THOMAS D'AQUIN

COMMENTAIRE SUR LES 54 PREMIERS PSAUMES

Traduction de Jean-Éric STROOBANT DE SAINT-ÉLOY, osb

Mise à disposition pour le Web par les Éditions du Cerf, Paris, 1996

Edition numérique http://docteurangelique.free.fr  2004

Les œuvres complètes de saint Thomas d'Aquin

 

 

PROLOGUE DE SAINT THOMAS D'AQUIN_ 2

COMMENTAIRE DU PSAUME 1_ 7

COMMENTAIRE DU PSAUME 2_ 10

COMMENTAIRE DU PSAUME 3_ 18

COMMENTAIRE DU PSAUME 4_ 22

COMMENTAIRE DU PSAUME 5_ 27

COMMENTAIRE DU PSAUME 6_ 35

COMMENTAIRE DU PSAUME 7_ 41

COMMENTAIRE DU PSAUME 8_ 51

COMMENTAIRE DU PSAUME 9_ 57

COMMENTAIRE DU PSAUME 10_ 73

COMMENTAIRE DU PSAUME 11_ 77

COMMENTAIRE DU PSAUME 12_ 81

COMMENTAIRE DU PSAUME 13_ 85

COMMENTAIRE DU PSAUME 14_ 90

COMMENTAIRE DU PSAUME 15_ 93

COMMENTAIRE DU PSAUME 16_ 98

COMMENTAIRE DU PSAUME 17_ 106

COMMENTAIRE DU PSAUME 17_ 133

COMMENTAIRE DU PSAUME 19_ 160

COMMENTAIRE DU PSAUME 20_ 165

COMMENTAIRE DU PSAUME 21_ 171

COMMENTAIRE DU PSAUME 22_ 187

COMMENTAIRE DU PSAUME 23_ 190

COMMENTAIRE DU PSAUME 24_ 196

COMMENTAIRE DU PSAUME 25_ 206

COMMENTAIRE DU PSAUME 26_ 210

COMMENTAIRE DU PSAUME 27_ 220

COMMENTAIRE DU PSAUME 28_ 226

COMMENTAIRE DU PSAUME 29_ 232

COMMENTAIRE DU PSAUME 30_ 239

COMMENTAIRE DU PSAUME 31_ 253

COMMENTAIRE DU PSAUME 32_ 260

COMMENTAIRE DU PSAUME 33_ 271

COMMENTAIRE DU PSAUME 34_ 281

COMMENTAIRE DU PSAUME 35_ 298

COMMENTAIRE DU PSAUME 36_ 304

COMMENTAIRE DU PSAUME 37_ 327

COMMENTAIRE DU PSAUME 38_ 339

COMMENTAIRE DU PSAUME 39_ 348

COMMENTAIRE DU PSAUME 40_ 358

COMMENTAIRE DU PSAUME 41_ 367

COMMENTAIRE DU PSAUME 42_ 375

COMMENTAIRE DU PSAUME 43_ 378

COMMENTAIRE DU PSAUME 44_ 388

COMMENTAIRE DU PSAUME 45_ 404

COMMENTAIRE DU PSAUME 46_ 411

COMMENTAIRE DU PSAUME 47_ 415

COMMENTAIRE DU PSAUME 48_ 421

COMMENTAIRE DU PSAUME 49_ 432

COMMENTAIRE DU PSAUME 50_ 442

COMMENTAIRE DU PSAUME 51_ 456

COMMENTAIRE DU PSAUME 52_ 461

COMMENTAIRE DU PSAUME 53_ 465

COMMENTAIRE DU PSAUME 54, 1-16_ 468

IMPORTANCE DES COMMENTAIRES DE L'ECRITURES DE SAINT THOMAS_ 477

LE PSAUTIER DANS LA VIE DE SAINT THOMAS (1225-1274) 478

LE COMMENTAIRE SUR LES PSAUMES_ 479

TABLE ANALYTIQUE_ 482

 

 

 

PROLOGUE DE SAINT THOMAS D'AQUIN

 

"Pour toute son oeuvre, il donna louange au Saint et au Très-Haut, dans des paroles de gloire." Si 47, 9. Ces paroles s'appliquent à David au sens littéral, et elles sont utilisées à bon droit pour illustrer la cause du livre des Psaumes. Ces paroles nous montrent les quatre causes de ce recueil, à savoir la cause matérielle, modale ou formelle, finale et efficiente.

La matière est universelle. En effet, tandis que chaque livre de l'Écriture sainte contient des matières particulières, le psautier renferme la matière générale de toute la théologie; et c'est ce qui fait dire à Denys, dans son Commentaire de la hiérarchie céleste, que "comprendre les chants divins", c'est-à-dire les Psaumes, "c'est chanter toutes les opérations divines et sacrées". Ainsi la matière est-elle signifiée par ces mots: "Pour toute son oeuvre", car ce livre traite de toute l'oeuvre divine.

Or l'oeuvre de Dieu est quadruple.

- L'oeuvre de la création: "Dieu se reposa le septième jour de toute son oeuvre."

- L'oeuvre du gouvernement: "Mon Père ne s'arrête pas de travailler."

- L'oeuvre de la rédemption: "Ma nourriture est de faire la volonté de celui qui m'a envoyé et de mener son oeuvre à bonne fin."

- L'oeuvre de la glorification: "La gloire du Seigneur remplit son ouvrage."

Et c'est de toutes ces oeuvres dont il est traité d'une manière complète dans cet enseignement.

- D'abord de l'oeuvre de la création: "Quand je vois tes cieux, ouvrage de tes doigts."

- Ensuite de l'oeuvre du gouvernement divin, car toutes les histoires de l'Ancien Testament sont exposées dans ce livre: "J'ouvrirai ma bouche en paraboles: je dirai des choses cachées dés le commencement; combien de grandes choses nous avons entendues et vues, et que nos pères nous ont racontées."

- Puis celle de la rédemption quant à la tête, c'est-à-dire le Christ; et quant à tous les effets de sa grâce: "Je me suis couché et je me suis endormi; et je me suis levé, parce que le Seigneur m'a pris." En effet tout ce qui a trait à la fin de l'Incarnation est clairement exposé dans ce recueil, de telle sorte qu'il semble être presqu'un évangile, et non une prophétie.

- Enfin de l'oeuvre de la glorification: "Les saints exultent dans la gloire; ils se réjouissent sur leurs lits."

Et la raison pour laquelle le psautier est le livre le plus utilisé dans l'Église, c'est qu'il renferme toute l'Écriture. Ou bien, selon la Glose, pour nous donner l'espérance de la miséricorde divine: car bien que David eût péché, il répara cependant par la pénitence.

La matière est donc universelle, parce qu'elle traite de toute l'oeuvre divine. Et parce que cela se rapporte au Christ: "Car il a plu à Dieu de faire résider en lui toute la plénitude de la divinité." Voilà pourquoi la matière de ce livre est le Christ ainsi que ses membres.

Le mode ou la forme se trouve dans l'Écriture sainte sous de multiples manières.

- Le mode narratif: "Le Seigneur n'a-t-il pas rendu les saints capables de narrer toutes ses merveilles ? "Et cela se trouve dans les livres historiques.

- Le mode d'admonestation, d'exhortation, de commandement: "Ainsi dois-tu parler, exhorter et reprendre avec pleine autorité" Et: "Donne ces avertissements, prenant le Seigneur à témoin. Évite les disputes de paroles; car cela ne sert qu'à pervertir ceux qui écoutent." Ce mode se trouve dans la loi, les prophètes et les livres de Salomon.

- Le mode de discussion: et cela dans Job et l'Apôtre: "Il me plaît de disputer Dieu."

Le mode de déprécation ou de louange: et c'est le mode qui se trouve dans ce livre; car tout ce qui est dit dans les autres livres sous les modes que nous venons de citer, est exposé ici sous le mode de la louange et de la prière: "Je te louerai Seigneur de tout mon coeur; je raconterai toutes tes merveilles."

Et c'est pourquoi l'Ecclésiastique dit: "Il donna louange", car il s'exprime sous forme de louange.

Et ces mots justifient le titre qui est: Ci-commence le livre des hymnes, ou des soliloques du prophète David au sujet du Christ. Une hymne est une louange divine accompagnée du chant. Mais le chant est l'exultation de l'âme possédée par les réalités éternelles, se répandant au-dehors par la voix. Il convient donc de louer Dieu avec exultation. Le soliloque est la conversation de l'homme avec Dieu seul à seul, ou avec soi uniquement, car cela convient à celui qui loue et qui prie.

La finalité du livre des Psaumes est la prière qui est une élévation de l'esprit vers Dieu. Jean Damascène dit de "la prière" qu'elle "est une élévation de l'intelligence vers Dieu."

On lit en effet dans un psaume: "Que ma prière soit dirigée comme l'encens en ta présence: que l'élévation de mes mains soit un sacrifice du soir." Or l'âme s'élève vers Dieu de quatre manières.

- D'abord pour admirer l'élévation de sa puissance: "Levez vos yeux en haut et regardez: qui a créé ces choses ?" Et: "Que tes oeuvres sont admirables Seigneur."

Et telle est l'élévation de la foi.

- Ensuite l'âme s'élève pour tendre à l'excellence de la béatitude éternelle: "Alors tu lèveras ton front sans tache, tu seras ferme et tu ne craindras pas. Car alors tu oublieras la peine. Plus brillante que le midi se dressera l'existence, la nuit sera comme le matin."

