Sur
les tromperies, à quelques nobles artistes
par saint Thomas
d'Aquin, Docteur de l'Eglise
(Œuvre probablement
non authentique)
De fallaciis
Traduction par le professeur Yvan Pelletier 1993
Édition numérique, https://www.i-docteurangelique.fr/DocteurAngelique, 2008
Les œuvres complètes de
saint Thomas d'Aquin
Table des matières
Prologue
— Sur la double manière de raisonner, correcte et non correcte
Chapitre
1 — Sur la discussion, son genre
Chapitre
2 — Sur les quatre espèces de discussion
Chapitre
3 — Sur la discussion sophistique
Chapitre
4 — Sur les tromperies, leur genre
Chapitre
5 — Sur la tromperie verbale
Chapitre
6 — Sur la tromperie de l'homonymie
Chapitre
8 — Sur la tromperie de la composition et de la division
Chapitre
9 — Sur la tromperie de l'accent
Chapitre
10 — Sur la tromperie de l'aspect du mot
Chapitre
11 — Sur les tromperies non verbales
Chapitre
12 — Sur la tromperie de l'accident
Chapitre
13 — Sur la tromperie d'une manière et absolument
Chapitre
14 — Sur la tromperie par l'ignorance de la réfutation
Chapitre
15 — Sur la tromperie de la demande du principe
Chapitre
16 — Sur la tromperie du conséquent
Chapitre
17 — Sur la tromperie par la non-cause prise comme cause
Chapitre
18 — Sur la tromperie par l'interrogation multiple prise comme unique
Textum Taurini 1954
editum |
Traduction par le professeur Yvan Pelletier 1993 |
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Prooemium [88070] De fallaciis, tit. Quod duplex est modus ratiocinandi, scilicet rectus et
non rectus |
Prologue — Sur la double manière de raisonner, correcte et non correcte |
[88071] De fallaciis, pr. Quia logica est rationalis scientia, et ad
ratiocinandum inventa; ratiocinari autem contingit recte et non recte:
utrumque enim ad logici considerationem spectat, ut per rectam ratiocinationem
ad rei veram cognitionem perveniat, et falsam ratiocinationem vitando errorem
falsitatis evitet. Uterque ratiocinandi modus competit uni homini, et ad
seipsum et ad alium. Nam et secum aliquis considerans potest recte et non
recte ratiocinari, et cum alio conferens. Sed cum aliquis secum considerans
ratiocinatur non recte, praeter intentionem hoc accidit quia nullus sui
ipsius deceptionem intendit. Cum autem ad alium ratiocinatur non recte,
contingit quandoque ex intentione ratiocinantis, cum scilicet aliquis de
altero intendit vel experimentum sumere, vel victoriam habere ad sui gloriam.
Ratiocinatio autem quae ad seipsum est, syllogismus solum dici potest, sive
aliqua alia species argumentationis. Sed ratiocinatio quae est ad alterum,
non solum est syllogismus vel argumentatio, sed disputatio: vertitur enim
inter duos, scilicet inter opponentem et respondentem. Et ideo de falsis
ratiocinationibus tractaturi, primo a disputatione incipiendum est. |
#634. - La logique est la science rationnelle, découverte, de plus, pour raisonner; par ailleurs, on peut raisonner correctement et non correctement. Aussi, l'un et l'autre relèvent de l'étude du logicien, de sorte qu'on parvienne, avec le raisonnement correct, à la connaissance véritable de quelque chose, et qu'à éviter le raisonnement faux, on évite l'erreur de la fausseté. L'une et l'autre manière de raisonner appartient au même homme, à la fois avec lui-même et avec autrui. Car tant à réfléchir en soi-même qu'à converser avec autrui, on peut raisonner correctement et non correctement. Cependant, raisonner non correctement en réfléchissant en soi-même, cela arrive malgré soi, car personne ne cherche à se tromper soi-même. Mais raisonner non correctement avec autrui, cela arrive parfois avec intention de la part de celui qui fait le raisonnement, s'il cherche à tirer probation d'autrui, ou à avoir victoire sur lui pour sa propre gloire. Le raisonnement dont on use avec soi-même ne peut
s'appeler que syllogisme, ou une autre espèce d'argumentation. Mais le
raisonnement dont on use avec autrui n'est pas seulement un syllogisme ou une
argumentation, c'est aussi une discussion, car il a cours entre deux
[interlocuteurs], en effet, à savoir, entre un attaquant et un répondeur.
C'est pourquoi, au moment de traiter des faux raisonnements, on doit
commencer par la discussion. |
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Caput
1 [88072] De fallaciis, cap. 1 tit. De disputatione in genere |
Chapitre 1 — Sur la discussion, son genre |
[88073] De fallaciis, cap. 1 Disputatio est actus syllogisticus
unius ad alterum ad aliquod propositum ostendendum. Per hoc quod dicitur
actus, tangitur disputationis genus; et per hoc quod dicitur syllogisticus,
tangitur disputationis instrumentum, scilicet syllogismus, sub quo
comprehenduntur omnes aliae species argumentationis et disputationis sicut
imperfectum sub perfecto; et per hoc distinguitur disputatio ab actibus
corporalibus, ut currere vel comedere; et ab actibus voluntariis, ut amare et
odire. Nam per hoc quod dicitur syllogismus ostenditur esse actus rationis,
per hoc autem quod dicitur unius ad alterum tanguntur duae personae
opponentis et respondentis, inter quas vertitur disputatio; etiam hoc additur
ad differentiam ratiocinationis quam habet qui secum ratiocinatur. Per hoc
autem quod dicit ad propositum ostendendum tangitur disputationis effectus,
sive terminus aut finis proximus, et per hoc distinguitur disputatio a
syllogismis exemplaribus, qui non inducuntur ad ostendendum propositum
aliquod, sed ad formam syllogisticam exemplificandam. |
#635. - La discussion est l'acte syllogistique
d'une [personne] face à une autre en vue de montrer un propos. À dire acte,
on touche le genre de la discussion; et à dire syllogistique, on
touche l'instrument de la discussion, à savoir, le syllogisme, sous lequel on
comprend, comme de l'imparfait sous du parfait, toutes les autres espèces
d'argumentation et de discussion. Ainsi, on distingue la discussion des actes
corporels, comme courir ou manger; et des actes volontaires, comme aimer et
haïr. En effet, à dire syllogisme, on montre qu'il s'agit d'un acte de
la raison, et à dire d'une [personne] face à une autre, on touche les
deux personnes de l'attaquant et du répondeur, entre lesquelles a cours la
discussion; on ajoute cela aussi à la différence du raisonnement que tient
celui qui raisonne avec lui-même. Du fait, par ailleurs, de dire pour
montrer un propos, on touche l'effet de la discussion, ou son terme, ou
sa fin prochaine, et on distingue ainsi la discussion des syllogismes
exemplaires, que l'on n'induit pas pour montrer un propos, mais pour
exemplifier une forme syllogistique. |
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Caput
2 [88074] De fallaciis, cap. 2 tit. De quatuor speciebus disputationis |
Chapitre 2 — Sur les quatre espèces de discussion |
[88075] De fallaciis, cap. 2 Disputationis autem quatuor sunt species: scilicet
doctrinalis, dialectica, tentativa et sophistica, quae etiam alio nomine
dicitur litigiosa. Doctrinalis sive demonstrativa est quae ad scientiam
ordinatur, procedens ex primis et veris et per se notis et propriis
principiis illius scientiae de qua fit disputatio; et hoc vertitur inter docentem
et addiscentem. Dialectica vero disputatio etiam est ex probabilibus
procedens, et ad opinionem vel propositum tendens. Probabilia autem dicuntur
quae videntur omnibus aut pluribus vel sapientibus, et his autem omnibus vel
praecipuis et maxime notis. Tentativa autem disputatio est quae ordinatur ad
experimentum sumendum de aliquo per ea quae videntur respondenti. Sophistica
autem est tendens ad gloriam ut sapiens esse videatur: unde dicitur
sophistica quasi apparens sapientia. Et procedit ex his quae videntur esse
vera sive probabilia, et non sunt, vel simpliciter falsas propositiones
assumendo, quae videntur esse verae, vel in virtute falsarum propositionum
argumentando. Logicales enim argumentationes sunt in virtute verarum
propositionum, ex quibus tota virtus argumentationis pendet, sicut ista
argumentatio: Socrates est homo, ergo Socrates est animal, procedit ex
virtute huius propositionis: de quocumque praedicatur species, et genus: quae
est simpliciter vera. Sophistice sic argumentatur: Socrates est animal, ergo
est homo, quae in virtute huius propositionis falsae procedit: de quocumque
praedicatur genus, et species. |
#636. - Il y a quatre espèces de discussion : la didactique, la dialectique, la probative et la sophistique, que l'on appelle aussi d'un autre nom : la litigieuse. La didactique, ou démonstrative, c'est celle qui sert à la science; elle procède de principes premiers, vrais, connus par soi, et propres à la science dont la discussion touche le propos; et elle a cours entre maître et disciple. La dialectique, ensuite, est encore une discussion; elle procède de [principes] probables, et vise à une opinion, ou propos. On appelle probable, par ailleurs, ce dont tous, ou la plupart, ou les sages sont d'avis, et, parmi ces derniers, tous, ou les principaux et les plus connus. La probative, ensuite, c'est la discussion qui sert à mettre [quelqu'un] à l'épreuve sur un [sujet] en usant de l'avis qu'il donne en répondant. La sophistique, enfin, c'est celle qui vise à la gloire, de manière à donner l'air d'un sage; c'est pour cela qu'on l'appelle sophistique, c'est-à-dire, sagesse apparente. Elle procède de ce qui a l'air d'être vrai ou probable, mais ne l'est pas, soit, de manière absolue, en assumant des propositions fausses qui ont l'air d'être vraies, soit en argumentant sur la force de propositions fausses[1]. Les argumentations logiques, en effet, se fondent sur la force de propositions vraies, auxquelles tient toute la force de l'argumentation, comme cette argumentation : ‘Socrate est homme, donc, Socrate est animal’ s'appuie sur la force de cette proposition : «À quoi s'attribue l'espèce, le genre aussi», qui est absolument vraie. On argumente sophistiquement ainsi : ‘Socrate est animal, donc, il est homme’, et ceci sur la force de cette proposition fausse : «À quoi s'attribue le genre, l'espèce aussi.» |
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Caput
3 [88076] De fallaciis, cap. 3 tit. De disputatione sophistica |
Chapitre 3 — Sur la discussion sophistique |
[88077] De fallaciis, cap. 3 Relictis aliis disputationibus, ad praesens de his quae
ad sophisticam pertinent intendimus. Quia vero sophistica, ut dictum est, ad
gloriam tendit, volens sapiens videri: hoc autem assequi studet per hoc quod
de adversario cum quo disputat victoriam habeat apparentem: quod quidem fit,
cum ipsum ad aliquod inconveniens ducat: ideo terminus disputationis
sophisticae est aliquod inconveniens, ad quod sophista ducere nititur
respondentem, et hoc dicitur meta, idest finis vel terminus. Unde de duobus
oportet tractare: primo de huiusmodi metis; secundo de modis argumentandi
quibus sophistae nituntur ad metas ducere respondentem. Sunt autem metae
quinque: scilicet redargutio, falsum, inopinabile, soloecismus et nugatio.
Redargutio est praenegati concessio, vel praeconcessi negatio in eadem
disputatione vi argumentationis factae; ut si respondens negaverit se carnes
crudas comedisse, sophistice contra arguat sic. Quicquid emisti comedisti;
carnes crudas emisti: ergo carnes crudas comedisti. Si vi huiusmodi
argumentationis respondens concedat quod prius negaverit, est redargutus: et
talis modus argumentandi dicitur elenchus, si bonus sit syllogismus: vel
dicitur apparens elenchus si videatur et non sit aut syllogismus, aut
contradictio. Est enim elenchus syllogismus contradictionis. Si autem non in
eadem disputatione, vel vi argumenti, sed propria voluntate aliquis negat
concessum, vel concedat negatum, non est redargutio. Falsum autem, secundum
quod hic sumitur, est aliquod manifestum falsum, vel concessio alicuius
manifeste falsi, quod respondens concedere cogitur vi sophisticae
argumentationis; sicut hic: omnis canis est latrabilis. Caeleste sidus est
canis. Ergo caeleste sidus est latrabile. Inopinabile est quod est contra
communem opinionem omnium, vel plurium, quod tamen non est falsum. Differt
autem a falso, quia omne falsum est inopinabile, sed non convertitur: quia
aliquid est contra opinionem communem, quod tamen non est falsum, erit tamen
inopinabile, sicut stellam esse maiorem terra, et aliquem regem divitem et
felicem esse miserum et infelicem et infortunatum, si ipse sit victus. Ad
quod potest sophistice sic aliquis duci. Quemcumque contingit ab aliquo
vinci, est infelix, quia ille qui vincitur est infelix. Sed regem contingit
ab hoste vinci, ergo est infelix. Soloecismus est vitium in contextu partium
orationis contra regulas artis grammaticae factum, ut vir alba et homines
currit; et ad hoc potest aliquis sic sophistice duci: tu scis hoc. Hoc autem
est lapis. Ergo tu scis lapis, quod grammatice non dicitur. Nugatio autem est
eiusdem rei ex eadem parte inutilis repetitio, ut homo homo currit. Dico
autem ex eadem parte, quia si ponatur idem in subiecto et in praedicato, non
erit nugatio, ut hic homo est homo. Inutilis autem repetitio dicitur, quia si
idem repetatur ad maiorem expressionem non erit nugatio, ut cum dicitur, Deus
Deus meus respice in me. Ad hoc potest aliquis sic duci sophistice: iste
nasus est nasus simus. Sed simus idem est quod nasus simus. Igitur iste nasus
est nasus nasus simus. Et est sciendum quod ista inconvenientia respiciunt
diversas scientias. Nam redargutio est contra metaphysicam, ad quam pertinet
consideratio huius primi principii. Contradictoria non sunt simul vera.
Falsum vero est contra scientiam naturalem, quae considerat res sensibiles,
in quibus veritas et falsitas est manifesta; et similiter contra
mathematicam, in qua est maxima certitudo. Inopinabile vero est contra
dialecticam, quae procedit ex probabilibus quae sunt secundum opinionem
omnium vel plurium sapientum. Soloecismus est contra grammaticam. Nugatio est
contra rhetoricam, cuius est ornate loqui. Et sic dum in scientiis singulis
ad inconveniens sophista ducit respondentem, apparet circa omnia sciens esse. |
#637. - Laissant de côté les autres discussions, nous nous intéressons à présent à ce qui touche à la sophistique. Comme on l'a dit, donc, la sophistique vise à la gloire, et veut avoir l'air sage; en outre, elle s'étudie à y parvenir en obtenant une victoire apparente sur l'adversaire avec lequel elle discute, ce qui se produit, certes, lorsqu'elle le conduit à un inconvénient; c'est pourquoi le terme de la discussion sophistique est un inconvénient auquel le sophiste cherche à conduire son répondeur. Cela, on l'appelle son but, c'est-à-dire, sa fin ou son terme. Aussi faut-il traiter de deux [points] : en premier, des buts de cette sorte; en second, des manières d'argumenter avec lesquels les sophistes cherchent à conduire leur répondeur à [ces] buts. #638. - Il y a cinq de ces buts : la réfutation, le faux, l'invraisemblable, le solécisme et le verbiage. La réfutation est, par la force de l'argumentation produite, la concession d'une chose d'abord niée, ou la négation d'une chose d'abord concédée dans la même discussion. Par exemple, si le répondeur avait nié avoir mangé des viandes crues, on argumentera sophistiquement contre lui de la manière suivante : ‘C'est ce que tu as acheté que tu as mangé; or ce sont des viandes crues que tu as achetées; donc, ce sont des viandes crues tu as mangées. Si, par la force d'une argumentation de la sorte, le répondeur concède ce qu'il avait nié auparavant, il se trouve réfuté. On appelle pareille manière d'argumenter une réfutation, si le syllogisme est bon, ou une réfutation apparente, si elle paraît, mais n'est pas de fait, un syllogisme ou une contradiction. La réfutation est, en effet, le syllogisme[2] d'une contradiction. Si toutefois ce n'est pas dans la même discussion, ou par la force de l'argument, mais de sa propre volonté, que l'on nie ce que l'on a concédé, ou concède ce que l'on a nié, il n'y a pas réfutation. #639. - Le faux[3], ensuite, comme on le prend ici, est une fausseté manifeste, ou la concession d'une fausseté manifeste, que le répondeur est forcé à concéder par la force de l'argumentation sophistique, comme, par exemple : ‘Tout chien aboie; telle constellation céleste est chien; donc, telle constellation céleste aboie.’ #640. - L'invraisemblable, c'est ce qui va contre l'opinion commune à tous, ou à la plupart, mais ce n'est pas le faux. Il diffère du faux, du fait que tout faux est invraisemblable3, mais que cela ne se convertit pas. Car telle chose va contre l'opinion commune, qui n'est pas du faux mais sera pourtant invraisemblable, comme qu'une étoile est plus grande que la terre, et qu'un roi riche et heureux soit misérable et malheureux et infortuné[4]. À quoi on peut être conduit de manière sophistique, de la façon suivante : ‘Quiconque à qui il arrive d'être vaincu par un autre est malheureux, car quiconque est vaincu est malheureux; or il arrive à un roi d'être vaincu par son ennemi; donc, il est malheureux.’ #641. - Le solécisme est un vice dans le tissu des parties d'un énoncé construit en contrariété avec les règles de l'art de la grammaire. Par exemple : ‘Un homme blanche’ et ‘Des hommes court’. On peut y être conduit sophistiquement de la manière suivante : ‘Tu connais cela; or cela est une pierre; donc, tu connais une pierre[5]’, ce qui, d'après la grammaire, ne se dit pas. #642. - Le verbiage, enfin, est la répétition inutile de la même chose dans la même partie, par exemple : ‘L'homme homme court’. Je dis, d'ailleurs, dans la même partie, parce que si l'on met la même chose dans le sujet et dans l'attribut, il n'y aura pas verbiage, par exemple : ‘Cet homme est un homme.’ Et on dit répétition inutile, parce que si on répète la même chose pour majorer l'expression, il n'y aura pas verbiage, par exemple : ‘Dieu, mon Dieu, regarde-moi!’ On peut y être conduit sophistiquement de la manière suivante : ‘Ce nez est un nez camus; or, le camus, c'est la même chose que le nez camus; donc, ce nez est un nez camus.’ #643. - On doit savoir que ces inconvénients
regardent différentes sciences. En effet, la réfutation va contre la
métaphysique, à laquelle appartient la considération de ce premier principe :
les contradictoires ne sont pas vrais ensemble. Le faux, lui, va contre la
science naturelle, qui considère les choses sensibles, dans lesquelles la
vérité et la fausseté est manifeste; et pareillement contre la mathématique,
dans laquelle il y a le plus de certitude. L'invraisemblable, ensuite, va
contre la dialectique, qui procède de [propositions] probables, en accord à
l'opinion de tous ou de la plupart ou des sages. Le solécisme va contre la
grammaire. Le verbiage va contre la rhétorique, à laquelle il appartient de
parler avec élégance. Ainsi, comme le sophiste conduit son répondeur à un
inconvénient dans chacune des sciences, il paraît savant sur tout. |
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Caput
4 [88078] De fallaciis, cap. 4 tit. De fallaciis in genere |
Chapitre 4 — Sur les tromperies, leur genre |
[88079] De fallaciis, cap. 4 Nunc restat videre de modis argumentationum, quibus ad
praedicta inconvenientia sophista nititur ducere respondentem. Est autem
sciendum quod, sicut argumentatio dialectica firmitatem habet ex loco vero,
ita argumentatio sophistica apparentem firmitatem habet ex loco apparenti.
