LA NATURE DU GENRE

SAINT THOMAS D'AQUIN, DOCTEUR DE L'ÉGLISE

 

OPUSCULE 41

(Authenticité discutée. Probablement écrit par Thomas de Sutton)

Traduction Abbé Védrine, Editions Louis Vivès, 1857

Édition numérique, https://www.i-docteurangelique.fr/DocteurAngelique, 2004

Les œuvres complètes de saint Thomas d'Aquin

 

 

CHAPITRE I: De l'être. 1

CHAPITRE II: Des transcendantaux. 2

CHAPITRE III: De la quadruple division de l’être. 4

CHAPITRE IV: Les opérations du logicien et du métaphysicien sont en tout différentes. 5

CHAPITRE V. 6

CHAPITRE VI: Les substance séparées et immatérielles n’ont de convenance que dans le genre logique. 8

CHAPITRE VII: le genre se disant du tout 9

CHAPITRE VIII. 11

CHAPITRE IX: le genre contient implicitement les choses qui sont en lui. 12

CHAPITRE X: substance "genre premier" et substance "cause des accidents". 14

CHAPITRE XI. 16

CHAPITRE XII: la manière dont les noms sont attribués aux choses. 17

CHAPITRE XIII: cadavre et corps. 19

CHAPITRE XIV: Le genre en sciences naturelles et mathématique. 21

CHAPITRE XV. 23

CHAPITRE XVI 25

CHAPITRE XVII: corps vivant et corps séparé de sa forme (suite) 27

CHAPITRE XVIII 28

CHAPITRE XIX: les neufs genres d'accidents. 30

CHAPITRE XX: La quantité. 31

CHAPITRE XXI: La qualité. 32

CHAPITRE XXII: 33

 

 

CHAPITRE I: De l'être

 

Comme toute créature est renfermée dans les limites du genre; pour ne pas commettre quelque erreur sur la nature dus choses, nous nous proposons de parler du genre et des difficultés qui y ont trait, afin de pouvoir discerner plus facilement l’origine et la manière de procéder des sciences diverses, en commençant par ce qui doit être le commencement et la fin de l’intellect, je veux dire l’être. L’être, en effet, est l’objet primaire de l’intellect, puisqu’il n’est possible de connaître que ce qui est être en acte. D’où il résulte que l’intellect ne peut concevoir son opposé, qui ne serait pas un être, sans imaginer d’une façon quelconque un être, qu’il produit comme un être de raison, en s’efforçant de le percevoir; c’est de cette sorte d’être qu’il est parlé dans le neuvième livre des Métaphysiques, où il est dit que c’est un être d’une certaine manière celui au sujet duquel on peut formuler des propositions, quoiqu’il n’ait pas d’essence. L’être est donc celui donc l’acte est a’être, comme le vivant de vivre; car ces trois choses, l’être, l’existence et l’essence ont entre elles les mêmes rapports que le vivant, la vie et le vivre. La vie, en effet, est le principe par lequel le vivant vit, et l’essence est le principe par lequel l’être est, si ce n’est, toutefois, que vie et vivre signifient l’acte en abstraction; mais vivre a une signification concrète, comme course et courir, car il n’y a pas de vie sans vivre; l’essence néanmoins ne constitue pas toujours l’être. On trouve une double analogie dans l’être ainsi considéré. En effet, l’être est dit de Dieu et de la créature, mais de Dieu par mode d’antériorité, et de la créature par mode de postériorité, quoiqu’il soit plus vrai que Dieu est au-dessus le tout être, que d’être un être comme Denis et Damase. Néanmoins, il ne s’ensuit pas de cette analogie que l’être soit antérieur à l’un et à l’autre, je veux dire à Dieu et à la créature, comme il est antérieur à la substance et à l’accident dont il est dit par analogie. Pour comprendre clairement cela, il faut savoir que lorsque tout ce qui constitue l’analogie d’une chose se trouve dans une autre, à laquelle elle est appliquée, comme tout ce qui constitue l’être se trouve absolument en Dieu, le prédicat ne sera pas alors antérieur à l’une et à l’autre, puisqu’il ne précède pas le sujet. Mais, lorsque tout ce qui constitue le prédicat ne se trouve ni dans l’un ni dans l’autre des sujets, il doit être antérieur à l’un et à l’autre et plus commun,’ de même que tout ce qui constitue l’être n’est pas renfermé dans la substance, qui est le genre premier, puisqu’elle ne renferme pas l’être divin. Or, l’être ne peut pas être un genre, comme il est dit dans le livre deux et trois des Métaphysiques. Car la différence participe du genre, parce que le genre est tiré de la matière et la différence de la forme, comme ce qui est raisonnable vient de la nature intellectuelle; ce qui est animal de la nature sensitive. Or la forme n’est pas contenue en acte dans la matière, mais seulement en puissance. De même, la différence n’appartient pas à la nature du genre, mais le genre contient les différences en puissance, et en conséquence la différence ne participe pas du genre, parce que lorsque je dis raisonnable, j’entends quelque chose qui a de la raison, et qu’il n’est pas de la nature de l’intellect d'être animal. Or la chose reçue en participation est de la nature de l’intellect de celui qui participe. Mais o ne peut tirer aucune différence d’un intellect dont elle ne serait pas l’être. D’où il résulte évidemment que l’être ne peut pas avoir les différences comme il a le genre, et par conséquent l’être n’est pas un genre, mais il est susceptible d’être dit communément de toutes choses par analogie. Il faut en dire autant des autres transcendantaux.

 

CHAPITRE II: Des transcendantaux

 

Il y a six transcendantaux, savoir: l’être, la chose, quelque chose, l’unité, le bon, le vrai, qui dans le fond sont la même chose, mais ont néanmoins entre eux une distinction de raison. Comme, en effet, dans les démonstrations il faut résoudre toutes les propositions jusqu’aux principes mêmes, auxquels la raison doit nécessairement s’en tenir; de même, dans la compréhension de ces six choses, il faut s’arrêter à l’être, parce que en toute chose la connaissance est naturellement connue, de même que le principe est contenu dans toutes les propositions qui dérivent des principes. C’est pour cela qu’il faut que toutes les autres choses ajoutent quelque chose à l’être qui ne soit pas de l’intellect de l’être; car elles ne peuvent rien ajouter de l’intellect de quoi l’être ne soit pas. Il arrive donc, de deux manières, qu’une chose est a à une autre. Quelquefois la chose à laquelle on ajoute n’est pas de l’intellect de la chose ajoutée, comme l’individu ajoute la matière indivi4uelle à la raison de l’espèce, et l’espèce n’est pas de l’intellect de cette matière. Une telle addition est une addition réale.

Cependant l’espèce elle-même est de l’intellect de l’être constitue de l’espèce et de cette addition, comme l’homme est de l’intellect de Jacques. Mais il arrive quelquefois que la chose à laquelle est faite l’adition est de l’intellect de celle qui est ajoutée, de même que l’être est de l’intellect de tout. On dit qu’il y a addition à l’être parce que il y a importation de quelque chose qui n’est pas de la nature de l’être; une telle addition ne peut être qu’une addition de raison, parce qu’il n’y a importation de rien qui ne soit l’être, quoiqu’il y ait quelque chose de plus que ce que dit l’être. Mais que ce qui est ajouté soit de l’intellect de la chose à laquelle est faite l’addition, c’est ce qui n’arrive pas. Homme, en effet, ajoute à animal, et cette addition n’est pas de l’intellect d’animal. Mais l’animal n’ajoute rien à l’homme, parce que tout ce que dit animal, homme le dit aussi et davantage. Donc ce qui est surajouté à l’être, comme dit Avicenne, indique un certain caractère spécial de l’être, comme la substance dit un mode spécial d’exister qui est être par soi. Mais il faudra nécessairement que ce qui est opposé ajoute un autre mode d’être, comme être par autre chose, ce qui fait que ce qui ajoute ainsi à l’être, ne peut être en égalité avec l’être. C’est de cette manière que les prédicaments ajoutent à l’être, en se divisent suivant un mode spécial que chacun ajoute à l’être. Mais si par l’addition il ne se produit pas un mode spécial d’être ayant en soi une opposition quelconque, ce qui se rapporte à l’être par une pareille addition sera en égalité avec l’être. Ceci arrive de deux manières. La première, quand l’addition se fait d’une manière absolue, la seconde, quand l’addition se fait à l’être comparé à quelque chose qui a une convenance avec tout l’être, comme l’âme. Lorsqu’il y a addition à l’être d’une manière absolue, ou on le prend affirmativement ou négativement; si c’est affirmativement, ou l’on dit la chose même qui a l’être lequel est l’acte de l’être, ou l’on dit comment cela existe dans la chose, et cela est naturellement antérieur à la chose. Ce n’est que par l’indivision qu’une chose possède la qualité d’être; car la division fait qu’une chose n’est pas; en conséquence parmi les choses qui existent, les unes sont indivisibles en acte et en puissance, comme le choses incorporelles, les autres sont indivisibles en acte et divisibles en puissance, comme les choses corporelles. En général cependant chaque chose est indivise dans son essence.

Or, l’unité signifie l’indivision qui est égale à l’être, et en conséquence l’unité est la même chose que l’être suivant la chose, quoi qu’elle ajoute à l’être quelque chose qui fait que chaque chose a ce qu’il lui faut pour constituer son être. Car, suivant Boèce, tout ce qui est n’est que parce qu’il possède l’unité numérique. Mais comme l’indivision signifie la privation de division, et que l’unité est l’indivision, l’unité signifiera nécessairement la privation de division. En conséquence il est évident que l’unité n’emporte pas la privation de la multitude, parce que la privation étant postérieure à la chose exclue, si l’unité excluait la multitude, il s’ensuivrait qu’elle serait postérieure à la multitude: et comme il y a lieu dans la définition de privation, il s’ensuivrait que l’unité serait définie par la multitude, ce qui est faux, parce qu’alors il y aurait dans la définition un cercle vicieux, car la multitude est définie par la multitude, en effet, estime agrégation d’unités. En conséquence, une chose qui se convertit avec l’être n’emporte pas la privation de la division de l’être, qui s’opère par la qualité, parce que cette division appartient à un genre particulier de l’être, et ne pourrait pas tomber dans la définition de l’unité, puisque elle est plus particulière que l’unité même qui est définie; mais elle dit la privation de division formelle qui s’opère par les opposés, dont la source première est l’affirmation et la négation. Car ces choses sont divisées de manière que l’une n’est pas l’autre. Donc l’être tombe dans l’intellect premièrement, secondement la division, troisièmement l’unité qui exclut la division, et par conséquent la multitude, dans la définition de laquelle tombe l’unité, de même que la division tombe dans les conditions de l’unité, et néanmoins les choses divisées de la manière que nous venons de dire ne peuvent pas avoir les conditions de la multitude sans que celles de l’unité soient appliquées à chacune des choses divisées. Ce que l’unité surajoute à l’être est donc la privation de division qui suit tout être. Mais si elle dénote l’être qu’elle possède en le manifestant dans 1e suppôt auquel elle appartient, il y a ainsi addition à l’être, comme dit Avicenne dans sa Métaphysique. Chaque chose a en effet la certitude de ce qu’elle est. Mais si elle est prise négativement, elle surajoute ainsi quelque chose à l’être. Car une chose est la même chose qu’une autre chose qui est la même chose qu’un objet différent. Tout être est en effet quelque chose de telle sorte qu’il n’est que cette chose seule. Or, si ce qui est surajouté à l’être suit l’être en comparaison avec l’âme, qui en quelque façon est tout, car il y a dans l’âme une double puissance, savoir: l’intellect et la volonté, dont l’une peut tout connaître et l’autre peut aimer; c’est ainsi que sont pris le vrai et le bon. En effet, le vrai ajoute à l’être la raison de cognoscible, ce qui fait que le vrai emporte un certain ordre de l’être à l’égard de l’intellect, qui n’est pas compris dans la dénomination d’être prise d’une manière absolue; mais le bien ajoute la raison d’appétible. L’être, en effet, est bon par cela qu’il est appétible; d’où il arrive que le bien emporte un ordre à l’égard de l’appétit, de même que le vrai à l’égard de l’intellect, mais d’une manière différente, parce que le mouvement de l’intellect s’opère vers lui-même, tandis que le mouvement de l’appétit se porte vers une chose extérieure. En conséquence, suivant le Philosophe, le bien et le mal sont dans les choses, mais le vrai et le faux sont dans l’intellect. Or l’être, absolument dit, auquel toutes les choses ajoutent certains rapports, est très commun en lui-même, et a plusieurs divisions, dont quelques- unes ont trait à nature du genre: c’est de celles-ci que nous nous proposons principalement de parler. Nous avons fait ailleurs un traité spécial sur cette matière, dont nous citerons une partie eu ajoutant ce qu’il sera nécessaire de suppléer en certains endroits.

 

CHAPITRE III: De la quadruple division de l’être.

 

Il faut donc savoir qu’en métaphysique on fait une quadruple division de l’être. En effet, la première division de l’être dont il est question est que l’être est dit d’une manière secundum se, et de l’autre manière secundum accidens. La seconde division de l’être est qu’il est appelé d’une manière substance et de l’autre accident, et c’est là la division de l’être par les dix prédicaments, d’où il résulte que cette division de l’être n’est pas la même que la première, par laquelle l’être est divisé en être secundum se, et être secundum accidens. La différence, c’est que l’être est dit substance ou accident, en considérant l’être d’une manière absolue, comme la blancheur est dite accident et l’homme substance. Mais dans la première manière il faut que l’accident soit combiné avec le sujet, d’où il arrive qu’il est dit en soi ou par accident, selon qu’une chose est dite d’une autre en soi ou par accident. Mais l’être est divisé en substance et en accident, parce que dans sa nature il est substance ou accident, c’est pourquoi le Philosophe ajoute que l’être a une double acception sous le rapport de l’accident, quand l’accident est dit du sujet, ou l’accident de l’accident, ou le sujet de l’accident. Or la division de l’être en substance et accident est la division de l’être pris en soi. En effet, ces choses sont par elles-mêmes qui sont contenues dans les figures de la prédication, comme il est dit dans le même endroit. Or, comme l’être rie peut être contracté ainsi que le genre est contracté par la différence, comme il a été dit, il faut que l’être soit contracté sous les rapports dent nous avons parlé par une manière diverse de prédication. Parmi les choses qui ont le caractère de prédicament, les unes signifient la quiddité, les autres la quantité, et les autres la qualité, ainsi de suite. En conséquence, il faut que pour chaque manière de prédication l’être signifie la même chose, comme lorsqu’on dit, ce n’est pas un animal, l’être signifie une substance, et lorsqu’on dit l’homme est blanc, l’être signifie la qualité, et ainsi des, autres prédicaments dont nous ferons connaître l’origine un peu plus loin. L’être est pris sous le troisième rapport qui signifie la proposition que fait l’intellect en composant et divisant, et la vérité de cette composition est la vérité de la chose par la cause. En effet, le discours est dit vrai ou faux par ce qui fait que la chose est ou n’est pas. Or la vérité d’une proposition est signifiée par ce mot, est, qui est comparé à l’existence de la chose comme l’effet à sa cause. Car de ce qui est dans la nature des choses suit la vérité dans la proposition, qui signifie ce que le mot même est. Mais parce que ce qui en soi est un non être, est pris pour un être de l’intellect, comme la négation et la privation, on dit que de telles choses sont quand on forme une proposition à leur sujet par la copule même, est; quoique l’être ne réponde pas du côté de la chose, parce que de telles choses n’ont pas d’essences qui soient les principes de l’existence. La raison de cela, c’est qu’il arrive à la chose qu’il est vraiment dit quelque chose d’elle par l’intellect, la chose ne se rapportant pas à la science, et vice versa.

Le quatrième mode de division de l’être s’effectue par l’acte et la puissance. En effet, dans tous les prédicaments on trouve quelque chose en acte et quelque chose en puissance, et en conséquence cette division de l’être est dans sa communauté, puisqu’elle se trouve dans tout genre d’être et sans laquelle il n’y a rien dans le genre; c’est pourquoi Dieu n’est pas dans le genre, puisqu’il n’y a pas en lui puissance et acte. Car une chose est dans le genre lorsqu'elle est déterminée et limitée à quelque mode spécial d’être mais c’est le propre de la puissance d’être déterminé par, l’acte. C’est ce qui fait que toute chose en laquelle il y a puissance et acte est dans le genre. En effet, tout ce qui est dans le genre est destiné à avoir quelque chose d’antérieur à soi, relativement à laquelle chose il est en puissance nécessairement, parce que dans chaque chose l’acte est nécessairement antérieur à la puissance; mais dans le même être la puissance précède l’acte, et là où se trouve la puissance et l’acte, il y aura nécessaire ment genre. Donc, comme en toutes choses, il y a d’abord puissance et acte, tout, en vertu de cela, sera dans le genre. En conséquence, quoique l’être sujet de la philosophie supérieure ne soit ni genre, ni dans le genre, ainsi qu’il a été dit, néanmoins les plus nobles parties de l’être, les substances quoique séparées seront nécessairement dans le genre; et parce que l’accident est ‘la partie imparfaite de l’être, tandis que la parfaite raison de l’être se trouve dans la substance, la partie la plus parfaite de l’être se rapportera au genre de la substance dont nous allons nous occuper d’abord.