Et telle est l'élévation de l'espérance.

- Puis l'âme s'élève afin d'adhérer à la bonté divine et à la sainteté: "Élève-toi, lève-toi Jérusalem."

Et telle est l'élévation de la charité.

- Enfin l'âme s'élève pour imiter la justice divine dans son action: "Élevons nos coeurs et nos mains vers Dieu qui est dans les cieux."

Et telle est l'élévation de la justice.

Et ces quatre modes sont suggérés lorsqu'il dit: "Au Saint et au Très-Haut"; car les deux derniers modes d'élévation se rapportent au mot "Saint", les deux premiers au mot "Très-Haut".

Et que telle soit la fin de cette Écriture, on le trouve dans les Psaumes.

D'abord au sujet du mot "Très-Haut": "Du lever du soleil jusqu'à son coucher, louable est le nom du Seigneur. Il est élevé au-dessus de toutes les nations, le Seigneur, et au-dessus des cieux est sa gloire."

Ensuite à propos du mot "Saint". - "Qu'on célèbre ton grand nom, car il est redoutable et saint." C'est pourquoi Grégoire dit, dans sa première homélie sur Ézéchiel, que la voix qui chante le psaume, si elle est guidée par l'attention du coeur, prépare au Seigneur tout-puissant un chemin vers le coeur, de telle sorte qu'il répand sur l'âme attentive soit les mystères de la prophétie, soit la grâce de la componction.

Donc la finalité du livre des Psaumes, c'est que l'âme soit unie à Dieu, comme au Saint et au Très-Haut.

Quant à l'auteur de ce recueil, il est signifié par ces mots: "Dans des paroles de gloire." Il faut noter qu'il en va autrement de l'Écriture sainte et des autres sciences. Car les autres sciences proviennent de la raison humaine, tandis que cette Écriture a été écrite par l'impulsion de l'inspiration divine: "Ce n'est pas par vouloir humain que la prophétie a jamais été apportée; mais c'est inspirés par l'Esprit-Saint qu'ont parlé les saints hommes de Dieu." Et c'est pourquoi la langue humaine se comporte à l'égard de l'Écriture sainte comme la langue d'un enfant qui répète des paroles données par un autre: "Ma langue est le roseau d'un scribe agile." Et: "L'Esprit du Seigneur a parlé par moi, et sa parole est sur ma langue." Et c'est pourquoi l'Ecclésiastique dit: "Dans des paroles" du Seigneur ou "de gloire", paroles qui sont dites par révélation. D'où ce qui est écrit au troisième livre des Rois: "Frappe-moi en vertu de la parole du Seigneur", c'est-à-dire par la révélation divine.

Et cette Écriture peut être dite parole de gloire de quatre manières, car elle se situe à l'égard de la gloire de quatre manières.

a. Quant à sa cause originelle, car cette doctrine émane de la parole glorieuse de Dieu: "Quand cette voix lui est parvenue du sein de la gloire majestueuse: Celui-ci est mon fils bien-aimé."

b. Quant à son contenu, car dans ce livre est contenue la gloire de Dieu qu'annonce le psalmiste: "Annoncez sa gloire parmi les nations."

c. Quant à son mode d'émanation: car la gloire est la même chose que la clarté; et la révélation de cette prophétie fut glorieuse parce que claire.

Il y a en effet un triple mode de prophétie.

- Par l'intermédiaire des choses sensibles: "À ce moment apparurent des doigts de main humaine qui écrivaient (...) et le roi vit le mouvement de la main qui écrivait."

- Par des représentations imaginaires, comme à propos du songe de Pharaon et de l'interprétation donnée par Joseph. Ou dans Isaïe: "Je vis le Seigneur siégeant sur un trône haut et élevé; et ce qui était sous lui remplissait le temple."

- Par la manifestation de la vérité elle-même. Et ce mode de prophétie convient à David, qui prophétisa sous l'inspiration du Saint-Esprit sans aucune aide extérieure. Car les autres prophètes, comme le dit Augustin, prophétisèrent des faits et des paroles par des images de ces réalités et sous un langage voilé, c'est-à-dire par des songes et des visions; tandis que David, lui, fut simplement instruit de la vérité. C'est pourquoi au deuxième livre des Rois, lorsque David disait: "L'esprit du Seigneur a parlé par moi, et sa parole par ma langue", aussitôt il ajoute: "Telle la lumière du matin, quand se lève le soleil, un matin sans nuage, étincelant." Le soleil est l'Esprit-Saint illuminant les coeurs des prophètes: c'est l'Esprit qui parfois apparaît sous les nuages quand il luit sur les prophètes parfois sous les deux modes précédents, et parfois sans nuage, comme c'est le cas ici. Et à cela on peut appliquer ces paroles du deuxième livre des Rois: "Quelle gloire aujourd'hui pour le roi d'Israël de s'être découvert aux yeux des servantes et des serviteurs."

d. Et parce que par elle il nous invite à la gloire - "Cette gloire est à tous les saints." C'est donc bien à juste titre qu'il a dit auparavant: "Quelle gloire aujourd'hui, etc."

La matière de ce recueil est donc manifeste, car il s'agit de toute l'oeuvre du Seigneur; de même le mode, car il se présente sous forme de prières et de louanges; la fin, car c'est pour qu'élevés nous soyons unis au Très-Haut et au Saint; l'auteur, car c'est l'Esprit-Saint lui-même qui le révèle.

Avant d'en venir à l'explication littérale de ce livre, il nous faut considérer trois choses d'ordre général.

a) La première concerne la traduction du psautier.

b) La deuxième regarde la manière de le commenter.

c) La troisième concerne sa division.

a. Les traductions sont au nombre de trois. La première remonte à l'Église du temps des Apôtres, et celle-ci avait été altérée au temps de Jérôme à cause des scribes. Et c'est pourquoi sur la demande instante du pape Damase, Jérôme entreprit la correction du psautier, et telle est la version qu'on lit en Italie.

Cependant parce que cette traduction différait du texte grec, Jérôme traduisit de nouveau le psautier, sur la demande instante de Paula, du grec en latin, et c'est cette version que le pape Damase fit chanter en France; et elle concorde mot à mot avec le grec. Par la suite, un certain Sophronius entrant un jour en discussion avec les Juifs - puisque les Juifs soutenaient que certaines choses ne figuraient pas dans l'hébreu telles qu'il les avait introduites dans sa deuxième traduction du psautier - demanda à Jérôme de traduire le psautier de l'hébreu en latin. Jérôme consentit à sa demande, et sa traduction concorde en tout point avec l'hébreu; mais cette version n'est chantée dans aucune église, cependant beaucoup la possèdent.

b. Quant à la manière de commenter, il faut savoir que tant pour le psautier que pour les autres livres prophétiques qui font l'objet d'un commentaire, nous devons éviter une erreur condamnée par le cinquième concile. En effet Théodore de Mopsueste a affirmé que dans l'Écriture sainte et les prophéties, il n'est rien dit expressément au sujet du Christ, mais d'autres choses qu'on a appliquées au Christ: par exemple le verset de ce psaume: "Ils se sont partagé mes vêtements, ils ont tiré au sort ma tunique" ne concerne pas le Christ, mais se rapporte de manière littérale à David. Or cette manière de commenter a été condamnée dans ce concile; et quiconque s'exprime ainsi en exposant les Écritures est hérétique.

Le bienheureux Jérôme nous a donc donné dans son commentaire sur Osée une règle que nous observerons pour les psaumes: à savoir que les faits doivent être exposés comme une figure du Christ ou de l'Église. En effet il est écrit: "Toutes ces choses qui leur arrivaient en figure, furent mises par écrit pour notre instruction." Car les prophéties sont parfois dites à propos de choses qui étaient alors contemporaines, cependant elles ne se rapportent pas principalement à elles, mais en tant qu'elles sont une figure des événements à venir; et c'est pourquoi l'Esprit-Saint a établi que lorsque de telles prédictions sont dites, il s'y mêle certaines choses qui dépassent le conditionnement de tel événement, de sorte que l'esprit s'élève vers ce qui est figuré. Par exemple dans le livre de Daniel, beaucoup de choses sont dites au sujet d'Antiochus comme figure de l'Antéchrist. C'est pourquoi on y dit certaines choses qui ne se sont pas accomplies en celui-ci, mais qui trouveront leur achèvement dans l'Antéchrist; il en est de même de certaines choses lues à propos du règne de David et de Salomon, qui ne devaient pas s'accomplir au cours du règne de ces hommes, mais qui le seront lors du règne du Christ, et qui ont été dites pour le préfigurer. Par exemple dans le psaume 71: "Dieu donne ton équité au roi, et ta justice au fils du roi", psaume qui selon le titre parle du règne de David et de Salomon: et il expose dans son contenu quelque chose qui dépasse leur pouvoir: "En ces jours la justice fleurira, et une abondance de paix: jusqu'à ce que la lune disparaisse entièrement". Et encore: "Et il dominera depuis une mer jusqu'à une autre mer, et depuis un fleuve jusqu'aux limites de la terre." Ainsi ce psaume est-il exposé à propos du règne de Salomon en tant qu'il est une figure du règne du Christ, en qui toutes les choses qui ont été dites trouveront leur achèvement.

c. Une première division du psautier considère d'abord le fait qu'il y a 150 psaumes; et ceci convient au mystère, car ce nombre se compose de 70 et de 80. Par le nombre 7, à partir duquel nous formons le nombre 70, est signifié l'évolution de ce temps qui se déroule en 7 jours. Par le nombre 8, à partir duquel nous formons celui de 80, est signifié l'état de la vie future. Car le huitième jour d'après la Glose est celui des ressuscités, et signifie que dans ce livre il est question des choses qui regardent le cours de la vie présente et celles de la gloire future.

