LA NATURE DU SYLLOGISME

SAINT THOMAS D'AQUIN, DOCTEUR DE L'ÉGLISE

 

OPUSCULE 46

(Œuvre d'une authenticité discutée. Auteur ignoré)

Traduction Abbé Védrine, Editions Louis Vivès, 1857

Édition numérique, https://www.i-docteurangelique.fr/DocteurAngelique, 2004

Les œuvres complètes de saint Thomas d'Aquin

 

 

Savoir, c’est connaître la cause d’une chose; or les causes de tout être sont au nombre de quatre, à savoir, la cause efficiente, matérielle, formelle et finale. Pour avoir la connaissance parfaite de chaque chose, il faut connaître ces quatre causes. Il y a donc une cause efficiente du syllogisme, et une autre rationnelle qui le constitue. Car le syllogisme est un acte de raison. La mati du syllogisme est trois termes, comme matière éloignée, et deux propositions, comme matière prochaine. Elle est dans les syllogismes comme dans les autres choses composées de matière et de forme, où l’on peut trouver la double matière dont on vient de parler. Sa fin est de convaincre ou de faire connaître une conclusion inconnue. Sa forme est la vertu ou puissance de déduire une conclusion des prémisses; elle se trouve dans la définition du syllogisme. Cette forme se revêt de la figure et du mode. La figure est la disposition du moyen terme, suivant la subjection et l’attribution; cette disposition se fait de trois diverses manières, parce que le moyen terme est ou sous ou attribué une fois dans les prémisses, et alors c’est la première figure. Or cette disposition est appelée première figure, parce que le moyen terme a le caractère plus parfait de moyen, en ce qu’il participe de la nature des extrêmes dans la subjonction du petit extrême et du grand dans la prédication.

                                                Ou il est attribué deux fois, et alors il est seconde figure, appelée seconde parce qu’elle perd la perfection du moyen. Car dans la première figure, le moyen est moyen suivant la raison et suivant la position; tandis que dans la seconde il est premier par position, puisqu’il est avant les extrêmes.

