DU ROYAUME
Écrit au Roi de Chypre
De regno ad regem Cypri
PAR SAINT THOMAS d’AQUIN, Docteur de l'Eglise
(1265-1266)
Fin de l'opuscule par Ptolémée
de Lucques
Traduction Père Marie Martin-Cottier
op, 1946
Édition numérique, https://www.i-docteurangelique.fr/DocteurAngelique, 2008
Les œuvres complètes de
saint Thomas d'Aquin
L’authenticité de l’opuscule « De
Regno »
LIVRE
1 — NATURE DE LA ROYAUTÉ
CHAPITRE
1 — DÉFINITION DE LA ROYAUTÉ
Les
êtres qui tendent à une fin par diverses voies ont besoin d’un principe
directeur
Par
nature, l’homme est un animal social et politique
Le
propre de l’homme est d’user du langage
Nécessité
pour le corps social d’avoir une force directrice
Gouvernement
juste et gouvernement injuste
CHAPITRE
2 — LA ROYAUTÉ EST LE MEILLEUR RÉGIME, EN RAISON DE L’UNITÉ
Celui
qui dirige la multitude doit procurer l’unité de la paix
Principe
de l’unité de gouvernement
Conformité
à la raison L’art et la nature
CHAPITRE
3 — LA TYRANNIE EST LE PIRE RÉGIME
Plus
un gouvernement s’éloigne du bien commun, plus il est injuste
La
cause du bien et du beau est une, tandis que le mal et la laideur découlent de
causes multiples
Le
tyran recherche son intérêt au mépris du bien commun
La
sécurité ne peut reposer que sur le droit, non pas sur la volonté du tyran
CHAPITRE
4 — LES DÉSAVANTAGES DE LA ROYAUTÉ
Le
gouvernement d’un seul est le meilleur et le pire régime
Ceux
qui sont gouvernés par un roi s’appliquent généralement moins à la recherche du
bien commun
L’établissement
de la tyrannie
Même
évolution chez les Hébreux
CHAPITRE
5 — LA TYRANNIE DE PLUSIEURS EST LA PIRE
Le
danger de discorde est plus grand dans un gouvernement collectif
Un
gouvernement collectif dégénère plus fréquemment en tyrannie
CHAPITRE
6 — IL FAUT PARER A LA TYRANNIE
Il
faut empêcher la royauté de se changer en tyrannie
Il
faut enfin se soucier, au cas où le roi tomberait dans la tyrannie, de la
manière de s’y opposer
C’est
l’autorité publique qui doit supprimer le tyran
Il
faut recourir à une autorité supérieure, s’il y a lieu
Il
faut recourir à Dieu, qui a pouvoir sur le tyran
CHAPITRE
7 — UNE RÉCOMPENSE TEMPORELLE EST INSUFFISANTE POUR LE ROI
Quelle
doit être la récompense d’un bon roi ?_
Raison
pour laquelle il semble que la gloire et l’honneur soient une récompense pour
les rois
Mais
cette récompense est insuffisante :
La
recherche de la gloire tolérée comme moindre mal
CHAPITRE
8 — LA BÉATITUDE ÉTERNELLE EST LA RÉCOMPENSE DU ROI
Le
roi doit attendre sa récompense de Dieu
Naturellement
l’âme désire la béatitude
Dieu
seul peut être une récompense convenable pour le roi
C’est
la gloire de Dieu, non des hommes, que recherchent les bons rois
CHAPITRE
9 — LE ROI OBTIENT LA BÉATITUDE LA PLUS HAUTE
Partout
ceux qui dirigent les autres méritent plus de louange
Les
rois méritent louange et récompense pour leurs bonnes œuvres
La
vertu royale porte la ressemblance de Dieu
Les
princes sont dignes d’indulgence
Confirmation
par l’Ecriture sainte
CHAPITRE
10 — LES TYRANS SONT PRIVÉS DES BIENS TEMPORELS
La
récompense céleste doit pousser les rois à bien gouverner
Les
bons rois sont aimés de leurs sujets, ce qui est cause de stabilité
La
domination des tyrans ne peut durer longtemps
Dieu
permet les tyrans pour punir le peuple_
Les
rois justes acquièrent plus de richesses que les tyrans
Les
bons rois laissent une bonne renommée_
CHAPITRE
11 — UN CHATIMENT ÉTERNEL EST LA PUNITION DES TYRANS
On
acquiert par la justice les biens que les tyrans convoitent, au prix de
l’injustice
Le
tyran mérite le châtiment éternel
Il
est rare que les tyrans se repentent
Les
tyrans sont responsables des crimes de leurs successeurs
La
dignité de leur fonction aggrave leur péché
Celui
qui gouverne doit donc se montrer roi, non tyran
Questions
précédemment traitées
Le
gouvernement du monde par Dieu
Le
gouvernement de la raison dans l’homme_
L’unité
de la société est assurée par un principe directeur
CHAPITRE
13 — LES DEVOIRS DU ROI
Les
deux opérations de Dieu dans le monde et celles de l’âme dans le corps
Les
deux fonctions du roi : la fondation et le gouvernement de la cité
Référence
au récit de la Genèse
Devoirs
du fondateur de cité ou de royaume
CHAPITRE
14 — LE POUVOIR SPIRITUEL ET LE POUVOIR TEMPOREL
Gouverner
un être consiste à le conduire pers sa fin
La
béatitude dernière de l’homme Il appartient à l’Eglise de nous conduire
La
voie bonne rassemble les hommes en société
La
royauté temporelle et la Royauté du Christ Distinction du spirituel et du temporel
Le
sacerdoce sous la Loi Ancienne et chez les païens était soumis aux rois
CHAPITRE
15 — LE ROI DOIT PROCURER LA VIE BONNE A LA MULTITUDE
Le
roi doit s’appliquer à ce que la multitude mène une vie bonne
Il y
a deux conditions pour qu’un homme mène une vie bonne
Trois
conditions sont requises pour instituer la pie bonne de la multitude
Le
roi doit conserver la vie bonne Il y a un triple obstacle au bien public
Le
roi doit faire face à ce triple obstacle
Le
roi doit se soucier du progrès dans la vie bonne
LIVRE
2 — CONDITIONNEMENTS DE LA CITÉ
CHAPITRE
1 — INFLUENCE DES FACTEURS CLIMATÉRIQUES SUR LA VIE DE LA CITÉ
La
fondation d’une ville donne au roi une grande gloire
Le
roi doit rechercher un climat tempéré_
Un
bon climat procure la santé
Avantages
pour la défense militaire
Avantages
pour la vie publique
CHAPITRE
2 — LES CONDITIONS HYGIÉNIQUES REQUISES PAR LA VIE DE LA CITE
Nécessité
d’un air salubre Conditions de cette salubrité
Nécessité
d’une bonne exposition
Les
signes de la salubrité d’un lieu
CHAPITRE
3 — L’ORGANISATION DE LA PRODUCTION ET DU COMMERCE
Le
territoire d’une ville doit suffire à la nourrir
L’importation
des produits court de nombreux risques
Un
trop grand nombre de marchands nuit à la vie civile
Les
citoyens qui poursuivent un but lucratif se corrompent
La
pratique du commerce nuit aux exercices militaires
Il
faut éviter les rassemblements d’hommes trop fréquents
Cependant,
le commerce est utile
CHAPITRE
4 — LE ROLE DES PLAISIRS DANS LA VIE HUMAINE
L’emplacement
d’une ville doit être agréable
Il
faut user des plaisirs avec mesure
Les
plaisirs superflus font perdre la vertu
Les
plaisirs exagérés sont contraires aux vertus militaires
La
recherche du plaisir rend vicieux
Un
plaisir modéré est nécessaire à la vie humaine
Le plaisir
doit être recherché comme un moyen pour la fin, qui est la vie vertueuse
A
PARTIR D’ICI, LE TEXTE EST DE PTOLEMEE DE LUQUE
LIVRE
3 — L’ORIGINE DIVINE DE TOUT POUVOIR (Par Ptolémée de Lucques)
LIVRE
4 — (par Ptolémée de Lucques)
Le De Regno ne contient pas la doctrine politique complète de saint Thomas. S'adressant à un roi régnant, il tient la royauté comme un fait établi dont on partira pour exercer un gouvernement juste.
La doctrine politique de saint Thomas est complexe, car le problème est traité par lui, en divers endroits de son œuvre, de points de vue différents. On peut, en effet, l'envisager sous trois optiques. La première est purement théorique. C'est, par exemple, celle qu'adopte Platon dans la République : il s'agit d'établir le paradigme idéal de la cité, intrinsèquement la meilleure, sans qu'il y ait lieu de se demander §.i les conditions matérielles ou historiques la rendent réalisable. Ainsi saint Thomas affirme la supériorité de la royauté sur les autres régimes, en vertu de l'unité qu'elle donne à la société parce que l'unité est le premier bien d'une chose, et donc d'une société, qui est dans la mesure où elle est une.
La seconde serait celle du législateur à qu’il
incombe de fonder ou d'organiser une cité, en s'inspirant, certes, d'un modèle idéal et de principes, mais aussi en tenant compte de toutes les particularités concrètes. C'est à peu près la situation qu'imagine Platon dans Les Lois où les trois interlocuteurs du dialogue sont censés donner leur avis pour la fondation
d'une cité en Crète : ici, tous les facteurs historiques, ethniques, linguistiques, géographiques, économiques, etc., sont déterminants. Une troisième optique, que l'on situerait entre les deux premières, envisagerait le problème spéculativement, tout en prévoyant les facteurs concrets qui peuvent intervenir, non pas dans tel ou tel cas particulier, mais en général : on prévoira les déficiences dues à la faiblesse humaine, ou bien, étant donné tel régime qui nous serait apparu en soi comme le meilleur, on se préoccupera de ce qui est capable d'en garantir le bon fonctionnement ou, au contraire, de ce qui menacerait de le corrompre. Saint Thomas adopte tantôt le premier, tantôt le
dernier de ces points de vue, en laissant au lecteur le soin de les discerner. Ainsi quand il faudra déterminer parmi les régimes-types, idéals, dont chacun met l'accent sur une qualité propre, lequel est préférable, il nous dira, nous l'avons vu, que le meilleur régime est la royauté en raison de l'unité qu'elle apporte. Quel est maintenant le régime capable de fonctionner le mieux, non pas dans tel cas précis, mais étant donné la faiblesse de l'homme ? Ce sera un régime mixte
combinant entre eux les avantages de chacun des régimes-types : royauté, aristocratie, démocratie[1].
Il faut se garder de l'erreur qui consisterait à attribuer au De Regno un contenu « royaliste » au sens où l'entendent, par exemple, les monarchistes d'aujourd’hui. La royauté, pour saint Thomas, est un régime;
elle concerne donc la structure de la société tout entière : le fait de savoir qui détiendra l'exécutif dans l'Etat n'est qu'un des aspects du problème, et nous dirions : secondaire. En tout cas, le saint Docteur s'élève contre la thèse qui fait du roi un monarque absolu de droit divin. Un gouvernement du type de celui de Louis XIV n'est pas une
monarchie comme il la définit. Il faut donc prendre garde de ne pas nous laisser tromper par la consonance
historique, voire politique, des mots : le roi, tel qu'il l'entend, peut aussi bien être un roi proprement dit qu'un prince ou un président, d'autant plus que la question de l'hérédité ou de l'élection est
accessoire et n'intéresse pas sa définition[2]. De plus, comme l'écrit M. Etienne Gilson, quand saint Thomas dit que la
monarchie est le meilleur régime politique, il faut entendre par là : « que le meilleur des régimes politiques
est celui qui soumet
le corps social au gouvernement d'un seul, mais non pas que le régime le meilleur soit le gouvernement de
l'Etat par un seul ».
M. Marcel Demongeot résume ainsi les notes dominantes de la royauté, selon saint Thomas : « C'est l'organisation politique selon laquelle un peuple, naturellement inégal et inapte à la liberté politique, est dirigé par un seul homme qui est roi en raison d'une valeur
éminente et qui gouverne à vie, sans être soumis à une loi constitutionnelle, mais conformément à la loi naturelle, pour le bien et avec l'assentiment de ses sujets »[3].
Ainsi, un des caractères principaux du roi est sa supériorité sur ses sujets : ceux-ci sont par rapport à lui
comme des mineurs
vis-à-vis d'un adulte. Nous dirions
aujourd'hui que la royauté
suppose un certain paternalisme dans les relations de gouvernant à gouvernés. Or, dans
certains pays, un phénomène historique s'est produit ces
derniers siècles : les peuples tendent à accéder- d la majorité politique. Voilà· un facteur nouveau qui nous 'avertit qu'en vertu même des principes énoncés par saint Thomas la
royauté dans son type pur ne saurait être appliquée telle quelle[4].
Du reste, le saint nous avertit, dans un texte de la Somme, des éléments principaux qui entrent en ligne de compte dans la constitution d'une cité : cc
Pour que l'ordonnance des pouvoirs
soit bonne, dans une cité ou
dans un peuple quelconque, il faut prendre garde à deux choses. La première, que tous
les citoyens aient une certaine part d'autorité.
C'est le moyen de maintenir la paix dans le peuple, car tout le monde aime un
arrangement de ce genre et tient à le conserver, comme dit Aristote au livre II de sa Politique (lect. 14). La deuxième se rapporte aux diverses espèces de
régimes, ou de répartitions des autorités. Car il y en a plusieurs espèces, exposées par Aristote dans sa Politique (livre II l, lect. 6), et dont voici les deux principales : la
royauté (regnum), où un seul exerce le pouvoir en raison de sa vertu, et l'aristocratie, c'est-à-dire le commandement des hommes d'élite (potestas optimatum), où un
petit nombre exerce le pouvoir en raison de sa vertu. En conséquence, voici la répartition la meilleure du pouvoir dans
une cité ou un royaume quelconque : d'abord, un chef unique, choisi pour sa vertu,
qui soit à la tête de tous, puis, au-dessous de lui, quelques chefs choisis pour leur vertu. 'Pour être celle de quelques-uns, leur
autorité n'en est pas moins celle de tout le monde, parce qu'ils peuvent être choisis dans tout le peuple, ou même, qu'en fait, ils y sont choisis. Voilà donc la politie (politia) la meilleure de toutes. Elle est bien dosée (bene commixta) : de royauté, en tant qu'un seul y
commande; d'aristocratie, en tant que plusieurs y exercent le pouvoir en raison de leur vertu; de
démocratie, enfin, c'est-à-dire du pouvoir du peuple (ex democratia, id est, potestate populi), en tant que les chefs peuvent y être choisis dans les rangs du peuple, et
que c'est au peuple qu'appartient l'élection des chefs»[5].
Si l'on veut
un point de comparaison pour ce
qui touche le genre de cet écrit et non le fond de la doctrine, où l'on trouverait des divergences avec saint Thomas, pensons à Bossuet écrivant à l'usage du Dauphin les règles morales dont il devra s'éclairer dans l'exercice de sa fonction. Le De Regno est un guide de politique chrétienne adressé à un roi au pouvoir : ce que celui-ci devait y puiser, ce sont les grands principes dont tout chrétien travaillant au gouvernement de la cité temporelle doit s'inspirer. Quelle est la fin de cette société, quels sont les droits et les devoirs des gouvernants et des gouvernés, quels sont les rapports du
spirituel au temporel, ce sont ces questions fondamentales auxquelles il doit savoir répondre par une solution vraie à
laquelle sans transiger il confortera sa conduite. Ajoutons que l'opuscule est adressé à un prince chrétien gouvernant des sujets chrétiens; c'est une situation qui ne se rencontre plus guère aujourd'hui : sur ce point encore, en vertu
de la loi posée par le saint, qu'il faut tenir compte des circonstances, l'application des mêmes principes pourra offrir
des modalités multiples.
Au travers des circonstances historiques changeantes, les exigences de la vérité sont toujours urgentes et actuelles.
*
*
*
Nous avons eu sous les yeux deux traductions françaises du présent texte : la première a paru au tome III de l'édition des Opuscules de saint Thomas, Louis Vivès, Paris, 1857; elle est due à M. l'abbé Bandel, la seconde, œuvre de M. Roguet, a été éditée à la Librairie du Dauphin, Paris, 1931, sous le titre : Du gouvernement royal. Elle est précédée d'une préface développée de M. l'abbé Charles Journet. A cette deuxième traduction notamment, nous avons fait plusieurs emprunts. Nous devons dire ici à M. l'abbé Journet, dont les conseils nous ont constamment aidé dans. ce travail, toute notre reconnaissance. C'est à lui,
encore, que nous devons la notice historique et le plan qui suivent,
ainsi que plusieurs notes. Nous
remercions de même R. P. Kaelin qui a bien voulu relire cette traduction et nous suggéra plusieurs corrections, et notre ami Paul Rousset
qui nous a précieusement éclairé de sa science d'historien.
L'opuscule De Regno, ad regem Cypri figure au catalogue des œuvres de saint Thomas qui fut inséré dans le procès de canonisation et qui fut dressé, comme l'a montré le P. Mandonnet[6],
sur l'ordre du chapitre général des Prêcheurs, par le secrétaire même de saint Thomas, Reynald de Piperno.
Suivant les recherches du P. Mandonnet, il faut dater cet écrit des années 1265-1267[7].
L'île de Chypre, conquise sur les Comnènes en 1191 par Richard Cœur de Lion et passée peu après aux Lusignans, avait alors pour roi un enfant, Hugues II (1253-1267) qui fut roi dès le berceau et mourut à quatorze ans et dont le successeur, Hugues le Grand, deva'it prendre, en 1269, le double titre de roi de Chypre et de. Jérusalem[8].
Si incontestable que soit l'authenticité de l'opuscule au roi de Chypre, les quatre livres qui nous sont parvenus sous des titres un peu différents De rege et regno, ou De regimine principum, soulèvent un problème de critique textuelle que le P. Mandonnet formule en ces termes : « Le De regno, appelé après coup De regimine principum, est considéré comme inachevé, parce qu'il a été continué par Ptolémée de Lucques. La partie authentique est censée s'achever à la fin du chapitre 4 (IV) du second livre. Il reste à vérifier sur les manuscrits si le traité primitif n'était pas complet et si le continuateur n'en a pas modifié l'économie générale pour le faire concorder avec son œuvre personnelle[9].
»
Le point d'arrêt du texte de saint Thomas se trouve, en effet, au second livre, un peu avant la fin du chapitre 4 (IV) dans le codex de Sainte-Geneviève, presque au début du chapitre 5 (V) dans le codex de Saint-Victor.
Saint Thomas aurait-il été interrompu dans son travail en apprenant la mort d’Hugues II ?
A supposer que Ptolémée de Lucques ne se soit pas contenté simplement d'ajouter au texte de saint Thomas, il est du moins peu probable qu'il en ait beaucoup modifié l'économie. Si l'on désire donc lire avec fruit le De Regno, il est nécessaire d'en bien marquer la composition. L'ordonnance a, dans un écrit de saint Thomas, le même rôle précis et essentiel que dans un portail de Chartres. Voici donc, tel qu'il se dégage du texte lui-même, le plan des chapitres du premier livre.
Textum Taurini 1954
editum |
Traduction du Père
Martin-Cottier op, 1946 |
|
|
Prooemium [69919] De regno, pr. Cogitanti mihi quid offerrem regiae celsitudini dignum
meaeque professioni congruum et officio, id occurrit potissime offerendum, ut
regi librum de regno conscriberem, in quo et regni originem et ea quae ad
regis officium pertinent, secundum Scripturae divinae auctoritatem,
philosophorum dogma et exempla laudatorum principum diligenter depromerem,
iuxta ingenii proprii facultatem, principium, progressum, consummationem
operis ex illius expectans auxilio qui est rex regum et dominus dominantium :
per quem reges regnant, Deus, magnus dominus, et rex magnus super omnes deos. Liber
1 Caput
1 [69920] De regno, lib. 1 cap. 1 tit. Quod necesse est homines simul viventes ab aliquo
diligenter regi [69921] De regno, lib. 1 cap. 1 Principium autem intentionis nostrae hinc sumere
oportet, ut quid nomine regis intelligendum sit, exponatur. In omnibus autem
quae ad finem aliquem ordinantur, in quibus contingit sic et aliter
procedere, opus est aliquo dirigente, per quod directe debitum perveniatur ad
finem. Non enim navis, quam secundum diversorum ventorum impulsum in diversa
moveri contingit, ad destinatum finem perveniret nisi per gubernatoris
industriam dirigeretur ad portum. Hominis autem est aliquis finis, ad quem
tota vita eius et actio ordinatur, cum sit agens per intellectum, cuius est
manifeste propter finem operari. Contingit autem diversimode homines ad finem
intentum procedere, quod ipsa diversitas humanorum studiorum et actionum
declarat. Indiget igitur homo aliquo dirigente ad finem. Est autem unicuique
hominum naturaliter insitum rationis lumen, quo in suis actibus dirigatur ad
finem. Et si quidem homini conveniret singulariter vivere, sicut multis
animalium, nullo alio dirigente indigeret ad finem, sed ipse sibi unusquisque
esset rex sub Deo summo rege, in quantum per lumen rationis divinitus datum sibi,
in suis actibus se ipsum dirigeret. Naturale autem est homini ut sit animal
sociale et politicum, in multitudine vivens, magis etiam quam omnia alia
animalia, quod quidem naturalis necessitas declarat. Aliis enim animalibus natura
praeparavit cibum, tegumenta pilorum, defensionem, ut dentes, cornua, ungues,
vel saltem velocitatem ad fugam. Homo autem institutus est nullo horum sibi a
natura praeparato, sed loco omnium data est ei ratio, per quam sibi haec
omnia officio manuum posset praeparare, ad quae omnia praeparanda unus homo
non sufficit. Nam unus homo per se
sufficienter vitam transigere non posset. Est igitur homini naturale quod in
societate multorum vivat. Amplius : aliis animalibus insita est naturalis
industria ad omnia ea quae sunt eis utilia vel nociva, sicut ovis naturaliter
aestimat lupum inimicum. Quaedam etiam animalia ex naturali industria
cognoscunt aliquas herbas medicinales et alia eorum vitae necessaria. Homo
autem horum, quae sunt suae vitae necessaria, naturalem cognitionem habet solum
in communi, quasi eo per rationem valente ex universalibus principiis ad
cognitionem singulorum, quae necessaria sunt humanae vitae, pervenire. Non
est autem possibile quod unus homo ad omnia huiusmodi per suam rationem
pertingat. Est igitur necessarium homini quod in multitudine vivat, ut unus
ab alio adiuvetur et diversi diversis inveniendis per rationem occupentur,
puta, unus in medicina, alius in hoc, alius in alio. Hoc etiam evidentissime
declaratur per hoc, quod est proprium hominis locutione uti, per quam unus
homo aliis suum conceptum totaliter potest exprimere. Alia quidem animalia
exprimunt mutuo passiones suas in communi, ut canis in latratu iram, et alia
animalia passiones suas diversis modis. Magis igitur homo est communicativus
alteri quam quodcumque aliud animal, quod gregale videtur, ut grus, formica
et apis. Hoc ergo considerans Salomon in Eccle. IV, 9, ait : melius est
esse duos quam unum. Habent enim emolumentum mutuae societatis. Si ergo
naturale est homini quod in societate multorum vivat, necesse est in
hominibus esse per quod multitudo regatur. Multis enim existentibus hominibus
et unoquoque id, quod est sibi congruum, providente, multitudo in diversa
dispergeretur, nisi etiam esset aliquis de eo quod ad bonum multitudinis
pertinet curam habens; sicut et corpus hominis et cuiuslibet animalis
deflueret, nisi esset aliqua vis regitiva communis in corpore, quae ad bonum
commune omnium membrorum intenderet. Quod considerans Salomon dicit : ubi
non est gubernator, dissipabitur populus. Hoc autem rationabiliter
accidit : non enim idem est quod proprium et quod commune. Secundum propria
quidem differunt, secundum autem commune uniuntur. Diversorum autem diversae
sunt causae. Oportet igitur, praeter id quod movet ad proprium bonum
uniuscuiusque, esse aliquid quod movet ad bonum commune multorum. Propter quod et in
omnibus quae in unum ordinantur, aliquid invenitur alterius regitivum. In
universitate enim corporum per primum corpus, scilicet caeleste, alia corpora
ordine quodam divinae providentiae reguntur, omniaque corpora per creaturam
rationalem. In uno etiam homine anima
regit corpus, atque inter animae partes irascibilis et concupiscibilis
ratione reguntur. Itemque inter membra corporis unum est principale, quod
omnia movet, ut cor, aut caput. Oportet igitur esse in omni multitudine
aliquod regitivum. Caput
2 [69922] De regno, lib. 1 cap. 2 tit. Distinguitur multiplex dominium sive regimen [69923] De regno, lib. 1 cap. 2 Contingit autem in quibusdam, quae ordinantur ad finem,
et recte, et non recte procedere. Quare et in regimine multitudinis et
rectum, et non rectum invenitur. Recte autem dirigitur unumquodque quando ad
finem convenientem deducitur; non recte autem quando ad finem non
convenientem. Alius autem est finis conveniens multitudini liberorum, et
servorum. Nam liber est, qui sui causa est; servus autem est, qui id quod
est, alterius est. Si igitur liberorum multitudo a regente ad bonum commune
multitudinis ordinetur, erit regimen rectum et iustum, quale convenit
liberis. Si vero non ad bonum commune multitudinis, sed ad bonum privatum
regentis regimen ordinetur, erit regimen iniustum atque perversum, unde et
dominus talibus rectoribus comminatur per Ezech. XXXIV, 2, dicens : vae
pastoribus qui pascebant semetipsos (quasi sua propria commoda
quaerentes) : nonne greges a pastoribus pascuntur ? Bonum siquidem
gregis pastores quaerere debent, et rectores quilibet bonum multitudinis sibi
subiectae. Si igitur regimen iniustum per unum tantum fiat qui sua commoda ex
regimine quaerat, non autem bonum multitudinis sibi subiectae, talis rector
tyrannus vocatur, nomine a fortitudine derivato, quia scilicet per potentiam
opprimit, non per iustitiam regit : unde et apud antiquos potentes quique
tyranni vocabantur. Si vero iniustum regimen non per unum fiat, sed per
plures, siquidem per paucos, oligarchia vocatur, id est principatus paucorum,
quando scilicet pauci propter divitias opprimunt plebem, sola pluralitate a
tyranno differentes. Si vero iniquum regimen exerceatur per multos,
democratia nuncupatur, id est potentatus populi, quando scilicet populus
plebeiorum per potentiam multitudinis opprimit divites. Sic enim populus
totus erit quasi unus tyrannus. Similiter autem et iustum regimen distingui
oportet. Si enim administretur per aliquam multitudinem, communi nomine
politia vocatur, utpote cum multitudo bellatorum in civitate vel provincia
dominatur. Si vero administretur per paucos, virtuosos autem, huiusmodi
regimen aristocratia vocatur, id est potentatus optimus, vel optimorum, qui
propterea optimates dicuntur. Si vero iustum regimen ad unum tantum
pertineat, ille proprie rex vocatur : unde dominus per Ezech. dicit : servus
meus David rex super omnes erit, et pastor unus erit omnium eorum. Ex quo
manifeste ostenditur quod de ratione regis est quod sit unus, qui praesit, et
quod sit pastor commune multitudinis bonum, et non suum commodum quaerens.
Cum autem homini competat in multitudine vivere, quia sibi non sufficit ad
necessaria vitae si solitarius maneat, oportet quod tanto sit perfectior multitudinis
societas, quanto magis per se sufficiens erit ad necessaria vitae. Habetur
siquidem aliqua vitae sufficientia in una familia domus unius, quantum
scilicet ad naturales actus nutritionis, et prolis generandae, et aliorum
huiusmodi; in uno autem vico, quantum ad ea quae ad unum artificium
pertinent; in civitate vero, quae est perfecta communitas, quantum ad omnia
necessaria vitae; sed adhuc magis in provincia una propter necessitatem
compugnationis et mutui auxilii contra hostes. Unde qui perfectam
communitatem regit, id est civitatem vel provinciam, antonomastice rex
vocatur; qui autem domum regit, non rex, sed paterfamilias dicitur. Habet
tamen aliquam similitudinem regis, propter quam aliquando reges populorum
patres vocantur. Ex dictis igitur patet, quod rex est qui unius multitudinem
civitatis vel provinciae, et propter bonum commune, regit; unde Salomon in
Eccle. V, 8, dicit : universae terrae rex imperat servienti. Caput
3 [69924] De regno, lib. 1 cap. 3 tit. Quod utilius est multitudinem hominum simul viventium
regi per unum quam per plures [69925] De regno, lib. 1 cap. 3 His autem praemissis requirere oportet quid provinciae
vel civitati magis expedit : utrum a pluribus regi, vel uno. Hoc autem
considerari potest ex ipso fine regiminis. Ad hoc enim cuiuslibet regentis
ferri debet intentio, ut eius quod regendum suscepit salutem procuret.
Gubernatoris enim est, navem contra maris pericula servando, illaesam
perducere ad portum salutis. Bonum autem et salus consociatae multitudinis
est ut eius unitas conservetur, quae dicitur pax, qua remota, socialis vitae
perit utilitas, quinimmo multitudo dissentiens sibi ipsi sit onerosa. Hoc
igitur est ad quod maxime rector multitudinis intendere debet, ut pacis
unitatem procuret. Nec recte consiliatur, an pacem faciat in multitudine sibi
subiecta, sicut medicus, an sanet infirmum sibi commissum. Nullus enim
consiliari debet de fine quem intendere debet, sed de his quae sunt ad finem.
Propterea apostolus commendata fidelis populi unitate : solliciti,
inquit, sitis servare unitatem spiritus in vinculo pacis. Quanto
igitur regimen efficacius fuerit ad unitatem pacis servandam, tanto erit
utilius. Hoc enim utilius dicimus, quod magis perducit ad finem. Manifestum
est autem quod unitatem magis efficere potest quod est per se unum, quam
plures. Sicut efficacissima causa est calefactionis quod est per se calidum.
Utilius igitur est regimen unius, quam plurium. Amplius, manifestum est quod
plures multitudinem nullo modo conservant, si omnino dissentirent. Requiritur enim in
pluribus quaedam unio ad hoc, quod quoquo modo regere possint : quia nec
multi navem in unam partem traherent, nisi aliquo modo coniuncti. Uniri autem dicuntur plura per appropinquationem ad
unum. Melius igitur regit unus quam plures ex eo quod appropinquant ad unum. Adhuc : ea, quae
sunt ad naturam, optime se habent : in singulis enim operatur natura, quod
optimum est. Omne autem naturale regimen
ab uno est. In membrorum enim multitudine unum est quod omnia movet, scilicet
cor; et in partibus animae una vis principaliter praesidet, scilicet ratio.
Est etiam apibus unus rex, et in toto universo unus Deus factor omnium et
rector. Et hoc rationabiliter. Omnis enim multitudo derivatur ab uno. Quare
si ea quae sunt secundum artem, imitantur ea quae sunt secundum naturam, et
tanto magis opus artis est melius, quanto magis assequitur similitudinem eius
quod est in natura, necesse est quod in humana multitudine optimum sit quod
per unum regatur. Hoc etiam experimentis apparet. Nam provinciae vel civitates
quae non reguntur ab uno, dissensionibus laborant et absque pace fluctuant,
ut videatur adimpleri quod dominus per prophetam conqueritur, dicens : pastores
multi demoliti sunt vineam meam. E contrario vero provinciae et civitates
quae sub uno rege reguntur, pace gaudent, iustitia florent, et affluentia
rerum laetantur. Unde dominus pro magno munere per prophetas populo suo
promittit, quod poneret sibi caput unum, et quod princeps unus erit in medio
eorum. Caput
4 [69926] De regno, lib. 1 cap. 4 tit. Quod, sicut dominium unius optimum est, quando est
iustum, ita oppositum eius est pessimum, probatur multis rationibus et
argumentis [69927] De regno, lib. 1 cap. 4 Sicut autem regimen regis est optimum, ita regimen
tyranni est pessimum. Opponitur enim politiae quidem democratia, utrumque
enim, sicut ex dictis apparet, est regimen quod per plures exercetur;
aristocratiae vero oligarchia, utrumque enim exercetur per paucos; regnum
autem tyrannidi, utrumque enim per unum exercetur. Quod autem regnum sit
optimum regimen, ostensum est prius. Si igitur optimo opponitur pessimum,
necesse est quod tyrannis sit pessimum. Adhuc : virtus unita magis est
efficax ad effectum inducendum, quam dispersa vel divisa. Multi enim
congregati simul trahunt quod divisim per partes singulariter a singulis
trahi non posset. Sicut igitur utilius est virtutem operantem ad bonum esse magis unam,
ut sit virtuosior ad operandum bonum, ita magis est nocivum si virtus operans
malum sit una, quam divisa. Virtus autem iniuste praesidentis operatur ad
malum multitudinis, dum commune bonum multitudinis in sui ipsius bonum tantum
retorquet. Sicut igitur in regimine iusto, quanto regens est magis unum,
tanto est utilius regimen, ut regnum melius est quam aristocratia,
aristocratia vero quam politia; ita e converso erit et in iniusto regimine,
ut videlicet quanto regens est magis unum, tanto magis sit nocivum. Magis
igitur est nociva tyrannis quam oligarchia : oligarchia autem quam
democratia. Amplius : per hoc regimen fit iniustum, quod spreto bono communi
multitudinis, quaeritur bonum privatum regentis. Quanto igitur magis
receditur a bono communi, tanto est regimen magis iniustum. Plus autem
receditur a bono communi in oligarchia, in qua quaeritur bonum paucorum, quam
in democratia, in qua quaeritur bonum multorum; et adhuc plus receditur a
bono communi in tyrannide, in qua quaeritur bonum tantum unius : omni enim
universitati propinquius est multum quam paucum, et paucum quam unum solum.
Regimen igitur tyranni est iniustissimum. Similiter autem manifestum fit
considerantibus divinae providentiae ordinem, quae optime universa disponit.
Nam bonum provenit in rebus ex una causa perfecta, quasi omnibus adunatis
quae ad bonum iuvare possunt, malum autem singillatim ex singularibus
defectibus. Non enim est pulchritudo in
corpore, nisi omnia membra fuerint decenter disposita; turpitudo autem
contingit, quodcumque membrum indecenter se habeat. Et sic turpitudo ex
pluribus causis diversimode provenit, pulchritudo autem uno modo ex una causa
perfecta : et sic est in omnibus bonis et malis, tanquam hoc Deo providente,
ut bonum ex una causa sit fortius, malum autem ex pluribus causis sit
debilius. Expedit igitur ut regimen iustum sit unius tantum, ad hoc ut sit
fortius. Quod si in iniustitiam declinat regimen, expedit magis ut sit
multorum, ut sit debilius, et se invicem impediant. Inter iniusta igitur
regimina tolerabilius est democratia, pessimum vero tyrannis. Idem etiam maxime apparet, si quis consideret mala quae
ex tyrannis proveniunt, quia cum tyrannus, contempto communi bono, quaerit
privatum, consequens est ut subditos diversimode gravet, secundum quod
diversis passionibus subiacet ad bona aliqua affectanda. Qui enim passione
cupiditatis detinetur, bona subditorum rapit : unde Salomon : rex iustus
erigit terram, vir avarus destruet eam. Si vero iracundiae passioni
subiaceat, pro nihilo sanguinem fundit, unde per Ezech. XXII, 27, dicitur : principes
eius in medio eius quasi lupi rapientes praedam ad effundendum sanguinem.
Hoc igitur regimen fugiendum esse, sapiens monet, dicens : longe esto ab
homine potestatem habente occidendi, quia scilicet non pro iustitia, sed
per potestatem occidit pro libidine voluntatis. Sic igitur nulla erit
securitas, sed omnia sunt incerta cum a iure disceditur, nec firmari quidquam
potest quod positum est in alterius voluntate, ne dicam libidine. Nec solum
in corporalibus subditos gravat, sed etiam spiritualia eorum bona impedit,
quia qui plus praeesse appetunt quam prodesse, omnem profectum subditorum
impediunt, suspicantes omnem subditorum excellentiam suae iniquae dominationi
praeiudicium esse. Tyrannis enim magis boni quam mali suspecti sunt,
semperque his aliena virtus formidolosa est. Conantur igitur praedicti
tyranni, ne ipsorum subditi virtuosi effecti magnanimitatis concipiant spiritum
et eorum iniquam dominationem non ferant, ne inter subditos amicitiae foedus
firmetur et pacis emolumento ad invicem gaudeant, ut sic dum unus de altero
non confidit, contra eorum dominium aliquid moliri non possint. Propter quod
inter ipsos discordias seminant, exortas nutriunt, et ea quae ad
foederationem hominum pertinent, ut connubia et convivia, prohibent, et
caetera huiusmodi, per quae inter homines solet familiaritas et fiducia
generari. Conantur etiam ne potentes aut divites fiant, quia de subditis
secundum suae malitiae conscientiam suspicantes, sicut ipsi potentia et
divitiis ad nocendum utuntur, ita timent ne potentia subditorum et divitiae
eis nocivae reddantur. Unde et Iob XV, 21, de tyranno dicitur : sonitus
terroris semper in auribus eius, et cum pax sit (nullo scilicet malum ei
intentante), ille semper insidias suspicatur. Ex hoc autem contingit
ut, dum praesidentes, qui subditos ad virtutes inducere deberent, virtuti
subditorum nequiter invident et eam pro posse impediunt, sub tyrannis pauci
virtuosi inveniantur. Nam iuxta sententiam philosophi apud illos inveniuntur
fortes viri, apud quos fortissimi quique honorantur, et ut Tullius dicit :
iacent semper et parum vigent, quae apud quosque improbantur. Naturale etiam
est ut homines, sub timore nutriti, in servilem degenerent animum et
pusillanimes fiant ad omne virile opus et strenuum : quod experimento patet
in provinciis quae diu sub tyrannis fuerunt. Unde apostolus, Col. III, 21,
dicit : patres, nolite ad indignationem provocare filios vestros, ne
pusillo animo fiant. Haec igitur nocumenta tyrannidis rex Salomon
considerans, dicit : regnantibus impiis, ruinae hominum, quia scilicet
per nequitiam tyrannorum subiecti a virtutum perfectione deficiunt; et iterum
dicit : cum impii sumpserint principatum, gemet populus, quasi sub
servitute deductus; et iterum : cum surrexerint impii, abscondentur
homines, ut tyrannorum crudelitatem evadant. Nec est mirum, quia homo
absque ratione secundum animae suae libidinem praesidens nihil differt a bestia,
unde Salomon : leo rugiens et ursus esuriens princeps impius super populum
pauperem; et ideo a tyrannis se abscondunt homines sicut a crudelibus
bestiis, idemque videtur tyranno subiici, et bestiae saevienti substerni. Caput
5 [69928] De regno, lib. 1 cap. 5 tit. Quomodo variatum est dominium apud Romanos, et quod
interdum apud eos magis aucta est respublica ex dominio plurium [69929] De regno, lib. 1 cap. 5 Quia igitur optimum et pessimum consistunt in
monarchia, id est principatu unius, multis quidem propter tyrannorum malitiam
redditur regia dignitas odiosa. Quidam vero dum regimen regis desiderant,
incidunt in saevitiam tyrannorum, rectoresque quamplures tyrannidem exercent
sub praetextu regiae dignitatis. Horum quidem exemplum evidenter apparet in Romana
republica. Regibus enim a populo Romano expulsis, dum regium vel potius
tyrannicum fastum ferre non possent, instituerant sibi consules et alios
magistratus per quos regi coeperunt et dirigi, regnum in aristocratiam
commutare volentes et, sicut refert Salustius : incredibile est memoratu,
quantum, adepta libertate, in brevi Romana civitas creverit. Plerumque namque
contingit, ut homines sub rege viventes, segnius ad bonum commune nitantur,
utpote aestimantes id quod ad commune bonum impendunt non sibi ipsis conferre
sed alteri, sub cuius potestate vident esse bona communia. Cum vero bonum
commune non vident esse in potestate unius, non attendunt ad bonum commune
quasi ad id quod est alterius, sed quilibet attendit ad illud quasi suum :
unde experimento videtur quod una civitas per annuos rectores administrata,
plus potest interdum quam rex aliquis, si haberet tres vel quatuor civitates;
parvaque servitia exacta a regibus gravius ferunt quam magna onera, si a
communitate civium imponantur. Quod in promotione Romanae reipublicae
servatum fuit. Nam plebe ad militiam scribebatur, et pro militantibus
stipendia exsolvebant, et cum stipendiis exsolvendis non sufficeret commune
aerarium, in usus publicos opes venere privatae, adeo ut praeter singulos
annulos aureos, singulasque bullas, quae erant dignitatis insignia, nihil
sibi auri ipse etiam senatus reliquerit. Sed cum dissensionibus fatigarentur
continuis, quae usque ad bella civilia excreverunt, quibus bellis civilibus
eis libertas, ad quam multum studuerant, de manibus erepta est, sub potestate
imperatorum esse coeperunt, qui se reges a principio appellari noluerunt,
quia Romanis fuerat nomen regium odiosum. Horum autem quidam more regio bonum
commune fideliter procuraverunt, per quorum studium Romana respublica et
aucta et conservata est. Plurimi vero eorum in subditos quidem tyranni, ad
hostes vero effecti desides et imbecilles, Romanam rempublicam ad nihilum
redegerunt. Similis etiam processus fuit in populo Hebraeorum. Primo quidem
dum sub iudicibus regebantur, undique diripiebantur ab hostibus. Nam
unusquisque quod bonum erat in oculis suis, hoc faciebat. Regibus vero eis
divinitus datis ad eorum instantiam, propter regum malitiam, a cultu unius
Dei recesserunt et finaliter ducti sunt in captivitatem. Utrinque igitur
pericula imminent : sive dum timetur tyrannus, evitetur regis optimum
dominium, sive dum hoc consideratur, potestas regia in malitiam tyrannicam
convertatur. Caput
6 [69930] De regno, lib. 1 cap. 6 tit. Quod in regimine plurium magis saepe contingit dominium
tyrannicum, quam ex regimine unius; et ideo regimen unius melius est [69931] De regno, lib. 1 cap. 6 Cum autem inter duo, ex quorum utroque periculum
imminet, eligere oportet, illud potissime eligendum est ex quo sequitur minus
malum. Ex monarchia autem, si in tyrannidem convertatur, minus malum sequitur
quam ex regimine plurium optimatum, quando corrumpitur. Dissensio enim, quae
plurimum sequitur ex regimine plurium, contrariatur bono pacis, quod est
praecipuum in multitudine sociali : quod quidem bonum per tyrannidem non
tollitur, sed aliqua particularium hominum bona impediuntur, nisi fuerit
excessus tyrannidis quod in totam communitatem desaeviat. Magis igitur
praeoptandum est unius regimen quam multorum, quamvis ex utroque sequantur pericula.
Adhuc : illud magis fugiendum videtur, ex quo pluries sequi possunt magna
pericula. Frequentius autem sequuntur maxima pericula multitudinis ex
multorum regimine, quam ex regimine unius. Plerumque enim contingit ut ex
pluribus aliquis ab intentione communis boni deficiat, quam quod unus tantum.
Quicumque autem, ex pluribus praesidentibus, divertat ab intentione communis
boni, dissensionis periculum in subditorum multitudine imminet, quia
dissentientibus principibus consequens est ut in multitudine sequatur
dissensio. Si vero unus praesit, plerumque quidem ad bonum commune respicit;
aut si a bono communi intentionem avertat, non statim sequitur ut ad
subditorum depressionem intendat, quod est excessus tyrannidis et in malitia
regiminis maximum gradum tenens, ut supra ostensum est. Magis igitur sunt
fugienda pericula quae proveniunt ex gubernatione multorum, quam ex
gubernatione unius. Amplius, non minus contingit in tyrannidem verti regimen
multorum quam unius, sed forte frequentius. Exorta namque dissensione per
regimen plurium, contingit saepe unum super alios superare et sibi soli
multitudinis dominium usurpare, quod quidem ex his quae pro tempore fuerunt,
manifeste inspici potest. Nam fere omnium multorum regimen est in tyrannidem
terminatum, ut in Romana republica manifeste apparet; quae cum diu per plures
magistratus administrata fuisset, exortis simultatibus, dissensionibus et
bellis civilibus, in crudelissimos tyrannos incidit. Et universaliter si quis
praeterita facta et quae nunc fiunt diligenter consideret, plures inveniet
exercuisse tyrannidem in terris quae per multos reguntur, quam in illis quae
gubernantur per unum. Si igitur regium, quod est optimum regimen, maxime
vitandum videatur propter tyrannidem; tyrannis autem non minus, sed magis, contingere
solet in regimine plurium, quam unius, relinquitur simpliciter magis esse
expediens sub rege uno vivere, quam sub regimine plurium. Caput
7 [69932] De regno, lib. 1 cap. 7 tit. Conclusio, quod regimen unius simpliciter sit optimum.
Ostendit qualiter multitudo se debet habere circa ipsum, quia auferenda est
ei occasio ne tyrannizet, et quod etiam in hoc est tolerandus propter maius
malum vitandum [69933] De regno, lib. 1 cap. 7 Quia ergo unius regimen praeeligendum est, quod est
optimum, et contingit ipsum in tyrannidem converti quod est pessimum, ut ex
dictis patet, laborandum est diligenti studio ut sic multitudini provideatur
de rege, ut non incidant in tyrannum. Primum autem est necessarium ut
talis conditionis homo ab illis, ad quos hoc spectat officium, promoveatur in
regem, quod non sit probabile in tyrannidem declinare. Unde Samuel, Dei providentiam erga institutionem regis
commendans, ait I Reg. : quaesivit sibi dominus virum secundum cor suum et
praecepit ei dominus ut esset dux super populum suum. Deinde sic
disponenda est regni gubernatio, ut regi iam instituto tyrannidis subtrahatur
occasio. Simul etiam sic eius temperetur potestas, ut in tyrannidem de facili
declinare non possit. Quae quidem ut fiant, in sequentibus considerandum
erit. Demum vero curandum est, si rex in tyrannidem diverteret, qualiter
posset occurri. Et quidem si non fuerit excessus tyrannidis, utilius est
remissam tyrannidem tolerare ad tempus, quam contra tyrannum agendo multis
implicari periculis, quae sunt graviora ipsa tyrannide. Potest enim
contingere ut qui contra tyrannum agunt praevalere non possint, et sic
provocatus tyrannus magis desaeviat. Quod si praevalere quis possit adversus
tyrannum, ex hoc ipso proveniunt multoties gravissimae dissensiones in
populo; sive dum in tyrannum insurgitur, sive post deiectionem tyranni dum
erga ordinationem regiminis multitudo separatur in partes. Contingit etiam ut
interdum, dum alicuius auxilio multitudo expellit tyrannum, ille, potestate
accepta, tyrannidem arripiat, et timens pati ab alio quod ipse in alium
fecit, graviori servitute subditos opprimat. Sic enim in tyrannide solet
contingere, ut posterior gravior fiat quam praecedens, dum praecedentia
gravamina non deserit et ipse ex sui cordis malitia nova excogitat. Unde Syracusis
quondam Dionysii mortem omnibus desiderantibus, anus quaedam, ut incolumis et
sibi superstes esset, continue orabat; quod ut tyrannus cognovit, cur hoc
faceret interrogavit. Tum illa : puella, inquit, existens, cum gravem
tyrannum haberemus, mortem eius cupiebam, quo interfecto, aliquantum durior
successit; eius quoque dominationem finiri magnum existimabam : tertium te
importuniorem habere coepimus rectorem. Itaque si tu fueris absumptus,
deterior in locum tuum succedet. Et si sit intolerabilis excessus tyrannidis,
quibusdam visum fuit ut ad fortium virorum virtutem pertineat tyrannum
interimere, seque pro liberatione multitudinis exponere periculis mortis :
cuius rei exemplum etiam in veteri testamento habetur. Nam Aioth quidam Eglon
regem Moab, qui gravi servitute populum Dei premebat, sica infixa in eius
femore interemit, et factus est populi iudex. Sed hoc apostolicae doctrinae
non congruit. Docet enim nos Petrus non bonis tantum et modestis, verum etiam
dyscolis dominis reverenter subditos esse. Haec est enim gratia si propter
conscientiam Dei sustineat quis tristitias patiens iniuste; unde cum multi
Romani imperatores fidem Christi persequerentur tyrannice, magnaque multitudo
tam nobilium quam populi esset ad fidem conversa, non resistendo sed mortem
patienter et animati sustinentes pro Christo laudantur, ut in sacra
Thebaeorum legione manifeste apparet; magisque Aioth iudicandus est hostem
interemisse, quam populi rectorem, licet tyrannum : unde et in veteri
testamento leguntur occisi fuisse hi qui occiderunt Ioas, regem Iuda, quamvis
a cultu Dei recedentem, eorumque filii reservati secundum legis praeceptum.
Esset autem hoc multitudini periculosum et eius rectoribus, si privata
praesumptione aliqui attentarent praesidentium necem, etiam tyrannorum.
Plerumque enim huiusmodi periculis magis exponunt se mali quam boni. Malis
autem solet esse grave dominium non minus regum quam tyrannorum, quia
secundum sententiam Salomonis, Prov. : dissipat impios rex sapiens.
Magis igitur ex huiusmodi praesumptione immineret periculum multitudini de
amissione regis, quam remedium de subtractione tyranni. Videtur autem magis
contra tyrannorum saevitiam non privata praesumptione aliquorum, sed
auctoritate publica procedendum. Primo quidem, si ad ius multitudinis alicuius
pertineat sibi providere de rege, non iniuste ab eadem rex institutus potest
destitui vel refrenari eius potestas, si potestate regia tyrannice abutatur.
Nec putanda est talis multitudo infideliter agere tyrannum destituens, etiam
si eidem in perpetuo se ante subiecerat : quia hoc ipse meruit, in
multitudinis regimine se non fideliter gerens ut exigit regis officium, quod
ei pactum a subditis non reservetur. Sic Romani Tarquinium superbum, quem in
regem susceperant, propter eius et filiorum tyrannidem a regno eiecerunt,
substituta minori, scilicet consulari, potestate. Sic etiam Domitianus, qui
modestissimis imperatoribus Vespasiano patri et Tito fratri eius successerat,
dum tyrannidem exercet, a senatu Romano interemptus est, omnibus quae
perverse Romanis fecerat per senatusconsultum iuste et salubriter in irritum
revocatis. Quo factum est ut beatus Ioannes Evangelista, dilectus Dei discipulus,
qui per ipsum Domitianum in Patmos insulam fuerat exilio relegatus, ad
Ephesum per senatusconsultum remitteretur. Si vero ad ius alicuius superioris
pertineat multitudini providere de rege, expectandum est ab eo remedium
contra tyranni nequitiam. Sic Archelai, qui in Iudaea pro Herode patre suo
regnare iam coeperat, paternam malitiam imitantis, Iudaeis contra eum querimoniam
ad Caesarem Augustum deferentibus, primo quidem potestas diminuitur ablato
sibi regio nomine et medietate regni sui inter duos fratres suos divisa;
deinde, cum nec sic a tyrannide compesceretur, a Tiberio Caesare relegatus
est in exilium apud Lugdunum, Galliae civitatem. Quod si omnino contra tyrannum auxilium humanum haberi
non potest, recurrendum est ad regem omnium Deum, qui est adiutor in
opportunitatibus in tribulatione. Eius enim potentiae subest ut cor
tyranni crudele convertat in mansuetudinem, secundum Salomonis sententiam,
Prov. : cor regis in manu Dei, quocumque voluerit, inclinabit illud.
Ipse enim regis Assueri crudelitatem, qui Iudaeis mortem parabat, in
mansuetudinem vertit. Ipse est qui ita Nabuchodonosor crudelem regem
convertit, quod factus est divinae potentiae praedicator. Nunc igitur,
inquit, ego Nabuchodonosor laudo, et magnifico, et glorifico regem caeli,
quia opera eius vera et viae eius iudicia, et gradientes in superbia potest
humiliare. Tyrannos vero, quos reputat conversione indignos, potest
auferre de medio vel ad infimum statum reducere, secundum illud sapientis : sedes
ducum superborum destruxit Deus, et sedere fecit mites pro eis. Ipse est
qui videns afflictionem populi sui in Aegypto et audiens eorum clamorem,
Pharaonem tyrannum deiecit cum exercitu suo in mare. Ipse est qui memoratum
Nabuchodonosor prius superbientem, non solum eiectum de regni solio sed etiam
de hominum consortio, in similitudinem bestiae commutavit. Nec etiam
abbreviata manus eius est, ut populum suum a tyrannis liberare non possit.
Promittit enim populo suo per Isaiam requiem se daturum a labore et
confusione, ac servitute dura, qua antea servierat. Et per Ezech. dicit : liberabo
meum gregem de ore eorum, scilicet pastorum qui pascunt se ipsos. Sed ut
hoc beneficium populus a Deo consequi mereatur, debet a peccatis cessare,
quia in ultionem peccati divina permissione impii accipiunt principatum,
dicente domino per Oseam : dabo tibi regem in furore meo; et in Iob
dicitur quod regnare facit hominem hypocritam propter peccata populi.
Tollenda est igitur culpa, ut cesset a tyrannorum plaga. Caput
8 [69934] De regno, lib. 1 cap. 8 tit. Quid praecipue
movere debeat regem ad regendum, utrum honor, vel gloria. Opiniones circa
hoc, et quid sit tenendum [69935] De regno, lib. 1 cap. 8
Quoniam autem, secundum praedicta, regis est bonum multitudinis
quaerere, nimis videtur onerosum regis officium nisi ei aliquod proprium
bonum ex hoc proveniret. Oportet igitur considerare, in qua re sit boni regis
conveniens praemium. Quibusdam igitur visum est non esse aliud nisi honorem
et gloriam, unde et Tullius in libro de republica definit principem civitatis
esse alendum gloria; cuius rationem Aristoteles in Lib. Ethic. assignare videtur, quia princeps, cui non
sufficit honor et gloria, consequenter tyrannus efficitur. Inest enim animis
omnium, ut proprium bonum quaerant. Si ergo contentus non fuerit princeps
gloria et honore, quaeret voluptates et divitias, et sic ad rapinas et
subditorum iniurias convertetur. Sed si hanc sententiam receperimus, plurima
sequuntur inconvenientia. Primo namque hoc regibus dispendiosum esset, si tot
labores et sollicitudines paterentur pro mercede tam fragili. Nihil enim
videtur in rebus humanis fragilius gloria et honore favoris hominum, cum dependeat
ex opinionibus hominum, quibus nihil mutabilius in vita hominum : et inde est
quod Isaias propheta huiusmodi gloriam nominat florem foeni. Deinde
humanae gloriae cupido animi magnitudinem aufert. Qui enim favorem hominum
quaerit, necesse est ut in omni eo quod dicit aut facit eorum voluntati
deserviat, et sic dum placere hominibus studet, fit servus singulorum.
Propter quod et idem Tullius in Lib. de officiis, cavendam dicit gloriae
cupidinem. Eripit enim animi libertatem, pro qua magnanimis viris omnis debet
esse contentio. Nihil autem principem, qui ad bona peragenda instituitur,
magis decet quam animi magnitudo. Est igitur incompetens regis officio
humanae gloriae praemium. Simul etiam est multitudini nocivum, si tale
praemium statuatur principibus : pertinet enim ad boni viri officium ut
contemnat gloriam, sicut alia temporalia bona. Virtuosi enim et fortis animi
est pro iustitia contemnere gloriam sicut et vitam : unde fit quiddam
mirabile, ut quia virtuosos actus sequitur gloria, ipsa gloria virtuose
contemnatur, et ex contemptu gloriae homo gloriosus reddatur, secundum
sententiam Fabii dicentis : gloriam qui spreverit, veram habebit; et de
Catone dixit Salustius : quo minus petebat gloriam, tanto magis assequebatur
illam; ipsique Christi discipuli se sicut Dei ministros exhibebant per
gloriam et ignobilitatem, per infamiam et bonam famam. Non est igitur
boni viri conveniens praemium gloria, quam contemnunt boni. Si igitur hoc
solum bonum statuatur praemium principibus, sequetur bonos viros non assumere
principatum, aut si assumpserint, impraemiatos esse. Amplius : ex cupidine
gloriae periculosa mala proveniunt. Multi enim dum immoderate gloriam in
rebus bellicis quaerunt, se ac suos perdiderunt exercitus, libertate patriae
sub hostili potestate redacta : unde Torquatus, Romanus princeps, in exemplo
huius vitandi discriminis, filium, qui contra imperium suum provocatus ab
hoste iuvenili ardore pugnavit, licet vicisset, occidit, ne plus mali esset
in praesumptionis exemplo, quam utilitatis in gloria hostis occisi. Habet
etiam cupido gloriae aliud sibi familiare vitium, simulationem videlicet.
Quia enim difficile est paucisque contingit veras virtutes assequi, quibus
solis honor debetur, multi gloriam cupientes, virtutum simulatores fiunt.
Propter quod, sicut dicit Salustius : ambitio multos mortales falsos fieri
coegit. Aliud
clausum in pectore, aliud promptum habere in lingua, magisque vultum quam
ingenium habere. Sed et salvator noster
eos, qui bona opera faciunt, ut ab hominibus videantur, hypocritas, id est
simulatores, vocat. Sicut igitur periculosum est multitudini si princeps
voluptates et divitias quaerat pro praemio, ne raptor et contumeliosus fiat;
ita periculosum est cum detinetur gloriae praemio, ne praesumptuosus et
simulator existat. Sed quantum ex dictorum sapientium intentione apparet, non
ea ratione honorem et gloriam pro praemio principi decreverunt, tanquam ad
hoc principaliter ferri debeat boni regis intentio, sed quia tolerabilius est
si gloriam quaerat, quam si pecuniam cupiat, vel voluptatem sequatur. Hoc
enim vitium virtuti propinquius est, cum gloria, quam homines cupiunt, ut ait
Augustinus, nihil aliud sit quam iudicium hominum bene de hominibus
opinantium. Cupido enim gloriae aliquod habet virtutis vestigium, dum saltem
bonorum approbationem quaerit et eis displicere recusat. Paucis igitur ad
veram virtutem pervenientibus, tolerabilius videtur si praeferatur ad regimen
qui, vel iudicium hominum metuens, a malis manifestis retrahitur. Qui enim
gloriam cupit, aut vera via per virtutis opera nititur ut ab hominibus
approbetur, vel saltem dolis ad hoc contendit atque fallaciis. At qui
dominari desiderat, si cupiditate gloriae carens non timeat bene iudicantibus
displicere, per apertissima scelera quaerit plerumque obtinere quod diligit,
unde bestias superat sive crudelitatis sive luxuriae vitiis, sicut in Nerone
Caesare patet, cuius, ut Augustinus dicit, tanta luxuria fuit ut nihil
putaretur ab eo virile metuendum, tanta crudelitas ut nihil molle habere
putaretur. Hoc autem satis exprimitur per id quod Aristoteles de magnanimo in
Ethic. dicit, quod non quaerit honorem et gloriam quasi aliquid magnum quod
sit virtutis sufficiens praemium, sed nihil ultra hoc ab hominibus exigit.
Hoc enim inter omnia terrena videtur esse praecipuum, ut homini ab hominibus
testimonium de virtute reddatur. Caput
9 [69936] De regno, lib. 1 cap. 9 tit. Qualis est verus finis regis, qui movere debet ipsum ad
bene regendum [69937] De regno, lib. 1 cap. 9 Quoniam ergo mundanus honor et hominum gloria regiae sollicitudini
non est sufficiens praemium, inquirendum restat quale sit eidem sufficiens.
Est autem conveniens ut rex praemium expectet a Deo. Minister enim pro suo
ministerio praemium expectat a domino; rex autem, populum gubernando,
minister Dei est, dicente apostolo quod omnis potestas a domino Deo est, et
quod est Dei minister vindex in iram ei qui male agit; et in Lib. Sap.
reges Dei esse ministri describuntur. Debent igitur reges pro suo
regimine praemium expectare a Deo. Remunerat
autem Deus pro suo ministerio reges interdum temporalibus bonis, sed talia
praemia sunt bonis malisque communia; unde dominus Ezech. dicit : Nabuchodonosor
rex Babylonis servire fecit exercitum suum servitute magna adversus Tyrum, et
merces non est reddita ei nec exercitui eius de Tyro, pro servitute qua
servivit mihi adversus eam, ea scilicet servitute qua potestas, secundum
apostolum, Dei minister est, vindex in iram ei qui male agit; et
postea de praemio subdidit : propterea haec dicit dominus Deus : ecce ego
dabo Nabuchodonosor regem Babylonis in terra Aegypti, et diripiet spolia
eius, et erit merces exercitui eius. Si ergo reges iniquos contra Dei
hostes pugnantes, licet non intentione serviendi Deo sed sua odia et
cupiditates exequendi, tanta mercede dominus remunerat ut de hostibus
victoriam tribuat, regna subiiciat et spolia diripienda proponat, quid faciet
bonis regibus, qui pia intentione Dei populum regunt et hostes impugnant ?
Non quidem terrenam, sed aeternam mercedem eis promittit, nec in alio quam in
se ipso, dicente Petro pastoribus populi Dei : pascite qui in vobis est
gregem domini, ut cum venerit princeps pastorum, id est rex regum,
Christus, percipiatis immarcescibilem gloriae coronam, de qua dicit
Isaias : erit dominus sertum exultationis et diadema gloriae populo suo.
Hoc autem ratione manifestatur. Est enim mentibus omnium ratione utentium
inditum, virtutis praemium beatitudinem esse. Virtus enim uniuscuiusque rei
describitur, quae bonum facit habentem, et opus eius bonum reddit. Ad hoc
autem quisque bene operando nititur pervenire, quod est maxime desiderio
inditum; hoc autem est esse felicem, quod nullus potest non velle. Hoc igitur
praemium virtutis convenienter expectatur quod hominem beatum facit. Si autem
bene operari virtutis est opus, regis autem opus est bene regere subditos,
hoc etiam erit praemium regis, quod eum faciat esse beatum. Quid autem hoc
sit, hinc considerandum est. Beatitudinem quidem dicimus ultimum desideriorum
finem. Neque enim desiderii motus usque in infinitum procedit; esset enim inane
naturale desiderium, cum infinita pertransiri non possint. Cum autem
desiderium intellectualis naturae sit universalis boni, hoc solum bonum vere
beatum facere poterit, quo adepto nullum bonum restat quod amplius desiderari
possit : unde et beatitudo dicitur bonum perfectum, quasi omnia desiderabilia
in se comprehendens. Tale autem non est aliquod bonum terrenum : nam qui
divitias habent, amplius habere desiderant, et simile patet in caeteris. Et
si ampliora non quaerunt, desiderant tamen ut ea permaneant, vel alia in
locum eorum succedant. Nihil enim permanens invenitur in rebus terrenis,
nihil igitur terrenum est quod quietare desiderium possit. Neque igitur
terrenum aliquod beatum facere potest, ut possit esse regis conveniens
praemium. Adhuc : cuiuslibet rei finalis perfectio et bonum completum ab
aliquo superiore dependet, quia et ipsa corporalia meliora redduntur ex
adiunctione meliorum, peiora vero, si deterioribus misceantur. Si enim
argento misceatur aurum, argentum fit melius, quod ex plumbi admixtione
impurum efficitur. Constat autem terrena omnia esse infra mentem humanam.
Beatitudo autem est hominis finalis perfectio et bonum completum ad quod
omnes pervenire desiderant. Nihil igitur terrenum est quod hominem possit
beatum facere; nec igitur terrenum aliquod est praemium regis sufficiens. Non
enim, ut Augustinus dicit, Christianos principes ideo felices dicimus, quia
diutius imperarunt, vel imperatores filios morte placida reliquerunt, vel
hostes reipublicae domuerunt, vel cives adversum se insurgentes et cavere et
opprimere potuerunt; sed felices eos dicimus si iuste imperant, si malunt
cupiditatibus potius quam gentibus quibuslibet imperare, si omnia faciunt non
propter ardorem inanis gloriae, sed propter charitatem felicitatis aeternae.
Tales imperatores Christianos felices dicimus, interim spe, postea re ipsa
futuros, cum id quod expectamus advenerit. Sed nec aliquid aliud creatum est,
quod beatum hominem faciat et possit regi decerni pro praemio. Tendit enim
uniuscuiusque rei desiderium in suum principium, a quo esse suum causatur. Causa vero mentis humanae non est aliud quam Deus, qui
eam ad suam imaginem facit. Solus igitur Deus est qui hominis desiderium
quietare potest, et facere hominem beatum, et esse regi conveniens praemium.
Amplius : mens humana universalis boni cognoscitiva est per intellectum, et
desiderativa per voluntatem; bonum autem universale non invenitur nisi in
Deo. Nihil
ergo est quod possit hominem beatum facere, eius implendo desiderium, nisi
Deus, de quo dicitur in Psalm. : qui replet in bonis desiderium tuum;
in hoc ergo rex suum praemium statuere debet. Hoc
igitur considerans David rex dicebat : quid mihi est in caelo et a te quid
volui super terram ? Cui quaestioni postea respondens, subiungit : mihi
autem adhaerere Deo bonum est et ponere in domino Deo spem meam. Ipse
enim est qui dat salutem regibus, non solum temporalem, qua communiter salvat
homines et iumenta, sed etiam eam de qua, per Isaiam dicit : salus autem
mea in sempiternum erit, qua homines salvat, eos ad aequalitatem
Angelorum perducens. Sic igitur verificari potest quod regis praemium sit
honor et gloria. Quis enim mundanus et caducus honor huic honori similis esse
potest, ut homo sit civis et domesticus Dei, et inter Dei filios computatus
haereditatem regni caelestis assequatur cum Christo ? Hic est honor quem
concupiscens et admirans rex David dicebat : nimis honorati sunt amici
tui, Deus. Quae insuper humanae laudis gloria huic comparari potest, quam
non fallax blandientium lingua, non decepta hominum opinio profert, sed ex
interioris conscientiae testimonio producitur et Dei testimonio confirmatur,
qui suis confessoribus repromittit quod confiteatur eos in gloria patris
coram Angelis Dei ? Qui autem hanc gloriam quaerunt, eam inveniunt, et quam
non quaerunt gloriam hominum, consequuntur, exemplo Salomonis, qui non solum
sapientiam, quam quaesivit, accepit a domino, sed factus est super reges
alios gloriosus. Caput
10 [69938] De regno, lib. 1 cap. 10 tit. Quod praemium regum et principum tenet supremum gradum in
beatitudine caelesti, multis rationibus ostenditur et exemplis [69939] De regno, lib. 1 cap. 10 Considerandum autem restat ulterius, quod et eminentem
obtinebunt caelestis beatitudinis gradum, qui officium regium digne et
laudabiliter exequuntur. Si enim beatitudo virtutis est praemium, consequens
est ut maiori virtuti maior gradus beatitudinis debeatur. Est autem praecipua
virtus, qua homo aliquis non solum se ipsum sed etiam alios dirigere potest;
et tanto magis, quanto plurium est regitiva : quia et secundum virtutem
corporalem tanto aliquis virtuosior reputatur, quanto plures vincere potest,
aut pondera plura levare. Sic igitur maior virtus requiritur ad regendum
domesticam familiam, quam ad regendum se ipsum, multoque maior ad regimen
civitatis et regni. Est igitur excellentis virtutis bene regium officium
exercere; debetur igitur ei excellens in beatitudine praemium. Adhuc : in
omnibus artibus et potentiis laudabiliores sunt qui alios bene regunt, quam
qui secundum alienam directionem bene se habent. In speculativis enim maius
est veritatem aliis docendo tradere, quam quod ab aliis docetur capere posse.
In artificiis etiam maius existimatur maiorique conducitur pretio
architector, qui aedificium disponit, quam artifex, qui secundum eius
dispositionem manualiter operatur. Et in
rebus bellicis maiorem gloriam de victoria consequitur prudentia ducis, quam
militis fortitudo. Sic autem se habet rector multitudinis in his quae a singulis secundum
virtutem sunt agenda, sicut doctor in disciplinis et architector in
aedificiis et dux in bellis. Est igitur
rex maiori praemio dignus, si bene subiectos gubernaverit, quam aliquis
subditorum, si sub rege bene se habuerit. Amplius : si virtutis est, ut per
eam opus hominis bonum reddatur, maioris virtutis esse videtur quod maius
bonum per eam aliquis operetur. Maius autem et divinius est bonum
multitudinis quam bonum unius : unde interdum malum unius sustinetur si in
bonum multitudinis cedat, sicut occiditur latro ut pax multitudini detur. Et
ipse Deus mala esse in mundo non sineret nisi ex eis bona eliceret ad
utilitatem et pulchritudinem universi. Pertinet autem ad regis
officium ut bonum multitudinis studiose procuret. Maius igitur praemium
debetur regi pro bono regimine quam subdito pro bona actione. Hoc autem manifestius fiet, si quis magis in speciali
consideret. Laudatur enim ab hominibus quaevis privata persona, et ei a Deo
computatur in praemium, si egenti subveniat, si discordes pacificet, si
oppressum a potentiore eripiat, denique si alicui qualitercumque opem vel
consilium conferat ad salutem. Quanto igitur magis laudandus est ab hominibus
et praemiandus a Deo, qui totam provinciam facit pace gaudere, violentias
cohibet, iustitiam servat, et disponit quid sit agendum ab hominibus suis
legibus et praeceptis ? Hinc etiam magnitudo regiae virtutis apparet, quod
praecipue Dei similitudinem gerit, dum agit in regno quod Deus in mundo :
unde et in Exod. iudices multitudinis dii vocantur. Imperatores etiam apud
Romanos dii vocabantur. Tanto autem est aliquid Deo acceptius, quanto magis
ad eius imitationem accedit : unde et apostolus monet : estote imitatores
Dei, sicut filii charissimi. Sed si, secundum sapientis sententiam, omne
animal diligit simile sibi, secundum quod causae aliqualiter similitudinem
habent causati, consequens igitur est bonos reges Deo esse acceptissimos, et
ab eo maxime praemiandos. Simul etiam, ut Gregorii verbis utar : quid est
tempestas maris, nisi tempestas mentis ? Quieto autem mari recte navem etiam
imperitus dirigit, turbato autem mari tempestatis fluctibus etiam peritus
nauta confunditur : unde et plerumque in occupatione regiminis, ipse quoque
boni operis usus perditur, qui in tranquillitate tenebatur. Valde enim
difficile est si, ut Augustinus dicit, inter linguas sublimantium et
honorantium, et obsequia nimis humiliter salutantium non extollantur, sed se
homines esse meminerint. Et in Eccli. : beatus vir qui post aurum non
abiit, nec speravit in pecuniae thesauris. Qui potuit impune transgredi
et non est transgressus, facere mala et non fecit. Ex quo quasi in
virtutis opere probatus invenitur fidelis, unde secundum Biantis proverbium :
principatus virum ostendit. Multi enim ad principatus culmen pervenientes, a
virtute deficiunt, qui, dum in statu essent infimo, virtuosi videbantur. Ipsa
igitur difficultas quae principibus imminet ad bene agendum, eos facit maiori
praemio dignos, et si aliquando per infirmitatem peccaverint, apud homines
excusabiliores redduntur et facilius a Deo veniam promerentur, si tamen, ut
Augustinus ait pro suis peccatis humilitatis et miserationis et orationis
sacrificium Deo suo vero immolare non negligunt. In cuius rei exemplum de
Achab, rege Israel, qui multum peccaverat, dominus ad Heliam dixit : quia
humiliatus est Achab, non inducam hoc malum in diebus suis. Non autem
solum ratione ostenditur quod regibus excellens praemium debeatur, sed etiam
auctoritate divina firmatur. Dicitur enim in Zachar. quod in illa
beatitudinis die qua erit dominus protector habitantibus in Hierusalem, id
est in visione pacis aeternae, aliorum domus erunt sicut domus David, quia
scilicet omnes reges erunt et regnabunt cum Christo, sicut membra cum capite;
sed domus David erit sicut domus Dei, quia sicut regendo fideliter Dei
officium gessit in populo, ita in praemio Deo propinquius erit et inhaerebit.
Hoc etiam fuit apud gentiles aliqualiter somniatum, dum civitatum rectores
atque servatores in deos transformari putabant. Caput
11 [69940] De regno, lib. 1 cap. 11 tit. Quod rex et princeps
studere debet ad bonum regimen propter bonum sui ipsius et utile quod inde
sequitur; cuius contrarium sequitur regimen tyrannicum [69941] De regno, lib. 1 cap.
11 Cum regibus tam grande in caelesti beatitudine praemium proponatur si
bene in regendo se habuerint, diligenti cura se ipsos observare debent ne in
tyrannidem convertantur. Nihil enim eis acceptabilius esse debet quam quod ex
honore regio, quo sublimantur in terris, in caelestis regni gloriam
transferantur. Errant vero tyranni, qui
propter quaedam terrena commoda iustitiam deserunt; qui tanto privantur
praemio, quod adipisci poterant iuste regendo. Quod autem stultum sit pro
huiusmodi parvis et temporalibus bonis maxima et sempiterna perdere bona,
nullus, nisi stultus aut infidelis, ignorat. Addendum est etiam quod haec
temporalia commoda, propter quae tyranni iustitiam deserunt, magis ad lucrum
proveniunt regibus dum iustitiam servant. Primo namque inter mundana omnia
nihil est, quod amicitiae dignae praeferendum videatur. Ipsa namque est quae
virtuosos in unum conciliat, virtutem conservat atque promovet. Ipsa est qua
omnes indigent in quibuscumque negotiis peragendis, quae nec prosperis
importune se ingerit, nec deserit in adversis. Ipsa est quae maximas
delectationes affert, in tantum ut quaecumque delectabilia in taedium sine
amicis vertantur. Quaelibet autem aspera, facilia et prope nulla facit amor;
nec est alicuius tyranni tanta crudelitas, ut amicitia non delectetur.