De même par le nombre 7 est signifié l'Ancien Testament. Car les Pères de l'Ancien Testament servaient Dieu en septénaire: en effet ils observaient le septième jour, la septième semaine, le septième mois, et la septième année de la septième décade qui est appelé "jubilé". Par le nombre 8 est signifié le Nouveau Testament: car nous célébrons le huitième jour, c'est-à-dire le jour du dimanche en raison de la solennité du dimanche de la résurrection. Et dans ce livre sont contenus les mystères de l'Ancien et du Nouveau Testament.

Une deuxième division se fait d'après ceux qui affirmaient que le psautier est divisé en cinq livres, par cinq divisions de psaumes qui se terminent par Fiat, Fiat; et cela en grec, là où l'hébreu lit Amen, Amen. Selon eux, c'est par cette formule qu'est indiquée la fin d'un livre. Cela arrive la première fois au psaume 40: "Bienheureux celui qui comprend les nécessités de l'indigent et du pauvre." La deuxième fois au psaume 71: "Ô Dieu, donne ton équité au roi."

Pareillement la troisième fois au psaume 88: "Éternellement je chanterai les miséricordes du Seigneur." Semblablement la quatrième fois au psaume 105: "Célébrez le Seigneur, parce qu'il est bon". Et tels sont les cinq livres. Mais cette division ne se rencontre pas chez les Hébreux, car pour eux il n'y a qu'un seul livre: "Car il est écrit au livre des Psaumes: "Que leur demeure... ""

Ainsi donc lorsqu'il est dit Fiat, Fiat, ou Amen, Amen, cela ne se rapporte pas à la fin d'un livre, car cette expression se retrouve fréquemment dans les autres livres sans qu'il soit question de la fin d'un livre.

Une troisième division se fait comme suit: les psaumes sont divisés en trois groupes de cinquante, et cette répartition comprend les trois états du peuple fidèle.

- L'état de la pénitence auquel est ordonnée la première cinquantaine qui se termine par: "Miserere mei Deus (Aie pitié de moi, ô Dieu)", qui est un psaume de pénitence.

- La seconde est ordonnée à la justice qui consiste dans le jugement, et elle se termine au psaume 100: "Je te chanterai la miséricorde et le jugement, Seigneur."

- La troisième se conclut sur la louange de la gloire éternelle, et c'est pourquoi elle se termine par: "Que tout ce qui respire loue le Seigneur."

Par ailleurs en ce qui concerne l'ordre des psaumes, il faut savoir que certains d'entre eux sont historiques, mais n'ont pas été établis selon le déroulement de l'histoire. En effet, "je t'aimerai Seigneur" concerne l'histoire de Saül, mais "qu'ils sont nombreux ceux qui se lèvent contre moi" concerne l'histoire d'Absalom, et cette dernière est postérieure; donc les psaumes signifient quelque chose d'autre que la seule histoire.

Donc la première cinquantaine se rapporte à l'état de la pénitence, et c'est pourquoi ceux-ci traitent de manière figurative des tribulations et des luttes de David, ainsi que de sa libération.

Et pour que la distinction se fasse selon la lettre, David au cours de son règne prie face à une double persécution.

En premier lieu face à la persécution qui sévit contre sa personne, puis face à celle qui sévit contre tout le peuple de Dieu; et cela dans la cinquième décade: "Comme le cerf désire les sources des eaux, ainsi mon âme te désire, ô Dieu."

Or généralement le juste est éprouvé dans sa personne de deux manières: parfois par ceux qui le persécutent temporellement, parfois par ceux qui vivent de manière malhonnête: "Ce juste qui vivait au milieu d'eux était, jour après jour, torturé en son âme de juste au spectacle d'oeuvres iniques." Et: "L'indignation me saisit à cause des méchants."

Et c'est pourquoi ce livre expose d'abord les psaumes qui concernent la première persécution de David, en tant que ceux-ci signifient la persécution contre le Christ et l'Église. Ensuite il expose ceux qui se rapportent à la seconde tribulation", dans la quatrième décade: "Bienheureux ceux dont les iniquités ont été remises."

Ainsi David a souffert durant son règne d'une double persécution: car il fut persécuté par des personnes déterminées et par tout le peuple. Aussi sont d'abord exposés les psaumes qui concernent la première persécution. Puis les psaumes dans lesquels il prie face à la seconde persécution, et cela dans la troisième décade: "Mon Dieu, mon Dieu, regarde-moi: pourquoi m'as-tu abandonné ?"

Mais David a souffert des persécutions spécialement de la part de deux personnes: d'Absalom et de Saül. Et cela préfigure la persécution que les saints endurent ou bien de la part de familiers, ou bien de la part d'étrangers: comme le Christ a souffert de la part de Judas, et de la part des Juifs.

C'est pourquoi en premier lieu sont exposés les psaumes qui font mention de la première persécution. Ensuite ceux qui mentionnent la seconde, et cela dans la deuxième décade: "Sauve-moi, Seigneur, parce qu'il n'y a plus de saint, parce que les vérités sont diminuées par les enfants des hommes."

À présent donc il nous faut traiter des psaumes de la première décade, en tête de laquelle est inséré ce psaume: "Bienheureux l'homme qui n'est pas allé au conseil des impies, etc."

 

 

COMMENTAIRE DU PSAUME 1

 

1 Bienheureux l'homme qui n'est pas allé au conseil des impies, qui ne s'est pas arrêté dans la voie des pécheurs, et qui ne s'est pas assis dans la chaire de pestilence; 2 mais dont la volonté est dans la loi du Seigneur et qui méditera en sa loi jour et nuit.

3 Et il sera comme un arbre planté prés du cours des eaux, qui donnera son fruit en son temps. Et son feuillage ne se flétrira point.

Et tout ce qu'il fera réussira. 4 Rien de tel pour les impies, rien de tel; mais ils sont comme la poussière qu'emporte le vent de la face de la terre. 5 C'est pourquoi les impies ne ressusciteront pas au jugement, ni les pécheurs à l'assemblée des justes. 6 Parce que le Seigneur connaît la voie des justes, mais la voie des impies périra.

 

Ce psaume se distingue par rapport à l'ensemble du psautier, car il n'a pas de titre mais se présente comme le titre de tout le recueil. Et David qui a composé les psaumes en priant, ne s'en tient pas à un seul mode de prière mais se comporte selon les divers états et mouvements de celui qui prie. Ce psaume exprime donc le sentiment de l'homme qui élève les yeux sur toute la condition du monde et qui considère comment certains progressent et d'autres dégénèrent. Or le Christ fut le premier d'entre les bienheureux, et Adam le premier d'entre les méchants. On notera cependant que tous s'accordent sur une chose mais diffèrent sur deux points. Ils s'accordent sur la béatitude que tous recherchent, mais ils diffèrent quant à la voie qui les y mène et quant a l'issue; car certains y parviennent et d'autres non.

Ce psaume se divise donc en deux parties.

A) La première partie décrit la marche de chacun vers la béatitude.

B) La seconde, son aboutissement: Et il sera comme un arbre planté près du cours des eaux.

1Bienheureux l'homme qui n'est pas allé au conseil des impies, qui ne s'est pas arrêté dans la voie des pécheurs, et qui ne s'est pas assis dans la chaire de pestilence; 2 mais dont la volonté est dans la loi du Seigneur et qui méditera en sa loi jour et nuit.

A. Dans la première partie il est d'abord question de la marche des méchants; ensuite de celle des bons: mais dont la volonté est dans la loi du Seigneur.

Concernant la marche des méchants le psalmiste expose:

1) En premier lieu la délibération à propos du péché, et cela en pensée.

2) Ensuite le consentement et l'exécution.

3) Enfin l'introduction des autres en vue de les amener à agir pareillement, ce qui est pire.

1. Et c'est pourquoi il fait d'abord mention du conseil des méchants: Bienheureux l'homme, etc. Il dit aussi: qui n'est pas allé; car aussi longtemps que l'homme délibère, il est encore en voie d'agir.

2. Ensuite il fait mention du consentement et de l'exécution, en disant: dans la voie des pécheurs, c'est-à-dire en acte: "La voie des impies est ténébreuse; ils ne savent où ils se précipitent." Qui ne s'est pas arrêté, c'est-à-dire en consentant et en accomplissant. Il dit d'autre part: des impies, parce que l'impiété est un péché contre Dieu, et des pécheurs, en tant qu'ils pèchent contre le prochain.

3. Et dans la chaire. Tel est le troisième point: inciter les autres à pécher. Dans la chaire, donc à la manière du maître, et de celui qui enseigne les autres à pécher; et c'est pourquoi il dit: de la pestilence, car la pestilence est une maladie infecte: "Les hommes de la pestilence ruinent la cité."