            Ou il est sous-ajouté deux fois, et alors il est la troisième figure, appelée troisième parce que le moyen est troisième par position, étant après les extrêmes. Or il faut savoir que la figure se trouve proprement et en réalité dans les mathématiques, tandis qu’elle n’est dans le syllogisme que par transsomption, par analogie avec le triangle. Car; comme le triangle est la conclusion de trois lignes dans trois angles, de même le syllogisme est le concours de trois propositions, majeure, mineure, conclusion dans trois termes. Le mode est la qualité et la quantité déterminée des propositions prémisses pour qu’il en résulte une conclusion, laquelle est tirée d’après certaines règles établies par Aristote, et dont quelques-unes sont communes aux trois figures, quelques-unes spéciales. Les communes sont au nombre de deux. La première, c’est que de pures particulières, ou indéfinies, ou singulières, on ne conclue rien dans une figure, en comprenant sous le nom de particulière tant l’indéfinie qui, dans la matière contingente, équivaut à la particulière, comme le dit Aristote, que la singulière. Il faut donc, comme il le dit, que l’autre soit universelle. La raison de cette règle est qu’il ne s’en pas de ce que deux choses participent particulièrement à quelque moyen terme, qu’elles soient les mêmes entre elles. Par exemple: Blanc et grammairien participent au même moyen qui est homme, puisqu’il y a des hommes blancs et grammairiens; mais il ne s’ensuit pas de là que blanc et grammairien soient simplement la même chose. C’est pourquoi le raisonnement suivant ne vaut rien. Un certain homme est grammairien, or un certain blanc est homme, donc un certain blanc est grammairien, la conséquence est même fausse secundum quid et simpliciter. Il y a une autre raison alléguée par Aristote, c’est que, ou il n’y aura pas de syllogisme, et cela parce qu’il y aura pétition de principe, ou elle n’ira pas au but. De même si l’on voulait prouver cette proposition, la musique est attrayante, et prendre ces prémisses, quelque volupté est attrayante. Or la musique est une volupté, donc, etc. La majeure étant particulière, elle se prendra pour cette volupté particulière, qui est la musique, et alors il y a pétition dans la proposition à prouver; ou elle se prendra pour quelque autre volupté, et alors il y aura bien un syllogisme, mais qui n’aboutira pas à la conclusion que l’on voulait tirer. Ainsi donc il faut que l’une des prémisses soit prise universellement pour qu'il y ait un syllogisme. Mais Aristote semble être contraire à cette règle, en donnant la manière d’argumenter d’après de pures particulières, par le moyen du syllogisme expositoire dans la troisième figure. Il faut dire à cela que lorsqu’on dit qu’on ne fait pas de syllogisme d’après de pures particulières, on entend dans la réalité et simplement le syllogisme qui a le parfait caractère de syllogisme. En effet, le syllogisme expositoire n’est pas un vrai syllogisme, mais bien plutôt une certaine démonstration sensible, ou une certaine résolution faite au sens, à cette fin que la conséquence, qui était vraie suivant la connaissance intellectuelle, soit déclarée dans le sensible. La seconde règle, c’est que de deux pures négatives, il ne s’ensuit rien, et il n’y a pas de syllogisme. La raison de cela peut être que tout syllogisme ou affirme une chose d’une autre, et il est affirmatif, ou nie une chose d’une autre, et il est négatif. S’il affirme une chose d’une autre dans la conclusion, que ce soit par quelque chose de convenable, laquelle chose sera un moyen terme, et par conséquent l’une et l’autre des prémisses sera nécessairement affirmative. Mais s’il écarte une chose d’une autre, il faut que ce soit par quelque chose de tertiaire convenant à l’une de ces choses et répugnant à l’autre, laquelle chose sera ainsi moyen terme. Il est clair d’après cela que, dans le syllogisme négatif, il faut que l’une des prémisses soit affirmative. Il y en a qui rectifient la première figure et établissent deux règles; d’autres la seconde et établissent aussi deux règles; il en est d’autres qui rectifient la troisième et n’établissent qu’une règle. Bans la première figure, la première règle est que la majeure doit être universelle, autrement il n’y aurait pas de syllogisme. La raison en est que, la majeure étant particulière, il arrive que le moyen duquel, pris particulièrement, le grand extrême pouvant se dire affirmativement ou négativement, serait plus étendu que les extrêmes. Si c’était affirmativement, il arriverait qu’il comprendrait des extrêmes répugnant au moyen terme, et