 

CHAPITRE IV: Les opérations du logicien et du métaphysicien sont en tout différentes.

 

Il faut donc savoir que le logicien et le métaphysicien opèrent sur tout, mais d’une façon différente. Comme en effet il appartient au philosophe transcendant de parler de l’être en général, il en est aussi de même du logicien; différemment ses considérations ne s’étendraient pas à tout, s’il n’avait pour objet l’être en général. Car étant le sujet d’une science, il sera de même le sujet de l’une et de l’autre; mais il y a une différence, parce que le philosophe procède d’après des données certaines et démontrables, tandis que le logicien ne procède que d’après des données probables, et il en est ainsi parce que l’être est pris sous un double rapport de nature et de raisons Or l’être de raison est dit proprement de ces intentions que la raison trouve dans les choses, telle que l’intention de genre et d’espèce, qui ne se trouvent pas dans la nature des choses, mais suivent les actions de l’intellect et de la raison. De cette manière l’être est le sujet de la logique, et cet être est égalé à l’être de la nature, parce que il n’y a rien dans la nature dont la raison ne tire parti. De là vient aussi qu’on dit que le logicien et le métaphysicien opèrent sur les mêmes objets. De même donc que les substances séparées se supposent à l’être parfait, c’est-à-dire à la substance de la nature; il en est ainsi pour l’être de raison à l’égard des substances prises selon la considération logique. Or, comme nous l’avons dit plus haut, la substance surajoute à l’être un mode spécial d’être qui est d’être par soi, à quoi nous ajouterons tout ce qui est en général avoir la puissance et l’acte. Mais la puissance ne tend pas à l’acte, puisque rien ne la conduit à l’être, nous trouvons que cela appartient au genre de la substance, qui subsiste par lui-même, tirant néanmoins l’être d’un autre. Mais quelques-uns ont pris de cette puissance sujet d’enseigner que les substances séparées étaient composées de matière et de forme, disant que le genre de la substance est composé de matière et de forme aussi bien que tout ce qui lui appartient; ils prétendent que Boèce est de ce sentiment au sujet des prédicaments lors qu’il dit qu’Aristote laissant de côte les extrêmes, la matière et la forme, traite du moyen terme, composé de l’un et de l’autre prédicament, c’est-à-dire de la substance. Mais comme il est de l’essence de la substance de subsister par elle-même de manière qu’il y ait en elle combinaison de la puissance et de l’acte, Boèce n’a pas eu intention de dire que le prédicament de la substance est composé de matière et de forme; mais bien de montrer que, la matière et la forme ne pouvant exister par elles-mêmes, elles ne sont pas dans le prédicament de la substance comme espèce ou individu. Et en conséquence le philosophe Aristote, omettant la matière et la forme, parle de la combinaison existant dans la substance comme l’espèce ou l’individu. Aussi, quoique dans les choses matérielles et celles d’un ordre inférieur ce qui est dans le genre de la substance soit composé de matière et de forme, néanmoins dans les substances supérieures qui sont à la tête des choses, il n’y a rien qui appartienne à la nature de la matière, ce qui devient surtout évident par leur opération qui est l’intellection. La raison en est assez claire, c’est que la matière ne reçoit pas la forme en tant que forme simplement, mais en tant que forme déterminée; par conséquent si dans quelque être composé de matière et de forme était reçue une forme quelconque, elle ne serait pas réputée une forme intelligible en acte avant d’être produite par une abstraction de l’intelligence, ce qui n’existe pas dans les substances séparées. En effet, la forme matérielle ne devient pas intelligible en acte avant d’être d’abord rendue proportionnée à l’intellect, ce qui s’effectue par son abstraction dans la matière. D’où il est évident que l’intellect est immatériel, car on peut connaître la nature de la puissance d’après les proportions de l’objet à la puissance. Ce n’est donc pas à cause de la matière et de la forme qu’il y aura puissance et acte en toute chose qui est dans le genre, quoique cela se voie dans les choses inférieures, comme il a été dit. Or, comme tout ce qui est dans le genre existant comme complet se compose de genre et de différence, et que le genre se tire de ce qui est en puissance, et la différence de la forme ou de l’acte, tandis que dans les substances séparées la substance est comme puissance et l’être comme acte, il en est qui estiment qu’il s’ensuit que son genre se tire de l’essence et la différence de l’être. Mais cela ne signifie rien, car l’essence est différente de l’être de l’ange, mais ce d’où se tire la différence n’est pas différent de l’essence de la chose constituée par la différence, tel que l’intellect; ce d’où est tirée la rationalité, n’est pas en dehors de l’essence de l’homme. Or, l’être de chaque chose est renfermé dans le premier accident, puisque ce qui est de l’essence d’une chose tombe dans sa définition. Or, l’être n’appartient pas à la définition de la chose, puisque une chose peut être définie quand même elle n’aurait pas d’être; c’est pour cela que le commentateur dit sur le cinquième livre de la Métaphysique, que cette proposition, Jacques est, appartient à un prédicament accidentel ce qui est vrai dans le sens que l’être emporte l’entité de la chose, mais non dans le sens qu’il emporte la chose même existante, car l’être et r esse sont substantiels; d’où il est évident que la différence dans les anges ne peut se tirer de leur être. Donc, puisque dans les substances séparées il n’y a pas autre chose que l’essence et l’être, le genre et la différence se tirent en elles de l’essence.

 

CHAPITRE V.

 

Pour rendre tout cela évident il faut considérer, qu’ainsi que le dit Avicenne, tout ce qui à un être différent de sa quiddité, est dans le genre, parce que une telle chose à une nature déterminée par elle-même, ce qui fait qu’elle peut être comprise par un acte de la raison à laquelle il appartient de former les intentions des genres et des espèces, ce qui n’aurait pas lieu si elle ne trouvait quelque chose de correspondant à soi dans la nature de la chose, parce que son être n’est pas différent de l’essence; c’est pourquoi l’intellect ne peut faire cela en Dieu. En conséquence les substances séparées sont dans le genre de la substance, qui est le premier genre, dont la condition est d’avoir l’être différent de sa substance ou quiddité, en soi néanmoins et non dans un autre. Par conséquent, la raison du genre se tire de la puissance même de l’essence d’une chose quelle qu’elle soit, qui est dans le prédicament de la substance, qui est importée par la puissance, puisque elle passe pour avoir un être différent de son essence; au contraire, la raison de la différence se tire de la perfection de sa quiddité au moyen de laquelle elle approche de l’être de l’acte. Mais cela se fait d’une manière différente dans les choses matérielles et dans les choses simples. En effet, toute la potentialité d’un être composé dans les choses matérielles vient de la forme; aussi c’est d’elle qu’est pris le genre; de plus la perfection du tout vient de la forme, c’est aussi par conséquent delà forme qu’est tirée la différence; car c’est par la forme qu’est atteint l’être même en acte, en conséquence il est diversifié dans l’essence, d’où se tire la raison du genre et celle de la différence dans les êtres composés. La matière, en effet, en tant que matière à l’égard de la forme, est partie, et de même par rapport à la matière, la forme est aussi partie; or la partie ne se dit pas du tout; c’est pour cela que le genre et la différence ne sont pas pris dans la matière et la forme comparées entre elles, puisque le genre et la différence se disent du tout. Mais parce que la matière est matière du tout, et non pas seulement de la forme, et parce que la forme est forme du tout et non pas seulement de la matière; c’est pour cela que le nom qui désigne un tout pris de la matière du tout, est le genre; et le nom désignant un tout pris de l’un et de l’autre, est l’espèce; au contraire dans les substances séparées le genre et la différence ne se tirent pas des diverses parties de la quiddité d’une chose, qui a une certaine potentialité d’un côté, et de l’autre sa perfection, puisqu’il n’y a eu elles qu’une seule combinaison de l’essence et de l’être, mais l'une et l’autre est fondé sur une unité simple et indivisible par essence, dont on peut considérer la potentialité, parce qu’elle n’a pas l’être de soi, et c’est de là qu’est prise la raison du genre. Mais cette même potentialité de l’essence est moindre dans certaines choses, parce que sa nature est constituée dans un état plus voisin de l’acte premier et pur; plus en effet une chose est rapprochée de l’acte premier, moins elle a de potentialité, et en conséquence il y a autant de différences spécifiques qu’il y a en elles de degrés de proximité. Ces degrés ne sont connus que de ceux-là seuls qui s’occupent de leur rapprochement de Dieu et de leur éloignement des choses composées et corruptibles. Cette essence simple placée au-dessus de la nature des choses mobiles est une chose du genre métaphysique ne recevant aucune composition de matière et de forme, dont la raison reste pour nous un mystère, puisque nous ignorons sa nature, d’où se tire la raison de son genre et de sa différence. De même en effet que la définition physique de l’homme se tire de l’âme, de la chair et des ossements, de même aussi pour celui qui connaît cette nature simple, la manifestation de la raison de son essence est toute faite, et cette raison doit être appelée définition métaphysique comme celle de l’homme définition physique. Ces substances simples n’ont donc aucun genre subalterne, et en conséquence une différence unique suffit pour leur perfection, parce. que cette perfection ne provient pas des diverses et multiples divisions de genres et des réunions de différences, et leur nature est d’autant plus parfaite qu’elle renferme plus de choses dans une unité simple. Comme en physique certaines choses sont supposées aux intentions des genres et des espèces, telles que le corps et l’âme dans l’homme, desquelles se tire la raison du genre. et de la différence, et cela est évident pour nous; il y a de même certaine chose qui nous est cachée dans les intentions que l’âme forme; c’est pour cela que nous ne formons pas des intentions logiques dans les anges par le moyen de quelque conception provenant d’eux, mais par le moyen de ce que nous concevons dans les choses qui nous sont connues à raison de la communauté qu’on a avec les anges, en cela que toutes choses viennent d’un premier principe; c’est pourquoi nous formons des intentions qui conviennent uniformément à ceux-ci et à ceux-là.

L’universel se dit de deux manières, la première par la nature même à laquelle l’intellect attribue une intention à cause de quelque chose trouvée en elle, et ainsi les universaux qui signifient la nature des choses sont prédicables en quelque chose. Car animal est dit substance de l’être auquel il est appliqué, de même l’homme, et de cette manière il n’y a pas unité dans la multitude, bien plus la nature des prédicats se multiplie par la multiplication des sujets; autant en effet il y a d’hommes, autant il y a d’animaux.

L’universel se dit d’une seconde manière par cette nature qui lui est attribuée sous l’intention d’universalité, et ainsi il y a unité dans la multitude à cause de cette uniformité de raison trouvée dans l’intention qui s’effectue à raison de l’éloignement des conditions matérielles et de foute diversité. Effectivement les hommes sont ainsi un homme et un animal, Il n’y a donc dans une chose rien de commun à plu sieurs, parce que tout ce qu’il y a dans une cl est particulier et communicable à un seul être. Mais ce qui est commun subit l’action de l’intellect. Car l’intellect crée l’universalité dans les choses, comme dit le commentateur sur le livre de l’Âme. L’intellect peut donc étendre son action à tout être, parce que l’être de raison. est égal à l’être de nature, comme il a été dit; c’e pourquoi, comme à l’égard de l'intellect de la substance qui est le genre premier il n’y a pas composition de matière et de forme, ni d’opposé, l’un et l’autre peut arriver, comme on le voit au sujet des substances séparées et composées. Il ne reste donc que l’intellect du genre de la substance être par soi, laquelle néanmoins est différente de l’essence du genre même, et cela seul est commun à l’une et à l’autre substance, savoir la substance mobile et la substance immobile ou immatérielle, puisque dans toute chose mobile il y a nécessairement de la matière, comme il est dit chap. Il de la Métaphysique, et par conséquent cette raison de substance est logique. Il ne peut en effet y avoir rien de commun entre une substance corruptible et une substance incorruptible, si ce n’est jusqu’au nom, c’est une considération logique, puisque toutes choses sont des notes de l’intellect, ainsi qu’il est dit chap. I du Peri hermenias.

 

CHAPITRE VI: Les substance séparées et immatérielles n’ont de convenance que dans le genre logique.

 

Il est évident, d’après ce qui vient d’être dit, que les substances séparées et matérielles n’ont de convenance que dans le genre logique, d’où il suit que les substances matérielles n’ont rien de réel par quoi elles puissent être appelées substances, si ce n’est qu’elles sont des corps. Car il est impossible qu’une forme soit unie à la matière sans qu’elle soit un corps du genre de la substance. Pour qu’une forme soit unie à la matière, dans laquelle il y a aptitude à la pluralité et à la diversité des formes, il faut immédiatement une partie et une partie dans la matière. Mais il n’y a partie et partie que par la quantité, qui est un accident propre de la substance corporelle. Il est do impossible que des formes quelconques soient unies à la matière sans qu’elles soient corps. Il est donc évident, d’après cela, que le genre métaphysique est une substance réelle, non composée de matière. et de forme, mais une matière simple qui nous est cachée, qu’atteint cependant la considération logique, à raison de laquelle il y a quelque chose de commun à l’une et à l’autre substance, la matérielle et l'immatérielle. Car, quoiqu’il appartienne au métaphysicien de s’occuper de tout sous le rapport de l’être, sa spécialité, néanmoins, est de traiter des choses séparées, soit parce que elles sauvegardent la condition plus par faite de l’être, qui est le but du métaphysicien, soit parce que la nature est cachée dans leur particularité, d’où il résulte qu’il ne peut pas y avoir à leur égard une science particulière, pareille à celle des choses particulières dont nous saisissons les quiddités, ce. qui fait qu’il y a des sciences particulières pour les êtres particuliers. Mais cela n’a pas lieu pour les substances séparées, parce que nous ne pouvons savoir sur elles ni ce qui est ni la quiddité. Néanmoins, les théologiens connaissent à cet égard plusieurs choses par révélation. Il est donc évident que la nature du premier genre de substance est telle que sa communauté ne doit être prise que logiquement, puisqu’il n’y a aucune convenance réelle entre les choses séparées et les choses matérielles. De même, en effet, que les substances séparées ne descendent pas au genre de corps, mais qu’elles sont des substances parfaites a priori, n’ayant pas de genre subalterne, comme il a été dit, de même aussi les choses matérielles ne s’élèvent pas jusqu’à la substance séparée. Car le corps est en elles le souverain degré au-delà duquel elles ne peuvent atteindre une chose qu’elles n’aient pas par le moyen du corps. Car il y a en elles combinaison de matière et de forme en lesquelles se résolvent comme en leurs premiers principes, sans avoir à chercher un progrès ultérieur. Or, un corps est toujours composé de matière et de forme. Donc le premier genre des choses matérielles sera le corps, en dehors duquel elles n’ont rien de réel, pas plus qu’en dehors de leurs premiers principes. Elles pourront, néanmoins, avoir au-delà du corps quelque chose d’intentionnel qui n’est pas le corps, en tant qu’il est corps, autrement le corps seul aurait cela, et c’est là être par soi, ce qui est non seulement du corps, mais de la substance, auxquels cette condition compète néanmoins, parce que ce sont des corps. Mais être par soi est une qualité qui, en elle-même, n’est conférée à personne parle corps, autrement tout ce qui est par soi serait corps, ce qui est faux. Donc les choses matérielles atteignent, par la nature du corps, quelque chose qui’ excède le corps en raison, et c’est ce qu’on appelle convenance dans le genre logique. Si, en effet, il n’y avait aucune substance séparée, le premier prédicat serait le corps, autrement il serait faux de diviser la substance en corporel et incorporel, ce qui constitue cependant des différences immuables de la substance, et quoiqu’on puisse néanmoins supposer une substance qui .serait divisée en opposition à l’accident, quoique ce ne fût pas une substance séparée.

