elle-même de telle sorte qu'il ne se disperse pas, comme par des vents variables et changeants, dans les diverses erreurs. 740. Troisièmement, là (329) où il dit : Ainsi donc...il prouve la même chose par l'exemple des Apôtres qui, en tant que têtes et guides de la sagesse chrétienne et qui se sacrifient à chaque jour pour la vérité, témoignent comme il se doit, non seulement par la parole mais aussi par l'action et au moyen de la vraie connaissance de Dieu qui unit les chrétiens, que la connaissance même de Dieu dans laquelle les chrétiens sont unis est plus simple et plus divine que toute autre connaissance de Dieu qui est possédée par les hommes en ce monde ; mieux que cela, pour être plus près de la vérité, disons que cette connaissance est la seule à être la vraie, unique et simple connaissance de Dieu. En effet, de toute autre connaissance de Dieu qui est en désaccord avec la connaissance communément répandue chez les chrétiens, et qu'on appelle la foi catholique, on doit dire d'elle qu'elle est une erreur plutôt qu'une connaissance de Dieu. |
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CAPUT 8 |
Chapitre 8 - De la Puissance, de la Justice, du Salut, de la Libération de ce qu'ils contiennent, et de l'Inégalité. |
LECTIO 1 [84877] In De divinis
nominibus, cap. 8 l. 1 Postquam determinavit Dionysius de Dei sapientia,
hic determinat de virtute et iustitia. Sicut enim processus sapientiae minus
se extendit quam processus vitae, eo quod non omnes viventes cognitionem
habent, ita processio virtutis et iustitiae deficit a sapientiae processione.
Circa hoc ergo duo facit : primo, dicit de quo est intentio ; secundo,
exsequitur propositum ; ibi : et quod quidem et cetera.
Dicit ergo primo, quod quia divina veritas et sapientia super omnem
sapientiam existens, laudatur in sacra Scriptura et sicut virtus et
sicut iustitia et sicut salvatio et sicut liberatio,
idest sicut salvationis et liberationis causa, istas etiam Dei-Nominationes exponemus, sicut
est nobis possibile. Deinde, cum dicit : et quod quidem et
cetera, exequitur propositum : et primo, determinat de virtute ; secundo, de
iustitia quae est virtutis species ; ibi : iustitia autem et
cetera ; tertio, de salvatione et liberatione et inaequalitate quae sunt
iustitiae effectus, ibi : ipsa igitur et cetera. Prima pars
dividitur per partes duas : in prima, determinat de Dei virtute ; in secunda
solvit quamdam obiectionem contra infinitatem divinae virtutis ; ibi : et
quidem dicit et cetera. Circa primum, duo facit : primo, movet
quaestionem : quomodo virtus dicatur de Deo ; secundo, solvit quaestionem ;
ibi : dicimus igitur et cetera. Dicit ergo primo quod
nullus, qui habuit consuetudinem in sacris eloquiis, ignorat quod principalis
deitas est separata ab omni virtute, quae, quocumque modo,
in rebus existit, vel cogitari potest. Separatur autem ab omni virtute, non
quasi ab ea deficiens, sed eam superans et excedens, unde et sacra Scriptura tradita
est quae attribuit Deo et dominationem coelestium virtutum,
secundum illud Psalm. 23 : dominus virtutum, ipse, est rex gloriae,
et in multis locis dicitur dominus exercituum, ex quo datur
intelligi quod si coelestes virtutes excedit, multo magis alias. Cum ergo
divinitas sit ab omni virtute segregata, potest quaeri : quomodo
vel ipsi qui sacras Scripturas ediderunt, Deum sicut virtutem laudaverunt,
iuxta illud I Cor. I : Christum Dei virtutem et Dei sapientiam,
et iterum : quomodo nos qui sacras Scripturas exponimus, accipimus in
divinitate, virtutis-nominationem ? Deinde, cum dicit
: dicimus igitur et cetera, solvit propositam quaestionem ;
et circa hoc, duo facit : primo, ostendit quomodo virtus accipiatur in Deo ;
secundo, ostendit processum virtutis a Deo in singula ; ibi : ex ipsa
sunt et cetera. Circa primum, duo facit : primo, ostendit quomodo
virtus attribuatur Deo ; secundo, qua ratione virtus Dei infinita dicatur,
ibi : et sicut infinitae et cetera. Dicit ergo primo quod
virtus attribuitur Deo, propter tria : primo quidem, secundum hoc quod omnium
rerum virtutes in ipso primordialiter et supereminenter existunt, sicut et de
vita et sapientia, dictum est ; secundo vero, secundum hoc quod est causa
omnis virtutis ; tertio, vero, secundum hoc quod ipse operatur producendo
omnia secundum virtutem indeclinabilem, idest quae non potest
minorari aut fatigari et incircumfinitam ; sicut et sapientia Deo
attribuitur, inquantum in ipso praeexistit omnis sapientia et inquantum ipse
est sapientiae causa et inquantum habet sapientiae actum, cognoscendo ; et
non solum est virtutis causa sicut largiens virtutem, sed quia ipsam virtutem
causat sive accipiamus virtutem universalem sive aliquam virtutem
particularem. Deinde, cum dicit : et sicut infinitae et cetera,
quia dixerat quod Deus producit omnia secundum virtutem infinitam, secundo
ostendit quomodo virtus Dei infinita dicatur ; et circa hoc, duo facit :
primo, dicit secundum quam rationem, virtus Dei infinita dicatur ; secundo,
manifestat infinitatem divinae virtutis per exempla ; ibi : quae
propter et cetera. Est autem considerandum quod infinitum in Deo non
dicitur per extensionem sicut in quantitate continua, sed per negationem quia
scilicet non finitur aut determinatur aliquo. Sic ergo virtus Dei quintupliciter
dicitur infinita : primo quidem quia non determinatur ad aliquem effectum,
sed omnem virtutem producit ; secundo, non solum propter hoc, sed eo
quod non terminatur per commensurationem alicuius virtutis,
sed est super omnem virtutem particularem et ulterius
super omnem ipsam per se virtutem, quia hoc ipsum quod nomine
communi virtutis intelligitur, est minus divina virtute ; tertio, quia non
terminatur per ea quae sunt, sed potest infinitis modis et infinitas alias
virtutes producere, praeter eas quae sunt ; quarto, quia si infinitis modis
etiam infinitas virtutes produceret praeter eas quae sunt, non propter hoc
hebetaretur aut debilitaretur eius actio superinfinita, quae est factiva
omnis virtutis ; et sic etiam patet quod nec sua actione finitur, secundum
quod actio ad effectus terminatur ; quinto, dicitur infinita eo quod non
terminatur intellectu : est enim ineffabilis et ignota
et quae cogitari non potest, divina virtus cuncta excedens.
Deinde, cum dicit : quae propter abundantiam et cetera,
manifestat infinitatem divinae virtutis per signa et exempla ; et dicit quod
divina virtus per abundantiam possibilis, idest potestatis, etiam
quae sunt infirma firmat, idest conservat, continet et
fortiter tenet etiam illas res in quibus est ultima resonantia
virtutis, idest quae minimum participant de virtute ; quod est signum
infinitae virtutis : sicut videmus in potentiis
sensibilium quod lumina quae sunt valde splendida possunt
videri etiam ab eis qui habent debiles visus et magni sonus perveniunt ad
auditus debiles, qui non de facili recipiunt sonos
; et ultra hoc non potest se extendere virtus luminis et soni, quia quod
omnino non habet auditum non potest audire quantumcumque magnum
sonum et quod totaliter non videt, non
potest videre splendidum lumen. Sic igitur concludit quod distributio divinae virtutis,
propter sui infinitatem, procedit ad omnia existentia et
nullum est existens quod non habeat aliquam virtutem ; sed
oportet quod habeat aut virtutem intellectualem, sicut
Angeli aut rationalem, sicut homines aut sensibilem,
sicut animalia aut vivificam, sicut plantae aut
substantialem, sicut alia ; et non solum existentia, sed etiam
ipsum esse habet virtutem ad hoc quod sit, a supersubstantiali Dei virtute.
Et dicit, si fas est dicere, quia non sic proprie dicitur quod
esse sit, sed quod per esse, aliquid sit. |
Leçon 1 (44a) : Comment la puissance doit s'entendre de Dieu et de l'infinité de sa puissance.741. Après avoir traité de la Sagesse de Dieu, Denis aborde ici la Puissance et la Justice. En effet, tout comme la procession de la sagesse a moins d'extension que celle de la vie, du fait que ce ne sont pas tous les vivants qui possèdent la connaissance, de même la procession de la puissance et de la justice est plus faible que celle de la sagesse. Et à ce sujet il fait donc deux choses : d'abord, il annonce son propos ; deuxièmement, il l'exécute là (331) où il dit : Et que certes... 742. Il dit donc en premier (330) que parce que les Saintes Écritures célèbrent la Vérité et la Sagesse divine, qui existe au-dessus de toute sagesse, à la fois comme puissance, comme justice, comme salut et comme libération, c'est-à-dire comme la cause du salut et de la libération, nous expliquerons aussi ces dénominations de Dieu dans la mesure de nos capacités. 743. Ensuite, lorsqu'il dit (331) : Et que certes...il exécute son propos : et d'abord, il traite de la Puissance ; deuxièmement, de la Justice qui est une espèce de puissance ou de vertu, là (344) où il dit : Mais la justice... (leçon 4) ; troisièmement, du Salut, de la Libération et de l'Inégalité qui sont des effets de la Justice, là (351) où il dit : Donc la justice divine elle-même... (leçon 5). 744. Le premier point se divise en deux parties : dans la première il traite de la puissance de Dieu ; dans la seconde il résout une objection contre l'infinité de la puissance divine là (339) où il dit : Et un certain Elymas dit...(leçon 3). Dans la première, il fait deux choses : d'abord, il soulève une question : comment la puissance s'attribue-t-elle à Dieu ? (331) ; dans la deuxième, il répond à la question, là (332) où il dit : Nous disons donc... 745. Il dit donc en premier (331) qu'aucun de ceux qui ont l'habitude de fréquenter les écrivains sacrés n'ignore que la divinité originelle transcende toute puissance qui puisse exister dans les choses d'une manière ou d'une autre ou toute autre puissance qu'on puisse concevoir. Et elle est éloignée de toute puissance non pas parce qu'elle en manque, mais parce qu'elle en abonde en profusion et qu'elle les dépasse toutes et c'est pourquoi l'enseignement des Saintes Écritures attribue à Dieu la domination des puissances célestes, conformément à ce passage du Psalmiste (23, 10) : ¨Le Seigneur des puissances, c'est lui le Roi de gloire¨ et dans plusieurs autres passages on l'appelle ¨Le Seigneur des armées¨, d'où on donne à entendre que s'il dépasse les puissances célestes, il dépasse bien davantage toutes les autres puissances. Donc, puisque Dieu est séparé de toute puissance, on pourrait se demander : comment ceux-là même qui ont écrit les saintes Écritures ont-ils pu louer Dieu en tant que puissance comme dans ce passage de la Première Lettre aux Corinthiens (1, 24) : ¨Le Christ, puissance de Dieu et sagesse de Dieu.¨ ? Et, de plus, on pourrait encore se demander ceci : comment nous, qui cherchons à expliquer les Saintes Écritures, devons-nous entendre la dénomination de puissance lorsque nous l'attribuons à Dieu ? 746. Ensuite lorsqu'il dit (332) : Nous disons donc...il répond à la question qu'il vient de présenter ; et à ce sujet, il fait deux choses : d'abord, il montre comment la puissance doit s'entendre selon qu'elle est en Dieu ; deuxièmement, il manifeste que la puissance procède de Dieu pour aboutir aux singuliers là (335) où il dit : C'est d'Elle-même que viennent... (leçon 2a). 747. Au sujet du premier point il fait deux choses : d'abord il montre en quel sens la puissance s'attribue à Dieu ; deuxièmement, il montre pour quelle raison on dit que la puissance de Dieu est infinie là (333) où il dit : Et comme de l'infinie... 748. Il dit donc en premier (332) que la puissance s'attribue à Dieu pour trois raisons : d'abord certes parce que les puissances de toutes les choses existent en Lui dès l'origine et d'une manière surélevée tout comme nous l'avons dit pour la vie (692) et pour la sagesse (708) ; deuxièmement, parce qu'Il est la cause de toute puissance ; mais, troisièmement, parce Lui-même, en produisant toute chose, agit selon une puissance inébranlable, c'est-à-dire par une puissance qui ne peut être ni diminuée, ni affaiblie et qui s'étend à l'infini, tout comme la sagesse s'attribue à Dieu selon que c'est en Lui que préexiste toute sagesse, qu'Il est Lui-même la cause de toute sagesse et qu'en connaissant il possède l'acte même de la sagesse ; et non seulement il est la cause de la puissance au sens où il la distribue, mais au sens où il est la cause de la puissance elle-même entendue universellement ou par rapport à quelque puissance particulière. 749. Ensuite, lorsqu'il dit (333) : Et comme de l'infinie...parce qu'il avait dit que Dieu produit toute chose d'après une puissance infinie, il montre en deuxième lieu comment on dit que la puissance de Dieu est infinie ; et à ce sujet, il fait deux choses : d'abord, il dit pour quelle raison on dit que la puissance de Dieu est infinie ; deuxièmement, il manifeste l'infinité de la puissance divine au moyen d'exemples là (334) où il dit : Qui à cause... 750. Mais il faut considérer que l'infini ne s'attribue pas à Dieu par mode d'extension comme dans la quantité continue, mais par mode de négation car Lui-même n'est ni limité ni déterminé par quoi que ce soit. Ainsi donc c'est de cinq manières qu'on dit que la puissance de Dieu est infinie : d'abord certes parce qu'Il n'est pas déterminé à produire un seul effet, mais Lui-même est la cause productrice de toutes les puissances ; deuxièmement, il est infini non seulement à cause de cela, mais du fait qu'Il n'est pas limité par la mesure de quelque puissance, mais au contraire qu'il surpasse toute puissance particulière et par la suite toute puissance en soi elle-même car cela même qu'on entend par le nom de puissance commune est inférieur à la puissance divine ; troisièmement parce que sa puissance ne se limite pas aux choses qui existent mais il peut produire, outre celles qui existent déjà, une infinité d'autres puissances d'une infinité de manières ; quatrièmement, parce que s'il peut encore produire par une infinité d'autres manières une infinité de puissances autres que celles qui existent déjà, il ne s'ensuit pas que son action infinie, qui est productrice de toute puissance, est émoussée ou affaiblie pour autant ; et ainsi encore il apparaît qu'Il n'est pas limité non plus par son action au sens où une action est bornée par son effet ; cinquièmement on dit qu'elle est infinie parce qu'elle n'est pas bornée par les limites de l'intelligence : en effet la Puissance divine qui surpasse toute chose est indicible et mystérieuse, et elle ne peut être embrassée par l'intelligence. 751. Ensuite, lorsqu'il dit (334) : Qui à cause de l'abondance...il manifeste l'infinité de la puissance divine au moyen de signes et d'exemples ; et il dit que la puissance divine, par l'abondance de son pouvoir, c'est-à-dire de sa puissance, fortifie même ceux qui sont faibles, c'est-à-dire qu'elle conserve, embrasse et tient avec force même ces choses dans lesquelles on ne retrouve qu'un dernier écho de la puissance, c'est-à-dire celles qui participent le moins de la puissance, ce qui est le signe d'une puissance infinie ; il en est de même pour ce que nous observons dans les puissances des réalités sensibles, alors que les lumières d'un intense éclat peuvent être vues même de ceux qui ont une vue faible et que les sons puissants parviennent même à ceux qui, en raison d'un sens de l'ouïe affaibli, ne perçoivent pas facilement les sons ; et les puissances de la lumière et du son ne peuvent s'étendre au-delà, car ce qui est totalement dépourvu de l'ouïe ne peut entendre, quelque grand que soit le son, et ce qui est totalement dépourvu de la vue ne peut percevoir une lumière éclatante. Ainsi donc il conclut que la distribution de la puissance divine, en raison de son infinité, progresse dans tous les êtres et que rien n'existe qui ne possède quelque puissance ; mais tout être doit posséder soit la puissance intellectuelle, comme les Anges, soit la puissance rationnelle comme les Hommes, soit la puissance sensible comme les Animaux, soit la puissance de vie comme les Plantes, soit la puissance substantielle pour ce qui est des Autres ; et non seulement les êtres qui existent en acte, mais même l'être lui-même qui possède la puissance d'exister tient cette puissance de la puissance de Dieu qui surpasse toute substance. Et il dit s'il est juste de parler ainsi, car il n'est pas juste à proprement parler de dire qu’il soit un être, mais plutôt que ce soit au moyen de l'être qu’il existe. |
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LECTIO 2 [84878] In De divinis
nominibus, cap. 8 l. 2 Postquam Dionysius ostendit, in communi,
processum divinae virtutis ad entia, hic ostendit in speciali ; et primo,
distinguendo res in quas effectus divinae virtutis proveniunt ; secundo,
distinguendo ea quae a divina virtute inveniuntur in rebus ; ibi : et
firmat et cetera. Circa primum, duo facit : primo, ostendit
processum divinae virtutis ad superiores creaturas, scilicet Angelos ;
secundo, ad inferiores ; ibi : procedunt et cetera. Dicit ergo primo quod ex divina virtute procedunt omnes virtutes
angelicorum ornatuum, quae sunt Deo conformes. Apparet autem in
Angelis virtus quantum ad ipsum esse : et secundum hoc dicit quod ex divina
bonitate habent esse intransmutabile. Secundo, quantum ad
intelligere : et secundum hoc dicit quod ex divina virtute habent sempiternos
motus intellectuales et immortales, quia scilicet semper actu
intelligunt. Tertio, quantum ad appetere : et quantum ad hoc dicit quod acceperunt
a virtute infiniti-boni ipsam fortitudinem, per quam bonum desiderant
absque diminutione talis desiderii. Haec quidem omnia habent a divina
virtute, inquantum divina virtus immittit eis et esse et posse respectu ipsorum
et quod desiderant absque fastidio, habentes ea quae semper eis adsunt ; et
hoc ipsum quod est posse desiderare quod semper possunt, est eis a Deo.
Deinde, cum dicit : procedunt et cetera, ostendit processum
divinae virtutis ad inferiores creaturas ; et dicit quod effectus indeficientis Dei virtutis
procedunt et ad homines et ad animalia et ad plantas et ad omnes res
naturales. Deinde, cum dicit : et firmat et cetera, ostendit
quae inveniantur in rebus, divina virtute ; et primo quantum ad ea quae sunt communia
omnibus : quorum primum est unitio ; et quantum ad hoc dicit quod divina
virtus omnia quae sunt unita confirmat ad quamdam amicitiam sui et
communionem. Secundum est discretio ; et quantum ad hoc dicit quod divina
virtus firmat ea quae sunt discreta ad invicem, ad hoc quod singula
secundum propriam rationem et diffinitionem conservet inconfusa
et incommixta ad invicem. Tertium est ordo ; et quantum ad hoc dicit
quod divina virtus conservat cuiuslibet rei ordines, secundum quos res ad
invicem ordinantur et iterum dirigit unumquodque in ordine ad finem quod est
proprium bonum rei. Deinde, ponit ea quae pertinent ad singula : et primo,
quantum ad Angelos dicit quod divina virtus custodit immaculate a quacumque
corruptione immortales vitas angelicarum unitatum, idest
substantiarum simplicium ipsorum. Secundo, quantum ad corpora coelestia dicit
quod custodit invariabiliter substantias et ordines coelestium corporum et
luminarium, scilicet solis et lunae et stellarum. Tertio, quantum ad aevum
quod mensurat substantiam coeli et dicit quod divina virtus facit quod possit
esse aevum, quod est simplex mensura essendi ; et quantum ad tempus quod est
mensura motus coeli subiungit quod divina virtus omnes circumvolutiones
temporis discernit processibus et congregat restitutionibus. Attribuit
autem tempori circumvolutionem eo quod sequitur circularem revolutionem
coeli. Est autem in motu coeli, duo considerare : primo quidem quod in motu
coeli semper sit renovatio situs, secundum transitum de loco ad locum ;
secundo vero quod coelum redit ad eumdem situm secundum circularem motum ;
ita etiam est et in tempore quia, secundum processum motus, succedit tempus
tempori, ut hora horae et dies diei ; et quantum ad hoc dicit quod tempus
discernitur processibus ; secundum autem reditum alicuius
coelestis corporis ad eumdem locum, etiam tempus restituitur in id quod
praeterierat et sic quod erat futurum quodammodo ad praeteritum congregatur :
puta, cum dies et mane incipiens terminatur, iterum reditur ad mane et idem
apparet in mense et anno. Quarto, ostendit effectum divinae virtutis ex
elementis et dicit quod divina virtus facit virtutes ignis
inextinguibiles ; licet enim ignis in hac materia extingui possit, tamen
ignis universaliter inexstinguibilis est. Facit etiam indeficientes fluxiones
aquae, quod dicit propter perpetuum fluxum fluviorum et commotiones maris,
quae apparent in fluctibus et fluxu et refluxu maris. Qui etiam terminat
effusionem aeream : hoc autem dicit, quia aeri maxime competit proprietas
humidi, ut non bene terminetur termino proprio et ideo, quantum est de se,
aer habet omnimodam effusionem, sed divina virtute terminatur intra limites
sui naturalis loci. Divina etiam virtus collocat terram
in nihilo, quia semper divina virtute in medio mundi collocatur et nihil
est quod ipsam sustentet. Divina etiam virtus conservat generativos
partus ipsius terrae, scilicet plantarum et aliorum quae ex terra
nascuntur indifferentes, idest uniformiter in sua natura
manentes, dum scilicet ex seminibus terrae mandatis, similes plantae
nascuntur. Et non solum ea quae ad singula elementa
pertinent divina virtus facit, sed etiam quae pertinent ad commixtionem
elementorum ad invicem. In qua quidem commixtione, tria inveniuntur : necesse
est enim esse primo quamdam proportionem elementorum ad invicem, quam
Dionysius hic nominat harmoniam ; secundo, requiritur quod
cuiuslibet elementi remaneat virtus propria incorrupta, alioquin non esset
mixtio, sed corruptio ; et quantum ad hoc, dicit : et concretionem
inconfusam ; tertio, requiritur quod elementa sint concreta et simul
commaneant et non statim ab invicem separentur ; et quantum ad hoc dicit
: et indivisibilem salvat. Quinto etiam ponit
effectum divinae virtutis in rebus animatis ; et universaliter quidem dicit
quod divina virtus in unum tenet coniunctionem animae et corporis
; et specialiter de plantis adiungit quod movet sursum virtutes
plantarum nutritivas et augmentativas : nutritivas quidem, inquantum
alimentum per radices attractum usque ad cacumen plantarum sublevatur ; augmentativas vero,
inquantum ipsum corpus plantae ex terra procedens, paulatim in altum
producitur. Deinde, quantum ad omnia, universaliter subdit quod divina
virtus fortiter tenet substantiales et naturales virtutes omnium
et cuiuslibet rei firmat indissolubilem mansionem, inquantum
scilicet omnia gradum sibi praefixum a Deo conservant. Ulterius autem
effectum divinae virtutis ostendit in his quae pertinent ad gratiam ; et
dicit quod divina virtus dat ipsam deificationem, idest
participationem deitatis, quae est per gratiam ; et ne aliquis credat quod
hanc participationem aliquis sua virtute possit acquirere, subdit quod Deus
praebet virtutem ad hoc ut aliqua praedicto modo
deificentur. Ultimo autem universaliter concludit quod universaliter
nihil est in entibus quod sit segregatum et non
contentum a continentia divinae virtutis quae rebus per suam
omnipotentiam dat firmitatem. Sicut enim a divina vita non potest esse
segregatum quidquam nisi quod caret vita, ita a divina virtute non potest
esse segregatum nisi quod caret virtute. Quod autem universaliter nullam
habet virtutem, omnino non est neque habet aliquam positionem, idest ordinem
in universo seu firmitatem. |
Leçon 2 (45a) : Que chaque être en particulier procède de la puissance divine.752. Après avoir montré que les êtres en général procèdent de la puissance divine, Denys le manifeste ici plus spécifiquement à travers l'examen de cas particuliers ; et il le fait d'abord en distinguant les choses dans lesquelles se produisent les effets de la puissance divine ; deuxièmement, en distinguant ce qu'on retrouve dans ces choses grâce à la puissance divine, là (337) où il dit : Et elle assure... 753. Au sujet du premier point, il fait deux choses : d'abord, il montre que les créatures supérieures, à savoir les Anges, procèdent de la puissance divine ; deuxièmement, il manifeste qu’il en est de même des créatures inférieures là (336) où il dit : Elles procèdent... 754. Il dit donc en premier (335) que c'est de la puissance divine que procèdent toutes les puissances des ordres angéliques qui sont conformes à Dieu. La puissance chez les Anges apparaît cependant quant à l'être lui-même : et c'est par rapport à cela qu'il dit que c'est grâce à la bonté divine qu'ils possèdent une existence immuable. Deuxièmement, elle y apparaît aussi quant à l'intelligence : et c'est par rapport à cela qu'il dit que c'est grâce à la puissance divine qu'ils possèdent des mouvements intellectuels qui sont éternels et immortels, c'est-à-dire que leur intelligence est toujours en acte. Troisièmement, elle y apparaît aussi quant à la puissance appétitive : et c'est par rapport à cela qu'il dit que c'est grâce à la puissance du bien infini qu'ils accueillent la force même au moyen de laquelle ils désirent le bien sans aucune diminution d'un tel désir. Toutes ces choses, c'est de la puissance divine que les Anges les tiennent selon que la puissance divine leur communique à la fois l'être et la puissance à l'égard de ces choses mêmes qu'ils désirent sans se lasser, ainsi que la possession des choses qui leur sont toujours présentes ; et cela même, qui consiste à pouvoir désirer d'un désir éternel, leur vient de Dieu. 755. Ensuite, lorsqu'il dit (336) : Elles s’étendent...il montre que la puissance divine s’étend aussi aux créatures inférieures ; et il dit que les effets de la puissance inépuisable de Dieu s’étendent également aux hommes, aux animaux, aux plantes et à tous les autres êtres naturels. 756. Ensuite, lorsqu'il dit (337) : Et Elle assure...il montre ce que l'on retrouve dans les choses grâce à la puissance divine ; et d'abord, il le fait à l'égard de ce qui est commun à tous les êtres : et d'abord à l'égard de l'union ; et par rapport à cela il dit que la puissance divine assure à tous ceux qui sont unis de vivre dans une amitié et une communion entre eux. Deuxièmement, il le fait à l'égard de la distinction ; et par rapport à cela il dit que la puissance divine affermit les choses qui sont distinctes les unes des autres afin de conserver les individus dans leur nature, leur définition propre, sans qu'il y ait de mélange et de confusion entre eux. Troisièmement, il le fait à l'égard de l'ordre et quant à cela il dit que la puissance divine conserve à chaque chose son rang d'après lequel les choses sont ordonnées les unes aux autres et d'après lequel la puissance divine ordonne chaque chose à la finalité qui est son bien propre. 757. Ensuite, (338) il présente ce qui appartient aux individus : et d'abord, il dit par rapport aux Anges que la puissance divine préserve pures de toute corruption les vies immortelles des unités angéliques, à savoir la vie immortelle de chaque substance simple. Deuxièmement, il dit par rapport aux corps célestes que la puissance divine protège de toute altération les substances et les ordonnances des corps et des luminaires célestes, c'est-à-dire du soleil, de la lune et des étoiles. Troisièmement il dit par rapport à la durée qui mesure la substance du ciel que c'est la puissance divine qui fait que cette durée puisse être l'éternité qui est la mesure simple de l'être ; et quant au temps qui est la mesure du mouvement du ciel, il ajoute que la puissance divine distingue toutes les circonvolutions du temps par des processions et qu'elle les ramène à l'unité par des retours périodiques. Mais il attribue cependant au temps la circonvolution du fait qu'il suit la révolution circulaire du ciel. Il y a cependant deux choses à considérer dans le mouvement du ciel : d'abord certes qu'il y a toujours dans le mouvement du ciel un renouvellement du lieu qui se fait selon un passage d'un lieu à un autre ; mais d’un autre côté, deuxièmement, que le ciel revient au même lieu d'après un mouvement circulaire ; et c'est ainsi encore qu'il en est dans le temps car suivant la progression du mouvement, le temps succède au temps comme une heure succède à une autre heure et un jour à un autre jour ; et c'est quant à cela qu'il dit que le temps se distingue selon des processions ; mais suite au retour au même endroit de quelque corps céleste, le temps aussi se rétablit en celui qui s'était échappé et ainsi d'une certaine manière ce qui était dans l'avenir est ramené dans le passé : par exemple, lorsque le jour qui commence au matin se termine, derechef il revient au matin et c'est la même chose qu'on voit se produire dans les mois et les années. 758. Quatrièmement, c'est à partir des éléments qu'il montre l'effet de la puissance divine et il dit que la Puissance divine rend inextinguibles les puissances du feu ; en effet, bien que le feu, considéré dans telle matière particulière, puisse être éteint, cependant, pris universellement, il est inextinguible. C'est Elle encore qui rend intarissables les écoulements de l'eau, ce qu'il dit en raison du cours ininterrompu des fleuves et des mouvements de la mer qui se manifestent dans les agitations des vagues et dans les flux et les reflux de la mer. La Puissance divine délimite aussi l'effusion de l'air : mais il dit cela car c'est à l'air que la caractéristique de l'humide appartient au plus haut point, de sorte qu'il n'est pas bien délimité par la borne qui lui est propre et c'est pour cela qu'en tant que tel, l'air possède une effusion qui peut se réaliser de toutes les manières possibles, mais il est borné par la puissance divine à l'intérieur des limites de son lieu naturel. La puissance divine établit aussi la terre sur le vide car elle est toujours fixée par la puissance divine au centre du monde et il n'y a jamais rien qui la soutienne. La puissance divine conserve aussi les productions engendrées par la terre elle-même, à savoir les plantes et les autres vivants qui naissent invariablement de la terre, c'est-à-dire qui demeurent uniformément dans leur nature, alors qu'à partir des mêmes semences confiées à la terre, ce sont toujours les mêmes plantes qui apparaissent. Et non seulement la puissance divine produit ce qui se rapporte à chacun des éléments, mais aussi ce qui se rapporte au mélange des éléments entre eux. Et dans ce mélange on retrouve trois choses : il est nécessaire en effet qu'il y ait d'abord une certaine proportion entre les éléments eux-mêmes, que Denys appelle ici harmonie ; deuxièmement, il est requis que la puissance propre à chaque élément soit conservée intacte autrement il n'y aurait pas un mélange mais une corruption ; et c'est par rapport à cela qu'il dit : et un assemblage sans confusion ; troisièmement, il est encore nécessaire que les éléments soient assemblés et qu'en même temps ils demeurent ensemble et ne soient pas aussitôt séparés les uns des autres ; et c'est par rapport à cela qu'il dit : et Elle conserve cet assemblage indivisible. 759. Cinquièmement encore il présente l'effet de la puissance divine dans les choses animées ; et il dit certes universellement que la puissance divine tient dans l'unité l'union du corps et de l'âme ; et en particulier au sujet des plantes il ajoute qu'elle suscite chez les plantes leurs aptitudes à se nourrir et à croître : à se nourrir certes selon que la nourriture tirée des racines est soulevée jusqu'à la cime des plantes ; mais aussi à croître, selon que le corps même de la plante, sortant de la terre, se développe peu à peu vers le haut. 760. Ensuite, il ajoute comme universellement à l'égard de toute chose que la puissance divine tient fermement dans sa main les puissances substantielles et naturelles de tous les êtres et qu'elle assure à chacun d'eux une stabilité impérissable, c'est-à-dire selon qu'ils conservent tous le rang qui leur a été fixé par Dieu. 761. Et plus loin il manifeste l'effet de la puissance divine dans les choses qui se rapportent à la grâce ; et il dit que la puissance divine offre la déification elle-même, c'est-à-dire la participation à la divinité qui se réalise au moyen de la grâce ; et afin que personne ne croie qu'un être puisse acquérir cette participation au moyen de ses propres forces, il ajoute que c'est Dieu qui donne à un être la capacité d'être déifié de la sorte. 762. Et finalement il conclut universellement qu'il n'existe absolument rien dans les êtres qui soit séparé et qui ne soit pas contenu dans les bras de la puissance divine qui donne consistance aux choses au moyen de sa toute-puissance. En effet, tout comme il n'y a aucune vie qui puisse exister indépendamment de la vie divine, de même il n'y a aucune puissance qui puisse exister indépendamment de la puissance divine. Et ce qui ne possède absolument aucune puissance n'existe absolument pas et ne possède absolument aucune position, c'est-à-dire aucun rang et aucune consistance dans l'univers. |
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LECTIO 3 [84879] In De divinis
nominibus, cap. 8 l. 3 Postquam determinavit Dionysius de divina
virtute, hic excludit quamdam obiectionem, et circa hoc, tria facit : primo,
ponit obiectionem ; secundo, solvit ; ibi : apponens et
cetera ; tertio, exclusa dubitatione, asserit veritatem ; ibi : nos
autem et cetera. Primo ergo ponit dubitationem quam Elymas magus, de
quo in actibus legitur 13, obiecit contra Paulum dicentem II Timoth. quod
Deus negare seipsum non potest, quod eius omnipotentiae videtur
contrarium. Deinde, cum dicit : apponens et cetera, solvit
propositam dubitationem ; et circa hoc, tria facit : primo, praemittit suam
excusationem de hoc quod intendit ad tam debilis obiectionis solutionem ;
secundo, solutionem ponit ; ibi : etenim et cetera ; tertio,
redarguit obiectionis praesumptionem ; ibi : quod sapiens et
cetera. Dicit ergo primo quod super praemissam dubitationem addit quod multum
timet ne ipse debeat derideri de stultitia, sicut aliquis qui conaretur
destruere domunculas a pueris dissolutis factas, quae nec fundamentum firmum
habent, eo quod super arenam aedificatae sunt et in seipsis
infirmae sunt, eo quod absque caemento conglutinatae sunt ; et ita posset
videri quod, cum ipse intendit loqui contra deliberationem de
rebus divinis quam de proposito verbo habuit praedictus Elymas, quasi quaedam
iacula immittat contra aliquam positionem impossibilem.
Positio enim eius est manifeste impossibilis, in seipsa infirmata ; quia
veritate non confirmatur et innititur frivolae rationi, sicut debili
fundamento. Deinde, cum dicit : etenim et cetera, solvit
propositam quaestionem ; et dicit quod, cum Deus sit ipsa veritas, Deum
negare seipsum, nihil aliud est quam Deum decidere a veritate. Cum autem verum idem sit quod ens, sequitur quod excidere a veritate,
idem sit quod excidere ab esse. Quod ergo dicit Deum non posse negare
seipsum, idem est ac si diceretur : Deum non posse deficere ab essendo. Hoc
autem quod est non deficere ab essendo, idem est ac si diceretur quod Deus
non est non ens ; quo quidem magis significatur ipsum esse ; sicut et si
dicatur quod Deus non potest non posse, non ostendit quod sit impotens, sed
quod sit maxime potens ; et similiter, si dicatur quod non cognoscit se
nescire ita quod habet scientiae privationem, hoc est ipsum habere perfectam
scientiam. Per hoc ergo quod Deus non potest negare seipsum, nihil detrahitur
eius potentiae ab impossibili, sed idem est ac si diceretur, quod Deus non
potest non esse verus et ens et potens. Deinde, cum dicit : quod
sapiens et cetera, reprehendit obiicientis praesumptionem ; et dicit
quod Elymas, qui se sapientem reputabat, non intelligens praedictae
solutionis rationem, similis erat pugilibus inexpertis qui frequenter, adversarios contra
quos pugnare debent, supponunt esse infirmos, secundum quod eis
videtur et, dum sunt absentes, contra eos audaciter ictus
proiiciunt, quamdam similitudinem pugnae facientis et absque timore
percutiunt aerem inutilibus plagis et
sic opinantur se vicisse adversarios et de
hoc laudant seipsos, quamvis nondum sciant adversariorum virtutem.
Ita etiam est et de illis qui debiles obiectiones facientes, cum non est qui
eis resistat, se obtinuisse arbitrantur. Deinde, cum dicit : nos
autem et cetera, excludit primo obiectionem contra omnipotentiam
divinam ; secundo, apostoli scientiam commendat, dicens quod nos,
considerantes dicta apostoli secundum nostram possibilitatem, laudamus
Deum, qui excedit omnem potentiam, sicut omnipotentem,
inquantum eius potentia ad omnia se extendit ; sicut beatum,
inquantum habet plenitudinem omnis boni, nullo indigens ; et sicut solum
potentem ex seipso : omnes enim alii potentes non sunt ex se
potentes, sed ex Deo ; et sicut per suam potentiam dominantem
aevo : alii enim dominantes, dominantur his quae sunt in aevo aut in
tempore, sed ipse toti aevo dominatur. Et iterum laudamus eum sicut
secundum nihil excidentem ab existentibus et quod nihil quod est in
eo potest ab eo recedere. Creaturae vero, etsi aliquae inveniantur quae non
excidant ab esse simpliciter, possunt tamen excidere ab aliquo, inquantum
sunt mutabiles ; sed Deus, qui est omnino immutabilis, secundum nihil potest
excidere ab esse. Vel sumuntur haec verba ex his quae apostolus I Timoth.
ult. dicit : quem suis temporibus ostendet beatus et solus potens,
rex regum et dominus dominantium, qui solus habet immortalitatem quam
designat per hoc quod dicit : secundum nihil ab existentibus
excidentem. Et non solum ista Deo conveniunt, sed excellenter ea habet ;
unde subdit : quod adhuc amplius possumus laudare Deum, sicut supereminenter
habentem virtutem et sicut praehabentem omnia existentia, idest
quidquid est in rebus, non quidem eodem modo quo in rebus est, sed secundum
supersubstantialem virtutem, idest sicut effectus sunt per virtutem in
causa, secundum modum causae excedentis omnem substantiam. Et non solum
supereminenter haec ei conveniunt, sed etiam causaliter ; unde subdit
quod omnibus existentibus dat posse et esse determinatum.
Et hoc convenit ei ex abundantia suae excedentis virtutis quae dat omnibus
bonitates copiose effundendo. Dat enim omnibus abundanter, ut dicitur Iacob.
I. |
Leçon 3 (46a) : Pourquoi dit-on que la puissance divine a une limite ?763. Après avoir traité de la puissance divine, Denis écarte ici une objection et à ce sujet il fait trois choses : d'abord, il présente l'objection ; deuxièmement, il la résout, là (340) où il dit : En présentant... ; troisièmement, ayant écarté ce doute, il affirme la vérité là (343) où il dit : Cependant nous... 764. Donc il présente d'abord cette difficulté que le magicien Élymas, dont on parle dans les Actes (13, 8), adressa à Paul, lequel affirmait dans sa Deuxième Lettre à Timothée (2, 13) que Dieu ¨ne peut se renier lui-même¨, en lui disant que cet énoncé semblait s'opposer à la toute-puissance de Dieu. 765. Ensuite lorsqu'il dit (340) : En présentant...il résout le doute qu'il vient de présenter ; et à ce sujet, il fait trois choses : d'abord, il s'excuse à l'avance de chercher à résoudre une objection si faible ; deuxièmement, il présente la solution, là (341) où il dit : En réalité ; troisièmement, il montre la fausseté de ce qui est présupposé dans cette objection là (342) où il dit : Ce que ce prétendu sage... 766. Il dit donc en premier lieu qu'au sujet de cette difficulté qui précède il craint beaucoup d'être ridiculisé et de passer pour un insensé, comme quelqu'un qui entreprendrait de détruire ces petites maisons construites par de faibles enfants, et qui ne possèdent ni fondation solide du fait qu'elles sont construites sur du sable, et qui sont fragiles en elles-mêmes du fait qu'elles sont assemblées sans le lien du ciment ; et ainsi il pourrait sembler, alors qu'il cherche à argumenter contre une réflexion sur les choses divines que le dit Élymas forma relativement à la parole présentée par Paul, qu'il se trouve comme à lancer des javelots contre une position qui est impossible à défendre. Sa position en effet exprime une impossibilité et elle ne peut se tenir par elle-même, à la fois parce qu'elle n'est pas confirmée par la vérité et parce qu'elle s'appuie sur une raison futile comme sur un fondement fragile. 767. Ensuite lorsqu'il dit (341) : En réalité...il résout le doute qu'il vient de présenter ; et il dit que puisque Dieu est la vérité même, dire que Dieu se nie lui-même, c'est dire la même chose que Dieu se coupe de la vérité. Et comme le vrai s'identifie à l'être, il s'ensuit que se couper de la vérité, c'est la même chose que se couper de l'être. Donc, dire que Dieu ne peut se nier lui-même c'est dire la même chose que si on disait : Dieu ne peut se couper de l'être. Mais cela même qui consiste à ne pas pouvoir se couper de l'être, c'est la même chose que de dire que Dieu n'est pas du non-être, ce par quoi on signifie au plus haut point son être même ; tout comme si on disait que Dieu ne peut pas ne pas pouvoir, cela ne montre pas qu'il est impuissant, mais qu'il est puissant au plus haut point ; et de même, si on disait de Lui qu'il ne connaît pas l'ignorance en prétendant ainsi montrer qu'il a un manque de savoir, on montrerait plutôt qu'Il possède un savoir parfait. En disant donc que Dieu ne peut se nier lui-même, rien, par impossible, ne peut être retiré de sa puissance, mais c'est comme si l'on disait que Dieu ne peut pas ne pas être vrai, qu'il ne peut pas ne pas exister et qu'il ne peut pas ne pas être puissant. 768. Ensuite lorsqu'il dit (342) : Ce que ce prétendu sage...il critique ce qui est présupposé dans l'objection ; et il dit qu'Élymas, qui s'estimait sage, ne comprenant pas la raison de la solution précédente, était semblable aux combattants inexpérimentés qui supposent fréquemment que les adversaires qu'ils doivent affronter sont, à ce qui leur paraît, faibles et alors que ces derniers sont absents, ils lancent hardiment contre ces ombres des javelots comme par une caricature de combat, et sans peur frappent l'air de coups inutiles, croyant ainsi avoir vaincu les adversaires, et ils se vantent eux-mêmes de cela bien qu'ils ignorent encore la force de l'adversaire. Il en est de même de ceux qui produisent de si faibles objections puisque, personne ne s'opposant à eux, ils croient avoir maintenu fermement leur opinion. 769. Ensuite lorsqu'il dit (343) : Nous cependant...il écarte d'abord l'objection qui porte contre la toute-puissance divine ; deuxièmement, il met en valeur la science de l'Apôtre en disant que nous, en considérant les paroles de l'Apôtre selon nos capacités, louons Dieu comme étant tout-puissant, lui qui dépasse toute puissance, puisque sa puissance s'étend à tous les êtres ; nous le louons aussi comme étant bienheureux puisqu'il possède la plénitude de tout bien et ne manque de rien ; et aussi comme étant le seul qui soit puissant de Lui-même : en effet, ce n'est pas d'eux-mêmes mais de Dieu que les autres êtres tiennent leur puissance ; et nous le célébrons encore comme étant, grâce à sa puissance, Celui qui commande à la durée : en effet, les autres souverains commandent à ceux qui sont dans l'éternité ou à ceux qui sont dans le temps alors que Lui commande à toute durée. Et nous Le louons au contraire comme Celui qui est exempt de toute déchéance par rapport à toute forme d’être et qu'Il ne peut rien perdre de ce qui est en Lui. Parmi les créatures d’un autre côté, bien qu'on en retrouve certaines qui ne peuvent déchoir de l'être purement et simplement, elles peuvent cependant en déchoir sous un certain rapport, pour autant qu'elles sont sujettes au changement ; mais Dieu, qui est totalement immuable, ne peut en rien déchoir de l'être. Peut-être que ces paroles de Denys sont inspirées de celles que l'Apôtre dit dans la Première Lettre à Timothée (6, 15-16) : ¨Que fera paraître aux temps marqués le Bienheureux et unique Souverain, le Roi des rois et Seigneur des seigneurs, le seul qui possède l'immortalité¨ et auxquelles il se réfère en disant de Dieu qu'il est Celui qui ¨ne peut en rien déchoir de l'existence¨. 770. Et non seulement ces caractéristiques
appartiennent-elles à Dieu, mais Il les possède de la manière la plus
excellente ; c'est pourquoi il ajoute que nous pouvons encore le louer plus
magnifiquement comme possédant supérieurement la puissance et comme possédant
à l'avance en Lui tous les êtres, c'est-à-dire tout ce qui existe dans
les choses, non certes à la manière selon laquelle cela existe dans les
choses, mais d'une manière qui est conforme à la puissance qui dépasse
toute substance, c'est-à-dire comme les effets existent en puissance dans
la cause, à la manière d'une cause qui transcende toute substance. Et
non seulement ces traits Lui appartiennent-ils d'une manière supérieure, mais
ils Lui appartiennent même en tant que cause ; c'est pourquoi il ajoute qu'il
donne à tous les êtres une puissance et une existence déterminées.
Et cela Lui revient en raison de l'abondance de sa puissance illimitée qui
donne à tous en abondance en répandant en eux ses bontés. Il donne en effet à
tous en abondance, ainsi que le dit Jacques dans son Épître (1, 5). |
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LECTIO 4 [84880] In De divinis
nominibus, cap. 8 l. 4 Postquam Dionysius determinavit de virtute Dei,
hic determinat de iustitia ; est enim iustitia virtutis species.
Considerandum est autem quod inter virtutes morales, sola iustitia potest Deo
magis proprie attribui : aliae enim morales virtutes sunt circa passiones
quae in Deo locum non habent, sicut temperantia circa concupiscentias,
fortitudo circa timores et audacias ; sed iustitia est circa actiones, puta
circa distributiones vel retributiones, quae Deo competere possunt. Dividitur
autem praesens pars, in duas : in prima, determinat de iustitia Dei ; in
secunda, de effectibus divinae iustitiae ; ibi : ipsa igitur et
cetera. Circa primum, duo facit : primo, ostendit quid pertineat ad rationem
divinae iustitiae ; secundo, solvit quorumdam obiectiones contra divinam
iustitiam ; ibi : et si ista et cetera. Circa primum, duo
facit : primo, ostendit secundum quos actus iustitia Deo conveniat ; secundo,
manifestat quod dixerat ; ibi : omnia enim et cetera.
Convenit autem iustitia Deo secundum tres actus : primo quidem, secundum hoc
quod est distribuere. Commutativa autem iustitia in Deo locum non habet,
sicut est in venditoribus et emptoribus quia, ut dicitur Rom. II, quis prior
dedit ei et retribuetur ei ? Sed attribuitur ei distributiva
iustitia quae non observat aequalitatem quantitatis, ut aequalia omnibus det,
sed aequalitatem proportionis, ut det unicuique secundum quod dignus est. Et
ideo dicit quod iustitia laudatur in Deo inquantum ipse
distribuit omnibus, secundum eorum dignitatem.
Est autem distributor bonorum ; bonum autem, ut Augustinus dicit, consistit
in modo et specie et ordine : modum autem unicuique proprium mensura
praefigit, ut ipse dicit ; ut ergo significaret Deum esse totius boni
distributorem, dicit quidem quantum ad modum : commensurationem ;
quantum ad speciem : pulchritudinem vel formam,
secundum aliam translationem ; quantum autem ad ordinem dicit : et
bonam ordinationem et ornatum seu dispositionem secundum
aliam translationem. Et accipit hic ornatus, pro decentia ordinis. Non solum
autem pertinet ad iustitiam quod distribuat diversa diversis secundum eorum
dignitatem, sed etiam quod huiusmodi diversitatem inconfusam servet, ne
scilicet unus id quod est alterius sibi usurpare praesumat ; et quantum ad hunc
secundum actum iustitiae dicit quod divina iustitia distribuit unicuique
omnes distributiones et ordines secundum quamdam determinationem
quae vere est iustitia ut scilicet unum in id quod est alterius non irrumpat.
Tertius vero actus iustitiae est ut unusquisque id quod est sibi conveniens
operetur ; propter quod et quodam modo iustitia dicitur omnis virtus ; et
quantum ad hunc tertium actum, subdit quod divina iustitia est causa
omnibus propriae operationis eorum. Deinde, cum dicit : omnia
enim et cetera, manifestat quod dixerat, rationem assignans
praedictorum. Ideo enim praemissa ad divinam iustitiam pertinent, quia
iustitiae proprium est quod ordinem in rebus statuat ; et quod unicuique rei
terminum praefigat, ultra quem non progrediatur ; et quod huiusmodi
ordinationem et terminationem absque confusione conservet ; et quod ulterius,
rebus sic ordinatis et terminatis, unicuique donet de supervenientibus donis,
secundum propriam dignitatem sibi praestitam a Deo. Deinde, cum dicit : et
si ista et cetera, solvit duas dubitationes circa divinam iustitiam
; circa quarum primam, tria facit : primo, ex praemissis ostendit quod illi
qui divinam iustitiam reprehendere nituntur, se ignorare praemissa ostendunt
; et hoc est quod dicit quod si praemissa ratione sunt dicta, scilicet quod
iustitiae est dare unicuique secundum suam dignitatem, quicumque arguere
volunt divinam iustitiam quae hoc facit, ipsi ignorant quod dum volunt
divinam iustitiam reprehendere, suam iniustitiam manifestant. Secundo, ibi
: dicunt enim et cetera, ponit eorum obiectionem : dicunt
enim quod, cum Deus sit optimus et per hoc ei competat optime facere
unumquodque, deberet etiam his quae sunt mortalia dare immortalitatem,
utpote quod homines et animalia numquam morerentur ; et imperfectis dare
perfectionem, utpote quod homines statim nascerentur perfecti ; et
per se mobilibus dare necessitatem per aliud mobile,
utpote quae hominibus per se competunt, quia per se moveri possunt et ad
bonum et ad malum. Vellent autem quod Deus daret hominibus vel aliis
rationalibus creaturis quod non possent peccare, quod esset habere
necessitatem quod semper ex alio moverentur : non enim aliter competeret ut
ad malum deficere non possent, nisi quadam coactione ab aliis moverentur, non
ex libero arbitrio. Sanctis enim ex ipsa perfectione competit ut deficere non
possint, ut patet in beatis qui sunt confirmati in bono. Dicunt etiam quod
deberet variabilibus inesse identitas, ut scilicet semper
eodem modo se haberent omnia et quod infirmis esset perfecta
potentia et quod temporalia essent aeterna
et quod ea quae secundum suam naturam moventur, essent immutabilia
et quod delectationes, quae sunt temporales,
essent aeternae. Et secundum suum iudicium, universaliter, attribuunt
aliis quae sunt aliorum, idest inferioribus ea quae sunt superiorum
entium. Tertio, ibi : oportet autem et cetera, excludit
eorum iudicium perversum ; et dicit quod oportet considerare
de divina iustitia, quod in hoc vere iustitia est quod
omnibus dat secundum propriam dignitatem et quod uniuscuiusque
naturam conservat in proprio ordine et virtute, ita
scilicet quod in his quae sunt secundum suam naturam immortalia, conservat
immortalitatem et in mortalibus mortalitatem ; et sic de aliis quae supra
tacta sunt. Secundam obiectionem ponit ibi : sed dicat aliquis et
cetera ; et circa hoc, duo facit : primo, ponit obiectionem : posset enim
aliquis obiicere non esse iustum quod Deus permittit homines sanctos cruciari
a pravis hominibus et non dat eis auxilium ut non crucientur. Secundo, ibi
: ad quod dicendum et cetera, solvit praedictam obiectionem
; et dicit quod si isti, qui dicuntur sancti, amant ea
quae sunt super terram, pro quibus zelant homines rebus materialibus
inhaerentes, omnino ceciderunt a divino amore. Quod intelligendum
est si ita ea amant quod in eis finem constituant et quod propterea
spiritualia bona contemnant. Et hoc est quod subdit, quod ipse nescit quomodo dici
debeant sancti illi qui faciunt iniuriam rebus
divinis, quae sunt vere amabilia, ut reprobent ea contra
religionis debitum propter bona temporalia, quae non sint amanda
principaliter nec pro eis est zelandum. Sed si ipsi amant bona
spiritualia quae vere sunt existentia quia sunt sempiterna,
debent laetari, si ea desiderant, quando ea
desiderata consequi possunt. Consequuntur autem ea cum afflictiones in rebus
temporalibus patientes, quodam fervore amoris, spiritualibus magis
inhaerent. Tunc enim, magis per
similitudinem appropinquant angelicis virtutibus, in quibus nulla
est materialium rerum affectio, quando homines, secundum suam
possibilitatem, ex desiderio rerum divinarum recedunt ab affectione materialium
rerum. Et hoc quidem faciunt quando pro bono, idest amore Dei et
pro iustitia et virtute luctantur viriliter in adversitatibus existentes.
