LE MINISTÈRE DU PRÊTRE
SAINT THOMAS D'AQUIN, DOCTEUR DE L'ÉGLISE
OPUSCULE 64
(Ecrit probablement non authentique)
Traduction Abbé Védrine, Editions Louis Vivès, 1857
Édition numérique, https://www.i-docteurangelique.fr/DocteurAngelique,
Les œuvres complètes de
saint Thomas d'Aquin
II. Des sacrements de l’Eglise.
2° Du sacrement de la Confirmation.
3° De ce qui est nécessaire dans la Confession.
4° Du sacrement de l’Eucharistie.
5° Du sacrement de l’Extrême-onction.
III. Les homélies et enseignements des prêtres
Conclusion: Les qualités essentielles du prêtre
Comme le ministère du prêtre porte sur trois points principaux, à savoir:
1° La célébration des divins offices,
2° L’administration des sacrements
3° Et l’instruction du peuple
nous allons nous en occuper brièvement et en suivant un ordre pour plus de clarté et d’avantage, en vue de l’honneur et de la gloire de Dieu et de Jésus-Christ notre Sauveur, de notre utilité commune et de l’instruction des simples prêtres suivant ce que j’en trouverai dans l’inspiration divine, les écrits des Saints et des Pères, et les règles de nos sacrées constitutions.
Les offices divins sont divisés en sept heures canoniales, savoir,
Matines, Prime, Tierce, Sexte, None, Vêpres et Complies. Chaque prêtre doit
tous les jours offrir ces sept heures au Seigneur aux heures convenables, à
moins qu’il ne soit malade, circonstance qui l’excuse, XCI dist. Presbyter
mane, et extra de cel. Mis.,
XCI dist. Clericus victum. On voit par là que non seulement il ne doit pas dire ces heures
d’un seul trait et confondues, mais bien chacune en particulier et séparées
l’une de l’autre, et ne pas imiter certains prêtres qui ont cette mauvaise
habitude. Mais si l’on a quelque empêchement légitime et que l’on ne puisse pas
les réciter aux heures convenables, il faut le faire le plus tôt qu’on le peut,
ar. de do. et contu.
Cum dilecti. Il faut les
réciter dans l’église s’il est possible, suivant ce passage du Psaume LXVII,
27: "Louez Dieu dans les églises," Sinon il faut s’acquitter
de ce devoir en quelque endroit que ce soit d’une manière convenable, quand on
le pourra commodément. Le prêtre est obligé à ces heures, aussi bien que les
autres clercs dans les ordres sacrés, qu’ils aient un bénéfice ou non, avec
tous ceux qui jouissent de revenus ecclésiastiques dans quelque ordre qu’ils
soient, argum. extrade pos.,
c. I, et ad Hebr., II. Or les revenus ecclésiastiques sont destinés à l’entretien de ceux
qui dans l’église paient à Dieu la dette des offices divins, ut extra de Cler. non re.
in Eccles. vel
prae., c. Cum ad hoc, et de vi.
et ho. Cler., c. Cum ab omni.
Quant au mode et à l’ordre des offices, chaque
église particulière doit se conformer à l’Eglise mère, dans la métropole, ut de cons. dist. II, Institut., et XXII dist. Néanmoins les jours de dimanche on doit dire dix-huit psaumes et
neuf leçons, neuf psaumes les autres jours moins solennels, et les jours de fête
douze psaumes et trois leçons. Dans la semaine de Pâques et dans celle de la
Pentecôte on dit trois psaumes et trois leçons. Ceux qui les autres jours ne
veulent réciter que trois psaumes et trois leçons, ne peuvent pas motiver leur
pratique par les règles des saints Pères, mais bien la donner comme un acte de
négligence et de mépris, ut de cons. dist. IV, in die resurrectionis. Il ne faut pas
non plus omettre l’office des morts, quand on n’en est pas empêché par un jour
de fête solennelle, ut extra de ". Mis. Quidam, c. Cum creatura.
Tout prêtre doit être à jeun pour célébrer et ne dire qu'une messe par jour, excepté le jour de Noël, où il est permis d’en dire trois, ut de cons. dist. 1, nocte Nativitatis sanctœ. Mais s’il y a une nécessité majeure, comme celle de dire la messe pour un défunt, pour un mariage, une élection ou un jour de grande solennité, dans ce cas on peut célébrer deux fois, ut de cons., dist. I, et extra de cel. Mis. Consuluisti. Le prêtre, après avoir consommé la divine Eucharistie, doit purifier ses doigts avec du vin, et prendre cette ablution, à moins qu’il n’ait à dire une autre messe le même jour, parce que s’il prenait cette ablution, il ne pourrait pas célébrer une seconde fois ce même jour, par la raison qu’il ne serait plus à jeun, ut extra de cel. Mis. Ex parte vestra. Le prêtre doit employer dans le sacrifice de la messe du pain azyme sans levain, c’est-à-dire du pain de pur froment et non d’aucune autre espèce de céréales, et du vin auquel sera ajouté un peu d’eau, ut de cons., dist. II, In Sacramento; et il doit y avoir beaucoup plus de vin que d’eau dont quelques gouttes suffisent, ut extra de cel. Mis. Perniciosus. Et chaque fois que le prêtre célèbre, il doit prendre le corps et le sang de notre Seigneur, ut de cons., dist. II, Relatum. Le célébrant doit préparer le calice lui-même, ou le faire préparer sous ses yeux et en sa présence, et ne pas confier ce soin à un servant, et qu’il se garde bien d’oublier le vin ou l’eau, comme il est arrivé quelquefois à des étourdis. S’il n’a point de vin, il peut presser dans le calice des grappes mûres, et célébrer avec ce jus mélangé de quelques gouttes d’eau, ut de cons., dist. Il, Cum omne crimen. Il faut dire la messe à neuf heures les jours de jeûne, en tout autre temps depuis l’aurore jusqu’à tierce, ut de cons., dist. I, Jejunus, et c. Solent. C’est dans l’église qu’il faut célébrer et non ailleurs, ut de cons., dist. I, Sicut non alu. Si cependant on y est obligé par la si l’on est en voyage, par exemple, on peut célébrer en plein air, à condition toutefois d’avoir une tablette consacrée par l’évêque, ut de cons., dist. II, Concedimus. Cette tablette de pierre et non de bois, ut de cons., dist. I, Altaria. Le calice dont on se sert doit être d’or, d’argent ou d’étain. Le corporal doit être blanc, sans aucune couleur. Tous ces objets, soit le calice, les ornements et les autres objets dont on se sert pour le saint sacrifice, doivent être consacrés et bénis par l’évêque. Quand ces objets sont usés, il faut les brûler et en jeter les cendres dans un lieu convenable, afin qu’ils ne soient pas foulés aux pieds par les passants. Le prêtre qui célèbre doit avoir devant lui une croix parce que ce mystère de la passion du Christ est célébré en mémoire de cette même passion, comme nous faisons la fête de sainte Croix en vénération de la passion du Christ,
Le prêtre doit prononcer avec le plus grand soin et la plus grande attention les paroles du canon de la messe depuis ces mots: Qui pridie quam pateretur, jusqu’à la fin de la consécration, et prendre garde de ne pas se tromper, ni de rien omettre et de rien répéter, parce que tandis que ce qui précède et ce qui suit n’appartient qu’à la solennité du sacrifie ", ces paroles appartiennent à la substance de la messe, et que c’est par elles que se fait la consécration du corps et du sang de Jésus-Christ, et que si on les omettait, il n’y aurait plus de consécration, Panis in altari est. Le prêtre doit pour la consécration du pain prononcer entièrement jusqu’après ces paroles: "Ceci est mon corps," et alors la consécration du corps de Jésus-Christ est faite, et notre Seigneur Jésus-Christ est déjà sur l’autel entre les mains du prêtre avec les anges. Le prêtre s’incline avec respect adorant le vrai corps du Christ. Ensuite il l’élève et le présente à l’adoration du peuple. S’il l’élevait avant la consécration, il ferait commettre au peuple un acte d’idolâtrie et l’induirait en erreur. Il doit y avoir un flambeau allumé quand le prêtre consacre et quand il consomme l'Eucharistie dans la messe, comme aussi quand il le porte à un malade. S’il venait à tomber quelque goutte de sang, le prêtre doit le lécher si c’est possible; s’il en est tombé sur du bois, sur la pierre ou sur la terre, il faut racler l’endroit et brûler les et en cacher les cendres dans l’intérieur de l’autel. S’il en est tombé sur le linge, il faut le laver dans trois eaux, en prenant cette eau dans le calice, et mettre le linge dans un coin de l’autel.