Locus autem verus firmitatem dialecticae argumentationis praestans, est
habitudo inferentis ad illatam, quae dicitur maxima, vel differentia maximae,
ut genus, species, totum et pars: ex quorum habitudine veritas maximae
propositionis oritur, super quam fundatur veritas dialectici argumenti: sicut
ex habitudine speciei ad genus sumitur haec maxima de quocumque praedicatur
species, et genus, ex qua hoc argumentum formatur: Socrates est homo; igitur
Socrates est animal. Et similiter locus sophisticus consistit in habitudine
inferentis ad illatam, ex qua sumitur aliqua falsa propositio, sed apparens
vera, secundum quam procedit sophisticum argumentum, sicut cum dicitur:
cognosco venientem. Coriscus est veniens. Ergo cognosco Coriscum. Hic enim
proceditur ab accidente ad subiectum, scilicet a veniente ad Coriscum,
secundum virtutem huius maximae: quicquid est verum de accidente, et de
subiecto; quae quidem maxima falsa est propter diversitatem accidentis et
subiecti; videtur tamen vera propter convenientiam utriusque. Unde ad
praedictum locum sophisticum duo concurrunt: unum quod est causa apparentiae,
quod facit argumentum apparere bonum, et dicitur etiam principium motivum,
quia movet hominem ad hoc ut argumento sophistico assentiat: et hoc est in
praedicto argumento unio accidentis ad subiectum; aliud est principium defectus,
quia scilicet facit defectum necessitatis in argumento: et vocatur etiam
causa non existentiae, quae in praedicto argumento est diversitas subiecti et
accidentis. Ex his autem duobus contingit hominem falli: quia scilicet
apparet aliquid et non est. Unde locus sophisticus alio nomine fallacia
dicitur, quia scilicet est causa fallendi quantum est de se, licet aliquis
non fallatur per ipsum in actu, nisi ignorantia adveniente. Sicut autem loci
dialectici distinguuntur penes diversas habitudines, ex quibus maxime
causatur firmitas argumenti et argumenta ipsa sumuntur; ita et loci
sophistici sive fallaciae distinguuntur penes principia motiva, ex quibus
apparet esse firmitas in sophisticis argumentis. Hoc autem contingit
dupliciter. Uno quidem modo ex parte vocis, quando propter unitatem vocis
creditur esse unitas rei per vocem significatae; sicut illa quae per nomen
canis significantur, unum esse videntur, quia hoc nomen canis est unum. Alio
modo ex parte rei: ex eo scilicet quod aliquae res quae aliquo modo conveniunt
simpliciter unum esse videntur, sicut supra dictum est de subiecto et
accidente. |
#644. - Il reste maintenant à voir les modalités des argumentations avec lesquelles le sophiste cherche à conduire son répondeur aux inconvénients dont nous avons parlé. On doit savoir que, de même que l'argumentation dialectique tient sa fermeté d'un lieu véritable, de même l'argumentation sophistique tient sa fermeté apparente d'un lieu apparent. Or le lieu véritable, qui garantit la fermeté de l'argumentation dialectique, c'est la relation de l'inférant à l'inféré; on l'on appelle maxime, ou différence de la maxime, par exemple : genre, espèce, tout et partie. C'est de leur relation que la vérité de la proposition maxime ressort, et sur cette dernière se fonde la vérité de l'argument dialectique. Par exemple, de la relation de l'espèce au genre, on tire cette maxime : «À quoi s'attribue l'espèce, le genre aussi», en partant de laquelle on forme cet argument : ‘Socrate est homme; donc, Socrate est animal.’ De manière semblable, le lieu sophistique consiste en une relation d'inférant à inféré, à partir de laquelle on tire une proposition fausse, mais en apparence vraie, en accord avec laquelle procède l'argument sophistique, comme lorsque l'on dit : ‘Coriscos s'en vient, et je connais qu'il s'en vient; donc, je connais Coriscos’. Ici, en effet, on procède de l'accident au sujet, à savoir, du fait qu'il vient à Coriscos, sur la force de cette maxime : «Tout ce qui est vrai de l'accident l'est aussi du sujet.» Or cette maxime est fausse, à cause de la différence entre accident et sujet; mais elle paraît vraie, à cause du lien6 entre l'un et l'autre. #645. - Ainsi, au lieu sophistique dont nous avons parlé, deux [éléments] concourent. L'un, ce qui est la cause de l'apparence, ce qui fait que l'argument paraît bon; on l'appelle aussi principe moteur, car il meut à ce que l'on adhère à l'argument sophistique. Dans l'argument que nous avons présenté, c'est l'union de l'accident et du sujet. L'autre, c'est le principe du défaut, car il produit un défaut de nécessité dans l'argument; on l'appelle aussi cause de la non-existence, et, dans l'argument que nous avons présenté, c'est la différence entre sujet et accident. C'est à partir de ces deux [éléments] que l'on peut se tromper : qu'une chose paraît être et qu'elle n'est pas. Aussi le lieu sophistique est-il appelé d'un autre nom, tromperie, car il est quant à soi une cause que l'on se trompe, bien qu'on ne se trompe de fait à cause de lui qu'en cas d'ignorance. #646. - En outre, de même que les lieux
dialectiques se distinguent en regard de différentes relations dont, surtout,
la fermeté de l'argument tire sa cause et dont les arguments eux-mêmes sont
tirés, de même aussi les lieux sophistiques ou tromperies se distinguent en
regard de principes moteurs dont paraît procéder la fermeté dans les
arguments sophistiques. Cela peut se faire de deux manières, cependant. D'une
manière, à partir de la parole[6],
quand, à cause de l'unité de la parole, on croit qu'il y a unité de la chose
signifiée par la parole. Par exemple, ce que l'on signifie par le nom chien
paraît être unique, car le nom chien est unique. D'une autre
manière, à partir de la chose, du fait que certaines choses qui se
ressemblent d'une certaine manière paraissent être unes de manière absolue,
comme on l'a dit plus haut du sujet et de son accident. |
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Caput
5 [88080] De fallaciis, cap. 5 tit. De fallacia in dictione |
Chapitre 5 — Sur la tromperie verbale |
[88081] De fallaciis, cap. 5 Locorum igitur sophisticorum sive fallaciarum quaedam
sunt in dictione, quaedam extra dictionem. In dictione quidem locus
sophisticus sive fallacia est, quando principium motivum sive causa
apparentiae est ex parte vocis; extra dictionem vero quando est ex parte rei.
Ex parte autem vocis est principium motivum sive causa apparentiae ex eo quod
una vox multa significat: quod contingit per multiplicationem vocum. Est
autem multiplex triplex: scilicet actuale, potentiale, et phantasticum.
Actuale est quando una vox in nullo variata multa significat: et hoc si sit
in una dictione, dicitur aequivocatio, ut in hoc nomine canis, pro latrabili,
caelesti sidere, et pro pisce marino; si in oratione, dicitur amphibologia,
ut liber Aristotelis, idest ab Aristotele factus vel possessus. Multiplex potentiale
est, quando una vox aliquo modo secundum prolationem variata multa
significat: quod quidem est in dictione secundum accentum, ut pendere,
secundum quod gravi vel acuto accentu profertur, multa significat. In
oratione vero est secundum compositionem et divisionem, ut: duo et tria sunt
quinque: haec enim oratio diversa significat composite vel divisim prolata.
Phantasticum vero, idest apparens multiplex, est quando una dictio secundum
rei veritatem unum significat et videtur etiam aliquid aliud significare:
sicut hoc nomen homo significat quale et quid et videtur significare hoc
aliquid, ut dicitur in praedicamentis; et dicitur figura dictionis, quasi
dictionis similitudo. Sunt igitur loci sophistici in dictione sex: scilicet
aequivocatio, amphibologia, accentus, compositio, divisio, et figura
dictionis. |
#647. - Parmi les lieux sophistiques ou les tromperies, donc, il y en a de verbales[7], et d'autres non verbales. Le lieu sophistique, ou tromperie, est verbal, quand le principe moteur ou la cause de l'apparence tient à la parole; il est non verbal, inversement, quand il tient à la chose. Le principe moteur ou la cause de l'apparence tient à la parole, par ailleurs, pour autant qu'une parole signifie plusieurs choses, ce qui est rendu possible par la multiplicité inhérente aux paroles. Or cette multiplicité se présente de trois manières, comme actuelle, potentielle et imaginaire. Elle se présente comme actuelle, quand une parole, sans la changer du tout, signifie plusieurs choses. S'il s'agit d'un seul mot, on parle d'homonymie, par exemple : le nom chien, aux sens de capable d'aboyer, de constellation céleste, et au sens de poisson marin; s'il s'agit d'une phrase[8], on parle d'amphibolie, par exemple : le livre d'Aristote, c'est-à-dire, fait ou possédé par Aristote. La multiplicité est potentielle, quand une parole, avec le changement de sa prononciation, signifie plusieurs choses différentes. On trouve cela, certes, dans un mot, au regard de son accent; par exemple, pendere[9], selon qu'on le dit avec un accent grave ou aigu, signifie plusieurs choses. On le trouve aussi dans une phrase, au regard de sa composition et de sa division; par exemple : ‘Deux et trois font cinq’, car cette phrase signifie des choses différentes, dite en composition ou en division. Il est imaginaire, enfin, c'est-à-dire, multiple en apparence, quand un mot signifie en réalité une seule chose, mais paraît signifier aussi autre chose. Par exemple, le nom homme signifie la qualité et l'essence, mais paraît signifier tel individu, comme il est dit dans les Attributions[10]. On parle alors de l'aspect[11] du mot, comme d'une ressemblance[12] du mot [avec un autre]. Il y a donc six lieux sophistiques verbaux, à savoir, l'homonymie, l'amphibolie, l'accent, la composition, la division, et l'aspect du mot. L'homonymie est la signification différente d'un seul et même nom. La tromperie de l'homonymie, quant à elle, est une erreur qui provient de ce qu'un nom unique signifie plusieurs choses. Le principe moteur de cette tromperie, ou cause de l'apparence dans l'homonymie, est l'unité d'un mot absolument le même, ce que l'on dit à la différence de l'accent, où il n'y a pas de manière absolue un seul mot, mais seulement en puissance. Tandis que le principe moteur de la non-existence, ou du défaut, est la différence entre les choses signifiées. |
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Caput
6 [88082] De fallaciis, cap. 6 tit. De fallacia aequivocationis |
Chapitre 6 — Sur la tromperie de l'homonymie |
[88083] De fallaciis, cap. 6 Primo igitur est dicendum de aequivocatione. Est autem
aequivocatio unius et eiusdem nominis diversa significatio; fallacia autem
aequivocationis est deceptio proveniens ex eo quod unum nomen plura
significat. Principium autem motivum huius fallaciae, sive causa apparentiae
in aequivocatione est unitas dictionis eiusdem simpliciter; quod dicitur ad
differentiam accentus, in quo non est dictio una simpliciter, sed solum in
potentia. Principium autem motivum non existentiae, sive defectus, est
diversitas rerum significatarum. Species autem sive modi aequivocationis sunt
tres. Prima species est quando una dictio principaliter plura significat: ut
hoc nomen canis principaliter significat latrabile animal et marinam belluam
et caeleste sidus; et formatur sic paralogismus, idest apparens syllogismus:
omnis canis est latrabilis. Caeleste sidus est canis. Igitur caeleste sidus
est latrabile. Sed non sequitur: quia hoc nomen canis aliud significat in
prima et aliud in secunda, secundum quod utraque accipitur vera; et sic non
est verus syllogismus, cum non sit idem terminus medius. Si autem accipiatur
ut idem significans in utraque, sic altera praemissarum est falsa. Sicut
autem oportet in syllogismo idem medium bis sumi in praemissis, ita oportet
duas extremitates bis sumi in syllogismo, in praemissis scilicet semel, et
semel in conclusione: unde eadem ratione potest fieri paralogismus, si sit
aequivocatio in altera extremitatum, ut: grammatici discunt. Et grammatici
sunt scientes. Igitur scientes discunt; discere enim aequivocum est. Nam uno
modo discere idem est quod intelligere docentem; et sic, scientes discunt.
Alio modo idem est quod accipere scientiam ab aliquo; et sic scientes non
discunt. Secunda species est quando unum nomen principaliter unum significat,
et aliud metaphorice sive transumptive: sicut hoc verbum ridere principaliter
significat actum hominis proprium; metaphorice autem sive transumptive
significat prati floritionem. Et formatur sic paralogismus: quidquid ridet,
habet os. Pratum ridet. Ergo pratum habet os; vel sic: quidquid currit, habet
pedes. Tiber currit. Igitur Tiber habet pedes. Non sequitur: quia ridet et
currit primo sumuntur proprie, et postea transumptive. Et ad hanc speciem
reducitur multiplicitas nominum analogorum quae dicuntur de pluribus secundum
prius et posterius: sicut sanum dicitur aliquando de animali, urina et
diaeta. Et formatur paralogismus sic: omne sanum habet vitam. Sed urina est
sana. Ergo urina habet vitam. Non sequitur: quia sanum primo sumitur pro eo
quod principaliter significat, scilicet habere sanitatem, secundo pro eo quod
posterius significat, scilicet pro signante sanitatem. Ad hanc etiam
speciem reducitur multiplicitas praepositionum: quia praepositio unam habet
habitudinem per prius, et aliam per posterius. Et formatur sic paralogismus: in quocumque est sanitas, illud est
animal. Sed
sanitas est in humorum adaequatione. Ergo humorum adaequatio est animal. Non
sequitur: quia haec praepositio in primo designabat habitudinem accidentis ad
subiectum, secundo habitudinem effectus ad causam. Tertia species est quae
provenit ex diversa consignificatione, quae quidem attenditur circa
accidentia partium orationis sicut secundum tempus, numerum, genus, personam
et similia. Et sic formatur paralogismus:
quicumque surgebat, stat. Sedens surgebat. Ergo sedens stat. Non sequitur:
quia sedens in minori propositione sumebatur ut est praeteriti temporis
imperfecti, in conclusione secundum quod est temporis praesentis. Quicumque
sanabitur, sanus est. Laborans sanabitur. Igitur laborans sanus est. Minor et
conclusio sunt duplices: quia hoc participium laborans significat tempus
praesens et praeteritum imperfectum; unde significat laborantem tunc, et nunc
laborantem; et ideo si teneretur pro laborante, tunc minor est falsa, quia
simul esset sanus et laborans, quod falsum est. Si autem teneatur pro laborante
nunc, vera est, quia potest esse nunc laborans, et tunc poterat esse sanus:
et e converso de conclusione. |
#648. - On doit donc parler en premier de l'homonymie. #649. - Il y a, par ailleurs, trois espèces ou modalités de l'homonymie. La première espèce, c'est quand un mot compte plusieurs significations principales. Par exemple, le nom chien présente à la fois, comme significations principales, l'animal qui jappe, la bête marine et la constellation céleste. On forme le paralogisme, c'est-à-dire, le syllogisme apparent, de la manière suivante : ‘Tout chien jappe; la constellation céleste est chien; donc, la constellation céleste jappe.’ Mais cela ne suit pas, car le nom chien signifie autre chose dans la première [prémisse] et autre chose dans la seconde, pour autant que l'une et l'autre est prise [en ce qu'elle est] vraie. Ainsi, il n'y a pas de véritable syllogisme, puisque le moyen terme ne reste pas le même. Par contre, si on le prend pour autant qu'il signifie la même chose dans l'une et l'autre, alors l'une des prémisses est fausse. De même qu'il faut, dans un syllogisme, prendre le même moyen deux fois dans les prémisses, il faut, de même, prendre deux fois les deux extrêmes dans le syllogisme, à savoir, une fois dans les prémisses, et une fois dans la conclusion. Aussi, pour la même raison, on peut produire un paralogisme, s'il y a homonymie quant à l'un des extrêmes. Par exemple : ‘Les grammairiens apprennent; et les grammairiens sont gens qui savent; donc, ce sont ceux qui savent qui apprennent.’ C'est qu'apprendre est homonyme. Car, en un sens, apprendre est la chose même que l'on comprend par enseigner; et en cela, ce sont ceux qui savent qui apprennent. En l'autre sens, c'est la même chose que de recevoir la science d'un autre; et en cela, ce ne sont pas ceux qui savent qui apprennent. #650. - La seconde espèce, c'est quand un nom compte une seule signification principale, mais en présente une autre par métaphore ou métalepse. Par exemple, le verbe rire signifie principalement un acte propre à l'homme; mais, par métaphore ou métalepse, il signifie, pour le pré, le fait de fleurir. On forme le paralogisme de la manière suivante : ‘Tout ce qui est riant a une bouche; le pré est riant; donc, le pré a une bouche.’ Ou de la manière suivante : ‘Tout ce qui court a des pieds; le Tibre court; donc, le Tibre a des pieds.’ Cela ne suit pas, car est riant et court sont d'abord pris proprement, et ensuite par métalepse. C'est à cette espèce que se réduit la multiplicité des noms analogiques que l'on attribue à plusieurs choses selon un ordre. Par exemple, sain se dit selon le cas de l'animal, de l'urine et de la diète. On forme aussi le paralogisme de la manière suivante : ‘Tout ce qui est sain est un vivant; l'urine est saine; donc, l'urine est un vivant.’ Mais cela ne suit pas, car sain est pris en premier pour sa signification principale, à savoir, d'avoir la santé, et en second pour sa signification seconde, à savoir, pour ce qui est signe de la santé. C'est aussi à cette espèce que se réduit la multiplicité des prépositions, car la préposition a une relation en premier, et une autre par après. On forme aussi le paralogisme de la manière suivante : ‘Tout ce en quoi il y a santé est un animal; or la réside santé en l'adéquation des humeurs; donc, l'adéquation des humeurs est un animal’. Cela ne suit pas, car la préposition en désigne d'abord la relation de l'accident à son sujet, et en second la relation de l'effet à sa cause. #651. - La troisième espèce, c'est celle qui
provient d'une consignification différente, laquelle, bien sûr, s'attend
quant à des accidents des parties de la phrase, par exemple, d'après le
temps, le 11 nombre, le genre, la
personne et autres semblables. On forme aussi le paralogisme de la manière
suivante : ‘Quiconque s'est levé se tient debout; or telle personne assise
s'est levée; donc, telle personne assise se tient debout.’ Cela ne suit pas,
car, dans la proposition mineure, on a pris personne assise comme
appartenant au temps passé imparfait et, dans la conclusion, comme appartenant
au temps présent. - Pareillement : ‘Quiconque a guéri[13]
est en santé; tel malade a guéri; donc, tel malade est en santé.’ La mineure
et la conclusion sont doubles, car l'adjectif malade signifie au temps
présent et au passé imparfait; aussi signifie-t-il celui qui était malade
auparavant et celui qui est malade maintenant; c'est pourquoi, si on le tient
pour malade [maintenant], la mineure est fausse, parce qu'il serait en même
temps en santé et malade, ce qui est faux. Tandis que si on le tient pour
malade auparavant[14],
elle est vraie, car il peut avoir été malade auparavant, et être maintenant
en santé. Et inversement pour la conclusion. |
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Caput
7 [88084] De fallaciis, cap. 7 tit. De amphibologia |
Chapitre 7 — Sur l'amphibolie |
[88085] De fallaciis, cap. 7 Sequitur videre de amphibologia. Sicut autem
aequivocatio provenit ex eo quod dictio penitus eadem plura significat, sic
amphibologia ex eo quod una oratio penitus eadem plura significat, unde
dicitur amphibologia ab amphi quod est dubium, et bole quod est sententia, et
logos quod est sermo, quasi dubia sententia sermonis. Fallacia autem
amphibologiae est deceptio proveniens ex eo quod una oratio penitus eadem
plura significat: et dico penitus eadem ad differentiam orationis quae
composita et divisa plura significat. Causa apparentiae sive principium
motivum amphibologiae est unitas orationis plura significantis; causa vero
non existentiae sive principium defectus est diversitas significationis.
Species autem amphibologiae sunt tres. Prima species provenit ex eo quod una
oratio principaliter plura significat manente eadem constructione, propter
diversam habitudinem constructorum: sicut haec oratio liber Aristotelis plura
significat, si semper istae duae dictiones construantur eodem modo; sed tamen
propter diversam habitudinem diversa significant. Potest autem intelligi
secundum habitudinem effectus ad causam, vel possessi ad possidentem, et
formatur sic paralogismus: quidquid est Aristotelis, possidetur ab
Aristotele. Iste liber est Aristotelis. Ergo possidetur ab Aristotele. Non
sequitur, quia primo construebatur nominativus cum genitivo in habitudine
possessionis ad possidentem, secundo in habitudine effectus ad causam.
Secunda species provenit ex eo quod una oratio plura significat propter diversam
ordinationem partium, ex eo quod aliqua dictio potest construi cum alia
transitive vel intransitive, sicut hic: quidquid videt aliquis, hoc videt.
Sed columnam videt. Ergo columna videt. Non sequitur, quia haec dictio hoc
construitur cum hoc verbo, videt, transitive, et est accusativi casus; et sic
est vera, et est sensus: qui videt rem aliquam, est videns eam. Alio modo
potest construi intransitive, et tunc est nominativi casus, et tunc est
falsa, et est sensus: qui videt rem unam, illa res videt: et sic procedit
conclusio. Et similiter hic: quoscumque volo me accipere, volo quod ipsi
recipiant me. Sed pugnantes volo me accipere. Ergo volo quod ipsi recipiant
me. Non sequitur: quia me potest construi cum hoc verbo accipere transitive
et intransitive; et in uno sensu est vera, et in alio falsa. Similiter hic:
quicumque sunt episcopi, sunt sacerdotes. Isti asini sunt episcopi. Ergo isti
asini sunt sacerdotes. Non sequitur: quia minor est duplex, ex eo quod
episcopi potest esse nominativi casus et construi intransitive, et sic est
falsa; vel potest construi transitive, et sic est genitivi casus et est vera.