alors il s’ensuivrait une vraie conclusion affirmative, comme par exemple, si l’on disait, quelque animal est âne, tout homme est animal, on devrait tirer cette conclusion, donc quelque homme est âne, laquelle serait fausse, malgré les vérités des prémisses. D’un autre côté, si on les prend négativement et particulièrement, il arriverait qu’ils seraient susceptibles de conversion, comme ci-dessus ou ci-après, et alors ce serait faussement qu’une chose serait niée de l’autre dans la conclusion, quand néanmoins une conclusion négative devrait être tirée de la qualité des prémisses, par exemple un certain animal n’est pas homme; tout risible est animal, on devrait tirer cette conclusion, donc quelque risible n’est pas homme, laquelle serait bien fausse quoique les prémisses soient vraies. Il est donc évident que lorsque, avec une telle disposition, il résultera une conclusion fausse, malgré des prémisses vraies, ce ne sera pas suivant la forme du syllogisme. En effet, toute disposition faite suivant les règles des syllogismes, déduit toujours la même conclusion dans toute matière, si les prémisses sont vraies. La seconde règle est que, dans la première figure, la mineure ne doit pas être négative, la raison en est que s’il se faisait autrement, il en résulterait la fausseté du- conséquent, à savoir en niant le moyen du petit extrême, qui est inférieur pour en venir à la négation du grand extrême, qui est supérieur au moyen; par exemple, tout homme est animal, aucun âne n’est homme, il rie s’ensuivrait pas, donc aucun âne n’est animal. On pourrait assigner une autre raison à ces deux règles, à savoir, que les syllogismes de la première figure sont parfaits par l’affirmation du tout et par l’affirmation du rien. Or il répugne à ces prémisses que la majeure soit particulière, ou la mineure négative, comme on le voit clairement en considérant les raisons des principes sus-énoncés. Dans la seconde figure, la première règle est que la majeure doit être universelle. La raison en est que les syllogismes de cette figure viennent des syllogismes de la première figure, par la conversion de la majeure dans les termes, et, par conséquent, comme la majeure doit être ici universelle, elle doit aussi l’être là. On peut même démontrer la nécessité de cette règle par l’instance dans les termes, comme on l’a dit plus haut. Car si la majeure est prise particulièrement, il arrivera que le grand extrême l'emportera sur le moyen et sur le petit extrême. En effet, rien n’empêche que ce qui est inférieur se dise de ce qui est supérieur, pris particulièrement, et ainsi le moyen pourrait se dire particulièrement du grand extrême, et il arriverait que les extrêmes seraient convertibles ou auraient les rapports de supériorité et d’infériorité, et alors il n’en résulte pas une conclusion né vraie. Il ne peut pas non plus s’ensuivre une conclusion affirmative, parce que dans cette figure on conclut toujours négativement, par exemple, quelque animal n’est pas homme, tout ce qui est raisonnable est homme, ne s’ensuit pas que rien de ce qui est raisonnable ne soit homme. La seconde règle est qu’il faut que l’une ou l’autre des prémisses soit négative, parce que de deux affirmatives il ne s’ensuit rien dans la seconde figure. La raison de cela, c’est que si les deux prémisses sont affirmatives, le moyen sera supérieur alors aux extrêmes disparates, dont aucun ne se dit de l’autre dans la conclusion. Car, de ce qu’une chose convient à deux, il ne s’ensuit pas qu’elle convienne à une troisième. Jure chose supérieure pourrait même être affirmée de deux choses inférieures, dont l’une serait subordonnée à l’autre, et, dans ce cas, une chose ne pourrait être niée de l’autre, et ainsi il ne peut donc pas y avoir de conclusion affirmative ou négative, lorsque les deux prémisses sont affirmatives. Mais on demande alors s’il faut que l’une soit négative, pourquoi n’est-ce pas positivement la majeure ou la mineure, mais indifféremment l'une ou l’autre. On répond que c’est parce que, sans rien déterminer, le moyen se rapporte également aux deux extrêmes, comme lui étant subordonnés, et pour cette raison, quant au syllogisme, peu importe à quoi se réfère l’affirmation ou la négation. Car le syllogisme est hon des deux manières, quoique diverses. Dans la troisième figure il n’y a qu’une règle, à savoir, que la mineure est toujours affirmative, la raison en est que de ce qu’une chose inférieure répugne à une troisième, il ne s’ensuit pas que ce qui est supérieur répugne aussi, ce qui devrait avoir lieu ici, si la mineure était négative, comme on le voit. En effet, le