Et sic, si vere sancti saeculi istius in adversitatibus consequuntur quod
desiderant, scilicet, contemnendo temporalia bona, adhaerere spiritualibus,
non male cum eis agitur, sed bene. Unde vere dici potest quod proprium est
divinae iustitiae quod animosam virtutem non destruat aut emolliat per
collationem prosperitatis, sed si aliquis conatur hoc
facere, ut scilicet pugnet pro veritate, quod ipse non dimittat tales
sine adiutorio, sed firmet eos in pulchra et firma statione spiritualium
bonorum per quae in adversis consolantur ; et ulterius, quod talibus retribuat
in futuro, secundum proprii meriti dignitatem. |
Leçon 4 (47a) : De la Justice de Dieu.771. Après avoir traité de la puissance de Dieu,
Denys traite ici de sa justice ; la justice en effet est une espèce de
puissance ou de vertu. Il faut cependant considérer que parmi les vertus
morales, seule la justice peut être plus proprement attribuée à Dieu : en
effet, les autres vertus morales se rapportent aux passions qui n'existent
pas en Dieu, telle la tempérance à l'égard des désirs, la force à l'égard des
craintes et des audaces ; mais la justice se rapporte aux actions , par
exemple aux distributions et aux restitutions, lesquelles peuvent se
rencontrer chez Dieu. 772. Mais le présent sujet se divise en deux
parties : dans la première, Denys traite de la justice de Dieu ; dans la
deuxième, il traite des effets de la justice divine, là (351) où il dit : Elle-même
donc... (leçon 5). 773. Pour ce qui est de la première partie, il fait
deux choses : d'abord, il montre ce qui se rapporte à la nature de la justice
divine ; deuxièmement, il résout les objections à l'encontre de la justice
divine, là (346) où il dit : Et si ces choses... 774. Au sujet du premier point, il fait deux choses
: d'abord, il montre pour quels actes la justice se rencontre chez Dieu ;
deuxièmement, il manifeste ce qu'il a dit, là (345) où il dit : En effet,
toute chose... 775. La justice cependant se rencontre chez Dieu
selon trois actes : d'abord certes selon la distribution. Mais la justice
commutative n'existe pas chez Dieu comme chez les vendeurs et les acheteurs
car, ainsi qu'on le voit dans l'Épître aux Romains (11, 35), ¨ qui l'a
prévenu de ses dons pour devoir être payé de retour ? ¨. Mais on retrouve
en lui une justice distributive qui ne s'en tient pas à une égalité de
quantité telle qu'il donnerait à tous les mêmes choses, mais plutôt à une
égalité de proportion selon laquelle il donne à chacun ce qu'il mérite. Et
c'est pour cela qu'il dit que la justice est louée en Dieu selon qu'il
distribue Lui-même à chacun selon le rang qui lui revient. Mais il est le
distributeur des biens ; et le bien, comme le dit Augustin, consiste dans le
mode, l'espèce et l'ordre : mais la mesure détermine le mode propre à chacun
ainsi qu'il le dit lui-même ; donc, pour signifier que Dieu est le
distributeur de tout bien, il dit certes quant au mode qu'il est la
proportion ; quant à l'espèce, il dit qu'elle est la beauté ou la
¨forme¨ d'après une autre traduction ; et quant à l'ordre il dit qu'il est la
bonne ordonnance et l'harmonie ou la ¨ bonne disposition¨ d'après une
autre traduction. Et par harmonie il entend ici la convenance de l'ordre. 776. Et non seulement il appartient à la justice de
distribuer des dons divers à des êtres divers selon leur mérite mais il lui
appartient encore de conserver sans mélange une telle diversité afin qu'un
des êtres ne puisse prétendre usurper ce qui appartient à un autre ; et quant
à ce deuxième acte de la justice il dit que la justice divine distribue à
chacun tous les dons et les ordres conformément à une certaine limite
ou définition qui est véritablement juste, afin qu'aucun être
n'envahisse ce qui appartient à l'autre. 777. Mais le troisième acte de la justice fait en
sorte que chacun fasse ce qui lui convient et c'est à cause de cela qu'on dit
de la justice qu'elle est en quelque sorte toute-puissante ; et c'est par
rapport à ce troisième acte que Denys ajoute que la justice divine est cause
pour chaque chose de l'opération qui lui est propre. 778. Ensuite lorsqu'il dit (345) : En effet,
toute chose...il manifeste ce qu'il vient de dire en donnant la raison de
ce qui précède. En effet les trois caractéristique qui précèdent
appartiennent à la justice divine pour cette raison que c'est le propre de la
justice à la fois d'établir l'ordre dans les choses et de déterminer les
limites de chacune au-delà desquelles elle ne peut avancer, de préserver de
tout mélange une telle ordonnance et de telles limites et par la suite, de
gratifier chacune des choses ainsi ordonnées et délimitées des dons
qui lui surviennent, conformément à la dignité ou au rang qui lui a
été fixé en propre par Dieu. 779. Ensuite, lorsqu'il dit (346) : Et si ce que...il
résout les deux difficultés qui se rapportent à la justice divine ; et au
sujet de la première d’entre elles, il fait trois choses : d'abord, en
partant de ce qui a été dit, il montre que ceux qui s'efforcent de critiquer
la justice divine montrent qu'ils ignorent ce qui a été dit précédemment ; et
c'est ce qu'il dit, à savoir que si ce qui précède a été dit avec raison, à
savoir qu'il appartient à la justice de donner à chacun selon son rang, tous
ceux qui veulent dénoncer la justice divine parce qu'elle fait cela,
ignorent eux-mêmes qu'ils font en même temps l'étalage, alors même qu'ils
veulent critiquer la justice divine, de leur propre injustice. 780. Deuxièmement, là (347) où il dit : Ils
disent en effet...il présente leur objection : ils disent en effet
que, puisque Dieu est parfait et qu'il lui appartient pour cette raison de
faire toute chose parfaitement, il devrait encore donner l'immortalité
à ceux qui sont mortels de telle sorte que les hommes et les animaux ne
seraient jamais condamnés à mourir ; et aussi de donner la perfection à
ceux qui sont imparfaits de telle sorte que dès la naissance les hommes
seraient parfaits ; et de donner à ceux qui se meuvent par eux-mêmes la
nécessité d'être mus par un autre pour les choses qui appartiennent par
soi aux hommes car ils peuvent se mouvoir à la fois vers le bien et vers le
mal. Mais ils voudraient que Dieu donne aux hommes ou aux autres créatures
rationnelles de ne pouvoir pécher, ce qui reviendrait pour eux à subir la
nécessité de devoir toujours être mus par un autre : en effet, s'ils ne
pouvaient pas s'abandonner au mal, cela ne pourrait se rencontrer chez eux autrement
que dans le cas où ils seraient mus par d'autres au moyen d'une certaine
contrainte et non à partir de leur libre arbitre. C'est chez les saints en
effet que se rencontre, en raison de leur perfection, l'incapacité de faire
des fautes, comme on le voit chez les bienheureux qui sont affermis dans le
bien. Ils
disent encore que ceux qui changent devraient toujours être les
mêmes de sorte que toutes les choses devraient toujours se comporter de la
même manière et que les faibles devraient toujours avoir une
puissance parfaite et que ce qui est temporel devrait être éternel
et que les choses qui, conformément à leur nature, sont sujettes au
changement devraient être immuables et que les plaisirs,
qui sont temporels, devraient être éternels. Et d'après leur jugement,
ils attribuent universellement aux uns ce qui appartient aux autres,
c'est-à-dire aux êtres inférieurs ce qui appartient aux supérieurs. 781. Troisièmement, là (348) où il dit : il faut
cependant...il écarte leur opinion fausse ; et il dit qu'au sujet de la
justice divine il faut considérer qu'elle est la vraie justice en
ceci qu'elle donne à chacun ce qui est conforme à sa
dignité propre et qu'elle conserve chaque nature dans l'ordre
et la puissance qui lui sont propres, c'est-à-dire de telle sorte qu'elle
conserve l'immortalité chez ceux qui sont par nature immortels et la
mortalité chez ceux qui sont par nature mortels ; et il en est de même pour
les autres cas que nous avons considérés. 782. Il présente la deuxième objection là (349) où
il dit : Si quelqu'un dit... ; et à ce sujet, il fait deux choses :
d'abord, il présente l'objection : quelqu'un pourrait en effet objecter qu'il
n'est pas juste que Dieu permette que des hommes vertueux soient
abandonnés aux tourments que leur font subir les hommes mauvais et
qu'il ne vienne pas à leur secours pour empêcher qu'ils soient abusés. 783. Deuxièmement, là (350) où il dit : À cela
il faut répondre...il résout l'objection qui précède ; et il dit que si
ceux-ci qu'on appelle vertueux aimaient les choses qui sont de ce monde
et qu'envient ceux qui sont attachés aux choses matérielles, ils
déchoiraient totalement de l'amour de Dieu. Ce qui doit s'entendre de
telle manière qu'ils les aimeraient de manière à établir en elles leur
finalité et qu'à cause de cela ils en viendraient à mépriser les biens
spirituels. Et c'est ce que Denys ajoute, à savoir que lui-même ignore comment
on pourrait appeler saints ceux qui font injure aux choses
divines, qui sont les biens véritables, alors qu'ils approuvent ce qui
est contraire au devoir de la religion à cause des biens temporels qui ne
doivent pas être aimés par-dessus tout et pour lesquels on ne doit pas
éprouver d'envie. Mais
si ces mêmes personnes saintes aiment les biens spirituels qui ont une
vraie existence puisqu'ils sont éternels, ils doivent se réjouir
s'ils les désirent encore quand ils peuvent les poursuivre. Ils les
poursuivent lorsque, en endurant les afflictions dans les choses temporelles,
par une certaine ardeur de l'amour, ils s'unissent davantage aux biens
spirituels. C'est alors en effet que les hommes s'approchent
davantage, par ressemblance, des puissances angéliques dans
lesquelles il n'y a aucun désir des choses matérielles quand, dans la
mesure de leurs capacités, à partir du désir des choses divines, ils se
détachent du désir des choses matérielles. Et c'est là ce qu'ils
font certes quand, pour le bien, c'est-à-dire pour l'amour, la justice
et la puissance de Dieu ils combattent virilement les adversités
pendant leur existence. Et ainsi, si les véritables saints de ce siècle
poursuivent à travers les adversités ce qu'ils désirent, c'est-à-dire s'ils
s'unissent aux biens spirituels en méprisant les biens temporels, ils ne se
comportent pas mal mais bien en méprisant les biens temporels. D'où nous
pouvons dire que c'est le propre de la justice divine de ne pas
détruire la vertu de courage ou de l'amollir par l'accumulation de la
prospérité ; mais si certains s'efforcent de faire cela,
c'est-à-dire de combattre pour la vérité, ajoutons qu'Elle-même ne les
abandonne pas sans aide, mais qu'Elle les affermit dans ce beau et
solide attachement aux biens spirituels grâce auxquel ils sont
consolés dans l'adversité et qu'à la fin Elle leur rend à chacun conformément
au mérite propre à leur
rang. |
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LECTIO 5 [84881] In De divinis
nominibus, cap. 8 l. 5 Postquam Dionysius determinavit de iustitia
divina, hic determinat de effectibus divinae iustitiae ; et primo, de
salvatione ; secundo, de liberatione ; ibi : propter quod et
cetera ; tertio, de inaequalitate, quam quodam modo iustitia facit, quodam
vero modo removet ; ibi : sed de istis et cetera. Circa
primum, tria facit : primo, ponit salvationis propriam rationem ; secundo,
ponit quamdam aliam rationem salvationis, ab aliis assignatam ; ibi : si
autem et cetera ; tertio, ostendit quomodo hae duae rationes se
habent ad invicem ; ibi : et hanc primam et cetera. Dicit
ergo primo quod divina iustitia laudatur sicut salvatio omnium
quia scilicet omnia salvat, inquantum scilicet custodit et conservat in
unoquoque, tria : primo quidem, substantiam uniuscuiusque conservans et
propriam, idest in proprietate suae naturae et mundam, idest
absque permixtione extranei ; secundo, similiter, conservat ordinem uniuscuiusque,
proprium et mundum ; tertio vero, est causa in omnibus
rebus propriae et mundae operationis. Et sic omnis ratio
salvationis consistit secundum quod res conservantur in his quae eis
conveniunt secundum suam proprietatem. Deinde, cum dicit : si autem et
cetera, ponit secundam rationem salvationis ; et dicit, quod si aliquis velit
dicere quod ratio salvationis consistit in hoc quod Deus omnino eripit a
malis, non est ei in hoc repugnandum, sed debemus recipere eum qui sic laudat
largiter divinam salvationem non solum quantum ad conservationem in Deo, sed
etiam quantum ad separationem a malo. Deinde, cum dicit : et hanc
primam et cetera, comparat has duas rationes ad invicem ; et dicit
quod ipse rogat humiliter persuadendo eum qui secundam rationem salvationis
assignat, quod ipse hanc diffiniat quod prima ratio salvationis consistat in
conservatione in bono, quae quidem conservatio in bono multipliciter fit.
Quaedam enim conservantur in bono a Deo qui constituit ea intransmutabilia in
seipsis, sicut sunt corpora coelestia quae sunt longe a corruptione et beati
qui peccare non possunt. Secundo, prout aliqua quae intransmutabilia sunt,
conservantur ut non habeant aliquam contrapugnantiam, sicut aliquando videns
Deus aliquos esse infirmos, non permittit eos tentari et sic salvat eos,
conservando eos in bono. Tertio, ex eo quod permittit quod aliqui
impugnentur, sed dat eis fortitudinem ut resistere possint contra
impugnantia, sicut fortia contra peiora, idest contra infirmiora.
Et ita omnia custodit et salvat neque facit
ea pugnantia neque bellantia, ut pugna referatur
ad actualem impugnationem, bellum vero ad habitualem. Et hoc convenit quod
impugnationem non habeant, prout singula sunt ordinata,
idest firmiter disposita in his quae pertinent ad proprias rationes. Et non
solum facit aliqua non pugnantia, sed etiam exterminat, idest
destruit ab omnibus rebus, omnem inaequalitatem et alienam
operationem, ut inaequalitas referatur ad id quod est extraneum in
essentia aut virtute ; aliena operatio autem ad id quod est extraneum in
operatione. Constituit etiam divina iustitia salvans proportiones cuiuslibet
rei, non valentes decidere ad inconvenientiam neque
qualitercumque transire. Transitus enim superiorum ad inferiora
casus dici potest ; inferiorum vero ad superiora transitus omnino dicitur non
casus, sed secundum se transitus. Non est autem mirandum quod dicit
transmutabilia non pugnantia nec transire ad contraria, quamvis in multis
inveniatur pugna et permixtio extranei et transitus ad contraria ; quia in
omnibus transmutabilibus semper permanet aliquid non transitum et non
permixtum et non impugnatum, sicut subiectum non transit, quando fit
transitus secundum formam. Et haec tria quae secundo ponit, respondent tribus
primo positis, non tamen eodem ordine : nam id, quod inter secundam et
ultimam ponit, cum dicit : et proportiones uniuscuiusque constituit,
respondet ei quod inter prima, primo posuit cum dixit : in seipsis
intransmutabilia ; quod autem secundum est inter ultima, scilicet : et
omnem inaequalitatem et alienam operationem ex totis exterminat,
respondet ei quod supra, ultimo, dixerat : et fortia contra peiora
salvat : quod vero dicit primo inter ultima : et omnia custodit
non pugnantia et non bellantia, respondet ei quod, primo, in medio
posuerat : et non pugnantia. Sic igitur, quia ratio salvationis
in hoc consistit primo et principaliter ut aliquid in bono conservetur, non erit longe
ab intentione sacrae Scripturae si quis salvationem Dei
velit laudare inquantum ipse Deus salvat omnia per propriam bonitatem
liberando a malo quod est casus a propriis bonis. Et hoc dico secundum
quod patitur natura eorum quae salvari dicuntur :
aliter enim restituuntur ea quae cadunt secundum liberum arbitrium atque
aliter ea quae cadunt secundum naturalem corruptionem. Deinde, cum dicit
: propter quod et cetera, determinat effectum liberationis ;
et dicit quod sacri doctores nominant divinam iustitiam, liberationem et
liberationis causam, inquantum salvat a malo et hoc multipliciter :
primo, inquantum non permittit ea quae sunt vere entia a
substantiis cadere ad hoc quod nihil sint,
sed semper eis substantiarum aliquid remanet. Secundo, quantum ad hoc
quod si aliquid vere existens decidat ad aliquod peccatum in
actione, in aliquam inordinationem inclinatione appetitus et ad aliquem
defectum propriae operationis, Deus liberat id quod sic
cadit a passione quae ad peccatum inducit ; et
infirmitate ex qua aliquid ordinem debitum non tenet ; et
privatione quae pertinet ad minorationem perfectionis.
Et sic haec tria respondent primis tribus. Et ut ostendat quomodo ab his
liberat, subdit alia tria, primis tribus praemissis respondentia : a
privatione enim liberat inquantum adimplet,
quod minus habebatur ; ab infirmitate autem
liberat, inquantum paterno et misericordi affectu supportat infirmitatem
nostram ; a passione autem liberat, suscitans,
idest revocans a malo ; et, quod plus est, firmiter statuens
in bono ; et id bonum quod erat percussum, idest minoratum et
debilitatum, adimplet restaurando ; et quod ad peccatum defluxerat, statuit,
idest firmat et ornat, idest cum decentia quadam disponit ; et
sic omnem inordinationem et indispositionem ad integritatem perducit et ab
omnibus maculis peccatorum solvit. Deinde, cum dicit : sed de istis
quidem et cetera, determinat de inaequalitate ; et primo ostendit
quam inaequalitatem iustitia excludat ; secundo, quam inaequalitatem
constituat ; ibi : etenim et cetera. Inaequalitatem enim
proportionis iustitia distributiva excludit ; inaequalitatem autem
quantitatis causat, secundum quod dat maiora vel minora secundum proportionem
dignitatis cuiuslibet naturae. Dicit ergo primo quod de istis,
idest salvatione et liberatione et de iustitia dictum est, secundum
quam mensuratur et diffinitur aequalitas proportionis quae est in
omnibus ; et exterminatur, id est excluditur omnis
inaequalitas, quae dicitur secundum privationem aequalitatis proportionis, quae
est in singulis rebus : ad iustitiam enim pertinet quod det
unicuique secundum propriam proportionem et sic aequalitas proportionis,
secundum iustitiam determinatur, secundum quod non est eadem capacitas omnium
et necesse est ut diversis diversa attribuat et sic causando aequalitatem
proportionis, causat inaequalitatem quantitatis. Et ideo, subdit : si quis
vellet accipere inaequalitatem secundum differentiam quae est in universo,
omnium ad omnia, per quam differunt et aliquid est melius alio secundum
quamcumque perfectionem, huiusmodi inaequalitatis iustitia est conservativa,
dum non permittit fieri turbationem seu confusionem in rebus per hoc quod
omnia omnibus commisceantur ; et sic conservat iustitia omnia existentia,
secundum species suas prout uniuscuiusque natura recipit et suscipit. |
Leçon 5 (48a) : Des effets de la justice divine : le Salut, la Libération, l'Inégalité.784. Après avoir traité de la justice divine, Denys
en examine ici les effets ; et d'abord, il parle du salut ; deuxièmement, de
la libération, là (354) où il dit : C'est pourquoi... ; troisièmement,
de l'inégalité que la justice produit d'une certaine manière et qu'en réalité
elle enlève, là (355) où il dit : Mais au sujet de ces... 785. Au sujet du salut, il fait trois choses :
d'abord, il présente la définition propre du salut ; deuxièmement, il
présente une autre définition du salut présentée par d'autres, là (352) où il
dit : Si cependant... ; troisièmement, il montre le rapport qu'il y a
entre ces deux définitions, là (353) où il dit : Et cette première... 786. Il dit donc en premier qu'on loue la
justice divine comme étant le salut de toute chose car elle sauve
tout ce qui existe, c'est-à-dire selon qu'elle protège et conserve en chaque
être trois choses : d'abord certes en conservant chacun dans une substance
qui lui est à la fois propre, c'est-à-dire dans les caractères propres
à sa nature, et pure, c'est-à-dire préservée de tout mélange avec
quelque chose d'étranger ; deuxièmement, elle conserve chaque être dans un
rang qui lui est propre et pur ; troisièmement par ailleurs, elle est cause
en chacun d'une opération qui lui est elle aussi propre et
pure. Et ainsi toute définition du salut se rencontre en ceci que les choses
sont conservées dans ce qui leur convient selon leur nature propre. 787. Ensuite lorsqu'il dit (352) : Si cependant...il
présente la deuxième définition du salut ; et il dit que si quelqu'un
voulait dire que la définition du salut consiste en ceci que Dieu nous arrache
entièrement aux maux, on ne doit pas s'opposer à lui en cela mais on
doit lui concéder cela, lui qui loue abondamment le salut divin non seulement
dans la mesure où il nous conserve en Dieu, mais aussi dans la mesure où il
nous arrache au mal. 788. Ensuite, lorsqu'il dit (353) : Et cette
première...il compare ces deux définitions entre elles ; et il dit qu'il
demande humblement, en persuadant celui qui présente la deuxième définition
du salut, de pouvoir définir cette première définition du salut qui
consiste à être conservé dans le bien, laquelle conservation dans le bien se
réalise certes de plusieurs manières. 789. Certains êtres en effet sont conservés dans le
bien par Dieu qui les a établis immuables en eux-mêmes, comme
les corps célestes qui sont étrangers à la corruption et les bienheureux qui
ne peuvent plus pécher. Deuxièmement, d’autres sont conservés dans le bien
qui sont rendus immuables selon qu'ils sont préservés de toute attaque comme
parfois Dieu, voyant que certains sont faibles, ne permet pas qu'ils soient
tentés et c'est ainsi qu'il les sauve en les conservant dans le bien.
Troisièmement, il en conserve d'autres dans le bien du fait que, permettant
qu'ils soient attaqués, il leur donne la force de pouvoir résister aux
assauts comme les forts résistent aux plus mauvais, c'est-à-dire aux
plus faibles. 790. Et ainsi il protège et sauve tous
les êtres qui n’ont ni à lutter ni à faire la guerre, la lutte se référant à l'acte même de combattre
alors que la guerre se rapporte à l'habitude du combat. Et il convient qu'ils
ne soient pas engagés dans le combat dans la mesure où chacun est ordonné,
c'est-à-dire dans la mesure où chacun est solidement disposé, dans les
caractères qui le définissent en propre. 791. Et non seulement il fait en sorte que certains
êtres n'aient pas à combattre, mais encore il extermine, c'est-à-dire
qu'il fait disparaître de toute chose toute inégalité et toute opération
étrangère, puisque l'inégalité se rapporte ici à ce qui est étranger dans
l'essence ou dans la puissance alors que l'opération étrangère se rapporte à
ce qui est étranger dans l'opération. Et la justice divine qui sauve a
aussi constitué les proportions de toutes les choses, lesquelles ne
peuvent en venir à déchoir ni se transformer en leur opposé. En effet,
le passage des supérieurs aux inférieurs peut s'appeler une déchéance alors
que le passage, en tant que tel, des inférieurs aux supérieurs ne s'appelle
nullement déchéance, mais transformation. Et il ne faut pas s'étonner qu'il
dise que les êtres qui sont transmuables n'ont pas à combattre et
qu'ils ne peuvent passer à une forme opposée, bien qu'on retrouve en
plusieurs le combat, un mélange avec des éléments étrangers ainsi qu'un
passage à des contraires ; car dans tout ce qui est transmuable il demeure
toujours quelque chose qui ne passe pas, qui est sans mélange et qui n'est
pas attaqué, comme il en est du sujet qui lui ne passe pas quand il y a un
passage selon la forme. 792. Et ces trois choses qu'il présente en deuxième
lieu (791) correspondent aux trois qui ont été présentées en premier
lieu (789), mais non dans le même ordre : car ce qu'il présente en
dernier dans la deuxième division lorsqu'il dit : il a constitué les
proportions de toutes les choses, correspond à ce qu'il avait présenté en
premier lieu dans la première lorsqu'il avait dit : immuables en eux-mêmes
; ce qui vient en première place dans la deuxième, à savoir : et il fait
disparaître de toute chose toute inégalité et toute opération étrangère
correspond à ce qu'il avait dit plus haut en dernier dans la première
division, à savoir : et il protège les forts contre les plus mauvais ;
mais ce qu'il dit en premier lieu dans la dernière division, à savoir : et
il protège et il sauve tous ceux qui n’ont ni à lutter ni à faire la guerre
correspond à ce qu'il dit en dernier lieu dans la dernière division : et
ceux qui n'ont pas à combattre. Ainsi
donc, parce que la nature du salut consiste premièrement et principalement en
ceci qu'un être est conservé dans le bien, il ne s'éloignera pas de l'intention
des Saintes Écritures celui qui voudra louer le salut de Dieu selon
que Dieu lui-même sauve toute chose, grâce à sa seule bonté, en
la libérant du mal qui est une déchéance des biens propres. Et je dis cela
dans la mesure où le permet la nature des choses au sujet desquelles
on dit qu'elles sont sauvées : les êtres en effet qui déchoient selon le
libre arbitre ne sont pas rétablis ou sauvés de la même manière que ceux qui
déchoient d'après une corruption naturelle. 793. Ensuite lorsqu'il dit (354) : À cause de
cela...il détermine l'effet de la libération ; et il dit que les saints
Docteurs appellent la justice divine libération et cause de
libération selon qu'elle libère du mal et elle réalise cela de plusieurs
manières : premièrement, selon qu'elle ne permet pas aux choses
qui sont de véritables êtres de déchoir de leur substance pour
qu'il n'en reste rien, mais s'assure qu'il demeure toujours quelque
chose de leur substance. Deuxièmement, selon que si un des véritables
êtres tombe dans un péché dans l'action, dans un désordre par
une inclination de l'appétit et dans une privation d'opération propre, Dieu libère
celui qui tombe ainsi à la fois de la passion qui conduit au péché, de
la faiblesse suite à laquelle il ne peut s'en tenir à l'ordre qui convient,
et de la privation qui est responsable de la diminution de sa
perfection. Et ainsi ces trois formes de libération correspondent aux trois
formes de déchéance. Et
pour montrer comment il les libère de ces maux, il ajoute trois autres choses
qui correspondent aux trois premières qui précèdent : il libère en
effet de la privation selon qu'il comble l'être de ce qui lui manquait
; il libère de la faiblesse selon qu'il porte notre faiblesse
par son affection paternelle et compatissante ; il libère de la passion en
nous élevant, c'est-à-dire en nous détournant du mal et, qui
plus est, en nous établissant fermement dans le bien ; et ce
bien, qui était ébranlé, c'est-à-dire diminué et affaibli, il
l'accomplit en le renouvelant ; et ce qui était tombé dans le péché, il
l'établit, c'est-à-dire qu'il l'affermit et l'embellit,
c'est-à-dire qu'il le dispose avec convenance ; et ainsi il conduit à sa
plénitude tout ce qui a souffert du désordre et du dérèglement et il le lave
de toute souillure. 794. Ensuite lorsqu'il dit (355) : Mais à ce
sujet certes...il traite de l'inégalité ; et premièrement, il montre
quelle inégalité la justice rejette ; deuxièmement, il montre de quelle
inégalité elle est le fondement, là (356) où il dit : Et en effet...La
justice distributive exclut en effet une inégalité de proportion mais
entraîne une inégalité de quantité, selon qu'elle donne plus ou moins
proportionnellement au rang propre à chaque nature. 795. Il dit donc en premier que nous avons parlé de
ces choses, à savoir du salut et de la libération, c’est-à-dire de la
justice, selon laquelle se mesure et se définit l'égalité de
proportion, laquelle se retrouve partout et selon laquelle est
éliminée ou rejetée toute inégalité qui s'entend selon
l'absence d'égalité de proportion, qui est propre à chaque être :
en effet, il appartient à la justice de donner à chacun selon la capacité qui
lui est propre et ainsi l'égalité de proportion se détermine conformément à
la justice, selon que les capacités des êtres ne sont pas les mêmes, et il
est nécessaire qu'en attribuant ainsi à divers êtres des dons divers, cela
entraîne aussi une inégalité de quantité. 796. Et c'est pourquoi il ajoute (356) : Si
quelqu'un voulait entendre l'inégalité d'après les différences
qu'il y a entre les choses qui sont dans l'univers et par lesquelles
elles diffèrent et selon lesquelles une chose est meilleure qu'une autre en
raison d'une perfection qu'elle possède et dont l'autre est privée, la
justice a pour mission de conserver une telle inégalité, alors qu'elle ne
permet pas l'apparition d'un désordre ou d'une confusion dans les
choses qui conduirait à un confusion généralisée ; et ainsi la justice
conserve tous les êtres conformément à leur espèce, pour autant
qu'elle accueille et conserve la nature propre à chacun. |
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CAPUT 9 |
Chapitre 9 - Du Petit, du Grand, du Même, de l'Autre, du Semblable, du Dissemblable, de la Station
verticale, de la Position assise, du Mouvement, de l'Égalité.
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LECTIO 1 [84882] In De divinis
nominibus, cap. 9 l. 1 Postquam Dionysius determinavit de nominibus
divinis quae accipiuntur secundum processiones perfectionum absolute rebus
convenientium, sicut est bonum, esse, pulchrum, vita, sapientia et virtus,
hic determinat de nominibus Dei quae sumuntur secundum processiones in quibus
importatur habitudo ad alterum : sicut de magno et parvo, quae important
excessum et defectum secundum quantitatem ; de eodem et altero, quae
important convenientiam et differentiam secundum substantiam ; et de simili
et dissimili, quae important convenientiam et differentiam secundum
qualitatem ; et de statione et motu, quoniam ratio stationis quidem consistit
in hoc quod aliquid similiter se habet nunc et prius ; et ulterius de
aequalitate, quae importat convenientiam secundum quantitatem et est medium inter
magnum et parvum. Dividitur ergo in tres partes : in prima, ostendit de quo
est intentio ; in secunda, ostendit quod singula praedictorum de Deo dicuntur
; ibi : igitur magnus et cetera ; in tertia, ostendit
secundum quam rationem de Deo dicantur ; ibi : igitur et
cetera. Dicit ergo primo quod, quia Deo qui est omnium causa
attribuitur et magnum et parvum et alia praedicta, oportet
considerare circa haec insignia, quibus Deus nominatur, quaecumque
nobis possunt esse manifesta. Deinde, cum dicit : igitur
magnus et cetera, ostendit quod praemissa de Deo dicantur : laudatur
enim in sacra Scriptura Deus sicut magnus et in magnitudine existens,
secundum illud Psalm. 144 : magnus dominus et laudabilis nimis et
magnitudinis eius non est finis. Et quia subtilitas quaedam parvitas est,
parvum etiam attribuitur Deo in Scriptura, ut dicitur III Reg. 19 ; quod
apparuit in sibilo aurae tenuis, quae quidem tenuitas seu subtilitas manifestat divinam parvitatem.
Quandoque etiam in Scriptura, Deus dicitur idem, secundum illud Psalm. 101
: tu autem idem ipse es. Attribuitur etiam ei alteritas,
inquantum diversae figurae et diversae species rerum ei comparantur in sacris
Scripturis, sicut quod aliquando designatur in figura vel specie hominis vel
agni vel leonis vel lapidis. Dicitur autem similis in Scripturis, inquantum
facit aliqua similia et est causa ipsius similis, secundum illud Gen. I
: faciamus hominem ad imaginem et similitudinem nostram. Dicitur
etiam Deus dissimilis omnibus, ubi Scriptura dicit quod nihil est ei simile,
secundum illud Psalm. 85 : quis similis tibi in diis, domine ? Describitur
etiam Deus in Scripturis ut stans, secundum illud Amos 7 : ecce Deus
stans super murum laterum. Describitur et immobilis, secundum illud
Malach. 3 : ego dominus et non mutor. Et sedens in saecula,
secundum illud Esa. 9 : super solium David sedebit amodo et usque in
sempiternum. Describitur etiam et motus sicut ad omnia ambulans seu
procedens, secundum illud Gen. 3 : cum audisset vocem domini Dei
deambulantis in Paradiso et Sap. 7, dicitur quod omnibus mobilibus
mobilior est sapientia. Attingit autem ubique propter suam mobilitatem. Et
multa alia, istis aequipollentia, in Scripturis de Deo dicuntur. Deinde cum
dicit : igitur et cetera, ostendit secundum quam rationem
praedicta de Deo dicantur ; et primo, de magno et parvo ; secundo, de eodem
et altero ; ibi : idem autem est et cetera ; tertio, de
simili et dissimili ; ibi : similem autem et cetera ;
quarto, de statione et sessione et motu ; ibi : quid autem et
cetera ; quinto, de aequalitate ; ibi : si autem et cetera.
Circa primum, primo determinat de magno ; secundo, de parvo ; ibi : parvum
autem et cetera. Circa primum, tria facit : primo, attribuit magnum
Deo secundum rationem causalitatis ; secundo, per rationem cuiusdam similitudinis
; ibi : et extra et cetera ; tertio, secundum
dissimilitudinem ; ibi : magnitudo haec et cetera. Dicit
ergo primo quod Deus dicitur magnus, secundum quod magnitudinem suam,
quae essentialiter ei convenit aeternaliter, tradit omnibus magnis,
sicut et dicitur sapiens, inquantum sapientiam tradit omnibus sapientibus.
Vel potest aliter legi quod Deus magnitudinem suam tradit omnibus quae
sunt aeternaliter magna, idest a principio creaturae usque
in sempiternum. Deinde, cum dicit : et extra et cetera, attribuit
ei magnum, secundum quamdam rationem similitudinis : et primo, quantum ad
eius substantiam ; secundo, quantum ad eius effectus ; ibi : et
secundum et cetera. Manifestum est autem quod magnum creaturis
attribuitur, secundum rationem excessus : illa enim magna dicuntur quae
inveniuntur alia excedere. Excessus autem in rebus creatis multipliciter
attenditur : uno modo, secundum dimensionem longitudinis, latitudinis et
profunditatis ; et secundum hoc, dicitur aliquid magnum respectu alterius
inquantum superexcedit quantitatem eius ; et sic Deus dicitur magnus
simpliciter, inquantum magnitudo eius extra omnem magnitudinem est
superfusa et superextenta ; et dicitur superfusa ad
similitudinem rerum humidarum, ut aeris et aquae ; superextenta vero
ad similitudinem corporum siccorum et solidorum. Alio modo, attenditur
excessus in rebus creatis, secundum locum et sic locus dicitur esse maior,
qui est magis continens. Unde et Deus dicitur simpliciter magnus, inquantum
continet omnem locum. Tertio, excessus invenitur in rebus secundum numerum et
sic etiam dicitur Deus magnus simpliciter, inquantum superegreditur numerum
omnem, quia omnis numerus a divina sapientia procedit res distinguente, in
cuius potentia est plures rerum differentias producere. Videtur autem in
rebus maximum infinitum esse quod omnia excedit. Sed, ut in rebus creatis
invenitur, nihil dicitur infinitum quin sit secundum aliquid finitum,
scilicet secundum speciem. Unde Deus, qui est omnibus infinitus, excedit
omnem infinitatem. Deinde, cum dicit : et secundum et
cetera, attribuit Deo magnum, secundum rationem excessus qui consideratur ex
parte effectuum. Sunt autem tria consideranda in effectibus eius : primo
quidem, quod effusio effectus procedit ex plenitudine causae, sicut quod non
est plenum calore, non potest calorem effundere. Secundum similitudinem vasis
loquimur, quod nisi sit plenum aqua, non potest aquam effundere. Secundo,
quia si sit magis plenitudo, fit magna effusio. Tertio, quod quanto prior est
effusio, tanto id quod effunditur, prius recipitur in eo in quod effunditur
humor, nisi infusio terrae prius ab ea recipiatur. Et haec tria in effectibus
Dei sunt consideranda : primo enim, ex parte Dei invenitur superabundans
plenitudo bonitatis ; secundo, ex hac abundanti plenitudine sequitur quod
magis faciat ; tertio, ex hoc quod ipse est primordialis causa sequitur quod
dona ipsius sunt fontana, idest primordialia : quidquid enim a
quacumque causa recipitur, praesupponit id quod a Deo recipitur. Ita
ergo, secundum superplenum ipsius, quantum ad primum ; et
magnificum, quantum ad secundum ; et fontana ipsius dona,
quantum ad tertium ; inquantum ipsa dona participantur ab
omnibus, secundum effusionem doni quod est infinitum ex parte
donantis, dona huiusmodi omnino non minorantur, sed semper habent
eamdem superabundantem plenitudinem et numquam minorantur,
quantumcumque participentur, immo, quanto magis participantur, intantum magis
desuper manant : quia, quanto aliquid plus recipit de divinis donis, tanto
plus redditur aptum ad recipiendum ; et ex parte influentis quod ex infinitae
virtutis influentia minorari non potest. Deinde, cum dicit : magnitudo
haec et cetera, exponit magnitudinem divinam, per distantiam ad
alias magnitudines ; et dicit quod magnitudo divina est
infinita, quia nulli magnitudini creatae convenit ; et est
etiam sine quantitate, quia non est in genere quantitatis, sed
Dei magnitudo est esse eius ; et est sine numero,
idest sine mensura : numerus enim habet primam rationem mensurae, cum per eum
etiam quantitates continuae mensurentur ; vel quod dicit : sine
quantitate, refertur ad quantitatem continuam ; quod autem dicit : sine
numero, refertur ad quantitatem discretam. Et sic per magnitudinem
divinam attenditur excessus causalitatis divinae, secundum quod effundit
universaliter et superabundanter, suam infinitam magnitudinem, quae non
accipitur a creaturis in eius infinitate, sed secundum suam capacitatem
finito modo eam accipiunt. Deinde, cum dicit : parvum et
cetera, ostendit quomodo parvum dicatur in Deo ; et circa hoc, tria facit :
primo, ponit rationes parvi ; secundo, attribuit eas Deo ; ibi : ita
igitur et cetera ; tertio, ostendit differentiam huius parvi ad alia
parva ; ibi : hoc parvum et cetera. Circa primum,
considerandum est quod subtilitas quaedam parvitas est sive accipiatur
subtilitas prout est qualitas quaedam secundum quod corpora subtilia rara
dicuntur prout habent parum de quantitate sub eisdem dimensionibus ; sive
accipiatur subtilitas prout est differentia quaedam circa quantitatem : sicut
enim longum et breve se habent ad lineam, latum vero et strictum ad
superficiem, ita subtile et grossum ad corporis profunditatem. Unde
subtilitas, parvitatem quamdam signat. Ponit ergo tres proprietates parvi
sive subtilis : quarum prima est quod excedit omne pondus et
omnem distantiam ; et dicit pondus, secundum quod
subtile dicitur quod est rarum : tale enim maxime leve invenitur ; dicit
vero distantiam, secundum quod subtile opponitur grosso, in quo
tanta distantia est : magna scilicet profunditas ; in subtili vero, parva.
Excessus autem iste, quo parvum et subtile excedit omne pondus et omnem
distantiam, non attenditur secundum maioritatem quantitatis quae opponitur
parvitati, sed sicut unitas excedit numerum, quia mensurat ipsum et non
mensuratur ab eo. Secundam proprietatem parvi ponit quod vadit per
omnia sine prohibitione : est enim de ratione subtilis quod sit
penetrativum. Tertiam proprietatem parvi ponit quod parvum est omnium
causa ; et huius probationem inducit quod nihil invenitur quod non
participet formam parvi : parvum enim invenitur in magnis, sed
magnum non invenitur in parvis ; participatum autem videtur esse causa
participantis, unde et principia in omnibus generibus sunt parva quantitate,
sed magna virtute. Deinde, cum dicit : ita igitur et cetera,
assignat praedictas rationes parvi Deo, praecipue secundam ; et dicit
quod in Deo accipitur parvum, inquantum sine
impedimento vadit ad omnia, implendo ea et suis
effectibus et sua praesentia, quia ipse in omnibus est et iterum per omnia
operatur, sicut per propria instrumenta. Et ad hoc probandum inducit
auctoritatem apostoli, ad Hebr. 4 et primo, specialiter ostendit quod Deus
penetrat omnia quae pertinent ad humanam naturam ; in qua primo invenitur
compositio animae et corporis, quorum distinctionem et unitionis modum divina
sapientia intelligit et operatur ; et ideo dicit quod pertingit usque
ad divisionem animae et corporis. Secundo, in homine est compositio
partium corporis quae etiam est Deo nota et ideo subdit : et compagum,
quantum ad iuncturam ; et medullarum quantum ad ea quae
intra membra continentur. Tertio subdit, de his quae pertinent ad animam :
inter quae, intentiones cordis sunt maxime occultae et tamen sunt Deo notae ;
et ideo subdit : et intentionum cordis. Et quia ista sunt
occultissima, multo magis pertingit per suam scientiam, ad entia universalia
: nulla enim creatura est occulta vel invisibilis in
conspectu eius, ut dicitur ad Hebr. 4. Deinde, cum dicit : hoc
parvum et cetera, manifestat divinam parvitatem per differentiam ad
alia parva. Et primo, quidem, considerandum est quod parvum est in genere
quantitatis, sed parvum quod de Deo dicitur, est sine quantitate : sicut enim
est sine quantitate magnus, ita est sine quantitate parvus. Secundo,
considerandum est quod omne parvum de facili mensurari potest, sed parvum
quod de Deo dicitur, est sine numero : non enim aliqua mensura comprehendi
potest. Tertio, considerandum est quod aliqua res parva de facili detinetur
sive per hoc quod a cursu suo impeditur sive per hoc quod de facili capitur,
sed divinum parvum neutro modo potest teneri : quia eius virtus non potest
impediri nec Deum aliquis perfecte capere potest. Quarto, considerandum est
quod ex hoc sunt aliqua parva, quod cito terminantur a termino quantitatis
vel diffiniuntur diffinitione substantiae, comprehendente substantiam, sed
divinum parvum est sine termino et sine diffinitione. Quinto, considerandum
est quod ea quae sunt parva, parum comprehendere possunt, sed ipsa de facili
ab aliis comprehenduntur ; divinum autem parvum est comprehensivum omnium,
sed est incomprehensibile ab omnibus. |
Leçon 1 (49A) : En quel sens on dit de Dieu qu'il est Grand et Petit.797. Après avoir traité des noms divins qui
s'entendent selon les processions des perfections qui conviennent aux choses
absolument, telles le bien, l'être, le beau, la vie, la sagesse et la
puissance, il traite ici des noms divins qui se tirent des processions qui
impliquent un rapport à l'autre : comme le grand et le petit, qui réfèrent à
un dépassement ou à une privation selon la quantité ; le même et l'autre, qui
réfèrent à une identité ou à une différence selon la substance ; le semblable
et le dissemblable qui réfèrent à une identité ou à une différence selon la
qualité ; l'immobilité et le mouvement, puisque la nature de l'immobilité,
contrairement à celle du mouvement, consiste certes en ceci qu'une chose est
maintenant telle qu’elle était avant ; et plus loin il traite de l'égalité
qui implique une identité selon la quantité et qui est intermédiaire entre le
grand et le petit. 798. Et tout cela se divise en trois parties : dans
la première il montre quelle est son intention ; dans la deuxième, il montre
que chacun des noms qui précèdent s'attribue à Dieu là (358) où il dit : Donc
le grand... ; dans la troisième il montre en quel sens ces noms
s'attribuent à Dieu là (359) où il dit : Donc... 799. Il dit donc en premier (357) que, puisque le
grand et le petit et les autres noms qui précèdent sont attribués à Dieu
qui est la cause de tous les êtres il faut considérer, parmi ces signes
distinctifs par lesquels Dieu est nommé, tous ceux qui peuvent nous
être manifestes. 800. Ensuite lorsqu'il dit (358) : Donc
le grand...il montre que les noms qui précèdent s'attribuent à Dieu : en
effet Dieu est loué dans les Saintes Écritures comme étant grand
et comme existant dans la grandeur, ainsi qu'on le voit dans ce
passage du Psalmiste (144, 3) : ¨Grand est Yahvé et louable hautement, à
sa grandeur point de mesure¨. Et
parce que la subtilité est une certaine petitesse, le petit est aussi attribué
à Dieu dans les Écritures ainsi qu'on le dit dans le premier Livre des Rois
(19, 12-13), à savoir qu'Il apparut dans le sifflement d'une brise légère,
laquelle légèreté ou subtilité manifeste certes la petitesse de Dieu. Parfois
encore Dieu est appelé le même dans les Écritures d'après ce passage du
Psalmiste (101, 28) : ¨Mais Toi, tu demeures le même¨. On
lui attribue aussi l'altérité, selon qu'on Le compare dans les saintes
Écritures aux diverses figures et à diverses espèces de choses comme
lorsqu'on le désigne par la figure ou l'espèce de l'homme, de l'agneau, du
lion ou de la pierre. On
l'appelle aussi semblable dans les Écritures selon qu'il fait des choses
semblables et qu'il est cause de la ressemblance elle-même, d'après ce
passage de la Genèse (1, 26) : ¨Faisons l'homme à notre image, comme à
notre ressemblance¨. Il
est aussi appelé celui qui est différent de tous comme dans ce passage de
l'Écriture qui dit que rien ne Lui est semblable où le Psalmiste (85, 8) dit
: ¨Entre les dieux, pas un comme toi, Seigneur.¨. Dieu
est aussi décrit dans les Écritures comme étant debout d'après ce passage
d'Amos (7, 7) : ¨Dieu lui-même se tenait debout près d'une muraille
verticale¨. Et
d'après ce passage de Malachie (3, 6) il est décrit comme étant immobile : ¨Oui,
moi, Yahvé, je ne varie pas¨. Et comme étant assis sur les siècles
d'après ce passage d'Ésaïe (9, 6) : ¨Sur le trône de David et sur son
royaume il siégera dès maintenant et à jamais¨. On le décrit aussi comme un mouvement se
promenant ou s'avançant vers toute chose d'après ce passage de la Genèse (3,
8) : ¨Ils entendirent le pas de Yahvé Dieu qui se promenait dans le jardin¨
et dans ce passage du Livre de la Sagesse (7, 24) on dit : ¨Car plus que
tout mouvement la Sagesse est mobile ; elle traverse et pénètre tout à cause
de sa pureté¨. Et on retrouve dans les Écritures beaucoup d'autres choses
qu'on dit de Dieu et qui sont équivalentes à celles-là. 801. Ensuite lorsqu'il dit (359) : Donc...il
montre en quel sens ce qui précède s'attribue à Dieu ; et premièrement il
considère le petit et le grand ; deuxièmement, le même et l'autre, là (366)
où il dit : Cependant le même est...(leçon 2a) ; troisièmement, le
semblable et le dissemblable, là (373) où il dit : Mais le semblable...(leçon
3a) ; quatrièmement, la station verticale, la position assise et le
mouvement, là (377) où il dit : Mais que...(leçon 4a) ; cinquièmement,
l'égalité, là (381) où il dit : Si cependant... (ibidem). 802. Au sujet du premier point, il traite d'abord
de la grandeur ; deuxièmement de la petitesse, là (363) où il dit : Mais
le petit... 803. Au sujet du premier point, il fait trois
choses : d'abord, il attribue la grandeur à Dieu dans le sens d'une causalité
; deuxièmement, dans le sens d'une certaine ressemblance, là (360) où il dit
: Et au-delà... ; troisièmement, d'après une certaine dissemblance, là
(362) où il dit : Cette grandeur... 804. Il dit donc en premier (359) que Dieu
est appelé grand selon qu'il transmet sa grandeur, qui
Lui appartient essentiellement et éternellement, à tout ce qui est
grand, tout comme il est appelé sage selon qu'il transmet sa sagesse à
tous ceux qui sont sages. Ou bien on pourrait encore dire autrement que Dieu
donne sa grandeur à tous ceux qui sont grands, de toute éternité,
c'est-à-dire du début de la création et pour toujours. 805. Ensuite, lorsqu'il dit (360) : Et au-delà...il
Lui attribue la grandeur dans le sens d'une ressemblance : et d'abord quant à
sa substance ; deuxièmement, quant à ses effets, là (361) où il dit : Et
conformément... 806. Il est manifeste cependant que la grandeur est
attribuée aux créatures dans le sens d'un dépassement : en effet on appelle
grands ceux à qui il arrive de dépasser les autres. Mais dans les créatures
le dépassement s'entend de plusieurs manières : en un premier sens d'après
les dimensions de la longueur, de la largeur et de la profondeur ; et d'après
ce sens on dit qu'une chose est grande par rapport à une autre dans la mesure
où elle surpasse sa quantité ; et ainsi on dit que Dieu est grand purement et
simplement puisque sa grandeur est diffusée et étendue au-delà de toute
grandeur ; et on dit qu'elle est diffusée ou répandue à la
ressemblance des choses humides comme l'air et l'eau, et qu'elle est étendue
à la manière des corps secs et solides. D'une autre manière, le dépassement
dans les choses créées s'entend selon le lieu et ainsi on dit qu'un lieu est
plus grand quand il peut contenir davantage. Et de là on dit que Dieu est
grand purement et simplement selon qu'il contient tout lieu.
Troisièmement, c'est selon le nombre que le dépassement se retrouve dans les
choses et ainsi encore on dit que Dieu est grand purement et simplement selon
qu'il surpasse tout nombre, car tout nombre procède de la sagesse
divine qui distingue les choses car il est en son pouvoir de produire
différentes sortes de choses. Et il apparaît dans les choses que l’infini est
ce qui dépasse le plus tous les êtres. Mais, ainsi qu'on le voit dans les
choses créées, il n'y a rien qu'on appelle infini qui ne soit en quelque
manière fini, c'est-à-dire selon l'espèce. D'où il suit que Dieu, qui est
illimité à l'égard de tout ce qui existe, dépasse toute infinité. 807. Ensuite lorsqu'il dit (361) : Et
conformément...il attribue à Dieu la grandeur selon le sens du
dépassement qu'on considère du côté des effets. Mais il y a trois choses à
considérer du côté des effets de Dieu : premièrement certes que la production
des effets procède de la plénitude de la cause, tout comme ce qui n'est pas
plein de chaleur ne peut répandre la chaleur. Nous parlons ici d’après une
ressemblance avec les vases qui ne peuvent répandre de l'eau à moins d'en
être remplis. Deuxièmement, là où la plénitude est plus grande, plus grande
aussi est l'effusion. Troisièmement, ce qui est répandu est reçu d'autant
plus tôt dans celui dans lequel se répand le liquide que l'effusion a lieu
plus tôt, à moins que la terre n'ait été pénétrée préalablement par lui. Et
ces trois points doivent être considérés dans les effets de Dieu : du côté de
Dieu en effet on retrouve une plénitude qui surabonde en bonté ;
deuxièmement, il découle de cette abondante plénitude une productivité plus
grande ; troisièmement, de ce que Lui-même est la cause originelle il suit
que ses dons viennent de Lui comme d'une source, c'est-à-dire
de leur origine première : en effet, tout ce qui est reçu de quelque cause
que ce soit présuppose ce qui est reçu de Dieu. Ainsi donc, quand il dit selon
sa surabondance, Denys se réfère au premier point ; quand il dit et
fastueux, il se réfère au deuxième ; et quand il ajoute et les dons de
sa source, il se réfère au troisième ; dans la mesure où les dons eux-mêmes
sont participés par tous conformément à l'effusion du don qui
est infini du côté du donateur, les dons de cette sorte ne sont absolument
pas diminués mais ils possèdent toujours la même plénitude
surabondante et ne sont jamais diminués, aussi grande
que puisse en être la participation ; bien au contraire, plus nombreux sont
ceux qui y prennent part et plus ils demeurent intacts car un être est
rendu d'autant plus apte à recevoir les dons divins qu'il en reçoit davantage
et que du côté de la source l'écoulement d'une puissance infinie ne peut être
diminué. 808. Ensuite lorsqu'il dit (362) : Cette
grandeur...il explique la grandeur divine par son éloignement des autres
grandeurs ; et il dit que la grandeur divine est infinie car
elle ne peut se rencontrer dans aucune grandeur créée ; et elle est
aussi sans quantité car elle n'est pas dans le genre de la quantité,
mais la grandeur de Dieu est son être même ; et elle est sans
nombre, c'est-à-dire sans mesure : c'est au nombre en effet que
s'attribue en premier la définition de mesure au sens strict puisque c'est
par lui que même les quantités continues sont mesurées ; ou bien lorsqu'il
dit sans quantité il se réfère alors à la quantité continue et quand
il dit sans nombre il se réfère à la quantité discrète. Et ainsi par
grandeur divine on entend l'excellence de la causalité divine selon
qu'elle répand sur tous et en surabondance sa grandeur infinie qui n'est pas
reçue dans les créatures dans son infinité, mais selon un mode fini dans la
mesure de leurs capacités. 809. Ensuite lorsqu'il dit (363) : La petitesse...il
montre comment la petitesse se dit de Dieu ; et à ce sujet il fait trois
choses : premièrement, il présente les caractéristiques de la petitesse ;
deuxièmement, il les attribue à Dieu là (364) où il dit : Ainsi donc...
; troisièmement, il montre la différence qui existe entre cette petitesse et
les autres petitesses là (365) où il dit : Cette petitesse... 810. Au sujet du premier point, il faut considérer
que la finesse ou la minceur est une certaine petitesse, soit qu'on entende
par finesse une certaine qualité selon laquelle on dit que les corps fins ont
peu de densité dans la mesure où ils ont peu de quantité à l'intérieur de
leurs dimensions, soit qu'on entende par ce nom une certaine différence dans
la quantité : tout comme le long et le court se rapportent à la ligne et le
large et l'étroit à la surface, de même le mince et l'épais se rapportent à
la profondeur des corps. D'où il suit que la finesse désigne une certaine
petitesse. Il
présente donc trois caractéristiques de la petitesse ou de la finesse, dont
la première est qu'elle échappe à toute masse et toute étendue
; et il dit masse, selon que la finesse se dit de ce qui est rare :
c'est à ce qui est tel en effet qu'il arrive d'être très léger ; et d’un
autre côté il dit étendue selon que le mince s'oppose à l'épais dans
lequel on retrouve une grande étendue, c'est-à-dire une grande profondeur
alors que dans le mince on en retrouve une petite. Mais cette excellence par
laquelle le petit et le mince échappent à toute masse et à toute étendue ne
doit pas s'entendre selon une augmentation de quantité qui s'opposerait à la
petitesse, mais comme celle de l'unité qui dépasse le nombre car c'est elle
qui le mesure sans être mesurée par lui. La
deuxième propriété de la petitesse qu'il présente est qu'elle s'avance en
toute chose sans obstacle : en effet il entre dans la définition de la
finesse d'être pénétrante. La
troisième caractéristique de la petitesse qu'il présente est que la
petitesse est cause de toute chose ; et pour prouver cela il avance qu'on
ne retrouve rien qui ne participe de la forme du petit : le petit en
effet se retrouve dans ce qui est grand mais le grand ne se retrouve pas dans
ce qui est petit ; mais ce qui est participé semble être la cause de ce qui
en participe, et c'est pourquoi les principes qu'on retrouve dans tous les
genres de choses sont petits du point de vue de la quantité mais ils sont
grands en puissance. 811. Ensuite lorsqu'il dit (364) : Ainsi donc...il
assigne à Dieu les caractéristiques de la petitesse qui précèdent et
principalement la deuxième et il dit qu'en Dieu la petitesse s'entend
selon qu'il s'avance vers toutes les choses sans obstacle en
les comblant de ses effets et de sa présence car Lui-même est présent dans
tous les êtres et encore une fois il agit par eux comme au moyen de ses
instruments propres. Et pour le montrer, il s'appuie sur l'autorité de
l'Apôtre dans sa Lettre aux Hébreux (4, 12) et tout d'abord il montre en
particulier que Dieu pénètre tout ce qui se rapporte à la nature humaine ;
dans cette dernière on retrouve d'abord la composition de l'âme et du corps
dont la Sagesse divine saisit et réalise à la fois la distinction et la
manière dont ils sont unis ; et c'est à cause de cela qu'il dit qu'elle étend
son action jusqu'à la distinction de l'âme et du corps. Deuxièmement
il montre qu'il y a dans l'homme une composition des parties du corps qui est
elle aussi connue de Dieu et c'est à cause de cela qu'il ajoute : et des
articulations, quant aux jointures, et des moelles quant à ce qui
est contenu à l'intérieur des membres. Troisièmement, il ajoute certaines
choses qui se rapportent à l'âme, parmi lesquelles il mentionne les
intentions du coeur qui sont les plus cachées et qui sont pourtant connues de
Dieu ; et c'est à cause de cela qu'il ajoute : et des intentions du coeur. Et
parce que ces choses sont les plus mystérieuses, sa science s'étend bien davantage
aux réalités universelles : en effet, aucune créature n'est cachée
ou invisible à ses yeux ainsi que le dit la Lettre aux Hébreux (4,
13). 812. Ensuite lorsqu'il dit (365) : Cette
petitesse...il manifeste la petitesse de Dieu par opposition aux autres
petitesses. Et d'abord certes il faut considérer que la petitesse est dans le
genre de la quantité, mais la petitesse qu'on attribue à Dieu est
sans quantité : en effet, tout comme la grandeur qui lui est attribuée
n'est pas quantitative, il en est de même pour la petitesse. Deuxièmement,
il faut considérer que tout ce qui est petit peut facilement être mesuré,
mais la petitesse qu'on attribue à Dieu est sans nombre : elle ne peut
en effet être saisie par aucune mesure. Troisièmement, il faut considérer qu'une
chose qui est petite peut facilement être arrêtée soit parce qu'elle est
empêchée de parcourir sa marche, soit parce qu'elle peut facilement être
saisie ; mais la petitesse de Dieu ne peut être possédée d'aucune de ces
façons car sa puissance ne peut être empêchée et rien ne peut Le saisir
parfaitement. Quatrièmement
il faut encore considérer que certaines choses sont petites du fait qu'elles
sont facilement limitées par les bornes de la quantité ou délimitées par la
définition de la substance qui saisit la substance ; mais la petitesse divine
est sans limite et sans définition. Enfin,
il faut encore considérer que les choses qui sont petites ne peuvent saisir
que très peu alors qu'elles-mêmes peuvent facilement être saisies par les
autres ; mais la petitesse de Dieu saisit tout et ne peut être
saisie par rien. |
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LECTIO 2 [84883] In De divinis
nominibus, cap. 9 l. 2 Postquam determinavit Dionysius de magno et
parvo, hic determinat de eodem et altero ; et primo, ostendit quomodo idem
attribuatur Deo ; secundo, quomodo attribuatur ei, alterum ; ibi : alterum et
cetera. Circa primum, duo facit : primo, proponit modos in quadam forma
quibus idem attribuitur Deo ; secundo, manifestat eos ; ibi : et
ipsum et cetera. Attribuitur autem idem Deo secundum eius
immutabilitatem, prout in Psalm. 101 legitur : tu autem idem ipse es.