Et est attendendum quod diversitas casuum pertinet ad fallaciam
amphibologiae, quia casus accidunt dictioni secundum quod construitur cum
alia dictione; diversitas vero aliorum accidentium pertinet ad
aequivocationem, quia alia accidentia accidunt dictioni secundum quod in se
consideratur. Tertia species est quando una oratio principaliter significat
unum, et aliud metaphorice sive transumptive, sicut haec oratio: littus
aratur, principaliter significat littoris scissuram, transumptive vero operis
amissionem. Et formatur sic paralogismus: quandocumque littus aratur, tunc
terra scinditur. Sed quando indocibilis docetur, littus aratur: ergo quando
indocibilis docetur, terra scinditur. Non sequitur propter multiplicitatem
praedictam. |
#652. - On continue en voyant l'amphibolie. Comme l'homonymie provient de ce que le mot, tout en restant le même, a plusieurs significations, de même l'amphibolie [provient] de ce qu'une locution, tout en restant la même, a plusieurs significations. Aussi, on dit amphibologie[15] d'amphi, qui signifie doute, et de bole, qui signifie sens, et de logos, qui signifie locution[16], au sens de sens douteux d'une locution. La tromperie par amphibolie, quant à elle, est une erreur qui provient de ce qu'une phrase, tout en restant la même, a plusieurs significations; et je dis tout en restant la même pour marquer la différence avec la phrase qui a plusieurs significations selon qu'on la compose et la divise. La cause de l'apparence, ou principe moteur de l'amphibolie, est l'unité de la phrase qui a plusieurs significations, tandis que la cause de la non-existence, ou principe du défaut, est la diversité de signification. #653. - Il y a, par ailleurs, trois espèces d'amphibolie. La première espèce provient de ce qu'une phrase, avec une construction qui demeure la même, a plusieurs significations principales, à cause d'une relation différente entre les éléments de sa construction[17]. Par exemple, la locution livre d'Aristote a plusieurs significations, [même] si les deux mots sont toujours construits de la même manière; seulement, à cause d'une relation différente, ils ont des significations différentes. On peut les comprendre selon une relation d'effet à cause, ou de possédé à possédant, et on forme le paralogisme de la manière suivante : ‘Tout ce qui est d'Aristote est possédé par Aristote; tel livre est d'Aristote; donc, il est possédé par Aristote.’ Cela ne suit pas, car on construisait en premier un nom avec son complément dans la relation de possession à possédant, et [on les construit] en second dans la relation d'effet à cause. #654. - La seconde espèce provient de ce qu'une phrase a plusieurs significations[18] à cause d'une ordonnance différente des parties, du fait qu'un mot peut se construire avec un autre à titre d'objet ou autrement[19], comme ici : ‘Ce à quoi il est possible de voir a la vue; or il est possible, pour un sculpteur, de voir à telle colonne; donc, cette colonne a la vue’[20]. Cela ne suit pas, car le mot quoi se construit avec le verbe voir à titre de sujet, et de cette façon, [la phrase] est vraie, et son sens est : ‘Celui qui peut voir a la vue.’ Mais on peut, d'une autre manière, construire [ce mot] à titre d'objet indirect, et alors [la phrase] est fausse, et son sens est : ‘Ce à quoi on peut voir a la vue’. C'est de cette façon que procède la conclusion. - Pareillement : ‘Ceux que l'on veut faire vaincre, on veut qu'ils soient vaincus; or tu veux faire vaincre ton pays; donc, tu veux que ton pays soit vaincu.’[21] Cela ne suit pas, car ceux que peut se construire avec le verbe vaincre à titre d'objet ou de sujet; en un sens, [la phrase] est vraie, et en l'autre, fausse. - Pareillement : ‘L'argent à Pierre ne m'appartient pas et je ne peux prêter ce qui ne m'appartient pas; donc, je ne peux prêter de l'argent à Pierre.’[22] Cela ne suit pas : la conclusion est double, du fait que Pierre peut se construire à titre d'‘objet indirect’, et alors elle est fausse; ou il peut se construire à titre de ‘complément de nom’, et alors elle est vraie. On doit s'attendre à ce que la différence de cas[23] relève de l'amphibolie, car les cas arrivent au mot selon qu'on le construit avec un autre mot; tandis que la différence des autres accidents relève de l'homonymie, car les autres accidents arrivent au mot selon qu'on le considère en lui-même. #655. - La troisième espèce, c'est quand une
phrase a une seule signification principale, mais une autre par métaphore ou
par métalepse[24],
comme cette phrase : «Écrire sur le sable» a comme signification principale
le tracé de lettres sur le sol, mais, par métalepse, la perte de son travail.
On forme le paralogisme de la manière suivante : ‘Chaque fois que l'on écrit
sur le sable, on trace des lettres sur le sol; or quand on enseigne à un
indocile, on écrit sur le sable; donc, quand on enseigne à un indocile, on
trace des lettres sur la sol.’ Cela ne suit pas, à cause de la multiplicité
dont nous avons parlé.[25]
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Caput
8 [88086] De fallaciis, cap. 8 tit. De fallacia compositionis et divisionis |
Chapitre 8 — Sur la tromperie de la composition et de la division |
[88087] De fallaciis, cap. 8 Sequitur de fallacia compositionis et divisionis: in
quibus, sicut supra dictum est, deceptio provenit ex potentiali multiplici unius
orationis. Dicitur autem una oratio potentialiter multiplex pro eo quod
dictiones eaedem diversimode componi possunt ad invicem, vel ab invicem
distingui, sicut cum dicitur: quidquid vivit semper est; haec dictio semper
potest componi cum hoc verbo vivit vel dividi ab eodem. Et quia oratio per
compositionem partium constituitur, et ipsae partes se habent ad orationem
sicut materia, compositio vero sicut forma; ubi sunt ergo eaedem partes, sed
non eadem compositio, est oratio eadem multiplex potentialiter et
materialiter, sed non formaliter et actualiter. Et propter hoc est multiplex
potentiale, quia oratio quae est una formaliter, potentialiter plura
significat. Et in hoc differunt illae fallaciae ab amphibologia, quia in
amphibologia semper in eodem ponitur cum eodem, licet non uniformiter; unde
est eadem compositio, et per consequens eadem oratio formaliter et actualiter
una est secundum multiplex actuale; hic autem non est actualis unitas et
formalis, sed solum potentialis, quia unum componitur cum diversis. Differunt
autem hae duae fallaciae, scilicet compositionis et divisionis. Quando enim
oratio in sensu composito est falsa, tunc est fallacia secundum
compositionem; quando autem in sensu diviso est falsa, tunc est fallacia
secundum divisionem. Et nota quod tunc oratio est composita, quando partes
magis debito ordinantur; et tunc est divisa, quando partes minus ordinantur.
Causa autem apparentiae sive principium motivum est unitas potentialis
orationis plura significantis; causa vero non existentiae sive principium
defectus est diversitas significationis secundum quod intelligitur composita
vel divisa. Sunt autem tres modi sive tres species utriusque fallaciae.
Primus modus est quando aliquod dictum potest supponere verbo vel ratione
totius vel ratione partis: si ratione totius supponat, erit oratio composita;
si ratione partis, erit divisa oratio: et tunc si sub composito sensu falsa
oratio erit, fallacia est compositionis; si autem in sensu diviso est falsa,
erit fallacia divisionis; si autem in utroque sit falsa vel vera, tunc nulla
fallacia est: quod etiam in aliis multiplicibus intelligendum est. Et
formatur sic paralogismus: quemcumque possibile est esse album, possibile est
quod ipse sit albus. Sed nigrum possibile est esse album. Ergo possibile est
quod niger sit albus. Non valet: quia illud dictum, nigrum esse album, potest
supponere ei quod dicitur possibile vel ratione subiecti, et tunc
possibilitas attribuitur subiecto dicti et est modalis de re, et tunc est
divisa et vera; est enim sensus quod ille qui est niger, potentiam habet quod
sit albus; vel potest idem supponere ratione totius dicti, et sic est modalis
de dicto, et est composita et falsa, et est sensus quod hoc dictum, album
esse nigrum, sit possibile: unde est fallacia compositionis. Et potest etiam
formari sic paralogismus: quodcumque esse nigrum est impossibile, ipsum non
potest esse nigrum. Sed album esse nigrum est impossibile; igitur album non
potest esse nigrum. Non valet: quia minor est duplex, sicut supra dictum est;
et in sensu composito est vera, et in diviso est falsa, unde est fallacia
divisionis. Secundus modus provenit ex eo quod aliquando praedicatum, in quo
plura adunantur per coniunctionem copulativam vel disiunctivam, potest
attribui subiecto coniunctim vel divisim. Si coniunctim, est oratio
composita; si divisim, oratio est divisa: et tunc si in sensu composito
oratio est falsa, est fallacia compositionis; si in sensu diviso est falsa,
est fallacia divisionis, ut patet in his paralogismis: quicumque numerus
componitur ex duobus et tribus, est duo et tria. Sed quinque non sunt duo et
tria. Ergo quinque non componitur ex duobus et tribus. Non sequitur: media
enim sive minor est duplex, ex eo quod hoc praedicatum duo et tria potest
intelligi et removeri a subiecto divisim, et sic est vera: est enim sensus
quod quinque nec sunt duo, nec tria. Vel potest removeri a subiecto
coniunctim, et sic est falsa: est enim sensus, quod duo et tria simul iuncta
non sunt quinque. Unde in hoc sensu procedit conclusio: unde est fallacia compositionis.
Et potest sic formari paralogismus: quaecumque sunt duo et tria, sunt duo.
Sed quinque sunt duo et tria: ergo quinque sunt duo. Haec similiter minor est
duplex: quia in sensu composito est vera, et in sensu diviso est falsa; unde
est fallacia divisionis. Simile est si in praedicato ponatur coniunctio
disiunctiva, sicut hic: omne animal est rationale vel irrationale. Sed non
omne animal est rationale. Ergo omne animal est irrationale. Non valet: quia
prima est duplex, eo quod praedicatum potest attribui coniunctim subiecto, et
sic est composita et vera: est enim sensus, quod de quolibet animali est
verum dicere, quod est rationale vel irrationale. Vel potest attribui
divisim, et sic est falsa: est enim sensus quod altera istarum sit vera. Omne
animal est rationale, vel omne animal est irrationale; cum tamen utraque sit
falsa: unde est fallacia divisionis. Potest etiam sic formari paralogismus:
quicquid non est rationale vel irrationale, nec est rationale nec
irrationale. Sed non omne animal est rationale vel irrationale: ergo animal
est quod nec est rationale nec irrationale. Non sequitur: nam minor est in
sensu diviso vera, in sensu composito falsa: unde est fallacia compositionis.
Est autem sciendum quod quando praedicatum comparatur ad subiectum
coniunctim, tunc coniunctio coniungit terminos; et sic accipitur in vi unius
propositionis, quia duo termini coniunctim accepti sumuntur ut unum
praedicatum, et cum simul attribuantur subiecto subiectum erit etiam unum; ex
uno autem subiecto et uno praedicato fit una oratio. Quando vero termini in
praedicato positi copulato vel diviso divisim subiecto attribuuntur, sic
accipiuntur ut duo praedicata, et per consequens ut duo subiecta eis
respondentia, et sic intelliguntur quasi duae orationes per coniunctionem
copulativam vel disiunctivam. Tertius modus est quando una dictio potest
coniungi diversis dictionibus in locutione positis: erit autem tunc secundum
hoc composita oratio, quando coniungitur cum dictione cui magis apparet, vel
apta nata coniungi; diversa vero, quando ab ea disiungitur. Sicut in hoc
paralogismo patet: quod potest unum solum ferre, plura potest ferre. Sed quod
solum unum potest ferre, non potest nisi unum ferre. Ergo quod non potest
nisi unum solum ferre, potest plura ferre. Non valet: nam prima est duplex,
ex eo quod haec dictio solum potest coniungi cum hac dictione potest, cum qua
magis videtur coniungi, et sic est composita et falsa: est enim sensus, quod
ille qui non potest portare nisi unum solum pondus, potest plura portare. Vel
potest dividi ab hoc verbo potest et coniungi cum hac dictione ferre, et sic
est divisa et vera: est enim sensus quod ille qui modo potest ferre unum
solum pondus, potest quandoque plura ferre: unde est fallacia compositionis.
Item: quicumque vivit, semper est. Iste asinus vivit: ergo semper est. Non
sequitur: nam prima est duplex, ex eo quod hoc adverbium semper potest
componi cum verbo est cum quo magis videtur componi, et sic est composita et
falsa. Vel dividi ab eo, et componi cum hoc verbo vivit, et sic est divisa et
vera, unde est fallacia compositionis. E contrario est fallacia divisionis,
ut patet in his paralogismis: quocumque vides hunc percussum, illo percussus
est. Sed oculo vides hunc percussum: ergo oculo percussus est. Non valet:
quia minor est duplex, eo quod iste ablativus oculo potest componi cum hoc
verbo, vides, cum quo magis videtur componi, et sic est composita et vera:
vel dividi ab eo, et componi cum hoc participio, percussum, et sic et divisa
et falsa; unde est fallacia divisionis. Item: quicumque est hodie natus,
hodie primo incoepit esse. Sed tu es hodie natus, constat enim quod hodie es,
et es natus: ergo hodie coepisti esse. Non valet: quia minor est duplex, ex
eo quod hoc adverbium, hodie, potest componi cum hoc verbo, es, et sic est
composita et vera; vel cum hoc participio, natus, et sic est divisa et falsa.
Et est notandum quod obliqui et adverbia magis videntur determinare verbum
quam participium, et magis verbum principale quam secundarium, quod
implicatur in subiecto. Cum enim dicitur: quicumque currit, movetur; movetur
est verbum principale, currit secundarium in subiecto implicatum. |
#656. - On continue avec la tromperie de la composition et de la division où, comme on l'a dit plus haut, l'erreur provient de la multiplicité potentielle d'une phrase. On parle d'une phrase potentiellement multiple du fait que les mêmes mots peuvent se composer entre eux ou se distinguer entre eux de façon différente, comme lorsqu'on dit : ‘Ce qui vit toujours est.’ Le mot toujours peut se composer avec le verbe vit ou s'en séparer. Comme la phrase se constitue par la composition de parties, que ces parties sont pour la phrase sa matière, et leur composition sa forme, là donc où on a les mêmes parties, mais non la même composition, on a la même phrase potentiellement et matériellement multiple, mais non formellement et en acte. On a une multiplicité potentielle, du fait qu'une phrase qui est une formellement, a potentiellement plusieurs significations. C'est en cela que ces tromperies diffèrent de l'amphibolie, car, dans l'amphibolie, le même mot est toujours composé avec le même mot, bien que non uniformément; aussi est-ce la même composition et, par conséquent, la même phrase, une formellement et en acte, entraîne un multiple en acte; ici, par ailleurs, il n'y a pas unité en acte et formelle, mais seulement potentielle, car un mot se compose avec différents autres. #657. - Mais il y a une différence entre ces deux tromperies, à savoir, de composition et de division. En effet, quand la phrase est fausse en son sens composé, alors, c'est la tromperie par composition; et quand elle est fausse en son sens divisé, alors, c'est la tromperie par division. À noter que la phrase est composée quand les parties en sont plus ordonnées qu'il n'est dû; et elle est divisée quand les parties en sont moins ordonnées. Ainsi, la cause de l'apparence, ou principe moteur, c'est l'unité potentielle de la phrase qui a plusieurs significations, tandis que la cause de la non-existence, ou principe du défaut, c'est la différence de signification selon qu'on l'entend composée ou divisée. #658. - Il y a trois modalités ou trois espèces de l'une et l'autre tromperie. La première modalité, c'est quand un dire[26] peut supposer pour un verbe soit en raison de son tout soit en raison de sa partie : si c'est en raison de son tout qu'il suppose, on aura une phrase composée; si c'est en raison de sa partie, on aura une phrase divisée; et alors, si, sous le sens composé, l'expression est fausse, on a la tromperie de composition, tandis que si c'est en son sens divisé qu'elle est fausse, on aura la tromperie de division; mais si c'est en l'un et l'autre [sens] qu'elle est fausse ou vraie, alors, on n'a aucune tromperie, ce que l'on doit aussi comprendre pour les autres [cas de sens] multiples. On forme le paralogisme comme suit : ‘Ce pour quoi être blanc est possible, il est possible qu'il soit blanc; or, pour le noir être blanc est possible; donc, il est possible que le noir soit blanc.’ Cela ne vaut pas, car ce dire, le noir être blanc, peut supposer pour ce que l'on dit possible soit en raison de son sujet, et alors la possibilité est attribuée au sujet du dire et on a une modale de la chose, et alors elle est divisée et vraie; le sens en est, en effet, que celui qui est noir a la puissance d'être blanc; ou il peut supposer en raison de tout le dire, et ainsi on a une modale du dire, et elle est composée et fausse, et le sens en est que ce dire, le noir être blanc[27], est possible; aussi est-ce une tromperie de composition. On peut encore former le paralogisme comme suit : ‘Ce pour quoi être noir est impossible, cela ne peut être noir; or, pour le blanc être noir est impossible; donc, le blanc ne peut être noir.’ Cela ne vaut pas, car la mineure est double, comme on l'a dit plus haut : en son sens composé, elle est vraie, et en son sens divisée, elle est fausse; aussi y a-t-il tromperie de division. #659. - La seconde modalité provient de ce que parfois un attribut dans lequel plusieurs choses sont réunies par une conjonction copulative ou disjonctive peut s'attribuer au sujet conjointement ou séparément. Si c'est conjointement, on a une expression composée; si c'est séparément, on a une expression divisée; et alors, si c'est en son sens composé que la phrase est fausse, on a une tromperie de composition; et si c'est en son sens divisé qu'elle est fausse, on a une tromperie de division, comme il appert dans ces paralogismes : ‘Tout nombre composé de deux et trois est deux et trois; or cinq ne sont pas deux et trois; donc, cinq n'est pas composé de deux et trois.’ Cela ne suit pas : la moyenne, ou mineure, est double, en effet, du fait que cet attribut, deux et trois, peut se comprendre et se nier du sujet séparément, et ainsi elle est vraie : le sens en est, en effet, que cinq n'est ni deux ni trois. Ou il peut se nier du sujet conjointement, et alors elle est fausse : son sens est, en effet, que deux et trois, joints ensemble, ne sont pas cinq. C'est en ce sens que procède la conclusion; aussi a-t-on une tromperie de composition. On peut encore former ainsi le paralogisme : ‘Ce qui est deux et trois est deux; or cinq est deux et trois; donc, cinq est deux.’ Pareillement, la mineure est double car, en son sens composé, elle est vraie, et en son sens divisé, elle est fausse; aussi a-t-on une tromperie de division. #660. - Il en va de même si c'est dans l'attribut que l'on met la conjonction disjonctive, comme suit : ‘Tout animal est rationnel ou irrationnel; or tout animal n'est pas rationnel; donc, tout animal est irrationnel.’ Cela ne vaut pas, car la première [proposition] est double, du fait que l'attribut peut s'attribuer conjointement au sujet, et ainsi [la proposition] est composée et vraie : le sens en est, en effet, que de n'importe quel animal il est vrai de dire qu'il est rationnel ou irrationnel. Ou il peut s'attribuer séparément, et ainsi [la proposition] est fausse : le sens en est, en effet, que l'une seulement [des disjonctions] est vraie. Tout animal est rationnel, ou tout animal est irrationnel, alors que cependant l'une et l'autre est fausse; aussi a-t-on une tromperie de division. On peut encore former le syllogisme comme suit : ‘Ce qui n'est pas rationnel ou irrationnel n'est ni rationnel ni irrationnel; or tout animal n'est pas rationnel ou irrationnel; donc, il y a quelque animal qui n'est ni rationnel ni irrationnel.’ Cela ne suit pas : en effet, la mineure est vraie en son sens divisé, [mais] fausse en son sens composé; aussi a-t-on une tromperie de composition. #661. - On doit savoir, par ailleurs, que, lorsque l'attribut se compare au sujet conjointement, alors la conjonction unit les termes; on lui donne alors la valeur d'une seule proposition, car les deux termes, pris conjointement, se prennent comme un attribut unique, et comme ils s'attribuent ensemble au sujet, le sujet sera unique lui aussi; or d'un seul sujet et d'un seul attribut, on fait un seul énoncé[28]. Mais quand les termes mis dans l'attribut s'attribuent séparément à un sujet copulé ou divisé, alors ils se prennent comme deux attributs, et par conséquent comme deux sujets qui leur répondent, et ainsi on entend comme deux énoncés par la conjonction copulative ou disjonctive. #662. - La troisième modalité, c'est quand un mot peut s'unir à différents mots présents dans la locution[29]. On aura alors pour cela une phrase composée, quand on l'unit avec le mot avec lequel il semble le plus ou est le plus de nature à être uni; mais [une phrase] divisée, quand on le disjoint de celui-ci. Comme il appert dans ce paralogisme : ‘Qui peut seulement en lever un peut en lever plusieurs; or qui peut seulement en lever un peut n'en lever qu'un seulement; donc, qui peut n'en lever qu'un seulement peut en lever plusieurs.’ Cela ne vaut pas : en effet, la première [proposition] est double, du fait que le mot seulement peut s'unir avec le mot peut, avec lequel il semble le plus être uni, et ainsi [la proposition] est composée et fausse : le sens en est, en effet, que celui qui ne peut lever qu'un poids seulement peut en lever plusieurs. Ou il peut se séparer du verbe peut et s'unir avec le mot lever, et ainsi [la proposition] est divisée et vraie : le sens en est, en effet, que celui qui peut à un moment lever seulement un poids, peut à des moments différents en lever plusieurs; aussi a-t-on une tromperie de composition. - En outre : ‘Ce qui vit toujours est; cet âne vit; donc, il est toujours.’ Cela ne suit pas : en effet, la première [proposition] est double, du fait que l'adverbe toujours peut se composer avec le verbe est, avec lequel il paraît le plus se composer, et alors [la proposition] est composée et fausse. Ou se séparer de lui, et se composer avec le verbe vit, et alors [la proposition] est divisée et vraie; aussi a-t-on une tromperie de composition. #663. - Inversement, on a une tromperie de division, comme il appert dans ces paralogismes : ‘Ce avec quoi tu le vois frappé, c'est avec cela qu'il est frappé; or c'est avec ton œil que tu le vois frappé; donc, c'est avec ton œil qu'il est frappé.’ Cela ne vaut pas : car la mineure est double, du fait que le complément avec ton œil peut se composer avec le verbe vois, avec lequel il paraît le plus se composer, et ainsi [la proposition] est composée et vraie; ou s'en diviser, et se composer avec le participe frappé, et alors [la proposition] est à la fois divisée et fausse; aussi a-t-on une tromperie de division. - En outre : ‘Quiconque est né aujourd'hui a commencé aujourd'hui à être; or tu es né aujourd'hui, car il est manifeste qu'aujourd'hui tu es, et que tu es né; donc, tu as commencé aujourd'hui à être.’ Cela ne vaut pas : car la mineure est double, du fait que l'adverbe aujourd'hui peut se composer avec le verbe es, et alors [la proposition] est composée et vraie; ou avec le participe né, et alors elle est divisée et fausse. #664. - On doit noter aussi que les compléments et les adverbes paraissent davantage déterminer le verbe que le participe, et davantage le verbe principal que le secondaire, qui est impliqué dans le sujet. Car lorsqu'on dit ‘quiconque court se meut’, se meut est le verbe principal, et court le [verbe] secondaire impliqué dans le sujet. |
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Caput
9 [88088] De fallaciis, cap. 9 tit. De fallacia accentus |
Chapitre 9 — Sur la tromperie de l'accent |
[88089] De fallaciis, cap. 9 Sequitur de fallacia accentus. Accentus autem, secundum
quod hic sumitur, est modus pronuntiandi aliquam dictionem. Fallacia autem
accentus est deceptio proveniens ex eo quod aliqua dictio diversimode
pronunciata diversa significat. Sicut enim fallacia secundum compositionem et
divisionem est eadem oratio materialiter, diversificata secundum formam; ita
hic est eadem dictio materialiter, diversificata secundum diversum modum
pronuntiandi: et ideo sicut ibi est potentialis multiplicitas orationis, ita
est hic potentialis multiplicitas dictionis. Causa apparentiae huius fallaciae
est materialis unitas dictionis; causa non existentiae est diversitas
significationis sive dictionis diversimode pronuntiatae. Sunt autem quatuor
modi huius fallaciae, secundum quod quatuor modis contingit diversificari
modos pronuntiandi dictionem. Primo namque variatur per diversos sonos sive
accentus, qui sunt tres: scilicet accentus gravis, acutus et circumflexus.