Celui donc qui marche pareillement n'est pas bienheureux, mais bien celui qui se conduit d'une manière opposée. En effet la béatitude de l'homme est en Dieu: "Bienheureux le peuple qui a le Seigneur pour son Dieu." Or la voie droite qui mène à la béatitude c'est avant tout notre soumission à Dieu: et cela de deux manières.

a. D'abord par la volonté, en obéissant à ses commandements; et c'est pourquoi il dit: mais dans la loi du Seigneur; et cela se rapporte spécialement au Christ: "Je suis descendu du ciel non pour accomplir ma volonté, mais la volonté de celui qui m'a envoyé." Ce qui s'applique aussi à chaque juste. Et il dit: dans la loi par amour, non sous la loi par crainte: "La loi n'est pas établie pour le juste."

b. Ensuite par l'intelligence, en méditant sans cesse; et c'est pourquoi il dit: qui méditera en sa loi jour et nuit, c'est-à-dire continuellement, soit à certaines heures du jour et de la nuit, soit dans les temps de prospérité et d'adversité.

3 Et il sera comme un arbre planté près du cours des eaux, qui donnera son fruit en son temps. Et son feuillage ne se flétrira point.

B. Dans cette seconde partie le psalmiste décrit l'aboutissement à la félicité: et il commence par exposer la différence concernant l'aboutissement des deux voies; puis il en assigne la raison: Parce que le Seigneur connaît, etc.

À propos de la différence relative à l'aboutissement des deux voies, il expose d'abord le sort des bons, ensuite celui des méchants: Rien de tel pour les impies, etc.

1. Pour exprimer le sort obtenu par les bons, il se sert d'une comparaison; et il commence par l'exposer, puis il l'applique: Et tout ce qu'il fera réussira, etc.

Il prend en effet pour comparaison un arbre à propos duquel trois aspects sont a considérer: la plantation, la fructification, et la conservation.

a. Or pour la plantation il est nécessaire que la terre soit humectée par l'eau, autrement la plante se flétrirait; et c'est pourquoi il dit: qui est planté près du cours des eaux, c'est-à-dire près de l'écoulement des grâces:" Celui qui croit en moi, des fleuves d'eau vive couleront de son sein."

b. Et celui qui aura ses racines près de cette eau, fructifiera en accomplissant des bonnes oeuvres; et c'est ce qui suit: qui donnera son fruit. - "Le fruit de l'Esprit est charité, joie, paix, patience, longanimité, bonté, bénignité, mansuétude, foi, modestie, continence, chasteté." En son temps, c'est-à-dire seulement lorsque c'est le temps d'accomplir: "Pendant que nous en avons le temps, faisons le bien à l'égard de tous."

c. Mais il ne se dessèche pas, au contraire il se maintient. Certains arbres restent en vie tout en perdant leurs feuilles; d'autres gardent leurs feuilles, ainsi en est-il des justes. C'est pourquoi il dit: Et son feuillage ne se flétrira point, c'est-à-dire les justes ne seront pas abandonnés de Dieu dans leurs oeuvres extérieures si petites soient-elles: "Mais les justes comme la feuille verdoyante germeront."

Et tout ce qu'il fait réussira. 4 Rien de tel pour les impies, rien de tel; mais ils sont comme la poussière qu'emporte le vent de la face de la terre. 5 C'est pourquoi les impies ne ressusciteront pas au jugement, ni les pécheurs a l'assemblée des justes. 6 Parce que le Seigneur connaît la voie des justes, mais la voie des impies périra.

Ensuite lorsqu'il dit: Et tout, il applique la comparaison, car les bienheureux prospéreront en toutes choses: et ce, quand ils obtiendront la fin poursuivie (intentum) quant à tout ce qu'ils désirent, car les justes parviennent à la béatitude: "Ô Seigneur, sauve-moi, ô Seigneur fais-moi bien prospérer."

2. Le sort des méchants est opposé à celui des bons, puisqu'il est écrit: Rien de tel, etc. Et à ce propos le psalmiste expose en premier lieu une comparaison, ensuite il l'applique.

Mais notons qu'il a mis en tête ces mots: Rien de tel, et à deux reprises à cause de la grande certitude de ce qui leur adviendra: "Et Si le songe a été répété à Pharaon deux fois, c'est que la chose est décidée de la part de Dieu, et que Dieu se hâtera de l'exécuter." Ou bien ils ne font rien de tel au bout de leur voie: "Souviens-toi que tu as reçu tes biens durant ta vie, et Lazare pareillement des maux: main tenant il est console ici, et toi tu souffres." Quant aux méchants, ils sont plus particulièrement comparés à la poussière, laquelle a trois propriétés opposées à celles qui ont été relevées en parlant de l'homme juste. Car la poussière n'adhère pas à la terre mais elle repose sur la surface. L'arbre, lui, est enraciné. Il est aussi compact. Il est encore humide. Mais la poussière en soi est éparpillée, sèche et aride. Ce qui signifie que les bons sont unis par la charité comme l'arbre: "Établissez un jour solennel, ornant tout de branches d'arbres jusqu'à la corne de l'autel." Les méchants, eux, sont divisés: "Il y a toujours des querelles entre les superbes." De même les bons adhèrent radicalement aux réalités spirituelles et aux biens divins, tandis que les méchants se nourrissent de biens extérieurs. Ils sont aussi privés de l'eau de la grâce: "Tu es poussière, tu retourneras à la poussière. "Et c'est pourquoi toute leur malice disparaîtra "comme les feuilles tombent de la vigne et du figuier". Mais ici il est dit à propos des bons que leur feuillage ne se flétrira point. - "Il ne se perdra pas un seul cheveu de votre tête." - Tandis qu'au sujet de ces méchants il est dit que sont totalement emportés de la face, c'est-à-dire à cause des biens superficiels, ceux que le vent, c'est-à-dire la tribulation, emporte de la face de la terre. - "Voyez ceux qui travaillent à faire des injustices, et qui sèment les maux et qui les recueillent; ils sont renversés par le souffle de Dieu, et sont emportés par le tourbillon de sa colère."

Puis le psalmiste applique sa comparaison: ils ne ressusciteront pas, car ils sont comme la poussière.

Cependant comment concilier ces ver sets de Paul: "Nous devons tous comparaître devant le tribunal du Christ", et: "Tous, nous serons transformés", avec ce verset: ils ne ressusciteront pas?

On répondra à cette objection en disant que ce verset: ils ne ressusciteront pas peut se lire de deux manières.

a. On dit en effet de l'homme qu'il ressuscite à proprement parler au jugement, lorsque sa cause est manifestée par la sentence du juge. Ainsi les impies ne ressusciteront pas, parce que le jugement ne sera pas rendu en leur faveur mais contre eux; aussi une autre version lit-elle: "Non stabilientur (Ils n'auront pas le pied ferme)." Les bons, eux, ressusciteront: car bien qu'ils aient été affligés par le péché des premiers parents, le jugement sera cependant rendu en leur faveur.

ni les pécheurs ne seront rassembles à l'assemblée des justes. Car les bons seront réunis dans la vie éternelle, à laquelle les méchants ne seront pas admis.

b. Ou bien il faut dire que cela s'entend du rétablissement de la justice à laquelle les hommes satisfont par leur propre jugement: "Si nous nous jugions nous-mêmes, nous ne serions pas jugés par Dieu." Et à ce propos il dit: ils ne ressusciteront pas au jugement, c'est-à-dire par leur propre jugement dont il est écrit: "Lève-toi, toi qui dors, réveille-toi d'entre les morts, et le Christ t'illuminera." Certains cependant se relèvent grâce au conseil des bons, mais même de cette manière les méchants ne ressuscitent pas du péché. Ou bien: les impies, c'est-à-dire les infidèles, ne ressusciteront pas lors de la discussion et de l'examen qui auront lieu au jugement, car, selon Grégoire, certains seront condamnés sans être jugés, c'est le cas des infidèles; certains seront jugés sans être condamnés, à savoir les Apôtres et les hommes parfaits; d'autres seront jugés et condamnés, à savoir les fidèles pervertis. Ainsi donc ces fidèles ne ressusciteront pas lors de la discussion du jugement, afin d'être examinés: "Qui ne croit pas est déjà jugé." D'autre part les pécheurs ne ressusciteront pas au conseil des justes, c'est-à-dire afin d'être jugés et non condamnés.

Enfin il donne la raison pour laquelle de telles gens ne ressusciteront pas au juge ment: Parce que le Seigneur connaît la voie des justes. Et il parle en termes appropriés: car lorsqu'on apprend qu'une chose est détruite, on la restaure; mais lorsqu'on l'ignore, cette dernière n'est pas restaurée. Ainsi les justes sont anéantis par la mort, mais cependant Dieu les connaît - "Le Seigneur connaît ceux qui sont à lui" c'est-à-dire les reconnaît (notitia approbationis), et c'est pourquoi ils sont relevés; mais parce qu'il ne connaît pas la voie des impies pour les avoir éprouvés (notitia probationis), pour cette raison la voie des impies périra: "J'ai erré comme une brebis perdue: cherche ton serviteur, car je n'ai pas oublié tes commandements." Et: "Que leur voie soit ténébreuse et glissante."

 

 

COMMENTAIRE DU PSAUME 2

1 Pourquoi les nations ont-elles frémi, et les peuples médité de vains projets? 2 Les rois de la terre se sont levés, et les princes se sont ligués contre le Seigneur et contre son Christ.

3 Rompons leurs liens, et rejetons loin de nous leur joug.

4 Celui qui habite dans les cieux se moquera d'eux, et le Seigneur les tournera en dérision. 5 Alors il leur parlera dans sa colère, et dans sa fureur il les remplira de trouble.