Immutabilitas autem Dei, primo quidem attenditur quantum ad hoc quod non
transmutatur secundum esse et non esse, sicut generabilia et corruptibilia et
ideo dicit quod Deus est idem aeternum, inquantum est supersubstantialiter aeternus
; sed quia quaedam habent quamdam aeternitatem, inquantum non deficiunt
penitus in non esse, in aliqua alia convertibilia, ad hoc excludendum
consequenter dicit : inconversibile. Secundo,
excludit motum localem per hoc quod dicit : in seipso manens :
Deus enim seipso continetur, ut loco sine loco. Tertio,
excludit motum alterationis et augmenti et diminutionis, cum dicit quod semper habet secundum eamdem
formam stare, quia scilicet non mutatur de forma in formam, ut de albo in
nigrum vel de quantitate in quantitatem, ut de parvo in magnum ; quia nihil
in eo intenditur aut remittitur : quod enim est alibi habet se quidem
secundum idem, sed non eodem modo, et cetera. Quarto, excludit motum qui est
secundum habitudinem ad res ; et dicit quod ipse, inquantum est ex parte sui,
semper est eodem modo, omnibus praesens, sed quod omnia non semper eodem modo
se habeant ad ipsum, provenit ex variatione quae contingit circa res. Deinde,
cum dicit : et ipsum et cetera, exponit ea quae summarie
tetigerat ; et primo, hoc quod dixerat : in seipso manens ; et
excludit ea per quae posset impediri mansio alicuius in aliquo ; quae quidem
sunt quinque : primo enim unumquodque manet in loco qui convenit ei per se et
secundum suam naturam, facile autem removetur a loco qui convenit ei per
accidens ; et quantum ad hoc dicit quod Deus collocatur in seipso
secundum seipsum, idest per se et non per accidens. Secundo, aliquid
manet ubi firmatur, unde aliqua affiguntur clavis ut permaneant ; et hoc est
quod subdit : firme ; firmatus est enim in seipso, secundum
infinitatem suae virtutis. Tertio, contingit quod aliquid firmatum in aliquo,
non potest manere in ipso, quia accidit corruptio aut putrefactio eius quod
firmabat, sicut lapides non manent in pariete, corrupto coemento ; et ad hoc
excludendum a Deo, subdit : et incontaminate. Quarto, prohibetur
aliquid manere quia non est optime collocatum, sed potest ad melius perduci ;
et ad hoc excludendum, dicit : in optimis finibus, idest summitatibus.
Quinto, prohibetur aliquid permanere propter diversitatem eorum quae ad
institutionem rei concurrunt, quorum unum trahit huc et aliud illuc ; et
quantum ad hoc dicit : abundantis identitatis, quia in Deo est
perfectissima identitas, omnem diversitatem excludens. Deinde, cum dicit
: intransmutabile et cetera, exponit quod dixerat : semper
secundum eadem et eodem modo habens ; et primo, quantum ad alterationem ;
et dicit quod est intransmutabile, inquantum non potest variari
secundum magis et minus ; et in oppositum cadere non valens,
inquantum non mutatur de forma in formam oppositam. Deinde, exponit dictorum
causam : quod enim aliquid non transmutetur vel non cadat in contrarium, una
causa potest esse quia habet fortem virtutem activam ad resistendum, ut patet
in igne, et quantum ad hoc dicit : forte. Alia causa potest esse
quia non habet in seipso mutabilitatis principium ; et quantum ad hoc dicit
: invariabile. Hoc autem principium variabilitatis est quandoque
quidem ex permixtione extranei ; et ad hoc excludendum, dicit : mundum vel purum,
secundum aliam translationem : purum vel mundum dicitur quod est extraneo
naevo impermixtum. Quandoque vero principium variabilitatis est potentia
materiae in eo quod variatur, propter quam ab agente reducitur in aliam
dispositionem ; et ad hoc excludendum dicit : immateriale.
Quandoque vero variabilitatis principium est compositio alicuius rei ex
diversis, sicut corpora mixta variabilia sunt, non solum quia sunt
materialia, sed etiam quia sunt ex contrariis composita ; et ad hoc
excludendum dicit : simplicissimum. Quandoque vero variationis
ratio est indigentia eius quod variatur : quod enim est imperfectum
naturaliter tendit in perfectionem suam ; et ad hoc excludendum, dicit
: non indigens. Deinde, ad excludendum motum augmenti, subdit
: non augmentabile ; ad excludendum vero motum decrementi, subdit
: non minorabile ; ad excludendum vero transmutationem
generationis, subiungit : ingenitum, idest non-generatum.
Quandoque autem dicitur aliquid non generatum, quia nondum accepit esse per
generationem, sicut ea quae in futuro generabuntur ; ad illud modum
excludendum, subdit : non sicut nondum genitum. Quandoque autem
dicitur aliquid non generatum, quia eius generatio est incepta, sed nondum
consummata ; et ad hoc excludendum dicit : aut imperfectum.
Quandoque autem dicitur aliquid non generatum, non simpliciter, sed secundum
quid, sicut si dicamus istum hominem non esse generatum ab isto vel si
dicamus hoc non esse generatum hominem, sed esse generatum animal ; et ad hoc
excludendum dicit : aut non sicut factum ab hoc, idest ab aliquo
determinato generante aut istud, quantum ad certum generationis
terminum. Quandoque autem dicitur non generatum aut non factum, quod
impossibile est esse, ut hominem esse asinum ; et ad hoc excludendum, subdit
: neque sicut nusquam, idest nullo loco vel numquam, idest nullo
tempore et nullo modo existens. Deinde, qualiter de Deo dicatur
ingenitum per oppositum ad praemissa, subdit dicens quod Deus dicitur ingenitum
sicut omne, idest quia ipse quodammodo est omnia, inquantum omnia in ipso
praeexistunt ; et ideo, hoc opponitur ei quod dixerat : neque sicut
nusquam nullo modo existens. Dicitur etiam ingenitum, non secundum quid,
sed absolute, contra hoc quod dixerat : aut sicut ab hoc aut istud
non factum. Dicitur etiam ingenitum non sicut nondum genitus, sed sicut
semper existens. Dicitur etiam ingenitum non sicut imperfectum, sed
sicut per se perfectum existens. Sic
ergo ostendit differentiam Dei ad ea quae non dicuntur generata. Unde consequenter
ostendit differentiam Dei ad ea quae dicuntur generata : omnis enim generatio
est transmutatio ex hoc toto in hoc totum, ex quo sequitur quod non sit
semper idem ; et ad hoc excludendum dicit : et idem existens.
Quod autem res generata non sit semper idem, ex duobus contingit : primo
quidem, quia determinatur ad esse specificum non per seipsum totum, sed per
aliquam sui partem, scilicet per formam et propter hoc corrumpitur et
generatur secundum quod una forma separatur a materia et advenit altera ; quod
autem est forma tantum determinatur secundum seipsum totum ad suum esse
specificum. Secundo, quia res generata determinatur ad suum esse non a seipsa
sed ab actione generantis ; et ideo ad hoc excludendum a Deo, dicit quod Deus
existit idem sicut determinatum ad hoc
quod uniformiter se habeat et secundum formam identitatis,
non secundum aliud aut ab alio, sed secundum seipsum et a seipso.
Deinde, cum dicit : et idem et cetera, ostendit, quomodo per
Deum alia identitatem habent ; et hoc dupliciter : uno modo, secundum quod
tribuit identitatem rebus, in propria natura existentibus ; et dicit quod hoc
idem quod est Deus, supersplendet omnibus ad hoc quod participent suam
identitatem, secundum uniuscuiusque convenientiam : alicui enim dat quod sit
idem simpliciter ; et his quae sunt secundum se diversa, dat identitatem
ordinis, secundum quod alia aliis coordinat. Alio modo, secundum quod res,
quae in propriis naturis sunt diversae, sunt idem prout sunt in Deo ; et
quantum ad hoc, dicit quod hoc est propter abundantiam suae identitatis et
propter hoc quod ipse est omnis identitatis causa. Et contraria praehabet
in seipso non diversimode, sed eodem modo, sicut
diversi effectus sunt uniformiter in eo quod est una et singularis per
excessum causa totius identitatis. Deinde, cum dicit : alterum autem et
cetera, ostendit quomodo alterum attribuatur Deo et ponit duos modos, quorum
primus est quod alterum attribuitur Deo inquantum adest omnibus, sicut
participantibus ipsum per quamdam similitudinem secundum perfectiones quas
per eius providentiam recipiunt quia, propter salutem et
bonum omnium, fit omnia in omnibus, inquantum scilicet nulla
perfectio est in rebus quae non sit aliqua Dei similitudo ita ut dici possit
semper, per suae similitudinis participationem, in sapientibus sapientia ; in
iustis, iustitia ; in viventibus, vita ; et in potentibus, virtus ; et sic de
aliis. Et ne aliquis male intelligeret quod Deus sit omnia in omnibus,
excludit a Deo modos quibus una creatura fit in alia. Quod quidem contingit dupliciter : uno modo, per transmutationem eius
quod in alio fieri dicitur, sicut ignis fit in corpore mixto per hoc quod in
corpus convertitur ; unde ad hoc excludendum, dicit : manens in
seipso. Alio modo aliquid fit in altero per hoc quod sua actione
transmutat illud in sui similitudinem, sicut ignis generans sibi formam
secundum sui similitudinem, fit quodammodo in igne generato ; et hoc, aliquo
modo, accedit ad modum quo dixerat Deum in rebus fieri, sed multipliciter
deficit : primo quidem, quia ea quae in rebus naturalibus generant sibi
similia, non semper eadem manent et ideo, ut conservent se, secundum
similitudinem speciei, similia sibi generant ; et ad hoc excludendum dicit
: et propria identitate. Secundo, quia actio
agentis qua facit sibi simile, est aliquid egrediens ab agente in patiens
quod in Deo locum non habet, quia eius actio est eius substantia ; unde ad
hoc excludendum dicit : et inegressibiliter. Tertio, quia agens
creatum facit se in diversis, secundum diversas operationes quod Deo non
convenit ; et ideo subdit : secundum operationem unam. Quarto,
quia actio agentis facientis sibi simile non est continua, et sempiterna,
sicut actio Dei ; et ideo dicit : et impausabilem. Quinto, quia
agens naturale simul et patitur et movetur ; et ad hoc excludendum a Deo,
subdit : stans. Sexto, quia virtus agentis naturaliter in sua
actione debilitatur propter hoc quod simul patitur ; et ad hoc excludendum
dicit quod Deus indeclinabili virtute donat seipsum per
quamdam sui participationem ad deificationem conversorum, idest
ut assimilet sibi ea quae ad se convertit. Deinde, cum dicit : et
alteritatem et cetera, ponit secundum modum quo alterum attribuitur
Deo ; et primo, ponit istum modum ; secundo, ostendit eum ad propositam
intentionem non pertinere ; ibi : sed ne lateamus et cetera.
Dicit ergo primo quod Deo etiam attribuitur alteritas diversarum figurarum,
secundum multiplices visiones prophetarum, in
quibus aliquando visus est ut leo, aliquando ut agnus, aliquando ut homo ;
quae quidem diversimode signant. Alia quidem signant praeter ea
quae in superficie apparent ; et hoc manifestat per exemplum in
anima : si enim aliquis vellet describere animam ad
modum corporis, quamvis ipsa sit simplex, aliter quam in
corpore intelligeremus in ipsa, partes corporeas attributas simplicitati.
Nam per caput intelligeremus mentem quae praesidet omnibus
partibus animae, sicut caput omnibus partibus corporis ; per collum
autem opinionem, quae medio modo se habet inter rationem
scientem veritatem et inter irrationabiles partes animae, scientia veritatis
carentes ; per pectus autem intelligeremus furorem, idest
irascibilem propter pectoris fortitudinem ; per ventrem autem
concupiscibilem, propter ventris mollitiem vel quia concupiscentia deservit
ventri, sicut et irascibilis habet sedem in corde quod est in pectore ; sed
per crura et pedes diceremus significari naturales vires
animae nutritivae, per quas sustentatur vita. Et ita uteretur nominibus
partium corporalium, quasi quibusdam signis potentiarum animae, secundum
similitudinem quamdam. Unde multo magis diversitatem formarum et figurarum in
Deo, qui est super omnia, oportet purgari a corporalibus phantasiis, per
sanctas expositiones Deo convenientes et mysticas, quia scilicet accipiunt
occultum ex manifesto. Unde est quod si aliquis Deo, qui est impalpabilis et
infigurabilis, velit attribuere tres dimensiones corporum, sicut apostolus
facit ad Ephes. 3, dicendum erit quod latitudo Dei nihil est aliud quam
processus divinae providentiae, qui omnibus superfertur, quasi continens omnia
; longitudo autem Dei, dicetur virtus quae super tota extenditur, penetrans
omnia a summo usque ad imum ; profunditas autem Dei dicetur occulta et
ignorata Dei essentia, quae est incomprehensibilis omnibus existentibus.
Deinde, cum dicit : sed ne lateamus et cetera, ostendit
praedictam varietatem ad propositum non pertinere ; et dicit quod non debemus
nos ipsos decipere exponendo Dei nominationes quae sunt secundum formas et
figuras, quia per hoc commisceremus istam doctrinam symbolicae theologiae, ad
quam pertinet exponere corporales Dei-Nominationes, quae
accipiuntur per signa sensibilia. Sed ad praesens propositum
pertinet ut alteritatem Deo attributam non suspicemur esse aliquam
variationem Dei qui habet supereminentem et inconversibilem, idest intransmutabilem
identitatem, sed per hoc intelligamus formationem, secundum quam multiplices
formas attribuit et tamen omnia in unum ordinem reducit et e converso
uniformitatem multorum processuum divinae fecunditatis ad omnia ;
quae pertinent ad primum alteritatis modum, supra assignatum. |
Leçon 2 (50a) : Du Même et de l'Autre et comment ils s'attribuent à Dieu.813. Après avoir traité du grand et du petit, Denys
traite ici du même et de l'autre ; et d'abord (366) il montre comment le même
est attribué à Dieu ; ensuite, comment l'autre Lui est attribué, là (370) où
il dit : L'autre... 814. Au sujet du premier point, il fait deux choses
: d'abord, il présente les modes par lesquels, d'une certaine manière, le
même est attribué à Dieu ; deuxièmement, il les met en lumière là (367) où il
dit : Et Lui-même... 815. Mais le même est attribué à Dieu d'après son
immuabilité selon ce qu'on lit dans le Psaume (101, 28) : ¨Mais Toi, Tu
demeures le même¨. Mais l'immuabilité de Dieu doit certes s'entendre en
premier lieu au sens où il n'est pas assujetti au changement selon l'être et
le non-être comme le sont les êtres qui peuvent être engendrés et corrompus
et c'est à cause de cela qu'il dit que Dieu reste le même éternellement,
selon qu'il est éternel supra-substantiellement ; mais parce que
certains êtres possèdent une certaine éternité dans la mesure où ils ne
tombent pas totalement dans le non-être lorsqu’ils se changent en autre
chose, afin d'exclure cette possibilité du côté de Dieu, il ajoute par la
suite qu'Il est immuable. Deuxièmement,
il exclut de Dieu le mouvement local en disant : demeurant en Lui-même ;
Dieu en effet est contenu en lui-même, comme dans un lieu mais sans le lieu. Troisièmement,
il exclut de Lui le mouvement d'altération et aussi celui de croissance et de
décroissance, lorsqu'il dit qu'il possède toujours la propriété de
demeurer le même selon la même forme ou la même manière, c'est-à-dire
parce qu'il ne peut passer d'une forme à une autre, comme du blanc au noir ou
d'une quantité à une autre ou comme du petit au grand ; car rien en Lui n'est
recherché ou abandonné : en effet, ce qui est dans un autre endroit se
retrouve certes à être le même, mais pas de la même manière. Quatrièmement,
il écarte encore de Lui le mouvement selon le rapport aux choses ; et il dit
que Lui-même, de son côté, est toujours présent à tous de la même manière
; mais que tous ne soient pas toujours présents à Lui de la même manière,
cela est dû aux changements qui se tiennent du côté des choses elles-mêmes. 816. Ensuite lorsqu'il dit (367) : Et Lui-même...il
explique les choses qu'il avait présentées sommairement, et premièrement ce
qu'il avait voulu exprimer par ces mots : demeurant en Lui-même ; et
il écarte les raisons qui pourraient empêcher quelqu'un de demeurer en un lieu
et qui sont au nombre de cinq : premièrement en effet un être demeure dans le
lieu qui lui convient par soi et conformément à sa nature mais il s'éloigne
facilement de celui qui lui convient par accident ; et quant à cela il dit
que c'est de lui-même que Dieu demeure en lui-même,
c'est-à-dire par soi et non par accident. Deuxièmement,
une chose demeure là où elle trouve fermeté. C'est pourquoi ce qui est fixé
par des clous à un endroit y demeure ; et c'est ce qu'il ajoute : fermement
; c'est en Lui-même en effet que Dieu trouve fermeté, conformément à
l'infinité de sa puissance. Troisièmement,
il arrive qu'une chose qui est fixée dans une autre ne peut y demeurer parce
qu'il se produit une corruption ou une altération de ce qui l'y fixait, comme
les pierres qui ne peuvent demeurer dans le mur à cause de l'altération qu'a
subie le ciment ; et pour écarter cela de Dieu il ajoute : et sans
corruption. Quatrièmement,
une chose est empêchée de demeurer dans un lieu parce qu'elle n'y est pas
établie au mieux et qu'elle peut être conduite à un meilleur lieu ; et pour
exclure cela de Dieu il dit : dans les limites les plus élevées,
c'est-à-dire dans les sommets. Cinquièmement,
une chose est empêchée de demeurer dans un lieu à cause de la diversité de ce
qui contribue à son établissement, et dont certaines sont tirées d'ici et
d'autres de là ; et quant à cela il dit : de son abondante identité,
car on retrouve en Dieu une parfaite identité qui exclut toute diversité. 817. Ensuite lorsqu'il dit (368) : immuable...il
explique ce qu'il avait voulu dire par ces mots : étant toujours le même
et de la même manière ; et premièrement, il le fait quant à l'altération
et il dit que Dieu est immuable parce qu'il ne peut changer selon le plus et
le moins ; et il ne peut déchoir dans le contraire puisqu'il ne peut
passer d'une forme à une autre qui lui serait contraire. Ensuite,
il présente la cause de ce qu'il vient de dire : qu'une chose ne soit pas
transformée ou qu'elle ne tombe pas dans une forme contraire, une des causes
peut en être qu'elle possède une vigoureuse puissance active de résistance
ainsi qu'on le voit dans le feu, et quant à cela il dit : avec force.
Mais une autre cause peut être qu'elle ne possède pas en elle-même un
principe de changement ; et quant à cela il dit : sans changement. Mais
ce principe de changement provient parfois certes d'un mélange avec quelque
chose d'étranger ; et pour écarter cela de Dieu il dit : sans mélange
ou pure ; et selon une autre traduction, sans mélange ou pur se dit de ce qui
est à l'abri de toute tache venant de l'extérieur. Parfois
par ailleurs le principe de changement se situe dans la puissance de la
matière qui est présente dans celui qui subit le changement et à cause de
laquelle il est conduit par un agent à un autre état ; et pour écarter cela
il dit : sans matière. Mais
parfois le principe de changement vient du fait qu'une chose est composée de
différents éléments, tels les corps mixtes qui sont sujets au changement non
seulement parce qu'ils sont matériels, mais aussi parce qu'ils sont composés
de contraires ; et pour écarter cela de Dieu il dit à son sujet : le plus
simple. Et
parfois encore le changement trouve son origine dans le besoin de celui qui
change car il appartient à ce qui imparfait de tendre naturellement vers sa
perfection ; et pour écarter cela de Dieu il dit : et ne manquant de rien. 818. Ensuite, pour écarter de Dieu le mouvement de
croissance, il ajoute : qui ne peut croître ; et pour écarter le
mouvement de décroissance il ajoute : qui ne peut être diminué ; et
pour écarter encore le mouvement de génération il ajoute : qui échappe à
tout engendrement, c'est-à-dire qui n'est pas engendré. 819. Mais parfois on dit qu'une chose n'est pas
engendré parce qu'elle n'a pas encore reçu l'être au moyen de la génération,
comme il en est pour celles qui seront engendrées dans le futur ; et pour
écarter cette manière de ne pas être engendré il ajoute : et non à la
manière de ce qui n'est pas encore engendré. Mais
parfois on dit qu'une chose n'est pas engendrée parce que sa génération est
commencée mais non encore achevée ; et pour écarter cela il dit : ou
inachevé. Mais
on dit parfois qu'une chose n'est pas engendrée sous un certain rapport et
non simplement, comme si nous disions que cet homme n'est pas engendré par
celui-là ou que nous disions que ce qui est engendré n'est pas un homme mais
un animal ; et pour écarter cela il dit : ou non comme ce qui est engendré
par ceci, c'est-à-dire par un géniteur déterminé, ou vers cela quant au terme déterminé de
la génération. Mais
on dit parfois que n'est pas engendré ou n'est pas produit ce qui ne peut
exister comme pour l'homme d'être un âne ; et pour écarter cela il ajoute : ni
comme ce qui nulle part, c'est-à-dire en aucun lieu ni jamais,
c'est-à-dire en aucun temps ni d'aucune manière, n'existerait. 820. Ensuite, il ajoute comment ne pas être
engendré se dit de Dieu en un sens qui s'oppose à ceux qui précèdent en
disant que c'est en tant qu'il est toute chose qu'on dit de Dieu qu'il
n'est pas engendré, c'est-à-dire parce que Lui-même d'une certaine
manière est toute chose, selon que tous les êtres préexistent en Lui ; et
pour cette raison, ce sens s'oppose au sens précédent : ni comme ce qui
n'existe nulle part et d'aucune manière. On
dit encore de Dieu que c'est absolument qu'il n'est pas engendré et
non sous un certain rapport pour s'opposer à cet autre sens précédent : ou
comme ce qui n'est pas produit par un tel ou qui n'est pas produit comme
étant tel. On
dit encore de Lui que ce n'est pas à la manière de ce qui n'est pas encore
engendré, mais plutôt à la manière de celui qui a toujours existé, qu'Il
n'est pas engendré. On
dit encore que ce n'est pas à la manière de ce qui est imparfait, mais à la
manière de ce qui est parfait et qui existe par soi qu'il n'est pas
engendré. Ainsi donc il montre les différences qu'il y a entre Dieu et toutes
les autres réalités dont on pourrait dire qu'elles ne sont pas engendrées. 821. D'où il montre par la suite les différences
qu'il y a entre Dieu et toutes les choses au sujet desquelles on dit qu'elles
sont engendrées : en effet, toute génération est le passage de ce tout à cet
autre tout, d'où il suit qu'aucun de ceux qui sont assujettis à la génération
n'est toujours le même ; et pour écarter la génération de Dieu il dit : et
demeurant toujours identique à lui-même. Mais
qu'une chose engendrée ne soit pas toujours la même, cela se produit pour
deux raisons : d'abord certes parce que ce n'est pas dans sa totalité qu'elle
est déterminée à son être spécifique, mais par une de ses parties seulement,
c'est-à-dire par sa forme et c'est pour cela qu'il y a corruption et
génération, parce qu'une forme se sépare de la matière et qu'une autre lui
advient ; mais ce qui est forme seulement est déterminé à son être spécifique
dans sa totalité. Deuxièmement, parce que la chose engendrée est déterminée à
exister ainsi par l'action d'un géniteur et non par elle-même ; et c'est
pourquoi, pour écarter cela de Dieu, Denys dit que Dieu existe identique à
lui-même et comme déterminé à exister dans l'unité et
l'identité d'une forme unique, non d'après un autre ou par un
autre, mais de Lui-même et par Lui-même. 822. Ensuite lorsqu'il dit (369) : Et le Même...il
montre comment c'est grâce à Dieu que les autres êtres possèdent leur
identité ; et il fait cela de deux manières : il le montre de la première
manière en disant que Dieu distribue leur identité aux choses qui existent
dans leur nature propre ; et il dit que ce Même qui est Dieu fait
rayonner sur tous sa propre identité afin qu'ils en participent selon
ce qui convient à chacun : il donne en effet à chacun d'être simplement
identique à soi-même et à ceux qui sont divers en eux-mêmes, il donne
l'identité de l'ordre d'après laquelle les uns sont ordonnés aux
autres. Il
le montre de la deuxième manière selon que les choses, qui sont diverses dans
leur nature propre, sont identiques selon qu'elles existent en Dieu ; et
quant à cela, il dit que cette identité est due à l'abondance de son identité
et que c'est pour cette raison que Lui-même est la cause de
toute identité. Et il possède à l'avance en Lui-même les
contraires, non selon le mode d'opposition qu'ils ont dans les choses,
mais selon le mode de l'identité, tout comme les effets existent
uniformément dans celui qui est la cause unique et transcendante par
excellence de toute identité. 823. Ensuite lorsqu'il dit (370) : Mais l'autre...il
montre comment l'altérité est attribuée à Dieu et il le fait de deux manières
dont voici la première : l'autre est attribué à Dieu parce qu'il est
présent à tous les êtres comme à ceux qui participent de lui par manière
de ressemblance selon les perfections qu'ils reçoivent grâce à sa Providence
car, pour le salut et le bien de tous, il devient tout en
tous, c'est-à-dire dans la mesure où il n'y a aucune perfection qui
existe dans les chose qui ne soit pas une certaine image de Dieu de sorte
qu'Il peut toujours être appelé, grâce à cette participation à sa
ressemblance, la Sagesse des sages, la Justice des justes, la Vie des
vivants, la Puissance des puissants ; et il en est de même pour les autres
noms. 824. Et afin que personne n’interprète mal comment
Dieu est tout en tous, il écarte de Dieu les modes suivant lesquels
une créature est produite dans une autre. Ce qui certes peut se produire de
deux manières : la première se dit par la transformation de ce qui est
produit dans un autre, tout comme le feu qui est produit dans un corps mixte
du fait qu’il est changé en ce corps ; et c'est pourquoi, pour écarter cela
de Dieu, il dit : demeurant en Lui-même. Une
chose est produite dans une autre d'une autre manière, c'est-à-dire que par
son action elle transforme à son image cette autre chose, tout comme le feu
qui génère une forme qui lui ressemble est produit d’une certaine manière
dans le feu qui est engendré ; et cette manière s'approche du mode au sujet
duquel il avait dit que Dieu apparaît dans les choses mais elle s'en écarte
de plusieurs façons : d'abord certes parce que ce qui dans les choses
naturelles génère du semblable ne demeure pas toujours identique à soi-même
et c'est pour cela, pour se conserver quant à l'espèce, que ces choses se
reproduisent ; et c'est pour écarter cela de Dieu que Denys dit : et par
son identité propre. Deuxièmement
parce que dans l'action de l'agent par laquelle il produit ce qui lui est
semblable, il y a quelque chose qui sort de l'agent pour aller au patient, ce
qui n'a pas lieu en Dieu car son action est sa substance même ; et c'est
pourquoi, pour écarter cela de Dieu, il dit : et sans perte. Troisièmement,
parce que l'agent créé se réalise dans plusieurs choses et au moyen de
plusieurs opérations, ce qui ne convient pas à Dieu ; et c'est pourquoi il
ajoute : selon une opération unique. Quatrièmement,
parce que l'action de l'agent qui se reproduit n'est pas continue et éternelle
comme celle de Dieu ; et c'est pourquoi il dit : et sans interruption. Cinquièmement,
parce que l'agent naturel est mû en même temps qu'il meut ; et pour écarter
cela de Dieu il dit : demeurant immuable. Sixièmement,
parce que la puissance de l'agent naturel s'affaiblit en raison du fait qu'il
est mû lors de son action. Et pour écarter cela de Dieu il dit que Dieu, par
une puissance indéfectible, se donne Lui-même, par mode de
participation, pour la déification de ceux qui se convertissent à Lui,
c'est-à-dire en vue de s'assimiler ceux qui se tournent vers Lui. 825. Ensuite lorsqu'il dit (371) : Et l'altérité...il
présente la deuxième manière d'attribuer l'altérité à Dieu ; et d'abord il
présente ce mode ; deuxièmement, il montre qu'il ne s'applique pas à
l'intention qu'on se propose, là (372) où il dit : Mais pour ne pas nous
perdre... 826. Il dit donc en premier qu'on attribue aussi à
Dieu l'altérité de diverses figures conformément aux
multiples visions des Prophètes chez lesquels Dieu est vu parfois comme
un lion, parfois comme un agneau, parfois comme un homme, lesquelles
appellations le désignent certes de diverses manières. D'autres certes le
désignent au-delà de ce qui apparaît en surface ; et il
manifeste cela au moyen d'un exemple tiré de l'âme : si en effet
quelqu'un voulait décrire l'âme à la manière du corps,
puisqu'elle-même est simple, nous comprendrions autrement en elle
que dans le corps les parties du corps que nous attribuerions à sa simplicité.
Ainsi par le mot tête nous entendrions l'esprit qui préside à
toutes les parties de l'âme ainsi que la tête commande à toutes les parties
du corps ; et par le mot cou nous entendrions l'opinion qui se
situe entre la raison qui connaît la vérité et les parties irrationnelles de
l'âme qui sont privées de la connaissance de la vérité ; et par le
mot coeur nous entendrions la colère, c'est-à-dire l'irascible
à cause de l'intrépidité du coeur ; et par le mot ventre nous
entendrions le concupiscible, à cause de la mollesse du ventre, ou parce que
la concupiscence est au service du ventre tout comme l'irascible a son siège
dans le coeur qui est dans la poitrine ; mais par les mots jambes et pieds
nous chercherions à signifier les puissances naturelles de l'âme végétative
qui soutiennent la vie. Et ainsi nous nous servirions des noms des parties
du corps comme de symboles pour les puissances de l'âme, conformément
à une certaine ressemblance. D'où
il suit qu'il faut, à plus forte raison, qu'en Dieu, qui est
au-dessus de tout, la diversité des formes et des figures soit
nettoyée des images corporelles en usant des exposés saints et
mystiques qui conviennent à Dieu car ils saisissent ce qui est caché à
partir de ce qui est manifeste. D'où il suit que si quelqu'un voulait
attribuer à Dieu, qui ne peut être ni touché ni représenté, les trois
dimensions du corps ainsi que le fait l'Apôtre dans sa Lettre aux Éphésiens
(3, 18), il faudra dire que la largeur de Dieu n'est rien d'autre que
la procession de la divine Providence qui se porte au-dessus de toutes
les choses comme en les contenant toutes ; que sa longueur est sa
puissance qui s'étend sur toutes les choses, les pénétrant toutes,
des plus élevées jusqu'aux plus humbles ; que sa profondeur est
l'essence cachée et inconnue de Dieu qui ne peut être saisie par aucun de
ceux qui existent. 827. Ensuite lorsqu'il dit (372) : Mais pour ne
pas nous perdre...il montre que la diversité des figures qui précèdent ne
convient pas au propos ; et il dit que nous ne devons pas nous perdre en
cherchant à expliquer ici les noms de Dieu qui lui sont attribués
d'après les formes et les figures car en faisant cela nous confondrions cette
doctrine-ci, c'est-à-dire celle qui fait l'objet de notre propos, avec celle
de la Théologie Symbolique à laquelle il appartient d'expliquer les
dénominations corporelles de Dieu qui sont comprises au moyen
des signes sensibles. Mais
il appartient au propos actuel de ne pas interpréter l'altérité qui
est attribuée à Dieu comme un changement de Dieu, lequel possède une
identité qui surpasse tout et qui ne peut changer, c'est-à-dire qui est
immuable, mais il faut plutôt l'entendre comme une formation dans les
choses et selon laquelle il distribue une multitude de formes qu'il ramène
cependant à un seul ordre et, à l'inverse, comme l'uniformité des multiples
processions de la divine fécondité à l'égard de toutes les choses, ce
qui se rapporte au premier mode d'altérité présenté plus haut (823). |
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LECTIO 3 [84884] In De divinis
nominibus, cap. 9 l. 3 Postquam Dionysius determinavit de eodem et
diverso, hic determinat de simili et dissimili ; et primo de simili ; secundo
de dissimili ; ibi : et quid et cetera. Circa primum, duo
facit : primo, ostendit quomodo similitudo attribuitur Deo ; secundo, quod
Deus est similitudinis causa ; ibi : omnibus et cetera.
Circa primum, duo facit : primo, attribuit Deo similitudinem, secundum quod
ipse dicitur sibi similis ; secundo, per comparationem ad alia ; ibi : theologi et
cetera. Dicit ergo primo quod si quis velit dicere quod Deus sit similis sibi
ipsi, talis expositio divinae similitudinis non est improbanda.
Excludit autem duo a Deo per quae aliquid potest esse sibi dissimile : uno
modo, quia non semper manet idem, sed mutatur de forma in formam aut de
dispositione in dispositionem. Secundo, potest dici aliquid sibi dissimile,
quia est compositum ex contrariis vel ex dissimilibus partibus. Et ad hoc
excludendum, dicit : totum per totum Deum sibi
similem. Et quia totum consuevit dici quod in partes dividitur vel
subiectivas sicut totum universale vel integrales sicut totum integrale, ideo
ad excludendum rationem totius universalis, dicit : singulariter
; ad excludendum vero rationem totius integralis, dicit : indivisibiliter.
Deinde, cum dicit : theologi autem et cetera, agit de
similitudine Dei per comparationem ad alia et dicit quod divinorum
tractatores Deum qui super omnia existit, secundum quod in
suo esse consideratur, nulli rei dicunt esse similem,
sed dicunt quod ipse dat similitudinem suam rebus quae convertuntur,
idest accedunt ad ipsum secundum quamdam imitationem
possibilem secundum eorum virtutem ; non ita
quod perfecte ipsum imitari possint, quia ipse est supra omnem
diffinitionem et distinctionem, idest supra terminos cuiuscumque
naturae et supra omnem rationem, idest supra omnem
apprehensionem. Et virtus huius similitudinis ad Deum quae a Deo rebus
donatur in hoc apparet, quod omnia quae proveniunt a Deo, sicut effectus a
causa, convertuntur per desiderium ad ipsum, sicut ad propriam causam ; quod
non esset, nisi omnia haberent aliquam similitudinem ad Deum : unumquodque
enim amat et desiderat simile sibi. Quia ergo omnia convertuntur per
desiderium in Deum, conveniens est dicere quod omnia sunt similia Deo, non
secundum aequalitatem, sed per quamdam assimilationem et participationem ex
qua ratio imaginis sumitur. Et quod talis sit similitudo rerum ad Deum, ex
hoc apparet quia non dicimus esse Deum similem aliis rebus, sicut neque homo
dicitur esse similis suae imagini : in his enim quae sunt unius ordinis
potest dici quod aliqua mutuo sunt sibi invicem similia, ita quod similitudo
ad alterutrum convertatur, ita quod dicamus hoc esse simile illi et illud
isti : ambo enim possunt dici invicem similia, propter hoc quod similia
dicuntur, secundum quod participant unam formam, quae praeexistit in causa
communi, ad quam utrumque coordinatorum habet similem habitudinem. Sed in
causis et causatis non debet recipi conversio similitudinis : causatum enim
et quod deducitur ex alio, non potest dici simile causae a qua deducitur,
sicut nec imago homini ; et hoc ideo quia causa non dependet ab effectu, ut
solum isti vel illi suam similitudinem donet, sed effectus dependet a causa,
a qua sola participat similitudinis rationem. Et haec dependentia designatur
cum dicitur effectus esse in sua causa. Cum vero dicitur quod coordinata sunt
sibi invicem similia, designatur dependentia utriusque ad unam causam. Sic
igitur patet quod Deus, qui est omnium causa, non potest dici aliis similis,
sed alia ei similia esse dicuntur. Deinde, cum dicit : omnibus autem et
cetera, ostendit quomodo Deus est causa similitudinis rebus ; et dicit quod
omnia quaecumque participant similitudinem, hoc habent a Deo
sicut a causa, quod similia sunt : similia enim dicuntur
aliqua secundum quod conveniunt in aliqua forma ; omnis autem forma est a
Deo. Et non solum est causa similium, sed etiam est causa ipsius
similitudinis, sicut et supra dictum est, quod non solum est causa viventium,
sed etiam ipsius vitae. Et quidquid dicitur simile in quibuscumque rebus
creatis, dicitur simile quodam vestigio, idest quadam
repraesentatione divinae similitudinis, ex qua perficitur non solum
similitudo, sed etiam omnis unitio quae est in rebus. Deinde, cum dicit
: et quid oportet et cetera, determinat de dissimili ; et
dicit quod ideo oportet de hoc amplius dicere quod Deus non est similis
rebus, sed magis similitudinis causa, quia sacra doctrina praedicat
illum esse dissimilem et non eiusdem ordinis cum aliis, quia
ipse est ab omnibus diversus, ut patet Esa. 40 : cui similem fecisti
Deum ? Et, quod magis videtur inopinabile, nihil dicunt esse simile
Deo, secundum Psalm. 70 : Deus, quis similis tibi ? Et
iterum Psalm. 85 : non est similis tui in diis, domine. Et tamen
hoc non est contrarium ei quod supra dictum est de
assimilatione totorum ad Deum : eadem enim possunt dici Deo similia et
dissimilia ; similia quidem, secundum quod imitantur Deum qui non est
perfecte imitabilis a creatura, secundum quod convenit ei, idest inquantum
possibile est creaturae ; dissimilia autem, secundum quod causata minus
perfectionis habent quam causa. Ne tamen aliquis intelligeret, per hoc quod
dicitur minus, aliquam proportionem, sicut contingit in rebus
quae sunt unius generis quorum unum est altero perfectius, subiungit quod
creaturae deficiunt a Deo, non secundum aliquam determinatam mensuram, sed
infinite et incomparabiliter ; et pro tanto, dicuntur ei dissimilia. |
Leçon 3 (51a) : Du Semblable et du Dissemblable et comment ils sont attribués à Dieu.828. Après avoir traité de l'identité et de
l'altérité, Denis traite ici du semblable et du dissemblable ; et
premièrement du semblable ; deuxièmement, du dissemblable, là (376) où il dit
: Et que... 829. Au sujet du semblable, il fait deux choses :
d'abord, il montre comment le semblable est attribué à Dieu ; deuxièmement,
comment Dieu est la cause de toute ressemblance, là (375) où il dit : À
tous... 830. Au sujet du premier point, il fait deux choses
: d'abord, il attribue le semblable à Dieu selon qu'on dit qu'Il est
semblable à Lui-même ; deuxièmement, il le fait en Le comparant aux autres là
(374) où il dit : Les théologiens... 831. Il dit donc en premier (373) que si quelqu'un
voulait dire que Dieu est semblable à lui-même, une telle présentation de la
ressemblance divine ne doit pas être rejetée. Il écarte cependant de
Dieu deux choses par lesquelles on pourrait dire qu'une chose est différente
d'elle-même : on peut dire qu'une chose est différente d'elle-même
premièrement parce qu'elle ne demeure pas toujours la même mais change d'une
forme à une autre ou d'une disposition à une autre ; deuxièmement parce
qu'elle est composée de contraires ou de parties qui sont différentes. Et
pour écarter cela de Dieu il dit : en tout et par tout Dieu est
semblable à lui-même. Et parce qu'on a l'habitude de dire qu'un tout se
divise en ses parties qui sont soit particulières pour ce qui est du tout
universel, soit intégrales pour ce qui est du tout intégral, c'est pour cela
qu'il dit, pour exclure de Dieu la nature du tout universel : individuellement
; et il dit, pour écarter de Lui la nature du tout intégral : d'une
manière indivisible. 832. Ensuite lorsqu'il dit (374) : Mais les
théologiens...il traite de la ressemblance de Dieu par comparaison avec
les autres êtres et il dit que ceux qui étudient les choses divines affirment
que Dieu qui existe au-dessus de tout, selon qu'on le considère en son
être même, n'est semblable à aucun être, mais ils disent plutôt qu'Il
donne sa ressemblance aux choses qui se tournent vers Lui,
c'est-à-dire qui s'approchent de Lui par une imitation rendue possible
dans la mesure de leurs capacités ; non pas qu'elles puissent l'imiter
parfaitement, car Lui-même est au-dessus de toute définition et de
toute distinction, c'est-à-dire au-dessus des limites de toute nature et
au-dessus de toute raison, à savoir au-dessus de toute appréhension. Et
cette capacité de ressembler à Dieu que Dieu donne aux choses apparaît
en ceci que toute chose, venant de Dieu comme un effet vient de sa
cause, se tourne vers Lui par désir, comme vers sa cause propre ; ce
qui n'aurait pas lieu si chaque chose ne possédait pas en elle une
ressemblance à l'égard de Dieu : chacun en effet aime et désire ce qui lui
ressemble. Donc,
parce que toute chose se tourne vers Dieu par désir, il convient de dire
que toutes les choses sont semblables à Dieu, non pas dans un rapport
d'égalité, mais par une certaine imitation et une certaine participation d'où
on tire la notion d'image. Et
qu'il y ait une telle ressemblance des choses à l'égard de Dieu, cela devient
évident du fait que nous ne disons pas que Dieu est semblable aux
autres êtres, tout comme nous ne disons pas que l'homme
est semblable à son image : en effet, c'est pour les choses qui
sont du même ordre qu'on peut dire qu'elles sont mutuellement semblables
les unes aux autres de telle sorte que la ressemblance se convertit vers
l'une ou l'autre de telle manière que nous puissions dire que celle-ci est
semblable à celle-là et qu'inversement celle-là est semblable à celle-ci : toutes
les deux en effet peuvent être dites mutuellement semblables entre
elles pour cette raison qu'on les dit semblables au sens où elles
participent d'une même forme qui préexiste dans la cause commune et à l'égard
de laquelle les deux choses du même ordre se rapportent de la même manière. Mais
dans les causes et les effets on ne doit pas
admettre la conversion de la ressemblance : en effet, on ne peut dire que
l'effet et ce qui est dérivé d'un autre est semblable à la cause d'où il est
tiré, tout comme l'image n'est pas semblable à l'homme ; et il en est ainsi
parce que la cause ne dépend pas de l'effet de telle manière qu'elle
donnerait sa ressemblance seulement à celui-ci ou à celui-là, mais c'est
plutôt l'effet qui dépend de la cause qui est la seule par laquelle il
participe à la relation de ressemblance. Et l'on désigne cette dépendance
lorsque l'on dit que l'effet existe dans sa cause. En fait, lorsque l'on dit
que ceux qui sont du même ordre sont semblables entre eux, on désigne la
dépendance de l'un et de l'autre à l'égard de la même cause. Il est donc
manifeste qu'on ne peut dire de Dieu, qui est la cause de tout être, qu'il
est semblable aux autres êtres, mais il faut plutôt dire que les autres êtres
sont semblables à Lui. 833. Ensuite, lorsqu'il dit (375) : Mais à tous...il
montre comment Dieu est cause de ressemblance pour les choses ; et il dit que
c'est de Dieu comme de leur cause que toutes les choses doivent leur
participation à une ressemblance et le fait qu'elles soient semblables
: en effet on dit que certaines choses sont semblables parce qu'elles
participent d'une même forme ; mais toute forme vient de Dieu. Et non
seulement il est la cause des choses qui sont semblables entre elles,
mais il est aussi la cause de leur ressemblance elle-même tout comme
nous avons dit plus haut (675) que Dieu est non seulement la cause des
vivants, mais qu'Il est aussi la cause de la vie elle-même. Et tout ce qu'on
qualifie de semblable dans n'importe quel genre de choses créées,
c'est d'après une même empreinte qu'on l’appelle semblable,
c'est-à-dire d'après une image de la ressemblance divine à partir de
laquelle non seulement toute ressemblance, mais aussi toute union qu'on
retrouve dans les choses trouve son accomplissement. 834. Ensuite lorsqu'il dit (376) : Et que
faut-il...il traite du dissemblable ; et il dit qu'il faut davantage dire
de Dieu qu'Il n'est pas semblable aux choses mais qu'Il est plutôt cause de
la ressemblance pour cette raison que la sainte doctrine affirme que
Celui-ci est dissemblable et qu'Il n'est pas du même ordre que les
autres êtres, car Lui-même est différent de tous les autres êtres, ainsi que
le dit Ésaïe (40, 18) : ¨À qui comparer Dieu ?¨. Et, ce qui paraît
encore plus paradoxal, les Écritures disent que rien n'est semblable à Dieu
ainsi que le dit le Psalmiste (70, 19) : ¨Ô Dieu, qui est comme toi ?¨
; et plus loin on lit dans ce Psaume (85, 8) : ¨Entre les dieux, pas un
comme Toi.¨ Et cependant, ces paroles ne contredisent pas ce que
nous avons dit plus haut (833), à savoir que toutes les choses
ressemblent à Dieu : les mêmes choses en effet peuvent être dites à la
fois semblables et différentes de Dieu ; semblables certes selon
qu'elles imitent Dieu, qui ne peut pas être parfaitement imité par les
créatures mais seulement selon ce qui leur convient et pour autant que cela
leur est possible ; mais différentes selon que les effets possèdent
moins de perfection que la cause. Mais
afin que personne n'entende par moins une proportion semblable à celle
que l'on retrouve dans les choses qui sont du même genre dont les unes sont
plus parfaites que les autres, il ajoute que les créatures sont éloignées de
Dieu non pas selon une mesure déterminée, mais d'une manière infinie et qui
ne supporte aucune comparaison ; et c'est pour cela qu'on dit des créatures
qu'elles diffèrent de Dieu. |
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LECTIO 4 [84885] In De divinis nominibus,
cap. 9 l. 4 Postquam determinavit Dionysius de simili et
dissimili, hic determinat de divina statione et sessione et motu ; et primo,
de statione et sessione ; secundo, de motu ; ibi : quid autem et
cetera. Circa primum, duo facit : primo, ostendit quomodo sessio aut statio
attribuatur Deo ; secundo, determinat causalitatem divinae stationis aut
sessionis ; ibi : et hoc supersubstantialiter et cetera.
Attribuit autem Deo stationem et sessionem, tripliciter : primo quidem,
quantum ad hoc quod ipse in se existit ; et hoc est quod dicit quod de
divina statione et sessione, per quae immobilitas quaedam designatur,
nihil aliud dicere possumus, praeter hoc quod ipse non
stat aut sedet tamquam sustentatus in aliquo altero sicut nos, sed in
seipso manet : non quidem mobiliter, sicut homo sedet in sede a qua
potest removeri, neque secundum aliquam diversitatem sui a se sicut differt
homo a loco in quo sedet aut stat, sed secundum immobilem identitatem ; neque
iterum communi modo, sicut quaelibet res quodammodo est in seipsa, inquantum
continetur infra terminos suae naturae, sed singulariter est simplex in
seipso. Sic enim sibi ipsi innititur quod a nullo alio dependet et est fixus
et omnibus supercollocatus. Secundo, attribuit Deo
stationem et sessionem, quantum ad operationem ; et hoc est quod dicit, quod
Deus operatur semper secundum eamdem
sapientiam, virtutem et bonitatem et huiusmodi ; et circa idem,
quantum ad obiectum suae operationis : quia semper eius operatio est circa
seipsum, inquantum intelligendo et amando se, omnia operatur ; et
eodem modo secundum modum operationum prout operatur ad operationem
: non enim debilitatur aut fortificatur in agendo. Tertio, attribuit Deo
stationem et sessionem per remotionem omnis passionis vel transmutationis ab
ipso ; et dicit quod statio aut sessio attribuitur Deo, et secundum
quod non habet ex seipso aliquam causam suae transmutationis et
secundum quod non potest ab aliquo exteriori moveri in
contrarium, sed totaliter est immobilis. Deinde, cum dicit
: et hoc supersubstantialiter et cetera, agit de causalitate
divinae stationis et sessionis ; et dicit quod ea quae praedicta sunt,
attribuuntur Deo supersubstantialiter : quia ipse est
causa omnis stationis et sessionis quae in rebus
creatis invenitur, inquantum est super omnem sessionem et
stationem et omnia stabiliuntur in ipso Deo qui custodit ea, ne
commoveantur a statione vel permanentia in propriis bonis. Deinde, cum dicit
: quid autem et cetera, determinat de motu divino ; et
primo, ostendit quomodo motus attribuitur Deo ; secundo, quomodo attribuantur
Deo differentiae motus ; ibi : et rectum et cetera. Dicit
ergo primo quod quando sacrae Scripturae doctores dicunt Deum, qui est
immobilis, moveri et ad omnia procedere, intelligendum
est sicut decet Deum. Religiose enim et secundum rectam fidem aestimandum est
quod Deus moveatur, non sicut ea quae ab aliis portantur aut quocumque modo
per se mutantur vel per alterationem, qua aliquid mutatur de qualitate in
qualitatem aut secundum motum modalem quo aliquid movetur de uno modo manendi
in alterum, sicut de minus albo in magis album vel de minori quantitate in
maiorem ; aut secundum motum localem, ut rectum vel circularem vel obliquum
ex duobus compositum ; neque etiam secundum motum intelligibilem, secundum
quod intellectus creatus mutatur de una conceptione intelligibili in aliam ;
neque etiam secundum motum animalem, secundum quod animal mutatur de una
apprehensione in aliam vel de una affectione in aliam ; neque etiam secundum
motum naturalem, secundum quod aliquid transmutatur de una natura in aliam ;
sed dicitur Deus moveri, inquantum omnia ducit ad hoc quod sint et inquantum
continet omnia in suo esse ; et non solum agit ad substantiam et in ea
continet res, sed inquantum universaliter omnia providet, dans rebus et vitam
et sapientiam et virtutem et alia huiusmodi et in eis conservat. Ex istis
autem effectibus dicitur Deus moveri, duplici ratione : prima quidem quia
ipse, providendo omnibus, adest omnibus quodam circuitu qui mensurari non
potest, omnia concludendo ; cum enim ipse sit mensura omnium a nullo
mensuratur. Sic, dum circa diversa suam praesentiam exhibet, quaedam
similitudo motus in eo apparet : nos enim diversis adesse non possumus, nisi
moveamur. Alia ratione, propter praedictos effectus dicitur moveri, inquantum
operationes et processiones donorum, quae ex sua providentia rebus confert,
ad omnia existentia perveniunt. Et sic quadam similitudine motus in Deo
apparet, dum primo consideratur essentia aut sapientia aut aliquid huiusmodi
in Deo sicut in summo rerum vertice et deinde derivatur, quasi per quemdam
defluxum, ad alias res. Et non solum theologi motum Deo attribuunt, sed et
nobis permittitur ut decenter laudemus motum Dei
immobilis. Deinde, cum dicit : et rectum et cetera,
ostendit quomodo Deo attribuuntur differentiae motus. Et quia illud quod in recto movetur, movetur uniformiter a quodam
principio usque ad finem, dicit quod rectum motum intelligere
convenit in Deo, secundum quod operationes ipsius procedunt
indeclinabiliter et inflexibiliter : eius enim operatio non curvatur, sed
semper in directum procedit, secundum Dei dispositionem. Possumus et per
rectum motum intelligere productionem rerum omnium ab ipso : sic enim eius
causalis operatio procedit per omnia media in directum usque ad ultimum. Obliquus
autem motus ex diversis componitur ; et sic motus obliquus Deo attribuitur,
inquantum in eius operatione simul intelligitur et processus et statio :
processus quidem, quantum ad rerum productionem, statio autem quantum ad
invariabilitatem divinae operationis. Sic igitur, quia
processus Dei non est sine stabilitate, dicitur processus stabilis ; quia
vero statio Dei non est sine rerum productione, dicit statum generativum. In
motu autem circulari, tria est considerare : primo quidem, quod quodlibet punctum
signatum in circulo, est idem et principium et finis. Secundo, quod in ipsa
linea circulari est considerare concavum et convexum ; et ex parte quidem
concavitatis continet alia ; ex parte vero convexi contineri ab aliis potest.
