Charte d'enseignement établie à
Valenciennes en l'an de grâce 1259.
Édition numérique, https://www.i-docteurangelique.fr/DocteurAngelique,
2005
Les œuvres complètes de
saint Thomas d'Aquin
Ordinationes pro
promotione studii
apud Valencenas MCCLIX A.D.
Textum editum a B. Reichert Romae
1898 [91948] Ordinationes 1259, n. 1 Parisius non petatur licentia legendi theologiam pro
aliquo fratre, nec licentiatus incipiat, nec legens dimittat, nisi de
consilio magistri si fuerit in provincia Francie, vel de consilio prioris
provincialis Francie, si magister ordinis in Francia non fuerit (...). [91949] Ordinationes 1259, tit. 1 Apud Valencenas anno Domini Mº CCº LIXº de mandato magistri
et diffinitorum pro promocione studii ordinatum est per fratres Bonumhominem,
Florentium, Albertum Theutonicum, Thomam de Aquino, Petrum de Tharantasia,
magistros theologie Parisius, qui interfuerunt dicto capitulo, [91950] Ordinationes 1259, n. 2 quod lectores non occupentur in factis vel negotiis, per
que a lectionibus retrahantur. [91951] Ordinationes 1259, n. 3 Item, quod diligenter inquiratur per priores provinciales
de iuvenibus aptis ad studium, qui possint in brevi proficere, et eos in
studio promoveant. [91952] Ordinationes 1259, n. 4 Item, quod talis inquisitio fiat singulis annis per
visitatores in singulis conventibus, et referatur capitulo provinciali. [91953] Ordinationes 1259, n. 5 Item, quod ad studia ordinis generalia non mittantur
fratres, nisi qui sunt bene morigerati et apti ad proficiendum. [91954] Ordinationes 1259, n. 6 Item, quod si in aliqua provincia non possint haberi
lectores in omnibus conventibus, provideatur saltem quod fratres et maxime
iuvenes non semper remaneant in illis conventibus, sed mittantur ad loca ubi
sunt lectores. [91955] Ordinationes 1259, n. 7 Item, quod si inveniri non possunt lectores sufficientes
ad legendum publice, saltem provideatur de aliquibus qui legant privatas
lectiones, vel ystorias, vel summam de casibus, vel aliud huiusmodi, ne
fratres sint otiosi. [91956] Ordinationes 1259, n. 8 Item, quod fratribus iuvenibus aptis ad studium parcatur a
discursibus et aliis occupationibus, ne a studio retrahantur. [91957] Ordinationes 1259, n. 9 Item, quod ordinetur in provinciis, que indiguerint,
aliquod studium artium vel aliqua, ubi iuvenes instruantur. [91958] Ordinationes 1259, n. 10 Item, quod fratres, qui remanent a scolis, dure puniantur. [91959] Ordinationes 1259, n. 11 Item, quod fratres tempore lectionis non occupentur in
missis celebrandis, vel aliis huiusmodi nec vadant in villam, nisi pro magna
necessitate. [91960] Ordinationes 1259, n. 12 Item, quod etiam priores vadant ad scholas, sicut ceteri
fratres, quando commode poterunt. [91961] Ordinationes 1259, n. 13 Item, quod lectores vacantes vadant ad scolas et praecipue
ad disputationem. [91962] Ordinationes 1259, n. 14 Item, quod non fiant lectores vel predicatores vel
confessores, nisi sint sufficientes, ita quod possint sine periculo notabili
huiusmodi officia exercere. [91963] Ordinationes 1259, n. 15 Item, quod priores et visitatores et magistri fratrum sint
solliciti diligenter inquirere, qualiter fratres et precipue iuvenes circa
studium occupentur, et qualiter in studio proficiunt et puniant negligentes. [91964] Ordinationes 1259, n. 16 Item, quod lectores, quantumcumque fieri poterit,
continuent lectiones suas. [91965] Ordinationes 1259, n. 17 Item, quod visitatores singulis annis diligenter inquirant
de lectoribus, quantum legant in anno et quot questiones disputaverint ac
etiam determinaverint, et quot conventus sue visitationis careant lectoribus,
et quod quidquid circa hoc invenerint, referant capitulo provinciali, et
etiam defectus notabiliores qui circa hoc invenerint; prior provincialis et