 

CHAPITRE VII: le genre se disant du tout

 

Pour voir cela clairement, il faut considérer que le genre se disant du tout, comme animal de l’homme, la raison du genre ne se tire pas de la matière en tant que partie, ainsi qu’il a été dit, il faut en dire autant de la différence, puisque elle est également dite du tout, d’où il résulte qu’il faut savoir que quelquefois il y a unité du côté de la nature soustraite à l’intention universelle, outre celle que fait l’intellect, quelquefois il n’en est pas ainsi, ni par la nature. Car la nature qui est soustraite à l’intention de l’universalité, telle que la nature animale, peut être considérée sous trois rapports. La première d’une manière absolue et en elle-même, et ainsi elle n’a aucune convenance avec elle-même, si ce n’est qu’elle est de son intellect, comme, par exemple, un corps animé sensible est de l’intellect de l’animal. Suivant cette considération nulle autre attribution ne peut lui être faite qui ne soit fausse, comme la blancheur, l’harmonie ou toute autre chose semblable. Cette nature peut être considérée sous un autre rapport, comme étant reçue dans quelque être singulier de son genre, et il y aura encore la raison qu’elle est de son intellect d’une manière absolue. Car l’animal, qui est Jacques, est une substance animée sensible. Mais si elle est reçue dans plusieurs individus, il y a nécessairement multiplication et de sa nature et de son intellect. Car Jacques et Platon sont deux animaux et deux substances animées sensibles: ce qui fait que, quoique dans la nature de l’animal, il n’y ait pas unité, ou pluralité, suivant qu’elle est destinée à être reçue dans plusieurs inférieurs, pouvant être reçue dans un ou plusieurs, il y a néanmoins dans la nature prise d’une manière absolue, selon qu’elle n’est pas considérée dans les inférieurs, une certaine unité, puisque sa définition et son nom font un, comme on voit. En troisième lieu, cette nature peut être considérée en tant qu’elle est dans l’âme et parce que tout ce qui est dans l’âme est abstrait de toute division et diversité matérielle, on attribue à cette nature, à raison de l’uniformité qu’elle possède à l’égard de tout, la raison universelle qu’elle est un en plusieurs, d’où il arrive que cette nature n’est pas multipliée dans les inférieurs, bien plus plusieurs hommes sont un homme et un animal par la participation ‘du genre et de l’espèce. De cette manière, en effet, elle convient à de telles natures suivant la rai son du genre et de l’espèce. Il y a donc dans ces natures une double unité, une dans la nature absolue, laquelle nature convient à chaque suppôt: mais cette unité ne descend pas de la nature à ses suppôts, de la manière qu’une substance animée sensible est de la nature absolue de l’animal, comme on l’a dit. Mais cela ne veut pas dire que toute sa nature est absolue, mais bien qu’il y a quelque chose de tel. Car cela est dans sa nature absolue qui peut être supposé à une intention d’universalité, par laquelle seulement toute nature absolue a et aurait cette aptitude. En comprenant donc toute sa nature d’une manière absolue, en disant que la nature absolue de l’animal est une substance animée sensible, naturellement apte k être supposée à une intention d’universalité, il n’y a ni unité, ni pluralité même qui soit de son intellect, parce que l’un et l’autre peut lui survenir.

Il y aune autre unité de nature qu’elle tient de l’intellect dans laquelle conviennent tous les suppôts; en conséquence l’unité que produit l'intellect dans une telle nature est fondée sur l’unité trouvée dans la chose qui est une par cette unité. Mais une unité quelconque du côté de la chose même ne peut se produire dans la substance qui est le genre premier, l’unité n’existe dans aucune de ses définitions qui manifeste cette unité. Mais si l’on dit que la raison de la substance est d’être par soi et non par autre chose, et cela se trouve dans toutes les substances; cette assertion n’a pas de valeur, car cela a une compétence en soi selon qu’il est divisé contre l’accident et non selon qu’il est le genre dont nous parlerons plus tard plus au long. Il ne reste donc dans la substance que la seule unité qui crée l’intellect, et nulle autre, dont l’action est fondée, non sur quelque chose une d’une façon quelconque, mais sur des natures totalement diverses qui néanmoins, par la participation du genre, seront une substance. Car les choses corporelles et les choses incorporelles diffèrent plus que suivant un genre réel; et il en est ainsi parce qu’elles n’ont pas une chose quelconque une qui leur soit commun suivant la raison et la matière. Or, si l’on disait que la substance, qui est genre premier, se compose de matière et de forme, et que cela leur est commun, il s’ensuivrait que la substance n’est pas genre premier. Car tout ce qui est composé de matière et de forme possède ce d’où se tire en lui la raison d’origine, à savoir: la matière, et la raison de la différence, à savoir, la forme, ce qui ferait qu’il y aurait quelque genre antérieur à la substance: il y a donc contradiction à dire que le genre premier se compose de matière et de forme. Voilà pourquoi, s’il n’y avait pas quelque substance séparée, le corps serait genre premier, comme il a été dit. Mais néanmoins alors la raison de corps serait prise logique ment, et il n’y aurait pas dans le corps composition de matière et de forme en tant qu’il serait genre. En effet, si tous les genres étaient de la même raison, de façon qu’il y eût en chacun composition de matière et de forme, il n’y aurait pas d’état dans l’origine. Donc la raison de genre convient à la substance uniquement par l’acte de l’intellect qui n’est pas fondé sur une chose quelconque une et commune à chaque nature, comme on trouve la nature animale qui a une certaine unité à laquelle vient s’ajouter l’unité d’universalité que crée l’intellect; c’est pourquoi Aristote, dans le chap. VII de la Métaphysique, enseignant que les idées ne sont pas des substances universelles, argumente ainsi: "L’universel peut toujours être dit d’un sujet quelconque, mais la substance ne se dit d’aucun sujet;" donc il n’y a pas de substance qui puisse être appelée idée. Mais dans les prédicaments il enseigne le contraire, comme on peut le voir, parce que là, suivant lui, il n’est pas contre la raison qu’une substance soit dite d’un sujet, quoiqu’il soit contre la raison d’une substance d’être dans un sujet. Mais il faut observer qu’il parle dans les prédicaments suivant la manière logique. Le Logicien, en effet, considère les choses en tant qu’elles sont prises dans la raison, et en conséquence il considère la substance en tant que par l’action de l’intellect elle est supposée à la raison d’universalité, et en conséquence relativement à la prédication qui dit l’acte de raison, elle est appliquée à un sujet, c’est-à-dire à une chose en dehors de l’âme. Mais le Philosophe transcendant considère les choses en tant qu’elles sont des êtres et par conséquent parmi les philosophes il n’y a pas de différence à être dit d’un sujet, et être dans un sujet. On voit par là que c’est par la seule action de l’intellect qu’une substance est prédicable, et cela en tant qu’elle est genre et non pas une communauté réelle quelconque.

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CHAPITRE VIII.

 

Il est par là évident que nulle forme, qui est réellement substance, ne précède dans une chose corporelle par le moyen de laquelle cette chose est réellement un corps. Or, la formation du genre et de l’espèce, qui est une action de l’intellect, n’étant pas fictive, comme serait d’imaginer des non-être, tels qu’une montagne d’or, qui n’a rien de réel en dehors de la chose; mais comme de l’idée de montagne et d’or il forme une montagne d’or, il y aura nécessairement dans la chose corporelle quelque chose au moyen de quoi l’intellect formera l’un et l’autre genre, à savoir, la substance et le corps, qui ont entre eux le seul ordre de priorité et de postériorité conçu par l’intellect, d’où ils tirent leur raison de genres, non pas qu’il y eût dans la nature quelque chose susceptible d’être coordonné à cela, puisque dans une chose il n’y a ni antériorité ni postériorité par rapport à elle-même, si ce n’est peut-être dans les choses où l’essence est dans la succession, ce qui ne peut convenir à la substance. C’est pourquoi il n’y a pas d’ordre en elle, comme il est dit au chap. VII des Métaphysiques, quoique l’ordre soit dans les différences qui sont placées dans la définition de la substance. Car toute la définition est constituée par la différence dernière. On le voit clairement, parce que si l’on exprime une autre différence, il y aura matière à plaisanterie, comme si l’on disait: l’homme est un animai bipède qui a des pieds, ce qui serait ridicule. Car sous la dénomination d bipède se trouvent renfermés les pieds de l’homme, comme le nombre trois dans le nombre six. Mais si l’on dit a des pieds et que l’on ajoute deux, il n aura plus rien de ridicule. Or, c’est la raison seule qui établit cet ordre entre les différences, ce qui est également évident par les procédés du Philosophe.

Il dit en effet que la vraie définition qui établit la substance de la chose est tirée du genre premier et des différences qui n’ont plus besoin ensuite d’être divisées par les différences et par accident. Or la raison pour laquelle le genre premier doit être mis dans la définition, c’est que les genres ne sont autre chose entre les moyens que le genre premier avec les différences ajointes; comme si dans la définition de l'homme en met le terme animal, qui est le genre intermédiaire, il est évident qu’animal n’est autre chose que la substance qui est le genre premier avec ces différences qui sont animé sensible. Or, non seulement ce genre est divisé par les différences, mais encore ces différences mêmes sont divisées par d’autres différences, et cela doit se faire par le moyen de différences par soi et non par accident, par exemple animal se divise par ayant des pieds et n’ayant pas de pieds. Or, ayant des pieds ne se divise pas par ailé et non ailé, parce qu’il arrive qu’il se divise ainsi, mais par soi il se divise par ayant deux pieds et n’ayant pas deux pieds, et il est ainsi nécessaire que les différences soient divisées, parce que celles-ci sont plus éloignées que les premières du genre, tandis que ailé et non ailé ne sont pas plus éloignées d’animal qu’ayant des pieds et n’ayant pas de pieds. Comment cela se fait d’après le genre et les différences, c’est ce qui résulte de ce que le genre n’est pas sans ses espèces. Car, en effet, animal n’est rien que ne soit l’homme ou le cheval. Si je trouvais quelque chose en dehors de l’espèce qui soit appelé genre, ce ne sera pas un genre, mais de la matière: quoique effectivement cela convienne quant au nom et au genre et à la matière, il n’en sera pas de même suivant la raison. Car la matière étant partie intégrante de la chose ne se dit pas de la chose, tandis que le genre se disant de la chose doit signifier le tout; car le corps qui est la matière de l’homme tient de son intellect trois dimensions avec l’aptitude à la forme de l’homme qui survient sans cela qu’il la contient implicitement ou explicitement. Or, le corps en tant que genre est une substance complétée par la forme dernière, d’une manière indéterminée néanmoins, dont les espèces seront des substances perfectionnées par les mêmes formes déterminées comme par la forme de l’homme ou celle du boeuf. De même, en effet, que quand la privation est innommée, une chose est dite être faite de la simple matière, comme si ou forme une figure d’un morceau de bois, il est constant qu’elle est faite d’une chose sans figure: de même aussi lorsque une forme est sans nom, simplement dénommée de la matière, on dit par suite qu’elle est formée de matière et de forme, et il en est ainsi, parce que cela n’arrive pas lorsqu’il y a quelque forme déterminée, mais bien lorsqu’il y a une forme commune. Car ce qui est composé de matière et de forme est un genre commun, d’où il résulte qu’animal qui est un genre n’est pas sans quelque forme, parce que les formes des espèces ne sont réellement pas différentes des formes de genre, c’est seulement la différence du commun ou du propre ou déterminé, en conséquence la différence n’est pas ajoutée au genre comme une essence différente du genre, mais comme quelque chose contenu implicitement dans le genre. Donc, quoique le genre ne puisse pas être sans espèce, il pourrait néanmoins être conçu sans espèce et divisé par les différences plus communes et convenant mieux à plusieurs qu’à une seule espèce, entre lesquelles se trouve un certain ordre, autrement il importerait peu qu’elles fussent placées avant ou après; en conséquence c’est la raison seule qui crée un être auquel une seule chose correspond réelle ment, tandis que plusieurs choses peuvent e faire par la raison.

 

CHAPITRE IX: le genre contient implicitement les choses qui sont en lui.

 

Il reste donc maintenant à montrer comment le genre contient implicitement les choses qui sont en lui. Il faut donc savoir que le genre contient les différences en puissance. Or, la puissance est un principe d’indistinction, comme par opposition l’acte distingue tout d’abord. Il faut donc prendre pour très général ce qui est un premier principe d’indistinction de quelques êtres comme l’homme, le cheval, quoiqu’ils soient indistincts dans l’animal, animal cependant n’est pas le principe de leur indistinction, ni même le corps; or on s’en tient à la substance; car quoiqu’il n’y ait pas de distinction dans l’être, l’être n’est pas quelque chose de très général, parce qu’il ne se dit pas de certaines choses d’une manière univoque, ce qui est requis pour la nature de genre. Or, cette indiscrétion se produit autrement dans la substance que dans les genres qui sont postérieurs Dans les autres genres, en effet, se trouve une nature quelconque qui est supposée à l’intention d’universalité, ainsi qu’il a été dit, à raison de laquelle, avec l’uniformité qui vient de la raison, le genre se prête uniformément à toutes les choses qui lui sont supposées, ce qui est les contenir implicitement, mais dans la substance il n’y a pas une seule chose supposée à l’intention, l’intellect recueille de choses diverses une intention qui est appliquée par lui à l’une et à l’autre nature; d’où il suit qu’il n’y a convenance dans l’intention que dans la substance où il y a uniformité à l’égard de toutes les choses qui sont dans le genre de la substance par le moyen duquel la substance est dite tout contenir implicitement. Il est donc facile, d’après ce qu’on vient de dire, de concevoir la raison pourquoi et comment le genre se dit des choses qu’il contient. Car, en effet, le genre ne se dit pas de l’espèce dénominative comme la matière de la chose matérielle et l’accident du sujet. Car la même chose est totalement animal, qui se dit de l’homme, et homme; mais la blancheur qui se dit de l’homme n’est pas absolument la même chose avec l’homme, puisque l’un est accident et l’autre substance. Donc le genre se disant de l’espèce et à raison de l’uniformité se prêtant à toutes choses qu’il contient, il faut nécessairement qu’il se dise d’une manière univoque, ce qui est être dit suivant le nom et faisant une raison. Car la raison d’animal, quand elle se dit de l’homme, n’est pas différente de ce qu’elle est quand elle se dit de cheval, bien plus elle est identiquement la même dans l’un et l'autre cas, aussi bien que le nom, et il est facile de s’en convaincre en considérant la nature d’animal ou de tout autre supérieur qui se dit de ses inférieurs, parce que la nature absolue est prédicable, ou elle reçoit l’unité ou la pluralité d’un sujet ou dans des sujets. Donc la nature d’animal doit se dire de manière à comprendre la totalité par rapport à la chose de laquelle elle est dite et non une partie, parce que la partie ne se dit pas du tout; mais elle n’est pas prise comme un tout intégral, parce que le tout ne se dit que de toutes es parties prises en masse, mais bien comme un tout universel qui se dit de chaque partie; l’animal étant pris sous ce rapport, on ne peut rien lui attribuer, sinon qu’il est par lui de sa raison, comme une substance animée sensible; tout autre chose qui lui est attribuée l’est par accident, comme l’unité ou la pluralité. Si, en effet, il tenait l’u de son intellect, il conviendrait à toutes les choses auxquelles convient le genre même, comme il se dirait de l’homme et de l’âne, il pourrait également se dire d’eux sous le rapport de l’unité, ce qui est faux, la multiplicité ne tient pas non plus à son intellect, parce que comme on applique le mot animal à Jacques, il s’ensuivrait que Jacques est plusieurs animaux, l’un et l’autre peut néanmoins arriver par le moyen d’une autre chose, c’est-à-dire par celle qui est l’objet de la prédication; car s’il y a unité d’un côté il y aura unité de l’autre, comme il a unité s’il est dit d’un seul homme, pluralité s’il est dit de plusieurs, et cela lui arrive, parce qu’il lui arrive d’être appliqué à l'homme. Il n’est pas en effet de l’intellect d’animal de se dire de l’homme, parce qu’alors l’homme se dirait de l’âne, puisque animal se dit de l’âne. Car tout ce qui se dit d’une chose en traîne nécessairement l’application à cette même chose de tout ce qui est de son intellect, suivant la règle d’Aristote, sur les prédicaments quand dire une chose d’une autre, être également dans le cheval et dans l’homme, ou être en plus, n’est pas dans la convenance d’animal appliqué à l’homme suivant son intellect mais l’un et l’autre peut se faire par accident. Si, en effet, lorsqu’on dit l’homme est animal, on considère la nature absolue de l’animal, animal ne dira rien de plus que homme, à plus forte raison dans cheval et homme, autrement raison absolue ne se multiplierait pas à la multiplication des sujets, car cette unité ne descend pas sous l’animal, comme on l’a dit, et il n’y aura rien de réel dans le prédicat qui ne soit dans le sujet. Animal, en effet, ne dit rien de plus qu’homme, et il lui arrive ainsi de n’être pas plus qu’homme, parce qu’il lui arrive d’être dit de l’homme, ainsi qu’on l’a dit.