Dionysius enim, quondam Syracusanorum tyrannus, cum duorum amicorum, qui
Damon et Pythias dicebantur, alterum occidere vellet, is, qui occidendus
erat, inducias impetravit ut domum profectus res suas ordinaret; alter vero
amicorum sese tyranno ob fidem pro eius reditu dedit. Appropinquante autem
promisso die, nec illo redeunte, unusquisque fideiussorem stultitiae
arguebat. At ille nihil se metuere de amici constantia praedicabat. Eadem
autem hora, qua fuerat occidendus, rediit. Admirans autem amborum animum,
tyrannus supplicium propter fidem amicitiae remisit, insuper rogans ut eum
tertium reciperent in amicitiae gradu. Hoc autem amicitiae bonum, quamvis
desiderent tyranni, consequi tamen non possunt. Dum enim commune bonum non
quaerunt, sed proprium, fit parva vel nulla communio eorum ad subditos. Omnis
autem amicitia super aliqua communione firmatur. Eos enim qui conveniunt, vel
per naturae originem, vel per morum similitudinem, vel per cuiuscumque
societatis communionem, videmus amicitia coniungi. Parva igitur vel potius
nulla est amicitia tyranni et subditi; simulque dum subditi per tyrannicam
iniustitiam opprimuntur, et se amari non sentiunt sed contemni, nequaquam
amant. Nec habent tyranni unde de subditis conquerantur si ab eis non
diliguntur, quia nec ipsi tales se ipsis exhibent ut diligi ab eis debeant.
Sed boni reges, dum communi profectui studiose intendunt et eorum studio subditi
plura commoda se assequi sentiunt, diliguntur a plurimis, dum subditos se
amare demonstrant, quia et hoc est maioris malitiae quam quod in multitudine
cadat, ut odio habeantur amici et benefactoribus rependatur malum pro bono.
Et ex hoc amore provenit ut bonorum regum regnum sit stabile, dum pro ipsis
se subditi quibuscumque periculis exponere non recusant : cuius exemplum in
Iulio Caesare apparet, de quo Suetonius refert quod milites suos usque adeo
diligebat ut, audita quorumdam caede, capillos et barbam ante non dempserit
quam vindicasset : quibus rebus devotissimos sibi et strenuissimos milites
reddidit, ita quod plerique eorum capti, concessam sibi sub ea conditione
vitam, si militare adversus Caesarem vellent, recusarent. Octavianus etiam
Augustus, qui modestissime imperio usus est, in tantum diligebatur a subditis
ut plerique morientes victimas quas devoverant immolari mandarent, quia eum
superstitem reliquissent. Non est ergo facile ut principis perturbetur
dominium, quem tanto consensu populus amat : propter quod Salomon dicit : rex
qui iudicat in iustitia pauperes, thronus eius in aeternum firmabitur.
Tyrannorum vero dominium diuturnum esse non potest, cum sit multitudini
odiosum. Non potest enim diu conservari quod votis multorum repugnat. Vix
enim a quoquam praesens vita transigitur quin aliquas adversitates patiatur.
Adversitatis autem tempore, occasio deesse non potest contra tyrannum
insurgendi : et ubi adsit occasio, non deerit ex multis vel unus qui
occasione non utatur. Insurgentem autem populus votive prosequitur : nec de
facili carebit effectu, quod cum favore multitudinis attentatur. Vix ergo
potest contingere quod tyranni dominium protendatur in longum. Hoc etiam
manifeste patet, si quis consideret unde tyranni dominium conservatur. Non
enim conservatur amore, cum parva vel nulla sit amicitia subiectae
multitudinis ad tyrannum, ut ex praehabitis patet. De subditorum autem fide
tyrannis confidendum non est. Non enim invenitur tanta virtus in multis, ut
fidelitatis virtute reprimantur ne indebitae servitutis iugum, si possint,
excutiant. Fortassis autem nec fidelitati contrarium reputabitur secundum
opinionem multorum, si tyrannicae nequitiae qualitercumque obvietur. Restat
ergo ut solo timore tyranni regimen sustentetur, unde et timeri se a subditis
tota intentione procurant. Timor autem est debile fundamentum. Nam qui timore
subduntur, si occurrat occasio qua possint impunitatem sperare, contra
praesidentes insurgunt eo ardentius quo magis contra voluntatem ex solo
timore cohibebantur. Sicut si aqua per violentiam includatur, cum aditum invenerit
impetuosius fluit. Sed nec ipse timor caret periculo, cum ex nimio timore
plerique in desperationem inciderint. Salutis
autem desperatio audacter ad quaelibet attendenda praecipitat. Non potest
igitur tyranni dominium esse diuturnum. Hoc etiam non minus exemplis quam
rationibus apparet. Si quis enim antiquorum gesta et modernorum eventus
consideret, vix inveniet dominium tyranni alicuius diuturnum fuisse. Unde et
Aristoteles in sua politica, multis tyrannis enumeratis, omnium demonstrat
dominium brevi tempore fuisse finitum, quorum tamen aliqui diutius
praefuerunt quia non multum in tyrannide excedebant sed quantum ad multa
imitabantur regalem modestiam. Adhuc autem hoc magis fit manifestum ex consideratione
divini iudicii. Ut enim in Iob dicitur : regnare facit hominem hypocritam
propter peccata populi. Nullus autem verius hypocrita dici potest quam
qui regis assumit officium et exhibet se tyrannum. Nam hypocrita dicitur qui
alterius repraesentat personam, sicut in spectaculis fieri consuevit. Sic
igitur Deus praefici permittit tyrannos ad puniendum subditorum peccata.
Talis autem punitio in Scripturis ira Dei consuevit nominari. Unde per Oseae
dominus dicit : dabo vobis regem in furore meo. Infelix est autem rex
qui populo in furore Dei conceditur. Non enim eius stabile potest esse
dominium, quia non obliviscetur misereri Deus, nec continebit in ira sua
misericordias suas : quinimmo per Ioelem dicitur quod est patiens, et
multae misericordiae, et praestabilis super malitia. Non igitur permittit
Deus diu regnare tyrannos, sed post tempestatem per eos inductam populo, per
eorum deiectionem tranquillitatem inducet. Unde sapiens dicit : sedes
ducum superborum destruxit Deus, et sedere fecit mites pro eis. Experimento etiam
apparet quod reges magis per iustitiam adipiscuntur divitias quam per rapinam
tyranni. Quia enim dominium tyrannorum subiectae multitudini displicet, ideo
opus habent tyranni multos habere satellites per quos contra subditos tuti
reddantur, in quibus necesse est plura expendere quam a subditis rapiant.
Regum autem dominium, quod subditis placet, omnes subditos pro satellitibus
ad custodiam habet, in quibus expendere opus non est; sed interdum in
necessitatibus plura regibus sponte donant, quam tyranni diripere possint; et
sic impletur quod Salomon dicit : alii, scilicet reges, dividunt
propria benefaciendo subiectis, et ditiores fiunt. Alii, scilicet
tyranni, rapiunt non sua, et semper in egestate sunt. Similiter autem
iusto Dei contingit iudicio ut qui divitias iniuste congregant, inutiliter
eas dispergant, aut etiam iuste auferantur ab eis. Ut enim Salomon dicit : avarus
non implebitur pecunia, et qui amat divitias fructum non capiet ex eis;
quinimmo ut Prov. XV dicit : conturbat domum suam, qui sectatur avaritiam.
Regibus vero, qui iustitiam quaerunt, divitiae adduntur a Deo, sicut Salomon,
qui, dum sapientiam quaesivit ad faciendum iudicium, promissionem de
abundantia divitiarum accepit. De fama vero superfluum videtur dicere. Quis
enim dubitet bonos reges non solum in vita, sed magis post mortem quodammodo
laudibus hominum vivere, et in desiderio haberi; malorum vero nomen aut
statim deficere, vel si excellentes in malitia fuerint, cum detestatione
eorum rememorari ? Unde Salomon dicit : memoria iusti cum laudibus, nomen
autem impiorum putrescet, quia vel deficit, vel remanet cum foetore. Caput
12 [69942] De regno, lib. 1 cap. 12 tit. Quod bona etiam mundialia, ut sunt divitiae, potestas,
honor et fama, magis proveniunt regibus quam tyrannis, et de malis in quae
incurrunt tyranni etiam in hac vita [69943] De regno, lib. 1 cap. 12 Ex his ergo manifestum est quod stabilitas potestatis,
divitiae, honor et fama magis regibus quam tyrannis ad votum proveniunt,
propter quae tamen indebite adipiscenda declinat in tyrannidem princeps.
Nullus enim a iustitia declinat nisi cupiditate alicuius commodi tractus.
Privatur insuper tyrannus excellentissima beatitudine, quae regibus debetur
pro praemio, et, quod est gravius, maximum tormentum sibi acquirit in poenis.
Si enim qui unum hominem spoliat, vel in servitutem redigit, vel occidit,
maximam poenam meretur, quantum quidem ad iudicium hominum mortem, quantum
vero ad iudicium Dei damnationem aeternam; quanto magis putandum est tyrannum
deteriora mereri supplicia, qui undique ab omnibus rapit, contra omnium
libertatem laborat, pro libito voluntatis suae quoscumque interficit ? Tales
insuper raro poenitent, vento inflati superbiae, merito peccatorum a Deo
deserti et adulationibus hominum delibuti, et rarius digne satisfacere
possunt. Quando enim restituent omnia quae praeter iustitiae debitum
abstulerunt ? Ad quae tamen restituenda nullus dubitat eos teneri. Quando
recompensabunt eis quos oppresserunt et iniuste qualitercumque laeserunt ?
Adiicitur autem ad eorum impoenitentiam quod omnia sibi licita existimant
quae impune sine resistentia facere potuerunt : unde non solum emendare non
satagunt quae male fecerunt, sed sua consuetudine pro auctoritate utentes,
peccandi audaciam transmittunt ad posteros, et sic non solum suorum facinorum
apud Deum rei tenentur, sed etiam eorum quibus apud Deum peccandi occasionem
reliquerunt. Aggravatur etiam eorum peccatum ex dignitate suscepti officii.
Sicut enim terrenus rex gravius punit suos ministros, si invenit eos sibi contrarios;
ita Deus magis puniet eos, quos sui regiminis executores et ministros facit,
si nequiter agant, Dei iudicium in amaritudinem convertentes. Unde et in
libro sapientiae ad reges iniquos dicitur : quoniam cum essetis ministri
regni illius, non recte iudicastis, neque custodistis legem iustitiae
(nostrae), neque secundum voluntatem Dei ambulastis, horrende et cito
apparebit vobis quoniam iudicium durissimum his qui praesunt fiet. Exiguo
enim conceditur misericordia, potentes autem potenter tormenta patientur.
Et Nabuchodonosor per Isaiam dicitur : ad Infernum detraheris in profundum
laci. Qui te viderint, ad te inclinabuntur teque prospicient, quasi
profundius in poenis submersum. Si igitur regibus abundant temporalia bona et
proveniunt, et excellens beatitudinis gradus praeparatur a Deo, tyranni autem
a temporalibus bonis quae cupiunt plerumque frustrantur, multis insuper
periculis subiacentes, et, quod est amplius, bonis aeternis privantur ad
poenas gravissimas reservati, vehementer studendum est his, qui regendi
officium suscipiunt, ut reges se subditis praebeant, non tyrannos. De rege
autem quid sit, et quod expediat multitudini regem habere; adhuc autem quod
praesidi expediat se regem multitudini exhibere subiectae, non tyrannum,
tanta a nobis dicta sint. Caput
13 [69944] De regno, lib. 1 cap. 13 tit. Procedit ad ostendendum regis officium, ubi secundum
viam naturae ostendit regem esse in regno sicut anima est in corpore et sicut
Deus est in mundo [69945] De regno, lib. 1 cap. 13 Consequens autem ex dictis est considerare quod sit
regis officium et qualem oporteat esse regem. Quia vero ea quae sunt secundum
artem imitantur ea quae sunt secundum naturam, ex quibus accipimus ut
secundum rationem operari possimus, optimum videtur regis officium a forma
regiminis naturalis assumere. Invenitur autem in rerum natura regimen et
universale et particulare. Universale quidem, secundum quod omnia sub Dei
regimine continentur, qui sua providentia universa gubernat. Particulare
autem regimen maxime quidem divino regimini simile est, quod invenitur in
homine, qui ob hoc minor mundus appellatur, quia in eo invenitur forma
universalis regiminis. Nam sicut universa creatura corporea et omnes
spirituales virtutes sub divino regimine continentur, sic et corporis membra
et caeterae vires animae a ratione reguntur, et sic quodammodo se habet ratio
in homine sicut Deus in mundo. Sed quia, sicut supra ostendimus, homo est
animal naturaliter sociale in multitudine vivens, similitudo divini regiminis
invenitur in homine non solum quantum ad hoc quod per rationem regitur unus
homo, sed etiam quantum ad hoc quod per rationem unius hominis regitur
multitudo : quod maxime pertinet ad officium regis, dum et in quibusdam
animalibus, quae socialiter vivunt, quaedam similitudo invenitur huius
regiminis, sicut in apibus, in quibus et reges esse dicuntur, non quod in eis
per rationem sit regimen, sed per instinctum naturae inditum a summo regente,
qui est auctor naturae. Hoc igitur officium rex suscepisse cognoscat, ut sit
in regno sicut in corpore anima et sicut Deus in mundo. Quae si diligenter recogitet, ex altero iustitiae in eo
zelus accenditur, dum considerat ad hoc se positum ut loco Dei iudicium regno
exerceat; ex altero vero mansuetudinis et clementiae lenitatem acquirit, dum
reputat singulos, qui suo subsunt regimini, sicut propria membra. Caput
14 [69946] De regno, lib. 1 cap. 14 tit. Assumit ex hac similitudine modum regiminis, ut sicut
Deus unamquamque rem distinguit quodam ordine et propria operatione et loco,
ita rex subditos suos in regno; et eodem modo de anima [69947] De regno, lib. 1 cap. 14 Oportet igitur considerare quid Deus in mundo faciat :
sic enim manifestum erit quid immineat regi faciendum. Sunt autem
universaliter consideranda duo opera Dei in mundo. Unum quo mundum instituit,
alterum quo mundum institutum gubernat. Haec etiam duo opera anima habet in
corpore. Nam primo quidem virtute animae informatur corpus, deinde vero per
animam corpus regitur et movetur. Horum autem secundum quidem magis proprie
pertinet ad regis officium. Unde ad omnes reges pertinet gubernatio, et a
gubernationis regimine regis nomen accipitur. Primum autem opus non omnibus
regibus convenit. Non enim omnes regnum aut civitatem instituunt, in quo
regnant, sed regno ac civitati iam institutis regiminis curam impendunt. Est
tamen considerandum quod nisi praecessisset qui institueret civitatem aut
regnum, locum non haberet gubernatio regni. Sub
regis enim officio comprehenditur etiam institutio civitatis et regni.
Nonnulli enim civitates instituerunt, in quibus regnarent, ut Ninus Ninivem,
et Romulus Romam. Similiter etiam ad gubernationis officium pertinet ut gubernata
conservet, ac eis utatur ad quod sunt constituta. Non igitur gubernationis
officium plene cognosci poterit si institutionis ratio ignoretur. Ratio autem
institutionis regni ab exemplo institutionis mundi sumenda est : in quo primo
consideratur ipsarum rerum productio, deinde partium mundi ordinata
distinctio. Ulterius autem singulis mundi partibus diversae rerum species
distributae videntur, ut stellae caelo, volucres aeri, pisces aquae, animalia
terrae : deinde singulis ea, quibus indigent, abundanter divinitus provisa
videntur. Hanc autem institutionis rationem Moyses subtiliter et diligenter
expressit. Primo enim rerum productionem proponit, dicens : in principio
creavit Deus caelum et terram; deinde secundum ordinem convenientem omnia
divinitus distincta esse denuntiat, videlicet diem a nocte, a superioribus
inferiora, mare ab arida. Hinc caelum luminaribus, avibus aerem, mare piscibus,
animalibus terram ornatam refert : ultimo assignatum hominibus terrae
animaliumque dominium. Usum vero plantarum tam ipsis quam animalibus caeteris
ex providentia divina denuntiat. Institutor autem civitatis et regni de novo
producere homines et loca ad inhabitandum et caetera vitae subsidia non
potest, sed necesse habet his uti quae in natura praeexistunt : sicut etiam
caeterae artes operationis suae materiam a natura accipiunt, ut faber ferrum,
aedificator ligna et lapides in artis usum assumunt. Necesse est igitur institutori civitatis et regni
primum quidem congruum locum eligere, qui salubritate habitatores conservet,
ubertate ad victum sufficiat, amoenitate delectet, munitione ab hostibus
tutos reddat. Quod si aliquid de dicta opportunitate deficiat, tanto locus
erit convenientior quanto plura vel magis necessaria de praedictis habuerit.
Deinde necesse est ut locum electum institutor civitatis aut regni distinguat
secundum exigentiam eorum quae perfectio civitatis aut regni requirit. Puta,
si regnum instituendum sit, oportet providere quis locus aptus sit urbibus
constituendis, quis villis, quis castris, ubi constituenda sint studia
litterarum, ubi exercitia militum, ubi negotiatorum conventus, et sic de
aliis quae perfectio regni requirit. Si autem institutioni civitatis opera
detur, providere oportet quis locus sit sacris, quis iuri reddendo, quis
artificibus singulis deputandus. Ulterius autem oportet homines congregare,
qui sunt congruis locis secundum sua officia deputandi. Demum vero providendum
est ut singulis necessaria suppetant secundum uniuscuiusque constitutionem et
statum : aliter enim nequaquam posset regnum vel civitas commanere. Haec
igitur sunt, ut summarie dicatur, quae ad regis officium pertinent in
institutione civitatis aut regni, ex similitudine institutionis mundi
assumpta. Caput
15 [69948] De regno, lib. 1 cap. 15 tit. Quis modus gubernandi competat regi, quia secundum
modum gubernationis divinae : qui quidem modus gubernandi a gubernatione
navis sumpsit initium, ubi et ponitur comparatio sacerdotalis navis sumpsit
initium, ubi et ponitur comparatio sacerdotalis dominii et regalis [69949] De regno, lib. 1 cap. 15 Sicut autem institutio civitatis aut regni ex forma
institutionis mundi convenienter accipitur, sic et gubernationis ratio ex
gubernatione sumenda est. Est tamen praeconsiderandum quod gubernare est, id
quod gubernatur, convenienter ad debitum finem perducere. Sic etiam navis
gubernari dicitur dum per nautae industriam recto itinere ad portum illaesa
perducitur. Si igitur aliquid ad finem extra se ordinetur, ut navis ad
portum, ad gubernatoris officium pertinebit non solum ut rem in se conservet
illaesam, sed quod ulterius ad finem perducat. Si vero aliquid esset, cuius
finis non esset extra ipsum, ad hoc solum intenderet gubernatoris intentio ut
rem illam in sua perfectione conservaret illaesam. Et quamvis nihil tale
inveniatur in rebus post ipsum Deum, qui est omnibus finis, erga id tamen,
quod ad extrinsecum ordinatur, multipliciter cura impeditur a diversis. Nam forte
alius erit qui curam gerit ut res in suo esse conservetur; alius autem ut ad
altiorem perfectionem perveniat : ut in ipsa navi, unde gubernationis ratio
assumitur, manifeste apparet. Faber enim lignarius curam habet restaurandi si
quid collapsum fuerit in navi, sed nauta sollicitudinem gerit ut navem
perducat ad portum. Sic etiam contingit in homine. Nam medicus curam gerit ut
vita hominis conservetur in sanitate; oeconomus, ut suppetant necessaria
vitae; doctor autem curam gerit ut veritatem cognoscat; institutor autem
morum, ut secundum rationem vivat. Quod si homo non ordinaretur ad aliud
exterius bonum, sufficerent homini curae praedictae. Sed est quoddam bonum
extrinsecum homini quamdiu mortaliter vivit, scilicet ultima beatitudo, quae
in fruitione Dei expectatur post mortem. Quia, ut apostolus ait : quamdiu
sumus in corpore, peregrinamur a domino. Unde homo Christianus, cui
beatitudo illa est per Christi sanguinem acquisita, et qui pro ea assequenda
spiritus sancti arrham accepit, indiget alia spirituali cura per quam
dirigatur ad portum salutis aeternae; haec autem cura per ministros Ecclesiae
Christi fidelibus exhibetur. Idem autem
oportet esse iudicium de fine totius multitudinis, et unius. Si igitur finis
hominis esset bonum quodcumque in ipso existens, et regendae multitudinis
finis ultimus esset similiter ut tale bonum multitudo acquireret et in eo
permaneret; et si quidem talis ultimus sive unius hominis sive multitudinis
finis esset corporalis, vita et sanitas corporis, medici esset officium. Si
autem ultimus finis esset divitiarum affluentia, oeconomus rex quidam
multitudinis esset. Si vero bonum cognoscendae veritatis tale quid esset, ad
quod posset multitudo pertingere, rex haberet doctoris officium. Videtur
autem finis esse multitudinis congregatae vivere secundum virtutem. Ad hoc
enim homines congregantur ut simul bene vivant, quod consequi non posset
unusquisque singulariter vivens; bona autem vita est secundum virtutem;
virtuosa igitur vita est congregationis humanae finis. Huius autem signum est
quod hi soli sunt partes multitudinis congregatae, qui sibi invicem
communicant in bene vivendo. Si enim propter solum vivere homines
convenirent, animalia et servi essent pars aliqua congregationis civilis. Si
vero propter acquirendas divitias, omnes simul negotiantes ad unam civitatem
pertinerent, sicut videmus eos solos sub una multitudine computari qui sub
eisdem legibus et eodem regimine diriguntur ad bene vivendum. Sed quia homo
vivendo secundum virtutem ad ulteriorem finem ordinatur, qui consistit in
fruitione divina, ut supra iam diximus, oportet eumdem finem esse
multitudinis humanae qui est hominis unius. Non est ergo ultimus finis
multitudinis congregatae vivere secundum virtutem, sed per virtuosam vitam
pervenire ad fruitionem divinam. Siquidem autem ad hunc finem perveniri
posset virtute humanae naturae, necesse esset ut ad officium regis pertineret
dirigere homines in hunc finem. Hunc enim dici regem supponimus, cui summa
regiminis in rebus humanis committitur. Tanto autem est regimen sublimius
quanto ad finem ulteriorem ordinatur. Semper enim invenitur ille, ad quem
pertinet ultimus finis, imperare operantibus ea quae ad finem ultimum
ordinantur; sicut gubernator, ad quem pertinet navigationem disponere,
imperat ei, qui navem constituit, qualem navem navigationi aptam facere
debeat; civilis autem qui utitur armis, imperat fabro, qualia arma fabricet.
Sed quia finem fruitionis divinae non consequitur homo per virtutem humanam,
sed virtute divina, iuxta illud apostoli : gratia Dei, vita aeterna,
perducere ad illum finem non humani erit, sed divini regiminis. Ad illum
igitur regem huiusmodi regimen pertinet, qui non est solum homo sed etiam
Deus, scilicet ad dominum nostrum Iesum Christum, qui homines filios Dei
faciens in caelestem gloriam introduxit. Hoc
igitur est regimen ei traditum quod non corrumpetur, propter quod non solum
sacerdos, sed rex in Scripturis sacris nominatur, dicente Ieremia : regnabit
rex, et sapiens erit; unde ab eo regale sacerdotium derivatur. Et quod
est amplius, omnes Christi fideles, in quantum sunt membra eius, reges et
sacerdotes dicuntur. Huius ergo regni ministerium, ut a terrenis essent
spiritualia distincta, non terrenis regibus sed sacerdotibus est commissum,
et praecipue summo sacerdoti, successori Petri, Christi vicario, Romano
pontifici, cui omnes reges populi Christiani oportet esse subditos, sicut
ipsi domino Iesu Christo. Sic enim ei, ad quem finis ultimi cura pertinet,
subdi debent illi, ad quos pertinet cura antecedentium finium, et eius
imperio dirigi. Quia igitur sacerdotium gentilium et totus divinorum cultus
erat propter temporalia bona conquirenda, quae omnia ordinantur ad
multitudinis bonum commune, cuius regi cura incumbit, convenienter sacerdotes
gentilium regibus subdebantur. Sed et quia in veteri lege promittebantur bona
terrena non a Daemonibus, sed a Deo vero religioso populo exhibenda, inde et
in lege veteri sacerdotes regibus leguntur fuisse subiecti. Sed in nova lege est
sacerdotium altius, per quod homines traducuntur ad bona caelestia : unde in
lege Christi reges debent sacerdotibus esse subiecti. Propter quod
mirabiliter ex divina providentia factum est ut in Romana urbe, quam Deus
praeviderat Christiani populi principalem sedem futuram, hic mos paulatim
inolesceret ut civitatum rectores sacerdotibus subiacerent. Sicut enim
Valerius maximus refert, omnia post religionem ponenda semper nostra civitas
duxit, etiam in quibus summae maiestatis decus conspici voluit. Quapropter non dubitaverunt sacris imperia servire, ita
se humanarum rerum habitura regimen existimantia, si divinae potentiae bene
atque constanter fuissent famulata. Quia vero etiam futurum erat ut in Gallia
Christiani sacerdotii plurimum vigeret religio, divinitus est permissum ut
etiam apud Gallos gentiles sacerdotes, quos Druidas nominabant, totius
Galliae ius definirent, ut refert Iulius Caesar in libro quem de bello
Gallico scripsit. Caput
16 [69950] De regno, lib. 1 cap. 16 tit. Quod sicut ad
ultimum finem consequendum requiritur ut rex subditos suos ad vivendum
secundum virtutem disponat, ita ad fines medios. Et ponuntur hic quae sunt
illa quae ordinant ad bene vivendum et quae impediunt, et quod remedium rex
apponere debet circa dicta impedimenta [69951] De regno, lib. 1 cap.
16 Sicut autem ad vitam, quam in caelo speramus beatam, ordinatur sicut
ad finem vita qua hic homines bene vivunt; ita ad bonum multitudinis
ordinantur sicut ad finem quaecumque particularia bona per hominem
procurantur, sive divitiae, sive lucra, sive sanitas, sive facundia vel
eruditio. Si igitur, ut dictum est, qui de
ultimo fine curam habet praeesse debet his qui curam habent de ordinatis ad
finem et eos dirigere suo imperio, manifestum ex dictis fit quod rex, sicut
dominio et regimini quod administratur per sacerdotis officium subdi debet,
ita praeesse debet omnibus humanis officiis et ea imperio sui regiminis
ordinare. Cuicumque autem incumbit aliquid perficere quod ordinatur in aliud
sicut in finem, hoc debet attendere ut suum opus sit congruum fini. Sicut
faber sic facit gladium ut pugnae conveniat, et aedificator sic debet domum
disponere ut ad habitandum sit apta. Quia igitur vitae, qua in praesenti bene
vivimus, finis est beatitudo caelestis, ad regis officium pertinet ea ratione
vitam multitudinis bonam procurare secundum quod congruit ad caelestem
beatitudinem consequendam, ut scilicet ea praecipiat quae ad caelestem
beatitudinem ducunt, et eorum contraria, secundum quod fuerit possibile,
interdicat. Quae autem sit ad veram beatitudinem via, et quae sint
impedimenta eius, ex lege divina cognoscitur, cuius doctrina pertinet ad
sacerdotum officium, secundum illud Mal. : labia sacerdotis custodient
scientiam, et legem requirent de ore eius. Et ideo in Deut. dominus
praecipit : postquam sederit rex in solio regni sui, describet sibi
Deuteronomium legis huius in volumine, accipiens exempla a sacerdote
leviticae tribus, et habebit secum, legetque illud omnibus diebus vitae suae,
ut discat timere dominum Deum suum et custodire verba et caeremonias eius,
quae in lege praecepta sunt. Per legem igitur divinam edoctus, ad hoc
praecipuum studium debet intendere, qualiter multitudo sibi subdita bene
vivat : quod quidem studium in tria dividitur, ut primo quidem in subiecta
multitudine bonam vitam instituat; secundo, ut institutam conservet; tertio,
ut conservatam ad meliora promoveat. Ad bonam autem unius hominis vitam duo
requiruntur : unum principale, quod est operatio secundum virtutem (virtus
enim est qua bene vivitur); aliud vero secundarium et quasi instrumentale,
scilicet corporalium bonorum sufficientia, quorum usus est necessarius ad
actum virtutis. Ipsa tamen hominis unitas per naturam causatur; multitudinis
autem unitas, quae pax dicitur, per regentis industriam est procuranda. Sic
igitur ad bonam vitam multitudinis instituendam tria requiruntur. Primo
quidem, ut multitudo in unitate pacis constituatur. Secundo, ut multitudo
vinculo pacis unita dirigatur ad bene agendum. Sicut enim homo nihil bene
agere potest nisi praesupposita suarum partium unitate, ita hominum multitudo
pacis unitate carens, dum impugnat se ipsam, impeditur a bene agendo. Tertio
vero requiritur ut per regentis industriam necessariorum ad bene vivendum
adsit sufficiens copia. Sic igitur bona vita per regis officium in
multitudine constituta, consequens est ut ad eius conservationem intendat. Sunt autem tria, quibus bonum publicum permanere non
sinitur, quorum quidem unum est a natura proveniens. Non enim bonum
multitudinis ad unum tantum tempus institui debet, sed ut sit quodammodo
perpetuum. Homines autem cum sint mortales, in perpetuum durare non possunt.
Nec, dum vivunt, semper sunt in eodem vigore, quia multis variationibus
humana vita subiicitur, et sic non sunt homines ad eadem officia peragenda
aequaliter per totam vitam idonei. Aliud autem impedimentum boni publici
conservandi ab interiori proveniens in perversitate voluntatum consistit, dum
vel sunt desides ad ea peragenda quae requirit respublica, vel insuper sunt
paci multitudinis noxii, dum transgrediendo iustitiam aliorum pacem
perturbant. Tertium autem impedimentum reipublicae conservandae ab exteriori
causatur, dum per incursum hostium pax dissolvitur et interdum regnum aut
civitas funditus dissipatur. Igitur circa tria praedicta triplex cura imminet
regi. Primo quidem de successione hominum et substitutione illorum qui diversis
officiis praesunt, ut sicut per divinum regimen in rebus corruptibilibus,
quia semper eadem durare non possunt, provisum est ut per generationem alia
in locum aliorum succedant, ut vel sic conservetur integritas universi, ita
per regis studium conservetur subiectae multitudinis bonum, dum sollicite
curat qualiter alii in deficientium locum succedant. Secundo autem ut suis
legibus et praeceptis, poenis et praemiis homines sibi subiectos ab
iniquitate coerceat et ad opera virtuosa inducat, exemplum a Deo accipiens
qui hominibus legem dedit, observantibus quidem mercedem, transgredientibus
poenas retribuens. Tertio imminet regi cura ut multitudo sibi subiecta contra
hostes tuta reddatur. Nihil enim prodesset interiora vitare pericula, si ab
exterioribus defendi non posset. Sic igitur bonae multitudinis institutioni
tertium restat ad regis officium pertinens, ut sit de promotione sollicitus,
quod fit dum in singulis quae praemissa sunt, si quid inordinatum est
corrigere, si quid deest supplere, si quid melius fieri potest, studet
perficere. Unde et apostolus fideles monet ut semper aemulentur charismata
meliora. Haec igitur sunt quae ad regis officium pertinent, de quibus per
singula diligentius tractare oportet. |
Prologue |
Comme je me demandais ce que je pouvais offrir qui fût digne de la majesté royale, et conforme à mon état de religieux et de docteur, j'ai pensé que le mieux était de composer, pour un roi, un ouvrage traitant de la royauté, dans lequel j'exposerais et l'origine de la royauté et ce qui se rapporte aux devoirs du roi, d'après l'autorité de la divine Ecriture, et en dégageant soigneusement l'enseignement des philosophes et l'exemple des princes les plus loués, selon les capacités de mon propre esprit, attendant pour commencer, poursuivre et achever cette œuvre, le secours de Celui qui est le Roi des rois et le Seigneur des seigneurs, par qui les rois règnent, Dieu, le Seigneur puissant et le Souverain, dont la grandeur surpasse tous les dieux. |
|
LIVRE 1 — NATURE DE LA ROYAUTÉ |
|
|
|
CHAPITRE 1 — DÉFINITION DE LA ROYAUTÉ(Les titres et les sous-titres sont du traducteur.) |
|
Les êtres qui tendent à une fin par diverses voies ont besoin d’un principe directeur |
|
Il nous faut, pour point de départ de notre entreprise, exposer ce que l’on doit entendre par le nom de roi. Dans tout ce qui est ordonné à une fin, et où il arrive de procéder par diverses voies, on a besoin d’un principe directeur par lequel on atteigne directe ment la fin à laquelle on doit tendre. En effet, le navire, poussé par des vents contraires dans des directions opposées, ne parviendrait pas au but proposé, s’il n’était dirigé vers le port par l’art du pilote. Or l’homme a une fin, à laquelle toute sa vie et son action sont ordonnées, puisqu’il est un être agissant par l’intelligence, dont le propre est manifestement d’opérer en vue d’une fin. Il arrive aux hommes d’aller par divers moyens vers la fin à laquelle ils tendent, ce que montre la diversité même des préoccupations el des actions humaines. L’homme a donc besoin d’un principe qui le dirige vers sa fin. Par nature, l’homme est un animal social et politiqueChaque homme possède, de par sa nature, la lumière innée de la raison, qui, dans ses actes, le guide vers sa fin. Et s’il convenait à l’homme de vivre solitairement, comme il convient à beaucoup d’animaux, il n’aurait besoin d’être dirigé par aucun autre principe directeur vers cette fin, mais chacun serait à soi-même son propre roi, sous la royauté suprême de Dieu, en tant que, par la lumière de la raison, qui est un don de Dieu, il se dirigerait lui-même dans ses actes. Mais il est dans la nature de l’homme d’être un animal social et politique, vivant dans une multitude, à un degré beaucoup plus fort encore que tous les autres animaux, ce que montre la nécessité naturelle. En effet, la nature n préparé aux autres animaux la nourriture, un vêtement de pelage, des moyens de défense, comme les dents, les cornes, les griffes, ou, du moins, la rapidité dans la fuite. L’homme, au contraire, a été créé sans que la nature ne lui procure rien de tout cela, mais, à la place, la raison lui a été donnée, qui lui permit de préparer toutes ces choses, par le travail de ses mains : à quoi un seul homme ne suffit pas. En effet, un seul homme ne pourrait pas, par lui-même, s’assurer les moyens nécessaires à la vie. Il est donc dans la nature de l’homme qu’il vive en société. Bien plus, les autres animaux possèdent à l’état inné une habileté naturelle à découvrir tout ce qui leur est utile ou nuisible, comme la brebis sent naturellement que le loup est son ennemi. Certains animaux connaissent même, grâce à cette habileté naturelle, certaines plantes médicinales et d’autres choses nécessaires à leur vie. Or l’homme a, des choses qui sont nécessaires à sa vie, une connaissance naturelle qui n’est que générale, étant capable, par la raison, de parvenir, en partant des principes universels, à la connaissance des choses particulières qui sont nécessaires à la vie humaine. Mais il n’est pas possible qu’un seul homme atteigne, par sa propre raison, à toutes les choses de ce genre. Il est donc nécessaire à l’homme de vivre en multitude, afin que chacun soit aidé par le prochain, et que tous s’occupent de découvertes rationnelles diverses, par exemple, l’un en médecine, l’autre dans tel domaine, un autre dans tel autre. Le propre de l’homme est d’user du langageCeci est encore montré très évidemment par le fait que le propre de l’homme est de se servir de la parole, par laquelle chaque homme peut exprimer aux autres la totalité de sa pensée. Il est vrai que les autres animaux se communiquent leurs passions, en gros, comme le chien exprime sa colère en aboyant, et les autres espèces leurs diverses passions de diverses manières. Donc l’homme est beaucoup plus communicatif avec autrui que n’importe quel animal, que l’on voit vivre en troupe, tels que la grue, la fourmi ou l’abeille. Nécessité pour le corps social d’avoir une force directriceC’est en considérant ce fait que Salomon dit dans l’Ecclésiaste (ch. IV, V. 9) : "Il est préférable d’être deux qu’un seul. Car chacun tire profit de cette mutuelle compagnie." Si donc il est dans la nature de l’homme qu’il vive en société d’un grand nombre de semblables, il est nécessaire qu’il y ait chez les hommes un principe par lequel gouverner la multitude. En effet, comme les hommes sont en grand nombre et que chacun pourvoit à ce qui lui est approprié, la multitude serait éparpillée en divers sens, s’il ne se trouvait aussi quelqu’un qui prenne soin de ce qui regarde le bien de la multitude, de même que le corps de l’homme ou de n’importe quel animal se désagrégerait, s’il n’y avait dans le corps une certaine force directrice commune, visant au bien commun de tous les membres. C’est ce que considère Salomon quand il dit (Prov. XI, 14) : "Là où il n’y a point de guide, le peuple se dispersera." Ceci se produit logiquement, car il n’y a pas identité entre le bien propre et le bien commun. Les êtres sont divisés sous l’angle de leurs biens propres; ils sont unis sous l’angle du bien commun. Or, des effets différents ont des causes différentes. Il faut donc, outre ce qui meut au bien propre de chacun, quelque chose qui meuve au bien commun du nombre. C’est pourquoi dans toutes les choses qui sont ordonnées en un tout, on trouve un principe directeur. Dans le monde des corps, en effet, un premier corps, le corps céleste, dirige les autres selon un certain ordre établi par la divine Providence, et tous les corps sont dirigés par la créature raisonnable. De même, dans un homme, l’âme gouverne le corps, et entre les parties de l’âme, l’irascible et le concupiscible sont gouvernés par la raison. Pareillement, entre les membres du corps, un est le principal qui meut tout, tel le coeur ou la tête. Il faut donc que dans toute multitude, il y ait un principe directeur. Gouvernement juste et gouvernement injusteMais il arrive qu’en certaines choses qui sont ordonnées à une fin, on procède avec rectitude ou sans rectitude. C’est pourquoi l’on trouve aussi dans le gouvernement de la multitude ce qui est droit et ce qui ne l’est pas. Un être, quel qu’il soit, est dirigé avec rectitude quand il est conduit vers la fin qui lui convient; il est dirigé sans rectitude quand il est conduit vers une fin qui ne lui convient pas. Mais autre est la fin qui convient à une multitude d’hommes libres, autre à une multitude d’esclaves. En effet, l’homme libre est celui qui est maître de lui-même (sui causa), tandis que l’esclave est celui qui, en ce qu’il est, appartient à un autre. Si donc une multitude d’hommes libres est ordonnée, par celui qui la gouverne, au bien commun de la multitude, nous aurons un gouvernement droit et juste, tel qu’il convient à des hommes libres. Mais si un gouverne ment est ordonné, non au bien commun de la multitude, mais au bien privé de celui qui gouverne, ce gouvernement sera injuste et pervers; c’est pourquoi le Seigneur menace de tels chefs par la bouche d’Ezéchiel (XXXIV, 2), disant : "Malheur aux pasteurs qui se paissent eux-mêmes" — c’est-à-dire qui cherchent leur propre avantage. — "Est-ce que ce ne sont pas les troupeaux que les pasteurs doivent paître ?" Car les pasteurs doivent rechercher le bien du troupeau, et tout chef (rectores) le bien de la multitude qui lui est soumise. Les gouvernements injustesSi donc un gouvernement injuste est exercé par un seul homme, qui recherche, dans l’exercice du pouvoir, ses propres avantages et non le bien commun de la multitude qui lui est soumise, un tel chef est appelé tyran, nom dérivé de celui de force parce que le tyran opprime par la puissance, il ne gouverne pas par la justice. D’où, chez les anciens, tous ceux qui détenaient le pouvoir étaient appelés tyrans. Mais si un gouvernement injuste est exercé, non par un seul homme, mais par plusieurs, si, du moins, ils sont en petit nombre, ce régime est appelé oligarchie, c’est-à-dire gouvernement (principatus) d’un petit nombre, comme quand un petit groupe d’hommes opprime le peuple, par la puissance de leurs richesses, différant du tyran par le seul fait qu’ils sont plusieurs. Si un gouvernement inique est exercé par un grand nombre, il est appelé démocratie, c’est-à-dire domination du peuple, comme quand le peuple des plébéiens, s’appuyant sur la puissance de sa multitude, opprime les riches. Car ainsi le peuple entier sera comme un seul tyran. Les gouvernements justesIl faut établir des distinctions semblables entre les formes de gouvernements justes. En effet si le gouvernement est exercé par quelque multitude, il est généralement appelé république (politia), comme quand la multitude des combattants exerce le pouvoir dans une cité ou une province. S’il est exercé par un petit nombre d’hommes, mais qui soient vertueux, le gouvernement de ce genre s’appelle aristocratie, c’est-à-dire pouvoir le meilleur ou des meilleurs, qui pour cette raison se nomment optimates. Mais si le
gouvernement juste appartient à un seul homme, celui-ci est appelé roi; c’est
pourquoi le Seigneur dit par Ezéchiel (XXXVII, 24) : "Mon serviteur
David sera roi au-dessus de tous et il y aura un seul pasteur pour eux
tous." La notion de roiCeci montre manifestement que la notion de roi implique qu’il n’y ait qu’un seul homme qui gouverne et qu’il soit un pasteur recherchant le bien commun de la multitude, et non son propre avantage. Comme il convient à l’homme de vivre en multitude, parce que, s’il reste solitaire, il ne se suffit pas pour les choses nécessaires à la vie, il faut que le lien social (societas) de la multitude soit d’autant plus parfait, que, par elle-même, elle suffira mieux aux besoins de la vie. Une seule famille, dans une seule maison, suffira bien à certains besoins vitaux, comme par exemple ceux qui se rapportent aux actes naturels de la nutrition, de la génération et des autres fonctions de ce genre; dans un seul bourg, on se suffira pour ce qui regarde un seul corps de métier; mais dans une cité, qui est la communauté parfaite, on se suffira quant à toutes les choses nécessaires à la vie; et plus encore dans une province unifiée à cause de la nécessité du combat en commun et du secours mutuel contre les ennemis. C’est pourquoi celui qui gouverne (regit) une communauté parfaite, c’est-à-dire une cité ou une province, est appelé roi (rex) par antonomase; celui qui gouverne une maison n’est pas appelé roi, mais père de famille. Cependant il a avec le roi quelque similitude à cause de laquelle on appelle parfois les rois pères des peuples. De ce que
nous avons dit, il ressort donc avec évidence que le roi est celui qui
gouverne la multitude d’une cité ou d’une province, et ceci en vue du bien
commun. C’est pourquoi Salomon dit dans I’Ecclésiaste (V, 8) : "Le
roi commande à tout le territoire qui lui est soumis." |
|
|
|
CHAPITRE 2 — LA ROYAUTÉ EST LE MEILLEUR RÉGIME, EN RAISON DE L’UNITÉ |
|
Ces prémisses posées, il faut rechercher ce qui convient mieux à une province ou une cité, si c’est d’être gouvernée par plusieurs ou par un seul. On peut considérer ce problème du point de vue de la fin elle- même du gouvernement. Celui qui dirige la multitude doit procurer l’unité de la paixEn effet,
l’intention de tout gouvernant doit tendre à procurer le salut de ce qu’il a
entrepris de gouverner. Car il appartient au pilote en protégeant son navire
des périls de la mer de le conduire indemne à bon port. Or le bien et le
salut d’une multitude assemblée en société est dans la conservation de son
unité, qu’on appelle paix; si celle-ci disparaît, l’utilité de la vie sociale
est abolie, bien plus, une multitude en dissension est insupportable à
soi-même. Tel est donc le but auquel celui qui dirige (rector) la
multitude doit le plus viser : procurer l’unité de la paix. C’est à tort
qu’il délibérerait s’il doit apporter la paix à la multitude qui lui est
soumise, comme le médecin n’a pas à se demander s’il doit guérir le malade
qui lui est confié. Nul en effet ne doit délibérer de la fin à laquelle il
doit tendre, mais des moyens qui conduisent à cette fin. C’est pourquoi
l’Apôtre, ayant recommandé l’unité au peuple fidèle, dit (aux Ephésiens, IV,
3) : "Efforcez-vous de conserver l’unité de l’esprit dans le lien de
la paix." Un gouvernement sera donc d’autant plus utile qu’il sera plus efficace pour conserver l’unité de la paix. Car nous appelons plus utile ce qui amène mieux à la fin. Principe de l’unité de gouvernementMais il est manifeste que ce qui par soi est un, peut mieux réaliser l’unité que ce qui est multiple. De même la cause la plus efficace de chaleur est ce qui est chaud par soi. Le gouvernement d’un seul est donc plus utile que celui de plusieurs. En outre, il est manifeste que plusieurs hommes ne maintiennent d’aucune façon une multitude, s’ils sont en désaccord sur tout. Une certaine union est requise d’un groupe de gouvernants pour qu’ils puissent gouverner en quelque mesure tout comme plusieurs matelots ne tireraient pas le navire dans une même direction s’ils n’étaient unis en quelque manière. Or, plusieurs choses sont dites être unies en ce qu’elles se rapprochent de ce qui est un. Un seul donc gouverne mieux que plusieurs, ceux-ci ne faisant que s’approcher de ce qui est un. Conformité à la natureEn outre, les choses qui sont conformes à la nature se comportent le mieux. Car en chaque chose la nature opère ce qui est le meilleur. Or le gouvernement commun de la nature est exercé par un seul. En effet, parmi le grand nombre des membres, il en est un qui les meut tous : le coeur. Et entre les parties de l’âme, une seule force commande principalement : la raison. De même, les abeilles n’ont qu’un seul roi. Et dans tout l’univers, il n’y a qu’un seul Dieu, créateur et gouverneur de toutes choses. Conformité à la raison L’art et la natureEt ceci est selon la raison. Car toute multitude dérive de l’un. C’est pourquoi, si les choses qui sont du ressort de l’art imitent celles qui sont selon la nature, et si une oeuvre d’art est d’autant meilleure qu’elle reproduit davantage la similitude de ce qui est dans la nature, il est nécessaire que pour la multitude humaine le meilleur soit d’être gouvernée par un seul. L’expérienceCeci apparaît aussi par l’expérience. En effet, les provinces et les cités qui ne sont pas gouvernées par un seul souffrent de dissensions, et leur agitation les éloigne de la paix, de sorte que semble accomplie la plainte du Seigneur, quand il dit par la voix du prophète Jérémie (XII, 10) : "Les pasteurs, [parce qu’ils sont] nombreux, ont dévasté ma vigne." Mais au contraire, les provinces et les cités qui sont gouvernées par un seul roi jouissent de la paix, fleurissent dans la justice et sont heureuses dans l’abondance. C’est pourquoi le Seigneur a promis à son peuple par la voix de ses prophètes, comme une grande récompense, qu’il ne mettrait à sa tête qu’un seul chef, et qu’il n’y aura qu’un seul prince au milieu d’eux. |
|
|
|
CHAPITRE 3 — LA TYRANNIE EST LE PIRE RÉGIME |
|
Au meilleur régime s’oppose le pire, à la royauté la tyrannie. Comme le gouvernement d’un roi est le meilleur, ainsi le gouvernement d’un tyran est le pire. A la république (politia) s’oppose la démocratie; l’une et l’autre, comme il ressort de ce que nous avons dit, étant un gouvernement exercé par le plus grand nombre; à l’aristocratie s’oppose l’oligarchie, l’une et l’autre étant exercée par le petit nombre; quant à la royauté, elle s’oppose à la tyrannie, l’une et l’autre étant exercée par un seul homme. Que la royauté soit le meilleur gouvernement, nous l’avons montré précédemment. Si donc au meilleur s’oppose le pire, il suit nécessairement que la tyrannie est le pire gouvernement. En outre, une force unifiée est plus efficace pour obtenir un effet, qu’une force dispersée ou divisée. En effet, plusieurs hommes réunis tirent ensemble ce qu’ils ne pourraient tirer s’ils étaient séparés, même si chacun n’en prenait qu’une partie. De même donc qu’il est plus utile qu’une force (Virtus) opérant en vue du bien soit plus une, afin qu’elle soit plus puissante à opérer le bien, de même il est plus nuisible qu’une force opérant le mal soit une plutôt que divisée. Or la force de celui qui gouverne injustement opère pour le mal de la multitude, dès qu’il détourne le bien commun de cette multitude au profit de son seul bien à lui. De même donc qu’un gouvernement juste est d’autant plus utile que son organe de direction est plus un, de sorte que la royauté est meilleure que l’aristocratie, et l’aristocratie que la république (politia), ainsi inversement en sera-t-il pour le gouvernement injuste, de sorte que, plus son organe directeur est un, plus il est nuisible. La tyrannie est donc plus nuisible que l’oligarchie, et l’oligarchie que la démocratie. Plus un gouvernement s’éloigne du bien commun, plus il est injusteEn outre, un gouvernement devient injuste du fait qu’au mépris du bien commun de la multitude, c’est le bien privé du gouvernant qui est recherché. Un gouvernement est donc d’autant plus injuste qu’il s’éloigne davantage du bien commun. Or on s’éloigne plus du bien commun dans l’oligarchie, où c’est le bien d’un petit nombre qui est recherché, que dans la démocratie, où c’est le bien d’un grand nombre; et l’on s’éloigne davantage encore de ce bien commun dans la tyrannie où le seul bien d’un seul homme est recherché. En effet, le grand nombre est plus proche de l’universalité totale que le petit nombre, et le petit nombre qu’un seul individu. Le gouvernement du tyran est donc le plus injuste qui soit. La cause du bien et du beau est une, tandis que le mal et la laideur découlent de causes multiplesLa même chose apparaît manifestement, quand on considère l’ordre de la divine Providence, qui dispose toutes choses le mieux. En effet, dans les choses, le bien provient d’une seule cause parfaite, en ce sens que sont réunis tous les éléments qui concourent au bien, tandis que le mal provient de chaque défaut singulier pris un à un. En effet, il n’y a pas de beauté dans un corps, si tous les membres n’ont pas été dis posés comme il convient; mais la laideur survient dès qu’un membre quelconque pèche. Et ainsi la laideur provient de plusieurs causes, et de manières diverses, mais pour la beauté, il lui faut une seule cause parfaite, une seule manière. Et il en est de même de tous les biens et de tous les maux, comme si Dieu pourvoyait à ce que le bien, provenant d’une seule cause, soit plus fort, et le mal, provenant de causes multiples, plus débile. Il est donc avantageux qu’un gouvernement juste soit exercé par un seul, dans ce but qu’il soit plus fort. Mais si ce gouvernement tombe dans l’injustice, il est préférable qu’il soit aux mains d’un grand nombre, pour qu’il soit plus faible et que les gouvernants s’entravent les uns les autres. Entre les gouvernements injustes les plus supportable est la démocratie, le pire est la tyrannie. Le tyran recherche son intérêt au mépris du bien communLa même évidence se dégage encore très clairement quand on considère les maux qui proviennent de la tyrannie; comme le tyran recherche son intérêt privé au mépris du bien commun, il s’ensuit qu’il accable de diverses manières ses sujets, selon qu’il est la proie de diverses passions qui le poussent à ambitionner certains biens. La sécurité ne peut reposer que sur le droit, non pas sur la volonté du tyranEn effet,
celui qui est esclave de la cupidité ravit les biens de ses sujets. D’où la
parole de Salomon (Proverbes XX IX, 4) : "Le roi juste fait la
grandeur de son pays, l’homme cupide le ruine." Si c’est de
l’irascibilité qu’il est la proie, il fait couler le sang pour un rien, ce
qui fait dire à Ezéchiel (XXII, 27) : "Les princes sont au milieu
d’Israël comme des loups ravissant leur proie pour en répandre le sang."