moyen est subordonné aux extrêmes: or la majeure est au-dessus du moyen et du petit extrême, et, par conséquent, il n’est pas nécessaire que la majeure lui répugne dans la conclusion, par exemple, tout homme est animal, aucun homme n’est âne, on ne peut pas conclure, donc quelque âne n’est pas animal, et ainsi il ne s’ensuit pas une conclusion négative vraie. Il en est de même pour une affirmative, car il peut se faire que les extrêmes se répugnent, comme cela est évident, si l’on prend ces termes animal, pierre, homme. La raison de cela peut être aussi que la troisième figure vient de la première par la conversion de la mineure; et, par conséquent, comme la mineure devrait être ici affirmative, elle doit l’être là aussi. Mais il ne faut pas se dissimuler qu’il arrive parfois que le syllogisme conclut légitimement en opposition à ces règles; mais ce n’est pas par une nécessité de la forme syllogistique, mais bien par une nécessité de la matière, parce que, par exemple, ou les termes sont convertibles, comme dans la conclusion affirmative, ou ils se répugnent, comme dans la conclusion négative. Nous allons ajouter à ces règles quelques autres qui regardent plutôt la conclusion que les prémisses, et dont les unes sont commune, et les autres propres. Les communes sont au nombre de deux. La première est pour toute figure. Si une des prémisses est particulière, la conclusion doit être particulière, la raison peut en être que lors qu’une des prémisses est particulière, le moyen convient à l’autre extrême, particulièrement dans cette prémisse; et comme il n’y a de convenance entre les autres extrêmes que par la nature du moyen, un des extrêmes n’aura pas plus de convenance avec l’extrême particulier, que l’autre extrême avec le moyen. C’est pourquoi, dans la conclusion, un extrême doit s’accorder avec l’autre extrême particulièrement, ainsi que, dans la prémisse, le moyen s’accordait particulièrement avec l’autre extrême. Il en est de même si c’est une particulière négative, parce qu’un extrême s’écarte de l’autre extrême particulièrement dans la conclusion, de même que le moyen s’écarte de l’extrême dans la prémisse. Voici la seconde règle. Si l’une des prémisses est négative, la conclusion doit être négative, la raison en est que les choses qui sont en désaccord avec une troisième doivent nécessaire ment l’être entre elles. Donc les extrêmes se trouvant en désaccord dans le moyen, parce que ce qui convient à l’un répugne à l’autre, ils sont nécessairement en désaccord entre eux. C’est pourquoi, comme la conclusion provient des extrêmes, il faut les séparer l’un de l’autre, et ainsi la conclusion sera négative, l’une des prémisses étant négative. Mais quelques-unes des p ont trait à la première figure, d’autres à la seconde, et d’autres à la troisième, Il y en a deux pour la première. La première, c’est que la conclusion est toujours assimilée à la majeure dans la qualité, et à la mineure dans la quantité. La raison en est que la conclusion est une partie de l majeure quant au prédicat, car elle a le même prédicat que la majeure, et elle fait partie de la mineure quant au sujet; or la qualité est la disposition du prédicat comme de la forme, et la quantité est la disposition du sujet comme de la matière. C’est pourquoi la conclusion participant au prédicat par la majeure et au sujet par la mineure, est assimilée à la majeure dans la disposition du prédicat et à la mineure dans la dis position du sujet. La seconde règle est que tous les problèmes concluent par la première figure, et cela tant sous le rapport universel que particulier, tant affirmatif que négatif. Dans la seconde figure il n’y a qu’une règle, savoir, qu’il n’y a en elle que des conclusions négatives. La raison de cela, c’est qu’il faut qu’une des prémisses soit négative, comme on l’a montré, et lorsqu’il en est ainsi, la conclusion doit nécessairement être négative. Dans la troisième figure il n’y a non plus qu’une règle, savoir, que toute conclusion est particulière et jamais universelle; la raison en est que, bien que deux choses s’accordent en une troisième, et que même cette troisième chose leur convienne universellement, il ne s’ensuit pas nécessairement que ces deux choses doivent totalement s’accorder ou être la même chose. Il en est ainsi, parce qu’il arrive que le grand extrême est moindre que la mineure. C’est pourquoi, dans la conclusion, la majeure ne sera pas appliquée à la mineure universellement. Par exemple, tout homme est risible, tout homme est animal; il ne s’ensuit pas que tout animal est risible, mais bien que quelque animal est risible.