Si au contraire on considère cette nature comme soustraite à l’intention, ou à raison de l’uniformité qu’elle reçoit de l’âme, elle sera ainsi en plus à l’égard du sujet dont elle se dit, parce que cette uniformité se conserve du côté du prédicat, mais non du côté du sujet, et ainsi le prédicament n’est pas multiplié suivant la multiplication des sujets, bien plus il conserve l'unité quoique appliqué à plusieurs, et comme c’est là un effet logique, la conséquence de subsistance ne se convertit pas de l’animal à l’homme, je dis d’animal, parce qu’il est appliqué à l’homme. De même, en prenant animal sans l’intention d’universalité il n’est pas à proprement parler prédicable, parce qu’il est ainsi substance première, laquelle n’est pas dans le sujet et ne se dit pas du sujet. Mais en prenant animal et homme sous l’intention d’universalité, comme l’individu ne peut pas être pris à cause de la répugnance de l’universalité aux principes d’individuation, animal et homme sont dits substances secondes, qui ont la propriété de se dire de la première, comme il est dit dans les prédicaments; le métaphysicien n’a pas ce mode de considération sur la substance, puisque il ne la considère que suivant ce qu’est l’être en soi, et en conséquence selon lui, la substance ne se dit pas du sujet et n’est pas dans le sujet, comme il a été dit plus haut. Mais que la substance se dise du sujet, elle a cette propriété en tant que par l’acte de la raison elle revêt la nature de l’accident. Car ce que fait notre raison sur la substance, c’est accident et non substance, et en conséquence Aristote dit dans le livre des Prédicaments, que les substances secondes, par une certaine ressemblance de nom, signifient une certaine chose qui est propre à la substance première comme lorsqu’on dit homme ou animal; mais ces mots, suivant la vérité de la chose, signifient plutôt la qualité, en tant que par un acte de la raison ils passent dans la similitude de l’accident, sans perdre leur substance propre dans la nature des choses, mais en recevant la raison d’uniformité dans l’âme. C’est pourquoi Aristote dit que ces mots signifient la qualité, parce qu’ils déterminent la qualité, c’est-à-dire 1’uniformi par le moyen de laquelle s’effectuent les universaux par un acte de la raison sur certaines substances, à savoir sur des choses particulières qui sont véritablement quelque chose. Il est prouvé par ce qu’on vient de dire qu’en considérant l’entité des choses en elles-mêmes, comme le Philosophe illustre, il n’y aurait dans la substance aucune application d’une chose à l’autre, ce qui s’opère cependant dans la substance, suivant le logicien, selon lequel la substance revêt, en quelque sorte, la similitude de l’inhérence accidentelle où une chose peut se dire d’une autre, selon même Aristote. Il est facile par là de saisir l’erreur de ceux qui veulent multiplier les formes substantielles dans la nature de la chose, d’où sont pris les prédicats substantiels, de même que les formes accidentelles sont multipliées dans la chose de laquelle sont dits plusieurs accidents réellement, tandis que néanmoins il n’y a pas dans la substance d’action prédicable suivant la vraie nature de la chose, mais bien par un acte de l’intellect; d’où il suit que ceux qui placent plusieurs formes substantielles dans une chose ignorent la nature et l’origine des propositions, dans lesquelles une chose se dit d’une autre, et même la différence entre la substance et l’accident.

 

CHAPITRE X: substance "genre premier" et substance "cause des accidents".

 

Il reste maintenant à faire voir la différence qui existe entre la substance sous le rapport du genre premier et la substance relativement à sa division contre l’accident. Car on saura ainsi plus facilement comment elle est prédicable et jusqu’à quel degré descend la prédicabilité à l’égard des choses qui sont contenues dans son genre. Pour voir cela clairement il faut savoir que les différences divisives des genres et constitutives des espèces sont les mêmes. Or, un être ne peut pas avoir de différence divisives, comme on l’a prouvé, mais il a certains modes de distinction; c’est pourquoi dans la substance, en tant qu’elle est premier prédicament, comme il est dit dans le ch. VII des Métaphysiques, se trouve la raison parfaite de l’être, laquelle n’est pas constituée par quelque différence constitutive, et en conséquence il y a ainsi un genre qui ne peut, en aucune manière, être une espèce. Par là on peut prouver qu’il n’y a dans la substance aucune forme réelle en tant qu’elle est genre premier. Car on peut tirer une différence quelconque de toute forme substantielle, ce qui a été démontré plus haut. Il faut donc prendre la nature de la substance par le moyen d’un certain mode spécial surajouté à l’être. Or, ce mode est spécial et non général, renfermant en soi une certaine opposition d’où il suit que ce mode ne convient pas à tout être; il est donc spécial, et non général, comme on l’a dit. Car il est être par soi et non dans un autre, ce qui est le mode par lequel la substance est divisée en opposition avec l’accident. Mais à cela la raison du genre ajoute un ordre relativement aux choses qui sont contenues en lui, lequel ordre est importé dans son uniformité aux choses extérieures or, cette uniformité est conférée par un acte de l’intellect, comme on l’a dit. Donc la substance qui est genre premier peut être dite un être existant par soi, renfermant implicitement ses inférieurs en soi, de manière cependant que existant par soi ne présente pas un certain être universel séparé, comme l’a supposé Platon; mais bien qu’en tant qu’il est opposé par soi à ce qui est être dans un autre, ce qui est le propre de l’accident, sans lequel il ne peut être, comme il est dit dans les prédicaments. On peut donc savoir, d’après cette diversité qui est dans la substance, comment et de quelles choses la substance est prédicable en tant néanmoins que elle est un genre contenant implicitement ses inférieurs, parce qu’il contient en puissance ses différences, dont l’addition effectue et constitue ses inférieurs et sa prédicabilité descend dans la mesure des différences constituantes. Or, la division des différences s’en tient aux différences les plus spéciales; parce que sous elles il n’y a que des individus, qui expriment la privation de division par parties subjectives; en conséquence l’individu n’a pas de partie subjective, relativement à lui, de laquelle il puisse se dire, puisqu’il n’y a pas de prédication du fait de la première substance comme il est dit dans les prédicaments. Car la dernière chose de laquelle se dit la substance dans la ligne prédicamentale, sera quelque homme ou quelque suppôt, comme un cheval, un boeuf, à raison duquel, d’après le genre premier et la différence, un genre quelconque constitué, sa voir animal, est dit de lui; comme, par exemple, Jacques est substance, et il est animé sensible, qualités qui constituent l’animal, qui se dit de Jacques.

De cette manière, cri effet, il est facile de savoir de quelles choses se dit une autre chose comme genre, et de quelles autres choses elle ne se dit pas. D’où il est évident que la substance, en tant qu’elle est genre, ne se dit ni de la main, ni du pied de l’homme. Car la main étant animée sensible, si avec cela la main était une substance, elle serait un animal. C’est pourquoi il est évident, encore une fois, qu’animé et sensible ne se disent pas de la main en tant qu’ils sont des différences d’un genre quelconque; parce que la différence ne se dit pas d’une chose de laquelle ne se dit pas le genre lui-même. La main n’étant donc pas un animal. ne sera donc pas animée, en tant que animé est différence, ni substance en tant que genre. Donc la main sera substance sous le rapport de la division de la substance vis-à-vis de l’accident, et il eu sera ainsi néanmoins. Car sa raison prise dans ce sens est d’être p soi et non dans un autre, ce qui est le propre de l’accident qui ne peut être sans ce en quoi il est. Ainsi prise, elle est une et non multipliée dans ses suppôts dans lesquels elle est pluralisée en tant qu’elle est genre, en raison de la multitude des différences qui constituent les divers suppôts des différentes espèces, comme il a été dit. Donc une substance en tant qu’elle a sous soi des natures de choses diverses, sur lesquelles elle est fondée, est en soi quelque chose d’un dont l'unité ne descend pas sur lui, mais se multiplie immédiatement dans ses inférieurs, quoique elle soit quelque chose d’un sous l’intention d’universel, comme on l'a dit des autres, et elle est ainsi divisée contre l’accident. D’où il suit que, quoique elle se dise dans la substance des deux mains de l’homme, il ne faut pas dire néanmoins que les deux mains sont deux substances, tandis que elles sont plutôt des parties d’une substance que deux substances. C’est pourquoi on ne peut multiplier la substance dans les parties qui restent dans le tout, puisque elle ne se dit pas d’elles, comme une nature reçue dans les inférieurs qui sont des parties subjectives, et par conséquent multipliée, mais en tant qu’elle est divisée de l’accident. Car la main ou le pied est substance en tant que la substance est divisée de l’accident dont l’être est d’être dans un autre et non pas soi, puisque l’accident est dans une autre chose comme dans un sujet, la partie, au contraire, est dans le tout, non comme l’accident dans le sujet, comme il est dit dans les prédicaments, l’accident est dans le sujet parce qu’il lui est impossible d’être sans lui, comme l’a dit Aristote. De tout cela on tire la conclusion de ce Philosophe, puisque l’accident ne peut être sans ce par quoi il est, et que la partie n’est pas dans le tout comme l’accident dans le sujet, parce que la partie est dans le tout de manière cependant qu’elle peut exister sans le tout, non pas il est vrai comme partie, puisque la partie emporte une relation avec le tout, d’où il suit que la partie comme partie ne peut être sans le tout, puisqu’il y a entre eux des relations réciproques; mais en tant qu’elle est une chose quelconque. Or, la matière ne pouvant pas être par elle-même, et la partie pouvant être par elle-même, puisque c’est en cela qu’elle diffère de l’accident, mais non en tant qu’elle est partie, ce qui lui vient du tout, il y aura nécessairement dans ce qui est partie une certaine composition de matière et de forme, non en tant que partie, parce qu’elle tient cette qualité de la forme du tout qui la rend partie en acte, mais seulement d’une manière participative, puisqu’il est impossible de placer deux êtres substantiels dans une même chose, à moins que cette chose ne soit deux êtres, puisque l’être est un acte de l’être. En conséquence le composé de cette matière et de cette forme ne sera pas un être en acte; d’où il suit qu’un être quelconque ne suit pas cette forme, puisque l’être ne suit pas la forme, si ce n’est dans le cas où le composé est quelque chose existant par soi, dont la nature est d’être en acte, et en conséquence la substance, en tant que divisé contre l’accident, ne se dit pas de ce composé. Car il n’existe pas comme le tout, ni dans le tout, comme la partie qui participe du tout relativement à l’être, mais il est dans le tout en puissance prochaine à l’égard de l’être qui lui est dû suivant l’essence de la forme qui est en elle sans l’être; d’où il arrive qu’il n’a pas de rapport avec le genre comme le suppôts, ou par éduction comme la partie, tant qu’il est dans le tout de cette manière en essence, c’est-à-dire sans l’être ou par soi, mais devant arriver par résolution, la matière n’ayant pas encore passé par le moyen de cette forme à l’être en acte qui est la fin de la forme tirée de la puissance de la matière, puisque la partie ne tient l’être en acte que de la forme du tout, avec laquelle seule les autres formes pourront, dans les choses de di verses natures, être amenées à l’être de la puissance de la matière, puisque les diverses parties dans la nature constituent une seule et même chose avec cela qu’elles sont destinées naturellement à être par soi; eu conséquence, comme dit Aristote, il faut qu’elles existent par autre chose et que cela ait de la convenance avec elles. Mais lorsque elles commencent à exister par soi, alors elles appartiennent au genre, puisque elles ont la condition de la partie subjective dans un degré encore plus parfait que les corps simples.

 

CHAPITRE XI.

 

Il est évident, d’après ce que l’on vient de dire, que de même que la substance, sous le rapport du genre, ne se dit pas de la partie entière de la chose soumise, mais en tant qu’elle est divisée de l’accident, il y a plutôt manifestation de ce qui convient à la partie, que de ce qui convient au tout; il faut ainsi que l’animé et le sensible soient dits de la partie, non en tant qu’ils sont des différences, parce que la différence ne peut pas se dire de la chose de laquelle le genre ne se dit pas, mais en tant qu’ils sont divisés en opposition avec l’inanimé et l’insensible; et en conséquence la qualité de raisonnable ne se dit pas de l’âme séparée en tant qu’elle est différence, puisque l’âme n’est pas âme, mais elle dénomme l’âme en tant qu’elle désigne la puissance de l’âme. On voit évidemment la raison pourquoi la substance ne se nombre pas dans les choses dont elle est dite. Car cela convient à la substance comme une différence commune. N’être pas dans un autre, en effet, est la plus commune de toutes les choses qui sont dues à la substance. Or, un genre quelconque ne se nombre pas sous la différence commune. En effet, l’isocèle, l’isopleure et le scalène ne nombrent pas la figure qui est le genre sous la différence commune, mais sous la différence du triangle. La figure est donc divisée par ses différences, c’est-à-dire par triangulaire, quadrangulaire, et une de ces différences est contenue sous le triangulaire, comme l’isocèle, l’isopleure et le scalène. Mais si le triangle constitué est divisé par les différences du triangle, comme par trois côtés égaux, ou par deux ou par tous les côtés inégaux, ce ne sera plus un seul triangle, mais trois triangles, et les choses qui ne sont qu’une seule figure, parce qu’elles tombent sous une seule différence, sont trois figures de triangle. Ainsi donc, la substance en tant qu’elle est divisée en opposition avec l’accident, qui est sa commune différence, quoique aucune substance ne constitue la différence, la substance n’ayant pas de genre, comme il a été dit, ne se multipliera pas dans les parties dont elle se dit. C’est pourquoi les corps de deux animaux, en tant que parties de deux animaux, puisque la substance ne se dit pas d’eux en tant que genre, et qu’ils ne sont pas parties subjectives, mais parties intégrantes de la chose, qui est la partie subjective, ce ne sont pas deux substances, puisque le genre ne se multiplie pas sous la différence commune, mais bien une seule substance. On ne peut pas ajouter à la substance quelques différences par le moyen desquelles la substance soit dite numériquement la même des parties d’une chose, puisque il ne peut pas y avoir de parties subjectives d’une espèce très spéciale à laquelle se rapporte la division et la multitude des différences, ainsi qu’il a été dit. Ce n’est, en effet, que par les différences dernières que le genre se nombre, ce qui est évident en divisant le genre par plusieurs différences par soi et non par accident, jusqu’à ce qu’on arrive la dernière division, par laquelle les espèces les plus spéciales sont constituées, lesquelles conservent encore l'unité de leur nature, tandis, au contraire, que la forme spécifique est reçue dans la matière individuelle qui est le principe d’individuation et de numération.

C’est, en effet, d’après la division de quantité qu’est produit le nombre, comme il est dit dans le troisième livre de la Physique, et qu’est nombrée la forme spécifique et toutes les choses qui sont contenues dans son intellect, tels que les genres supérieurs. Or, un composé de matière individuelle et de forme spécifique devient partie subjective, de laquelle seulement se disent ses supérieurs, comme le genres subalternes et les espèces, dont rien n’est partie intégrante de la chose, aussi on ne dénombre pas ce qui est dit des parties au nombre des parties. Or, ce que nous avons dit de la substance doit être dit du corps, qui est le genre second, et des autres genres dont on parlera plus tard. En effet, le corps en tant que corps ne se dit pas du corps de l’homme, puisqu’il en fait partie, parce que si le corps de l’homme était corps, c’est-à-dire s’il pouvait être qualifié de corps, pu est genre, le corps de l’homme étant animé et sensible, le corps de l’homme serait animal, ce qui est évidemment faux, puisque l’homme est animal. Car dans les choses hétérogènes la même chose ne se dit pas numériquement du tout et de la partie. Corps se dit donc du corps de l’homme, en tant qu’il est divisé en opposition avec l’incorporel, et cela est surtout commun au corps; en con séquence il n’est pas dénombré quand il se dit des divers corps en tant que parties. Mais quand après la mort des hommes les corps existent par eux-mêmes, comme ils ont alors la nature de parties subjectives, corps se dit d’eux numériquement. Or, il est évident que le corps de l’homme mort n’est pas adjoint par la numération au corps vivant, de manière à pouvoir dire que ce sont deux corps, quoique le corps en acte soit dans le vivant et dans le mort par une forme toute différente.