Accentus acutus, sive sonus, est qui acuit sive elevat syllabam, sicut patet
in media syllaba cum dicitur Martinus, media syllaba acuitur sive elevatur.
Gravis autem accentus est qui deprimit syllabam et deponit, sicut patet in
media huius dictionis dominus et ultima syllaba huius dictionis Lucas.
Circumflexus vero accentus est qui acuit syllabam, et postea deprimit, ut
Roma. Primus ergo modus huius fallaciae est qui provenit ex eo quod aliqua
dictio potest pronuntiari gravi accentu, vel acuto, vel circumflexo. Acuto,
ut patet in hoc paralogismo: quoscumque iustum est pendere, iustum est pati
poenam. Sed bonos viros iustum est pendere. Ergo bonos viros iustum est pati
poenam. Non sequitur: quia in prima pendere sumebatur prout fertur acuto
accentu; in secunda ut fertur gravi, et sic idem est pendere, quod donare
poenam. Secundo modo variatur modus pronuntiandi accentus secundum diversa tempora,
quae sunt duo: scilicet productio in syllaba longa, et correptio in syllaba
brevi. Secundus quidem provenit ex eo quod aliqua syllaba alicuius dictionis
potest corripi vel produci, ut patet in hoc paralogismo: omnis populus est
arbor. Sed aliqua gens est populus; igitur aliqua gens est arbor. Non valet:
quia haec dictio populus aliud significat secundum quod prima syllaba eius
producitur, quia sic significat arborem quamdam; et aliud secundum quod
corripitur, quia sic significat gentem. Tertio modo variatur modus
pronuntiandi dictionem secundum diversitatem spiritus, qui quidem
diversificatur secundum asperum vel lene: asper quidem spiritus designatur
per hanc figuram h, lenis vero spiritus est quando sine aspiratione syllaba
profertur. Tertius modus huius fallaciae provenit ex eo quod syllaba potest
leniter vel aspere proferri, ut patet in hoc paralogismo: quicquid hamatur,
hamo capitur. Sed vinum amatur: igitur vinum capitur. Non valet: quia primo
hamatur profertur aspere, postea leniter. Similiter hic: omnis ara est in
templo. Stabulum porcorum est hara: igitur stabulum porcorum est in templo.
Non sequitur: quia hoc nomen ara primo profertur leniter, postea aspere.
Quartus modus provenit ex eo quod aliquid potest proferri ut una dictio vel
plures, ut hic: tu es qui es. Sed quies idem est quod requies. Ergo tu es
requies. Non sequitur: quia haec dictio qui es primo sumitur ut oratio,
postea ut dictio una. Similiter hic: quicquid Deus fecit invite, fecit
invitus. Sed racemos fecit in vite: igitur racemos fecit invitus. Non
sequitur: quia primo haec dictio invite sumitur ut una dictio, postea ut
plures. Patet ergo ex praedictis quod accentus denominatus secundum quod ab
eo denominatur haec fallacia, communior est quam accentus qui dividitur per
gravem et acutum et circumflexum, quia comprehendit sub se et hunc accentum,
et alios tres, ut dictum est. |
#665. - On continue avec la tromperie de l'accent. L'accent, comme on le prend ici, c'est la manière de prononcer un mot. La tromperie de l'accent, ainsi, c'est l'erreur qui provient de ce qu'un mot, avec une prononciation différente, présente des significations différentes. De même, en effet, que la tromperie par composition et division est la même phrase matériellement, mais avec une forme différente, de même ici on a le même mot matériellement, mais avec une prononciation différente. C'est pourquoi, comme on a là une multiplicité potentielle de la phrase, on a de même ici une multiplicité potentielle du mot. La cause de l'apparence de cette tromperie est l'unité matérielle du mot; la cause de non-existence est la différence de signification du mot prononcé de manière différente. #666. - Or il y a quatre modalités de cette tromperie, pour autant qu'on peut opérer quatre distinctions dans la manière de prononcer un mot. En premier, en effet, on distingue avec différents sons ou accents, au nombre de trois : les accents grave, aigu et circonflexe. L'accent ou son aigu, c'est celui qui aiguise ou élève la syllabe, comme il appert pour la syllabe du milieu, quand on dit Martinus, où la syllabe du milieu est aiguisée ou élevée. L'accent grave, c'est celui qui abaisse et dépose la syllabe, comme il appert dans celle du milieu du mot domìnus, et dans la dernière syllabe du mot Lucàs. Le circonflexe, quant à lui, c'est l'accent qui aiguise la syllabe et ensuite l'abaisse, comme Rôma. #667. - La première modalité de cette tromperie, donc, c'est celle qui provient de ce qu'un mot peut se prononcer avec accent grave ou aigu ou circonflexe. Aigu, comme il appert dans ce paralogisme : ‘Ceux à qui il est juste de pendere, il est juste qu'ils soient punis; or il est juste, pour des hommes bons, de pendere ; donc, il est juste que des hommes bons soient punis.’ Cela ne suit pas : car dans la première [proposition], pendére se prend avec accent aigu, tandis que dans la seconde, avec un grave, et c'est la même chose, alors, péndère, que de donner une punition[30]. #668. - On distingue d'une deuxième façon la manière de prononcer l'accent d'après des temps différents, au nombre de deux, à savoir, l'allongement en une syllabe longue, et l'abréviation en une syllabe brève. La seconde [modalité] provient alors de ce qu'une syllabe d'un mot peut s'abréger ou s'allonger, comme il appert dans ce paralogisme : ‘Tout populus est un arbre; or une nation est un populus ; donc, une nation est un arbre.’ Cela ne vaut pas : car le mot populus signifie autre chose selon que sa première syllabe est allongée, car il signifie alors un arbre; et autre chose selon qu'elle est abrégée, car alors il signifie une nation. #669. - On distingue d'une troisième façon la manière de prononcer un mot d'après la différence d'esprit, lequel se différencie en rude et doux. L'esprit rude se désigne avec la lettre h, et l'esprit doux, c'est quand la syllabe est proférée sans aspiration. La troisième modalité de cette tromperie provient de ce que la syllabe peut se proférer doucement ou rudement, comme il appert dans ce paralogisme : ‘Tout ce qui hamatur se prend à l'hameçon; or le vin amatur ; donc, le vin se prend [à l'hameçon]’. Cela ne vaut pas, car, en premier, hamatur se profère avec [esprit] rude, et par la suite, avec esprit doux. - Pareillement : ‘Tout ara est dans un temple; l'étable des porcs est une hara ; donc, l'étable des porcs est dans un temple’. Cela ne suit pas, car le nom ara se profère d'abord avec esprit doux, ensuite avec esprit rude. #670. - La quatrième modalité provient de ce que l'on peut proférer comme un seul mot ou plusieurs, comme ici : ‘Tu es qui es ; or quies, c'est la même chose que tu te reposes; donc, tu es tu te reposes’. Cela ne suit pas, car le mot qui es se prend d'abord comme énoncé, ensuite comme mot unique. - Pareillement : ‘Tout ce que Dieu a fait invite, il l'a fait malgré lui; or il a fait des grappes in vite ; donc, il a fait les grappes malgré lui’. Cela ne suit pas, car en premier, le mot invite se prend comme un seul mot, ensuite comme plusieurs. Il appert donc de ce que l'on a dit que l'accent,
entendu comme il dénomme cette tromperie, est plus commun que l'accent qui se
divise en grave et aigu et circonflexe, car il comprend sous lui à la fois
cet accent, et les trois autres [modalités], comme on l'a dit. |
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Caput
10 [88090] De fallaciis, cap. 10 tit. De fallacia figurae dictionis |
Chapitre 10 — Sur la tromperie de l'aspect du mot |
[88091] De fallaciis, cap. 10 Sequitur de fallacia figurae dictionis. Figura
dictionis, prout hic sumitur, est similitudo unius dictionis ad alteram,
sicut aliquid dicitur ad figuram alterius factum quod ei assimilatur: unde
fallacia figurae dictionis est deceptio proveniens ex eo quod aliqua dictio
similis alteri dictioni videtur habere eumdem modum significandi, cum tamen
non habeat: ut haec dictio homo videtur significare hoc aliquid propter
similitudinem quam habet cum nominibus significantibus substantias
particulares; et sic in hac fallacia non est multiplex verum, sed
phantasticum, quia una dictio non significat plura secundum veritatem rei,
sed habet unum modum significandi, et videtur habere alium. Causa apparentiae
est similitudo unius dictionis cum alia dictione; causa vero non existentiae
est diversus modus significandi. Sunt autem tres modi huius fallaciae. Primus
modus provenit ex eo quod dictio quae significat masculinum sumitur ac si
significaret femininum vel neutrum, aut e converso, ut patet in hoc
paralogismo: quaecumque substantia coloratur albedine, est alba. Papa
coloratur albedine: igitur Papa est alba. Non sequitur: quia cum Papa sit
nomen viri, non significat foeminam, licet videatur propter similitudinem
quam habet cum nominibus foemininis, unde non debet sumi sub distributo
feminino. Vel sic: omnis substantia colorata albedine, est alba. Sed vir est
substantia colorata albedine: igitur vir est alba. Non sequitur: quia
masculinum mutatur in foemininum. Secundus modus provenit ex eo quod aliqua
dictio quae significat per modum unius praedicamenti, potest videri
significari per modum alterius; sicut hic: quicquid heri vidisti, hodie
vides. Album heri vidisti: ergo album hodie vides. Non valet: quia mutatur
quid in quale. Vel: quantumcumque emisti, comedisti. Sed carnes crudas emisti:
ergo carnes crudas comedisti. Non sequitur: quia mutatur quantum in quale.
Vel sic: quotcumque digitos olim habuisti, modo habes. Sed olim habuisti
parvos: ergo modo habes parvos. Non sequitur: quia mutatur quantum
quantitatis discretae in quantum quantitatis continuae. Et est notandum quod
non facit fallaciam figurae dictionis mutatio praedicamentorum quantum ad rem
significatam, sed quantum ad modum significandi. Albedo enim significat
qualitatem, sed significat eam per modum substantiae, quia non significat eam
ut inhaerentem; album autem significat eam per modum qualitatis, quia
significat eam ut inhaerentem. Unde hic
non est fallacia figurae dictionis: quicquid heri vidisti, hodie vides.
Albedinem heri vidisti: igitur albedinem hodie vides. Tertius modus provenit
ex eo quod aliqua dictio, quae significat quale quid, significare videtur hoc
aliquid, et contingit hoc quando quale quid mutatur in hoc aliquid. Et
dicitur significare, quale quid, quod significat naturam communem generis vel
speciei, secundum quod pertinet ad tertium modum; hoc aliquid vero significat
quod significat substantiam particularem. Si autem sumatur quale quid
secundum quod pertinet ad genus qualitatis, sic mutare quale quid in hoc
aliquid pertinet ad secundum modum, ut: album currit. Socrates est albus.
Ergo Socrates currit; et formatur sic paralogismus: Socrates est alter ab
homine. Et ipse est homo: igitur est alter a seipso. Non sequitur: quia
proceditur ab homine ad Socratem, et sic mutatur quale quid in hoc aliquid.
Et ad hunc modum reducitur omnis deceptio proveniens ex mutata suppositione
terminorum. Unde cum dicitur: homo est species. Socrates est homo: igitur
Socrates est species; hic proceditur a simplici suppositione ad discretam,
quae mutat quale quid in hoc aliquid. |
#671. - On continue avec la tromperie de l'aspect du mot. L'aspect du mot, comme on le prend ici, c'est la ressemblance d'un mot avec un autre, comme on dit qu'une chose revêt l'aspect d'une autre qui lui ressemble. Aussi, la tromperie de l'aspect du mot est l'erreur qui provient de ce qu'un mot semblable à un autre mot paraît avoir le même mode de signifier, alors que cependant il ne l'a pas. Par exemple, le mot homme paraît signifier un individu, à cause de la ressemblance qu'il a avec les noms qui signifient des substances particulières; et ainsi, dans cette tromperie, il n'y a pas multiplicité véritable, mais imaginaire, car un mot ne signifie pas plusieurs choses en vérité, mais a un seul mode de signifier, et paraît en avoir un autre. La cause de l'apparence est la ressemblance d'un mot avec un autre mot, tandis que la cause de la non-existence est le mode différent de signifier. #672. - Or il y a trois modalités de cette tromperie. La première modalité provient de ce qu'un mot qui signifie le masculin se prend comme s'il signifiait le féminin ou le neutre, ou inversement, comme il appert dans ce paralogisme : ‘Toute substance de couleur blanche est blanche; or papa est de couleur blanche; donc, papa est blanche.’ Cela ne suit pas, car, comme papa est le nom d'un homme, il ne signifie pas une femme, même s'il le paraît, à cause de la ressemblance qu'il a avec des noms féminins[31]. Aussi ne doit-on pas le prendre sous le genre féminin. - Ou encore : ‘Toute substance de couleur blanche est blanche; or l'homme est une substance de couleur blanche; donc, l'homme est blanche.’ Cela ne suit pas, car le masculin est changé en féminin. #673. - La seconde modalité provient de ce qu'un mot qui signifie selon le mode d'une attribution peut sembler signifier par le mode d'une autre. Par exemple, ici : ‘C'est ce que tu as vu hier que tu vois aujourd'hui; or c'est une chose blanche que tu as vue hier; donc, c'est une chose blanche que tu vois aujourd'hui.’ Cela ne vaut pas, car on passe de la substance à la qualité. - Ou : ‘C'est tout ce que tu as acheté que tu as mangé; or c'est de la viande crue que tu as acheté; donc, c'est de la viande crue que tu as mangé.’ Cela ne suit pas : car on passe de la quantité à la qualité. - Ou ainsi : ‘Tu as aujourd'hui autant de doigts que tu en avais jadis; or ce sont de petits doigts que tu avais jadis; donc, ce sont de petits doigts que tu as maintenant.’ Cela ne suit pas, car on passe de la quantité discrète à la quantité continue. On doit noter aussi que le passage d'une attribution à l'autre ne fait pas la tromperie de l'aspect du mot quant à la chose signifiée, mais quant au mode de signifier. Blancheur, en effet, signifie une qualité, mais la signifie par mode de substance, car il ne la signifie pas comme inhérente; tandis que blanc, par ailleurs, la signifie par mode de qualité, car il la signifie comme inhérente. Aussi ceci n'est pas une tromperie d'aspect de mot : ‘C'est ce que tu as vu hier que tu vois aujourd'hui; or c'est une blancheur que tu as vue hier; donc, c'est une blancheur que tu vois aujourd'hui.’ #674. - La troisième modalité provient de ce qu'un mot qui signifie la qualité essentielle paraît signifier l'individu, et cela arrive quand on passe de la qualité essentielle à l'individu. Pour ce qui touche à la troisième modalité, on dit signifier la qualité essentielle ce qui signifie la nature commune du genre ou de l'espèce, tandis que signifie l'individu ce qui signifie la substance particulière. Par contre, si on prend la qualité essentielle selon
qu'elle appartient au genre de la qualité, alors passer de la qualité
essentielle à l'individu appartient à la seconde modalité, comme ‘Le blanc
court; Socrate est blanc; donc, Socrate court.’ C'est plutôt ainsi qu'on
forme le paralogisme : ‘Socrate est autre chose qu'homme; et il est homme;
donc, il est autre chose que lui-même.’ Cela ne suit pas : car on passe de
l'homme à Socrate, et ainsi on passe de la qualité essentielle à l'individu.
C'est à cette modalité que l'on réduit toute erreur qui provient d'un
changement de supposition des termes. Aussi, lorsque l'on dit : ‘L'homme est
espèce; Socrate est homme; donc, Socrate est espèce.’ On passe de la
supposition simple à la discrète, quand on passe de la qualité essentielle à
l'individu. |
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Caput
11 [88092] De fallaciis, cap. 11 tit. De fallaciis extra dictionem |
Chapitre 11 — Sur les tromperies non verbales |
[88093] De fallaciis, cap. 11 Sequitur de fallaciis extra dictionem: quae in hoc
differunt a fallaciis in dictione, ut supra dictum est, quia in fallaciis in
dictione principium motivum sive causa apparentiae est ex parte vocis, in
fallaciis autem extra dictionem est ex parte rei. Sicut enim in fallaciis in
dictione deceptio provenit ex eo quod unum nomen plura significans accipitur
ac si significaret unum, ita in fallaciis extra dictionem deceptio provenit
ex eo quod aliquae res aliquo modo convenientes vel differentes accipiuntur
ut eaedem simpliciter vel diversae. Sunt autem fallaciae extra dictionem
septem: quarum prima est secundum accidens, secunda secundum quid et simpliciter,
tertia secundum ignorantiam elenchi, quarta secundum petitionem principii,
quinta secundum consequens, sexta secundum non causam ut causam, septima
secundum plures interrogationes ut unam. Accipiuntur autem hae fallaciae
secundum quasdam generales entium conditiones: nam ens aliud est per se, et
aliud per accidens: et secundum hoc accipitur fallacia accidentis. Item
secundum perfectum et imperfectum accipitur fallacia secundum quid et
simpliciter. Secundum autem oppositum et non oppositum est fallacia secundum
ignorantiam elenchi. Secundum vero idem et diversum est fallacia petitionis
principii. Secundum vero prius et posterius est fallacia consequentis.
Secundum causam et causatum est fallacia secundum non causam ut causam.
