Rigans montes, cap. 4
Ordo autem generationis tangitur hic quantum ad tria, scilicet, quantum ad communicandi ordinem ; et quantum ad quantitatem et qualitatem doni accepti.
Primo quantum ad communicandi ordinem : quia non totum quod in divina sapientia continetur, mentes doctorum capere possunt.
Unde non dicit : « superiora montibus influens », sed : « de superioribus rigans » ; Iob XXVI : « ecce haec ex parte dicta sunt ».
Similiter etiam, nec totum quod doctores capiunt, auditoribus effundunt, II Cor. XII : « audivit archana verba quae non licet homini loqui ».
Unde non dicit : « fructum montium terrae tradens », sed : « de fructu terram satians ».
Et hoc est quod dicit Gregorius in XVII Moralium exponens illud Iob XXVI : « qui ligat aquas in nubibus suis, ut non erumpant pariter deorsum : praedicare non debet rudibus doctor quanta cognoscit, quia et ipse de divinis mysteriis cognoscere non valet quanta sunt ».
Secundo, tangitur ordo quantum ad modum habendi :
quia sapientiam Deus habet per naturam. Unde superiora
sua esse dicuntur illi, scilicet naturalia,
Iob XII :
« apud ipsum scientia et fortitudo ; ipse habet consilium et intelligentiam ».
Vulg. : Apud ipsum est sapientia et fortitudo etc.
Sed doctores scientiam participant ad copiam. Unde de superioribus rigari dicuntur, Eccli. XXIV : « rigabo hortum plantationum, et inebriabo prati mei fructum ».
Sed auditores eam participant ad sufficientiam, et hoc significat terrae satietas, Psal. : « satiabor cum apparuerit gloria tua ».
Tertio, quantum ad virtutem communicandi :
quia Deus propria virtute sapientiam communicat. Unde per seipsum montes rigare dicitur.
Sed doctores sapientiam non communicant nisi per ministerium. Unde fructus montium non ipsis, sed divinis operibus tribuitur. « De fructu », inquit, « operum tuorum ».
I Cor. III : « quid igitur est Paulus ? » Et infra : « ministri eius cui credidistis ».
Sed « ad haec quis tam idoneus ? » II Cor. II.
Requirit enim Deus : ministros innocentes, Psal. : « ambulans in via immaculata, hic mihi ministravit », intelligentes, Prov. XIV : « acceptus est regi minister intelligens », ferventes, Psal. : « qui facis Angelos tuos spiritus, et ministros tuos ignem urentem », item, obedientes, Psal. : « ministri eius qui faciunt voluntatem eius ».
Sed quamvis aliquis per se, ex seipso, non sit sufficiens ad tantum ministerium, sufficientiam tamen potest a Deo sperare, II Cor. III : « non quod sufficientes simus cogitare aliquid ex nobis, quasi ex nobis ; sed sufficientia nostra ex Deo est ».
Debet autem petere a Deo, Iac. I : « si quis indiget sapientia postulet a Deo, qui dat omnibus affluenter et non improperat, et dabitur ei ».
Oremus. Nobis Christus concedat. Amen.
Rigans montes, cap. 4
L’ordre de génération [de la doctrine spirituelle] est traitée ici sur trois points : l’ordre de sa communication, la quantité et la qualité du don reçu.
Premièrement, l’ordre de sa communication, car ce n’est pas tout ce qui est contenu dans la sagesse divine que les esprits des docteurs peuvent comprendre.
Voilà pourquoi le psalmiste ne dit pas « déversant ses hauteurs sur les montagnes », mais « arrosant depuis ses hauteurs ». Jb 26, 14 : « Toutes ces choses ne sont dites être qu’une partie [de ses œuvres] ».
De même, aussi, les docteurs ne révèlent pas aux auditeurs tout ce qu’ils comprennent, II Co 12, 4 : « il entendit des paroles secrètes dont il n’est pas permis à l’homme de parler ».
Voilà pourquoi le psalmiste ne dit pas « donnant à la terre le fruit des montagnes », mais « la terre se rassasie du fruit ».
C’est ce que dit saint Grégoire dans Les Moralia, XVII, lorsqu’il commente Jb 26, 8 : « il enferme les eaux dans ses nuages, afin qu’elles ne se déversent pas toutes ensembles », en disant : « le docteur ne doit pas prêcher aux débutants tout ce qu’il connaît, car lui-même n’est pas capable non plus de tout connaître des mystères divins ».
Deuxièmement, l’ordre [de génération de la doctrine spirituelle] quant à la manière de la posséder.
Car Dieu possède la sagesse par nature. Aussi les hauteurs sont-elles dites siennes, c’est-à-dire naturelles. Jb 12, 13 : « En Lui sont la science et la force ; il possède le conseil et l’intelligence ».
Tandis que les docteurs possèdent la sagesse par participation abondante. Aussi les docteurs sont-ils dits arrosés depuis les hauteurs. Si 24, 42 (31) : « Je vais arroser mon jardin de plantes et abreuver en abondance les fruits de ma prairie ».
Et que les auditeurs la possèdent par participation suffisante. Ce que signifie le rassasiement de la terre. Ps 16, 15 : « Je serai rassasié quand apparaîtra votre gloire ».
Troisièmement, l’ordre [de génération de la doctrine spirituelle] quant à la vertu de communication.
Car c’est par sa propre vertu que Dieu communique la sagesse. Aussi les montagnes sont-elles dites arrosées par Lui.
Tandis que les docteurs ne communiquent la sagesse que par ministère. Aussi les fruits des montagnes ne sont-ils pas attribués à leurs œuvres mais aux œuvres divines. « Du fruit », est-il dit, « de vos œuvres. »
I Co 3, 4-5 : « Qu’est-ce donc Apollos et qu’est-ce que Paul ? Des ministres, au moyen desquels vous avez cru. ».
Mais « de cela qui en est tellement capable ? » (II Co 2, 16).
Car Dieu requiert des ministres qu’ils soient innocents, Ps 100, 6 : « celui qui marche dans une voie immaculée est mon ministre » ; intelligents, Pr 14, 35 : « la faveur du roi va au ministre intelligent », fervents, Ps 103, 4 : « des vents vous faites vos messagers, du feu enflammé vos ministres » ; et obéissants, Ps 102, 21 : « vous, ses ministres, qui faites sa volonté ».
Mais bien que personne, par lui-même et de lui-même, ne soit capable d’un tel ministère, il peut cependant en espérer de Dieu la capacité, II Co 3, 5 : « non que nous soyons capables de supputer quoi que ce soit de nous comme venant de nous, mais notre capacité vient de Dieu ».
Il doit alors la demander à Dieu. Jc 1, 5 : « Si quelqu’un manque de sagesse, qu’il la demande à Dieu, lequel donne à tous avec profusion et sans faire de reproche ; et elle lui sera donnée ».
Prions le Christ de nous l’accorder. Amen.