Le prêtre doit s’abstenir de célébrer s’il se sent coupable de péché mortel, et se confesser auparavant. Si par suite de sa faute il est tombé dans une pollution nocturne, c’est-à-dire parce qu’il a pris plaisir à penser à ce péché et a ensuite éprouvé une pollution, il doit encore s’en abstenir jusqu’à ce qu’il se sera confessé. Mais s’il n’y a pas de sa faute, si c’est seulement par un simple effort de la nature, il peut célébrer le même jour. Si au contraire la pollution est arrivée par quelque autre cause légère, comme pour avoir bu ou mangé plus qu’il ne fallait, il doit s’abstenir de célébrer ce jour-là, à moins qu’il n’y ait nécessité, et qu’il ne se trouve pas d’autre prêtre. Il doit aussi s’abstenir s’il est dans un état notoire de fornication. Comme il pèche mortellement en célébrant, ceux qui le savent pèchent de même en entendant sa messe. Il doit tout-à-fait s’abstenir s’il est suspens, interdit ou excommunié parce qu’il de par la irrégulier; et comme cette suspense a des effets par rapport aux autres aussi bien que par rapport a lui, celui qui en les sacrements avec connaissance de cause, pèche aussi; si néanmoins il n’est lié que de l’excommunication mineure, il n’est pas suspens par rapport aux autres, et quoiqu’il pèche lui-même en administrant les sacrements, celui qui les reçoit de lui de bonne foi ne pèche pas. C’est pourquoi toutes les fois qu’un prêtre a communiqué avec un excommunié en paroles ou en autres choses, qu’il se fasse absoudre s’il le peut, par un autre prêtre. Si pendant qu’il célèbre, le prêtre se rappelle quelque péché mortel, il doit se confesser s’il le peut, ou s’exciter à la contrition et continuer. S’il ne peut pas se confesser, il doit continuer et consacrer, parce qu’il commettrait un plus grand péché en trompant le peuple. Si pendant la messe le prêtre qui célèbre est surpris par quelque accident et ne peut pas l’achever, il faut qu’alors un autre prêtre prenne où il a fini et achève le sacrifice.
Le prêtre doit aussi avoir un servant pour lui aider et le servir, parce qu’il ne peut faire seul. Il doit même en avoir au moins deux s’il peut, afin de rendre vraie la salutation. Le prêtre peut aussi recevoir une rétribution pour ses messes, ou les promettre pour un an, un mais ou un jour, s’il le veut, s’il n’en est pas empêché d’ailleurs à raison d’un bénéfice ou office, parce que s’il est obligé de célébrer, il ne peut sans péché recevoir de rétribution, ni en exiger sous quelque prétexte que ce soit. Néanmoins il peut recevoir une rétribution qui lui est spontanément offerte. C’est pourquoi le prêtre ne peut pas exiger de rétribution pour les diacres de son église, ni de cadeaux. Mais il le peut pour d’autres églises, parce que ceux-ci ne leur doivent pas leurs services, et si l'on veut donner quelque chose, qu’on suive l’usage, de sorte que lorsque le prêtre a rempli son office, il peut rigoureusement et en toute liberté demander une rémunération et en poursuivre l’acquittement par le moyen de l’autorité supérieure. Néanmoins le prêtre ne peut ni consacrer ni officier dans l’intention de gagner de l’argent, parce qu’il pécherait mortellement, quoiqu’il n’y ait pas simonie. L’argent ne peut donc pas être la cause pour laquelle on dit la messe, mais une occasion qui détermine à le faire. Car ce qui est le but d’une institution ne doit pas en être la cause. Quant à ceux qui donnent la rétribution, la mauvaise intention qu’ils peuvent avoir en croyant qu’on le fait pour leur argent, ne porte pas atteinte à la droite intention du prêtre. Il faut néanmoins que le prêtre ne soit répréhensible ni dans son intention ni dans l’usage qu’il fait de cet argent.
Que le prêtre se garde bien de recevoir quelque offrande pour un défunt excommunié, ou séparé de la communauté catholique, ou décédé en état notoire de péché mortel, parce qu’il n’est pas permis de prier pour ces sortes de personnes. Mais si le défunt est décédé dans la profession de la vraie foi, quand même il serait en enfer, comme on l’ignore, il est permis de prier pour lui, quoique les prières ne puissent lui servir de rien. De telles gens ne doivent pas être inhumées dans le cimetière de l’église; bien plus, s’ils y avaient été enterrés, et qu’on pût les reconnaître, on devrait les exhumer et les jeter hors du cimetière. Les cimetières où ont été enterrés des excommuniés doivent être réconciliés par l’aspersion de l’eau bénite, comme dans la dédicace des églises. Il n’y a que les catholiques qui doivent être enterrés dans les églises, afin que les fidèles puissent prier pour eux en allant et venant. Vaut-il mieux pour le prêtre célébrer tous les jours ou s’abstenir quelquefois par respect? Nous laissons la chose à sa discrétion, qu’il fasse ce qu’il jugera plus agréable à Dieu, à l’exemple de Zachée et du Centurion, dont l’un lui fut agréable en le recevant, et l’autre en s’en privant par respect en ces termes " Seigneur, je ne suis pas digne que vous entriez dans ma maison". Il en est de même d’une femme dans le flux menstruel, si elle veut communier et aller à l’église par dévotion, il ne faut pas l’en empêcher, mais si elle veut s’en abstenir par dévotion, elle fait bien. Néanmoins le prêtre ne doit pas omettre la célébration de la messe par négligence.
Après avoir parlé des offices ecclésiastiques, nous allons nous occuper des sacrements, qui sont au nombre de sept, savoir le Baptême, la Confirmation, la Pénitence, l’Eucharistie, l’Extrême Onction, l’Ordre et le Mariage.