6 Mais moi, j'ai été établi par lui roi sur Sion, sa montagne sainte, annonçant son décret.

7 Le Seigneur m'a dit: Tu es mon Fils, moi, aujourd'hui, je t'ai engendré.

8 Demande-moi, et je te donnerai les nations en héritage, et pour ta possession les extrémités de la terre.

9 Tu les régiras avec un sceptre de fer, et comme un vase de potier tu les briseras.

10 Et maintenant, rois, comprenez, laissez-vous enseigner, vous qui jugez la terre.

11 Servez le Seigneur dans la crainte, et réjouissez-vous en lui avec tremblement. 12 Embrassez la discipline, de peur que le Seigneur ne s'irrite, et que vous ne périssiez hors de la voie juste.

13 Lorsque soudain prendra feu sa colère, bienheureux tous ceux qui se confient en lui.

 

Dans le psaume précédent le psalmiste a décrit de manière quasiment universelle la condition et l'évolution du genre humain; dans ce psaume il va traiter le sujet proprement dit, c'est-à-dire ses propres tribulations qui signifient celles du Christ.

Et à cet égard, il implore d'abord le secours divin en priant contre les tribulations menaçantes. Ensuite il rend grâces pour avoir été exaucé, et cela au psaume 8: "Seigneur, notre Dieu, qu'il est admirable ton nom par toute la terre."Enfin il montre la confiance qui en découle, et cela au psaume 10: "Je me confie dans le Seigneur: comment dites-vous à mon âme: Émigre sur la montagne comme un passereau ?"

Or dans les tribulations l'homme peut demander deux choses.

D'abord qu'il en soit libéré.

Ensuite que ses ennemis soient abattus; et il fait cette demande au psaume 7: "Seigneur, mon Dieu, c'est en toi que j'espère."

Concernant sa demande de libération, il commence par implorer le secours contre ceux qui le tourmentent; ensuite contre ceux qui cherchent à le tromper; et cela au psaume 5: "Prête l'oreille à mes paroles."

En implorant le secours, il rappelle d'abord les machinations de ceux qui s'insurgent contre lui. Ensuite il implore le secours contre ceux qui se sont insurgés contre lui; et cela au psaume 3: "Seigneur, pourquoi se sont-ils multipliés ceux qui me tourmentent?" Enfin, mû par sa confiance d'avoir été exaucé, il invite les autres à se confier en Dieu; et cela au psaume 4: "Lorsque je l'invoquais, il m'a exaucé."

Pour ce qui regarde ce psaume, on notera cependant qu'il ne traite aucune ment dans son ensemble de la prière, mais bien de la malice de ceux qui se rebellent. D'une manière générale il faut savoir qu'il existe deux opinions au sujet de ce psaume.

Certains ont affirmé qu'il est la suite du premier psaume; et ce fut l'opinion de Gamaliel. Et c'est pourquoi ils affirmaient que tout comme ce psaume 1 commence par: "Bienheureux l'homme, etc.", ainsi ce psaume se termine comme s'il en était une partie: Bienheureux ceux qui se confient en lui, etc.; puisque ce verset semble reprendre le début du psaume 1. Mais il y a deux objections à faire contre cette affirmation. La première, c'est que de cette manière il n'y aurait plus cent cinquante psaumes. Mais on répondra à cela que certaines versions en ajoutent un que l'on trouve dans plusieurs psautiers; et ce psaume commence ainsi: "Pusillus eram, etc. (étais tout petit, etc.)." Et la secondé objection à faire, c'est qu'en hébreu les psaumes sont ordonnés selon l'ordre des lettres; et cela afin de savoir de quel psaume il s'agit. En effet au psaume premier correspond la lettre Aleph pour signifier qu'il s'agit du premier; au psaume deuxième correspond la lettre Beth pour signifier qu'il s'agit du deuxième; au troisième correspond la lettre Gimel, et ainsi de suite. Donc puisque Beth, lettre qui est la deuxième dans l'ordre de l'alphabet, figure au début de ce psaume, il est manifeste qu'il s'agit du psaume deuxième; et c'est ce que soutient Augustin. On doit donc dire que ce psaume est le deuxième dans l'ordre des psaumes, mais le premier qui a un titre. Et son titre est: Psaume de David. Le mot "psaume" vient à proprement parler de psaltérion, qui est un instrument à dix cordes qu'on touche avec la main - d'où le verbe psallere qui signifie "toucher avec la main" -, et qu'on touche par le haut. C'est pour quoi on appelle psaume un cantique que David chantait, ou faisait chanter sur le psaltérion.

Au sens mystique cependant, les dix cordes du psaltérion signifient la loi de Dieu qui comprend dix préceptes, et il faut qu'il soit touché avec la main, c'est-à-dire que la loi soit bien accomplie, et touché par le haut, parce que les préceptes doivent être accomplis en raison de l'espérance des biens éternels - autrement on le toucherait par le bas. Il s'agit donc d'un psaume de David qui a été composé par lui, et qui traite de son royaume comme figure du royaume du Christ. En effet David symbolise bien le Christ, puisqu'il veut dire "par la main du fort", et que le Christ est "force de Dieu". On dit aussi de David qu'"il a l'aspect désirable", et du Christ qu'il est "splendeur de la gloire". Et encore qu'il est celui sur "qui les anges désirent se pencher".

1 Pourquoi les nations ont-elles frémi, et les peuples médité de vains projets ? 2 Les rois de la terre se sont levés, et les princes se sont ligués contre le Seigneur et contre son Christ.

Ce psaume se divise en deux parties:

I) Dans la première partie est décrite la machination de ceux qui s'attaquent au royaume de David et du Christ.

Il) Dans la seconde est exposée leur répression: 4 Celui qui habite dans les cieux se moquera d'eux.

I. Au sujet de ceux qui s'attaquent au royaume de David et du Christ, il dit trois choses:

A) Il commence par exposer la rébellion de ceux qui machinent.

B) Ensuite il dit contre qui ils machinent: contre le Seigneur et contre son Christ.

C) Enfin il manifeste leur intention: Rompons leurs liens.

A. Or, au sens littéral, il faut savoir tout d'abord que lorsqu'un peuple prépare une rébellion, il commencé par murmurer, puis cherche à obtenir un appui auprès des puissants afin d'arriver à ses fins.

Le psalmiste expose donc en premier lieu la tentative du peuple qui murmure. Puis le secours des puissants: Les rois de la terre se sont levés, et les princes se sont ligués.

Ainsi dans le peuple certains agissent moins sous l'empire de la raison: ce sont les violents; d'autres davantage: ce sont les sages. Les premiers ne sont pas mus par l'intelligence pour se rebeller, mais plutôt par la violence; et c'est pourquoi le psalmiste dit de ces derniers qu'ils ont frémi, ce qui est le propre des bêtes: "La colère du roi est comme le grondement d'un lion." Les seconds sont mus par le conseil, et c'est pourquoi il dit de ceux-ci: ils ont médité de vains projets. "Car vaines sont les pensées des hommes." Le peuple est la multitude des hommes unie par le lien du droit. Et c'est pourquoi on dit des Juifs qu'ils sont un peuple, parce qu'ils ont et sont sous la loi de Dieu. Les autres sont appelés nations, parce qu'ils ne sont pas sous la loi de Dieu. Ou bien au sens littéral, dans le royaume de David il y avait des nations soumises et des Juifs fidèles; et les uns et les autres ourdissaient contre lui, aussi dit-il: Pourquoi les nations ont-elles frémi, et les peuples médité de vains projets ? Il n'interroge pas mais il réprimande, comme dans le livre de la Sagesse: "À quoi nous a servi l'orgueil, et que nous a rapporté la jactance des richesses ?"

De même les plus petits n'auraient rien pu faire par eux-mêmes s'ils n'avaient bénéficié du secours des puissants, aussi nomme-t-il ceux qui prêtent leur secours: d'abord en les aidant par leur pouvoir; et à ce propos il dit: Les rois de la terre se sont levés, et les princes se sont ligués contre le Seigneur et contre son Christ, autrement dit: les uns ont frémi, mais les autres se sont levés, c'est-à-dire ont prêté assistance à cette malice. De même certains ont offert leur secours en les conseillant par leur sagesse; et à ce propos il dit: ils se sont ligués, c'est-à-dire afin de délibérer. La version iuxta Hebraeos de Jérôme lit: "Tractabant pariter (Ils traitaient ensemble)." - "J'irai donc vers les grands et je leur parlerai: car eux ils savent la voie du Seigneur, et le jugement de leur Dieu; et voilà que de plus eux aussi ont brisé le joug, ils ont rompu les liens."

B. Ensuite, lorsqu'il dit: contre le Seigneur et contre son Christ, etc., il fait connaître ceux qui endurent la rébellion. Il montre en effet contre qui fut dirigée la rébellion, car ce fut contre le Seigneur, et contre son roi; car les rois sont appelés Christ, c'est-à-dire "Oints": "Ne touchez pas à mes Oints." Donc celui qui se rebelle contre le roi établi par Dieu, se rebelle aussi contre Dieu: "Celui qui s'insurge contre l'autorité se révolte contre l'ordre établi par Dieu." Et c'est pourquoi il dit: contre le Seigneur et contre son Christ. - "Ce n'est pas toi qu'ils ont rejeté, mais moi."