Qu’il faut donc fuir un tel gouvernement, le sage nous en avertit dans
l’Ecclésiastique (IX, 18) : "Tiens-toi éloigné de l’homme qui a le
pouvoir de tuer", parce qu’il use de son pouvoir de tuer non pour la
justice mais pour satisfaire sa volonté de puissance (libido voluntatis). Ainsi donc il n’y a aucune sécurité, mais toutes choses sont incertaines, quand on s’éloigne du droit; et rien ne peut être affermi de ce qui repose sur la volonté d’un autre, pour ne pas dire sa passion. La tyrannie corrompt les âmesCe n’est pas seulement dans les choses corporelles que le tyran accable ses sujets, mais il empêche aussi leurs biens spirituels, parce que ceux qui désirent plus gouverner qu’être utiles, entravent tout progrès chez leurs sujets, interprétant toute excellence chez ceux-ci comme un préjudice à leur domination inique. En effet, ce sont les bons plus que les méchants qui sont suspects aux tyrans, et ceux-ci s’effrayent toujours de la vertu d’autrui. Les tyrans dont nous parlons s’efforcent donc d’empêcher que leurs sujets devenus vertueux, n’acquièrent la magnanimité et ne supportent pas leur domination inique; ils s’opposent à ce qu’aucun pacte d’amitié ne s’affermisse entre leurs sujets ni qu’ils jouissent des avantages réciproques de la paix, afin qu’ainsi, personne n’ayant confiance en autrui, on ne puisse rien entreprendre contre leur domination. A cause de cela, ils sèment des discordes entre leurs sujets eux-mêmes, ils alimentent celles qui sont nées, et ils prohibent tout ce qui tend à l’union des hommes, comme les mariages et les festins en commun et toutes les autres manifestations de ce genre qui ont coutume d’engendrer l’amitié et la confiance entre les hommes. Ils s’efforcent encore d’empêcher que leurs sujets ne deviennent puissants ou riches, parce que, soupçonnant les sujets d’après la conscience qu’ils ont de leur propre malice, comme eux-mêmes ils usent de la puissance et des richesses pour nuire, de même ils craignent que la puissance et les richesses de leurs sujets ne leur deviennent nuisibles. C’est pourquoi dans le livre de Job (XV, 21), il est dit du tyran : "Des bruits de terreur obsèdent sans cesse ses oreilles; et même au sein de la paix", c’est-à-dire alors que personne ne cherche à lui faire de mal, "il soupçonne toujours des embûches." Il découle de ceci que les chefs, qui devraient conduire leurs sujets à la pratique des vertus, jalousant indignement la vertu de leurs sujets et l’entravant dans la mesure de leur pouvoir, on trouve peu d’hommes vertueux sous le règne des tyrans. Car, selon la sentence du Philosophe : "On trouve les hommes de courage auprès de ceux qui honorent tous ceux qui sont les plus courageux", et, comme dit Tullius Cicéron, "elles sont toujours gisantes et ont peu de force les valeurs qui sont réprouvées de chacun". Il est naturel aussi que des hommes nourris dans la crainte s’avilissent jusqu’à avoir une âme servile et deviennent pusillanimes à l’égard de toute oeuvre virile et énergique, on peut le constater d’expérience dans les provinces qui furent longtemps sous la domination de tyrans. C’est pourquoi l’Apôtre dit (Ep. aux Colossiens III, 21) : "Pères, ne provoquez pas vos fils à l’irritation, de peur qu’ils ne deviennent pusillanimes." C’est en considérant ces méfaits de la tyrannie que le roi Salomon (Prov. XXVIII, 12) dit : "Quand les impies règnent, c’est une ruine pour les hommes", c’est-à-dire qu’à cause de la méchanceté des tyrans, les sujets abandonnent la perfection des vertus. Il dit encore (XXIX, 2) : "Quand les impies se sont emparés du pouvoir, le peuple gémit", comme ayant été emmené en servitude. Et encore (XXVIII, 28) : Quand les impies se sont levés, les hommes se cachent s, afin d’échapper à la cruauté des tyrans. Et ceci n’est pas étonnant, parce que l’homme qui gouverne en rejetant la raison et en obéissant à sa passion ne diffère en rien de la bête, ce qui fait dire à Salomon (Ibid., XXVIII, 15) : "Un lion rugissant, un ours affamé, tel est le prince impie dominant sur un peuple pauvre." C’est pourquoi les hommes se cachent des tyrans comme des bêtes cruelles, et il semble que ce soit la même chose d’être soumis à un tyran ou d’être la proie d’une bête en furie. |
|
|
|
CHAPITRE 4 — LES DÉSAVANTAGES DE LA ROYAUTÉ |
|
Le gouvernement d’un seul est le meilleur et le pire régimeParce que donc le meilleur et le pire se trouvent dans la monarchie, c’est-à-dire dans le commandement d’un seul, la dignité royale est rendue odieuse à beau coup à cause de la malice des tyrans. Certains, il est vrai, en désirant le gouvernement d’un roi, tombent sur les cruautés des tyrans, et des gouvernants en beaucoup trop grand nombre exercent la tyrannie sous le prétexte de la dignité royale. L’exemple de RomeL’exemple de tels hommes apparaît avec évidence dans la république romaine (respublica). En effet, après avoir expulsé les rois, comme il ne pouvait plus supporter l’orgueil royal, ou plutôt tyrannique, le peuple romain s’était donné des consuls et d’autres magistrats par qui il commença d’être gouverné et dirigé; il voulait en effet commuer la royauté en aristocratie et, comme le rapporte Salluste : "Il est incroyable de penser combien, ayant acquis la liberté, la cité romaine a grandi en peu de temps." Ceux qui sont gouvernés par un roi s’appliquent généralement moins à la recherche du bien communCar il arrive la plupart du temps que les hommes qui vivent sous un roi s’attachent avec plus d’indolence à atteindre le bien commun, parce qu’ils estiment que la peine qu’ils dépensent pour le bien commun ne leur rapporte rien à eux-mêmes, mais à un autre, sous le pouvoir de qui ils voient que sont les biens communs. Mais quand ils voient que le bien commun n’est pas sous le pouvoir d’un seul, ils ne s’en occupent pas comme de ce qui est le bien d’autrui, mais chacun s’y applique comme à son bien propre, d’où l’on voit par expérience qu’une cité dirigée par des magistrats annuels est parfois plus puissante qu’un roi, possédât-il trois ou quatre cités. Et les petites charges exigées par le roi sont plus lourdes à porter que de grands fardeaux qui sont imposés par la communauté des citoyens, ce qui fut observé au cours du développe ment de la république romaine. En effet, la plèbe était enrôlée dans l’armée et l’on payait une solde pour les combattants, et comme le trésor public ne suffisait pas à alimenter cette solde, les richesses privées passèrent à l’usage de l’Etat, au point, qu’à part l’anneau d’or et la bulle, qui étaient les insignes de sa dignité, un sénateur lui-même ne conservait rien pour soi qui fût en or. L’établissement de la tyrannieMais comme ils étaient épuisés par de continuelles dissensions, qui grandirent même jusqu’à devenir des guerres civiles, dans lesquelles ils virent arracher de leurs mains cette liberté pour laquelle ils avaient dépensé tant d’efforts, ils tombèrent au pouvoir des empereurs qui, dès le début, refusèrent d’être appelés rois, parce que ce nom avait été odieux aux Romains. Certains de ces empereurs se soucièrent fidèlement du bien commun, d’une façon propre à un roi, et grâce à leur zèle, l’Etat romain (respublica) fut accru et conservé. Mais le plus grand nombre de ces empereurs se comportant en tyrans à l’égard de leurs sujets tandis qu’ils étaient sans énergie et incapables face à leurs ennemis, réduisirent la république romaine à rien. Même évolution chez les HébreuxNous avons une évolution semblable dans le peuple hébreu. D’abord, tant qu’ils étaient gouvernés par des juges, ils étaient de tous côtés la proie de leurs ennemis, car chacun faisait ce qui était bon à ses yeux. Mais ayant demandé et obtenu de Dieu des rois, à cause de la malice de ces rois, ils abandonnèrent le culte du Dieu unique, et furent finalement emmenés en captivité. Il y a un double dangerDe deux côtés il y a péril : ou bien par crainte d’un tyran, on écarte le meilleur des gouvernements, celui du roi; ou bien, si l’on choisit ce gouvernement, il peut verser à la tyrannie. |
|
|
|
CHAPITRE 5 — LA TYRANNIE DE PLUSIEURS EST LA PIRE |
|
De deux maux, il faut choisir le moindre La tyrannie d’un seul est moins redoutable que la tyrannie de plusieursLorsqu’il faut choisir entre deux choses, dont chacune offre un danger, on doit, par-dessus tout, choisir celle d’où suit un moindre mal. Or, si une monarchie dégénère en tyrannie, il en résulte un moindre mal que du gouvernement de plusieurs aristocrates quand il se corrompt. En effet, la dissension qui provient principalement du gouvernement de plusieurs est contraire au bien de la paix, qui est le bien le plus important dans une multitude unie en société. Or la tyrannie ne supprime pas ce bien, mais elle entrave quelques biens d’hommes particuliers, à moins qu’on en arrive à un excès de tyrannie, qui sévisse avec violence contre la communauté tout entière. Le gouverne ment d’un seul est donc préférable à celui de plusieurs, bien que les deux soient suivis de dangers Le danger de discorde est plus grand dans un gouvernement collectifEt même il semble qu’il faille davantage fuir celui duquel de grands dangers peuvent le plus souvent découler. Or les plus grands dangers que court une multitude proviennent plus souvent du gouvernement d’un grand nombre, que de celui d’un seul. En effet, il est plus fréquent de voir un seul esprit tendre au bien commun, que plusieurs y conspirer. Mais qu’un membre quelconque d’un gouvernement collectif se détourne de la recherche du bien commun, un danger menace de dissension dans la multitude des sujets, parce que, quand entre les chefs règne la dissension, c’est une conséquence normale qu’elle s’établisse aussi dans la multitude. Mais si un seul homme commande, il regarde, la plupart du temps au moins, vers le bien commun; ou s’il détourne son application du bien commun, il ne s’ensuit pas aussitôt qu’il tende à l’écrasement de ses sujets, ce qui est le dernier excès de la tyrannie et le dernier degré de perversion (malitia) d’un gouvernement, comme nous l’avons montré plus haut. Il faut donc davantage fuir les dangers qui proviennent du gouvernement de plusieurs que ceux qui proviennent du gouvernement d’un seul. Un gouvernement collectif dégénère plus fréquemment en tyrannieEn outre, il n’est pas moins rare que le gouverne ment de plusieurs se tourne en tyrannie que celui d’un seul, peut-être même est-ce plus fréquent. Car, quand la discorde est née au sein d’un gouvernement collectif, il arrive souvent qu’un seul s’élève au-dessus des autres et usurpe pour lui seul la domination de la multitude, ce que l’on peut voir manifestement, en considérant ce qui s’est passé dans l’histoire. En effet, presque tous les gouvernements collectifs se sont terminés en tyrannie, comme il apparaît manifeste ment dans la république romaine. Après qu’elle eût été longtemps dirigée par plusieurs magistrats, comme des rivalités, des dissensions et des guerres civiles s’étaient élevées, elle tomba dans les mains des plus cruels tyrans. Si quelqu’un considère avec attention ce qui s’est généralement produit dans le passé et ce qui se passe maintenant, il verra qu’un plus grand nombre de tyrans ont exercé leur domination dans les pays qui ont un gouvernement collectif que dans ceux qui sont gouvernés par un seul homme. Si donc la royauté, qui est e meilleur régime, semble devoir être le plus évité à cause de la tyrannie, celle-ci, par contre, ne se produit pas moins, habituellement, mais plus souvent dans le gouvernement de plusieurs que dans celui d’un seul; il reste qu’il est de soi (simpliciter) plus utile d’être sous un seul roi que sous le gouvernement de plusieurs. |
|
|
|
CHAPITRE 6 — IL FAUT PARER A LA TYRANNIE |
|
Il faut empêcher la royauté de se changer en tyranniePuisque donc il faut préférer le gouvernement d’un seul, qui est le meilleur, et puisqu’il lui arrive de dégénérer en tyrannie, qui est le pire gouvernement, comme il apparaît d’après ce que nous avons dit plus haut, il faut travailler avec un zèle diligent à pourvoir la multitude d’un roi de telle sorte qu’elle ne tombe pas sous la domination d’un tyran. D’abord, il est nécessaire que ceux à qui revient ce devoir élèvent à. la fonction de roi un homme tel qu’il ne soit pas probable qu’il tombe dans la tyrannie. C’est pourquoi Samuel, se confiant à la Providence de Dieu pour l’établissement d’un roi, dit au premier Livre des Rois (XIII, 14) : "Le Seigneur s’est cherché un homme selon son coeur." Ensuite, la direction du royaume doit être organisée de telle sorte, qu’une fois le roi établi, l’occasion d’une tyrannie soit supprimée. En même temps son pouvoir doit être tempéré de manière à ne pouvoir dégénérer facilement en tyrannie. Comment cela doit se faire, nous le considérerons par la suite. Il faut enfin se soucier, au cas où le roi tomberait dans la tyrannie, de la manière de s’y opposerEt certes, s’il n’y a pas excès de tyrannie, il est plus utile de tolérer pour un temps une tyrannie modérée, que d’être impliqué, en s’opposant au tyran, dans des dangers multiples, qui sont plus graves que la tyrannie elle-même. Il peut en effet arriver que ceux qui luttent contre le tyran ne puissent l’emporter sur lui, et qu’ainsi provoqué, le tyran sévisse avec plus de violence. Que si quelqu’un peut avoir le dessus contre le tyran, il s’ensuit souvent de très graves dissensions dans le peuple, soit pendant l’insurrection contre le tyran, soit qu’après son renversement, la multitude se sépare en factions à propos de l’organisation du gouvernement. Il arrive aussi que parfois, tandis que la multitude chasse le tyran avec l’appui d’un certain homme, celui-ci, ayant reçu le pouvoir, s’empare de la tyran nie, et craignant de subir de la part d’un autre ce que lui-même a fait è autrui, il opprime ses sujets sous une servitude plus lourde. Il se produit en effet habituellement dans la tyrannie, que le nouveau tyran est plus insupportable que le précédent, puisqu’il ne supprime pas les anciennes charges, et que, dans la malice de son coeur, il en invente de nouvelles. C’est pourquoi, comme jadis les Syracusains désiraient tous la mort de Denys, une vieille femme priait continuelle ment pour qu’il reste sain et sauf et qu’il survive. Quand le tyran connut ceci, il lui demanda pourquoi elle agissait ainsi : "Quand j’étais jeune fille, répondit celle-ci, comme nous avions à supporter un dur tyran, je désirais sa mort; puis, celui-ci tué, un autre lui succéda un pue plus dur; j’estimais aussi que la fin de sa domination serait d’un grand prix; nous t’eûmes comme troisième maître beaucoup plus importun. Ainsi, si tu était supprimé, un tyran pire que toi te succéderait." |
|
|
|
|
|
Mérites, sur le plan surnaturel, à supporter le tyran Il n’appartient pas à une initiative personnelle de pouvoir tuer le tyranMais, si cet excès de tyrannie est intolérable, il a paru à certains qu’il appartenait à la vertu d’hommes courageux de tuer le tyran et de s’exposer à des risques de mort pour la libération de la multitude; il y a même un exemple de ceci dans l’Ancien Testament (Juges III, 15 et suiv.). En effet un certain Aioth tua, en lui enfonçant son poignard dans la cuisse, Eglon, roi de Moab, qui opprimait le peuple de Dieu d’une lourde servitude, et il devient juge du peuple. Mais cela n’est pas conforme à l’enseignement des Apôtres. Saint Pierre, en effet, nous enseigne d’être respectueusement soumis non seulement aux maîtres bons et modérés, mais aussi à ceux qui sont difficiles (I Pierre II, 18) : "C’est, en effet, une grâce, si, pour rendre témoignage à Dieu quel qu’un supporte des afflictions qui l’atteignent injustement." C’est pourquoi, alors que beaucoup d’empereurs romains persécutaient la foi du Christ d’une manière tyrannique, et qu’une grande multitude tant de nobles que d’hommes du peuple se convertissaient à la foi, ceux qui sont loués ne le sont pas pour avoir résisté, mais pour avoir supporté avec patience et courage la mort pour le Christ, comme il apparaît manifestement dans l’exemple de la sainte légion des Thébains. Et l’on doit juger qu’Aioth a tué un ennemi, plutôt qu’un tyran, chef de son peuple. C’est aussi pourquoi on lit dans l’Ancien Testament (IV, Rois XIV, 5-6) que ceux qui tuèrent Joas, roi de Juda, furent tués, quoique Joas se fût détourné du culte de Dieu, et que leurs fils furent épargnés selon le précepte de la loi. Il serait, en effet, dangereux pour la multitude et pour ceux qui la dirigent, si, présumant d’eux-mêmes, certains se mettaient à tuer les gouvernants, même tyrans. Car, le plus souvent, ce sont les méchants plutôt que les bons qui s’exposent aux risques d’actions de ce genre. Or le commandement des rois n’est habituellement pas moins pesant aux méchants que celui des tyrans, parce que selon la sentence de Salomon (Prov. XX, 26) : "Le roi sage met en fuite les impies." Une telle initiative privée (praesumptio) menacerait donc plus la multitude du danger de perdre un roi qu’elle ne lui apporterait le remède de supprimer un tyran. C’est l’autorité publique qui doit supprimer le tyranMais il semble que contre la cruauté des tyrans il vaut mieux agir par l’autorité publique que par la propre initiative privée de quelques-uns. D’abord s’il est du droit d’une multitude de se donner un roi, cette multitude peut sans injustice destituer le roi qu’elle a institué ou réfréner son pouvoir, s’il abuse tyranniquement du pouvoir royal. Et il ne faut pas penser qu’une telle multitude agisse avec infidélité en destituant le tyran, même si elle s’était auparavant soumise à lui pour toujours, parce que lui-même, en ne se comportant pas fidèlement dans le gouvernement de la multitude, comme l’exige le devoir d’un roi, a mérité que ses sujets ne conservassent pas leurs engagements envers lui. Ainsi les Romains chassèrent de la royauté Tarquin le Superbe, qu’ils avaient pris pour roi, à cause de la tyrannie que lui et ses fils faisaient peser, et lui substituèrent un pouvoir moindre, le pouvoir consulaire. Ainsi encore comme Domitien, qui avait succédé à des empereurs très modérés, son père Vespasien et son frère Titus, exerçait la tyrannie, il fut mis à mort sur ordre du sénat romain, et par un sénatus-consulte toutes les lois que dans sa perversion, il avait décrétées pour les Romains furent justement et salutairement gouvernés. Ceci eut pour conséquence que le Bienheureux Jean l’Evangéliste, le disciple bien-aimé de Dieu, qui avait été relégué en exil dans l’île de Pathmos, par Domitien lui-même, fut renvoyé à Ephèse par un sénatus-consulte. Il faut recourir à une autorité supérieure, s’il y a lieuMais si le droit de pourvoir d’un roi la multitude revient à quelque supérieur, c’est de lui qu’il faut attendre un remède contre la perversion du tyran. Ainsi Archélaüs, qui avait commencé à régner en Judée à la place d’Hérode son père, imitait la méchanceté de celui-ci. Comme les Juifs avaient porté plainte contre lui auprès de César-Auguste, on diminua d’abord son pouvoir en le privant du titre de roi, et en divisant une moitié de son royaume entre ses deux frères; ensuite, comme, même ainsi, il ne faisait pas cesser sa tyrannie, il fut relégué en exil par Tibère Auguste à Lyon, cité de Gaule. Il faut recourir à Dieu, qui a pouvoir sur le tyranQue si l’on ne peut absolument pas trouver de secours humain contre le tyran, il faut recourir au roi de tous, à Dieu, qui dans la tribulation secourt aux moments opportuns. Car il est en sa puissance de convertir à la mansuétude le coeur cruel du tyran, selon la sentence de Salomon (Prov. XXI, 1) : "Le coeur du roi est dans la main de Dieu qui l’inclinera dans le sens qu’il voudra." C’est Lui, en effet, qui changea en mansuétude la cruauté du roi Assuérus qui se préparait à faire mourir les Juifs. C’est Lui qui a converti le cruel Nabuchodonosor au point d’en faire un héraut de la puissance divine. "Maintenant donc, dit-il, moi Nabuchodonosor, je loue, je magnifie et je glorifie le roi du ciel, parce que ses oeuvres sont vraies et parce que ses voies sont justes et qu’il peut humilier ceux qui marchent dans l’orgueil." (Daniel IV, 34). Quant aux tyrans qu’il juge indignes de conversion, il peut les supprimer ou les réduire à un état très bas, selon cette parole du Sage, dans l’Ecclésiastique (X, 17) : "Dieu a détruit le trône des chefs orgueilleux et à leur place, il a installé des hommes doux." C’est Lui, en effet, qui, voyant l’affliction de son peuple en Egypte et entendant sa clameur, jeta à la mer le tyran Pharaon et son armée. C’est Lui qui, non seulement chassa du trône royal ce même Nabuchodonosor mentionné plus haut, auparavant plein d’orgueil, mais encore, l’ôtant de la société des hommes, Il le rendit semblable à une bête. Car son bras ne s’est pas raccourci, au point qu’Il ne puisse libérer son peuple des tyrans. Il promet en effet à son peuple, par la voix d’Isaïe, qu’Il lui donnera le repos, en le retirant de la peine, de la confusion et de la dure servitude à laquelle il était auparavant soumis. Et il dit, par la voix d’Ezéchiel (XXXIV, 10) : "Je délivrerai mon troupeau de leur gueule", c’est-à-dire de la gueule des pasteurs qui se paissent eux-mêmes. Mais, pour que le peuple mérite d’obtenir ce bienfait de Dieu, il doit se libérer du péché, parce que c’est pour la punition des péchés que les impies, par une permission divine, reçoivent le pouvoir, comme le dit le Seigneur par la bouche d’Osée (XIII, 11) : "Je te donnerai un roi dans ma fureur", et., au livre de Job (XXXIV, 30), il est dit que Dieu "fait régner l’homme hypocrite à cause des péchés du peuple". Il faut donc ôter le péché, pour que cesse la plaie de la tyrannie. |
|
|
|
CHAPITRE 7 — UNE RÉCOMPENSE TEMPORELLE EST INSUFFISANTE POUR LE ROI |
|
Quelle doit être la récompense d’un bon roi ?Puisque, selon ce que nous avons dit, c’est le propre du roi de rechercher le bien de la multitude, il semble que son office serait trop lourd, s’il n’en provenait pour lui quelque bien particulier. Il faut donc considérer quelle est la récompense qui convient au bon roi. Raison pour laquelle il semble que la gloire et l’honneur soient une récompense pour les roisCertains pensent que cette récompense n’est rien d’autre que l’honneur et la gloire. Aussi Tullius Cicéron (De Re Publica) établit que "le premier de la cité doit se nourrir de gloire"; et Aristote semble en assigner la raison dans le livre de l’Ethique : parce que le prince à qui l’honneur et la gloire ne suffisent pas, devient nécessairement un tyran." Il est en effet inné dans l’âme de tous de rechercher leur propre bien. Si donc le prince ne se contente pas de la gloire et de l’honneur, il recherchera les voluptés et les richesses, et sera ainsi amené à commettre des vols et des injustices contre ses sujets. Mais cette récompense est insuffisante :1. A
cause de la versatilité des opinions humaines. Mais si nous admettons cette opinion, il s’ensuivra de très nombreux inconvénients. Car, en premier lieu, il serait préjudiciable aux rois de supporter tant de peines et de soucis pour un salaire si fragile. En effet, rien parmi les choses humaines ne semble plus fragile que la gloire et l’honneur qui viennent de la faveur des hommes, puisqu’ils dépendent de leurs opinions, la chose la plus changeante qui soit dans la vie humaine. C’est pourquoi le prophète Isaïe (XL, 6) appelle la gloire de ce genre une fleur des champs. 2. Parce
que la passion de la gloire détruit la grandeur d’âme. Ensuite, le désir de la gloire humaine ôte la grandeur d’âme. En effet, celui qui recherche la faveur des hommes doit nécessairement, dans tout ce qu’il dit ou fait, être le serviteur de leur volonté et ainsi il devient l’esclave de chacun des hommes auxquels il s’applique à plaire. C’est pourquoi le même Tullius Cicéron dit dans son livre De Officis qu’il faut se garder du désir de la gloire. Car ce désir arrache la liberté d’âme, vers laquelle les hommes magnanimes doivent faire tendre tout leur effort. Or rien ne convient davantage au prince, qui est établi pour accomplir le bien, que la grandeur d’âme. La gloire humaine est donc une récompense qui ne correspond pas à l’office de roi. 3. Parce
que l’âme vertueuse méprise la gloire. Par ailleurs, il est nuisible à la multitude, d’assigner une telle récompense aux princes, car c’est le devoir d’un homme de bien de mépriser la gloire comme les autres biens temporels. En effet, le propre d’une âme vertueuse et forte est de mépriser la gloire, comme aussi la vie, pour la justice. Ceci a une conséquence admirable : puisque la gloire suit les actes vertueux, la gloire elle-même est méprisée par vertu, et l’homme est rendu glorieux de ce qu’il méprise la gloire, selon la sentence de Fabius (De Officiis, Lib. I, cap. XX, 682) qui dit : "Qui aura méprisé la gloire, aura la vraie gloire." Et Salluste a dit de Caton (De Coniur. Catil., cap. LIV, 6) : "d’autant moins recherchait-il la gloire, d’autant plus l’atteignait-il" Et les disciples du Christ eux-mêmes se montraient comme les serviteurs de Dieu dans la gloire et dans l’obscurité, dans l’infamie et dans la bonne réputation. (II Cor. VI, 8.) La gloire, que les bons méprisent, n’est donc pas la récompense convenable de l’homme de bien. En conséquence, si l’on attribue ce seul bien comme récompense aux princes, il s’ensuivra que les hommes de bien n’assumeront pas le pouvoir, ou, s’ils l’assument, qu’ils seront sans récompense. 4. Parce
que le désir de gloire rend souvent présomptueux. De plus, des maux dangereux proviennent du désir de la gloire. Beaucoup, recherchant la gloire dans les actions militaires d’une façon immodérée, se sont perdus eux-mêmes et leurs armées, abandonnant la liberté de leur patrie au pouvoir de l’ennemi. C’est pourquoi le consul romain Torquatus, pour montrer qu’un tel risque doit être évité, fit mourir, bien qu’il ait remporté la victoire, son propre fils qui, poussé par son ardeur juvénile, avait, contre son ordre, combattu un ennemi qui l’avait provoqué; il fit ceci pour empêcher qu’il ne sortît plus de mal de cet exemple de présomption que d’utilité de la gloire d’avoir tué un ennemi. 5. Parce
que le désir de la gloire peut pousser à être hypocrite. En outre, le désir de la gloire s’accompagne ordinairement d’un autre vice, à savoir la simulation. Car, comme il est difficile d’atteindre les vraies vertus, auxquelles seules l’honneur est dû, et que peu y arrivent, beaucoup désirant acquérir le gloire deviennent simulateur des vertus. C’est pourquoi, comme le dit Salluste (De Coniur. Catit., cap. X, 5), "l’ambition a contraint de nombreux mortels à devenir faux. Autre chose est d’avoir la vertu cachée dans le coeur, ou agile sur la langue, et d’en avoir l’apparence plus que le caractère". Mais notre Sauveur, de son côté, appelle hypocrites, c’est-à-dire simulateurs, ceux qui font de bonnes oeuvres afin d’être vus des hommes. De même donc qu’il y a danger pour la multitude que, si le prince recherche, pour récompense, les voluptés et les richesses, il ne devienne voleur et n’outrage ses sujets, de même il est à redouter, s’il est attaché à la récompense de la gloire, qu’il ne devienne présomptueux et simulateur. La recherche de la gloire tolérée comme moindre malMais, autant qu’il apparaît de l’intention des sages dont nous avons parlé, ils ont non pour cette raison proposé au prince la gloire et l’honneur pour récompense, qu’ils sont ce vers quoi l’intention d’un bon roi doive principalement se porter, mais parce qu’on supporte mieux un roi s’il recherche la gloire que s’il a la passion de l’argent ou poursuit la volupté. Car ce vice est plus proche de la vertu, puisque la gloire, que les hommes désirent, n’est, comme le dit saint Augustin, rien d’autre que le jugement favorable des hommes sur les hommes. En effet, le désir de gloire contient quelque vestige de vertu, en tant du moins qu’il recherche l’approbation des hommes de bien et refuse de leur déplaire. Donc, comme peu d’hommes parviennent à la vraie vertu, il paraît plus supportable de porter de préférence au gouvernement un homme qui, même par crainte du jugement des hommes, se détourne des méfaits manifestes. En effet, celui qui désire la gloire, ou bien s’engage dans la vraie voie par des oeuvres de vertu, afin de recevoir l’approbation des hommes, ou du moins, il y tend par des ruses et des tromperies. Mais celui qui désire dominer, si, étranger au désir de la gloire, il ne craint pas de déplaire à ceux dont le jugement est juste, cherche le plus souvent à obtenir ce qu’il ambitionne par les crimes les plus affichés, en sorte qu’il surpasse les bêtes féroces par ses vices soit de cruauté, soit de luxure, comme on le voit chez César Néron dont saint Augustin dit que la luxure était si grande qu’il ne paraissait pas que l’on puisse craindre rien de viril de lui, et sa cruauté si violente qu’il ne semblait plus rien avoir de capable d’être attendri. Ceci est suffisamment exprimé par ce qu’Aristote dit du magnanime dans l’Ethique (Lib. IV, cap. III, 17) : il ne recherche pas l’honneur et la gloire comme quelque chose de grand qui serait une récompense suffisante de la vertu, mais il n’exige rien de plus des hommes. Car, entre toutes les choses terrestres, il semble que la plus haute soit ce témoignage que les hommes rendent à un homme pour sa Vertu. |
|
|
|
CHAPITRE 8 — LA BÉATITUDE ÉTERNELLE EST LA RÉCOMPENSE DU ROI |
|
Puisque donc l’honneur du monde et la gloire des hommes ne sont pas une récompense suffisante de la sollicitude du roi, il reste à chercher quelle est la récompense qui lui puisse suffire. Le roi doit attendre sa récompense de DieuIl convient que le roi attende sa récompense de Dieu. Un ministre, en effet, attend la récompense pour son service de son maître; or, le roi en gouvernant le peuple est le ministre de Dieu, car l’Apôtre dit (aux Romains XIII, 1 et 4) que : "tout pouvoir vient du Seigneur Dieu" et que "le ministre de Dieu tire vengeance de celui qui fait le mal". De même dans le livre de la Sagesse les rois sont représentés comme les ministres de Dieu (VI, 5). Les rois doivent donc attendre de Dieu la récompense pour leur gouvernement. Dieu
rémunère parfois les rois pour leur service par des biens temporels, mais de
telles récompenses sont communes aux bons et aux méchants. Aussi le Seigneur
dit dans Ezéchiel (XXIX, 18) : "Nabuchodonosor, roi de Babylone, a
fait faire à son armée un dur service contre Tyr, et ni lui ni son armée
n’ont reçu de Tyr aucun salaire pour le service que pour moi il a fait contre
elle", c’est-à-dire pour le service par lequel le pouvoir, selon
l’Apôtre, devient ministre de Dieu et l’instrument de sa colère contre celui
qui fait le mal. Et ensuite il ajoute au sujet de la récompense : "C’est
pourquoi le Seigneur Dieu a dit : Voici que je donnerai à la terre d’Egypte
Nabuchodonosor, roi de Babylone, et il lui arrachera ses dépouilles et ce
sera un salaire pour son armée." Si donc le Seigneur rémunère des rois
iniques qui combattent contre les ennemis de Dieu non certes dans l’intention
de servir Dieu, mais pour assouvir leurs haines et leurs cupidités — par un
salaire tel qu’il leur accorde la victoire sur leurs ennemis, leur soumette
des royaumes, et leur propose des butins à enlever, que fera-t-Il aux bons
rois qui gouvernent le peuple de Dieu et combattent ses ennemis dans une
loyale intention ? En vérité, ce n’est pas une récompense terrestre, mais
éternelle qu’Il leur promet et qui ne consiste en rien d’autre qu’en Lui-
même, saint Pierre disant aux pasteurs du peuple de Dieu (Ire Epît. de Pierre
V, 2 et 4) : "Paissez le troupeau que le Seigneur vous a confié, afin
que, quand viendra le Prince des pasteurs", c’est-à-dire le Roi des
rois, le Christ, "vous receviez l’immarcescible couronne de gloire"
au sujet de laquelle Isaïe dit (XXVIII, 5) : "Le Seigneur sera pour
son peuple une couronne d’exultation et un diadème de gloire." Naturellement l’âme désire la béatitudeCeci est manifesté par la raison. En effet, il est inné dans l’esprit de tous les êtres qui font usage de raison, que la béatitude est la récompense de la vertu. Car on définit la vertu de chaque chose en disant qu’elle rend bon celui qui la possède et bonne son oeuvre. Mais chacun s’efforce, en opérant le bien, de parvenir à ce qu’il y a de plus profond dans son désir : être heureux, ce que personne ne peut ne pas vouloir. Il convient donc qu’on attende comme récompense de la vertu ce qui rend l’homme heureux. Mais si l’oeuvre de la vertu est d’opérer le bien, et celle du roi de bien gouverner ses sujets, la récompense du roi sera aussi ce qui le rendra heureux. Qu’est-ce que la béatitude ?Il nous faut maintenant considérer en quoi consiste le bonheur. Nous appelons béatitude la fin ultime de nos désirs. En effet, le mouvement du désir ne s’étend pas indéfiniment; car le désir naturel serait vain, puisque nous ne pourrions pas parcourir un infini. Mais comme le désir d’une nature intellectuelle se porte vers le bien universel, seul ce bien pourra la rendre vraiment heureuse, qui, une fois possédé, ne laisse place à aucun autre bien ultérieurement désirable. Et c’est pourquoi on appelle la béatitude bien parfait, en tant qu’elle comprend en soi toutes les choses désirables, ce qui n’est le cas d’aucun bien terrestre; car, ceux qui possèdent des richesses désirent avoir davantage, et il en va de même pour les autres bonheurs. Et s’ils ne recherchent pas de biens plus grands, ils désirent cependant que ces biens demeurent ou du moins que d’autres viennent les remplacer. En effet, parmi les choses terrestres, on ne trouve rien de stable; il n’est par conséquent rien de terrestre qui puisse apaiser le désir. Aucune chose terrestre ne peut rendre heureux au point d’être une récompense convenable pour un roi. L’esprit de l’homme est au-dessus de toutes les choses terrestres. Sa béatitude ne saurait être quelque chose de terrestre. En outre, la perfection finale de n’importe quelle chose et son bien complet dépendent d’un être supé rieur, puisque les êtres corporels eux-mêmes sont rendus meilleurs par leur union avec d’autres meilleurs, et pires s’ils sont mélangés à des êtres qui leur sont inférieurs. En effet, si l’or est allié à l’argent, l’argent en devient meilleur, tandis qu’il devient impur, allié au plomb. Or il est évident que toutes les choses terrestres sont au-dessous de l’esprit de l’homme. Mais la béatitude est la perfection finale de l’homme et son bien complet, auxquels tous désirent parvenir : il n’y a donc rien de terrestre qui puisse rendre l’homme heureux, et, par conséquent, aucune chose terrestre ne peut être une récompense suffisante pour un roi. Dieu seul peut être une récompense convenable pour le roiEn effet, comme le dit saint Augustin, ce n’est pas parce que les princes chrétiens ont régné longtemps; parce qu’ils ont laissé, par une mort paisible, l’empire à leurs fils; parce qu’ils ont dompté les ennemis de la chose publique, ou parce qu’ils ont pu se garder des citoyens insurgés contre eux et les contenir, que nous disons qu’ils sont heureux, mais bien s’ils commandent avec justice, s’ils préfèrent régner sur les passions plutôt que sur les nations qu’il leur plait, s’ils font toutes choses, non poussés par l’ardeur d’une vaine gloire, mais par l’amour de la félicité éternelle. De tels empereurs chrétiens nous les disons heureux, d’abord par l’espérance, et plus tard par la possession, quand ce que nous attendons sera arrivé. Mais il n’est rien d’autre, rien de créé, qui fasse l’homme heureux et puisse être attribué au roi comme récompense. En effet, le désir de chaque chose la pousse vers son principe qui est la cause de son être. Or la cause de l’esprit humain n’est rien d’autre que Dieu qui le fait à Son image. C’est donc Dieu seul qui peut apaiser le désir de l’homme et le rendre heureux, et être une récompense convenable pour le roi. En outre, l’esprit humain connaît le bien universel par l’intellect, et le désire par la volonté : or le bien universel ne se trouve qu’en Dieu. Il n’y a donc rien qui puisse faire l’homme heureux en comblant son désir si ce n’est Dieu, dont il est dit dans le Psaume CII, 5 : "Il comble de biens ton désir." C’est en lui donc que le roi doit placer sa récompense. Aussi, en considérant cela, le roi David disait dans le Psaume LXXII, 25 : "Qu’y a-t-il pour moi dans le Ciel et qu’ai-je voulu de toi sur la terre ?" Répondant ensuite à cette question, il ajoute : "Le bien est pour moi d’adhérer à Dieu et de mettre dans le Seigneur Dieu mon espérance." En effet, c’est Lui-même qui donne aux rois non seule ment le salut temporel, par lequel Il protège en même temps les hommes et les bêtes, mais encore le salut dont Il dit par la voix d’Isaïe (LI, 6) : "Mon salut sera pendant l’éternité", celui par lequel Il sauve les hommes en les conduisant jusqu’à l’égalité avec les anges. C’est la gloire de Dieu, non des hommes, que recherchent les bons roisAinsi donc on peut vérifier que la récompense du roi est l’honneur et la gloire. En effet, quel honneur mondain et périssable peut être semblable à cet honneur qui fait l’homme concitoyen et familier de Dieu, le compte au nombre des fils de Dieu, et lui fait obtenir l’héritage du royaume céleste avec le Christ ? C’est cet honneur que désirait et admirait le roi David quand il disait (Psaume CXXXVIII, 17) : "Vos amis sont trop honorés, ô Dieu." Quelle gloire humaine peut être comparée à cette louange, que ni la langue trompeuse des flatteurs, ni l’opinion erronée des hommes ne prononce, mais qui provient du témoignage intérieur de la conscience et est confirmée par celui du Christ, qui promet à ses confesseurs de les confesser dans la gloire du Père, en présence des anges de Dieu. Or, ceux qui cherchent cette gloire, la trouvent, et ils obtiennent la gloire des hommes, qu’ils ne cherchent pas, à l’exemple de Salomon, qui, non seulement reçut du Seigneur la sagesse qu’il demandait, mais fut rendu glorieux, au-dessus de tous les autres rois. |
|
|
|
CHAPITRE 9 — LE ROI OBTIENT LA BÉATITUDE LA PLUS HAUTE |
|
Il faut d’autant plus de vertu qu’on a plus d’hommes à gouverner Plus grande est la vertu, plus grande sera la béatitudeIl nous reste enfin à considérer que ceux qui exécutent dignement et d’une manière qui mérite la louange leur office de rois, obtiennent aussi un degré éminent de béatitude céleste. Si, en effet, la béatitude est la récompense de la vertu, il s’ensuit qu’à une vertu plus grande est dû un degré plus élevé de béatitude. Or elle est supérieure la vertu par quoi un homme peut diriger non seulement lui-même, mais encore les autres; et elle l’est d’autant plus qu’elle dirige un plus grand nombre, puisque de même selon la vertu corporelle quelqu’un est réputé d’autant plus valeureux qu’il peut vaincre plus d’ennemis ou soulever plus de poids. Ainsi donc une plus grande vertu est requise pour se gouverner une famille que pour se gouverner soi seul, et une bien plus grande pour le gouvernement d’une cité ou d’un royaume. C’est donc le propre d’une vertu supérieure que de bien exercer l’office de roi, et cette vertu u droit, par conséquent, à une récompense supérieure dans la béatitude. Partout ceux qui dirigent les autres méritent plus de louangeEn plus, dans tous les arts et tous les pouvoirs, ceux qui dirigent bien les autres sont plus dignes de louange que ceux qui se comportent bien selon la direction d’un autre. En effet, dans les sciences spéculatives, il est plus grand de transmettre, en l’enseignant, la vérité aux autres, que de pouvoir recevoir ce qui est enseigné par d’autres. Dans les arts et métiers techniques de même, on estime davantage et on paie d’un plus grand prix l’architecte qui dispose le plan de l’édifice que l’artisan qui oeuvre de ses mains d’après le plan du premier; et dans les choses de la guerre, la prudence du chef tire une plus grande gloire de la victoire que le courage du soldat. Or celui qui dirige la multitude est, par rapport aux actions qui doivent être faites selon la vertu par les individus, comme le docteur par rapport à ce qu’il enseigne, comme l’architecte par rapport à ce qu’il construit, et le général par rapport aux batailles. Le roi est donc digne d’un plus grand prix, s’il a bien gouverné ses sujets, que l’un de ses sujets qui se sera bien conduit sous le gouvernement du roi. Le bien de la multitude est plus grand que celui de l’individu La vertu qui procure ce bien est plus grandeEn outre, si le propre de la vertu est que, par elle, l’oeuvre de l’homme soit rendue bonne, on voit que le propre d’une vertu plus grande est que, par elle, quelqu’un opère un plus grand bien. Or le bien de la multitude est plus grand et plus divin que le bien d’un seul, c’est pourquoi on supporte parfois le malheur d’un seul s’il profite au bien de la multitude; ainsi on met à mort un brigand afin de donner la paix à la multitude. Et Dieu Lui-même ne permettrait pas qu’il y eût des maux dans le monde, s’Il n’en tirait des biens pour l’utilité et la beauté de l’univers. Or il appartient à l’office de roi de procurer, avec zèle, le bien de la multitude. Une récompense plus grande est donc due au roi pour son bon gouvernement, qu’à un sujet pour une bonne action. Les rois méritent louange et récompense pour leurs bonnes œuvresOr cela devient plus manifeste si on le considère sous un angle plus spécial. En effet, les hommes louent et Dieu récompense une personne privée si elle secourt les indigents, pacifie ceux qui sont en désaccord, arrache l’opprimé des mains du puissant, apporte enfin à autrui, de quelque façon que ce soit, un secours ou un conseil utile à son salut. Combien par conséquent plus digne de louange de la part des hommes et de récompense de la part de Dieu est celui qui fait jouir toute une province de la paix, qui réprime les violences, conserve la justice, et règle par ses lois et ses préceptes, ce que doivent faire les hommes ? La vertu royale porte la ressemblance de DieuLa grandeur de la vertu royale apparaît aussi en ce qu’elle porte la ressemblance de Dieu éminemment, en faisant dans le royaume ce que Dieu fait dans le monde : et c’est pourquoi dans le livre de l’Exode (XXII, 8) les juges de la multitude sont appelés dieux. Chez les Romains de même les empereurs étaient appelés dieux. Or une chose est d’autant plus agréable à Dieu qu’elle se rapproche plus de son imitation : et c’est pourquoi l’Apôtre donne cet avertissement (aux Ephésiens V, 1) : "Soyez des imitateurs de Dieu, comme ses fils bien-aimés." Mais si, d’après la parole du Sage (Ecclésiastique, XIII, 19) : "tout vivant aime son semblable", selon que les êtres causés ont d’une certaine façon une ressemblance avec leur cause, il s’ensuit donc que les bons rois sont très agréables à Dieu et doivent, plus que tous, recevoir de Lui une récompense. Les tentations du pouvoirEt de même, pour se servir des paroles de saint Grégoire : Qu’est-ce que la tempête de la mer, sinon la tempête de l’âme ? Lorsque la mer est calme, même un homme inexpérimenté dirige bien un navire, mais lorsque la mer est troublée par les flots de la tempête, même le marin habile est confondu : et c’est pourquoi, souvent, dans les difficultés du gouvernement, se perd l’exercice du bien-agir, que l’on maîtrisait en temps de paix. Car il est très difficile, comme le dit Augustin, qu’au milieu des paroles de louange et de vénération et des marques de trop grande déférence, on ne finisse par s’enorgueillir et par oublier qu’on est un homme. Et dans l’Ecclésiastique (XXXI, 8, 10) il est dit : "Bienheureux l’homme qui n’a point couru après l’or, ni n’a espéré en des trésors d’argent (…), qui a pu impunément transgresser la loi et ne l’a point transgressée, faire le mal et ne l’a point fait." C’est pourquoi on le trouve fidèle dans la mesure où il a été éprouvé dans l’oeuvre de la vertu, d’où, selon un proverbe de Bias : "Le pouvoir révèle un homme." Beaucoup, en effet, par venant au faîte du pouvoir, déchoient de la vertu, qui, tandis qu’ils étaient dans un humble état, paraissaient vertueux. Les princes sont dignes d’indulgenceLa
difficulté même qui menace les princes dans l’accomplissement du bien les
rend donc dignes d’une plus grande récompense, et si parfois ils ont péché
par infirmité, ils en sont plus excusables devant les hommes, et ils
obtiennent plus facilement le pardon de Dieu, si toutefois, comme le dit
saint Augustin, ils ne négligent pas d’offrir au vrai Dieu qui est le leur,
un sacrifice d’humilité, de commisération et de prière pour leurs péchés.
Nous en avons pour exemple Achab, roi d’Israël, qui avait beaucoup péché, au
sujet duquel le Seigneur dit à Hélie (IIIe Livre des Rois, XXI, 29) : "Parce
qu’il s’est humilié à cause de moi, je n’enverrai pas ce malheur pendant sa
vie." Confirmation par l’Ecriture sainteIl est non seulement montré par la raison mais encore confirmé par l’autorité divine qu’une récompense éminente est due aux rois. Il est dit, en effet, dans Zacharie (XII, 8) que, "dans ce jour de béatitude où le Seigneur sera le protecteur de ceux qui habitent en Jérusalem", c’est-à-dire dans la vision d’éternelle paix pour les demeures de nous tous, elle seront comme la maison de David, car tous seront rois et régneront avec le Christ, unis à lui comme les membres à la tête, mais que, pour la demeure de David [c'est-à-dire pour la demeure des rois], elle sera comme la demeure de Dieu, car de même qu’en gouvernant avec fidélité, ils ont fait oeuvre divine à l’égard du peuple, ainsi dans la récompense ils seront plus proches de Dieu et lui adhéreront de plus près. Les Gentils eux mêmes en avaient comme un pressentiment quand ils croyaient que ceux qui gouvernaient et défendaient les cités étaient transformés en dieux. |
|
|
|
CHAPITRE 10 — LES TYRANS SONT PRIVÉS DES BIENS TEMPORELS |
|
La récompense céleste doit pousser les rois à bien gouvernerPuisqu’une si grande récompense est proposée aux rois dans la béatitude céleste, s’ils se sont bien conduits dans leur gouvernement, ils doivent s’observer eux- mêmes avec un soin diligent afin de ne pas tomber dans la tyrannie. Rien, en effet, ne leur doit tenir plus à coeur que de passer de l’honneur royal qui les élève sur terre à la gloire du royaume céleste. En vérité, ils se trompent les tyrans qui délaissent la justice pour quelques avantages terrestres, eux qui se privent d’une récompense si grande, qu’ils pouvaient acquérir en gouvernant avec justice. Qu’il soit insensé de perdre les biens les plus grands et éternels pour des biens de cette sorte, minimes et temporels, nul, sinon l’insensé ou l’infidèle, ne l’ignore. Les biens temporels profitent plus à ceux qui sont justes Les tyrans sont privés du premier de ces biens, l’amitié des sujetsIl faut encore ajouter que ces avantages temporels à cause desquels les tyrans abandonnent la justice profitent plus aux rois qui observent la justice. Tout d’abord, en effet, parmi toutes les choses de ce monde, il n’est rien qui paraisse préférable à une amitié digne. Car c’est elle qui unit les hommes vertueux, qui conserve et promeut la vertu. C’est elle aussi dont tous ont besoin dans toutes les tâches qu’ils ont à mener, sans qu’elle vienne les importuner dans la prospérité, ni les abandonner dans l’adversité. C’est elle qui apporte les plus grandes délectations, à tel point que, sans amis, n’importe quelle chose délectable se tourne en dégoût. L’amour rend les épreuves les plus rudes faciles et presque nulles. Et la cruauté d’un tyran n’est jamais si grande, qu’il ne se laisse charmer par l’amitié. En effet, comme jadis Denys, tyran de Syracuse, voulait faire périr l’un de deux amis, nommés Damon et Pythias, celui qui devait mourir obtint un délai, pour aller chez lui mettre en ordre ses affaires; l’autre se livre au tyran, en gage de son retour. Cependant comme le jour fixé approchait et que le premier ne venait pas, tous accusaient de folie celui qui s’était porté garant. Mais celui-ci déclarait n’avoir aucune crainte quant à la fidélité de son ami. Or, à l’heure même où il devait être exécuté, celui-ci revint. Frappé de leur magnanimité à tous deux, le tyran fit grâce du supplice en raison de la fidélité de leur amitié, et les pria de la recevoir comme tiers dans leur amitié. Mais, ce bien de l’amitié, les tyrans, quoiqu’ils le désirent, ne peuvent cependant l’obtenir. Car du moment qu’ils ne recherchent pas le bien commun, mais leur bien propre, ils ont très peu ou pas du tout de communion avec leurs sujets. Or toute amitié est fondée sur quelque communion. En effet, ceux que rapprochent soit l’origine naturelle, soit la ressemblance des moeurs, soit la communion de quelque société, ce sont eux, nous le voyons, qui sont unis par l’amitié. Elle est donc petite ou plutôt nulle, l’amitié du tyran et des sujets; et de même, comme les sujets sont opprimés par l’injustice du tyran et ne se sentent pas aimés, mais méprisés, ils ne l’aiment d’aucune façon. Et les tyrans n’ont pas de raison de se plaindre de leurs sujets, s’ils ne sont pas aimés d’eux, puisque eux-mêmes ne se montrent pas à eux tels qu’ils doivent s’en faire aimer. Les bons rois sont aimés de leurs sujets, ce qui est cause de stabilitéMais les bons rois, quand ils s’appliquent de tout leur zèle au progrès commun, et que leurs sujets sentent qu’ils retirent de ce zèle de nombreux avantages, sont chéris du plus grand nombre, ils montrent par là qu’ils aiment leurs sujets. Car ce serait la pire des malices qui puisse se produire dans une multitude, que de haïr ses amis et de rendre à ses bienfaiteurs le mal pour le bien, Et de cet amour provient que le trône des bons rois est stable, puisque leurs sujets ne refusent pas de s’exposer pour eux aux plus graves dangers. Nous en trouvons un exemple en Jules César, dont Suétone rapporte qu’il chérissait à ce point ses soldats, qu’ayant appris que certains d’entre eux avaient été massacrés, il ne se f point couper les cheveux et la barbe avant de les avoir vengés. Par cette action, il se rendit ses soldats à tel point dévoués et courageux, que plusieurs d’entre eux, ayant été faits prisonniers, refusèrent d’avoir la vie qu’on leur accordait à condition qu’ils consentissent à combattre contre César. De même Octavien Auguste, qui usa du pouvoir avec une très grande modération, était tellement aimé de ses sujets, que plusieurs, au moment de mourir, firent immoler des victimes votives parce qu’il leur survivait. La domination des tyrans ne peut durer longtempsIl n’est donc pas facile d’ébranler le pouvoir d’un prince que le peuple aime d’une affection si unanime; c’est pourquoi Salomon dit au livre des Proverbes XXIX, 14) : "Un roi qui juge les pauvres avec justice, son trône sera affermi pour l’éternité." Mais le pou voir des tyrans ne peut pas être durable, puisqu’il est odieux à la multitude. Car ce qui répugne aux voeux du grand nombre ne peut être conservé longtemps. En effet, difficilement quelqu’un peut traverser la vie présente sans qu’il souffre quelques adversités. Or, au temps de l’adversité, l’occasion ne peut manquer de s’insurger contre le tyran, et dès que l’occasion se présentera, il se trouvera au moins un homme, parmi la multitude, pour en profiter. Le peuple accompagne de ses voeux celui qui s’insurge, et ce qui est tenté avec la faveur de la multitude manquera difficilement d’aboutir. Il ne peut donc guère arriver que la domination du tyran se prolonge longtemps. Ne pouvant pas compter sur la fidélité, le tyran règne par la crainte Celle-ci est un fondement fragileCeci apparaît encore manifestement, si l’on considère par quoi la domination d’un tyran est conservée. Car ce ne peut être par l’affection, puisque l’amitié de la multitude sujette pour le tyran est petite ou nulle, comme nous l’avons vu plus haut. Quant à la fidélité des sujets, les tyrans ne peuvent s’y fier. Car on ne trouve pas dans une multitude une vertu si grande, qu’elle soit retenue, par sa fidélité, de rejeter le joug d’une injuste servitude, si elle en a la possibilité. Probablement même, selon l’opinion de beaucoup, on n’agirait pas contrairement à la fidélité, en s’opposant d’une manière ou d’une autre à l’iniquité du tyran. Il reste donc que le gouvernement du tyran n’est soutenu que par la seule crainte; c’est pourquoi celui-ci applique tous ses efforts à se faire craindre de ses sujets. Or la crainte est un fondement débile. Car ceux qui sont sous l’emprise de la crainte, s’il arrive une occasion qui leur laisse espérer l’impunité, se révoltent contre ceux qui les commandent, avec d’autant plus d’ardeur que leur volonté était plus contrainte par cette seule crainte. De même une eau contenue par violence, s’écoule avec plus d’impétuosité quand elle a trouvé une issue. Mais la crainte elle-même n’est pas sans danger, car un grand nombre sous l’effet d’une crainte excessive sont tombés dans le désespoir. Or quand on désespère de son salut, on se précipite sou vent avec audace vers n’importe quelles tentatives. La domination d’un tyran ne peut donc pas être de longue durée. Exemples dans l’histoireCeci encore n’est pas moins rendu évident par les exemples que par les arguments rationnels. En effet, si l’on considère les faits et gestes des anciens et les événements de l’époque moderne, on trouve difficile ment quelque tyran dont la domination ait duré longtemps. C’est pourquoi Aristote, dans sa Politique (Lib. V, cap. IX, 23), après avoir énuméré de nombreux tyrans, montre que leur domination à tous a pris fin après un temps court; quelques-uns d’entre eux cependant commandèrent plus longtemps, parce qu’ils n’excédaient point beaucoup dans la tyrannie, mais en beaucoup de points imitaient la modération d’un roi. Dieu permet les tyrans pour punir le peupleCeci
devient encore plus manifeste quand on considère le jugement de Dieu. En
effet, comme il est dit dans le Livre de Job (XXX IV, 30) : "Dieu
fait régner l’homme hypocrite à cause des péchés du peuple." Or
personne ne peut être appelé hypocrite avec plus de vérité que celui qui
assume l’office de roi et se montre un tyran. Car on appelle hypocrite celui
qui joue le rôle d’un autre, comme on a coutume de le faire dans les
spectacles de théâtre. Ainsi donc Dieu a permis la domination des tyrans pour
punir les péchés des sujets. Une telle punition est ordinairement appelée
dans l’Ecriture "colère de Dieu". C’est pourquoi le Seigneur
dit par la bouche d’Osée (XIII, 30) : "Je vous donnerai un roi dans
ma colère." Mais malheureux le roi qui est accordé au peuple dans la
colère de Dieu. Car sa domination ne peut être stable : parce que "Dieu
n’oubliera jamais d’avoir pitié et que dans Sa colère, Il n’oubliera jamais
Sa miséricorde" (Psaume LXXVI, 10). N’est-il pas dit dans Joël (II, 13)
: "qu’a Il est compatissant, plein de miséricorde, et s’afflige du
mal qu’Il envoie". Dieu donc ne permet pas aux tyrans de régner
longtemps, mais après la tempête déchaînée par eux sur le peuple, Il amènera,
par leur rejet, la tranquillité. C’est pourquoi il est dit dans
l’Ecclésiastique (X, 17) : "Dieu a détruit le trône des chefs
superbes et Il a fait asseoir les doux à leur place." Les rois justes acquièrent plus de richesses que les tyransL’expérience fait encore mieux apparaître que les rois acquièrent plus de richesses par la justice que les tyrans par leur rapine. Parce qu’en effet la domination des tyrans déplaît à la multitude qui leur est soumise, les tyrans ont besoin d’avoir de nombreux satellites, qui leur assurent la sécurité contre leurs sujets; pour leur entretien, il leur est nécessaire de dépenser plus de biens qu’ils n’en volent à leurs sujets. Mais les rois dont le pouvoir plaît aux sujets, les ont tous comme satellites pour leur protection; ils n’ont pas besoin de dépenser pour eux, mais parfois, en cas de nécessité, ceux-ci donnent d’eux-mêmes aux rois plus que les tyrans ne pourraient leur arracher, et ainsi se trouve réalisé ce que dit Salomon (Proverbes XI, 24) : "Les uns c’est-à-dire les rois — distribuent leurs propres richesses en faisant du bien à leur sujets et ils en deviennent plus riches. Les autres — c’est-à-dire les tyrans — ravissent les biens qui ne sont pas à eux et sont constamment dans le besoin." D’une manière semblable, il arrive, par un juste jugement de Dieu, que ceux qui amassent injustement des richesses, les vilipendent inutilement, ou même en sont justement dépouillés. Car comme dit Salomon dans l’Ecclésiaste (V, 9) : "L’avare ne sera pas rassasié par l’argent et celui qui aime les richesses n’en recueillera pas le fruit." Bien plus, comme il est dit dans les Proverbes (XV, 27) : "Celui qui suit sa cupidité trouble sa maison." Mais les rois qui cherchent la justice reçoivent des richesses de Dieu, comme Salomon, qui, ayant demandé la sagesse pour rendre un jugement, reçut la promesse d’une abondance de richesses. Les bons rois laissent une bonne renomméeQuant à la renommée, il paraît inutile d’en parler. Car qui doute que les bons rois, non seulement pendant leur vie, mais plus encore après leur mort, ne vivent d’une certaine manière par les louanges des hommes et ne soient regrettés, mais que le nom des mauvais, ou bien ne disparaisse aussitôt, ou bien, s’ils ont été d’une perversité exceptionnelle, ne demeure fixé dans un souvenir détestable ? C’est ce qui fait dire à Salomon (Proverbes X, 7) : "Le souvenir du juste est dans les louanges, mais le nom des impies pourrit", ou qu’il disparaisse, ou qu’il subsiste avec sa puanteur. |
|
|
|
CHAPITRE 11 — UN CHATIMENT ÉTERNEL EST LA PUNITION DES TYRANS |
|
On acquiert par la justice les biens que les tyrans convoitent, au prix de l’injusticeD’après ce que nous avons dit, il est donc manifeste que la stabilité du pouvoir, les richesses, l’honneur et la renommée répondent plus aux voeux des rois que des tyrans, cependant que pour se les procurer d’une manière contraire au droit, un prince tombe dans la tyrannie. Car personne ne s’écarte de la justice s’il n’est attiré par le désir de quelque avantage. Le tyran mérite le châtiment éternelLe tyran est en outre privé de la béatitude la plus élevée, qui est due comme récompense aux rois, et, ce qui est plus grave, il se réserve le plus grand tourment comme châtiment. Si, en effet, celui qui dépouille un homme, le réduit en servitude, ou le tue, mérite le plus grand châtiment qui, quant au jugement des hommes, est la mort, quant au jugement de Dieu, la damnation éternelle, à combien plus forte raison faut-il penser que le tyran mérite les pires supplices, lui qui vole partout et à tous, qui entreprend contre la liberté de tous, qui tue n’importe qui pour le bon plaisir de sa volonté ? Il est rare que les tyrans se repententDe plus, enflés du vent de l’orgueil, abandonnés justement de Dieu pour leurs péchés, et corrompus par les flatteries des hommes, rarement de tels hommes se repentent, et plus rarement encore peuvent-ils donner une juste satisfaction. Quand, en effet, restitueront-ils tout ce qu’ils ont enlevé, en passant outre le devoir de justice ? Cependant personne ne doute qu’ils ne soient tenus de restituer tout cela. Quand donc indemniseront-ils ceux qu’ils ont oppressés et qu’ils ont injustement lésés d’une manière ou d’une autre ? Les tyrans sont responsables des crimes de leurs successeursCe qui s’ajoute encore à leur impénitence, c’est qu’ils estiment que tout ce qu’ils ont pu faire impunément, sans rencontrer de résistance, leur est permis, d’où non seulement ils ne se tourmentent pas pour réparer les maux qu’ils ont commis, mais usant de leur habitude comme d’une autorité, ils transmettent à leurs successeurs l’audace de pécher, et ainsi ils sont tenus coupables devant Dieu non seulement de leurs propres crimes, mais encore des crimes de ceux à qui ils ont donné l’occasion de pécher. La dignité de leur fonction aggrave leur péchéLeur péché est encore aggravé par la dignité de l’office qu’ils ont assumé. De même, en effet, qu’un roi de la terre punit plus sévèrement ses ministres, s’il découvre qu’ils lui sont opposés, ainsi Dieu punira davantage ceux qu’Il a faits les agents et les ministres de son gouvernement, s’ils agissent mal et tournent en amertume le jugement de Dieu. C’est pourquoi il est dit aux rois iniques, dans le Livre de la Sagesse (VI, 4) : "Parce que, quand vous étiez les ministres de Sa royauté, vous n’avez pas jugé avec droiture, ni observé la loi de notre justice, ni marché selon la volonté de Dieu, Il vous apparaîtra terrible et soudain, parce qu’un jugement très rigoureux s’exerce sur ceux qui ont le pouvoir. Car au petit on accorde la miséricorde, mais les puissants seront puissamment châtiés". Et il est dit à Nabuchodonosor, dans Isaïe (XIV, 15) : "Tu seras entraîné dans les enfers au fond de l’abîme. Ceux qui te verront se pencheront vers toi et ils te regarderont" comme si tu étais plongé plus profondément dans les châtiments. Celui qui gouverne doit donc se montrer roi, non tyranSi donc les rois reçoivent des biens temporels en abondance et si un rang supérieur dans la béatitude leur est préparé par Dieu, par contre les tyrans sont frustrés, la plupart du temps, des biens temporels qu’ils désirent, étant en outre sous la menace de nombreux dangers, et, ce qui est pire, ils sont privés des biens éternels, et réservés pour les plus lourds châtiments. Il faut donc que ceux qui reçoivent la charge de gouverner s’appliquent avec force à se montrer à leurs sujets des rois, non des tyrans. Questions précédemment traitéesQu’est-ce qu’un roi; qu’il convient à la multitude d’avoir un roi, et, de plus, qu’il est utile à un chef de se montrer roi, non tyran, à la multitude qu’il gouverne, voilà ce que nous avions à dire. Comme conséquence à ce que nous avons dit, il nous faut considérer quel est l’office du roi et ce que doit être celui-ci. Le gouvernement du monde par DieuPuisque les choses de l’art imitent celles de la nature —c’est à celles-ci que nous nous conformons afin de pouvoir opérer selon la raison— le mieux semble de tirer le modèle de l’office de roi de la forme du gouvernement naturel. Or on trouve dans la nature un gouvernement universel, et un gouvernement particulier. Un gouvernement universel, selon que toutes choses sont contenues sous le gouvernement de Dieu qui dirige l’univers par Sa providence. |
|
|
|
CHAPITRE 12 — L’OFFICE DU ROI |
|
Le gouvernement de la raison dans l’hommeQuant au gouvernement particulier, qui a, en vérité, une très grande ressemblance avec le gouvernement divin, il se trouve dans l’homme, qui, à cause de cela est appelé petit monde (minor mundus), parce qu’en lui se trouve la forme du gouvernement universel. En effet, comme toutes les créatures corporelles et toutes les puissances spirituelles sont contenues sous le gouvernement divin, de même les membres du corps et les autres facultés de l’âme sont régies par la raison, et ainsi, d’une certaine façon, la raison se comporte dans l’homme comme Dieu dans le monde. L’unité de la société est assurée par un principe directeurMais, puisque, comme nous l’avons montré plus haut, l’homme est un animal naturellement social vivant en multitude, la similitude avec le gouverne ment divin dans l’homme ne se trouve pas seulement en ce qu’un homme individuellement est gouverné par la raison, mais encore en ce que la multitude est régie par la raison d’un seul homme ; c’est là surtout le propre de l’office de roi, puisque chez certains animaux aussi, qui vivent en société, on trouve une certaine similitude avec ce gouvernement, comme c’est le cas chez les abeilles qui, dit-on, possèdent aussi des rois, non que chez elles ce gouvernement se fasse par la raison, mais par un instinct de la nature, inscrit en elles par le Souverain-Gouverneur, qui est l’auteur de la nature. La vocation de roiQue le roi connaisse donc qu’il a reçu cet office, afin d’être dans son royaume, comme l’âme dans le corps, et comme Dieu dans le monde. S’il réfléchit avec appli cation à ces choses, d’une part, le zèle de la justice s’allume en lui, quand il considère qu’il a été établi pour exercer dans son royaume l’office de juge à la place de Dieu, d’autre part, il acquiert la douceur de la mansuétude et de la clémence, en pensant à tous ceux qui sont soumis à son gouvernement comme à ses propres membres. |
|
|
|
CHAPITRE 13 — LES DEVOIRS DU ROI |
|
Les deux opérations de Dieu dans le monde et celles de l’âme dans le corpsIl faut donc considérer ce que Dieu fait dans le monde, car ainsi ce que doit faire le roi sera manifeste. II y a en tout à considérer deux opérations de Dieu dans le monde : l’une par laquelle Il le crée, l’autre par laquelle Il le gouverne une fois créé. L’âme aussi exerce cette double fonction à l’égard du corps. C’est en effet en vertu de l’âme que le corps d’abord est informé; ensuite il est régi et mû par l’âme. Les deux fonctions du roi : la fondation et le gouvernement de la citéOr de ces deux opérations, la seconde se rapporte plus proprement à l’office du roi. C’est pourquoi le fait de gouverner (gubernatio) concerne tous les rois, et de ce qu’ils régissent le gouvernement, ils reçoivent le nom de roi. Quant à la première opération, elle ne convient pas à tous les rois. Car tous ne fondent pas le royaume ou la cité, où ils règnent, mais ils dépensent les soins de leur gouvernement pour un royaume ou une cité déjà fondés. Mais il faut considérer que, s’il n’y avait pas eu précédemment quelqu’un qui fonde la cité ou le royaume, le gouvernement du royaume n’aurait pas lieu de s’exercer. Car l’office de roi comprend aussi la fondation d’une cité ou d’un royaume. Certains, en effet, fondèrent les cités, sur lesquelles ils devaient régner, comme Ninus à Ninive et Romulus à Rome. Pour bien gouverner, le roi doit connaître la raison d’être du royaume. Exemple de la création du monde. Semblablement encore il appartient à l’office du gouvernement qu’il conserve les biens qu’il gouverne et qu’il en use pour quoi ils ont été créés. L’office du gouvernement ne pourrait donc pas être pleinement connu, si l’on ignorait la raison de l’institution. Or la raison de l’institution d’un royaume doit être tirée de l’exemple de l’institution du monde : dans celui-ci on considère d’abord la production des choses elles- mêmes, puis la distinction ordonnée des parties du monde. Ensuite, on voit les diverses espèces d’êtres distribuées dans chaque partie du monde, comme les étoiles dans le ciel, les oiseaux dans l’air, les poissons dans l’eau, les animaux sur terre, enfin on voit que chacune de ces parties a été pourvue avec abondance par Dieu des choses dont elle a besoin. Référence au récit de la GenèseMoïse a exprimé avec pénétration et exactitude ce plan de la création (institutionis ratio). En effet, il nous propose d’abord la production des choses en disant (Genèse I, I et sq.) : "Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre"; ensuite il enseigne que toutes choses ont été distinguées par Dieu selon l’ordre qui convient, c’est-à-dire, le jour séparé de la nuit, les eaux inférieures des supérieures, la mer de la terre sèche. Puis il rapporte que le ciel fut orné de luminaires, l’air d’oiseaux, la mer de poissons, la terre d’animaux, enfin que la domination sur la terre et les animaux a été assignée aux hommes. Il enseigne encore que l’usage des plantes leur a été donné par la Providence divine, tant à eux qu’aux autres animaux. Devoirs du fondateur de cité ou de royaumeOr le fondateur d’une cité ou d’un royaume ne peut pas produire des hommes nouveaux, des lieux pour leur habitation, ni d’autres ressources indispensables à la vie, mais il doit nécessairement utiliser les choses qui préexistent dans la nature. De même, les autres arts reçoivent de la nature la matière de leur opération, comme les artisans prennent du fer, l’architecte du bois et des pierres, pour l’exercice de leur art. Il est donc nécessaire que le fondateur d’une cité et d’un royaume choisisse d’abord un emplacement convenable dont la salubrité conserve les habitants, dont la fécondité suffise à la subsistance, dont l’agrément les charme, et dont les fortifications les protègent des ennemis. Que si quelqu’un des avantages énumérés fait défaut, le lieu sera d’autant plus convenable qu’il en possédera un plus grand nombre, du moins parmi ceux qui sont plus indispensables. Enfin, il est nécessaire que le fondateur d’une cité ou d’un royaume distribue le lieu choisi selon l’exigence des conditions requises par la perfection de la cité ou du royaume Par exemple, si c’est un royaume qu’il s’agit de fonder, il faut prévoir les emplacements propres à l’établissement des villes, des bourgades, des camps fortifiés; où l’on instituera les universités, où les champs d’exercice pour les soldats, où les marchés, et ainsi de toutes les autres choses que requiert la perfection du royaume. Si c’est de l’institution d’une cité qu’on s’occupe, on doit prévoir quel lieu sera réservé au culte, lequel pour rendre la justice, quel quartier assigné à chaque corps de métier. Ensuite, il faut réunir les hommes, à qui on désigne un lieu approprié selon leur fonction. On doit enfin pourvoir à ce que chacun reçoive ce qui lui est nécessaire selon sa condition (constitutio) et son état, car autrement un royaume ou une cité ne pourraient subsister en aucune façon. Tels sont donc, exposés sommairement, et tirés de la ressemblance avec l’institution du monde, les devoirs, qui, dans la fondation d’une cité ou d’un royaume, relèvent de la fonction royale. |
|
|
|
CHAPITRE 14 — LE POUVOIR SPIRITUEL ET LE POUVOIR TEMPOREL |
|
Gouverner un être consiste à le conduire pers sa finComme il convient que l’institution d’une cité ou d’un royaume se fasse d’après le modèle de l’institution du monde, ainsi faut-il tirer du gouvernement [l’ordre (ratio) du gouvernement de la cité]. Ce que l’on doit cependant en premier lieu considérer c’est que gouverner consiste à conduire convenablement ce qui est gouverné, à la fin qui lui est due. Ainsi, l’on dit qu’un navire est gouverné quand, par l’habileté du pilote, il est conduit sans dommages au port par le droit chemin. Si donc quelque chose est ordonnée à une fin extrinsèque, comme le navire au port, l’office de celui qui gouverne sera non seule ment de conserver intacte la chose en elle-même, mais en plus de la conduire à sa fin. Mais s’il y avait quelque chose, dont la fin ne fût pas en dehors d’elle-même, l’intention de celui qui gouverne tendrait seulement à conserver cette chose intacte dans sa perfection. Et quoique rien de tel ne se trouve parmi les êtres, hors Dieu lui-même, qui est à toute chose sa fin, cependant ce qui est ordonné à une fin extrinsèque est, de multiples points de vue, objet du soin de différents hommes. En effet, l’un pourra avoir la charge de conserver une chose dans son être; un autre de l’amener à une plus haute perfection, comme il apparaît manifestement dans le navire, d’où l’on tire la ratio du gouvernement. En effet, le charpentier a la charge de réparer les détériorations qui se seraient produites dans le navire, tandis que le pilote a le souci de le conduire au port. H arrive encore la même chose dans l’homme, car le médecin porte la charge de conserver en bonne santé la vie de l’homme, l’économe celle de fournir ce qui est nécessaire à sa subsistance, le docteur a le souci de lui faire connaître la vérité, l’éducateur (institutor morum) celui de le faire vivre selon la raison. Et si l’homme n’était pas ordonné à un autre bien en dehors de lui, les charges que nous venons d’énumérer lui suffiraient. La béatitude dernière de l’homme Il appartient à l’Eglise de nous conduireMais tant qu’il est dans cette vie mortelle, il y a pour l’homme un certain bien extrinsèque, à savoir l’ultime béatitude, qu’il attend après la mort dans la fruition de Dieu. Parce que, comme dit l’Apôtre dans la deuxième Epître aux Corinthiens (V, 6) : "Tant que nous sommes dans ce corps, nous pérégrinons loin du Seigneur." C’est pourquoi le chrétien à qui cette béatitude est acquise par le sang du Christ, et qui pour son obtention a reçu le gage de l’Esprit Saint, a besoin d’un autre secours spirituel, par lequel il soit dirigé vers le port du salut éternel; ce secours est fourni aux fidèles par les ministres de l’Eglise du Christ. La fin de la société humaineOr il faut porter le même jugement sur la fin de toute la multitude et sur celle de l’individu. Si donc la fin de l’homme était un bien quelconque existant en lui, et si semblablement la fin ultime de la multitude à gouverner était qu’elle acquière un tel bien et s’y maintienne, et si une telle fin ultime, soit de l’homme seul, soit de la multitude, était corporelle, si c’était la vie et la santé du corps, elle regarderait la fonction du médecin. Si cette fin ultime était l’affluence des richesses, l’économe serait une sorte de roi de la multitude. Si le bien de connaître la vérité était quelque chose de tel, que la multitude puisse y atteindre, le roi aurait la fonction de docteur. Or il apparaît que la fin ultime d’une multitude rassemblée en société est de vivre selon la vertu. En effet, si les hommes s’assemblent c’est pour mener ensemble une vie bonne, ce à quoi chacun vivant isolément ne pourrait parvenir. Or une vie bonne est une vie selon la vertu; la vie vertueuse est donc la fin du rassemblement des hommes en société. La voie bonne rassemble les hommes en sociétéLe signe en est dans le fait que ceux-là seuls sont parties de la multitude rassemblée en société, qui communient les uns avec les autres dans une vie bonne. En effet, si les hommes se rassemblaient pour le seul vivre, les animaux et les esclaves seraient une des parties de la société civile. Si c’était pour acquérir des richesses, tous ceux qui négocient ensemble se rattacheraient à une seule cité; de même nous voyons ceux-là seuls être comptés comme membres d’une seule multitude qui sont dirigés vers une vie bonne sous les mêmes lois et le même gouvernement. Mais puisque l’homme, en vivant selon la vertu, est ordonné à une fin ultérieure, qui consiste dans la fruition de Dieu, comme nous l’avons déjà dit plus haut, il faut que la multitude humaine ait la même fin que l’homme pris personnellement. La fin ultime de la multitude ras semblée en société n’est donc pas de vivre selon la vertu, mais, par la vertu, de parvenir à la fruition de Dieu. La royauté temporelle et la Royauté du Christ Distinction du spirituel et du temporelMais si l’on pouvait parvenir à cette fin en vertu de la seule nature humaine, il reviendrait nécessaire ment à l’office de roi de diriger les hommes vers cette fin. En effet, nous entendons par le nom de roi, celui à qui est confié le suprême gouvernement dans les choses humaines; un gouvernement est d’autant plus élevé qu’il est ordonné à une fin plus haute. Car toujours celui qui a charge de la fin ultime commande à ceux qui opèrent les choses qui sont ordonnées à cette fin ultime; ainsi le ministre de la marine commande au constructeur quelle sorte de navire il doit faire; le pouvoir politique qui a besoin du pouvoir militaire commande à l’artisan les armes qu’il doit fabriquer. Mais puisque l’homme n’atteint pas sa fin, qui est la fruition de Dieu, par une vertu humaine, mais par une vertu divine, selon cette parole de l’Apôtre (Romains VI, 23) : "La grâce de Dieu, c’est la vie éternelle", conduire à cette fin n’appartiendra pas à un gouvernement humain, mais à un gouvernement divin. Un gouvernement de ce genre revient donc à ce roi, qui est non seulement homme, mais encore Dieu, c’est-à-dire à Notre Seigneur Jésus-Christ, qui, en faisant les hommes fils de Dieu, les a introduits dans la gloire céleste. Ceci donc est le gouvernement qui Lui a été donné et qui ne périra pas; à cause de lui, Il est appelé dans les saintes Ecritures non seulement prêtre mais roi, comme le dit Jérémie (XXIII, 5) : "Un roi régnera et il sera sage." C’est pourquoi de Lui découle le sacerdoce royal; et, bien plus, tous les fidèles du Christ, en tant qu’ils sont ses membres, sont dits rois et prêtres. Donc le ministère de ce royaume, afin que le spirituel soit distingué du temporel, est confié non aux rois terrestres mais aux prêtres, et principalement au Grand-Prêtre, successeur de Pierre, Vicaire du Christ, le Pontife Romain, auquel tous les rois de la Chrétienté doivent être soumis comme à Notre Seigneur Jésus-Christ lui-même. Car à celui à qui revient la charge de la fin ultime, doivent être soumis ceux qui ont la charge des fins antécédentes, et ils doivent être dirigés par son imperium. Le sacerdoce sous la Loi Ancienne et chez les païens était soumis aux roisParce que donc le sacerdoce des Gentils et tout le culte de leurs dieux avait pour but l’acquisition des biens temporels, qui tous sont ordonnés au bien commun de la multitude, dont le soin incombe au roi, il convenait que leurs prêtres fussent soumis aux rois. Et parce que dans l’Ancienne Loi des biens temporels étaient promis au peuple pieux, non par le démon, mais par le vrai Dieu, nous lisons dans la Loi Ancienne que les prêtres étaient soumis aux rois. Sous la Loi Nouvelle, le pou temporel est soumis au pouvoir spirituel. Les exceptions de l’ancienne Rome et de la Gaule. Mais sous la Loi Nouvelle, il existe un sacerdoce plus élevé par qui les hommes sont traduits aux choses célestes : c’est pourquoi dans la loi du Christ les rois doivent être soumis aux prêtres. A cause de cela, il arriva, de par providence divine, ce fait remarquable que, dans la ville de Rome, que Dieu avait prévue comme devant être le siège principal du peuple chrétien, une coutume s’implanta peu à peu, selon laquelle les dirigeants des cités étaient subordonnés aux prêtres. Comme, en effet, le rapporte Valère Maxime : "Notre cité a toujours considéré que toutes choses devaient être placées après la religion, même dans les choses où elle a voulu faire apparaître l’éclat de sa souveraine majesté. C’est pourquoi ses maîtres n’ont pas hésité à servir la religion, estimant ainsi conserver le gouvernement des choses humaines s’ils s’étaient bien et constamment comportés en serviteurs de la puissance divine." De même, parce qu’en Gaule, l’attachement au sacerdoce chrétien devait être très fort, il fut permis par Dieu que, déjà chez les peuples gaulois, les prêtres, qu’ils appelaient druides, définissent le droit de toute la Gaule, comme le rapporte Jules César, dans le livre qu’il a écrit au sujet de la guerre des Gaules. |
|
|
|
CHAPITRE 15 — LE ROI DOIT PROCURER LA VIE BONNE A LA MULTITUDE |
|
Soumise au sacerdoce, qui regarde la fin ultime, la royauté, qui regarde la vie bonne de la multitude, doit y subordonner, comme à leur fin, les autres biens particuliersComme la vie bonne que les hommes mènent ici-bas est ordonnée, comme à sa fin, à la vie bienheureuse dans le ciel, que nous espérons, de même au bien de la multitude sont ordonnés, comme à leur fin, tous les biens particuliers que l’homme se procure, les gains de la richesse, la santé, l’éloquence ou l’érudition. Si donc, comme nous l’avons dit, celui qui a la charge de la fin ultime, doit être placé au-dessus de ceux qui ont la charge des choses qui sont ordonnées à cette fin, et doit les diriger par son imperium, il devient manifeste d’après notre explication, que le roi, comme il doit se soumettre à l’autorité et au gouvernement qui sont administrés par l’office du sacerdoce, doit de même être à la tête de toutes les fonctions humaines et les organiser par l’imperium de son gouvernement. Quiconque, à qui il incombe de parfaire une chose, qui est ordonnée à une autre chose comme à sa fin, doit s’appliquer à ce que son ouvrage soit conforme à cette fin. Ainsi un artisan fabrique un glaive de façon à ce qu’il convienne au combat, et ainsi l’architecte doit disposer une maison qui soit apte à être habitée. Parce que, donc, la fin de la vie que nous menons présentement avec honnêteté, est la béatitude céleste, il appartient, pour cette raison, à l’office de roi de procurer à la multitude une vie bonne, selon qu’il convient à l’obtention de la béatitude céleste; c’est-à-dire qu’il doit prescrire ce qui conduit à cette béatitude céleste, et interdire, selon qu’il sera possible, ce qui y est contraire Le roi doit s’appliquer à ce que la multitude mène une vie bonneQuelle est la voie qui conduit à la vraie béatitude, et quels en sont les obstacles, cela est connu par la loi divine dont l’enseignement relève de l’office sacerdotal, selon cette parole de Malachie (II, 7) : "Les lèvres du prêtre garderont la science, et c’est de sa bouche que l’on cherchera la Loi." Et c’est pourquoi le Seigneur donne ce commandement dans le Deutéronome (XVII, 18, 19) : "Après que le roi se sera assis sur le trône de son royaume, il écrira pour lui-même dans un livre le Deutéronome de cette loi, d’après l’exemplaire des prêtres de la tribu de Lévi, et il l’aura avec lui, et il le lira tous les jours de sa vie, afin qu’il apprenne à craindre le Seigneur son Dieu, et à garder ses paroles et ses ordonnances, qui sont prescrites dans cette loi." Instruit donc par la loi divine, le roi doit veiller principalement à la manière dont la multitude qui lui est soumise mènera une vie bonne. Cet effort se divise en trois points : d’abord instituer une vie bonne dans la multitude qui lui est soumise; deuxièmement, après l’avoir établie, la conserver; troisièmement, l’ayant conservée, l’amener à une plus haute perfection. Il y a deux conditions pour qu’un homme mène une vie bonneOr pour qu’un homme mène une vie bonne, deux conditions sont requises : 1° l’une, la principale, est d’agir selon la vertu; car la vertu est ce par quoi on vit bien. 2° L’autre, secondaire, et comme instrumentale, consiste dans la suffisance des biens corporels dont l’usage est nécessaire à l’acte de vertu. L’unité elle même de l’homme est causée par la nature, mais l’unité de la multitude, que l’on appelle paix, doit être pro curée par les soins du gouvernant. Trois conditions sont requises pour instituer la pie bonne de la multitudeAinsi donc, pour instituer la vie bonne de la multitude, trois conditions sont requises. D’abord que la multitude soit établie dans l’unité de la paix ‘. Ensuite, que la multitude unie par le lien de la paix soit dirigée au bien-agir. Car, comme un homme ne peut bien agir en rien si l’on ne suppose d’abord l’unité de ses parties, ainsi la multitude des hommes, privée de l’unité de la paix, est empêchée de bien agir, étant en lutte contre elle-même. En troisième lieu, il est requis que, par l’application du gouvernant, il y ait une quantité suffisante de choses nécessaires au bien-vivre. Le roi doit conserver la vie bonne Il y a un triple obstacle au bien publicAinsi donc, l’office royal, ayant établi dans la multitude une vie bonne, doit, en conséquence, tendre à la conservation de celle-ci. Il y n trois facteurs qui ne permettent pas au bien public de se maintenir, et l’un d’eux provient de la nature. En effet, le bien de la multitude ne doit pas être établi pour un temps seulement, mais pour qu’il se prolonge, d’une certaine manière, toujours. Or comme les hommes sont mortels, ils ne peuvent durer toujours. Et pendant leur vie, ils ne sont pas toujours dans la même vigueur, puisque la vie humaine est soumise à de nombreuses variations, et ainsi, les hommes ne sont pas capables de remplir les mêmes fonctions, d’une manière égale, pendant toute leur vie. Un autre empêchement à la conservation du bien publie, qui provient de l’intérieur, consiste dans la perversité des volontés, soit qu’elles soient négligentes à accomplir les devoirs que requiert la chose publique, soit même qu’elles soient nuisibles à la paix de la multitude quand, transgressant la justice, elles bouleversent la paix des autres. Un troisième empêchement à la conservation de la chose publique a une cause extérieure : c’est le cas où, par une invasion de l’ennemi, la paix est détruite et, parfois, le royaume ou la cité anéantis de fond en comble. Le roi doit faire face à ce triple obstacleFace aux trois obstacles que nous venons de mentionner, une triple tâche presse donc au roi. La première regarde la succession des hommes et le remplacement de ceux qui remplissent les diverses fonctions : comme dans les choses corruptibles, parce qu’elles ne peuvent toujours rester les mêmes, le gouvernement divin a pourvu à ce que, par la génération, les êtres se succèdent les uns aux autres, afin que même ainsi l’intégrité de l’univers soit conservée; de même, le roi s’appliquera à conserver le bien de la multitude qui lui est soumise, en s’occupant avec sollicitude de la façon dont d’autres hommes viennent prendre la place de ceux qui font défaut. En second lieu, il doit, par ses lois et ses préceptes, par ses châtiments et ses récompenses, détourner de l’iniquité les hommes qui lui sont soumis, et les amener à des oeuvres vertueuses, en recevant son exemple de Dieu, qui a donné la loi aux hommes, récompensant ceux qui l’observent, châtiant ceux qui la transgressent. En troisième lieu, le roi a la charge de mettre en sécurité contre les ennemis la multitude qu’il commande. Rien, en effet, ne servirait d’éviter les dangers intérieurs, si l’on ne pouvait se défendre contre ceux qui viennent de l’extérieur. Le roi doit se soucier du progrès dans la vie bonneAinsi donc, pour l’institution d’une multitude bonne, il reste une troisième tâche appartenant à l’office du roi : celui-ci doit se soucier du progrès, et ceci en s’appliquant, dans tous les domaines dont nous avons parlé, à corriger, s’il se trouve quelque chose en désordre, à suppléer s’il y a quelque manque, et à parfaire, si quelque chose de meilleur peut être fait. C’est pourquoi l’Apôtre, dans la première Epître aux Corinthiens (XII, 31) conseille aux fidèles de toujours aspirer à des charismes meilleurs. Tels sont donc les devoirs qui appartiennent à l’office de roi. Il nous faut en traiter, un à un, d’une façon plus précise. |
|
|
|
|
|
Liber
2 |
LIVRE 2 — CONDITIONNEMENTS DE LA CITÉ |
Caput
1 [69952] De regno, lib. 2 cap. 1 tit. Qualiter ad regem pertinet instituere civitates vel
castra ad gloriam consequendam, et quod eligere debet ad hoc loca temperata;
et postea subiungit quae ex hoc commoda regna consequantur, et quae incommoda
de contrario |
CHAPITRE 1 — INFLUENCE DES FACTEURS CLIMATÉRIQUES SUR LA VIE DE LA CITÉ |
[69953] De regno, lib. 2 cap. 1 Primum igitur praecipue oportet exponere regis officium
ab institutione civitatis aut regni. Nam, sicut Vegetius dicit, potentissimae
nationes et principes nominati nullam maiorem potuerunt gloriam assequi, quam
aut fundare novas civitates, aut ab aliis conditas in nomen suum sub quadam
amplificatione transferre : quod quidem documentis sacrae Scripturae
concordat. Dicit enim sapiens in Eccli., quod aedificatio civitatis
confirmabit nomen. Hodie namque nomen Romuli nesciretur, nisi quia
condidit Romam. In institutione autem civitatis aut regni, si copia detur,
primo quidem est regio per regem eligenda, quam temperatam esse oportet. Ex
regionis enim temperie habitatores multa commoda consequuntur. Primo namque
consequuntur homines ex temperie regionis incolumitatem corporis et
longitudinem vitae. Cum enim sanitas in quadam temperie humorum consistat, in loco
temperato conservabitur sanitas : simile namque suo simili conservatur. Si
autem fuerit excessus caloris, vel frigoris, necesse est quod secundum
qualitatem aeris corporis qualitas immutetur : unde quadam naturali industria
animalia quaedam tempore frigido ad calida loca se transferunt, rursum
tempore calido loca frigida repetentes, ut ex contraria dispositione loci
temporis temperiem consequantur. Rursus :
cum animal vivat per calidum et humidum, si fuerit calor intensus, cito
naturale humidum exsiccatur et deficit vita; sicut lucerna extinguitur, si
humor infusus cito per ignis magnitudinem consumatur. Unde in quibusdam
calidissimis Aethiopum regionibus homines ultra tredecim annos non vivere
perhibentur. In regionibus vero frigidis in excessu, naturale humidum de
facili congelatur et calor naturalis extinguitur. Deinde ad opportunitates
bellorum, quibus tuta redditur humana societas, regionis temperies plurimum
valet. Nam, sicut Vegetius refert, omnes nationes quae vicinae sunt soli,
nimio calore siccatae, amplius quidem sapere sed minus de sanguine habere
dicuntur, ac propterea constantiam atque fiduciam de propinquo pugnandi non
habent, quia metuunt vulnera qui modicum sanguinem se habere noverunt. E
contra Septentrionales populi remoti a solis ardoribus inconsultiores quidem,
sed tamen largo sanguine redundantes, sunt ad bella promptissimi. His, qui
temperatioribus habitant plagis, et copia sanguinis suppetit ad vulnerum
mortisque contemptum, nec prudentia deficit, quae modestiam servet in
castris, et non parum prodest uti in dimicatione consiliis. Demum temperata
regio ad politicam vitam valet. Ut enim Aristoteles dicit in sua politica :
quae in frigidis locis habitant gentes, sunt quidem plenae animositate,
intellectu autem et arte magis deficientes, propter quod libere perseverant
magis. Non vivunt autem politice, et
vicinis propter imprudentiam principari non possunt. Quae autem in calidis
sunt, intellectivae quidem sunt et artificiosae secundum animam, sine
animositate autem, propter quod subiectae quidem sunt, et subiectae
perseverant. Quae autem in mediis locis habitant, utroque participant :
propter quod et liberi perseverant, et maxime politice vivere possunt, et
sciunt aliis principari. Est igitur eligenda regio temperata ad institutionem
civitatis vel regni. |
La fondation d’une ville donne au roi une grande gloireEn tout premier lieu, il faut donc exposer le devoir d’un roi, à partir de l’institution de la cité ou du royaume. En effet, comme le dit Végèce (Auteur du Ive siècle apr. J.-C., qui a écrit sur l’art militaire), les nations les plus puissantes et les princes renommés ne purent acquérir aucune gloire plus grande que quand ils fondèrent de nouvelles cités ou quand ils donnèrent leur nom à des cités fondées par d’autres, pour les avoir agrandies. Ceci concorde avec les enseignements de l’Ecriture sainte. Car, le Sage dit dans l’Ecclésiastique (XL, 19) que "l’édification d’une cité perpétuera un nom". En effet, aujourd’hui le nom de Romulus ne serait pas connu s’il n’avait fondé Rome. Le roi doit rechercher un climat tempéréPour la fondation d’une cité ou d’un royaume, si les moyens lui en sont donnés, le roi doit d’abord choisir la région, qui doit être tempérée. Car du climat tempéré de la région les habitants tireront de nombreux avantages. Un bon climat procure la santéD’abord le bon climat d’une région procure aux hommes la santé du corps et la longévité. Car, comme la santé consiste dans un certain tempérament (temperies) des humeurs, elle sera conservée dans un lieu tempéré. En effet, le semblable est conservé par son semblable. S’il y a un excès de chaleur ou de froid, il est nécessaire que la qualité du corps soit modifiée selon la qualité de l’air : c’est pourquoi, par une sorte de flair naturel, certains animaux émigrent, quand le temps devient froid, dans des lieux chauds, regagnant par contre des lieux froids quand le temps devient chaud, afin d’obtenir, par les changements de lieu, l’équilibre des saisons. D’autre part, comme l’animal vit par le chaud et l’humide, s’il survient une chaleur intense, son humidité naturelle est rapidement épuisée et il dépérit. Ainsi une lampe s’éteint si le liquide qu’elle contient est vite consumé par l’ardeur de la flamme. C’est pour quoi dans certaines régions les plus chaudes de l’Ethiopie, les hommes ne peuvent vivre au delà de trente ans. Mais dans les régions excessivement froides, l’humidité naturelle se congèle facilement, et la chaleur naturelle s’éteint. Avantages pour la défense militaireEnfin, pour la disposition aux guerres qui assurent la sécurité à la société humaine, une région tempérée a une très grande valeur. En effet, comme le rapporte Végèce, l’on dit que toutes les nations qui sont voisines du soleil, desséchées par une chaleur excessive, ont plus de sagesse, mais moins de sang, et par conséquent, leurs habitants n’ont pas la constance et la confiance dans le combat rapproché, parce que, sachant qu’ils ont peu de sang, ils craignent les blessures. Par contre, les peuples septentrionaux, éloignés des ardeurs du soleil, étant certes plus inconsidérés, mais aussi possédant un sang plus abondant, sont plus prompts à la guerre. Ceux qui habitent des régions plus tempérées, ont assez de sang pour mépriser les blessures et la mort, et ne manquent pourtant pas de la prudence qui conservera leur modération dans les camps, et qui n’est pas de peu d’utilité par les conseils qu’elle donne dans le combat. Avantages pour la vie publiqueEn outre, une région tempérée est propice à la vie politique. En effet, comme l’écrit Aristote dans sa Politique (Pol., Lib. VII, cap. VI, 1) : "Les peuples qui habitent dans des régions froides sont pleins d’énergie, mais ils sont plus dépourvus d’intelligence et d’adresse, c’est pourquoi ils conservent davantage leur liberté. Mais ils ne vivent pas d’une vie politique et ils ne peuvent commander à leurs voisins à cause de leur imprudence. Quant à ceux qui vivent aux pays chauds ils sont intelligents et pleins d’adresse, mais sans énergie, c’est pourquoi ils sont asservis et le restent. Mais ceux qui habitent dans des pays moyens, participent de l’un et de l’autre tempérament. Ainsi conservent-ils leur liberté, peu vent-ils mener une vie politique très haute, et savent- ils commander aux autres." Il faut donc choisir une région tempérée pour fonder une cité ou un royaume. |
|
|
Caput
2 [69954] De regno, lib. 2 cap. 2 tit. Qualiter eligere debent reges et principes regiones ad
civitates vel castra instituenda, in quibus aer sit salubris; et in quo talis
aer cognoscitur, et quibus signis |
CHAPITRE 2 — LES CONDITIONS HYGIÉNIQUES REQUISES PAR LA VIE DE LA CITE |
[69955] De regno, lib. 2 cap. 2 Post electionem autem regionis, oportet civitati
constituendae idoneum locum eligere, in quo primo videtur aeris salubritas
requirenda. Conversationi enim civili praeiacet naturalis vita, quae per
salubritatem aeris servatur illaesa. Locus autem saluberrimus erit, ut
Vitruvius tradit, excelsus, non nebulosus, non pruinosus, regionesque caeli
spectans, neque aestuosus, neque frigidus, demum paludibus non vicinus.