qui est le premier en ordre et de nécessité. Il est la porte ou le fondement des sacrements; d’où il résulte que si quelqu’un était ordonné sans avoir été baptisé, il ne recevrait pas le caractère sacerdotal. C’est pourquoi si un prêtre venait à découvrir qu’il n’est pas baptisé, il devrait se faire baptiser et ordonner de nouveau. Or ce sacrement consiste en deux choses, dans l’élément de l’eau et la forme des paroles. C’est avec de l’eau qu’il faut baptiser, et non avec une autre liqueur, et quelle que soit cette eau, elle est suffisante, que ce soit de l’eau de la mer, ou de pluie, ou de fontaine, ou de glace fondue. La forme des paroles est celle que le Seigneur lui-même a donnée aux Apôtres: "Je te baptise au nom du Père, et du Fils et du Saint Esprit". Il ne faut omettre aucune de ces paroles, et si l’on omet quelqu’une des trois personnes, il n’y a point de baptême. Il ne faut pas non plus omettre le mot ego. Si néanmoins le prêtre altère les paroles par ignorance de la langue latine, le sacrement est valide malgré cela. Pour remplir son office, Il doit plonger le sujet trois fois dans l’eau, suivant l’usage de notre pays. Il doit exprimer verbalement la forme des paroles, et plonger l’enfant dans l’eau en prononçant les paroles. Quant aux autres paroles qui sont employées avant et après l’onction de l’huile et du saint chrême, elles ne sont pas de la substance du baptême, mais bien pour la solennité. Si néanmoins le prêtre les omettait par mépris, il pècherait grièvement, parce que c’est la pratique générale de l’Eglise qui les a mises en usage; et les coutumes générales de l’Eglise doivent être observées comme les Evangiles. Le prêtre doit bien prendre garde de faire lui-même la triple immersion dans l’eau baptismale, à cause du danger que pourrait courir l’enfant; il le livre ensuite au assistants, et doit savoir qu’il en est le père spirituel et le compère de son père et de sa mère, comme aussi ceux qui mettent la main sur lui, pendant l’immersion. De sorte que la fille suivant la chair du prêtre ne pourrait contracter mariage avec un sujet baptisé par lui, et si le mariage avait été contracté et consommé, il serait dissout comme contracté entre les enfants de deux compères. Si à raison de la nécessité ou du danger de mort de l’enfant on ne peut pas observer la forme solennelle, le prêtre alors doit avoir de l’eau dans une fontaine ou dans un vase, et y plonger l’enfant trois fois en disant: "Je te baptise au nom du Père, et du Fils et du Saint Esprit;" si ensuite il trouve une occasion favorable, il suppléera ce qu’il a omis. S’il arrive que dans une éminente nécessité un enfant ait été baptisé par une femme ou un laïc, comme il se fait quelquefois en l’absence d’un prêtre, en pareil cas comme il y a un doute probable, il faut le rebaptiser en se servant de cette formule: "Si tu es baptisé, je ne te baptise pas, mais si tu n'es pas baptisé, je te baptise, etc.". Si l’on trouve un enfant sur une place publique ou dans un cimetière, et qu’on doute s’il a été baptisé, comme il arrive souvent à l’égard des enfants trouvés et abandonnés, il faut aussi le baptiser sous condition, parce que le doute est légitime. S’il se présente pour être baptisée une personne adulte, et que le prêtre ne puisse la plonger dans l’eau à raison de sa taille, il répandra de l’eau sur elle en disant: "Je baptise, etc.," et le baptême sera ainsi donné validement. On n’impose pas de pénitence à un adulte pour les péchés commis avant le baptême, parce que dans ce cas le baptême suffit pour la rémission des péchés, soit originels, soit actuels. Il faut cependant avoir la contrition, parce que sans cela on n’obtiendrait pas le pardon des péchés actuels. L’adulte doit répondre sur sa foi par lui-même, et non par un autre, quand le prêtre l’interroge sur les articles de foi en disant: "Croyez-vous en Dieu, etc., croyez-vous en Jésus-Christ? etc." Mais les enfants répondent par des représentants, parce qu’ils ne peuvent le faire par eux-mêmes. En administrant le baptême, le prêtre doit avoir au cou un orarium ou étole. Il doit aussi avoir un cierge allumé, pour signifier par cette lumière matérielle que la lumière qui illumine tout homme qui vient au monde, afin d’augmenter par là la foi des assistants. Le prêtre doit avertir ses paroissiens d’envoyer leurs enfants, la semaine la Passion, pour apprendre le Symbole, avant le baptême, etc., ante 20 dies. Si le prêtre se trouve dans un pays où il ne puisse avoir de l’eau ni de fontaine, ni de ruisseau ou toute autre, qu’il cherche à en trouver en creusant la terre, et s’il ne peut s’en procurer, il implorera le secours du Père de tout don. Car lorsque le prêtre a fait son possible et abandonné à Dieu ce qu’il ne peut faire, Dieu y supplée lui-même. Les enfants présentés au baptême répondent par la bouche d’autrui, parce qu’ils ne peuvent le faire eux-mêmes; il en est de même des muets, des sourds et des malades qui en sont empêchés. On peut quelquefois baptiser un enfant au moment de sa naissance, dans la crainte que la mort, qui peut survenir, ne le fasse mourir païen et n’empêche qu’il soit racheté par le baptême. Mais le baptême général ne doit se donner que le samedi saint ou le samedi de la Pentecôte. Personne ne peut se baptiser soi-même, mais celui qui baptise doit être différent de celui qui est baptisé. Deux choses sont nécessaires pour le salut, la foi et le sacrement; lorsqu’un de ces deux choses manque par nécessité absolue, Dieu y supplée: il supplée à la foi dans l’enfant, et au sacrement dans l’adulte; quand les deux choses manquent, l’âme est damnée pour l’éternité. Les parrains qui répondent de la foi de l’enfant dans le baptême, sont obligés d’instruire l’enfant quand il a grandi dans la foi et la charité. Le prêtre doit veiller à ce qu’un mari ne tienne pas sur les fonts de baptême un enfant de sa femme, soit qu’il en soit le père ou non, comme aussi qu’une femme ne tienne pas l’enfant de son mari; si néanmoins la chose est arrivée par ignorance ou méchanceté, il ne faut pas les séparer pour cela. Néanmoins si un père ou une mère ont baptisé leur enfant à l’article de la mort, ne pouvant avoir personne pour le faire, il ne faut pas les séparer, et ils n’ont péché en rien. Celui qui a porté un enfant sur les fonts de baptême peut aussi le présenter à la confirmation, puisqu’on peut être parrain de plusieurs filleuls. Mais celui qui n’est pas baptisé ne peut présenter personne ni au baptême ni à la confirmation.
Nous avons peu de chose à dire pour le prêtre du sacrement de la Confirmation, parce que l’administration de ce sacrement appartient à l’évêque. Le prêtre fait l’onction du saint chrême à l’enfant qu’il a baptisé surie haut de la tête, mais l’évêque la fait sur le front. Ce sujet est traité à fond à la fin. Dans ce sacrement comme dans le baptême, on contracte la compaternité. Le prêtre doit avertir ses paroissiens de faire confirmer leurs enfants, parce que la confirmation les rend parfaits chrétiens. Quoique le défaut de ce sacrement n’empêche pas un enfant d’être sauvé, il est néanmoins très utile pendant la vie, parce qu’il confère la force pour les peines et les combats de cette vie. Il est funeste de négliger par mépris de le recevoir, parce qu’on pèche grièvement, puisque c’est un sacrement nécessaire.
On trouve dans les livres des saints Pères et dans les écrits des docteurs une foule de choses sur la pénitence; nous avons néanmoins jugé à propos de parler sommairement de certaines choses qui se rencontrent plus fréquemment dans la pratique. Le prêtre doit eu effet s’assurer d’abord s’il a juridiction sur celui ou celle qu’il entend eu confession, comme par exemple s’il est ou non son paroissien, parce que s’il n’était pas son paroissien, il ne pourrait pas l’absoudre avant d'avoir demandé et obtenu la permission du curé dont il est le paroissien, excepte à l’article de la mort, si par exemple le pénitent est victime d’un accident, ou sur le point de mourir de maladie, et qu’il ne puisse avoir recours à son curé; en pareil cas on pourrait se confesser à tout prêtre et même à un laïc, et obtenir son pardon par le désir qu’on aurait d’avoir un prêtre en dévoilant à ce laïc la turpitude de sa conscience. Pour juger dans le sacrement de pénitence, deux choses son nécessaires au prêtre, la pureté de la vie et la science nécessaire pour discerner entre une lèpre et une lèpre. La pureté de la vie est nécessaire pour qu’il n’ait pas à craindre d’être jugé sur les choses qui vont être l’objet de son jugement à l’égard des autres, suivant ces paroles de notre Seigneur: "Que celui qui est sans péché lui jette la première pierre." La science de discernement est également nécessaire pour savoir ce qu’il doit condamner, et afin qu’il n’impose pas par erreur de fausses pénitences capables d’entraîner les âmes à leur perte, parce que, suivant cette maxime de la vérité éternelle, si un aveugle a la présomption "de vouloir conduire un autre aveugle, le guide tombe le premier dans le fossé, puis celui qui le suit."