Secundum autem unum et multa est fallacia secundum plures interrogationes ut
unum. |
#675. - On continue avec les tromperies non verbales, qui diffèrent des tromperies verbales en ceci que, comme il a été dit plus haut, dans les tromperies verbales, le principe moteur, ou cause de l'apparence, est issu de la parole, tandis que, dans les tromperies non verbales, il est issu de la chose. De même, en effet, que, dans les tromperies verbales, l'erreur provient de ce qu'un nom qui a plusieurs significations est pris comme s'il n'en avait qu'une, de même, dans les tromperies non verbales, l'erreur provient de ce que des choses qui sont semblables ou différentes d'une certaine manière sont prises comme identiques ou différentes absolument. #676. - Il y a sept tromperies non verbales. La première en est par l'accident, la seconde, d'une manière[32] et absolument, la troisième, par l'ignorance de la réfutation, la quatrième, par la demande du principe, la cinquième, par le conséquent, la sixième, par la non-cause prise comme cause, la septième, par l'interrogation multiple prise comme unique. Par ailleurs, ces tromperies se prennent par le biais de certaines conditions générales des êtres. Car de l'être, l'un est par soi, et l'autre, par accident; et d'après cela se prend la tromperie de l'accident. De plus, d'après le parfait et l'imparfait, on prend la tromperie d'une manière et absolument. D'après l'opposé et le non-opposé, il y a la tromperie par l'ignorance de la réfutation. D'après, enfin, le même et l'autre, il y a la tromperie de la demande du principe. D'après l'antérieur et le postérieur, il y a ensuite la tromperie du conséquent. D'après la cause et le causé, il y a la tromperie par la non-cause prise comme cause. Enfin, d'après l'un et le multiple, il y a la tromperie par l'interrogation multiple prise comme unique. |
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Caput
12 [88094] De fallaciis, cap. 12 tit. De fallacia accidentis |
Chapitre 12 — Sur la tromperie de l'accident |
[88095] De fallaciis, cap. 12 Dicendum est ergo primo de fallacia accidentis. Ubi
sciendum quod accidens hic accipitur prout distinguitur contra per se. Per se
autem dicitur inesse aliquid alicui, quod inest ei secundum rationem propriae
definitionis; praeter hoc autem quicquid inest alicui, dicitur inesse per
accidens; unde ad hoc quod est inesse per se aut per accidens, tripliciter
aliquid potest se habere. Quaedam enim sunt quae omni modo sunt eadem
secundum substantiae rationem, ut vestis et indumentum; et in his est solum
per se, et nullo modo per accidens. Quaedam sunt, quorum unum est omnino
extraneum a ratione alterius, ut album et homo; et in istis est solummodo per
accidens, et nullo modo per se. Quaedam vero sunt, quorum unum ad alterius
rationem aliquo modo pertinet, licet non sint omnino eadem secundum
definitionem, sicut se habet superius et inferius: nam superius ponitur in
definitione inferioris, tamen non est omnino eadem definitio inferioris et
superioris, ut animalis et hominis, cum definitio inferioris addat super
definitionem superioris. Et simile est de proprio et de specie: nam species
ponitur in definitione proprii, non tamen species et proprium sunt omnino
idem in definitione. Et in his est quodammodo per se et quodammodo per
accidens, inquantum partim secundum definitionem conveniunt, et partim
differunt. In his ergo quae primo modo se habent, necesse est quod quicquid
verum de uno sit, sit etiam verum de alio, eo quod talia sunt penitus eadem
secundum rem et differunt secundum nomen solum; unde in his non contingit
esse fallaciam accidentis. Sed in omnibus aliis non est necessarium quod
quicquid est verum de uno, sit etiam verum de altero. Et ideo si ex hoc quod
aliquid est de uno verum, concludatur esse verum de altero, est fallacia
accidentis. Contingit autem quandoque ut quod est verum de uno, concludatur
esse verum de altero, scilicet quando aliquid attribuitur uni secundum quod
est idem alteri; tunc enim quod inest uni, et alteri inerit. Si vero
attribuitur uni secundum quod est ab altero divisum, non inerit alteri; si
autem ut non diversum ab altero, erit et alterius: sicut si album attribuatur
animali inquantum est idem homini, oportet quod conveniat homini; si autem
animali ut est divisum ab homine, non oportet quod conveniat homini, et si
concludatur inesse, erit fallacia accidentis, sicut si dicatur: animal est
quadrupes. Homo est animal: igitur homo est quadrupes. Quadrupes enim non
praedicatur de animali ut animal est homo, sed secundum quod est ab homine
diversum. Unde patet quod in praedicto argumento medium diversimode accipitur:
nam primo accipiebatur secundum quod erat diversum ab homine, sed in secundo
secundum quod est idem homini. Et ideo
quando est fallacia accidentis, semper est diversa acceptio medii. Dico autem
diversam acceptionem medii esse, quando medium secundum quod convenit cum una
extremitatum, est diversum ab alia. Fallacia vero accidentis est deceptio
proveniens ex eo quod aliquid significatur simile utrique eorum quae sunt
aliqualiter per accidens unum. Ex quo patet quod in fallacia accidentis
semper inveniuntur tres termini, sicut in syllogismo: quorum duo per accidens
aliquo modo coniunguntur, qui quidem se habent sicut medium et minor
extremitas; tertium vero quod assignatur utrique inesse, est maior
extremitas. Causa vero apparentiae in hac fallacia est unitas quaedam et
identitas eorum quae per accidens quodammodo coniunguntur; causa vero non
existentiae est diversitas eorumdem: nam sicut dicit philosophus in primo
Elenchor., fallacia accidentis fit ex eo quod aliquis non potest iudicare
idem et diversum, unum et multa. Sunt autem tres modi huius fallaciae. Primus
modus provenit ex eo quod proceditur ab accidente ad subiectum, vel e
converso; sicut hic: cognosco Coriscum. Coriscus est veniens. Igitur cognosco
venientem. Non sequitur: quia veniens et Coriscus sunt unum per accidens, et
non per se. Unde non sequitur quod quicquid est verum de uno sit verum de
alio. Hoc enim fallit quando aliquid est verum de uno secundum quod est
diversum ab altero, sicut hic: cognosco Coriscum. Coriscus enim non subiacet
cognitioni secundum quod est idem venienti. Unde patet quod est
diversificatio medii, et sic est fallacia accidentis. Similiter hic: iste
canis est tuus, et est pater. Igitur est tuus pater. Canis enim et pater sunt
unum per accidens. Unde non sequitur quod quicquid est verum de uno, sit
verum de alio: secundum enim quod canis est pater, non convenit ei esse tuum.
Secundus modus est quando illud quod convenit superiori concluditur in
inferiori, vel e converso, sicut hic: homo est animal, et animal est genus:
igitur homo est genus. Non sequitur: superius enim et inferius aliquo modo sunt
unum per accidens, licet alio modo sint unum per se. Unde ex dictis patet
quod si idem verificatur de uno eorum secundum quod idem est alteri, necesse
est de altero verificari. Et secundum hoc sumuntur argumenta dialectica a
genere et specie, sive a superiori et inferiori. Quod autem verificatur de
uno eorum secundum quod differt ab altero, non oportet de altero verificari.
Tunc autem est variatio medii et fallacia accidentis, sicut est in proposito:
nam esse genus non praedicatur de animali secundum quod est idem homini, sed
secundum quod ab eo differt sicut superius ab inferiori. Similiter est hic:
triangulus est figura. Sed proprietas trianguli est habere tres angulos.
Igitur est proprietas figurae. Non sequitur: quia triangulus et figura non
sunt omnibus modis idem. Unde non oportet quod verificatur de uno, de altero
verificari. Similiter est hic: Socrates est alius ab homine. Ipse autem est
homo: igitur est alius a se. Tertius modus provenit quando proceditur a
specie ad proprium, vel e converso, sicut hic: homo est risibilis. Sed
risibile est proprium: igitur homo est proprium. Vel sic: homo est species:
risibile est homo; ergo risibile est species. Non sequitur: quia risibile et
homo non sunt omnino idem secundum definitionem, et ideo aliquo modo unum se
habet ad alterum per accidens et extraneum, et propter hoc non est necesse
quod quidquid verificatur de uno, verificetur de altero. Et est sciendum quod
non est inconveniens si in aliquibus praedictorum paralogismorum sint
assignatae duae fallaciae, scilicet figurae dictionis et accidentis, quia
secundum quod provenit deceptio ex similitudine dictionis, est fallacia
figurae dictionis; secundum vero quod provenit ex convenientia rerum,
fallacia accidentis est. Homo enim et Socrates quantum ad rem conveniunt, et
quantum ad nomen similitudinem habent. Sciendum est etiam quod sicut fit
paralogismus accidentis ex propositionibus categoricis, ita ex hypotheticis,
ex eo quod medium diversimode sumitur. Prout scilicet comparatur ad unam
extremitatem, est diversum ab alia, sicut hic: si nullum tempus est, dies non
est, per locum a toto in quantitate: et si dies non est, nox est, per locum
ab oppositis. Ergo si nullum tempus est, nox est. Sed si nox est, aliquod
tempus est. Igitur si nullum tempus est, aliquod tempus est. Patet ergo quod
illud medium, quod est diem non esse, est diversum ab eo quod est noctem
esse, secundum quod sequitur ad hoc quod est nullum tempus esse. Ex hoc enim
quod est diem non esse, non sequitur noctem esse nisi supposito tempore,
secundum quod sequitur ad hoc quod est nullum tempus esse, sicut ex hoc quod
est videntem non esse, sequitur caecum esse, supposito animali quod est natum
videre. |
#677. - On doit d'abord parler de la tromperie de l'accident. Là, on doit savoir qu'accident, à cette occasion, se prend en distinction avec par soi. Or on dit que quelque chose appartient par soi à autre chose, parce que cela lui appartient à raison de sa définition propre; en dehors de cela, tout ce qui appartient à autre chose, on dit que cela lui appartient par accident; par suite, pour ce qui est d'appartenir par soi ou par accident, on peut entretenir trois relations. Il y a des choses, en effet, qui sont de toute manière les mêmes à raison de leur substance, comme le vêtement et l'habit. Entre elles, toute [attribution] se fait par soi, et aucune par accident. Il y en a d'autres dont l'une est tout à fait extérieure à la notion de l'autre, comme blanc et homme; entre elles, toute [attribution] se fait par accident, et aucune par soi. Il y en a d'autres, enfin, dont l'une appartient en quelque sorte à la notion de l'autre, bien qu'elles ne soient pas tout à fait identiques dans leur définition, comme il en va du supérieur et de l'inférieur. Car le supérieur entre dans la définition de l'inférieur, bien que, toutefois, la définition de l'inférieur et du supérieur ne soit pas tout à fait la même, comme celle de l'animal et celle de l'homme, puisque la définition de l'inférieur ajoute à la définition du supérieur. C'est pareil pour le propre et l'espèce; en effet, l'espèce entre dans la définition du propre, bien que, toutefois, l'espèce et le propre ne sont pas tout à fait identiques en définition. Entre elles, l'[attribution] se fait tantôt par soi et tantôt par accident, dans la mesure où leur définition coïncide en partie et en partie diffère. #678. - Entre celles, donc, qui entretiennent la première relation, tout ce qui est vrai de l'une est nécessairement vrai de l'autre aussi, du fait que de pareilles choses sont tout à fait les mêmes en réalité et diffèrent de nom seulement; aussi, entre elles, il ne se peut pas qu'intervienne la tromperie de l'accident. Mais pour toutes les autres, tout ce qui est vrai de l'une n'est pas nécessairement vrai de l'autre aussi. C'est pourquoi si, de ce que quelque chose est vrai de l'une, on conclut que c'est vrai de l'autre, on a la tromperie de l'accident. #679. - Il peut arriver, néanmoins, que, ce qui est vrai de l'une, on conclue que c'est vrai de l'autre, à savoir, quand quelque chose est attribué à l'une en ce qu'elle est la même que l'autre; alors, en effet, ce qui appartient à l'une appartiendra aussi à l'autre. Mais si c'est attribué à l'une en ce qu'elle est distincte de l'autre, cela n'appartiendra pas à l'autre; et si c'est comme non distincte de l'autre, cela appartiendra aussi à l'autre. Par exemple, si le blanc est attribué à l'animal en ce qu'il est la même chose que l'homme, il doit convenir à l'homme; mais s'il [est attribué] à l'animal en ce qu'il est distinct de l'homme, il ne conviendra pas nécessairement à l'homme, et si on conclut qu'il [lui] appartienne, on aura la tromperie de l'accident, comme si on dit : ‘L'animal est quadrupède; l'homme est un animal; donc, l'homme est quadrupède.’ Le quadrupède, en effet, n'est pas attribué à l'animal en ce que l'animal est homme, mais en ce qu'il diffère de l'homme. Aussi appert-il que, dans l'argument cité, le moyen est pris de manière multiple : car, en premier, il était pris en ce qu'il différait de l'homme, mais, en second, en ce qu'il est la même chose que l'homme. C'est pourquoi, quand il y a tromperie de l'accident, il y a toujours une acception différente du moyen. Je dis, par ailleurs, qu'il y a acception différente du moyen, quand le moyen, en cela même qu'il coïncide avec l'un des extrêmes, diffère de l'autre. #680. - La tromperie de l'accident est une erreur qui provient de ce que quelque chose est signifié semblable à l'une et l'autre de choses qui sont en quelque sorte unes par accident. Il en appert que, dans la tromperie de l'accident, on trouve toujours trois termes, comme dans un syllogisme. Parmi eux, deux sont associés par accident de quelque manière, et ils se rapportent l'un à l'autre comme le moyen et l'extrême mineur; et le troisième, assigné appartenir à l'un et à l'autre, tient lieu d'extrême majeur. La cause de l'apparence, dans cette tromperie, c'est une certaine unité et identité de ces choses associées de quelque manière par accident, tandis que la cause de la non-existence est leur différence. En effet, comme le dit le Philosophe, au premier [livre] des Réfutations sophistiques (7, 169b3-6), la tromperie de l'accident survient du fait que l'on ne peut juger du même et du différent, de l'un et du multiple. #681. - Il y a, par ailleurs, trois modalités de cette tromperie. La première modalité provient de ce que l'on procède de l'accident au sujet, ou inversement, comme suit : ‘Je connais Coriscos; Coriscos s'en vient; donc, je connais qu'il s'en vient.’ Cela ne suit pas, parce que Coriscos et qu'il s'en vienne sont uns par accident et non par soi. Aussi, il ne s'ensuit pas que tout ce qui est vrai de l'un soit vrai de l'autre. Cela fait défaut, en effet, quand quelque chose est vrai de l'un selon qu'il diverge de l'autre, comme ici : ‘Je connais Coriscos.’[33] Coriscos, en effet, ne tombe pas sous la connaissance selon son identité avec le fait de s'en venir. Aussi appert-il qu'il y a diversification du moyen, et, par suite, il y a tromperie de l'accident. Pareillement, comme suit : ‘Ce chien est le tien; et il est père; donc, ce père est le tien.’ Le chien, en effet, et le père sont uns par accident. Aussi, il ne s'ensuit pas que tout ce qui est vrai de l'un soit vrai de l'autre. Ce n'est pas, en effet, en tant qu'il est père, qu'il convient au chien d'être le tien. #682. - La seconde modalité, c'est quand ce qui convient au supérieur est conclu de l'inférieur, ou inversement, comme suit : ‘L'homme est animal; et l'animal est genre; donc, l'homme est genre.’ Cela ne suit pas : car le supérieur et l'inférieur sont d'une certaine manière uns par accident, bien que d'une autre manière ils soient uns par soi. Aussi, de ce qui a été dit, il appert que si la même chose se vérifie de l'un d'eux selon qu'il est identique à l'autre, nécessairement, il a à se vérifier de l'autre. C'est d'après cela que l'on tire les arguments dialectiques du genre et de l'espèce, ou du supérieur et de l'inférieur. Mais ce qui se vérifie de l'un d'eux selon qu'il diffère de l'autre n'a pas à se vérifier de l'autre. Alors, il y a différence de moyen[34] et tromperie de l'accident, comme on le trouve dans l'[argument] proposé. En effet, être genre ne s'attribue pas à l'animal selon qu'il est identique à l'homme, mais selon qu'il en diverge comme le supérieur de l'inférieur. Il en va pareillement comme suit : ‘Le triangle est une figure; or la propriété du triangle est d'avoir trois angles; donc, c'est la propriété de la figure.’ Cela ne suit pas, parce que le triangle et la figure ne sont pas la même chose de toutes les façons. Aussi, ce qui se vérifie de l'un n'a pas à se vérifier de l'autre. Il en va pareillement comme suit : ‘Socrate est autre chose que l'homme; mais il est homme; donc, il est autre chose que lui-même.’ C'est pourquoi l'un se rapporte de quelque manière à l'autre par accident tout en lui demeurant étranger, et à cause de cela, tout ce qui se vérifie de l'un ne se vérifie pas nécessairement de l'autre. #683. - La troisième modalité survient quand on procède de l'espèce au propre, ou inversement, comme suit : ‘L'homme est risible; or le risible est un propre; donc, l'homme est un propre.’ Ou comme suit : ‘L'homme est une espèce; or le risible est homme; donc, le risible est une espèce.’ Cela ne suit pas, parce que le risible et l'homme ne sont pas tout à fait identiques par définition, et #684. - De plus, l'on doit savoir que cela ne comporte pas d'inconvénient si, à certains des paralogismes précités, deux tromperies sont assignées, à savoir, [celles] de l'aspect du mot et de l'accident, car, en tant que l'erreur provient d'une ressemblance entre mots, elle constitue une tromperie de l'aspect du mot; et selon qu'elle provient d'une ressemblance entre choses, elle constitue une tromperie de l'accident. En effet, l'homme et Socrate coïncident quant à la chose, et comportent une ressemblance quant à leur nom. #685. - On doit savoir aussi que, de la manière dont le paralogisme de l'accident se fait à partir de propositions attributives, il se fait aussi à partir de [propositions] conditionnelles, du fait de prendre le moyen sous des manières différentes. C'est qu'il diffère, comparé à un extrême, de [ce qu'il est, comparé à] l'autre, comme suit : ‘Si ce n'est aucun temps, ce n'est pas le jour, par le lieu du tout de quantité; et si ce n'est pas le jour, c'est la nuit, par le lieu des opposés; donc, si ce n'est aucun temps, c'est la nuit; mais si c'est la nuit, c'est un temps; donc, si ce n'est aucun temps, c'est un temps.’ Il appert donc que ce moyen, qui est : ‘ce n'est pas le
jour’, est différent du fait que ‘c'est la nuit’, puisqu'il suit du fait que
‘ce n'est aucun temps’. En effet, de ‘ce n'est pas le jour’, il ne s'ensuit
pas que ‘c'est la nuit’, sauf si on suppose un temps, étant donné qu'il
s'ensuit du fait que ‘ce n'est aucun temps’, comme, du fait de ‘ne pas être
voyant’, s'ensuit ‘être aveugle’ à la condition de supposer un animal qui est
de nature à voir. |
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Caput
13 [88096] De fallaciis, cap. 13 tit. De fallacia secundum quid et simpliciter |
Chapitre 13 — Sur la tromperie d'une manière et absolument |
[88097] De fallaciis, cap. 13 Sequitur de fallacia secundum quid et simpliciter.
Simpliciter autem hic dicitur quod nullo modo addito dicitur, ut cum dicitur:
Socrates est albus, vel Socrates currit; secundum quid autem dicitur quod cum
aliquo addito dicitur, ut: iste currit bene, vel Socrates est albus secundum
dentem. Hoc autem quod additur, dupliciter se habet ad id cui additur: nam
quandoque non diminuit de ratione eius cui additur, et tunc potest procedi ab
eo quod est secundum quid ad hoc quod est simpliciter, ut cum dicitur: iste
currit velociter, igitur currit: velocitas enim nihil diminuit de ratione
cursus. Et est in praedicto argumento locus a parte in modo. Quandoque vero
id quod additur diminuit aliquid de ratione eius cui additur; ut cum dicitur:
Aethiops est albus secundum dentem. Nam haec determinatio dentem diminuit
aliquid de ratione eius quod dicitur albus: non enim potest dici albus, nisi
qui totus est albus, vel secundum plures et principaliores partes. Et ideo si
concludatur: Aethiops est albus secundum dentem, ergo est albus; est locus
sophisticus, vel fallacia secundum quid et simpliciter, et est deceptio
proveniens ex eo quod dictum secundum quid accipitur ac si esset dictum
simpliciter. Causa apparentiae in hac fallacia est convenientia eius quod est
secundum quid, ad id quod est simpliciter; causa vero non existentiae est
diversitas eorumdem. Sunt autem quinque modi huius fallaciae. Et primus modus
est quando determinatio addita habet oppositionem ad illud cui additur, ut in
hoc argumento: Caesar est homo mortuus. Ergo est homo. Non sequitur: nam esse
hominem mortuum habet oppositionem ad hominem, eo quod vivum est de ratione
hominis, cum homo sit animal et animal est substantia animata sensitiva: et
sic patet quod haec determinatio mortuus tollit hominis rationem. Similiter:
iste est bonus latro, igitur est bonus. Nam bonum per se suppositum
oppositionem habet ad latrocinium. Similiter hic: mendax dicit verum dicendo
se dicere falsum. Ergo dicit verum. Non sequitur: nam dicere verum opponitur
ei quod est dicere falsum, et e converso. Secundus modus provenit ex eo quod
aliqua determinatio addita pertinet ad animae actum: nam aliqui actus animae
possunt esse circa existentiam et circa non existentiam, sicut hic: Chymaera
est animal opinabile, igitur Chymaera est animal. Non sequitur: nam opinabile
additum animali diminuit de eius ratione. Similiter hic: Caesar est in
memoria hominum. Igitur Caesar est. Similiter hic: tu habes felicitatem in
tua voluntate, igitur habes felicitatem. Tertius modus est quando
determinatio addita significat aliquid in potentia esse, sicut hic: ovum
potentialiter est animal. Ergo est animal. Non sequitur: nam esse in potentia
diminuit de ratione eius quod est esse simpliciter. Quartus modus est quando
determinatio addita significat partem, sicut hic: Aethiops est albus dente.