Après avoir tracé les règles qui apprennent à bien construire les syllogismes relativement à l’in-être a leurs raisons, il reste à exposer sommairement celles qui concernent leur valeur par rapport au mode. Pour mettre ceci en lumière, il faut savoir qu’il y a trois espèces de syllogismes. L’un est formé de propositions de simple inhérence, c’est celui dont nous avons parlé, un autre est formé de deux prémisses de modo, un troisième d’une prémisse de modo, et de l’autre de inesse, et s’appelle syllogisme mixte. S’il est constitué avec deux prémisses modales, ou elles seront toutes deux de necessario, ou toutes deux de contingenti. Or on entend par de necessario l’impossible pris en sens contraire, c’est-à-dire avec une négation adjointe au mot. Il est nécessaire qu’il soit, ou il est impossible qu’il ne soit pas, est tout à fait la même chose; car c’est le même jugement de part et d’autre. Il faut aussi savoir qu’ici, tant dans les prémisses que dans la conclusion, on prend toujours un contingent non nécessaire qui est dit dans le contingent né et indéfini, c’est-à-dire indifférent. Si donc le syllogisme est formé de deux prémisses de necessarjo, sauf les règles exposées pour chaque figure, il peut être un bon syllogisme en concluant de necessario, et par conséquent de inesse. Si au con traire il est composé de deux prémisses de contingenti, c’est toujours dans la première, soit qu’elles soient toutes deux affirmatives, ou toutes deux négatives, ou l’une ou l’autre seulement, en exceptant seulement que si la majeure est universelle, la conclusion sera de contingenti, et non de inesse. Mais si les deux prémisses sont négatives, en changeant la mineure ou l’une et l’autre en affirmative, il y aura un syllogisme. Or, il faut savoir que toutes les propositions de contingenti n’ont pas nécessairement une figure affirmative et se convertissent réciproquement, les affirmatives en négatives, et vice versa, comme le démontre Aristote. Dans la seconde figure, il ne se fait pas de syllogisme avec deux prémisses de contingenti, la raison en est tirée de ce qui a été dit plus haut, savoir, que de pures affirmatives il ne résulte pas de syllogisme dans la seconde figure. Or les propositions de contingenti comme on l’a dit, sont toutes affirmatives dans la seconde figure. Dans la troisième figure, on ne fait pas de syllogisme avec deux propositions de contingenti, à moins que l’une et l’autre soit particulière. Mais s’il se fait un syllogisme mixte, ou c’est avec une de inesse, et l’autre de necessario, ou avec une de contingenti, et l’autre de inesse, ou avec une de necessario, et l’autre de contingenti. Car la mixtion ne se fait pas de plusieurs manières. Il faut donc savoir que dans toute mixtion semblable, c’est-à-dire de l'inesse et de contingenti, de inesse doit toujours se prendre simplement, et non de inesse, comme présentement. On appelle proposition de inesse simplement celle dans laquelle le prédicat est inhérent au sujet, qu’il soit de sa quiddité, quant au premier mode par soi, ou non, mais qu’il découle de ses principes, comme lorsque la passion propre se dit du sujet, quant au second mode. Elle se dit aussi de inesse simplement, quand on attribue quelque accident commun qui suit toute l’espèce, suivant tout le temps, comme la noirceur se trouve dans le corbeau et dans l’Ethiopien. Mais quand une chose ne se dit du sujet d’aucune de ces manières, la proposition est de inesse ut nunc, comme celle-ci, tout homme court. Si donc il y a mixtion de inesse et de necessario dans la première figure, voici la règle. Lorsque la majeure est de necessario et la mineure de inesse simplement, et non ut nunc, il s’ensuit une conclusion de necessario. Si c’est le contraire qui a lieu, à savoir, si la majeure est de inesse, et la mineure de necessario, la conclusion est de inesse, et non de necessario; la raison de cela c’est que la conclusion participant avec la majeure dans le prédicat, comme on l’a dit, et le mode de nécessité et de contingence étant la disposition du prédicat dans la