I. Le prêtre doit d’abord dans la confession s’enquérir avec soin des péchés et des circonstances des péchés, savoir le temps, la manière, le lieu, la cause, le nombre, etc., afin que les pénitents ne cachent pas eu confession des péchés par ignorance ou par honte. Pendant la confession du pénitent le confesseur doit se montrer bienveillant, affable et compatissant, afin que le pénitent ne soit pas intimidé dans sa confession. Par l’austérité du prêtre, et après la confession il doit le fortifier en usant de moyens éprouvés pour la guérison de ce malade, tantôt en le consolant et l’encourageant par l’espoir de son pardon et le bonheur de la vie éternelle, tantôt en l’effrayant par les châtiments éternels et en lui dépeignant les flammes de l’enfer, suivant qu’il le jugera convenable. Ainsi fait le médecin du corps, il calme le frénétique et lui rend la santé par le moyen de potions calmantes, et le débauché en lui interdisant sévèrement le vin et la bonne chère, pour l’empêcher de ruiner sa santé d’une manière irréparable. Dans tout péché la pénitence est laissée à la discrétion du confesseur, qui doit considérer la qualité du péché et celle du pécheur, par exemple, si c’est un vieillard ou un jeune homme, un riche ou un pauvre, d’une santé faible, ou forte et robuste, s’il est bien disposé ou contrit, et autres choses semblables, et après avoir tout bien considéré, il lui imposera la pénitence que dans sa sagesse il jugera lui être convenable. De telle sorte néanmoins qu’il n’aille pas imposer aux jeunes gens et surtout aux femmes des voyages et des pérégrinations, à cause de la fragilité de leur age, parce qu’en allant et venant il s’entend et se voit des choses qui donnent occasion à une jeune femme de se pénétrer du poison de la luxure et de le communiquer aux autres, parce qu’une femme est toujours exposée à exciter la convoitise, non seulement par les attouchements, par les sentiments, mais encore par la vue, et que chacun se laisse aller à l’appétit sensuel à leur égard. Il peut enjoindre aux hommes pour pénitence des génuflexions et d’autres satisfactions dans l'église, pour leur faire perdre la mauvaise habitude de ne pas aller à l’église les jours de dimanche et de fête.
Que le confesseur prenne garde de ne pas imposer au pénitent une pénitence si forte et si difficile, que celui-ci n’en vienne à la laisser tout entière, comme le jeune homme qui rejette derrière lui le faix qu’il n’a pu porter. Il ne doit pourtant pas en imposer une trop légère dans la crainte que le pécheur ne méprise le péché et n’y retombe plus facilement à raison de la légèreté de la pénitence. Qu’il prenne donc un certain milieu entre l’indulgence et la Sévérité, de telle sorte que la pénitence ne soit ni trop légère ni trop rigide. Néanmoins il vaut mieux donner moins que trop, perce que nous sommes plus excusables auprès de Dieu pour avoir usé de beaucoup d’indulgence que d’une trop grande sévérité, parce que ce défaut sera suppléé dans le purgatoire. Cependant il faut imposer une pénitence plus forte à celui qui retombe dans le péché; car une blessure rouverte est plus difficile à guérir. Le prêtre, pour acquérir la science et la prudence nécessaires en cela, doit méditer les saintes Ecritures et les écrits des Pères, où il pourra s’instruire. C’est pour cela que le Seigneur met sa parole dans la bouche de son Prophète avant de lui confier le soin des âmes, en disant à Jérémie, I, 10: "Voici que j’ai mis mes paroles dans ta bouche, voici que je t’ai constitué sur les nations et sur les royaumes". Certes, en voyant chaque jour les médecins du corps feuilleter et lire avec soin les livres de physique et de médecine, pour y chercher les moyens de guérir les corps destinés à la mort, ce serait une insigne folie de négliger la lecture des livres des saints, ces manuels de la médecine des âmes, dans lesquels nous apprenons à guérir ces âmes dont la vie ne doit jamais finir. La perte d’une âme est un plus grand malheur que la mort de plusieurs milliers de corps. Il faut que le prêtre apprenne au pénitent à confesser tous ses péchés fraîchement et sans détour, de sorte qu’il en fasse la déclaration comme il en a le souvenir, et qu’il ne partage pas sa confession, disant une partie à un confesseur et l’autre partie à un autre, et qu’il se confesse lui-même verbalement, et non par un messager et par écrit. Néanmoins en s’enquérant des péchés et de leurs circonstances, le prêtre doit le faire avec la plus grande discrétion, pour ne pas apprendre le péché à son pénitent, parce que nous ne devons tendre de filets à personne. Le prêtre doit avertir ses paroissiens qu’ils sont obligés de se confesser au moins une fois l’an, et de communier à Pâques, et il doit, au besoin, les y contraindre. Mais s’il craint le scandale de quelque notable du peuple, ou probablement quelque chose de pire, qu’il se contente de le dénoncer aux supérieurs, afin que ceux-ci l’amènent à de meilleurs sentiments, et fasse ainsi par d’autres ce qu’il n’aura pu faire par lui-même. Il suffit en effet au prêtre de faire ce qu’il peut. Si un pénitent voulait satisfaire pour un péché et persévérer dans un autre, comme par exemple se soumettre à la restitution pour ses usures et persévérer dans le libertinage, le prêtre ne doit pas rejeter d’une manière absolue, une semblable confession et renvoyer le pénitent avec mépris; mais il faut l’entendre, lui conseiller de jeûner, de faire des aumônes et d’autres bonnes oeuvres, Il ne doit pas cependant l’absoudre sans qu’il se confesse intégralement et satisfasse de même. Car notre Seigneur "a guéri tout homme," Joan., LVIII, et VII, 43, "il n’en a guéri aucun sans le délivrer complètement." Seulement qu’il lui déclare avec sévérité que le bien qu’il fait en état de péché mortel ne lui sert de rien pour la vie éternelle, mais seulement le dispose et le rend apte à faire pénitence, comme on le lit de Corneille, XXVI dist. En second lieu, ce bien mérite une récompense temporelle, ou une diminution des supplices de l’enfer.
Le prêtre pour entendre les confessions, celles des femmes surtout, doit prendre soin de se placer dans un lieu où il puisse être vu de tout le monde sans être entendu de personne, de peur que les laïcs, qui dans les villes sont mal disposés pour le clergé et prompts à soupçonner le mal, ne puissent se laisser aller à cette triste disposition de leurs coeurs; mais pourtant qu’il veille à ce que personne ne puisse entendre ce qui se dit entre le confesseur et le pénitent, et ne doit être connu que d’eux seuls. Car pour cet office divin il suffit du témoignage de Dieu et des anges qui y assistent, et en présence desquels ce procès est instruit. Le prêtre doit mettre tous ses soins et toute sa sollicitude à ne rien révéler de ce qui lui a été dit en confession, ni verbalement, ni par un signe quelconque; mais s’il n’est pas fixé sur quelque péché, et a besoin de consulter, qu’il le fasse avec tant de précaution, qu’il soit impossible de présumer le pécheur, autrement il se mettrait dans le cas de la déposition. Que le prêtre s’étudie donc à paraître plein de maturité; qu’il ne soit ni babillard, ni indiscret, pour n’être pas suspect en confession; qu’il ne se trouve pas dans les repas avec les grands parleurs, de peur qu’il ne sorte de sa bouche quelque parole susceptible de faire croire qu’il révèle le secret de la confession, et si quelqu’un de ses paroissiens lui adresse quelque parole injurieuse, qu’il ne lui réponde pas par une antre injure, pour n’être pas soupçonné d’avoir porté atteinte au secret de la confession. Le confesseur, en entendant les confessions des femmes, doit éviter de les considérer en face et de s’occuper de leurs formes corporelles; pour cela, il est bon et convenable que la femme, en se confessant, soit placée plus bas et le confesseur plus haut, afin qu’ils ne puissent pas facilement se voir, de peur que, par la ruse du démon, celle-ci ne soit gênée en confession par la timidité, et que le confesseur ne soit exposé à quelque mauvaise pensée. C’est pourquoi même, quand la confession des jeunes femmes est achevée, le confesseur ne doit pas s’amuser à faire de ces questions qui troublent sans être d’aucune utilité, ni s’occuper plus qu’il ne faut de leurs confessions, en s’enquérant mal à propos des mouvements, de l’usage de leurs membres; car avec un pareil aliment les tentations de l’antique ennemi ont beau jeu. Que le prêtre ne prenne pas les mains des femmes entre les siennes, comme fout certains étourdis, et qu’il ne la touche en aucune manière, "parce qu’il est très expédient pour le prêtre de ne pas y toucher". Qu’il se tienne bien en garde contre les embûches et les ruses de l’ennemi, qui, avec les mille moyens de nuire qui sont en son pouvoir, fait tous ses efforts depuis sa chute, pour mettre obstacle à la charité et aux bonnes oeuvres des hommes.