Tertio, quod id quod circulariter movetur, redit
suo circulari motu ad primum a quo incipit moveri. Sic ergo dicitur secundum
circulum moveri, inquantum in se continet omnem identitatem
et omnia media et omnia maxima, in quo tangit
proprietatem primam ; et inquantum continet circumdantia quod
pertinet ad rationem concavitatis et circumdata, quod pertinet ad
rationem convexitatis, in quo tangit secundam proprietatem ; et inquantum
continet conversionem ad ipsum, sicut ad finem, eorum
quae processerunt ab ipso, sicut a principio, in quo tangit tertiam
proprietatem. Deinde, cum dicit : si autem et
cetera, determinat de aequalitate : supra enim, de inaequalitate
determinaverat prout est effectus iustitiae quae potest inaequalitatem vel
excludere vel causare ; nunc vero determinat de aequalitate secundum se ; et
circa hoc tria facit : primo, ostendit qualiter aequalitas Deo attribuitur,
sicut cui convenit aequalitas ; secundo, qualiter attribuitur ei, ut causae ;
ibi : et sicut et cetera ; tertio, qualiter attribuitur ei,
ut omnem aequalitatem praehabenti ; ibi : et secundum hoc et
cetera. Dicit ergo primo quod si quis in sacra Scriptura velit in nomine
aequalitatis accipere nominationem divinae identitatis aut divinae iustitiae,
poterit hoc convenienter facere : aequalitas enim est unitas quantitatis. Si
ergo ista unitas attribuatur Deo secundum seipsum, dicetur Deus esse aequalis
ratione unitatis divinae, quae attenditur et secundum eius simplicitatem,
quia non est compositus ex multis et secundum immobilitatem, quia semper
eodem modo se habet ; et hoc est quod dicit : dicendum est Deum esse
aequalem, (...) sicut simplicem et indeclinabilem. Si vero consideratur divina unitas per comparationem ad effectus circa
quos uniformiter operatur, quantum est ex parte sui, sic aequalitas ei attribuitur,
inquantum procedit diffundendo effectus ad omnia aequaliter et per omnia
: ad omnia dicit, quantum ad hoc quod omnia recipiunt
influentiam divinae operationis ; per omnia vero dicit,
inquantum divina operatio transit per totam rem a principio usque ad finem et
iterum inquantum per unam rem transit ad aliam, dum utitur una re tamquam in
alia agente. Sic igitur, unitas simplicitatis et immobilitatis pertinet ad
rationem identitatis divinae ; unitas autem operationis in effectus pertinet
ad rationem iustitiae, et ideo dixerat quod in aequalitate intelligitur Dei
nominatio et eiusdem et iustitiae. Deinde, cum
dicit : et sicut et cetera, ostendit quomodo attribuitur
aequalitas Deo sicut causae ; et dicit quod dicimus Deum esse aequalem sicut
substantificatorem, idest causam ipsius per se aequalitatis,
idest ipsius aequalitatis in abstracto consideratae, secundum quam quidem
aequalitatem, in rebus causatis Deus res facit aequales dupliciter : primo
quidem quantum ad actiones et passiones sive communicationes et receptiones ;
et hoc est quod dicit quod Deus secundum aequalitatem
causatam, aequaliter operatur in omnibus et similiter per
omnia illorum invicem ambulationem, dum scilicet actio divina pertransit
in omnia et operatur aequalem participationem suscipientium,
inquantum scilicet unumquodque passivum suscipit effectum agentis. Sed
non intelligenda est similitudo et aequalitas ambulationis et susceptionis
praedictae secundum aequalitatem quantitatis, quia una res est magis
receptiva quam alia, sed secundum aequalitatem proportionis, quia unumquodque
proportionaliter agit aut patitur secundum modum suum ; et hoc est quod dicit
: secundum singulorum opportunitatem. Alio modo, aequalitas
potest considerari in rebus secundum ea quae rebus insunt, sicut formae, quantitates,
qualitates et alia huiusmodi ; et quantum ad hoc dicit quod Deus operatur
aequalem donationem distributam ad omnia. Quod iterum non est
intelligendum de aequalitate quantitatis, quia non omnia alba habent aequalem
albedinem neque omnia magna aequalem magnitudinem, sed est intelligendum de
aequalitate proportionis, quia unumquodque habet de donis divinis secundum
aequalem proportionem ; et hoc est quod dicit : secundum dignitatem.
Deinde, cum dicit : et secundum et cetera, ostendit quomodo
aequalitas attribuitur Deo, secundum quod praehabet omnem aequalitatem ; et
dicit quod dicimus Deum esse aequalem, secundum quod praeaccepit in
se omnem aequalitatem, scilicet intelligibilem et intellectualem quantum
ad Angelos, qui dicuntur intelligibiles secundum quod intelliguntur et
intellectuales secundum quod intelligunt ; rationalem quantum
ad homines ; sensibilem, quantum ad animalia ; substantialem quantum
ad omnia quae quocumque modo sunt ; naturalem, quantum ad ea quae naturaliter
fiunt ; voluntariam, quantum ad ea quae fiunt a proposito. Hanc,
inquit, omnem aequalitatem praeaccepit Deus et in seipso, non ut haberet eo
modo quo est in singulis, sed segregate, idest singulari modo
prae aliis ; neque secundum aliquam diversitatem, sicut in creaturis differt
aequalitas intelligibilis a rationali, sed unitive, idest
secundum aliquod unum, scilicet secundum virtutem, quae est effectiva omnis
aequalitatis, quae etiam est existens super omnia : omnes enim effectus
praeexistunt virtualiter in sua causa, secundum eius virtutem. |
Leçon 4 (52a) : De l'Immobilité et de la Stabilité, du Mouvement et de l'Égalité, et comment on les attribue à Dieu.835. Après avoir traité du semblable et du
dissemblable, Denis traite ici de l'immobilité, de la stabilité et du
mouvement divins ; et il commence par l'immobilité et la stabilité ;
deuxièmement il passe au mouvement là (379) où il dit : Mais que... 836. Au sujet du premier point, il fait deux choses
: premièrement, il montre comment l'immobilité ou la stabilité s'attribuent à
Dieu ; deuxièmement il traite de la causalité de l'immobilité ou de la
stabilité divine là (378) où il dit : Et cela supra-substantiellement... 837. Mais c'est de trois façons qu'il attribue à
Dieu l'immobilité et la stabilité : premièrement certes quant à ceci qu'il
existe en lui-même ; et c'est ce qu'il dit, à savoir qu'au sujet de
l'immobilité et de la stabilité divines par lesquelles on désigne une
certaine immobilité, nous ne pouvons rien dire d'autre, outre que
Lui-même, qui ne se tient pas debout ou n'est pas assis comme s'il était
soutenu par quelque chose d'autre comme nous le sommes, demeure en
Lui-même : non pas certes à la manière de ce qui se meut, comme l'homme
s'assoit dans un siège d'où il peut se relever, ni selon une différence entre
lui et ce qui l'entoure comme l'homme diffère du lieu où il s'assoit ou se
tient immobile, mais selon une immobilité d'identité ; et pour la seconde
fois, ce n'est pas à la manière de ce qui se produit habituellement comme
pour la chose qui d'une certaine manière est en elle-même pour autant qu'elle
est contenue à l'intérieur des termes de sa nature, mais c'est d'une
manière unique qu'il est simple en Lui-même. C'est ainsi en effet
qu'il ne s'appuie que sur lui-même de sorte qu'Il ne dépend d'aucun autre et
qu'il est fixé et établi au-dessus de tout ce qui existe. Deuxièmement,
c'est sous le rapport de l'opération que Denys attribue à Dieu l'immobilité
et la stabilité ; et c'est ce qu'il dit, à savoir que Dieu agit
toujours selon la même sagesse, la même puissance et la même bonté ; et
à l'égard du même, quant à l'objet de son opération : car son opération
se rapporte toujours à Lui-même car en se comprenant et en s'aimant Lui-même,
il se donne et agit sur tous les êtres ; et de la même manière quant à
son mode d'opération : car en travaillant à son opération, cette opération ne
le rend jamais plus faible ou plus fort. Troisièmement,
c'est par la négation de toute passion ou de tout mouvement en Lui qu'il
attribue à Dieu l'immobilité et la stabilité ; et il dit que l'immobilité ou
la stabilité s'attribue à Dieu à la fois parce qu'il ne subit de
Lui-même aucune cause de mouvement et parce qu'il ne peut être mû vers
un état opposé par aucun principe extérieur, mais parce qu'Il est
absolument immuable. 838. Ensuite lorsqu'il dit (378) : Et cela
supra-substantiellement...il traite de la causalité de l'immobilité et de
la stabilité divines ; et il dit que les choses qui précèdent s'attribuent à
Dieu supra-substantiellement : car Lui-même est la cause de
toute immobilité et de toute stabilité qu'on retrouve dans les choses
créées selon qu'Il transcende toute stabilité et toute immobilité
et que toutes les choses trouvent leur stabilité en Dieu Lui-même
qui les protège afin qu'elles ne soient pas ébranlées dans l'immobilité ou la
permanence de leurs biens propres. 839. Ensuite lorsqu'il dit (379) : Mais que...il
traite du mouvement divin ; et d'abord, il montre comment le mouvement est
attribué à Dieu ; deuxièmement, il montre comment les différentes sortes de
mouvements sont attribuées à Dieu là (380) où il dit : Et le mouvement
rectiligne... 840. Il dit donc en premier que quand les docteurs
des saintes Écritures disent que Dieu, qui est immobile, se meut et
se prolonge en toute chose, il faut l'entendre d'une manière qui
sied à Dieu. En effet, c'est avec une attention scrupuleuse et
conformément à une foi qui est droite qu'il faut juger que Dieu se
meut, c’est-à-dire non pas à la manière des choses qui sont portées
par d'autres ou qui de quelque manière sont mues par elles-mêmes ou
par un autre, soit selon un mouvement par lequel une chose passe d'une
qualité à une autre, soit selon un mouvement modal selon lequel une
chose passe d'une manière d'être à une autre comme du moins blanc à du plus
blanc ou d'une plus petite quantité à une plus grande ; soit selon le
mouvement local comme le mouvement rectiligne ou le mouvement circulaire
ou le mouvement oblique qui est composé des deux premiers ; ni même
selon le mouvement intelligible selon lequel l'intelligence créée
passe d'une conception intelligible à une autre ; ni même selon le mouvement animal
selon lequel un animal passe d'une appréhension à une autre ou d'une
affection à une autre ; ni même selon le mouvement naturel selon
lequel un être passe d'une nature à une autre ; mais on dit que Dieu
se meut selon qu'il amène toutes les choses à exister et qu'il les
conserve toutes en leur être ; et non seulement il agit sur leur substance
dans laquelle il les conserve toutes, mais par sa providence il veille
universellement sur chacune d'elles, leur donnant la vie, la sagesse,
la puissance et toutes les autres choses grâce auxquelles il les conserve
dans l'être. 841. Mais à partir de ces effets on dit que Dieu se
meut pour deux raisons : et la première est certes parce que Lui-même, en
voyant au bien de tous, est présent à eux tous comme par une
enceinte qui les embrasse tous et qui ne peut être mesurée puisqu'Il est
Lui-même la mesure de tous les êtres et qu'il ne peut être mesuré par aucun
d'eux. Ainsi, alors même qu'il manifeste sa présence aux réalités les plus
différentes, une certaine ressemblance avec le mouvement apparaît en Lui.
Nous, en effet, ne pouvons être présents à plusieurs êtres si ce n'est au
moyen du mouvement. La
deuxième raison, c'est qu'on dit qu'Il se meut à cause des effets qui
précèdent, selon que les opérations et les processions des dons qu'il apporte
aux choses par sa Providence parviennent à tous les êtres. Et ainsi on
peut voir une certaine apparence de mouvement en Dieu alors qu'une essence ou
une sagesse ou quelque autre chose de la sorte est considérée comme existant
d'abord en Dieu comme dans le sommet le plus élevé des êtres pour dériver par
la suite vers les autres choses comme par un écoulement. Et non seulement les
théologiens attribuent-ils le mouvement à Dieu, mais à nous aussi il
est permis de louer comme il convient le mouvement du Dieu immobile. 842. Ensuite, lorsqu'il dit (380) : Et le
mouvement rectiligne...il montre comment les différents mouvements sont
attribués à Dieu. Et parce que ce qui se meut en ligne droite se meut
uniformément du début jusqu'à la fin il dit qu'il convient d'entendre
le mouvement rectiligne en Dieu au sens où ses opérations procèdent
sans faiblesse et sans fléchir : en effet, son opération ne s'infléchit pas
mais procède toujours sans détour, conformément à sa nature. Ce
mouvement rectiligne en Dieu, nous pouvons aussi l'entendre au sens de
production par Lui-même de tous les êtres : ainsi en effet son
activité productrice procède sans détour ou en ligne droite jusqu'à la fin à
travers tous les intermédiaires. Le
mouvement oblique implique cependant une composition ; et ainsi le mouvement
oblique s'attribue à Dieu selon qu'on entend dans son opération à la fois une
procession et une immobilité : une procession certes quant à la production
des choses et une immobilité cependant quant à l'immobilité de l'opération
divine considérée en elle-même. Ainsi donc, puisque la procession de Dieu
n'est pas sans immobilité, on l'appelle procession immobile ; mais en vérité
puisque l'immobilité de Dieu n'est pas séparable de la production des choses,
Denys l'appelle stabilité génératrice. Dans
le mouvement circulaire cependant, il y a trois choses à considérer : d'abord
certes que, quel que soit le point qu'on considère dans le cercle, le même
point est à la fois principe et terme. Deuxièmement, que dans la ligne
circulaire elle-même il faut considérer à la fois le concave et le convexe ;
et du côté de sa concavité elle contient certes les autres alors que du côté
de sa convexité elle peut être contenue par les autres. Troisièmement, que ce
qui se meut d'une manière circulaire revient par son mouvement circulaire
même au point de départ d'où il était parti. Ainsi
donc il dit que Dieu se meut d'une manière circulaire selon qu'il contient
en Lui à la fois les termes identiques, ceux qui sont intermédiaires
et les extrêmes, en quoi il touche à la première propriété ; et selon qu'Il
contient tout contenant, ce qui se rapporte à la nature de la
concavité, et tout contenu, ce qui se rapporte à la nature de
la convexité, en quoi il touche à la deuxième propriété ; et enfin selon
qu'il contient la conversion à Lui-même, comme à leur finalité ultime,
de ceux qui procèdent de Lui comme de leur Principe ; et en cela, il
touche à la troisième propriété. 843. Ensuite lorsqu'il dit (381) : Si cependant...il
traite de l'égalité : plus haut en effet (795-796) il avait traité de
l'inégalité dans la mesure où elle est un effet de la justice, cette dernière
pouvant en un sens soit la causer soit l'empêcher ; maintenant par ailleurs
il traite de l'égalité en elle-même ; et à ce sujet il fait trois choses :
premièrement, il montre comment l'égalité est attribuée à Dieu comme à celui
à qui l'égalité appartient ; deuxièmement, comment elle Lui est attribuée
comme à une cause, là (382) où il dit : Et comme... ; troisièmement,
comment elle Lui est attribuée comme à celui qui possède à l'avance toute
égalité, là (383) où il dit : Et d'après cela... 844. Il dit donc en premier (381) que si quelqu'un
veut interpréter comme une égalité cette identité ou cette justice
qu'on attribue à Dieu dans les saintes Écritures, il pourra le faire avec
convenance : l'égalité en effet est l'unité de la quantité. Si donc cette
unité est attribuée à Dieu considéré en lui-même, on dira de Dieu qu'il est
l'égal en raison de son unité divine qui s'entend à la fois d'après sa
simplicité, car il n'est pas composé d'une multitude de parties, et d'après
son immobilité car il existe toujours de la même manière ; et c'est ce que
Denis dit : il faut dire que Dieu est l'Égal...au sens où il est simple et
inflexible. Mais
si on considère l'unité divine par rapport aux effets à l'égard desquels elle
agit uniformément et qui proviennent d'Elle, on pourra lui attribuer
l'égalité dans la mesure où elle procède en répandant également ses
effets sur eux tous et à travers eux tous ; sur eux tous, car
tous bénéficient de l'influence de l'opération divine ; à travers eux tous,
parce que c'est à travers toute la chose que passe l'opération divine du début
à la fin et aussi parce que c'est au moyen d'une chose qu'elle passe dans une
autre, alors qu'elle se sert d'une chose pour agir dans une autre. Ainsi
donc, l'unité de la simplicité et de l'immobilité appartient à la nature de
l'identité divine ; et l'unité de l'opération dans les effets appartient à la
nature de la justice et c'est pour cela qu'il avait dit que c'est dans le
sens de l'égalité qu'on entend les noms de Dieu que sont le même et la
justice. 845. Ensuite lorsqu'il dit (382) : Et comme...il
montre comment l'égalité est attribuée à Dieu en tant que cause ; et il dit
que nous disons que Dieu est l'égal en tant que producteur de substance,
c'est-à-dire en tant que cause de l'égalité par soi elle-même,
c'est-à-dire de l'égalité considérée séparément d'après laquelle certes Dieu
fait que les choses produites sont égales de deux manières : d'abord certes
quant aux actions et aux passions ou aux communications et aux réceptions ;
et c'est ce qu'il dit, à savoir que Dieu, conformément à l'égalité
produite, agit également en tous et progresse de la même
manière et successivement à travers eux tous, c'est-à-dire
alors même que l'action divine passe à travers tous et opère une égale
participation chez ceux qui la reçoivent, c'est-à-dire dans la mesure où
chaque patient accueille l'effet de l'agent. Mais la ressemblance et
l'égalité de progression et de réception dont on vient de parler ne doivent
pas s'entendre selon une égalité de quantité, car certaines choses sont plus
réceptives que d'autres, mais selon une égalité de proportion car chacun agit
ou subit proportionnellement à sa manière d'être ; et c'est ce qu'il dit : selon
les aptitudes de chacun. On
peut regarder l'égalité dans les choses d'une autre manière, selon tout ce
qui se retrouve en elles, comme les formes, les quantités, les qualités et
autres choses du même genre ; et sous ce rapport, Denys dit que Dieu opère un
don égal réparti à tous. Ce qui encore une fois ne doit pas s'entendre
comme une égalité de quantité car ce ne sont pas toutes les choses blanches
qui possèdent une égale blancheur ni toutes les choses grandes qui possèdent
une égale grandeur, mais il faut encore l'entendre d'une égalité de
proportion car tous possèdent les dons divins dans une proportion égale ; et
c'est ce qu'il dit : selon le rang propre à chacun. 846. Ensuite lorsqu'il dit (383) : Et d'après...il
montre comment l'égalité s'attribue à Dieu selon qu'il possède à l'avance en
Lui-même toute égalité ; et il dit que nous disons que Dieu est égal selon
qu'il possède à l'avance en Lui toute égalité, c'est-à-dire à la fois
celle qui est intelligible et intellectuelle et qui se rapporte
aux Anges dont on dit qu'ils sont intelligibles dans la mesure où on peut les
comprendre et intellectuels dans la mesure où il peuvent comprendre ; celle
qui est rationnelle relativement aux hommes ; celle qui est sensible
par rapport aux animaux ; celle qui est substantielle pour tout ce qui
existe d'une manière ou d'une autre ; celle qui est naturelle pour ce qui est
produit naturellement ; et enfin celle qui est volontaire pour ce qui
est le résultat d'un dessein. Cette
égalité, dit-il, Dieu la possède en totalité à l'avance et en
Lui-même, non pas à la manière selon laquelle elle existe dans les
singuliers, mais séparément, c'est-à-dire selon un mode extraordinaire
antérieur aux autres modes ; ni non plus d'après leurs différences, comme
l'égalité intelligible diffère de l'égalité rationnelle dans les créatures,
mais comme étant une, c'est-à-dire d'après quelque chose qui
est un, c'est-à-dire selon la puissance qui est productrice de toute
égalité et qui existe encore au-dessus de tout : en effet, tous les
effets préexistent en puissance dans leur cause et conformément à sa puissance. |
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CAPUT 10 |
Chapitre 10 - Du Tout-Puissant, de l'Ancien des jours et aussi de l'Éternité et du Temps.
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LECTIO 1 [84886] In De divinis
nominibus, cap. 10 l. 1 Postquam Dionysius exposuit divina nomina quae
signant perfectiones rebus inhaerentes vel absolute vel secundum
comparationem unius ad alterum, hic exponit quaedam nomina quae dicuntur de
Deo, secundum rationem universalis principii esse et durationis rerum.
Dicitur enim Deus omnipotens, inquantum est universale principium omnis esse
rerum ; antiquus vero dierum dicitur, inquantum est principium omnis durationis.
Et quia nomina durationis sunt aevum et tempus, ex consequenti determinatur
de aevo et tempore. Et haec tanguntur manifeste in titulo qui talis est
: de omnipotente, vetere dierum ; in quo et de aevo et de tempore.
Dividitur autem hoc capitulum in tres partes : in prima, determinat de
omnipotente ; in secunda de antiquo dierum ; ibi : dierum autem
antiquum ; in tertia, de aevo et de tempore ; ibi : oportet autem.
Circa primum, duo facit : primo, dicit de quo est intentio ; et dicit quod
Deus, qui est multorum-nominum, verbo sacrae Scripturae
laudatur et sicut omnipotens secundum illud Genes. 17 : ego Deus
omnipotens ; ambula coram me et esto perfectus ; et sicut vetus dierum,
secundum illud Daniel. 7 : antiquus dierum sedit. Secundo, ibi
: hoc enim et cetera, ponit quomodo Deus dicatur omnipotens
; et circa hoc, duo facit : primo, assignat rationem omnipotentiae ; secundo,
exponit quaedam quae dixerat ; ibi : et continens et cetera.
Rationem autem omnipotentiae ostendit secundum quatuor in quibus ratio
potentiae consideratur : primo quidem, secundum ambitum : dicitur enim esse
magna potentia, sive in naturalibus sive in rebus humanis, quae multa sub se
continet ; et hoc est quod dicit, quod dicitur Deus omnipotens, propter
hoc quod ipse est quaedam omnipotens sessio, quadam
stabilitate continens tota, idest omnia inquantum omnia eius
potestati subduntur et circumhabens, inquantum omnia eius
providentiae subsunt. Secundo vero, quantum ad firmitatem : dicitur enim
magna potentia quae et in se est immobilis et alia immobiliter tenere potest
; et quantum ad hoc dicit : et collocans et fundans et
circumstringens et firmum in seipso omne perficiens ; et tangit quatuor
modos, quibus aliquid firmatur : firmatur enim aliquid, inquantum est in suo
loco naturali, unde omnia corpora naturalia in suis locis quiescunt ; et
quantum ad hoc dicit : et collocans ; aliqua vero firmantur super
aliquod quod eis substat, sicut parieti substat fundamentum et columnae basis
; et quantum ad hoc dicit : et fundans ; quaedam vero firmantur
per aliquod ligamentum, sicut patet in doliis, quae circulis firmantur ; et
quantum ad hoc dicit : et circumstringens. Et hi tres modi firmitatis pertinent ad hoc quod una res firmatur per
aliam : potest enim locatio ad hoc pertinere in universo quod creaturae
inferiores firmantur quodammodo per superiores quae sunt loca inferiorum,
sicut corpora coelestia inferiorum corporum ; fundatio vero ad hoc quod
formae fundantur in materiis et accidentia in subiectis ; circumstrictio vero
ad hoc quod elementa firmantur in mixto, et, universaliter, omnes partes in
toto. Quartus autem modus firmitatis est, secundum quod unaquaeque res habet
firmitatem in sua natura ; et hoc est quod dicit : et firmum in se
omne perficiens ; vel potest aliter dici quod collocat et fundat et
constringit, firmans omnia divina sessio in seipsa, quasi diceret : ipse Deus
est et locus et fundamentum et vinculum connectens omnia. Tertio vero
ostendit rationem omnipotentiae secundum productionem : dicitur enim magna
potentia quae multa producere potest, sicut virtuosa radix dicitur quae multa
producit germina ; et quantum ad hoc dicit quod divina sessio producit ex sui
virtute omnia, sicut ex quadam radice omnipotente.
Quarto, manifestat rationem omnipotentiae, secundum rationem attractionis :
dicitur enim magna potentia, quae ad se aliqua attrahere vel convertere
potest et quantum ad hoc dicit quod convertit ad se omnia,
sicut ad quamdam plantationem omnitenentem : in ipso enim omnia
plantatur, sicut in primo principio. Deinde cum dicit : et continens et
cetera, ostendit quaedam quae dixerat : et primo, quomodo deitas dicatur
continens ; secundo, quomodo dicatur omnitenens ; ibi : dicitur autem et
cetera. Dicit ergo primo quod divinitas dicitur continens, inquantum ipsa
est sessio, idest firmitas vel immobilitas omnium ; quae omnia
sub se existentia firmat, non sicut aliquod principium quod sit de essentia
rerum, quod diversificatur in diversis, sed secundum unam communem
continentiam, quae excedit omnia ; et intantum est fortis ista continentia
quod non solum dat firmitatem rebus sub se contentis, sed etiam non permittit
eas omnino destrui et in nihilum redigi ea quae decidunt ab ipso Deo. Et
dicuntur a Deo decidere, qui est perfecta essentia, quaecumque removentur a
sua perfectione : nec ipsa enim in nihilum rediguntur. Deinde, cum dicit
: dicitur autem et cetera, ostendit quomodo deitas dicitur
omnitenens ; et dicit quod divinitas dicitur omnitenens, inquantum omnia
tenet eo modo quo ille qui principatur aliquibus, dicitur eos tenere : nam et
possessionem dicitur aliquis tenere, quae eius curae subest ; si autem
aliquis aliquibus principetur, tamquam unus de numero eorum existens, tenet
quidem eos inquantum est principans, sed et tenetur ab eis, inquantum eis
permiscetur et sub eorum ordine includitur. Deus autem sic omnia tenet quod a
nullo tenetur ; et hoc est quod dicit : immixte gubernatis principans.
Contingit autem aliquem aliquibus principari, dupliciter : uno modo, per
modum timoris et iste modus principandi non est efficax ad subditos tenendum
: qui enim contra propriam voluntatem subduntur, qui timore serviunt, data
opportunitate, servitutis iugum excutiunt. Alio modo, per modum amoris et hic
modus principandi est efficax ad tenendum subiectos qui voluntarie subduntur
; et hunc modum principandi Deo attribuit, cum dicit : et sicut
omnibus desiderabilis, omnia enim ipsum desiderant, ut pluries dictum
est. Contingit autem aliquod particulare bonum, licet desideretur, non
efficaciter tenere desiderantem quia cum sit terminatum et finitum non habet
in se omnia quae desiderari possunt et ideo qui ipsum desiderat propter
aliquam bonitatem in eo inventam non totaliter in eo quiescit, sed in aliud
transit in quo bonitatem inveniat, quae ei deest. Sed Deus est sic
desiderabilis quod est omnino interminabilis, unde ex necessitate tenet omnem
desiderantem, dum in quolibet desiderato obiecto ipse desideratur ; nihil
enim est desiderabile, nisi inquantum habet aliquam participationem summi
boni. Posset autem iterum contingere quod aliquis principans, in persona sua
desiderabilis esset, sed leges graves subditis daret, quas ipse non teneret
et ideo subiecti non efficaciter sub ipso tenerentur. Sed hoc a Deo
excludens, subdit quod omnibus supermittit voluntarias
leges : lex enim Dei est cuilibet creaturae infixa naturalis inclinatio
ipsius ad agendum id quod convenit ei secundum naturam ; et ideo, sicut omnia
tenentur a desiderio divino, ita tenentur a legibus eius, secundum illud
Psalmi 148 : praeceptum posuit et non praeteribit super
aliqua creatura. Et propter hoc etiam dicitur Sap. 8 de divina sapientia,
quod suaviter omnia disponit. Unde quod omnibus leges divinitus infixae, sunt
voluntariae, ostenditur per id quod subditur : et dulces partus
divini et omnipotentis et indissolubilis amoris ipsius bonitatis. Ubi
considerandum est quod ex amore et desiderio finis, exoritur desiderium eius
quod est ad finem adaptatum. Ultimus autem omnium finis est bonitas divina,
ad quam sicut ad finem ordinantur omnes praevii et particulares fines in quos
res naturaliter inclinantur. Sic igitur ipsae naturales inclinationes rerum
in proprios fines, quas dicimus esse naturales leges, sunt quidam partus,
idest effectus, dulces, idest consoni naturali appetitui,
effectus dico vel partus amoris quo divina bonitas amatur ; qui quidem amor
est divinus et omnia tenens et insolubilis : sive hoc intelligatur de amore
quo ipse Deus amat suam bonitatem, per quam omnia tenet et insolubilis est
quia ex necessitate se amat ; sive dicatur divinus amor qui est divinitus
omnibus rebus inditus, per quem omnia tenentur a Deo et qui solvi non potest,
quia omnia ex necessitate Deum amant, saltem in eius effectibus. |
Leçon 1 : Comment la Toute-Puissance s'attribue à Dieu.847. Après avoir expliqué les noms divins qui
désignent les perfections qui appartiennent aux choses soit absolument soit
selon une comparaison de l'une à l'autre, Denys explique ici certains noms
qu'on dit de Dieu selon qu'il est considéré comme le principe universel de
l'être et de la durée des choses. En effet, on dit de Dieu qu'il est
tout-puissant parce qu'il est le principe universel de toute existence des
choses ; on l'appelle aussi l'Ancien selon qu'il est le principe de toute
durée. Et parce que les noms de la durée sont l'éternité et le temps, il
traite par conséquent de l'éternité et du temps. Et ces noms sont
manifestement abordés dans le titre de ce chapitre : Du Tout-Puissant, de
l'Ancien des jours ; et aussi de l'Éternité et du Temps. 848. Mais ce chapitre se divise en trois parties :
dans la première, il traite du Tout-Puissant (leçon 1) ; dans la seconde de
l'Ancien des jours, là (388) où il dit : L'Ancien des Jours...(leçon
2) ; dans la troisième, de l'éternité et du temps là (392) où il dit : Mais
il faut...(leçon 3). 849. Au sujet du premier point, il fait deux choses
: d'abord (384) il dit quel est son propos ; et il dit que Dieu, qui possède
plusieurs dénominations, est loué par la parole des Saintes Écritures à la
fois comme tout-puissant d'après ce passage de la Genèse (17, 1) : ¨Je
suis le Dieu Tout-Puissant, marche en ma présence et sois parfait¨, et comme Ancien d'après ce passage tiré
de Daniel (7, 9) : ¨Un Ancien s'assit¨. 850. Deuxièmement, là (385) où il dit : Cela en
effet...il présente la manière dont on dit de Dieu qu'Il est
tout-puissant ; et à ce sujet il fait deux choses : d'abord, il présente la
nature de la toute-puissance ; deuxièmement, il explique certaines choses
qu'il avait dites là (386) où il dit : Et contenant... 851. Il montre la nature de la toute-puissance en
quatre points dans lesquels se découvre la nature de la puissance : et le
premier certes est celui qui se rapporte comme à une enceinte : on dit en
effet qu'une puissance est grande, soit dans les choses naturelles soit dans
les choses humaines, quand elle contient en elle une foule de choses ; et
c'est ce que Denys dit, à savoir que Dieu est nommé tout-puissant parce que
Lui-même est une immobilité toute-puissante qui contient toutes les
choses par son immobilité, c'est-à-dire qu'il les contient toutes dans
la mesure où elles sont toutes soumises à sa puissance, et il les entoure
toutes dans la mesure où toutes sont soumises à sa Providence. Deuxièmement,
il montre la nature de la Toute-Puissance sous le rapport de la fermeté : on
dit en effet qu'une puissance est grande quand elle est en elle-même
inébranlable et qu'elle peut garder les autres inébranlables ; et par rapport
à cela Denys dit : Elle est à la fois celle qui affermit, qui fonde, qui
étreint et qui conduit toute chose à son accomplissement en l'affermissant en
elle-même ; et il touche quatre manières pour une chose de parvenir à la
fermeté : une chose est rendue ferme en effet quand elle est dans son lieu
naturel et c'est pourquoi tous les corps naturels se reposent dans le lieu
qui leur est propre et c'est sous ce rapport que Denis dit : qui affermit
; d'autres par ailleurs trouvent leur fermeté sur quelque chose qui les
supporte tout comme les fondations supportent les murs et que la base
supporte la colonne et c'est sous ce rapport qu'il dit : qui fonde ;
d'autres encore trouvent leur fermeté au moyen d'un lien ou d'un bandage tout
comme on le voit dans les tonneaux qui sont solidifiés par des cercles et
c'est sous ce rapport qu'il ajoute : et qui étreint. Et ces trois
formes de fermeté se rapportent au fait qu'une chose trouve sa fermeté grâce
à une autre : en effet, la disposition qu'on retrouve dans l'univers peut
viser à ce que les créatures inférieures trouvent leur fermeté dans les
créatures supérieures comme dans leur lieu, tout comme les corps célestes sont
le lieu des corps inférieurs ; la fondation quant à elle vise à ce que les
formes se fondent ou s'affermissent dans des matières et que les accidents
pour leur part trouvent leur fermeté dans des sujets ; l'étreinte quant à
elle vise à ce que les éléments trouvent leur fermeté dans les corps mixtes
ou composés et plus universellement, à ce que toutes les parties trouvent
leur fermeté dans leur tout. Mais la quatrième manière pour une chose de
trouver sa fermeté est celle qu'elle trouve dans sa nature même et c'est ce
que Denys veut signifier lorsqu'il dit : et Elle conduit toute
chose à son accomplissement en l'affermissant en elle-même ; on pourrait
encore dire que la fermeté divine affermit, fonde et étreint, au sens où elle
affermit ainsi en elle-même toutes les choses, comme s'il disait : Dieu
lui-même est à la fois le lieu, le fondement et le lien qui unit toutes les
choses. 852. Troisièmement, il montre la nature de la
toute-puissance sous le rapport de la production : on dit en effet d'une
puissance qu'elle est grande quand elle est capable de produire beaucoup,
tout comme on dit qu'une racine est puissante lorsqu'elle produit de nombreux
germes ; et quant à cela Denys dit que c'est de sa propre puissance que la
divine stabilité produit toute chose comme à partir d'une racine
toute-puissante. Quatrièmement,
il montre la nature de la toute-puissance à partir de la notion d'attraction
: on dit en effet qu'une puissance est grande quand elle peut attirer à elle
ou tourner vers elle les autres et c'est quant à cela que Denys dit que la
Toute-Puissance divine attire vers elle toutes les choses comme
vers une plantation qui les embrasse toutes ; c'est en Elle en effet
que toutes les choses s'enracinent comme dans leur premier principe. 853. Ensuite lorsqu'il dit (386) : Et qui
contient...il met en lumière certaines choses qu'il a dites : et d'abord,
il montre comment on peut dire que Dieu contient ; deuxièmement, il montre
comment on peut dire que Dieu embrasse, là (387) où il dit : On dit
cependant... 854. Il dit donc en premier qu'on peut dire de Dieu
qu'il contient dans la mesure où Lui-même est le siège,
c'est-à-dire la fermeté et le repos de toutes les choses et qu'il affermit
tout ce qui Lui est assujetti, non à la manière d'un principe qui ferait
partie de leur essence et qui se diviserait dans la multiplicité, mais à la
manière d'une saisie commune et unique qui les dépasse toutes ; et Il les
contient d'autant plus fortement que non seulement il donne de la consistance
aux choses qu'il contient en Lui mais encore il ne permet pas que celles qui
se séparent de Lui soient totalement détruites et réduites à néant. Et on dit
que se séparent de Dieu, qui est l'essence parfaite, toutes les choses qui
s'éloignent de leur perfection : en effet, elles-mêmes ne sont pas non plus
réduites au néant. 855. Ensuite, lorsqu'il dit (387) : On dit
cependant...il montre comment on peut dire que Dieu embrasse ; et il dit
qu'on dit que Dieu embrasse selon qu'il tient toute chose de la
manière par laquelle on dit que celui qui commande à d'autres les tient : car
on dit que quelqu'un tient en sa possession les choses dont il prend soin ;
mais si quelqu'un commande à d'autres comme étant l'un d'entre eux, il les
tient certes dans la mesure où il leur commande, mais en même temps il est
aussi tenu par eux dans la mesure où il se mélange à eux et qu'il fait partie
du même ordre. Mais Dieu tient toute chose de telle manière qu'il n'est tenu
par aucune ; et c'est ce que Denys dit : il commande sans se mélanger à
ceux qu'il gouverne. 856. Mais il arrive que quelqu'un commande à
d'autres de deux manières, dont la première est par manière de crainte et
cette manière de commander n'est pas efficace pour garder les sujets : en
effet, ceux qui sont soumis dans un sens qui s'oppose à leur volonté propre
et qui obéissent par crainte, lorsque l'opportunité se présente, font tomber
le joug de la servitude. La
deuxième se fait par manière d'amour et cette façon de commander est efficace
pour garder les sujets qui se soumettent alors volontairement ; et c'est
cette manière de commander qu'il attribue à Dieu, lorsqu'il dit de Lui : et
comme celui qui est désirable aux yeux de tous, car toute chose en effet
désire Dieu, ainsi que nous l'avons dit en plusieurs occasions. 857. Il arrive cependant qu'un bien particulier,
bien qu'il soit désiré, ne parvienne pas à garder efficacement celui qui
désire car, étant limité et borné, il ne possède pas en lui tout ce qui peut
être désiré et c'est pour cela que celui qui le désire en raison d'un bien
qu'il y a découvert ne s'y repose pas totalement mais passe à une autre chose
dans laquelle il trouve un bien qui manquait au premier. Mais Dieu est à ce
point désirable qu'il est absolument sans aucune limite, et c'est
pourquoi il garde nécessairement tourné vers Lui tout être qui Le désire car
dans tout objet de désir, c'est Lui-même en réalité qui est désiré ; en
effet, rien n'est désirable à moins de participer, de quelque manière que ce
soit, du plus grand Bien. Mais
il pourrait encore arriver que quelqu'un en commandant soit désirable en sa
personne, mais qu'il donne des lois accablantes à ses sujets que lui-même ne
conserverait pas et c'est à cause de cela qu'il ne garderait pas efficacement
ses sujets sous son commandement. Mais pour écarter cela de Dieu, Denys ajoute
qu'Il envoie sur chacun des lois consenties : la loi de Dieu en effet
est une inclination naturelle fixée en chacune des créatures pour lui
permettre de réaliser ce qui lui convient conformément à sa nature ; et c'est
pourquoi, comme toutes les choses sont habitées par le désir de Dieu, de même
elles sont habitées par ses lois selon ce passage du Psalmiste (148, 6) : ¨Il
les posa pour toujours et à jamais sous une loi qui jamais ne passera¨,
ceux qu'il posa devant être entendus comme étant toutes les créatures. Et
c'est à cause de cela aussi qu'on dit au Livre de la Sagesse (8, 1) au sujet
de la Sagesse divine qu'elle dispose toute chose avec douceur. D'où il montre
par ce qu'il ajoute que les lois fixées par Dieu dans toutes les créatures
sont volontaires, à savoir qu'elles sont les doux enfantements de la bonté
même de l'amour tout-puissant et indissoluble de Dieu. 858. D'où il faut considérer qu'à partir de l'amour
et du désir de la fin naît le désir de ce qui est ordonné à la fin. Mais
c'est la bonté divine qui est la finalité ultime de toute chose et à laquelle
sont ordonnées comme à leur fin ultime toutes les finalités particulières qui
précèdent et auxquelles les choses tendent naturellement. Ainsi
donc les inclinations naturelles mêmes des choses vers les finalités qui leur
sont propres et que nous appelons lois naturelles, sont comme un enfant,
c'est-à-dire des effets, qui sont doux, c'est-à-dire qui s'harmonisent
avec l'appétit naturel, et je dis que ce sont des effets ou un enfant de
l'amour par lequel la bonté divine est aimée ; lequel amour est divin,
embrasse toute chose et est indissoluble : soit qu'on entende par ces mots
l'amour par lequel Dieu lui-même aime sa bonté grâce à laquelle il embrasse
toute chose et qui est indissoluble parce que Dieu s'aime nécessairement
Lui-même ; soit qu'on entende par cette expression l'amour divin qui est
donné par Dieu à toutes les choses et grâce auquel toutes les choses sont
habitées par Dieu, lequel amour divin ne peut être dissous, car toute chose aime
nécessairement Dieu, au moins à travers ses effets. |
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LECTIO 2 [84887] In De divinis
nominibus, cap. 10 l. 2 Postquam Dionysius determinavit de omnipotente,
hic determinat de antiquo dierum ; et circa hoc tria facit : primo, ostendit
quare Deus dicatur antiquus dierum ; secundo, exponit assignatam rationem ;
ibi : et quidem et cetera ; tertio, manifestat quod dixerat
per auctoritatem Scripturae ; ibi : propter quod et cetera.
Est autem considerandum quod apud nos dicitur aliquid antiquum duplici
ratione : primo quidem quia habet multum temporis ; secundo autem quia
praecedit in tempore ea quae sunt iuniora. Antiquum autem dicitur quod est in
praeterito, remotum a praesenti ; et hoc est tempore prius. Sic ergo duplici
ratione dicitur Deus antiquus dierum : primo, quia ipse praehabet omnium
durationem et aevi et temporis ut per aevum intelligatur duratio quae
mensurat ipsum esse ; per tempus autem duratio quae mensurat ipsum fieri vel
moveri ; secundo, quia ipse est ante omnes dies et ante aevum et ante tempora.
Deinde, cum dicit : et quidem et cetera, exponit assignatas
rationes, et primo, primam ; secundo, secundam ; ibi : et sicut et
cetera. Dicit ergo primo quod cum dicimus Deum esse tempus vel aliquam partem
temporis, ut puta diem et quartam partem anni et cum dicimus ipsum esse
aevum, oportet hoc intelligere eo modo quo Deo convenit, non quidem ita quod
Deus sit aliquid cuius esse sit aliquid successivum et divisibile aut alteri
adiacens, sed dicitur aevum, quod est mensura permanentis, inquantum ipse est
intransmutabilis secundum omnem motum, quia scilicet nullo alio motu movetur.
Dicitur autem tempus, quod est numerus motus, ex hoc quod ipse Deus semper
movetur eo modo quo supra in cap. 9 de motu dictum est. Non tamen sic movetur
quod in motu eius sit aliqua successio, qualis est in motu qui numeratur per
tempus, sed ipse Deus semper est permanens in seipso. Deinde, cum dicit
: et sicut et cetera, exponit secundam rationem : dicitur
enim esse ante dies et aevum et tempora, non per modum praeteritionis, sicut
ea quae dicuntur antiqua apud nos, sed per modum quo causa prior est effectus
: ipse enim est causa et aevi et temporis et dierum. Deinde, cum dicit
: propter quod et cetera, adducit ad praemissorum
manifestationem, auctoritates Scripturae ; et dicit quod, propter
praemissa, in apparitionibus occultarum Dei-Visionum,
Deus describitur tamquam novus et tamquam canus
: novus quidem, secundum illud Esai. 62 : vocabitur tibi nomen novum
; canus autem, secundum illud Psalm. 70 : et usque in senectam et
senium, Deus, ne derelinquas me ; et illud Esai. 46 : usque ad
senectam ego ipse et usque ad canos ego portabo. Per hoc autem quod
dicitur canus vel senior, significatur antiquitas eius : quod scilicet a
principio aeternitatis ipse semper existit ; per hoc autem quod dicitur novus
vel iunior, significatur quod ipse est antiquus sine senectute,
idest sine aliqua deficientia vel etiam praeteritione quia, sicut supra
dictum est movetur, immobilis manens in seipso. Vel
: quia senectus et antiquitas ad principium pertinere videtur propter sui
prioritatem iuventus vero ad finem propter sui posterioritatem, per hoc quod
ambo Deo attribuuntur, docemur quod ipse procedit per omnia a principio usque
ad finem. Tertiam expositionem ponit secundum Hierothei sententiam, quem nominat
suum perfectorem, idest magistrum in rebus divinis, qui dixit quod per
utrumque istorum praemissorum demonstratur prioritas ipsius Dei et quod ipse
est principium : per hoc enim quod dicitur senior demonstratur prioritas
eius in tempore ; ea enim dicimus seniora quae sunt tempore
priora. Sed per hoc quod dicitur iunior, designatur prioritas vel
principalitas quae est secundum rationem numeri : iunior
enim dicitur qui minus processit in tempore. Quanto autem in numeris
aliquid minus procedit, tanto prius est : unitas enim et
numeri propinqui unitati, sunt priores his qui multum processerunt. |
Leçon 2 (54a) : Pourquoi on dit de Dieu qu'il est l'Ancien des jours.859. Après avoir traité de la Toute-Puissance,
Denys examine ici ce qu'on veut dire de Dieu quand on l'appelle l'Ancien des
jours ; et à ce sujet il fait trois choses : d'abord, il montre pourquoi Dieu
est appelé l'Ancien des jours ; deuxièmement, il explique la raison qu'il
présente, là (389) où il dit : Et certes... ; troisièmement, il
manifeste ce qu'il dit par l'autorité des Écritures là (391) où il dit : C'est
pourquoi... 860. Il faut cependant considérer qu'on dit entre
nous qu'une chose est ancienne pour deux raisons : d'abord certes parce
qu'elle possède beaucoup de temps ; mais aussi en deuxième lieu parce qu'elle
précède dans le temps celles qui sont plus récentes. Mais on appelle Ancien
ce qui est dans le passé, loin du présent ; et alors cela est antérieur dans
le temps. Ainsi donc c'est pour deux raisons qu'on appelle Dieu l'Ancien : premièrement,
parce que Lui-même possède à l'avance à la fois la durée de tous les
êtres, de l'éternité et du temps, en entendant par l'éternité la durée qui
mesure l'être lui-même et par le temps la durée qui mesure le devenir ou le
mouvement ; deuxièmement, parce que Lui-même est antérieur à tous les
jours, et Il précède à la fois l'éternité et le temps. 861. Ensuite, lorsqu'il dit (389) : Et certes...il
explique les raisons qu'il vient de présenter et en premier lieu la première
; en deuxième lieu la seconde là (390) où il dit : Et à la fois... 862. Il dit donc en premier (389) que lorsque nous
disons que Dieu est le temps ou quelque partie du temps, comme par
exemple lorsque nous disons qu'il est le jour et la saison et lorsque
nous disons qu'Il est Lui-même l'éternité, il faut entendre cela de la
manière qui est compatible avec la nature divine ; non pas de telle
manière que Dieu soit quelque chose dont l'être soit soumis à la succession
du temps, à la division ou encore de telle sorte qu'il soit situé à côté
d'une autre chose, mais on dit qu'il est l'éternité, laquelle est la mesure
de la permanence, parce qu'il est Lui-même immuable, étranger à toutes les
sortes de mouvements, car il ne peut être mû par aucune sorte de
mouvement. Mais
on dit de Dieu qu'il est le temps, à savoir le nombre ou la mesure du
mouvement, du fait que Dieu lui-même se meut toujours à la manière dont nous
avons parlé plus haut au chapitre neuf (840-842) au sujet du
mouvement. Mais il n'est pas mû de telle manière qu'on retrouve dans son
mouvement une succession, laquelle est dans le mouvement qui se mesure par le
temps, mais Dieu demeure toujours en Lui-même identique à
lui-même. 863. Ensuite lorsqu'il dit (390) : Et à la fois...il
explique la deuxième raison : quand on dit en effet que Dieu est antérieur
aux jours, à l'éternité et aux siècles, ce n'est pas à la manière du temps
qui s'est écoulé comme on le voit dans les choses parmi nous qu'on appelle
anciennes, mais à la manière d'une cause qui est antérieure à ses effets :
Lui-même en effet est la cause à la fois de l'éternité, du temps et des
jours. 864. Ensuite lorsqu'il dit (391) : C'est
pourquoi...il présente l'autorité des Écritures pour manifester ce qu'il
vient de dire ; et il dit que, à cause de ce qui précède, dans les visions
mystiques où Dieu se manifeste, on décrit Dieu comme étant nouveau ou jeune
et comme étant vieux : jeune certes, d'après ce passage d'Isaïe (62, 2) : ¨On
t'appellera d'un nom nouveau¨ ; mais vieux selon ce passage du Psalmiste
(70, 9) : ¨Ne me rejette pas au temps de ma vieillesse, quand décline ma
vigueur ne m'abandonne pas¨ et aussi selon celui d'Isaïe (46, 4) : ¨Jusqu'à
la vieillesse je reste le même, jusqu'aux cheveux blancs je vous porterai¨. C'est
au moyen des mots vieux et âgé qu'est signifiée l'ancienneté de Dieu :
c'est-à-dire que de toute éternité, Lui-même existe toujours ; c'est
au moyen des mots nouveau et jeune qu'est signifiée son ancienneté sans
vieillesse, c'est-à-dire sans affaiblissement et sans passé car, ainsi
que nous l'avons dit plus haut (840) il se meut en demeurant immobile
en Lui-même. Ou
bien on peut encore dire ceci : car la vieillesse ou l'ancienneté semble se
rapporter à la notion de principe en raison de son antériorité alors que la
jeunesse semble se rapporter à la finalité en raison de sa postériorité ; et
du fait que les deux lui sont attribuées, cela nous enseigne que Dieu procède
à travers toute chose du principe jusqu'à la fin. Il
présente la troisième explication d'après la position de Hiérothée qu'il
appelle son guide et son maître dans les choses divines, et qui dit que la
priorité de Dieu lui-même se révèle par l'une et l'autre des explications qui
précèdent et qu'Il est Lui-même le principe. Du fait qu'on l'appelle vieux,
cela manifeste sa priorité dans le temps ; nous appelons en effet
vieilles les choses qui sont antérieures dans le temps. Mais du fait qu'on
l'appelle jeune, cela manifeste sa priorité ou son antériorité selon
la notion de nombre : on appelle jeune en effet celui qui a moins
avancé dans le temps. Une chose est d'autant plus antérieure qu'elle est
moins avancée dans les nombres ; en effet, l'unité et les nombres qui
sont rapprochés de l'unité sont antérieurs à ceux qui en sont beaucoup
éloignés. |
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LECTIO 3 [84888] In De divinis
nominibus, cap. 10 l. 3 Postquam Dionysius determinavit de antiquo
dierum, hic determinat de aevo et tempore ; et primo dicit de quo est
intentio ; secundo, exequitur propositum ; ibi : etenim et
cetera. Dicit ergo primo quod necessarium est considerare ex sacris Scripturis
naturam temporis et aevi ; ubi considerandum est quod aevum hic pro aeterno
accipit. Deinde, cum dicit : etenim et cetera, determinat
naturam aevi et temporis ; et circa hoc, duo facit : primo, exponit
significationem aevi et temporis ; secundo, quomodo aevum et tempus rebus
conveniant ; ibi : oportet et cetera. Circa primum, tria
facit : primo, ostendit quot modis dicitur aevum ; secundo, quid proprie sit
aevum et tempus ; ibi : secundum quod et cetera ; tertio,
ostendit quomodo unumquodque ponatur pro alio ; ibi : est autem et
cetera. Ponit ergo primo quatuor acceptiones aevi sive aeterni : primo enim
vere et proprie dicuntur aeterna ea quae sunt ingenita, idest
quae non habent causam, ut ea quae de Deo dicuntur. Non tamen Scriptura
ubique accipit sic aeternum, sed aliquando ea quae sunt incorruptibilia,
quia numquam esse desinunt ; et immortalia, quia numquam desinunt
vivere ; et invariabilia, quia non variantur de forma in formam
vel de quantitate in quantitatem ; et semper existentia eodem modo,
quae semper in eadem habitudine se habent, sicut Angeli, de quibus in Psalm.
23 dicitur : elevamini portae aeternales ; et illud Psalm. 75
: illuminans tu mirabiliter a montibus aeternis et alia
huiusmodi. Tertio modo, signantur nomine aevi vel aeterni, omnia quae sunt
antiquissima, licet sint corruptibilia, sicut est illud Deuteronomii 33
: de pomis collium aeternorum. Quarto modo, tota congeries nostri
temporis appellatur aevum vel aeternum, ut est illud Rom. 16 : secundum
revelationem mysterii, temporibus aeternis taciti. Deinde, cum dicit
: secundum quod et cetera, ostendit quid proprie dicatur
aevum et tempus ; et circa hoc, tria facit : primo, ostendit quid proprie sit
aevum ; secundo, quid proprie sit tempus ; ibi : tempus et
cetera ; tertio, probat per auctoritates Scripturae ; ibi : propter
quod et cetera. Dicit ergo primo quod omnia praemissa signantur
nomine aevi, secundum quod aliquid participant de proprietate aevi : nam
proprie aevum est quod est antiquum, idest non de novo incepit
esse ; et quod est invariabile, quia non est mensura motus, sed ipsius esse
intransmutabilis ; et quod totum secundum totum metitur, per quod differt a
tempore : totum enim tempus non mensurat totum secundum se totum, sed
secundum diversas sui partes mensurat diversas partes motus : est enim tempus
numerus motus secundum prius et posterius. Sed quia esse, quod mensurat
aeternitas, non habet prius et posterius cum sit manens et invariabile, et
ipsa aeternitas est simplex non habens prius et posterius et sic quidquid
mensurat, secundum se totam mensurat. Deinde, cum dicit : tempus et
cetera, ostendit quid proprie sit tempus ; et dicit quod proprie tempus
dicitur quod secundum se est mensura generationis et corruptionis et
cuiuslibet variationis et omnis diversae habitudinis. Deinde, cum dicit
: propter quod et cetera, confirmat dictam differentiam
temporis et aeternitatis per auctoritatem Scripturae quae dicit nos in hac
vita transmutabili esse contentos sub tempore et quod tunc participabimus
aeternitate, quando consequemur vitam incorruptibilem
et semper eodem modo se habentem, prout dicitur Matth. 25
quod ibunt iusti in vitam aeternam ; et apostolus dicit II ad
Corinthios 4 : quae videntur temporalia sunt, quae autem non videntur
aeterna. Deinde, cum dicit : est autem et cetera,
ostendit quomodo in sacra Scriptura unum ponitur pro altero ; et dicit
quod in sacris eloquiis quandoque id quod
est temporale, nomine aevi sive aeterni laudatur, ut supra dictum est, sicut
dicuntur montes vel colles aeterni propter antiquitatem. Quandoque autem
aeternitas temporali nomine designatur, secundum illud Psalm. 101 : tu
autem idem ipse es, et anni tui non deficient ; quamvis sciamus quod
ea quae magis proprie immobiliter existunt, describuntur per
aeternitatem, quae autem existunt in generatione et
corruptione, describuntur per tempus. Deinde, cum dicit : oportet
autem et cetera, ostendit quomodo res se habeant ad aeternitatem et
tempus ; et dicit quod ea quae dicuntur in Scripturis aeterna, non
oportet arbitrari esse simpliciter et aequaliter
simul aeterna Deo, qui est ante aeternitatem participatam,
sed sequendo intellectum Scripturarum oportet aliqua intelligere esse aeterna
secundum certos modos, scilicet, inquantum existunt immutabiliter et sine
tempore, sicut sunt huiusmodi angelici spiritus. Sed illa quae sunt media inter
existentia immobiliter et ea quae generantur et corrumpuntur, secundum
aliquid participant tempore et secundum aliquid aeternitate,
sicut corpora caelestia conveniunt quidem cum superioribus spiritibus,
inquantum sunt incorruptibilia secundum substantiam et secundum hoc
participant aeternitatem ; inquantum autem transmutantur secundum locum,
conveniunt cum generabilibus et corruptibilibus, et sic participant tempore.