Au sens mystique, ces paroles se rapportent au Christ sous la figure de David: "Seigneur, toi tu as dit par la bouche de notre père David, ton serviteur: Pourquoi les nations ont-elles frémi, et les peuples médité de vains projets? Pourquoi les rois de la terre se sont-ils levés, et les princes se sont-ils ligués contre le Seigneur et contre son Christ? Car Hérode et Ponce Pilate se sont vraiment ligués dans cette cité avec les nations et les peuples d'Israël, contre ton saint Fils Jésus que tu as oint, pour faire ce que ton bras et ton conseil avaient décrété qui serait fait." Et selon ce sens, il faut comprendre que les nations, c'est-à-dire les soldats, se sont ligués contre le Christ. Et les peuples, c'est-à-dire les Juifs, ont médité de vains projets, en croyant le tuer tout à fait, c'est-à-dire en pensant qu'il ne ressusciterait pas. Et Les rois de la terre, c'est-à-dire Hérode Ier l'Ascalonite qui tua les enfants, et puis Hérode Antipas, son fils, qui donna son consentement à Pilate. Et les princes, c'est-à-dire Pilate, en tant que ce mot est mis au pluriel pour un singulier par synecdoque. Ou bien, les princes des prêtres se sont ligués, c'est-à-dire avec une volonté perverse, contre le Seigneur et son Christ.

3 Rompons leurs liens, et rejetons loin de nous leur joug.

C. Ensuite il exposé l'intention de ceux qui machinent, aussi dit-il: Rompons leurs liens et rejetons loin de nous leur joug. Ce qui est dit à bon droit, car le pouvoir du roi est appelé joug. Dans le premier livre des Rois, on rapporté que l'assemblée d'Israël demanda à Roboam d'alléger le joug que leur avait imposé Salomon. De même que les boeufs sont attelés au joug pour le travail, ainsi les hommes le sont sous le pouvoir d'une royauté. Et on ne peut enlever un joug sans rompre les attaches. Or dans un royaume ces liens, par exemple les soldats, les camps et les armes, sont les fondements du pouvoir royal. Il faut donc d'abord supprimer ces liens, et alors enlever le joug.

Au sens spirituel, dans le Christ le joug est la loi de la charité: "Mon joug est suave et mon fardeau léger." Les liens sont les vertus: l'espérance, la foi, la charité: "Appliquez-vous à maintenir l'unité de l'esprit par le lien de la paix." - "Les liens de la Sagesse sont des chaînes salutaires." Donc pour que la conscience de l'homme né soit pas sous le joug de la loi du Christ, cela ne se peut sans qu'auparavant ces liens soient rompus; ce que font ceux qui disent à Dieu: "Retire-toi de nous, il ne nous plaît pas de connaître tes voies. Qui est le Tout-Puissant, pour que nous le servions? et que nous revient-il, si nous le prions?" - "Depuis longtemps que tu as brisé ton joug, tu as rompu tes liens, et tu as dit: Je ne servirai pas." Ou bien cela se rapporte au Christ dans la personne de David parlant à ses serviteurs. Selon la Glose, "c'est comme Si David disait: Eux-mêmes machinent ainsi; mais le Christ dit: Ô mes disciples, ne consentez pas à ma mort". Cependant cette interprétation n'entre pas dans notre propos.

4 Celui qui habite dans les cieux se moquera d'eux, et le Seigneur les tournera en dérision. 5 Alors il leur parlera dans sa colère, et dans sa fureur il les remplira de trouble.

Il. Ensuite lorsqu'il dit: Celui qui habite, il expose la répression de ceux qui machinent contre le royaume de David. Et à ce propos il montre deux choses:

A) d'abord comment ils sont réprimés par le Seigneur.

B) Ensuite comment ils le sont par son Christ: Mais moi, j'ai été établi par lui roi sur Sion, etc. C'est contre ces deux, le Seigneur et son Christ, qu'ils ont machiné, comme on l'a dit.

A. Concernant la manière dont le Seigneur les réprimé, on notera quatre choses: la raillerie, la dérision, l'expression de la colère, et le trouble.

Car de même qu'un enfant, dépourvu de force et de puissance, sera raille par le géant qu'il combat, ainsi quiconque dénué de puissance veut s'en prendre à celui qui habite dans les cieux, sera raille par lui: "Regarde en haut le ciel, et vois: et contemple combien la région de l'air est plus haute que toi. Si tu pèches, en quoi lui nuiras-tu ?"

Et si l'impuissant persévère, alors celui qui est plus puissant le réprime et le tourne en dérision. Or selon Jérôme, dans la Glose, la raillerie se fait par la bouche, tandis que la dérision se fait par le plissement du nez, c'est-à-dire avec une légère indignation: "Moi aussi à votre mort je rirai et je vous tournerai en dérision, lorsque ce que vous craigniez vous sera arrivé."

Mais s'il ne se désiste en aucune manière, alors il en vient à la vengeance; et c'est pourquoi il dit: Alors il leur parlera dans sa colère, c'est-à-dire proférera une sentence de vengeance contre eux. Cependant Dieu ne cède pas à la colère, mais parce qu'elle est le propre de la créature, on l'attribue quelquefois au Créateur, par anthropomorphisme, ce qui relève de "la propassion" humaine: "Seigneur, ne me reprends pas dans ta fureur, et ne me châtie pas dans ta colère."

Enfin la sentence passe à l'exécution; et c'est pourquoi il dit: et dans sa fureur il les remplira de trouble, dans le coeur et dans l'âme par un châtiment éternel, c'est-à-dire il les punira par sa propre puissance: "Quand il se remue pour chercher son pain, il sent que le jour des ténèbres est prêt en sa main. La tribulation l'épouvantera, et l'angoisse l'environnera." Ces quatre manifestations auront lieu au jugement dernier. Car le Seigneur se moquera d'eux en les mettant à sa gauche. Il les tournera en dérision, en disant avec reproche: "J'ai eu faim." - "Il leur parlera dans sa colère", en proférant cette sentence: "Allez loin de moi, maudits, au feu éternel, qui a été préparé pour le diable et pour ses anges." - "Il les remplira de trouble", en exécutant sa sentence: "Ils iront ceux-ci au supplice éternel, et les justes dans la vie éternelle."

6 Mais moi, j'ai été établi par lui roi sur Sion, sa montagne sainte, annonçant son décret.

B. Ensuite il montre comment ils sont réprimés par son Christ: Mais moi. Or le peuple, les nations et les princes s'insurgèrent contre le Christ David.

1) Il commence donc par montrer comment le Christ se comporte à l'égard du peuple.

2) Ensuite à l'égard des nations: Le Seigneur m'a dit.

3) Enfin vis-à-vis des rois: 10 Et maintenant, rois, comprenez, etc.

1. Ainsi dit-il: Mais moi, j'ai été établi par lui roi sur Sion, sa montagne sainte, etc. Or il faut savoir qu'il a été établi par Dieu roi sur Jérusalem, et qu'il a ramené le peuple à Dieu par son enseignement, autrement dit: ceux-là agissent ainsi, mais ils ne peuvent avoir sa propre intention, car dit-il: j'ai été établi, c'est-à-dire de manière stable, roi sur Sion, c'est-à-dire sur le peuple des Juifs qui était à Jérusalem, dont la citadelle est à Sion. par lui, c'est-à-dire par Dieu: "Le Seigneur m'est une aide: je ne craindrai pas ce que peut me faire un homme." - "Place-moi auprès de toi, et que la main de qui que ce soit combatte contre moi." - Mais j'ai été établi roi sur Sion sa montagne sainte, non pour moi, mais afin de régir le peuple selon la loi de Dieu; et c'est pourquoi il dit: Annonçant son décret.

Mais au sens mystique il a été établi roi, en vertu de cette parole du prophète Jérémie: "Un roi régnera, et il sera sage, et il rendra le jugement et la justice sur la terre." sur Sion, c'est-à-dire sur l'Église des Juifs, qui est appelée montagne sainte, parce qu'elle a reçu la première les rayons du soleil: "Je n'ai été envoyé qu'aux brebis perdues de la maison d'Israël." - "Est-ce que j'ignore que je suis devenu aujourd'hui roi sur Israël ?" annonçant son décret, c'est-à-dire l'évangile dans sa totalité, ou bien ce précepte particulier dont il est dit: "Je vous donne un commandement nouveau: c'est que vous vous aimiez les uns les autres"; et de même: "Voici mon commandement, c'est que vous vous aimiez les uns les autres comme je vous ai aimés." Or ce commandement, il le prêcha personnellement aux Juifs, c'est-à-dire dans sa propre personne: "Jésus parcourait la Galilée enseignant dans leurs synagogues, et prêchant l'Évangile du royaume." Et l'apôtre Paul dit à ce propos: "Je dis que le Christ a été ministre de la circoncision, pour justifier la véracité de Dieu et confirmer les promesses faites à nos pères."

7 Le Seigneur m'a dit: Tu es mon Fils, moi, aujourd'hui, je t'ai engendré.

2. Ensuite lorsqu'il dit: Le Seigneur, il montre à partir de la même histoire comment il se comporte à l'égard des nations. Et à ce propos il relève deux choses:

a) Il commence par montrer que le pouvoir sur les nations convient au Christ.

b) Ensuite il expose l'usage de ce pouvoir: Tu les régiras avec un sceptre de fer

a. En traitant de la convenance du pouvoir que le Christ a sur les nations, le psalmiste montre d'abord sur quel droit il se fonde. Puis il expose la donation de ce pouvoir: je te donnerai les nations.