Le prêtre doit en tout temps donner le sacrement de pénitence à celui qui le demande, et à l’article de la mort. Qu’il ne se fasse pas attendre toutes les fois qu’il est appelé, autrement il mérite punition. Ainsi, si un malade demande à se confesser et vient à mourir ou à perdre la parole avant l’arrivée du prêtre, celui-ci doit le regarder comme s’étant confessé, et l’absoudre après sa mort. Si quelqu’un confesse un péché pour lequel il ne peut pas satisfaire, si par exemple il a pris le bien d’autrui, qu’il ne peut rendre à cause de sa pauvreté, le confesseur doit lui donner une pénitence quelconque, en lui disant cependant que si sa fortune vient à s’améliorer, il sera obligé de restituer selon qu’il lui sera possible. De même, si une femme dans des couches feintes a supposé un enfant étranger, pour changer la succession de son mari, ou a eu, par un commerce adultère, une fille qui est nourrie avec le bien de son mari, le prêtre doit l’entendre en confession dans ce cas comme dans d’autres semblables, et l’absoudre. De même encore, si une femme a la connaissance sûre et certaine, pour des motifs probables et vrais, que son mari est son parent, et ne veut pas à cause de cela, contre sa conscience, rendre le devoir à son mari excommunié, le prêtre doit l’entendre en confession et l’absoudre, et communiquer avec elle dans le secret jugement des âmes, mais il l’évitera en public. Si quelqu’un se confesse à un prêtre d’un péché ou d’un vol pour lequel il ne peut pas satisfaire, ou si la femme ou le maître de l’objet volé demandent l’excommunication contre lui, le prêtre doit l’excommunier en termes généraux et non nominativement, et dire: J’excommunie tel ou telle qui a commis ce vol, sans désigner personne. On ne doit pas nommer la personne, à moins qu’il ne soit intervenu une sentence juridique. Et toutes les fois que le prêtre excommunie quelqu’un, il doit écrire la raison de l'excommunication et la consigner dans un écrit, autrement il tombe dans le cas prévu par cette constitution. Or, que le prêtre se garde bien d’admettre à la confession les excommuniés et les interdits avant qu’ils aient été absous; car puisqu’ils sont privés des sacrements de l'Eglise, l’absolution sacramentelle ne pourrait être valide tant que l’excommunication ou l’interdit ne seraient pas levés. Mais si l’excommunié l’a été par le prêtre lui-même ou par son prédécesseur, il peut l’absoudre, après lui avoir fait faire satisfaction, et lui imposer une pénitence. Mais s’il avait été excommunié par un autre prêtre, il ne pourrait pas l’absoudre suivant le droit ordinaire, comme aussi il ne pourrait pas absoudre des paroissiens étrangers. Néanmoins, à l’article de la mort, tout prêtre peut ou pourrait absoudre de quelque excommunication que ce soit. Mais tout prêtre peut, pour tous les péchés véniels et mortels, imposer une pénitence particulière, et absoudre après une confession exacte, à moins qu’il n’y ait empêchement du côté de la personne ou du droit, ou que ce soit des crimes énormes pour lesquels une plus forte pénitence est requise, et ces crimes qui demandent une pénitence solennelle; car c’est l’évêque et non le simple prêtre qui impose la pénitence solennelle. Le prêtre avertira ses paroissiens de l’obligation où ils sont d’apprendre le symbole, le Pater et le Confiteor; ceux qui ne savent pas lire doivent savoir ces trois choses. En entrant dans l’Eglise, on doit prendre de l’eau bénite que le prêtre doit tenir toujours toute prête, parce que la vertu de l’eau bénite efface les péchés véniels par le moyen de la grâce, et affaiblit la puissance de l’ennemi. Et quand un prêtre entend la confession de quelqu’un, il doit, après avoir entendu le pénitent, lui imposer une pénitence salutaire et lui faire réciter ensuite le Confiteor; et pendant la confession, il doit l’engager à se tenir courbé vers la terre par respect pour l’absolution, afin d’augmenter par là sa foi et sa dévotion. La confession finie, le prêtre dit Misereatur et Indulgentiam, etc., et lui donne l’absolution de ses péchés et de l’excommunication, le rétablissant dans la participation aux sacrements. Que le prêtre se garde bien d’entendre la confession de quelqu’un qui voudrait se confesser en présence d’une autre personne; il doit entendre chacun séparément, de manière que l’un n’entende pas la confession de l’autre, et qu’il n’y ait que le seul prêtre qui entende la confession de chacun.
Je m’étendrai un peu sur le sacrement de l’Eucharistie, pour l’instruction des simples prêtres. N’oublions pas que ce traité excède l’intelligence humaine et que c’est la foi plutôt que l’enseignement qui nous apprend à connaître ce sacrement, suivant ces paroles de notre Seigneur: "Sans la foi vous ne pourrez rien comprendre." Car la croyance de l’esprit opère plus dans ce sacrement que la perception du corps. Ce sacrement vient après la pénitence, parce que le prêtre ne doit pas le refuser à ceux qui sont vraiment pénitents. Car c’est le sacrement de la réconciliation de l’homme avec Dieu, en ce que le Fils de Dieu a revêtu notre chair, et s’est identifié avec nous, ce qui fait qu’il est appelé Emmanuel, c’est-à-dire, "Dieu est avec nous." Matth., I. 23. En recevant le corps et le sang du Seigneur, nous ne faisons qu’un a lui, et ainsi par lui nous tendons à l’unité avec le Père, et c’est ainsi que par le Christ médiateur nous sommes réconciliés avec le Père éternel. Ainsi le Sauveur dit à son Père, Jean, XVII. 21: "Je prie afin qu’ils soient un tous ensemble, comme vous, mon Père, vous êtes en moi, comme moi en vous; qu’ils soient de même un en nous." 24: "Mon Père, je désire que là où je suis, ils soient aussi avec moi". Ce sacrement ne s’administre pas seulement par l’évêque ou par le prêtre, le diacre peut aussi l’administrer. Car c’est un sacrement de nécessité comme le baptême et la pénitence, c’est pourquoi les saints Pères l’appellent viatique, parce qu’il doit surtout être donné aux mourants, comme à des voyageurs qui partent. Aussi le prêtre, après avoir confessé le malade doit avoir soin de le faire communier, afin qu’il ne meure pas sans avoir reçu ce sacrement. C’est pour cela que le prêtre doit conserver une réserve de l’Eucharistie et avoir des hosties toutes prêtes pour les malades. Il doit les garder dans un lieu spécial et convenable où ne se trouve nulle autre chose, afin de faire communier le malade lorsqu’il y a lieu. Et quand le prêtre va porter le saint Sacrement à un malade, il doit avoir plusieurs hosties, afin qu’en allant et en venant le peuple puisse adorer le corps de Jésus-Christ porté par les mains du prêtre. Le prêtre doit le porter ostensiblement, avec honneur et respect sur sa poitrine, revêtu de l’habit sacerdotal, et d’une étole propre, précédé d’un servant avec une lumière quelconque, lanterne ou cierge.
Le prêtre doit avertir le peuple à l’Eglise qu’il doit adorer le corps de notre Seigneur respectueusement prosterné à deux genoux, soit à l’autel au moment de l’élévation, soit quand il est porté aux malades. Il doit placer la sainte Eucharistie, le saint chrême et l’huile consacrée dans un lieu fermant à clef, afin qu’une main téméraire ne puisse y avoir accès. 1. Que le prêtre prenne bien soin de mettre des hosties consacrées dans un lieu décent, où elles ne puissent pas se détériorer, et si le lieu était tellement humide qu’elles ne puissent pas se conserver assez longtemps, il doit en vérifier l’état fréquemment et les remuer, parce que pour cette raison, même pendant un interdit général, le prêtre peut célébrer deux fois la semaine, en prenant la précaution de fer mer les portes, de ne pas sonner la cloche et d’exclure les excommuniés. Si elles venaient à se détériorer et à moisir, comme il est arrivé dans certains lieux, à ce que nous avons appris, le corps de Jésus-Christ cesserait d’y être; c’est pourquoi il ne faut pas faire communier avec des hosties dans cet état. De même aussi, il ne faut donner la communion qu’à jeun et avant d’avoir pris de la nourriture et non après, par respect pour ce grand sacrement. Néanmoins si l’on a à craindre la mort, on peut faire communier sans être à jeun. Quand le prêtre est obligé de renouveler les vieilles hosties et d’en consacrer de nouvelles, il doit consommer les anciennes espèces à jeun, ou après avoir communié à la messe et avant de prendre les ablutions. Il doit en faire autant lorsqu’il reste des hosties consacrées après la communion du peuple, comme le jour de Noël ou de Pâques, ou toute autre fête où il y a communion. Il doit donner séparément l’hostie consacrée et le calice, sans tremper l’Eucharistie dans le vin.