diffinitores referant postmodum capitulo generali. [91966] Ordinationes 1259, n. 18 Item, quod in singulis provinciis singulis annis in
quolibet provinciali capitulo ordinetur, qualiter provideatur studentibus sue
provincie missis ad quecumque studia generalia. [91967] Ordinationes 1259, n. 19 Item, visitatores diligenter inquirant qualiter
studentibus provideatur, et referant defectus notabiles capitulo provinciali,
per quod efficax remedium apponatur. [91968]
Ordinationes 1259, n. 20 Item, provideatur quod quilibet lector, tenens
aliquod studium solempne, habeat bacellarium, qui legat sub eo. [91969] Ordinationes 1259, n. 21 Item, quod fratres portent ad scolas libros qui leguntur
in scola, si habent, et non alios. [91970] Ordinationes 1259, n. 22 Item, quod in quolibet conventu, ubi est lector,
instituatur aliquis frater qui diligenter repetat, dummodo sit in conventu
aliquis sufficiens. [91971] Ordinationes 1259, n. 23 Item, quod fiant repetitiones de questionibus et
collationes de questionibus semel in septimana, ubi hoc commode poterit
observari. |
Traduction
Charles Duyck, 2005 Ordonnances pour la
promotion des études à Valenciennes 1. A Paris, qu’on ne
réclame pas la licence d’expliquer la théologie, au bénéfice de quelque
frère, que celui qui en a reçu licence ne commence pas (ses lectures), que le
lecteur ne s’arrête pas, si ce n’est sous l’autorité du Maître s’il est en
France, ou sous l’autorité du supérieur de la province de France, si le
Maître de l’Ordre n’est pas en France… A Valenciennes, en l’année
du Seigneur 1259, sur mandat du Maître et des prescripteurs (diffinitor) pour
la promotion des études, il est ordonné par les frères Bonhomme, Florent,
Albert le Teuton, Thomas d’Aquin, Pierre de Tarentaise, maîtres en théologie
à Paris, qui étaient présents au dit Chapitre… 2. Que les lecteurs ne
s’occupent ni de travaux ni de commerces, qui les détourneraient de leur
lecture. 3. De même que les
Supérieurs provinciaux s’occupent activement à rechercher des jeunes gens
aptes aux études, susceptibles de faire des progrès rapidement, et qu’ils les
encouragent aux études. 4. De même, qu’une
recherche semblable soit effectuée chaque année par des inspecteurs dans tous
les couvents et qu’on fasse rapport au
chapitre provincial. 5. De même, que ne soient
dirigés vers les études générales de l’ordre que les frères qui sont bien
disposés et aptes à progresser. 6. De même si dans une
province ne peuvent se trouver des lecteurs dans tous les couvents, qu’on
veille du moins à ce que des frères, et surtout des jeunes gens, ne restent
pas dans ces couvents, mais qu’ils soient envoyés vers les endroits où il y a
des lecteurs. 7. De même, si on ne peut
pas trouver des lecteurs suffisants pour la lecture en public, qu’on fasse du
moins en sorte, parmi ceux qui font des lectures privées ou des récits
( ?) ou des résumés d’événements ( ?) ou quelque autre chose du genre, que les frères
ne restent pas oisifs. 8. De même, que l’on
épargne aux jeunes frères, aptes aux études, des distractions et autres
occupations, pour qu’ils ne soient pas détournés des études. 9. De même que soient
organisés, dans les provinces qui en ont besoin, quelque étude des arts ou
autre, dans lesquels les jeunes puissent s’instruire. 10. De même, que les
frères qui cessent de fréquenter l’école soient durement punis. 11. De même, que, durant
le temps des lectures, les frères ne soient pas occupés à la célébration des
messes ou à autre chose du même genre, et qu’ils ne se rendent pas à la
ferme, sauf grande nécessité. 12. De même, que les
supérieurs se rendent aussi dans les écoles, comme les autres frères, quand
ils le pourront commodément. 13. De même, que les