Eminentia quidem loci solet ad aeris salubritatem conferre, quia locus
eminens ventorum perflationibus patet, quibus redditur aer purus; vapores
etiam, qui virtute radii solaris resolvuntur a terra et ab aquis,
multiplicantur magis in convallibus et in locis demissis quam in altis. Unde
in locis altis aer subtilior invenitur. Huiusmodi autem subtilitas aeris,
quae ad liberam et sinceram respirationem plurimum valet, impeditur per
nebulas et pruinas, quae solent in locis multum humidis abundare : unde loca
huiusmodi inveniuntur salubritati esse contraria. Et quia loca paludosa nimia
humiditate abundant, oportet locum construendae urbi electum a paludibus esse
remotum. Cum enim aurae matutinae sole oriente ad locum ipsum pervenient, et
eis ortae a paludibus nebulae adiungentur, flatus bestiarum palustrium
venenatarum cum nebulis mixtos spargent, et locum facient pestilentem. Si tamen
moenia constructa fuerint in paludibus, quae fuerint prope mare, spectentque
ad Septentrionem, vel circa, haeque paludes excelsiores fuerint quam littus
marinum, rationabiliter videbuntur esse constructa. Fossis enim directis
exitus aquae patebit ad littus, et mare tempestatibus actum in paludes
redundando non permittet animalia palustria nasci. Et si aliqua animalia de
superioribus locis venerint, inconsueta salsedine occidentur. Oportet etiam
locum urbi destinatum ad calorem et frigus temperate disponi secundum
aspectum ad plagas caeli diversas. Si enim moenia maxime prope mare
constituta spectabunt ad meridiem, non erunt salubria. Nam huiusmodi loca
mane quidem erunt frigida, quia non respiciuntur a sole, meridie vero erunt
ferventia propter solis respectum. Quae autem ad occidentem spectant, orto
sole tepescunt vel etiam frigent, meridie calent, vespere fervent propter
caloris continuitatem et solis aspectum. Si vero ad orientem spectabunt, mane
quidem propter solis oppositionem directam temperate calescent; nec multum in
meridie calor augebitur, sole non directe spectante ad locum, vespere vero
totaliter radiis solis adversis loca frigescent. Eademque, vel similis
temperies erit, si ad Aquilonem locus respiciat urbis, e converso est quod de
meridiem respiciente est dictum. Experimento autem cognoscere possumus quod
in maiorem calorem minus salubriter aliquis transmutatur. Quae enim a
frigidis locis corpora traducuntur in calida, non possunt durare, sed
dissolvuntur, quia calor sugendo vaporem, naturales virtutes dissolvit; unde
etiam in salubribus locis corpora aestate infirma redduntur. Quia vero ad
corporum sanitatem convenientium ciborum usus requiritur, in hoc conferre
oportet de loci salubritate qui constituendae urbi eligitur, ut ex conditione
ciborum discernatur qui nascuntur in terra : quod quidem explorare solebant
antiqui ex animalibus ibidem nutritis. Cum enim hominibus aliisque animalibus
commune sit uti ad nutrimentum his quae nascuntur in terra, consequens est si
occisorum animalium viscera inveniuntur bene valentia, quod homines etiam in
loco eodem salubrius possint nutriri. Si vero animalium occisorum appareant
morbida membra, rationabilius accipi potest quod nec hominibus illius loci
habitatio sit salubris. Sicut autem aer temperatus, ita salubris aqua est
requirenda. Ex his enim maxime dependet sanitas corporum, quae saepius in
usum hominum assumuntur. Et de aere quidem manifestum est quod quotidie ipsum
aspirando introrsum attrahimus usque ad ipsa vitalia : unde principaliter
eius salubritas ad incolumitatem corporum confert. Item, quia inter ea quae
assumuntur per modum nutrimenti, aqua est qua saepissime utimur tam in
potibus, quam in cibis, ideo nihil est, praeter aeris puritatem, magis
pertinens ad loci sanitatem quam aquarum salubritas. Est et aliud signum ex
quo considerari potest loci salubritas : si videlicet hominum in loco
commorantium facies bene coloratae appareant, robusta corpora et bene
disposita membra, si pueri multi et vivaces, si senes multi reperiantur
ibidem. E converso, si facies hominum deformes appareant, debilia corpora,
exinanita membra vel morbida, si pauci et morbidi pueri, et adhuc pauciores
senes, dubitari non potest locum esse mortiferum. |
Nécessité d’un air salubre Conditions de cette salubritéAprès la région, il faut choisir un lieu convenable pour l’établissement d’une cité. Il semble qu’en premier lieu il faille rechercher un air salubre. En effet, le commerce de la vie civile présuppose la vie naturelle, qui est conservée saine par la salubrité de l’air. Or, comme le rapporte Végèce, un lieu sera très salubre, s’il est élevé, sans nuages ni brouillards, exposé à un climat ni froid ni chaud, enfin non voisin de marécages. L’élévation d’un lieu lui confère habituellement un air salubre, parce qu’un lieu élevé est ouvert au souffle des vents, qui purifient l’air; en outre, les vapeurs qui sortent de la terre sous l’action des rayons solaires sont plus nombreuses dans les vallées et les lieux bas que sur les hauteurs. C’est pour quoi dans les lieux élevés on trouve un air plus léger. Cette légèreté de l’air qui est de première importance pour une respiration libre et pure, est empêchée par les nuages et les brouillards, qui abondent habituelle ment dans les lieux humides : c’est pourquoi l’on voit que les lieux de ce genre sont contraires à la salubrité. Et parce que les lieux marécageux sont pleins d’une humidité excessive, il faut que l’emplacement que l’on aura choisi pour construire une ville soit éloigné des marais. En effet, lorsqu’au lever du soleil, les brises matinales parviennent à ce lieu, mêlées des nuages sortis des marécages, elles y répandent l’exhalaison des bêtes empoisonnées des marais mélangée aux nuages et rendent l’endroit pestilentiel. Cependant, si les murailles de la cité sont construites dans des marécages qui soient proches de la mer, et qui regardent vers le nord, ou à peu près, et si ces marais sont plus élevés que le rivage marin, il semble qu’elles soient construites rationnellement. En effet, par des fossés que l’on aura creusés, l’eau aura une issue vers le rivage, et la mer gonflée par les tempêtes, en refluant vers les marais, empêchera que naissent les bêtes des marécages. Et si certains animaux viennent des lieux plus élevés, ils seront tués par l’eau salée à laquelle ils ne sont pas habitués. Nécessité d’une bonne expositionIl faut aussi, pour modérer la chaleur et le froid, que le lieu destiné à être l’emplacement d’une ville soit exposé à divers horizons. Si, en effet, les murailles d’une ville construite toute proche de la mer sont exposées au midi, elles ne seront pas salubres. Car les lieux de ce genre seront froids le matin, parce qu’ils ne reçoivent pas le soleil, mais à midi ils seront brûlants à cause de la réverbération du soleil. Mais une ville qui regarde vers le couchant sera tiède au soleil levant, ou même froide, chaude à midi, et brûlante le soir, à cause de la continuité de la chaleur et de la présence du soleil. Si elle regarde l’orient, elle sera le matin modérément chaude, à cause de son exposition directe au soleil, à midi la chaleur n’augmentera pas beaucoup, les rayons du soleil ne la frappant pas directement, mais le soir, les rayons du soleil donnant tout à l’opposé, elle sera froide. La température y sera la même, ou semblable, si l’emplacement de la ville regarde le nord, c’est-à-dire le contraire de ce que nous avons dit d’une ville tournée vers le midi. Nous pouvons connaître, par l’expérience, qu’il n’est pas salubre de passer à une plus grande chaleur. En effet, les corps que l’on fait passer des lieux froids à des lieux chauds ne peuvent pas durer, mais se désagrègent parce que la chaleur, en aspirant leur vapeur, dissout leurs vertus naturelles; c’est pourquoi, même dans les lieux salubres, les corps s’affaiblissent en été. La salubrité des alimentsMais, parce que, pour la santé du corps, il est requis un usage d’aliments appropriés, il faut tenir compte, pour décider de la salubrité du lieu que l’on choisit pour la fondation d’une ville, de la qualité des aliments qui croissent sur son sol; c’est ce que les anciens avaient l’habitude d’examiner d’après des animaux que l’on nourrissait sur place. En effet, comme il est commun aux hommes et aux autres animaux d’utiliser pour leur nourriture les produits du sol, il s’ensuit que si l’on trouve que les viscères des animaux que l’on a tués sont en bon état, les hommes, eux aussi, peuvent être nourris dans le même lieu. Mais si les organes des animaux tués présentent un aspect morbide, l’on peut avec assez de raison en conclure que l’habitation de ce lieu n’est pas non plus salubre pour les hommes. La salubrité de l’eauDe même qu’un air tempéré, il faut rechercher une eau salubre. En effet, la santé des corps dépend surtout des aliments dont l’homme fait le plus souvent usage. Quant à l’air, il est manifeste que chaque jour, en l’aspirant, nous l’attirons à l’intérieur de nous-mêmes jusqu’aux organes vitaux; c’est pourquoi sa salubrité est d’une importance primordiale pour la santé du corps. De même, parce que, parmi les choses que nous absorbons par l’alimentation, l’eau est ce dont nous faisons le plus souvent usage, aussi bien dans les boissons que dans les aliments, rien, en dehors de la pureté de l’air, n’importe plus à l’hygiène d’un lieu que la salubrité des eaux. Les signes de la salubrité d’un lieuIl y a un autre signe d’après lequel nous pouvons nous rendre compte de la salubrité d’un lieu : c’est si le visage des hommes qui habitent ce lieu apparaît avec de bonnes couleurs, leur corps robuste, et leurs membres bien proportionnés, si les enfants y sont nombreux et vifs, et si l’on y trouve beaucoup de vieillards. Au contraire, si le visage des hommes y apparaît difforme, les corps débiles, les membres grêles ou morbides, si les enfants y sont en petit nombre et maladifs et les vieillards encore moins nombreux, on ne peut pas douter que ce lieu ne soit porteur de mort. |
|
|
Caput
3 [69956] De regno, lib. 2 cap. 3 tit. Qualiter necesse est talem civitatem, construendam a
rege, habere copiam rerum victualium, quia sine eis civitas esse perfecta non
potest; et distinguit duplicem modum istius copiae, primum tamen magis
commendat |
CHAPITRE 3 — L’ORGANISATION DE LA PRODUCTION ET DU COMMERCE |
[69957] De regno, lib. 2 cap. 3 Oportet autem ut locus construendae urbi electus non
solum talis sit, qui salubritate habitatores conservet, sed ubertate ad
victum sufficiat. Non enim est possibile multitudinem hominum habitare ubi
victualium non suppetit copia. Unde, ut Vitruvius refert, cum Xenocrates
architector peritissimus Alexandro Macedoni demonstraret in quodam monte
civitatem egregiae formae construi posse, interrogasse fertur Alexander si
essent agri qui civitati possent frumentorum copiam ministrare. Quod cum
deficere inveniret, respondit vituperandum esse si quis in tali loco
civitatem construeret. Sicut enim natus infans non potest ali sine nutricis
lacte nec ad incrementum perduci, sic civitas sine ciborum abundantia
frequentiam populi habere non potest. Duo tamen sunt modi quibus alicui
civitati potest affluentia rerum suppetere. Unus, qui dictus est, propter
regionis fertilitatem abunde omnia producentis, quae humanae vitae requirit
necessitas. Alius autem per mercationis usum, ex quo ibidem necessaria vitae
ex diversis partibus adducantur. Primus autem modus convenientior esse
manifeste convincitur. Tanto enim aliquid dignius est, quanto per se
sufficientius invenitur : quia quod alio indiget, deficiens esse monstratur.
Sufficientiam autem plenius possidet civitas, cui circumiacens regio
sufficiens est ad necessaria vitae, quam illa quae indiget ab aliis per
mercationem accipere. Dignior enim est civitas si abundantiam rerum habeat ex
territorio proprio, quam si per mercatores abundet; cum hoc etiam videatur
esse securius, quia propter bellorum eventus et diversa viarum discrimina, de
facili potest impediri victualium deportatio, et sic civitas per defectum
victualium opprimetur. Est etiam hoc utilius ad conversationem civilem. Nam
civitas quae ad sui sustentationem mercationum multitudine indiget, necesse
est ut continuum extraneorum convictum patiatur. Extraneorum autem
conversatio corrumpit plurimum civium mores, secundum Aristotelis doctrinam
in sua politica, quia necesse est evenire ut homines extranei aliis legibus
et consuetudinibus enutriti, in multis aliter agant quam sint civium mores,
et sic, dum cives exemplo ad agenda similia provocantur, civilis conversatio
perturbatur. Rursus : si cives ipsi mercationibus fuerint dediti, pandetur
pluribus vitiis aditus. Nam cum negotiatorum studium maxime ad lucrum
tendat, per negotiationis usum cupiditas in cordibus civium traducitur, ex
quo convenit, ut in civitate omnia fiant venalia, et fide subtracta, locus
fraudibus aperitur, publicoque bono contempto, proprio commodo quisque
deserviet, deficietque virtutis studium, dum honor virtutis praemium omnibus
deferetur : unde necesse erit in tali civitate civilem conversationem
corrumpi. Est autem negotiationis usus contrarius quam plurimum exercitio
militari. Negotiatores enim dum umbram colunt, a laboribus vacant, et dum
fruuntur deliciis, mollescunt animo, et corpora redduntur debilia et ad
labores militares inepta : unde secundum iura civilia negotiatio est
militibus interdicta. Denique civitas illa
solet esse magis pacifica, cuius populus rarius congregatur, minusque intra
urbis moenia residet. Ex frequenti enim hominum concursu datur occasio
litibus et seditionibus materia ministratur. Unde secundum Aristotelis
doctrinam, utilius est quidem quod populus extra civitates exerceatur, quam
quod intra civitatis moenia iugiter commoretur. Si autem civitas sit mercationibus
dedita, maxime necesse est ut intra urbem cives resideant ibique mercationes
exerceant. Melius igitur est quod civitati victualium copia suppetat ex
propriis agris, quam quod civitas sit totaliter negotiationi exposita. Nec
tamen negotiatores omnino a civitate oportet excludi, quia non de facili
potest inveniri locus qui sic omnibus vitae necessariis abundet quod non
indigeat aliquibus aliunde allatis; eorumque quae in eodem loco superabundant
eodem modo redderetur multis damnosa copia, si per mercatorum officium ad
alia loca transferri non possent. Unde oportet quod perfecta civitas moderate
mercatoribus utatur. |
Le territoire d’une ville doit suffire à la nourrirIl faut que le lieu choisi pour la construction d’une ville ne soit pas seulement tel qu’il conserve, par sa salubrité, la santé des habitants, mais encore que, par sa richesse, il suffise à les nourrir. Il est, en effet, impossible à une multitude d’hommes d’habiter où il n’y a pas une suffisante abondance de nourriture. C’est pourquoi, suivant le Philosophe, comme Xénocrate, architecte très habile, expliquait à Alexandre de Macédoine que l’on pouvait construire sur une certaine montagne une ville de grande beauté, Alexandre, dit-on, lui demanda s’il y avait des champs qui puissent fournir à la cité une abondance de froment. Comme il trouva que cette possibilité manquait, il répondit que celui qui construirait une cité dans un tel lieu serait à blâmer. En effet, comme un enfant nouveau-né ne peut être nourri ni grandir sans le lait de sa nourrice, ainsi une cité ne peut avoir une population nombreuse sans une abondance d’aliments. Il est plus avantageux pour une ville de tirer ses vivres de son propre territoire que de se les procurer par le commerceMais il y a deux manières qui puissent assurer à une cité une affluence de vivres. La première, celle dont nous avons parlé, provient de la fertilité d’une région produisant en abondance tout ce qu’exigent les nécessités de la vie humaine. L’autre provient de l’usage du commerce par lequel les produits nécessaires à la vie sont amenés de diverses régions dans un même lieu. Il est manifeste que le premier moyen est le plus avantageux. En effet, une chose est d’autant plus digne qu’elle se trouve se suffire à elle-même, parce que ce qui a besoin d’autre chose montre par là qu’il est déficient. L’importation des produits court de nombreux risquesOr une cité se suffit beaucoup mieux, quand la région environnante la pourvoit pour les choses nécessaires à la vie, que celle qui a besoin de les recevoir des autres par le commerce. En effet, une cité a plus de dignité si elle tire une abondance de choses de son territoire propre, que si elle les reçoit par des marchands. Avec cela, elle semble aussi être davantage en sécurité, parce qu’à cause des événements de la guerre et des difficultés diverses des communications, l’importation des vivres peut facilement être empêchée, et ainsi la cité sera opprimée par le défaut de ravitaillement. Un trop grand nombre de marchands nuit à la vie civileCeci est encore plus utile pour la conservation de la vie civile. En effet, une cité, qui, pour sa subsistance, a besoin d’une multitude de marchandises, doit nécessairement subir un contact continuel avec les étrangers. Or la fréquentation des étrangers corrompt le plus souvent les moeurs des citoyens, selon l’enseigne ment d’Aristote dans sa Politique : parce qu’il doit nécessairement arriver que des étrangers élevés sous des lois et des coutumes différentes, agissent, dans beaucoup de cas, autrement que l’exigent les moeurs des citoyens, et ainsi, tandis que les citoyens sont poussés par l’exemple à agir d’une façon semblable, la vie de la cité en est troublée. (Pol., Lib. VII, cap. V, 3). Les citoyens qui poursuivent un but lucratif se corrompentDe plus, si les citoyens eux-mêmes s’adonnent au commerce, la porte sera ouverte à de nombreux vices. En effet, comme tout l’effort des négociants se porte vers le gain, par la pratique du négoce la cupidité passe dans le coeur des citoyens; il en résulte que, dans la cité, tout devient vénal; que, la bonne foi étant ôtée, la place est laissée aux fraudes; que chacun, au mépris du bien public, sert son propre avantage; que l’application à la vertu fait défaut, l’honneur qui récompense la vertu étant accordé à tous. C’est pourquoi il est nécessaire que dans une telle cité la vie civile se corrompe. La pratique du commerce nuit aux exercices militairesLa pratique du commerce est encore très contraire aux exercices militaires. En effet, les négociants chérissant l’ombre, fuient les travaux, et jouissant d’une vie de plaisirs, ils amollissent leur courage et rendent leurs corps débiles et inaptes aux labeurs militaires. C’est pourquoi, d’après le droit civil, le le commerce est interdit aux soldats. Il faut éviter les rassemblements d’hommes trop fréquentsEnfin, la cité dont le peuple est moins souvent rassemblé et réside moins souvent à l’intérieur des murs, est plus pacifique. En effet, les rassemblements fréquents d’hommes donnent lieu à des procès et offrent une matière aux séditions. C’est pourquoi, selon l’enseignement d’Aristote, il est plus utile que le peuple ait une occupation au dehors des cités, qu’il ne demeure continuellement à l’intérieur des murs. Or si une cité est consacrée aux affaires, il est absolu ment nécessaire que les citoyens résident à l’intérieur de la ville pour y exercer leur commerce. Il est donc préférable pour une cité de recevoir ses vivres de son propre territoire que d’être totalement adonnée au négoce. Cependant, le commerce est utileCependant, il ne faut pas exclure complètement les marchands de la cité, parce qu’on ne peut pas facile ment trouver un lieu qui abonde de toutes les choses nécessaires à la vie, au point qu’il n’ait pas besoin de certains produits importés d’ailleurs. Et l’abondance des produits qui sont en trop grande quantité dans un même lieu serait de la même façon nuisible à beau coup, si ces produits ne pouvaient pas, par la fonction des marchands, être transportés dans d’autres lieux. C’est pourquoi il faut qu’une cité parfaite se serve des marchands avec modération. |
|
|
Caput
4 [69958] De regno, lib. 2 cap. 4 tit. Quod regio quam rex eligit ad civitates et castra
instituenda debet habere amoenitates, in quibus cives sunt arcendi ut
moderate eis utantur, quia saepius sunt causa dissolutionis, unde regnum
dissipatur [69959] De regno, lib. 2 cap. 4 Est etiam constituendis urbibus eligendus locus qui
amoenitate habitatores delectet. Non enim facile deseritur locus amoenus, nec
de facili ad locum illum confluit habitantium multitudo cui deest amoenitas,
eo quod absque amoenitate vita hominis diu durare non possit. Ad hanc autem
amoenitatem pertinet quod sit locus camporum planitie distentus, arborum
ferax, montium propinquitate conspicuus, nemoribus gratus et aquis irriguus.
Verum quia nimia amoenitas superflue ad delicias homines allicit, quod
civitati plurimum nocet, ideo oportet ea moderate uti. Primo namque homines
vacantes deliciis, sensu hebetantur. Immergit enim earum suavitas sensibus
animam, ita quod in rebus delectantibus liberum iudicium habere non possunt.
Unde secundum Aristotelis sententiam, prudentia iudicis per delectationem
corrumpitur. Deinde delectationes superfluae ab honestate virtutis deficere
faciunt. Nihil enim magis perducit ad immoderatum augmentum, per quod medium
virtutis corrumpitur, quam delectatio : tum quia natura delectationis est
avida, et sic modica delectatione sumpta praecipitatur in turpium
delectationum illecebras, sicut ligna sicca ex modico igne accenduntur; tum
etiam quia delectatio appetitum non satiat, sed gustata sitim sui magis
inducit; unde ad virtutis officium pertinet, ut homines a delectationibus
superfluis abstineant. Sic enim superfluitate vitata facilius ad medium
virtutis pervenietur. Consequenter etiam deliciis superflue dediti mollescunt
animo, et ad ardua quaeque attentanda nec non ad tolerandos labores et
pericula abhorrenda pusillanimes fiunt, unde et ad bellicum usum deliciae
plurimum nocent, quia, ut Vegetius dicit in libro de re militari : minus
timet mortem, qui minus deliciarum se novit habuisse in vita. Demum deliciis
resoluti plerumque pigrescunt, et intermissis necessariis studiis et negotiis
debitis, solis deliciis adhibent curam, in quas quae prius ab aliis fuerant
congregata profusi dispergunt : unde ad paupertatem deducti, dum consuetis
deliciis carere non possunt, se furtis et rapinis exponunt ut habeant unde
possint suas voluptates explere. Est igitur nocivum civitati, vel ex loci
dispositione, vel ex quibuscumque aliis rebus, deliciis superfluis abundare.
Opportunum est igitur in conversatione humana modicum delectationis quasi pro
condimento habere, ut animi hominum recreentur; [90345] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, lib.
2 cap. 4 Quia ut Seneca dicit
de tranquillitate animi, ad serenum : danda est animis remissio. Meliores
enim aptioresque requieti resurgunt, quasi prosit animo temperate deliciis
uti, ut sal in ciborum coctura pro ipsorum suavitate, quod superflue immissum
illos corrumpit. Amplius autem : si id quod est ad finem ut finis quaeritur,
tollitur et destruitur ordo naturae. Sicut si faber quaerit martellum propter
se ipsum, aut carpentarius serram, sive medicus medicinam, quae ordinantur ad
suos debitos fines. Finis autem quem rex in civitate sui regiminis debet
intendere, est vivere secundum virtutem; caeteris autem quilibet uti debet
sicut his quae sunt ad finem, et quantum est necessarium in prosequendo
finem. Hoc autem non contingit in his qui superflue delectationibus
innituntur, quia tales delectationes non ordinantur ad finem iam dictum, imo
quaeri videntur ut finis; quo quidem modo videbantur velle uti illi impii,
qui in Lib. sapientiae, dicuntur non recte cogitantes, ut dicta Scriptura
testatur : venite, fruamur bonis quae sunt, quod ad finem pertinet, et
utamur creatura, tanquam in iuventute celeriter, et caetera quae
ibidem sequuntur. In quibus immoderatus usus delectabilium corporis, ut
iuvenilis aetatis ostenditur, et digne a Scriptura reprehenditur. Hinc est,
quod Aristoteles in Ethic. usum delectabilium corporis usui ciborum
assimilat, qui amplius minusve sumpti sanitatem corrumpunt, qui autem
commensurati sunt, et salvant et augent. Ita de virtute contingit circa
amoenitates et delicias hominum. |
CHAPITRE 4 — LE ROLE DES PLAISIRS DANS LA VIE HUMAINE |
L’emplacement d’une ville doit être agréableIl faut encore, pour fonder des villes, choisir un lieu qui par sa douceur charme les habitants. Car on ne quitte pas facilement un pays agréable, et les habitants ne se rassemblent pas nombreux en un lieu auquel manque de l’agrément, pour cette raison que la vie humaine ne peut pas durer longtemps sans agrément. Ce qui contribuera à cet agrément, c’est que le lieu s’étende sur une vaste plaine, qu’il porte des arbres, qu’il soit embelli par la proximité des montagnes, plaisant par ses ombrages, et parcouru de cours d’eau. Il faut user des plaisirs avec mesureMais parce qu’une douceur excessive attire les hommes aux jouissances superflues, ce qui nuit grandement à la cité, il faut en user avec mesure. Tout d’abord parce que les hommes livrés aux plaisirs s’abêtissent par le sens. En effet, la suavité des plaisirs plonge l’âme dans les sens, de sorte que dans les choses délectables elle ne peut avoir un jugement libre. C’est pourquoi, selon la sentence d’Aristote : "La prudence du juge est détruite par la délectation." Les plaisirs superflus font perdre la vertuEnsuite, les délectations superflues font déchoir de l’honnêteté de la vertu. Rien, en effet, ne conduit plus à l’excès immodéré, par quoi l’on corrompt le juste milieu de la vertu, que la délectation, soit parce que la nature est avide de délectation, et ainsi, ayant pris une délectation modérée, elle se précipite dans les séductions de délectations honteuses, comme du bois sec est embrasé par un petit feu; soit aussi parce que la délectation ne rassasie pas l’appétit, mais celle que l’on a goûtée augmente davantage la soif que l’on en a; c’est pourquoi il appartient à l’office de la vertu de faire les hommes s’abstenir des délectations super flues. En effet, la superfluité ainsi évitée, on parviendra plus facilement au juste milieu de la vertu. Les plaisirs exagérés sont contraires aux vertus militairesIl s’ensuit encore que le courage de ceux qui s’adonnent aux plaisirs d’une façon exagérée s’amollit et qu’ils deviennent pusillanimes dès qu’il s’agit d’entreprendre quoi que ce soit de difficile, de supporter des labeurs ou de braver des dangers. C’est pourquoi les plaisirs nuisent beaucoup à la pratique militaire, parce que, comme le dit Végèce dans son livre de l’Art militaire : "Il craint moins la mort, celui qui sait qu’il a eu moins de délices dans la vie. La recherche du plaisir rend vicieuxEnfin, le plupart du temps, ceux qui sont abandonnés aux plaisirs sont paresseux, et, délaissant les soucis nécessaires et les affaires auxquelles ils devraient se consacrer, ils n’appliquent leurs soins qu’aux seuls plaisirs, pour lesquels ils dépensent dans leur prodigalité les biens que d’autres avaient amassés auparavant. Ainsi réduits à la misère, comme ils ne peuvent pas se passer des plaisirs auxquels ils sont habitués, ils se livrent à des fraudes et à des vols, afin d’avoir de quoi satisfaire leurs passions. Il est donc nuisible à une cité d’abonder en plaisirs superflus, provenant de la disposition des lieux ou de toute autre chose. Un plaisir modéré est nécessaire à la vie humaineIl est donc opportun d’avoir dans la vie humaine un peu de délectation, en place de condiment, pour que l’âme des hommes soit rafraîchie. Parce que, comme le dit Sénèque dans son traité De la Tranquillité de l’Ame, à Serenus (De tranquillitate animi, cap. XVII, 5) : "Il faut donner aux esprits quelque relâche" En effet, après ce repos, ils se relèvent meilleurs et plus dispos, montrant qu’il est utile à l’âme de jouir des plaisirs avec tempérance, comme le sel donne de la suavité aux aliments cuits, mais les gâte quand il est mis en trop grande quantité. Le plaisir doit être recherché comme un moyen pour la fin, qui est la vie vertueuseEn outre, si ce qui est ordonné à une fin est recherché comme fin, l’ordre de la nature est supprimé et détruit : comme si le forgeron recherche le marteau pour lui- même, le charpentier la scie, ou le médecin le remède, choses qui sont ordonnées à leur fin due. Or la fin à laquelle doit tendre le roi dans la cité qu’il gouverne, c’est une vie selon la vertu : il doit se servir des autres choses comme de moyens ordonnés à cette fin et dans la mesure où cela est nécessaire pour atteindre cette fin. Ce n’est pas ce qui arrive avec ceux qui se livrent aux plaisirs d’une manière exagérée, car de tels plaisirs ne sont pas ordonnés à la fin que nous avons dite, mais, bien plus, semblent être recherchés comme une fin. C’est de cette manière que semblaient vouloir en user les impies dont il est dit dans le livre de la Sagesse (II, 8) qu’ils n’avaient pas de droites pensées, comme l’atteste le texte sacré : "Venez, jouissons des biens présents — mais on ne doit jouir que de la fin! — et usons de la créature avec l’ardeur de la jeunesse". Dans ce passage, l’usage immodéré des plaisirs du corps est signalé comme propre au temps de la jeunesse et est condamné à juste titre par l’Ecriture. Ainsi Aristote dans l’Ethique compare l’usage des plaisirs du corps à celui des aliments qui, pris en quantité trop grande ou trop petite, détruisent la santé; mais quand ils sont pris dans une juste mesure, ils l’entre tiennent et la promeuvent (Eth. à Nic., Lib. II, cap. II, 61). Il en va pareillement de la vertu, pour ce qui touche aux joies et ornements de la vie humaine. |
|
|
|
Caput
5 [90346] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio,
Liber 2 Caput 5 Titulus Quod
necessarium est regi et cuicumque domino abundare divitiis temporalibus quae
naturales vocantur, et ponitur causa |
A PARTIR D’ICI, LE TEXTE EST DE PTOLEMEE DE LUQUE |
[90347] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, lib.
2 cap. 5 His igitur sic
deductis quae ad substantiale esse civilitatis, sive politiae, seu regalis
regiminis requiruntur, ad quorum institutionem et providentiam rex
principaliter debet intendere, agendum est de quibusdam quae ad regem pertinent
in relatione ad subditos, unde et suum regimen quietius gubernetur. Et
quamvis supra aliqualiter sit tactum in genere, nunc in specie est tractandum
ad maiorem declarationem eorum quae sunt agenda per principem. Primum quidem
ut in singulis partibus sui regiminis abundet in divitiis naturalibus, quas
sic vocat Aristoteles in I suae Politic. vel quia naturalia sunt, seu quia
homo ipsis naturaliter indiget, ut sunt praedia, vineta, nemora, sylvae,
vivaria diversorum animalium et avium genera, de quibus Paladius Palatinus,
comes Valentiniano imperatori, ad praefata exhortans, luculentissimo stylo ac
diffusius documentum eidem tradidit. Hinc etiam Salomon rex volens ostendere
magnificentiam sui regiminis : aedificavi, inquit, mihi domos,
plantavi vineas, feci hortos et pomaria, et consevi ea cuncti generis
arboribus, extruxi mihi piscinas ad irrigandum sylvam lignorum germinantium.
Cuius quidem triplex ratio sumi potest. Una sumitur ex parte usus ipsius rei,
qui quidem delectabilior esse videtur in re propria quam aliena, eo quod
magis unita. Unio enim est amoris proprietas, ut tradit Dionysius. Ad amorem
autem sequitur delectatio. Cum enim adest quod diligitur, etiam delectationem
secum affert. Amplius autem et ipsa diligentia operis exercita circa praedicta,
in qua quidem homo sibi congaudet, quanto est opus difficilius. Magis enim
amamus cum non est facile quod sumitur, ut philosophus dicit. Ex qua ratione
et filios diligimus et quamlibet nostram facturam secundum mensuram operis.
Adhibendo igitur sollicitudinem circa proprias divitias naturales iam dictas,
gratiores iam fiunt quam alienae; et si gratiores, delectabiliores ipsas
dicemus. Secunda ratio sumitur ex parte officialium regis. Si enim ipsos
oporteat recurrere ad convicaneos pro necessariis vitae sui domini, interdum
scandala generantur in subditis vel ex rerum commercio, in quo laedit
avaritia quae ementem vel vendentem concomitatur, vel fraus conturbat, unde
in Prov. dicitur : malum est, dicit omnis emptor, et cum recesserit, tum
gloriabitur, quasi fraude vendentem praevenerit; et in Eccli. monemur
cavere a corruptione emptionis et negotiatorum, quasi hoc sit proprium eorum
in mercando. Amplius autem, ex commercio contrahitur familiaritas ad
foeminas, per quod vel ex incauta locutione in alterutrum, aut aspectu, aut
gestu causatur zelotypia inter cives, et inde contra regimen provocantur. Sed
etiam tertia ratio hoc idem confirmat, quam accipimus ex parte rerum
venialium. Victualia enim quae venduntur, ut in pluribus non carent
sophismate, et ideo non sunt tantae efficaciae sicut propria ad nutriendum :
unde idem Salomon in Prov. : bibe, inquit, aquam de cisterna tua,
in hoc comprehendens omne nutrimentum sed praecipue potum, quia facilius
potest sophisticari, et ipsum minus a sua natura et puritate remotum, citius
de ipsius malitia indicat. Rursus, propria victualia sunt maioris securitatis
in sumendo, quia possunt facilius ab extraneo venenari, vel esse nociva, quam
si in proprio horreo vel cellario reponantur. Unde et propheta Isaias in
exaltatione retributionis viri iusti : panis, inquit, datus est ei,
et aquae eius fideliores sunt : quasi propria cibaria et potabilia
securiora sint ad sumendum. |
|
Caput
6 [90348] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio,
Liber 2 Caput 6 Titulus Quod
expedit regi habere alias divitias naturales, ut sunt armenta et greges, sine
quibus domini bene regere terram non possunt |
|
[90349] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, lib.
2 cap. 6 Non solum autem
praedicta ad naturales divitias pertinent, sed et diversa genera animantium
ex eadem ratione et causa, ut in praecedentibus est ostensum. In quibus primo
patri, tanquam praedominanti toti humanae naturae, datum est privilegium
regendi et dominandi, ut in Genesi scribitur : crescite, inquit
dominus, et multiplicamini, et replete terram, et dominamini piscibus
maris et volatilibus caeli et cunctis animantibus quae moventur super terram.
Unde ad regiam maiestatem pertinet his omnibus uti et abundare, et quanto
plus in his dominatur, tanto plus primi domini principatum habet similiorem,
cum omnia sint ad usum hominis deputata in creationis primordio. Propter quod
philosophus dicit in I Politic. quod venatio animalium sylvestrium
naturaliter est iusta, quia per eam homo sibi vindicat quod suum est. Et de
piscatione et aucupatione similiter dici potest; unde et natura aves rapaces
providit, et canes ad huiusmodi officium exercendum. Quia vero in piscibus
non est aptitudo loci ad talia ministeria, loco canum et avium homo retia
adinvenit. Ad supplementum igitur et decorem regni rex indiget supradictis,
quibusdam quidem ad usum et esum, ut sunt pisces et aves, armenta boum et
greges ovium, quibus Salomon abundavit, ut scribitur in Eccle. et in III Lib.
Reg., ad sui magnificentiam ostendendam. Aliis autem animalibus rex indiget
ad ministerium, ut sunt equi et muli, asini et cameli ad diversa ministeria
deputati, secundum varias consuetudines regionum. Horum igitur omnium rex
copiam habere debet, quantum eidem est possibile, sive de animantibus
deputatis ad esum, sive ad ministerium, et propter causam iam dictam de aliis
divitiis naturalibus; quia res propriae delectabiliores sunt, ut superius est
ostensum, et tanto plus, quanto plus habent de ratione vitae, unde magis
accedunt ad divinam assimilationem, quae est maior causa amoris. Adhuc aliae sunt
causae in praedictis, propter quas expedit regi ipsis abundare ut propriis.
Primo autem ad hoc movet natura, quae delectatur ex suo opere, dum considerat
in eis novum continue modum procedendi in suis actibus, sive in vivendo, sive
in generando, sive in parturiendo, ex quibus consurgit in dominis admiratio
et ex admiratione delectatio. Quod autem nutritiva sit causa dilectionis et
per consequens delectationis, apparet in Exod. in filia Pharaonis, quae
Moysen nutriri fecit, et postea ibidem subiungitur, quod post nutritionem
ipsum sibi adoptavit in filium. Qua ratione dicit dominus in Oseae : ego
quasi nutricius Ephraim, in hoc insinuans suum affectum ad populum. Amplius autem, et ipsorum venatura sive sylvestrium
animalium sive aliorum, pro quibus se principes et reges gymnasiis exponunt
et filios suos submittunt, valet ad robur acquirendum corporis et
conservandum sanitatem, et cordis vigorandam virtutem, si temperate utantur,
ut philosophus tradit in Ethic. et hoc cum in pace quiescunt ab hostibus, ut
solent reges Franciae et Angliae talibus uti, et ut de germanis in gestis
Francorum scribit Ammonius. Rursus, equitatura ad hoc idem movetur, qua reges
esse debent ornati ad decorem regni et eiusdem contra hostes defensionem, ad
quod aptiores redduntur et expeditiores si propria habeant equorum armenta,
ut mos est regibus ac principibus orientis; quemadmodum et de Salomone
scribitur in III Reg., quod in sua florens prosperitate habebat quadraginta
millia praesepia equorum curalium et undecim millia equorum equestrium, quos
custodiebant supradicti regis praefecti. Praeterea, si de animantibus agatur
quae ordinantur ad esum, adhuc magis competit habere propria sive
quadrupedia, sive reptilia, id est pisces, quia omnibus his homo
delectabilius utitur ex hoc quod melius nutriuntur et aptiora efficiuntur ad
esum : tum quia re cognita in utendo magis gaudemus, tum etiam quia securius
et liberius nobis offeruntur ad esum, quod est actus magis nostrae
proportionatus naturae, ex quo et delectabilius agit. Amplius autem, et causa
communis iam dicta superius ad hoc facit, scilicet vitatio commercii cum
civibus, quod potest esse scandali adminiculum praecavendum officialibus
regis. Rursus, hoc exigit magnificentia regis, ut transeuntibus in cibis et
potibus uberius administretur et largius; hoc autem fit expeditius si reges
abundent gregibus et armentis. Concluditur ergo ex praedictis quod divitiae
naturales necessariae sunt regi, ut in singulis regionibus proprias habeat ad
sui regiminis et regni munimen. |
|
|
|
Caput
7 [90350] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio,
Liber 2 Caput 7 Titulus Quod
oportet regem abundare divitiis artificialibus, ut est aurum et argentum, et
numisma ex eis conflatum |
|
[90351] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, lib.
2 cap. 7 Sed de artificialibus
divitiis, ut est aurum et argentum et alia metalla, et ex ipsis conflata
numismata, necessaria sunt regi ad munimen regiminis sui. Supposito enim quod
collegium sit necessarium secundum naturam ad regimen constituendum sive politiam,
et per consequens rex et quicumque dominus, qui multitudinem regat; oportet
ulterius concludere de sibi connexo, videlicet thesauro, ut est aurum et
argentum, et ex eis conflatum numisma, sine quo suum regimen rex congrue et
opportune exercere non potest; quod quidem ostendi potest multiplici via.
Prima quidem manifestatur ex parte regis. Homo enim in commutationibus
faciendis, auro vel argento, sive numismate utitur ut instrumento. Unde
philosophus dicit in V Ethic. quod numisma est quasi fideiussor futurae
necessitatis, quia continet omnia opera sicut ipsarum pretium. Si ergo
quilibet indiget, multo magis rex : quia si simpliciter ad simpliciter, et
magis ad magis. Rursus, virtus proportionatur naturae, et opus virtuti.
Natura autem status regalis quamdam habet universalitatem, eo quod communis
est populo sibi subiecto : ergo et virtus et similiter opus. Si ergo status
dominorum secundum suam naturam est communicativus, ergo virtus et operatio.
Hoc autem esse non potest sine numismate, sicut nec faber nec carpentarius
sine propriis instrumentis. Item ad idem. Secundum philosophum IV Ethic.,
virtus magnificentiae magnos sumptus respicit; magni autem sumptus ad
magnanimum pertinent, qui est rex, ut ipse philosophus tangit ibidem. Unde in
Esther scribitur de Assuero, qui in oriente dominabatur centum et viginti
septem provinciis, quod in convivio, quod fecit principibus sui regni,
ministrabatur in cibis et potibus prout exigebat magnificentia regis; hoc
autem sine instrumento vitae fieri non potest, quod est numisma, sive aurum
vel argentum : quare idem quod prius. Concluditur ergo ex parte
regis, eidem thesaurum esse necessarium, qui artificiales divitias continet.
Secunda via sumitur in comparatione ad populum, sive in genere, sive in
specie : quia ad hoc debet rex abundare pecuniis, ut possit suae domui
providere in necessariis et suorum subvenire necessitatibus subditorum. Ut
enim tradit philosophus VIII Ethic., sic se rex habere debet ad populum,
sicut pastor ad oves et sicut pater ad filios. Sic se habuit Pharao ad totam
terram Aegypti, ut in Genesi scribitur. De publico enim aerario frumentum
emit, quod ingruente fame distribuit, secundum prudentiam Ioseph, ne populus
fame deficeret. Salustius etiam narrat sententiam Catonis in Catilinar.
qualiter respublica profecit Romanis : quia aerarium publicum viguit Romae,
quo deficiente ad nihilum est redacta, ut temporibus eiusdem Catonis dicit
accidisse. Amplius autem, quodlibet regnum sive civitas sive castrum sive
quodcumque collegium assimilatur humano corpori, sicut ipse philosophus
tradit, et hoc idem in Policrato scribitur : unde comparatur ibidem commune
aerarium regis stomacho, ut sicut in stomacho recipiuntur cibi et
diffunduntur ad membra, ita et aerarium regis repletur thesauro pecuniarum et
communicatur atque diffunditur pro necessitatibus subditorum et regni. Rursus
et in specie hoc idem contingit. Turpe est enim, et multum regali reverentiae
derogat, a suis subditis mutuare pro sumptibus regis vel regni. Amplius autem, ex hac subiectione mutui sustinetur a
dominis ut per subditos sive quoscumque fiant super regnum exactiones
indebitae, unde status enervatur regni. Item ad idem. In mutuis saepe mutuans
scandalum patitur, quia haec est natura mutuantis, ut difficile sit ei mutuum
reddere. Unde sententia fertur esse Biantis, unius de septem sapientibus :
amico a te mutuante pecuniam, et ipsum et pecuniam perdis. Necessarium est
igitur regi artificiales divitias congregare ex causis iam dictis in
comparatione ad populum sive in genere, sive in specie. Tertia autem via ad
hoc idem probandum accipitur in respectu ad res sive personas extra regis
dominium constitutas : quarum quidem duo sunt genera. Unum videlicet
inimicorum, contra quos oportet aerarium publicum regis esse plenum. Et primo
pro sumptibus suae familiae; secundo pro stipendiis militum conductorum, cum
contra hostes movet exercitum; tertio ad praesidia resarcienda vel
constituenda, ne hostes invadant terminos sui regni. Aliud autem genus in
augmentum tendit sui regni, unde et necessarius regi est thesaurus. Contingit
enim interdum regiones gravari vel penuria, vel onere debitorum, aut etiam ab
hostibus, et recurrunt tunc ad regni subsidium, quibus subveniendo cum
instrumento vitae, quod est aurum vel argentum, vel quodcumque numisma,
subiiciuntur eidem, et sic augmentatur regnum. Liquet ergo ex dictis regi
necessarias esse artificiales divitias ad conservationem sui regiminis ex
tribus causis iam dictis. Unde etiam in Iudith scribitur quod Holofernes,
princeps Nabuchodonosor, quando invasit regiones Syriae et Ciliciae cum
exercitu magno, tulit aurum et argentum multum nimis de domo regis,
paratum videlicet ad expeditionem contra suos hostes. Et hoc idem de Salomone
scribitur in libro superius allegato inter actus regalis magnificentiae. Coacervavi,
inquit, mihi aurum et argentum, et substantiam regum ac provinciarum;
substantiam vocans numismatum thesauros propter tributa ab ipso exacta et
patris sui David, ut patet II et III Lib. Reg. Et hoc ideo quia, secundum
philosophum in Ethic., humanae vitae sunt instrumentum, ut dictum est supra.
Nec istud contradicit divino praecepto tradito a domino in Deut. per Moysen,
quantum ad reges et principes populi. Ibi
enim lex scribitur de rege, quod non habeat auri vel argenti immensa
pondera. Quod quidem intelligendum est ad ostentationem, sive fastum
regalem, ut de Craeso, rege Lydiorum, narrant historiae, ex qua causa ruinam
passus est, quia captus a Cyro rege Persarum, nudus in alto monte patibulo
est affixus; sed ad subventionem regni omnino est necessarium propter causas
iam dictas. |
|
|
|
Caput
8 [90352] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio,
Liber 2 Caput 8 Titulus Qualiter
ad regimen regni et cuiuscumque dominii necessarii sunt ministri : ubi
incidenter distinguitur de duplici dominio, politico et despotico, ostendens
multis rationibus quod politicum oportet esse suave |
|
[90353] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, lib.
2 cap. 8 Non solum autem
divitiis oportet regem esse munitum, sed etiam ministris. Unde et ille magnus
rex Salomon in praeallegato libro dicit de se ipso : possedi servos et
ancillas et familiam multam nimis. Quod autem possidetur, in dominio
videtur esse possidentis; et ideo hoc distinguendum est circa dominium
incidenter. Duplex enim principatus ab Aristotele ponitur in sua politica,
quorum quilibet suos habet ministros (licet plures ponat in V Politic., ut
supra est distinctum, et infra etiam declarabitur :) politicus videlicet et
despoticus. Politicus quidem quando regio sive provincia sive civitas sive
castrum per unum vel plures regitur secundum ipsorum statuta, ut in
regionibus contingit Italiae et praecipue Romae, ut per senatores et consules
pro maiori parte ab urbe condita. Horum autem dominium convenit amplius
quadam civilitate regere, eo quod in ipsa sit continua de civibus sive
extraneis regiminis alternatio : sicut de Romanis scribitur in I Mac., ubi
dicitur quod per singulos annos committunt uni homini magistratum suum
dominari universae terrae suae. Unde duplex est in tali dominio ratio,
quare subditi non rigide possint corrigi, ut in regali dominio. Una sumitur
ex parte regentis, quia temporaneum est eius regimen. Ex hoc enim diminuitur
eius sollicitudo in sibi subditis, dum considerat suum tam brevi tempore
dominium terminari. Propter quod et iudices populi Israel, qui politice
iudicabant, moderatiores fuerunt in iudicando quam reges sequentes. Unde
Samuel qui dictum populum certis iudicavit temporibus, sic ait ad ipsos,
volens ostendere suum regimen fuisse politicum, et non regale quod elegerant
: loquimini, inquit, de me coram domino et Christo eius, utrum
bovem cuiusquam tulerim aut asinum, si quempiam calumniatus sum, si oppressi
aliquem, si de manu alicuius munus accepi; quod quidem qui regale
dominium habent non faciunt, ut infra patebit, et in I Lib. Reg. dictus propheta
ostendit. Amplius autem, modus regendi in dictis partibus ubi politicum est
dominium, mercenarius est; mercede enim domini conducuntur. Ubi autem merces
pro fine praefigitur, non tantum intenditur regimini subditorum, et sic per
consequens temperatur correctionis rigor. Unde et dominus in Ioan. dicit de
talibus : mercenarius autem et qui non est pastor, cui non est cura de
ovibus, quia scilicet ad tempus praeponitur, videt lupum et fugit.
Mercenarius autem fugit quia mercenarius est, quasi ipsa merces sit sibi
finis regiminis, et subditos sibi postponat : propter quod et antiqui Romani
duces, ut scribit maximus Valerius, curam gerebant reipublicae sumptibus
propriis, ut M. Curius et Fabricius et multi alii; unde reddebantur ad curam
politiae audaciores et magis solliciti, quasi tota in hoc esset eorum
intentio et maior affectus : et in talibus verificatur Catonis sententia,
quam Salustius refert in Catilinario : unde respublica ex parva effecta est
magna, quia in illis domi fuit industria, foris iustum imperium, animus in
consulendo liber, neque delicto neque libidini obnoxius. Secunda autem ratio
unde dominium politicum oportet esse moderatum ac cum moderatione exercitum,
sumitur ex parte subditorum : quia talis est eorum dispositio secundum
naturam proportionata tali regimini. Probat enim Ptolomaeus in quadripartito
regiones hominum esse distinctas secundum constellationes diversas, quantum
ad eorum regimen, circumscripto semper secundum ipsum super stellarum
dominium imperio voluntatis. Unde regiones Romanorum sub Marte ponuntur ab
ipso, et ideo minus subiicibiles. Propter quod ex eadem causa praefata gens
esse ponitur insueta pati cum suis terminis et subdi nescia, nisi cum non
possit resistere; et quia impatiens alieni arbitrii, et per consequens superioris
invida. Inter Romanos praesides, ut in I Mac. scribitur, nemo portabat
diadema nec induebatur purpura : et ulterius subditur effectus istius
humilitatis, quia non est invidia nec zelus inter eos. Quadam igitur
placabilitate animi, ut natura requirit subditorum illius regionis, et
incessu humili rempublicam gubernabant, quia ut tradit Tullius in
Philippicis, nullum maius armatorum praesidium charitate et benevolentia
civium, qua oportet principantem esse munitum, non armis. Et hanc etiam
sententiam refert Salustius de Catone, quantum ad antiquos patres Romanos.
Rursus ad idem : confidentia subditorum, sive de exoneratione dominii
regentium sive dominandi in suo tempore congruo, reddit ipsos ad libertatem
audaces, ne colla submittant regentibus : unde oportet politicum regimen esse
suave. Amplius autem : est certus modus regendi, quia secundum formam legum
sive communium, sive municipalium, cui rector astringitur : propter quam
causam et prudentia principis, quia non est libera, tollitur et minus imitatur
divinam. Et quamvis leges a iure naturae trahant originem, ut Tullius probat
in Tract. de legibus, et ius naturae a iure divino, ut testatur David
propheta : signatum est, inquiens, lumen vultus tui super nos,
domine, deficiunt tamen in particularibus actibus, quibus omnibus
legislator providere non potuit ex ignorantia subditorum futurorum. Et inde
sequitur in regimine politico diminutio, quia legibus solum rector politicus
iudicat populum, quod per regale dominium suppletur dum, non legibus obligatus,
per eam censeat quae est in pectore principis : propter quod divinam magis
sequitur providentiam, cui est cura de omnibus, ut in libro sapientiae
dicitur. Patet igitur qualis est principatus politicus, et modus eius
regendi. Nunc videndum est de principatu despotico. |
|
|
|
Caput
9 [90354] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio,
Liber 2 Caput 9 Titulus De
principatu despotico, quis est et qualiter ad regalem reducitur, ubi
incidenter comparat politicum ad despoticum secundum diversas regiones et
tempora |
|
[90355] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, lib.
2 cap. 9 Est autem hic
advertendum quod principatus despoticus dicitur qui est domini ad servum,
quod quidem nomen Graecum est. Unde quidam domini illius provinciae adhuc
hodie despoti vocantur : quem principatum ad regalem possumus reducere, ut ex
sacra liquet Scriptura. Sed tunc est quaestio, quia philosophus, in I
Politic. dividit regale contra despoticum. Hoc autem in sequenti libro
declarabitur, quia ibidem occurrit definienda materia : sed nunc sufficiat
per divinam Scripturam probare quod dicitur. Traduntur enim leges regales
per Samuelem prophetam Israelitico populo, quae servitutem important. Cum enim petivissent regem a Samuele iam aetate
defecto, et filiis suis non iuste dominantibus modo politico ut iudices alii
dicti populi fecerant, consulto domino respondit : audi, inquit, vocem
populi in his quae loquuntur. Verumtamen contestare eos et praedic eis ius
regis. Filios vestros tollet et ponet in curribus suis, facietque sibi currus
et equites et praecursores quadrigarum suarum, et constituet aratores agrorum
suorum et messores segetum ac fabros armorum suorum; filias quoque vestras
faciet sibi focarias, unguentarias ac panificas, et sic de aliis
conditionibus ad servitutem pertinentibus, quae in I Lib. Reg. traduntur, per
hoc quasi volens ostendere quod regimen politicum, quod erat iudicum et suum
fuerat, fructuosius erat populo, cuius tamen superius contrarium est
ostensum. Ad cuius dubii declarationem sciendum est quod ex duplici parte regimen
politicum regali praeponitur. Primo quidem, si referamus dominium ad statum
integrum humanae naturae, qui status innocentiae appellatur, in quo non
fuisset regale regimen sed politicum, eo quod tunc non fuisset dominium quod
servitutem haberet, sed praeeminentiam et subiectionem in disponendo et
gubernando multitudinem secundum merita cuiuscumque, ut sic vel in influendo
vel in recipiendo influentiam quilibet esset dispositus secundum congruentiam
suae naturae. Unde apud sapientes et homines virtuosos, ut fuerunt antiqui
Romani, secundum imitationem talis naturae regimen politicum melius fuit. Sed
quia perversi difficile corriguntur, et stultorum infinitus est numerus,
ut dicitur in Eccle., in natura corrupta regimen regale est fructuosius, quia
oportet ipsam naturam humanam sic dispositam quasi ad sui fluxum limitibus
refraenare. Hoc autem facit regale fastigium. Unde scriptum est in Prov. : rex
qui sedet in solio iudicii dissipat omne malum intuitu suo. Virga ergo
disciplinae, quam quilibet timet, et rigor iustitiae sunt necessaria in
gubernatione mundi, quia per ea populus et indocta multitudo melius regitur.
Unde apostolus ad Rom. dicit, loquens de rectoribus mundi, quod non sine
causa gladium portat, vindex in iram ei qui malum agit. Et Aristoteles dicit
in Ethic. quod poenae in legibus institutae sunt medicinae quaedam. Ergo
quantum ad hoc excellit regale dominium. Amplius autem, et situs terrae
secundum stellarum aspectum regionem disponit, ut dictum est supra : unde
videmus quasdam provincias aptas ad servitutem, quasdam autem ad libertatem. Propter quod Iulius Caesar et Amonius, qui describunt
gesta Francorum et germanorum, eos mores et actus attribuunt eisdem, in
quibus etiam nunc perseverant. Romani autem cives aliquo tempore vixerunt sub
regibus, a Romulo videlicet usque ad Tarquinium superbum, cuius cursus Ann.
264 fuit, ut historiae tradunt. Sic et Athenienses post mortem Codri regis
sub magistratibus vixerunt, quia sub eodem climate constituti. Considerantes
enim quod dicta regio magis apta foret, ex causis iam dictis, ad politicum
regimen, sic ipsam rexerunt usque ad tempora Iulii Caesaris sub consulibus,
dictatoribus et tribunis, quod fuit quadringentorum quadraginta quatuor
annorum. In quo quidem tempore, ut dictum est supra, tali regimine multum
profecit respublica. Patet igitur qua consideratione politiam regno et regale
dominium politiae praeponimus. |
|
|
|
Caput
10 [90356] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio,
Liber 2 Caput 10 Titulus Habita
distinctione dominii, hic distinguitur de ministris secundum differentiam
dominorum, et quaedam genera ministrorum ostendit omnibus dominis communia.
Postea probat servitutem in quibusdam esse naturalem |
|
[90357] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, lib.
2 cap. 10 His igitur sic
deductis, videndum est de ministris, quia regiminis sunt complementum : quia
sine eis quodcumque dominium transire non potest, ut per eos secundum gradum
personarum exerceantur officia, distribuantur opera et administrentur
necessaria, sive in regno sive in quacumque republica, et secundum merita
cuiuscumque in ea contenti. Unde et primus dux in Israelitico populo Moyses a
Iethro cognato suo merito redarguitur, ut patet in Exodo, quia ipse solus
satisfaciebat populo suo sine ministris : stulto, inquit, labore
consumeris tu et populus iste qui tecum est, et ultra vires tuas est, nec
poteris sustinere. Provide, inquit, viros potentes et timentes Deum,
in quibus sit veritas et qui oderint avaritiam, et constitue ex eis tribunos,
et centuriones, et quinquagenarios ac denarios, qui iudicent populum. Hoc
idem et de Romanis invenitur, quia cum regum regimen cessasset ab urbe,
Brutus, factus consul, parum in consulatu solus urbem rexit; sed moventibus
bellum Sabinis eidem per senatum adiunctus est dictator qui dignitate
consules praeibat, quorum primus Lartius vocatus est. Hoc etiam tempore
adiunctus est magister equitum qui dictaturae obsequeretur, quorum primus
spurius Cassius. Post haec, quasi circa idem tempus, instituti sunt tribuni
qui in favorem populi essent. Quod pro tanto sit dictum, ad ostendendum quod
regimen cuiuscumque collegii sive provinciae sive civitatis vel castri, sine
ministerio diversorum officialium bene regi non potest. Sed circa hoc distinguendum de eis videtur secundum
diversitatem regiminis, quia oportet ministros dominis cuiuscumque regiminis
esse conformes, sicut membra capiti : unde regimen politicum ministros
requirit secundum qualitatem politiae. Propter quod hodie in Italia omnes
sunt mercenarii sicut et domini, et ideo agunt sicut mercede conducti, non ad
utilitatem subditorum sed ad lucrum suum, praestituentes in mercede finem.
Quando vero gratis ministrabant, ut antiqui Romani, tunc eorum sollicitudo
figebatur ad rempublicam sicut ad finem, et inde proficiebant, sicut maximus
Valerius narrat de Camillo qui precatus est quod si alicui deorum felicitas
Romanorum nimia videretur, eius invidia suo et non reipublicae incommodo
satiaretur. Sed regalis regiminis alii sunt ministri perpetuis officiis
deputati ad ministrandum regi pro suo suique populi fructu, ut sunt comites,
barones et milites simplices, feudatarii, qui ex suo feudo et ipsi et sui
successores ad regni gubernacula sunt obligati perpetuo. Unde patet et
ministros esse necessarios cuicumque dominio, et secundum ipsius dominantis
conditionem ministros debere constitui. Propter quod et in Eccli. dicitur : secundum
iudicem populi, sic et ministri eius; et qualis rector est civitatis, tales
et inhabitantes in ea. Distinguuntur autem et alia quatuor genera
ministrorum a philosopho in politica, qui haberi possunt regimini magis
coniuncti. Quidam enim sunt, quos habet civilitas sive regimen omnino
necessarios ad vilia officia exercenda dominorum, de quibus natura providit
ut sint gradus in hominibus, sicut et in aliis rebus. Videmus enim in
elementis esse infimum et supremum; videmus etiam in mixto semper esse
aliquod praedominans elementum. In plantis etiam quaedam deputata sunt ad
humanum cibum, quaedam ad fimum, et eodem modo in animalibus; sed et in
homine inter membra corporis similiter erit. Hoc idem consideramus in
relatione corporis ad animam et in ipsis etiam potentiis animae in alterutrum
comparatis; quia quaedam ordinatae sunt ad imperandum et movendum, ut
intellectus et voluntas; quaedam ad serviendum eisdem secundum gradum
ipsarum. Ita inter homines erit, et inde probatur esse aliquos omnino servos
secundum naturam. Amplius : autem : contingit aliquos deficere a ratione
propter defectum naturae : tales autem oportet ad opus inducere per modum
servile, quia ratione uti non possunt, et hoc iustum naturale vocatur. Haec
autem omnia philosophus tangit in I Politic. Sunt autem et alii ministri ad
idem deputati officium alia ratione, ut in bello devicti; quod lex humana non
sine ratione sic statuit ad acuendum bellatores pro republica fortiter pugnandum,
ut videlicet victi subiiciantur victoribus iure quodam, quod philosophus in
praedicto loco iustum legale appellat. Unde isti, quamvis vigeant ratione, ad
statum tamen rediguntur servorum quadam militari lege ad acuendum corda
bellantium, et hunc modum observaverunt Romani. Unde tradunt historiae Titum
Livium tantae eloquentiae virum a Romanis captum in servitutem redactum, sed
propter suam probitatem a Livio nobilissimo Romano, sub cuius ditione
traditus erat manumissus, ab ipso cognomen accipiens, Titus Livius est
vocatus : quem libertati tradidit pro filiis instituendis liberalibus
artibus, cui ante non licuisset secundum principum instituta. Hoc etiam et
lex divina praecepit, ut in Deuteronomio patet. Sunt autem et alia duo genera
ministrorum in familia assistentium : videlicet vel mercede conductorum, seu
servientium quadam benevolentia et amore ad sui honoris cumulum vel virtutis
profectum, ut sunt ministrantes principi in domestica domo, sive de re
militari sive aucupii sive venationis sive in aliis rebus familiaribus domus
: de quibus non est modo dicendum per singula, et pro quibus quis captat vel
amicitiam vel gratiam dominorum vel mercedem reportat vel virtutis laudem
acquirit; unde in Prov. dicitur quod acceptus est regi minister
intelligens; et in Eccli. : si est tibi servus fidelis, sit tibi sicut
anima tua. Concludendum est igitur quod ad complementum regni et
fulcimentum regiminis, quae dicta sunt supra de divitiis et ministris,
princeps debet esse munitus; propter quod philosophus dicit in VIII Ethic.
quod non est rex qui per se non est sufficiens, et omnibus bonis
superexcellens : quibus omnibus superabundavit rex Salomon, ut patet in
III Lib. Reg., sed praecipue in ornatu et ordine ministrorum : de quo
admirata regina Saba : maior est, inquit, sapientia tua quam rumor
quem audivi. Beati viri tui et servi tui, hi qui astant coram te semper et
audiunt sapientiam tuam. |
|
|
|
Caput
11 [90358] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio,
Liber 2 Caput 11 Titulus Quod
necessarium est regi et cuilibet domino in sua iurisdictione munitiones
habere fortissimas, et rationes quare ibi multae ponuntur |
|
[90359] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, lib.
2 cap. 11 Post haec autem ad
robur dominii, sive regalis sive politici, necessariae sunt munitiones, ad
quas se conferant domestici regis vel ipse rex; cuius rei documentum
accipimus a rege David qui, postquam cepit Hierusalem, accepit montem Sion
pro suo munimine, ibique arcem suam vocavit civitatem. Hoc adducebantur
usque ad Mello, ipsamque arcem suam vocavit civitatem. Hoc autem ubique reges
observant quod in singulis civitatibus et castris speciale habent praesidium
sive arcem, ubi degit regis familia et officiales eiusdem; cuius quidem rei
multae sunt causae. Una sumitur ex parte principum, quia expedit eis esse in
loco tuto, ut in regendo, corrigendo et gubernando sint magis securi, et in
exequendo iustitiam efficiantur audaces. Unde et Romani consules et senatores
tutiorem elegerunt locum, videlicet Capitolium, de quo narrant historiae quod
tota occupata ab hostibus urbe Roma, in ipso permanserunt illaesi. Amplius
autem, et regis suaeque familiae maior honestas hoc exigit, ne vel eorum
commercio cum subditis vilificetur in conspectu populi ipsorum maiestas, vel
ex incauto aspectu, ubi maxima requiritur pudicitia (sicut senes populi
Troiani se habebant ad Helenam, ut philosophus dicit in Ethic.) populus regis
indignationem incurrat, vel ipse rex et sui se dehonestandi in subditis
occasionem assumant; in quem casum lapsus est rex David circa uxorem Uriae,
scutiferi Ioab, quam lavantem vidit de solario domus regiae, ut scribitur in
II libro regum. Secunda ratio sumitur ex
parte populi, qui magis sensibilibus movetur quam ratione ducatur. Cum enim
vident magnificos sumptus regum in munitionibus, facilius ex admiratione
inclinantur ad obedientiam et ad suis parendum mandatis, ut philosophus dicit
in VI Politic. Amplius autem minorem causam habent rebellandi seu subiiciendi
se hostibus, dum nimium infestantur. Cum enim ministros reges munitionibus
habent praesentes, sollicitantur audacius ad defensionem sui. Sic et Iudas
Machabaeus fecit de arce Sion, quam devictam cinxit muris fortissimis et
turribus altis pro defensione patriae contra hostes, ut scribitur in I Mac.
Et similiter in Bethsuram munitiones fortissimas extruxit contra faciem
Idumaeae. Rursus ad idem : necessariae sunt munitiones principibus pro
conservandis divitiis, quibus abundare debent, ut dictum est supra, et ut
eisdem possint cum sua familia liberius uti, unde et ministri fiant ad
praeparandum necessaria promptiores, quod est delectabilius ac
honorificentius etiam in domestica domo. Hoc enim est proprium in humanis
actibus, quod ex ordine debito causant speciem sive pulchritudinem tanquam in
re proportionata et commensurata in suis partibus : unde consequitur in nobis
spiritualis laetitia, quae ex se quasi extasim facit, quam passa videtur
regina Saba in aspectu ordinis ministrorum curiae Salomonis, ut superius est
ostensum. |
|
|
|
Caput
12 [90360] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, Liber
2 Caput 12 Titulus Quod ad
bonum regimen regni sive cuiuscumque dominii, pertinet stratas sive
quascumque vias in regione vel provincia habere securas et liberas |
|
[90361] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, lib.
2 cap. 12 Est et aliud
necessarium regi ad bonum regimen regni ad quod ordinantur ipsae munitiones,
ut videlicet stratas faciant securas et aptas ad transeundum sive pro
advenis, sive pro indigenis vel regalibus suis. Viae enim communes sunt
omnibus quodam iure naturae et legibus gentium : propter quod prohibentur a
nemine occupari, nec ulla praescriptione nec quocumque temporum cursu ius de
eisdem posset alicui acquiri. Unde in libro Num. via publica via regia nominatur
ad significandum eius communitatem. Ubi
Augustinus in Glossa dictum verbum exponit, quia pro tanto sic appellatur
quia debet esse libera cuilibet transeunti innoxio, ratione humanae
societatis. Propter quod et ibidem scribitur, quod Amorrhaeis
contradicentibus ne filii Israel transirent per eos, cum sola via regia gradi
permitterent, hoc est sine laesione aliqua regionis, dominus mandavit ipsos
deleri. Ut autem stratae in sua communitate sint liberae, et transeuntibus
forent securae, iura principibus permittunt pedagia. Unde et eis servantibus
quae viatoribus sunt praedicta, officiales principum ipsa merito possunt
exigere, et proficiscentes debite obligantur persolvere. Amplius autem, et
viarum securitas in regimine regni principibus est fructuosa, quia illuc
magis confluunt mercatores cum mercibus, unde et regnum in divitiis crescit;
qua ratione in urbe aucta fuit respublica propter vias, circa quas
sollicitabantur expeditas habere, et stratae vocabantur Romanae, ut homines
magis redderentur securi ad deferendum merces, ac sub simulatione callida sub
nominibus calendarii permutatis, ut latrones ignorarent tempus, sicut
computistae scribunt, cum in urbe celebrarentur nundinae, sic eos
decipiebant. Quaedam etiam extra urbem institutae fuerunt per Romanos
principes, eorumque sunt intitulatae nominibus, ut ex hoc maiorem obtinerent
firmitatem et loca tutiora advenientibus redderentur, ut forum Iulii, quod in
confinibus multarum provinciarum et diversis regionibus adhuc nomen remansit.
Amplius autem, et per diversos consules ac senatores Romanos stratae sunt
institutae, extendentes se ad diversas provincias, quorum titulis
authenticari viderentur ad liberiorem ac securiorem accessum ad urbem vel ad
ipsorum memoriam clariorem, ut via Aurelia ab Aurelio principe, via Appia ab
Appio senatore : quarum prima tendebat versus Reatem, ubi historiae
provinciam Aureliam ponunt, secunda vero in Campaniam suum habebat progressum
: ac sic de singulis aliis sive consulibus sive senatoribus, ut Flaminio vel
Aemilio, a quibus stratae vel provinciae sunt nominatae propter causam iam
dictam. Rursus
et divinus cultus in hoc augetur, propterea quod promptiores sunt homines ad
reverentiam divinam cum liber est aditus viarum ad indulgentiam sive ad
aditum sancti. Unde et praecipuum motivum Romanorum fuit stratas faciendi
securas, divinus videlicet idolorum cultus, pro quo multum zelabat
respublica, ut maximus Valerius scribit in principio libri sui. Sacra etiam
Scriptura in Esdra refert reverentiam templi impeditam fuisse propter hostes
in circuitu, propter quod tardata fuit aedificatio templi. Iuxta quod domino
dicitur in Ioan. : quadraginta et sex annis aedificatum est templum hoc,
et tu in triduo reaedificabis illud ? |
|
|
|
Caput
13 [90362] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio,
Liber 2 Caput 13 Titulus Qualiter
in quolibet regno et quocumque dominio necessarium est numisma proprium, et
quot bona ex hoc sequuntur, et quae incommoda si non habeatur |
|
[90363] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, lib.
2 cap. 13 His igitur expletis,
agendum est de numismate, in cuius usu vita hominis regulatur et sic per
consequens omne dominium sed praecipue regnum propter varios proventus quos
ex numismate percipit. Unde et dominus quaerens a Pharisaeis simulatorie
tentantibus ipsum : cuius est, inquit, imago haec et suprascriptio
? Cumque respondissent : Caesaris, sententiam quaesiti super ipsos
retorsit, dicens : reddite ergo quae sunt Caesaris Caesari, et quae sunt
Dei Deo, quasi ipsum numisma sit causa ut in pluribus tributa solvendi.
De materia autem numismatis, et qualiter sit regi necessarium talibus
abundare, supra satis est pertractatum. Sed nunc ipsum accipiamus prout est
mensura quaedam per quam superabundantia et defectus reducuntur ad medium, ut
philosophus in V Ethic. dicit. Ad hoc enim inventum est numisma ut solvantur
lites in commerciis et sit mensura in commutationibus. Et licet multa sint
genera commutationum, ut ex philosopho habemus I Politic., ista tamen
expeditior est inter omnes, propter quod inventum dicitur esse numisma. Unde
et politia Lycurgi, qui Parthis et Lydis primo leges tradidit, in quibus
numisma prohibebat, solam commutationem ex alterutrum mercibus permittens,
per philosophum reprobatur, ut ex iam dictis apparet. Unde et ipse concludit
eodem libro Ethic. numisma constitutum propter commutationis necessitatem,
quia per ipsum expeditius fit commercium ac tollitur in commutando materia
litis. Quam quidem doctrinam habemus ab Abraham patre nostro, qui per multa
tempora fuit ante Lycurgum et omnes philosophos. Unde de ipso scribitur in
Gen., quod agrum emit pro sepultura suorum pretio quadringentorum siclorum
publicae ac probatae monetae. Sed quamvis ex se numisma sit necessarium,
proprium tamen est in omni regimine, sed praecipue regis; cuius duae sunt
causae : unam accipimus ex parte regis, aliam vero ex parte populi subiecti.
Quantum ad primum, numisma sive moneta propria ornamentum est regis et regni
et cuiuslibet regiminis, quia in ea repraesentatur imago regis, ut Caesaris,
sicut dictum est supra; unde in nulla re tanta potest esse claritas memoriae
eius, eo quod nihil sic per manus hominum frequentatur, quod ad regem vel
quemcumque dominum pertineat, quantum numisma. Amplius autem : in quantum
moneta regula est et mensura rerum venalium, in tantum monstratur sua
excellentia, ut videlicet imago ipsius sit in nummo regula hominum in ipsorum
commerciis. Unde moneta dicitur quia monet mentem, ne fraus inter homines,
cum sit mensura debita, committatur; ut imago Caesaris sit in homine quasi
imago divina, sicut Augustinus exponit pertractans dictam materiam. Numisma
vero dicitur, quia nominibus principum effigieque designatur, ut tradit
Isidorus. Per quod manifeste apparet quod ex numismate maiestas dominorum
relucet, et ideo civitates et castri sive principes sive praelati hoc pro sua
gloria singulariter ab imperatoribus impetrant, ut habeant speciale numisma.