Que le prêtre se garde bien de jamais donner à personne, soit en
santé, soit en maladie, une hostie non consacrée à la place du corps de
Jésus-Christ, parce qu’il ne faut pas tromper le peuple, les faux remèdes étant
pires que les dangers véritables. En donnant la communion le prêtre doit avoir
au cou un Orarium ou étole. Si le malade ne
peut prendre l’hostie entière, parce qu’il avale difficilement, que le prêtre
rompe l’hostie et en prenne une parcelle, qu’il donne le reste au malade, parce
que le corps de Jésus-Christ est reçu avec chaque partie de l’hostie, comme
dans la messe l’hostie est partagée et néanmoins le corps du Seigneur est reçu
tout entier. Que l’on reçoive plus ou moins des espèces consacrées, tous en
général et chacun en particulier reçoivent le corps de notre Seigneur eu
totalité. Le prêtre eu donnant la communion en santé comme en maladie, doit,
lorsqu’il présente l’hostie consacrée, faire le signe de la croix avec cette
hostie sur la face du communiant en disant "Que le corps et le sang de
notre Seigneur Jésus-Christ te conservent et te gardent pour la vie
éternelle," et en donnant le calice: "Au nom de notre Seigneur
Jésus-Christ," parce qu’il n’y a là que du vin pur et de l’eau, et non
le sang, puisqu’il n’a pas été consacré par la prière mystique du prêtre. Le
sang est donné avec le corps sous forme d’union, parce que le corps vivant ne
se trouve pas sans le sang, c’est pour cela que le prêtre doit dire en
présentant l’Eucharistie: "Que le corps et le sang de notre Seigneur,
etc. "
Il en est autrement dans le sacrifice de la messe où le prêtre prend le sang séparément sous l’espèce du vin, alors il a réellement le sang de Jésus-Christ consacré par la prière mystique, car avant la consécration ce n’était que du vin, tandis que c’est du sang après la consécration, parce que les paroles mystiques l’ont transformé. Or le prêtre doit avertir ceux qui communient de prendre trois fois au moins du vin du calice, non que ce soit pour aucune raison mystérieuse, mais afin de bien se laver la bouche et pour qu’il ne reste aucune particule entre les dents ou les gencives, de sorte que certaines femmes détestables ne puissent pas facilement garder dans leur bouche le corps de Jésus-Christ pour l’employer dans leurs maléfices comme ont fait, nous le savons, plusieurs de ces êtres maudits. Pendant la communion il faut tenir quelque patène sous le menton ou au moins devant la custode dans laquelle le prêtre tient la sainte Eucharistie, de manière que si l’hostie ou une parcelle de l’hostie venait à tomber elle ne puisse pas tomber à terra et être foulée aux pieds. Car le prêtre n’est pas exempt de faute quand par sa négligence le corps de Jésus-Christ tombe par terre.
Si quelques enfants de sa paroisse se présentent au prêtre pour communier le jour de Noël ou de Pâques, et qu’ils soient encore si innocents qu’ils n’aient commis aucun péché grave, et soient doués d’un discernement suffisant pour leur faire recevoir le corps du Seigneur avec une certaine crainte révérencielle unie à la componction, il peut le leur donner après une confession telle quelle, qui leur in spire de la dévotion et leur apprenne à se confesser; parce que bien qu’ils n’aient pas actuellement tout le discernement nécessaire pour bien se confesser et pour s’exciter à la contrition, le sacrement produit néanmoins son effet en eux, puisqu’il n’y rencontre pas l’obstacle de la malice. Mais s’ils manquaient de discernement et étaient de ceux chez qui la malice devance l’âge, il ne faudrait pas leur donner la communion; Quant aux enfants trop jeunes pour pouvoir communier, le prêtre doit à l’article de la mort leur faire prendre de l’eau et du vin dans un calice pour les confirmer dans l’état d’innocence, non que ce soit un sacrement, mais bien un acte de foi et un avant-goût du sacrement. Je crois, et j’en fois la prière, qu’il faut éviter absolument la pratique habituelle de certains prêtres qui, en allant porter la sainte Eucharistie à un malade, n’emportent point de vin de leur église, mais se contentent a’en prendre dans la maison du malade. Que le prêtre emporte à la maison du malade du vin de son église avec l’Eucharistie, de sa récolte, s’il en fait; s’il n’en a pas, qu’il s’en procure comme il pourra, qu’il en achète et qu’il le porte de son église au malade, dans la crainte que la pratique blâmable dont j’ai parlé ne porte atteinte dans un si grand sacrement à la foi du malade, qui le recevrait ainsi d’une manière funeste et mortelle, vu que dans ce sacrement la foi de celui qui le reçoit est plus efficace que la réception du sacrement. Dans tous les sacrements et dans celui-là surtout, comme l’oeil de la raison est plus voilé, nous devons former les hommes et les femmes à la foi et à la dévotion, par nos paroles, mais aussi par nos actes extérieurs. Mais si le prêtre est suspens, ou excommunié, ou interdit, ou privé de l’administration ou de la réception de ce sacrement, il pèche dans ce cas en l’administrant, et celui qui sciemment le reçoit de lui pèche aussi. Mais s’il est dans la bonne foi, il ne pèche pas. Si le prêtre est lié par l’excommunication mineure seulement, il pèche en administrant ce sacrement, mais celui qui le reçoit de lui ne pèche pas, parce qu’en pareil cas, quoiqu’il soit privé de la réception des sacrements, il ne lui est pas interdit de les administrer.
L’Extrême onction doit être donnée aux adultes malades, pénitents, lorsqu’ils la demandent et sont en danger de mort. Ou ne doit pas, en effet, la donner à ceux qui sont en bonne santé, pas plus qu’aux enfants et à ceux qui ne sont pas disposés à la pénitence; elle doit être donnée par les évêques et les prêtres et par d’autres. Or ce sacrement consiste dans l’onction qui se fait avec l’huile sainte et la prière du prêtre sur le malade, comme dans le chapitre ci-dessus désigné. On doit employer dans cette onction de l’huile bénite par l’évêque qui est appelée l’huile des infirmes, et non pas de l’huile des catéchumènes employée dans le sacrement du baptême. C’est pourquoi les prêtres qui se servent d’une autre huile pèchent, ils pèchent aussi contre cet article, en voulant donner cette huile à leurs chapelains avec l’autre huile, faisant une certaine division des sacrements par avarice, ou par jactance, parce qu’ils les mettent dans l’erreur en leur faisant oindre les infirmes avec l’huile des catéchumènes. Si le prêtre s’aperçoit qu’il s’est trompé et s’est servi par erreur d’une autre huile, il doit renouveler l’onction avec l’huile convenable, et suppléer ce qu’il a omis. Le prêtre qui fait les onctions doit prier sur le malade, car il ne faut pas qu’un prêtre fasse les onctions et un autre les prières, comme ont coutume de le faire quelques prêtres sots et ignorants, afin qu’il n’y ait pas division du sacrement. Néanmoins plusieurs autres prêtres peuvent prier, de concert avec le prêtre qui fait les onctions et les prières. On doit même, s’il est possible, employer plusieurs prêtres dans l’administration de ce sacrement; le nombre n’est pas fixé, parce que deux suffisent si on ne peut pas en avoir davantage; on pourrait, si on voulait, en employer cent; mais lorsqu’il ne peut pas y en avoir plusieurs, un seul peut faire avec son servant. Or le prêtre doit chaque année le jeudi saint renouveler cette huile, l’huile des catéchumènes, et le saint chrême, pour l’administration des sacrements, et brûler l’ancienne dans l’Eglise; et se servir pour baptiser et pour l’extrême-onction de l’huile nouvelle bénite par l’évêque et non de l’ancienne, autrement il se rendrait passible d’une grave punition, à moins qu’il ne le fît par une grande nécessité. Si l’huile des infirmes et le saint chrême venaient à manquer à raison du grand usage qu’on en aurait fait, on peut ajouter de l’huile non consacrée à celle qui est consacrée, et de cette manière le tout deviendrait consacré. Le prêtre ne doit pas exiger de rétribution pour l’administration de ce sacrement, ni en demander en aucune manière, parce que ce serait de la simonie, mais il peut accepter ce qui lui est spontanément offert. Car il n’est permis de demander de rétribution dans l’administration d’aucun sacrement, il est seulement permis d’en donner. Mais si un malade voulait d’autres clercs avec ceux de son Eglise pour lui administrer l’extrême-onction, quoiqu’il ne soit pas permis de demander de rétribution, néanmoins le curé de l’église paroissiale peut lui faire des observations et lui dire: Mes collègues et moi ne vous demandons rien, et nous sommes disposés à vous accorder notre ministère sans rétribution; il est cependant convenable, et c’est l’usage, d’offrir une rémunération aux autres qui sont étrangers. Ce sacrement peut, comme le sacrement de pénitence, être réitéré. Il n’y a que le baptême, la confirmation et l’ordre qui ne peuvent pas se réitérer, les autres quatre sacrements peuvent l’être, parce que, en effet, comme la maladie se renouvelle, il était nécessaire que le remède du sacrement pût se renouveler aussi. Or ce sacrement a deux effets. Premièrement, il hâte la convalescence du malade, si celui-ci doit recouvrer la santé; en second lieu, il efface le péché véniel, ainsi que l’enseigne saint Jacques qui nous fait connaître ce sacrement, Jac., 5. XV: "Le Seigneur le soulagera, et ses péchés lui seront remis, s’il en a." Si le malade qui demande l’extrême-onction a perdu la connaissance ou la parole avant l’arrivée du prêtre, celui-ci doit néanmoins la lui donner, parce que en pareil cas il devrait même être baptisé et absous. On peut aussi laver le corps du défunt, comme on fait quelquefois, quand bien même il viendrait à mourir le même jour qu’il né, parce que si cette lotion ne fait ni bien ni mal aux morts, elle est utile aux vivants qui rendent par là témoignage de leur foi en rendant ce devoir à un corps qui doit ressusciter au jour de la résurrection générale.