 

CHAPITRE XII: la manière dont les noms sont attribués aux choses

 

Pour faire luire en tout cela le jour de l’évidence, il faut considérer qu’il y a des noms de première intention qui sont imposés aux choses d’une manière absolue par le moyen de la conception, par la quelle l’intelligence se porte sur une chose en elle-même, comme homme ou pierre. Mais les noms de seconde intention sont ceux qui sont imposés aux choses, non d’après ce qu’elles sont en elles-mêmes, mais en tant qu’elles sont supposées à l’intention que l’intellect fait d’elles, comme lorsqu’on dit l’homme est une espèce, l’animal est un genre. Comme donc il se trouve dans la nature des choses que l’essence d’une chose diffère du suppôt, non seulement sous le rapport de l’opération de l’intellect, mais dans sa nature, comme on l’enseigne dans le chap. VII des Métaphysiques. En conséquence une chose de nature est le nom imposé au suppôt lui-même. Mais parce que les noms intentionnels, tels que espèce et genre, sont effectués par un acte de l’intellect sur la nature elle-même désignée par mode de tout, il se trouve qu’il y a des noms d’intentions, comme par exemple: le suppôt qui est un nom d’intention seconde de la chose même, en tant que par un acte de l’intellect l’espèce se dit de la nature de la chose, il arrive que la chose de nature est appelée suppôt, puisque le prédicat est naturellement supérieur au sujet. Mais les choses de nature sont dites particulières, eu tant que le genre et l’espèce sont dits universels. Parmi les noms qui signifient les choses particulières, quelques-uns sont communs à tout le genre, comme particulier, individuel et singulier; d’autres le sont seulement dans le genre de la substance, comme chose de nature et suppôt, hypostase et personne. La raison de substance étant donc d’exister par soi, aucun de ces noms ne conviendra si ce n’est à la nature de la chose jouissant d’une existence complète, et en conséquence rien de ceux-ci ne se dit d’une partie de la chose; donc la partie d’une chose n’est pas un suppôt, pour qu’il soit dit d’elle quelque chose ayant la condition de supérieur. Il en est de même des autres qui signifient particulier dans le genre de la substance. Ces mots ont en effet une relation à l’espèce elle-même par soi et non par autre chose, et c’est pour cela qu’ils ne sont pas dénombrés suivant le nombre des parties. Car deux mains ne sont pas deux suppôts ni deux hypostases. Mais les noms qui signifient particulier en tout genre, tel que individu et particulier, comme dans tout genre il faut s’en tenir à quelques choses qui n’ont pas de parties subjectives, ce qui est importé dans l’individu, ils n’exigent pas quelque chose existant par soi pour y être appliqués, lorsqu’ils se disent des accidents, ils se disent aussi des parties. Ces noms, en effet, importent aux espèces des choses plutôt une opposition qu’une convenance, ce qui ne se trouve pas dans les autres. Car individu dit privation de division dans les parties subjectives, ce qui néanmoins convient à l’espèce dans les genres et dans les corps. Particulier de même est opposé à universel. Comme ces noms se disent des parties, ils doivent se multiplier comme les parties. Ces deux mains sont deux choses particulières; de même deux singuliers et deux individus. Mais cela convient mieux aux particuliers résidents, qui sont cependant des parties subjectives auxquelles s’en tient la di vision dans les parties subjectives, qu’aux parties de la chose, quoique cela puisse se dire des parties. Mais individu dit la négation d’une telle division plutôt que son état, puisque une telle division affecte toute la chose. Il suit de là que corps ne se disant pas d’une partie de l’homme, suivant la raison du genre soumise à l’intention d’universalité, il n’est pas nombré dans ses parties. Car il n’y a pas deux suppôts corps, de même qu’il n’y a pas deux suppôts de l’homme. Si, au contraire, il se dit de ses parties en tant qu’il se divise en opposition à l’incorporel, comme il a la condition de genre sous une différence commune, il se dit comme quelque chose d’un, et si on lui ajoute quelqu’une des choses qui se multiplient par leur application aux parties, comme particulier ou autre chose semblable, cela étant comme une différence dernière dont la nature est d’être multipliée et de multiplier les supérieurs par les inférieurs, corps, en elles, sera pris numériquement, car deux parties sont deux corps particuliers, quoique ils ne soient pas deux corps dans un sens absolu, pour que le corps qui est le genre soit multiplié en elles. Quoique, en effet, corps, pris selon sa division en opposition à l’incorporel, ne soit pas genre, de sorte qu’une nature particulière puisse être une différence le divisant, il a néanmoins une ressemblance avec corps sous le rapport de genre avec la différence commune, dans laquelle tout est pris dans l’unité. De même que toutes les figures, par cela qu’elles sont figures, se divisent en opposition au non figuré; de même aussi tous les corps, par cela qu’ils sont corps, se divisent en opposition à l’incorporel, et ainsi tous les corps sont compris sous la raison universelle et sont quelque chose d’un. Cette unité est .détruite par une addition qui lui est opposée, savoir le particulier. Car le particulier se dit en opposition à l’universel. Et c’est là la raison pour laquelle, avec l’addition de particularité, se multiplie le corps dont l’application leur est faite; mais non d’une manière absolue, puisque ce n’est pas le corps genre qui se dit d’eux, par la raison qu’ils ne sont pas plusieurs suppôts, mais le corps divisé de l’accident qui a une condition commune à tous les corps, comme il a été dit. Le corps ainsi dit, n’est pas en réalité différent du corps qui est soumis à l’intention d’universalité, qui .est appelé corps genre, bien plus il y a identité quant à la chose, et diversité relativement à la condition, puisque le corps qui est sujet à une telle intention est une chose non incorporelle. C’est pourquoi corps, ainsi dit, s’applique au corps qui est l’autre partie de l’homme, tant qu’il est partie. Mais le corps qui est genre se dit du corps mort après qu’il a perdu la condition de partie, parce qu’il peut déjà être suppôt dans le genre de la substance, puisqu’il est existant par soi, ce qui est le propre de la substance première, comme il est dit dans les prédicaments. Aussi ce ne sont pas deux corps différents numériquement, puisque le corps qui est partie n’est pas classé d’une manière absolue au nombre des corps, et sans addition de particulier, comme il a été dit. Néanmoins il faut savoir que le corps mort étant existant par soi reçoit la qualification de corps suivant la condition du genre, qui est cependant un suppôt et une chose de la nature. Ce pendant le corps, en tant que partie, ne reçoit pas ainsi cette qualification, parce que le corps qui est genre ne se dit pas de lui, pas plus qu’homme et animal, ainsi que nous l’avons dit, puisque l’attribution de genre à une chose, se fait toujours par l’espèce qui suit la forme de la chose. Or, le corps partie n’appartient pas à l’espèce ou au genre, si ce n’est d’une manière participative et par réduction, c’est-à-dire par la nature du tout qui est dans le genre. Mais le corps mort est d’une manière absolue dans le genre et dans l’espèce. Or, il est impossible que .l’être soit conféré à une autre chose parla même forme substantielle d’une manière absolue tout à la fois et participative, puis que l’être par participation est communiqué par toute la partie; mais l’être absolu est du tout, puisque à son égard rien n’est tout et partie. C’est donc nécessairement par une autre forme substantielle, que le corps mort est un corps en acte, qui est un acte absolu, et le corps vivant un corps en acte, qui est ainsi par participation.

 

CHAPITRE XIII: cadavre et corps

 

Il est évident, d’après tout cela, qu’on ne peut pas conclure que le corps vivant et le corps mort sont deux corps différents, et, s’il était nécessaire, que le corps mort est corps en acte par une forme différente de celle par laquelle corps vivant il était corps en acte. Mais si ils sont dits deux corps particuliers, il ne s’ensuit pas qu’ils soient deux corps réellement différents, parce que une différence quelconque tirée d’une forme spécifique qui constitue réellement une chose comme un être raisonnable, n’est pas particulière. Ils ne seront pas non plus, pour cette raison, une unité simple, mais seulement sous certain rapport, par la raison commune, puisque rien n’est d’une chose antécédente si ce n’est la matière. Et quoique ce corps mort soit mixte, ayant une certaine proportion de choses miscibles et une certaine forme conséquente, qui est la forme du mélange, par laquelle il est effectué sous un corps mixte, quoique tout cela soit un mystère pour nous, car nous rie connaissance ni la forme, ni la proportion elle-même. Mais chaque chose peut être certifiée et démontrée par l’espèce, et à cet égard nous ne savons rien de plus certainement de cette chose, si ce n’est qu’elle a trois dimensions et une complète nature de corps; quant au reste, nous l’ignorons: c’est pourquoi nous établissons son espèce comme corps sous la raison de corps, parce que cela nous est très connu, quoique dans la nature des choses on trouve quelque chose de plus spécial sur les différences de corps. Car il faut regarder comme espèce ce qui donne une notion plus certaine et plus déterminée d’une chose, comme il est dit dans les Prédicaments. Or, s’il y a un corps mort qui n’ait pas la condition de suppôt, ne subsistant pas par lui-même, comme à l’égard du corps du Christ pendant les trois jours de sa mort. Il ne paraît pas qu’on puisse le qualifier de corps sous la raison du genre, puisqu’il n’a pas l’être par lui, de même que cette qualification ne lui était pas appliquée, quand il é tait une partie de l'homme.

Pour voir cela clairement, il faut savoir qu’on appelle chose de nature une chose qui a une nature quelconque qui prend la condition de suppôt, en tant qu’elle subsiste par elle-même, ce qui arrive toujours quand les principes de cette nature constituent le suppôt même. Mais si les principes d’une chose de nature conjoints ensemble s’unissent à une chose existant par elle-même, ils n’auront pas le caractère de suppôt, ils constitueront néanmoins dans le suppôt la chose de nature, mais non le suppôt. C’est pourquoi dans le Christ il n'y a pas deux choses de nature, mais une chose de deux natures, qui est cependant constituée une chose de cette nature humaine, c’est-à-dire par cette nature humaine. Mais elle n’est pas constituée suppôt qui signifie quelque chose de subsistant par soi par le moyen de la nature humaine. Donc, bien que ce suppôt et la chose de nature humaine soient la même chose, la chose de la nature humaine a une provenance différente de celle du suppôt. Car la chose de nature humaine existe par les principes de la nature humaine, mais non le suppôt. L’homme donc étant une chose de nature humaine, cet homme est constitué par les principes de la nature humaine, n’existant pas par lui-même. L’homme, en effet, a été revêtu ainsi, mais par la nature dans ses principes, de l’union desquels ce suppôt résultant avec l’être par soi a été fait homme, et en conséquence le Fils de Dieu a revêtu la nature humaine et s’est fait homme. C’est pourquoi le caractère de suppôt convient à l’homme, car cet homme a existé de toute éternité. Donc par cet homme à raison du suppôt existant par soi, cet homme ayant été fait, est dit exister par lui-même, non qu’il y ait eu quelque chose de constitué par soi séparément du Verbe, d’après les principes seuls de la nature humaine, mais parce que la chose de nature humaine laquelle, constituée par la nature humaine, est le suppôt divin lui-même qui existe par soi; d’où il suit que cet homme étant un suppôt même existe par soi dans le genre de la substance et en conséquence les parties de la nature humaine, savoir le corps et l’âme, au genre par la nature de ce tout, qui existe par soi dans ce genre il est donc évident que les parties du reste des hommes et celle de l’humanité du Christ se trouvent dans le genre d’une manière différente, la raison en est que dans les autres, d’après les principes de la nature propre, il y aura quelque chose existant par Soi qui est par Soi dans le genre, et par cette chose le reste sera dans le genre par réduction. Dans le Christ, au contraire les principes de l'humanité ne constituent pas quelque chose existant par soi, mais le suppôt divin existant par soi est devenu complètement et parfaitement une chose de la nature humaine par les principes de la nature humaine; ce qui fait que la chose de la nature humaine sera quel que chose existant par soi à cause de son identité avec le suppôt divin. Car la chose de la nature humaine dans le Christ n’est pas une partie de ce suppôt de manière à être attribuée au suppôt, mais elle est comme le suppôt tout entier, c’est pour cela qu’elle est dite existant par soi. Donc les parties de la nature humaine dans le Christ appartiendront au genre et à l’espèce par la chose même de la nature humaine qui a été constituée par les principes de la nature humaine ainsi qu’il a été dit, laquelle cependant la qualité d’être par soi du suppôt avec lequel il y a identité, et non des principes propres, comme nous l’avons dit. Il est clair d’après cela que dans le Christ les parties de la nature humaine ne sont pas ramenées à l’espèce ou le genre par le suppôt même, puisque il n’existe pas par soi dans le genre, par la chose de la nature qui se trouve avoir l’être par soi. Peu importe d’où elle tient l’être par soi, ou de ses principes ou du verbe à qui elle est unie, puisque il faut reconnaître en général que les principes doivent être ramenés au genre par ce qui est constitué par eux, et c’est toujours une chose de la nature à laquelle ces principes appartiennent, et qui prend quelquefois le caractère de suppôt, quand, par exemple, elle a l’être par soi, tandis que le contraire arrive, lorsque, par exemple, elle est jointe à une autre, comme il a été dit. Il est donc évident, d’après ce que nous venons de dire, que le corps mort du Christ, quoiqu’il ne soit pas par lui-même comme le corps des autres hommes, est cependant une chose d’une nature quelconque ayant ses principes; aussi le genre se dit de lui, puisque le verbe et la chose de cette nature sont une même chose, identité qui fait dire de lui qu’il est par soi. Car le caractère de suppôt se rapporte accidentellement aux principes de la nature mutuellement unis, tandis que la chose de la nature le fait essentiellement. En conséquence là où il y a une chose de la nature constituée, il y aura toujours attribution du genre de cette nature et des espèces à l’égard de la chose de sa nature.

 

CHAPITRE XIV: Le genre en sciences naturelles et mathématique

 

Nous avons traité de la métaphysique, de la logique et des considérations qui en découlent et qui s’étendent à tout, il nous reste à parler maintenant des sciences naturelles et mathématiques. Il faut donc savoir que les philosophes anciens regardèrent la philosophie comme la première science naturelle, de même qu’ils pensèrent que le premier être était le corps. Mais Aristote, dans le sixième livre de la Métaphysique, enseigne que la Philosophie naturelle traite d’un être particulier ayant en soi le principe du mouvement et du repos. D’où il suit que l’être est matériel parce que la matière est en tout ce qui se meut par soi. Car le sujet de la Philosophie naturelle est l’être mobile, et en conséquence suivant Aristote, son rôle est de s’occuper des choses qui existent dans la matière comme dans plusieurs, ce qu’il dit à cause de l’âme humaine qui appartient aussi à la physique en tant qu’elle est forme du corps, quoique elle puisse être par soi; c’est pourquoi la science naturelle est subordonnée à la métaphysique. Pour voir cela clairement, il faut considérer qu’il y a deux raisons de convenance de la subordination d’une science à une autre. La première, lorsque le sujet de l’une est l’espèce du sujet de l’autre comme homme est une espèce de l’animal, et animal est une espèce d’un corps naturel; en conséquence la science qui traite des animaux est subordonnée à la science naturelle. La seconde, quand le sujet d’une science inférieure n’est pas l’espèce du sujet d’une science supérieure, mais est en rapport avec lui comme le matériel avec ce qui est formel à son égard, de la même manière que la perspective se rapporte à la géométrie. La géométrie traite de la ligne et des autres dimensions d’une manière absolue et formelle sans les appliquer à aucune matière; car elle ne traite pas de la ligne dans le bois et dans l’airain; mais la perspective traite de la ligne en tant qu’elle existe dans une matière quelconque où elle peut être vue, c’est-à-dire de la ligne visuelle. Car la ligne visuelle n’est pas une espèce de la ligne de même que un triangle de bois n’est pas une espèce du triangle. Car la différence n’est pas tirée de la madère, et c’est là la raison pour laquelle il n'y a pas de science spéciale sur la ligne droite ou circulaire comme pour la ligne visuelle, parce que droit ou circulaire sont des différences propres de la ligne, tandis qu’il n’en est pas de même de visuel qui appartient à une nature diverse et étrangère, aussi il y a une science spéciale pour la ligne visuelle, mais non pour la ligne droite ou, circulaire. De cette manière la science naturelle qui applique la nature de l’être à une nature sensible est subordonnée à la métaphysique qui considère l’être d’une manière absolue, parce que l’être mobile n’est pas une espèce de l’être, puisque l’être n’est pas un genre, comme nous l’avons dit. Donc l’être mobile est le sujet de la philosophie naturelle, qui se divise suivant la division de l’être mobile en ses espèces, savoir en être mobile d’un mouvement purement local, tel qu’un corps céleste, et en être mobile du mouvement de la génération et de la corruption, et ainsi des autres. Cette division néanmoins appartient plus à la logique qu’à la physique puisque c’est une division du genre en ses espèces. Car, ainsi qu’il a été dit, une substance qui est genre premier n’a pas une chose unique qui lui sert de fondement, mais plusieurs choses diverses d’où la raison déduit néanmoins une certaine unité à cause de laquelle elle se dit genre un; de même l’être mobile qui est le sujet de la philosophie naturelle, et je ne dis pas le corps mobile, car il est prouvé que tout corps est mobile, dans le livre de la Physique. Celui-ci, en effet, n’a pas suivant le genre une chose une et naturelle qui lui serve, de fondement, mais bien plusieurs choses diverses, lesquelles convenant néanmoins à plusieurs nous apprennent que les corps supérieurs sont avec les inférieurs dans le même genre de corps, (le même que les substances séparées avec les matérielles. Mais que les choses qui sont objet de génération et de corruption, celles qui sont mobiles d’un mouvement local, sont deux espèces de l’être mobile, dont il est traité en commun dans le livre des Physiciens, c’est plutôt leur convenance suivant la logique que sui vaut la physique qui en fait foi. Il n’y a, en effet, rien de commun entre une substance corruptible et une substance incorruptible, si ce n’est logiquement puisque elles diffèrent plus qu’un genre réel quelconque. C’est ce qui fait dire à Aristote dans le cinquième livre de la Métaphysique où il énumère les choses qui diffèrent dans le genre physique, que les choses diffèrent dans le genre dont le sujet premier est différent, comme le premier sujet de la couleur diffère du premier sujet de la saveur, la superficie de l’humidité, et cette différence vient de ce que ils ne sont pas ramenés à un sujet unique, quelle que soit la résolution de l’un et de l’autre. Si, en effet, on pouvait en faire un chose unique par le moyen de quelque résolution réelle, il n’y aurait pas simplement une différence dans le sujet premier, ni par conséquent dans le genre, comme par exemple la matière du feu diffère de la matière de l’air. Mais s’il se fait une résolution du feu et de l’air, il ne restera plus deux matières différentes, et par conséquent le feu et l’air ne sont pas, physiquement parlant, deux genres différents. Mais un corps céleste diffère des corps générables, parce que il n’y a pas entre eux de convenance dans la matière. Car, si par un miracle le ciel venait à se corrompre, comme il est naturellement incorruptible, son essence serait encore différente de la matière des éléments et il n’y aurait pas de résolution en un seul sujet, ce que prouve la puissance de la matière des éléments, qui ne peut jamais se transformer en la forme du ciel; autrement il y aurait en lui une puissance vaine, dont l’existence est néanmoins constante dans la matière du ciel, puisque c’est en elle qu’est la forme du ciel.