Sed Deum convenit laudare communiter et per aevum et per tempus
; quia ipse est causa et temporalium et aeternorum et est supra aeternitatem
et tempus, prout aeternitas et tempus intelliguntur participata a creatura ;
et convenit etiam eum laudare sicut antiquum dierum, prout est
prior et superior omni tempore ; et quod ipse variat quatuor partes
anni et omnia tempora et tamen ipse existit
immobiliter ante omnia saecula, inquantum ipse
est non solum prior et superior tempore, sed etiam aevo, idest aeternitate
prout participatur a creaturis ; et sic, regnum eius est regnum
omnium saeculorum, tam temporalium quam aeternorum. |
Leçon 3 (55a) : De l'Éternité et du Temps.865. Après avoir traité de l'Ancienneté de Dieu,
Denys examine ici l'éternité et le temps ; et d'abord, il dit quel est son
propos ; ensuite, il l'exécute là (393) où il dit : Et en effet... 866. Il dit donc en premier qu'il est nécessaire de
considérer, en s'appuyant sur les saintes Écritures, la nature du temps et
de la perpétuité en prenant bien garde de noter que par perpétuité il
faut entendre l'éternité. 867. Ensuite lorsqu'il dit (393) : Et en effet...il
traite de la nature de l'éternité et du temps ; et à ce sujet il fait deux
choses : en premier lieu, il présente la signification de l'éternité et du
temps ; ensuite il montre comment l'éternité et le temps se rencontrent dans
les choses, là (398) où il dit : Il faut... 868. Par rapport au premier point, il fait trois
choses : d'abord, il montre en quels sens s'entend la perpétuité ;
deuxièmement comment s'entendent au sens propre l'éternité et le temps, là
(394) où il dit : Selon que... ; troisièmement, il montre comment on
présente l'un pour l'autre, là (397) où il dit : Mais il est... 869. Il présente donc en premier quatre sens de la
perpétuité ou de l'éternité : tout d'abord en effet on appelle à proprement
parler éternelles les réalités qui n'ont pas été engendrées,
c'est-à-dire qui n'ont pas de cause, comme celles qu'on attribue à Dieu.
Cependant ce n'est pas partout que l'Écriture entend ainsi l'éternité
; mais elle entend parfois par éternelles les réalités qui sont incorruptibles
car elles ne cessent jamais d'exister, parfois encore celles qui sont immortelles
car elles ne cessent jamais de vivre, parfois encore celles qui sont
invariables car elles ne passent pas d'une forme à une autre ou d'une
quantité à une autre et enfin celles qui existent toujours de la même
manière, c'est-à-dire qui se trouvent toujours dans les mêmes
dispositions comme les Anges au sujet desquels en ce passage (23, 7) le
Psalmiste dit : ¨Haussez-vous, portails éternels¨ ; et en cet autre
(75, 5) où il ajoute : ¨Ô Dieu, comme tu es éclatant de lumière, plus
imposant que les montagnes éternelles!¨. Et il en parle encore de la même
manière dans d'autres passages. Sont
aussi nommées en un troisième sens comme étant éternelles toutes celles qui
sont les plus anciennes bien qu'elles soient corruptibles ainsi que le montre
ce passage du Deutéronome (33, 15) : ¨Les fruits des collines éternelles¨.
En un quatrième sens on appelle aussi éternelle la somme de notre époque ainsi
que le dit ce passage de la Lettre aux Romains (16, 25) : ¨Révélation d'un
mystère enveloppé de silence aux siècles éternels¨. 870. Ensuite, lorsqu'il dit (394) : Selon que...il
montre ce qu'est à proprement parler l'éternité et le temps ; et à ce sujet,
il fait trois choses : d'abord, il montre ce qu'est à proprement parler
l'éternité ; deuxièmement, ce qu'est à proprement parler le temps, là (395)
où il dit : Le temps... ; troisièmement, il le confirme au moyen de
l'autorité des Écritures, là (396) où il dit : C'est pourquoi... 871. Il dit donc en premier que toutes les réalités
qui précèdent sont désignées par le nom d'éternité dans la mesure où elles
participent de quelque chose qui appartient à l'éternité : car à proprement
parler est éternel ce qui est ancien au sens où il n'a pas de
commencement ; et ce qui est invariable car l'éternité n'est
pas la mesure du mouvement mais de l'être immuable lui-même ; et qui
mesure le tout en tant que tout, ce en quoi il diffère du temps : en
effet le temps ne mesure pas le tout en tant que tout mais il mesure
différentes parties du mouvement pour chacune des parties du tout : le temps
en effet est le nombre du mouvement selon l'avant et l'après. Mais parce que
l'être que mesure l'éternité ne possède pas d'avant et d'après puisqu'il est
immobile et invariable et que l'éternité elle-même dans sa simplicité ne
possède pas d'avant et d'après, il s'ensuit que tout ce qu'elle mesure, elle
le mesure en tant que tout. 872. Ensuite lorsqu'il dit (395) : Le temps...il
montre ce qu'est à proprement parler le temps ; et il dit qu'on définit à
proprement parler le temps comme étant la mesure de la génération et de la
corruption et de toute altération et de toute nouvelle disposition. 873. Ensuite lorsqu'il dit (396) : C'est pourquoi...il
confirme la différence qu'il a faite entre l'éternité et le temps au moyen de
l'autorité des Écritures qui affirment que nous, en cette vie où nous
sommes enfermés dans le temps, sommes changeants et que nous participerons
alors de l'éternité lorsque nous parviendrons à la vie incorruptible
qui est toujours identique à elle-même ainsi que le dit Matthieu (25,
46) : ¨Et ils s'en iront, les justes, à une vie éternelle.¨ ; et
l'Apôtre parle dans le même sens dans la Deuxième Épître aux Corinthiens (4,
18) : ¨Les choses visibles en effet n'ont qu'un temps, les invisibles sont
éternelles.¨ 874. Ensuite, lorsqu'il dit (397) : Il arrive
cependant...il montre comment dans les saintes Écritures on présente l'un
pour l'autre ; il dit que parfois chez les écrivains sacrés ce qui est
temporel est célébré par le nom d'éternel ainsi que nous l'avons dit
plus haut (869), comme les montagnes et les collines qui sont appelées
éternelles en raison de leur ancienneté. Mais
parfois l'éternité est nommée temporelle comme d'après ce passage du
Psalmiste (101, 28) : ¨Mais toi, le même, sans fin sont tes années.¨, bien
que nous sachions que ce sont les réalités qui sont plus proprement
immobiles sont définies par l'éternité et que ce sont celles qui sont
sujettes à la génération et à la corruption sont délimitées par le
temps. 875. Ensuite lorsqu'il dit (398) : Mais il faut...il
montre comment les choses se rapportent à l'éternité et au temps ; et il dit
que les choses qu'on nomme éternelles dans les Écritures ne doivent
pas être considérées comme étant éternelles purement et simplement et
d'une manière qui serait en même temps égale à celle de Dieu, lequel est
antérieur à l'éternité dont les créatures participent ; mais en étant
fidèles à l'intelligence des Écritures, il nous faut comprendre que certaines
réalités sont éternelles non pas absolument mais selon un rapport
déterminé, c'est-à-dire dans la mesure où elles existent en-dehors du
mouvement et du temps, comme c'est le cas pour les Esprits angéliques. Mais
les réalités qui sont intermédiaires entre celles qui existent
indépendamment du mouvement et celles qui sont assujetties à la génération et
à la corruption, participent sous un certain rapport du temps et sous un
autre de l'éternité, comme les corps célestes qui ressemblent sur ce
point aux esprits supérieurs selon qu'ils sont incorruptibles quant à la
substance et sous ce rapport ils participent de l'éternité ; mais dans la
mesure où ils sont soumis au mouvement local, ils ressemblent en cela aux
réalités qui sont soumises à la génération et à la corruption et sous ce
rapport ils participent du temps. Mais
il convient à tous de louer Dieu à la fois à travers ce qui est
éternel et à travers ce qui est temporel ; car Lui-même
est cause à la fois de ce qui est éternel et de ce qui est temporel et il
transcende l'éternité et le temps, pour autant qu'on entend l'éternité et le
temps comme étant participés par la créature ; et il convient encore
de Le célébrer comme l'Ancien des jours, car il est antérieur et
supérieur à tout temps ; et Lui-même diversifie les quatre saisons de
l'année ainsi que tout ce qui est temporel et cependant Lui-même
reste immobile et antérieur à tous les siècles étant donné
qu'il précède et transcende non seulement le temps mais aussi la durée, c'est-à-dire
l'éternité dont les créatures participent ; et c'est ainsi que son royaume
est le royaume de tous les siècles, aussi bien de ceux qui sont
temporels que de ceux qui sont éternels. |
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CAPUT 11 |
Chapitre 11 - De la Paix et de ce qu'on entend par être par soi, vie par soi, puissance par
soi et par d'autres expressions du même genre.
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LECTIO 1 [84889] In De divinis
nominibus, cap. 11 l. 1 Superius, Dionysius exposuit divina nomina
quibus signantur perfectiones procedentes a Deo in creaturas. Unaquaeque
enim res appetit suam perfectionem, quam a Deo participat et amat eam et cum
adepta eam fuerit, quiescit appetitus eius, in qua quiete consistit quies et
ratio pacis. Et ideo in hoc capitulo Dionysius de pace divina determinat et
etiam de ipsis perfectionibus procedentibus a Deo in creaturas, secundum quod
in abstracto considerantur : esse enim in abstracto consideratum dicitur per
se esse et similiter de aliis. Et haec duo apparent in titulo. Dividitur ergo
capitulum istud in duas partes : in prima, determinat de divina pace ; in
secunda, de perfectionibus a Deo procedentibus, secundum quod per se in
abstracto considerantur ; ibi : sed quoniam et cetera. Prima
autem pars dividitur in duas : in prima, determinat de pace secundum quod
pertinet ad divinam naturam ; in secunda, secundum quod pertinet ad Christi
incarnationem ; ibi : quid dicat et cetera. Circa primum,
duo facit : primo dicit de quo est intentio ; secundo, exequitur ; ibi
: ipsa enim et cetera. Est autem considerandum quod proprie
aliquid habere pacem dicitur in seipso, ex eo quod quiescit appetitus eius in
proprio bono adepto ; quod quidem contingit, cum non est aliquid repugnans
quod talem quietem impediat neque interius neque exterius. Sic ergo pacem
aliquid habere dicitur ad seipsum et ad alia ex quadam unione qua omnis
repugnantia excluditur : quae quidem unio in nomine congregationis hic
intelligitur, cum dicit quod debemus laudare pacem divinam, quae
est principalis congregationis causa. Hanc inquam divinam
pacem secundum quod in se est quia laudare non sufficimus, oportet quod laudemus eam hymnis
pacificis, idest laudibus sumptis ex hoc quod pacem in rebus facit.
Deinde, cum dicit : ipsa enim et cetera, exequitur
propositum : et primo, determinat veritatem ; secundo, excludit obiectiones ;
ibi : quomodo autem et cetera. Circa primum, duo facit :
primo, ostendit causalitatem divinae pacis in communi ; secundo, exponit eam
in speciali ; ibi : igitur et cetera. Circa primum, duo
facit : primo ostendit quid divina pax faciat in rebus ; secundo, qualiter
hoc diversimode faciat in diversis ; ibi : participatione et
cetera. Circa primum, duo facit : primo, ostendit causalitatem effectivam
divinae pacis ; secundo, quomodo est causa finalis ; ibi : propter
quod et cetera. Quia vero, recte, nomen pacis magis frequentatur in
rationalibus creaturis, in quibus manifestius ratio pacis invenitur, ex eis
considerandum est quid proprie sit pax et in quo ratio pacis consistat : hoc
enim est quod divina pax effective in rebus producit. Dicuntur autem aliqui homines
habere pacem, quando voluntates eorum concordant in uno : sic enim unus
alteri non adversatur. Quod autem multi concordant in unum, contingit ex hoc
quod in aliquo uno communicant : puta, qui communicant in una civitate,
concordant ad bonum commune civitatis et simile patet in aliis. Sic igitur ad
rationem pacis, duo concurrunt : primo quidem, quod aliqua sint unita ;
secundo, quod concordent ad unum ; et secundum hoc, etiam pax in rebus
naturalibus dicitur. Et ideo Dionysius dicit quod divina pax est
unitiva omnium, quantum ad primum, inquantum scilicet facit omnia
communicare in uno ; et iterum, generativa, quantum ad primam
institutionem et operativa, quantum ad gubernationem, consensus
et connaturalitatis universorum : ut consensus referatur ad concordiam
voluntatum ; connaturalitas, ad concordiam naturalium appetituum. Ubi
considerandum est quod etsi aliqua discordent quantum ad fines proprios,
omnia tamen concordant in appetitu finis ultimi. Deinde, cum dicit : propter
quod et cetera, ostendit quomodo divina pax est causa finalis omnium
rerum. Est autem naturale cuilibet rei ut unitatem desideret, sicut et esse
et bonum ; quia per divisionem res deficit et corrumpitur et bonitas rei
minoratur. Et quia divina pax causat unitatem in rebus, ideo concludit quod
omnia suo modo desiderant divinam pacem, inquantum etiam est omnium unitiva ;
et hoc est quod dicit : divisibilem ipsorum multitudinem convertentem
ad totam unitatem quia scilicet ea quae sunt in se divisa, in toto
adunantur, inquantum sunt partes universi ; et similiter, inquantum sicut
supra dixit est generativa et operativa consensus et connaturalitatis,
cui respondet quod hic subditur : et naturale rei bellum, unientem ad
conformem cohabitationem ; ea enim quae naturaliter se invicem impugnant,
propter contrarietatem quam habent in propriis naturis, concordant in ordine
universi, secundum quem, quodammodo uniuntur atque cohabitant in mundo ; et
hoc est ex participatione divinae pacis quae, inquantum ab omnibus
desideratur, habet rationem finis. Deinde, cum dicit : participatione et
cetera, ostendit quomodo praedicta, divina pax efficiat in diversis : et
primo, quomodo in supremis creaturis ; secundo, quomodo, in inferioribus ibi
: et subiecta et cetera ; tertio, quomodo communiter in
omnibus, ostendens modum praedictorum ; ibi : quae simpliciter et
cetera. Est autem considerandum quod sicut alias
perfectiones a Deo procedentes, ita istas abundantius aliis supremae
creaturae participant ut per eas possint quodammodo ad infimas derivari.
Supremas ergo creaturas dicit esse digniores de numero congregativarum
virtutum, quia scilicet in tanta abundantia congregationi divinae pacis
participant, ut etiam aliarum congregativae sint. Harum enim virtutum
unaquaeque, per participationem divinae pacis triplicem unionem habet : una
quidem est ad seipsas, secundum quod unaquaeque earum, secundum se, est
aliquod unum. Alia vero unio est secundum quod una unitur ad aliam, in ordine
vere unius. Tertia vero unio est secundum quam uniuntur ad unum principium
pacis omnium rerum, idest ad Deum. Et sicut ipsae tripliciter uniuntur, ita
tripliciter uniunt ea quae eis subduntur ; et hoc est quod dicit : et
subiecta uniunt, unumquodque scilicet eorum ad seipsum et ea ad
invicem et omnia ad unam causam et ad perfectum
principium pacis omnium, scilicet Deum in quem, sicut in ultimum
finem et primam causam, omnia reducuntur. Deinde, cum dicit : quae
simpliciter et cetera, ostendit quid divina pax faciat communiter in
omnibus ; et dicit quod prima causa pacis omnibus supervenit simpliciter
quia, licet diversa sint in quibus operatur, tamen ex parte operantis non est
aliqua diversitas nec in operatione nec in modo operandi. Ostendit autem quod
supervenit rebus et ad conservandam unitatem pacis et ad instituendam. Unitas
autem pacis in tranquillitate ordinis consistit, ut Augustinus dicit, XIX de
Civit. Dei, ad quam quidem tranquillitatem ordinis, tria requiruntur : primo
quidem ut ab invicem distinguantur : non enim potest esse ordo nisi
distinctorum ; et ideo dicit quod omnia diffinit. Secundo,
necesse est ad tranquillitatem ordinis ut rerum distinctarum nulla exeat
limitem suae naturae ; et ad hoc pertinet quod dicit : terminat.
Tertio, requiritur quod haec diffinitio et terminatio stabiliatur ; et ad hoc
pertinet quod dicit : et firmat ; alioquin si rerum diffinitio et
terminatio non esset firma, sed una res a termino suo egrediens, alterius
fines invaderet, confunderetur ordo rerum et sic non esset tranquillitas
ordinis. Dicit autem quod omnia diffinit et terminat et firmat, sicut
quibusdam vectibus conclusivis diversorum, utens similitudine sensibilium
rerum : consuetum est enim, si multae tabulae eriguntur secundum aliquem
ordinem, ut quidam vectes inserantur quibus erectae tabulae firmentur ; ita
rerum distinctio et terminatio, perfectionibus et virtutibus rebus a Deo
inditis, quasi quibusdam vectibus rerum distinctarum, firmatur. Modum autem
firmationis, qui pertinet ad conservationem pacis, manifestat subdens : et
non sinit divisa effundi ad interminatum et infinitum, inordinata et non
collocata et deserta a Deo facta et ab unitione sui ipsorum exeuntia et in se
invicem omni mixtione conspersa ; et dicit quod Deus non permittit res
distinctas effundi ad interminatum et infinitum, ut scilicet
operationes et transmutationes rerum non tendant in aliquem certum terminum
et finem, quasi sint inordinata et non collocata, idest firmata
in aliquo principio conservante. Ista autem effusio in infinitum opponeretur
unitioni rerum triplici, quam supra dixit fieri in rebus per participationem
divinae pacis. Tolleretur enim unio ad primum principium non perveniendum et
quantum ad hoc dicit : et deserta a Deo facta ; tolleretur et
unio rei ad seipsam et quantum ad hoc dicit : et exeuntia ab unitione
sui ipsorum ; tolleretur et ordinata unitio unius ad alterum et quantum
ad hoc dicit : et in se invicem omni mixtione conspersa per
quamdam confusionem rerum ad invicem, si ad infinitum effundi sinerentur. |
Leçon 1 (56a) : De la Paix divine et de sa causalité prise universellement.876. Plus haut, Denis a fait l'examen des noms
divins par lesquels on désigne des perfections qui procèdent de Dieu pour
passer dans les créatures. Toute chose en effet désire sa perfection, dont
elle participe par la grâce de Dieu, et elle l'aime et quand elle l'a acquise,
son appétit s'y repose et c'est dans ce repos que consiste la tranquillité et
la nature de la paix et c'est pour cela que Denys traite dans ce chapitre de
la paix divine et aussi des perfections mêmes qui procèdent de Dieu pour
aller vers les créatures, selon qu'on les considère comme séparément et dans
l’universel : en effet, l'être considéré universellement s'appelle l'être par
soi et il en est de même des autres perfections. Et c'est pourquoi ces deux
perfections apparaissent dans le titre. 877. Ce chapitre se divise donc en deux parties :
dans la première, il traite de la paix divine ; dans la deuxième, il traite
des perfections qui proviennent de Dieu selon qu'elles sont considérées
universellement et en elles-mêmes, là (421) où il dit : Mais puisque...
(leçon 4) 878. Mais la première partie se divise en deux :
dans la première, il traite de la paix selon qu'elle appartient à la nature
divine ; dans la deuxième, il en traite selon qu'elle se rapporte à
l'incarnation du Christ, là (420) où il dit : Que dirait... 879. Sur le premier point, il fait deux choses :
d'abord, il dit quel est son propos ; deuxièmement, il l'exécute là (400) où
il dit : Elle-même en effet... 880. Il faut cependant considérer qu'on dit qu'une
chose possède à proprement parler la paix en elle-même du fait que son
appétit se repose dans l'acquisition de son bien propre, ce qui se produit
certes lorsqu'il n'y a aucun obstacle, intérieur ou extérieur, qui empêche un
tel repos. Ainsi donc on dit qu'une chose est en paix avec elle-même et à
l'égard des autres en raison d'une certaine union qui exclut tout obstacle :
laquelle union s'entend ici comme synonyme du nom communion, puisqu'il
dit que nous devons louer la paix divine qui est la cause et le
principe de toute communion. Et, dit-il, parce qu’il ne nous suffit
pas de louer cette paix est divine selon qu'elle existe en elle-même, il
importe que nous la louions par des hymnes pacifiques, c'est-à-dire
par des louanges tirées du fait qu'elle produit la paix en toute chose. 881. Ensuite lorsqu'il dit (400) : Elle-même en
effet...il exécute son propos : et d'abord, il détermine la vérité ;
deuxièmement, il écarte une objection, là (414) où il dit : Mais comment...
(leçon 3) 882. Au sujet du premier point, il fait deux choses
: d'abord, il montre la causalité de la paix divine en général ;
deuxièmement, il l'explique d'une manière plus spécifique, là (405) où il dit
: Donc... (leçon 2) 883. Par rapport au premier point, il fait deux
choses : d'abord, il montre ce que réalise la paix divine dans les choses ;
deuxièmement, il montre comment elle réalise cela différemment dans des
choses différentes, là (402) où il dit : Par une participation... 884. Au sujet du premier point, il fait deux choses
: d'abord, il montre la causalité efficiente de la paix divine ;
deuxièmement, il montre qu'elle est une cause finale, là (401) où il dit : Et
c'est pourquoi... 885. Mais parce que le nom de paix se rencontre
avec raison plus fréquemment dans les créatures rationnelles dans lesquelles
la notion de paix se retrouve avec plus d'évidence, c'est à partir d'elles
qu'il faut considérer ce qu'est à proprement parler la paix et en quoi
consiste sa nature : c'est cela en effet que la paix divine produit avec
succès dans les choses. On dit en effet que des hommes possèdent la paix
lorsque leur volonté s'accorde sur un même point : ainsi en effet, l'un ne
s'oppose pas à l'autre. Mais que plusieurs s'accordent sur un même point,
cela se produit du fait qu'ils partagent une même chose : par exemple, ceux
qui partagent une même cité s'accordent sur le bien commun de la cité et il
en est de même dans d'autres domaines. Ainsi donc, deux choses se rencontrent
dans la nature de la paix : d'abord certes que certains soient unis et
deuxièmement qu'ils s'accordent sur une même chose ; et c'est d'après ces
critères qu'on dit aussi trouver la paix dans les choses naturelles. Et
c'est à cause de cela que Denys dit (400) que la paix divine est unificatrice
de toute chose quant au premier critère, c'est-à-dire pour autant qu'elle
leur fait partager une même chose ; et en outre elle est génératrice
quant à leur première formation et opératrice, quant à la direction
qu'elle leur donne, de l'accord et de la cohésion des ensembles, vu
que l'accord se réfère à l'harmonie entre les volontés et que la cohésion se
rapporte à l'harmonie entre les appétits naturels. Il
faut considérer ici que bien que certaines choses s'opposent quant à leur fin
propre, elles s'entendent toutes cependant dans le désir de leur fin ultime. 886. Ensuite, lorsqu'il dit (401) : C'est
pourquoi...il montre comment la paix divine est la cause finale de toute
chose. Et il est naturel à tout être de rechercher l'unité comme de
rechercher l'être et le bien car c'est par la division qu'une chose
s'affaiblit et est détruite et que sa bonté est diminuée. Et parce que la
paix divine cause l'unité dans les choses, c'est pour cela qu'il conclut que toute
chose à sa manière désire la paix divine parce que c'est elle qui
est unificatrice de tout ce qui existe ; et c'est là justement ce que Denis
dit : il tourne à une unité intégrale la pluralité divisible de ces
derniers, car les choses qui en elles-mêmes sont divisées sont réunies
dans le tout selon qu'elles sont des parties de l'univers ; et de même, comme
il a dit plus haut (400) que la paix divine est génératrice et opératrice
de l'accord et de la cohésion, à cela correspond ce qu'il ajoute ici, à
savoir : et ce qui est naturellement conflictuel dans les choses, il
l'unit dans une cohabitation pacifique ; en effet les choses qui se
combattent naturellement les unes les autres, en raison d'une opposition qui
se trouve dans leurs natures propres, s'accordent néanmoins dans l'ordre de
l'univers selon lequel elles sont unies et cohabitent d'une certaine manière
; et cela est dû au fait qu'elles participent toutes de la paix divine qui a
raison de fin dans la mesure où elle est désirée par toutes. 887. Ensuite lorsqu'il dit (402) : Par une
participation...il montre comment la paix divine réalise ce qui précède
dans les différents êtres : et d'abord, comment elle le réalise dans les
créatures supérieures ; deuxièmement, comment elle le réalise dans les
créatures inférieures là (403) où il dit : et les inférieures... ;
troisièmement, comment elle le réalise universellement en toute chose en
manifestant le mode propre à chacune, là (404) où il dit : Qui partout... 888. Mais il faut considérer que les créatures
supérieures participent plus abondamment que les autres de ces perfections,
tout comme elles le font pour les autres perfections qui procèdent de Dieu,
pour que par leur intermédiaire, ces perfections puissent s'écouler d'une
certaine manière vers les créatures inférieures. Il dit donc que les
créatures supérieures sont les plus dignes de toutes les puissances de
communion, les créatures les plus élevées sont les plus dignes car
elles participent de la communion à la paix divine dans une telle abondance
qu'elles sont aussi principe de communion pour les autres. En
effet chacune de ces puissances, grâce à sa participation à la paix divine,
possède trois sortes d'union : une certes qui se rapporte à elle-même
selon que chacune d'elle, considérée en elle-même, est quelque chose d'un.
Une autre sorte d'unité se produit quand une puissance s'unit à une autre,
les deux étant ordonnées à une même fin. La troisième a lieu selon que toutes
les puissances sont unies au seul principe de paix de toutes
les choses qui est Dieu. 889. Et comme elles-mêmes constituent une unité
sous ces trois formes, de même elles unissent de trois façons les réalités
qui leur sont subordonnées ; et c'est ce que Denis dit (403) : et elles
unissent leurs subordonnés ainsi, c'est-à-dire chacun d'eux à l'égard
de soi-même et elles les unissent entre eux et elles
les unissent tous à une seule et même cause et au
parfait principe de paix de toute chose, à savoir à Dieu, en qui toutes
les choses sont ramenées comme dans leur finalité ultime et dans leur cause
première. 890. Ensuite lorsqu'il dit (404) : Qui partout...il
montre ce que la paix divine réalise communément en tous ; et il dit que la
cause première de la paix survient dans les choses d'une manière qui est
simple car bien que les réalités dans lesquelles elle agit soient
différentes, cependant du côté de la cause de la paix qui agit il n'y a nulle
diversité ni du côté de l'opération ni du côté du mode d'opération. 891. Cependant il montre que la cause de la paix
survient dans les choses à la fois pour établir et pour conserver l'unité de
paix. Mais l'unité de paix consiste dans la tranquillité de l'ordre, ainsi
que le dit Augustin au chapitre X1X de La Cité de Dieu, dont la
réalisation requiert trois conditions : premièrement certes pour les
distinguer les unes des autres disons qu'il ne peut exister d'ordre qu'entre
des choses qui sont différentes ; et c'est pourquoi Denis dit qu'il
définit toute chose. Deuxièmement il est nécessaire à la tranquillité de
l'ordre qu'aucune des choses distinctes ne sorte des limites de sa nature et
c'est à cet égard que Denys dit avec pertinence : il fixe les limites.
Troisièmement, il est encore nécessaire que cette définition et cette
délimitation soient soutenues et c'est à cela que s'applique ce qu'il dit : et
il protège ; autrement, si la définition et la délimitation n'étaient pas
protégées, mais qu'une chose en sortant de ses limites envahissait les
limites de l'autre, l'ordre des choses serait troublé et ainsi la
tranquillité de l'ordre serait anéantie. Mais
il dit de ce Principe de paix, en se servant d'une similitude tirée des
choses sensibles, qu'il définit, délimite et protège les différences comme
par des verrous qui enferment : il est de coutume en effet, pour que les
tables soient érigées selon un certain ordre, que des chevilles soient
insérées grâce auxquelles les tables construites acquièrent leur solidité ;
de même la distinction et la délimitation des choses se trouvent à être
protégées par les perfections et les puissances données à ces choses par
Dieu, qui sont comme des chevilles propres aux différentes sortes de choses. 892. Mais il manifeste le mode de solidification qui
se rapporte à la conservation de la paix lorsqu'il ajoute : et Il ne
permet pas que les différentes choses se dispersent hors de leurs bornes et
de leurs limites, qu'elles soient abandonnées au chaos, sans demeure, et que
les créatures soient séparées de Dieu et qu'elles sortent de leur unité et
qu'elles se dispersent les unes dans les autres dans une confusion
universelle ; et il dit que Dieu ne permet pas que les choses différentes
se dispersent dans l'indéterminé et l'infini de telle sorte que les
opérations et les changements des choses ne tendraient plus vers un terme et
une finalité déterminés puisqu'ils seraient comme chaotiques et privés
d'une stabilité grâce à laquelle ils pourraient trouver solidité par une
principe qui les conserverait. Mais cet écoulement dans l'infini s'opposerait
aux trois sortes d'unités au sujet desquelles il a dit plus haut qu'elles se
réalisent dans les choses grâce à une participation de la paix divine (891). En
effet, l'union au premier principe, auquel on ne pourrait plus parvenir
alors, serait supprimée ; et c'est à cet égard qu'il dit : et que les
créatures soient séparées de Dieu ; c'est aussi l'union de la chose à
l'égard d'elle-même qui serait supprimée et c'est de cela qu'il parle quand
il dit : et qu'elles sortent de leur unité ; l'union harmonieuse des
unes aux autres serait elle aussi supprimée et c'est pour cela qu'il dit : et
qu'elles se dispersent les unes dans les autres dans une confusion
universelle, par un mélange des choses les unes dans les autres, s'il
leur était permis de se répandre ainsi à l'infini. |
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LECTIO 2 [84890] In De divinis
nominibus, cap. 11 l. 2 Postquam Dionysius ostendit causalitatem divinae
pacis in communi, hic prosequitur de ea in speciali ; et circa hoc duo facit
: primo, ostendit quid de divina pace dici possit in speciali ; secundo,
manifestat propositum ; ibi : et primum et cetera. Dicit
ergo primo quod neque licitum est neque possibile, non solum
alicui hominum, sed neque alicui existentium creaturarum, dicere ore
aut cogitare corde, ipsam divinam pacem secundum quod in se
est et ipsum divinum silentium, quod quidam sanctus nomine
iustus vocabat ineffabilitatem Dei, quia scilicet neque nos
Deum effari possumus neque ipse sic effatur nobis, quod nos ipsum, secundum
quod est, perfecte cognoscere possimus. Adiungit autem silentium paci, quia
signum perturbatae pacis solet esse strepitus et clamor. Adiungit etiam
paci immobilitatem Dei ad omnem processum qui
a nobis cognoscitur : quamvis enim procedere dicatur secundum quod suam
similitudinem in res diffundit, tamen ipse secundum omnem huiusmodi processum
in se ipso immobilis manet. Coniungitur autem quies et immobilitas paci,
sicut et silentium, quia ea quae pacem habent, ex hoc ipso, quietem quamdam
habere videntur. Haec ergo nos de divina pace et silentio et
quiete dicere aut cogitare non possumus, quomodo scilicet quiescit
et silentium agit, sicut dictum est, et quomodo tota supereminenter
unita in seipsa et intra seipsam et ad seipsam totam sit
divina pax. Unitio autem, ut supra dictum est, ad
rationem pacis pertinet. Inveniuntur autem aliqua, quae in seipsis diversa
sunt, sed uniuntur in aliquo uno, sicut multi homines uniuntur in una domo,
sed Deus in seipso unitus est. Est autem aliquid quod in seipso quidem
unum est, sed tamen intra seipsum non est unum, sicut unus homo intra seipsum
non est unus, quia multa et diversa intra seipsum continentur. Sed Deus intra
seipsum est unus, quia nulla diversitas invenitur in ipso. Invenitur etiam
aliquid quod intra seipsum est unum, quia non componitur ex divisibilibus
partibus, sed tamen non totum sibi toti unitur, quia una pars eius non est
unum cum altera. Sed Deus totus ad se totum unitur, quia in eo nullus est
numerus partium, sed est omnino simplex ; et tanta est eius unitio, quod
neque cum ingreditur ad seipsum, intelligendo scilicet et amando, neque cum
multiplicat seipsum, per hoc quod multiplices sui similitudines imprimit
rebus, derelinquit propriam unitionem, sed propter excessum unitionis eius,
quae superat omnem unitatem, sic deitas procedit ad omnia per sui
similitudines rebus communicatas, quod tamen tota manet intra seipsam, sicut
sigillum quod imprimit suam imaginem et similitudinem diversis ceris et tamen
idem manet identitate quod est. Huiusmodi ergo, cum sint ineffabilia et ignota
nobis, oportet attribuere soli Deo qui se per se perfecte cognoscit eo quod
ipse existit super omnes participationes eius,
quae intelligi et quae dici possunt ab intellectu creato : Deus enim est
supra omne esse et supra omnem vitam et supra omnia huiusmodi quae a
creaturis participantur ; et ita, cum connaturale sit intellectui creato quod
intelligat et dicat Dei participationes, ipsum Deum, qui super omnia
huiusmodi est, neque perfecte intelligere neque perfecte dicere potest. Hoc
est ergo quod de divina pace dicere intendimus, ipsius scilicet divinae pacis
participationes, sicut est possibile nobis qui deficimus ab
intelligendo divina, non solum ab Angelis, sed et a viris bonis et
perfectis. Deinde, cum dicit : et primum et cetera, ostendit
in speciali, causalitatem divinae pacis ; et primo, quantum ad ipsam pacem
creatam, secundum se consideratam ; secundo, quantum ad ea in quibus
invenitur pax ; ibi : et quod omnia et cetera. Dicit ergo
primo quod hoc primo dicendum est quod Deus, ipsam pacem per se, consideratam
in abstracto, facit esse et in universali et in particulari consideratam :
accipitur enim hic subsistere, communiter pro esse : non est enim
aliqua pax creata per se subsistens. Deinde, cum dicit : et quod
omnia et cetera, ostendit causalitatem divinae pacis quantum ad ea
quae participant pacem ; et primo in communi ; secundo, in speciali ; ibi
: propter quam et cetera. Dicit
ergo primo quod dicendum est, quod divina pax facit omnia ad se
invicem concreta : nihil enim est in rebus quod non habeat cum aliquo
alio unionem, vel per convenientiam in specie, vel in genere, vel in aliquo
quocumque ordine. Sed quia haec unitio, distinctiones rerum non
tollit, ideo dicit quod est inconfusa ; et ad hoc exponendum, subdit quod
secundum praedictam inconfusam unitionem, sunt omnia unita
indivisibiliter et indistanter, quia scilicet unionem quam Deus rebus
indidit nihil est quod auferre possit vel dividendo vel faciendo magis
distans : non enim est possibile quod album et pallidum vel dividantur
secundum genus vel tantum distent quantum album et nigrum. Et quamvis omnia
sint unita, tamen singula conservantur in puritate propriae speciei ; et homo
licet uniatur aliis, praedictis modis, tamen non est in alia specie quam
humana. Ad hanc autem speciei puritatem, consequitur puritas et
cognoscibilitatis et virtutis : unumquodque enim cognoscitur per speciem
suam. Quia ergo unumquodque remanet in puritate propriae speciei, consequens
est ut unitio unius rei ad aliam per quamdam convenientiam, non sit ei in
velamentum quin ab aliis possit discerni ; et hoc est quod dicit : non
velata per concretionem ad opposita ; ut puta : album habet concretionem
cum nigro, inquantum convenit cum eo in genere, tamen haec convenientia non
impedit quin album in propria natura cognoscatur, secundum quod distat a
nigro. Similiter etiam propria virtus uniuscuiusque sequitur speciem eius ;
et ideo, conservata puritate speciei, non hebetatur virtus propria consequens
speciem ; et hoc est quod dicit : neque hebetantia aliquid unitivae
diligentiae et puritatis, quia scilicet neque puritas rei hebetatur per
diligentem idest perfectam unionem neque e converso ; sicut album per hoc
quod differt specie a nigro, secundum puritatem suae speciei, non impeditur
quin uniatur ei secundum genus neque e converso. Ex his igitur concludit quod
debemus considerare unam quamdam simplicem naturam, quae per modum unionis
facit pacem in rebus, scilicet, naturam divinam, quae unit omnia sibi ipsi
dum omnia sibi assimilat per influentiam suorum donorum et ad se ordinat
sicut ad ultimum finem et iterum unit universa illis ipsis, idest, quamlibet
rem ad seipsam. Intantum enim unumquodque est sibi unitum et invicem sibi,
idest unit unam rem alteri, prout una res convenit cum altera, quocumque
modo. Haec enim divina natura sic conservat omnia, secundum quamdam
continentiam non confusam, idest non inordinatam ad invicem, ut simul sint
incommixta, idest non mixta et tamen concreta : non mixta quidem, dum
unumquodque remanet in puritate suae speciei ; et concreta, secundum quod
coordinantur ad invicem. Deinde, cum dicit : propter quam et
cetera, ostendit causalitatem divinae pacis, quantum ad ea quae participant
pacem in speciali : et primo, quantum ad Angelos ; secundo, quantum ad animas
rationales ; ibi : propter quam animae et cetera ; tertio,
quantum ad totum universum ; ibi : propter quam una et
cetera. Dicit ergo primo quod propter primam et simplicem causam, pacifice
unientem, divinae mentes, idest Angeli tripliciter uniuntur :
primo quidem unusquisque secundum proprium intellectum, secundo, prout quidam
uniuntur ordine quodam aliis Angelis unitis ; tertio, secundum quod ulterius
ascendunt ad hoc quod coniungantur rebus divinis, quae sunt collocatae super
omnem mentem ; et haec coniunctio est nobis ignota. Deinde, cum dicit : propter
quam animae et cetera, ostendit effectum divinae pacis in anima
rationali prout scilicet ad unitatem reducitur. In qua quidem reductione,
triplex gradus consideratur : primo enim anima dicitur habere largissimam
rationem, inquantum ratio se ad diversa diffundit ex multis actibus vel
effectibus, naturam rei investigando. Secundo, largitas rationis reducitur ad
unitatem intellectualis puritatis seu simplicitatis ; nullum enim effectum
haberet investigatio rationis, nisi ad intelligibilem veritatem perduceret.
Tertio, quodam ordine, per huiusmodi immaterialem et intellectualem
veritatem, pervenit anima secundum proprietatem suae virtutis ut uniatur Deo,
qui est supra intellectum, cui non ita perfecte anima in hac vita uniri
potest, sicut Angeli boni. Deinde, cum dicit : propter quam una et
cetera, ostendit effectum divinae pacis, quantum ad totum universum ; et
circa hoc, duo facit : primo, ostendit quid divina pax perficiat in universo
; secundo, ostendit per quem modum ; ibi : transit enim et cetera.
Dicit ergo primo quod propter praedictam simplicem naturam
est quaedam una et indissolubilis complexio omnium, secundum scilicet
quod omnia conveniunt in uno ordine universi qui indissolubilis manet
secundum quod ex Deo in ipso universo quaedam harmonia, idest proportionata
concordia causatur ; et hoc est quod exponit, subdens : et
concordatur consonantia perfecta. Nihil enim est aliud harmonia, quam
concors consonantia. Haec autem concors consonantia in rebus, causatur
secundum consensum et connaturalitatem : ut scilicet consensus referatur ad
concordiam voluntatis in his quae voluntatem habent ; connaturalitas autem ad
concordiam naturalis appetitus. Haec autem harmonica complexio sive concors
consonantia et ordinem habet et firmitatem ; unde quantum ad ordinem dicit
: et congregata inconfuse : confusio enim ordinem tollit ; unde
illa inconfuse congregantur quae secundum ordinem quemdam, complexionem
habent ad invicem. Quantum autem ad firmitatem subdit : et
indissolubiliter contenta : est enim indissolubilis firmitas in rerum
complexione, non ex congregatorum multitudine, sed ex virtute unius causae
continentis et in unum congregantis. Deinde, cum dicit : transit enim et
cetera, ostendit quomodo praedicta harmonia concors statuatur in rebus ex
divina pace. Hunc autem modum connexionis exponit tripliciter : primo quidem
quantum ad ea quae connectuntur ; secundo, quantum ad ipsam connexionem ; ibi
: et omnia et cetera ; tertio, quantum ad causam
connectentem ; ibi : videlicet et cetera. Dicit ergo primo
quod ideo dictum est quod propter divinam naturam, una et indissolubilis
connexio in omnibus consistit, quia pax perfectae totalitatis,
idest pax quae est a causa universali perfecta, secundum quod causae totales
dicuntur causae universales, haec inquam pax pertransit a prima causa ad
omnia existentia, secundum quod virtus unifica primae causae uniens,
idest faciens unitatem in rebus, est praesens omnibus simpliciter, idest
absque aliqua sui multiplicatione et immixte, quia rebus non permiscetur, sed
secundum suam essentiam est rebus absoluta. Haec
quidem pax divina ad omnia transit, omnia uniendo, per hoc quod
reducit omnia in quemdam ordinem : qui quidem ordo consistit in hoc quod
quaedam extrema coniunguntur aliis extremis per media. Nam suprema influunt
infimis per media et infima convertuntur ad recipiendum a supremis per media
; et sic omnia coniunguntur secundum unam connaturalem amicitiam.
Et non solum divina pax coniungit extrema extremis per media, sed
etiam ulterius omnia coniungit sibi ipsi, inquantum dat omnibus suo modo ut
ipsa divina pace fruantur et infimae creaturae et quidquid est infimum in
quacumque creatura ; et hoc est quod dicit : et extremis omnis rei
terminationibus ; nihil enim est ita infimum in rebus quod non aliquo
divino dono participet, ex qua participatione sortitur ut habeat connaturalem
amicitiam ad alias creaturas et ut ordinetur ad Deum, sicut ad ultimum finem,
qui est frui Deo. Deinde, cum dicit : et omnia consentientia faciens et
cetera, ostendit modum praedictae connexionis quantum ad ipsam connexionem.
Ratio autem connexionis in quadam unitate perficitur et ideo, secundum modum
unitatis, attenditur modus connexionis. Est autem considerandum quod unitas
attribuitur rebus multipliciter : aliquid enim est quod est simpliciter et
secundum se unum, sicut aliquid simpliciter dicitur unum in seipso et quantum
ad hoc dicit quod facit omnia consentientia unitatibus. Dicitur
autem aliquid simpliciter idem, non secundum seipsum, sed per relationem ad
aliquid quod est alterum : vel ratione aut nomine tantum, sicut si Marcum
dicamus idem Tullio vel vestem indumento ; aut est alterum secundum rem,
sicut si dicamus : Socrates Platoni est idem specie et equus bovi est idem
genere ; et quantum ad hoc dicit : identitatibus ; unum enim
dicitur absolute, sed idem relative. Aliquid vero est quod non est unum
simpliciter, sed quasi ex multis adunatum, sicut omne compositum et quantum
ad hoc dicit : unitionibus. Aliquid vero est quod neque
simpliciter neque secundum se unum dicitur, sed per relationem ad alterum,
sicut unitas congregatorum et ideo subdit : congregationibus ;
congregata enim minus habent de ratione unitatis quam unita : nam unitum
absolute potest dici unum, licet non simpliciter, sed congregata absolute
quidem sunt multa, sed secundum quid, unum. Indivisibilis ergo consensus
constituitur ex divina pace in rebus, secundum quod unitatem consequuntur
sive per modum simplicis unitatis sive per modum identitatis sive per modum
unitionis sive per modum congregationis. Deinde, cum dicit : videlicet et
cetera, ostendit modum praedictae connexionis ex parte causae connectentis ;
et dicit quod praedicta connexio in rebus statuitur, secundum quod divina pax
primo quidem consideratur ut stans immobiliter in seipsa ; secundo autem
consideratur ut unum exemplar in quo exemplariter omnia, quae ad pacem
pertinent, demonstrantur ; tertio, consideratur secundum quod suam
similitudinem omnibus tradit. Secundum hoc enim dicitur per omnia proficisci et tamen a
propria identitate non recedere. Ipsa enim divina pax procedit
ad omnia, secundum quod per suam similitudinem omnibus se tradit,
iuxta proprietatem uniuscuiusque rei ; et tamen supermanat secundum
abundantiam pacificae fecunditatis, quia scilicet plus est in Deo
de virtute ad faciendum pacem, quam sit in rebus ad suscipiendum et ideo
emanatio pacis a Deo est supra omnem susceptibilitatem rerum. Et licet
susceptio pacis sit secundum rerum proprietatem, cum divina pax sic procedat
ad omnia secundum emanationem effectuum, tamen ipsa manet immobilis in seipsa,
supereminenter unita tota ad totam, quia non est ibi diversitas
partium, quae impediat totum uniri toti. Non enim tota linea est unum cum
tota, quia sic oporteret quod quaelibet pars lineae esset unum cum qualibet
parte ; sed in simplicibus totum est unum toti. Addit autem : et
secundum se totam, quia non est una participatione, sed essentialiter ;
punctum enim, etsi totum sit unum toti, non tamen secundum se totum, sed
secundum unitatem quam participat. Si autem ipsa unitas separata subsisteret,
esset tota una toti et secundum se totam. Et sic intelligendum est de Deo,
qui est unitus totus ad totum, secundum se totum, per hoc quod est
simpliciter et essentialiter unus. |
Leçon 2 (57a) : De la Causalité de la Paix divine prise distinctement.893. Après avoir manifesté dans l'universel la
causalité de la paix divine, il poursuit ici son propos en la manifestant
dans le particulier ; et à ce sujet il fait deux choses : premièrement, il
montre ce qu'on peut dire plus particulièrement de la paix divine ; deuxièmement,
il manifeste son propos, là (406) où il dit : Et d'abord... 894. Il dit donc en premier qu'il n'est ni
permis ni possible, non seulement à aucun homme mais aussi à aucune
créature existante, d'exprimer de vive voix ou de concevoir
en son coeur la paix divine selon ce qu'elle est en elle-même ni même son
divin silence, qu'un saint du nom de Juste appelait l'indicibilité
de Dieu, car il n'est possible de notre côté de pouvoir dire ce qu'est Dieu
en Lui-même, et Lui-même ne se dit pas à nous de telle sorte que nous
pourrions Le connaître parfaitement selon ce qu'il est en lui-même. 895. Mais Denys attribue encore le silence à la
paix car le vacarme et les cris sont les signes habituels d'une paix
perturbée. Il ajoute encore à la paix l'immobilité de Dieu par rapport
à toute procession qui nous serait connue : en effet, bien qu'on dise
de Dieu qu'il procède dans les choses selon qu'il répand en elles sa
ressemblance, cependant il demeure Lui-même immobile par rapport à toute
sorte de procession ou de devenir dont il est la cause. Et le repos et
l'immobilité se joignent à la paix, tout comme le silence, car du fait même
qu'elles possèdent la paix, les choses semblent aussi posséder la
tranquillité. 896. Donc, ces choses relatives à la paix, au
silence et à la tranquillité divines, nous ne pouvons ni les dire
ni les penser : c'est-à-dire que pour ce qui est de savoir comment
la paix divine jouit du repos et comment elle accomplit son silence,
ainsi que nous l'avons dit (894), et comment elle est totalement
unie en elle-même et à l'intérieur d'elle-même et à l'égard de sa
totalité de la manière la plus excellente, cela ne peut être connu de
nous. Mais
l'unité, ainsi que nous l'avons dit (880) plus haut, entre dans la
définition de la paix. On retrouve cependant certaines réalités qui sont
diverses en elles-mêmes mais qui sont unes sous un rapport : par exemple,
plusieurs hommes peuvent être uns en une même maison ; mais c'est en Lui-même
que Dieu est un. Il existe cependant des réalités qui sont unes en elles-mêmes
d'une certaine manière, mais qui ne sont pas unes à l'intérieur d'elles-mêmes
: un homme par exemple n'est pas un à l'intérieur de lui-même, car plusieurs
dimensions différentes sont contenues à l'intérieur de lui. Mais Dieu est un
à l'intérieur de lui-même car on ne retrouve en Lui aucune diversité. On peut
encore retrouver un être qui est un à l'intérieur de lui-même, car il n'est
pas composé de parties divisibles, mais il n'est pas totalement un dans sa
totalité, car une de ses parties n'est pas identique à l'autre. Mais Dieu est
totalement identique à Lui-même dans sa totalité, car il n'y a en Lui aucune
multiplicité, mais au contraire il est totalement simple ; et son unité est
telle que, ni lorsqu'il entre en Lui-même pour se comprendre et s'aimer
ni lorsqu'il se multiplie Lui-même en imprimant aux choses qu'il crée de
nombreuses images de Lui-même, il n'abandonne l'unité qui Lui est
propre, mais en raison de son excellente unité qui dépasse
toute unité, Dieu procède de
telle manière en toutes les choses au moyen de ses
ressemblances qu'il leur communique que son unité demeure cependant totale
en elle-même, tout comme le sceau qui imprime son image et sa ressemblance à
différentes cires demeure cependant identique à lui-même quant à son être. 897. Donc, ces caractéristiques de la paix divine,
qui nous demeurent indicibles et inconnues, c'est à Dieu seulement qu'il faut
les attribuer, Lui qui se connaît parfaitement Lui-même du fait qu'Il existe
Lui-même au-dessus de tout ce qui participe de Lui et qui peut être
compris et exprimé par une intelligence créée : Dieu en effet est au-dessus
de tout être, de toute vie et de toute autre don de la sorte dont les
créatures participent ; et il l'est à ce point que, bien qu'il soit naturel à
l'intelligence créée de chercher à comprendre et à exprimer ces
participations de Dieu, Dieu Lui-même ne peut être ni parfaitement compris ni
parfaitement exprimé. C'est
donc là ce que nous avons l'intention de présenter au sujet de la paix
divine, à savoir ce qui participe de la paix divine elle-même, et cela dans
la mesure de nos capacités, en raison de notre pauvreté à saisir les
réalités divines, pauvreté qui devient évidente non seulement si nous nous
comparons aux Anges mais aussi si nous nous comparons aux hommes bons
et parfaits. 898. Ensuite lorsqu'il dit (406) : Et d'abord...il
manifeste plus distinctement la causalité de la paix divine dans le
particulier ; et d'abord, il le fait quant à la paix créée considérée en
elle-même ; deuxièmement, il le fait quant aux choses dans lesquelles on la
retrouve là (407) où il dit : Et que toutes... 899. Il dit donc en premier qu'il faut d'abord
affirmer que c'est Dieu qui fait subsister la paix par soi elle-même,
considérée séparément, et que c'est Lui qui la fait subsister dans toutes les
choses et dans chacune d'elles : subsister s'entend ici en effet au
sens large, à savoir au sens d'exister : il n'existe en effet pas de paix
créée qui puisse subsister par elle-même. 900. Ensuite lorsqu'il dit (407) : Et que toutes...il
montre la causalité de la paix divine quant aux choses qui participent de la
paix ; et d'abord, il le fait universellement ; deuxièmement, il le fait plus
distinctement au moyen de cas particuliers là (408) où il dit : Grâce à
laquelle... 901. Il dit donc en premier qu'il faut affirmer que
la paix divine rend toutes les choses unies entre elles : en effet, il
n'y a aucune chose qui n'a rien en commun avec les autres, que ce soit sous
le rapport de l'espèce, sous le rapport du genre ou sous quelque autre
rapport. Mais parce que cette union ne supprime pas la distinction qu'il y a
entre les choses, c'est pour cela qu'il ajoute qu'elle n'entraîne pas de
confusion ; et pour montrer cela, il ajoute que conformément à cette union
sans confusion, toutes les choses sont unies indissolublement et sans
séparation car Dieu donne aux choses une unité telle qu'il n'existe rien
qui puisse la supprimer soit en la divisant, soit en la séparant : en effet,
il n'est pas possible que le blanc et le pâle soient divisés selon le genre
ou qu'ils soient séparés comme le blanc et le noir le sont. Et bien que
toutes les choses soient unies, cependant les individus sont conservés
dans la pureté de l'espèce qui leur est propre ; et l'homme, bien qu'il soit
uni aux autres choses d’après les modalités qui précèdent, n'est cependant
dans aucune autre espèce que l'espèce humaine. Et c'est de cette pureté de
l'espèce que découle la pureté de la capacité d’être connu et de poser un
acte vertueux : en effet, c'est au moyen de son espèce que toute chose peut
être connue. 902. Donc, parce que toute chose demeure dans la
pureté de l'espèce qui lui est propre, il en découle que l'unité qu'il y a
entre une chose ou une autre, sous quelque rapport que ce soit, ne lui est
pas comme un voile qui l'empêcherait de s'en distinguer ; et c'est ce qu'il
dit : qui ne sont pas mélangées aux contraires par l'unité, comme par
exemple, le blanc a du commun avec le noir selon que tous les deux se
rencontrent dans le même genre, mais cette communauté n'empêche pas le blanc
d'être connu dans sa nature propre d'après laquelle il diffère du noir ; de
même encore la puissance propre à une chose découle de son espèce ; et c'est
pourquoi, la pureté de l'espèce étant conservée, la puissance propre qui en
découle n'est pas émoussée ; et c'est ce qu'il dit : et rien n'est
affaibli à la fois de la pureté et de la précision de l'unité car ni la
pureté de la chose n'est affaiblie par l'unité précise ou parfaite, ni
inversement cette unité n'est affaiblie par la pureté de la chose ; tout
comme le blanc, du fait qu'il diffère du noir par l'espèce en raison de la
pureté de son espèce, n'est pas empêché de lui être uni selon le genre et
inversement cette unité n’altère pas cette différence. 903. À partir de cela il conclut donc que nous devons
contempler cette unique nature simple, qui produit la paix dans les
choses par mode d'union, à savoir la nature divine, qui unit toutes les
choses à elle-même alors qu'elle se les assimile par l'influence de
ses dons et qu'elle les ordonne à elle-même comme à leur finalité ultime ; et
encore une fois elle les unit aussi toutes à elles-mêmes, c'est-à-dire
qu'elle unit chaque chose à elle-même. En effet, les choses sont d'autant
plus unies à elles-mêmes et entre elles, c'est-à-dire les unes aux
autres, qu'il y a une proportion entre elles d'une manière ou d'une autre. En
effet, cette nature divine conserve toutes les choses de telle manière
qu'elles sont à la fois sans mélange, c'est-à-dire non mélangées, et
cependant unies, conformément à une étreinte sans confusion,
c'est-à-dire dans laquelle les choses ne sont pas chaotiques les unes à
l'égard des autres : sans mélange certes alors que chaque chose conserve la
pureté de son espèce ; et unies, selon qu'elles sont ordonnées les unes aux
autres. 904. Ensuite lorsqu'il dit (408) : Grâce à cette
union...il montre la causalité de la paix divine quant aux êtres mêmes
qui en particulier participent de la paix : et d'abord il le fait quant aux
Anges ; deuxièmement, quant aux âmes rationnelles, là (409) où il dit : Et
c'est à cause d'elle que les âmes... ; troisièmement, il le fait quant à
la totalité de l'univers, là (410) où il dit : C'est grâce à elle enfin
qu'une... 905. Il dit donc en premier (408) que c'est à cause
de la cause première et simple qui unit tout dans sa paix, que les esprits
divins, à savoir les Anges, sont unis de trois manières :
premièrement certes chacun est uni à soi-même d'après l'intelligence qui lui
est propre ; deuxièmement certains sont unis selon un certain ordre aux
autres Anges qui sont unis entre eux ; troisièmement les Anges sont
unis selon qu'ils s'élèvent par la suite jusqu'à s'unir aux choses
divines qui sont établies au-dessus de tout esprit ; et ce genre
d'union nous est inconnu. 906. Ensuite lorsqu'il dit (409) : Et c'est à
cause d'elle que les âmes...il montre l'effet de la paix divine dans
l'âme rationnelle pour autant qu'elle se ramène à l'unité. Et dans ce retour
à l'unité, il y a trois degrés à considérer : d'abord en effet on dit que
l'âme se définit par une très grande diffusion dans la variété selon que, en
recherchant la nature des choses, la raison se répand dans la diversité à
partir de la multiplicité des actes ou des effets. Deuxièmement, la diffusion
de la raison est ramenée à l'unité de la pureté ou de la simplicité de
l'intelligence ; en effet, la recherche de la raison n'aurait aucun effet si
elle ne conduisait pas à la vérité intelligible. Troisièmement, selon un
certain ordre, au moyen de cette vérité immatérielle et
intellectuelle, l'âme parvient, conformément à la puissance qui lui est propre,
à s'unir à Dieu, lequel est au-dessus de l'intelligence, et en cette
vie l'âme ne peut s'unir à Lui aussi parfaitement que le font les bons Anges. 907. Ensuite, lorsqu'il dit (410) : C'est grâce
à elle enfin qu'une...il montre l'effet de la paix divine relativement à
tout l'univers ; et à ce sujet, il fait deux choses : d'abord, il montre ce
que la paix divine accomplit dans l'univers ; deuxièmement, il montre de
quelle manière elle l'accomplit, là (411) où il dit : Elle passe en effet... 908. Il dit donc en premier que c'est grâce à
cette nature simple qu'il existe comme une cohésion unique et indissoluble
de l'ensemble de l'univers, selon que toutes les choses se
rencontrent dans un ordre de l'univers qui demeure indissoluble, conformément
à une harmonie ou à un accord proportionné causé par Dieu dans l'univers
lui-même ; et c'est ce que Denys explique quand il ajoute : et qui
s'harmonise dans un accord parfait. En effet, l'harmonie n'est rien
d'autre qu'une union dans l’accord. Mais cette union dans l’accord est causé
dans les choses soit par une délibération, soit par la nature, c'est-à-dire
de telle manière que par délibération on renvoie à un accord volontaire chez
ceux qui sont doués de volonté et que par nature on renvoie à un accord qui
résulte de l'appétit naturel. Mais ce rassemblement harmonieux ou cette union
dans l’accord possède à la fois un ordre et une solidité ; c'est pourquoi, se
référant à l'ordre, il dit : à la fois unies et sans confusion, car
la confusion en effet supprime l'ordre : les choses qui sont unies sans
confusion sont celles qui sont unies les unes aux autres conformément à un
certain ordre. Et quant à la solidité, Denys ajoute : et contenues
indissolublement ; en effet, la solidité dans l'union des choses ne vient
pas de la multiplicité des choses unies, mais de la puissance de la cause
unique qui les contient et les rassemble dans l'unité. 909. Ensuite lorsqu'il dit (411) : Elle passe en
effet...il montre comment l'accord harmonieux dont il vient de parler est
établi dans les choses par la paix divine. Et il explique de trois manières
ce mode d'union : d'abord certes quant aux choses qui sont unies ;
deuxièmement, quant à l'union elle-même, là (412) où il dit : Et toutes...