Rursus numisma proprium cedit in commodum principis, ut dictum est supra,
quia per ipsum mensurantur tributa et quaecumque exactiones quae fiunt in
populo, ut in lege mandabatur divina, circa oblationes videlicet et
redemptiones quascumque sacrificii loco. Amplius autem : ipsius factura
propter auctoritatem principis causatur commodum regi, quia nulli alii licet
sub eadem figura et superscriptione cudere, ut iura gentium mandant. In qua
quidem, etsi liceat suum ius exigere in cudendo numisma, moderatus tamen
debet esse princeps quicumque vel rex sive in mutando sive in diminuendo
pondus vel metallum, quia hoc cedit in detrimentum populi, cum sit rerum
mensura, sicut supra dictum est : unde tantum est mutare monetam sive
numisma, quantum stateram sive quodcumque pondus. Hoc autem quomodo Deo
displiceat, in Prov. scribitur : pondus, inquit, et pondus, statera
et statera utrumque abominabile est apud Deum. De quo et graviter rex
Aragonum reprehenditur ab Innocentio Papa, quia numisma mutaverat diminuendo
in populi detrimentum. Propter quod et filium obligantem se per iuramentum
dictam servare monetam, a dicto absolvit iuramento, eidem mandans ut ipsam ad
pristinum statum reformaret. Iura etiam in
numismatibus favent mutuis et pactionibus quibuscumque. Mandant enim solvi
mutua et pacta servari iuxta illius temporis numisma in omni mensura
qualitatis et quantitatis. Concluditur ergo qualiter unicuique regi numisma
proprium est necessarium. Sed etiam ex parte populi adhuc numisma regis
proprium est necessarium, ut etiam ex iam dictis apparet. Primo, quia
expeditior est in commutationibus mensura. Rursus, quia certior inter
populares est. Multi enim sunt qui alias monetas ignorant, et sic de facili
possunt simplices praeveniri fraude, quod est contra formam regalis regiminis
: circa quod Romani principes providerunt. Unde tradunt historiae quod
tempore domini nostri Iesu Christi in signum subiectionis Romanorum unum erat
numisma in toto orbe terrarum, in quo erat Caesaris imago, quam statim
cognoverunt Pharisaei suscitati a domino Iesu Christo ad discooperiendum
eorum fraudem : et istud numisma decem usuales valebat denarios, quod
solvebat quilibet teloneariis praedictorum principum, sive eorum gerentibus
vicem in provinciis vel civitatibus seu castris. Rursus : proprium numisma
fructuosius est. Cum enim extraneae monetae communicantur in permutationibus,
oportet recurrere ad artem campsoriam, cum talia numismata non tantum valeant
in regionibus extraneis quantum in propriis : et hoc sine damno esse non potest.
Et praecipue accidit in partibus Theutoniae et regionibus circumstantibus,
propter quod coguntur, cum de loco ad locum transeunt, massam auri vel
argenti secum deferre, et quantum commutationibus rerum venalium indigent
tantum vendunt. Unde philosophus in libro IV Politic. species pecuniarum
distinguens sive artis pecuniariae sive numismaticam, sive campsoriam,
obolostaticam et tocos, primam solam dicit esse naturalem, quia ad
commutationem rerum naturalium ordinatur : quod facit proprium numisma, et
non aliud, ut ex iam dictis apparet. Propter hoc ipsam solam commendat aliis
supradictis spretis, et de quibus infra dicetur. Concludendum est igitur in
omni regimine pro conservatione dominii, et praecipue regalis, necessarium
esse numisma proprium, sive ex parte populi sive ex parte regis vel regiminis
cuiuscumque. |
|
|
|
Caput
14 [90364] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio,
Liber 2 Caput 14 Titulus Qualiter
ad bonum regimen regni et cuiuscumque dominii sive politiae pondera et
mensurae sunt necessariae, exemplis et rationibus persuadetur |
|
[90365] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, lib.
2 cap. 14 Post haec autem
agendum est et de ponderibus et mensuris, quae necessaria sunt ad dominii
cuiuscumque regimen conservandum, sicut et numisma, quia cum eis solvuntur
tributa, seu etiam quia per ipsa lites diminuuntur et in emptionibus et
venditionibus fidelitas servatur : vel quia, sicut et numismata, vitae sunt
humanae instrumenta, immo plus imitantur naturalem actionem quam numisma,
quia scriptum est in libro sapientiae quod omnia disposuit Deus in numero,
pondere et mensura. Si ergo omnes creaturae his tribus limitibus
terminantur, magis videtur quod pondus et mensura a natura trahant originem
quam numisma, et ideo magis necessaria in republica sive in regno. Amplius
autem : pondus et mensura, in quantum talia, semper ordinantur ad mensurata
et ponderata, aliter per se nihil sunt; sed numisma, quamvis sit mensura et
instrumentum in permutationibus, tamen per se aliquid esse potest, puta, si
confletur, erit aliquid, videlicet aurum vel argentum; ergo semper non
ordinabitur ad permutationes. Et hoc etiam habet veritatem in aliis speciebus
pecuniarum, immo amplius, ut in campsoria, quae non proprie ordinatur ut sit
mensura rerum venalium sed magis ad permutationem numismatis. Item in
obolostatica, quae consistit circa ponderis excessum in permutationibus :
quibus inventis supra pondus, in metalla resolvuntur, ut sunt ponderatores in
trabuchetis et aliis ponderibus. Item nec cauchos, id est ars foeneraria,
quae magis ordinatur ad numisma sicut ad finem, aliis permutationibus
exclusis, de quibus speciebus in IV politicorum agit philosophus, et infra
dicetur, et supra est tactum. Rursus : illi actus sunt maxime necessarii in
republica sive in regno, qui ex iure naturae procedunt, quia leges institutae
per principes idem habent initium, alias iustae leges non essent; sed talia
sunt de iure naturae quia adaequant naturalem iustitiam; sic ergo ad naturam
regni sive politiae mensurae et pondera sunt necessaria. Hinc est quod primus
dux Israelitici populi, videlicet Moyses, ut describit Isidorus, tradendo
leges divinas quae primae fuerunt, simul cum illis pondera et mensuras
constituit, sive pro cibis et potibus, ut ephi et gomor et modius et
sextarius; sive in terris et pannis quae cubitales habent mensuras; sive in
auro et argento et numismatibus quae sunt statera et alia pondera. Unde cum
dictus Moyses in Levitico exhortaretur populum ad iustitiam faciendam, statim
subiungit regulas naturalis iustitiae, ut Origenes ibidem exponit : non
facietis, inquit, iniquum aliquid in pondere et mensura. Statera iusta, et
aequa sint pondera, iustus modius aequusque sextarius. Refert iterum Isidorus
quod Sidon Argus Graecis mensuras dedit, ubi tunc florebat Argivorum regnum
circa tempora praefati ducis Moysi. Narrant etiam historiae Cererem mensuras
agriculturae et frumenti Graecis Siccione tradidisse, unde et dea frumentaria
et Demetria est vocata. Ex his ergo apparet quod naturaliter oportet regem
vel quemcumque dominum ad bonum ipsorum regimen mensuras et pondera populo
sibi subiecto tradere, propter causas iam dictas et exemplo dictorum
principium de quibus nunc est actum. |
|
Caput
15 [90366] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio,
Liber 2 Caput 15 Titulus Quod
oportet regem et quemlibet dominum ad conservationem sui status adhibere
sollicitudinem ut de aerario publico provideatur pauperibus : et hoc exemplis
et rationibus probat |
|
[90367] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, lib.
2 cap. 15 Est autem et aliud
quod est ad bonum regimen pertinens regni sive provinciae vel civitatis vel
cuiuscumque principatus, ut videlicet de communi aerario provideatur per
principem, qui praesit, indigentiis pauperum, pupillorum et viduarum, ac
advenis et peregrinis assistat. Si enim natura quaecumque non deficit in
necessariis, ut philosophus dicit in III de caelo et mundo, multo minus et
ars, quae imitatur naturam. Inter omnes autem artes ars vivendi et regendi
superior et amplior est, ut tradit Tullius de Tusculanis quaestionibus. Ergo
reges et principes in necessariis deficere non debent indigentibus, immo
potius subvenire. Praeterea : reges et principes vices Dei gerunt in terris,
per quos Deus mundum gubernat sicut per causas secundas. Unde et Samuel
propheta spretus in dominio, cum querelam proponeret coram Deo, responsum
habuit quod non ipsum Israeliticus populus spreverat, sed Deum, cuius
videlicet vices gerebat. Et in Prov. dicitur : per me reges regnant, et
legum conditores iusta decernunt. Sed Deo specialiter est cura pauperum,
ad naturae ipsorum defectum supplendum. Propter quod sic agit divina
providentia circa indigentem, sicut pater erga filios impotentes, de quibus
amplior incumbit sollicitudo propter ampliorem necessitatem. Unde et ipse
dominus sibi reputat fieri specialiter quod fit pauperi, ipso attestante, qui
dicit : quod uni ex minimis meis fecistis, mihi fecistis. Ergo ad
istum defectum pauperum supplendum, sicut vices Dei gerentes in terris,
principes et praelati sunt debitores, et sicut patres, quos cogit officium esse
auxiliatores subditorum, ut philosophus dicit in VIII Ethicorum, ipsorum cum
effectu beneficii specialem debent curam habere. Talem autem sollicitudinem
habuit Philippus rex Macedo circa Phisiam : quem, ut scribit Vegetius libro
III de re militari, cum prius haberet offensum, audiens ipsum licet nobilem
habere tres filias, et cum ipsis inopia premi, ab admonentibus, de hoc
quaerens utrum melius foret partem aegram corporis abscindere quam curare,
familiariter accersivit, et accepta de facultatum domesticarum pecunia
instruxit, et fideliorem habuit. Amplius autem : quia reges et principes
communes habent actiones et universalem diligentiam subditorum, cum non
sufficiat homo solus ad proprias actiones, oportet quod in multis deficiant,
quia talis actio, sive actiones, quae sunt populum gubernare, iudicare, ac
unicuique suorum subditorum secundum merita providere, transcendit virtutem
naturae : propter quod dicitur, quod est ars artium regimen animarum. Et
arduum est valde ut qui nescit tenere moderamina vitae suae, iudex fiat vitae
alienae. Secundum quam causam Sauli assumpto et uncto in regem per Samuelem
prophetam praecipitur, quod ascenderet ad cuneum prophetarum, ut ibidem per
elevationem mentis prophetando cum eis, circa populum gubernandum ex divina influentia
haberet notitiam agendorum; quod et factum fuit, ut patet I Reg. Unde
impossibile est reges et principes non errare propter dictam causam, nisi ad
illum qui omnia gubernat et omnium est conditor se convertant. Et propter
hanc causam dicitur in Eccli. de regibus Israelitici populi, quod praeter
David, Ezechiam et Iosiam, qui fuerunt viri spirituales et a Deo
illuminati, omnes peccaverunt domino. Isti autem defectui subvenitur
per eleemosynae beneficium unde pauperes sustententur; sicut per Danielem prophetam
dictum est illi principi ethnico regi Babylonis Nabuchodonosor, qui in toto
oriente generalis erat monarcha : peccata tua eleemosynis redime, et
iniquitates tuas in misericordiis pauperum converte. Sunt ergo ipsae
eleemosynae quas faciunt principes indigentibus quasi quidam fideiussor coram
Deo pro ipsis ad solvendum debita peccatorum, ut philosophus dicit de
numismate respectu rerum venalium. Et sicut numisma est mensura in
permutationibus pro vita corporali, ita eleemosyna in vita spirituali propter
quod in Eccli. dicitur : eleemosyna viri quasi sacculus cum ipso, et
gratiam hominis quasi pupillam oculi conservabit. Ex his igitur satis est
manifestum qualiter opportunum est regibus et cuicumque domino in ipsorum
dominio, de communi aerario reipublicae, sive regali, pauperibus providere.
Hinc est quod in singulis provinciis, civitatibus et castris, ad talia
ministeria exercenda sunt hospitalia instituta, sive per reges sive per
principes et cives ad pauperum inopiam sublevandam, et non solum apud fideles,
sed etiam infideles. Domos enim instituebant hospitalitatis ad pauperum
subventionem, quas Iovis hospitalia nominabant, ut patet in libro II Mach.,
propter effectum benevolentiae et pietatis qui eidem attribuitur planetae
secundum astrologos. De Aristotele etiam tradunt historiae quod Alexandro
exhortatorias litteras destinavit, quod pauperum inopiae memor esset ad
prosperitatem sui regiminis augmentandam. |
|
|
|
Caput
16 [90368] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio,
Liber 2 Caput 16 Titulus Qualiter
oportet regem et quemcumque dominantem ad cultum divinum intendere, et qui
fructus ex hoc sequatur |
|
[90369] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, lib.
2 cap. 16 His habitis agendum
est de cultu divino, ad quem reges et principes studere debent toto conatu et
sollicitudine, sicut ad finem debitum. Et ideo hic in hoc ultimo capitulo
traditur de quo rex ille magnificus Salomon in Eccle. scribit : finem
loquendi omnes pariter audiamus. Deum time et mandata eius observa : hoc est
enim omnis homo. Et quamvis iste finis omnibus sit necessarius, divinus
videlicet cultus et reverentia per observantiam mandatorum, ut iam dictum
est, regi tamen magis competit, et huius rei est magis debitor propter tria
quae sunt in ipso, quia videlicet homo, et quia dominus, et quia rex. Quia
homo singulariter a Deo creatus; caeteras enim creaturas Deus dicendo fecit,
cum vero hominem creavit, dixit : faciamus hominem ad imaginem et
similitudinem nostram. Unde apostolus in actis apostolorum refert verba
Arati poetae dicentis : ipsius enim genus Dei sumus. Ex hac ergo parte
debitores sumus omnes Deo in generali ad divinam reverentiam, quod est primum
praeceptum primae tabulae; unde dicitur populo Israelitico in Deuteronomii VI
per Moysen, et per consequens nobis : audi, Israel, dominus Deus tuus,
Deus unus est. Quasi ipse solus sit cui debetur reverentia et honor, in
quantum ab ipso solo creati sumus et singulari quadam praerogativa producti.
Et propter hoc, habita consideratione tanti beneficii, subdit Moyses in eodem
statim loco, dicens : diliges dominum Deum tuum ex toto corde tuo, et in
tota anima tua, et in tota fortitudine tua; in hoc volens ostendere quod
totum Deo debeamus quod sumus. Et in recognitionem eius praeceptum de decimis
fuit institutum, ad quod quilibet obligatur in quantum est ex iure divino non
in quantitate numeri sed cuiuscumque rei ex dicta iam causa. Sed quamvis
quilibet ad hoc sit obligatus, plus tamen princeps etiam sicut privata
persona, in quantum plus participat de nobilitate humanae naturae ratione sui
generis unde trahit originem et inde nobilitatem, ut philosophus probat in
sua rhetorica. Qua consideratione motus Caesar Augustus, qui et Octavianus,
ut historiae tradunt, divinos honores non sustinens qui eidem exhibebantur a
Romano populo propter corporis eius pulchritudinem et animi probitatem, suum
creatorem et factorem quaesivit a Sybilla Tiburtina, quem et invenit et
adoravit, prohibuitque edicto publico ne ipsum ulterius aliquis de dicto
populo adoraret, vel Deum aut dominum vocaret. Amplius autem et in quantum
dominus, quia non est potestas nisi a Deo, ut apostolus dicit ad Rom.
Unde et vices Dei gerit in terris, ut dictum est supra. Propter quod tota
virtus domini ex Deo dependet, sicut eius ministri. Ubi autem est dependentia
in dominio, necessaria est superioris reverentia, quia per se nihil est, ut
in ministris regalium curiarum contingit. Propter quod in Apocalypsi
quotiescumque agitur de caelestium spirituum ministerio, qui per seniores
tanquam maturiores in actionibus et animalia quae potius aguntur quam agant
ex vehementi irradiatione divina et in ministerio designantur, semper de
eisdem subiungitur quod ceciderunt in facies suas, et adoraverunt Deum. Qui
quidem duo actus sunt latriae seu divini cultus. Unde et ille Nabuchodonosor
monarcha in oriente, ut scribitur in Daniele, quia suum dominium non
recognoscebat a Deo, secundum suam imaginationem in bestiam est translatus,
et dictum est ei : septem tempora mutabuntur super te, donec scias quod
dominetur excelsus in regno hominum, et cuicumque voluerit det illud.
Circa quod etiam monitus Alexander, ut historiae tradunt, cum proposito
vadens in Iudaeam destruendi regionem, cum appropinquanti Hierusalem ei irato
in albis summus pontifex occurrisset cum ministris templi, mansuefactus et de
equo descendens, ipse eum vice Dei reveritus est, et ingressus templum
maximis honoravit donis et gentem totam pro divina reverentia libertate
donavit. Non solum autem sicut homo et dominus ad divinum obligatur cultum,
sed etiam sicut et rex, quia inunguntur oleo consecrato, ut patet de regibus
Israelitici populi qui oleo sancto inungebantur manibus prophetarum, unde et
Christi domini vocabantur propter excellentiam virtutis et gratiae in
coniunctione ad Deum, quibus praediti esse debebant; secundum quam unctionem
consequebantur quamdam reverentiam et delationem honoris. Propter quod etiam
David, quia praecidit clamidem regis Saulis, percussit pectus suum in
poenitudinis signum, ut scribitur in libro I Reg. Rex etiam David cum
lamentabiliter deplorat mortem Saulis et Ionathae, ita querelam proponit de
allophylorum irreverentia, quod sic occiderant regem Saul quasi non esset
unctus oleo, ut in fine scribitur II libri regum. Cuius sanctitatis etiam argumentum assumimus ex gestis
Francorum et beati Remigii super Clodoveum, regem primum Christianum inter
reges Francorum, et delatione olei desuper per columbam, quo rex praefatus
fuit inunctus, et inunguntur posteri signis et portentis, ac variis curis
apparentibus in eis ex unctione praedicta. Amplius autem et in dicta
unctione, ut Augustinus ait de civitate Dei, figurabatur rex verus et
sacerdos, iuxta Danielem prophetam : cum venerit, inquit, sanctus
sanctorum, cessabit unctio vestra. In quantum igitur figuram gerunt in
hac unctione illius qui est rex regum, et dominus dominantium, ut
dicitur in Apocalypsi, qui est Christus dominus noster, debitores sunt reges
ad ipsum imitandum, ut sit debita proportio figurae ad figuratum, umbrae ad
corpus : in quo verus ac perfectus cultus divinus includitur. Patet igitur quam
necessarium sit cuilibet domino ut sit Deo devotus et reverens, sed praecipue
regi ad conservationem sui regiminis. Cuius
exemplum trahimus quidem a primo urbis rege, videlicet Romulo, ut historiae
tradunt. In primordio enim sui regiminis in urbe Romana fabricavit asylum,
quod templum pacis nominabat, multis amplians gratiis : pro cuius nomine et
reverentia omnem sceleratum qui ad ipsum confugeret, cuiuscumque status
esset, reddebat immunem. Qualem autem habuerint exitum posteri eius, qui in
divino cultu fuerunt negligentes, et qui fuerunt ferventes, scribit Valerius
maximus in principio libri sui. Quid vero dicam de deicolis regibus sive
veteris sive novi testamenti ? Omnes enim qui ad divinam reverentiam fuerunt
solliciti, feliciter suum consummaverunt cursum; qui vero e contra, infelicem
consecuti sunt exitum. Tradunt etiam historiae quod in qualibet monarchia ab
initio saeculi tria se invicem per ordinem comitata sunt : divinus cultus,
sapientia scholastica et saecularis potentia. Quae quidem tria se invicem per
ordinem consequuntur, et in rege Salomone ex suis meritis conservata sunt,
quia per divinam reverentiam, cum descendit in Hebron locum orationis
assumptus in regem, consecutus est sapientiam et ex utroque ulterius in
regali virtute super reges sui temporis excellentiam. Cum vero a vero cultu
Dei recessit, infelicem exitum habuit, ut patet in III Lib. Reg. Haec igitur
de pertinentibus ad regimen cuiuscumque dominii, sed praecipue regalis, in
hoc libro in tantum sint dicta. |
|
|
|
Liber
3 |
LIVRE 3 — L’ORIGINE DIVINE DE TOUT POUVOIR (Par Ptolémée de Lucques) |
Caput
1 [90370] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio,
Liber 3 Caput 1 Titulus Consideratur
et probatur omne dominium esse a Deo, considerata natura entis |
|
[90371] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, lib.
3 cap. 1 Et quia cor regis
in manu Dei, quocumque voluerit inclinabit illud, ut in Prov. scribitur
quod et ille magnus monarcha in oriente, Cyrus videlicet rex Persarum, per
publicum confitetur edictum. Post victoriam enim de Babylonia consecutam,
quam usque ad solum destruxit, ac occiso Balthassar rege ibidem, sicut
historiae tradunt, sic ait, ut in principio libri Esdrae patet : haec
dicit Cyrus rex Persarum : omnia regna mundi dedit mihi dominus Deus caeli.
Inde manifeste apparet a Deo omne provenire dominium sicut a primo dominante.
Quod quidem ostendi potest triplici via quam philosophus tangit, quia vel in
quantum ens, vel in quantum motor, vel in quantum finis. Ratione quidem entis
: quia oportet omne ens ad ens primum reducere, sicut ad principium omnis
entis, ut et omne calidum ad calidum ignis, ut patet per philosophum in
secundo Metaph. Qua ergo ratione omne ens ex ente primo dependet, eadem et
dominium, quia ipsum super ens fundatur, et tanto super nobilius ens quanto
ad dominandum super homines in natura coaequales eisdem praeponitur. Unde et
causam habet non superbiendi, sed humane suum populum gubernandi, ut Seneca
dicit in epistola ad Lucilium. Propter quod in Eccli. dicitur : rectorem
te posuerunt ? Noli extolli, sed esto in illis quasi unus ex illis. Sicut
ergo omne ens ab ente primo dependet, quod est prima causa, ita et omne
dominium creaturae a Deo sicut a primo dominante et primo ente. Amplius autem
: omnis multitudo ab uno procedit et per unum mensuratur, ut patet per
philosophum in decimo primae philosophiae; ergo eodem modo et multitudo
dominantium ab uno dominante trahit originem, quod est Deus : sicut videmus
in regalibus curiis quod in diversis officiis multi sunt dominantes, sed
omnes ex uno dependent, videlicet rege. Propter quod philosophus in
decimosecundo primae philosophiae dicit quod sic se habet Deus, sive prima
causa, ad totum universum, sicut dux ad totum exercitum, a quo tota multitudo
castrorum dependet. Unde et ipse Moyses in Exod. Deum ducem populi vocat : dux,
inquit, fuisti in misericordia tua populo, quem redemisti. A Deo
igitur omne dominium habet initium. Rursus ad idem. Virtus est proportionata
enti cuius est virtus et adaequatur ei, quia virtus fluit ab essentia rei, ut
patet per philosophum in primo et secundo Lib. de caelo. Sicut ergo se habet
ens creatum ad increatum, quod est Deus, ita virtus cuiuslibet entis creati
ad virtutem increatam, quae etiam est Deus, quia quidquid est in Deo, Deus
est. Sed
omne ens creatum ab ente increato trahit originem; ergo virtus creata ab
increata. Hoc autem in dominio
praesupponitur, quia non est dominium ubi non est potentia sive virtus; ergo
omne dominium erit ab increata virtute, et haec est Deus, ut supra dictum
est, et sic idem quod prius. Unde apostolus dicit ad Hebr. quod Deus portat omnia
verbo virtutis suae. In Eccli. etiam scribitur quod unus est
altissimus creator omnium omnipotens, rex potens, metuendus nimis, sedens
super thronum, dominans Deus. In quibus verbis satis apparet, a quo omnis
creatura habet esse, virtutem et operationem, et per consequens dominium, et
multo amplius rex, ut superius est ostensum. Caput
2 [90372] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio,
Liber 3 Caput 2 Titulus Hoc
idem probat ex consideratione motus cuiuslibet naturae creatae [90373] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, lib.
3 cap. 2 Non solum autem
ratione entis, sed ratione etiam motus probatur a Deo provenire dominium. Et
primo quidem assumenda est ratio philosophi in octavo physicorum : quia omne
quod movetur, ab aliquo movetur, et in moventibus et motis non est abire in
infinitum : ergo oportet venire ad aliquod primum movens immobile, quod est
Deus, sive causa prima. Inter omnes autem homines, qui plus habent de ratione
motus sunt reges et principes et omnes qui praesunt, sive in gubernando sive
in iudicando sive in defendendo, et sic de aliis actibus qui ad curam
regiminis pertinent. Unde Seneca, de consolatione fratris ad Polybium sic
loquitur de Caesare, exhortans eum ad contemptum mundi : cum voles omnium
rerum oblivisci, cogita Caesarem. Vide quantam huius vitae indulgentiae
fidem, quantam industriam debeas; intelliges non magis tibi incurvari licere
quam illi. Si quis modo est fabulis traditus, cuius humeris mundus innititur,
Caesari quoque ipsi, cui omnia licent, propter hoc ipsum multa non licent. Omnium domos illius
vigilia defendit, omnium otium illius labor, omnium delicias illius
industria, omnium vacationem illius occupatio. Ex quo se Caesar orbi terrarum dedicavit, sibi se eripuit, et
siderum modo, quae irrequieta semper cursus suos explicant, numquam illi
licet nec subsistere, nec quidquam suum facere. Si ergo reges et alii domini
tantum habent de ratione motus, ipsum non possunt perficere nisi per
influentiam et virtutem moventis primi, quod est Deus, ut superius est
probatum. Propter quod in Lib. sapientiae ubi connumerantur effectus divinae
virtutis per suam sapientiam, volens auctor ostendere qualiter omnia
influentiam divini motus participant, subdit statim : omnibus mobilibus
mobilior est sapientia. Attingit autem ubique propter suam munditiam :
munditiam vocans absolutam et supergredientem ac immixtam divinam virtutem ad
omnia movendum ad similitudinem corporis lucis, quae ex hac parte naturam
imitatur divinam. Rursus ad idem. Omnis causa primaria plus est influens in
suum causatum, quam causa secundaria. Causa autem prima Deus est. Ergo si
virtute primae causae omnia moventur, et influentiam primi motus omnia
recipiunt, et motus dominorum erit ex virtute Dei et ex Deo movente. Amplius
autem : si est ordo in motibus corporalibus, multo magis et in spiritualibus
erit. Sic autem videmus in corporibus quod inferiora per superiora moventur,
et omnia reducuntur ad motum supremi, quod est nona sphaera, secundum
Ptolomaeum in prima dist. Almagesti; sed secundum Aristotelem in secundo de
caelo, est octava. Si ergo omnes motus corporales regulantur per primum et a
primo habent influentiam, multo magis spirituales substantiae propter maiorem
assimilationem quam habent in alterutrum. Unde aptiores sunt ad recipiendam influentiam
primi et supremi moventis sive motoris, quod est Deus : quem quidem motum
nobis tradit beatus Dionysius in libro de divinis nominibus et de caelesti
hierarchia, distinguens in eis motum sicut et in corporibus, videlicet
circularem, rectum et obliquum. Qui quidem motus sunt quaedam illuminationes
quas recipiunt a superioribus ad agendum, ut idem doctor exponit; ad quas
quidem illuminationes recipiendas necessaria est dispositio mentis in qua sit
ista influentia motus. Inter omnes autem homines qui paratiores esse debeant
sunt reges et principes et alii dominatores orbis, tum ex exercitio quod
habent, tum ob universales actiones regiminis unde et mens magis elevatur ad
divina, tum etiam quia hoc eis incumbit ut se disponant ut cura eis imposita
in gubernando gregem et alia quae sunt necessaria in actibus regiminis quae
supra ipsum sunt et naturam particularem excedunt, per talem motum divinae
influentiae sufficientius deducantur. Sic
enim David rex se disposuit : propter quam causam ex motu illuminationis
praefatae supra omnes reges et prophetas meruit in suis Psalmis spiritum
propheticae intelligentiae, ut doctores Scripturae sacrae tradunt. Ex cuius
contrario actu principes ethnici, de quibus Daniel propheta mentionem facit,
ut Nabuchodonosor et Balthassar, pater et filius, meruerunt obumbrari : unde
et influentia divinae illuminationis movit eorum phantasiam in imaginativis
visionibus, ut in Daniele est manifestum, ut scirent quid circa regale
regimen eis esset agendum; sed quia mens ipsorum non erat disposita, sed
involuta tenebris peccatorum, ad ipsam notitiam non potuerunt venire. Propter
quod insignito lumine prophetiae Danieli dictum est : tibi datus fuit
spiritus intelligentiae ad ista interpretandum, ut sic verificetur quod
per Salomonem dicitur in Prov. : meum est consilium et aequitas, mea est
prudentia, et mea est fortitudo, per me reges regnant et legum conditores
iusta decernunt, per me principes imperant et potentes decernunt iustitiam.
Et sic manifestum est, qualiter omne dominium est a Deo in consideratione
motus. Caput
3 [90374] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio,
Liber 3 Caput 3 Titulus Non
idem probat per considerationem finis [90375] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, lib.
3 cap. 3 Sed et respectu finis
adhuc hoc idem apparet. Si enim est hominis agere propter finem ratione sui
intellectus, qui finem in unaquaque eius actione praestituit, unaquaeque
natura quanto est magis intellectiva tanto magis propter finem agit. Cum ergo
Deus sit summa intelligentia et purus actus intelligendi, sua actio magis
finem includit. Ergo oportet dicere quod in unoquoque fine uniuscuiusque rei
creatae praeexigatur actio intellectus divini, quam et nos divinam prudentiam
vocamus, per quam dominus cuncta disponit et in debitum finem deducit, ut
Boetius de consolatione philosophiae ipsam nominat, secundum quam rationem
dicitur in libro sapientiae quod divina sapientia attingit a fine usque ad
finem fortiter, et disponit omnia suaviter. Concluditur ergo ex hoc, quod
quaelibet res quanto ordinatur ad excellentiorem finem, tanto plus participat
de actione divina. Huiusmodi autem est regnum cuiuscumque communitatis seu
collegii, sive regalis sive cuiuscumque conditionis, quia cum intendat
nobilissimum finem, ut philosophus tangit in Ethic. et in primo politicorum,
in ipso divina praeintelligitur actio, et suae virtuti dominorum subiicitur
regimen. Et hinc forte trahit originem veritatis, quod bonum commune divinius
ponitur a philosopho in Ethic. Amplius : in regimine legislator semper debet
intendere ut cives dirigantur ad vivendum secundum virtutem, immo hic est
finis legislatoris, ut philosophus dicit in secundo Ethic. Propter quod et
apostolus dicit ad Timotheum quod finis praecepti est charitas. Sed ad
istum finem venire non possumus sine motione divina, sicut nec calor
calefacere sine virtute caloris ignis, nec lucidum lucere sine virtute lucis.
Et tanto altius et excellentius motio primi moventis, quanto virtus divina
supergreditur et transcendit virtutem creatam et omne genus operis, sed et fortius
influit in tantum, ut dicat ille Isaias propheta : omnia opera nostra
operatus es (in nobis), domine; et vox evangelica : sine me nihil
potestis facere. Rursus ad idem. Finis movet efficientem et tanto
efficacius quanto finis nobilior et melior reperitur, ut bonum gentis
respectu boni civitatis vel familiae, sicut philosophus dicit in primo
politicorum. Finis autem ad quem principaliter rex intendere debet in se ipso
et in subditis est aeterna beatitudo, quae in visione Dei consistit. Et quia
ista visio est perfectissimum bonum, maxime debet movere regem et quemcumque
dominum ut hunc finem subditi consequantur : quia tunc optime regit, si talis
in ipso sit finis intentus. Tali autem modo suos regebat et gubernabat rex
ille et sacerdos Christus Iesus, qui dicebat in Ioan. : ego vitam aeternam
do eis. Et iterum : ego veni ut vitam habeant et abundantius habeant.
Hoc autem maxime facit rex quando super gregem suum sicut bonus pastor
invigilat, quia tunc super eum divina lux irradiat ad bene regendum, ut pastoribus
in ortu regis nostri et salvatoris. Et irradiationis iam dictae ad bonum
regimen et in principe et in subditis motum circularem accipimus, rectum et
obliquum, de quibus distinctum est supra et beatus Dionysius loquitur in cap.
quarto de divinis nominibus. Hic enim motus ideo rectus dicitur, quia fit per
divinam illuminationem super principem ad bene regendum et super populum
meritis principis. Sed obliquus vocatur, quando per divinam illuminationem
sic subditos regit quod virtuose vivunt et insurgit in eis divina laus et
gratiarum actio, ut sit quasi quaedam arcualis figura, ex chorda recta et
arcu obliquo. Sed circularis motus divinorum radiorum dicitur, quando divina
illuminatio irradiat principem vel subditum, ex qua quidem elevantur ad Deum
contemplandum et diligendum : qui ideo circularis motus vocatur, quia est ab
eodem ad idem et a puncto ad punctum, quod circularis motus est proprium.
Quem quidem motum philosophus etiam ponit in decimosecundo metaphysicorum,
ubi dicitur quod motor primus, sive causa prima, quod est Deus, movet alia
sicut desideratum, hoc est ratione finis, qui est ipse; de quo et propheta
David loquitur in Psalm., licet secundum sacros doctores proprie adaptetur ad
Christum regem nostrum : Deus, inquit, iudicium tuum regi da et
iustitiam tuam filio regis. Iudicare populum tuum in iustitia, et pauperes
tuos in iudicio. Suscipiant montes pacem populo et colles iustitiam. Quae
quidem omnia deprecativa sunt regis et cuiuslibet domini ad Deum pro bono
regimine populi, ad quod principaliter conari debent, ut dictum est supra. Et
quia mentem sic dispositam habent ad divinam influentiam recipiendam pro
salute subditorum, statim subditur : descendet sicut pluvia in vellus, et
sicut stillicidia stillantia super terram. Orietur in diebus eius iustitia et
abundantia pacis. Per quae omnia satis manifestum est quod dominium est a
Deo in relatione ad finem sive remotum, qui est ipse, sive propinquum, qui
est operari secundum virtutem. Caput
4 [90376] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio,
Liber 3 Caput 4 Titulus Qualiter
dominium Romanum fuit a Deo provisum propter zelum patriae [90377] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, lib.
3 cap. 4 Et quia inter omnes
reges et principes mundi Romani ad praedicta magis fuerunt solliciti, Deus
illis inspiravit ad bene regendum, unde et digne meruerunt imperium, ut
probat Augustinus, in libro de civitate Dei, diversis causis et rationibus,
quas ad praesens perstringendo ad tres reducere possumus, aliis ut tradatur
compendiosius resecatis, quarum intuitu meruerunt dominium. Una sumitur ex
amore patriae; alia vero ex zelo iustitiae; tertia autem ex zelo civilis
benevolentiae. Prima iam dicta virtus satis erat digna dominio, qua
participabant quamdam naturam divinam, eo quod ad communitatem suus fertur effectus.
Versatur enim ad universales actiones populi, sicut Deus est universalis
causa rerum. Unde et philosophus dicit in primo Ethic. quod bonum gentis est
bonum divinum. Et quia regale regimen et quodcumque dominium communitatem
importat, communitatem diligens dominii communitatem meretur, ut sic ipsum
concomitetur praemium secundum meriti qualitatem : et hoc requirit conditio
divinae iustitiae unicuique mercedem rependere iuxta virtutis opus, ut verbum
scriptum in Apoc. impleatur in eis : opera eorum sequuntur illos. Et
iterum in Matth. scribitur quod dominus dedit unicuique secundum propriam
virtutem. Amplius autem : amor patriae in radice charitatis fundatur,
quae communia propriis, non propria communibus anteponit, ut beatus
Augustinus dicit exponens verbum apostoli de charitate. Virtus autem
charitatis in merito antecedit omnem virtutem, quia meritum cuiuscumque
virtutis ex virtute charitatis dependet. Ergo amor patriae super caeteras
virtutes gradum meretur honoris. Hoc autem est dominium. Ergo ex amore digne
consequitur quis principatum. De hoc autem amore patriae dicit Tullius in
Lib. de officiis quod omnium societatum nulla est gratior, nulla carior quam
ea quae cum republica perseverat. Unicuique enim nostrum cari sunt parentes,
cari sunt liberi, cari sunt propinqui ac familiares, sed omnium
propinquitates patria sua charitate complexa est : pro qua quis bonus dubitet
mortem appetere, si eidem sit profuturus ? Quantus vero fuerit amor patriae
in antiquis Romanis, Salustius refert in Catilinario ex sententia Catonis,
quasdam de eis connumerando virtutes, in quibus dictus amor includitur :
nolite, inquit, existimare maiores nostros armis rempublicam ex parva magnam
fecisse, quippe amplior nobis quam ipsis armorum est copia; sed quia in eis
fuit domi industria, foris iustum imperium, in consulendo animus liber neque
delicto neque libidini obnoxius. Pro his nos habemus luxuriam atque
avaritiam, publice egestatem, privatim opulentiam, laudamus divitias,
sequimur inertiam, inter bonos et malos nullum discrimen, omnia virtutis
praemia ambitio possidet. Rursus : amor patriae primum et maximum mandatum
continere videtur, de quo Evangelium Lucae mentionem facit, quia in zelando
rem communem assimilat sibi naturam divinam, in quantum vice Dei diligentem
circa multitudinem adhibet curam. Item proximi dilectionem adimplet, dum
totius populi sibi commissi ex affectu paterno sollicitudinem gerit, et sic
adimplet mandatum praefatum, de quo dicitur in Deut. : diliges dominum
Deum tuum ex toto corde tuo, et ex tota anima tua, et ex tota fortitudine
tua, et proximum tuum sicut te ipsum. Et quia in isto praecepto divino
non cadit dispensatio, inde est quod Tullius dicit de republica quod nulla
causa intervenire debet unde propria patria denegetur. De isto autem amore
patriae exemplum accipimus, ut historiae tradunt et beatus Augustinus in
quinto de civitate Dei, de Marco Curtio nobili milite qui armatum equo
sedentem in abruptum terrae hiatum se praecipitem dedit, ut pestilentia
cessaret ab urbe. Item de M. regulo qui salutem reipublicae suae praeferens,
consultus a Romano populo et inter praedictum populum et Poenorum gentem
mediator pacis existens, in Africam rediens a Carthaginensibus est occisus.
Quam mundas etiam habuerunt manus a muneribus principes eorum pro conservanda
republica, patet de M. Curio, de quo scribit maximus Valerius libro quarto
quomodo Samnitum divitias contempsit. Cum enim post victoriam de ipsis
habitam legati eorum ad ipsum aditum habuissent ipsumque reperissent in
scamno sedentem et catino ligneo coenantem, magnumque auri pondus offerrent,
suis invitatus verbis ut eo uti vellet, vultum protinus risu solvens :
supervacue, inquit : narrate Samnitibus M. Curium malle locupletibus
imperare, quam locupletem fieri. Et mementote me non acie vinci, nec pecunia
posse corrumpi. Simile etiam refert idem auctor libro eodem de Fabricio, qui
cum honore et auctoritate omnibus in aetate sua maior, censu vero par esset
unicuique pauperrimo, requisitus a Samnitibus, quos in clientela detinebat,
pecuniam et servos sibi missos contempsit ac frustratos remisit, continentiae
suae beneficio et zelo patriae sine pecunia praedives et sine usu familiae
abunde comitatus : quia locupletem illum faciebat non multa possidere, sed
pauca desiderare. De talibus autem concludit dictus doctor quod eisdem non
datur dominandi potestas, nisi summi Dei providentia, quando res humanas
iudicat talibus donis esse dignas. Multa similia ibidem dicit, per quae
definire videtur eorum dominium fuisse legitimum et eis a Deo collatum. Sed
et Mathathias et filii quamvis fuerint de sacerdotali genere, propter zelum
legis et patriae in populo Israelitico meruerunt dominium, ut patet in primo
et secundo Machab. Cum enim morti esset vicinus, sic filios suos alloquitur :
aemulatores, inquit, estote legis et date animas vestras pro
testamento patrum, quod pro republica accipimus in populo praedicto; et
postea subditur : et accipietis gloriam magnam, et nomen aeternum :
quod ad filiorum referimus principatum, quorum unus alteri successit, Iudas
videlicet, et Ionathas et Simon, et quilibet eorum sacerdos et dux in eodem
floruit populo. Caput
5 [90378] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio,
Liber 3 Caput 5 Titulus Qualiter
Romani meruerunt dominium propter leges sanctissimas quas tradiderunt [90379] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, lib.
3 cap. 5 Est autem et alia
ratio, unde digne Romani dominium sunt adepti, zelus videlicet iustitiae. Quo
quidem modo acquisierunt principatum quodam iure naturae, a quo habet
exordium omne iustum dominium. Primo quidem quia, ut idem doctor scribit
consulebant patriae consilio libero, avaritiam relegantes a dominio sive
turpis lucri gratiam, neque delicto neque libidini obnoxii, pro quibus iam
stans dominium dissipatur. Trahebantur enim homines ad ipsorum amorem, ut propter
ipsorum iustissimas leges se sponte eisdem subiicerent. Unde et ipse
apostolus Paulus cum a Iudaeis nimis iniuriis vexaretur, coram Festo principe
circa partes Caesareae Palaestinae, ut in Act. Apost. traditur, ad Caesarem
appellavit ac se subiecit legibus Romanis. Quales autem fuerint eorum leges
et quam sanctae, sic in eisdem Act. Apost.
scribitur de dicto Festo, quia cum Hierosolymis esset, adierunt ipsum
principes sacerdotum et sacerdotes postulantes adversum Paulum damnationem
mortis : quibus dictus Festus respondit, prout dictis legibus Romanorum
subiectus, quod non est consuetudo Romanis damnare aliquem, sive
donare, nisi praesentes habeant accusatores locumque defendendi accipiat
ad abluenda crimina. Propter quod dicit idem doctor Augustinus in
decimoctavo libro praefato, quod Deo placuit orbem terrarum per Romanos
debellare, ut in unam societatem reipublicae legumque perductum longe lateque
pacaret. Amplius autem ad hoc : qua de
iure naturae est ut quis gerens curam alterius mercedem reportet, eo quod, ut
scribitur in Prov. : unicuique mandavit Deus de proximo suo. Ex qua
quidem ratione iura concedunt quod quis rem alienam contrectare possit et
expensas deducere ac praemium accipere iuxta meritum actionis, cum dicta bona
male tractantur a praedonibus vel quibuscumque raptoribus. Hoc ergo
supposito, consonum videtur naturae ut dominium sit concessum pro pace ac
iustitia conservanda, iurgiis ac discordiis resecandis. Item. Ad hoc videtur
provisum ut mali puniantur et boni promoveantur; et hoc est officium
dominorum, in hoc quasi officium gerentium proximorum, ut inde suam reportent
mercedem, quia ex hoc sua recipiunt vectigalia et tributa. Unde cum apostolus
ad Romanos ostendisset a Deo provenire omne dominium : non est,
inquit, potestas nisi a Deo, et caetera quae ibi ponuntur ad dominium
pertinentia, ultimo concludit : ideo et tributa praestatis : ministri enim
Dei sunt in hoc ipsum servientes. In quantum igitur homines virtuosi ac
sua probitate praepollentes pro gubernanda populi multitudine, quae rege
indiget et rectorem non habet, curam assumunt et sub legibus populum
dirigunt, non tantum instinctu Dei moveri videntur, sed vicem Dei gerunt in
terris, quia conservant hominum multitudines in civili societate, qua
necessario homo indiget cum sit animal naturaliter sociale, ut philosophus
dicit in primo Politic. Unde et in isto casu dominium videtur esse legitimum.
Quod quidem probat Augustinus in quarto de Civ. Dei; dicit enim sic : remota
iustitia, quid sunt ipsa regna nisi quaedam latrocinia ? Ergo ipsa supposita,
regnum et quodlibet dominium esse videtur concessum. Introducit autem ad suum
probandum intentum exemplum de quodam pirata qui vocabatur Dionides, qui cum
fuisset captus ab Alexandro, quaesivit ab eo cur mare haberet infestum. Ipse
libera contumacia respondit : quod tibi ut orbem terrarum. Sed quia ego
exiguo navigio id facio, latro vocor; tu vero quia magna classe, diceris
imperator. Ista ergo ratione Romanis a Deo collatum fuit dominium. Unde et
idem doctor in quinto eiusdem libri dicit quia propter leges ipsorum
sanctissimas nisi sunt tanquam recta via ad honores, imperium et gloriam, nec
habent unde conqueri debeant de summi et veri Dei iustitia : perceperunt enim
mercedem suam, iuste videlicet dominando ac legitime gubernando. Quantus autem
fuerit zelus iustitiae apud Romanos consules antiquos contra malos, de multis
est manifestum. Unde scribit Augustinus in quinto saepe iam dicto libro, quod
Brutus filios suos occidit quia bella concitabant in populo : ex quo vigore
iustitiae mortem merebantur. Vicit enim in eo, ut ait poeta, amor
patriae, laudumque immensa cupido. Narrat etiam de Torquato quod idem
fecit de filio, quia contra edictum patris invasit hostes iuvenili quodam
provocatus ardore; et licet victoriosus extiterit, quia tamen castra suae
gentis discrimini exposuit, ipsum morti adiudicavit iuxta militares leges :
ubi idem doctor causam suae mortis insinuat, dicens : ne plus mali esset in
exemplo imperii contempti, quam boni gloria hostis occisi. Maximus autem
Valerius dicit de ipso quod maluit proprio nato carere quam disciplinae
militaris transgressionibus indulgere. Sic ergo patet qualiter zelo legalis
iustitiae Romani dominium meruerunt. Caput
6 [90380] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio,
Liber 3 Caput 6 Titulus Quomodo
concessum est eis dominium a Deo propter ipsorum civilem benevolentiam [90381] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, lib.
3 cap. 6 Tertia vero virtus,
per quam subiugaverunt Romani mundum et meruerunt dominium, fuit singularis
pietas ac civilis benevolentia : quia, ut tradit maximus Valerius libro
quinto : humanitatis dulcedo barbarorum ingenia penetrat; et hoc experimentum
habet. Unde et in Prov. dicitur, quod verbum dulce multiplicat amicos et
mitigat inimicos. Item in eodem : responsio mollis frangit iram :
sermo durus suscitat furorem. Cuius
quidem ratio sumitur ex generositate animi, ut dicit Seneca, qui magis
ducitur, quam trahatur. Habet enim mens quoddam sublime et altum ac impatiens
superioris; sed delectatione cuiusdam subiicitur reverentiae seu lenitatis,
per quam suspicatur ad paria posse conscendere, et a suo non resilire gradu.
Propter quod et philosophus dicit octavo Ethic. quod benevolentia est
principium amicitiae. Quantum autem antiqui Romani in hac excelluerint
virtute, unde exteras nationes ad suum traherent amorem seque eisdem sponte
subiicerent, exempla ipsorum deducantur in medium. Primo quidem de Scipione,
qui, ut refert maximus Valerius Lib. quarto, cum esset in Hispania dux Romani
exercitus contra gentem Hannibalis ac vigesimum quartum agens annum
Carthaginem ibidem a poenis conditam in suam redegisset potestatem; in ipsa
virginem cepit eximiae venustatis, quam ut desponsatam agnovit et nobilem,
ipsam inviolatam parentibus reddidit et aurum quod in redemptionem eius
traditum fuerat, doti eius adiecit. Ex quo facto ad amorem Romanorum hostes
adduxit, admirantes de tam casta moderatione continentiae dicti principis;
quia cum idem auctor ipsum referat solutioris vitae in iuvenili aetate
fuisse, se ipsum in tanta libertate et potestate consistens ab omni delicto
conservavit immunem. Unde Titus Livius de bello Punico narrat Scipionem
sponsum dictae virginis allocutum fuisse, in quo sermone suam ostendit
pudicitiam digne principibus imitabilem et dominii meritoriam. Scribit et
idem Titus de ipso quaedam benevolentiae inductiva in praedicta victoria. Cum
enim misit obsides Romanis, primo quidem hortatus est universos bonum habere
animum : venisse enim eos in Romanorum potestatem, qui beneficio quam metu
obligare homines malunt, exterasque gentes fide ac societate iunctas habere
quam tristi subiectas servitio. De hoc etiam dicit Augustinus, primo de Civ.
Dei, quod proprium ipsorum fuit parcere subiectis et debellare superbos,
acceptaque iniuria, ignoscere quam persequi mallebant. Refert etiam idem
doctor in eodem libro de Marco Marcello, qui cum Syracusam urbem cepisset,
ante illius ruinam suas illi effudit lacrymas, tantaeque fuit pudicitiae et
continentis animi benignaeque mentis, quod priusquam oppidum iussisset invadi
publico edicto constituit ne quis corpus liberum violaret. Quid pluribus
exemplis insistimus ? Cum etiam Machabaei, Iudas videlicet, Ionathas et
Simon, de genere Iudaeorum quorum est proprium aliarum nationum aspernari
consortium, tum quia Saturnini sunt, sicut Macrobius dicit super somnium
Scipionis, tum quia legibus prohibebatur eisdem, considerata benevolentia
Romanorum, cum ipsis statuerunt amicitiam, ut in primo Mach. scribitur, ubi
inter alia commendabilia de ipsis, unde populos gentesque diversas ad suum
trahebant amorem et subiectionem politicam, seu despoticam, sub compendio
interseritur quod inter praesides Romanos nemo portabat diadema nec
induebatur purpura ut magnificaretur in ea; et quia curiam fecerunt et
consulebant quotidie trecentos viginti, consilium agentes semper de
multitudine, ut quae digna sunt gerant; et qua committunt uni homini
magistratum suum per singulos annos dominari universae terrae suae, et omnes
obediunt uni, et non est invidia neque zelus inter eos. Ubi attendendum quam
ordinatum erat tunc temporis regimen politicum in urbe, quod erat praecipuum
motivum cuiuscumque nationis et provinciae ipsorum appetere dominium et
eisdem sua colla subiicere. Aliud etiam erat in eis provocativum
subiectionis, quia ex cupidine dominandi non se dominos vocabant sed socios
et amicos. Unde et de Iulio Caesare in Suetonio scribitur quod milites suos
non sibi subiectos sed socios et commilitones vocabat. Sic et antiqui
consules de Iudaeis fecerunt, qui quidem, etsi modicum haberent in oriente
dominium, cum Romanis tamen confoederati sunt foedere amicitiae. Et cum
amplam haberent Romani monarchiam in oriente et occidente et aliis mundi
plagis, ut ex praedicto libro Mach. est manifestum, non tamen dedignati sunt
cum Iudaeis societatem inire et ad paria se publico in alterutrum attestari
edicto. Patet igitur ex iam dictis quod meritum virtutis in Romanis antiquis
meretur dominium : unde etiam aliae nationes allectae sunt ad ipsorum
dominium, tum ex dilectione patriae, pro qua omnia contemnebant; tum ex
vigore iustitiae, propter quam contra omnem malefactorem et perturbatorem
pacis se opponebant; tum ex civili ipsorum benevolentia, in qua caeteras
nationes ad sui amorem trahebant. Pro quibus omnibus ex merito virtutum in
ipsis divina bonitas consensisse videtur ad ipsorum principatum ex causis et
rationibus assignatis. Sic enim quis meretur dominium, ut philosophus in
quinto Ethic. tradit, ubi dicit quod non sinimus principari hominem in quo
est natura humana tantum, sed illum qui est perfectus secundum rationem,
sicut dictum est supra. Caput
7 [90382] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio,
Liber 3 Caput 7 Titulus Qualiter
Deus permittit aliquod dominium ad punitionem malorum, et quod tale dominium
est quasi instrumentum divinae iustitiae contra peccatores [90383] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, lib.
3 cap. 7 Fuit autem et alia
causa unde dominium est a Deo permissum, quam a sacra accipimus Scriptura,
nec philosophorum et sapientum huius saeculi sententiis contraria, videlicet
propter merita populorum, quam beatus Augustinus assignat in undevicesimo de
Civ. Dei. Probat enim ibi servitutem introductam propter peccatum. Unde et
sacra Scriptura dicit in Iob videlicet quod facit regnare hominem
hypocritam propter peccata populi. Quod quidem apparet, quia primo dominantes
in mundo fuerunt homines iniqui, ut historiae tradunt, sicut Cain, Nembroth,
Belus, Ninus et Semiramis uxor eius, qui et dominium habuerunt in prima et
secunda aetate mundi. Causa autem unde habuerunt istud dominium assumi potest
ex parte subditorum, vel dominantium. Ex parte quidem subditorum quia tyranni
sunt instrumentum divinae iustitiae ad puniendum delicta hominum, sicut rex
Assyriorum super Israeliticum populum, et Totila rex Gothorum, flagellum Dei,
super Italiam, ut historiae narrant. Item : Dionysius in Sicilia, sub quo
captivatus est populus et tandem ab ipso libertate donatus, ut scribit
maximus Valerius libro IV. De rege vero Assyriorum quomodo ad puniendum
delicta sui populi est destinatus, sic ostenditur per Isaiam prophetam : Assur
virga furoris mei, unde et baculus ipse est : in manu eius indignatio mea, ad
gentem fallacem mittam eum, et contra populum furoris mei mandabo illi ut
auferat spolia et dividat praedam, et ponat illum in conculcationem quasi
lutum platearum; quae omnia verificata sunt quando Hierusalem obsessa est
a Chaldaeis, per Nabuchodonosor regem Assyriorum capta et combusta, captis
principibus eius cum rege Sedecia, eius confossis oculis et occisis filiis,
sicut in fine IV libri Reg. traditur; per quae verba satis ostenditur
qualiter Deus punit peccatores per manum tyranni. Unde concluditur ipsos esse
instrumentum Dei sicut Daemones, quorum potestas iusta a sacris doctoribus
ponitur, voluntas tamen semper iniqua. Quod etiam ostendit nobis tyrannicum
regimen, quia non ordinatur nisi ad onus et molestiam subditorum. Tyranni
enim proprietas est, propriam et solam sui utilitatem et commodum quaerere,
ut dictum est supra, et philosophus tradit in octavo Ethic. ubi ponit quod
sic se habet tyrannus ad subditos sicut dominus ad servos et sicut artifex ad
organum et instrumentum. Hoc autem poenale est subditis, et contra naturam
dominii, sicut superius est probatum. Sed ex parte dominantium tale dominium
videtur a Deo concessum. Primo in casu supposito, vel Deo disponente pro
subditis, quod est ad exitum meliorem, quando videlicet princeps ad Dei
placitum studet quamvis peccator, ut de Cyro rege Persarum scribitur in Isaia
: haec, inquit, dicit dominus Christo meo Cyro, cuius apprehendi
dexteram ut subiiciam ante faciem eius gentes et dorsa regum vertam. Aperiam
ante faciem eius ianuas, et portae non claudentur. Quod quidem adimpletum
fuit, ut historiae tradunt, quando subito desiccato alveo Euphratis et
Tigris, qui per mediam Babyloniam transibant, civitatem intravit occiditque
Balthassar ipsorum regem cum gente sua, ipsamque civitatem destruxit, ad
Medos transferens monarchiam, ubi tunc regnabat Darius Cyri propinquus, ut
Iosephus scribit. Hoc autem Deus sic disposuit quia dictus Cyrus humanitatem
ostendit in suis fidelibus Iudaeis qui captivi tenebantur in Assyria, quos
postea remisit liberos in Iudaeam cum vasis templi, et ipsum templum
reaedificari mandavit : ex quibus bonis et virtuosis operibus quae exercuit
circa divinum cultum et Dei populum, totius orientis obtinuit monarchiam, ut
superius est ostensum. Praedictus vero Balthassar occisus fuit, ut ex
sententia Danielis apparet, quia Deo ingratus et quia vasis templi domini in
uno convivio est abusus : unde dictum est ei per Danielem : quia non
humiliasti cor tuum, sed adversus dominatorem caeli elevatum est, et vasa
domus eius allata sunt coram te, et tu et optimates tui et uxores vinum
bibistis in eis (...) porro Deum caeli qui habet flatum tuum in manibus suis
et omnes vias tuas, non glorificasti; idcirco ab eo missus est articulus
manus contra te : quod pro sententia divina accipimus contra ipsum, ut
rei postea probavit eventus. Narrat enim historia Danielis, quod dum
Balthassar rex Babyloniorum persisteret in Dei contumelia, ut ex dictis
liquet, ex opposito mensae sui convivii videbat digitos manus in pariete
scribentis : ex qua Scriptura perterritus est, quasi ipsa esset nuntius suae
mortis. Refert etiam Scriptura Danielis, quod ex aspectu scribentis, cuius
imaginem non videbat, nisi digitorum manus, facies eius perterrita est et
cogitationes eius perturbabant eum, compages renum eius dissolvebantur, et
genua eius ad se invicem collidebantur : quae omnia insinuativa erant timoris
immensi et futuri iudicii super eum. Sed hanc Scripturam rex non discernens,
vocatus Daniel, interpretatusque sub tribus nominibus, ipsum denuntiavit
moriturum, videlicet mane, thecel, Phares : quod exposuit Scriptura : mane
: numeravit Deus regnum tuum et complevit illud, hoc est in termino
posuit, sicut res numerata, quae tollitur et separatur ab acervo pecuniae. Thecel
: appensus es in statera et inventus es minus habens : unde et dignus es
morte. Phares : divisum est regnum tuum et datum est Medis et Persis,
ut superius est ostensum. Ex quibus omnibus satis est manifestum quod illae
clausulae non proprie sunt significativae secundum aliquod idioma linguarum,
sed secundum dispositionem divinam, sicut et factum quoddam in quo propheta
comprehendit divinam circa nos voluntatem. Sit ergo hoc conclusum, quod in
illa Scriptura suam insinuavit sententiam contra principem Babyloniae, quia
propter peccata sua dignus erat morte et privatione regalis principatus,
iuxta illud : regnum de gente in gentem transfertur propter iniustitias
(...) et diversos dolos. Caput
8 [90384] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio,
Liber 3 Caput 8 Titulus Quod
interdum tale dominium cedit in malum dominantium, quia propter ipsorum
ingratitudinem in superbiam elati graviter deprimuntur [90385] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, lib.
3 cap. 8 Sed adhuc insistendum
est circa divinam providentiam in dominio. Contingit enim interdum quod cum
quis assumit principatum, erit homo virtuosus et aliquo tempore perseverabit
in eo. Sed aliquo tempore procedendo ex favore humano et prosperitate rerum
regalium elevatur quis in superbiam et de beneficiis sibi a Deo collatis
ingratus eidem efficitur. Unde philosophus dicit in quinto Ethic. quod principatus
virum ostendit; sicut accidit de Saule, de quo scribitur, I Reg., quod in
tota tribu Beniamin non erat vir melior illo. Sed post duos annos a suo
regimine factus est Deo inobediens, unde dictum est prophetae Samueli de ipso
: usquequo tu luges Saul, cum ego proiecerim eum ne regnet super Israel ?
Quasi ex divina sententia irrefragabili sit repulsus. Propter quod ultimo
dictus princeps fuit occisus cum filiis, totaque eius progenies a dominio est
avulsa. Unde in Paral. de ipso concluditur quod mortuus est Saul propter
iniquitates suas. Hoc autem et de Salomone accidit, qui magnificatus est
super omnes reges qui fuerant ante eum, ut scribitur in Eccle. et universa
terra desiderabat audire sapientiam Salomonis. Sed, ut dicit Augustinus
decimoseptimo de Civ. Dei : secundae res praedicto regi fuerunt noxiae, quia
lapsus in luxuriam, ruit in idolatriam; ex quo factus est abominabilis
populo, in tantum ut servi eius rebellarent ei diripientes spolia suae
regionis et vastantes terram absque resistentia aliqua, cum tamen prius omnes
obedirent ad nutum, sicut testatur regina Saba, ut patet in III Lib. Reg. Ad
magna igitur promotus in principio sui regiminis propter divinam reverentiam
quam exhibuit, in fine sui regiminis decidit in vilia propter delicta quae
commisit : quia miseros facit populos peccatum. Tradunt tamen
Hebraei, ut Hieronymus refert in commento super Eccle., quod in fine vitae
suae ex multis vexatus suum recognovit errorem seque disposuit ad
poenitentiam in commissis, librumque praefatum composuit, in quo sicut
expertus cuncta definit vanitati subiacere, subiiciens se divino timori ad
suorum observantiam mandatorum. Unde in fine praedicti libri concludit : finem
loquendi pariter audiamus. Deum time et mandata eius observa : hoc est enim
omnis homo. Sed et praeter reges
deicolas quid de principibus ethnicis dicam ? Qui quamdiu fuerunt Deo grati
virtutumque cultores, floruerunt in dominio; cum vero ex elatione dominii ad
contrarium se converterunt, mala morte vitam finierunt, sicut contigit de
praefato Cyro rege Persarum monarcha. Tradunt enim historiae de ipso quod,
cum totam subiugasset Asiam, Parthiam, Schytiamque ferro perdomuit, tandem longum
certamen Scythis inferens, dominante tunc Tamari regina dictae gentis, quae
Massagetia vocabatur, primo quidem cum filio dictae reginae adolescentulo
dimicavit ipsumque vicit et occidit, nullique parcens aetati, ingentem
multitudinem peremit. Quia ergo crudelitatem exercuit et in Babylonia et in
regno Lydiae, quia in utroque reges et principes mala morte trucidavit et in
regno Massagetarum similiter fecit, in hoc eodem iudicio similiter eum Deus
punivit. Narrant enim historiae quod dicta regina congregavit exercitum
contra ipsum, Scythas videlicet, Massagetas et Parthos, et in quibusdam
montibus dicta regina insidiis compositis invasit castra eiusdem : et sic
impetu armatorum absorbuit, quod ducenta millia fuerunt occisa praefati
principis, et ipse captus : cui amputato capite, regina ipsum in utre
sanguine pleno mandavit includi, et sic invective acclamabatur eidem :
sanguinem sitisti, sanguinem bibe; quasi ipsa mors ignominiosa, quam passus
est, fuerit argumentum suae atrocitatis. Omnes etiam monarchae ipsum
sequentes, ut in Graecia magnus Alexander, quamdiu cum reverentia suos
tractavit Macedones, vocans milites suos patres, tanquam antiquiores, optime
processit in monarchia; sed eisdem existens ingratus, a sorore venenatus est;
et praecipue quia post victoriam, Darii accepta filia in coniugem, militaria
coepit postponere, luxui vitae intendens, et sui immemor factus dolorosa
morte vitam finivit. Et sic de multis aliis principibus ethnicis exemplum
potest adduci, ut de Iulio Caesare et Hannibale, qui propter abusum dominii
diro necati sunt exitu, ut eis conveniat quod in Eccle. scribitur : interdum
dominatur homo homini in malum suum. Nec non et illud Isaiae prophetae,
quod in omnibus tyrannis locum habet. Cum enim ostendisset ipsos esse divinae
iustitiae exactores contra peccatores, sicut carnifices dominorum, ut
manifestum est supra, cum dixit : Assur virga furoris mei, etc.,
statim subdit : ipse autem non sic arbitrabitur, et cor eius non sic
existimabit, quasi sic agat ut Dei instrumentum, sed ad conterendum
erit cor eius et ad interfectionem gentium non paucarum; dixit enim : numquid
non principes nostri simul reges sunt ? Attribuens videlicet suae virtuti
et non Dei qui movet ipsum ad puniendum transgressores divinorum mandatorum.
Hanc autem ingratitudinem ac praesumptionem tyrannorum dominus statim ibidem
graviter redarguit et gravissime punit, ut in iam dictis principibus patet.
Unde subdit propheta in eodem loco : numquid gloriabitur securis contra
eum qui secat in ea ? An exaltabitur serra contra eum qui se fecit ? Quomodo
si elevetur virga contra elevantem eam, et exaltetur baculus, qui utique
lignum est ? Ubi consideranda est similitudo, quia valde congrua est. Sic
enim se habet virtus dominantis ad Deum sicut virtus baculi ad percutientem
et sicut virtus serrae ad artificem. Constat autem quod virtus serrae vel
securis in artificio nulla est nisi per artificem moventem et dirigentem :
ita et de virtute dominantis contingit, quod nulla est sine Deo movente et
gubernante. Ergo stultum et praesumptuosum est gloriari de sua virtute. Ista
autem ratio satis aperta esse videtur, et haberi potest ex verbis philosophi
supra inductis, quia virtus cuiuslibet mobilis a virtute dependet primo
moventis, et eius instrumentum erit : et hinc est quod Deo talis gloria est
displicibilis, quia tales derogant divinae potentiae. Propter quod scribitur
in Iudith, quod de sua virtute gloriantes Deus humiliat, et ideo subiungit
dictus propheta Isaias : propter hoc mittet dominator dominus exercituum
in pinguibus eius tenuitatem et subtus gloriam eius succensa ardebit quasi
combustio ignis. In quo significatur poena sensibilis quae talibus
infertur tyrannis, et annihilatio principatus, ut in praedictis est
manifestum. Relinquitur igitur a Deo omne esse dominium, sive legitimum, sive
tyrannicum, secundum varias vias suae investigabilis providentiae. Caput
9 [90386] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio,
Liber 3 Caput 9 Titulus Quod
homo naturaliter dominatur animalibus sylvestribus et aliis rebus
irrationabilibus, et quomodo : quod probatur multis rationibus [90387] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, lib.
3 cap. 9 Nunc igitur accedendum
est ad diversas species dominandi, secundum diversos modos et gradus in
hominibus dominii et principatus. Et primus quidem generalis est omnium, qui
competit homini secundum naturam, ut tradit Augustinus undevicesimo de Civ.
Dei : in quo casu et philosophus concordat in primo Politic. Hoc autem et
Scriptura sacra confirmat, quando in sui creatione tanquam naturae inditae
dixit : dominamini piscibus maris et volatilibus caeli et universis
animantibus quae moventur super terram : in quibus ostenditur quod
naturae institutae humanae talem indidit potestatem. Qui enim dixit : germinet
terra herbam virentem, et ex tali dicto data est potestas arboribus
germinandi, dixit et nobis similiter : dominamini piscibus maris, et
cetera. Et sic ex iam dictis apparet, quod dominium hominis super caeteras
creaturas est naturale. Unde et philosophus probat secundum eamdem rationem,
quod venationes et aucupia sunt a natura. Et Augustinus in praedicto libro
hoc probat per dominium quod antiqui patres soliti erant habere ut pastores
essent pecorum, quae et divitiae naturales definitae sunt supra. Et quamvis
tale dominium diminutum sit propter peccata, quia etiam vilia animalia
dominantur in nobis et facta sunt nobis nociva, quod non contingit in homine
nisi propter dictam causam; tanto magis tamen participamus de dicto dominio,
quanto magis ad statum attingimus innocentiae : quod etiam vox evangelica
nobis promittit, si eius imitatores fuerimus in iustitia et sanctitate. Cum
enim dominus exhortaretur discipulos ad animarum salutem verbum Dei
praedicando, sic de eisdem virtutem denuntiat, dicens : in nomine meo
Daemonia eiicient, linguis loquentur novis, serpentes tollent : et si
mortiferum quid biberint, non eis nocebit. Quod experimento didicimus in
virtuosis et perfectissimis viris, ut in gestis sanctorum patrum scribitur.
Et de beato Paulo traditur in Act. Apost. quia vipera ipsum non laesit, nec
beatum Ioannem Evangelistam venenum, et sic de multis aliis sanctissimis
patribus, qui super crocodilos atrocissimas bestias sive venenosa reptilia
Nilum vadabant, ut impleretur in eis quod dominus in Luca dixit discipulis : ecce
dedi vobis potestatem calcandi super serpentes et scorpiones, et supra omnem
virtutem inimici. Istius autem dominii in prima hominis institutione
collati ex triplici via ratio congruentiae assignari potest. Primo quidem ex ipso
naturae processu. Sicut enim in generatione rerum naturalium intelligitur
quidam ordo, quo de imperfecto ad perfectum proceditur : nam materia est
propter formam, et forma imperfectior est propter perfectiorem; ita et in usu
rerum naturalium : nam imperfectiora cedunt in usum perfectorum. Plantae enim
utuntur terra ad suum nutrimentum, animalia vero plantis, homo autem plantis
et animalibus. Unde concluditur quod homo naturaliter dominatur animalibus.
Propter quod, sicut superius est tactum, philosophus probat in primo
Politic., quod venatio animalium sylvestrium est iusta naturaliter, quia per
eam homo sibi vindicat quod naturaliter est suum. Secundo apparet hoc ex
ordine divinae providentiae, quae semper inferiora per superiora gubernat :
unde cum homo sit supra caetera animalia, utpote ad imaginem Dei factus,
convenienter hominis gubernationi alia animalia subduntur. Tertio apparet
idem ex proprietate hominis et aliorum animalium. In aliis enim animalibus
invenitur secundum aestimationem naturalem quaedam participatio prudentiae ad
aliquos particulares actus; in homine vero reperitur quaedam universalis
prudentia, quae est ratio naturalium agibilium. Omne autem quod est per participationem, subditur ei
quod est per essentiam universaliter. Unde patet quod est naturalis subiectio
aliorum animalium ad hominem. Sed utrum dominium hominis super hominem sit
naturale vel a Deo permissum vel provisum, ex iam dictis veritas haberi
potest. Quia si loquamur de dominio per modum servilis subiectionis,
introductum est propter peccatum, ut dictum est supra; sed si loquamur de
dominio prout importat officium consulendi et dirigendi, isto modo quasi
naturale potest dici, quia etiam in statu innocentiae fuisset. Et haec est
sententia Augustini, undevicesimo de Civ. Dei. Unde istud dominium ei
competebat in quantum homo est sociale naturaliter, sive politicum, ut dictum
est supra. Talem autem societatem oportet ad invicem ordinari. In his autem
quae sunt ad invicem ordinata, oportet semper aliquid esse principale et
dirigens primum, ut tradit philosophus in primo Politic. Hoc etiam ostendit ipsa
ratio ordinis sive natura quia, ut per Augustinum scribitur in praedicto
libro, ordo est parium dispariumque rerum sua cuique tribuens dispositio.
Unde manifestum est quod nomen ordinis inaequalitatem importat, et hoc est de
ratione dominii. Et ideo secundum hanc considerationem dominium hominis super
hominem est naturale, et est in Angelis, et fuisset in primo statu, et est
etiam modo : de quo nunc per ordinem est dicendum, secundum ipsius dignitatem
et gradum. Caput
10 [90388] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio,
Liber 3 Caput 10 Titulus De
dominio hominis secundum gradum et dignitatem, et primo de dominio Papae
qualiter praefertur omni dominio. Dominio Papae qualiter praefertur omni
dominio [90389] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, lib.
3 cap. 10 Recipit igitur
divisionem dominium quadrimembrem eadem causa et ratione. Quia quoddam est
sacerdotale et regale similiter; aliud autem est regale solum, sub quo
imperiale sumitur, et sic de aliis, ut infra patebit. Tertium vero politicum.