D’où il résulte que l’être mobile du mouvement local, et l’être mobile par génération et corruption sont deux espèces de l’être logiquement mobile, comme il a été dit. Il est également évident que l’unité du genre physique vient de l’unité du premier sujet. Or, le premier sujet est la matière. Donc ces choses s’accordent dans le genre physique qui ont la même matière, mais elles diffèrent dans l’espèce à cause de la diversité de forme, comme le feu et l’air. Il n’y aura pas cependant de distinction dans la matière puisque la distinction dit une actualité quelconque qui n’est pas dans la matière, suivant soi. Mais cette diversité est seulement dans la puissance passive qui n’emporte pas une distinction dans le fondement de la nature. Il est donc clair, d’après ce qui vient d’être dit, que l’être mobile, qui dans l’acception commune est un corps, ne tire pas de la matière une forme commune, par le moyen de laquelle il est corps, sur laquelle se fonde l’action de l’intellect qui établit une certaine communauté entre les corps générables et corruptibles qu’en tant qu’il en fait différentes espèces de l’être mobile, puisqu’ils ne sont fondés sur aucune chose commune, pas même sur la matière elle-même qui est corruptible et ingénérée. Car s’il existait un pareil composé de matière et d’une forme de corps en dehors des formes qui entraînent des qualités sensibles, principes des générations et des corruptions, il ne serait pas susceptible d’être ordonné à de telles formes ni à d’autres, qui échappent à la génération et à la corruption, comme un corps céleste. Or, cela deviendrait nécessaire si, dans une chose générable et corruptible, une forme quelconque précédait la forme spécifique de la chose, seule cause de la génération et de la corruption dans les choses, puisque elle seule entraîne les qualités actives et passives qui sont les principes de génération et de corruption, et non une pareille forme imparfaite. C’est ce qui fait qu’elle est indifférente à la forme accidente, qu’elle soit ou non un principe de génération et de corruption. Alors, en effet, le ciel aurait quelque chose de réel commun avec les générables et les corruptibles, ce qui est directement contraire aux paroles du Philosophe. En conséquence il est impossible dans les choses générables et corruptibles, qu’une forme quelconque précède la forme spécifique, comme les anciens ont supposé que la matière première était formée d’une certaine forme non élémentaire, mais imparfaite, qui est comme une voie vers les autres, de même que la forme de l’embryon est imparfaite par rapport à la forme spécifique de l’animal. Ce qui fait dire au commentateur sur le neuvième livre de la Métaphysique, que la première habilité de la matière se rapporte toujours à la forme des éléments. C’est pour cela qu’il ne se trouve pas des formes moyennes d’élément venant d’un élément, comme il arrive dans la génération de l’animal où il se trouve plu sieurs formes moyennes se succédant par une multitude de générations et de corruptions jusqu’à la dernière, qui doit seule subsister dans la chose, pour qu’elle ne soit pas dite être un accident. Il est évident d’après cela, qu’une chose de second genre n’a pas l’unité sur laquelle est fondée l’unité de raison, pas plus qu’une chose de premier genre, dont il a été parlé plus haut. Mais avant d’aller plus loin sur ce sujet, il faut parler d’abord de cette unité.

 

CHAPITRE XV.

 

Pour élucider cette difficulté il faut considérer que l’objet de l’intellect étant quelque chose d’intra-intellectuel et non d’extra-intellectuel, puisque l’intellection n’est pas un mouvement de l’âme, mais vers l’âme, l’acte de l’intellect peut être porté dans l’intelligible ou en tant qu’objet dans la nature de l’objet, c’est-à-dire en tant qu’il limite son action; et dans ce cas il ne s’attribue rien, il ne fait que considérer l’aptitude de la nature de l’objet à former quelque chose qui insinue la nature de cet objet, comme par exemple une définition quelconque. L’action de l’intellect peut se porter d’une autre manière dans l’objet en sa nature, mais en tant qu’il est abstrait par un acte de l’âme des conditions matérielles, et il est ainsi pris comme dans l’âme, et ainsi l’âme s’attribue quelque chose, sans considérer ce qui lui est dû dans la nature de l’objet, mais ce qui peut lui convenir par l’acte de l’âme; et cet attribut est la raison de l’universalité, comme, par exemple, en concevant l’animal comme ayant une nature sensitive, on forme sa définition, c’est-à-dire une substance animée sensible, laquelle signifie évidemment une ce unité dans l’animal. Car l’animal est de sa nature un objet un, mais cette unité ne descend pas d’animal à quelques espèces de l’animal. Car animal pris ainsi ne dit pas un être dans la nature, puisqu’il n’y a pas dans la nature d’animal seulement animal, mais il dit une essence qui n’a l’être que par ce qui a une essence dont l’être est comme l’acte; c’est pourquoi autant il se trouvera de choses ayant une essence, autant il y aura d’essences selon l’être. Il y aura donc communication de l’essence et de l’unité par ce qui en sera doué, s’il est un, et de la pluralité s’il y en a plusieurs. Il en est, en effet, de l’unité comme de l’être, puisqu’il y a conversion entre l’unité et l’être, c’est pourquoi l’unité qui se trouve dans une nature quelconque, comme dans la nature animale, ne descend pas à quelqu’une de ses espèces; qui plus est si elle se trouve dans un sujet, elle recevra de lui l’unité comme l’être. Mais l’autre unité produite par l’intellect descend à tout ce qui est contenu sous un sujet commun. Il est donc évident, par la première unité, que rien n’est un genre commun aux corps célestes et générables sur quoi l’intellect puisse fonder la raison d’universalité. Car, quoique le corps soit une substance corporelle, il ne sera pourtant pas pour cela quelque chose d’un et réel convenant aux corps célestes et aux inférieurs sur quoi l’intellect puisse fonder l’intention d’universel, mais seulement selon l’intention. Cela devient évident si l’on opère la résolution au premier sujet du corps, qui est la matière, laquelle, considérée en elle-même, sera différente dans le ciel et dans les éléments, comme il a été dit. Mais quoiqu’il ne faille pas résoudre à quelque chose d’un un sujet commun à plusieurs; néanmoins les choses diverses sur lesquelles se fonde l’acte de l’intellect formant une intention universelle, sont composées de matière et de forme, et par conséquent le corps participe de l’une et l’autre part. Il est impossible, en effet, qu’il se produise un composé de matière et de forme sans que ce soit un corps. Car la nature de la matière est d’être d’abord ce par quoi se fait une chose par soi, et en dernier lieu ce en quoi une chose passe par corruption, comme il est dit dans le premier livre de la Physique. C’est pourquoi elle ne peut être faite de rien pas plus que se résoudre en quelque chose de précédent. Car la forme étant une simple essence ne se résout pas par soi en quelque chose, mais bien par accident. En effet, un composé étant résout en matière, la forme se résout de même, car la forme ne subsiste pas par soi, mais bien le composé, comme on l’enseigne dans le septième livre de la Métaphysique. Or, de la réunion de deux essences simples résulte toujours l’essence d’un composé qui est différente des deux parts, et cela doit nécessairement être un corps si l’une d’elle est tirée de l’autre, comme l’essence de la forme se tire de l’essence de la matière. Car l’essence de la forme est en puissance dans l’essence de la matière; or, de la puissance à l’acte il doit y avoir un certain passage qui entraîne une certaine transformation, et dans toute transformation se trouve renfermé ou présupposé un mouvement local, comme il y a mouvement local a priori dans une altération, tandis qu’il n’est qu’a posteriori dans un mouvement d’augmentation. Car ce qui s’augmente change de lieu, mais non avant l’augmentation; mais ce qui est altéré change de lieu avant de l’être. Le généré est un moyen terme entre l’altération et l’augmentation, puisque il est la fin de l’altération et le commencement de l’augmentation. Rien, en effet, ne s’augmente que ce qui est généré. Or, il ne peut sortir d’un mouvement local qu’un corps, où quelque chose d’uni à un corps, comme tous les accidents corporels. Donc on ne peut rien tirer substantiellement de la matière sans qu’il ne soit constitué un corps. Peu importe que la matière d’où est tirée la forme se soit trouvée précédemment sous une autre forme ai l’altération précède seulement à cause du sujet existant en acte, dont la matière a présidé à l’extraction de la forme, ou qu’elle ne s’y soit pas trouvée, comme la matière du ciel n’a jamais existé sous une autre forme, et par conséquent l’altération ou le mouvement local n’a pas précédé son être. C’est pour cela que le ciel n’a pas été engendré, mais il est arrivé à l’être par la volonté de Dieu et par une simple émanation. Donc le mouvement local n’a qu’une relation accidentelle avec l’éduction de la forme de la puissance de la matière, en tant qu’il arrive à la matière d’avoir préexisté sous une autre forme, par laquelle elle devenait un sujet existant en acte, qui .a dû être corrompu par l’action des qualités altératrices pour revêtir une forme nouvelle. La qualité de corps dans la production de la forme de la puissance de la matière ne vient pas du mouvement local, puisque le corps céleste a pris l’être par l’éduction de sa forme de la puissance de sa matière propre sans qu’ait précédé aucun mouvement local ni aucune altération. La nature du corps suit donc essentiellement l’éducation de la forme de la puissance de la matière, et il n’en est pas ainsi à cause de l’éduction, niais parce que il résulte une unité de l’éducation de la matière et de la forme, et parce que supposé par impossible, que la forme fût tirée de la puissance de la matière, et il ne se ferait pas néanmoins un composé de cette forme, le corps ne suivant pas l’éduction de la forme de la puissance de la .matière, puisqu’il est constant que le corps est toujours composé de matière et de forme. C’est donc en cela que consiste la raison précise de corps, qu’il se produise une unité de la matière et de la forme, ce qui arrive infailliblement quand la forme se tire de la puissance de la matière. Cela arrive même quelquefois, quoique la forme ne soit pas tirée de la puissance de la matière, comme il est évident par rapport à l’âme humaine laquelle, quoique n’étant pas tirée de la puissance de la matière, puisqu’elle ne vient pas de la matière, comme elle provient d’elle et de la matière, il en résulte un corps. Ce corps donc, soit qu’il soit formé, soit qu’il soit tiré de la puissance de la matière sans mouvement, comme le ciel; soit avec mouvement, comme dans les choses générables et corruptibles, soit qu’il ne soit pas tiré de la puissance de la matière, comme on le voit dans l’homme, ce corps est une chose physique première sur laquelle l’intellect forme une intention de genre, et c’est là le propre sujet de la philosophie naturelle, mais logiquement; parce que si l’on fait la résolution de toutes ces choses, on n’arrivera pas à quelque chose de commun au ciel et aux inférieurs, comme il a été dit, puis que ils n’ont pas de convenance même dans la matière. Tandis que si on opère la résolution des choses générables et corruptibles,.on arrivera à un principe commun indifférent à tout cela: c’est pourquoi toutes les choses corruptibles se conviennent dans un sujet physique par l’unité réelle; mais le ciel a convenance avec les choses corruptibles dans un sujet physique, non par une unité réelle, mais par une unité logique seulement. L’intellect attribue donc la raison de genre à la nature à laquelle, dans les choses corruptibles, répond quelque chose ayant une certaine unité qui ne descend pas sous lui, comme il a été dit, mais qui se multiplie dans ses suppôts en qui elle est reçue. D’où il résulte que se disant d’eux, il faut déjà que la nature soit constituée en chaque chose par la forme du tout, parce que cette nature se disant du tout par l’intention qui lui est ajoutée, cette application ne peut être tirée d’une partie de la chose et attribuée à toute la chose; par exemple, l’homme est composé d’âme et de corps comme de deux parties; or, le prédicat, qui se tire du corps, une des parties qui convient à l’homme, n’est pas corps, mais corporel. Car la même chose ne se dit pas de quelque autre dénominativement et absolument ou abstractivement. Il n’y aura donc pas de forme faisant du corps une partie de la chose, différente de la forme de toute la chose, puisque corps se dit de toute la chose suivant l’intention; et l’intellect ne peut pas attribuer à la partie une intention quelconque par laquelle elle se dise absolument du tout, parce que la partie rie se dit du tout que dénominativement. Il est suffisamment clair d’après cela que là pierre, le feu ou l’homme ne sont pas corps par une autre forme que par celle par le moyeu de laquelle ils sont ce qu’ils sont dans leur espèce, pas plus que par une autre matière. Il n’y a pas, en effet, dans l’homme une matière par laquelle l’homme est corps, différente de celle par laquelle il est homme.