Il y a dans l’Ordre cinq degrés auxquels le clerc est promu dans l’ordre suivant. C’est d’abord par la tonsure qu’est fait le clerc. Autrement il est appelé psalmiste, XXV; ensuite il est fait portier, puis exorciste, puis lecteur, puis acolyte, ensuite sous-diacre, puis diacre, puis prêtre et enfin évêque. C’est sur le modèle de la milice céleste qui est formée de neuf ordres d’anges, dont les uns sont majeurs, les autres mineurs, et constituent une magnifique harmonie dans leur diversité par l’hommage que les mineurs rendent aux majeurs, et l’amour que les majeurs donnent aux mineurs. On peut en tout temps recevoir les ordres mineurs, mais les ordres sacrés ne peuvent être conférés que six fois dans l’année, savoir, les samedis des quatre-temps, le samedi saint et le samedi avant la passion, ut extra de temp. Nous appelons sacrés les ordres que suivent le sous-diaconat qui y est aussi compris. Car ceux qui sont promus à ces ordres sont rigoureusement tenus à vivre dans la continence et à garder la chasteté. Tout clerc doit être ordonné par son Evêque, ou avec sa permission. Si un clerc par ignorance ou par oubli a omis un des degrés et s’est fait promouvoir à un ordre supérieur, il doit s’abstenir d’exercer cet ordre jusqu’à ce que, après le temps voulu, il aura reçu l’ordre omis. Et remarquez bien que chacun de ces ordres a le privilège du for qui fait ressortir nécessairement du for Ecclésiastique, et quiconque frappe un clerc est par là même atteint d’excommunication et ne peut en être absous qu'à l’article de la mort ou par l’autorité du Pape.
4. Si quis suadente. Le clerc doit porter la tonsure ronde et non carrée ni dentelée sur le haut de la tête, faute de quoi il est passible d’une punition. Il ne lui est permis de servir l’autel qu’avec la tonsure et le vêtement convenable pour ne pas scandaliser. Ils doivent aussi bénir la table toutes les fois qu’ils mangent, et dire les grâces après le repas.
Nous dirons peu de choses du sacrement du mariage et seulement ce qui a trait au ministère du prêtre. C’est en effet du sacrement des laïcs, car il est permis aux laïcs de prendre des épouses, d’avoir des enfants, de cultiver la terre et de posséder les biens de ce monde. Il est convenable que le clerc se dégage du tumulte des affaires pour vaquer à la contemplation et à l’oraison, ce qui est signifié par la tonsure et la couronne qu’il porte en signe de cette royauté qu’ils attendent dans le Christ, comme étant les Elus du Seigneur qu’ils ont pris pour partage. Néanmoins certains clercs peuvent avoir des biens temporels, pour l’utilité commune des indigents. Car tout ce que les clercs possèdent des revenus de l’Eglise, doit appartenir aux pauvres, et leurs maisons doivent être ouvertes aux pèlerins. Si par avarice ils gardent et accumulent leurs revenus, il sont coupables au tribunal du juste juge vis-à-vis de tous ceux qu’il peuvent secourir. Les clercs dans les ordres mineurs peuvent contracter mariage, s’ils le veulent, mais les clercs dans les ordres sacrés depuis le sous-diaconat et au ne le peuvent plus. Néanmoins le clerc qui se marie perd le bénéfice de la cléricature, parce qu’il ne peut appartenir à la fois à l’Eglise et à une épouse, et avoir en même temps un bénéfice ecclésiastique et une femme. Il peut cependant rentrer dans la cléricature s’il n’a eu qu’une seule épouse qu’il a prise vierge. C’est le prêtre qui doit prendre soin qu’il ne se fasse pas dans sa paroisse de mariages clandestins et incestueux, aussi doit-il y avoir des fiançailles publiques et d’autres formalités d’usage, destinées à prévenir et à faire connaître ces empêchements, en vue desquels le prêtre célèbre une messe spéciale dans laquelle il bénit les époux. Il faut néanmoins que l’épouse soit bénie par le prêtre, si elle est vierge, afin qu’elle ait en soi le signe du sacrement, car elle représente 1'épouse qui vierge s’est unie au Christ, et est demeurée vierge dans la, foi suivant ces paroles de l’Apôtre, II Cor., II: "Je vous ai fiancée cet unique époux qui est Jésus-Christ, pour vous présenter à lui comme une vierge toute pure," ainsi qu’on en fait aussi la remarque. C’est pour cela qu’une femme corrompue ne peut se faire religieuse. Aussi sous ce rapport on exige un plus grande chasteté dans la femme que dans l’homme.
Avant les fiançailles le prêtre doit faire publiquement dans l’Eglise la proclamation des personnes qui doivent contracter mariage, afin que celui qui connaîtrait quelque empêchement le fasse connaître dans un court délai, sans quoi il ne peut célébrer la messe des épousailles pour pas encourir les peines portées par le droit. Je fais observer que lorsque le prêtre célèbre la messe des épousailles, après la consécration et avant de dire pax domini, il doit bénir l’épouse avec l'époux, après quoi ceux-ci reviennent à l’autel pour y recevoir le corps et le sang du Seigneur. Je conseille et j’approuve comme plus sûr que le prêtre prenne auparavant le corps et le sang du Seigneur à cause du danger qu’il pourrait y avoir dans ce déplacement et pour les saintes espèces et pour sa conscience et aille ensuite, après avoir terminé ses saints mystères, faire la bénédiction des époux. Mais avant la bénédiction le prêtre doit leur demander s’ils consentent à se prendre mutuellement pour époux, per verba de praesenti, et ensuite donner la bénédiction à tous deux, mais surtout à la femme pour qui la messe est célébrée, suivant la forme voulue. Après la bénédiction, conformément à l’usage reçu, le prêtre prend la main droite de l’épouse dans la sienne, couverte de son voile, et la présente à l’époux, après quoi il fait le signe de la croix sur eux et les congédie en paix. Dans toutes ces formalités, il faut surtout avoir égard à la coutume, parce qu’il y a certaines églises où l’on ne met pas tant de solennité.