Ergo est albus. Non sequitur: quia esse in parte diminuit de ratione eius
quod est esse simpliciter. Sciendum tamen quod si a parte sit natum
denominari totum, non accidit fallacia, ut patet in hoc processu: iste est
Crispus secundum capillos. Ergo est Crispus. Bene sequitur: quia homo
denominatur Crispus secundum capillos. Et hic modus se extendit ad alias
partes, scilicet loci, vel temporis, vel aliorum totorum. Si vero aliquid
additur toti in loco mediante parte in loco, a qua parte totum non est natum
denominari, accidit fallacia in his processibus, ut: haec diaeta est bona in
locis aegrotativis, ergo est bona. Non sequitur: quia hoc quod dicit in locis
aegrotativis significat partem in loco. Similiter est de toto et parte in
tempore, sicut hic: bibere vinum est malum aegrotanti. Ergo est malum. Et
eadem ratio est in omnibus similibus. Quintus modus est quando determinatio
addita cogit terminum, cui additur, stare materialiter; sicut hic: sapiens
vult amittere malum. Ergo vult malum. Non sequitur: nam amittere malum non
dicit malum simpliciter, sed secundum quid. Similiter hic: fur vult sumere
bonum. Igitur vult bonum. Et est eadem ratio in aliis similibus. Sic ergo
patet ex dictis quod haec fallacia provenit secundum rationem perfecti et
imperfecti: nam determinatio diminuit, eo quod significat aliquid esse
imperfectum. |
#686. - On continue avec la tromperie d'une manière et absolument. Absolument désigne ici ce que l'on dit sans ajouter aucune modalité, comme lorsque l'on dit : ‘Socrate est blanc’, ou ‘Socrate court’; d'une manière, par ailleurs, dit ce que l'on dit en ajoutant quelque chose, comme ‘Un tel court bien’, ou ‘Socrate est blanc des dents’. Or ce que l'on ajoute entretient un double rapport avec ce à quoi on l'ajoute. En effet, parfois, il n'enlève rien à la notion de ce à quoi on l'ajoute, et alors on peut aller de ce qui est d'une manière à ce qui est absolument, comme lorsque l'on dit : ‘Un tel court rapidement; donc, il court.’ Car la rapidité n'enlève rien à la notion de la course. Et on a, dans l'argument précédent, le lieu de la partie modale. Mais d'autres fois, ce que l'on ajoute enlève quelque chose à la notion de ce à quoi on l'ajoute, comme lorsqu'on dit : ‘L'Éthiopien est blanc des dents’. Car cette précision des dents enlève quelque chose à la notion de ce que l'on dit blanc : en effet, on ne peut dire blanc que ce qui est blanc en entier, ou de plusieurs et principales parties. C'est pourquoi, si l'on conclut : ‘L'Éthiopien est blanc des dents; donc, il est blanc’, on a le lieu sophistique, ou tromperie, d'une manière et absolument, et l'erreur provient de ce que l'on prend ce que l'on dit d'une manière comme si on le disait absolument. La cause de l'apparence, dans cette tromperie, est le lien entre ce qui va d'une manière et ce qui va absolument, tandis que la cause de la non-existence est leur différence. #687. - Il y a, par ailleurs, cinq modalités de cette tromperie. La première modalité, c'est quand la précision[35] ajoutée comporte une opposition avec ce à quoi on l'ajoute, comme dans l'argument qui suit : ‘César est un homme mort; donc, c'est un homme.’ Cela ne suit pas, car être un homme mort comporte une opposition avec [être un] homme, du fait que vivant appartient à la notion d'homme, puisque l'homme est un animal et que l'animal est une substance animée sensible; ainsi appert-il que la limite mort détruit la notion d'homme. Pareillement : ‘Un tel est un bon voleur; donc, il est bon.’ En effet, le bien, posé en lui-même, comporte une opposition avec le vol. Pareillement, comme suit : ‘Le menteur dit vrai, en disant qu'il dit faux; donc, il dit vrai.’ Cela ne suit pas; en effet, dire vrai s'oppose à dire faux, et inversement. #688. - La seconde modalité provient de ce qu'une précision ajoutée appartient à l'acte de l'âme, car certains actes de l'âme peuvent toucher l'existence et la non-existence, comme suit : ‘La Chimère est un animal imaginaire; donc, la Chimère est un animal.’ Cela ne suit pas, car imaginaire, ajouté à l'animal, enlève à sa notion. Pareillement, comme suit : ‘César est dans la mémoire des hommes; donc, César est.’ Pareillement, comme suit : ‘Tu as le bonheur dans ta volonté; donc, tu as le bonheur.’ #689. - La troisième modalité, c'est quand la précision ajoutée signifie de l'être en puissance, comme suit : ‘L'œuf est en puissance un animal; donc, c'est un animal.’ Cela ne suit pas, car être en puissance enlève à la notion de ce qui est d'être absolument. #690. - La quatrième modalité, c'est quand la précision ajoutée signifie une partie, comme suit : ‘L'Éthiopien est blanc des dents; donc, il est blanc.’ Cela ne suit pas, parce que d'être en partie enlève à la notion de ce qui est d'être absolument. On doit savoir, toutefois, que si un tout est de nature à être dénommé d'après sa partie, la tromperie ne se produit pas, comme il appert dans ce raisonnement : ‘Un tel est frisé des cheveux; donc, il est frisé.’ Cela suit bien, parce qu'on est dénommé frisé d'après ses cheveux. Cette modalité s'étend à d'autres parties, à savoir, de lieu, ou de temps, ou d'autres touts. Mais si on ajoute quelque chose à un tout de lieu moyennant une partie de lieu d'après laquelle le tout n'est pas de nature à être dénommé, la tromperie se produit, comme dans les raisonnements qui suivent : ‘Telle diète est bonne dans les lieux affectés; donc, elle est bonne.’ Cela ne suit pas, car de dire dans les lieux affectés signifie la partie de lieu. Il en va pareillement pour le tout et la partie de temps, comme suit : ‘Boire du vin est mauvais quand on est malade; donc, c'est mauvais.’ La même raison vaut de tous les cas semblables. #691. - La cinquième modalité, c'est quand la précision ajoutée réduit le terme auquel on l'ajoute à ne tenir que matériellement, comme suit : ‘Le sage veut éviter le mal; donc, il veut le mal.’ Cela ne suit pas, car éviter le mal ne dit pas le mal absolument, mais d'une manière. Pareillement, comme suit : ‘Le voleur veut obtenir le bien; donc, il veut le bien.’ La même raison vaut dans les autres cas semblables. Ainsi donc, il appert de ce que l'on a dit que cette
tromperie est issue de la raison de parfait et d'imparfait; en effet, la
limite enlève dans la mesure où elle signifie un être imparfait. |
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Caput
14 [88098] De fallaciis, cap. 14 tit. De fallacia secundum ignorantiam elenchi |
Chapitre 14 — Sur la tromperie par l'ignorance de
la réfutation
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[88099] De fallaciis, cap. 14 Sequitur de fallacia secundum ignorantiam elenchi. Est
autem elenchus syllogismus contradictionis: qui quandoque est unus, quandoque
duo. Unus quidem, quando concludit contradictoriam alterius propositionis
prius datae: sicut si detur aliquod animal esse incorruptibile, et procedatur
sic: omne compositum ex contrariis est corruptibile. Omne animal est
huiusmodi. Ergo omne animal est corruptibile. Haec enim conclusio est
contradictoria propositionis datae. Duo autem syllogismi constituunt
elenchum, quando ex duobus syllogismis concluditur contradictorie, sicut si
supradicto syllogismo contraponatur alius talis syllogismus: nullum beatum
est corruptibile. Et aliquod animal est beatum: igitur aliquod animal non est
corruptibile. Quia igitur de ratione elenchi est syllogismus et contradictio,
ideo quicquid est contra definitionem syllogismi et contradictionis, est
contra definitionem elenchi. Et ideo cum in qualibet fallacia defectus
accidat propter hoc quod aliquid omittitur de definitione syllogismi et
contradictionis, ideo omnis fallacia reducitur ad ignorantiam elenchi sicut
ad generale principium. Quia vero in definitione elenchi ponitur
contradictio, quasi differentia quae constituit speciem, ideo specialiter
omissio eorum quae ad contradictionem requiruntur, ignorantiam elenchi
constituit secundum quod est fallacia specialis. Sed quia fallacia esse non
potest si apparentia desit, oportet ad hoc quod circa contradictionem sit
fallacia, ut sit apparens contradictio et cum hoc aliquid ad veritatem
contradictionis desit. Apparens autem contradictio esse non potest, nisi sit
unius et eiusdem: quia nisi sit ibi unum et idem, non videbitur esse
contradictio, ut dicendo: homo currit, asinus non currit. Ex vera autem
contradictione non potest deficere nisi ex defectu unius et eiusdem. Unde, hoc observato,
ex defectu aliquorum quae ad contradictionem requiruntur, fit fallacia. Est
autem contradictio oppositio unius et eiusdem non rei tantum, sed rei et
nominis simul secundum idem ad idem similiter et in eodem tempore; fallacia
autem secundum ignorantiam elenchi est deceptio proveniens ex eo quod non
observantur ea quae sunt necessaria ad definitionem elenchi, et praecipue ex
parte contradictionis: unde dicitur ignorantia elenchi quia accidit deceptio
solum per hoc quod definitio contradictionis ignoratur. Causa autem
apparentiae in hac fallacia est similitudo apparens contradictionis
deficientis ad contradictionem perfectam; causa vero non existentiae est
diversitas eorumdem. Modi huius fallaciae sunt quatuor. Primus peccat contra
hanc particulam ad idem, ut hic: duo sunt duplum ad unum, et non sunt duplum
ad tria: igitur sunt duplum et non duplum. Non
sequitur: quia, omisso hoc quod est esse ad idem, non est contradictio.
Secundus autem peccat contra hanc particulam secundum idem, sicut hic: hoc
est duplum ad illud secundum longitudinem, et non est duplum secundum
latitudinem. Ergo idem est duplum et non duplum. Non sequitur: quia omittitur
haec particula, secundum idem, quae requiritur ad contradictionem. Tertius
peccat contra hanc particulam similiter, sicut hic: caelum movetur
circulariter, et non movetur sursum et deorsum. Ergo movetur et non movetur.
Non sequitur: quia omissio huius particulae, similiter, tollit
contradictionem. Quartus est contra hanc particulam in eodem tempore, sicut
hic: domus est clausa in nocte, non est clausa in die. Ergo est clausa et non
est clausa. Non sequitur: quia diversitas temporis impedit contradictionem.
Et est sciendum quod haec fallacia convenit cum fallacia secundum quid et
simpliciter in hoc, quia in utraque proceditur ab eo quod dicitur cum
determinatione ad id quod dicitur simpliciter. Sed haec est differentia, quia
in fallacia secundum quid et simpliciter determinatio diminuit de ratione
eius quod est simpliciter esse, quod non de necessitate accidit in hac
fallacia, sed hae determinationes additae diminuunt de ratione
contradictionis; bene enim sequitur: hoc est duplum ad illud secundum
latitudinem. Igitur est duplum ad illud; non tamen sequitur quod sit
contradictio, si ad diversa referatur. Patet etiam ex dictis quod haec
fallacia provenit secundum generalem entium contradictionem, quae est
oppositio: nam est omnis contradictionis principium. |
#692. - On continue avec la tromperie par l'ignorance de la réfutation. Par ailleurs, la réfutation est le syllogisme37 d'une contradiction, et il est tantôt unique, tantôt double. Unique, bien sûr, quand il conclut la contradictoire d'une autre proposition concédée antérieurement, comme si l'on concédait que ‘quelque animal est incorruptible’, et que l'on procédait comme suit : ‘Tout composé de contraires est corruptible; tout animal est de la sorte; donc, tout animal est corruptible.’ Cette conclusion, en effet, est la contradictoire de la proposition concédée. Mais ce sont deux syllogismes qui constituent la réfutation, quand c'est avec deux syllogismes que l'on conclut en contradiction, comme si, au syllogisme précédent, on oppose tel autre syllogisme : ‘Nul bienheureux n'est corruptible; et quelque animal est bienheureux; donc, quelque animal n'est pas corruptible.’[36] #693. - Comme, donc, il appartient à la notion de réfutation d'être et syllogisme et contradiction, tout ce qui va contre la définition du syllogisme et celle de la contradiction va contre la définition de la réfutation. C'est pourquoi, comme, en n'importe quelle tromperie, le défaut arrive à cause de ce que quelque chose est omis de la définition du syllogisme et de la contradiction, toute tromperie se réduit à l'ignorance de la réfutation comme à un principe général. Comme, par ailleurs, dans la définition de la réfutation, on pose la contradiction comme une différence qui le constitue spécifiquement, c'est spécialement l'omission de ce qui est requis à la contradiction qui constitue l'ignorance de la réfutation en tant que tromperie spéciale. Or comme il ne peut y avoir de tromperie si l'apparence manque, il faut, pour qu'il y ait une tromperie concernant la contradiction, qu'il y ait apparente contradiction et qu'en même temps quelque chose manque à la vérité de la contradiction. Or il ne peut y avoir apparente contradiction que si cela concerne une seule et même chose, car s'il n'y a pas là chose unique et identique, il ne semblera pas y avoir contradiction, comme si l'on dit : ‘L'homme court; l'âne ne court pas.’ On ne peut donc faire défaut à la vraie contradiction que si le défaut concerne tout de même une seule et même chose. Aussi, cela observé, c'est du défaut de ce qui est requis à la contradiction que se produit la tromperie. #694. - Par ailleurs, la contradiction est l'opposition d'une seule et même non pas seulement chose, mais chose et nom en même temps, sous le même rapport, en rapport à la même chose, de manière semblable et au même temps; aussi, la tromperie par l'ignorance de la réfutation est une erreur provenant de ce que ne sont pas observés ces [conditions] nécessaires à la définition de la réfutation, et principalement du côté de la contradiction. Aussi dit-on ignorance de la réfutation parce qu'arrive l'erreur seulement du fait que la définition de la contradiction est ignorée. Par ailleurs, la cause de l'apparence, dans cette tromperie, est la ressemblance apparente de la contradiction qui fait défaut avec la contradiction parfaite, tandis que la cause de la non-existence est leur différence. #695. - Il y a quatre modalités de cette tromperie. Le premier pèche contre la particule en rapport à la même chose, comme suit : ‘Deux sont le double d'un, et ne sont pas le double de trois; donc, ils sont le double et non le double.’ Cela ne suit pas, puisque, sans que ce soit en rapport à la même chose, il n'y a pas de contradiction. #696. - Le second pèche contre la particule sous le même rapport, comme suit : ‘Ceci est le double de cela en longueur, et n'est pas son double en largeur; donc, la même chose est le double et non le double.’ Cela ne suit pas, puisque l'on omet la particule sous le même rapport, qui est requise à la contradiction. #697. - Le troisième pèche contre la particule de manière semblable, comme suit : ‘Le ciel se meut de manière circulaire, et ne se meut pas de haut en bas; donc il se meut et ne se meut pas.’ Cela ne suit pas, puisque l'omission de la particule de manière semblable détruit la contradiction. #698. - Le quatrième va contre la particule au même temps, comme suit : ‘La maison est fermée la nuit et n'est pas fermée le jour; donc, elle est fermée et n'est pas fermée.’ Cela ne suit pas, puisque la différence de temps empêche la contradiction. #699. - Enfin, on doit savoir que cette tromperie coïncide avec la tromperie d'une manière et absolument en cela que, en l'une et l'autre, on procède de ce qui est dit d'une manière à ce qui est dit absolument. Mais la différence est que, dans la tromperie d'une manière et absolument, la limite enlève à la notion de ce qu'il en est d'être absolument, ce qui n'arrive pas nécessairement dans cette tromperie-ci, où les limites ajoutées enlèvent plutôt à la notion de contradiction. En effet, cela suit bien : ‘Ceci est le double de cela en largeur; donc, il est son double.’ Mais il ne s'ensuit pas que cela soit une contradiction, si on renvoie à des choses différentes. Il appert aussi, de ce qui a été dit, que cette
tromperie survient en rapport avec la contradiction générale des êtres, qui
est leur opposition, car elle est le principe de toute contradiction. |
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Caput
15 [88100] De fallaciis, cap. 15 tit. De fallacia petitionis principii |
Chapitre 15 — Sur la tromperie de la demande du
principe
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[88101] De fallaciis, cap. 15 Sequitur de fallacia petitionis principii. Principium
hic dicitur principale propositum. Tunc igitur aliquis petit principium,
quando petit sibi concedi principale propositum quod debet probare: quod
quidem si sub eodem nomine petat, nulla fit fallacia, sed petens videbitur
deridendus, sicut si velit probare: homo currit, et petit eamdem sibi
concedi. Si vero petat id quod vult probare sub alio vocabulo, poterit esse
fallacia; et tunc proprie petit illud quod est in principio, id est illud
quod in se continet principale propositum. Fallacia ergo petitionis principii
est deceptio proveniens ex eo quod idem assumitur ad probationem sui ipsius
sub alio vocabulo. Causa ergo apparentiae in hac fallacia est diversitas
conclusionis ex praemissis; causa vero non existentiae est identitas
earumdem. Sunt autem modi huius fallaciae quinque. Primus modus est quando
definitum petitur ad definitionis probationem, vel e converso, ut si debeat
probari quod homo currit, et petatur concedi quod animal rationale mortale
currat, quo concesso, arguatur sic: animal rationale mortale currit: igitur
homo currit. Haec nulla probatio est, quia similiter dubitatur de praemissa
et conclusione. Secundus modus est quando universale petitur ad probationem
particularis; ut si debeat probari quod omnium contrariorum eadem est
disciplina, et assumatur ista: omnium oppositorum eadem est disciplina. Ergo
omnium contrariorum eadem est disciplina. Haec praemissa non est magis nota
quam conclusio. Tertius modus est quando petuntur omnia particularia ad
probationem universalis, ut si debeat probari quod omnium oppositorum est
eadem disciplina, et assumatur ista: omnium contrariorum est eadem
disciplina. Omnium privative oppositorum eadem est disciplina, et sic de
aliis: igitur omnium oppositorum est eadem disciplina. Haec etiam conclusio
in praemissis petitur. Quartus modus est quando petitur divisim quod debet
probari coniunctim; ut si debeat probari quod medicina sit scientia sani et
aegri, et sumatur ita: medicina est scientia sani, et medicina est scientia
aegri. Ergo medicina est scientia sani et aegri. Hic etiam petitur id quod
deberet probari. Quintus modus est quando petitur unum correlativorum ad
probationem alterius; ut si debeat probari quod Socrates sit pater Platonis,
et sumatur ita: Plato est filius Socratis: igitur Socrates est pater
Platonis. Hic etiam petitur quod deberet probari ab aliis verbis. Et est
sciendum quod haec fallacia non peccat contra vim illativam argumentandi,
quia bene sequitur conclusio, datis praemissis, cum servetur debita habitudo
inferentis ad illatum; sed peccat contra probationem argumenti, nam probatio
debet esse magis manifesta, quod hic non observatur; unde hic non accidit
deceptio ex eo quod conclusio non infertur ex praemissis, cum illationes
praedictae sint secundum locos dialecticos, sed accidit deceptio ex eo quod
petitur idem concedi ac si esset diversum. Unde si in praemissis modis
argumentandi accipiantur praemissae ex eo quod sint magis notae, et non quasi
petitae, non erit argumentum sophisticum sed dialecticum. Patet autem ex
praedictis quod haec fallacia provenit secundum idem et diversum, prout non
discernitur inter ea. |
#700. - On poursuit avec la tromperie de la demande du principe[37]. On appelle principe, ici, le propos principal. On demande donc le principe quand on demande que nous soit concédé le propos principal que l'on doit prouver. Certes, si on le demande sous le même nom, aucune tromperie n'est produite; au contraire, en le demandant, on paraîtra ridicule, comme si on veut prouver que ‘l'homme court’, et qu'on demande que cela même nous soit concédé. Mais si on demande ce que l'on veut prouver sous un autre vocable, il pourra y avoir tromperie; et alors proprement on demande ce qu'il y a déjà au principe, c'est-à-dire, ce qui contient en soi le propos principal. Donc, la tromperie de la demande du principe est l'erreur qui provient de ce que l'on assume la même chose en guise de preuve d'elle-même, mais sous un autre vocable. Donc, la cause de l'apparence, dans cette tromperie, est la différence apparente de la conclusion avec les prémisses, tandis que la cause de la non-existence est leur identité. #701. - Il y a, par ailleurs, cinq modalités de cette tromperie. La première modalité, c'est quand on demande le défini pour la preuve de la définition, ou inversement, comme si l'on doit prouver que ‘l'homme court’, et qu'on demande que soit concédé que ‘l'animal rationnel mortel court’, puis, cela concédé, qu'on argue comme suit : ‘L'animal rationnel mortel court; donc, l'homme court.’ Ce n'est pas du tout une preuve, puisqu'on doute pareillement de la prémisse et de la conclusion. #702. - La seconde modalité, c'est quand l'universel est demandé pour la preuve du particulier, comme si l'on doit prouver que ‘pour tous les contraires, c'est la même discipline’, et qu'on assume comme suit : ‘Pour tous les opposés, c'est la même discipline; donc, pour tous les contraires, c'est la même discipline.’ La prémisse n'est pas plus connue que la conclusion. #703. - La troisième modalité, c'est quand on demande tous les particuliers pour la preuve de l'universel, comme si l'on doit prouver que ‘pour tous les opposés, c'est la même discipline’, et qu'on assume comme suit : ‘Pour tous les contraires, c'est la même discipline, pour tous les opposés selon le mode de la privation, c'est la même discipline, et ainsi des autres; donc, pour tous les opposés, c'est la même discipline.’ La conclusion est encore demandée dans les prémisses. #704. - La quatrième modalité, c'est quand on demande séparément ce que l'on doit prouver ensemble, comme si l'on doit prouver que ‘la médecine est la science du sain et du malade’, et que l'on assume comme suit : ‘La médecine est la science du sain, et la médecine est la science du malade; donc, la médecine est la science du sain et du malade.’ Ici aussi, on demande ce que l'on doit prouver. #705. - La cinquième modalité, c'est quand on demande l'un des corrélatifs, pour la preuve de l'autre, comme si l'on doit prouver que ‘Socrate est le père de Platon’, et que l'on assume comme suit : ‘Platon est le fils de Socrate; donc, Socrate est le père de Platon.’ Ici aussi, on demande, sous d'autres mots, ce que l'on devrait prouver. #706. - On doit savoir que cette tromperie ne
pèche pas contre la vigueur d'inférence de l'argumentation, parce que la
conclusion suit bien, une fois concédées les prémisses, étant donné que l'on
garde la relation due de l'inférant à l'inféré; mais il pèche contre
l'[aspect] preuve de l'argument, car la preuve doit être plus manifeste, ce
qui n'est pas observé ici. Aussi, ici, l'erreur n'arrive pas de ce que la
conclusion n'est pas inférée des prémisses, étant donné que les inférences
précédentes procèdent d'après des lieux dialectiques, mais l'erreur arrive de
ce que l'on demande de concéder la même chose comme si elle était différente.