 

CHAPITRE XVI

 

Il est facile de reconnaître cela clans le mode de génération de la nature, parce que la matière première a une première habitude à la forme d’élément. Car si c’est du feu qui doit être produit, la matière ne prend pas d’abord la forme de corps pour passer ensuite à la forme de feu, mais elle est transformée au moment même où la forme de l’air se corrompt et où se produit la forme de feu. Car la qualité active du feu n’a d’autre intention que de revêtir la forme de feu dont elle est elle-même la passion et en vertu de laquelle elle agit. Il est certain qu’elle n’agit pas en vertu de la forme de corps puisque elle n’en est pas un accident propre. Mais certainement il n’en est pas ainsi de la matière une à l’égard de la forme d’un être mixte, ce qui fait qu’elle n’a pas pour elle une aptitude quelconque immédiate. Il faut d’abord qu’elle prenne les formes des éléments, puisque un être mixte ne peut se former que de miscibles présupposés. Néanmoins tout en ordonnant la matière à la forme d’un corps mixte, ces formes doivent quitter la matière en en acquérant la forme d’un corps mixte, parce que dans ce corps mixte il y a quelque chose destiné à en occasionner la dissolution. Cependant la forme du corps mixte existe immédiatement dans la matière à la place des formes simples, donnant un sujet aux puissances des formes élémentaires; c’est pourquoi dans les divers corps mixtes il y a des formes substantielles différentes d’a près les différentes proportions des miscibles. En effet, la forme de la mixtion est différente dans l’or de celle de la pierre ou de l’argent. Car dans un corps mixte il n’y a aucune diversité de partie à cause de la nature de la mixtion, autrement il y aurait diversité de parties dans tout corps mixte, ce qui est faux, puisque il y a plusieurs corps mixtes qui sont homogènes, comme il y en a de simples, ainsi qu’on le voit relativement à l’os, à la chair, à la pierre, dont chaque partie reçoit la prédication suivant la raison complète de la nature elle-même dans le tout. Car toute partie de l’os est os; ce qui a lieu, parce que la prédication de la nature est essentiellement dans chaque partie suivant tout ce qu’elle est. Donc, les différentes parties se trouvant dans une chose par la quantité, qui est l’accident propre du corps d’une substance, puisque elle en est la mesure, la forme ne peut être suivant toute sa nature dans une chose quelconque différente de ce qu’elle est dans celle qui est une autre partie du composé; il est impossible qu’il y ait dans le feu, dans la pierre, une forme par laquelle l’un de ces êtres est corps, différente de celle par laquelle la prédication de la chose se vérifie uniformément à l’égard de la partie avec le tout, et il est constant que .c’est la forme spécifique. Ainsi donc il faut d’abord que la matière prenne les formes des corps simples, qu’elle dépose ensuite en revêtant la forme de corps mixte, quoique elles restent virtuellement dans le corps mixte, mais non en essence. Car le corps mixte se compose de miscibles divers. C’est pourquoi lorsqu’il se constitue un corps animé ayant dans ses parties une grande diversité causée par les variétés de la mixtion, la forme de cet être animé sera nécessairement une; et cette forme est certainement la forme de toute la mixtion, laquelle évidemment pourtant ne se trouve pas dans chaque partie suivant toute sa nature, puisque une chose n’est jamais uniformément prédicable pour la partie et pour le tout. Or, les sus dites parties du corps animé n’ont pas existé par soi, puisque elles contribuent à former un tout, comme les corps simples ont eu l’être par soi avant la constitution du corps mixte, mais la nature agit simultanément en les produisant dans un tout et en en constituant un tout, comme on voit dans l’animal, dans lequel la forcé active du père, qui consiste dans la semence, agit pour la constitution du corps en formant les différents membres. Il forme d’abord le coeur et ainsi de suite jusqu’aux derniers par une opération successive, et cette force, qui est une puissance qui ‘s’assimile ce qu’il y a de passif, ne se corrompt pas après avoir formé le coeur, mais elle subsiste jusqu’à ce que la matière menstruelle se soit transformée en ce qui est en puissance en elle et que tous les membres soient formés; la matière menstruelle et la semence étant ensuite détruites, cette force se détruit nécessairement elle-même, mais non après la formation d’un ou de deux membres, comme il est dit dans le sixième livre des Animaux. Car l’agent instrumental ne cesse d’exister que lorsque l’effet qu’avait en vue le principal agent a été obtenu, et il n’est pas nécessaire qu’il soit ensuite appliqué à l’effet. Or, la semence contient la force générative qui est le véhicule de la puissance paternelle, de même que l’instrument porte la force de l’agent principal; c’est pourquoi la vertu qui est dans la semence se corrompt après avoir rempli son office. Or il faut savoir que dans la matière menstruelle il y a puissance pour les diverses parties dans lesquelles il y a une proportion .différente de miscibles, de laquelle résulte matériellement une diversité multiple dans les parties où l’on peut cependant trouver pour chacune l’uniformité de mixtion. De même que, quoiqu’il y ait une proportion différente de miscibles dans les os et dans la chair, il y a néanmoins uniformité dans la chair, parce que chaque partie de la chair est chair, et chaque partie de l’os est os. Car la nature de la mixtion est d’avoir de l’uniformité dans le corps mixte. Donc, dans chaque partie d’une chose qui a différentes parties il y aura une qualité moyenne provenant de l’altération respective des qualités simples, et cette qualité sera la disposition propre à la qualité du corps mixte, comme la chaleur cherchée dispose à la forme du feu. Peu importe que cette qualité soit dite dans la chose une ou multiple; parce que si elle est dite une elle aura nécessairement de la difformité dans les diverses parties, de sorte que dans une partie d’elle-même l’humide prévaudra comme dans le cerveau, et dans l’autre la chaleur, comme dans le coeur. Si, au contraire, il y à multiplicité, il est encore évident pour le bon sens qu’elles sont ordonnées pour la constitution d’une même chose. Donc à cette qualité une ou multiple répondra nécessairement une forme de corps mixte difforme en vertu, laquelle quoique étant par essence toute entière dans chaque partie de la chose, n’introduira pas toute sa vertu dans chaque partie de cette même chose; de même qu’il est évident que la force auditive n’est pas dans l’oeil, ni la force visuelle dans l’oreille. Et comme l’essence de la forme d’une chose est indivisible parce qu’elle est toute dans chaque partie de la chose, ces vertus ne peuvent pas être séparées de la forme, parce que chacune d’elles suit toute l’essence dans les diverses parties dans les quelles toute l’essence est en même temps, comme on l’a dit. En conséquence un membre étant séparé du tout, l’essence de la forme ne reste pas indivisible dans la partie séparée pas plus que la vertu, puis que celle-ci ne peut être séparée de l’essence de la forme; donc dans la partie séparée qui contient une certaine proportion de miscibles, il y aura nécessairement une autre forme différente dans l’essence de la première forme, qui était la forme de toute la chose, laquelle, quant à son mode de réalisation, peut être connue par quelque corps mixte uniforme, comme le bois, par exemple, la pierre; dans lesquels il y a une forme une eu acte qui est multiple en puissance; en conséquence la séparation de cette forme étant opérée, la première qui dans le tout était suivant toute sa raison une en acte, mais multiple en puissance, il en résulte plusieurs en acte sans l’introduction d’aucune forme nouvelle. En effet, lorsqu’un rameau est séparé de l’arbre, il ne se produit pas une forme nouvelle, seulement la première forme qui était en puissance devient en acte, et en conséquence les mêmes accidents qui existaient dans la branche suivant l’essence, y restent après la séparation; mais non suivant le même être en acte, parce que auparavant ils tenaient du tout l’être en acte, taudis qu’il n’en est plus maintenant ainsi. Il est donc évident que cet être que la branche possède maintenant en acte est différent de l’être en acte qu’elle avait sur l’arbre, elle n’a pas cependant dans l’essence une forme différente de la première. Car cet être en acte répond à ce que nous avons dit avoir une forme multiple en puissance, et non à ce que nous avons dit qu’elle était une en acte. Si donc en trouve une continuité dans quelque partie d’un membre vivant, comme dans l’os ou dans la chair, comme elle n’a qu’une forme en acte, savoir l’âme, qui dans les animaux parfaits n’est pas multiple en puissance de manière à devenir eu acte par la division, comme elle l’est dans ceux qui sont imparfaits, ainsi qu’il se fait dans les animaux articulés à raison de la continuité, il doit préexister dans la chair ou dans les os une forme sans l’être en acte, qui est dans le tout animé parfait, puisque elle se rapporte à l’être en acte, comme dans les autres animaux continus, comme il arrive dans les plantes et les pierres pour la multiplicité de la puissance de la même forme. Or, la puissance diverse de la même forme ne produisent aucun être dans l’animal continu dans lequel il n’y avait qu’un être, quoique l’essence de cette forme réponde à la puissance de même qu’à l’acte qu’elle produit dans le tout. En conséquence une telle forme étant placée dans une chose principalement à raison de la continuité où la seule division produit l’être en acte dans les parties, il est facile de voir comment l’essence de la forme peut se trouver là sans donner l’être à la partie elle-même. Comme donc la matière d’une chose continue n’est pas amenée à une forme en tant qu’elle est une en acte par une transformation différente de celle par laquelle elle est amenée à une forme en tant qu’elle est multiple en puissance, mais bien par là même, de même la même transformation qui transmet la forme du tout, transmet aussi la multiplicité en vertu, aussi bien que sa forme ou son être, parce qu’il n’y a qu’un certain rapport; parce que de même que tant qu’une chose reste dans un seul acte, cette puissance qui est dans la même forme laquelle confère l’être en acte, n’acquiert rien à cette chose si ce n’est un certain rapport d’uniformité dans la nature entre toute la chose et ce qui a été séparé en elle; de même aussi cette essence de la forme dans une chose de diverse nature n’acquiert rien à cette chose si ce n’est un certain rapport d’une espèce de ressemblance de l’être en acte de la partie et du reste, quoique cependant il soit constant que l’être en acte vivant n’est pas le même que l’être en acte mort.

 

CHAPITRE XVII: corps vivant et corps séparé de sa forme (suite)

 

D’après cela il est facile de voir comment un corps mort vivait auparavant en acte. Il est certain, en effet, que la puissance n’est séparée de l’acte auquel elle est ordonnée que par quelque acte incompossible à celui auquel cette puissance est ordonnée. Comme la puissance qui est dans la matière du feu relativement à la forme de l’air est séparée de l’air, la forme du feu étant inhérente à la matière, tandis que la forme du feu ne perfectionne pas la puissance de la matière à l’air, mais cette puissance reste imparfaite dans le feu, occupée néanmoins par la forme du feu. Car la forme du feu étant dans la matière, il est certain qu’il n’y a dans la matière rien de réel qui ne soit occupé par le feu; autrement si quelque chose était dégagé de la forme du feu, une autre forme pourrait être revêtue immédiatement comme donc la puissance relativement à l’air est occupée mais non perfectionnée par la forme du feu, elle reçoit de même l’acte par la forme du feu, qui ne sera pas néanmoins la perfection de la puissance à l’air, et la puissance à l’air à cause de la concomitance de la matière perfectionnée par la matière du feu n’a pas par soi l’être en acte, parce qu’il ne reste rien dans la matière qui ne soit occupé par l’acte du feu, comme il a té dit, par lequel mode la forme d’une partie organique quelconque, qui est la puissance à l’être à part, n’est pas perfectionnée par l’acte de la forme du tout, puisqu’elle n’est pas ordonnée à lui. Néanmoins l’essence d’une telle forme est occupée au moyen de l’essence de la matière qu’elle suit par l’être en acte qui vient de la forme du tout. Or cet être n’est pas l’être par participation qui passe du tout aux parties elles-mêmes, parce que l’être par participation des parties appartient par soi à l’être du tout constitué de parties; mais il ne confère pas l’être au tout lui-même, si ce n’est par accident, en tant que, par exemple, il empêche l’être en acte dû à la partie par la forme propre qu’acquiert la partie par la séparation d’avec le tout; et comme elle tient l’être en acte du tout par concomitance ainsi qu’il a été dit; elle tient la vie de la même manière. Il n’y a donc tout à fait qu’un seul être, pour le tout d’une manière absolue, par participation pour les parties, par concomitance pour telle ou telle forme; il en est de même de la vie. Et par conséquent le corps mort a été véritablement vivant, non parce que la forme du tout, composé de matière et de forme, laquelle il possède déjà, aura été le principe de la vie, mais bien sa matière par soi, à laquelle il conférait l’être en acte

 

CHAPITRE XVIII

 

Cela posé, il faut savoir que la première division du corps qui est le genre s’opère par ce qui est simple et mêlé de choses simples. Or, dans le choses simples, une forme quelconque ne précède pas dans la nature la forme de l’élément simple, comme nous l’avons montré, et la démonstration en est facile. En effet, si l’on prend la plus petite quantité de feu, ce qui est possible, parce qu’une chose naturelle a une limite d’augmentation et de diminution, si on la divise, il ne reste plus de feu et on ne peut en produire aucun élément. Mais la forme du feu n’est pas seule détruite, le corps et la substance sont détruits en même temps; autrement, si le corps, en tant que le corps suit la substance, restait corps après la destruction du feu, le corps substance ne signifiant rien de sensible, les choses mathématiques seraient séparées des choses sensibles, ce qui est impossible. Car lorsqu’il arrive quelque chose de pareil, il en résulte une mutation incontinente, parce qu’on ne peut tirer aucune forme de la puissance de la matière. Donc comme le corps mixte se forme de choses simples qui sont des moyens entre la matière première et le corps mixte, et comme dans le corps mixte il ne reste pas de formes d’éléments, on ne pourra trouver dans le corps mixte de forme mitoyenne entre la matière première et la forme spécifique elle-même, qui est la forme du corps mixte, puisqu’il n’y en a aucune de mitoyenne entre la matière et la forme d’élément. C’est pourquoi des hommes peu instruits, supposant une antre voie de génération, ont différé du sentiment d’Aristote, disant que la matière est d’abord informée par la forme de la substance, puis par celle du corps et ainsi de suite en descendant jusqu’à la dernière forme qui est la forme spécifique; tandis que Aristote prétend que la forme d’élément se trouve immédiatement dans la matière à laquelle succède la forme du corps mixte. Si, en effet, la forme de la substance se produisait d’abord dans la matière, ensuite la forme du corps et enfin la forme d’élément, comme le corps mixte se forme des quatre éléments en se dépouillant des formes élémentaires, s’il se trouvait ensuite nécessairement un ordre semblable dans la matière du corps composé, laquelle provient des éléments, ce tout matériel qui était dans les éléments étant présentement dans le corps mixte, il s’ensuit que les quatre formes substantielles persistent sous la forme du corps mixte, et chacune de ces formes fera un corps avec quatre autres formes dont chacune fera une substance. Car on n’en peut faire un seul corps, puisque ces formes restent dans leur essence, et qu’il n’en est pas de même de leur substance; donc chaque corps mixte est quatre corps. On dit, en effet, qu’à cause de la nature de ce corps le corps se dit de la chose même. Il y aura également par la même raison quatre substances, par conséquent il est impossible qu’il y ait dans un corps mixte une forme quelconque de corps mixte. Mais le corps mixte est multiple, parce que il y a dans le corps mixte plusieurs proportions de miscibles, ce qui constitue nécessairement différentes espèces de corps mixtes.

Il y a des corps mixtes uniformes, comme les pierres et les métaux, où il y a une grande multitude d’espèces, tels sont les êtres inanimés, Il y a d’autres corps mixtes difformes, comme les plantes et les animaux, et ceux-là sont animés, et plus ils sont parfaits, plus est grande la difformité qu’ils requièrent. Car les choses qui sont destinées à exercer plusieurs opérations doivent avoir nécessairement une plus grande diversité d’organes. C’est pourquoi parmi les êtres animés la plus petite diversité se trouve dans les plantes, puisque elles ne sont pas le principe d’un grand nombre d’opérations; mais on trouve en elles une grande diversité d’espèces. Leur genre prochain et subalterne est corps animé, et il ne faut pas ajouter que son principe est une âme végétative. Car il n’y aurait ainsi rien de réellement divers, puisqu’il est constant que l'âme végétative est le principe de vie dans toutes les choses qui vivent au milieu de nous. Mais au corps animé simple son antre espèce animal ajoute quelque chose de réel, ce qui est évident d’après leurs opérations respectives, parce que, en outre des opérations végétatives qui font engendrer, nourrir et croître, on trouve dans l'animal une certaine action réelle surajoutée, c’est-à-dire sentir. En conséquence, puisque dans l’animal, aux opérations que l’on voit dans les plantes, se trouve surajoutée une autre action qui est sentir, il faut nécessairement dire que l’action sensitive de l’animal réunit cette double vertu dans une seule essence, de crainte qu’en disant que dans l’animal l’action végétative est distincte de l’action sensitive, nous ne soyons forcés de reconnaître deux âmes dans chaque animal; parce que il s’ensuivrait en dernier résultat qu’il y a trois âmes dans l’homme, puisqu’il y a, à l’exclusion des autres animaux, une action d’une éminente noblesse, réellement distincte des autres actions, à savoir l’intellection à laquelle rien n’ajoute une action plus noble. C’est pourquoi, à cause de l’addition d’une telle différence qui est supérieure à tout, animal est le dernier genre. Non seulement après l’âme sensible qui spécifie l’animal il se trouve une diversité réelle dans l’homme, mais aussi dans les autres êtres en qui se rencontrent des différences réellement diverses quant aux formes, et non pas seulement quant à la matière, comme on voit dans le cheval, l’âne et d’autres êtres de cette sorte. Or, comme il est certain que chacune de ces formes est celle d’un corps mixte, et que à cause de la diversité qui est dans la nature d’une forme à l’égard d’une autre, il y a dans la mixtion une diversité matérielle qui répond à la diversité des formes; de même dans la même espèce il y a diversité de formes à raison de la diversité de la mixtion qui est multiple. Il n’y a donc que les corps simples qui soient ordonnés pour la génération des corps mixtes, comme il a été dit. Il deviendra donc impossible de placer dans une chose animée ou inanimée plus d’une forme, puisque les formes élémentaires ne peuvent subsister:

Il est facile de voir, d’après ce qu’on vient de dire, comment prennent naissance et se divisent les sciences diverses comme les choses subjectives. En effet, l’être mobile est le sujet de la philosophie naturelle, comme il a été dit, et ce même corps est une substance dont la première passion est la quantité, laquelle, en tant que limite du corps et sa mesure propre, appartient a la même science. Mais en tant qu’on peut s’occuper en lui de la proportion, parce que il peut être considéré à part de toute qualité sensible, ce qui est une considération postérieure, et par conséquent il ne faut pas prendre de limite dans sa proportion, et il est également sujet des mathématiques dont il ne faut pas regarder le sujet comme réellement distinct du sujet de la philosophie naturelle, mais seulement par réflexion. Les physiciens ont un livre sur l’être mobile en commun dont la première espèce est le mobile selon le lieu, au sujet duquel il y a un livre sur le ciel. Or, le corps est simple ou mixte, et dans l’un et l’autre il y a corruption et génération, c’est pour cela qu’elle traite de la génération des simples dans le livre de la Génération. Les corps mixtes sont quelques-uns animés, d’autres inanimés; il est donc question des êtres inanimés dans le livre des Météores, comme des minéraux et même de la génération des impressions. Les corps animés sont de trois espèces, aussi il est traité dans le livre des plantes de la génération des êtres animés de l’âme végétative, de la génération des animaux dans le livre des Animaux, et de l’homme dans le livre de l’Âme, et les choses qui lui sont soumises. Le métaphysicien et le logicien s'occupent de tout dans ces matières. Nous avons suffisamment parlé du procédé métaphysique dans nos ouvrages de physique.