Ainsi dit-il: Le Seigneur m'a dit. Cette parole ne s'accomplit pas totalement dans la personne de David, et c'est pourquoi on l'entend du Christ, à qui appartient le pouvoir sur les nations selon un double droit, c'est-à-dire par héritage: Le Seigneur m'a dit: Tu es mon Fils, etc.; et par mérite: Demande-moi, etc.

Le Christ est roi" de toutes choses", comme le dit la lettre aux Hébreux; et cela en vertu de sa qualité de fils: "S'il est fils, il est aussi héritier par Dieu", et c'est pourquoi le psalmiste traite de la génération éternelle du Christ à l'égard de laquelle on notera trois choses:

- D'abord le mode de sa génération.

- Puis le caractère distinctif de sa filiation.

- Enfin l'éternité du fils engendré.

- Le mode de la génération est indiqué dans cette affirmation: Le Seigneur a dit, c'est-à-dire qu'il a procédé par mode de pensée. Chaque type de génération se fait selon son mode propre. Le mode de génération de la nature divine n'est pas charnel mais intellectuel, bien plus il est la pensée même. Ensuite cette génération est une procession selon l'origine, telle qu'elle se rencontre dans la réalité intelligible, au sens où la conception du verbe procède de l'intellect; et cela c'est dire le verbe dans le coeur. Et c'est pourquoi il dit: Le Seigneur a dit, comme si dans l'acte de dire il m'engendra. Aussi le Fils est-il le verbe que le Père a dit, c'est-à-dire a produit en l'engendrant.

- Quant au caractère distinctif de la filiation, il est montré en ce qu'il dit: mon Fils, non par adoption, comme ceux dont il est dit: "Il leur a donné le pouvoir de devenir fils de Dieu; à ceux qui croient en son nom; qui ne sont point nés du sang, ni de la volonté de la chair, ni de la volonté de l'homme, mais de Dieu", mais par nature. C'est pourquoi il dit: Tu es mon Fils, par nature, unique, consubstantiel: "Celui-ci est mon fils bien-aimé."

- L'éternité de sa génération est exposée dans les mots qu'il ajoute: moi, aujourd'hui, je t'ai engendré, c'est-à-dire éternellement; car cette génération n'est pas nouvelle mais éternelle. Et c'est pourquoi il dit: aujourd'hui, je t'ai engendré, car le mot aujourd'hui désigne la présence, et ce qui est éternel dure toujours. Il dit aussi: je t'ai engendré et non je t'engendre, afin de signifier la perfection de cette génération: car lorsque la génération se fait sans mouvement, être engendré et avoir été engendré sont un même acte. Il dit encore: aujourd'hui, afin de signifier la présence actuelle et glorieuse qui échoit au Christ: "Lui qui habite une lumière inaccessible", et qui est vraiment, en qui rien n'est passé, ou futur, ou obscur, mais en qui tout est clair.

8 Demande-moi, et je te donnerai les nations en héritage, et pour ta possession les extrémités de la terre.

Plus haut le psalmiste a exposé le privilège de la génération éternelle qui confère au Christ le pouvoir de régir les nations en vertu du droit héréditaire; ici il montre comment il l'a acquis par son mérite.

Il faut à ce propos faire la considération suivante: de même que dans les réalités naturelles la matière est informée en fonction de sa capacité dispositive; ainsi dans les réalités spirituelles Dieu dispense gratuitement ses dons: "Dieu est celui qui opère en nous le vouloir et le faire, selon sa bonne volonté" et c'est pourquoi il veut que nous recevions ses dons en demandant et en priant. Et il a voulu nous montrer cet exemple dans le Christ en lui faisant demander ce qui lui revenait par droit héréditaire. Or cette demande faite en vue d'appeler les nations, peut se comprendre de deux manières. D'abord par la prière, car il pria pour elles: "Je ne prie pas pour eux seulement, mais encore pour ceux qui par leur parole croiront en moi." Également par sa passion: "Afin que la mort intervenant pour la rédemption des prévarications qui existaient sous la première alliance, ceux qui sont appelés reçoivent la promesse de l'héritage éternel"; demande qui assurément ne fut pas vaine, puisqu'en tout" il a été exaucé pour sa piété". C'est pourquoi il fait mention de la donation lorsqu'il ajoute: Et je te donnerai les nations. Il faut noter ici que nul ne vient au Christ si ce n'est par un don du Père: "Nul ne peut venir à moi, si le Père qui m'a envoyé ne l'attire." Or la donation des nations est purement un don: car les Juifs ont été comme restitués, puisqu'ils avaient été donnés auparavant: "Je dis que le Christ Jésus a été le ministre de la circoncision", et c'est pourquoi il dit: je te donnerai les nations, c'est-à-dire afin qu'elles te soient soumises et qu'elles soient ton héritage: "afin qu'au nom de Jésus, tout genou fléchisse aux cieux, sur terre et dans les enfers". - "Mon héritage est incomparable pour moi." De plus il ne les possède pas à la manière des serviteurs, comme Pierre ou Paul, mais en tant que maître: "Et Moïse, à la vérité, a été fidèle dans toute sa maison comme un serviteur, pour rendre témoignage de tout ce qu'il devait dire; or le Christ est comme un fils dans sa maison, et cette maison c'est nous." Et c'est pourquoi il dit: ta possession. - "Afin que tu possèdes des héritages dissipés; que tu dises à ceux qui étaient dans les chaînes: Sortez; et à ceux qui étaient dans les ténèbres: Venez à la lumière." Il dit ensuite: les extrémités de la terre, parce que l'Église a été édifiée dans le monde entier. Mais par la suite des fidèles apostasièrent à cause de l'hérésie de Nicolas et de Mahomet. Ou bien l'Église est dans l'attente d'être fondée: "C'est peu que tu me serves à relever les tribus de Jacob, et à convertir les restes d'Israël. Je t'ai établi pour être la lumière des nations, et mon salut jusqu'à l'extrémité de la terre." - "Dieu l'a établi héritier de toutes choses."

9Tu les régiras avec un sceptre de fer, et comme un vase de potier tu les briseras.

b. Ensuite lorsqu'il dit: Tu les régiras, il expose l'exécution de son pouvoir sur les nations. Et selon le sens historique, il faut savoir que David avait été établi roi des Juifs; aussi régnait-il sur certaines nations qu'il s'était soumises, en tant que figure de la souveraineté universelle du Christ. Mais étant donné qu'autre est la manière dont sont régis les citoyens, c'est-à-dire sous un régime de miséricorde, et qu'autre est la manière dont sont soumis les ennemis, c'est-à-dire sous un régime de justice ngoureuse; voilà pourquoi il dit: avec un sceptre de fer. Mais mieux vaut appliquer ces mots à la souveraineté spirituelle du Christ. Il est en effet nécessaire que celui qui régit ait un sceptre: "C'est un sceptre d'équité que le sceptre de ton règne."C'est afin de détenir le sceptre de la discipline pour punir les délinquants que les rois sont nécessaires. Et parce que le Christ a été établi roi par Dieu pour régir le peuple, il dit: Tu les régiras avec un sceptre de fer. Et il ajoute: de fer pour signifier la discipline de la justice. Car le sceptre avec lequel les Juifs étaient soumis ne fut pas de fer, puisqu'ils se donnèrent souvent des prétextes pour adorer les idoles. Mais le sceptre avec lequel il régit les nations est de fer, parce que les Juifs ne s'écarteront plus de la souveraineté du Christ, lorsque la totalité des nations sera entrée dans l'Église: "Elle enfanta un enfant mâle qui devait gouverner toutes les nations avec un sceptre de fer."

et comme un vase de potier tu les briseras. Ce verset est expliqué dans ce passage du livre de Jérémie: "Je descendis dans la maison du potier, et voici qu'il travaillait sur sa roue. Et le vase qu'il faisait de ses mains avec l'argile fut manqué, comme il arrive à l'argile dans la main du potier; et il se mit à en faire un autre vase", et l'application qui suit: "Comme l'argile est dans la main du potier, ainsi vous êtes dans sa main". En effet lorsqu'un vase de potier est neuf, on le brise facilement si sa forme est mauvaise et on lui en restitue une bonne. Ainsi les Juifs étaient-ils convertis, aussi ne devaient-ils pas être brisés; car leur foi est la même que la nôtre. Mais les gentils étaient idolâtres, et c'est pourquoi ils devaient être brisés afin de recevoir une autre forme, c'est-à-dire une autre foi, la véritable. Ou bien: Tu les régiras avec un sceptre de fer, c'est-à-dire les bons, et comme un vase de potier tu les briseras, c'est-à-dire les méchants qui finalement doivent être brisés: "Celui-ci a été établi pour la ruine et la résurrection d'un grand nombre." - "Subitement, tandis qu'on ne s'y attend pas, viendra son brisement. Et elle sera mise en pièces, comme on brise d'un brisement très fort un vase de potier, et on ne trouvera pas parmi ses fragments un têt dans lequel on puisse porter un peu de feu pris d'un incendie, ou puiser un peu d'eau à une fosse". - "Que celui qui est juste devienne plus juste encore; que celui qui est souillé se souille encore."