; troisièmement, quant à la cause qui unit, là (413) où il dit : Il est
évident... 910. Il dit donc en premier que parce qu'on a dit
qu'il se tient dans les choses une liaison unique et indissoluble grâce à la
nature divine, parce que la paix de la totalité parfaite, c'est-à-dire
la paix qui vient de la cause parfaite universelle, selon qu'on appelle
totales les causes qui sont universelles, cette paix, dis-je, passe de la
cause première à tous les êtres, selon que la puissance unificatrice
de la cause première unifiante, c'est-à-dire qui produit l'unité dans
les choses, est présente à toute chose d'une manière qui est simple,
c'est-à-dire sans avoir à se multiplier ou à se diviser, et à se mélanger de
quelque manière, car elle ne se mélange pas aux choses mais elle est parfaitement
dégagée des choses conformément à son essence. Certes
cette paix divine passe dans toutes les choses et les unit
toutes en les ramenant toutes à un certain ordre, un ordre qui consiste
certes en ceci que des extrêmes sont unis à d'autres extrêmes par
des intermédiaires. Car les plus élevés s'insinuent dans les plus humbles
au moyen des intermédiaires et c'est par ces derniers que les plus humbles se
tournent vers les plus élevés pour recevoir d'eux ; et c'est ainsi que toutes
les choses sont liées conformément à une amitié connaturelle. Et
non seulement la paix divine unit les extrêmes au moyen des intermédiaires
mais elle va plus loin et c'est à Elle-même qu'elle unit toutes les choses,
dans la mesure où elle leur donne à toutes, même aux créatures les plus
humbles et à ce qu'il y a de plus humble dans chacune d'elles, de jouir de la
paix divine elle-même dans une mesure qui est conforme à leur nature ;
et c'est ce que Denys dit : et jusqu'aux limites les plus humbles de
chaque chose ; en effet, il n'y a rien dans les choses de si humble qui
ne participe pas de quelque don divin et qui à partir de là n'entretienne pas
une amitié naturelle à l'égard des autres créatures et ne soit pas ordonné à
Dieu comme à sa fin ultime qui consiste à trouver sa joie en Dieu. 911. Ensuite lorsqu'il dit (412) : Et les
faisant toutes s'allier...il montre, quant à la liaison ou à l’union
elle-même, quelle en est la modalité. Mais la nature d'une liaison trouve son
achèvement dans une certaine unité et c'est à cause de cela que le mode de
liaison doit se juger d'après le mode de l'unité. Mais il faut considérer que
l'unité est attribuée aux choses de plusieurs manières : en effet un être est
un simplement et conformément à lui-même comme lorsqu'on dit qu'une chose est
simplement une en elle-même et c'est à cet égard qu'il dit que la Paix divine
les fait toutes s'accorder à elles-mêmes par des unités. Mais
quand on dit qu'une chose est simplement identique, ce n'est pas en
elle-même, mais par rapport à quelque chose d'autre : ce qui a lieu soit par
la raison ou par le nom seulement, comme si nous disions que Marcus est
identique à Tullius par le vêtement qu'il porte, soit par la chose même,
comme si nous disions que Socrate est identique à Platon selon l'espèce et
que le cheval est identique au boeuf par le genre ; et sous ce rapport, Denys
dit : par des identités ; l'un en effet se dit absolument alors que
l'identique se dit relativement. En
fait il arrive à une chose de ne pas être une purement et simplement, mais
d'être comme le résultat d'un assemblage à partir de plusieurs éléments comme
il en est pour tout composé et à cet égard il dit : par des unions. Mais
il arrive qu'une chose ne soit appelée une ni simplement ni en elle-même,
mais en relation avec une autre, tout comme il en est pour l'unité de ce qui
est rassemblé et c'est pourquoi il ajoute : par des assemblages ; ce
qui est assemblé est plus éloigné en effet de la nature de l'unité que ce qui
est uni : car ce qui est uni peut être appelé un absolument bien qu'il ne le
soit pas simplement, alors que les éléments qui sont assemblés sont multiples
absolument et un seulement sous un certain rapport. Donc,
un accord indivisible est établi dans les choses par la paix divine selon
qu'elles poursuivent l'unité soit par mode d'unité simple, soit par mode
d'identité, soit par mode d'union, soit par mode d'assemblage. 912. Ensuite lorsqu'il dit (413) : Il est
évident... il montre la modalité de la liaison précédente du côté de la
cause qui lie ; et il dit que la liaison précédente est établie dans les
choses selon que la paix divine est d'abord certes considérée comme se tenant
immobile en elle-même ; mais elle est considérée en second lieu comme un
exemplaire par rapport auquel tout ce qui se rapporte à la paix
apparaît comme une copie ; troisièmement, elle est considérée selon qu'elle
transmet à toute chose sa ressemblance. C'est d'après cela en effet qu'on dit
qu'elle se répand en toute chose sans cependant rien
perdre de son identité propre. En
effet, la paix divine elle-même se communique à toute chose, conformément
au mode qui est propre à chacune, selon qu'elle se transmet à
chacune au moyen de sa ressemblance ; et cependant elle demeure au-dessus
de tout conformément à l'abondance de sa fécondité pacificatrice
car il y a en Dieu plus de puissance à produire la paix qu'il y en a dans les
choses à la recevoir et c'est pourquoi l'émanation de la paix du côté de Dieu
dépasse toute capacité dans les choses à la recevoir. Et bien que la
réception de la paix soit proportionnelle à la nature propre des choses,
puisque la Paix divine procède en toute chose selon l'émanation des effets,
cependant elle demeure immobile en elle-même, totalement une à
l'égard de sa totalité d'une manière qui transcende tout car il n'y a en
elle aucune diversité de parties qui empêcherait le tout de faire un avec le
tout. En effet, la ligne n'est pas une dans sa totalité car il faudrait pour
cela que chacune de ses parties soit une avec chacune des autres ; mais dans
les réalités qui sont simples le tout est un dans sa totalité. Denys ajoute
cependant : et elle est une dans sa totalité, car ce n'est pas par
participation qu'elle est une, mais par son essence ; en effet le point, bien
qu'il soit totalement un avec le tout, ce n'est pas en lui-même qu'il est un
tout, mais en l'unité dont il participe. Mais si l'unité elle-même subsistait
séparément, elle serait à la fois totalement une avec elle-même et c’est
d’elle-même qu’elle serait un tout. Et c'est ainsi qu'il faut entendre Dieu
qui est entièrement un dans sa totalité, complet en Lui-même par cela même
qu'il est un absolument et essentiellement. |
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LECTIO 3 [84891] In De divinis
nominibus, cap. 11 l. 3 Postquam Dionysius determinavit de pace, hic
movet dubitationem circa praedeterminata : dixerat enim supra, quod omnia
desiderant pacem ; hic circa hoc quaestionem movet : primo ergo movet
dubitationem ; secundo, solvit ; ibi : et si quidem et
cetera. Quaerit ergo primo quomodo possit dici quod omnia
desiderant pacem, cum multa sint quae in hoc gaudeant quod
sunt alia ab aliis discreta et propria sponte quiescere non volunt,
sed semper moveri desiderant. Cum autem ratio pacis in unitate et quiete
consistat, haec omnia rationi pacis adversari videntur. Deinde, cum dicit
: et si quidem et cetera, solvit propositam dubitationem,
secundum tres intellectus dubitationis propositae ; quorum primum, primo
prosequitur ; secundo, secundum ; ibi : si autem secundum casum et
cetera ; tertio, tertium ; ibi : si autem istos et cetera.
Circa primum, duo facit : primo, ponit solutionem ; secundo, manifestat eam ;
ibi : et est et mundae et cetera. Dicit ergo primo quod si
ille qui praemissam dubitationem movet, cum dicit quod multa gaudent
alteritate et discretione, intelligat de alteritate et discretione quae
competit unicuique secundum suam propriam naturam, per quam alia ab aliis
distinguuntur, quam quidem propriam naturam et distinctionem consequentem,
nulla res perdere vult, contra hunc intellectum non oportet
nos contradicere, sed dicemus quod desiderare talem discretionem est
desiderare pacem : per hoc enim omnia diligunt ad semetipsa pacem
habere et sibimetipsis uniri, quod volunt sua et
quae sunt suorum, idest suas proprias naturas et quaecumque ad eadem
pertinent, immobiliter et absque casu permanere. Per hoc autem quod id quod
est proprium uniuscuiusque rei conservatur, et servatur pax et unitas rei ad
seipsam. Unde sequitur quod desiderare discretionem quae consequitur propriam
naturam, est desiderare pacem. Deinde, cum dicit : et est et mundae et
cetera, manifestat praedictam solutionem per efficientiam divinae pacis :
praedictam enim discretionem in rebus statuere, ad divinam pacem pertinet,
unde non est contrarium desiderio pacis, si talis discretio desideretur. Hoc
est ergo quod dicit quod perfecta pax, scilicet divina conservat
proprietatem, idest propriam naturam singulorum, in sua munditia
et puritate, non permixtam extraneo, sed discretam ab eo. Et hoc quidem
pertinet ad providentiam Dei, secundum quod pacem rebus donat ; quam quidem
providentiam, pluraliter nominat propter diversas providentiae
participationes. Et hoc sic apparet : pertinet enim ad
providentiam Dei, secundum quod pacem facit in rebus, ut bellum a rebus
excludat quod adversatur paci. Bellum autem in rebus esset nisi confusio
tolleretur, quia una res non contineretur intra limites proprios, sed
quodammodo invaderet alienos. Sic igitur, per hoc quod divina providentia
servat omnia non bellantia et inconfusa et unumquodque ad
seipsum et diversas res ad invicem, statuit pacem in rebus ; et hoc est quod
subdit quod omnia, secundum stabilem et indeclinabilem virtutem,
statuit ad sui pacem et immobilitatem, idest ut immobiliter in
propria natura permaneant et sic ad se pacem habeant. Et quia iam solvit
dubitationem quantum ad hoc quod dictum erat quod multa gaudent et alteritate
et discretione, consequenter cum dicit : et si mota et
cetera, solvit eodem modo dubitationem, quantum ad hoc quod dictum est quod
multi non volunt sponte quiescere ; et dicit
quod si illa, in quorum natura est quod moveantur, non volunt quiescere,
sed volunt semper moveri proprio motu, hoc etiam desiderium
est pacis quae a Deo est in omnia derivata, per quam omnia
conservantur in seipsis, absque hoc quod cadant ab eo quod competit eis
secundum propriam naturam ; et per consequens, per divinam pacem conservatur
proprietas omnium mobilium et motivorum. Prima autem motiva sunt immobilia,
quia cum in mobilibus non sit procedere in infinitum, necesse est devenire ad
aliquod primum moventium immobile, ut probatur VIII physicorum. Primum
vero movens immobile, necesse est esse vivens, ut probatur in XII
metaphysicorum ; et ideo signanter dicit : et motivam vitam immobilem.
Sic autem custoditur per divinam pacem, proprietas mobilium et vita immobilis
motivorum, ut non excidant a naturali statu. Intantum autem conservatio
proprietatis mobilium et motivorum pertinet ad divinam pacem, inquantum ea
quae moventur, sic habent ad seipsa pacem et eodem modo se
habent in sua mobilitate, secundum quod operantur ea quae ad
ipsa pertinent : moveri enim est proprium opus mobilis, inquantum est mobile.
Quod autem propriam operationem retinet, habet ad se pacem. Unde patet quod
cum ea quae naturaliter moventur, volunt moveri semper et non quiescere,
pacem desiderant. Deinde, cum dicit : si autem secundum casum et
cetera, solvit dubitationem motam, quantum ad secundum intellectum
dubitationis ; et dicit quod si ille qui dubitationem movit, cum dixit quod
multa gaudent alteritate et discretione, non intellexit de alteritate et
discretione naturali, quae pertinent ad rationem pacis, sed intellexit de
alteritate et discretione secundum casum a pace, idest secundum
quod aliquid excidit ab unione in quo consistit ratio pacis et sic velit
probare quod pax non est omnibus amabilis, contra hunc opponentem sic erit
dicendum quod nihil est quod totaliter excidat ab omni unione, in qua
consistit ratio pacis. Et hoc sic probat : quia nullo modo potest esse
aliquid existens per se vel aliquid in existentibus, ut accidens vel pars,
quod omnino ceciderit ab unitione ; quem quidem casum quadruplicem per
quatuor loquitur : primo quidem quantum ad ipsum casum, cui opponitur statio,
secundum quod aliquid stat in naturali unitione ; et quantum ad hoc, dicit
: instabile. Deinde ea tangit ex quibus casus accidit : cadit
autem aliquid, dum tolluntur ea per quae stabat ; stat autem aliquid in
naturali unitione per tria : primo quidem, per terminum quo continetur ne
effluat ; nam et sicca continentur propriis terminis et humida continentur
terminis alienis et forma per quam unaquaeque res continetur in suo esse,
terminus dicitur ; et quantum ad hoc, dicit : interminatum.
Secundo, aliquid habet stationem per aliquod extrinsecum continens, sicut
corpora continentur loco ; et secundum hanc similitudinem, omne exterius
continens et non conservans, locus dici potest ; et quantum ad hoc, dicit
: incollocabile. Tertio, aliquid habet
stationem in sua propria operatione ex fine ; quia enim artifex habet finem
determinatum suae operationis, regulariter operatur secundum regulam finis ;
quod autem non habet finem determinatum, sed vagatur circa diversos fines,
oportet quod sit fluctuans et instabile circa propriam operationem ; et
quantum ad hoc dicit : indefinitum. Sic
ergo nihil totaliter excidit ab unitione pacis ; unumquodque autem appetit et
amat id quod est sibi conforme, refugit autem contrarium : impossibile enim
est esse aliquod ens quod totaliter unitionem refugiat et appetat alteritatem
et discretionem, quae est secundum casum a naturali pace. Deinde, cum dicit
: si autem istos et cetera, solvit dubitationem secundum
tertium intellectum, prout id quod dictum est quod multa sunt quae alteritate
et discretione gaudent, non referatur ad appetitum naturalem, ut in
praemissis, sed ad appetitum voluntarium. Et dicit quod si ille qui movet
dubitationem dicat illos homines inimicari paci et bonis eius, qui
gaudent in exterioribus litibus et interioribus
commotionibus animi quas vocat furores, quae duo pertinent ad divisionem paci
contrariam ; et iterum gaudent variationibus et instabilitatibus quae
videntur paci contrariari, et hoc quantum ad secundam partem dubitationis,
dicendum est quod tales etiam homines detinentur a desiderio pacis, secundum
quamdam obscuram similitudinem. Et hoc sic manifestat : tales enim homines
multum impugnantur a passionibus, quibus commoventur et sic per huiusmodi
passiones, eorum pax interior perturbatur. Huiusmodi ergo impugnationem
passionum ex desideriis pacis sedare volunt non sapienter, sed stulte. Putant
enim quod possunt habere interiorem pacem, implendo superflua et inordinata
sua desideria quae incitantur secundum varias passiones, sed per hoc magis
perturbantur, dum non possunt consequi delectationes a quibus detinentur :
impossibile est enim quod homo, superfluis et inordinatis desideriis
subiacens, omnia desiderata consequi possit ; et ideo tales, quaerentes
pacem, lites commovent ut sua desideria impleant. Et quia variis desideriis
subiacent, variationibus gaudent. Sapienter autem hanc impugnationem
passionum sedarent si, multa desideria reprimentes, ad unum desiderium verae
pacis converterentur. Deinde, cum dicit : quid dicat et
cetera, determinat de pace facta per Christi incarnationem, dicens quod
sufficiens aliquid dici non potest de pietate Dei quae effundit pacem in
mundum per Christum ; secundum quam pacem, iam liberati
a peccato didicimus, doctrina et exemplo Christi et interiori
spiritus sancti inspiratione, non facere bellum peccando
neque contra nosmetipsos neque discordando a sanctis Angelis, sed
per hanc pacem, secundum nostram virtutem,
operamur ea quae Dei sunt, simul cum sanctis Angelis ; et hoc, secundum
providentiam et gratiam Iesu qui operatur omnia
in omnibus et qui facit illam ineffabilem pacem quae
est ab aeterno praeordinata ; per quam pacem, reconciliamur ipsi Christo in
spiritu sancto, qui est spiritus dilectionis et pacis ; per ipsum Christum et
in ipso Christo, simul reconciliamur Deo patri. De his autem supernaturalibus
donis pertinentibus ad pacem factam per Christum, dictum est sufficienter in
libro de theologicis hypotyposibus et hoc secundum testimonia Scripturarum a
Deo inspiratarum ; et ideo hic de his breviter pertransivimus. |
Leçon 3 (58A) : Rejet de certaines objections et définition de la Paix réalisée par l'Incarnation du Christ.913. Après avoir traité de la paix, Denis présente
ici un doute relativement à ce qu'il vient d'établir : il avait dit en effet
plus haut (401 ; 886) que toute chose désire la paix alors qu'ici, il
soulève une question à ce sujet : donc en premier il soulève le doute et
deuxièmement il le résout là (415) où il dit : Et si quelqu'un... 914. Il demande donc en premier comment on
peut dire que toute chose désire la paix alors qu'ils sont nombreux
ceux qui se complaisent dans la différence et dans la division et qui ne
cherchent pas naturellement à se reposer dans les biens qui leur
sont propres et qui recherchent toujours le mouvement. Mais puisque la
nature de la paix consiste dans l'unité et dans le repos, toutes ces réalités
paraissent s'opposer à la nature de la paix. 915. Ensuite lorsqu'il dit (415) : Et si
quelqu'un...il résout le doute qu'il vient de présenter d'après trois
manières de le comprendre ; et d'abord, il présente la première ;
deuxièmement, il présente la seconde là (418) où il dit : Mais si on
entend dans le deuxième cas... ; troisièmement, il présente la troisième
là (419) où il dit : Mais si on répond que ceux-là... 916. Au sujet du premier point, il fait deux choses
: d'abord, il présente la solution ; deuxièmement, il l'explique là (416) où
il dit : Et elle est d'une pure... 917. Il dit donc en premier que si celui qui
présente ce doute, lorsqu'il dit qu'ils sont nombreux ceux qui se
réjouissent dans la différence et dans la division, entend par différence
et division ce qui appartient à chacun selon sa nature propre, au moyen de
laquelle chacun se distingue des autres, et qu'aucune chose ne veut perdre
en poursuivant cette nature propre ainsi que les attributs qui en découlent,
alors il ne faut pas que nous cherchions à contredire cette
conception, mais il nous faut plutôt dire que le fait de désirer une
telle distinction équivaut à désirer la paix : en effet, tous aiment
posséder la paix pour eux-mêmes et être unis à eux-mêmes par cela
même qu'ils désirent qu'eux-mêmes ainsi que ce qui leur appartient,
c'est-à-dire leur nature propre ainsi que tout ce qui s’y rapporte, demeurent
immuables et sans déchéance. Mais, par cela même que ce qui est propre à
chaque chose soit conservé, c'est à la fois la paix et l'unité de la chose à
l'égard d'elle-même qui sont préservées. D'où il suit que le fait de désirer
la distinction qui découle de sa nature propre, c'est désirer la paix. 918. Ensuite lorsqu'il dit (416) : Et elle est
d'une pure...il explique la solution qui précède au moyen de l'efficacité
de la paix divine : il revient à la paix divine d'établir dans les choses la
distinction qui précède ; d'où il suit que le désir d'une telle distinction
n'est pas contraire au désir de la paix. Et c'est ce que Denis dit, à savoir
que la paix parfaite, c'est-à-dire divine, conserve la propriété, à
savoir la nature qui est propre à chacun, dans sa netteté et sa pureté, non
pas mélangée, mais distincte de ce qui lui est étranger. Et cela certes
appartient à la Providence de Dieu selon qu'elle donne la paix aux choses ;
et cette Providence, il la nomme certes de plusieurs manières en raison des
différentes manières de participer de la Providence. Et
cela apparaît de telle manière : il revient en effet à la Providence de Dieu,
selon qu'elle produit la paix dans les choses, d'écarter des choses la guerre
qui s'oppose à la paix. Mais on rencontrerait la guerre dans les choses si la
confusion n'était pas enlevée, car une chose ne serait plus contenue à
l'intérieur de ses limites propres, mais elle envahirait d'une certaine
manière ce qui lui est étranger. Ainsi donc, c'est en préservant toutes
les choses du conflit et de la confusion, que ce soit chaque chose en
elle-même ou les différentes choses réciproquement les unes à l’égard des
autres, que la divine Providence établit la paix dans les choses ; et
c'est ce que Denys ajoute, à savoir que la Providence, selon une puissance
stable et indéfectible, établit toutes les choses dans leur paix et leur
repos afin qu'elles demeurent dans leur nature propre d'une manière
immuable et qu'ainsi elles soient en paix entre elles. 919. Et parce qu'il a déjà résolu le doute quant à
ce qui avait été dit, à savoir que nombreux sont ceux qui se réjouissent dans
la différence et la distinction, par la suite, lorsqu'il dit (417) : Et si
tout ce qui se meut...il résout de la même manière le doute quant à ce
qui a été dit, à savoir que nombreux sont ceux qui ne veulent pas
naturellement se reposer ; et il dit que si ceux-là, dont la nature est
de se mouvoir, ne veulent pas se reposer mais veulent toujours se
mouvoir par leur mouvement propre, ce désir aussi est
celui de la paix que Dieu répand en toute chose et grâce à laquelle toutes
les choses sont conservées en elles-mêmes sans déchoir de ce qui leur
convient conformément à leur nature propre ; et par conséquent, c'est grâce à
la paix divine que sont conservées les propriétés de tous les mobiles et de
tous les moteurs. Mais
les premiers moteurs sont immobiles car puisqu'on ne peut procéder à l'infini
dans les êtres mobiles, il est nécessaire d'en venir à un premier moteur
immobile ainsi qu'on le prouve au huitième Livre des Physiques. Mais
le premier moteur immobile doit être vivant ainsi qu'on le prouve au douzième
Livre des Métaphysiques ; et c'est à cause de cela qu'il dit avec
insistance : et le moteur vivant et immobile. Cependant c'est ainsi
que la nature propre des êtres mobiles et la vie immobile des moteurs sont
empêchées, grâce à la Paix divine, de déchoir de leur statut naturel. Mais
la conservation de la nature propre des mobiles et des moteurs relève
d'autant plus de la Paix divine que les choses qui se meuvent ont la paix en
elles et qu'elles se présentent toujours de la même manière dans leur mobilité selon qu'elles font les
choses qui leur reviennent en propre : le mouvement en effet est
l'opération propre de l'être mobile en tant que mobile. Et ce qui conserve
son opération propre se trouve dans la paix. D'où il apparaît que, puisque
les choses qui se meuvent naturellement veulent toujours se mouvoir et ne pas
se reposer, ces dernières désirent la paix. 920. Ensuite lorsqu'il dit (418) : Si cependant
c'est d'après une déchéance...il résout le doute présenté quant à la
deuxième interprétation qu'on peut avoir de ce doute ; et il dit que si celui
qui présente le doute, en disant que nombreux sont ceux qui se réjouissent de
la différence et de la division, n'entend pas par là une différence ou une
division qui serait naturelle, laquelle appartient à la nature de la paix,
mais entend plutôt par là une différence ou une division qui déchoit de la
paix, c'est-à-dire selon laquelle une chose se sépare de l'union dans
laquelle consiste la nature de la paix, et voudrait ainsi prouver que
la paix n'est pas désirée par tous, il faudra alors dire à l'encontre de
cette position qu'il n'y a rien qui puisse se couper totalement de
toute forme d'union en laquelle est établie la nature de la paix. 921. Et voici de quelle manière il prouve cela :
car en aucune façon il ne peut y avoir un être, soit existant par
lui-même soit existant dans un autre, comme un accident ou une partie,
qui se sépare totalement de l'union ; et par le nom de chute on peut entendre
quatre choses : et d'abord certes on parle de la chute à laquelle s'oppose la
stabilité d'après laquelle un être demeure dans son union naturelle ; et
quant à cela, Denys dit : instable. Ensuite
il pointe ce à partir de quoi la chute se produit : une chose déchoit lorsque
disparaît ce grâce à quoi elle se tenait stable ; et une chose est stable
dans son union naturelle grâce à trois causes : la première est le terme qui
la conserve pour qu'elle ne disparaisse pas ; car les chose qui sont sèches
sont conservées par des termes qui leur sont propres et les humides par des
termes différents, et la forme, au moyen de laquelle toute chose est
conservée dans son être, s'appelle un terme ; et quant à cela, il dit : indéfini.
Deuxièmement, une chose possède sa stabilité au moyen d'un contenant externe,
tout comme les corps qui sont contenus dans un lieu ; et d'après cette
comparaison, tout contenant externe et qui ne conserve pas peut être appelé
lieu ; et par rapport à cela, Denis dit : sans lieu. Troisièmement,
une chose tient de la finalité la permanence qu'elle possède dans son
opération propre ; en effet, parce que l'artisan se fixe une finalité
déterminée dans son opération, il agit uniformément et conformément aux
règles qui en découlent ; mais celui qui ne possède pas de finalité
déterminée dans son opération mais qui erre ici et là relativement à des fins
diverses doit nécessairement être changeant et instable dans ses opérations ;
et quant à cela, il dit : sans fin. Ainsi
donc, il n'y a rien qui se sépare totalement de l'union de la paix ; mais
chacun aime et désire ce qui est conforme à sa nature et repousse ce qui lui
est contraire : en effet, il est impossible qu'il existe un être qui repousse
totalement l'union et qui désire la différence et la division qui est une
séparation de la paix naturelle. 922. Ensuite, lorsqu'il dit (419) : Mais si on
répond que ceux-là...il résout le doute quant à sa troisième
interprétation, dans la mesure où ce qui a été dit plus tôt, à savoir que
nombreux sont ceux qui se réjouissent dans la différence et la division, ne
se rapporte pas à l'appétit naturel comme dans les cas précédents, mais à
celui de la volonté. Et il dit que si celui qui avance ce doute dit qu'ils sont
rendus ennemis de la paix et de ses biens, ces hommes qui se
complaisent dans les querelles extérieures et dans les agitations
intérieures de l'âme qu'il appelle des délires et qui se rapportent toutes
deux à une division qui est contraire à la paix, et qui de plus se
réjouissent dans des changements et des instabilités qui semblent
contraires à la paix si on se réfère à la deuxième interprétation du doute,
il faut alors dire que c'est suite à une apparence trompeuse que de tels
hommes sont encore détournés du désir de la paix. Et
c'est de cette manière qu'il manifeste cela : de tels hommes en effet sont beaucoup
assaillis par les passions par lesquelles ils sont considérablement
ébranlés et ainsi c'est par elles que leur paix intérieure est troublée.
Donc, un tel tumulte des passions suscité à partir de leurs désirs, ce n'est
pas avec sagesse mais avec sottise qu'ils veulent l'apaiser.
Ils croient en effet qu'ils peuvent avoir une paix intérieure en comblant
leurs désirs excessifs et désordonnés qui sont excités par des passions
diverses alors qu'ils sont plutôt troublés du fait qu'ils ne peuvent obtenir
les délectations par lesquelles ils sont détournés de la vraie paix : il est
en effet impossible que l'homme puisse acquérir tout ce qu'il désire en étant
assujetti à des désirs excessifs et désordonnés ; et c'est pourquoi de tels
hommes, en croyant rechercher la paix, provoquent des querelles pour
satisfaire leurs désirs. Et c'est parce qu'ils sont soumis à des désirs
variés qu'ils se complaisent dans ces changements. Mais
c'est avec sagesse qu'ils apaiseraient le tumulte des passions si, en
contenant leurs nombreux désirs, ils se tournaient vers l'unique désir de la
vraie paix. 923. Ensuite lorsqu'il dit (420) : Que ne
dirait-on...il traite de la paix réalisée par l'incarnation du Christ en
disant qu'on ne peut en dire assez au sujet de la tendresse de Dieu qui
répand la paix dans le monde au moyen du Christ ; conformément à cette
paix, déjà libérés du péché, nous avons appris, par la
doctrine et l'exemple du Christ et par l'inspiration intérieure de
l'Esprit-Saint, à ne faire la guerre ni en nous rendant coupables en
nous-mêmes et entre nous, ni en nous opposant aux saints Anges, mais à
faire, grâce à cette paix, les oeuvres qui sont de Dieu selon nos capacités
tout comme le font les bons Anges ; et cela, conformément à la providence
et à la grâce de Jésus qui réalise tout en toute chose et qui
produit cette paix indicible qui est réglée à l'avance de toute
éternité ; et grâce à cette paix, nous sommes réconciliés par le Christ
lui-même dans l'Esprit-Saint qui est l'Esprit d'amour et de paix ; et
c'est par et dans le Christ lui-même que nous sommes en
même temps réconciliés avec Dieu le Père. 924. Mais nous avons suffisamment parlé, dans
le livre intitulé Des divines Hypotyposes, de ces dons surnaturels qui
relèvent de la paix réalisée par le Christ, et nous l'avons fait conformément
au témoignage des Écritures inspirées par Dieu ; et c'est pourquoi c'est avec
brièveté que nous les avons considérés ici. |
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LECTIO 4 [84892] In De divinis
nominibus, cap. 11 l. 4 Postquam determinavit Dionysius de pace quae in
rebus constituitur per dona divina, hic determinat de ipsis divinis
perfectionibus, secundum quod per se in abstracto considerantur ; et circa
hoc, tria facit : primo, movet dubitationem ; secundo, solvit eam, ibi
: et primum quidem et cetera ; tertio, solutionem per dicta
aliorum confirmat, ibi : et quid oportet ? Est ergo circa
primum sciendum quod Timotheus in quadam epistola ad Dionysium scripta, de
duobus in ea interrogaverat : primo, quidem, quid sit per se vita et per se
sapientia : talibus enim frequenter Dionysius utitur, ut in praecedentibus
patet. Secundo, Timotheus in eadem epistola dixerat se dubitasse quomodo
Dionysius quandoque dicebat Deum esse per se vitam quandoque, autem, Deum
esse causam per se vitae ; et ideo dicit Dionysius quod Timotheum ab
hac dubitatione liberare voluit, quantum in ipso fuit. Deinde, cum
dicit : et primum et cetera, solvit motas dubitationes ; et
primo, secundam : ostendens quomodo Deus sit per se vita et causa per se
vitae ; secundo, solvit primam : ostendens quid sit per se esse et per se
vita ; ibi : dicis autem et cetera. Dicit ergo primo quod
non vult nunc assumere dicta, quasi dicta simpliciter ; et ideo,
quia per se vita non dicitur simpliciter, sed multipliciter, non est
contrarium quod dicamus Deum per se vitam aut per se
virtutem ; et iterum quod dicamus eum substantificatorem,
idest creatorem per se vitae aut per se pacis aut per
se virtutis. Esset autem contrarium, si ista non multipliciter
dicerentur. Cum enim dicimus Deum esse substantificatorem per se vitae et
huiusmodi, laudamus eum sicut causam omnium
existentium ex illis existentibus quae maxime et primo existunt.
Manifestum est enim quod per se vita est prius quam vivens et sic de aliis.
Unde, si Deus est causa horum primorum, est causa omnium. Cum vero dicimus
Deum esse per se virtutem aut per se vitam, laudatur Deus sicut existens
super omnia et super ea quae sunt prima inter omnia dicitur per se vita, per
quemdam excessum. Deinde, cum dicit : dicis autem et cetera,
solvit primam dubitationem, scilicet quid sit per se vita ; et primo, repetit
quaestionem ; secundo, excludit falsum intellectum ; ibi : hoc autem et
cetera ; tertio, determinat veritatem ; ibi : sed per se esse et
cetera. Proponit ergo primo, ex persona Timothei, quid significetur cum
dicitur per se esse aut per se vita et quaecumque alia
huiusmodi et dicit signanter : absolute, idest abstracte et
principaliter, idest sicut principia aliorum ; nam per se vita significat
principia viventium. Deinde, cum dicit : hoc autem et
cetera, excludit erroneum intellectum. Ad cuius evidentiam sciendum est quod
Platonici, ponentes ideas rerum separatas, omnia quae sic in abstracto
dicuntur, posuerunt in abstracto subsistere causas secundum ordinem quemdam ;
ita scilicet quod primum rerum principium dicebant esse per se bonitatem et
per se unitatem et hoc primum principium, quod est essentialiter bonum et
unum, dicebant esse summum Deum. Sub bono autem ponebant esse, ut supra
dictum est et sub esse ponebant vitam et sic de aliis. Et ideo dicebant sub
summo Deo, esse quamdam divinam substantiam quae nominatur per se esse et sub
hac aliam, quae nominatur per se vita. Hoc ergo excludere intendens, dicit quod
id quod supra dixerat, quod per se esse et per se vita primo a Deo subsistunt,
non est aliquid erroneum, sed est rectum et
planas manifestationes habens : non enim nominamus per
se esse aliquam substantiam divinam aut angelicam, quae
sit causa essendi omnibus ; addit autem angelicam, quia quos Platonici deos
secundos dicebant, nos Angelos nominamus. Solum enim ipsum esse
supersubstantiale divinum est principium et substantia et
causa quod omnia existentia sint : ut hoc quod dicit principium referatur
ad ordinem naturae, secundum quod esse divinum praecedit omnia entia ; substantia,
vero, importet rationem exemplaris : id enim cuius substantia est suum esse,
est exemplar omnium existentium ; quod autem dicitur causa pertinet
ad hoc quod dat esse existentibus. Similiter autem cum dicimus per se vitam,
non intelligimus quamdam deitatem causativam vitae, quae sit alia praeter
vitam summi Dei, qui est causa omnium quae vivunt et etiam ipsius per se
vitae. Et ut in summa omnia colligamus, non dicimus esse aliquas essentias et
hypostases separatas quae sint principia rerum et creatrices earum, quas
Platonici dixerunt esse deos existentium et creatores, quasi per se operantes
ad rerum productionem. Huiusmodi autem deos, si vere et proprie loqui
volumus, dicamus non existere in rebus ; neque illi
qui tales deos posuerunt, per aliquam certitudinem scientiae hoc invenerunt
aut ipsi aut patres eorum ; quia neque primi
Platonici neque posteriores, huius rei scientiam per certas et firmas
scientias accipere potuerunt, sed per quasdam humanas rationes decepti sunt
ad opinandum. Deinde, cum dicit : sed per se esse et cetera,
excluso errore, solvit secundum veritatem ; et dicit quod per se esse
et per se vita et huiusmodi, dupliciter dicuntur : uno modo,
dicuntur de Deo qui est unum supersubstantiale principium omnium et
causa ; et dicitur Deus per se vita vel per se ens, quia non vivit
participatione alicuius vitae neque est per participationem alicuius esse,
sed ipse est suum vivere et sua vita et excedens omne esse et omnem vitam
quae participatur a creaturis et existens principium vivendi et essendi
omnibus. Alio autem modo, per se esse et per se vita dicuntur virtutes vel
perfectiones quaedam secundum providentiam unius Dei imparticipabilis datae
creaturis ad participandum. Licet enim Deus, qui est harum virtutum
principium, in se imparticipabilis maneat et per consequens non participetur,
tamen dona ipsius dividuntur in creaturis et partialiter recipiuntur, unde et
participari dicuntur a creaturis ; et secundum quod participantur
secundum proprietatem uniuscuiusque participantium, secundum
hoc participantia et sunt et dicuntur ex natura existentia,
inquantum participant esse ; et viventia, inquantum participant
vita ; et divina inquantum participant deitate ; et simile
est de aliis. Et quia principium imparticipatum, causa est et participationum
et participantium, ideo Deus et participationum et participantium substantificator est.
Participationes autem ipsae tripliciter considerari possunt : uno modo
secundum se, prout abstrahunt et ab universalitate et a particularitate,
sicut signatur cum dicitur : per se vita ; alio modo considerantur in
universali, sicut dicitur vita totalis vel universalis ; tertio modo in
particulari, secundum quod vita dicitur huius vel illius rei. Similiter et
participantia dupliciter considerari possunt : uno modo in universali, ut si
dicatur vivens universale vel totale ; alio modo, in particulari, ut si
dicatur hoc vel illud vivens. Et horum omnium Deus causa est ; et hoc est
quod dicit quod bonus, idest Deus primo quidem dicitur
esse substantificator ipsorum, scilicet per se vitae et per se esse et
huiusmodi, prout per se et absolute consideratur ; postea, totorum
ipsorum, idem universalis esse et similium ; postea particularium
ipsorum, ut particularis esse vel particularis vitae ; postea
totaliter participantium ipsis, viventis universalis et existentis
universalis ; postea particulariter ipsis participantium, ut
huius vel illius entis aut viventis. Deinde cum dicit : et quid
oportet et cetera, confirmat solutionem propositam per dicta aliorum
et dicit quod non oportet de praemissis dubitare, cum aliqui ex doctoribus
divinae et Christianae religionis, sicut Hierotheus et alii apostolorum
discipuli, hoc ipsum dicant, scilicet quod bonitas et deitas omnibus
supereminens, est causa ipsius per se deitatis et bonitatis,
nominantes per se bonitatem quoddam donum ex Deo
proveniens per quod entia sunt bona ; et per se deitatem quoddam
Dei donum, per quod aliqui fiunt participative dii ; et similiter nominant per
se pulchritudinem, ipsam effusionem pulchritudinis per
quam causatur et universalis et particularis pulchritudo in rebus et per quam
fiunt aliqua et universaliter et particulariter pulchra. Et similiter est
dicendum de omnibus aliis quaecumque dicuntur secundum
eumdem modum, quibus demonstrantur dona divinitus provisa et
bonitates participatae ab entibus creatis, quae
procedunt copiosa effusione et supermanant a Deo qui
est imparticipabilis, cum ipse non fiat pars alicuius ; ita quod ipse, qui
est causa omnium, perfecte sit super omnia et
ipse Deus, qui est supersubstantialis et supernaturalis, excedat omnem substantiam
et naturam, inquantum neque participat neque participatur, sed remanet in
sua puritate simplex et indivisus. |
Leçon 4 (59A) : Des perfections divines, selon qu'on les considère en elles-mêmes et universellement.925. Après avoir traité de la paix qui est établie
dans les choses par les dons divins, Denys traite ici des perfections divines
elles-mêmes en les considérant en elles-mêmes et séparément ; et à ce sujet
il fait trois choses : d'abord, il avance une difficulté ; deuxièmement, il
la résout là (422) où il dit : Et en premier certes... ;
troisièmement, il confirme sa solution par des paroles de d'autres personnes
là (426) où il dit : Et que faut-il ? 926. Pour ce qui est du premier point, il faut
savoir que Timothée, dans une lettre écrite à Denys, l'avait interrogé au
sujet de deux choses : d'abord, certes il lui avait demandé ce qu'est la vie
par soi et la sagesse par soi ; en effet, Denys se sert fréquemment de telles
expressions ainsi que nous l'avons vu précédemment. Timothée avait dit dans
cette lettre qu'il se demandait comment Denis pouvait dire parfois que Dieu
est la vie par soi et parfois cependant que Dieu est la cause de la
vie par soi ; et c'est à cause de cela que Denys dit que Timothée voulut
être libéré de ce doute tant qu'il fut en lui. 927. Ensuite lorsqu'il dit (422) : Et en premier...il
résout les doutes avancés et il le fait d'abord pour le deuxième en montrant que
Dieu est à la fois la vie par soi et la cause de la vie par soi ;
deuxièmement, il résout le premier en montrant ce que sont l'être par soi et
la vie par soi, là (423) où il dit : Tu dis cependant... 928. Il dit donc en premier qu'il ne veut pas
prendre maintenant ces paroles comme si elles devaient s'entendre
d'une seule manière ; et c'est à cause de cela, parce que la vie par soi ne
s'entend pas d'une seule manière mais de plusieurs, qu'il n'y a pas
de contradiction à dire que Dieu est la vie par soi ou la puissance
par soi et de dire par ailleurs qu'il en est la cause efficiente,
c'est-à-dire le créateur de la vie, de la paix ou de la puissance
par soi. Mais il y aurait contradiction si ces expressions ne se disaient
pas en plusieurs sens. En
effet, lorsque nous disons que Dieu est la cause efficiente de la vie par soi
et des autres réalités de ce genre, nous le louons comme étant la
cause de tous les êtres à partir de ces êtres qui
existent en premier et de la manière la plus excellente. Il est
évident en effet que la vie par soi est antérieure au vivant et qu'il en est
de même du reste. D'où il suit que si Dieu est la cause de ces principes qui
sont premiers, il est la cause de tout ce qui existe. Mais quand nous disons
que Dieu est la puissance par soi ou la vie par soi, Dieu est célébré comme
une substance qui transcende tout ce qui existe et quand on l'appelle
vie par soi, en raison de son excellence, on le loue comme transcendant même
ce qui est premier parmi tous les êtres. 929. Ensuite lorsqu'il dit (423) : Tu dis
cependant...il résout le premier doute qui se rapporte à la définition de
la vie par soi ; et d'abord, il rappelle la question ; deuxièmement, il en
écarte une mauvaise interprétation là (424) où il dit : Cela cependant...
; troisièmement, il établit la vérité là (425) où il dit : Mais l'être par
soi... 930. Il présente donc en premier, à partir de la
personne de Timothée, ce qu'on entend lorsqu'on parle de l'être par soi ou
de la vie par soi ou des autres expressions de la sorte et il dit
d'une façon claire : tels qu’on les entend absolument ou en elles-mêmes,
c'est-à-dire séparément et originellement, c'est-à-dire comme
principes de tout le reste ; car la vie par soi désigne le principe des
vivants. 931. Ensuite, lorsqu'il dit (424) : Cela
cependant...il écarte une fausse interprétation. Pour manifester cela il
faut savoir que les Platoniciens, en affirmant l'existence des idées
séparées, croyaient que tout ce qui était dit universellement subsistait
séparément comme cause selon un certain ordre ; c'est-à-dire qu'ils disaient
ainsi que le premier principe des choses est la bonté par soi et l'unité par
soi, et que ce premier principe, qui est le bien et l'un dans leur essence
même, est le Dieu le plus grand. Et sous le bien ils plaçaient l'être ainsi
que nous l'avons dit plus haut (633-635) et sous l'être ils plaçaient
la vie et ainsi de suite. Et c'est pourquoi ils disaient que sous le plus
grand Dieu, il y a une substance divine qui s'appelle l'être par soi et que
sous cette dernière il y en a une autre qui s'appelle la vie par soi. 932. Cherchant donc à rejeter cette position, Denys
dit que ce qu'il a affirmé plus haut (422), à savoir que l'être par soi et
la vie par soi sont ce qui subsiste en premier grâce à Dieu,
cela n'est pas faux mais vrai et s'appuie sur des évidences claires : en
effet, en parlant de l'être par soi, nous ne désignons pas
une substance divine ou angélique qui serait la cause de
l'existence de toute chose ; et il ajoute ici le mot angélique car ce que les
Platoniciens appelaient des dieux secondaires, nous les appelons des Anges. En
effet, seul l'être supra-substantiellement divin lui-même est
le principe, la substance et la cause qui fait exister tous les êtres
: de telle manière qu'en disant principe il renvoie à l'ordre de
nature selon lequel l'être divin précède tous les êtres ; en disant substance,
il renvoie de fait à la notion de modèle : en effet, ce dont la substance est
son être même est le modèle de tout ce qui existe ; en disant cause,
il renvoie à ce qui donne l'existence aux choses. De la même manière, lorsque
nous parlons de la vie par soi, nous n'entendons pas par là une sorte de
divinité qui serait la cause de la vie, qui serait différente et
qui existerait indépendamment de la vie du plus grand Dieu, lequel est la
cause à la fois de tous les vivants et aussi de la vie par
soi elle-même. 933. Et en somme, pour conclure tout cela, nous ne
disons pas qu'il existe des essences et des substances séparées qui seraient
les principes créateurs des choses et que les Platoniciens disaient
être les dieux créateurs des choses, comme si c'était par
elles-mêmes qu'elles agissaient dans la production des choses. Mais si
nous voulons parler dans la vérité et dans des termes appropriés, nous
devons dire que de tels dieux n'existent pas dans la réalité et
que ceux qui l'ont prétendu ne l'ont pas l'établi avec la certitude de la
science, ni eux ni leurs pères ; car ni les premiers
Platoniciens ni ceux qui les ont suivis ne purent en acquérir la science au
moyen de procédés scientifiques certains et solides mais c'est par des
réflexions humaines qu'ils s'égarèrent en le croyant. 934. Ensuite lorsqu'il dit (425) : Mais l'être
par soi...après avoir écarté cette erreur, il résout en établissant la
vérité ; et il dit que l'être par soi et la vie par soi, tout
comme le reste, se disent de deux manières : premièrement, ils peuvent se
dire de Dieu qui est le principe et la cause unique et
supra-substantielle de tout ; et on dit que Dieu est la vie par soi ou
l'être par soi parce que ce n'est pas en participant d'une autre vie qu'il
vit ni en participant d'un autre être qu'il est, mais Lui-même est son acte
même de vivre et sa propre vie qui transcende tout être et toute vie dont les
créatures participent, et Il existe en tant que principe de vie et
d'existence pour tous les êtres. Deuxièmement, on dit que l'être par soi
et la vie par soi sont des puissances ou des perfections qui sont
données par la providence du Dieu unique et incommunicable aux créatures qui
en participent. En effet, bien que Dieu, qui est le principe de ces
puissances, demeure en Lui-même incommunicable et ne puisse faire l'objet
d'aucune participation, cependant ses dons sont distribués aux créatures pour
qu'elles y prennent part en les recevant ; et c'est de là qu'on dit que les
créatures participent de ces dons ; et selon que les créatures participent de
ces dons conformément à la nature qui leur est propre, c'est suite à cela que
ces créatures sont des êtres et qu'ils sont appelés ainsi
parce qu'ils participent de la nature de l'être, qu'ils sont des vivants
et qu'ils sont appelés ainsi parce qu'ils participent de la nature de la vie,
et divins parce qu'ils participent de la nature de la divinité ; et il
en est de même pour le reste. Et parce que le principe qui n'est pas
participable est la cause à la fois des participations, c'est-à-dire des dons
dont les créatures participent, et des participants, c'est-à-dire des
créatures qui en participent, c'est à cause de cela que Dieu est le
créateur qui donne leur substance à la fois aux participations et à ceux
qui en participent. 935. Mais les participations elles-mêmes peuvent
s'entendre de trois manières : d'abord, selon qu'on les voit en elles-mêmes
pour autant qu'elles se distinguent à la fois de l'universel et du particulier
comme on les désigne en disant par exemple : la vie par soi ; ensuite, selon
qu'on les considère comme des universels, comme lorsque l'on parle de la vie
dans sa totalité ou son universalité ; enfin, selon qu'on les considère comme
des cas particuliers comme lorsque l'on parle de ce vivant-ci ou de cet
autre. 936. De la même façon les participants peuvent être
considérés de deux manières : d'abord universellement, comme lorsque nous
parlons du vivant dans sa totalité ou son universalité ; deuxièmement en
particulier comme lorsque nous parlons de ce vivant-ci ou de cet autre. 937. Et Dieu est la cause de toutes ces
participations et de tous ces participants et c'est ce que Denys dit, à
savoir que le bien, Dieu lui-même, est certes en premier lieu le créateur
qui donne leur substance à ces participations que sont la vie par soi et
l'être par soi dans la mesure où ils sont considérés en eux-mêmes et
séparément ; par la suite, à ces ensembles eux-mêmes comme l'être dans
sa totalité et ainsi de suite ; ensuite à leurs parties elles-mêmes
comme telle forme d'être ou de vie particulière ; ensuite à tous ceux-là
mêmes qui en participent comme totalité comme la totalité des vivants et
des êtres ; enfin à tous ceux-là mêmes qui en participent en
individuellement comme ce vivant-ci ou cet être-ci. 938. Ensuite lorsqu'il dit (426) : Et que
faut-il...il confirme la solution qu'il vient de présenter au moyen de
paroles d'autres personnages et il dit qu'il ne faut pas douter de ce qui
précède puisque c'est cela même qu'affirment certains des docteurs de la
divine et chrétienne religion, comme Hiérothée et d'autres disciples des
Apôtres, à savoir que la bonté et la Divinité qui dépasse tout est la cause
de la divinité et de la bonté par soi elle-même, désignant par le nom de
bonté par soi un don provenant de Dieu au moyen duquel les êtres sont
bons ; et par le nom de divinité par soi un don provenant de
Dieu au moyen duquel certains deviennent des dieux par participation ; et de
même par le nom de beauté par soi il désigne l'effusion même de
la beauté au moyen de laquelle la beauté totale et la beauté partielle sont
causées dans les choses et au moyen desquelles certains se voient attribuer la
beauté dans sa totalité, d'autres en partie. Et
c'est de la même manière qu'il faut parler de toutes les autres
caractéristiques par soi car elles sont toutes, s'entendant selon
le même mode, ce par quoi se manifestent les dons pourvus par Dieu et
les bontés dont les êtres créés participent et qui procèdent abondamment
d'une effusion dont Dieu est la source et qui persistent grâce à
Lui dont rien ne peut participer car il ne devient partie de rien : et il en
est ainsi parce que Lui-même, qui est la cause de tous les êtres, se
tient parfaitement au-dessus de tous et que Dieu lui-même, qui est
supra-substantiel et surnaturel, transcende toute substance et
toute nature selon qu'il ne participe d'aucune et qu'il n'est participé
par aucune, mais demeure simple et indivisible dans sa pureté. |
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CAPUT 12 |
Chapitre 12 - Le Saint des Saints ; le Roi des rois ; le Seigneur des seigneurs ; le Dieu des
dieux.