Quartum autem oeconomicum. Primum autem caeteris antefertur multiplici via :
sed praecipua sumitur ex institutione divina, videlicet Christi. Cum enim
eidem secundum suam humanitatem omnis sit collata potestas, ut patet in
Matth., dictam potestatem suo communicavit vicario cum dixit : ego dico
tibi, quia tu es Petrus, et super hanc petram aedificabo Ecclesiam meam. Et
tibi dabo claves regni caelorum : et quodcumque ligaveris super terram, erit
ligatum et in caelis, et quodcumque solveris super terram, erit solutum et in
caelis. Ubi quatuor ponuntur clausulae, omnes significativae dominii
Petri suorumque successorum super omnes fideles, et propter quas merito
summus pontifex Romanus episcopus dici potest rex et sacerdos. Si enim
dominus noster Iesus Christus sic appellatur, ut Augustinus probat
decimoseptimo de Civ. Dei, non videtur incongruum suum sic vocare
successorem, circumscriptis rationibus quae possent adduci, quia satis est
clarum. Sed redeundum est ad clausulas iam dictas : quarum una sumitur ex
nominis impositi magnitudine, secunda vero ex dominii fortitudine, tertia
autem ex dominii amplitudine, quarta ex dominii plenitudine. Primam igitur
partem praefatam accipimus, cum dominus dicit : ego dico tibi, quia tu es
Petrus et super hanc petram aedificabo Ecclesiam meam. In hoc enim
nomine, ut sacri exponunt doctores, sicut Hilarius et Augustinus, dominus
potentiam Petri insinuat, quia a petra, quae est Christus, ut dicit
apostolus, cuius confessionem Petrus praemiserat, Petrus est appellatus, ut
secundum etiam quamdam participationem nomen acquirat et potestatem et audire
mereatur : et super hanc petram aedificabo Ecclesiam meam : quasi
totum dominium inter fideles ex Petro dependeat in eius successores. Secunda
vero clausula dominii importat fortitudinem. Quod significat verbum quod
sequitur : et portae Inferi non praevalebunt adversus eam : quae sunt
curiae tyrannorum et persecutorum Ecclesiae, ut doctores sacri ibidem
tradunt, sic dictae quia sunt causa omnium peccatorum intra Ecclesiam
militantem. Ad tales enim principes omnes scelerati recurrunt, ut accidit in
curia Federici et Corradini et Manfredi. Sed tales non praevaluerunt adversus
Ecclesiam Romanam; imo omnes mala morte extirpati sunt, quia, ut dicitur in
Lib. Sap. : nationis iniquae dirae sunt consummationes. Dominii vero
amplitudo ostenditur cum subiungit dominus : et tibi dabo claves regni
caelorum. In hoc enim insinuatur nobis potestas Petri et successorum
suorum, quae se extendit ad totam Ecclesiam, scilicet militantem et
triumphantem, quae per regnum caelorum designantur, quae clauduntur clavibus
Petri. Sed dominii plenitudo ostenditur, cum ultimo dicitur : et
quodcumque ligaveris super terram, erit ligatum et in caelis; et quodcumque
solveris super terram, erit solutum et in caelis. Cum enim summus
pontifex sit caput in corpore mystico omnium fidelium Christi, et a capite
sit omnis motus et sensus in corpore vero; sic erit in proposito. Propter
quod oportet dicere in summo pontifice esse plenitudinem omnium gratiarum,
quia ipse solus confert plenam indulgentiam omnium peccatorum, ut competat
sibi quod de primo principe domino dicimus, quia de plenitudine eius nos
omnes accepimus. Quod si dicatur ad solam referri spiritualem potestatem,
hoc esse non potest, quia corporale et temporale ex spirituali et perpetuo
dependet, sicut corporis operatio ex virtute animae. Sicut ergo corpus per animam habet esse, virtutem et
operationem, ut ex verbis philosophi et Augustini, de immortalitate animae
patet, ita et temporalis iurisdictio principum per spiritualem Petri et
successorum eius. Cuius quidem argumentum assumi potest per ea quae invenimus
in actis et gestis summorum pontificum et imperatorum, quia temporali
iurisdictioni cesserunt. Primo quidem de Constantino apparet, qui Sylvestro
in imperio cessit. Item de Carolo magno, quem Papa Adrianus imperatorem
constituit. Item de Ottone I, qui per Leonem creatus et imperator est
constitutus, ut historiae referunt. Sed ex depositione principium auctoritate
apostolica facta, satis apparet ipsorum potestas. Primo enim invenimus de
Zacharia hanc potestatem exercuisse super regem Francorum, quia ipsum a regno
deposuit et omnes barones a iuramento fidelitatis absolvit. Item de Innocentio
III, qui Ottoni IV imperium abstulit; sed et Federico II hoc idem accidit per
Honorium, Innocentii immediatum successorem. Quamvis in omnibus istis summi
pontifices non extenderunt manum nisi ratione delicti, quia ad hoc ordinatur
eorum potestas et cuiuslibet domini, ut prosint gregi : unde merito pastores
vocantur, quibus vigilantia incumbit ad subditorum utilitatem. Alias non sunt legitime domini, sed tyranni, ut probat
philosophus, et dictum est supra : unde dominus utitur in Ioanne quadam
importuna interrogatione, ter quaerens a suo successore beato Petro quod, si
ipsum diligit, gregem pascat, Petre, inquit, amas me ? Pasce oves
meas. Quasi in hoc consistit tota pastoralis cura, profectus videlicet
gregis. Hoc ergo supposito quod pro utilitate gregis agat, sicut Christus
intendit, omne supergreditur dominium, ut ex dictis apparet; quod ex visione
prima Nabuchodonosor satis est manifestum, de statua videlicet quam vidit,
cuius caput aureum, pectus et brachia de argento, venter et femur de aere,
tibiae vero ferreae, pedum autem quaedam pars ferrea, quaedam fictilis. Sed
dictam statuam dum contemplatur, abscissus est lapis de monte sine manibus,
et omnia praedicta contrivit. Hic autem lapis factus est mons magnus et
implevit universam terram. Quam quidem visionem Daniel propheta, ut
Hieronymus et Augustinus exponunt, ad quatuor monarchias adaptat, Assyriorum
videlicet pro aureo capite; Medorum et Persarum pro argento in brachiis et
pectore; Graecorum vero monarchiam pro aereo ventre et femore; sed Romanorum
ultimo pro tibiis ferreis et pedibus partim ferreis, partim vero fictilibus.
Sed post haec suscitabit, ait propheta, dominus Deus caeli regnum,
quod in aeternum non dissipabitur, et regnum eius populo alteri non tradetur,
comminuetque universa regna et ipsum stabit in aeternum; quod totum ad
Christum referimus; sed vice eius ad Romanam Ecclesiam, si ad pascendum
gregem eius intendat. Attendendum etiam quod divina institutio destitui non
potest, quia solum dispensatores et ministros assumpsit suos vicarios
Christus, sicut apostolus dixit, I ad Cor. : sic nos, inquit, existimet
homo, ut ministros Christi et dispensatores mysteriorum Dei. Solus enim
Christus fundavit Ecclesiam, cuius ministerium Petro et pastoribus commisit. Fundamentum
autem aliud nemo potest ponere praeter id quod positum est, quod est Christus
Iesus. Unde sacri doctores quamdam potestatem Christo attribuunt, quam
Petrus non habuit, nec sui successores, et ipsam potestatem excellentem
nuncupant : et sic potestas Petri et successorum eius non adaequatur
potestati Christi, immo omnino transcendit. Potuit enim Christus sine Baptismo
salvare, propter quod et Hieronymus dicit super Matth., quod nullum sanavit
in corpore quem non sanavit in mente, et tamen sine Baptismo, quod tamen
Petrus non potuit. Unde et Cornelium centurionem, ut in Act. Apost. legitur, cum tota sua
familia baptizavit, etiam post adventum spiritus sancti. Potuit etiam mutare
Christus formam sacramentorum et materiam, quod Petrus non potuit, nec
successores eius. Haec ad praesens dicta sufficiant, subtiliora sapientibus
relinquendo, et altiora quae dici possent. In hoc tamen sistat conclusio
praesentis capituli : vicarios Christi pastores Ecclesiae cunctis debere
praeferri dominiis, ex iam dictis causis. Caput 11 [90390] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio,
Liber 3 Caput 11 Titulus De
dominio regali, in quo consistit, et in quo differt a politico, et quomodo
distinguitur diversimode secundum diversas regiones [90391] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, lib.
3 cap. 11 Nunc autem ad regale
dominium est procedendum, ubi est distinguendum de ipso secundum diversas
regiones, et prout a diversis varie invenitur traditum. Et primo quidem in
sacra Scriptura aliter leges regalis dominii traduntur in Deut. per Moysen
aliter in I Reg. per Samuelem prophetam : uterque tamen in persona Dei
differenter ordinat regem ad utilitatem subditorum, quod est proprium regum,
ut philosophus tradit in octavo Ethic. : cum, inquit, constitutus
fuerit rex, non multiplicabit sibi equos, nec reducet populum in Aegyptum,
equitatus numero sublevatus. Non habebit uxores plurimas quae alliciant
animam eius, neque argenti aut auri immensa pondera (quod quidem qualiter
habeat intelligi, supra traditur in hoc libro) : describetque sibi
Deuteronomium legis huius, et habebit secum legetque illud omnibus diebus
vitae suae, ut discat timere dominum Deum suum, et custodire verba eius et
caeremonias, et ut videlicet possit populum dirigere secundum legem
divinam. Unde
et rex Salomon in principio sui regiminis hanc sapientiam a Deo petivit, ad
directionem sui regiminis pro utilitate subditorum, sicut scribitur in III
Lib. Reg. Subdit vero dictus Moyses in eodem libro : nec elevetur cor eius
in superfluum super fratres suos, neque declinet in partem dexteram vel
sinistram, ut longo tempore regnet ipse et filius eius super Israel. Sed
in I Reg. traduntur leges regni magis ad utilitatem regis, ut supra patuit in
libro II huius operis, ubi ponuntur verba omnino pertinentia ad conditionem
servilem; et tamen Samuel leges quas tradit, cum sint penitus despoticae,
dicit esse regales. Philosophus autem in
octavo Ethic. magis concordat cum primis legibus. Tria enim ponit de rege in
eodem libro, videlicet quod ille legitimus est rex, qui principaliter bonum
subditorum intendit. Item, qui per se sufficiens reperitur, et qui omnibus
bonis superexcellit, ne videlicet subditos gravet. Item, ille rex est, qui
curam subditorum habet ut bene operentur, quemadmodum pastor ovium. Ex quibus
omnibus manifestum est quod iuxta istum modum, despoticum multum differat a
regali, ut idem philosophus videtur dicere in primo Politic. Item, quod
regnum non est propter regem, sed rex propter regnum : quia ad hoc Deus
providit de eis, ut regnum regant et gubernent et unumquemque in suo iure
conservent; et hic est finis regiminis. Quod si ad aliud faciunt, in se
ipsos commodum retorquendo, non sunt reges sed tyranni. Contra quos dicit dominus in Ezech. : vae pastoribus
Israel qui pascunt semetipsos. Nonne greges pascuntur a pastoribus ? Lac
comedebatis et lanis operiebamini, et quod crassum erat occidebatis, gregem
autem meum non pascebatis; quod infirmum fuit non consolidastis, et quod
aegrotum non sanastis, quod confractum non alligastis, quod abiectum non
reduxistis, et quod perierat non quaesistis, sed cum austeritate imperabatis
eis et cum potentia. In quibus verbis nobis sufficienter forma regiminis
traditur redarguendo contrarium. Amplius autem : regnum ex hominibus
constituitur, sicut domus ex parietibus, et corpus humanum ex membris, ut
philosophus dicit in tertio Politic. Finis ergo regis est, ut regimen
prosperetur, quod homines conserventur per regem. Et hinc habet commune bonum
cuiuslibet principatus participationem divinae bonitatis; unde bonum commune
dicitur a philosopho in primo Ethic. esse quod omnia appetunt, et esse bonum
divinum; ut sicut Deus, qui est rex regum et dominus dominantium,
cuius virtute principes imperant, ut probatum est supra, nos regit et
gubernat non propter se ipsum, sed propter nostram salutem, ita et reges
faciant et alii dominatores in orbe. Sed quia nemo militat stipendiis suis
unquam, et quodam iure naturae de suo labore unusquisque debet reportare
mercedem, ut probat apostolus in I ad Cor., hinc habemus quod licet
principibus a suis subditis tributa percipere et annuos census : unde cum
apostolus ad Romanos probasset omne dominium a Deo esse provisum, ultimo
persuadet eisdem retribuere pro labore. Ideo, inquit, et tributa
praestatis. Ministri enim Dei sunt in hoc ipsi servientes. Augustinus
etiam eadem verba pertractans de verbis domini, hoc idem probat. Concludendum
est ergo legitimum regem secundum formam in Deuteronomio traditam sic debere
regere et gubernare. Ad hoc etiam exemplis monemur, quia omnibus agentibus
contrarium male cessit. Primo quidem regibus Romanis, quia propter eorum
superbiam et violentiam quam exercebant, eiecti sunt a regno, ut Tarquinius
superbus cum filio, sicut historiae tradunt. Item Achab et Iezabel uxor eius
mala morte interierunt pro violentia quam fecerunt Naboth de vinea sua, ut in
IV Reg. scribitur. Traditur etiam ibi quod canes linguerunt sanguinem suorum cadaverum in
praedicta vinea, in argumentum maleficii in Naboth commissi. Sed non sic rex
David, ut scribitur in II Lib. Reg. Cum enim vellet altare condere ad Deum
placandum pro numeratione populi fastuosa nimis offensum, aream emit ab
Hareuma Iebusaeo. Ipsoque offerente gratis recusavit rex, et, ut scribitur in
I Paralip., pro praefata area dedit David sexcentos siclos auri iustissimi
ponderis. Per quod habemus, quod principes
suis debent esse contenti stipendiis, nec subditos suos gravare possunt in
bonis eorum et rebus, nisi in duobus casibus, videlicet ratione delicti, et
pro bono communi sui regiminis. Primo enim modo propter ingratitudinem suos
privat feudo fideles; alios autem titulo iustitiae propter quam sunt concessa
dominia, ut dictum est supra. Et in Prov. dicitur, quod iustitia firmatur
thronus regis. Unde et lex divina transgressores divinorum praeceptorum
mandat lapidari et diversis cruciari poenis : quod quidem consonum videtur,
si attendamus ad quamcumque rem creatam et praecipue ad corpus humanum, quia
ut nobilior pars conservetur, abiicimus viliorem. Amputamus enim manum, ut
conservetur cor et cerebrum, in quibus principaliter hominis vita consistit,
quod lex evangelica approbat. Si, inquit, oculus tuus scandalizat
te, sive manus, sive pes (quod pro gradu hominum accipit Augustinus), erue
eum, et proiice abs te, quia melius est ad vitam ingredi debilem vel claudum,
quam duos oculos et duas manus habentem mitti in Gehennam. Item quod pro
bono reipublicae possit exigere, sicut pro defensione regni vel pro quacumque
alia causa pertinente rationabiliter ad bonum commune sui dominii, ratio est
in promptu : quia supposito quod humana societas sit naturalis, ut probatum
est supra, omnia necessaria ad communem conservationem dictae societatis
erunt de iure naturae; hoc autem est in proposito. Sic igitur supposito legitimo
dominio regali, potest rex exigere a subditis quod ad bonum ipsorum
requiritur. Praeterea : ars imitatur naturam in quantum potest, ut
philosophus in secundo Physic. tradit, sed natura non deficit in necessariis;
ergo nec ars. Sed inter omnes artes ars
vivendi est melior et amplior, ut tactum est supra, et probat Tullius in
Tusculanis quaestionibus, eo quod caeterae artes ordinantur ad ipsam. Sic et
in necessitatibus regni, quod pertinet ad conservationem socialis humanae
vitae, rex, qui est artifex architectus dictae societatis, non debet
deficere, sed omnem defectum supplere cum ipsa societate. Et ideo
concludendum est quod isto casu possunt legitime exactiones, et talliae, ac
census sive tributa imponi, dummodo non transcendant necessitatis metas. Unde
Augustinus de verbis domini exponens illud Matthaei : reddite quae sunt
Caesaris, Caesari; igitur, inquit, quod Caesar praecipit, ferendum est;
quod imperat, tolerandum : sed fit intolerabile, dum praedam exactores
accumulant. Et postea exponens verbum Ioannis Baptistae, quod militibus dixit
: neminem concutiatis, neque calumniam faciatis, sed estote contenti
stipendiis vestris; hoc, inquit, sumi potest de militibus, praetoribus,
cunctisque rectoribus. Quicumque enim sibi stipendia publice decreta
consequitur, si amplius quaerit, tamquam calumniator et concussor sententia
Ioannis condemnatur. Ex hac ergo duplici parte principatus despoticus ad
regale reducitur : sed praecipue ratione delicti propter quod servitus est
introducta, ut Augustinus dicit Lib. undevicesimo de Civ. Dei. Licet enim
etiam in primo statu fuisset dominium, non tamen nisi officio consulendi et
dirigendi, non libidine dominandi vel intentione subiiciendi serviliter, ut
dictum est supra. Leges vero traditae de regali dominio Israelitico populo
per Samuelem prophetam, hac consideratione sunt datae, quia dictus populus
propter suam ingratitudinem, et quia durae cervicis erat, merebatur tales
audire. Interdum enim dum populus non cognoscit beneficium boni regiminis,
expedit exercere tyrannides, quia etiam hae sunt instrumentum divinae
iustitiae : unde et quaedam insulae et provinciae, secundum quod historiae
narrant, semper habent tyrannos propter malitiam populi, quia aliter, nisi in
virga ferrea, regi non possunt. In talibus ergo regionibus sic dyscolis
necessarius est regibus principatus despoticus, non quidem iuxta naturam
regalis dominii, sed secundum merita et pertinacias subditorum. Et ista est
ratio Augustini in praedicto iam libro. Philosophus etiam in tertio Politic.,
ubi distinguit genera regni, ostendit apud quasdam barbaras nationes regale
dominium esse omnino despoticum, quia aliter regi non possent, quod quidem
dominium praecipue viget in Graecia et apud Persas, saltem quantum ad regimen
populare. Haec igitur de dominio in tantum sint dicta, et qualiter
principatus despoticus ad ipsum reducitur, et unde dividitur contra
politicum, quod in capitulo de dominio politico adhuc clarius ostendetur. Caput
12 [90392] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio,
Liber 3 Caput 12 Titulus De
dominio imperiali, unde istud nomen habuit originem, et de quibusdam aliis
nominibus : ubi incidenter distinguuntur monarchiae et quantum duraverunt [90393] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, lib.
3 cap. 12 De imperiali vero
post praedicta dominia congruum videtur esse dicendum, quia medium tenet
inter politicum et regale, quamvis universalius, et ideo quantum ad haec
praeponi deberet regali; sed alia causa est quare postponitur, quam nunc praetermittimus.
Circa hoc quidem tria pro nunc sunt attendenda. Unum de nomine, quia nomen
istud a supremo dominio fastuose et elate trahit originem, quasi omnium
dominus : unde et ille superbus Nicanor, cum rogaretur a Iudaeis ut deferret
diei sanctificationis, hoc est sabbato, cum arrogantia ab eisdem quaerens si
erat potens in caelo, qui imperavit agi diem talem, responsoque accepto quod
erat potens in caelo dominus Deus : et ego, inquit, cum fastu non
modico, sum potens super terram, qui impero arma sumi. Propter quam
causam ipse postea divinitus turpiter a Iuda Machabaeo, ut scribitur in II
Mach., captus in bello, amputatisque capite et manu dextera, quam contra
templum erexerat, mala morte vitam finivit. Quaedam autem alia nomina istius
dominii assumpta sunt a quibusdam excellentibus viris dicti principatus
propter aliquam praerogativam in eis repertam, ut Caesar a Iulio, ut
historiae tradunt, sit dictus, quia ut scribit Isidorus Lib. Etymolog. IX
caeso mortuae matris utero prolatus est, vel quia cum caesarie natus : a quo
imperatores sequentes sic vocati sunt, quia comati essent. Sed Augustus, ab
augendo rempublicam, primus vocatus est Octavianus, ut idem Isidorus scribit.
Secundum autem quod hic attendimus, est de processu istius imperii, quia
supra est tactum de quadruplici monarchia; sed nos quintam possumus addere,
et de qua infra dicemus. Prima fuit Assyriorum, cuius caput Ninus fuit
tempore Abrahae patriarchae, quae duravit 1240 annos, ut scribit Augustinus
Libr. quarto de Civ. Dei, usque ad Sardanapalum, qui propter merita muliebria
perdidit principatum, sed Arbaces transtulit ad Medos et Persas. Quo tempore
regnavit procax dux Romanorum, ut idem doctor in duodevicesimo dicit. Secunda
vero monarchia, videlicet Medorum et Persarum, duravit usque ad tempora
Alexandri, 233 annos, quando videlicet devincitur Darius a praedicto
principe, ut scribit idem doctor in eodem, Lib. decimosecundo. Sed monarchia
Graecorum in Alexandro incepit, et in eodem finitur. De quo dicitur in I Mach. quod regnavit Alexander annis
duodecim et mortuus est. Sed quamvis Graeci non habuerint universale
dominium, viguit tamen regnum Macedonum usque ad mortem Alexandri, de quo et
praedictus liber mentionem facit, annis 485, ut Augustinus scribit in eodem
decimosecundo Lib., in quo praedictus princeps suum inchoavit dominium, patri
suo in eodem regno succedens, ut historiae tradunt. Post hanc autem
monarchiam Romanus principatus vigere incepit. Tempore enim Iudae Machabaei,
qui immediate quasi post mortem floruit Alexandri, cum Ptolomaeo Lagi
concurrente, in Lib. I Mach., multa de Romanis traduntur. In quibus ipsorum
potentia ad omnes mundi plagas videbatur diffusa, sub consulibus tamen : quia
superstitibus regibus cum finitimis sollicitabantur regionibus, et modicae
adhuc erant virtutis. Duravitque consulatus, immo monarchia, usque ad tempora
Iulii Caesaris, qui primus usurpavit imperium; sed parum in ipso supervixit,
a senatoribus quidem occisus propter abusum dominii. Post hunc Octavianus
filius sororis suae successit, qui vindicta exercita contra occisores Iulii,
interfectoque Antonio, qui monarchiam tenebat in oriente, solus ipsam
obtinuit. Et propter suam modestiam longo tempore in eo principatum habuit,
ac in quadragesimo secundo anno sui regiminis completa septuagesima sexta
hebdomada, secundum Danielem, sui dominii, cessante regno et sacerdotio in
Iudaea, nascitur Christus, qui fuit verus rex et sacerdos, et verus monarcha
: unde post resurrectionem suam apparens discipulis suis dixit : data est
mihi omnis potestas in caelo et in terra : quod quidem ad humanitatem
oportet referre secundum Augustinum et Hieronymum, quia de divinitate nulli
est dubium quin semper habuerit. Caput
13 [90394] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio,
Liber 3 Caput 13 Titulus De
monarchia Christi, quomodo in tribus excellit, et de Octaviano Augusto,
quomodo gessit vices Christi [90395] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, lib.
3 cap. 13 Et haec quinta
monarchia, quae successit Romanis, secundum veritatem omnibus praecellit ex
triplici parte. Primo quidem ex annorum quantitate, quia plus duravit et
adhuc durat, et durabit usque ad mundi renovationem, ut patet in visione
Danielis, ut dictum est supra, et adhuc nunc magis declarabitur. Secundo :
apparet eius excellentia ex dominii universitate, quia in omnem terram
exivit sonus eorum, et in fines orbis terrae verba eorum. Nullus enim
angulus mundi est, nulla plaga, in qua nomen Christi non adoretur. Omnia enim subiecit
sub pedibus eius, ut introducit apostolus in fine I Epist. ad Cor. In principio etiam
Malachiae prophetae ostenditur istud dominium : ab ortu, inquit, solis
usque ad occasum magnum est nomen meum in gentibus, et in omni loco
sacrificatur et offertur nomini meo oblatio munda, quia magnum est nomen meum
in gentibus, dicit dominus exercituum. In quo verbo satis apparet quod
dominium Christi ordinatur ad salutem animae et ad spiritualia bona, ut iam
videbitur, licet a temporalibus non excludatur, eo modo quo ad spiritualia
ordinantur : et inde est, quod quamvis Christus adoraretur a magis, glorificaretur
ab Angelis in signum universalis sui dominii, humili tamen loco iacuit,
vilibus involutus pannis. Qua quidem via homines melius ad virtutem trahuntur
quam armorum virtute. Et hoc quidem
intendebat, licet saepius sua uteretur potentia, ut verus dominus. In
humilitate ergo vixit, et demum in Augusto substituit, ut describeretur
universus orbis in ortu domini, ut Lucas Evangelista testatur. Et in hac
descriptione solvebatur census, sive tributum, ut historiae tradunt, in
recognitionem debitae servitutis, non sine mysterio, quia ille natus erat,
qui verus erat mundi dominus et monarcha, cuius vices gerebat Augustus, licet
non intelligens, sed nutu Dei, sicut Caiphas prophetavit. Unde hoc instinctu
dictus Caesar mandavit tunc temporis, ut narrant historiae, ne quis de Romano
populo dominum ipsum vocaret. Quas quidem vices monarchiae post Christi veri
domini nativitatem gessit Augustus, quatuordecim annos toto orbe terrarum
subacto : quia, ut acta principum Romanorum describunt, dictus Caesar
Augustus quinquaginta sex annos et menses sex tenuit principatum. Tiberius
etiam, qui eidem Augusto successit, ut narrant historiae, Christum tanquam
verum dominum inter deos transferri voluit, licet impeditus fuerit a superbo
et fastuoso senatu impatiente alicuius dominii. Tertio autem apparet
excellentia monarchiae Christi super alias quatuor praecedentes, ex
dominantis dignitate, quia Deus et homo. Secundum quam considerationem humana
natura in Christo participat infinitam virtutem, ex qua maioris fortitudinis
est et virtutis, supra humanam fortitudinem et virtutem. Quam quidem
describit Isaias quantum ad virtutem temporalem Christi, unde ipsum monarcham
appellamus : parvulus, inquit, natus est nobis, et filius datus est
nobis. Et factus est principatus super humerum eius. Et vocabitur nomen eius,
admirabilis, consiliarius, Deus fortis, pater futuri saeculi, princeps pacis.
Multiplicabitur eius imperium, et pacis non erit finis. In quibus verbis
omnia tanguntur, quae requiruntur ad verum principem. Immo transcendit metas
omnium dominorum, ut in sequenti capite declarabitur, et aspicienti patet.
Hic ergo principatus, sive dominium, omnes monarchias, sive dominia
transcendit, annihilat et confringit, quia omnia regna subiiciuntur eidem :
quod per eumdem prophetam praenuntiatum est : vivo ego, dicit dominus,
quia mihi curvabitur omne genu. Et apostolus Paulus, ad Philipp. : in
nomine Iesu omne genu flectatur, caelestium, terrestrium et Infernorum.
De hac monarchia concludit Daniel exposita Nabuchodonosor sui somnii visione
: in diebus, inquit, illis (hoc est post illas quatuor
monarchias Assyriorum, Persarum et Medorum, Graecorum et Romanorum), suscitabit
dominus regnum caeli, quod in aeternum non dissipabitur, et regnum eius
alteri non tradetur, et comminuet universa regna haec, et ipsum stabit in
aeternum. Cuius quidem ratio aeternitatis satis est in promptu, quia iste
principatus aeterno coniungitur, cum iste dominus Deus et homo sit. Et sic
completus est circulus a puncto ad punctum, quia probatum est supra, a Deo
omne dominium originem trahere. In isto vero principatu, percursis hominum
motibus, terminatur principatus sicut in re immobili, ultra quam non est
motus. Et sic oportet ex dictis concludere, quod istud dominium non potest
deficere. Caput
14 [90396] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio,
Liber 3 Caput 14 Titulus De
monarchia Christi, quo tempore incepit et quomodo latuit, et quare : et
duplex assignatur causa suae occultationis, et primo ponitur una [90397] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, lib.
3 cap. 14 Sed tunc oritur
quaestio de isto domini principatu, quando incepit, quia constat multos
postea imperasse. Ipse vero abiectam vitam elegit. Unde in Matth., dicitur : vulpes
foveas habent, et volucres caeli nidos; filius autem hominis non habet ubi
caput suum reclinet. Item, in Ioann. scribitur, quod cum pavisset
multitudinem, abscondit se, quia volebant eum populi rapere ac regem facere.
Item, in eodem ipse dicit : regnum meum non est de hoc mundo. Ad hanc
autem quaestionem est responsio, quia principatus Christi incepit statim in
ipsa sui nativitate temporali. Cuius argumenta sunt, in eodem die, Angelorum
ministratio et denuntiatio. Unde in Luc. scribitur, quod Angelus ad pastores
ait : annuntio vobis gaudium magnum, quia natus est vobis salvator mundi.
Item magorum adoratio. Unde in Matth.
dicitur : cum natus esset Iesus in diebus Herodis regis, ecce magi veniunt
ab oriente Hierosolymam, dicentes : ubi est qui natus est rex Iudaeorum ?
Vidimus enim stellam eius in oriente, et venimus adorare eum. In quibus
actibus satis est notus principatus eius, ac temporis exordium : prophetatus
quidem et praenuntiatus per Isaiam in verbis supra praemissis. Et attendendum
quod in sua infantia plus apparuit virtutis et potentiae praetendentis
excellentiam sui dominii, quam in adulta aetate, ad insinuandum suam
infirmitatem esse voluntariam, non necessariam, quae assumpta est ab ipso :
et non publice usus, nisi in casibus propter duplicem causam, quae ad
praesens sufficiant. Una est ad docendum in principibus humilitatem, per quam
quis redditur in regimine gratiosus. Quia humilitas meretur gratiam, iuxta
illud Prov. : humilem spiritum suscipit gloria. Et iterum Eccli. : in
mansuetudine opera tua perfice, et super hominum gloriam diligeris. Et in
canonica b. Iacobi : Deus superbis resistit, humilibus autem dat gratiam.
Sed tanto amplius in principe est necessaria quanto, per eminentiam sui
status, dentibus invidiae superiorem non patientis laceratur. Quod
considerans David rex, fastuosae regis filiae, videlicet Michol, insultanti
et dicenti quod coram ancillis suis se discooperuisset ad Dei laudem et
reverentiam divinae arcae, quae tunc pro numine habebatur, responsum dedit,
ut patet in secundo Reg. : ludam, inquit, ante dominum, qui elegit
me potius quam patrem tuum et quam omnem domum eius, et praecepit mihi, ut
essem dux super populum domini in Israel. Et ludam, et vilior fiam, plusquam
factus sum, et ero humilis in oculis meis. Quam regulam Christus servare
voluit in se ipso, secundum voluntatem Dei patris, per prophetam Zachariam
praenuntiatam, quam Evangelista Matth., in Christo adimpletam esse pronuntiat
: ecce, inquit, rex tuus venit tibi mansuetus, sedens super asinam
et pullum filium subiugalis. Quod si principes mundi de humilitate
commendantur et paupertate, per quae gratiosi facti sunt subditis, et ipsorum
prosperatum est dominium, quare non magis commendabimus perfectam humilitatem
Christi ? Scribit enim Valerius maximus de Codro Atheniensium rege, et
Augustinus de Civ. Dei, quod, cum Peloponnenses pugnarent contra Athenienses,
ex consultatione Apollinis certioratus est, quod ille exercitus praevaleret,
cuius dux morti dicaretur. Unde rex Codrus, pro salute suae gentis, in
effigie pauperis, se hostibus interficiendum obtulit : ipsoque mortuo in
fugam versi sunt hostes. Propter quod Athenienses ipsum inter deos asserebant
fuisse translatum. Tradit etiam idem Augustinus in praefato libro, et
Valerius maximus de quibusdam consulibus Romanis, et de Lucio Valerio, quod
in tanta mortuus est indigentia, ut cogerentur amici collectam facere
nummorum pro eius sepultura. Fabricius etiam consul de hoc ipso summe
commendatur. Unde scribit idem Valerius maximus et Vegetius, de re Milit.
Lib. IV et dictum est supra, quod cum esset par unicuique pauperi, et legati
Epirotarum magnum auri pondus eidem offerrent, eo recusante : narrate,
inquit, Epirotis me malle haec habentibus imperare, quam ipsa possidere. Quid
plus insistimus ? Omnes magni principes et monarchae cum humilitate
subiugaverunt mundum, sed cum fastu elationis perdiderunt dominium, ut
superius est tactum. Propter quod in Eccli. scribitur : quanto magnus es,
humilia te in omnibus, et coram Deo invenies gratiam. Amplius autem : si
virtus humilitatis et benevolentiae in quocumque principe commendatur, multo
magis laudari debet in principe nostro Christo, tanquam in supremo gradu
virtutis constituto. Concluditur ergo, quod Christi humilitas et paupertas
fuit consona rationi, quamvis legitimus esset dominus, propter causam iam
dictam. Caput
15 [90398] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio,
Liber 3 Caput 15 Titulus Quare
dominus assumpsit vitam abiectam et occultam, licet esset verus dominus
mundi; et exponuntur verba Isaiae prophetae de Christo [90399] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, lib.
3 cap. 15 Est et alia ratio,
quare dominus noster statum humilem assumpsit, quamvis dominus mundi, ad
insinuandam videlicet differentiam inter suum et aliorum principum dominium.
Quamvis enim temporaliter esset dominus orbis, directe tamen ad spiritualem
vitam suum ordinavit principatum, iuxta illud Ioannis : ego veni, ut vitam
habeant et abundantius habeant. Hinc etiam verificatur suum verbum
superius allegatum : regnum meum non est de hoc mundo. Propter hoc
igitur humiliter vixit, ut suos fideles exemplo sui traheret ad operandum
secundum virtutem, cuius via aptior est humilitas ac mundi contemptus, ut
Stoici et Cynici posuerunt, ut de ipsis Augustinus et Valerius maximus
referunt. Ipse etiam Seneca idem ostendit, qui perfectus Stoicus fuit, in
libello de Dei Prov. et de Brevit. vitae ad Paulinum : per quam quis
efficitur dignus ad regnum aeternum. Ad quod consequendum sui dominii fuit
principalis intentio. Unde ipse dominus in Luca discipulis suisque sequacibus
dixit : vos estis, qui permansistis mecum in tentationibus meis. Et ego
dispono vobis, sicut disposuit mihi pater meus, regnum, ut edatis et bibatis
super mensam meam in regno meo. Voluit igitur dominus sequaces suos
humiliter vivere exemplo sui, ex causa iam dicta, iuxta illud Matth. : discite
a me, quia mitis sum et humilis corde : ac suum temporale dominium ad hoc
ordinare. Unde vita spiritualis fidelium regnum caelorum vocatur, quia differt
in vivendo a regno mundano, et quia ad verum regnum ordinatur aeternum, non
ad temporale dominium tantum. Ad tollendam
igitur suspicionem de cordibus hominum, quod quasi principatum assumpserit ut
in mundo dominaretur, et hoc esset finis eius, ut aliorum dominorum, vitam
abiectam elegit, et tamen verus erat dominus et monarcha, quia factus est
principatus super humerum eius, ut dictum est supra per prophetam quod
optime fuit in praemissis verbis Isaiae praenuntiatum, quia primo praeponitur
humilis et abiectus : parvulus, inquit, natus est nobis :
postea subiungitur cum ista parvitate virtus et excellentia sui dominii
propter coniunctum : et filius, inquit, datus est nobis. Quia
enim humanitas in Christo coniuncta erat divinitati filii tanquam
instrumentum eius, omnipotentis erat virtutis : et ideo propheta ibidem
circumloquitur ineffabile eius dominium multis clausulis singularis potentiae,
quae omnes distincte habent intelligi, ut Hieronymus exponit ibidem, ut per
ordinem clausularum est manifestum. Primo siquidem quantum ad dominii
securitatem et soliditatem : cuius, inquit, principatus super
humerum eius. Ea enim quae portantur in humeris firmiora sunt; sic enim
onera solidius vehuntur. Secundo, quantum ad dominii novitatem, unde
scribitur : et vocabitur nomen eius admirabilis. Admiratione enim
dignum est, quia humilis et pauper, et tamen dominus mundi. Tertio, quantum
ad sapientiae claritatem, quod est praecipue principibus necessarium, quia vae
terrae cuius rex puer est, ut dicitur in Eccle. Quod accidit quando
princeps per se nihil potest, sed innixus aliorum agit consilio, sive agitur,
ut melius dicatur : unde subiungitur : consiliarius. Quarto, quantum
ad dominii dignitatem, quia Deus. Cum enim in ipso sit unum suppositum
et una persona, in qua sunt unitae divina et humana natura; et principatus
Christi in virtute agit divini suppositi; et ideo sequitur : fortis.
Recipit enim influentiam Christi principatus ex divina virtute, quae in ipso
personaliter erat, qua potentia usus est Christus circa passionem, cum Iudaei
vellent eum occidere, et ipsum quaererent, quo dicente : ego sum,
statim ceciderunt in terram, ut in Ioanne scribitur. Quae quidem fines sui
successoris excedit : quia constat quod vicarius Christi non est Deus, et in
hoc transcendit sua potestas potentiam sui successoris; ex quo Christus multa
potuit circa ordinationem suorum fidelium et regimen, quae beatus Petrus non
potuit, nec sui successores, ut superius est ostensum. Et ex eadem parte,
videlicet quod iste parvulus erat, subditur sexta conditio singularis sui
principatus, quae est regendi benignitas : quia pater futuri saeculi,
quod ad plenitudinem gratiae referre possumus, qua quidem qui pleni sunt omne
iugum legis leviter portant. Qua ratione apostolus dicit ad Gal. : si
spiritu ducimini, non estis sub lege. Unde talibus ad regendum virga
ferrea non est necessaria : et hoc singulare est in principatu Christi.
Septimum et ultimum sumitur ex eadem causa, quod est regendi tranquillitas,
cum subditur : princeps pacis, etsi non corporis, tamen pectoris. Et
hanc quidem suis fidelibus Christus rex noster et princeps et vivendo offert,
et moriendo reliquit. In mundo, inquit, pressuram
habebitis, in me autem pacem : et hoc etiam est singulare in suo
principatu. In humilitate ergo et
paupertate suum fundavit dominium, et in adversitatibus, et laboribus, et
aerumnis : quomodo aucta fuit respublica Romanorum, non videlicet fastu, vel
pompis superbiae, ut Salustius refert ex sententia Catonis, et Valerius
maximus hoc idem probat. Caput
16 [90400] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio,
Liber 3 Caput 16 Titulus Quod
isto modo aucta fuit respublica per exempla antiquorum Romanorum, et postea
subdit de Constantino [90401] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, lib.
3 cap. 16 Et hinc est quod rex
noster Christus principes saeculi permisit dominari, et eo vivente, et eo
moriente, ad tempus, quousque videlicet suum regnum esset perfectum, et
ordinatum in suis fidelibus, operationibus virtuosis et eorum sanguine
laureatum. Si enim regulus, qui et Marcus appellatur, pro zelo suae patriae a
Carthaginensibus est occisus; si Marcus Curtius in abruptum terrae hiatum se
proiecit ad liberationem patriae; si Brutus et Torquatus filios occiderunt
pro iustitia et disciplina militari conservandis, ut historiae tradunt,
quorum zelo respublica ex parva facta est magna; item, si Seleucus, apud
Locros dominans, ut Valerius maximus refert libro sexto, filium uno orbavit
oculo, alteroque se ipsum pro adulterio commisso, ut iustitia servaretur,
contra praedictum delictum per filium perpetratum, sicque admirabili
aequitatis temperamento se inter misericordem patrem et iustum legislatorem
partitus est : quare non magis Christiani reddi debent laudabiles, si se
exponunt passionibus et tormentis pro zelo fidei et amore Dei, ac virtutibus
variis conantur florere, ut regnum consequantur aeternum, ac Christi
principatus accrescat in eorum meritis ? Haec autem Augustinus, de Civ. Dei,
quasi per totum subtiliter valde ac diffuse pertractat. Propter quod et
dictum librum fecit, quod et factum fuit intermedio tempore a passione domini
usque ad tempora beati Sylvestri et Constantini : quo quidem saeculi spatio
infinita populi multitudo per mortem Christo domino suo dedicata est et
coniuncta, ac suum ducem et principem est secuta. Primo quidem primi duces
apostoli et alii Christi discipuli, omnes Christi vicarii, et Petri
successores, quod fuit tempus 350 annorum, in quorum sanguine et corporibus,
ac ipsorum vitae meritis fundata est Ecclesia tanquam lapidibus vivis et
pretiosis, ac ineffabili fundamento; contra quod nec venti, nec pluviae, nec
quaecumque procellae diversarum passionum, vel quarumcumque perturbationum saeviant,
ipsum possunt obruere. Opportuno igitur tempore, ut manifestaretur mundo
regnum Christi compositum, virtus principis nostri Iesu Christi principem
mundi sollicitavit, Constantinum videlicet, percutiens eum lepra, ac ipsum
curans supra humanam virtutem. Qua probata, in dominio cessit vicario
Christi, beato videlicet Sylvestro, cui de iure debebatur ex causis et
rationibus superius assignatis : in qua quidem cessione spirituali Christi
regno adiunctum est temporale, spirituali manente in suo vigore; quia illud
per se quaeri debet a Christi fidelibus, istud vero secundario tanquam
administrans primo : aliter autem contra intentionem fit Christi. Tunc
adimpletum est quod post illam clausulam scribitur in Is. : multiplicabitur
eius imperium et pacis non erit finis. Apertae sunt enim Ecclesiae ab eo
tempore, et coepit Christus praedicari publice, quod ante non poterat sine
periculo mortis. Et eodem anno, quo Constantinus curatus est a lepra et
conversus est ad fidem, baptizati sunt circa partes Romanas plusquam centum
millia hominum ex virtutibus ostensis per dictum Christi vicarium. Sed
attendendum quod dicit propheta : et pacis non erit finis. Constat
enim post mortem Constantini filium eius haeresi Ariana fuisse infectum, et
Ecclesiam perturbasse. Unde sub eo passi sunt exilium solemnes Ecclesiae
doctores : Hilarius Pictaviensis, et Athanasius Alexandrinus episcopi, ac
Eusebius Vercellensis, et multi alii Ecclesiarum doctores et clerici; nec non
et caput Ecclesiae summus pontifex Liberius in veritate fidei vacillavit ex
multa persecutione Constantii, ut historiae tradunt. Post ipsum fuit Iulianus
apostata, frater Galli, et consobrinus Constantii. Hic secundam intulit
persecutionem fidelibus, sub quo passi sunt Ioannes et Paulus germani. Unde
ergo verificatur verbum domini per prophetam iam dictum ? Oportet autem
praedicta ad pacem pectoris reducere, non corporis. Unde ipse dominus, quando
pacem offert discipulis, in Ioanne, de tali pace loquitur : pacem meam do
vobis; non quomodo mundus dat, ego do vobis. Manifestum est enim illa
verba discipulis imminente passione dicta. Tunc autem constat ipsos
persecutionem passos. Unde dictum est eis in eodem temporis momento : si
me persecuti sunt, et vos persequentur. Hanc ergo pacem electi Christi
fideles perdere non possunt, nisi velint. Quod si licuit Stoicis dicere, bona
hominis, quae virtutes appellant, in homine semper manere, nec auferri posse
virtuosis invitis, ut refert A. Gellius in libro noctium Atticarum de Dibon
Stoico, et Augustinus, de Civ. Dei, quare non magis dicemus de mentibus
fidelium, quod pacis eorum non erit finis, cum inhaereant fini, qui sine fine
vivit ? Caput
17 [90402] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio,
Liber 3 Caput 17 Titulus Qualiter
imperatores Constantinopolitani, sequentes a Constantino, fuerunt obedientes
et reverentes Ecclesiae Romanae : et hoc ostendit per quatuor Concilia,
quibus dicti principes se subiecerunt [90403] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, lib.
3 cap. 17 His autem peractis,
Iuliano in bello Persarum interfecto, reddita est pax Ecclesiae per
Iovinianum fratrem eius virum Catholicum : licet parum regnaverit. Istud
autem notabile, ab inde usque ad tempora Caroli magni, de imperatoribus
reperitur : omnes quasi obedientes et reverentes fuisse Romanae Ecclesiae,
tanquam ipsa principatum teneret, sive respectu spiritualis dominii, sicut
sancta synodus Nicaena definit, sive temporalis. Unde Gelasius Papa Anastasio
imperatori scripsit, imperatorem ex iudicio Papae dependere, ut historiae
tradunt, et non e contrario. Valentinianus etiam, qui immediate Ioviniano
successit, sic fertur dixisse, ut ecclesiastica historia refert, cum
archiepiscopi Mediolanensis instaret electio : talem, inquit, nobis in
pontificali instituite sede, cui nos, qui gubernamus imperium, sincere nostra
capita submittamus, et eius monita, dum tanquam homines deliquerimus,
necessario veluti curantis medicamina suscipiamus. Et quia ista materia est
fructuosa ad ostendendam reverentiam principum circa vicarium Christi, de
imperatoribus usque ad tempora Caroli est hic agendum. Ulterius autem a
Carolo usque ad Ottonem primum, inter quae tempora facta est diversitas in
tribus : primo : quantum ad modum eligendi. Secundo : quantum ad modum
succedendi. Tertio : quantum ad modum providendi. Et ut appareat, tradendum est hic aliquid de processu
imperatorum a tempore Constantini, qui subiecti fuerint Ecclesiae, praeter
iam dictos tyrannos. Sicut enim narrant historiae, postquam Constantinus
cessit imperium vicario Christi, transtulit se cum satrapis et principibus
suis in provinciam Thraciae, ubi Asia maior incipit, et terminatur Europa,
ibique unam civitatem assumpsit, quae vocabatur Byzantium. Quam quidem, ut
historiae tradunt, quasi adaequavit urbi, et suo nomine appellavit. In hac ergo fuit
imperialis sedes usque ad Carolum, in cuius persona Adrianus Papa, congregato
Concilio in urbe, imperium a Graecis transtulit ad germanos. In quo apparet
imperatores Constantinopolis a vicario Christi, summo videlicet pontifice,
dependere, ut Gelasius Papa Anastasio scribit imperatori : unde ipsorum
imperium ad exequendum regimen fidelium secundum mandatum summi pontificis
ordinatur, ut merito dici possint ipsorum executores esse et cooperatores Dei
ad gubernandum populum Christianum. Quod
quidem ostenditur primo de quatuor imperatoribus, qui in isto medio tempore
regnaverunt, nec non et praesentes fuerunt quatuor Conciliis solemnioribus et
universalioribus, et approbantes ipsorum statuta, et eisdem se similiter
subiicientes. Primum fuit Nicaenum trecentorum decem et octo episcoporum,
tempore Constantini, ubi condemnatus est Arius, presbyter Alexandrinus, ut
historiae tradunt, qui filium Dei asserebat minorem patre : ubi de dicto
principe fertur, quod eidem Concilio omnes sumptus fecit, quasi in hoc
recognoscens suum dominum vicarium Christi, cuius vices totum gerebat
Concilium, quia beatus Sylvester absens fuerat ab eodem ex speciali causa.
Secundum autem Concilium fuit Constantinopoli, sub Cyriaco Papa celebratum
(quidam tamen dicunt sub Damaso), praesente Theodosio seniore, ut historiae
tradunt, centum quinquaginta episcoporum. In quo multae fuerunt haereses
condemnatae : sed praecipue Macedonii episcopi Constantinopolis, qui spiritum
sanctum negabat esse Deum, patri consubstantialem et filio. Hic autem
Theodosius tanta reverentia fuit ad Ecclesiam, quod, ut scribit Gelasius
Anastasio imperatori, beato Ambrosio prohibente eidem ingressum Ecclesiae,
non fuit ausus intrare, quin potius excommunicavit eum, quia consensit in
necem multitudinis Thessalonicae, eo quod suum iudicem occidissent, ut narrat
historia tripartita. Quod totum princeps Catholicus patienter tulit, et
tandem durissime reprehensus ab ipso publicam prius egit poenitentiam quam
publicum haberet Ecclesiae ingressum. Tertium autem Concilium celebratum fuit
sub Theodosio iuniore, Arcadii filio, apud Ephesum, ducentorum episcoporum,
tempore Caelestini primi, licet praesens non fuerit; sed eius vices gessit
Cyrillus Alexandrinus episcopus confidentia Theodosii, qui tantae fuit
honestatis, et maturi consilii et reverentiae ad divinum cultum, quod etiam
in tenella aetate permissus est imperare, ut historiae tradunt. Synodus autem
praedicta contra Nestorium, Constantinopolis episcopum, congregata fuit, qui
duas personas ponebat in Christo, et duo supposita, per quae tollebatur vera
unio utriusque naturae. Quartum autem Concilium fuit celebratum in
Chalcedonia sexcentorum triginta episcoporum sub Leone primo, praesente
principe Marciano, de quo pro reverentia Romanae Ecclesiae, sic dixisse
fertur in actione septima praefatae synodi : nos, inquit, ad fidem
confirmandam, non ad potentiam ostendendam, exemplo religiosissimi viri
Constantini, huic Concilio interesse volumus, ut, inventa veritate, non ultra
multitudo pravis doctrinis attracta discordet. Per quod habeo, quod tota intentio
principum antiquitus erat ad favendum fidei et Ecclesiae Romanae reverentiae
et honori. In hoc autem Concilio damnatus est Eutyches cum Dioscoro, episcopo
Alexandrino : qui, sicut Nestorius ponebat naturas et personas distinctas,
sic isti asserebant confusas et admixtas. Caput
18 [90404] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio,
Liber 3 Caput 18 Titulus De
duobus Conciliis sequentibus post illa quatuor, celebratis tempore Iustiniani
et Constantini iunioris; et quae ratio quare imperium translatum fuit a
Graecis ad germanos [90405] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, lib.
3 cap. 18 Multa etiam et alia
fuerunt Concilia, licet ista fuerint principaliora a tempore Constantini
usque ad Carolum, in quibus principes se subiectos Ecclesiae ac fideles
ostendunt : sed praecipue Iustinianus post cursum quartae synodi centum
viginti episcoporum, praesidente Iulio Papa. Hoc enim manifestum est ex suis
legibus, quas in favorem condidit ecclesiastici status. Item, ex epistola
quam, celebrato Concilio in Constantinopoli, per totum orbem terrarum
direxit, in qua institutis Ecclesiae se subiecit, mandans populis eidem in
omnibus obedire, replicans etiam super quatuor Conciliorum memoratorum
statuta, et eadem confirmans suas sanctiones sive leges subiiciens ecclesiasticis
institutis; sed praecipue in usuris et matrimonio, in quibus tota vita
civilis versatur. Quae quidem synodus celebrata fuit contra Theodorum et eius
sectatores Constantinopoli, qui aliud dicebant esse verbum Dei et aliud
Christum, negantes etiam beatam Mariam fuisse matrem Dei. Sexta autem synodus
celebrata fuit in urbe regia praefata, Constantino iuniore procurante, centum
quinquaginta episcoporum, rogatu Agathonis contra Macharium, Antiochenum
episcopum, et eius socios, qui unam operationem et unam voluntatem in Christo
asseruit, iuxta perfidiam Eutychetis. In qua quidem synodo dictus
Constantinus, qui fuit post Iustinianum principem ad centum quinquaginta
annos, fidei multum favit, destruens Monothelitas haereticos, quorum pater et
avus fuerunt fautores, restauravit Ecclesias per ipsos destructas. Haec pro
tanto sint dicta ad ostendendum quod Constantinopolis imperatores fuerunt
Romanae Ecclesiae protectores ac propugnatores usque ad tempora Caroli magni.
Tunc igitur gravata Ecclesia a Longobardis, et Constantinopolis imperio
auxilium non ferente, quia forte non poterat, eius potentia diminuta,
advocavit Romanus pontifex ad sui defensionem contra praedictos barbaros
regem Francorum. Primo quidem Pipinum Stephanus Papa et successor Zachariae contra
Astulphum, regem Longobardorum; deinde Adrianus et Leo Carolum magnum contra
desiderium, Astulphi filium; quo extirpato et devicto cum sua gente, propter
tantum beneficium, Adrianus, Concilio celebrato Romae centum quinquaginta
quinque episcoporum et venerabilium abbatum, imperium in personam magnifici
principis Caroli a Graecis transtulit in germanos. In quo facto satis
ostenditur, qualiter potestas imperii ex iudicio Papae dependet. Quamdiu enim
Constantinopolis principes Romanam Ecclesiam defenderunt, ut fecit
Iustinianus per Belisarium contra Gothos, et Mauritius contra Longobardos,
Ecclesia dictos principes fovit. Postquam vero defecerunt, ut tempore
Michaelis, contemporanei Caroli, de alio principe ad sui protectionem
providit. Caput
19 [90406] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio,
Liber 3 Caput 19 Titulus Qualiter
diversificatus est modus imperii a Carolo magno usque ad Ottonem tertium; et
unde plenitudo potestatis summo pontifici convenit [90407] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, lib.
3 cap. 19 Et tunc
diversificatus est modus imperii, quia usque ad tempora Caroli in
Constantinopoli in eligendo servabatur modus antiquus; aliquando enim
assumebantur de eodem genere, aliquando aliunde, et aliquando per principem
fiebat electio, aliquando per exercitum. Sed instituto Carolo cessavit
electio, et per successionem assumebantur de eodem genere, ut semper
primogenitus esset imperator, et hoc duravit usque ad septimam generationem;
qua etiam deficiente, tempore Ludovici a Carolo separati, cum Ecclesia
vexaretur ab iniquis Romanis, advocatus est Otto, primus dux Saxonum, in
Ecclesiae subsidium, liberataque Ecclesia a vexatione Longobardorum, et
impiorum Romanorum, ac Berengarii tyranni, in imperatorem coronatur a Leone
VII, genere Alamanno, qui et imperium tenuit usque ad tertiam generationem,
quorum quilibet vocatus est Otto. Et ex tunc ut historiae tradunt, per
Gregorium V, genere similiter Teutonicum, provisa est electio, ut videlicet
per septem principes Alamaniae fiat, quae usque ad ista tempora perseverat,
quod est spatium ducentorum septuaginta annorum, vel circa; et tantum
durabit, quantum Romana Ecclesia, quae supremum gradum in principatu tenet,
Christi fidelibus expediens iudicaverit. In quo casu, ut ex verbis domini
supra inductis est manifestum, videlicet pro bono statu universalis
Ecclesiae, videtur vicarius Christi habere plenitudinem potestatis, cui
competit dicta provisio ex triplici iure. Primo quidem divino, quia sic
videtur voluisse Christus ex verbis superius introductis, et infra etiam
ostendetur. Secundo vero ex iure naturali, quia, supposito ipsum primum locum
tenere in principatu, oportet eum dici caput, a quo est omnis motus et sensus
in corpore mystico : per quod habemus quod omnis influentia regiminis ab ipso
dependet. Amplius autem : in communitate oportet attendere ad conservationem
ipsius, quia hoc natura requirit humana, quae sine societate vivere non
potest. Conservari autem nequit, nisi per dirigentem primum in quolibet gradu
hominum : et hoc est in actibus hominum primus hierarcha, qui est Christus :
unde est primus dirigens, et consulens, et movens, cuius vices summus
pontifex gerit. Rursus autem : dictum est supra, in primo libro, quod
princeps est in regno sicut Deus in mundo, et anima in corpore. Constat
autem, quod omnis operatio naturae ex Deo dependet, sicut gubernante, movente
et conservante, quia in ipso movemur et sumus ut dicitur in Act.
apostolorum et propheta Isaia : omnia opera nostra operatus es in nobis
domine. Similiter et de anima dici potest, quia omnis actio naturae in
corpore in triplici genere causae dependet ex anima. Hoc autem videmus in
Deo, quod gubernando et dirigendo mundum permittit corruptionem particularis
entis pro conservatione totius; sic et natura facit pro conservatione humani
corporis ex virtute animae. Simile contingit in principe totius regni, quia
pro conservatione regiminis super subditos ampliatur eius potestas imponendo
tallias, destruendo civitates et castra pro conservatione totius regni. Multo
igitur magis hoc conveniet summo et supremo principi, id est Papae, ad bonum
totius Christianitatis. Propter quod et prima synodus Nicaena, praesente
Constantino, eidem primatum attribuit in primis canonibus quos instituit. Iura etiam sequentia
dictum Concilium in his singulariter dictum principatum attollunt, dicentia
quod sic debet reputari eius sententia, tanquam ab ore Dei prolata : et hoc
idem Carolus magnus confitetur ibidem. Item
: non licet appellare ab eius sententia. Item : ipse est qui superiorem non
habet. Item : ipse est qui vices Dei gerit in terris. Et haec est tertia via,
sive ratio per quam ostenditur et concluditur, summum pontificem in dicto
casu plenitudinem potestatis habere. In duobus igitur casibus ampliatur eius
potestas, ut patet supra, vel ratione delicti, vel ad bonum totius fidei.
Quod eleganter nobis ostendit propheta Ieremias, cui in persona vicarii
Christi dicitur : ecce, inquit, constitui te super gentes et regna,
ut evellas, et destruas, et disperdas, ac dissipes : quod ad rationem
delicti referimus; ubi in quatuor illis vocabulis diversa genera poenarum
accipimus, quae infligi possunt unicuique fideli, sive subdito, cum dicit : et
super gentes : sive domino, cum dicit : et super regna. Secundum
autem est, unde accipimus ampliatam summi pontificis potestatem, cum postea
dicitur : et aedifices, et plantes; quod ad providentiam vicarii
Christi pertinet pro bono universalis Ecclesiae. Caput
20 [90408] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio,
Liber 3 Caput 20 Titulus Comparatio
imperialis dominii ad regale et politicum, qualiter convenit cum utrisque [90409] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, lib.
3 cap. 20 His habitis, videnda
est comparatio imperialis dominii ad regale et politicum : quia, ut ex dictis
apparet, convenit cum utroque et cum politico quidem quantum ad tria. Primo
enim considerata electione. Sicut enim consules Romani et dictatores, qui
politice regebant populum, assumebantur per viam electionis, sive a populo
sive a senatoribus; ita et de imperatoribus contingebat, quod assumebantur, sive
a Romano exercitu, ut Vespasianus in Palaestina, ut historiae tradunt, et
similiter Phocas ex militari seditione in oriente assumptus est contra
Mauritium imperatorem, quem postea interfecit. Aliquando autem eligebantur
imperatores a senatoribus, ut Traianus et Diocletianus, quamvis unus de
Hispania esset, alter vero de Dalmatia. Et similiter Aelius pertinax a
senatoribus est assumptus. Item : non semper de genere nobili, sed de
obscuro, ut in praenominatis liquet Caesaribus, Vespasiano et Diocletiano, sicut
historiae tradunt. Sic de consulibus et dictatoribus Romanis contigit, sicut
supra patuit de Lucio Valerio et Fabricio. Et Augustinus refert, in quinto de
Civ. Dei, de Quinctio cincinnato, qualiter cum solum quatuor haberet iugera
ad colendum, factus est dictator maior. Item : alia est comparatio, sive
similitudo, quod ipsorum dominium non transibat in posteros, unde statim ipso
mortuo dominium expirabat. Quantum autem ad ista duo exemplum habemus etiam
modernis temporibus, quod electi sunt imperatores, videlicet Rodolphus
simplex comes de Ausburg, quo mortuo, assumptus est in imperatorem comes
Adolphus de Anaxone, quo occiso ab Alberto, Rodolphi filio, eodem modo
assumptus est. Hoc ergo generale erat, nisi forte vel ipsorum probitate
contingeret ipsos assumi, vel ex gratia patris ipsorum, ut de Arcadio et
Honorio, filiis antiquioris Theodosii, contigit, et similiter de Theodosio
iuniore, Honorii filio. Nam quia bene rexerunt rempublicam et imperialem
aulam, meruerunt in suo genere aliquo tempore perseverare dominium. Similiter
accidit de Romanis consulibus, quod licet singulis annis eligerent consules,
saltem quantum ad magistratum, ut in I Mach., saepius tamen contingebat, quod
propter probitatem personae vel generis transibat in posteros, ut de Fabio maximo
contigit, de quo scribit maximus Valerius, quod cum a se quinquies, et a
patre, avo et proavo, maioribusque suis saepe consulatum gestum conspiceret,
animadversione quam constanter potuit cum populo id egit, ut aliquando
vacationem Fabiae genti darent, ne maximum imperium in una tantum
continuaretur familia. Accidit quoque
quandoque per quamdam violentiam usurpari imperium, non ex merito virtutum,
sicut fertur de Caio Caligula sceleratissimo, qui fuit nepos Tiberii, sub quo
Christus passus est. Et similis de Nerone verificatur sententia. Hoc idem
accidit de consulibus urbis, quod ex eorum impietate, ut historiae narrant,
usurpaverunt dominium, sicut Sylla et Marius, commotores urbis et orbis. Ex
quibus omnibus patet convenientia imperialis dominii cum politico. Sed et cum
regali ex triplici parte convenientia ostenditur. Primo quidem ex modo
regendi, quia iurisdictionem habent, ut reges, et eisdem quodam iure naturae
sunt, ut regibus, tributa et vectigalia instituta, quae et transgredi non
possunt sine peccato, nisi sicut in iure regali superius definito : quod
consules nequeunt, nec etiam quicumque alii civitatum rectores in Italia, qui
politico regunt regimine, ut iam dicetur. Tributa enim et vectigalia ad
aerarium publicum deducuntur; et de hoc Salustius refert, qualiter
reprehendit Cato in sua concione Romanos consules sui temporis. Cum enim
commendasset eos, quod eis fuit domi industria, foris iustum imperium, animus
in consulendo liber, neque libidini, neque delicto obnoxius, subiungit : pro
his nos habemus luxuriam atque avaritiam, publice egestatem, privatim
opulentiam. Secunda convenientia imperatorum cum regibus est corona, quia
coronantur ut reges. Duplicem enim habent coronam et recipiunt electi in
imperatorem. Unam quidem prope Mediolanum, in villa quae dicitur Modoetia,
ubi sepulti sunt reges Longobardorum; quae quidem corona ferrea dicitur esse
signum, quod primus imperator germanus Carolus magnus colla regum
Longobardorum suaeque gentis perdomuit. Secundam coronam, quae aurea est, a
summo percipit pontifice, et cum pede sibi porrigitur, in signum suae
subiectionis et fidelitatis ad Romanam Ecclesiam. Huius autem fastigii
dignitatem, nec consules, nec dictatores habebant in urbe; quia, ut scribitur
in I Mach., inter praesides Romanos nemo portabat diadema, nec induebatur
purpura, quorum utrumque faciunt imperatores et reges. Tertia vero
convenientia quam imperatores habent cum regibus, et differunt a consulibus,
sive rectoribus politicis, est institutio legum et arbitraria potestas, quam
habent super subditos in dictis casibus. Propter
quod et eorum dominium maiestas appellatur, imperialis videlicet et regalis :
quod consulibus et rectoribus politicis non convenit, quia agere ipsis non
licet, nisi secundum formam legum eis traditam, vel ex arbitrio populi, ultra
quam iudicare non possunt. Patet igitur de qualitatibus imperialis regiminis
secundum diversitatem temporum, et comparationem ipsius ad regimen politicum,
et regale. Caput
21 [90410] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio,
Liber 3 Caput 21 Titulus De
dominio principum, qui subsunt imperatoribus et regibus, et de diversis
nominibus eorum quid importent. De diversis nominibus eorum quid importent [90411] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, lib.
3 cap. 21 Determinatis his quae
ad regimen regale et imperiale pertinent, nunc de dominiis eisdem annexis est
dicendum, ut sunt principes, comites, duces, marchiones, barones, castellani,
et quibusdam aliis nominibus ad dignitatem pertinentibus secundum diversas
consuetudines regionum. Sunt etiam alia nomina dignitatum sub regibus, de
quibus Scriptura sacra mentionem facit, ut satrapa : unde in Dan. scribitur :
congregati sunt satrapae regis Babyloniae, magistratus et iudices. Et
ibidem etiam fit mentio de optimatibus regis. In I etiam Mach. quatuor
ponuntur nomina dignitatum, ubi dicitur, quod contra Nichanorem Iudas
constituit populo duces, tribunos, et centuriones, et pentacontarchos, et
decuriones. Gesta etiam Romanorum quibusdam singularibus nominibus suos
rectores appellant, post exactos reges, videlicet consules, dictatores,
magistratus, tribunos, senatores, patricios et praefectos. Item : scipiones,
censores et censorinos. De quibus omnibus sub duplici titulo est agendum.
Primo quidem de nominibus propriis imperatorum et regum et annexis statui,
unde traxerunt originem, et quale fuit ipsorum regimen. Postea vero de
propriis pertinentibus ad politicum principatum. Propria autem nomina
dignitatum deservientium imperatoribus et regibus, sunt quidem principes,
domini videlicet provinciarum, quasi primum locum tenentes sub regali vel
imperiali dominio. Unde et dominantur baronibus, et comitibus interdum, ut in
Theutonia et regno Siciliae patet. Quamvis etiam Scriptura istud nomen
saepius extendat ad omne genus dominii, et praecipue nobilis : ad cuius
similitudinem quidam Angelorum ordo vocatur principatus, quia dominantur toti
provinciae. Unde et in Dan. scribitur : princeps Persarum restitit viginti
uno diebus. Item etiam Ioseph, qui secundus erat a rege in Aegypto, se
principem vocat, ut in Genesi scribitur. Secundum nomen est comitum, quod
quidem nomen fuit assumptum primo a populo Romano post exactos reges.
Eligebant enim singulis annis, ut tradit Isidorus, secundo Etymolog., duos
consules, quorum unus rem militarem, alter vero rem administrabat civilem, et
isti duo consules primo vocati sunt comites, a commeando simul per veram
concordiam. Unde aucta fuit respublica, ut Salustius tradit de bello
Iugurthino. Processu vero temporum istud nomen abolitum est a Romano
regimine, et translatum est ad statum aliquem dignitatis, sub regibus et
imperatoribus deputatum. Unde dicuntur comites, a comitando, quia ipsorum
officium est praecipue reges et imperatores sequi in rebus bellicis, vel
quacumque re militari, et in aliis quibuscumque gerendis pro totius regni
utilitate. Duces autem a ducatu populi dicti sunt, sed praecipue in castris.
Est enim ipsorum officium, exercitum dirigere, et ipsum in pugna praeire.
Unde cum filii Israel impugnarentur a Chananaeis, quaesiverunt a se invicem,
ut scribitur in Lib. Iud. : quis ascendet ante nos contra Chananaeum, et
quis erit dux belli ? Et hoc nomen tali rectori proprie convenit, propter
difficultatem regendi, quando quis est in pugna. Unde ab excellentia
regiminis, congruissime dux vocatur. Qua ratione Iosue, sive Iesus Nave, quia
pugnavit bella domini, sic vocatus est, sicut testificatur de ipso ille
egregius princeps Mathathias in I Mach. : Iesus dum implet verbum, factus
est dux in Israel. Sic etiam dixerunt zelatores legis Iudaicae Ionathae,
mortuo Iuda Machabaeo : eligimus te in principem et ducem ad bellandum
bellum nostrum. Aliud autem nomen dignitatis deserviens imperatoribus et
regibus est marchio qui comitatui aequipollet : sed hoc nomen sortitur a
severitate iustitiae. Dicitur enim marchio, a marcha, quod est singulare
divitum pondus, per quod significatur recta et rigida iustitia. Hoc autem
satis congrue apparet in dictis principibus, quia, ut communiter reperitur in
regionibus nobis notis, omnes tales principes, qui isto nomine nuncupantur,
sunt in provinciis asperis (propter quod et confinia regionum quae sunt loca
montuosa et rigida, apud aliquos appellantur Marchiae); vel in provinciis
lascivis, quorum utrumque genus rigore iustitiae conservatur. Est et aliud
nomen, quod baro dicitur, a labore dictum, sive quia in laboribus fortes, ut
Isidorus tradit in commemorato libro. Barus enim Graece, Latine gravis, sive
fortis vocatur. Hoc autem proprium est principum, ut in continuis sint
gymnasiis, sicut in partibus Galliae et Germaniae est solitum, sive in venationibus,
vel aucupiis, sive in torneamentis, ut mos fuit ipsorum antiquitus, ut
Ammonius, historiarum scriptor egregius, scribit. Cuius ratio ponitur a
Vegetio, de re Milit., quia oportet ipsos esse primos ad bellandum pro
subditis, et assuetudine efficiuntur audaces. Unde ipse subdit ibidem, quod
nullus attentare dubitat, quod se bene didicisse confidit. Et quia ad omnes
principes laboris exercitium pertinet, ideo istud nomen omnibus est commune,
sive ad principes, sive ad comites, et sic de aliis sub regali dominio
existentibus. Caput
22 [90412] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio,
Liber 3 Caput 22 Titulus De
quibusdam nominibus dignitatum singularibus in quibusdam regionibus : et
quale sit omnium istorum regimen [90413] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, lib.
3 cap. 22 Sunt autem et alia
nomina consequentia regale vel imperiale dominium in quibusdam regionibus,
sive provinciis, quae aliquid important, ut nomen satrapae et optimatis apud
Persas et Philistaeos. Quorum primum significat promptitudinem serviendi.
Unde satrapae dicuntur quasi satis parati, quod est officium principis
propter fidelitatem, quam iurat suo superiori; vel satis rapientes, quod
videtur importare ipsum nomen, cum sit fastuosum, ut ex ipsa sacra Scriptura
est manifestum. Optimatum autem nomen significare videtur supremum gradum sub
principe, ab optimo dictum. Magistratus a
praeeminentia consilii et doctrinae dicti sunt in regimine; quomodo et
maiores curiae regis Franciae sic vocantur, quasi maiores statu. Steron Graece,
Latine statio dicitur. Iudices vero quasi ius dantes populo, qui proprie
assessores dicuntur, qui etiam praetores, quasi prae aliis locum tenentes in
curia. Sed praeses nomen est sacrae Scripturae, sic dictus, ut tradit
Isidorus, quia alicuius loci tutelam praesidialiter tenet. Sunt et alia duo
nomina ad dignitatem pertinentia in curia regis, de quibus fit mentio inter
officiales curiae Salomonis, in III Reg., ut a commentariis, et Scriba, qui
in officiis distinguebantur : quia unus praeerat legionibus scribendis per
principem institutis, quod idem videtur quod magistratus; alius autem
praepositus erat responsivis regum, quem et nos cancellarium appellamus.
Praeter haec autem sunt et alia duo nomina usitata quidem in partibus
Galliae, forte ex proprio idiomate alicuius gentis, in quibus nos ab ipsis
talem possumus etymologiam sortiri, ut est mariscallus et senescallus, qui
proprie rectores expositi sunt ad universalia negotia regionis, quod utrumque
nomen importat, ut mariscallus, idest dominus laborum. Maris enim Syriace
domina, vel dominus Latine, callus autem laborem importat; senescallus autem
a senex, propter maturitatem regiminis, et callus calli. In tali enim officio
non debent exponi, nisi homines magnae experientiae et laboris assidui. Apud
Hispanos autem omnes sub rege principes divites homines appellantur, et
praecipue in castella : cuius est ratio, quia rex providet in pecuniis
singulis baronibus secundum merita sua; vel secundum complacentiam hos
deprimit, hos exaltat. Ut in pluribus enim munitiones et iurisdictiones non
habent, nisi ex voluntate regis, et inde vocantur divites homines, quia, cui
in maiori summa providetur per regem, ille maior est princeps, quia pluribus
potest militibus providere : quem modum adhuc observant Romanae militiae, eo
quod sub stipendiis vivunt. Sunt ibi et alii qui vocantur infantes, et alii
infantiones, quorum primi sunt de genere regio, qui filii, vel nepotes sic
dicti ab innocentia populi, quia nullum debent laedere, sed conservare, ac in
iustitia fovere, et regi sicut infantes in omnibus obedire : quod hodie male
observatur ibidem. Secundi vero sic sunt dicti, quia primos debent sequi
sicut maiores. Sunt enim nobiles, qui plus virtutis habent quam miles
simplex, et aliquorum castrorum et villarum domini, qui et alicubi castellani
dicuntur. Dicti autem sunt infantiones, quia minus possunt inter alios
principes laedere propter impotentiam suam, sicut pueri ab infantia
recedentes. Si enim laedant subditos suos, rebellant, maioribus principibus
adhaerentes, et sic perdunt dominium. Item nec potentiam habent maiorum
principum, sicut nec puer respectu viri. Haec igitur de principibus subiectis
et subalternatis regibus dicta sufficiant, et quid significent, vel quid
importent. De caeteris vero dignitatibus supra praemissis, quia ut in
pluribus pertinent ad politiam, licet aliqua sint communia, infra in sequenti
opere declarabitur. Nunc enim videndum est, quale est dictorum principum
regimen : circa quod est respondendum, secundum sententiam sacrae Scripturae.
Dicitur enim in Eccli. : secundum iudicem populi, sic et eius ministri
sunt, et qualis est rector civitatis, tales habitantes in ea. Tales enim
principes modum habent communiter regendi, regaliter, vel imperialiter, nisi
forte in aliquibus locis propter consuetudinem usurpatam, vel ex tyrannide,
vel propter malitiam gentis, quia aliter domari non possunt, ut dictum est
supra, nisi tyrannico regimine, ut accidit in insula Sardiniae et Corsicae,
item in quibusdam insulis Graeciae, item in Cypro, in quibus dominantur nobiles
principatu despotico vel tyrannico : unde et de insula Siciliae tradunt
historiae, quod semper fuit nutrix tyrannorum. In partibus etiam Italiae
comites et alii principes, nisi forte per violentiam tyrannizent, oportet
subditos suos regere more politico et civili. Inveniuntur etiam apud eos
quaedam nomina dignitatum ex iure imperii dependentium, et supra simplicem
militiam transcendentium, ut sunt valvasalli et cathani, qui et proceres
appellantur, iurisdictionem super subditos habentes : quamvis hodie per
civitatum potentiam sit diminuta vel subtracta totaliter. Valvasalli autem
vocantur a valvis, quia deputati erant ad custodiendum portas palatii regalis
sive imperialis, quos nos ostiarios appellamus. Cathani ab universalitate
operum in curia principum, et strenuitate super alios simplices milites sunt
dicti, qui et proceres quasi ante alios procedentes dicuntur, catholon enim
universale Graeco nomine significamus. Multa etiam sunt alia nomina,
secundum diversas regiones et linguas, ad beneplacitum principum instituta.
Sed hoc ad praesens sufficiat, reliqua reservando ad regimen politiae, de quo
specialis debet esse tractatus propter diffusionem materiae : ubi de
nominibus dignitatum agetur, prout patietur natura regiminis, secundum
diversos provinciarum mores, ut philosophi et historici tradunt scriptores. |
|
|
|
Liber
4 |
LIVRE 4 — (par Ptolémée de Lucques) |
Caput
1 [90414] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio,
Liber 4 Caput 1 Titulus De
differentia inter principatum regni et principatum politicum, quem dividit in
duos |
|
[90415]
Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, lib. 4 cap. 1 Constitues eos principes super omnem terram, memores
erunt nominis tui, domine. Licet
dominium omne sive principatus a Deo sit institutus, ut supra est declaratum
in tertio libro, diversus tamen in ipso traditur modus a philosopho, et per
sacram Scripturam. Quia ergo supra, in praefato iam libro, actum est de
monarchia unius, puta de dominio summi pontificis, regali et imperiali, ac
ipsorum naturam concomitantibus; nunc hic congrue agitur de dominio plurium,
quod communi nomine politicum appellamus, descriptum nobis in praesumptis
verbis dupliciter, et quantum quidem ad modum assumendi, et quantum ad modum
vivendi. Modus autem assumendi in hoc gradu electivus est in quocumque
hominis genere, non per naturae originem, ut de regibus accidit, quod verbum
institutionis importat. Constitues, inquit, eos principes
: sed addit, super omnem terram, in hoc ostendens generalem regulam in
principatu politico : ut generalis sit per viam electionis, ut statuatur
princeps : sed quod sit virtuosus : unde subdit : memores erunt nominis
tui, domine, in consideratione scilicet divina, suorumque praeceptorum,
quae sunt regentibus quaedam recta ratio agendorum. Propter quod in Prov., dicitur, quod mandatum domini
lucerna est, et lex lux. Maximus etiam Valerius de Caesare dicit, quod
caelesti providentia virtutes per ipsum fovebantur, et vitia vindicabantur.