lecteurs qui sont libres se rendent dans les écoles et, en particulier, pour
les débats. 14. De même, que ne soient
nommés lecteurs, prédicateurs ou confesseurs que ceux qui sont nécessaires,
de sorte qu’ils puissent sans danger notable, exercer les charges de ce
genre. 15. De même, que les
supérieurs, les inspecteurs et les Maîtres des frères soient sollicités de
rechercher avec soin comment les frères et en particulier les jeunes seront
occupés aux études et y progresseront, et qu’ils punissent les négligents. 16. De même, que les
lecteurs poursuivent leurs lectures, autant que faire se peut. 17. De même, que chaque
année, les inspecteurs s’enquièrent avec soin, auprès des lecteurs, de la
quantité qu’ils expliqueront dans l’année, du nombre de questions qu’ils
auront débattues et réglées, combien de couvents parmi ceux qu’ils auront
visités, manquent de lecteurs ; et de ce qu’ils auront découvert à ce
sujet, qu’ils fassent rapport au chapitre provincial ; qu’ils fassent
aussi rapport des manquements les plus criants qu’ils auront découverts à ce
propos ; que le supérieur de province et les prescripteurs en réfèrent
ensuite au chapitre général. 18. De même, que chaque
année, dans chaque province, dans chaque chapitre provincial, que soit réglé
de quelle manière on se préoccupe des étudiants de la province envoyés dans
tous les genres d’études générales. 19. De même, que les
inspecteurs s’enquièrent avec soin de la manière dont on s’occupe des
étudiants, et fassent rapport des manquements notables au chapitre provincial
qui sera chargé de trouver un remède efficace. 20. De même, qu’on veille
à ce que chaque lecteur, chargé d’un enseignement légitime (solennel) ait un
bachelier qui lise à sa place (sub eo). 21. De même, que les frères apportent à l’école
les livres qui sont lus à l’école, et pas d’autres. 22. De même, que dans
chaque couvent où il y a un lecteur, soit nommé quelque frère qui fasse
convenablement répéter, du moins s’il y a dans le couvent quelqu’un qui en
est capable. 23. De même qu’il y ait
des répétitions des questions et des comparaisons des questions, une fois par
semaine, là où cela pourra être organisé commodément. |
Traduction Vladislav Dolidon, 2005 Charte d'enseignement établie à Valenciennes en l'an de grâce 1259. 1 - Que nul frère, à Paris, ne
soit présenté à la licence d'enseigner la théologie, ni ne prononce sa leçon
inaugurale s'il est déjà licencié, ni ne cesse
d'enseigner, sans l'avis du maître de l'ordre au cas où celui-ci est dans la
province de France, ou du provincial de France si le maître de l'ordre n'est pas en France (...). A Valenciennes, en l'an de grâce 1259, mandatés par le maître de
l'ordre et les définiteurs[1] pour promouvoir les études,
les frères Bonhomme, Florent, Albert le Teutonique, Thomas d'Aquin et Pierre de
Tarentaise, maîtres en théologie à Paris, ayant eu voix audit chapitre, ont arrêté : 2 - que les lecteurs ne soient pas occupés à des tâches ou affaires qui les distraient de leurs leçons. 3 - De même, que les provinciaux s'attachent à identifier les jeunes gens doués pour l'étude, aptes à avancer rapidement, et qu'ils favorisent leur progression. 4 - De même, que les visiteurs procèdent à pareille quête tous les ans dans chaque couvent, et rendent compte au chapitre provincial. 5 - De même, que l'on n'envoie pas de frères dans les maisons générales d'études de l'ordre, à moins qu'ils n'aient des dispositions spéciales et ne soient capables de progresser. 6 - De même, si en quelque province on ne peut avoir de lecteurs dans tous les couvents, que l'on veille du moins à ce que les frères, et en particulier les jeunes, ne restent pas à demeure dans ces couvents, mais qu'ils soient envoyés là où il y a des lecteurs. 7 - De même, si l'on ne peut trouver de lecteurs capables de dispenser un cours magistral, que l'on s'en pourvoie du moins qui enseignent moins formellement l'histoire sainte, les rudiments du droit, ou quelque matière de ce genre, pour garder les frères de l'oisiveté. 8 - De même, que l'on épargne