 

CHAPITRE XIX: les neufs genres d'accidents

 

Il nous reste maintenant à parler des neufs genres d’accident: Il faut donc savoir que dans les accidents, dans, la nature des choses, il n’y a rien de correspondant à l’opération de l’intellect, de manière à recevoir, comme dans la substance, la raison de genre et de différence. En effet l’essence de l’accident, désigné abstractivement, ne semble pas signifier un être comme existant par soi, puisqu’elle signifie quelque chose d’abstrait, et qu’un accident ne peut pas être par soi. C’est pourquoi un accident dans l’abstraction ne semble pas signifier un être quelconque. Mais la signification qui est donnée aux noms n’appartient à la nature des choses qu’au moyen de la conception de l’intellect, puisque les mots sont les caractères des passions qui sont dans l’âme, comme il est dit dans le livre des Péri hermenias. Or l’intellect peut concevoir séparément des choses réunies. Or, ce qui est pris à part est vu comme existant par soi, c’est pourquoi on le désigne par un nom abstrait qui signifie distraction d’une autre chose. Mais les noms abstraits n’emportent pas des choses existant par soi dans le genre de la substance, comme humanité qui est un nom abstrait, mais n’existe pas par soi. Ainsi donc, par l’action de l’intellect, les noms abstraits des accidents signifient des êtres qui sont inhérents, quoique ils ne les signifient pas à la manière des choses inhérentes. C’est pourquoi par l’action de l’intellect les noms deviennent comme des choses quelconques, auxquelles ensuite l’intellect attribue des intentions de genre et d’espèces. Mais il n’y a rien dans la nature des choses sur quoi l’intellect pourrait fonder des intentions universelles. L’accident n'étant pas composé de matière et de forme, le genre et la différence ne peuvent être pris en lui, comme l'attire dans la substance le genre de la matière, la différence de la forme. Mais dans chaque accident le genre doit être pris de ce qui se trouve antérieurement eu lui, et la différence de ce qui survient après. Or, ce qui se trouve d’abord dans chaque accident est le mode spécial de l’être renfermant une certaine diversité relativement à ses autres modes; comme dans la quantité le mode spécial de l’être se trouve dans ce qui est la mesure de la substance, et pour la qualité dans ce qui en est la disposition, et ainsi de chaque chose. Il est évident qu’on peut établir une certaine diversité dans le genre; car quoi que les choses d’un seul genre ne diffèrent pas entre elles à cause de leur genre, mais qu’il y ait plutôt de la convenance, néanmoins les choses de différents genres sont diversifiées par leurs genres. De même que, quoique ce qui est raisonnable diffère de ce qui n’est pas raisonnable, choses qui néanmoins concordent dans animal, l’homme cependant diffère du non-animal par animal, et en conséquence il se trouve dans les genres des accidents une diversité différente d’une autre qui existe par les différences de genre entre les choses de même genre. Quant à la différence, elle doit être prise en eux par quelque chose qui soit contenu implicitement dans le mode d’où a été tiré le mode de l’accident, et cela se trouve dans la diversité des principes qui en sont les causes. Comme, par exemple, la raison de la mesure se trouve dans la quantité, ce qui es commun à toute espèce de quantité, et c’est de là qu’a été pris le nom de genre. Mais il est cons tant que les principes différents dans leurs natures des choses permanentes sont successifs; aussi ont-ils naturellement des mesures diverses. C’est pour cela que lorsqu’on définit les accidents en abstraction, ce sujet est mis dans leur définition obliquement et au second plan, et c’est là le propre de la différence; comme lorsqu’on dit: Le nez camus est une courbure du nez, en quoi elle diffère de la cour bure qui est dans le bois. Mais les accidents pris au concret ne sont dans le genre que par réduction, comme le blanc, le musical et autres semblables. Quelquefois les principes propres de l’accident qui sont au lieu de la différence se trouvent cachés, et alors à leur place nous mettons leurs effets. Comme l’effet de la lumière est de disgréger, lorsqu’elle est intense, ce qui est le principe de la blancheur, nous mettons quelquefois le disgrégé dans la définition pour cette raison, comme nous disons que la blancheur est la couleur disgrégative de la vue. Le disgrégé, en effet, n’est pas dans ce genre la différence absolue avec la couleur, comme l’est le raisonnable avec l’animal; mais c’est une différence prise du sujet de la couleur exprimant un certain excès dans la réception de la lumière. C’est pourquoi les accidents ne reçoivent pas leur définition par les choses d’un genre propre, puis qu’ils ne disent pas simplement ce qu’est la chose comme la substance. En effet, lorsqu’on demande ce que c’est que la blancheur, on répond que c’est une couleur. Car la couleur est quelque chose de la blancheur, comme l’animal de l’homme. Mais l’animal qui dit quelque chose de l’homme, dit simplement une substance, et par conséquent couleur, qui dit quelque chose de la est plutôt dite quelque chose de substantiel que substance, parce qu’on appelle substantiel ce qui revêt un mode de la substance, sans être substance.

Or, entre tous les accidents la quantité est le plus près de la substance, et cela est évident, parce que comme le sujet de la quantité est par soi divisible en parties, parties essentielles; de même la quantité a une division propre par parties, de la quantité, par exemple, et par conséquent, si la quantité était séparée de la substance, il faudrait qu’elle ne fût pas seulement une parce qu’elle peut être divisée en plusieurs par sa division propre, tandis que si la blancheur était séparée, nécessairement elle serait seulement une, n’ayant dans sa nature rien pour être divisée, mais bien par la nature de la quantité.

Nous allons donc parler d’abord de la quantité.

 

CHAPITRE XX: La quantité.

 

Il faut donc savoir que la quantité, selon sa raison commune qui est établie dans le cinquième livre de la Métaphysique, est divisible dans les choses qui sont en acte, ce qui n’est pas dit comme si les parties en lesquelles la quantité est divisible étaient en acte dans le tout dans lequel elles sont divisées; mais cela est dit à raison de la différence du corps mixte, qui n’est divisible en miscibles que par l’altération par laquelle s produit une autre forme. Mais ici, par la seule altération et par la division seule, il se fait une partie en acte. C’est pourquoi, quand elle est en acte dans le tout, on dit qu’elle est, parce que ce qui est près de l’être semble ne pas différer de l’être, et en conséquence on ajoute aussitôt que chaque partie est destinée à former une unité quelconque, et une chose démonstrable qui ne con vient pas aux parties essentielles, comme dans la matière et la forme, parce que, après la division, aucune de ces deux choses ne conserve d’existence par soi, à moins peut-être que ce n’eût été une forme et quelque chose de simultané, telle qu’est l’âme humaine. Or, la quantité de la première différence c’est le continu et le discret qui constituent deux espèces, savoir, la grandeur et la multitude. La grandeur est constituée par le continu. C’est pourquoi la grandeur est appelée une quantité divisible en parties continues, comme la multitude est une quantité divisible en parties continues, séparées en outre les unes des autres. Les secondes différences du continu sont l’intérieur et l’extérieur, parce que il y a des choses qui sont mesurées par l'intérieur, comme la ligne et autres choses de ce genre, et d’autres choses qui se mesurent par l’extérieur, comme le temps. Or, Aristote appelle ces différences le permanent et le passager, parce que le temps est une mesure passagère, et la ligne une mesure permanente. Les troisièmes différences du continu permanent ou intérieur sont constituées par une, deux ou trois dimensions; parce que ou la quantité intérieure est divisible en parties continues suivant une dimension, et alors c’est la ligne, ou suivant deux, et alors c’est la superficie, ou suivant trois, et c’est un corps, et toutes ces espèces de quantité sont par soi, comme il est dit dans les Prédicaments. Mais dans le cinquième livre de la Métaphysique, le temps est regardé comme une espèce de la quantité par accident, comme en dit que la blancheur a telle étendue, parce que la superficie a une semblable étendue. La raison en est que le logicien considère la quantité sous le rapport de la mesure, car c’est ainsi qu’il peut former des intentions logiques dans la quantité. Et comme il y a divers rapports de la mesure, parce que les uns sont extérieurs et les autres intérieurs indépendants les uns des autres, le logicien, en conséquence, désigne le temps et le lieu par soi des espèces de la quantité continue et univoque avec les autres. Mais Aristote considère la quantité suivant son être et non sous le rapport de la mesure, c’est pourquoi il établit par soi, comme espèces de quantité, ce qui est quantité par soi, comme la ligne, la superficie et le corps. Quant aux choses qui sont quantité par autre chose, comme le temps est quantité par le mouvement, le mouvement par la grandeur, le Philosophe les désigne comme des quantités par accident. C’est pourquoi, dans les Prédicaments, le lieu est défini une espèce de quantité, mais non dans la Métaphysique, parce que le lieu a un rapport de mesure différent de la superficie; parce que le lieu extrinsèquement une chose localisée, dans laquelle il n’y a pas de lieu, comme dans un sujet, tandis que la superficie mesure une chose où elle est comme dans un sujet. Or le lieu n’a pas un être différent de la superficie, bien plus, il est la superficie même de la chose qui le renferme, ou l’extrémité, comme il est dit dans le quatrième livre de Physique. Aristote établit dans les Prédicaments une autre division, qui est la même que la précédente. Car avoir des parties corrélatives par position, c’est avoir des parties distinguées, ce qui est constituer un nombre, quoique tout continu n’ait pas des parties corrélatives par position, comme le temps qui est continu matériellement, quoiqu’il soit formellement distinct; car le nombre est un mouvement, comme il est dit dans le quatrième livre de la Physique. Cette position, en effet, diffère de la passion qui est un prédicament, parce que la position qui est prédicament, signifie l’ordre des parties du tout, localisé relativement au lieu. Mais cette position signifie l’ordre des parties existant dans le tout d’une manière corrélative. La seconde différence dans le distinct est le commun et le propre. Or le commun produit le nombre qui est le même pour les hommes, pour les chevaux et pour toutes les choses nombrables. Quoique, en effet, il y ait de la diversité dans le nombre adapté aux diverses choses, il n’y a néanmoins aucune différence dans le nombre formellement. En effet, le nombre qui est distinct en soi peut recevoir formellement une continuité de la chose nombrée, comme le temps du mouvement, l’aune du drap. Le propre, au con traire, fait une locution qui ne peut s’appliquer à plusieurs, mais seulement à la parole proférée dont elle est la mesure conciliante, comme il est dit dans les Prédicaments. Car elle est proférée avec la voix, parce que la même chose est cause et principe du sujet, et de sa passion par soi.

 

CHAPITRE XXI: La qualité

 

Il reste maintenant à dire quelque chose de la qualité, laquelle étant, entre tous les accidents de la quantité, plus près de la substance, puisqu’elle a, comme la substance, une division par soi, doit être étudié suivant l'inesse. Il faut donc parler de la qualité par la nature de son sujet, comme il faut traiter de toute chose inhérente par la nature de la chose à laquelle elle adhère. Or, la chose qui contient la qualité est corporelle ou incorporelle. Si elle est incorporelle, ou elle est facilement transitoire ou difficilement; si c’est facilement, elle est disposition, si c’est difficilement, elle est habitude, quoique ces deux accidents se rencontrent communément dans les choses corporelles, comme dans celles qui sont incorporelles. Car la santé du corps est une certaine habitude et une disposition coordonnée à lui. Pour nous nous ne connaissons rien des passions propres des choses incorporelles, c’est pour cela qu’il est dit dans le livre de l’Âme, que toutes les passions sont du conjoint, et ces choses appartiennent à la première espèce de qualité. Si le sujet de la qualité est corporel, on distingue alors trois autres espèces de qualité. Néanmoins, la seconde espèce de qualité, qui ‘est la puissance ou l’impuissance naturelle, n'est pas comptée par Aristote, parmi les espèces de la qualité, mais il y met une certaine puissance résistant à la passion. Dans les Prédicaments, au contraire, elle se trouve placée à cause de son mode de dénomination qui convient à la qualité, et cela est du ressort du logicien. Aristote parle de la troisième espèce de qualité, dans sa Philosophie transcendante et dans les Prédicaments il y parle aussi de la quatrième. Quant aux autres genres qui Suivent davantage les principes naturels, il en dit peu de chose dans ses Prédicaments il en traite plus au long dans la Physique.

 

CHAPITRE XXII:

 

Après ces considérations sur la nature du genre, il faut examiner comment quelques choses sont dangereuses par soi, mais passent dans un autre genre à raison de quelque adjonction. Il faut donc savoir qu’on peut connaître par la nature du prédicament dans quel genre on doit placer une chose. En effet, l’être se trouvant de diverse manière dans la substance et dans l’accident, conflue il a été dit, par le différent mode d’être importé dans le prédicat auquel l’être est toujours adjoint, on connaîtra facilement le prédicat. Or, il est évident que l’être suit le prédicat par la résolution de chaque verbe. Car le sujet restant le nième après la résolution il s’adjoint un nouveau prédicat, comme, par exemple, si l’on dit l’homme travaille, et que l’on résolve le verbe, homme sera sujet comme devant. Mais ce qui était auparavant prédicat, travaille, c’est être, sera adjoint au prédicat. Car il arrive que l’homme est travaillant Ainsi, relativement à l’homme blanc, puisque blanc indique la qualité de l’être, l’homme blanc, pris dans le prédicat, appartient au genre de qualité. Mais s’il est mis dans le sujet, comme si l’on dit l’homme blanc est homme, puisque on dit qu’il est homme et non blanc, il regardera la substance. 04, la même chose se trouve dans les autres prédicats, comme double, par exemple, s’il indique le sujet ou la chose sujette, la nature de double appartient à la quantité; mais si l’on dit du sujet qu’il est double, comme cette énonciation renferme mi rapport à la moitié, double est dans le genre de relation. Tous ces prédicaments sont dénominatifs, mais la prédication de la seule substance, relativement à ses inférieurs, et de même des autres genres à l’égard de leurs espèces, est univoque. Car animal et homme, couleur et blancheur, ne sont pas différents par l’essence, mais la même chose. En effet, animal est quelque chose de l’homme, comme il a été dit, et couleur de la blancheur, et par conséquent animal se dit de l’homme, et homme de Jacques, en qui toute la nature du genre de la substance se trouve d’une manière univoque et non par une agrégation quelconque, ainsi qu’il en est dans un tas de pierre, ou une bâtisse, ou toute autre réunion dans lesquelles aucune des choses adjointes ne se dit du tout, comme animal se dit de l’homme, et homme de Jacques, mais d’une manière univoque, comme il a été dit, puisque chacune de ces dénominations se dit du tout en qui il n’y a pas de transition à une chose singulière, et c’est pour cela que Platon fixe le repos et le terme de la science aux individus qui sont les objets propres du sens, car le senti ment appartient aux êtres singuliers, qui sont seuls existants par soi dans la nature des choses. Car les substances séparées sont des choses singulières, elles ne sont néanmoins connues que par le seul intellect proportionné à leur nature. Donc, comme les choses qui sont dans le prédicament de la substance peuvent seulement être par soi, et comme aussi dans la substance concordent les substances séparées et matérielles qui sont de fait des suppôts ayant l’être par soi, et comme enfin l’être est l’effet propre et le terme de l’action divine, il s’ensuit qu celles-là aussi bien que celles viennent de Dieu, qui est béni par dessus tout.

 

Ainsi soit-il.

Fin du quarantième Opuscule sur la nature du genre, suivant saint Thomas d’Aquin