De hoc autem principatu in praesenti libro est pertractandum, quem
philosophus sic distinguit in tertio Politic. et supra ostensum est in
principio libri : quia si tale regimen gubernatur per paucos et virtuosos,
vocatur aristocratia, ut per duos consules, vel etiam dictatorem in urbe
Romana in principio, expulsis regibus. Si autem per multos, veluti per
consules, dictatorem et tribunos, sicut in processu temporis in eadem
contigit urbe, postea vero senatores, ut historiae narrant, talem regimen
politiam appellant, a polis quod est pluralitas, sive civitas, quia hoc
regimen proprie ad civitates pertinet, ut in partibus Italiae maxime videmus,
et olim viguit apud Athenas, post mortem Codri, ut Augustinus refert de Civ.
Dei. Tunc enim a regali dominio destiterunt, magistratus reipublicae
assumentes : sicut in urbe. Sed quocumque modo dividitur contra regnum, sive
monarchiam, et ipsorum oppositum contra oppositum : quia si propositum in
proposito, et oppositum in opposito. Et quoniam utrumque pluralitatem
includit, ista duo ad politicum se extendunt, prout dividitur contra regale
seu despoticum, ut philosophus tangit in primo et tertio Politic. De hoc ergo
hic est agendum. Et primo quidem in quo differt a regali, sive imperiali,
sive monarchico, quod ex supra dictis in primo et tertio libro aliqualiter
videri potest; sed nunc etiam differentia est addenda, quia legibus
astringuntur rectores politici, nec ultra possunt procedere in prosecutione
iustitiae : quod de regibus et aliis monarchis principibus non convenit, quia
in ipsorum pectore sunt leges reconditae, prout casus occurrunt : et pro lege
habetur quod principi placet, sicut iura gentium tradunt : sed de rectoribus
politicis non sic reperitur, quia non audebant aliquam facere novitatem,
praeter legem conscriptam. Unde in I Mach. scribitur, quod Romani curiam
fecerunt, et quod quotidie consulebant trecentos viginti, consilium agentes
semper de multitudine, ut quae digna sunt gerant. Per quod habetur, quod in
regimine Romano a regum expulsione dominium fuerit politicum, usque ad
usurpationem imperii, quod fuit quando Iulius Caesar, prostratis hostibus,
videlicet Pompeio occiso et filiis, subiugatoque orbe, singulare sibi
assumpsit dominium et monarchiam, convertitque politiam in despoticum
principatum, sive tyrannicum. Nam, sicut historiae tradunt, post praedicta ad
contemptum senatorum videbatur intendere. Ex
quo provocati maiores urbis, ipsum in Capitolio viginti quatuor pugionibus
perforaverunt auctoribus bruto et Cassio, plurimoque senatu. Advertendum
etiam hic, quod quamvis unus dominaretur singulis annis, ut in dicto libro
Mach. scribitur, sicut in civitatibus Italiae etiam modo contingit, regimen
tamen dependebat ex pluribus, et ideo non regale, sed politicum appellabatur,
sicut et de iudicibus Israelitici populi accidit, cum tamen non regaliter,
sed politice populum regerent, sicut dictum est supra. Considerandum etiam,
quod in omnibus regionibus, sive in Germania, sive in Scythia, sive in
Gallia, civitates politice vivunt; sed circumscripta potentia regis, sive
imperatoris, cui sub certis legibus sunt astricti. Est etiam alia
differentia, quia rectores saepius exponuntur examini, si bene iudicaverunt,
aut rexerunt secundum leges eisdem traditas, et ex contrario subiiciuntur
poenis : unde ipse Samuel, sicut in I Reg. scribitur, quia populum
Israeliticum iudicaverat praedicto modo, tali se sententiae exponit, assumpto
in regem Saule : ecce, inquit, praesto sum, loquimini de me coram
domino et Christo eius (scilicet Saule), utrum bovem cuiusquam
tulerim, si quempiam calumniatus sum, si oppressi aliquem, si de manu
alicuius munus accepi. Sic etiam de consulibus Romanis tradunt historiae.
Propter quam causam accusatus Scipio Africanus ab impiis aemulis, quod
pecunia corruptus fuisset, urbem reliquit. Ex
talibus falsis aemulationibus in processu temporis exorta sunt bella civilia
: quod in regibus vel imperatoribus locum non habet, nisi quod regiones
interdum eis rebellant, si iura regni transcendant, sicut in partibus
Hispaniae et Ungariae frequentius accidit, et inde etiam in oriente saepius
machinantur mortem dominis : ut apud Aegyptum de Soldano contingit, et in
Perside et Assyria, de principibus Tartarorum. Ex qua causa, quia principes
saepe efficiuntur tyranni, quaedam regiones indignum iudicant, ut etiam
philosophus narrat in sua Politic., quod reges in ipsorum provinciis
perpetuentur in filiis, hoc est quod filii regum succedant in regno : sed
ipso mortuo, eligit populus quem magis ornatum moribus comprehendunt, sicut
fiebat de imperatoribus, ut supra patuit in tertio Lib., et in Aegypto adhuc
observatur modernis temporibus. Quaeruntur enim pueri elegantes in diversis
regionibus, et praecipue in partibus Aquilonis, quia sunt staturae procerae
et ad militarem disciplinam idonei. Hi de aerario publico nutriuntur,
exercitantur in gymnasiis et disciplinis scholasticis, in civilibus actibus
et rebus bellicis assistunt Soldano in ministerio, sicut traditur, et post
mortem eius, qui probati inveniuntur, ad principatum assumuntur. Interdum
tamen impeditur ex violentia, sive ex tyrannide, aut fastu ambitionis. Sunt
et aliae differentiae circa regimen, quantum ad tempus regiminis, et alias
circumstantias, de quibus philosophus mentionem facit in quarto Politic.; sed
ista sufficiant et quae dicta sunt supra secundo et tertio libro. Caput
2 [90416] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio,
Liber 4 Caput 2 Titulus Ostendit
necessitatem constituendi civitatem, propter communitatem necessariam humanae
vitae, circa quam praecipue consistit principatus politicus [90417] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, lib.
4 cap. 2 Et quia regimen
politicum maxime consistit in civitatibus, ut ex supradictis apparet
(provinciae enim magis ad regale pertinere videntur, ut in pluribus
reperitur, excepta Roma, quae per consules et tribunos ac senatores
gubernabat orbem, ut in dicto libro Mach. est manifestum, et quibusdam aliis Italiae
civitatibus, quae licet dominentur provinciis, reguntur tamen politice) :
ideo de ipsius constitutione nunc est agendum. Et primo quidem ostendenda est
eius constituendae necessitas, et quae eius communitas. Secundo vero quot
sunt partes eius, sive ex quibus hominum generibus componitur. Necessitudo
autem apparet primo quidem considerata humana indigentia, per quam cogitur
homo in societate vivere : quia, ut in Iob scribitur : homo natus de
muliere brevi vivens tempore, repletur multis miseriis, id est
necessitatibus vitae, in quibus miseria manifestatur : unde secundum naturam
est animal sociale, sive politicum, ut philosophus probat in primo Politic.;
et inde concluditur communitatem civitatis esse necessariam pro
necessitatibus humanae vitae. Amplius autem : natura providit caeteris
animalibus ornamenta et munimenta in sui exordio. Unde ex virtute naturae
aestimativa vitat contraria et convenientia diligit, nullo dirigente praevio,
ut opus naturae sit in eis opus intelligentiae, sicut philosophus tradit in
secundo Physic. Sed in homine non sic, immo instructore indiget ad eligendum
proportionata naturae, propter quod nutricem habet ad ista docenda. Rursus ad
idem. Vestes et tegumenta, quibus ornantur animalia et plantae statim sicut
nascuntur, et homo caret, significativa sunt indigentiae, pro quibus oportet
recurrere ad hominum multitudinem, unde civitas constituitur. Propter quod
dominus ostendit in hoc lilia agri, et volucres caeli, et sic de similibus
melioris esse conditionis, quam homo, referendo indigentiam ad illum
magnificum regem Salomonem, qui tam excellenter abundavit : respicite,
inquit, volucres caeli, quia non serunt, neque metunt, neque congregant in
horrea. Considerate lilia agri, quoniam non laborant, neque nent. Postea
subdit : dico vobis, quod nec Salomon in omni gloria sua coopertus est
sicut unum ex istis; quasi maioris fuerit indigentiae quantum ad victum
et vestimenta, ac tegumenta, quam plantae et animalia. Amplius autem :
ferocitas animalium, quae facta sunt homini nociva post lapsum Adae, ad hoc
ipsum inducit. Ad maiorem enim securitatem hominis, cuiuscumque rei timendae,
necessaria est communitas hominum, ex quibus civitas constituitur, unde homo
reddatur securus. Et inde motus fuit Cain civitatem construere, ut in Gen.
scribitur : unde et in Eccli. dicitur quod aedificatio civitatis
confirmabit nomen. Rursus : praeter necessitatem in corpore sano, sunt et
aliae conditiones necessitatis pertinentes ad corpora aegra, quibus homo
frequenter subiicitur. Ad sui autem reparationem sibi homo solus non
sufficit, quemadmodum animalia cum patiuntur, quibus natura providit, ut sine
hominum medicina curentur, cognoscentia per extimativam eis inditam herbas
sanativas eorumdem, seu quaecumque alia ordinata ad ipsorum salutem. Homo
autem horum ignarus indiget medicis, medicina, et hominum ministerio, quae
omnia multitudinem requirunt hominum quae civitatem facit; et sic idem quod
prius. Amplius autem : quia casus sunt multi, in quos homines incidunt per
inopinatum eventum, quibus revelantur in societate : unde in Eccle. scribitur
: vae soli, quia si ceciderit, non habet sublevantem se. Si autem fuerint duo, fovebuntur mutuo. Ex quibus omnibus concluditur, civitatem esse
necessariam homini constituendam propter communitatem multitudinis, sine qua
homo vivere decenter non potest : et tanto magis de civitate quam de castro,
vel quacumque villa, quanto in ea plures sunt artes et artifices ad
sufficientiam humanae vitae, ex quibus civitas constituitur. Sic enim
Augustinus definit eam in primo de Civ. Dei quod est multitudo hominum in uno
societatis vinculo colligata. Advertendum autem, quod superius, in principio
primi libri, probatum est, societatem humanam esse necessariam, et hic
similiter; sed aliter et aliter utrobique : quia ibi secundum quod ordinatur
ad principem, hic autem secundum quod partes multitudinis sibi invicem sunt
necessariae, propter quam causam necessario sunt institutae civitates, et
castra, prout ordinantur ad politicum regimen. Caput
3 [90418] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio,
Liber 4 Caput 3 Titulus Declarat
hoc idem ex parte animae, sive ex parte intellectus, sive voluntatis,
scilicet constitutionem civitatis esse necessariam [90419] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, lib.
4 cap. 3 Non solum autem ex
parte corporis, hoc est quantum ad sensitivam virtutem, habet persuasionem,
et veritatem continet, quod secundum naturam constructio civitatis est
necessaria; sed etiam ex parte animae rationalis hoc est manifestum : et
tanto amplius, quanto homo, in quantum est rationalis, quod ex parte
intellectus provenit, societatem magis requirit. Circa partem autem
rationalem duplex distinguitur : potentia et actus, videlicet intellectus et
voluntas. Quantum autem ad partem intellectivam duplices sunt actus, iuxta
quos versatur politicum regimen, videlicet speculativus et practicus. In
practico quidem includuntur virtutes morales, quae referuntur ad opus et non
ad scire tantum, sicut philosophus dicit in secundo Ethic., ut sunt
temperantia, fortitudo, prudentia et iustitia : quae quidem omnes ad alterum
ordinantur, et sic requirunt multitudinem hominum, ex quibus constituitur
civitas, ut iam dictum est supra. Et quamvis dictae virtutes non omnes
habeant pro subiecto intellectum (fortitudo enim est in irascibili,
temperantia in concupiscibili, quae ad partem sensitivam pertinent),
participant tamen rationem in quantum regulantur ab ipsa, unde prudentia est
ipsarum directiva. Est enim prudentia recta ratio agibilium, ut philosophus
dicit in sexto Ethic. Amplius autem : et ipsa sacra Scriptura dictas virtutes
morales ad hoc idem ordinat. Sic enim de istis virtutibus dicit in libro Sap.
loquens de eo, quod sobrietatem et sapientiam docet, iustitiam et virtutem,
quibus utilius nihil est in vita hominibus. Deinde subdit de merito istarum
virtutum : habebo, inquit, per hanc (videlicet scientiam, sive
experientiam harum virtutum), claritatem ad turbas, et honorem apud
seniores; et multa alia ibidem subduntur, quae ad multitudinem hominum
pertinent. Sed de speculativo intellectu
adhuc est manifestum, quia, ut vult Aristoteles in secundo Ethic. : homo
maxime ex doctrina argumentum accipit, et scientiae generationem, et
experimento indiget et tempore : quae omnia respiciunt hominum multitudinem,
ex quibus civitas constituitur. Rursus : duo sunt disciplinabiles sensus, ut
tradit philosophus de sensu et sensato, visus videlicet et auditus : auditus
autem multitudinem respicit. Ergo idem quod prius. Praeterea : philosophus dicit
in primo Metaph., quod sapientis est ordinare. Ordo autem multitudinem requirit. Est enim ordo, ut Augustinus dicit
de Civ. Dei, parium dispariumque sua cuique tribuens dispositio : quod sine
multitudine esse non potest. Amplius autem : et ipsa loquela, quae
manifestativa est cordis, ad partem intellectivam pertinet, ut philosophus
dicit, et ad alterum ordinatur : propter quod in Eccli. scribitur : sapientia
abscondita et thesaurus invisus, quae utilitas in utrisque ? Hoc idem et
de Scriptura dici potest, quia respicit multitudinem, sine qua nec fieri, nec
explanari valeret. Sed ex parte voluntatis, quae potentia rationalis ponitur
a philosopho, hoc idem dici potest. Duae enim sunt virtutes in ipsa, quae ad
alterum ordinantur, ac multitudinem requirunt. Una quidem est iustitia, quam
respectu voluntatis ius gentium sic definit : iustitia est constans et
perpetua voluntas ius suum unicuique tribuens : quae quidem sive legalis,
quae dominatum iustum vocatur a philosopho, sive distributiva, sive
commutativa, quae partes iustitiae omnes sunt, politiae in civitatibus sunt
praecipue necessariae, immo sine eis exerceri non possunt, ut philosophus
tradit in quinto Ethic., nec etiam ipsae civitates conservari. Per quod
concluditur civitatis constructionem esse necessariam secundum naturam
respectu talis virtutis. Secunda vero, quae in voluntate ponitur et ad
multitudinem refertur, est amicitia, quae principaliter communitatem requirit
multitudinis, et sine ea non est ista virtus, de qua philosophus dicit in
octavo Ethic., quod maxime est necessaria ad vitam humanam, eo quod nullus
eligeret vivere sine amicis : unde idem Aristoteles connumerat utilitates
istius virtutis, ad ostendendam ipsius necessitatem, semper tamen respectu
multitudinis. Primo quidem in infortuniis, quia in talibus recurritur ad
amicos. Item in fortuniis, quia per amicos conservantur : unde praecipue opus
habent amicis, qui divitias possident, et sunt in principatibus, ut
philosophus ibidem ait. Amicis autem
indigent iuvenes, ut religentur a concupiscentiis et ad non peccandum; senes
vero ad famulatum; et sic de singulis generibus hominum. Per quae colligitur
communitatem multitudinis hominibus esse necessariam secundum naturam, et per
consequens constructio civitatis, in qua, si amicitia vigeat et nutriatur
concordia, civitas quamdam causat harmoniam et animae suavitatem, ut
Augustinus de Civ. Dei dicit, ex summis videlicet, infimis et mediis
ordinibus, quibus moderatur. Propter quod propheta dicit : ecce quam bonum
et quam iucundum habitare fratres in unum. Idem etiam Augustinus duas
constituit civitates in dicto libro secundum duos amores. Praeter haec vero
est alia ratio ad ostendendum communitatem multitudinis hominum esse
necessariam, appetitus videlicet humanus ad communicandum opera sua
multitudini, ut molestum sit eidem aliquid virtutis agere absque hominum societate
: unde Tullius dicit in libro de Amicit. quod natura nihil solitarium amat.
Verum est enim quod ab Archyta Tarentino, ut opinor, dicere solitum esse, a
senibus nostris audivi : si quis in caelum ascendisset, naturamque mundi ac
siderum aspexisset, pulchritudinem insuavem illi sine amico, vel socio
admirationem fore. Ipsae etiam divitiae nisi effusae in multitudine non
clarescunt, ut Boetius dicit. Patet igitur hominem sive ex parte corporis,
sive partis sensitivae, sive considerata sua rationali natura, necesse habere
vivere in multitudine. Ex qua parte necessaria est secundum naturam
constructio civitatis : unde philosophus dicit in primo Politic. quod natura
quidem omnibus inest ad talem communitatem, qualis est civitatis communitas.
Et quamvis primos institutores civitatum malos homines Scriptura referat, ut
Cain fratricidam, Nembroth oppressorem hominum, qui aedificavit Babylonem,
Assur, qui aedificavit Ninivem, ut in Genesi scribitur, a Nembroth fugatus;
moti tamen fuerunt ad constituendum civitates propter hominum commoditates
iam dictas, retorquendo tamen in suum dominium, pro quo conservando
necessaria erat in unum multitudinis congregatio. Caput
4 [90420] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio,
Liber 4 Caput 4 Titulus De
communitate civitatis, in quo consistat, ubi Aristoteles refert opinionem
Socratis et Platonis [90421] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, lib.
4 cap. 4 Habita igitur
necessitate constituendae civitatis propter communitatem hominum, nunc
quaerendum videtur in quo consistat ista communitas. Circa quod diversi
philosophi et sapientes diversas constituerunt politias respectu
communitatis, ut philosophus refert in sua politica : ubi primo narrat
opinionem Socratis et Platonis, in secundo Politic., quod communitatem
ponerent in sua politia quantum ad omnia, ut videlicet omnia essent communia,
tam divitiae, quam uxores et filii, moti quidem ex bono unionis in
communitate, per quam respublica commendatur et crescit. Amplius autem : cum
bonum sit diffusivum et sui communicativum, quanto res communior est, tanto
plus de bonitate habere videtur. Ergo omnia communicare plus habet de ratione
virtutis et bonitatis. Praeterea : amor est virtus unitiva, ut Dionysius
tradit. Ubi est ergo unionis maior ratio, ibi plus vigebit virtus amoris, qui
civitatem constituit et conservat, ut Augustinus dicit, et dictum est supra.
Ergo omnia habere communia, tam divitias, quam uxores et filios, habet
rationem maioris bonitatis. Hae autem rationes sunt, et multae aliae, quas
philosophus refert iuxta opinionem Socratis et Platonis, licet non per eadem
verba, sed a sententia non discordat. Et si attendimus ad qualitatem dictorum
philosophorum, quia fuerunt homines virtutibus dediti super omnes
philosophos, eo quod solas virtutes bonum hominis ponebant, non videtur
credibile, talem communitatem eos posuisse eo modo quo Aristoteles videtur
eis imponere in praedicto libro, quia hoc videtur magis bestiale quam
humanum, feminas scilicet esse communes quantum ad mixtionem carnis. Unde et
sacra Scriptura matrem separat a filiis, et filiam a patre, et virum uxori
coniungit, ac solum cum sola distinguit in coniugio in primo hominis
praecepto : propter quod in Genesi, dicitur : quamobrem relinquet homo
patrem et matrem, et adhaerebit uxori suae, et erunt duo in carne una.
Non autem dicit plures. Sed et de filiis est impossibile, quia in actu
generationis duo semina non conveniunt, sed unum solum ex parte viri. Propter quod ipsa
etiam animalia suos natos cognoscunt quanto tempore est necessarium ad
nutrimentum filiorum, ut in pullis avium maxime contingit, antequam advolare
possint. Quod ergo dicamus dictos
philosophos minus compositos animalibus, videtur absurdum, qui ad componendos
mores corrigendosque totam suam struxerunt philosophiam, ut Augustinus tradit
de Socrate, octavo de Civ. Dei; cuius doctrinam Plato eius discipulus
fertilissime sortitus est, ut Valerius maximus scribit : qui, cum
sapientissimus omnium esset sui temporis, et a iuvenibus studiosis certatim
quaereretur Athenis, in Aegyptum descendens a sacerdotibus illius gentis
geometriae multiplices numeros caelestium rationum observare percepit, et in
Italiam peragrans ab Archita et Arione Pythagorae praeceptis instructus est.
Talibus ergo, et tantis viris talem politiam attribuere, unde ordo
destrueretur naturae, non est sine admiratione. Sed et ipsi commentatores
Aristotelis hoc eidem attribuunt, quod non plene retulerit aliorum opiniones,
et praecipue Socratis et Platonis, sicut Eustratius dicit super primo Ethic.,
circa ideam bonitatis, et Simplicius in fine primi de caelo de generatione
mundi. Augustinus autem, in nono de Civ. Dei, hoc idem refert de opinione
Stoicorum circa passiones animi, quod aliqui attribuebant Stoicis, quorum
princeps Socrates fuit, quod in sapientem non caderet, ut idem Aristoteles in
secundo Ethic. praefato imponit philosopho. Et tamen Augustinus idem dicit
esse falsum, ex sententia A. Gellii in Lib. noctium Atticarum. Sed haec omnia
referenda sunt ad effectum amoris. Quia ergo dicti philosophi virtutibus
erant praediti, et ad hoc sollicitabatur eorum conatus; virtus autem amoris
ad paria nobis cum proximo praecipitur : diliges, inquit salvator, proximum
tuum sicut te ipsum : cum ipsi sub quibusdam metaphoris soliti essent
loqui, volentes persuadere ad concives amorem, per quem civitas proficit,
communitatem posuerunt in uxoribus, et filiis in dilectione mutua : sed in
possessionibus in communicatione necessaria. Quia si quis viderit fratrem
suum necessitatem habere, et clauserit viscera sua ab eo, quomodo amor Dei
manet in eo ? Quod fuit praecipuum Stoicorum. Rerum enim exteriorum sive divitiarum
contemptivi erant, ut de Socrate refert Hieronymus. Per hoc autem patet
responsio ad obiecta. Quia unio et amor habet gradum in inferioribus entibus
: quoniam perfectior est unio in corpore animato, si in diversis organis
virtus animae diffundatur ad diversas operationes unitas in una substantia
animae, sicut apparet tam in animatis perfectis, quam in animatis quae habent
solum sensum tactus, ut sunt vermes et quaedam animalia quae Aristoteles
vocat, in secundo de anima, animalia imperfecta. Propter quod et apostolus
comparat corpus mysticum, id est Ecclesiam, vero corpori et naturali, in quo
sunt membra diversa sub diversis potentiis et virtutibus, in uno principio
animae radicatis : unde et unionem allegatam reprobat apostolus in I Epist.
ad Cor. dicens : si totum corpus oculus, ubi auditus ? Et si totum
auditus, ubi odoratus ? Quasi necessarium sit in qualibet congregatione,
quae praecipue est civitas, esse distinctos gradus in civibus quantum ad
domos et familias, quantum ad artes et officia : omnia tamen unita in vinculo
societatis, quod est amor suorum civium, ut dictum est supra, et de quo etiam
apostolus dicit ad Coloss. Cum enim connumerasset quaedam opera virtuosa, ad
quae cives ad invicem obligantur, statim subdit : super haec autem omnia
charitatem habentes, quod est vinculum perfectionis, et pax Christi exultet
in cordibus vestris, in qua vocati estis in uno corpore, distincto
videlicet per membra iuxta civium statum. Ex qua diversitate artium et
officiorum, quanto in eis multiplicatur amplius, tanto civitas redditur magis
famosa, quia sufficientia humanae vitae, propter quam necessaria est
constructio civitatis, magis reperitur in ea. Quod
si forte allegatur de discipulis Christi, quibus omnia fuerunt communia, non
importat legem communem, quoniam status eorum omnem modum vivendi
transcendit. Ipsorum enim politia non ordinabatur ad uxores et filios, sed ad
civitatem caelestem, in qua neque nubent, neque nubentur, sed sunt
sicut Angeli Dei : sed quantum ad divitias bona erant communia. Quod solum
perfectorum est, ut dominus dicit in Evangelio : si vis, inquit, perfectus
esse, vade et vende omnia, quae habes, et da pauperibus; et veni, sequere me.
Hoc et Socratici fecerunt et Platonici, sicut contemptivi rerum temporalium,
ut de Plotino scribit Mercurius Trismegistus, et Macrobius super somnium
Scipionis. In caeteris autem civibus communis status expedit possessiones
habere distinctas ad vitanda litigia : sicut etiam et de Abraham et Loth scribitur
in Genesi. Cum enim contentio oriretur inter ipsorum pastores pro pastura
gregum : ne quaeso, dixit Abraham ad Loth, sit iurgium inter me et
te, et pastores meos et tuos. Fratres enim sumus. Ecce universa terra coram
te est. Si ad sinistram ieris, ego dexteram tenebo; si dexteram elegeris, ego
ad sinistram pergam. Per quod habemus, quod inter cives expedit ad
societatem servandam, ipsorum divitias esse distinctas : et sic patet
responsio ad praedicta. Caput
5 [90422] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio,
Liber 4 Caput 5 Titulus De
opinione Socratis et Platonis circa mulieres, quomodo sint exponendae rebus
bellicis [90423] Ptolomaeus de Lucca, De
regno continuatio, lib. 4 cap. 5 Sed ad eamdem politiam redeundo
praedictorum philosophorum, quaedam alia Aristoteles eisdem attribuit in
praefato libro : quia volebant mulieres instruendas in rebus bellicis. Quorum argumentum inducit secundum ipsos, quia videmus
in avibus rapacibus ferociores esse foeminas et efficacius pugnare : hoc idem
et de bestiis liquet, sicut praecipue in ferocibus animalibus est manifestum.
Amplius autem : corporale exercitium confert foeminis, quantum ad virtutem
corporis et fortitudinem, sicut in ancillis familiarum et mulieribus
rusticanis est manifestum, quia fortiores sunt et saniores. Virtutis autem
proprium est, quod bonum faciat habentem, et opus suum bonum reddat. Si ergo
in gymnasiis ac rebus bellicis magis confortatur foeminea virtus, congrue
opera bellica videntur eisdem competere. Amplius autem : proportio qualitatum
primarum ad hoc idem inducit, ut calidi et humidi, frigidi et sicci, ex
quibus ad medium deductis, fortificatur mixtum in sua virtute. Sic enim
videmus ligna viridia, ex quo in eis humidum est consumptum, et ad medium
deductum, quod fortius ardent. Sic etiam videmus in avibus rapacibus, quod
foeminae ratione sui motus sunt fortioris naturae et maioris corpulentiae.
Cum igitur in mulieribus abundet humidum, sicut in pueris, per motum
consumitur, et venit ad temperamentum, et vires recipit. Huius autem argumentum
assumitur de regno Amazonum, quod fortissimum fuit in oriente, et quasi totam
Asiam, tertiam partem orbis, subiugaverunt sibi, ut historiae narrant, quae
de Scythis Orientalibus traxerunt originem : unde et apud ipsos Scythas, de
quibus descenderunt Tartari, mulieres in rebus bellicis exponuntur, et cum
suis militant viris. Ex quibus omnibus moti forte fuerunt praefati philosophi
in constitutione politiae, mulieres fore ad opera bellica exponendas. Sed
contra hanc politiam rationes sunt fortes, quibus difficile est respondere.
Una quidem est Aristotelis in secundo Politic. : quia non est eadem ratio de
animalibus et hominibus, eo quod animalia non subiiciuntur dominio
oeconomico. Solus autem homo gubernationi intendit familiae. Quae quidem
fieri non potest, ubi mulieres exponerentur armis : quia sicut in politica
officia sunt distincta, ita et in oeconomia, ut pater familias ad exteriora
negotia intendat, mulieres autem ad intrinsecos actus familiae. Cuius quidem
argumentum assumere possumus ex parte Romanae reipublicae, quae, ut tradunt
historiae, duos habebat consules : unus intendebat bellicis rebus, alter
rempublicam gubernabat. Hoc idem et de Amazonibus scribitur. In quorum regno,
seu monarchia duae erant reginae, sive monarchae, quae sic distinguebantur in
officiis, sicut de Romanis consulibus est dictum. Secunda ratio sumitur ex
ipsa membrorum muliebrium ineptitudine ad pugnandum. Sic enim philosophus
distinguit de gestis animalium inter masculum et foeminam, quia masculus
habet superiora membra grossiora, brachia, manus, nervos et venas, ex quibus
vox grossior generatur, nates vero et ventrem et alia circumstantia
subtiliora; mulieres autem e converso : et hoc ut in actu generationis sint
aptiores. Ampliores autem et mammillas ad nutriendam prolem, quae omnia sunt
impeditiva pugnae : unde et de Amazonibus scribitur, quod puellis mammillas
amputabant dextras, sinistras autem comprimebant, ne impedirentur a
sagittando. Tertia ratio sumitur ex dispositione animae. Tradit enim
philosophus de gestis animalium quod mulier est masculus occasionatus : unde
sicut deficit in complexione, ita et in ratione. Et inde est, quod propter
defectum caloris et complexionis sunt pavidae et mortis timidae : quod in
bellis maxime fugiendum est. Propter vero defectum rationis, carent astutiis
bellicis, quibus pugnantes ut plurimum sunt victores, sicut Vegetius tradit
de re militari : unde tradunt historiae, quod Alexander quibusdam astutiis et
blanditiis devicit Amazones, magis quam bellandi fortitudine : quarum regnum
temporibus eius fortissimum et potentissimum erat in Asia. Quarta ratio
sumitur ex periculoso commercio viri et mulieris, quia actus venereus
corrumpit extimationem prudentiae, ut tradit philosophus, in septimo Ethic.
et impossibile est in eo aliquid intelligere. Ex qua causa virilis animus
enervatur : unde ferunt historiae Iulium Caesarem, cum bellum immineret,
iussisse suas omnes delicias separari a castris, et praecipue mulieres. Cyrus
etiam, rex Persarum, cum Lydos superare non posset, quia fortissimi erant et
ad labores assueti, tandem per ludos et usum Veneris ibidem constitutos
virtute et fortitudine enervatos perdomuit. De ipsis insuper Romanis antiquis
sic scribit Vegetius in principio primi libri : ideo ipsos perfectos ad
bellum semper, quia nullis voluptatibus nullisque deliciis frangebantur. Quid
plura ? Quia etiam equi fortissimi, qui alias sunt audacissimi ad pugnandum,
et procul odorant bellum, ex praesentia equae distrahuntur a pugna. Propter hanc ergo
causam ipsae Amazones, ut historiae narrant, nullum virum in sua recipiebant
acie. Patet igitur ex iam dictis, mulieres
a rebus bellicis excludi debere. Caput
6 [90424] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio,
Liber 4 Caput 6 Titulus Assumit
alteram partem, quod non est conveniens mulieres exponi debere bellicis
rebus, et respondet ad argumenta in contrarium facta [90425] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, lib.
4 cap. 6 Sed quia motivum
dictorum philosophorum probabilitatem habuit, sicut in argumentis apparet;
solvendae sunt ipsorum rationes, et cum reverentia pertractandae. Quod enim
ponitur exemplum de avibus rapacibus, et quibusdam bestiis, quod audaciores
et fortiores sunt foeminae ad pugnandum et capiendum praedam, ergo similiter
erit in mulieribus. Ad hoc est responsio, quia non est simile de avibus, et
bestiis, et mulieribus. Ut enim dictum est supra, homo naturaliter est
civilis et oeconomicus, et in gubernatione suae familiae proprius actus est
mulieris, sive in nutritione filiorum, sive in honestate servanda in domo,
sive in provisione victualium : quae omnia fieri non possent, si rebus
bellicis intenderent. Et propter haec natura ipsam sic disposuit, ut ab ipsa
pugnandi occasio tolleretur : quia, ut philosophus de Animal., mulieres
debiliora habent corpora quam viri, et sunt minoris caloris, et sola illa
membra grossiora in eis videmus, quae ad actum ordinantur generationis et
gestum, ut venter et nates, ac ad nutrimentum mammillae. Omnia autem alia
habent subtiliora et debiliora quam viri, et minus nervosa, in quibus
fortitudo consistit, ut sunt pedes et crura, manus et lacerti, et sic de
singulis membris, ubi fortitudo fundatur, ut dictum est supra. Quod vero dicitur,
quod fortitudo augetur in eis per exercitium, hoc est verum : ergo pugnare
expedit eis. Ad hoc responderi potest, quod sola fortitudo non sufficit ad
vincendum in pugna, ut probat Vegetius de re militari in principio; sed
astutia bellandi, qua mulieres carent. Rudis enim et indocta multitudo
exposita est semper ad necem. Sic autem brevitas corporum Romanorum adversus germanorum
proceritatem praevaluit, ut ibidem dicitur. Et
praeterea mulieres non debent actibus exponi ex quibus a virtutibus
excludantur; quod contingit, si rebus bellicis deputentur propter incentivum
libidinis, quod in eis est, et respectu sui, et ex consortio viri : propter
quod natura mulieri multa fraena providit, ut est verecundia, quae est
praecipuum vinculum eius, ut Hieronymus scribit ad Cellantiam virginem,
talares vestes, annulus in digito, servitus viri. Sic enim Scriptura sacra
testatur : quoniam sub viri potestate eris. Bellicis autem rebus
intendere in republica libertatem meretur, unde et militibus iura gentium
speciales apices privilegiorum concedunt. Quod autem tertio obiicitur super
idem medium de fortitudine ad bellandum, locum haberet, si sola fortitudo
esset causa victoriae, et aptitudo membrorum esset in foeminis ad pugnandum,
sicut in viris, cuius contrarium est probatum. Et praeterea natura mulieris est a viro pati, et non agere : pugnare
autem summa est actio, cum sit actus fortitudinis, qui solus, si laudabiliter
exerceatur, meretur coronam. Dicendum est ergo simpliciter, mulierem non
debere exponi bellicis rebus, sed in domo quiescere, curam gerere rei
familiaris, ut dictum est supra : unde et in hoc Salomon, in fine Prov.,
fortitudinem mulieris commendat, speciale de ipsa componens canticum, sub
litteris Hebraici alphabeti, ac totum circa eam ad domesticam referens
actionem. Mulierem, inquit, fortem quis inveniet ? Procul et de
ultimis finibus pretium eius; quasi multum sit reverenda, si habeat, quae
sequuntur. Unde primo ponit artem filandi : quaesivit, inquit, lanam
et linum, et operata est consilio manuum suarum : per hoc volens
ostendere, quod istud sit proprium earum officium. Propter quod et in gestis
Caroli magni scribitur, quod filiabus suis, quas intime dilexit, colo et fuso
mandavit insistere, et operosas esse. Ulterius Salomon subiungit alios actus
mulieris, qui referuntur ad domesticam domum, ut est filiorum curam habere,
familiam dispensare, suae domui providere, amicos viri sui honorare, ac
defectus eius supplere : quae sunt propriae operationes coniugi, et ad bona
matrimonii pertinentes, ut de Abigail uxore Nabal Carmeli scribitur, sicut
patet in I Reg. Sed quia talis sollicitudo multas habet perturbationes, ut de
Martha dicitur in Luca : Martha, Martha, inquit, sollicita es, et
turbaris erga plurima, cum talia sint obiectum virtutis et fortitudinis :
ideo dictus sapiens talem mulierem fortem vocat, non quidem fortitudine ad
opera bellica, sed ad patienter gubernandam familiam, ut superius est
ostensum. Caput
7 [90426] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio,
Liber 4 Caput 7 Titulus Refert
aliam opinionem dictorum philosophorum, quantum ad principatum, quem volebant
esse perpetuum : circa quem disputat ad utramque partem quod sit melius [90427] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, lib.
4 cap. 7 Est autem et alia
conditio, quam philosophus, in secundo Politic., attribuit politiae dictorum
philosophorum, videlicet magistratus ad regimen iuxta morem Atticae regionis,
cuius caput sunt Athenae, post mortem videlicet Codri regis; quos quidem
magistratus Romana respublica senatores vocabat. Hos praefati philosophi
voluerunt esse perpetuos et quoscumque officiales in sua politica constitutos
: quorum motivum, fuit imitatio naturae, ut Aristoteles eis imponit. Videmus
enim in terra, quod partes eius eodem modo semper se habent, ut in mineris
contingit quia minera auri in eadem parte terrae semper generat aurum, et
minera argenti argentum. Unde in Iob dicitur : habet argentum venarum
suarum principia, et auro locus est, in quo conflatur. Ex hoc ergo
principio sic concludunt, quod si locus auri numquam mutatur et argenti, ut
fiat locus plumbi vel ferri; nec locus plumbi vel ferri, ut fiat locus auri
vel argenti : sic et in principatibus contingere debet : quia nec principes,
nec sui officiales mutari debent, ut fiant aliquando subditi, vel quod
subditi fiant officiales vel principes : quia ars imitatur naturam in quantum
potest. Amplius autem : ad hoc idem probandum, sic argumentum assumi potest :
quia, ut philosophus dicit in principio suae Metaph. : experientia facit
artem, et inexperientia casum, et Vegetius, de art. Milit. : scientia,
inquit, rei militaris nutrit audaciam. Nemo enim facere metuit, quod se bene
didicisse confidit. Ex his autem arguitur, quod si fiat mutatio rectorum vel
principum, seu magistratus, interdum assumitur inexpertus, ex quo multi
contingunt errores in politia. Rursus ad idem. Talis vicissitudo regimini
derogat, ut dictum est supra in secundo libro : quia datur occasio subditis
non obedientiae ex spe evadendi manum principis, vel veniendi ad dictum
principatum : et sic motivum dictorum philosophorum, Socratis videlicet et
Platonis, videtur consonum rationi. Sed e converso fuit motivum sapientum
urbis, sive Romanae reipublicae, quia post expulsionem regum statuerunt
consules : unde in I Mach., scribitur, inter alia commendabilia de Romanis,
quod committunt uni homini magistratum suum per singulos annos dominari
universae terrae suae, et omnes obediunt uni. Causam autem assignant
historiae, ut nec insolens diu maneret, et moderatior cito succurreret. Quam
quidem causam philosophus etiam tangit in secundo Politic., quia mutare
aliquando principatum ac dignitatem, magistratus personis idoneis
distribuere, causa est maioris pacis in civitate, et in politia quacumque.
Alia autem causa assumitur ex uno principio philosophi, quinto Ethic., ubi
dicitur, quod principatus virum ostendit. Contingit enim interdum personam
assumptam ad dignitatem esse hominem virtuosum in gradu suo; sed postquam
statum principatus accepit, elevatur in superbiam et tyrannus efficitur :
sicut accidit de Saule, de quo dicitur in I Reg., quod, quando assumptus est
in regem, inter filios Israel non erat melior vir illo, et solis duobus annis
in sua permansit innocentia. Postquam autem factus tyrannus, et Deo
inobediens, dictum est ei per Samuelem : quia abiecisti sermonem domini,
et non obedisti voci eius, abiecit te dominus ne sis rex. Amplius
autem : gradus quidam est in natura hominis, quantum ad virtutes et gratias.
Quidam enim sunt ad subiectionem dispositi, sed ad regimen minus valent;
quidam autem e converso. Ex tali ergo opinione, quia bonus est subditus
assumptus, et male regens, si perpetuetur cum principatu, est causa scissurae
in civitate. Rursus : appetitus honoris inest homini : unde Valerius maximus
dicit, quod nulla est tanta humilitas, quae hac dulcedine non tangatur : et
hinc sequitur aliud, scilicet quod est superioris impatiens. Dare ergo
principatum uni soli est causa seditionis in multitudine. Et ista est etiam
ratio Aristotelis in secundo Politic., ubi dicit, quod Socrates semper facit
eosdem principes, quod seditionis est causa apud nullam dignitatem
possidentes. Videntes enim se omnino statu carere, si contingat eos esse viriles
et animosos, ad discordias nituntur civium. Propter quod Valerius maximus
refert de Fabio duce Romano libro decimo, de quo dictum est supra, quod cum
saepius consulatum habuisset, et in sua progenie talis dignitas a longo
tempore per successionem continuata fuisset, id egit cum populo, ut aliquando
vacationem huius honoris Fabiae genti darent. Laudabilis igitur politia est,
in qua secundum merita unicuique civi vicissim distribuuntur honores, ut
antiqui fecerunt Romani, quam etiam philosophus magis commendat. Caput
8 [90428] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio,
Liber 4 Caput 8 Titulus Declarat
melius esse in politia non perpetuare rectores; et respondet ad partem
oppositam [90429] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, lib.
4 cap. 8 Sed quod pro se
inducunt de mineris praefati philosophi, non habet similitudinem, sive
necessitatem in arguendo, eo quod minerae sive auri, sive argenti, sive
cuiuscumque metalli recipiunt impressionem a corpore caelesti, quae est ad
unum determinata; unde sicut ficulnea semper ficus producit, et non alium
fructum propter eadem principia quae sunt in ipsa, et mediante influentia
caelesti; ita et eadem pars terrae sic disposita, ut sit minera auri, semper
faciet aurum. Sed non sic est de voluntate humana, quae sideribus non
subiicitur, ut Ptolomaeus probat in Centiloquio, quia volubilis est : unde
actus humani ponuntur a philosopho in Ethicis de contingenti materia, et inde
variantur de bono in malum, et a converso; et ideo perpetuatio est
periculosa. Sed quod postea dicitur de experientia, hoc supponi debet, ut
eligatur expertus, qui possit et sciat regere et cives dirigere ad virtutem :
alias si eligitur unus insufficiens pretio vel amore, iam politia est
corrupta. Formam enim eligendi tradit ille Iethro Moysi cognato suo, ut in
Exod., scribitur, loquens de principibus et assessoribus populi : provide,
inquit, viros potentes de omni populo, in quibus sit veritas, et qui
oderint avaritiam; et constitue ex eis tribunos, et centuriones,
quinquagenarios et decanos, qui iudicent populum. Philosophus etiam, in
quinto Ethic., dicit, quod non sinimus hominem principari, in quo est natura
humana tantum, sed illum qui est perfectus secundum rationem : quia, si
aliter fiat, assumptus ad principatum, dat sibi plus de bonis, et tyrannus
efficitur. Quod autem inducitur ultimo de derogatione regiminis, si
principatus immutetur, hic attendendum est, sicut tactum est supra in secundo
libro, quod regiones diversificantur quantum ad homines, et in complexione et
in modo vivendi, sicut caetera viventia secundum aspectum caeli, ut
Ptolemaeus tradit in Quadripart. Si enim plantae transferuntur ad aliam
regionem, ad eius naturam convertuntur : simile est de piscibus et
animalibus. Sicut ergo de viventibus, ita et de hominibus. Gallici enim, qui
se transferunt in Siciliam, ad naturam applicantur Siculorum : quod quidem
apparet, quia, ut narrant historiae, iam ter est populata dicta insula de
praefata gente. Primo enim tempore Caroli magni; secundo ad trecentos annos
tempore Roberti Guiscardi; et temporibus nostris per regem Carolum, qui iam
induerunt ipsorum naturam. Hoc ergo supposito, dicendum est, quod regimen et
dominium ordinari debet secundum dispositionem gentis, sicut ipse philosophus
in Politic. tradit. Quaedam autem provinciae sunt servilis naturae : et tales
gubernari debent principatu despotico, includendo in despotico etiam regale.
Qui autem virilis animi et in audacia cordis, et in confidentia suae
intelligentiae sunt, tales regi non possunt nisi principatu politico, communi
nomine extendendo ipsum ad aristocraticum. Tale autem dominium maxime in
Italia viget : unde minus subiicibiles fuerunt semper propter dictam causam.
Quod si velis trahere ad despoticum principatum, hoc esse non potest nisi
domini tyrannizent : unde partes insulares eiusdem, quae semper habuerunt
reges et principes, ut Sicilia, Sardinia et Corsica, semper habuerunt
tyrannos. In partibus autem Liguriae, Aemiliae et Flaminiae, quae hodie
Lombardia vocatur, nullus principatum habere potest perpetuum, nisi per viam tyrannicam,
duce Venetiarum excepto, qui tamen temperatum habet regimen : unde
principatus ad tempus melius sustinetur in regionibus supradictis. Quod enim
dicitur derogare politiae, non est verum, si eligantur idonei : alias, ut
dictum est, corrumpitur politia. Idoneos autem Aristoteles tradit, in
Politic. Lib. quarto, mediocres civitatis, hoc est nec nimis potentes, quia
de facili tyrannizant, nec nimis inferioris conditionis, quia statim
democratizant. Cum enim se in alto considerant, sui immemores, et sicut
ignari regiminis, in erroris barathrum submerguntur, vel de improvida cura ad
subditos, vel de praesumptuosa audacia ad aliorum gravamina : unde et politia
corrumpitur et inquietatur. Assumendi igitur sunt rectores vicissim in
politia, sive consules, sive magistratus vocentur, sive quocumque alio
nomine, dummodo idonei reperiantur. Amplius autem nec periculum imminet, quia
iudicant secundum leges eis traditas, quibus sunt per iuramentum astricti :
unde non est materia scandali puniendo, quia tales leges ab ipsa multitudine
sunt institutae. Rursus nec dominio derogat, si leviter puniat secundum
naturam gentis subiectae : quia aliquando in talibus regionibus melius
politia servatur dissimulando culpam, vel dimittendo poenam. In quo facto
virtus epicheiae de qua philosophus loquitur in quinto Ethic., videtur locum
habere, quae iustum legale diminuit. In quo etiam regimine regulae illius
summi pastoris sunt attendendae, videlicet beati Gregorii in registro et
Pastor., in quibus modum correctionis tradit secundum personarum statum et
qualitatem. Caput
9 [90430] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio,
Liber 4 Caput 9 Titulus Disputat
de communitate bonorum quantum ad possessiones, quas quidem philosophus
nomine Pheleas dicit debere adaequari in omnibus : et quod est falsum quod
Lycurgus philosophus sensit [90431] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, lib.
4 cap. 9 Et quia opiniones
dictorum philosophorum versabantur circa communitatem possessionum, congruum
videtur de aliis dicere, qui circa ipsas suam constituerunt politiam. Duo
enim fuerunt philosophi, qui considerantes litigia generari in civitatibus ex
eo quod unus abundat, et alter caret, voluerunt in sua politia adaequare in
civitatibus suis possessiones. Unus fuit Pheleas Chalcedonius, de quo philosophus
loquitur in secundo Politic., alter fuit Lycurgus, Spartanorum regis filius,
qui Lacedaemoniis iura constituit, ut tradit Iustinus, ut aequata possessio
neminem potentiorem altero redderet. Modus autem, quem teneri voluit Pheleas
in adaequando, narratur a philosopho, ut fieret videlicet in ipsa
constitutione civitatis, habita consideratione multitudinis civium et
camporum : alias difficile iudicabat : et ut hoc perseveraret, ordinabat
matrimonia contrahi inter maiores et minores : et sic per hoc tollebantur
iurgia, amovebantur iniuriae, auferebantur arrogantiae, vel superbiendi
materia. Ad hoc etiam movebat exemplum in aliis politiis. Quia, ubi est
bonorum temporalium inaequalitas, contingit saepius perturbatio : ibi enim
est invidendi occasio : inde cupiditas oritur, quae, iuxta apostolum, radix
omnium malorum est. Ipse etiam Lycurgus propter hanc causam in legibus, quas
Lacedaemoniis tradidit, pro ipsorum conservanda politia, artificiales
subtraxit divitias, sive numismata in commutationibus rerum venalium, in
solis naturalibus divitiis tales permutationes relinquens. Sed hanc
positionem philosophus reprobat in secundo Politic., ostendens hanc
adaequationem omnino impossibilem, et per consequens contra rationem. Et
primo ex parte humanae naturae, quae non semper in familiis multiplicatur
aequaliter : quia contingit unum patremfamilias habere multos filios, alium
autem nullum. Quod ergo isti duo haberent aequales possessiones, esset
impossibile : quia una familia deficeret in victualibus, altera superabundaret;
et hoc esset contra provisionem naturae : quia quae familia plus
multiplicatur in prolem, amplius cedit ad firmamentum politiae propter ipsius
argumentum, quam quae in generatione prolis deficit; et quodam iure naturae
magis meretur a republica, sive politia provideri. Amplius autem : natura non
deficit in necessariis, ut dictum est supra; ergo nec ars, quae civilis est
regiminis. Sed hoc contingit, si in familiis adaequantur possessiones, quia
videlicet cives moriuntur penuria, unde politia corrumpitur. Non tantum autem
ex parte naturae humanae sequitur inconveniens adaequare possessiones, sed
etiam ex gradu personae. Est enim differentia inter cives, quemadmodum inter
membra corporea, cui politia est superius comparata. In diversis autem membris
virtus diversificatur, et operatio. Constat enim quod maiores expensas
cogitur facere nobilis, quam ignobilis : unde et virtus liberalitatis in
principe magnificentia vocatur, propter magnos sumptus. Hoc autem fieri non
posset, ubi possessiones essent aequales : unde et ipsa vox evangelica
testatur de illo patrefamilias, sive rege, qui peregre profectus est,
qualiter servis suis bona distribuit, sed non aequaliter, immo uni dedit
quinque talenta, alteri duo, alii vero unum, unicuique secundum propriam virtutem.
Amplius
autem : nec ipse ordo naturae hoc patitur, in quo divina providentia res
creatas in quadam inequalitate constituit, sive quantum ad naturam, sive
quantum ad meritum. Unde ponere aequalitatem in bonis temporalibus, ut sunt
possessiones, est ordinem in rebus destruere, quem Augustinus respectu
inaequalitatis definit, de Civ. Dei : est
enim ordo parium et disparium rerum sua cuique tribuens dispositio. Et ex hoc
Origenes in periarchon reprehenditur, quia omnia dixit aequalia ex sui
natura, sed facta inaequalia propter defectum sui, hoc est propter peccatum.
Non ergo ex adaequatione possessionum vitantur litigia, quin potius
augmentantur, dum in hoc destruitur, sive tollitur ius naturae, quando
subtrahitur indigenti, qui plus meretur. Item, quia contra rationem est esse
omnia aequalia in politia, cum omnia Deus instituerit in numero, pondere et
mensura, ut in libro Sap. dicitur, quae gradum inaequalitatis ponunt in
entibus, et per consequens in civilibus, sive politicis. Caput
10 [90432] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio,
Liber 4 Caput 10 Titulus Agitur
rursus de politia Platonis et Socratis quantum ad genera hominum qui
requiruntur in ea, quae sunt quinque; ubi multum disputatur de numero
bellatorum [90433] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, lib.
4 cap. 10 Sed redeundum est ad
politiam Socratis et Platonis, quia quaedam alia constituerunt in ipsa
praeter ea quae dicta sunt supra. Suam enim civilitatem distinxerunt in
quinque genera hominum, videlicet in principes, consiliarios, bellatores,
artifices et agricolas. Quae quidem divisio satis videtur sufficiens ad
perfectionem civitatis, quia omnia genera hominum comprehendit, quae ad
regimen politicum pertinent. Sed Aristoteles in hoc praedictos philosophos
videtur reprehendere. Tum quia numerum ponebant bellatorum excedentem
proportionem civitatis : ponebant enim mille bellatores ad minus, vel ad plus
quinque millia. Secundum, quod philosophus reprehendit, est, quia sic
distinguebant bellatores ab aliis, quod nullo modo se exponerent bellicis
rebus alii cives a bellatoribus. Sed quantum ad primum non videtur
determinatus numerus posse poni, eo quod omnes civitates non sunt aequalis
potentiae et virtutis : unde consideranda est multitudo populi in civitate,
et secundum numerum constituere bellatores. Item latitudo regionis, ut sit
sufficientia pascuorum et victualium : unde Aristoteles dicit in secundo
Politic. quod, si tanta debeat esse multitudo bellatorum in civitate, oportet
ipsam adaequari civitati Babyloniae, quae videlicet excedit in gentis
multitudine, et in latitudine camporum. Sed si attendimus ad ipsum numerum
bellatorum, qui est mille, ut historiae tradunt, secundum unam expositionem,
politia Platonis et Socratis cum civilitate concordant Romuli, primi
constructoris urbis, a quo et istud nomen miles originem habuit : unde et
miles dicitur electus ad bellandum ex numero mille, quia mille erant tunc
expediti bellatores ab ipso electi ad pugnandum contra adversarios urbis, ut
contra Sabinos primo, ulterius vero contra Samnites; et sic in hoc
concordabat Romulus cum Socrate et Platone, licet primus conditor urbis per
longum tempus philosophos antecesserit saepe dictos. Alio modo dicitur miles
quasi unus ex mille, iuxta quod Scriptura volens commendare sanctum David de
constantia et fortitudine : dilectus, inquit, meus candidus et
rubicundus, electus ex millibus; ut sic importet quamdam excellentiam in
pugnando : quos Scriptura sacra expeditos vernaculos appellat in Genesi. Sic
enim scribitur de Abraham, quod contra quatuor reges processit cum trecentis
decem et octo expeditis vernaculis, qui quinque reges devicerant, capto Loth,
nepote eiusdem Abrahae, cum tota familia : unde satis credibile videtur, quod
maiorem habuit multitudinem ad pugnandum; sed isti nominantur propter ipsorum
probitatem ad invadendum. Sic et Gedeon trecentos elegit de populo
Israelitico ad pugnandum contra castra Madianitarum, ut in Lib. Iudicum
traditur, quos probavit divino mandato esse aptiores ad pugnam, ex eo quod
transiens populus quasdam aquas, omnibus ex populo bibentibus ex aquis
praedictis et genua flectentibus, illi soli lambuerunt ut canes, non poplite
flexo. Tales igitur sic electos non videtur possibile mille in civitate
reperiri, et multo minus quinque millia : et sic vera est sententia
Aristotelis contra Socratem et Platonem, si sic intendant. Secundum vero quod
Aristoteles improbat, est de distinctione bellatorum, quasi alii cives sint
immunes a bello, ut consiliarii et artifices : quod non est verum, ubi sit
aggressus multitudinis contra cives. Quamvis autem bellatores sint aptiores
ad pugnam, quia experientiam habent, et pugnandi artem, et, ut ait Vegetius :
nemo facere metuit, quod se bene didicisse confidit; impetum tamen
multitudinis sustinere non possent, nisi cum multitudine. Sic enim Iudas Machabaeus
deficit, quia cum paucis pugnavit contra multitudinem Bacchidis, principis
Demetrii regis, recedente ab ipso multitudine suae gentis, sicut patet in I
Lib. Mach. Hinc est etiam quod quamvis Saul elegerit tria millia virorum ad
defensionem sui regni (duo enim millia erant cum ipso, ubi ipse curiam
tenebat, ut in Magmas et in Bethel, mille vero cum Ionatha in domo propria,
ut in Gabaa Beniamin), nihilominus contra multitudinem hostium multitudine
usus est : unde cum Naas Ammonites, rex eiusdem regionis, obsideret cum
multitudine Iabes Galaad, trecenta millia de filiis Israel congregavit in
castris, et triginta millia de tribu Iuda ad expugnandum Ammonitas praefatos,
ut scribitur primo Reg. Sed advertendum quod militaris disciplina Vegetii, in
tertio libro, secundum sententiam Lacedaemoniorum, sive Atheniensium,
restringit numerum in exercitu armorum, videlicet ad decem millia peditum, et
duo millia equitum, vel ad plus viginti millia peditum, et quatuor millia
equitum, ostendens magnam multitudinem esse damnosam, tum quia difficilius
regitur, tum quia laboriosius in victualibus providetur. Ibidem etiam cum
exercitu computat non solum tirones, sed etiam auxiliatores, quod ad alios
cives referimus, qui non erant militiae deputati. Et praeterea idem Vegetius
in primo libro, ubi docet eligi tironem, ad agricolas et artifices magis
remittit, eo quod assueti sunt ad labores. Assumendi sunt igitur cives ad
pugnam non solum bellatores distincti, in quocumque genere sint, sive
consiliarii, sive artifices, sive agricultores, dummodo dispositionem
corporis habeant, unde non impediantur a pugna, ut sunt homines corpulenti et
ponderosi ad ambulandum; cives nimis deliciis dediti; homines etiam provectae
aetatis, quos emeritos habebant antiqui Romani; homines etiam quos divina lex
prohibet a pugna. Hos excludere a pugna dignum videtur, ut patet in Deut.,
quos lex praedicta prohibet, instante exercitu, et acclamante praetore. Ubi
quatuor genera hominum ponuntur, qui a pugna excipiuntur ibidem : videlicet
qui aedificasset novam domum, et non ea fuisset usus; vel qui plantasset
novam vineam; qui in proximo uxorem duxisset : quae quidem tria intentionem
distrahunt a pugnante, et ex hoc efficitur minus audax. Quartum genus est
nimis timentium mortem, qui a sacra Scriptura formidolosi vocantur. Vegetius
etiam in principio primi libri, inter artifices quinque genera hominum dicit
excludenda a castris, videlicet piscatores, aucupes, dulciarios, id est qui
deliciis intendunt; linteones id est qui molles sunt et flexibiles; item qui videntur
intendere ad genesia, id est ad opera muliebria, ut sunt opera textrina, sive
venerea. Caeterum de ordine castrorum sive exercitus, et ipsius rectoribus
seu motoribus, non est praesentis negotii : quia nostrum non videtur congruum
docere pugnare, vel de eiusdem pugnae gymnasiis agere, sed solam veram
tradere politiam; per quam, si ad veram pertingamus, disponimur ad vivendum
secundum virtutem, et quasi participamus caelestem, quae est civitas Dei, de
qua gloriosa dicuntur. Caput
11 [90434] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio,
Liber 4 Caput 11 Titulus Declarat
de politia Hippodomi philosophi, qui reprehenditur quantum ad genera hominum,
quia ponit solum tria, et quantum ad numerum populi [90435] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, lib.
4 cap. 11 Praeter has autem
quamvis philosophus in secundo Politic. multas pertractet politias, inter
alios tamen a supra dictis, qui multum de politia tractaverunt, fuit
Hippodomus philosophus Eriphontis filius, sed Milesius patria, unde Thales,
unus ex septem sapientibus, originem traxit. Hic enim suam politiam ex multis
et ad plura ordinavit, et primo quidem in ea numerum multitudinis
determinatum tradidit civitati circa decem millia virorum : quem numerum
sufficienter putabat in civitate : cuius forte fuit motivum quod superius
traditum est de castris, quia melius gubernantur, et in victualibus potest
per rectores congruentius provideri. Dictam autem multitudinem ad
tria genera hominum reducebat, ad bellatores videlicet, artifices et
agricolas. In qua quidem divisione sic ponebat eos esse distinctos, quod nec
bellator ad culturam terrae, nec ad negotiationes, nec agricola ad arma
transiret. Horum autem generum hominum sufficientiam dicebat esse, quia
ordinantur ad conservationem humanae vitae. Agricolae quidem quantum ad
victum, artifices autem quantum ad tegumentum, sed bellatores ad bonorum
suorum firmamentum, sive custodiam. Sed si ad ea attendimus, quae dicta sunt
supra, et infra est dicendum, faciliter errorem dicti philosophi percipere
possumus ex iam dictis : quia in politia determinatum numerum dare non
possumus, sed multiplicatur in ea populus vel propter amoenitatem loci, vel
propter famam regionis, vel propter foecunditatem gentis. Rursus videmus
civitates, quod quanto magis abundant in gente, tanto maioris potentiae et
famosiores iudicantur : nec propter hoc impediuntur in regimine, si per
officiales bene disponantur et rectores : quia poenae in legibus institutae
hominum arcent malitiam, et sunt in politia medicinae quaedam, ut tradit
philosophus in secundo Ethic. Nec iterum
distingui sic debet, quin cum opportunitas hoc requirit, illa tria genera
sint admixta : quia artifices et agricolae aliquando sunt bellatores, cum de
istis duobus generibus hominum praecipue eligantur tirones, ut dictum est
supra ex verbis Vegetii; et e converso dicimus de bellatoribus ad artifices
et agricolas, cum de eis saepius assumantur. Sed et sua divisio de solum
tribus generibus hominum non est sufficiens : quia relinquit consiliarios et
sapientes, qui sunt principalis pars politiae, sine quibus convenienter
politia ipsa non regitur : ut enim historiae tradunt, Demosthenes Atheniensis
praefatos viros peritos, vel quoscumque senes expertos sic se habere ad
politiam definit, ut canes ad gregem, quorum custodia arcentur lupi : sic et
se habent sapientes et advocati in civitatibus, quia canes sunt populi. Unde
Tullius scribit in libro de Offic., quod Solon plus profuit reipublicae
civitatis Atheniensis, quae legibus et institutis eius erudita fuit, quam
victoria Themistoclis, quod bellum gestum fuerat consilio magistratus, sive
senatus instituti ab eodem sapiente, qui fuit unus de septem. Unde et in
Eccle. scribitur : melior est sapientia quam arma bellica. Vegetius
etiam de art. Milit., et Valerius maximus de Aristotele referunt, quod cum
esset vitae supremae, reliquias senilibus atque rugosis membris in summo
litterarum otio vix custodiens, adeo valenter pro salute patriae incubuit, ut
eam hostilibus armis quasi solo aequatam, in lectulo Athenis iacens eriperet
: et quantum ad hoc simile in eodem libro Eccle. scribitur de sapiente : civitas
parva et pauci in ea viri : venit contra eam rex magnus, et vallavit eam,
extruxitque munitiones per gyrum, et perfecta est obsidio, sicut accidit
de Athenis per Philippum regem Macedonum, ut historiae tradunt. Inventus
est in ea vir pauper et sapiens, ut dicti philosophi, quorum fuit
proprium mundum spernere, et quasi vitam religiosam eligere, sicut Hieronymus
scribit, et postea subditur in eodem libro, quod liberavit urbem per
sapientiam suam. Concluditur ergo ex praemissis, consiliarios non debere
excludi a politia. Eodem etiam modo nec rectores, cum sint caput
universitatis civilis, ex quo totum corpus dependet. Caput
12 [90436] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio,
Liber 4 Caput 12 Titulus Refert
etiam opinionem eiusdem quantum ad possessiones, quas in tres partes dividit;
et in quo salvatur sua positio [90437] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, lib.
4 cap. 12 Sunt autem et alia,
quae dictus Hippodomus posuit in sua politica, ut est de distinctione
possessionum : quia in tres partes distinguebat possessiones totius regionis
civitatis. Quasdam enim deputabat ad rem sacram, quae scilicet divino cultui
dedicabantur, ut sunt hodie bona ecclesiastica; quasdam autem assignabat communes,
quae bellatoribus dispensabantur; quasdam vero proprias, quae agricolis
debebantur. Artificibus vero nihil assignabatur, eo quod ex arte sufficienter
vivere possent. Sed haec divisio, etsi insufficiens videbatur in multis, in quantum
tamen ad aliquid laudabilis erat, in eo videlicet quod divinae reverentiae
deferebat. Quam quidem et iure naturae et
iure divino debemus : sic enim mos fuit apud antiquos Romanos, ubi viguit
disciplina. Unde Gen. scribitur, quod tota terra Aegypti, imminente fame, tempore
Ioseph, in servitute redacta est regis, praeter terram sacerdotum, quae
videlicet sic erat dedicata Deo, quod alienari non poterat, sicut nec hodie
possessiones Ecclesiae, nisi multum legitimis casibus. Philosophus etiam
refert in sua Metaph., quod Aegyptii fuerunt de primis philosophiae
vacantibus, et praecipue in mathematicis artibus : cuius rationem assignat,
quia gens illa sacerdotalis plus vacare permissa est, ex abundantia videlicet
eorum quae habebant ex possessionibus eis concessis, per quae tollitur
sollicitudo in quaerendo victum. Et quamvis lex Mosaica prohibeat
sacerdotibus inter fratres suos possessiones habere, plus tamen eisdem
concessit, dum omnium civium possessiones in partem fructuum percipiunt,
videlicet decimarum. Unde in Malach. scribitur : afferte, inquit, omnem
decimationem, ut sit cibus in domo mea : et de hoc, quasi de opere
perfectae iustitiae, se ille Pharisaeus extollit in Luca : decimas,
inquit, do, videlicet sacerdotibus et Levitis, omnium quae possideo.
Rationabile etiam erat, quod Hippodomus de bellatoribus seu militibus
ordinaverat, ut stipendia perciperent de bonis communitatis, sicut
communitati deserviunt. Sic etiam Romana respublica statuit, ut de publico
aerario viverent. Quo quidem titulo dicit Ioannes Baptista militibus, ut in
Luca scribitur : estote, inquit, contenti stipendiis vestris.
Et apostolus in I Epist. ad Cor. : quis, inquit, militat stipendiis
suis umquam ? Sed in hoc sua deficiebat politia, in quantum solis
agricolis proprias assignabat possessiones, nisi forte hoc dicatur ratione
agriculturae, quia hic est proprius eorum actus : unde agricolae proprias
dicuntur possessiones habere quantum ad culturam, caeteri vero cives, quantum
ad usum. Alias esse imperfecta politia et defectiva. Constat enim possessiones,
ut dictum est supra in secundo libro, inter naturales divitias computari :
quae sic vocantur, quia homo ipsis naturaliter indiget ut necessariis humanae
vitae, et propter ipsarum amoenitatem, ad refocillationem animae : unde
primus homo primo usus est eis divino mandato, quia collocatus est in
Paradiso, quem dominus plantaverat diversis arborum generibus, ut operaretur
et custodiret illum operatione quidem delectabili sine fatigatione, ut
Augustinus exponit, octavo super Gen. ad Litt. De primis etiam filiis Adae,
videlicet Cain et Abel, historia Genesis narrat, quod prima ars, quam
didicerunt, fuit gubernare divitias naturales, quia Cain factus est homo
agricola, Abel autem custos ovium : in hoc volens ostendere, ipsas esse
institutas ad indigentiam vitae. Ergo non solis agricolis erant assignandae
possessiones, ut Hippodomus dicit. Ad perfectionem igitur politiae
requiritur, ut non solum agricolae proprias habeant possessiones, sed etiam
alii, nisi eo modo quo supra est declaratum; et tanto amplius abundent,
quanto in altiori culmine sunt constituti, ut supra de regibus est dictum, ut
iam patuit; ne forte ex nimia cura rerum temporalium distrahuntur a rebus
bellicis, vel ipsorum nimia amoenitate mollescant, quod cedit in politiae non
modicum detrimentum. Unde et ipse Hippodomus proprias eis auferebat
possessiones, ut solis armis intenderent. Caput
13 [90438] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio,
Liber 4 Caput 13 Titulus Ponit
opinionem eiusdem circa iudices et assessores politiae, ubi divisionem facit
multiplicem et notabilem circa ea quae sunt agenda per iudices [90439] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, lib.
4 cap. 13 Et quia philosophus
de dicto Hippodomo longum adhuc sermonem fecit circa suam politiam, et de
ipsa multum est dictum, sub compendio accipienda est sua traditio, quae
restat. Omnium enim referre politias, cum quaelibet civitas suam habeat et
diversam, laboriosum esset scribere et fastidiosum audire. Illud autem in quo
multum institit dictus Hippodomus fuit de iudiciis, ut refert Aristoteles in
secundo Politic. Primo quidem de iudiciis respectu sui : quia omnia iudicia
ad tria reduxit, in quibus homines litigant, videlicet vel de damno rerum,
vel de iniuria in personam; et hoc dupliciter, vel de offensa in verbo, vel
de gestu, quod dehonorationem Aristoteles appellat, secundum dictum
philosophum; vel est de laesione sive percutiendo, sive vulnerando, quam
philosophus mortem vocat, quia ad mortem ordinatur, de quibus longus est
sermo in iure civili : et haec iniustificationem vocat ibidem, quia contra
iustitiam exercentur. Distinguebat etiam de iudiciis ex parte iudicantium,
quia ad duo genera referebat : videlicet ad patronum ordinarium; secundum
vero erat provocatorium, quod ipse principale vocat, in quo erat
appellationis refugium : et istud, ut philosophus narrat in secundo Politic.,
volebat constitui ex senioribus electis civitatis, qui male iudicata
revocarent, quos Thusci antianos vel priores vocant, et ad hoc sunt inventi.
Interdum autem est syndicus constitutus ad idem, sic nominatus quasi curam
gerens politiae, ne laedatur per iniustitiam, ut faciunt collegiorum
oeconomi. Item statuit dictus Hippodomus in sua politia, in utroque praetorio
tam ordinario, quam principali, ut iudicia fierent sine collectione
sapientium, sed quilibet scriberet singillatim in pugillaribus de sententia
ferenda suum consilium, quam ordinario, vel iudici appellationis secreto
porrigeret : cuius causam Aristoteles assignat, ne forte timore civium
deieraret, et declinaret a vero : quem modum hodie politiae Thuscorum
observant ponendo fabam, sive denarium in pyxidibus deputatis ad affirmativam
vel negativam super rebus agendis pro republica, sive pro condemnando, sive
pro absolvendo civem. Item statuit idem Hippodomus in sua politia quasdam
leges pietate plenas, et iuri naturae consentaneas circa quaedam genera
hominum. Primo quidem quantum ad sapientes, ut si ex eis aliquis ordinaret
expediens civitati vel castro, honorem consequeretur iuxta meritum operis,
sicut factum est Ioseph per Pharaonem, ut in Genesi scribitur, et sic accidit
Mardochaeo per Assuerum, et hoc propter beneficia quae uterque contulerat,
unus quidem regioni, alter vero principi. Hoc idem etiam de bellatoribus
praecipit, ut si aliqui eorum morerentur in bello ob defensionem patriae et bonum
civitatis, ipsorum nati acciperent cibum de aerario publico. In quo quidem
Romana respublica maxime conatum adhibuit victoriosos milites honorare sive
in morte, sive in vita, ut historiae tradunt; sed praecipue in filiis, quia
in eis, cum sint ipsorum similitudo, satis perpetuatur memoria, ut verum sit
quod in Eccli. scribitur : mortuus est enim et quasi non est mortuus :
similem enim reliquit post se, videlicet in beneficio adepto causa
patris. Item statuit quod totus populus, videlicet tam bellatores, quam
artifices, quam etiam agricolae, principem eligerent : nolebat enim principem
per successionem, quemadmodum pro maiori parte observant civitates Italiae.
Item : statuit quod principes de tribus haberent curam praecipue, videlicet
de rebus communibus, de peregrinis et orphanis : orphanos vocans omnes
impotentes, qui non possunt sua iura consequi. Quod et lex divina specialiter
praecipit, eo quod eosdem alii de facili laedunt propter impotentiam
resistendi. Ista sunt igitur quae de politia tradit idem philosophus. Et
quamvis idem philosophus in secundo Politic. ipsam reprehendat in multis,
quae disputabilia sunt in utramque partem, sicut actus humani, cum sint de
materia contingenti; multa tamen laudabilia scribit, et quae cum politia
Romana concordant, sicut infra videbitur. Et haec de ipso in tantum ad
praesens sint dicta. Caput
14 [90440] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio,
Liber 4 Caput 14 Titulus De
politia Lacedaemoniorum, quam reprehendit circa regimen servorum et mulierum,
et circa bellatores [90441] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, lib.
4 cap. 14 Nunc igitur ad alias
politias procedendum, quas philosophus refert in praedicto libro secundo, ut
Cretensium et Lacedaemoniorum, quae clarae videbantur et ex fama regionis, et
ipsarum antiquitate, et earum auctore. Et licet in multis Aristoteles
commendet politiam praedictam, multa tamen ibidem reprehendit. Primo quidem
de remissione quantum ad servos, quia non ut subditos, sed ut amicos eos
habebant, et inde lasciviebant, et efficiebantur elati, et concitabant rixas
in confinibus Lacedaemoniorum contra tyrannos, ut de eis illud competeret,
quod in Prov., dicitur : qui delicate a pueritia nutrit servum suum,
postea illum sentiet contumacem. Item, ibidem, dicitur : servus verbis
non potest emendari, quia quod dicis intelligit, et respondere contemnit.