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[84893] In De divinis
nominibus, cap. 12 Postquam Dionysius exposuit divina nomina per
quae significatur emanatio perfectionum a Deo in creaturas, hic exponit
nomina Dei quae designant rerum gubernationem ; in qua quidem gubernatione,
sunt quatuor attendenda : primo quidem, divinae cognitionis providentia, ad
quam pertinet nomen deitatis ; secundo, potestas exequendi sapientiae divinae
ordinationem, ad quam pertinet nomen dominationis ; tertio, ipsa executio
gubernationis, ad quam pertinet nomen regis ; quarto, gubernationis effectus,
qui est munditia ab omni inordinatione et ad hoc pertinet nomen sanctitatis ;
unde in hoc capitulo agit de sancto sanctorum ; rege regum ; domino dominorum
; Deo deorum, ut patet ex titulo. Similiter etiam ex ipso modo loquendi quo
dicitur : sanctus sanctorum vel rex regum, quaedam gubernationis praesidentia
designatur. Circa hoc ergo duo facit : primo, dicit de quo est intentio ;
secundo, exequitur propositum, ibi : igitur sanctitas et
cetera. Dicit ergo primo quod quia, secundum suum arbitrium, ad convenientem
finem adducta sunt quae de praemissis dicere oportebat, conveniens
est ut Deum qui infinitis modis nominari potest in suis effectibus, laudemus
nunc sicut sanctum sanctorum, secundum illud Daniel. 9, secundum
aliam litteram : cum venerit sanctus sanctorum ; et sicut regem regum,
secundum illud Apocal. 19 : habet in vestimento et in femore suo
scriptum : rex regum et dominus dominantium ; et regnatorem saeculorum,
secundum illud Psalm. 144 : regnum tuum, regnum omnium saeculorum ;
et in saecula et adhuc, secundum illud Exod. 15 : dominus
regnabit in aeternum et ultra ; et sicut dominum dominorum, ut est ex
Apocalypsi introductum ; et Deum deorum, secundum illud
Psalmistae, Psalm. 49 : Deus deorum dominus locutus est. Has enim
laudes divinas in Scripturis positas, in hoc capitulo exponere intendit.
Circa horum autem expositionem sic procedere intendit, ut primo dicat quid
sit per se sanctitas ; et quid regnum ; et quid dominatio ; et quid deitas ;
deinde, quid intendunt Scripturae demonstrare per huiusmodi nominum
duplicitatem, cum dicitur sanctus sanctorum vel Deus deorum. Deinde, cum
dicit : igitur sanctitas et cetera, exequitur intentum de
praemissis ; et primo, manifestat primum, scilicet per unumquodque
praedictorum quid sit intelligendum ; secundo, manifestat secundum, scilicet
causam praedictae reduplicationis in Scripturis ; ibi : quoniam autem et
cetera. Circa primum, duo facit : primo, ostendit quid sit unumquodque
praedictorum, secundum se consideratum ; secundo, qualiter Deo attribuantur ;
ibi : igitur haec et cetera. Circa primum, quatuor exponit :
primo exponit quid sit sanctitas ; et dicit quod, secundum nostram
acceptionem, per sanctitatem intelligitur munditia quae est libera ab
omni immunditia et perfecta et immaculata ; in quibus verbis, tres gradus
munditiae designantur qui ad sanctitatem requiruntur : quorum primus est
libertas ab omni immunditia ; servus autem immunditiae existit
qui totaliter ab immunditia vincitur et ei subiicitur. Primus ergo gradus
munditiae est ut aliquis ab huiusmodi servitute immunditiae liberetur.
Secundus autem gradus est ut sit munditia perfecta : perfectum
enim est cui nihil deest ; contingit autem quandoque quod aliquis immunditiae
quidem non subiacet, deest tamen sibi aliquid ad munditiam, inquantum
passionibus immunditiae inquietatur quae, cum tolluntur, fit perfecta
munditia. Tertius gradus munditiae est ut sit omnino immaculata ;
maculari enim dicitur quod non ab intrinseco, sed ab extrinseco inquinatur. Erit ergo omnino immaculata munditia, cum non solum in seipso aliquis
puritatem habet, sed etiam nihil est exterius, quod eum ad immunditiam
trahere possit. Et in his tribus munditiae gradibus, ratio sanctitatis perfecte
consistit. Deinde, cum dicit : regnum autem et cetera,
ostendit quid sit regnum ; nomen autem regni a regendo est assumptum : in
omni autem directione, primo, considerandus est finis ad quem dirigens
perducere intendit ; secundo, consideranda est facultas perveniendi ad finem
; tertio, consideranda est regula per quam aliquid directe ad finem
perducitur, quae quidem regula, in humanis actibus, lex vocatur ; quarto
vero, consideranda est proportio eius quod ad finem perducitur, ad finem
ipsum : non enim quodlibet natum est consequi quemlibet finem. Quia
vero per nomen regni datur intelligi non unius tantum directio, sed totius
multitudinis humanae, quae quidem non est uniformis, sed habens multas
varietates secundum diversas hominum conditiones et diversa officia, quae ad
bonum statum multitudinis pertinent, ideo, quamvis sit unus communis totius
multitudinis finis, tamen sunt multi et differentes diversorum fines
particulares ; puta : medici, sanitas ; militis, victoria ; oeconomici,
divitiae ; et sic de aliis. Ad consequendum autem diversos fines, necesse est
homines diversas facultates habere ex diversis bonis quibus oriuntur et
diversis legibus regulari : aliae enim leges imponendae sunt militi ; aliae
emptori ; aliae venditori ; et sic de aliis. Similiter ad diversos fines
diversi ordines hominum instituendi sunt : non enim decet eosdem esse milites
et negotiatores, ne per confusionem impediantur officia. Quia igitur rex est
qui regendae multitudinis curam habet, ad eum pertinet, primo quidem distribuere
fines ut nihil necessariorum multitudini desit ; ad eum etiam pertinet
distribuere bonorum ornatus et distribuere leges ut scilicet singuli propriis
legibus regulentur ; ad eum etiam pertinet distribuere ordines officiorum ;
et hoc est quod dicit quod regnum est distributio
finis et ornatus et legis et ordinis. Deinde, cum dicit : dominatio
autem et cetera, ostendit quid sit dominatio, ad quam tria
requiruntur : primo quidem, superioritas gradus. Esset autem indecens aliquem
esse in superiori gradu, nisi et bonis potioribus abundaret ; et ideo,
secundo, requiritur bonorum abundantia. Quae etiam non sufficeret nisi,
tertio, adesset potestas continendi et coercendi subditos, alioquin excessus
secundum bonorum abundantiam faceret ditiorem vel meliorem, non autem dominum
; et ideo, tertio, requiritur potestas regendi subditos. Hoc est ergo quod
dicit quod dominatio non tantum est excessus peiorum, idest
inferiorum quod pertinet ad sublimitatis gradum, sed etiam
est perfecta et omnimoda possessio et pulchrorum et bonorum ;
dicit autem : pulchrorum et bonorum : non solum enim oportet eum
qui dominatur abundare in bonis, sed etiam, ad hoc quod in reverentia
habeatur, oportet illa bona esse conspicua, quod ad rationem pulchritudinis
pertinet. Dicit autem : omnis perfecta et omnimoda possessio, ut
omnia bona habeat et unumquodque eorum quae habet sit perfectum et ut plene
habeat et non debiliter. Quantum vero ad tertium, dicit : et vera et
cadere non valens fortitudo ; quod potest exponi vel de fortitudine
virtutis interioris, quae est vera fortitudo ad ea quae sunt hominis et non
potest cadere, nisi gratia divina sublata ; vel potest referri ad exteriorem
fortitudinem quod sit vera et non ficta, sicut contingit in aliquibus qui se
ostentant esse potentiores quam sint, et cadere non valens,
scilicet de facili propter sufficientiam auxiliorum. Et quod hoc sit de
ratione dominationis probat per derivationem nominis, quia hoc quod
signat dominium facere, in Graeco a quo denominatur et dominatio
et dominus et dominans, signat praedicta. Deinde, cum dicit : deitas
autem et cetera, ostendit quid sit deitas. Et quia, ut Damascenus
dicit, hoc nomen Theos quod in Graeco signat Deum, a theasthe idest
considerando omnia dicitur, ideo nomen deitatis hic Dionysius secundum rationem
providentiae exponit. In nomine autem providentiae intelligitur cognitio non
per modum speculationis tantum, sed secundum quod est directiva et
inclinativa ad rerum gubernationem. Sic igitur in nomine deitatis, primo
quidem intelligitur respectus divinus ad omnia ; secundo, continentia qua
omnia continentur sub Deo certis quibusdam regulis et mensuris ; tertio,
communicatio divinae bonitatis in creaturis quae sub Deo continentur. Et hoc
est quod dicit quod deitas est quae omnia videt : dicitur autem a
theaste quod est videre, ut dictum est. Sed qualis sit ista visio omnium,
quae in nomine deitatis intelligitur, exponitur per id quod subditur quod
ipsa est etiam omnia circumspiciens et continens et seipsa implens,
suam bonitatem communicando et hoc secundum providentiam et bonitatem
perfectam. Sed ne aliquis aestimaret divinam providentiam et bonitatem
obligatam esse ad istum cursum et ordinem qui apparet in rebus ex
gubernatione divina, ad hoc excludendum subdit : quod deitas excedit omnia
quae eius providentia utuntur, quia scilicet sapientia et virtus et bonitas
eius, non limitatur ad istum cursum rerum, sed in infinitum superabundat.
Deinde, cum dicit : igitur et cetera, ostendit qualiter
praedicta Deo attribuantur ; et dicit quod in Deo, qui est causa excedens
omnia praedicta, laudari possunt absolute, ut dicatur quod in Deo
est sanctitas, regnum, dominatio et deitas. Sed adhuc addere nos possumus
aliqua ad ipsius excessum pertinentia, sicut quod dicamus quod ipsa prima
causa est sanctitas et dominatio excedens et etiam regnum supremum et
simplicissima deitas, quia primae causae non convenit deitas per
participationem, sed per essentiam. Assignat autem consequenter rationem
praemissorum : et primo quidem, quantum ad sanctitatem quam dixit esse
munditiam quamdam ; et dicit quod omnis munditia quorumcumque existentium
praeexistit in uno quod est prima causa, non quidem divisim, sed collective
prout scilicet ea quae sunt in effectibus multiplicata, in causa inveniuntur
simplicia et ex ipsa prima causa distribuitur munditia et puritas ad omnia
existentia, secundum quod cuilibet competit. Sed notandum quod duo adiungit
munditiae, scilicet diligentiam et claritatem ; quorum unum, scilicet
diligentia est munditiae operativa : diligenti enim studio, munditia conservari
oportet ; alterum, vero, scilicet claritas ex munditia consequitur : ea enim
quae sunt depurata, sunt in seipsis magis evidentia et perfectius aliunde
splendorem recipere possunt. Deinde, quantum ad rationem regni, dicit quod
similiter in prima causa subsistit et ab eo distribuitur ordinatio et
ornatus quae in ratione regni includuntur, per quae exterminatur,
idest tollitur inconvenientia et inaequalitas et incommensuratio quae
opponuntur iustitiae, quae per regnum constitui debet : ut inconvenientia accipiatur
per comparationem hominis ad suam actionem, dum facit quod non convenit ;
inaequalitas vero per comparationem unius hominis ad alium, dum non servatur
iustitiae aequalitas inter homines ; incommensuratio autem per comparationem
hominis ad ea quae habet, dum scilicet alicui plura dantur aliquando, praeter
suam mensuram. Haec enim omnia per ordinationem regni excludi debent. Nec
sufficit excludere vitia, nisi qui gubernantur per regnum, dirigantur ad
debitum finem ; unde dicit quod ordinatio divini regni, ea quae habentur digna eius
participatione exultat, idest cum quadam laetitia elevat et implendo
circumagit ad quamdam identitatem bene ordinatam,
idest ut conveniant in eodem optimo ordine ; et directionem,
idest ut debitam rectitudinem sortiantur : iste est enim finis regni, ut
omnia sub uno, bono ordine, contineantur et dirigantur. Deinde, quantum ad
dominationem dicit quod in uno, quod est omnium causa, collective
subsistit et distribuitur omnis perfecta possessio omnium pulchrorum,
quae pertinent ad rationem dominationis, ut dictum est. Quantum vero ad
deitatem, subdit quod in eodem uno subsistit et
in eodem distribuitur omnis bona providentia Dei quae
est considerativa et contentiva eorum quibus providet, quae
sub eius ordine continentur, inquantum ex sua benignitate tribuit seipsam per
quamdam participationem ad hoc quod deificet eos qui convertuntur ad ipsum ;
deificet, dico, idest deos faciat per participationem similitudinis, non per
proprietatem naturae. Deinde, cum dicit : quoniam autem et cetera,
respondet secundae quaestioni, scilicet quid volunt eloquia monstrare per
nominum duplicationem ; et primo, ostendit qualiter dicatur Deus, sanctus
sanctorum, rex regum, dominus dominorum, Deus deorum ; secundo, ostendit qui
sint isti sancti et reges quorum Deus dicitur esse sanctus, et rex, etc. ibi
: sanctos autem et cetera. Dicit ergo primo quod Deus, qui
est omnium causa, supereminenter omnibus, habet plenitudinem bonitatis super
omnia alia. Ideo ad designandum hunc excessum quo excedit omnia, dicitur in
Scripturis sanctus sanctorum et reliqua, idest rex regum, dominus dominantium
et Deus deorum : designatur enim, in isto modo locutionis, emanatio quaedam a
causa superiori, ut intelligatur, cum dicitur sanctus sanctorum, quod ab ipso
emanat sanctitas in omnes alios et sic de aliis. Designatur etiam quidam
excessus, secundum quem Deus ab omnibus segregatur, quasi superior omnibus
existens, ut sit sensus : sanctus sanctorum, idest sanctus excedens omnes
sanctos : sic enim ea quae sunt sancta et divina et dominantia et regalia,
excedunt ea quae non sunt talia ; et rursus,
sicut participationes excedunt participantia, ut sanctitas
sanctum, ita collocatur super omnia existentia, ille qui
est superior omnibus existentibus, eo quod est causa quaedam imparticipabilis
omnium participantium et participationum : causa enim excedit causata.
Deinde, cum dicit : sanctos autem et cetera, ostendit qui
dicantur sancti et reges quibus Deus comparatur ; et dicit quod sancta
eloquia nominant sanctos et reges et dominos et deos, principaliores
ornatus in singulis, idest illos qui sortiuntur primos gradus in singulis
ordinibus sicut, inter Angelos, supremi Angeli et, inter homines, supremi
homines : et hoc ideo, quia supremi in singulis ordinibus, accipiunt Dei dona
in maiori simplicitate, quia magis assimilantur Deo, in quo est simplex et
uniformis deitas et bonitas. Et sic per principaliores ex sui simplicitate
illis distribuit et huiusmodi Dei dona multiplicantur in inferioribus,
secundum eorum differentias ; et rursus, secundum ordinationem
finis, primi et superiores, varietatem provenientem
in inferioribus congregant per quamdam reductionem ad
similitudinem suae unitatis, per quamdam providentiam deiformem : sic enim et
Deus diffundendo sua dona et multiplicat et rursus per opus providentiae
multiplicia reducit in ordinem unius finis. |
Leçon unique (60a) : Explication des noms qui désignent le gouvernement des choses.939. Après avoir expliqué les noms divins au moyen
desquels on signifie les perfections qui procèdent de Dieu dans les
créatures, Denys explique ici les noms divins qui expriment le gouvernement
des choses au sujet duquel quatre éléments doivent retenir notre attention :
d'abord certes la prévoyance de la connaissance divine, à laquelle se
rapporte le nom de Divinité ; ensuite, le pouvoir de poursuivre jusqu'au bout
l’ordonnance de la sagesse divine, auquel se rapporte le nom de Seigneurie ;
troisièmement, l'exécution même du gouvernement, à laquelle se rapporte le
nom de Roi ; quatrièmement, l'effet du gouvernement qui est l'absence de tout
désordre et c'est à cela que se rapporte le nom de Sainteté ; et c'est
pourquoi dans ce chapitre il traite de ces noms : le Saint des saints, le Roi
des rois, le Seigneur des seigneurs et le Dieu des dieux, lesquels apparaissent
dans le titre. Et de même encore, à partir de la manière même de parler quand
on dit le Saint des saints ou le Roi des rois, on désigne une sorte de
commandement du gouvernement. 940. Et à ce sujet il fait deux choses : d'abord,
il dit quelle est son intention ; deuxièmement, il la réalise là (428) où il
dit : Donc, la sainteté... 941. Il dit donc en premier (427) que parce que,
selon son jugement, les choses qu'il fallait dire au sujet de ce qui précède ont
été menées à bonne fin, il convient maintenant que Dieu, qui peut être
nommé d'une infinité de manières à partir de ses effet, soit maintenant loué en
tant que Saint des saints, conformément à ce passage de Daniel (9, 24)
d'après une autre provenance : ¨Quand le Saint des saints sera venu¨ ;
et en tant que Roi des rois selon ce passage de l'Apocalypse (19, 16)
: ¨Un nom est inscrit sur son manteau et sur sa cuisse : Roi des rois et
Seigneur des seigneurs.¨ ; et en tant que monarque des siècles
d'après ce passage du Psalmiste (144, 13) : ¨Ton règne, un règne pour tous
les siècles¨ ; et comme monarque pour tous les siècles et encore
davantage selon ce passage de l'Exode (15, 18) : ¨Yahvé régnera pour
toujours et à jamais.¨ ; et il doit encore être loué comme Seigneur
des seigneurs ainsi qu'il est présenté plus haut dans l'Apocalypse ; et
en tant que Dieu des dieux selon ce passage du Psalmiste (49, 1) : ¨Le
Dieu des dieux, le Seigneur parle .¨. En effet, ce sont ces louanges
divines présentées dans les Écritures que Denys cherche à expliquer dans ce
chapitre. 942. Cependant, sa manière de procéder quant à
cette explication se présente de telle manière qu'il dit en premier ce qu'est
la sainteté en soi (428), puis ce qu'il en est de la royauté (429), ensuite
ce qu'est la seigneurie (430) et ce qu'est la divinité (431) ; et enfin ce
que cherchent à montrer les Écritures au moyen de cette double dénomination
lorsqu'elles parlent du Saint des saints ou du Dieu des dieux (433). 943. Ensuite lorsqu'il dit (428) : Donc la
sainteté...il poursuit son propos au sujet de ce qui précède ; et en
premier lieu, il manifeste la première partie, à savoir ce qu'il faut
entendre au sujet de chacune des dénominations qui précèdent ; en deuxième
lieu, il manifeste la deuxième, à savoir la cause de cette double
dénomination qu'on retrouve dans les Écritures, là (433) où il dit : Mais
puisque... 944. Au sujet de la première partie, il fait deux
choses : d'abord, il manifeste la signification de chacune des dénominations
qui précèdent selon qu'on la considère en elle-même ; deuxièmement, il montre
comment on les attribue à Dieu là (432) où il dit : Donc, ces... 945. Au sujet de la première partie, il explique
quatre choses : d'abord (428) il explique ce qu'est la sainteté ; et il dit
que, conformément à notre interprétation, on entend par sainteté la
pureté qui est exempte de toute saleté et qui est à la fois parfaite
et immaculée ; et par ces paroles, il désigne trois degrés de pureté qui
sont requis à la sainteté : dont le premier est un affranchissement à
l'égard de toute impureté ; mais l'esclave de l'impureté est celui qui
est totalement vaincu par l'impureté et qui lui est soumis. Le premier degré
de la pureté consiste donc pour quelqu'un à être libéré d'un tel esclavage de
l'impureté. Le
deuxième degré cependant a pour but de rendre la pureté parfaite :
mais le parfait est celui à qui il ne manque rien ; il arrive cependant
parfois à quelqu'un qui n'est pas soumis à l'esclavage de l'impureté d'être
privé de quelque chose de la pureté dans la mesure où il est troublé par les
passions de l'impureté qui, lorsqu'elles sont supprimées, laissent place à une
parfaite pureté. Le
troisième degré de la pureté est celui qui a pour but de la rendre totalement
sans tache ; être sali en effet se dit de ce qui est souillé non de
l'intérieur mais de l'extérieur. Il y aura donc une pureté absolument sans
tache non seulement lorsque quelqu'un possèdera la pureté en lui-même mais
encore quand il n'y aura rien à l'extérieur de lui pour l'attirer à
l'impureté. Et c'est dans ces trois degrés de la pureté que réside
parfaitement la nature de la sainteté. 946. Ensuite, lorsqu'il dit (429) : La royauté
cependant...il montre ce qu'est une royauté ; le nom de royauté est tiré
de ¨diriger¨ ; mais dans toute direction, il faut d'abord considérer la
finalité à laquelle celui qui dirige cherche à parvenir ; deuxièmement, il
faut considérer la capacité de parvenir à la finalité ; troisièmement il faut
considérer la règle au moyen de laquelle une chose est conduite dans l'ordre
à la finalité, règle qui dans les actes humains est appelée loi ;
quatrièmement en vérité, il faut considérer le rapport des moyens à la
finalité, car ce n'est pas n'importe quel moyen qui est apte à poursuivre
n'importe quelle finalité. Parce
qu'en vérité par le nom de Royauté on donne à entendre la direction ou la
conduite non pas d'un seul être humain mais de toute la multitude humaine,
laquelle n'est certes pas uniforme mais comporte de nombreuses différences
d'après les différentes conditions et les différentes occupations des hommes qui
se rapportent au bien-être de la multitude, à cause de cela, bien qu'il n'y
ait qu'une seule finalité commune à toute la multitude, il y a cependant de
nombreuses et différentes finalités particulières pour les différents
individus qui en font partie ; par exemple, la santé pour le médecin, la
victoire pour le soldat, la richesse pour l'homme d'affaires et il en est de
même pour les autres. Cependant,
étant donnée la diversité des biens auxquels ils tendent, il est nécessaire
que les hommes possèdent des capacités différentes à partir des différents
biens dans lesquels ils s’engagent et qu'ils soient réglés par des lois
différentes pour poursuivre ces différentes finalités : autres en effet sont
les lois qui s'appliquent aux soldats, autres celles qui se rapportent aux
acheteurs et aux vendeurs et il en est ainsi des autres. De la même manière,
en vue de parvenir à ces diverses finalités, différentes catégories d'hommes
doivent être établies : il ne convient pas en effet aux mêmes personnes
d'être soldats et marchands, autrement les fonctions seraient empêchées par
la confusion. Puisque
le roi est celui qui a soin de gouverner la multitude, c'est à lui certes
qu'il revient en premier de distribuer les finalités afin que rien de
nécessaire ne manque à la multitude ; c'est à lui aussi qu'il revient de
distribuer les équipements ordonnés aux biens ainsi que les lois afin que les
individus soient réglés d'après des lois appropriées ; c'est à lui aussi
qu'il revient de distribuer les rangs dans les fonctions ; et c'est ce que
Denys dit, à savoir que la royauté est la distribution de la finalité et
de l'équipement, de la loi et du rang. 947. Ensuite lorsqu'il dit (430) : Mais la
seigneurie...il montre ce qu'est la seigneurie, à l'égard de laquelle
trois choses sont requises : en premier lieu certes, il faut être d'un rang
supérieur. Mais il ne conviendrait pas à quelqu'un de jouir d'un rang
supérieur s'il n'abondait pas en bien plus estimables ; et c'est pourquoi, en
deuxième lieu, l'abondance des biens est requise à la seigneurie. Mais cela
ne suffirait pas encore si n'était pas présente, en troisième lieu, la
capacité de contenir et de contraindre les sujets, autrement la démarcation
quant à l'abondance des biens rendrait quelqu'un plus riche ou meilleur, mais
pas seigneur, dont le titre exige donc le pouvoir de gouverner les sujets. Et
c'est ce que Denis dit, à savoir que la seigneurie n'est pas
seulement une démarcation à l'égard de ceux qui sont d'une condition plus
humble, c'est-à-dire à l'égard des inférieurs, ce qui relève d’un grade
supérieur, mais elle est aussi une possession parfaite et entière
des choses belles et bonnes ; mais s'il parle des choses belles et
bonnes, c'est qu'en effet il faut non seulement que celui qui domine
abonde en biens mais aussi, pour obtenir le respect, il faut que ces biens
soient remarquables, ce qui renvoie à la nature de la beauté. Il dit aussi
qu'il doit y avoir une possession parfaite et entière, pour montrer
que le souverain doit posséder tous les biens et que chacun de ceux qu'il
possède est parfait et qu'il les possède complètement et non pas en partie
seulement. Quant
à la troisième condition il dit : et une force véritable et inébranlable
; ce qui peut s'expliquer soit par la force de la puissance intérieure qui
est la vraie force à l'égard de ce qui appartient à l'homme et qui ne peut
faillir à moins que la grâce divine ne soit enlevée ; ou encore on peut par
ces mots se référer à la force extérieure qui est véritable, et non pas
feinte comme celle qu'on observe chez certains qui se montrent plus puissants
qu'ils ne le sont en réalité, et inébranlable, c'est-à-dire qui
résiste facilement en raison de l'abondance des secours. Et
que cela se rapporte bien à la nature de la seigneurie, il le montre au moyen
de l'origine du nom car ce que signifie faire un empire, en grec, d'où
proviennent les noms seigneurie, seigneur et souverain, cela désigne
ce que nous avons dit. 948. Ensuite lorsqu'il dit (431) : Mais la
divinité...il montre ce qu'est la divinité. Et parce que, ainsi que le
dit Damascène, dans son livre intitulé ¨De la foi orthodoxe¨, ce nom
¨theos¨, qui en grec signifie Dieu, vient de ¨theasthe¨, qui signifie celui
qui voit tout, c'est pour cette raison qu'ici Denys explique le nom de
divinité d'après la nature de la providence. Mais par le nom de providence on
entend une connaissance qui ne se présente pas seulement à la manière d'une
spéculation mais encore à la manière d'une connaissance qui dirige et tend à
gouverner les choses. Ainsi,
par le nom de Dieu il faut d'abord entendre la relation de Dieu à l'égard de
toute chose ; deuxièmement, il faut entendre par ce nom l'embrassement par
lequel tout est subordonné à Dieu par certaines règles et mesures déterminées
; troisièmement, il faut y voir aussi la communication de la bonté divine aux
créatures qui lui sont soumises. Et
c'est ce que dit Denys, à savoir que Dieu est celui qui voit tout, au
sens où cette définition est tirée de ¨theasthe¨ qui signifie voir,
ainsi que nous l'avons dit. Mais quelle est cette vision de tout qu'on entend
par le nom de Dieu, il l'explique par ce qui suit en disant que c'est elle qui
embrasse et contient et comble toute chose en communiquant sa bonté selon
une prévision et une bonté parfaites. Mais
afin que personne ne croie que la providence ou la bonté divine est forcée
d'accomplir cette direction et cet ordre qu'on observe dans les choses et qui
viennent du gouvernement divin, il ajoute pour écarter cette idée que Dieu
dépasse toutes les choses qui profitent de sa providence car sa sagesse,
sa puissance et sa bonté, loin de se limiter à cette marche des choses, la
débordent à l'infini. 949. Ensuite lorsqu'il dit (432) : Donc...il
montre comment ce qui précède s'attribue à Dieu ; et il dit qu'en Dieu, qui
est la cause qui dépasse tous les êtres que nous avons présentés, c'est d'une
manière parfaite ou absolue qu'on peut célébrer la Sainteté, la Royauté,
la Seigneurie et la Divinité. Mais nous pouvons encore ajouter quelque chose
qui se rapporte à sa transcendance, comme lorsque nous disons que la cause
première elle-même est la sainteté et la seigneurie par excellence et qu'elle
est la royauté suprême et la divinité la plus simple car ce n'est pas par
mode de participation que la divinité s'attribue à la cause première mais
essentiellement. 950. Mais il désigne par la suite la raison de ce
qui précède : et en premier lieu certes il le fait à l'égard de la sainteté
qui est présentée comme une certaine pureté ; et il dit que toutes les
puretés qui existent en chacun des êtres préexistent, dans l'Un qui
est la Cause première, non pas divisées mais comme réunies,
c'est-à-dire dans la mesure où la multiplicité qu'on observe dans les effets
se retrouve dans la cause sous une forme simple et unique et c'est à
partir de la cause première elle-même que la propreté et la pureté
sont distribuées à tous les êtres conformément à ce qui leur convient. Mais
il faut noter qu'il ajoute deux choses à la pureté, à savoir l'attention et
la clarté, dont la première, à savoir l'attention, est la cause qui produit
la pureté : en effet, c'est par une application attentive que la pureté peut
être conservée ; la deuxième par ailleurs découle de la pureté : les choses
en effet qui sont nettoyées sont en elles-mêmes plus claires et peuvent
d'ailleurs plus parfaitement recevoir l'éclat. 951. Ensuite, quant à la nature de la royauté, il
dit de la même manière qu'elle subsiste dans la Cause première et que c'est
par elle que sont distribués l'ordre et la beauté qui sont compris
dans la nature de la royauté, et grâce auxquels sont supprimés ou enlevés le
désordre, l'inégalité et la démesure qui s'opposent à la justice que la
royauté se doit d'établir : de telle sorte que le désordre s'entende dans le
rapport de l'homme à son action alors qu'il fait ce qui ne lui convient pas ;
l'inégalité par ailleurs s’entend dans le rapport d'un homme à un autre quand
on ne sert pas l'égalité de justice entre les hommes ; et la démesure enfin
s’entend dans le rapport de l'homme aux choses qu'il possède, c'est-à-dire
lorsque parfois on donne à quelqu'un au-delà de sa capacité. Toutes ces
choses en effet doivent être écartées par l'ordonnance de la royauté. Et
il ne suffit pas d'écarter les défauts, à moins que ceux qui sont dirigés par
la royauté ne soient conduits vers la finalité qui convient ; d'où il dit que
l'ordonnance de la royauté divine transporte de joie ceux qui se
montrent dignes de sa participation, c'est-à-dire
qu'elle les élève en les comblant de joie et les mène à une certaine identité
bien ordonnée, c'est-à-dire de telle manière qu'ils se rencontrent dans
un même ordre d'excellence et elle leur donne une direction pour
qu'ils reçoivent en partage la rectitude qui leur est due : et c'est là en
effet la finalité même de la royauté de contenir et de conduire toute chose
sous un ordre unique et bon. 952. Ensuite, quant à la seigneurie il dit que
c'est dans l'Un, qui est la Cause de tout être, que subsiste dans
l’unité et qu'est distribuée la possession parfaite et complète de
toutes les beautés, lesquelles se rapportent à la définition de la
seigneurie ainsi que nous l'avons dit plus haut (947). 953. Mais quant à la divinité, il ajoute que c'est dans
le même Un que subsiste et qu'est distribuée toute bonne
providence de Dieu qui pose un regard bienveillant et qui embrasse
ceux qu’elle comble et qui sont contenus sous son ordonnance dans la mesure
où, par pure bienveillance, elle se donne elle-même par participation
de sorte qu'elle déifie ceux qui se tournent vers elle ; je veux dire par là
qu'elle en fait des dieux par mode de participation à sa ressemblance et non
par une propriété de nature. 954. Ensuite lorsqu'il dit (433) : Mais puisque...il
répond à la deuxième question, à savoir : que veulent montrer les écrivains
sacrés par la duplication des noms ? Et d'abord, il montre comment on dit que
Dieu est le Saint des saints, le Roi des rois, le Seigneur des seigneurs et
le Dieu des dieux ; ensuite, il montre qui sont ces saints et ces rois dont
on dit que Dieu est le Saint, le Roi, etc. là (434) où il dit : Mais les
saints... 955. Il dit donc en premier que Dieu, qui est la
cause de tout, est la plénitude de la bonté qui transcende tous les
êtres, d'une manière qui les surpasse tous. Et c'est pourquoi, pour désigner
cette excellence par laquelle il dépasse tous les êtres, on le désigne dans
les Écritures par l'expression ¨Le Saint des saints¨ ainsi que par les
autres expressions telles que le Roi des rois, le Seigneur des seigneurs
et le Dieu des dieux : on désigne en effet, par cette manière de parler, une
certaine émanation provenant de la cause supérieure de telle manière qu'on
entend, lorsque l'on dit le Saint des saints, que c'est de Lui-même qu'émane
la sainteté pour se répandre dans tous les autres êtres et qu'il en est de
même pour les autres attributs. On
désigne par là aussi une transcendance selon laquelle Dieu, séparé de tout,
existe supérieurement à tout ce qui existe ainsi qu'on le signifie lorsqu'on
le nomme le Saint des saints, à savoir le Saint qui surpasse tous les
saints : en effet, les choses qui sont saintes, divines, seigneuriales et
royales dépassent celles qui ne le sont pas ; et
inversement, tout comme les participations dépassent les êtres qui
en participent comme la sainteté dépasse ce qui est saint, il en est de
même pour Celui qui est établi au-dessus de tous les êtres, Celui qui
est supérieur à eux tous, car Il est la Cause à laquelle aucun participant
ni aucune participation ne peut communiquer complètement : la cause en
effet dépasse toujours ses effets. 956. Ensuite lorsqu'il dit (434) : Mais les
saints...il montre quels sont ceux qui sont appelés saints et rois et
auxquels Dieu est comparé ; et il dit que les écrivains sacrés appellent saints,
rois, seigneurs et dieux ceux qui sont supérieurement pourvus parmi les
individus, c'est-à-dire ceux qui obtiennent les premiers rangs dans leur
ordre particulier comme les Anges supérieurs parmi les Anges et les hommes
supérieurs parmi les hommes : et à cause de cela, parce qu'ils sont
supérieurs dans leur ordre respectif, ils reçoivent les dons de Dieu dans une
plus grande simplicité car ils ressemblent davantage à Dieu chez qui la
divinité et la bonté se retrouvent dans leur pureté et leur unité. Et ainsi,
c'est à travers ces êtres supérieurs du fait de leur simplicité que les dons
de Dieu sont distribués à ceux-là, c'est-à-dire qu'ils sont multipliés dans
les êtres inférieurs conformément à leurs différences ; et
inversement, conformément à l'ordonnance de la finalité, ces êtres premiers
et supérieurs ramènent à la ressemblance de l’unité divine, par une
certaine attirance et grâce à une certaine prévoyance de type divin, la
multiplicité qui parvient aux êtres inférieurs : c'est ainsi en effet que
Dieu, en diffusant ses dons, se trouve à la fois à les multiplier et en
retour, par l'oeuvre de sa providence, à ramener la multiplicité à
l'ordonnance d'une seule finalité. |
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CAPUT 13 |
Chapitre 13 - Du Parfait et de l’Un.
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LECTIO 1 [84894] In De divinis
nominibus, cap. 13 l. 1 Postquam Dionysius exposuit divina nomina quae ad
rationem providentiae pertinent, hic exponit divina nomina quae pertinent ad
providentiae finem ; est enim providentiae finis ut singula perfectionem
propriam consequantur et ulterius omnia reducantur in unum finem et ideo
dicitur hic : de perfecto et uno, ut ex titulo patet. Dividitur
autem hoc capitulum in partes tres : in prima, dicit de quo est intentio ; in
secunda, exequitur ; ibi : igitur perfectum et cetera ; in
tertia, epilogat quae in toto libro sunt dicta ; ibi : has nos et
cetera. Dicit ergo primo quod sufficit tot de praemissis dixisse ; videtur
autem reliquum esse ut transeamus ad id quod est brevissimum in sermone
; quia sacra Scriptura de Deo, qui est causa omnium, non solum
praedicat omnia, sed etiam praedicat de eo simul
omnia. Inveniuntur autem multa in aliqua una creatura, sed non simul :
vel quia conveniunt ei, non tamen eodem tempore, sicut corpus est album et
nigrum, sed non simul ; vel quia conveniunt ei, non secundum eandem partem,
sicut si aliquod corpus sit secundum unam partem album et secundum aliam
partem nigrum, habet quidem multa, sed non simul. Sed Deus habet omnia in
seipso neque successive secundum tempus neque divisim secundum partes, sed
simul ; et ideo, quia sic habet omnia simul, laudatur sicut perfectum
et sicut unum : quod enim habet multa, non simul sed successive,
imperfectum est quia est mutabile : motus autem est actus imperfecti ; quod
autem habet multa, non simul sed divisim, secundum suas partes, est
compositum et non vere unum. Sic igitur, brevissimo sermone, omnia quae supra
de Deo dicta sunt, in nomine perfecti et unius comprehenduntur. Deinde, cum
dicit : igitur perfectum et cetera, exequitur propositum ;
et primo, determinat de perfecto ; secundo, de uno ; ibi : unum autem et
cetera. Circa primum, duo facit : primo, ostendit quomodo Deo attribuatur perfectum
; secundo, quid sit de ratione perfecti secundum quod Deo attribuitur ; ibi
: et omnem quidem infinitatem et cetera. Circa primum, ponit modos divinae perfectionis per differentiam ad ea
quae dicuntur perfecta in creaturis : dicuntur enim primo aliqua esse
perfecta in creaturis non per se, sed per aliquid extrinsecum adveniens,
sicut aer per lumen receptum a sole et homo per gratiam quam habet a Deo ;
sed Deus dicitur perfectus, sicut per se perfectus. Secundo, dicitur aliquid
perfectum per se quidem, quia per propriam formam naturalem, sed non secundum
seipsum, quia ipsum non est sua forma, sed est ex forma et materia
compositum, sicut si dicamus lapidem perfectum vel quamcumque rem materialem
: nihil enim huiusmodi habet quod sit perfectum secundum se totum, sed
secundum aliquid sui. Tertio, invenitur aliquid perfectum secundum se, quia
ipsum est forma quaedam subsistens, sicut quaelibet substantia immaterialis,
non tamen est perfectum a seipso, quia non habet esse a se, sed ab alio ; et
ideo ad hoc excludendum attribuit Deo : per se perfectum et secundum
seipsum a seipso segregatum, scilicet ab omnibus aliis ; et ponit loco
perfecti, segregatum ab aliis, quia unumquodque, secundum quod sanctum est et
perfectionem habet, ab aliis segregatur. Quarto, considerandum est de
perfectione cuiuslibet creaturae quod, cum quaelibet creatura sit aliquo modo
composita et in quolibet composito sit aliquid alio perfectius, nulla
creatura est tota perfectissima secundum se totam, sed secundum aliquid sui ;
sicut perfectissimum in homine est anima et in anima intellectus. Et ad hoc
removendum a Deo, dicit Deum esse totum perfectissimum. Et non
solum secundum praedictos modos attribuitur Deo esse perfectum, sed etiam
dicitur perfectus sicut superperfectus, inquantum excedit perfectionem omnium
rerum. Deinde, cum dicit : et omnem et cetera, ostendit quid
sit de ratione perfecti, secundum quod Deus perfectus dicitur ; et primo,
excludit quaedam a Deo quae sunt de perfectione creaturae ; secundo, ostendit
quae sunt de ratione perfectionis divinae ; ibi : sed extendens et
cetera. Sunt autem tria consideranda in perfectione creaturae quae
excluduntur a Deo : quorum primum est quod perfectum opponitur infinito quia,
ut dicitur in III Phys., infinitum est cuius quantitatem accipientibus,
semper est aliquid ultra accipere ; perfectum autem et totum est extra quod
nihil est. Sic igitur creatura perfecta infinitati opponitur, sed Deus sua
perfectione omnem infinitatem terminat quia quodcumque infinitum, divinae
perfectioni comparatum, est finitum et terminatum ; puta, si esset corpus
infinitum secundum quantitatem, esset terminatum secundum genus et speciem,
quam quidem terminationem, ex participatione divinae perfectionis sortiretur.
Secundo, considerandum est quod quaelibet creatura ex hoc perfecta dicitur,
quod ad terminum suae naturae pertingit et ad debitum suae quantitatis
terminum ; Deus autem perfectus dicitur, non quasi habens terminum, sed sicut
extentus, ut ipse dicit, super omnem terminum, quia omnis
terminatio ab eo derivatur. Tertio, considerandum est quod quaelibet creatura
dicitur perfecta ex hoc quod quibusdam certis limitibus continetur ; Deus
autem sic dicitur perfectus, quod tamen a nullo capitur aut comprehenditur.
Deinde, cum dicit : sed sicut extendens et cetera, ponit
quatuor quae sunt de ratione divinae perfectionis : primo enim considerandum
est quod aliquid dicitur imperfectum cuius virtus non se extendit ad
implendum omnia opera propria ; sicut imperfecti regis esset, si eius virtus
non se extenderet ad omnes suos subditos gubernandos et ideo, per oppositum,
de Deo dicit quod se extendit ad omnia non
quidem successive ita quod attingendo unum deserat aliud, sed simul
; neque per quamdam adaequationem ad res, sicut potentia hominis, sed super
omnia existens. Extendit autem se ad omnia indeficientibus
immissionibus, inquantum indeficienter rebus communicat sua bona et
interminabilibus operationibus, inquantum in omnibus interminabiliter
operatur. Secundo, dicitur aliquid imperfectum quia tendit in perfectionem, sicut
puer, dum est in statu augmenti ; vel quia recedit a perfectione, sicut
senex, dum est in statu decrementi ; vel etiam quia non habet perfectionem
semper immanentem, sicut omnia mutabilia dicuntur imperfecta ; et ideo, per
oppositum, de Deo dicit quod Deus dicitur perfectus sicut inaugmentabilis et
semper perfectus et sicut non minorabilis. Tertio,
dicitur imperfectum quia deest ei aliquid eorum quae debet habere sicut homo
diceretur imperfectus si non haberet manum aut pedem aut scientiam aut
virtutem ; quod autem habet omnia quae debet habere secundum suam naturam,
dicitur perfectum non simpliciter, sed secundum suam naturam. Deus autem
dicitur simpliciter perfectus, quia simpliciter omnia in seipso praehabet,
sicut effectus praeexistunt in causa, ut supra multoties dictum est. Quarto,
dicitur aliquid imperfectum quod non potest aliquid sibi simile facere ;
perfectum autem est unumquodque, cum potest facere sibi simile, ut dicitur in
IV Meteorologicorum et ideo de Deo dicit quod Deus dicitur perfectus,
inquantum desuper manat suam perfectionem omnibus creaturis et hoc non
secundum diversas largitiones, ex parte ipsius Dei largientis, sed secundum
unam : quae quidem largitio non deficit, sed est impausabilis et eadem
manens. Nec iterum est diminuta, sed cum det omnibus affluenter,
ut dicitur Iacob. 1, eius largitio est superplena, ut quae numquam minorari
potest per suae copiam effusionis, secundum quam largitionem, perficit
omnia perfecta, inquantum adimplet ea, similitudine
propriae perfectionis. |
Leçon 1 (61a) : Présentation des noms qui se rapportent à la finalité de la Providence : et en premier lieu, la définition du Parfait.957. Après avoir présenté les noms divins qui se rapportent à la nature même de la providence, Denys présente ici ceux qui se rapportent à la finalité de la providence ; en effet, la finalité de la providence est telle que chaque chose poursuive sa perfection propre et qu’ultimement toutes les choses soient conduites à une seule finalité et c’est pour cette raison que Denys dit ici : du parfait et de l’un, ainsi qu’on le voit dans le titre. 958. Et ce chapitre se divise en trois parties : dans la première, il dit quelle est son intention ; dans la deuxième il l’expose là (436) où il dit : Donc, le parfait… ; dans la troisième, il résume tout ce qu’il a dit dans ce livre, là (453) où il dit : ces choses que nous… 959. Il dit donc en premier lieu (435) que ce qui a
été dit précédemment suffit ; il semble cependant qu’il ne nous reste plus
qu’à passer à la partie la plus courte de notre discours ; car les saintes
Écritures non seulement attribuent à Dieu tous les noms, mais elles les Lui
attribuent tous simultanément. On retrouve en effet dans une même créature
plusieurs qualités mais non simultanément, soit qu’elles lui conviennent,
mais non dans le même temps comme le corps qui est blanc et noir, mais non
dans le même temps ; soit elles lui conviennent mais non selon la même
partie, comme lorsqu’un corps est blanc selon une partie et noir selon une
autre. Et par là on peut voir que la créature possède une multitude de
qualités mais non simultanément. Mais Dieu les possède toutes en lui-même non pas graduellement dans le temps ni séparément selon les parties, mais simultanément ; et pour cette raison, parce qu’Il les possède toutes en même temps, on loue Dieu comme étant le Parfait et l’Un : en effet, ce qui possède de nombreux attributs non pas en même temps mais successivement, est imparfait parce qu’il est sujet au changement : et le mouvement est l’acte de ce qui est imparfait ; et ce à quoi s'attribue une multiplicité, non pas simultanément mais séparément et selon ses parties, est composé et non pas véritablement un. Ainsi,
en quelques mots, tout ce que nous avons dit précédemment de Dieu est compris
dans ces noms : le parfait et l'un. 960. Ensuite, lorsqu’il dit (436) : Donc le parfait…il expose son propos ; et d’abord, il détermine ce qu’il en est du parfait ; en deuxième lieu, il détermine de l’un, là où (439) il dit : Mais l’un… (leçon 2a) 961. Au sujet du premier point, il fait deux choses : d’abord, il montre comment on attribue le parfait à Dieu ; deuxièmement, il montre quelle est la nature du parfait selon qu’elle est attribuée à Dieu, là (437) où il dit : Et certes, toute infinité… 962. Sur le premier point, il présente les manières pour Dieu d’être parfait qui s’opposent à celles qu’on retrouve dans les créatures qu’on dit être parfaites : parmi les créatures en effet, celles qu’on dit parfaites ne le sont pas par elles-mêmes mais au moyen d’un principe qui leur advient extérieurement, tout comme l’air acquiert sa perfection au moyen de la lumière reçue du soleil et l’homme au moyen de la grâce qu’il tient de Dieu ; mais on dit que Dieu est parfait d’une perfection qu’il possède par lui-même. Deuxièmement
certes un être peut être parfait par lui-même, parce qu’il l’est au moyen de
la forme naturelle qui lui est propre, mais non de lui-même car lui-même
n’est pas sa forme, mais il est plutôt le composé d’une matière et d’une
forme, comme si nous disions que la pierre ou toute autre chose naturelle est
parfaite : aucune chose de ce genre en effet ne tient sa perfection de la
totalité de son être mais d’une partie seulement. Troisièmement, il arrive qu’un être soit parfait de lui-même, car lui-même est une forme subsistante, comme le sont les substances immatérielles qui ne sont cependant pas parfaites par elles-mêmes car ce n’est pas d’elles-mêmes qu’elles tiennent leur être, mais d’un autre ; et c’est pour écarter cette possibilité de Dieu que Denys dit : c’est par lui-même qu’Il est parfait et c'est de Lui-même qu’Il est séparé de tout, c’est-à-dire de tout autre être ; et au lieu de parfait, il dit séparé de tous, car chacun, dans la mesure où il est détenteur de la sainteté et de la perfection, est séparé des autres. Quatrièmement, au sujet de la perfection de toute créature, il faut avoir à l’esprit que puisque toute créature est d’une certaine manière composée et que dans tout composé il y a une partie qui est plus parfaite qu’une autre, aucune créature n’est entièrement la plus parfaite dans sa totalité, mais seulement selon une de ses parties ; tout comme dans l’homme l’âme est ce qu’il y a de plus parfait et dans l’âme c’est l’intelligence qui est la plus parfaite. Et pour écarter cette possibilité de Dieu, Denys dit de Lui qu’il est le plus parfait dans sa totalité. Et non seulement on attribue à Dieu d’être parfait selon les modes qu’on vient de présenter, mais encore on dit qu’Il est parfait comme d’une perfection incomparable, selon qu’Il dépasse la perfection de toutes les choses. 963. Ensuite, lorsqu’il dit (437) : Et tout…, il montre ce qu’il en est de la nature du parfait selon qu’on l’attribue à Dieu ; et d’abord, il écarte de Dieu certaines caractéristiques qui se rapportent à la perfection de la créature ; ensuite, il montre celles qui appartiennent à la nature de la perfection divine, là où (438) il dit : Mais s’étendant… 964. Il y a trois choses qu’il faut remarquer dans la perfection de la créature et qu’il faut écarter de Dieu : la première est que le parfait est opposé à l’infini car ainsi qu’on le dit au troisième livre des Physiques (c.6 : 207, a, 7-8), l’infini est, pour ceux qui reçoivent la quantité, ce qu’on peut toujours ajouter de plus à celle qu’ils ont ; mais le parfait et l’achevé est ce au-delà de quoi il n’y a rien à ajouter. Ainsi donc la perfection de la créature est incompatible avec l’infini, mais Dieu par sa perfection borne toute infinité car tout infini, comparé à la perfection divine, est fini et limité ; ainsi, s’il existait un corps infini selon la quantité, il serait limité selon le genre et l’espèce et il tirerait certes cette limitation de sa participation à la perfection divine. Deuxièmement, il faut considérer que toute créature est dite parfaite du fait qu’elle parvient au terme de sa nature et au terme attendu de sa quantité ; mais on dit que Dieu est parfait non parce qu’Il a un terme, mais comme il le dit lui-même, parce qu’Il est comme déployé au-dessus de tout terme car toute limite vient de Lui. Troisièmement, il faut considérer que toute créature est parfaite du fait qu’elle est contenue à l’intérieur de limites déterminées ; mais on dit que Dieu est parfait parce que rien ne le saisit ni ne l'enferme. 965. Ensuite, lorsqu’il dit (438) : Mais comme se déployant…il présente quatre caractéristiques qui font partie de la nature de la perfection divine ; en effet, en premier lieu, il faut considérer qu’on dit imparfaite la chose dont la puissance ne se déploie pas de manière à satisfaire toutes les opérations qui lui sont propres ; tout comme il serait imparfait ce roi dont la puissance ne s’étendrait pas au gouvernement de tous ses subordonnés et c’est pourquoi, par opposition, on dit de Dieu que sa puissance s’étend à toutes les choses et cela non pas les unes après les autres, de sorte qu’en portant son attention sur l'une Il en délaisserait les autres, mais simultanément ; ni non plus par une certaine adaptation à la chose comme le fait l’homme par sa puissance, mais en existant au-dessus de tout. Il est présent à toute chose par des émissions indéfectibles en tant qu’Il communique immanquablement aux choses leurs biens et qu’Il agit sans cesse en chacun par des opérations ininterrompues. 966. En deuxième lieu, on dit qu’une chose est imparfaite parce qu’elle tend vers la perfection comme l’enfant qui est à un stade de croissance ; soit encore qu’elle s’éloigne de la perfection comme le vieillard qui est à un stade de décroissance ; soit encore parce que la perfection qu’elle possède ne demeure pas toujours en elle ainsi qu’on le voit dans toutes les choses mobiles qu’on dit imparfaites ; et c’est pourquoi, par opposition, Denys dit de Dieu qu’on lui attribue une perfection qui doit s’entendre comme ne pouvant ni croître, ni diminuer et qui est parfaite de toute éternité. 967. En troisième lieu, on dit qu’une chose est imparfaite parce qu’il lui manque quelque chose qu’elle devrait avoir tout comme on dit qu’est imparfait l’homme auquel il manque la main, le pied, la science ou la vertu ; mais l’être qui possède toutes les caractéristiques qu’il devrait posséder conformément à sa nature, on dit de lui qu’il est parfait conformément à sa nature, non pas qu’il est parfait purement et simplement. Mais on dit de Dieu qu’Il est parfait purement et simplement, ou absolument, parce qu’Il possède à l’avance en Lui-même tous les êtres sous une forme qui est simple, à la manière dont les effets préexistent dans la cause, ainsi que nous l’avons dit en plusieurs occasions. 968. En quatrième lieu, on dit imparfaite la chose qui ne peut produire ce qui lui est semblable ; mais celle qui peut produire ce qui lui est semblable est parfaite ainsi qu’on le dit au quatrième livre des Météorologiques (C. 3 : 380, a, 13-15) et c’est pourquoi Denys dit de Dieu qu’on dit de Lui qu’il est parfait parce qu’Il répand d’en haut sa perfection sur toutes les créatures et qu’Il réalise cela non pas d’après des dons qui seraient différents en raison de distributions différentes que Dieu lui-même ferait, mais selon une seule distribution : et cette distribution ne connaît aucun affaiblissement mais elle est incessante et demeure toujours la même. Et derechef elle n’est diminuée en rien mais puisqu’Il donne ¨à tous avec abondance¨ comme le dit Jacques (1 : 5), sa distribution est surabondante de sorte qu’Il ne peut jamais être diminué par l’abondance de son effusion ; et conformément à sa prodigalité, il conduit toutes les choses à leur perfection dans la mesure où il les comble de ces dons qui sont à l’image de sa propre perfection. |
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LECTIO 2 [84895] In De divinis
nominibus, cap. 13 l. 2 Postquam Dionysius determinavit de perfecto, hic
determinat de uno ; et primo, ostendit causalitatem unius in communi ;
secundo, quomodo unum Deo attribuatur ; ibi : ita igitur theologia et
cetera. Circa primum, duo facit : primo, proponit quod intendit ; secundo,
probat propositum ; ibi : nihil enim et cetera. Dicit ergo
primo quod unum attribuitur Deo propter duas rationes :
primo, quidem, quia ipse est omnia unitive secundum excessum suae
singularis unitatis, sicut multoties supra dictum est quod
effectus sunt in causa non ut multi, sed ut unum secundum unam causae
virtutem, ac si diceremus quod omnes lineae progredientes a centro sunt unum
in ipso. Secundo, unum attribuitur Deo, quia unum, secundum suam
intentionem consideratum, est omnium causa inegressibiliter : sic
enim ex uno diversa causantur, quo tamen unum non egreditur a sua unitate.
Deinde, cum dicit : nihil enim et cetera, manifestat
propositum quinque rationibus, quarum prima talis est : id quo aliqua
participant est causa participantium, sicut albedo est causa alborum ; sed
nihil est existentium quod non participet uno ; ergo unum est causa omnium
existentium. Minorem autem probat, ibi : sed sicut et
cetera, et primo probat propositum ; secundo, excludit obiectionem ; ibi
: et non est et cetera. Quod autem omnia participent uno,
probat per id de quo minus videtur, scilicet per numerum qui quodammodo
opponitur uni, sicut divisum indiviso : omnis enim numerus participat uno
sive numerus accipiatur secundum se, ut significatur cum dicitur binarius vel
ternarius sive accipiatur numerus secundum quod denominat aliquam partem, ut
cum dicimus dimidium vel tertium vel decimum. Et hoc probat per hoc quod
unum, utroque modo, de numero praedicatur : dicimus enim binarium et ternarium
vel denarium unum ; et iterum dicimus dimidium vel tertium vel decimum.