Aussi, si, dans les manières d'argumenter qui précèdent, on prend les prémisses
pour ce qu'elles sont plus connues, et non comme déjà demandées [dans le
problème], il n'y aura pas argument sophistique, mais dialectique. Il appert,
par ailleurs, de ce que l'on a dit, que cette tromperie survient en rapport
avec «le même et l'autre», pour autant qu'on ne discerne pas entre eux. |
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Caput
16 [88102] De fallaciis, cap. 16 tit. De fallacia consequentis |
Chapitre 16 — Sur la tromperie du conséquent
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[88103] De fallaciis, cap. 16 Sequitur de fallacia consequentis. Consequens autem, ut
hic sumitur, est quod sequitur ad antecedens in propositione conditionali, ut
cum dicitur: si Socrates est homo, est animal; Socratem esse animal est
consequens, Socratem vero esse hominem est antecedens. Est ergo fallacia
consequentis deceptio proveniens ex eo quod consequens aestimatur esse idem
cum antecedente omnino. Ex hoc enim contingit aliquem credere quod, si
consequens sequitur ad antecedens, ita e converso antecedens sequatur ad
consequens. Unde patet quod haec fallacia consequentis in duabus consistit
consequentiis, quarum una est vera, et altera falsa, sicut si dicatur: si
aliquis currit, movetur. Sed Socrates movetur: igitur Socrates currit. Haec
enim consequentia: si Socrates currit, movetur, quae primo ponitur, est vera;
sed ista, ad quam proceditur, est falsa: si movetur, igitur currit. Ubi vero
tantum ponitur una consequentia, non est fallacia consequentis; unde si
dicatur: Socrates est animal: igitur Socrates est homo; non est fallacia consequentis
ex modo argumentandi, sed magis fallacia accidentis: nam, sicut fallacia
consequentis provenit ex eo quod consequens existimatur omnino esse idem
antecedenti cum non sit, ita fallacia accidentis provenit ex eo quod
praedicatum existimatur omnino idem esse subiecto. Unde haec fallacia denominatur
a consequendo, illa autem ab accidendo, quod est inhaerere. Et inde est quod quando proceditur argumentando solum
ab aliqua cathegorica, per quam significatur aliquid inesse, est fallacia
accidentis; quando ab aliqua conditionali, est fallacia consequentis. Et ideo
philosophus dicit quod fallacia accidentis est in uno, et fallacia
consequentis in pluribus, scilicet consequentiis; et ex hoc etiam patet quod
in consequentiis consequens est aliquo modo pars accidentis: nam omne quod
sequitur, aliquo modo accidit; sed non omne quod accidit, sequitur. Non enim
sequitur: si est homo, est album; licet haec sit vera quod ly homo sit albus.
Et ideo ubicumque est fallacia consequentis aliter ordinatis terminis, potest
fieri fallacia accidentis, sed non convertitur. Causa apparentiae in hac
fallacia est convenientia consequentis cum antecedente: causa vero non
existentiae est diversitas eorumdem. Sunt autem modi huius fallaciae duo.
Primus modus procedit ex consecutione magis communis ad minus commune, sive
magis commune sit genus, sive accidens, ut patet in his paralogismis: si
aliquid est asinus, est animal. Sed tu es animal. Igitur tu es asinus. Non
sequitur: non enim consequentia prius posita convertitur. Similiter hic: si
aliquod est mel, est rubeum. Sed fel est rubeum, igitur fel est mel.
Similiter hic: si aliquis est fur, errat de nocte. Sed tu erras de nocte.
Igitur tu es fur. In his enim omnibus putatur consequentia converti, quae non
convertitur, unde est fallacia consequentiae. Si autem sumantur propositiones
cathegoricae in eisdem terminis, est fallacia accidentis, sicut: asinus est
animal. Tu es animal. Igitur tu es asinus. Et haec: mel est rubeum, et fel
est rubeum. Igitur mel est fel. Secundus modus est quando proceditur a
consequentia oppositi ad similem consequentiam in alio opposito, ut si
dicatur: si aliquid est generatum, habet principium. Sed anima non est
generata. Igitur anima non habet principium, sed semper fuit. Non sequitur:
est enim in oppositis duplex consequentia, una in ipso, altera in contrario.
In ipso quidem est consequentia, quando sicut ad antecedens sequitur
consequens, ita ad oppositum antecedentis sequitur oppositum consequentis,
ut: si est iustum, est bonum. Igitur si est iniustum, est malum. Consequentia
e contrario est, quando sicut ad antecedens sequitur consequens, ita ad
oppositum consequentis sequitur oppositum antecedentis, ut: si est homo, est
animal. Igitur si non est animal, non est homo: in oppositis enim secundum
affirmationem et negationem non est consequentia in ipso, sed in contrario.
Et ideo quando proceditur in huiusmodi oppositis ac si esset consequentia in
ipso, est fallacia consequentis, sicut in exemplo patet. In his autem
terminis est fallacia accidentis cathegoricis propositionibus sumptis, ut si
dicatur sic: omne generatum habet principium. Sed anima non est generata.
Igitur non habet principium. Et est sciendum quod sicut primus modus peccat
contra consequentiam procedendo a positione consequentis ad positionem
antecedentis, ita secundus peccat procedendo a destructione antecedentis ad
destructionem consequentis. Est autem contrario modo procedendum, scilicet a
destructione consequentis ad positionem antecedentis: patet enim quod haec
fallacia provenit secundum rationem prioris et posterioris. Et nota quod
quoddam consequens est in plus suo antecedente et quoddam in minus:
consequens in plus est in terminis universalibus, sicut cum dico: homo est,
ergo animal est; consequens in minus est, sicut totum in quantitate, et eius
pars, ut cum dicitur: omnium oppositorum eadem est disciplina. Ergo omnium
contrariorum. |
#707. - On poursuit avec la tromperie du conséquent. Le conséquent, par ailleurs, comme on le prend ici, est ce qui suit d'un antécédent dans une proposition conditionnelle, comme lorsqu'on dit : ‘Si Socrate est homme, il est animal.’ Que Socrate soit animal est le conséquent, et que Socrate soit homme est l'antécédent. Donc, la tromperie du conséquent est l'erreur qui provient de ce que le conséquent est pris tout à fait pour la même chose que l'antécédent. De cela, en effet, on peut croire que, si le conséquent suit de l'antécédent, de même inversement l'antécédent suit du conséquent. Aussi appert-il que cette tromperie du conséquent consiste en deux conséquences, dont l'une est vraie, et l'autre fausse, comme si l'on dit : ‘Si on court, on se meut; or Socrate se meut; donc, Socrate court.’ Car la conséquence : ‘Si Socrate court, il se meut’, qui est posée en premier, est vraie; mais celle à laquelle on procède est fausse : ‘S'il se meut, donc, il court.’ #708. - Par ailleurs, où il n'y a qu'une conséquence, il n'y a pas de tromperie du conséquent. Aussi, si l'on dit : ‘Socrate est animal; donc, Socrate est homme’ il n'y a pas de tromperie du conséquent quant à la manière d'argumenter, mais plutôt tromperie de l'accident[38]. En effet, comme la tromperie du conséquent provient de ce que le conséquent est pris tout à fait pour la même chose que son antécédent, alors qu'il ne l'est pas, de même la tromperie de l'accident provient de ce que l'attribut est pris tout à fait pour la même chose que son sujet. Aussi, cette tromperie est dénommée du fait de suivre, et l'autre du fait d'être accident, c'est-à-dire, d'inhérer. #709. - De là vient que, quand, dans l'argumentation, on procède simplement d'une attributive, où on signifie qu'une chose inhère, on a la tromperie de l'accident; quand c'est d'une conditionnelle, on a la tromperie du conséquent[39]. C'est pourquoi le Philosophe dit (Réf. soph., 5, 166b30, 167b11) que «la tromperie de l'accident tient à une chose, et la tromperie du conséquent à plusieurs», à savoir, conséquences; de là il appert aussi que, dans les conséquences, le conséquent est d'une certaine manière une partie de l'accident : car tout ce qui suit, est d'une certaine manière accident; mais tout ce qui est accident ne suit pas. En effet, cela ne suit pas : ‘S'il est homme, il est blanc’, bien que cela soit vrai, que ‘l'homme est blanc’. C'est pourquoi, partout où il y a tromperie du conséquent, si l'on ordonne autrement les termes, on peut produire la tromperie de l'accident, mais cela ne se convertit pas. La cause de l'apparence, dans cette tromperie, c'est le lien du conséquent avec l'antécédent, tandis que la cause de la non-existence, c'est leur différence. #710. - Il y a, par ailleurs, deux modalités de cette tromperie. La première modalité procède de la consécution plus commune à la moins commune, que le plus commun soit genre ou accident, comme il appert dans ces paralogismes : ‘Si quelque chose est âne, il est animal; or tu es animal; donc, tu es âne.’ Cela ne suit pas, car la conséquence posée en premier ne se convertit pas. Pareillement, comme suit : ‘Si quelque chose est du miel, il est roussâtre; or le fiel est roussâtre; donc, le fiel est du miel.’ Pareillement, comme suit : ‘Si quelqu'un est un voleur, il erre la nuit; or tu erres la nuit; donc, tu es un voleur.’ En tout ceci, en effet, on pense que se convertit une conséquence qui ne se convertit pas, et de là on a tromperie de la conséquence. Mais si on prend des propositions attributives avec les mêmes termes, on a une tromperie de l'accident, comme ‘L'âne est un animal; tu es un animal; donc, tu es un âne.’ Et comme suit : ‘Le miel est roussâtre; et le fiel est roussâtre; donc, c'est du miel que le fiel.’ #711. - La seconde modalité, c'est quand l'on procède de la conséquence de l'opposé à la conséquence semblable dans l'autre opposé, comme si l'on dit : ‘Si quelque chose est engendré, il a un principe; mais l'âme n'est pas engendrée; donc, l'âme n'a pas de principe, mais a toujours été.’ Cela ne suit pas : il y a, en effet, dans les opposés, une double conséquence, l'une en soi, l'autre dans le contraire. En soi, bien sûr, il y a conséquence, quand, de même qu'à l'antécédent suit le conséquent, de même à l'opposé du conséquent suit l'opposé de l'antécédent, comme ‘S'il est un homme, il est animal; donc, s'il n'est pas un animal; il n'est pas un homme.’ Dans les opposés selon l'affirmation et la négation, en effet, il n'y a pas conséquence en soi, mais dans le contraire. C'est pourquoi, quand, dans les opposés de la sorte, on procède comme si la conséquence était en soi, il y a tromperie du conséquent, comme il appert dans l'exemple. Dans ces termes, encore, il y a tromperie de l'accident, si l'on prend des propositions attributives, comme si l'on dit comme suit : ‘Tout engendré a un principe; or l'âme n'est pas engendrée; donc, elle n'a pas de principe.’ #712. - On doit savoir que, de même que la
première modalité pèche contre la conséquence en procédant de la position du
conséquent à la position de l'antécédent, de même la seconde pèche en procédant
de la destruction de l'antécédent à la destruction du conséquent. Or il faut
procéder de la manière contraire, à savoir, de la destruction du conséquent à
la position de l'antécédent. Il appert, en effet, que cette tromperie
survient en rapport avec la définition de l'antérieur et du postérieur. À
noter qu'un conséquent est en plus pour son antécédent et un autre en moins :
le conséquent en plus est dans les termes universels, comme lorsque je dis :
‘L'homme est; donc, l'animal est’; le conséquent en moins est comme le tout
de quantité, et sa partie, comme lorsqu'on dit : ‘Pour tous les opposés,
c'est la même discipline; donc, [il en va de même] pour tous les contraires.’
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Caput
17 [88104] De fallaciis, cap. 17 tit. De fallacia secundum non causam ut causam |
Chapitre 17 — Sur la tromperie par la non-cause prise comme cause |
[88105] De fallaciis, cap. 17 Sequitur de fallacia secundum non causam ut causam.
Causa autem hic dicitur quod est causa inferendi, secundum quod praemissae
dicuntur causa conclusionis esse. Est ergo fallacia secundum non causam ut
causam, quando inter praemissas, ex quibus sequitur conclusio, ponitur
propositio aliqua quae nihil ad conclusionem operatur, et sic non est causa. Tamen ad hoc quod
fiat fallacia oportet quod videatur esse causa: quod quidem fit per hoc quod
convenit cum aliis propositionibus, quae sunt causae conclusionis in
terminis. Ex hoc autem quod propositio
quae non est causa sumitur ut causa, non provenit aliqua deceptio nisi quando
ex conclusione reditur ad praemissas et interimitur aliqua praemissarum: quod
quidem fit in syllogismis ad impossibile, in quibus per hoc quod conclusio
est impossibilis ostenditur aliquam praemissarum impossibilem fuisse. Et ideo
haec fallacia non habet fieri nisi in huiusmodi syllogismis. In syllogismis
enim ostensivis, in quibus aliud directe ostenditur, ad nullum inconveniens
duci potest respondens, si sumatur in praemissis aliqua propositio quae non
est causa conclusionis ac si esset causa. Est ergo causa apparentiae in hac
fallacia convenientia propositionis, quae non est causa cum illis quae sunt
causae. Causa vero non existentiae est defectus habitudinis debitae inter propositionem
inferentem et propositionem illatam. Formatur autem secundum hanc fallaciam
hoc modo paralogismus: putasne anima et vita sunt idem? Quo dato proceditur
sic: anima et vita sunt idem, et mors et vita sunt contraria, et generatio et
corruptio sunt contraria. Sed mors est corruptio. Ergo vita est generatio.
Igitur vivere est generari; quod est impossibile: nam qui vivit, non
generatur, sed iam generatus est. Ergo et primum fuit impossibile, scilicet
quod anima et vita sint idem. Non sequitur, quia ista propositio: anima et
vita sunt idem, quae accipiebatur in praemissis, non fuit causa conclusionis
impossibilis: quod ex hoc patet, quia ea remota, adhuc sequitur conclusio.
Unde per hoc quod conclusio est impossibilis, non potest ostendi quod praedicta
propositio sit impossibilis, sed quod magis ista sit impossibilis ex qua
sequitur, quae est ista: mors et vita sunt contraria; ex huius enim falsitate
sequitur falsitas in conclusione: mors enim et vita non sunt contraria, sed
opponuntur ut privatio et habitus. Patet ergo quod haec fallacia peccat
contra rationem causae et causati. |
#713. - On poursuit avec la tromperie par la non-cause prise comme cause. On appelle cependant cause, ici, ce qui est cause de l'inférence, sous rapport de quoi les prémisses sont dites la cause de la conclusion. Il y a donc tromperie par la non-cause prise comme cause quand, parmi les prémisses dont suit la conclusion, on met une proposition qui ne fait rien à la conclusion et, ainsi, n'en est pas cause. Toutefois, pour que se produise la tromperie, il faut qu'elle semble en être cause; cela, bien sûr, se produit par le fait qu'en ses termes, elle a un lien avec d'autres propositions qui sont causes de la conclusion. Du fait, par ailleurs, que la proposition qui n'est pas cause est prise comme cause, il ne provient une tromperie que lorsque l'on retourne de la conclusion aux prémisses et que l'on détruit l'une des prémisses. Or cela se fait dans les syllogismes à l'impossible, dans lesquels, du fait que la conclusion est impossible, on montre que l'une des prémisses était impossible. C'est pourquoi cette tromperie ne peut se produire que dans des syllogismes de la sorte. En effet, dans les syllogismes démonstratifs[40], en lesquels autre chose est montré directement, le répondeur ne peut être conduit à aucun inconvénient, si, parmi les prémisses, une proposition qui n'est pas cause de la conclusion est prise comme si elle en était cause. La cause de l'apparence, dans cette tromperie, est donc le lien de la proposition qui n'est pas cause avec celles qui sont causes, tandis que la cause de la non-existence est le défaut de la relation due entre la proposition inférante et la proposition inférée. #714. - Par ailleurs, c'est, d'après cette
tromperie, de la manière suivante que se forme le paralogisme : ‘Ne penses-tu
pas que l'âme et la vie sont la même chose?’ Ceci accordé, on procède comme
suit : ‘L'âme et la vie sont la même chose; et la mort et la vie sont des
contraires; et la génération et la corruption sont des contraires; or la mort
est corruption; donc, la vie est génération; donc, vivre, c'est être
engendré’, ce qui est impossible : en effet, qui vit n'est pas engendré, mais
a déjà été engendré. Donc, la première chose aussi était impossible, à
savoir, que l'âme et la vie sont la même chose. Cela ne suit pas, parce que
cette proposition : ‘L'âme et la vie sont la même chose’, qui était prise
dans les prémisses, n'était pas la cause de la conclusion impossible, ce qui
appert de ce que, elle enlevée, la conclusion suit encore. Aussi, du fait que
la conclusion est impossible, on ne peut montrer que la proposition concernée
soit impossible, mais plutôt qu'est impossible celle dont elle suit, qui est
celle-là : ‘La mort et la vie sont des contraires.’ C'est de la fausseté de
celle-là, en effet, que suit la fausseté dans la conclusion, car la mort et
la vie ne sont pas des contraires, mais s'opposent comme la privation et
l'habitus. Il appert donc que cette tromperie pèche contre la notion de cause
et de causé. |
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Caput
18 [88106] De fallaciis, cap. 18 tit. De fallacia secundum plures interrogationes ut unam |
Chapitre 18 — Sur la tromperie par l'interrogation multiple prise comme unique |
[88107] De fallaciis, cap. 18 Sequitur de fallacia secundum plures interrogationes ut
unam. Est autem idem secundum substantiam, enuntiatio, propositio,
interrogatio et conclusio: sed dicitur enuntiatio secundum quod significat
simpliciter aliquid esse vel non esse; interrogatio secundum quod sub
dubitatione proponitur; propositio secundum quod sumitur ad alterius
probationem; conclusio vero secundum quod ex aliis probatur: et ideo sicut
enuntiatio est una, vel plures, ita interrogatio, propositio et conclusio.
Est autem enuntiatio una, in qua dicitur unum de uno, ut: homo est animal,
vel est albus. Enuntiatio vero plures, quando dicuntur plura de uno, ut:
Socrates est albus et musicus, vel unum de pluribus, ut: Socrates et Plato
sunt albi, vel plura de pluribus, ut: Socrates et Plato sunt albi et musici.
Sciendum est autem quod quando plura praedicantur de uno, ex quibus fit unum
per se, est enuntiatio una, ut cum dicitur: homo est animal rationale
mortale; nam ex partibus definitionis fit unum per se, quod est de natura
speciei. Si autem plura praedicantur, ex quibus fit unum per accidens, tunc
est enuntiatio plures, ut cum dicitur: Socrates est homo albus; ex homine
enim et albo fit unum per accidens. Provenit ergo haec fallacia ex hoc quod
ad interrogationem quae est plures, datur una responsio, eo quod sub uno modo
interrogandi proponitur, ut si dicatur: putasne Socrates et Plato currunt? Ex
eo enim quod simul interrogatur de duobus, videtur esse una interrogatio cum
sit plures. Causa apparentiae in hac fallacia est unitas ex parte modi
interrogandi; causa vero non existentiae est pluralitas interrogationis. Modi
autem huius fallaciae sunt duo. Primus modus est quando interrogatio est
plures, eo quod unum de pluribus in singulari praedicatur, et e converso,
sicut hic: putasne homo et asinus sunt animal rationale mortale? Si dicam sic,
procedatur sic: homo et asinus sunt animal rationale mortale. Igitur asinus
est animal rationale mortale et cetera. Si dicatur quod non, procedatur sic:
homo et asinus non sunt animal rationale mortale: igitur homo non est animal
rationale. Deceptio enim haec provenit, quia ad interrogationem praedictam,
cum sit plures, non est danda una responsio, ut dicam simpliciter sic, vel
non, sed duae, ut dicatur sic: homo est animal rationale, et asinus est
animal irrationale, vel non est animal rationale. Similiter hic: putas ne tu
es homo et asinus? Si dicatur non: igitur tu non es homo; si dicatur sic,
concludatur: tu es asinus. Similiter hic: putas ne Aethiops est homo albus?
Si dicatur quod sic, concludatur: ergo est albus; si dicatur quod non,
concludatur: ergo non est homo. Secundus modus est quando interrogatio est
plures ex eo quod plura subiiciuntur vel praedicantur in plurali numero,
sicut hic: putas ne mel et fel sunt dulcia? Si dicatur non, concludatur:
igitur mel non est dulce; si dicatur sic, concludatur: igitur fel est dulce.