Sed forte hoc non sine ratione contingit interdum, quando imminent pugnae cum
hostibus, quia tunc servi manumittuntur, eo quod audaciores sunt ad
aggrediendum. Unde in III Lib. Reg. scribitur, quod rex Achab per pedissequos
civitatis ex mandato Dei Syriam percussit et fugavit. Propter quod historiae
Romanae tradunt, quod post conflictum ipsorum apud cannas tanta fuit ipsorum
strages, quod coacti sunt relegatos et proscriptos revocare, ac servos libertate
donare, ex quibus aciem fecerunt ad defensionem urbis. Quia ergo Lacedaemonii
infestos habebant confines, ideo servos levius tolerabant. Lacedaemonii enim
confines erant, ut ipse Aristoteles dicit, duabus regionibus, Arcadiae
videlicet et Messenae, item Thessalonicae; ab alia autem parte Achaiae et
Thebaeis, qui antiquitus multum viriles fuerunt. Reprehenduntur ergo
Lacedaemonii, si populares, quos servos vocant, sustinent non refraenando
eorum stultitias ex iam dicta causa; sed tolerari possunt, si confines sunt
nimis infesti, ut dictum est supra : quia praedictis servis datur audacia ad
invadendum et refraenandum malitiam hostium, et ex eadem causa dabatur
libertas mulieribus, unde efficiebantur lascivae. De hoc enim a philosopho
reprehenduntur, quod suas mulieres non restringebant a discursibus, quod
mulieri est laqueus libidinis, ut de Dina accidit filia Iacob, sicut in
Genesi, scribitur, quae oppressa fuit a Sichem, filio regis Emor, quia sine
custodia discurrebat per regiones. Unde in Eccli. dicitur : in filia non
avertente se firma custodiam, ne, inventa occasione, abutatur se. Ita et
de Lacedaemoniis contingebat, quod vivebant voluptuose propter nimiam
libertatem. Sed eos excusat Aristoteles propter ipsorum nimia bellorum
exercitia, quae habebant Lacedaemonii : unde uxores eorum cogebantur
discurrere ad gubernationem familiae; sed si alias sustinuissent ipsorum
viri, mala erat politia. Tertium autem, quod Aristoteles disputat de
Lacedaemoniorum politia, est circa milites, utrum deberent uxores habere, vel
mulieribus coniungi : quia, si hoc est, distrahuntur a pugna. Ex actu enim
carnalis delectationis mollescit animus et minus virilis redditur, ut dictum
est supra : et sententia est Platonis, ut Theophrastus refert, quod
militaribus rebus intentis non expedit nubere. Sed Aristoteles istud reprobat
dicto secundo libro, quia bellatores naturaliter sunt proni ad luxuriam.
Causa autem assignatur in quodam libello, de problematibus, translato de
Graeco in Latinum Frederico imperatori. Sed philosophus ibidem introduxit
Hesiodi poetae fabulam, quae Martem cum Venere iunxit : unde si abstineant a
mulieribus, prolabuntur in masculos. Et ideo Aristoteles in hoc reprobat
Platonis sententiam, quia minus malum est mulieribus carnaliter commisceri,
quam in vilia declinare flagitia. Unde Augustinus dicit, quod hoc facit
meretrix in mundo, quod sentina in mari, vel cloaca in palatio : tolle
cloacam, et replebis foetore palatium : et similiter de sentina : tolle
meretrices de mundo, et replebis ipsum sodomia. Propter quam causam idem Augustinus ait in quartodecimo
de Civ. Dei, quod terrena civitas usum scortorum licitam turpitudinem fecit.
Hoc etiam vitium sodomiticum ipse philosophus, in septimo Ethic., dicit
accidere propter vitiosam naturam et perversam consuetudinem : et horum etiam
non est convenientiam vel inconvenientiam assignare, cum non sint per se
delectabilia humanae naturae : unde medium virtutis ibi esse non potest. Et
hoc concordat cum apostolo, ad Rom., qui tales actus ignominiae passiones
appellat. Quartum autem, quod Aristoteles reprehendit in Lacedaemoniorum
politia, est de inaequali divisione successionum : quia unus civis quasi
totam occupabat regionem, ex re videlicet pecuniaria, sicut saepius accidit
de foeneratoribus; alii vero cives expoliati fugiunt, et sic remanet politia
nuda. Item circa uxores, quia in bonis defuncti uxor ratione dotis duas
occupabat partes, sicut accidit in Francia de medietate bonorum; residuum
vero distinguebatur, seu distribuebatur haeredibus, et pro suis legatis. Sed quantumcumque
toleretur apud Lacedaemonios de aliis civibus diminutio possessionum, quantum
tamen ad bellatores sustineri non debet, quia per eos civitas conservatur in
sua virtute. Hoc autem Aristoteles accidisse Spartiatis, hoc est
Lacedaemoniis, dicit, quia ad nihilum sunt redacti propter dictam causam; cum
tamen soliti essent habere decem millia bellatorum, quod non erat modicum
apud veteres. Isti autem sunt illi Spartiatae, de quibus agitur in I Mach.,
qui propter virilitatem animi cum Iudaeis et Romanis specialem habebant
amicitiam. Caput
15 [90442] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio,
Liber 4 Caput 15 Titulus Reprehendit
etiam dictam politiam quantum ad leges filiorum et iudicum, movens
quaestionem utrum pauperes sint eligendi ad regimen politicum [90443] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, lib.
4 cap. 15 Est et aliud, quod
reprehendit Aristoteles in dicta politia, de generatione videlicet filiorum.
Statuerunt enim in sua politia ad provocandum cives, quod zelarent
multiplicationem prolis, quod qui tres haberet filios, assumeretur ad
dignitatem publicorum negotiorum; et qui quatuor, esset sine vectigali. Hoc
autem erat causa depauperandi cives : unde fiebant impotentes ad invadendum
hostes, et hoc fuit in eis causa dissensionis, unde regio diminuta est in
virtute. Istud autem reprehensibile esse, in ratione fundatur, quia quod quis
generet plures, non est virtutis, ex qua quis meretur praeeminentiam, puta ut
in bellando pro republica, quod est virtutis fortitudinis, vel in consulendo
civitati, quod pertinet ad prudentiam, vel in regendo cives, quod pertinet ad
iustitiam, vel in conversando honeste cum eis, quod pertinet ad temperantiam.
Sed
quod in generando quis mereatur praemium in republica, hoc non est virtutis,
quia etiam vilis homo potest habere virtutem generativam meliorem : unde quod
in hoc honoretur, non est dignum, quia honor non debetur nisi propter
virtutem, ut philosophus dicit in primo Ethicorum. In omnibus igitur actibus
politiae inter cives aequa debet esse ponderatio oneris et honoris, praeter
quam in praedictis, ut verum sit, quod dixit David, sicut in I Reg.
scribitur, recuperatis spoliis de Siceleg, contra Amalecitas : aequa,
inquit erit portio euntis ad bellum, et remanentis ad sarcinas. Et
quamvis lex Mosaica sterili maledictione imprecetur, ut in Exod. et Deut. est
manifestum, et ad multiplicandam generationem plurium uxorum sit facta
concessio; hoc non fuit ibi concessum, nisi ad virtutem, referendo ad cultum
divinum, sicut Augustinus dicit de Civ. Dei. Aliud autem, quod reprehendit
philosophus in Lacedaemoniis, unde ipsorum corrupta fuit politia, circa
electionem iudicum est, quia eligebantur pauperes, qui, egestate compulsi,
corrumpebantur pecuniis a maioribus, et inde opprimebatur iustitia, et
exercebantur tyrannides. Comparatione ergo
istius politiae democratiam philosophus magis commendat : quia deficientibus
in civitate hominibus virtuosis ad regimen, ex quibus constituitur
principatus qui aristocratia vocatur, melius regitur per divites malos, ex
quibus constituitur principatus qui appellatur democratia. Non ergo expedit
politiae pauperes assumi et cupidos ad iudicandum. Unde narrant historiae,
quod duo viri per consules Romanos fuerant electi ad gubernandum Hispaniam,
quorum unus nimis pauper, alter nimis erat avarus. Cumque delatio facta
fuisset in Capitolio de ipsis, quia de hoc litigabant, Scipio Africanus de
neutro consuluit, utrumque corruptorem definiens politiae, sive cuiuscumque
regiminis, quia se habent ad civitatem velut sanguisugae ad corpus humanum. Unde
in Prov. dicitur : sanguisugae duae sunt filiae, dicentes : affer, affer;
quasi ad hoc sit principalis eorum intentio extorquere pecunias. Sed quid
dicemus de Fabricio consule, qui pauperrimus fuit ? Ut scribit Valerius
maximus. Item de Lucio Valerio ? De quo dictum est supra, qualiter in summa
paupertate mortuus est. Ad hoc autem distingui oportet de duplici indigentia,
voluntaria scilicet, et necessaria. Voluntariam habuit Christus et sui
discipuli; et hanc habuit Fabricius et alius consul Romanus, qui, ut
fideliter gubernarent rempublicam, divitias contempserunt. Maluit enim
Fabricius divitibus imperare, quam locupletem fieri, ut dictum est supra de
ipso. Haec ergo non repellitur a regimine; sed secunda necessaria : quia
talis raro, vel numquam bene regit vel consulit, nisi suo appetitui vacuo
satis detur. Cuius ratio, et differentia de utraque paupertate haberi potest
ex diversitate finis. Finis autem paupertatis voluntariae est bonum honestum,
sive bonum virtutis; finis vero necessariae inopiae est bonum utile, ad quod
appetitus eius est pronus. Hoc autem est, cuius gratia aliquid agitur, ut
philosophus dicit. Quidquid ergo agunt, qui talem habent indigentiam, ad hunc finem
deducunt, ut suum impleant ventrem et bursam. Sed qui voluntariam, sicut
contemptivi divitiarum, ordinant omnia ad virtutem : et ideo cum gubernant
vel regunt cives, semper in eis bonum virtutis intendunt, quod est bonum
humanum, ut idem Aristoteles dicit in primo Ethic. Amplius autem : natura nihil frustra operatur, ut dicit
philosophus in primo de caelo. Appetitus vero eius qui non habet divitias ex
necessitate, et non voluntate, semper tendit ad habendum divitias. Si ergo
non consequitur, erit frustra : et ideo natura appetitus ad hoc impellit,
sicut refugiens vacuum, quod sustinere non potest. Ergo difficile est vitare,
ut non insequatur quocumque modo ad habendum divitias. Periculosum est igitur
politiae, sive reipublicae pauperem assumi ad consulatum, sive ad iudicatum,
ut philosophus dicit, nisi quando paupertas est placida : quia tunc est
resecata cupiditas, quae omnium malorum est radix, ut scribit apostolus.
Talis enim indigens ad regimen politiae est optimus, de quo in Ecclesiaste
scribitur, quod inventus est vir pauper et sapiens, qui liberavit urbem
per sapientiam suam, nulla videlicet cupiditate impeditam. Caput
16 [90444] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio,
Liber 4 Caput 16 Titulus Redit
adhuc super politiam Lacedaemoniorum quantum ad ipsorum regem, reprobans
modum quem tenebant circa ipsum, ostendens inconvenientia quae sequebantur ex
hoc [90445] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, lib.
4 cap. 16 Post hoc autem et
super Lacedaemoniorum regimen est agendum. Volunt enim historici, ut Iustinus
Hispanus, magnus gestorum scriptor, dictam civitatem habuisse regem, et ipse
Aristoteles in secundo Politic. hoc affirmat, quod rex esset respectu
regionis et provinciae, sicut in urbe contingit. Hoc etiam videmus in multis
partibus Europae Occidentalis et borealis, quod regem habent, et qualibet
civitas suas leges et politiam, puta Francia, Hispania, Gallia et Germania.
Lacedaemonii igitur, qui Spartiatae sive Spartani, regem habuerunt, in quibus
catellus regnavit, cuius Lycurgus, ut tradit idem Iustinus, in pupillari
aetate curam suscepit, ut in Cretensi politia patebit. Circa quod quidem
regimen regis Spartiatarum seu Lacedaemoniorum procedit philosophus in
Politic. reprehendens ipsum de multis. Primo, de provisione regis, quia non
sustinebant occasione inventa, quod regimen esset perpetuum. Sed nec etiam ad
vitam modum rectorum politicorum servare volentes, quod in praeiudicium non
modicum videbatur esse regiminis : quia in hoc enervabatur ipsorum potestas,
et subditis dabatur occasio resiliendi a legibus observandis; et sic non
poterant ipsorum reges facere viros perfectos et virtuosos. Propter quam
causam, licet dictus philosophus non faciat mentionem, historiae tamen
tradunt Lacedaemonios fuisse gentem indomabilem, nisi quod per dictum
Lycurgum fuit morum maturitate ac praeclaris legibus regulata, de quibus
infra dicetur. Sequebatur etiam istud inconveniens, quod si quando civitas
legatos mitteret, ut ipse philosophus dicit, ad aliquam civitatem, vel
provinciam, sive regionem, cum quidam ex eis pugnarent pro rege, quidam autem
hostes forent, cognoscebatur ipsorum dissensio : unde minus erant cari, et de
sua legatione raro reportabant intentum. Et advertendum, quod quamvis
consules in urbe annuales essent, ut dictum est supra, et assignata causa
est, sicut et magistratus Athenis; tamen non sic erat faciendum de rege, immo
si non sit perpetuus, valde periculosum est civibus. Dictum est enim supra,
quod haec est differentia inter regem et rectorem politicum, quod alter,
videlicet politicus, solis legibus suae civitatis populum iudicat; regalis
vero princeps ultra leges quas invenit, vel ante statuit, opportunis
temporibus legibus, quas in pectore defert, utitur pro meliori exitu sui
regiminis ac suae gentis salute. Si ergo tales principes ad tempora regnent,
contingit ipsos ad iudicandum esse praecipites, sive contra cives, qui de
ipso amovendo fuerunt solliciti, sive alicuius rei adipiscendae cupidine, vel
ut amicis praestent gratiam, quam, si regnassent, non fuissent facturi.
Quantum autem ad primum habemus exemplum illius, qui dixit in Luc.,
exponendo, ut littera sonat : verumtamen inimicos illos, qui noluerunt me
regnare super se, adducite huc, et interficite ante me. Hoc eodem modo,
ut historiae tradunt, Herodes occidit multos ex nobilibus Iudaeorum, qui
conabantur sibi regnum auferre. Quantum autem ad secundum, exemplum assumi
posset de villico iniquitatis in eodem Evangelio : quod extendi potest ad
omnem gradum regiminis, quia gerunt vicem dominorum in terra, quod et
principes orbis faciunt in respectu Dei. Cum enim timent amoveri ab officio,
de aerario publico dominii sui iugiter sibi amicos copulant. Ex quibus
omnibus manifestum est, quod maximum est periculum alicui temporali rectori
conferre regendi arbitrium in faciendo iustitiam. Sed si dominium est
perpetuum, rector curabit de subditis sicut de re propria, ad quam quotidie
et continuo sollicitatur quasi ad suas divitias naturales, et ad
indeficientem thesaurum. Propter quod sic ipse eos gubernat, sicut pastor
gregem, sicut hortulanus plantam, quorum qualiscumque laesio eis efficitur
scandalosa. Caput
17 [90446] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio,
Liber 4 Caput 17 Titulus Ex
eadem causa ponit quaedam in dicta politia Lacedaemoniale reprehensibilia,
quae erant materia dissensionis in populo. Reprehensibilia, quae erant
materia dissensionis in populo [90447] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, lib.
4 cap. 17 Inerat etiam quaedam
consuetudo talibus dominis in politia Lacedaemoniorum ex eadem causa trahens
forte originem, quia tales principes de republica non curabant ut in eorum
solemnitatibus et ostentationibus primum fierent exactiones in populum : unde
gravati pauperes seditionem concitabant, et sic enervabatur politia. Propter
quod, ut de publico fieret aerario, philosophus, in secundo Lib. Politic.,
magis commendat : quam quidem consuetudinem dicit in Creta fuisse, sive legem
constitutam. Exactiones enim, sive vectigalia multiplicata in populo, nisi
pro urgenti causa, ut puta pro conservatione civitatis vel regionis, ipsam
conturbant, et sunt in ea causa dissensionis et litis. Ex hac etiam eadem
ratione sequebatur aliud inconveniens, quod navalis princeps distinguebatur
ab ipsa, ex qua sequebatur divisio animorum, et per consequens dissensio
politiae : quod non accidisset, si fuisset princeps perpetuus, quia quicumque
fuisset dux civitatis, fuisset ei subiectus. Facit autem mentionem de navali
bello, quia Lacedaemonii multum dominabantur mari. Concluditur etiam ex eodem
forte malam esse politiam praedictorum, quia viri militares non assumebantur,
qui essent fortes virtute, videlicet fortitudinis, quae est una de
principalibus inter quatuor, qua cives exponunt se morti pro republica, sicut
regulus apud Poenos; sed habebant dicti milites, sive principes partem
virtutis, quam philosophus increpat in sua politica. Distinguit enim
Aristoteles in tertio Ethic. duplicem fortitudinem. Quarum alteram hic
tangit, quae militaris dicitur, quae solis viribus innititur corporis; et
hanc philosophus vocat partem virtutis, sive fortitudinis, quia requiritur
interdum in vera fortitudine. Alia est quae gratia reipublicae se exponit, et
non cedit, neque fugit periculis excrescentibus, de qua Seneca dicit in libro
de Dei providentia : fortissimos, inquit, sibi pares fortuna quaerit. Ignem
experitur in Mutio, paupertatem in Fabricio, exilium in Rutilio, tormenta in
regulo, venenum in Socrate, mortem in Catone; et de qua etiam dicitur in I
Mach., per Mathathiam de filio : Iudas, inquit, fortis viribus a
iuventute sua sit vobis princeps, et ipse aget bella populi; pro qua
hostibus, gratia reipublicae non cedens, sed pro ea dissolutus corde in caede
oppressus occubuit. Prima autem fortitudo est imperfecta, secunda autem
perfectissima virtus. Assumere igitur ad bellandum sive principem, sive
quemcumque militem, qui non sit fortis secunda fortitudine, non est bonae
politiae : quia saepius tales convertuntur in tyrannos, vel periculis cedunt,
ut dictum est supra. Item : ex eadem causa, quia videlicet princeps non
perpetuus erat, nec ad vitam contingebat, non erant in politia
Lacedaemoniorum expensae communes pro bellatoribus; et inde sequebatur quod
experti milites non gerebant bella populi propter defectum stipendiorum,
quibus respublica providere non poterat; sed exponebantur idiotae, id est
inexperti, plebeii videlicet, et amatores pecuniarum : et hoc Aristoteles
reprobat in dicto libro, quia saepius erant causa ruinae populi. Haec igitur
de politia Lacedaemonica in tantum dicta sufficiant. Caput
18 [90448] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio,
Liber 4 Caput 18 Titulus De
politia Cretensi, et differentia eius ad Lacedaemonicam, de auctoribus dictae
politiae, et de legibus Lycurgi [90449] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, lib.
4 cap. 18 Pertractat etiam
dictus Aristoteles in dicto libro de politia Cretensium, quam dicit traditam
a Lycurgo, fratre regis Lacedaemoniorum, cui nomen Polybita, patre Catilli,
ut Iustinus refert : item a Minoe rege eiusdem insulae, qui fuerunt primi
legum inventores in Graecia : ad quas discendas profectus est Pythagoras,
ipsasque Cretenses perdocuit, sicut idem tradit Iustinus : de quibus etiam
duobus philosophus in praefato libro mentionem facit. Et licet diversae
historiae de Lycurgo diversimode loquantur, nos tamen relationi eiusdem
Iustini magis insistimus, quia praeclarissimus fuit historiarum scriptor
antiquus : et hinc forte contigit Lacedaemonios cum Cretensibus eamdem
habuisse politiam; unde philosophus dicit Lacedaemonios in hoc imitari
Cretenses, quasi ab ipsis leges habuerint. Licet igitur in multis conveniant,
differunt tamen quantum ad convivia et festivitates, quia fiebant de communi
aerario apud Cretenses, quod dabatur ab incolis de fructibus, et pecoribus
quae offerebantur in sacrificiis in his quae ad deos pertinent : quo modo
inventae sunt decimae. Alia differentia erat de mulieribus, quia Lacedaemonii
zelabant multiplicationem prolis, Cretenses non tantum. Tertia differentia
erat de agricultura, quia terras Lacedaemoniorum colebant servi, terras vero
Cretensium colebant incolae, per quos oblationes fiebant iam dictae. Quarta
differentia erat, quia apud Cretenses eligebantur consules, sive sapientes,
quos bosmoym, id est ornatos senes vocabant, non de omnibus, sed de
maioribus, et erant plures numero; sed Lacedaemonii de omnibus, quos ephoros
dicebant, id est procuratores reipublicae, sed pauciores : et hoc quidem
Aristoteles magis commendat, quod minor erat occasio concitandi turbam. Ratio
autem dissensionis apud Cretenses, quia olim habuerunt regem, de quo dictum
est supra; sed tempore Aristotelis non habebant nisi ducem, quem dicti
sapientes eligebant : unde, quia populus numquam habebat electionem, fomentum
erat invidiae, et per consequens odii. Sed Lacedaemonii etsi haberent regem
secundum beneplaciti tempus, eligebatur tamen a sapientibus, assumptus de
omnibus gradibus civium : et hoc videbatur consonum rationi, ut consensu
totius consilii assumpti ad regimen populi fieret rex, ut hodie communiter
faciunt civitates Italiae. Sic enim civitatis nomen importat, quae est
secundum Augustinum, primo de civitate Dei, hominum multitudo, aliquo
societatis vinculo colligata : unde civitas, quasi civium unitas. Cum ergo
nomen civitatis omnes cives includat, rationabile quidem videtur ad regimen
eius de singulis generibus civium debere requiri, prout exigunt merita
singulorum, ac civilis regiminis status. Politia ergo Lacedaemoniorum
quam Cretensium in hoc melior videbatur. In multis igitur convenientes dictae
regiones, ut philosophus tradit, in aliquibus tamen differebant eo modo quo
dictum est supra. Et haec de politia
Cretensium sufficiant quantum ad sententiam Aristotelis. Sed quia de Lycurgo mentionem
facit, quod historia de suis legibus narrat congruum videtur hic interserere.
Tradit enim Iustinus, hunc Lacedaemoniis et Cretensibus scripsisse canones,
ad quos observandos sub iuramento Lacedaemonios obligavit usque ad reditum
suae peregrinationis, quam ad templum Apollinis simulabat, ibidem consulturus
de ipsorum salute. Dictus ergo legislator in Cretam se transtulit, ibique
moriens, suasque leges eisdem tradens, ossa sua in mari iactari praecepit, ut
suis iuribus daret aeternitatem, quibus ipse primum documentum operis dedit.
Leges igitur quas tradidit sub compendio idem Iustinus refert. Primo quidem
auri argentique materiam sustulit populo. Legendi senatum, vel creandi quos
vellet magistratus potestatem permisit. Fundos omnium aequaliter inter eos
divisit, ut aequata patrimonia neminem potentiorem altero redderent.
Convivari omnes publice iussit, ne cuiusquam divitiae, vel luxuria in occulto
essent. Iuvenibus vero non amplius una veste toto anno vestiri permisit, nec
aliquem cultius quam alterum progredi, nec epulari opulentius. Emi singula
non pecunia, sed compensatione mercium iussit. Pueros puberes non in forum,
sed in agrum duci mandavit, ut primos annos non in luxuria, sed in opere
agerent et labore, nihil eos causa somni sustinere, vitam sine pulmento
degere : neque prius in urbem redire quam viri facti forent, iussit. Virgines
sine dote nubere voluit, ut uxores non pecuniae causa eligerentur,
strictiusque viri sua matrimonia coercerent, cum nullis fraenis dotis
tenerentur. Maximum honorem non divitum et potentum, sed senum esse statuit;
nec usquam terrarum locum honoratiorem quam senectuti statuit. Haec igitur
sunt leges politiae Lycurgi, de quibus philosophus mentionem non facit, et de
quibus disputare quales sint, longus esset sermo, et ideo omittitur ad
praesens; non tamen contradicunt his quae a philosopho dicta sunt de ipso. Caput
19 [90450] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio,
Liber 4 Caput 19 Titulus De
politia Chalcedoniorum, qualiter famosa fuerit : et in quo conveniebant Lacedaemonii
et Cretenses cum ipsis, et in quo differebant [90451] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, lib.
4 cap. 19 Sed et de politia
Chalcedoniensi nunc est agendum, quam Aristoteles multum commendat, dicens
istas tres politias Lacedaemoniorum, Cretensium et Chalcedoniorum apud
Graecos magis fuisse famosas, quia magis ordinatae fuerunt secundum virtutem.
Est
autem Chalcedonia civitas in Thracia sita, ubi celebratum fuit Concilium
quartum sexcentorum triginta episcoporum sub Leone I, praesente Marciano
principe, quod non fuit sine magna copia regionis facultatem habere ad
provisionem tantae multitudinis praelatorum. Huius ergo politiam Aristoteles
in secundo Politic. praefert caeteris, quamvis praecedentes duae eidem
plurimum sunt propinquae : cuius quidem perfectionis et bonitatis Aristoteles
tria signa subiungit. Unum, quia
officiales eiusdem vivebant ordinate, et sua tranquille exequebantur officia
cum quadam stabilitate morum. Secundum vero, quod inter eos in ministerio
reipublicae satis videbatur esse concordia, nec umquam est ibi concitata
seditio talis, unde dignum esset in Scripturis, vel quocumque modo de ipsa
facere mentionem. Tertium autem argumentum suae bonitatis sumit philosophus ex quieto
dominio. Nunquam enim inter eos surrexit
sive dominus, sive nobilis, sive cuiuscumque potentiae, qui ibidem tyrannidem
exerceret. Subiungit autem Aristoteles communitatem quam habebant
Lacedaemonii cum Chalcedoniis, sed Chalcedonii excellentiori modo. Primo
quidem in conviviis et festis, quae fiebant in demonstrationibus honorabilium
personarum, quae faciebant utrique per contributionem; sed Chalcedonii
honestiori modo, quia sine oppressione pauperum. Secundum autem in quo
conveniebant, erat electio seniorum et regis; sed in hoc differebant, quia
Lacedaemonii assumebant quoscumque de populo, quos ephoros vocabant, et erant
pauci, ad quos pertinebat electio regis; sed Chalcedonii plures eligebant et
ex melioribus, quos et Aristoteles principes appellabat, et erant in
Chalcedonia centum quatuor; quos ideo principes nominat propter virtutem sui
regiminis, in quo nemo melius principatur. Istos eosdem philosophus genisios,
id est honoratos, nuncupat : quorum officium erat et assistere regi, et ipsum
eligere. Item in hoc differebant a Lacedaemoniis, quia non eligebant de
quocumque genere, nec ex indifferentibus, sed ex eligibilioribus secundum
virtutem : cuius rei causam assignat Aristoteles, quia de vili loco assumpti
ad principatum, ut pluries laedunt politiam, et laeserunt aliquando
Chalcedoniam, iuxta illud poetae : asperius nihil est humili cum surgit in
altum. Unde et in Eccle. scribitur, quasi hoc sit in magnum detrimentum
regiminis : est, inquit, malum, quod vidi sub sole, et quasi per
errorem egrediens a facie principis, positum stultum in dignitate sublimi, et
divites sedere deorsum. Vidi servos in equis, et principes ambulare quasi
servos super terram. Item : non semper eligebant de eodem genere, quia
natura deficit saepius in successu suae prolis; sed assumebant Chalcedonii
ubicumque reperirent meliorem, sive principem, sive genisios, id est
honoratos senes, et in hoc imitabantur politiam aristocraticam, quae est
principatus ex paucioribus et virtuosis : quod quidem verum erat apud
Chalcedonios, quia rex cum aliquibus hominibus honoratis et virtuosis tractabat
quae agenda erant in civitate, non requisito populi consensu, ut de Romanis
scribitur in I Mach., quod consilium agebant trecentum viginti de
multitudine, ut quae digna sunt gerant. Quamvis autem istud rex posset cum
praedictis honoratis, interdum tamen requirebat populum de quibusdam agendis,
et licitum erat populo consentire, vel non, ita ut locum non haberet, nisi
fuisset acceptum, postquam fuisset propositum populo; et tunc reducebatur
status politiae ad principatum democraticum, quia haec fiebant in favorem
gentis plebeiae. Aliquando vero committebatur aliquid paucis, et tunc
principatus oligarchicus vocabatur. Eligebantur enim quinque ex divitibus,
quos Aristoteles pentacontarchos appellat, ad quos pertinebat illos centum
quatuor assumere honoratos, sive genisios : et fuit proprium politiae
Chalcedoniorum : quem modum hodie observant civitates Italiae et praecipue
Tusciae. Hic etiam ritus servatus fuit in urbe toto tempore quo consulatus
duravit. Primo enim creati sunt consules, qui erant duo, postea dictator et
magister equitum, ut historiae tradunt, ad quos pertinebat totum civile
regimen; et sic principatu aristocratico regebatur. Ulterius inventi sunt
tribuni in favorem plebis et populi, sine quibus consules et alii praedicti
regimen exercere non poterant; et sic adiunctus est democraticus principatus.
Processu vero temporis senatores acceperunt regendi potestatem, licet
senatores primo a Romulo sint inventi. Divisit enim totam civitatem in tres
parte, in senatores, milites et plebem : et tunc existentibus regibus, in
urbe tenebant locum senum, qui erant in Lacedaemonia, qui ephoroi dicebantur,
sive in Creta, quos bosmoym appellabant, sive in Chalcedonia, quos nominabant
genisios, ut supra dictum est. Et quia senatores cum primis erant in multitudine,
ideo tunc principatus Romanorum politicus dicebatur. Quando vero
corrumpebatur politia per potentiam aliquorum, puta tempore quo exorta sunt
bella civilia, tunc regebatur oligarchico principatu. Haec pro tanto sunt
dicta ad ostendendum regimen Graecorum multum concordare cum nostro etiam
tempore Aristotelis. Caput
20 [90452] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio,
Liber 4 Caput 20 Titulus Quomodo
Aristoteles tradit in politia Chalcedoniorum documentum de electione
principis, utrum dives vel pauper sit eligendus, et qualiter pauper virtuosus
sustentari debeat; et utrum uni principi competant plura dominia [90453] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, lib.
4 cap. 20 Tradit etiam
documentum idem philosophus in dicta politia Chalcedoniorum quantum ad
electionem, ut non arte, vel fortialiter eligant, sed virtuosos : quia
contingit aliquando talem sortem super pauperem cadere, cuius principatus est
periculosus : quia, ut ipse dicit, et supra est ostensum, impossibile est
egentem bene principari, ac legitime negotiis publicis posse vacare. Propter
necessitatem enim inhiat lucris, et resilit a virtute, nec sibi ipsi vacare
potest, ut quiescat animus, seu, ut dicit Salustius de antiquis Romanis : sit
animus in consulendo liber. Tradit etiam documentum philosophus, quod et
Chalcedoniae dicit contigisse in sua politia, ut si quando reperiretur pauper
qui foret virtuosus, ad tollendam occasionem ne se lucris immergat illicitis,
ut respublica ei provideat in necessariis : unde et in omni regimine sunt
instituta stipendia sive de aerario publico, ut Augustinus dicit de verbis
domini, ne forte dum sumptus quaeritur, praedo grassetur, sive de bonis
cuiuslibet sub regimine constituti, ut sunt tributa et vectigalia, quae
dominis debentur quodam iure naturae, sicut probat apostolus ad Rom. : ideo,
inquit, tributa praestatis : ministri enim Dei sunt, in hoc ipsum
servientes. Item, in I ad Cor. : quis, inquit, militat stipendiis suis
umquam ? Quis pascit gregem et de lacte eius non manducat ? Sed tunc
movetur quaestio, quam Aristoteles tangit in dicta politica : utrum ad
principatum semper dives eligi debeat : quia in hoc datur materia, ut homines
sint amativi pecuniarum quocumque modo, eo quod natura humana semper est
appetitiva honoris, ut scribit maximus Valerius. Ad quod ipse philosophus
multa dicit comparans oligarchiam ad aristocratiam : quia secundum primum
principatum eligitur dives, iuxta secundum semper assumitur virtuosus. Sive
ergo pauper, sive dives, dummodo vivat secundum virtutem, assumendus est in
vera politia. Sed minus periculum est de divite, quia instrumenta sibi adsunt
humanae vitae, per quae honeste suum potest officium exequi, salva tamen
iustitia subditorum. Multa alia scribit philosophus de politia
Chalcedoniensi, comparans ad invicem principatus : duo tamen concludit
reprehensibilia de ipsis Chalcedoniensibus. Unum, quod sustinebant principem
plures principatus habere, quod Aristoteles reprobat, ostendens multo melius
esse, vel dignius plures esse, vel convenire ad unum principatum, quam quod
unus habeat plures. Ratio autem huius ex verbis philosophi haberi potest
ibidem, quia in diversis principatibus actus unius per alium impeditur : unde
dat istud principium, ex quo argumentum assumitur, quod ab uno unum opus
optime perficitur, cuius rei gratia duo ponit exempla. Unum de fistulizantibus, sive cytharizantibus et
choreariis, quia in opere sibi contrariantur, et in instrumentis. Fistula
enim, sive cythara requirit hominem intelligentem in melodiis, et manus
agiles et subtiles. Sed chorearius nihil horum requirit, quia sufficit homo etiam
rusticanus cum manibus crabrosis. Ita et
de diversis contingit dominis quod contrariantur sibi invicem, sicut
fistulans choreario. Aliud exemplum introducit de nautico bello et campali :
quia non est conveniens ut utrobique sit unus rector, cum non habeant similes
actiones. Alius est enim modus pugnandi in campo, et alius in aquis, et alia
instrumenta requirit campale bellum, et alia navale, et per consequens alias
actiones. Unde concluditur, inconveniens esse unum dominum habere plura
dominia, et ea bene posse gubernare propter contrarias actiones et
instrumenta. Amplius autem : et virtus est debilis in agente, quia vix homo
sufficit ad sui regimen. Durum est enim ut qui nescit tenere moderamina vitae
suae, iudex fiat alienae, ut Gregorius ait. Multo ergo difficilius est habere
multa regimina propter causas iam dictas. Caput
21 [90454] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio,
Liber 4 Caput 21 Titulus De
politia Pythagorae, quam didicit a praedictis philosophis Minoe et Lycurgo,
et quomodo totus suus conatus ad hoc fuit, assuefacere scilicet homines ad
virtutes [90455] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, lib.
4 cap. 21 Praeter dictas autem
politias, quas philosophus tangit in sua politica, invenitur una philosophica,
de qua Aristoteles mentionem non facit, videlicet Pythagorae, qui ipsum
praecessit per duas hominum aetates, a quo nomen philosophi exordium habuit,
ut scribit maximus Valerius. Non est enim ausus se nominare sapientem, neque
se in numero septem sapientum computare, qui ipsum praecesserant; sed se
philosophum appellavit, id est sapientiae amatorem. Hic, ut tradit Iustinus
Hispanus, cum peragrasset Aegyptum ad perdiscendos siderum motus originemque
mundi, inde regressus, Cretam et Lacedaemoniam profectus est ad cognoscendum
leges Minois et Lycurgi, de quibus suam fundavit politiam. Sed praeter leges
iam dictas, idem Iustinus hoc de ipso scribit, quod Crotonam veniens :
populum in luxuriam lapsum sua auctoritate ad usum frugalitatis revocavit.
Laudabat quotidie virtutem, et vitia reprimebat, casumque civitatum hac peste
perditarum enumerabat. Tantum quoque studium ad frugalitatem perdiscendam
multitudini persuasit, ut aliquos ex eis luxuriatos fuisse incredibile
videretur. Tradit etiam Tullius de ipso, quod quibusdam harmoniis vitia in
hominibus extinguebat luxuriae. Unde dicit, quod Tauromitanum iuvenem quemdam
libidine flagrantem, cum audivisset Pythagoras ad ostium amicae meretricis
insanire, iussit Psalterium spondaeum canere, et sic eum ad sanam mentem
revocavit. Matronarum quoque separatarum a viris doctrinam, et puerorum a
parentibus frequenter habuit, ut de ingressu religionis frequenter contingit
ex ignito sermone praedicationis, vel ex virtuosa operatione et excellenti
vita doctoris. Docebat autem nunc hos pudicitiam, nunc illos modestiam,
litterarumque studium. Ut matronae aureatas vestes caeteraque dignitatis suae
ornamenta deponerent, velut quaedam luxuriae instrumenta, omniaque in Iunonis
aedem deferrent, eidemque consecrarent suadebat, asserens matronarum vera
ornamenta pudicitiam fore. Hic autem cum annos viginti esset Crotonae,
Metapontum se transtulit, ibidemque decessit : cuius tanta fuit admiratio, ut
de eius domo templum facerent, ipsumque pro Deo colerent. Scribit etiam
Hieronymus de ipso, contra Iovinianum, quod filiam habuit tantae pudicitiae,
ut virginitatem servans, choro simul virginum iam praeesset, easque
castitatis instruxit doctrina. Per quod apparet quod in sua politia ad hoc
tota sua ferebatur intentio, suusque conatus, ut homines traheret ad vivendum
secundum virtutem, quod et Aristoteles in politica docet : quin etiam omnis
vera politia corrumpitur, si ab hoc fine declinetur. Caput
22 [90456] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio,
Liber 4 Caput 22 Titulus De
documentis Pythagoricis sub figuris et aenigmatibus traditis, et de duobus
Pythagoricis fidelissimis amicis [90457] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, lib.
4 cap. 22 Tradit etiam
Hieronymus ubi supra quasdam leges Pythagoricas ob conservationem suae
politiae sub quibusdam paradigmis et parabolis more antiquorum traditas :
fugienda, inquit, sunt modis omnibus et abscindenda, languor quidem a
corpore, imperitia ab animo, luxuria a ventre, a civitate seditio, a domo
discordia, et in commune a cunctis rebus intemperantia. Pythagoricorum etiam
sunt ista : amicorum omnia esse communia, et amicum se alterum esse : in quo
maxime fuit eorum conatus. Unde narrat maximus Valerius de duobus
Pythagoricis, seu Pythagorae discipulis, Damone et Pythia, quod tam fidelem
inter se iunxerunt amicitiam, quod cum alterum eorum Dionysius tyrannus morti
adiudicasset, et is tempus ab eo impetrasset, ut, priusquam periret,
profectus domum res domesticas ordinaret, alter vadem pro altero se tyranno
dare non dubitavit. Appropinquante autem diffinita die, nec illo redeunte,
cum unusquisque tam temerarium sponsorem stultitiae damnasset, is nihil se
amici constantiam metuere praedicabat. Eodem itaque momento, eademque hora
per Dionysium constituta, qui eam acceperat, supervenit. Admiratus tyrannus
amborum animum, supplicium remisit, eorumque fidei se coniungi desiderans,
eos, ut ipsum in societate suae amicitiae reciperent, rogavit. Scribit etiam
Hieronymus alia documenta, seu leges, quas Pythagoras in sua tradidit politia
: duorum videlicet temporum maxime curam habere, mane videlicet et vespere,
id est eorum quae acturi sumus, et eorum quae gessimus. Post Deum veritatem
colendam, quae sola homines proximos Deo facit. Refert etiam Hieronymus super
Ecclesiast. Pythagoricam fuisse doctrinam, ut homines scholastici usque post
quinquennium taceant, postea vero eruditi loquantur. Item : alia documenta et
leges de ipso reperiuntur sub aenigmatibus tradita, quae Hieronymus narrat,
contra Iovinianum : stateram, inquit, ne transilies; id est ne praetergrediaris
iustitiam. Ignem gladio ne foveas, id est, iratum et tumidum animum verbis
maledicis ne lacessas. Coronam minime carpendam, id est leges urbium
observandas. Cor non comedendum, id est moerorem de animo expellendum. Per
viam publicam ne ambules; id est, ne multorum sequaris errores. Hirundinem in
domo non habeas, id est garrulos et verbosos in tua societate non suscipias :
et multa alia documenta, vel his similia leges, quae in sua politia
praedictus philosophus tradidit, magis ordinata ad regimen animae, quam
corporis; qua regulata, corporalia facilius disponuntur. Et haec ad praesens
de diversorum politiis, dicta sufficiant. Nunc vero de vera vita politica,
sive per philosophum tradita, sive per alios sapientes, in sequentibus est
agendum. Caput
23 [90458] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio,
Liber 4 Caput 23 Titulus In quo
consistat perfecta politia, ex qua accipitur felicitas politica : scilicet
quando partes politiae sunt bene dispositae, et sibi ad invicem correspondent [90459] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, lib.
4 cap. 23 Quia vero cum de
politia agitur, ad civitatem refertur, modus agendi de ipsa ex qualitate
civitatis dependet. Civitas autem, ut Augustinus dicit in primo de Civ. Dei,
est hominum multitudo aliquo societatis vinculo colligata, quae vera virtute
beata redditur. Haec autem definitio a sententia philosophi non discordat,
qui in perfecto politiae regimine felicitatem ponit politicam, ut ex primo
Ethic. patet. Virtus enim, qua rector politicus civitatem gubernat, architecta
est respectu cuiuslibet aliarum virtutum, quae sunt in civibus : quia
caeterae virtutes civiles ordinantur ad istam, sicut ad militarem equestris
et sagittaria. Et ideo in operatione eius, cum sit virtus suprema, consistit
felicitas politica, ut philosophus videtur velle in commemorato iam libro.
Sic enim de vera et perfecta politia contingit, quemadmodum de corpore bene
disposito, in quo vires organicae sunt in perfecto vigore. Et si virtus
suprema quae est ratio, caeteras dirigat inferiores potentias, et ad suum
moveantur imperium, tunc insurgit quaedam suavitas et perfecta delectatio
virium in alterutrum, quam harmoniam vocamus : unde Augustinus dicit in
tertio de Civ. Dei, quod respublica sive civitas bene disposita melodiae
vocibus comparatur, in qua diversis sonis proportionatis ad invicem, fit
cantus suavis et delectabilis auribus : quae proprie fuit in statu
innocentiae regulata ex virtute originalis iustitiae praeter actum divinae
cognitionis : unde causabatur contemplativa felicitas, et etiam modo secundum
quamdam participatam virtutem in viris perfectis, ut nihil velint nisi quod
regula mandat rationis, et quod Deo placet. Et ex hac quidem ratione motus
fuit philosophus, assimilare rempublicam seu politiam naturali et organico
corpori, in quo sunt motus dependentes ex uno movente, sive ex duobus, ut
sunt cor et cerebrum; et tamen in qualibet parte corporis est operatio
propria primis motibus correspondens et in alterutrum subministrans : unde
hoc corpus divini muneris beneficio animari asserit, et quod summae
aequitatis, nutu Dei agitur moderamine rationis : quod et apostolus confirmat
in I ad Cor., ostendens totam Ecclesiam esse unum corpus distinctum in
partibus, sed unitum vinculo charitatis. Ad veram igitur civilitatem sive
politiam requiritur, ut membra sint conformia capiti et ad invicem non
discordent, et sint omnia sic disposita in civitate, ut iam est dictum.
Amplius autem : in causis et causatis, et moventibus et motis, ita videmus,
quod est debita proportio ipsorum ad invicem quantum ad influentiam : quia
inferiora moventur secundum superiorem motum, et superiora movent quantum est
inferiori conveniens, cum natura non deficiat in necessariis. Si igitur talis
est ordo superiorum ad inferiora, et e converso in qualibet natura creata, multo
magis esse debet in natura intellectuali, quanto perfectior est inter entia.
Si ergo talis dispositio suavitatem facit contemplando, multo magis operando.
Et hinc Pythagorici moti fuerunt in caelestibus corporibus ponere melodiam,
ut philosophus dicit in secundo de caelo, propter ordinatos motus quos
habent, et indeficibiles, unde insurgit summa suavitas : et quia ipsa fore
dicebant animata, ex hac parte eisdem dabant felicitatem. Ergo sic politice
vivere perfectam et felicem vitam facit. Praeterea : ordo est parium
dispariumque rerum, sua cuique tribuens dispositio, ut Augustinus dicit,
duodevigesimo de Civ. Dei : per quam definitionem habemus diversum gradum
in politia, tam in executionem officiorum, quam in subiectione, sive
obedientia subditorum : unde tunc est perfecta socialis congregatio, quando
quilibet in suo statu debitam habet dispositionem et operationem. Sicut enim
aedificium est stabile, quando partes eius sunt bene sitae, sic de politia
contingit, quod firmitatem habet et perpetuitatem, quando quilibet in suo
gradu, sive rector, sive officialis, sive subditus debite operatur, ut suae
conditionis requirit actio. Et quia ibi
nulla est repugnantia, consequenter ibi erit summa suavitas et perpetua
firmitas status : et hoc est proprium felicitatis politicae, ut philosophus
tradit. Hos autem tales rectores civitatis, sive politiae pro conservando in
pace populo, describit nobis in Exod., Iethro cognatus Moysi : provide,
inquit, de plebe viros potentes, in quibus sit veritas, et qui oderint
avaritiam, et constitue ex eis tribunos, et centuriones, et quinquagenarios,
et decanos, qui iudicent populum omni tempore. Et postea subdit : si
hoc feceris, implebis imperium domini, et praecepta eius poteris sustinere,
et omnis hic populus revertetur in pace ad loca sua : quasi omnia
subsistant in quadam suavitate mentis, et pace temporis, ex quibus insurgit
felicitas hominis, si tales sint gubernatores reipublicae quales hic
ordinantur. Tales et Salustius dicit fuisse rectores Romanos : unde
respublica ex parva facta est magna, quia in eis fuit domi industria, foris
iustum imperium, animus in consulendo liber, neque libidini neque delicto
obnoxius : in quibus tales actus virtuosi regiminis nobis traduntur, unde
perfecta et felix ostenditur politia. Caput
24 [90460] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio,
Liber 4 Caput 24 Titulus Dividit
politiam tripliciter, et unamquamque partem prosequitur, et primo qualiter in
partes distinguitur integrales secundum opinionem Socratis et Platonis [90461] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, lib.
4 cap. 24 Nunc igitur de his in
specie est agendum, in quae, sive in quas partes, civilitas, sive politia
dividitur. Quas quidem oportet accipere vel respectu totius civilitatis, cui
partes integrales respondent; vel respectu sui regiminis, aut ut ad negotia
ordinatur bellica : quia secundum hanc divisionem diversa sortiuntur vocabula
a diversis historiarum scriptoribus et auctoribus legum. Quantum autem ad
primum modum tradendi divisionem, accipere possumus superius tactam, quae est
Socratis et Platonis, qui totam politiam in quinque colligebant partes : in
rectores scilicet, consiliarios, bellatores, artifices et agricolas. Aliam
autem, quae est Romuli primi principis urbis Romae : qui, ut historiae
referunt, divisit multitudinem sui populi in tres partes, videlicet
senatores, milites et plebem. Politia vero Hippodomi per tria genera hominum
dicebatur et ipsa constitui, per bellatores, artifices et agricolas, ut supra
est traditum. Harum autem quaelibet sustineri potest, et rationem habet.
Prima enim, quae quinque hominum genera comprehendit, satis videtur
conveniens. Si enim vires animae consideremus, quarum respectu nostra
attenditur indigentia, unde accipitur constituendi civitatem necessitas,
manifestum est dictam divisionem esse sufficientem. Patitur enim homo
indigentiam respectu partis intellectivae, ut possit vivere secundum
virtutem, propter quod est sibi provisa directio in agendis : ad quod
ordinatur consiliativa, quae ponitur a philosopho inter intellectuales
virtutes. Unde in Eccli. scribitur : fili, inquit, sine consilio
nihil facias, et post factum non poenitebis. Et ideo in republica, sive
in politia consiliarii sunt optima pars eius : propter quod a Plutarcho
comparantur oculo, qui inter partes corporis est nobilior. Indiget etiam
refraenativa concupiscentiae, sive affectivae, quae inordinata est, ut ipse
philosophus tradit, unde ipsas aegritudines in septimo Ethic. appellat : et
inde necessarii sunt rectores ad corrigendum hominum malitiam; propter quod
et apostolus dicit, quod non sine causa gladium portat, vindex in iram ei
qui male fecit. Ex qua ratione institutae sunt leges per principes et
rectores, ut per philosophum patet, et ipse apostolus in epistola ad Gal. : lex,
inquit, propter transgressores posita est; et iterum : iusto non
est lex posita. Sunt etiam et aliae indigentiae humanae vitae, quae
respondent aliis potentiis animae, ut est tegumentum, ornamentum et
nutrimentum. Duo quidem prima indigentiam supplent partis sensitivae hominis;
quod artificum est officium sive in aedificiis, sive in vestimentis, sive
calceamentis, sive quibuscumque aliis artificialibus rebus, quae aspectum,
vel auditum, vel odoratum, sive tactum delectant, vel eisdem conferunt
supplementum. Sed ad indigentiam supplendam humanae vitae quantum ad nutrimentum,
quod respondet parti vegetativae, ordinantur agricolae sive in pane, sive in
vino, sive in fructibus, sive in gregibus, sive in armentis, sive in
volatilibus, quae omnia de iure ad civitatem per agricolas deferuntur et
transportantur. Bellatores autem congrua sunt pars politiae, ordinata quidem
contra impulsores aliarum partium, et ad ipsarum munimen. Ad hoc enim
constituitur miles in civitate, ut se pro sua patria contra hostes opponat :
unde ad hoc iuramento astringuntur cum ad gradum militarem ascendunt, pro
republica non recusantes mortem, ut in Policrato traditur, ubi de sacramento
militis agitur. Est ergo bellator in republica necessarius, et pars praecipua
politiae : quia eius officium est assistere principi pro exequenda iustitia,
ut dicitur in commemorato libro, et fideliter et constanter contra hostes
pugnare pro conservanda patria : et sic non solum parti politiae, sed toti,
militaris gradus in republica singulariter est fructuosus. Ex quibus omnibus manifeste patet sufficientia politiae
Socratis et Platonis quantum ad partes eius. Caput
25 [90462] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio,
Liber 4 Caput 25 Titulus Ostendit
sufficientiam partium integralium politiae quas Hippodomus tradit et Romulus [90463] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, lib.
4 cap. 25 Sed et de duobus
aliis modis iam dictis adhuc divisio tolerari potest : quia comprehenduntur
cum prima, cuius sufficientia est iam ostensa. Et quidem in divisione Romuli
cum de senatoribus agitur, rectores accipimus politicos et sapientes eis
adiunctos, sive assessores, sive quoscumque alios iurisperitos. Plus enim
principes politici sunt consiliativi quam regales vel imperiales; sicut et de
Romanis scribitur, I Mach., quod consulebant quotidie trecentos viginti de
multitudine, ut quae digna sunt gerant. Cuius ratio esse potest, quia
regimen politicum solis roboratur legibus, ut dictum est supra; regale vero,
sive imperiale, etsi legibus gubernetur, in casibus tamen opportunis, ac
gerendis quibuscumque negotiis regimen consistit in arbitrio principis : quia
pro lege habetur quod principi placuerit, ut iura definiunt. Concludendum est
igitur, in dominio politico consiliarios maxime fere necessarios, quos in
nomine senatorum includimus : unde Isidorus dicit in secundo Etymolog., quod
senator a consulendo et tractando est dictus, qui sic se habet ut consulat,
et nulli noceat; unde et Augustinus, de Civ. Dei, senes inter senatores
connumerat. Comprehendimus etiam in nomine senatoris rectores, sicut idem
Isidorus tradit in praenominato iam libro ex verbis Salustii dicentis, quod
senatores patres vocati sunt propter diligentem curam regiminis. Nam sicut
patres filios, ita illi rempublicam gubernabant. Patet igitur quod in nomine
senatorum, quos Romulus distinxit a militibus et plebeiis, etiam rectores et
consiliarios comprehendit, quos Socrates et Plato in sua Politic. posuerunt
distinctos. Sed in nomine plebis artifices et agricolas accipere possumus,
quia utrumque genus de gente plebeia accipitur. Et apparet, quod divisio
multitudinis in civitate per praefatos philosophos a divisione quam fecit
Romulus non discordat. De distinctione tamen Hippodomi iam praefati videtur
esse dubium : quia nulla fit ibidem mentio de consiliariis et rectoribus, nec
ad partes reduci valent per dictum philosophum assignatas, cum actus et
naturae ipsarum penitus sint diversa. Sed si attendimus ad ea quae ad
civilitatem eius sunt tradita quaestio facilius solvitur. Pertractat enim de iudicibus et assessoribus, ubi circa
ipsos suam ponit distinctionem, et nos ex ea possumus accipere consiliarios
et rectores : de quibus pro tanto mentionem non facit cum de partibus agit
politiae, eo quod illas partes solum assumit, quae ad indigentiam referuntur
corporalis vitae : unde et sua positio quantum ad substantiam a prima,
videlicet Socratis et Platonis, non videtur differre. Haec igitur de partibus
politiae, ex quibus constituitur, dicta sufficiant. Unum tamen de eis adhuc
considerandum videtur, de bellatoribus videlicet, quia omnes politiae de ista
parte faciunt mentionem; cuius quidem rationem habere possumus a Vegetio, de
arte militari, in fine primi libri, quia omnes regiones et civitates per
bellatores in suo sunt conservatae vigore, et quod respublica diminuta est
per dissuetudinem bellandi in urbe, post primum bellum Punicum per annos
viginti in pace vitam deducens; unde Romanos ubique victores sic enervavit,
ut in secundo bello Punico Hannibali pares esse non possent. Tot itaque
consulibus, tot exercitibus amissis, tunc demum ad victoriam pervenerunt, cum
exercitium militare condiscere potuerunt, et postea concludit : semper ergo
legendi exercitandique sunt iuniores. Utilius enim constat suos
erudire armis, quam alienos mercede conducere. Necessarii igitur sunt
bellatores omni tempore in republica, tum pro pace civium conservanda, tum
pro incursu hostium evitando : quorum considerato fructu in republica amplior
eis inter cives confertur honor, tanquam magis necessariis ad conservationem
politiae, et propter periculum cui se pro ipsa debent exponere. Propter quod
eisdem solis dabatur victoriosis corona. Hinc est quod in Policrato
assimilantur manui, quae secundum Aristotelem in secundo de anima est organum
organorum. Iura etiam ipsos milites ampliori decorant privilegio inter omnes
civiles sive in testamentis, sive in donationibus, seu in quibuscumque
negotiis, sed praecipue dum sunt in castris, ac suum exercent officium. Caput
26 [90464] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio,
Liber 4 Caput 26 Titulus Agit
ulterius de aliis partibus politiae respectu regiminis, ubi verba exponuntur
diversorum officialium [90465] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, lib.
4 cap. 26 De partibus autem
politiae respectu regiminis, quia Romana respublica magis ordinem praecipuum
tenuit, et post Tarquinium expulsum a regno gradus officialium ponitur ab
historiarum scriptoribus, de ipsis specialiter tanquam aliorum exemplaribus
est agendum. Narrant enim primo, consules institutos, brutum videlicet, qui
maxime egerat ut expelleretur Tarquinius, et Tarquinium Collatinum maritum
Lucretiae : sic dicti vel a consulendo civibus, vel a regendo cuncta
consilio; quos mutandos ideo elegerunt per singulos annos, ut dictum est
supra, ut nec insolens diu maneret, et moderatior cito succurreret. Propter
hoc autem duo pares erant, quia unus rem civilem, alter vero rei militaris
curam gerebat. Processu autem temporis, id est quinto ab eiectis regibus
anno, inventa est dictatura, occasione habita alicuius novitatis in urbe. Dum
enim gener Tarquinii ad vindicandum regis iniuriam magnum congregasset
exercitum contra civitatem, ad confortationem gentis nova instituta est
dignitas, quam dictaturam appellarunt, maior potestate ac imperio consulatu.
Item, tempore excellentior, quia de quinto in quintum annum ipsorum expirabat
officium, consulatus autem per annum. Hi dictatores magistri a populo
vocabantur, quam dignitatem ferunt historiae habuisse Iulium. Eodem etiam
anno tradunt magistrum equitum institutum, qui dictatori obsequebatur.
Dictator autem primus, ut scribit Eutropius fuit Lartius, sed magister
equitum spurius Cassius. Sexto autem anno, quia consules nimis gravabant
plebem, a populo instituti fuerunt tribuni, sic dicti, ut tradit Isidorus
Lib. nono Etymolog., eo quod iura populo tribuant : quem locum in civitatibus
Italiae tenent antiani, ordinati ad defensionem gentis plebeiae. Sed
advertendum hic, quod senatores semper fuerunt ex quo sunt a Romulo instituti
: unde tradunt historiae, quod quia consules cum senatoribus populo erant
infesti, inventi fuerunt tribuni in favorem plebis. Sunt autem et alia nomina
officialium urbis, de quibus historiae faciunt mentionem, sed praecipue
Isidorus libro nono Etymol, videlicet censores, patritii, praefecti,
praetores, patres conscripti, proconsules, exconsules, censorini, decuriones,
magistratus et tabelliones, de quibus omnibus sub compendio est dicendum.
Censoria autem dignitas apud veteres Romanos erat, quae apud modernos est
dignitas iudicialis : censere enim iudicis est. Dicuntur etiam censores
patrimoniorum, ut tradit idem Isidorus, a censu aeris appellati, quod est
officium specialis curae in civitate, sive in tutoribus dandis, sive
auctoribus, sive curatoribus, vel quibuscumque causis et negotiis pupillorum
et viduarum, vel etiam rebus patrimonialibus dividendis. Sed patritii ideo
dicuntur, quia sicut patres filiis, sic illi cives Romanae reipublicae curam
gerebant, qualis fuit domus Fabia, de qua dictum est supra. Patritiatus
igitur non erat officium in republica, sed quaedam paterna reverentia populi
ad aliquam progeniem civitatis pro zelo politiae Romanae quem gerebant : unde
et iura gentium patritiatum omni eminentiae, sive principatui praeferunt,
sicut pater omni curae tutoriae. Praefecti autem dicti sunt, eo quod
praetoria potestate praesint, unde et praetores idem quod praefecti dicuntur.
Importat enim tale officium omnimodam factionem quasi praecipuus sit operator
et executor iustitiae. Scriptura tamen sacra ad exteriores refert actiones,
ut in principio Exodi scribitur, quod praecepit Pharao praefectis operum
et exactoribus populi, dicens : nequaquam ultra dabitis populo paleas ad
conficiendos lateres. Hi autem et praetores vocabantur ex prosecutione
iustitiae. Patres autem conscripti appellabantur senatores ratione officii.
Ut enim refert Isidorus, cum Romulus ipsos instituit in decem curias, ipsos
eosdem elegit, et nomina eorum praesenti populo in tabulas aureas contulit,
atque inde nominati sunt patres conscripti, quos etiam in tres ordines
distinxit. Primi vocabantur illustres, secundi spectabiles, tertii autem
clarissimi : quorum verba exponere longum esset. Proconsules autem dicti sunt
coadiutores consulum quasi proiecti, sive adiecti consulibus; nec consulatu
fungebantur simpliciter, sicut nec procurator curatoris sive actoris; vel
proconsul dicebatur assessor, qui vide consulum iudicabat. Exconsul vero
dicebatur consul amotus ab officio, peracto vicis suae anno, unde exconsul
quasi extra consulatum existens. Habebat tamen aliqua fastigia sui consulatus
sive alicuius immunitatis, sive alicuiuscumque signi eminentiae, per quod
cognoscebatur fuisse consul. Censorini autem minores iudices dicebantur, ad
actus censoriae curiae vel regiminis deputati, de qua dictum est supra, quasi
inferiores censores. Sed decuriones ad omnem actum curialis officii : sic
dicti, ut dicit Isidorus, quia sunt de ordine curiae, et quia officium curiae
administrant : sic vocatus est Ioseph ab Arimathaea, nobilis videlicet
decurio, ac vir iustus et bonus, qui pro domino nostro Iesu Christo mercatus
sindonem, officiosissimam et reverendissimam contulit sepulturam. De
magistratu autem in fine superioris libri satis est declaratum. Nunc autem
agendum est de altero officio et infimo cuiuscumque regiminis, quod est
tabellio : sic dictus, ut tradit Isidorus, quoniam portitor sit tabellarum et
susceptor, in quibus acta geruntur sive reipublicae, sive personae privatae.
Idem etiam et Scriba publicus vocatur, quia ea solus scribit gesta quae
publica vocantur, quem et iura gentium servum publicum appellant. Restat
autem de uno solo nomine dignitatis diffinire quantum ad regimen politiae,
quod Scipio appellatur : quod quidem secundum proprietatem vocabuli baculus
dicitur, cui quasi ad sui ducatum innititur et sustentatur, quo pater
Cornelii Scipionis indiguit. Hunc autem patrem tradunt historiae fuisse caecum,
unde cum baculo, sive scipione veniebat in forum. Ad huius igitur
similitudinem filius eius Publius Cornelius, quia sustentavit rempublicam
contra Hannibalem et Carthaginem, vocatus est Scipio; et quia totam Africam
subiugavit Romanis, dictus est Scipio Africanus ad differentiam alterius
Scipionis, nepotis eius, qui Hispaniam devicit, et vocatus est Lucius
Cornelius Numantinus, a Numantia, quam subiecit ac prostravit. Scribit etiam Augustinus, primo de Civ. Dei, tertium
fuisse Scipionem, qui et Nasica est vocatus, frater maioris Scipionis, qui ne
Carthago destrueretur prohibuit, asserens ipsam esse medicinam Romanis. Ex
his igitur propter probitatem tantorum virorum considerato principio, unde
nomen Scipionis ortum habuit, scipionem legislatores vocarunt virgam, quam
princeps portat in manu cum sceptro quasi semper victoriosus, ut ille magnus
Scipio fuit. Unde narrat Isidorus in decimoseptimo Etymologiarum, quod triumphantes
purpuram palliatam, et togatam habebant vestem, et scipionem cum sceptro
gerebant in manu ad imitationem victoriae Scipionis. Haec igitur de nominibus dignitatum respectu regiminis
in tantum sint dicta. Caput
27 [90466] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio,
Liber 4 Caput 27 Titulus De
partibus politiae quantum ad bellatores, quas distinguit secundum triplicem
considerationem [90467] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, lib.
4 cap. 27 Sed et de partibus
ordinatis ad bellum, quae sunt partes politiae, et eidem necessariae, ut
superius est probatum, congruum videtur tradere : quae quidem bene dispositae
pulchritudinem et decorem causant, et delectationem generant : ex quo etiam
ingens cordis augmentum, audacesque reddunt animos ad arduorum aggressum.
Unde Salomon in canticis, exercitum dispositum ad bellandum pulchritudinis
sponsae assimilat et decori : pulchra, inquit, es et decora, filia
Ierusalem, terribilis ut castrorum acies ordinata. Sic enim pulchritudo
allicit, ut extasim faciens nihil aggredi timeat vel formidet; quod in
excessivis amantibus maxime est manifestum. Ita etiam de acie bene ordinata
contingit, et ideo ipsam terribilem vocat, sive ad pulchritudinem sponsae,
sive ad aciem referens ex causa iam dicta. Propter quod non immerito de
dictis partibus est agendum, quia ad ornatum faciunt politiae. Et quia homo
in bello praecipue regimine indiget propter difficilem et terribilem actum
quem exercet, inde opportunum videtur in castris exercitum dividere in
numerum certum, cuilibet assignando ducatum, per quem regatur et dirigatur ad
pugnandum cum hostibus. Quem quidem accipere possumus a Vegetio, in secundo
Lib. de re militari, ubi exercitus dividitur in legiones : in quo dicit duas
sufficere cuilibet duci vel consuli. Legionem dividit in decem
cohortes; sed cohors prima numero et merito antecedit. Nam genere quidem et litterarum instructione viros
electissimos quaerit, ut idem tradit Vegetius : quod pro tanto dicit, ut
castra magis confidant, si tanti viri in prima exponantur acie, et quia
maxime requiritur sapientia, ubi periculum totius dependet exercitus. Haec
autem cohors aquilam suscipit signum praecipuum Romanorum castrorum, et
totius legionis insigne : quod et imperatoribus posterioribus est relictum.
Cuius quidem ratio assignari potest, quia, ut idem dicit Vegetius, militaris
Romana disciplina primas acies faciebat alares : inter omnes autem avium alas
aquilinae sunt fortiores. Vel aliter dici potest, quod ideo signum aquilae
eis traditur ex praeeminentia, videlicet in mundo, quantum ad dominium,
propter caelestem et divinum effectum, quem implorare debent continue, ut
faciebat ille princeps Iudas Machabaeus, qui in pugnando auxilium de caelo
petebat : quod praecipue eis competit propter periculum cui se committunt,
vel quia merentur apud Deum ut sint victoriosi, eo quod morti se exponunt pro
populo. De qua aquila dicitur in Ezechiele, loquente de Nabuchodonosor
orientis monarcha : aquila grandis, magnarum alarum, longo membrorum
ductu, plena plumis et varietate, venit ad Libanum, et tulit medullam cedri.
Post
hoc subdit Vegetius numerum primae cohortis, quam millenariam vocat, eo quod
mille centum pedites in ea sunt, equestres autem centum triginta sex. Caeteras autem vocat quinquagenarias, quia in qualibet
ponit quingentos quinquaginta quinque pedites, equestres autem sexaginta sex,
ut quilibet eques certum numerum peditum habeat. Disponit etiam in quinta
cohorte milites fortiores, quia sicut prima dextrum tenet cornu, ita et
quinta sinistrum. Multa alia dicit ibi Vegetius, quae enumerare nimis esset
longum, et verba eius tanquam inusitata modernis temporibus maiori indigerent
expositione. Haec autem tantum ad praesens sufficiant. Quod si multitudo
populi in politia sub certis limitibus in gradu et numero disponitur quantum
ad sui directionem, multo magis in castris, in quibus maxima et
periculosissima est difficultas regiminis, tum ex parte operis quod eis
incumbit, quia ad finem terribilium ordinatur, quod est mors; tum ex parte
hostium qui infestant. Unde sicut in Exod. consulitur Moysi a cognato suo
Iethro, ut onera divideret per officia diversa in iudicando populum, ubi ait
: provide viros potentes (...) et qui oderint avaritiam, et constitue ex
eis tribunos, et centuriones, et quinquagenarios, et decanos, qui iudicent
populum : ita et Iudas Machabaeus cum infestaretur ab hostibus, sua
castra divisit, in eodem numero constituendo duces, per tribunos videlicet,
centuriones, pentacontarchos et decuriones : qui quidem numerus satis
proportionatus est militibus ad distinctionem exercitus : unde unus in altero
continetur, ut facilior sit ad coniunctionem unius cum altero, cum bellandi
necessitas hoc requirit. Distinctio vero, quam facit Vegetius ex dispositione
acierum, attenditur cum campale bellum ordinatur, licet etiam ipse cohortes
ad centurias reducat et decurias ex certis causis, et rationibus. Caput
28 [90468] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio,
Liber 4 Caput 28 Titulus De
nominibus ducum et de numero cohortum, et quid significat unumquodque [90469] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, lib.
4 cap. 28 Sed quia de nominibus
agitur ducum, videndum est de ipsis prout Scriptura sacra denominat, et
Romana respublica, ac moderni describunt. Et primo quidem de tribuno : quod
quidem nomen dicit Vegetius ex tribu originem habere, quia praeerat militibus
quos Romulus elegerat, qui ex tribu originem traxerunt. Isidorus autem in
nono Etymolog. dicit, quod tribuni dicti sunt, quod plebeiis iura praebent :
unde in favorem eorum sunt instituti proconsules. Alibi vero dicitur quod
tribuni dicebantur qui mille militibus praeerant, quos Graeci chiliarchos
appellant, sicut centuriones a centum militibus sunt nominati. De
quinquagenariis, sive pentacontarchis, quod idem est, Vegetius mentionem non
facit; sed Scriptura sacra in praefatis iam libris et in IV Lib. Reg., quos
ad imprecationem Heliae iuxta eorum meritum flamma combussit. Sed decanos, sive
decuriones, sic dictos, quod decem militum curam habent in castris, Vegetius
sub uno contubernio et uno papilione disponit. Nomina vero generalia
multitudinis armatorum ad pugnandum dispositae haec sunt : videlicet
exercitus ab exercitio, sive ab exercitando dictus, utrumque enim in
praedicta requiritur multitudine : vocantur et castra, a castitate dicta, ut
tradit Isidorus, eo quod ibi debet castrari libido. Subtrahebantur enim
deliciae a castris, cum incumberet hostium pugna, ut Vegetius scribit : unde
castra filiorum Israel devicta fuerunt a Madianitis, quia fornicati sunt cum
filiabus eorum, ut scribitur in Num. Propter quod in Deut. scribitur, quod
dominus ambulabat in medio castrorum Israelitici populi, ut sint castra eorum
sancta, nihilque in eis appareat foeditatis. Vel
castra dicebantur propter munitionem exercitus in aggeribus et vallibus, ac
aliis clausuris fortissimis, quibus Romani principes utebantur cum invadebant
hostes. Propter quod fossores, fabri, ac latomi assumebantur ad militarem disciplinam,
ut haberent in promptu artifices necessarios ad tuitionem exercitus. Est et
aliud nomen, per quod et multitudo pugnatorum exprimitur, videlicet legio, ab
electione dicta, ut tradit Isidorus, eo quod milites in ea contenti
eligebantur ab aliis tanquam magis experti. Quaedam autem alia nomina sunt
partium legionum, sive exercitus, quae a Vegetio traduntur in secundo Lib.,
et ab Isidoro Lib. nono, ut manipulus, qui est numerus ducentorum militum,
sic dictus quod mane hostes impeteret, sive quod pro signo manipulos
stipulae, sive alicuius herbae ferret secum, de quibus Lucanus : convocat
armatos ex templo ad signa manipulos. Alii vocantur velites, a volitando
dicti, propter suam agilitatem. Romana enim respublica quosdam iuvenes agiles
habebat in militia legionum, qui cum invaderent hostes, consedebant post
equitum terga, tunc subito desilientes de equis turbabant hostes. Tales autem
milites Hannibali, ut scribit Isidorus, multum fuerunt infesti, per quos
elephanti eius in maiori parte sunt interempti : qualis fuit ille Eleazarus,
de quo traditur in I Mach., quod exiliens in medium legionis contra castra
regis Antiochi bestiam invasit elephantinam loricatam loricis regis, ipsamque
bestiam occidit. Est et aliud genus armatorum, quod acies nuncupatur ab acuitate
dicta, ut Isidorus dicit, quod audaciam importat in aggrediendo hostes, de
qua Scriptura sacra saepius mentionem facit : unde et de una tribu
Israelitici populi scribitur in Paralipom., quod egrediebantur ad pugnam in
acie provocantes contra hostes. Aliud etiam nomen est, quod cuneus appellatur
quasi coitus, quod est in unum collecta multitudo ad pugnandum, et maxime
necessarius in bellando; de quo in Deut. dicitur, quod unusquisque suos
cuneos praeparabit ad bellum : a quo forte conostabulus vocabulum trahit apud
modernos usitatum, quasi caput cunei stabilis, hoc est constantis et fortis.
Est et aliud nomen novum apud Tuscos de prima cohorte, et quasi eiusdem
Romanae cohortis similitudinem gerens, qua censu, genere, litteris, forma,
virtute pollentes milites innitebantur, ut dicit Vegetius, cui tribunus
praeerat armorum scientia, virtute corporis, ac morum honestate praecipuus,
quam trapellum acies hostium appellata : hoc enim verbum trapellationis
importat. Sed et de officialibus castrorum multa tradit Vegetius in secundo
Lib., sed haec, quae dicta sunt sub compendio, ad praesens sufficiant,
quantum pertinet ad politiae tractatum in hoc quarto libro. Restat ulterius de principatu oeconomico, hoc est de
regimine domus, quod est patrisfamilias : qui quidem materiam habet omnino
distinctam ab aliis principatibus. Et ideo congruum videtur hoc per se opus
componere, distinguendo per libros sive tractatus, et sua capitula, prout
natura facti requirit : qua in re philosophus eumdem modum tenet. Et ultimum
de virtutibus quae requiruntur ad partes regiminis in quocumque genere, sive
sint subditi, sive rectores, sive principes, sive subiecti fideles; quia sic
requirit ordo doctrinae in arte vivendi, et non simul ac mixtim tractare de
ipsis, ut quidam fecerunt : quia hoc est impedire intellectum discentis, et
est contra normam dicentis. |
|
[1] Pour s'éclairer sur les divers problèmes que
soulève le De Regno, consulter les
ouvrages suivants : Marcel DEMONGEOT, Le meilleur régime politique selon saint
Thomas, A. Blot, éd., Paris, 1928; les études que M. Jacques MARITAIN a
consacrées aux problèmes de philosophie de la culture, notamment Religion et
culture, Du régime temporel et de la liberté, Desclée de Brouwer,' éd :,
et-surtout : . Humanisme intégral, Aubier, éd., etc.; abbé Charles JOURNET, L'Eglise
du Verbe incarné, Desclée de Brouwer, éd., Paris, 1940; dans Etienne GILSON, Le
thomisme, 4e éd. revue et augmentée, Paris, Vrin, 1942, on pourra
lire Ille partie, ch. I-IV, p. 363-371, et ch. IV, p. 417-454.
[2] Cf. M. DEMONGEOT, op. cit.,
p. 50. 2 E. GILSON, op. cit., p. 450.
[3] M. DEMONGEOT, op. cit., p.
53.
[4] Le Message de Noël 1944 de S. S. Pie XII affirme
cette aspiration des peuples à la démocratie.
[5] Summa Theologica, I-II,
105, 1, traduit dans E. GILSON, op. cit., p. 451. Sur la nécessité de la vertu
chez les dirigeants, cf. Summ. Theol., 1-II, 92, 1, ad 3.
[6] Introduction aux opuscules de saint Thomas d'Aquin,
1927, p. VII.
[7] Ibid., p. LII.
[8] L'art de vérifier les dates des faits historiques,
des chartes, des chroniques et autres anciens monuments, par les religieux bénédictins,
de la Congrégation de Saint·Maur, Paris, 1770, p. 388.
[9] Bibliographie thomiste, 1921, p. xx.