Sicut ergo numerus uno participat, ita omnia tota et
omnium partes uno participant. Et sic sequitur
quod per id quod est unum, omnia existentia esse habeant,
sicut participantia per participatum. Deinde, cum dicit : et non est et
cetera, excludit obiectionem : posset enim aliquis obiicere quod unum
non est causa omnium, neque multitudinis seu numeri, quia est pars
quaedam multitudinis. Sed ipse respondet quod unum quod
est omnium causa, non est illud unum quod
est pars multorum, quia illud unum est partiale et participatum,
sed est ante omnem multitudinem, non solum ordine temporis et naturae, sed
etiam ordine causae quia determinat omne unum participabile
et omnem multitudinem per modum quo participans determinatur
ad formam per id quod participat : nulla enim multitudo est quae
non participet uno, quia omnia multa sunt unum secundum aliquid : sicut ea
quae sunt multa partibus sunt unum toto ; et ea quae sunt
multa accidentibus, ut album et musicum sunt unum subiecto ; et ea quae
sunt multa numero, sunt unum specie, sicut multa individua, ut Socrates
et Plato, sunt unum in specie hominis ; addit autem virtutibus quia
et in uno individuo eiusdem speciei sunt multae virtutes, unam et eamdem
speciem consequentes sive quia in diversis individuis sunt diversae virtutes
secundum quod diversimode disponuntur ad actus speciei : non enim est eadem
potestas aut virtus omnium hominum ad intelligendum ; et illa quae
sunt multa speciebus, sunt unum genere, sicut homo et canis differunt
quidem specie, conveniunt autem in uno genere animalis ; et ulterius ea quae
sunt multa processibus, conveniunt in uno principio, sicut esse et vivere
et intelligere et huiusmodi, sunt diversae processiones procedentes ab uno
principio quod est Deus, ut ex praemissis patet. Et sic manifestum fit quod,
cum omnia quocumque modo sint multa, conveniunt tamen in aliquo uno : nihil enim est in
entibus, quod non participet secundum aliquid, ipso uno ;
quod quidem secundum suam rationem, est secundum omnia
singulare, idest indivisum in se. Nam multa individua quae sunt unum
genere, multa sunt divisa secundum speciem ; et similiter, omne quod est in
aliquo, est in eo per modum eius in quo est, ut omnes effectus sunt in
principio. Omnia autem participata operantur ad id
quod participant, sicut ad principium. Unde relinquitur quod unum, inquantum
est singulare, in omnibus participatum, singulariter idest
indivisibiliter coaccepit in se, sicut in principio
uno, omnia existentia, et tota omnia, sicut
universa genera et opposita, sicut sunt differentiae quibus
dividitur totum genus. Deinde, cum dicit : et sine uno et
cetera, ponit secundam rationem quae talis est : illud a quo non convertitur
consequentia essendi, est naturaliter prius et quodammodo principium. Sed
unum est huiusmodi quia sine uno non invenitur aliqua multitudo,
sed invenitur aliquod unum absque omni multitudine.
Unum igitur est prius omni multitudine et principium eius. Cuius signum
apparet in numeris, quia unitas est ante omnem
numerum, qualitercumque multiplicetur. Deinde, cum dicit : et si
omnibus et cetera, ponit tertiam rationem, quae procedit ex quadam
suppositione, scilicet, quod omnibus omnia sint unita.
Hoc enim negant soli illi qui non ponunt unum principium omnium, sicut illi
qui dicunt quod bonum et malum sunt duo prima principia et quod mala non
coordinantur bonis. Sed cum ex supradictis sit manifestum esse unum
principium omnium quod est bonum, necesse est omnia omnibus coordinata
esse et unita. Quaecumque autem uniuntur ad invicem, se habent
sicut partes unius totius quod per eorum unitionem constituitur. Sic
igitur, si omnia omnibus sunt unita, necesse est
quod omnia conveniant in uno toto
; et sic, omnia participabunt uno, sicut partes participant forma totius.
Erit igitur unum, principium omnium. Deinde, cum dicit : et aliter et
cetera, ponit quartam rationem ex eadem suppositione procedentem : quae enim
ad invicem sunt unita, non solum conveniunt in una forma totius, sed
etiam secundum aliquam unam praeexcogitatam speciem
unita esse dicuntur, sicut partes domus quae uniuntur in una forma domus,
praeexcogitata ab artifice. Sic igitur, si omnia omnibus sunt unita,
non solum conveniunt in una forma totius, sed etiam conveniunt in hoc quod
sunt unita omnia secundum unam formam, ab eo excogitatam qui est auctor
universorum. Ipsa enim unitas universi procedit ab unitate divinae mentis,
sicut forma domus quae est in materia, provenit a forma domus quae est in
mente artificis. Deinde, cum dicit : et omnium et cetera,
ponit quintam rationem, quod unum est omnium elementatum. Est
autem elementum ex quo componitur aliquid primo et est in eo et non dividitur
secundum formam. Manifestum est autem quod, in omni composito, est aliqua
componentium multitudo ; omnis autem multitudinis elementum est unum, cum
unum sit indivisibile et unum sit in multitudine, sicut id ex quo primo
componitur multitudo. Relinquitur ergo quod unum sit sicut principium
elementare omnium elementatorum. Patet ergo ex praemissis, quod unum quinque modis
habet rationem principii : uno modo, sicut participatum participantium ; alio
modo, sicut universale a quo non convertitur consequentia essendi. Et hi duo
modi procedunt secundum opinionem Platonis. Tertio modo, sicut formatio eius
et principium formale, ex quibus componitur totum ; quarto modo, sicut forma
praeexcogitata ab artifice est principium eorum quae producunt effectum ;
quinto modo, sicut elementum est principium. Et ita, probato multipliciter
quod unum sit principium omnium, quasi concludendo, subdit quod si removeatur unum
neque totum neque pars neque aliquod existentium remanebit
; quia unum in se omnia praeaccepit, tamquam
principium omnium. |
Leçon 2 (62a) : Il montre la Causalité de l’Un entendue universellement.969. Après avoir déterminé du parfait, Denys dit ici ce qu’il en est de l’un ; et d’abord, il montre la causalité de l’un considérée universellement ; deuxièmement, il montre comment l’un est attribué à Dieu, là où (447) il dit : Ainsi donc la théologie… (leçon 3a) 970. Au sujet du premier point, il fait deux choses : d’abord, il présente son propos ; deuxièmement, il le manifeste là où (440) il dit : Rien en effet… 971. Il dit donc en premier (439) que l’un est attribué à Dieu pour deux raisons : d’abord, certes, parce que Lui-même est toutes les choses qui existent dans l’unité, conformément à la transcendance de son unité unique, ainsi que nous l’avons dit en plusieurs occasions, à savoir que les effets existent dans la cause non pas en tant que multiples, mais en tant qu’un, conformément à l'unique puissance de la cause, tout comme si nous disions que toutes les lignes qui s’avancent à partir du centre sont unes quand on les considère comme étant en lui. Deuxièmement, l’un est attribué à Dieu car l’un, considéré quant à son intention, est la cause de toutes les choses mais sans sortir de lui-même : ainsi en effet plusieurs choses sont causées par une seule cause mais sans que cette cause ne s’écarte de son unité. 972. Ensuite, lorsqu’il dit (440) : Rien en effet…, il manifeste son propos au moyen de cinq raisons, dont la première est la suivante : ce dont certaines choses participent est la cause de ces choses qui en participent, tout comme la blancheur est la cause des choses blanches considérées en tant que blanches ; mais rien n’existe qui ne participe pas de l’un ; donc l’un est la cause de tous les êtres. 973. Et c’est ici qu’il prouve la mineure : Mais tout comme…et d’abord il prouve son propos ; deuxièmement, il écarte une objection là où (442) il dit : Et il n’est pas… 974. Que tous les êtres participent de l’un, il le prouve au moyen de ce qui apparaît le moins évident, à savoir au moyen du nombre qui d’une certaine façon s’oppose à l’un comme le divisé à ce qui est indivisé : en effet, tout nombre participe de l’un, soit qu’on entende le nombre comme pris en lui-même, tel qu’on veut le signifier lorsque l’on dit deux ou trois, soit qu’on l’entende en tant que partie, comme lorsque nous disons la moitié, le tiers ou le dixième. Et il le prouve au moyen de ceci : l’un est attribué au nombre, qu'on entende ce dernier comme un ensemble ou comme une partie : nous disons en effet que deux, trois et dix sont un car ils sont deux, trois et dix fois l'un ; et en outre nous disons que la moitié, le tiers et le dixième sont l'un car ils sont la moitié, le tiers et le dixième de l'un. Donc, tout comme le nombre participe de l’un, de même tous les ensembles et toutes leurs parties participent de l’un. Et ainsi il s’ensuit que tout ce qui existe tient son être de ce qu’il est un, tout comme les participants le tiennent du participé. 975. Ensuite, lorsqu’il dit (442) : Et il n’est pas…il écarte une objection : en effet, quelqu’un pourrait objecter que l’un n’est pas la cause de tout, ni de la multitude ni du nombre, parce qu’il est une certaine partie de la multiplicité. Mais il répond lui-même que l’Un qui est la cause universelle n’est pas cet un qui est une partie de la multiplicité, car ce dernier est partiel et participé, mais il est antérieur à toute multiplicité, non seulement dans l’ordre du temps et celui de la nature, mais aussi dans l’ordre de la causalité car il détermine à la fois toute unité dont on puisse participer et toute multiplicité qui puisse en participer, à travers le mode par lequel l’être qui participe est déterminé à une forme grâce à ce dont il participe : en effet, il n’y a aucune multiplicité qui ne participe pas de l’un car tout ce qui est multiple est un sous un certain rapport : tout comme ce qui est multiple quant à ses parties est un en tant que tout ; et ce qui est multiple quant à ses accidents, comme blanc et musicien, est un en tant que sujet ; et ce qui est multiple quant au nombre, est un en tant qu'espèce, tout comme de nombreux individus, tels Socrate et Platon, sont un quant à l’espèce humaine ; et il ajoute ce qui est multiple quant aux puissances soit parce qu’il y a de nombreuses puissances dans un individu de même espèce et qui découlent de cette même espèce, soit parce que dans les différents individus les puissances varient selon qu’ils sont disposés différemment à un acte spécifique : en effet, ce ne sont pas tous les hommes qui ont la même puissance ou la même capacité de comprendre ; et ce qui est multiple quant à l’espèce est un quant au genre, tout comme l’homme et le chien diffèrent quant à l’espèce mais sont semblables sous le rapport du genre animal ; et finalement, ce qui est multiple quant à la procession est un quant au principe ; ainsi, être, vivre et comprendre sont des processions différentes qui procèdent toutes d’un seul et même principe qui est Dieu, ainsi qu’on peut le voir à partir de ce qui précède. 976. Et il devient ainsi évident que bien que toutes les choses diffèrent d’une certaine manière, elles se rencontrent cependant toutes en quelque chose d’un : en effet, il n’y a rien dans les êtres qui ne participe de l’Un lui-même sous un certain rapport ; lequel Un est certes, selon sa nature, unique sous tous les rapports, c’est-à-dire non divisé en lui-même. Car les nombreux individus qui sont un quant au genre sont divisés en plusieurs espèces ; et de même, tout ce qui est dans un autre est en lui à la manière de celui dans lequel il est, tout comme les effets le sont dans leur principe. Mais tout ce qui participe d’une chose travaille à la chose dont il participe comme à son principe. D’où il suit que l’un, dans la mesure où il est unique et qu’il est participé de tous, rassemble en lui tous les êtres d’une manière unique, c’est-à-dire indivisible, comme dans un seul principe, et aussi tous les ensembles, comme la totalité des genres et leurs opposés, comme les différences par lesquelles tout genre est divisé. 977. Ensuite, lorsqu’il dit (443) : Et sans l’Un… il présente une deuxième raison : l’antécédent qui continue à exister si on enlève le conséquent est naturellement antérieur et lui tient lieu de principe en quelque sorte. Mais l’un est ainsi parce que sans l’Un on ne retrouve aucune multiplicité mais sans multiplicité on retrouve l’un. L’un est donc antérieur à toute multiplicité et en est le principe. Et on en voit le signe dans les nombres car l’unité est antérieure à tout nombre, quelle que soit la manière dont la multiplie. 978. Ensuite, lorsqu’il dit (444) : Et si à tous…il présente la troisième raison qui procède d’une supposition, à savoir que tous les êtres seraient tous unis les uns aux autres. En effet, seuls ceux qui n’admettent pas un principe unique pour toutes les choses nient cette supposition, comme ceux qui affirment que le bien et le mal sont les deux premiers principes et que les maux ne sont pas réglés par rapport aux biens. Mais puisqu’il est manifeste à partir de ce que nous avons dit plus haut qu’il existe un principe unique de toutes les choses qui est le bien, il est nécessaire que toutes les choses soient ordonnées les unes aux autres et unies à toutes les autres. Mais toutes les choses qui sont unies ensemble sont comme les parties d’un même tout qui est constitué par leur union. Ainsi donc, si toutes les choses sont unies à toutes les autres, il est nécessaire qu’elles s’accordent toutes dans un même tout ; et ainsi toutes participent de l’un, ainsi que les parties participent de la forme du tout. Il faut donc que l’un existe, lequel est le principe de toutes les choses. 979. Ensuite, lorsqu’il dit (445) : Et autrement…il présente une quatrième raison qui procède de la même supposition : en effet, les choses qui sont unies entre elles non seulement s’accordent dans la forme unique du tout, mais on dit encore qu’elles sont unies conformément à une forme préconçue, tout comme les parties de la maison sont unies dans la forme de la maison, laquelle a été préconçue par l’artisan. Ainsi donc, si toutes les choses sont unies entre elles, non seulement elles s’harmonisent dans la forme du tout, mais elles s’accordent aussi en cela qu’elles sont toutes unies selon une même forme qui a été préconçue par celui qui est l’Auteur de l’univers. En effet, l’unité de l’univers procède de l’unité de l’Esprit divin, tout comme la forme de la maison qui est unie aux matériaux provient de la forme de la maison qui est dans l’esprit de l’artisan. 980. Ensuite, lorsqu’il dit (446) : Et de tous…, il présente une cinquième raison, à savoir que l’un est l'élément de toute chose. Mais l’élément est ce à partir de quoi une chose est composée au départ et il est en elle et ne se trouve pas à être divisé selon la forme. Mais il est évident qu’il y a une certaine multiplicité de composantes dans tout composé ; mais puisque l’un est indivisible et qu’il existe dans la multiplicité, l’élément de toute multiplicité est l'un, comme ce à partir de quoi se compose d’abord la multitude. Il reste donc que l’un est comme le principe élémentaire de tous les éléments. 981. Il est donc clair à partir de ce que nous
avons présenté que l’un a raison de principe selon cinq modalités : la
première en tant que participé à l’égard de ceux qui en participent ; la
seconde, en tant que cause universelle avec laquelle la conséquence de
l'existence ne se convertit pas. Et ces deux modalités procèdent de l’opinion
de Platon. La
troisième, en tant que formation et principe formel à partir duquel le tout
est composé ; la quatrième, en tant que forme préconçue par l’artisan,
laquelle est principe de ceux qui produisent l’effet ; la cinquième en tant
qu’élément, lequel est un certain principe. Ayant ainsi prouvé de plusieurs manières que l’Un est le principe de tout, Denys ajoute, à titre de conclusion, que si on enlève l’Un il ne reste aucun tout, ni aucune partie ni rien de ce qui existe ; car l’Un, à titre de principe de toute chose, contient à l’avance en Lui tout ce qui existe. |
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LECTIO 3 [84896] In De divinis
nominibus, cap. 13 l. 3 Postquam Dionysius ostendit quod unum secundum
propriam rationem est principium omnium, hic ostendit quomodo unum
attribuatur Deo ; et dividitur in partes duas : in prima, ostendit quomodo
unum attribuatur Deo ; in secunda, ostendit differentiam huius unius, quae
est ad omne aliud unum ; ibi : et oportet et nos et cetera.
Circa primum, duo facit : primo, assignat rationem quare unum attribuatur Deo
; secundo, rationem etiam assignatam manifestat ; ibi : propter quod et
cetera. Est autem advertendum quod tria supra dixerat de uno, scilicet : quod
sit omnium causa ; quod sit singulare vel simplex et indivisum ; et quod
omnia in se praeaccepit. Unde per haec tria
unitatem Deo attribuens, ex praemissis concludit quod sacra Scriptura laudat
totam thearchiam idest principalem deitatem totius Trinitatis, sicut
omnium causam, in hoc quod nominat eam, unam : dicit enim apostolus I ad
Corinth. 8 : unus Deus pater (...) et unus dominus
Iesus Christus ; et ibid. 12 : unus atque idem spiritus haec
omnia operatur. Et sic attribuit singulis unitatem propter excellentem simplicitatem divinam.
In qua quidem simplici unitate omnia, sicut in causa, sunt aggregata et
supereminenter unita singulariter, idest indivisibiliter et omnia
praeexistunt in ea, non per modum proprium, sed per modum ipsius Dei,
scilicet supersubstantialiter. Deinde, cum dicit : propter
quod et cetera, manifestat rationem positam de causalitate divinae
unitatis ; et primo, per auctoritatem Scripturae ; secundo, per experimentum
humanae rationis ; ibi : et non invenies et cetera. Dicit
ergo primo quod quia Deus laudatur unus, sicut omnium causa et sicut omnia in
se praehabens, propter hoc in sacra Scriptura, iuste, idest
rationabiliter, omnia ad ipsam deitatem remittuntur, idest
reducuntur, sicut effectus ad suam causam a qua procedunt. Addit autem : et reponuntur, quantum ad hoc quod effectus
praeexistunt in causa ; dicit enim apostolus, Rom. II : ex quo omnia,
per quem omnia, in quo omnia, quibus tribus Dionysius duo addit, scilicet
: a quo et ad quem, quae etiam non longe sunt a traditione Scripturae. Quibus
quinque habitudinibus, quinque correspondentia ponit, ut intelligatur quod a
Deo sunt omnia sicut a principio quod omnibus esse influit ;
ex Deo autem ordinata sunt omnia, inquantum in se ordo rerum sumitur ex ipsa
ratione divinae bonitatis ; per Deum manent omnia, sicut per
causam conservantem ; in Deo continentur omnia, sicut
effectus in causa ; et ad Deum convertuntur omnia, sicut ad
finem et adimplentur, idest perficiuntur omnia : ultima enim rei
perfectio est ex eo quod attingit proprium finem. Deinde,
cum dicit : et non invenies et cetera, manifestat idem per
experimentum humanae rationis et dicit quod, si quis diligenter consideret,
non potest invenire aliquid quod non habeat et esse et perfectionem et
salutem, idest conservationem per unum, secundum quod deitas Trinitatis,
una supersubstantialiter nominatur. Deinde, cum dicit : et
oportet et cetera, ostendit differentiam unius, secundum quod de Deo
dicitur, ad omnia alia quibus attribuitur unum ; et circa hoc, tria facit :
primo, ponit ordinem huius unius ad alia ; secundo, assignat huius ordinis
rationem ; ibi : quoniam existens unum et cetera ; tertio,
concludit differentiam ; ibi : propter quod et cetera. Dicit
ergo primo quod oportet nos laudare totam et unam Trinitatis deitatem
unitive, idest secundum rationem unius, ita quod convertamur a
multis creaturis quae participant unum, ad id quod
vere unum est, scilicet Deum ; et haec conversio fit in
nobis virtute divinae unitatis : dum enim consideramus quod
divina unitas est virtuosior omni unitate, omnia relinquentes, in ipsam
convertimur. Et quia dixerat quod oportet unam deitatem laudare unitive quid
hoc importet exponit subdens : scilicet omnium causam. Est enim
de ratione unius causalitas, ut supra dictum est, similiter etiam prioritas,
unde subdit : unum, quod est ante omne unum creatum et ante
omnem multitudinem et ante omnem partem et totum,
de quibus supra dictum est quod participant unum ; et iterum est ante omnem
diffinitionem et infinitatem oppositam et terminum oppositum
ad interminabilitatem : finis enim et terminus ad rationem unius
pertinere videntur. Unumquodque enim inquantum est finitum et terminatum,
secundum hoc habet unitatem in actu. Sed unum quod est Deus est ante omnem
finem et terminum et opposita eorum et est causa terminationis omnium et non
solum existentium, sed etiam ipsius esse. Nam ipsum esse creatum non est
finitum si comparetur ad creaturas, quia ad omnia se extendit ; si tamen
comparetur ad esse increatum, invenitur deficiens et ex praecogitatione
divinae mentis, propriae rationis determinationem habens. Et ipsum unum
divinum est causa omnium et non solum particularium entium,
sed etiam omnium totorum, idest entium universalium et est simul cum
omnibus et ante omnia, quia scilicet sua aeternitate continet
omnium durationes et excedit ; et est super omnia sublimitate
suae naturae et singulariter sua celsitudine ab omnibus
separatum existens ; et cum sit unum supersubstantiale, ipse est super
ipsum unum existens, idest super unum creatum, quod in existentibus
creatis invenitur ; et ipsum unum existens terminat, idest dat
terminationem propriae rationis uni creato, quod non est superexistens, sed
existens, quasi intra genus existentium contentum. Deinde, cum dicit : quoniam
existens et cetera, assignat rationem praemissi ordinis, quare
scilicet unum, quod est Deus, est ante ipsum unum creatum et ante omnia alia
; et dicit quod, hoc ideo est, quia unum existens, quod est in
genere creaturarum, est numerabile, idest quaedam pars numeri :
omne enim quod est unum in creaturis, connumeratur alteri cum quo convenit
aut specie aut genere aut in aliquo ordine ; sed numerus participat
essentia, cum sit quaedam species entis ; unde, per consequens, unum quod
est in rebus creatis, participat essentia. Sed unum supersubstantiale,
quod Deus est, non connumeratur alteri nec participat essentia, sed dat
terminationem propriae rationis et uni creato et numero, atque ipsum est principium
et causa et numerus et ordo unius creati et numeri et universaliter
omnis entis : dicitur autem esse principium omnis entis, prout est ante omnia
; causa autem, secundum quod ab ipso omnia procedunt ; numerus autem,
secundum quod est mensura omnium, unicuique proprium modum statuens ; ordo
autem est omnium, secundum quod omnia sua sapientia ordinat. Deinde, cum
dicit : propter quod et cetera, concludit ex praemissis
differentiam unius quod attribuitur Deo, ad unum quod est in creaturis ; et dicit
quod quia unum, quod est Deus, est supra omne unum creatum et supra omnem
numerum, ideo, cum in deitate quae est supra omnia laudatur unitas ac Trinitas,
non est accipiendum quod sit talis unitas aut Trinitas
quae sit a nobis cognita aut a quocumque existentium,
secundum naturalem cognitionem ; quia nec ipsi Angeli ad cognoscendam
unitatem et Trinitatem divinam, prout est in se, per sua naturalia pertingere
potuerunt. Sed tamen per gratiam non solum Angeli sed et nos pertingere
poterimus ad videndum essentiam unius aeterni Dei, sed non ad
comprehendendum. Et quamvis ipsa unitas et Trinitas Dei non sit talis, qualis
nota est nobis, tamen Deum, qui superessentialiter existit omnibus
existentibus et qui est supra omne id quod nominatur, nominamus nomine divinae
unitatis et Trinitatis ut per haec duo nomina, laudemus superunitatem ipsius,
idest excellentiam unitatis eius quae est super omne unum ; et vere
laudemus deigenum eius, idest ut in nomine Trinitatis
insinuetur nobis divina processio prout filius generatur a patre et spiritus
sanctus procedit a patre et filio : Trinitas enim personarum non distinguitur
nisi per relationes originis, quibus designatur processio unius personae ab
alia. Et quamvis intendamus in Deo laudare super-unum et deigenum eius,
nomine unitatis et Trinitatis, hoc retinendum est quod nulla monas,
idest unitas aut Trinitas neque universaliter
quicumque numerus aut quaecumque unitas sive
quaecumque fecunditas neque quodcumque aliud quod a
quocumque entium creatorum naturaliter cognoscatur, educit, idest
manifestat et perfecte exprimit illud occultum superexcellentis deitatis,
quae supersubstantialiter superexistit omnibus. Quod quidem dico occultum non
propter sui defectum, sed quia existit supra omnem et rationem humanam et
mentem angelicam. Et quia voce exprimuntur ea quae ratione vel mente
capiuntur, ideo subdit quod illius occulti quod est super mentem et rationem,
nec potest esse nomen simplex neque sermo compositus,
exprimens ipsum ut in se est, sed in inviis est segregatum.
Et loquitur ad similitudinem sensibilium rerum, in quibus ea sunt occulta
hominibus, quae sunt posita extra vias per quas homines transeunt. Ita et
essentia deitatis est occulta, quia est praeter omnes vias, quas ratio aut
mens creata excogitare potest. Est autem considerandum quod Platonici
posuerunt Deum summum esse quidem super ens et super vitam et super
intellectum, non tamen super ipsum bonum quod ponebant primum principium. Sed ad hoc excludendum, Dionysius subdit quod neque ipsum
nomen bonitatis afferimus ad divinam praedicationem, sicut
concordantes ipsi, quasi hoc nomen per quamdam aequiparantiam ei
respondeat. Sed quia desiderabile est nobis ut de illa ineffabili Dei natura
aliquid quantumcumque modicum intelligamus et dicamus, consecramus
Deo, primo et principaliter, dignissimum nominum, quod est bonum.
Et in hoc quidem concordamus cum theologis,
idest apostolis et prophetis, qui sacras Scripturas ediderunt, qui et hoc
nomen Deo attribuunt, sed multum deficimus a rerum veritate :
manifestum est enim quod hoc nomen bonum, cum sit a nobis impositum, non
signat nisi quod nos mente capimus ; unde, cum Deus sit supra mentem nostram,
superexcedit hoc nomen. Et quia theologi consideraverunt quod omne nomen a
nobis impositum deficit a Deo, ideo ipsi, inter omnes modos quibus in Deum
possumus ascendere per intellectum, praeordinaverunt eum qui est per
negationes, per quas quodam ordine in Deum ascendimus. Primo enim anima
nostra quasi exsuscitatur et consurgit a rebus materialibus, quae sunt animae
nostrae connaturalia ; puta, cum intelligimus Deum non esse aliquid sensibile
aut materiale aut corporeum ; et sic, anima nostra negando pergit per
omnes divinos intellectus, idest per omnes ordines Angelorum, a quibus
est segregatus Deus qui est super omne nomen et rationem et
cogitationem. Ad ultimum autem anima nostra Deo coniungitur, ascendendo
per negationes, in ultimis totorum, idest in supremis finibus
universaliorum et excellentiorum creaturarum. Et quidem coniunctio animae ad
Deum fit inquantum nobis possibile est nunc Deo coniungi
: non enim coniungitur in praesenti intellectus noster Deo ut eius essentiam
videat ; sed ut cognoscat de Deo quid non est. Unde haec coniunctio nostri ad
Deum, quae nobis est in hac vita possibilis, perficitur quando devenimus ad
hoc quod cognoscamus eum esse supra excellentissimas creaturas. |
Leçon 3 (63a) : Comment l’Un est attribué à Dieu.982. Après avoir montré que l’un, selon la nature qui lui est propre, est principe de toute chose, il montre ici comment l’un est attribué à Dieu et il divise ce propos en deux parties : dans la première, il montre comment l’un est attribué à Dieu ; dans la deuxième il montre la différence qu’il y a entre cet un et tous les autres, là (450) où il dit : Et il faut que nous… 983. Au sujet de la première partie, il fait deux choses : d’abord, il présente la raison pour laquelle l’un est attribué à Dieu ; deuxièmement, il manifeste la raison qu’il vient de présenter, là (448) où il dit : À cause de cela… 984. Il faut cependant remarquer que Denys avait précédemment dit trois choses au sujet de l’un, à savoir : qu’il est la cause de tout ; qu’il est unique, simple et qu'il n'est pas divisé ; et qu’il contient à l’avance en lui-même toutes les choses. C’est pourquoi en attribuant l’unité à Dieu par ces trois caractéristiques, il conclut à partir de là que les Saintes Écritures célèbrent toute la Théarchie, c’est-à-dire la Divinité supérieure de toute la Trinité, en tant que cause unique de toutes les choses, par le fait qu’elles La nomment une : en effet, l’Apôtre, dans la Première Épître aux Corinthiens (8 : 6) dit ceci : ¨Il n’y a qu’un seul Dieu, le Père…il n’y a également qu’un seul Seigneur, Jésus-Christ¨ ; et au même endroit (12 : 11) il ajoute : ¨C’est le seul et même Esprit qui produit tout cela¨. Et ainsi il attribue l’unité à chacun à cause de la remarquable simplicité divine. Et certes c’est dans cette unité simple que toutes les choses sont rassemblées et unies d’une manière surélevée et dans l’unité comme dans leur cause, c’est-à-dire d’une manière indivisible, et toutes les choses préexistent dans cette cause non pas selon le mode qui leur est propre, mais selon le mode supra-substantiel qui est propre à Dieu. 985. Ensuite, lorsqu’il dit (448) : C’est à cause de cela…il manifeste la raison qu’il a présentée au sujet de la causalité de l’unité divine ; et d’abord, il la manifeste au moyen de l’autorité de l’Écriture ; deuxièmement, au moyen de l'expérience tirée de la raison humaine là (449) où il dit : Et tu ne trouveras pas… 986. Il dit donc en premier que parce que Dieu est célébré en tant qu’un, en tant que cause de toutes les choses qui les contient toutes à l’avance en Lui, c’est à cause de cela qu’à juste titre, c’est-à-dire avec raison, toutes les choses sont rapportées à la Divinité elle-même dans les saintes Écritures, c’est-à-dire qu’elles sont ramenées à Elle comme les effets se ramènent à leur cause d’où ils procèdent. Il ajoute cependant : et elles sont rétablies, parce que les effets préexistent dans leur cause ; en effet, l’Apôtre dit dans sa Lettre aux Romains (11 : 36) : ¨Car tout vient de lui, tout existe grâce à lui et en lui¨. Et à ces trois rapports Denys en ajoute deux autres, à savoir : par qui et vers qui, lesquels ne s’éloignent pas de l’enseignement des Écritures. A ces cinq rapports il fait correspondre cinq points pour qu’on comprenne que toutes les choses sont produites par Dieu comme par le principe qui répand l’être en elles ; et que c’est à partir de Dieu que toutes les choses sont ordonnées, selon qu’en lui-même l’ordre des choses est tiré de la nature même de la bonté divine ; que c’est grâce à Dieu que toutes les choses subsistent, grâce à la cause qui les conserve dans l’être ; que c’est en Dieu que toutes les choses sont contenues comme les effets le sont dans leur cause ; et c’est vers Dieu qu’elles se tournent toutes comme vers leur fin et qu’elles sont comblées, c’est-à-dire que toutes les choses trouvent leur achèvement en Dieu : en effet, la perfection ultime d’une chose consiste dans l’atteinte de sa finalité propre. 987. Ensuite, lorsqu’il dit (449) : Et tu ne trouveras pas…il manifeste la même chose au moyen de l’expérience acquise par la raison humaine et il dit que si quelqu’un examinait attentivement les choses, il ne pourrait rien trouver qui ne possède à la fois l’être, la perfection et le salut, c’est-à-dire la conservation, grâce à l’Un, conformément à l’unité supra-substantielle qui est attribuée à la Divinité de la Trinité. 988. Ensuite, lorsqu’il dit (450) : Et il faut…il montre la différence qu’il y a entre l’un qui est attribué à Dieu et celui qui est attribué à tous les autres êtres ; et à ce sujet il fait trois choses : et d’abord, il montre le rapport qu’il y a entre cet un et les autres ; deuxièmement, il présente la raison de ce rapport, là (451) où il dit : Puisque l’être un… ; troisièmement, il tire de là la différence, là (452) où il dit : À cause de cela… 989. Il dit donc qu’il nous faut célébrer la Divinité de la Trinité qui est la divinité tout entière et une, dans l'unité, c’est-à-dire conformément à la nature de l’un, de telle sorte que nous nous détournions des nombreuses créatures qui participent de l’un pour nous tourner vers ce qui est véritablement un, à savoir Dieu ; et cette conversion se produit en nous par la puissance de l’Unité divine : en effet, c’est alors que nous voyons que l’Unité divine est plus puissante que toute autre unité que, les abandonnant toutes, nous nous tournons vers Elle. Et parce qu’il avait dit qu’il faut louer la Divinité une dans l’unité il explique en quoi cela importe en ajoutant : c’est-à-dire la cause de toute chose. En effet, la causalité entre dans la nature de l’un, ainsi que nous l’avons dit (442 ; 975), et de la même manière aussi la priorité et c’est pourquoi il ajoute : l’un, qui est antérieur à tout un créé et antérieur à toute multiplicité et antérieur aussi à toute partie et à tout ensemble, dont nous avons dit plus haut qu’ils participent de l’un, et en outre il est antérieur à toute opposition de la définition et de l'indéfini, de la limite et de l'illimité : en effet, la fin et le terme semblent appartenir à la nature de l’un. Chaque chose en effet, dans la mesure où elle possède un terme et une fin, possède l’unité en acte. Mais l’Un qui est Dieu est antérieur à tout terme et à toute fin comme il l'est à l'égard de leurs opposés et il est la cause du terme de tous les êtres et non seulement des êtres qui existent mais aussi de l'être lui-même. Car l’être créé lui-même n’est pas fini si on le compare aux créatures, car il les comprend toutes ; si cependant on le compare à l’être incréé on le trouve faible et possédant les déterminations de sa nature propre issues de la préméditation de l’esprit divin. 990. Et l’Un divin lui-même est la cause de tout et non seulement des êtres particuliers, mais encore de tous les ensembles, c’est-à-dire des êtres universels et il est simultanément avec tous et antérieurement à tous, car par son éternité il contient et dépasse leurs durées ; et il est au-dessus de tous par la sublimité de sa nature et, en raison de sa majesté, son existence est extraordinairement séparée de tous ; et puisque l’un est supra-substantiel, Lui-même est au-dessus de l’un existant lui-même, c’est-à-dire au-dessus de l’un créé qui se retrouve dans les êtres créés ; et il borne ou définit l’un existant lui-même, c’est-à-dire qu'il donne à l’un créé, lequel n’est pas supra-existant mais existant et comme contenu à l’intérieur du genre des existants, le terme de sa nature propre. 991. Ensuite, lorsqu’il dit (451) : Puisque l’existant…il donne la raison de ce rapport, c’est-à-dire pourquoi l’un, qui est Dieu, est antérieur à l’un créé lui-même et antérieur à tout autre être ; et il dit qu'il en est ainsi parce que l’un existant, qui est dans le genre des créatures, peut être compté, c’est-à-dire qu’il est une partie du nombre : en effet, toute unité qu'on retrouve dans les créatures est comptée parmi les autres avec lesquels il correspond soit par l’espèce, soit par le genre, soit par un autre rapport ; mais le nombre participe de l’essence puisqu’il est une certaine espèce d’être ; d’où, par conséquent, l’un qui est dans les choses créées participe de l’essence. Mais l’un supra-substantiel, qui est Dieu, n’est pas compté parmi les autres et ne participe pas de l’essence et il donne le terme de leur nature propre à la fois à l’un créé et au nombre, et Lui-même est à la fois le principe, la cause, le nombre et l’ordre de l’un et du nombre créé et plus universellement de tout être : on Le dit principe de tout être, parce qu’Il est antérieur à tous ; on le dit cause selon que tous procèdent de Lui ; on le dit nombre, selon qu’Il est la mesure de tous, établissant pour chacun le mode d’être qui lui est propre ; enfin il est leur ordre selon qu’Il les ordonne tous par sa sagesse. 992. Ensuite, lorsqu’il dit (452) : Et c’est pourquoi…il conclut à partir de là la différence qu’il y a entre l’un qui est attribué à Dieu et celui qui se retrouve dans les créatures ; et il dit que parce que l’Un, qui est Dieu, est au-dessus de tout un créé et au-dessus de tout nombre, à cause de cela, puisqu’on loue l’Unité et la Trinité qui est dans la Divinité qui est au-dessus de tous les êtres, il ne faut pas entendre que cette Unité et cette Trinité soient telles qu’elles soient connues de nous ou de tout autre être à partir d'une connaissance naturelle ; car les Anges eux-mêmes ne peuvent parvenir par leurs facultés naturelles à la connaissance de l’Unité et de la Trinité divines telles qu’elles sont en elles-mêmes. Cependant, par la grâce de Dieu, tout comme les Anges nous pourrons parvenir à voir l’essence du Dieu un et éternel, mais non à la comprendre. Et bien que l’Unité et la Trinité elles-mêmes de Dieu ne sont pas telles qu’elles puissent nous être connues, cependant par les noms de l’Unité et de la Trinité divines nous nommons Dieu, qui existe supra-substantiellement au-dessus de tous les êtres et qui transcende tout ce qui reçoit un nom, de telle manière qu’au moyen de ces deux noms nous louions sa sublime unité, c’est-à-dire l’excellence de Son unité qui est au-dessus de tout un ; et que nous louions véritablement la génération divine de telle sorte que par le nom de Trinité se fasse connaître en nous la procession divine selon laquelle le Fils est engendré par le Père, et l’Esprit-Saint procède du Père et du Fils : en effet, la Trinité des personnes divines ne se distingue qu’au moyen des relations d’origine par lesquelles on indique qu’une personne procède d’une autre. 993. Et bien que nous cherchions à louer en Dieu sa sublime unité et sa génération divine, par les noms d’Unité et de Trinité, il faut retenir qu’aucune monade ou unité, aucune trinité, ni universellement aucun nombre ni aucune unité ni aucune fécondité ni rien d’autre qui soit naturellement connu à partir des êtres créés ne conduit, c’est-à-dire ne met en lumière et n’exprime parfaitement le mystère de la sublime excellence de la Divinité qui existe à la manière d’une substance qui transcende toute substance. Certes, on ne dit pas mystère en raison d’un défaut de Sa part, mais parce qu’Il existe au-dessus de tout, à la fois au-dessus de la raison humaine et de l’esprit angélique. Et parce que le son de voix exprime ce que la raison et l’esprit ont saisi, c’est pourquoi il ajoute qu’il ne peut y avoir aucun nom simple ni aucun discours composé qui puisse exprimer tel qu’il est en lui-même l’Être de ce mystère qui est au-dessus de tout esprit et de toute raison et que par conséquent il demeure dans un au-delà inaccessible. Et Denys parle ici par manière de comparaison avec les choses sensibles dans lesquelles demeurent cachées à l’homme les choses qui sont placées en-dehors des chemins qu’il parcourt. De même l’essence de Dieu nous demeure cachée ou mystérieuse parce qu’elle est à l’écart ou au-delà de tous les chemins que la raison et un esprit créé peuvent imaginer. 994. Il faut considérer cependant que les Platoniciens affirmaient que Dieu est l’être suprême qui existe au-dessus de tout être, de toute vie et de toute intelligence, mais non cependant au-dessus du bien lui-même qu’ils prétendaient être le premier principe de tout. Et pour écarter cela, Denys ajoute que nous n'ajoutons pas le nom même de bonté à la louange que nous attribuons à Dieu, comme en croyant nous ajuster adéquatement à Lui, comme si ce nom Lui correspondait comme par manière d’équivalence. Mais nous Lui attribuons ce nom parce que nous désirons, quelque faible que soit ce que nous pouvons comprendre et dire de cette nature indicible de Dieu, consacrer en tout premier lieu à Dieu le plus digne des noms, à savoir le bien. 995. Et en cela certes nous sommes en accord avec les théologiens, c’est-à-dire avec les Apôtres et les Prophètes qui ont produit les saintes Écritures et qui ont attribué ce nom à Dieu ; mais ce faisant nous nous éloignons beaucoup de la vérité des choses : il est manifeste en effet que ce nom de bonté, puisqu’il est établi par nous, ne désigne que ce que notre esprit peut saisir ; c’est pourquoi, puisque Dieu transcende notre esprit, Il s’élève infiniment au-delà de la signification de ce nom. Et parce que les théologiens avaient vu que tous les noms que nous établissons sont bien en deçà de la réalité de Dieu, pour cette raison, parmi toutes les manières par lesquelles nous pouvons nous élever à Dieu, ils ont privilégié celle qui se fait par des négations au moyen desquelles nous nous élevons à Dieu selon un certain ordre. 996. Tout d’abord en effet notre âme s’éveille en quelque sorte et est mise en mouvement par les choses matérielles qui sont proportionnées à notre âme ; par exemple, lorsque nous comprenons que Dieu n’est pas quelque chose de sensible, de matériel ou de corporel ; ainsi notre âme, par la négation, continue son chemin jusqu’aux intelligences divines, c’est-à-dire jusqu'à toutes les hiérarchies des Anges dont Dieu est séparé, Lui qui est au-dessus de tout nom, de toute raison et de toute pensée. Mais à la fin, en s’y étant élevée par les négations, notre âme s’unit à Dieu, dans les ensembles les plus éloignés, c’est-à-dire jusqu’aux dernières frontières des créatures les plus universelles et les plus excellentes. Et certes l’union de notre âme à Dieu se produit dans la mesure où il nous est possible de nous unir à Dieu ici-bas : en effet, ici-bas, notre intelligence n’est pas unie à Dieu de manière à voir son essence même, mais plutôt de manière à connaître ce qu’Il n’est pas. D’où il suit que cette union de notre intelligence à Dieu qui nous est possible en cette vie atteint son sommet lorsque nous parvenons à connaître qu’Il est au-dessus des créatures les plus élevées. |
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LECTIO 4 [84897] In De divinis
nominibus, cap. 13 l. 4 Postquam Dionysius in hoc libro exposuit divina
nomina, hic epilogat ea quae in hoc libro sunt dicta ; et primo, recapitulat
ea quae dicta sunt ; secundo, continuat se ad sequentem librum ; ibi : sed
haec quidem et cetera. Circa primum, tria facit : primo, ostendit
quomodo divina nomina exposuerit ; secundo, inducit ad reddendas Deo gratias
de bene dictis ; ibi : quare si recte et cetera ; tertio,
petit corrigi et dirigi, si qua sunt in quibus non bene dixit ; ibi : si
autem ista et cetera. Dicit ergo primo quod ipse in hoc libro
reseravit, idest exposuit, secundum suam possibilitatem, intelligibiles
significationes divinorum nominum, congregando et redigendo in unum
opus. Dicit autem intelligibiles ad differentiam eorum quae
symbolice vel metaphorice dicuntur de Deo, quorum significationes sunt
sensibiles. Et ne aliquis intelligat quod ipse praesumat se sufficienter
exposuisse significationes divinorum nominum, ad hoc excludendum subiungit
quod non solum in exponendo significationes praedictas defecit ab
earum diligentia, idest ab earum perfecta expositione, secundum quod res
requirit, quia hoc neque Angeli facere possent cum non comprehendant divinam
bonitatem et divinum esse et divinum vivere et alia huiusmodi, de quibus
dictum est ; nec solum dicit se defecisse a laudando significationes
praedictas sicut ab Angelis laudantur, quia excellentissimi theologi qui
sunt apud nos, deficiunt in minimis Angelorum, sicut dicitur
Matth. II quod qui minor est in regno caelorum, maior est Ioanne
Baptista ; neque etiam dicit se solum defecisse a laudando significationes
praedictas sicut theologi philosophantes de rebus divinis, scilicet prophetae
et apostoli aut etiam socii eorum qui canonicas Scripturas ediderunt ut Lucas
et Marcus, sed asserit se deficienter et in fine dixisse per comparationem ad
alios qui erant sui gradus et ordinis. Deinde, cum dicit : quare si
recte et cetera, concludit quia ex quo ita deficientem se cognoscit
in rebus divinis, si recte se habent ea
quae dicta sunt et si, secundum deliberationem
sibi proportionatam, vere tetigit expositionem divinorum nominum, referendum
est hoc cum gratiarum actione ad Deum qui est causa omnium bonorum, qui primo
quidem dat nobis virtutem loquendi et postea dat nobis ut hac virtute bene utamur,
bene aliquid dicendo. Et tamen si aliquid est praetermissum quod
aequipolleat his quae dicta sunt, oportet hoc
subintelligere secundum easdem rationes et regulas, secundum quas
praedicta exposita sunt. Et hoc ideo dicit quia forte aliquod nomen in Scripturis
dictum de Deo non est expositum, quod tamen aequipollet alicui praemissorum.
Vel, si aliquis modus exponendi est praetermissus in aliquo dictorum nominum,
potest subintelligi ex aliorum nominum expositione. Deinde, cum dicit : si
autem ista et cetera, petit corrigi de non bene dictis ; et primo,
ponit petitionem ; secundo, rationem petitionis assignat ; ibi : ne
pigriteris et cetera. Dicit ergo primo quod si ista quae
dicta sunt ab eo in expositione divinorum nominum aut non recte aut
imperfecte se habent et si ipse vel in toto vel in parte
erravit a veritate, petit a Timotheo ut ex sua benignitate
dirigat eum ; quia si ipse alicubi erravit, non hoc fuit ex voluntaria
ignorantia et ideo vult dirigi : si qui enim voluntarie ignorant, dirigi
nolunt. Haec est ergo prima conditio ex parte sui quare petit se dirigi,
quia non voluntarie ignoravit. Secunda conditio est quia,
secundum suam reputationem indiget addiscere et ideo tradendae sunt ei
rationes quibus addiscere possit : supervacaneum autem videtur tradere
disciplinam ei qui se non reputat disciplina indigere. Tertia conditio est
quia subveniendum est ei qui non reputat se sufficientem virtutem habere.
Quarta conditio est quia sanitatis cura impendenda est ei qui nolens
aegrotat. Quomodo autem ipsum possit dirigere ostendit subdens quod quaedam
potest ei tradere, ad eius directionem, quae per seipsum Timotheus cognoscit
; quaedam autem quae potest invenire accipiendo ab aliis, accipiat : certum
est enim quod recipiuntur a bono quod est Deus et accepta a Deo
qualitercumque, petit ad se transferri. Deinde, cum dicit : ne
pigriteris et cetera, assignat rationem petitionis positae ; et
primo quidem ex parte amicitiae, quia non debet homo esse piger ad
benefaciendum amico. Maximum autem beneficium alicui impenditur,
si ab errore ad veritatem reducatur. Secundo, assignat rationem ex sui
exemplo, quia scilicet ipse nullum sacrorum sermonum sibi traditorum,
ad se contraxit, idest sibi avare retinuit, sed currendo sursum ad
Dei imitationem, ea quae sibi tradita sunt, iam tradidit et in futuro tradere
intendit et Timotheo et aliis sanctis viris, secundum quod ipse
sufficiens est dicere et alii sunt sufficientes audire.
Et in hoc, in nullo facit iniuriam traditioni divinorum, cui fit iniuria dum
vel tradita avare retinentur vel inconsiderate sparguntur. Sic autem ea quae
sibi sunt tradita, aliis tradere intendit, nisi forte in
aliquibus ipse non sit potens ad intelligendum aut ad
exponendum aliis. Deinde, cum dicit : sed haec quidem et
cetera, continuat se ad sequentem librum. Et quia quaedam dixerat ad futurum
pertinentia, scilicet quod tradet aliis quae sunt sibi tradita, ideo dicit
quod haec ita habeantur et dicantur sicut est Deo
amicum, idest sicut Deo placet, secundum illud Iacob. 4 : pro eo
ut dicatis : si dominus voluerit. Et in hoc fit finis expositionis
intelligibilium divinorum nominum, quantum ad ipsum. Sed intendit ulterius
transire Deo duce ad symbolicam theologiam in qua scilicet
exponit nomina quae symbolice dicuntur de Deo, puta : quod dicitur leo, lapis,
ignis et alia huiusmodi ; qui quidem liber apud nos non habetur. |
Leçon 4 : Résumé de ce qui a été dit dans ce livre.997. Après avoir traité des Noms divins dans ce livre, il résume ici ce qu’il y a dit ; et en premier lieu il résume ce qu’il a dit ; deuxièmement, il annonce qu’il passe au livre suivant, là (457) où il dit : Mais certes ces… 998. Au sujet du premier point, il fait trois choses : d’abord, il montre comment il a traité des noms divins ; deuxièmement, il est conduit à rendre grâces à Dieu pour ce qui y a été dit avec justesse, là (454) où il dit : C’est pourquoi si j’ai correctement… ; troisièmement, il demande à être corrigé et guidé s’il y a certaines choses dont il aurait mal parlé, là (455) où il dit : Si cependant ces choses… 999. Il dit donc en premier (453) que c’est selon ses capacités que dans ce livre il a lui-même dévoilé et traité des significations intelligibles des noms divins en les rassemblant et en les intégrant dans une œuvre. Et il parle de significations intelligibles, à la différence des noms qu’on dit de Dieu de manière symbolique ou métaphorique et dont les significations sont sensibles. 1000. Et afin que personne ne pense que lui-même présume avoir suffisamment traité des significations des noms divins, il ajoute pour éviter cela que non seulement il est loin d’avoir expliqué ces significations conformément à l’exactitude qui leur est due, c’est-à-dire selon un parfait exposé à leur sujet ainsi que la matière l’exige, car même les Anges ne peuvent accomplir cela puisqu’ils ne peuvent comprendre la bonté, l’être, la vie et les autres traits de Dieu dont on a parlé dans ce livre ; et non seulement il affirme être loin des Anges dans la louange de ces significations mais aussi d'être en-deçà des plus grands théologiens que nous connaissons, lesquels sont en défaut par rapport aux derniers des Anges ainsi que le dit Jean-Baptiste dans Matthieu (11 :11) : ¨Celui qui est le plus petit dans le Royaume des Cieux, c’est lui qui est le plus grand¨ ; et non seulement il dit qu’il n’arrive pas à faire valoir ces significations comme l’ont fait les théologiens qui ont médité les choses divines, comme les Prophètes et les Apôtres ou encore leurs collaborateurs qui ont rédigé les saintes Écritures comme Luc et Marc, mais il affirme encore avoir parlé faiblement et d’une manière limitée comparativement à ses pairs. 1001. Ensuite, lorsqu’il dit (454) : C’est pourquoi si j’ai correctement… ayant ainsi reconnu sa faiblesse dans les choses divines, il conclut en disant que si ce qu’il a dit est juste et s’il a traité des noms divins dans la vérité selon ses capacités, il faut dans l’action de grâces en accorder le mérite à Dieu qui est la cause de tous les biens, lequel nous donne certes en premier la puissance de parler et ensuite nous donne de bien nous servir de cette puissance lorsque nous parlons de quelque chose avec justesse. 1002. Et cependant si certaines choses ont été
omises, qui sont de même valeur que ce qui a été dit, il faudra les entendre
immédiatement après selon les mêmes raisons et les mêmes règles d’après
lesquelles nous avons traité de ce qui précède. Et il dit cela parce qu’il y
a peut-être dans les Écritures un nom de Dieu dont il n’a pas traité mais qui
est aussi important que ceux qu’il a examinés. Ou bien, si le mode de
présentation a été négligé relativement à un des noms traités, on pourra le
supposer à partir de l’examen des autres noms. 1003. Ensuite, lorsqu’il dit (455) : Mais si ces …il demande à être corrigé pour ce qu’il aurait dit d’incorrect ; et d’abord, il présente sa demande ; deuxièmement, il désigne la raison de sa demande, là (456) où il dit : afin que tu ne répugnes pas… 1004. Il dit donc en premier (455) que si ce qu’il a dit dans son traité sur les noms divins est incorrect ou imparfait et si lui-même s’est écarté totalement ou en partie de la vérité, il demande à Timothée de le corriger avec bienveillance ; car si lui-même s’est trompé en quelque point, ce ne fut pas en raison d’une ignorance volontaire et c’est pourquoi il demande à être guidé : en effet, ceux qui veulent demeurer dans leur ignorance ne cherchent pas à être guidés. De son côté, c’est donc là la première raison pour laquelle il demande à être guidé, à savoir parce que son ignorance n’était pas volontaire. La deuxième raison vient de ce qu'il croit avoir besoin d’apprendre et c’est pour cette raison qu’il faut lui enseigner les règles par lesquelles il peut apprendre : mais il paraît inutile d’enseigner une science à celui qui n’estime pas en avoir besoin. La troisième raison vient de ce que l’on doit venir à la rescousse de celui qui n’estime pas posséder des capacités suffisantes. La
quatrième raison vient de ce que les soins de la santé doivent être consacrés
à celui qui est malade sans le vouloir. 1005. Et Denys lui montre comment lui-même peut le guider en ajoutant qu’il peut lui enseigner certaines choses qui contribuent à le diriger et que Timothée connaît déjà de lui-même et il l’encourage de plus à accueillir celles qu’il peut trouver en les recevant des autres : il est certain en effet qu’elles seront reçues du bien qui est Dieu et il le supplie de lui transmettre celles qu’il reçoit de Dieu de quelque manière que ce soit. 1006. Ensuite, lorsqu’il dit (456) : Afin que tu ne répugnes pas…il donne la raison qui fonde la demande qu’il vient de présenter ; et d’abord certes il la fonde du côté de l’amitié car l’homme ne doit pas répugner à faire du bien à ses amis. Et ramener quelqu’un de l’erreur à la vérité est le plus grand bienfait qu’on puisse lui accorder. Deuxièmement, il présente une raison tirée de sa propre vie car il ne cherche à ramener à lui-même ni à retenir pour lui, tel un avare, aucun des enseignements sacrés qui lui furent transmis, mais au contraire, en courant toujours plus haut, à l’imitation de Dieu, ceux qu’il a reçus il les a transmis aussitôt et cherchera à les transmettre dans l'avenir à Timothée et aux autres hommes saints, dans la mesure où lui-même est capable d'en parler et que les autres seront capables de les entendre. Et ce faisant, il ne fait nullement injure à la Tradition des choses divines, ce qui aurait été le cas s’il les avait retenus jalousement ou s’il les avait éparpillées inconsidérément. Ainsi donc, les choses qui lui ont été enseignées, il cherche à les enseigner aux autres, à moins qu’il ne soit incapable, relativement à certains points, de les comprendre ou de les expliquer aux autres. 1007. Ensuite, lorsqu’il dit (457) : Mais certes ces …il passe au livre suivant. Et parce qu’il avait dit certaines choses qui se rapportent à l’avenir, à savoir qu’il enseignera aux autres ce qu’il a lui-même reçu, c’est pour cette raison qu’il dit que ces choses sont telles et sont dites de manière à plaire à Dieu, c’est-à-dire de manière à être agréables à Dieu, selon ce qui est dit dans ce passage de la Lettre de Jacques (4 : 15) : ¨Voici bien plutôt ce que vous devriez dire : Si le Seigneur le veut…¨. Et c’est ainsi qu’il termine son exposé sur les noms divins intelligibles en tant que tels. Et il cherchera à passer
plus loin, conduit par Dieu, à la
présentation de la Théologie Symbolique
dans laquelle il explique les noms qui sont dits de Dieu de manière
symbolique, par exemple lorsque l’on dit de Dieu qu’il est une pierre, un feu
et d’autres choses du même genre ; et certes ce livre n’est plus en notre
possession. |
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Et nos, post expositionem
dictorum beati Dionysii, longe ab eius intellectu deficientes, corrigi de non
recte dictis postulamus. Si qua autem bene dicta sunt referendae sunt gratiae
bonorum omnium largitori qui est trinus et unus Deus vivens et regnans per
omnia saecula saeculorum. Amen. |
CONCLUSION DU COMMENTAIRE1008. Et nous, après ce commentaire des paroles du
bienheureux Denys, loin d’égaler son intelligence, nous demandons à être
corrigés de ce que nous aurions pu affirmer incorrectement. Si cependant il
nous est arrivé de parler avec justesse il faut l’attribuer à la prodigalité
de la source de tous les biens qui est le Dieu un et trine qui vit et règne
pour les siècles des siècles. Amen. |