aux jeunes frères qui sont aptes au travail intellectuel les déplacements et
autres occupations, pour éviter de les retirer de l'école. 9 - De même, que l'on institue, dans les provinces qui en sont dépourvues, une faculté des arts libéraux, ou quelque lieu où instruire la jeunesse. 10 - De même, que les frères qui ne vont pas à l'école soient sévèrement châtiés. 11 - De même, que les frères, au moment de la leçon, ne soient pas occupés à la célébration des messes ou à quelque autre office de ce genre, et qu'ils n'aillent pas aux champs, sauf nécessité impérieuse. 12 - De même, que les prieurs aillent aussi à l'école, comme tous les autres frères, lorsqu'ils le pourront commodément. 13 - De même, que les lecteurs sans charge aillent à l'école, et en particulier à la dispute. 14 - De même, que nul ne soit employé comme lecteur, prédicateur ou
confesseur, à moins d'en être capable et de pouvoir sans risque notable
occuper une charge de cette nature. 15 - De même, que les prieurs, les visiteurs et les maîtres des frères mettent tout leur soin à examiner la qualité du travail des frères, et singulièrement des jeunes, ainsi que l'avancement de leurs études, et qu'ils punissent les négligents. 16 - De même, que les lecteurs, autant que faire se pourra, poursuivent les leçons engagées. 17 - De même, que les visiteurs
procèdent chaque année à une enquête minutieuse sur les lecteurs, établissant
l'étendue du programme couvert dans l'année, sur combien de controverses ils
ont débattu, combien il en ont conclu, et combien de couvents de leur
visitation manquent de lecteurs ; et tout ce qu'ils auront trouvé à ce sujet,
qu'ils le rapportent au chapitre provincial ; feront de même ceux qui auront
eu à constater là des insuffisances majeures ; qu'ensuite le provincial et
les définiteurs rendent compte au
chapitre général. 18 - De même, que dans toutes les provinces, l'on arrête annuellement, dans chaque chapitre provincial, les dispositions à prendre pour les étudiants de cette province envoyés dans une maison générale d'études, quelle qu'elle soit. 19 - De même, que les visiteurs s'enquièrent avec soin des dispositions prises pour les étudiants, et qu'ils rapportent les insuffisances remarquables au chapitre provincial, qui apportera une solution efficace. 20 - De même, que l'on veille à
ce que tout lecteur responsable d'une école supérieure de théologie[2] ait
sous sa direction un bachelier pour l'assister. 21 - De même, que les frères apportent à l'école les livres qui y sont étudiés, s'ils en disposent, et nul autre. 22 - De même, que dans tout couvent où il y a un lecteur, un frère soit nommé pour exercer avec zèle la charge de répétiteur, pourvu que quelqu'un au couvent en soit capable. 23 - De même, que l'on s'organise pour réviser et discuter les controverses une fois par semaine, là où le lieu s'y prêtera. |
[1]
"Dans
l'Ordre (...) des Frères Prêcheurs, dignitaires chargés de la recherche et du
redressement des abus" (Niermeyer, Mediae
latinitatis lexicon minus).
[2]
Ecole de rang supérieur au studium idéalement présent dans chaque
couvent, mais inférieur aux "maisons générales d'études" (studia generalia), dont le chapitre
général de 1248 avait ordonné de porter le nombre à cinq (après Paris : Oxford,
Bologne, Montpellier et Cologne). Cf. Hinnebusch, Brève histoire de l'Ordre dominicain (trad. Bedouelle) ; Weijers, Terminologie des universités au XIIIe
siècle.