comparaison au sujet, la conclusion participera de la même manière, ce qui ne peut se faire quand la mineure est de necessario et la majeure de inesse, mais néanmoins il s’ensuit bien alors une conclusion de inesse. Car il y a plus dans inesse simplement que nécessairement. Car les choses qui sont inhérentes nécessairement le sont simplement, mais non pas réciproquement. Voici la règle dans la seconde figure. Lorsque l’universelle négative est de necessario, et l’autre de inesse, la conclusion est de necessario. S’il en est autre ment, la conclusion n’est pas de necessario, parce que si l’affirmative est de necessario et la négative de inesse, il s’ensuit une conclusion de inesse. La raison de cela est que la seconde figure, dans tous ses modes, provient du mode de la première figure dans lequel la majeure est universelle négative, et revient à lui, comme on voit. Et, par conséquent, comme il fallait pour une telle conclusion que l’universelle négative, qui est la majeure, fût de necessario, de même dans cette figure il faut qu’une pareille négative soit majeure, après la réduction de la première. On voit par là que dans le quatrième mode de la seconde figure il ne peut pas se faire une mixtion universelle quant à la conclusion de necessario, puisqu’il n’y a pas d’universelle négative. Dans la troisième figure, voici la règle sur le mode d’affirmation et de négation. Lorsque l’universelle affirmative ou négative est de necessario, il en résulte une pareille conclusion, autrement non. On peut donner de cela la même raison que dessus, que, après la réduction à la première figure l’universelle deviendra majeure laquelle doit être de necessario dans la première. On voit par là que dans le premier et le second mode de la troisième figure on fait quatre syllogismes universellement mixtes, en prenant de part et d’autre de necessario. Voici la suite de la seconde mixtion, à savoir, de inesse et de contingenti. Pour élucider cela, il faut savoir que, comme le dit Aristote, le contingent se prend d’une manière, de telle façon que même le nécessaire est dit contingent, c’est-à-dire non impossible et d’une autre manière, comme aussi non nécessaire. Or le contingent se dit de ces deux manières équivoquement, comme de deux signes signifiés. Il se prend d’une autre manière comme persistant dans sa communauté sans regarder telle ou telle chose, mais dans un état indifférent, non qu'il soit cependant la troisième chose signifiée. Pris dans ce sens, il est dit contingent possible, ou suivant la raison de sa communauté, de même que, en parlant plus clairement, animal peut se prendre de trois manières. L’une comme raisonnable, l’autre comme irraisonnable, ces deux manières sont ses différences. La troisième manière, c’est de le considérer non sous tel ou tel rapport, mais seulement suivant sa forme universelle, uniquement en tant qu’animal. Que le nécessaire soit contingent, c’est ce qu’Aristote prouve dans le livre Périherménias. Comment cela se fait-il? On peut l’expliquer ainsi. Par rapport au contingent, ce qui est dit du nécessaire et du non nécessaire, c’est seulement qu’il a la potentialité à l’être sans autre différence, comme il dit du genre. Or dans l’un et l’autre des deux cas que nous avons exposés, il y a cette potentialité, quoique d’une manière équivoque, parce que le nécessaire a toujours la potentialité jointe à l’acte, et l’autre séparée de l’acte; c’est pour quoi l’un et l’autre est appelé contingent. Or ce nécessaire a deux espèces. L’une est le contingent-né qui a une cause pour laquelle il peut être; mais comme cette cause rencontre quelquefois des obstacles, il est non nécessaire, comme blanchir dans la vieillesse. L’autre est le contingent infini, c’est-à-dire indéterminé, ou incertain, ou in différent. Il est ainsi appelé, parce qu’il n’a pas de raison pour se porter vers une partie plutôt que vers l’autre, comme le contingent de la nature, comme il peut être et n’être-pas. Aristote dit qu’il ne tend pas au nécessaire.

Fin de l’Opuscule de la nature des syllogismes.