In omnibus enim his non est una responsio, sed plures, ut: sic mel est dulce,
et fel non est dulce. Patet ergo quod haec fallacia provenit secundum unum et
multa. Et haec de fallaciis dicta sufficiant. |
#715. - On poursuit avec la tromperie par l'interrogation multiple prise comme unique. C'est la même chose, en substance, que l'énonciation, la proposition, l'interrogation et la conclusion : mais on l'appelle énonciation pour autant qu'elle signifie de manière absolue que quelque chose est ou n'est pas; interrogation pour autant qu'elle est proposée sous un doute; proposition pour autant qu'on l'assume pour la preuve d'une autre; conclusion, enfin, pour autant qu'on la prouve à partir d'autres. C'est pourquoi, de la façon dont une énonciation est unique ou multiple, de même le sont l'interrogation, la proposition et la conclusion. #716. - Par ailleurs, l'énonciation est unique, dans laquelle on dit une seule chose d'une seule autre, comme ‘L'homme est animal’, ou ‘est blanc’. L'énonciation, au contraire, est multiple, quand on dit plusieurs chose] d'une autre, comme ‘Socrate est blanc et musicien’, ou une chose de plusieurs autres, comme ‘Socrate et Platon sont blancs’, ou plusieurs choses de plusieurs autres, comme ‘Socrate et Platon sont blancs et musiciens’. On doit savoir, par ailleurs, que, lorsque plusieurs choses sont attribuées à une seule autre, dont, cependant, se constitue une seule chose en soi, l'énonciation est unique, comme lorsqu'on dit : ‘L'homme est un animal rationnel mortel.’ Car des parties de la définition se constitue une seule chose en soi, qui est de la nature de l'espèce. Mais si plusieurs choses sont attribuées, dont se constitue une unique autre par accident, alors, l'énonciation est multiple, comme lorsqu'on dit : ‘Socrate est un homme blanc.’ De l'homme et du blanc, en effet, se constitue une chose unique par accident. Donc, cette tromperie provient de ce qu'à une interrogation qui est multiple, on donne une réponse unique, en raison de ce qu'elle est proposée sous une façon unique d'interroger, comme si l'on dit : ‘Ne penses-tu pas que Socrate et Platon courent?’ Car du fait que l'on interroge en même temps sur deux choses, il semble qu'il n'y ait qu'une interrogation, alors qu'il y en a plusieurs. La cause de l'apparence, dans cette tromperie, est l'unité du côté de la façon d'interroger, tandis que la cause de la non-existence est la multiplicité de l'interrogation. #717. - Il y a, par ailleurs, deux modalités de cette tromperie. La première modalité, c'est quand l'interrogation est multiple du fait qu'une seule chose est attribuée au singulier à plusieurs autres, et inversement, comme suit : ‘Ne penses-tu pas que l'homme et l'âne sont animal rationnel mortel?’ Si je dis que oui, on procède comme suit : ‘L'homme et l'âne sont animal rationnel mortel; donc, l'âne est animal rationnel mortel, etc.’ Si l'on dit que non, on procède comme suit : ‘L'homme et l'âne ne sont pas animal rationnel mortel; donc, l'homme n'est pas un animal rationnel.’ L'erreur, en effet, survient parce qu'à l'interrogation concernée, comme elle est multiple, il ne faut pas donner une réponse unique, en disant de manière absolue que oui, ou que non, mais deux [réponses], en parlant comme suit : ‘L'homme est animal rationnel, et l'âne est animal irrationnel’, ou ‘n'est pas animal rationnel’. Pareillement, comme suit : ‘Ne penses-tu pas que tu es un homme et un âne?’ Si l'on dit que non : ‘Donc, tu n'es pas un homme’; si l'on dit que oui, on conclut : ‘Tu es un âne.’ Pareillement, comme suit : ‘Ne penses-tu pas que l'Éthiopien est un homme blanc?’ Si l'on dit que oui, on conclut : ‘Donc, il est blanc’; si l'on dit que non, on conclut : ‘Donc, il n'est pas un homme.’ #718. - La seconde modalité, c'est quand l'interrogation est multiple du fait que plusieurs choses tiennent lieu de sujet ou d'attribut, au pluriel, comme suit : ‘Ne penses-tu pas que le miel et le fiel sont doux?’ Si l'on dit que non, on conclut : ‘Donc, le miel n'est pas doux’; si l'on dit que oui, on conclut : ‘Donc, le fiel est doux.’ En tout cela, en effet, il ne se trouve pas une réponse unique, mais plusieurs, comme ‘oui, le miel est doux’, et ‘non, le fiel n'est pas doux’. Il appert, donc, que cette tromperie survient en rapport avec l'un et le multiple. Que ce qu'on a dit suffise sur les tromperies. |
Yvan Pelletier (né en 1946) est professeur titulaire à la Faculté de philosophie de
l'Université Laval, où il enseigne depuis 1975
et où il a complété sa formation philosophique jusqu'au doctorat, en
s'attachant à l'enseignement de Mgr Maurice Dionne, de M. l'abbé Jasmin Boulay
et de MM. Warren Murray, Alphonse Saint-Jacques et quelques autres professeurs
d'une tradition aristotélico-thomiste initiée à cette faculté par M. Charles De
Koninck.
Son enseignement est agencé de façon à offrir aux
étudiants du baccalauréat une présentation des principes fondamentaux et de la
méthode de chacune des disciplines philosophiques de base - dans une
perspective aristotélicienne : éthique, politique, physique, métaphysique - et
aux étudiants de maîtrise et doctorat une réflexion critique sur les éléments
du credo contemporain - démocratie, nouvelle morale, logique symbolique,
dissociation de l'être et du devoir, primauté de la conscience, etc. - à partir
de ces principes fondamentaux.
Voici la liste de ses publications :
«Aristote et la découverte oratoire. I - Espèces et
arguments oratoires.» Laval théologique et philosophique, vol. 35 (1979), #1 (février), 3-20.
«Aristote et la découverte oratoire. II - Espèces
communes et arguments oratoires.» Laval théologique et philosophique,
vol. 36 (1980), #1 (février), 29-46.
«Les Paronymes.» Cahiers de l'Institut de Philosophie
comparée, mai 1980.
«Aristote
et la découverte oratoire. III - Lieux et arguments oratoires.» Laval
théologique et philosophique, vol. 37
(1981), #1 (février), 45-67.
Aristote, Les
attributions (catégories), le texte aristotélicien et les prolégomènes
d'Ammonios d'Hermeias, prés., trad. et ann. par Yvan Pelletier, avec la
collaboration de Gérald Allard et de Louis Brunet, Montréal/Paris :
Bellarmin/Belles Lettres, 1983, 250p.
«Pour une
définition claire et nette du lieu dialectique», in Laval théologique et
philosophique, vol. 41 (1985), #3 (octobre), 403-415.
«Les
Topiques et la raison humaine.» Dans Urgence de la philosophie, actes du
colloque du cinquantenaire de la Faculté de philosophie, Université Laval, 1985. Éd. Thomas De Koninck et Lucien
Morin. Québec : P.U.L., 1986, 411-426.
«Le Propos
et le proème des Attributions d'Aristote.» Laval théologique et
philosophique, vol. 43 (1987), #1 (février), 31-47.
«L'Articulation
de la dialectique aristotélicienne.» Angelicum, vol. 66 (1989), #4, 603-620.
La
Dialectique aristotélicienne, les principes clés des Topiques, Montréal : Bellarmin, 1991, 419p.
«La
Non-Cause, sophisme insolite.» Angelicum, vol. 70 (1993), #1, pp. 123-140.
«La
division des sophismes verbaux d'après Albert le Grand.» Philosophia
perennis, vol. 1 (1994), #1 (printemps), 49-82.
«Les maximes
des lieux.» Peripatikóß, no 1
(1994), 11-38.
«La
doctrine aristotélicienne de l'analogie.» Philosophia perennis, vol. 2 (1995),
#1 (printemps), 3-44.
«La
justification morale de l'intérêt.» Philosophia perennis, vol. 2 (1995),
#2 (automne), 19-58.
«La
division de l'analogie», dans Peripatikóß, no 2 (1995), 8-14.
«Aristote
et l'analogie (textes fondamentaux).» Peripatikóß, no 2 (1995),
15-44.
«Michael et
le Dragon.» Réaction à un article de Michael Augros sur la 4e figure du syllogisme paru dans Peripatikóß,
no 2) Peripatikóß, no 3 (1996),
8-17.
«Le
sophiste et l'usure.» Peripatikóß, no 3 (1996), 33-45.
«Illustration
des sophismes.» Philosophia perennis, vol. 3 (1996), #1 (printemps), 71-120.
«L'enthymème,
argument du quotidien.» Philosophia perennis, vol. 3 (1996), #2 (automne), 147-172.
Ses travaux
comptent aussi la reconstitution d'un certain nombre de cours de Monseigneur
Maurice Dionne et quelques traductions inédites de traités d'Aristote et de
leur commentaire par saint Thomas d'Aquin :
Sur les
sophismes.
Protreptique.
Topiques
(livres I et VIII).
Commentaire à
l'Éthique à Nicomaque.
Commentaire
au Peri Hermeneias, leçons 1 à 7 (avec le texte aristotélicien
correspondant).
Traité de
l'âme et son commentaire.
Physique et
son commentaire (livre IV).
[1] C'est-à-dire, soit de propositions
fausses qui fournissent une matière apparente, soit de propositions fausses qui
fournissent une forme apparente, l'énoncé de lieux apparents.
[2] La réfutation est un syllogisme qui
conclut en contradiction avec la position considérée. Syllogisme, dans
l'expression syllogisme d'une contradiction est pris pour l'acte même de
syllogiser, de conclure à partir de prémisses, et la contradiction est donnée
pour l'objet direct de cet acte. À cause du caractère abstrait de la langue
française, on y entend par syllogisme seule l'œuvre finale faite de
prémisses et de conclusion et, par suite, on comprend difficilement le sens du
déterminatif de la contradiction. Il faut, pour y arriver, reformer la
conception du syllogisme comme opération, sens radical en latin et en grec,
langues plus concrètes. On pourrait imaginer, pour contourner la difficulté, de
traduire en pareil contexte syllogismus par conclusion. Mais cela
convient moins quand il s'agit de rendre la définition de la réfutation, où on
lui donne comme genre d'être un syllogisme - le raisonnement entier, pas
simplement sa conclusion -, et comme différence de conclure - syllogiser - une
contradiction.
[3] Le faux, bien sûr, tel que défini plus
haut, c'est-à-dire, le manifestement faux.
[4] J'omets si ipse sit victus, s'il
est vaincu, qui anticipe sur le moyen terme du sophisme à venir.
[5] Le sophisme tient à ce que, pour garder
le même terme dans la mineure et dans la conclusion, on paraît devoir garder lapis,
ce qui occasionne une faute grammaticale, puisque, dans la conclusion, en objet
direct de scis, tu connais, la grammaire demande l'accusatif lapem.
C'est intraduisible exactement en français, langue sans cas. J'ai rendu par
une prétendue faute plus faible, l'apparence de garder la même liaison.
[6] Vox. Il s'agit du son de voix,
en autant qu'il sert de signe pour communiquer. En français actuel, parole me
paraît mieux que son de voix, ou voix, ou son vocal, pour
signifier cette entité de façon assez précise pour inclure la voix qui a sens,
et assez générale pour recouvrir sans préférence le mot isolé, le groupe de
mots et l'énoncé.
[7] Indictione. Ce mot a ici
exactement le même sens que vox, quelques lignes plus haut, qui
reviendra à la phrase suivante. Il aura cependant un sens plus restreint par la
suite, où il marquera la parole simple, le mot seul. À ce moment, je traduirai
justement par mot.
[8] Oratio. Ce terme signifie ici
généralement tout groupe de mots, énoncé ou non, où la fonction des uns par
rapport aux autres intervient dans le sens impliqué. Plus loin, il signifiera
plus précisément l'énoncé et on devra traduire en conséquence.
[9] Selon que l'accent est aigu ou grave,
il s'agira de l'infinitif de pendeo, menacer, punir, ou de
pendo, subir une peine. Cette source de multiplicité ne jouera
pas beaucoup en français, où l'accent est à peu près absent.
[10] Voir
5, 3b14-16.
[11] Figura.
On peut difficilement traduire par figure, la forme extérieure d'un
corps ne représentant qu'un sens trop vieilli de ce mot, signifiée quasi
seulement dans une expression ancienne comme avoir figure humaine.
[12] Similitudo.
[13] Sanabitur.
J'ai traduit au passé composé, car le futur ne fait pas de sens ici. L'explication
parle d'ailleurs de praeteritum imperfectum.
[14] Nunc. Le texte confond ici et
dans la suite nunc et tunc, et il faut replacer ces adverbes en
leur lieu pour retrouver le sens.
[15] L'auteur utilise ici, pour émfibol¤a,
la translittération amphibologia, accréditée par Isidore, mais que
Lalande (voir Vocabulaire technique et critique de la philosophie, 50), à bon droit, à ce qu'il me semble,
répudie comme illogique, préférant celle, plus simple, d'amphibolia,
introduite par Cicéron. Sauf en ce lieu, où l'auteur présente l'étymologie
concoctée par Isidore, je traduirai par amphibolie, qui indique la
possibilité d'une double interprétation en renvoyant plus concrètement à une
attaque menée de plus d'un point, ou à un trait à double pointe, que l'on peut
lancer des deux côtés.
[16] Sermo.
[17] Une
phrase s'interprète diversement, sans que l'on prête une fonction grammaticale
différente à chacun de ses termes. Dans l'exemple qui suit, Aristote,
tout en demeurant le ‘complément du nom’ livre, peut s'entendre tant
comme le propriétaire que comme l'agent du livre. «Avec une construction qui
demeure la même», c'est-à-dire, en gardant les même fonctions, avec leurs
signes grammaticaux normaux : mêmes places réciproques et, en latin, même cas
génitif, comme, en français, même gouvernement de la préposition de et
de l'article défini le contractés en du, en français.
[18] Nominativus
cum genitivo, un nominatif avec un génitif.
[19] Une
locution s'interprète diversement, en raison de fonctions différentes assignées
à ses termes, les signes grammaticaux de ces fonctions - places réciproques,
désinences, accords, etc. - étant les mêmes.
[20] Quidquid
videt aliquis, hoc videt. Sed
columnam videt. Ergo columna videt. La traduction est
laborieuse, puisque l'amphibolie dépend en latin du cas de hoc, que l'on
peut entendre comme nominatif ou accusatif, la désinence restant la même.
L'approximation à quoi il est possible de voir marque cette double
possibilité d'avoir affaire à un ‘objet’ ou à un ‘sujet’. - La façon dont
Tricot traduit cet exemple tel qu'on le trouve chez Aristote (Réf. soph.,
4, 166a9) le ramène à
l'amphibolie de la première espèce : dans vue de ce que l'on voit, la
double interprétation de de ce que l'on voit le garde dans la même
construction d'un ‘complément de nom’, avec changement seulement de la relation
impliquée : d'action à objet, ou d'action à agent.
[21] Quoscumque
volo me accipere… Avec une désinence et une place identiques, me peut
s'entendre comme ‘sujet’ ou ‘objet’ d'accipere. J'ai adapté l'exemple
pour garder la proposition infinitive, plus rare en français, et généralement
rattachée à un verbe gouverné par un auxiliaire comme faire, laisser,
vouloir.
[22] «Quicumque
sunt Episcopi sunt Sacerdotes; isti asini sunt Episcopi; ergo isti asini sunt
Sacerdotes.» Episcopi, du fait que la désinence -i est commune au
génitif singulier et au nominatif pluriel, peut s'entendre autant comme
‘complément de nom’ que comme ‘attribut’ d'asini. La construction
française ne permettant pas facilement de confondre ‘complément de nom’ et ‘attribut’,
j'ai proposé en traduction la confusion, possible en français familier, entre
‘complément de nom’ et ‘objet indirect’.
[23] La
remarque ne vaut manifestement pas pour le français, sauf en la reportant sur
les différences de terminaisons qui marquent normalement les accords en genre,
en nombre et en personne.
[24] On peut se demander s'il ne serait pas
plus à propos de caractériser l'amphibolie uniquement par l'interprétation
d'une locution en fonctions différentes, essentiellement différente de l'homonymie,
et de rattacher à l'homonymie même la pure multiplicité de sens d'une locution.
Aristote ne dit rien qui l'exclurait.
[25] «Quandocumque
littus aratur, tunc terra scinditur. Sed quando indocibilis docetur, littus
aratur; ergo quando indoci-bilis docetur, terra scinditur.» J'ai traduit par
une expression comparable l'expression latine littus aratur, labourer
le littoral, que Virgile emploie en son sens propre (Énéide, IV,
212), et Ovide (Trist., V, 4, 48) en son sens métaphorique.
[26] Plutôt
que plus simplement par ce que l'on dit, j'ai traduit par dire,
qui fait plus technique, parce que dictum a ici le sens technique d'un
énoncé qui agit comme sujet réel d'un verbe impersonnel, plus spécialement d'un
énoncé modal. Le sens sera différent selon que l'on assujettit le verbe à tout
cet énoncé ou simplement à son sujet.
[27] Nigrum
esse album. Il est difficile de rendre exactement en français la
proposition infinitive latine, où nigrum agit comme sujet.
[28] Oratio.
Ce qui est dit ici ne vaut que pour l'énoncé; il serait difficile de
traduire encore par phrase, dans ce contexte technique, puisque ce terme
est assez général en français pour signifier l'expression de plusieurs énoncés.
[29] Locutio.
Utilisé ici au même sens large qu'a pris oratio depuis le début sauf
dans le paragraphe précédent.
[30] Voir supra la note 3, au #647.
[31] L'exemple
paraît passer à côté de ce qu'il veut illustrer; en effet, que le mineur
ressemble à un nom féminin tout en étant un nom masculin n'intervient pas dans
le mécanisme de l'argument; on paraît devoir conclure un majeur féminin d'un
mineur masculin du fait, plutôt, de l'avoir accordé dans la majeure avec un
moyen terme féminin. La chose devient encore plus claire dans l'exemple
suivant, où on renonce même à chercher un mineur qui ressemble à un nom féminin
: vir n'a rien de l'allure d'un nom féminin.
[32] Secundum
quid. Voir, infra, #686,
la définition de ce sophisme, où il s'agit de confondre ce que l'on dit tout
court avec ce que l'on dit en ajoutant quelque chose, un quelque chose
dont il sera précisé qu'il s'agit d'un modus, ou même, en #687, d'une determinatio, d'une
précision.
[33] On attendrait plutôt la conclusion :
‘Je connais qu'il s'en vient.’ Et l'explication correspondante : “De s'en venir
ne tombe pas sous la connaissance selon son identité avec Coriscos.” On voit,
dans la présentation de cet exemple, qu'il y a hésitation à donner comme
conclusion, entre les trois énoncés, ‘Je connais Coriscos’ (voir supra,
#644) ou, comme ici, et mieux, ‘Je
connais qu'il s'en vient’. L'explication donnée ici l'est comme si l'exemple
avait été énoncé comme la première fois. De fait, même si cette formulation de
cet exemple ferait ainsi un peu forcé, c'est probablement celle qui était
voulue originellement, de façon à donner d'abord un exemple du procédé du sujet
à l'accident, comme le second exemple ira plutôt de l'accident au sujet.
[34] Le terme moyen n'est pas le même dans la
majeure et dans la mineure.
[35] Determinatio. Voir, supra,
note 1, #676.
[36] Cette subtilité n'est pas très bien
venue, car cela ne change absolument rien à la nature de l'argument réfutatif,
que l'énoncé que sa conclusion contredit soit soutenu antérieurement sans ou
avec argument à l'appui. À parler strictement, dans le deuxième cas,
c'est seulement l'argument ultime qui constitue la réfutation.
[37] Petitio principii, dite
traditionnellement pétition de principe. J'ai préféré traduire plus
concrètement demande. D'une part, pétition, en français, renvoie
trop spontanément, de plus en plus, à une requête accompagnée de signatures
multiples; mais surtout, l'explication tomberait à plat, puisque aucun verbe ne
dérive de pétition, de sorte qu'il faudrait de toute façon traduire petere par
demander.
[38] En sa seconde modalité, qui consiste à
confondre supérieur et inférieur, et à attribuer inconsidérément à l'inférieur
ce qui appartient au supérieur : ‘quelque animal est Socrate’, donc,
croira-t-on, ‘quelque homme aussi est Socrate’, puisque l'animal est
l'attribut, et le supérieur essentiel, de l'homme.
[39] La règle donnée ici a quelque chose
d'approximatif. Plus profondément, la même matière prend forme de sophisme du
conséquent ou de l'accident, selon que le motif de l'apparence qui trompe tient
au fait qu'une notion découle d'une autre ou au fait qu'elle s'y attribue; les
énoncés conditionnels et attributifs en sont simplement les signes plus
naturels respectifs. Mais on peut certainement exprimer une inférence apparente
du conséquent à l'antécédent sans argumenter avec énoncé conditionnel, et
exprimer une inférence de l'attribut supérieur à l'inférieur en passant par un
syllogisme conditionnel.
[40] Syllogismis
ostensivis, c'est-à-dire, non pas les syllogismes qui démontrent au sens du
syllogisme scientifique, mais ceux qui montrent directement leur
conclusion, par opposition aux réductions, qui concluent de l'impossible pour
faire admettre, indirectement, que l'une des prémisses utilisées est fausse.