Le prêtre doit aussi veiller à ce que aucun de ses paroissiens ne contracte mariage avec une parente ou une alliée jusqu’au quatrième degré inclusivement. Mais si une des parties est parente ou alliée au cinquième degré et l’autre a second, au troisième ou au quatrième, ils peuvent contracter mariage, parce que il y a autant de degrés entre la plus éloignée de la souche commune et les autres descendants de la même souche dans une ligne différente, qu’il y en a entre celle-ci et la souche commune. Il n’est pas non plus permis de contracter avec une alliée accordée à son parent, et cela quand même les fiançailles auraient été faites depuis sept ans, parce que un tel mariage est prohibé, et doit être dissout s’il était contracté. Les enfants de deux compères ne peuvent pas non plus contracter mariage ensemble s’ils sont tous les deux ou l’un et l’autre la cause de cette compaternité. Il n’est pas permis de contracter mariage avec une adultère épousée du vivant de la première femme, ou qui a reçu la promesse du mariage lorsque cette première épouse serait morte. Il en serait autrement si la seconde épouse avait ignoré l’existence de la première. Car dans ce cas le mariage avec la seconde épouse subsiste après la mort de la première, et ne peut être dissout sur la demande du mari. Et nul ne doit contracter mariage, après la mort de sa femme, avec une autre dont la sienne de son vivant aurait tenu l’enfant sur les fonts de baptême; il en serait autrement si cette femme avait tenu l’enfant de la sienne, car avec celle là le mariage serait licite car le mari et la femme se communiquent les actions, mais non les passions, comme on en fait la remarque dans le même endroit. Or la femme en effet acquiert une compaternité pour son mari, et le mari pour sa femme après le mariage contracté et consommé, tant dans le baptême que dans la confirmation, par l’action, en présentant l’enfant d’un autre au baptême ou à la confirmation; il n’en est pas de même lorsqu’il n’y a que passion, comme lorsque c’est son propre fils, ou sa propre fille qui est présentée. Car le docteur Hugues affirme que la compaternité se contracte non seulement par le baptême, mais aussi par tous les préliminaires. D’autres prétendent le contraire,
Donc, comme la question n’est pas encore décidée, nous allons un peu disserter sur les préliminaires du baptême et sur leurs causes. Quand on porte un enfant à l’église pour le baptême, le prêtre commence par souffler en forme de croix sur la face de l’enfant, afin que par l’action mystérieuse du prêtre le malin esprit cède la place à l’Esprit saint. Après l’insufflation, le signe de la croix est fait sur le front et sur tout le corps du baptisé, afin que le diable reconnaissant le sceau de sa mort, sache qu’il est scellé du sceau d’un autre. L’enfant reçoit ensuite du sel dans la bouche, afin que muni du sel de la sagesse il n’exhale point la mauvaise odeur de l’iniquité, et ne soit point dévoré par les vers rongeurs des péchés. Après cela le prêtre met de la salive sur les narines et les oreilles du baptisé en prononçant les paroles du Seigneur dans la guérison du sourd, lorsqu’il mit son doigt dans son oreille," et dit Epheta, ce qui veut dire ouvrez-vous, afin que ses narines s’ouvrent pour recevoir la connaissance de Dieu, et ses oreilles pour recevoir ses commandements; ensuite il lui fait une onction avec l’huile sainte sur la poitrine, afin que son coeur s’affermisse dans la foi de la sainte Trinité, et afin qu’il ne reste rien en lui de l’ennemi caché, Il lui fait encore une onction entre les épaules, afin qu’avec la grâce de Dieu il puisse avoir la force de faire des bonnes oeuvres. Plus tard après le baptême le prêtre lui fait encore une onction avec le saint chrême sur le haut de la tête, sur la cervelle, afin qu’il devienne participant du règne du Christ, et soit prêt à rendre raison de la foi qu’il a reçue dans le baptême. Remarquez bien que l’onction se fait avant le baptême avec l’huile sainte, tandis qu’après le baptême c’est avec le saint chrême, parce que il devient ainsi chrétien par le Christ; c’est pourquoi il est oint avec le saint chrême, ainsi dit du Christ; pour cette raison aussi tous les baptisés sont appelés chrétiens, comme étant oints.
Il y a deux choses nécessaires au prêtre pour l’instruction du peuple, la doctrine et la pureté de la vie, afin de l’instruire par sa parole et ses oeuvres, et de l’édifier pas son exemple. Il doit en effet exposer fréquemment les paroles de l’Ecriture sainte, ou les exemples des saints Pères, suivant qu’il le jugera convenable pour l’enseignement de la vérité, et édifier ses auditeurs par les exemples de sa conversation et de sa vie, et confirmer par là ce qu’il leur dit pour les porter à l’amour de la vérité. C’est pour désigner cette obligation, qu’étaient attachées des sonnettes aux vêtements des prêtres, ainsi qu’on le lit dans l’Exode, XXVIII, XXXIII, XXXV, "Afin qu’on entende le son de ces sonnettes, lorsqu’il entrera dans le sanctuaire, en la présence du Seigneur, et qu'on ne soit point puni de mort." Car le prêtre enflamme contre lui la colère du céleste juge, si sa vie n’est pas en harmonie avec sa langue; s’il n’use pas d’un mode de prédication proportionné à la capacité de ses auditeurs, en enseignant des choses utiles et intelligibles,, au lieu de choses trop relevées qui ne peuvent être comprises ou sont susceptibles de blesser les consciences par quelque erreur, ou enfin des choses superflues qui ‘engendrent le mépris ou l’ennui dans l’âme des auditeurs, XLIII. Car la vertu ne suffit pas sans la science. Si par ignorance ou par négligence le prêtre ne prêche pas la vérité à son peuple et ne lui montre pas le chemin du salut, il répondra devant Dieu des âmes qui se seront perdues sous son ministère par défaut de science, XLIII. Si au contraire le prêtre instruit son peuple avec soin, et lui montre autant qu’il le peut la voie du salut, et si ses paroissiens, ne profitant pas de son zèle, viennent à périr, il sera exempt de fautes devant Dieu au jour du jugement, et ces derniers seuls seront condamnés aux peines éternelles. Autrement quelle que soit la sainteté de vie du prêtre, elle ne suffira pas pour le sauver, s’il a charge d’âmes: la seule négligence à l’égard de ceux qui lui sont confiés, suffit pour le damner. Ainsi le grand prêtre Héli était plein de vertu; mais ayant négligé d’instruire et de corriger ses enfants, il fit une chute dont il mourut. D’un autre côté la science ne suffit pas sans la vertu. Car si le prêtre mène une vie irrégulière, il ne peut faire un fructueux usage de la science, car étant coupable lui-même, il n’a pas le courage de reprendre les pécheurs. Les laïcs, en effet, se perdent facilement par les mauvais exemples du prêtre, et méprisent pour cette raison la parole de Dieu et le saint sacrifice, après être devenus plus méchants par cette déplorable cause. On ne peut effectivement que mépriser la prédication de celui dont on méprise la vie. Les prêtres sont dignes d’autant de morts, qu’ils donnent de mauvais exemples à ceux qui leur sont commis. Or le prêtre qui ne soit pas se gouverner, user de sa raison, se préserver du péché, et corriger ses enfants spirituels, doit plutôt être regardé comme un chien impur, que comme un évêque ou surveillant.
Il est donc évident d’après cela que le prêtre doit réunir en lui: ces deux choses, la pureté de la vie et la science, quelques difficultés qu’il y ait pour cela. Car comme dit saint Augustin, il n’y a dans cette vie et surtout dans le temps où nous vivons rien de plus difficile que le ministère d l’Evêque ou du prêtre, sous quelque point de vue qu’on l’envisage; mais aussi rien n’est plus heureux devant Dieu, s’ils font leur service comme le demande notre souverain Maître. Jésus-Christ, qui est la source de tous les biens, source abondante où nous avons tous puisé, rendre de tous les prêtres de nos jours semblables à ceux qui maintenant vivent et règnent avec le Père, le Fils et le Saint Esprit dans les siècles infinis. Ainsi-soit-il.
Fin du soixante-quatrième Opuscule.