10 Et maintenant, rois, comprenez, laissez-vous enseigner, vous qui jugez la terre.

3. Ensuite lorsqu'il dit: Et maintenant, il montre comment il se comporte à l'égard des rois. Or il les réprime en les admonestant et en les gagnant au service de Dieu.

a) À cet égard il commence par exposer son admonestation.

b) Puis il en assigne la raison: de peur qu'il ne s'irrite.

a. Son avertissement porte sur trois choses. Sur la vérité de la doctrine, sur l'humilité de la soumission: Servez, etc., sur l'accueil de la correction: laissez-vous enseigner. Les hommes peuvent connaître la vérité de deux manières: ou bien par des découvertes, et ceux-ci sont qualifiés à bon droit d'intelligents; ou bien par l'enseignement, et ceux-là sont qualifiés à juste titre de dociles. De même il y a deux sortes de gouvernants. À certains est confié le gouvernement universel: ce sont les rois. À d'autres est confié un jugement particulier: et ce sont les juges. Il exhorte donc les premiers à comprendre: car "l'homme intelligent apprendra l'art de gouverner". Et les seconds à se laisser enseigner, c'est-à-dire à recevoir des autres la procédure ([ormam) du jugement; et c'est pourquoi il dit: Comprenez et laissez-vous enseigner. - "Écoutez rois et comprenez; instruisez-vous juges des confins de la terre."

11 Servez le Seigneur dans la crainte, et réjouissez-vous en lui avec tremblement. 12 Embrassez la discipline, de peur que le Seigneur ne s'irrite, et que vous ne périssiez hors de la voie juste.

Ensuite lorsqu'il dit: Servez, il montre à bon droit le service, après avoir parlé de l'intelligence; car le service de Dieu, qui est latrie, est une profession de foi. Et c'est pourquoi il importe d'abord de croire, et ensuite de confesser sa foi et de servir: "On croit de coeur pour la justice, et on confesse de bouche pour le salut." Il dit encore: le Seigneur, car pour celui qui sert l'homme, il suffit qu'il se soumette à lui par une obéissance extérieure; tandis que pour celui qui sert Dieu, il faut qu'il se soumette à lui intérieurement avec un coeur bien disposé: "Maintenant mon âme sera soumise à Dieu." Il affirme aussi: avec crainte, car celui qui persiste dans la voie de la sainteté n'est pas pour autant préservé du péché, selon cet avertissement de l'Écriture: "Que celui qui se croit être ferme prenne garde de tomber." Et on notera, selon Augustin, que le roi sert Dieu en tant qu'homme par une vie fidèle, mais en tant que roi, en portant des lois contre ce qui s'oppose à la justice de Dieu; c'est pourquoi la constitution de l'Église est préfigurée dans ce psaume. Car dès son origine les rois de la terre prescrivirent des lois contre le Christ et les chrétiens, mais par la suite ils édictèrent des lois en faveur du Christ. Et il montre leur première attitude lorsqu'il dit: se sont levés; leur seconde attitude ici: Servez le Seigneur. Mais de peur que ce service ne donne l'impression d'être une peine s'il ajoute: et réjouissez-vous en lui avec tremblement. Car la crainte du Seigneur n'est pas faite de peine mais de joie, aussi est-il écrit dans le Lévitique qu'"Aaron répondit à Moïse": "Comment [peuvent-ils] plaire au Seigneur avec un esprit chagrin ?" Mais de peur que cette joie ne verse dans la présomption ou la négligence, il ajoute: avec tremblement, ce qui est l'effet d'une crainte soudaine: "Opérez votre salut avec crainte et tremblement." Ensuite il les exhorte à accueillir, lorsqu'il ajoute: Embrassez, pour que personne ne vive à son gré, mais comme il convient. Et c'est pourquoi il dit: la discipline, c'est-à-dire les préceptes et les bonnes moeurs, ou une sorte de secours et de défense dans l'adversité: "Et ta discipline m'a corrigé."

b. Et il expose la raison de son avertissement en disant: de peur qu'il ne s'irrite. Et cette raison est double: pour éviter le châtiment et pour obtenir la gloire: bienheureux tous ceux qui se confient en lui.

Mais il dit: de peur, en raison de la patience de Dieu, dont les délais se prolongent en ce monde: "Dieu est un juge équitable, fort et patient: est-ce qu'il s'irrite tous les jours ?" disant: "Si vous ne vous convertissez", autrement dit: gardez mon admonestation de peur que ne vienne le temps de la punition.

que vous ne périssiez hors de la voie juste, c'est-à-dire hors de la justice et de la société des bons, ce qui est un grand châtiment pour ceux qui ont goûté la douceur de la justice. La version iuxta Hebraeos de Jérôme lit: "Pereatis de via (Que vous ne périssiez hors de la voie)", mais le mot justa (juste) n'y figure pas. En effet aussi longtemps que l'homme est dans le monde, il est comme en état de voie (in via); car s'il vient à tomber, il peut se relever. On ne dit pas non plus qu'est perdue une chose qui peut être réparée, tout comme ce qui ne tombe pas hors de la voie mais sur la voie. Mais hors de la voie, c'est irréparable: "Et parce que nul ne comprend, ils périront pour toujours." Et voilà pourquoi il dit ensuite: Lorsque.

13 Lorsque soudain prendra feu sa colère, bienheureux tous ceux qui se confient en lui.

Il expose ici l'autre raison qui consiste en l'acquisition de la gloire, autrement dit: Embrassez la discipline, car Lorsque soudain prendra feu sa colère, bienheureux tous ceux qui se confient en lui. Il dit à bon droit: Lorsque soudain prendra feu sa colère, car maintenant il ne brûle pas en châtiant comme un père, mais au Jugement dernier il les engloutira et les brûlera, quand il les punira d'un châtiment éternel: "Voici que le nom du Seigneur vient de loin; sa colère est ardente, et nul n'en peut soutenir l'effort. Ses lèvres sont pleines d'indignation, et sa langue est comme un feu dévorant." Il dit aussi: soudain, car il n'examinera pas chaque péché séparément, mais tous à la fois. C'est pourquoi ce jugement sera bref et ne durera pas mille ans, comme l'a dit Lactance. L'Écriture dit en effet: "En un moment, en un clin d'oeil, au son de la dernière trompette", et alors tous les bons seront changés dans la gloire de l'immortalité; aussi bienheureux ceux qui se confient, autrement dit: la vengeance en cet instant n'atteindra pas ceux qui se confient en Dieu, mais ils seront bienheureux car ils parviendront au Royaume; béatitude ou gloire qui apparaîtra plus éclatante que le châtiment des méchants: "Béni l'homme qui se confie dans le Seigneur, et dont le Seigneur sera l'espérance. Et il sera comme un arbre que l'on transplante sur le bord des eaux, qui étend ses racines vers l'eau qui l'humecte; il ne craindra pas la chaleur, lorsqu'elle viendra. Et son feuillage sera vert, et au temps de la sécheresse il ne sera pas en peine, et jamais il ne cessera de faire du fruit."

 

 

COMMENTAIRE DU PSAUME 3

1 Psaume de David lorsqu'il fuyait devant Absalom son fils. 2 Seigneur, pourquoi se sont-ils multipliés ceux qui me tourmentent ? Beaucoup se lèvent contre moi. 3 Beaucoup disent à mon âme: Il n'y a point de salut pour elle en son Dieu.

4 Mais toi, Seigneur, tu es mon soutien, ma gloire, et tu élèves ma tête.

5 De ma voix j'ai crié vers le Seigneur, et il m'a exaucé de sa montagne sainte. 6 Moi je me suis couché et je me suis endormi, et je me suis levé, parce que le Seigneur m'a pris.

7 Je ne craindrai point ces milliers [d'hommes] de peuple qui m'entourent. Lève-toi, Seigneur, sauve-moi, mon Dieu. 8 Parce que c'est toi qui as frappé tous ceux qui me combattaient sans raison; tu as brisé les dents des pécheurs.

9 Du Seigneur vient le salut, et sur ton peuple se répand ta bénédiction.

 

1 Psaume de David lorsqu'il fuyait devant Absalom son fils. 2 Seigneur, pourquoi se sont-ils multipliés ceux qui me tourmentent ? Beaucoup se lèvent contre moi. 3 Beaucoup disent à mon âme: Il n'y a point de salut pour elle en son Dieu.

I. Le psaume précédent a montré la tentative des adversaires; celui-ci implore contre elle le secours divin. Et ce psaume est rédigé sous la forme d'une prière. Nous pouvons exposer:

A) Son fondement historique.

B) Ensuite son sens allégorique.

C) Enfin son sens moral.

A. Le sens historique est donné par le titre qui est: Lorsque [David eut fui] devant [la face d']Absalom son fils. Comme le rapporte le deuxième livre des Rois, Absalom, fils de David, poursuivait son père cherchant à le tuer; sur quoi David s'enfuit avec les siens et sortit de Jérusalem nu-pieds. Il comprit que cela lui arrivait à cause de son péché d'homicide et d'adultère, comme le lui avait prédit le prophète Nathan: "L'épée ne s'éloignera plus jamais de ta maison, parce que tu m'as méprisé." Or tandis qu'Absalom poursuivait David, l'armée de David se retourna contre lui; et voici que son mulet l'entraîna dans sa course sous la ramure d'un chêne, dont les branches entourant son cou saisirent sa tête et le laissèrent suspendu. C'est alors que Joab, le chef de l'armée de David, le tua. Après la mort de ce dernier, David fut rétabli dans son royaume et régna en paix. C'est donc contre cette persécution que s'élève ce psaume.

B. Et cette persécution préfigure celle que le Christ souffrit de la part de son fils Judas: "Mes petits enfants, je ne suis plus que pour peu de temps avec vous." Et encore: "Les fils de l'époux peuvent-ils s'attrister pendant que l'époux est avec eux ?" Le Christ a fui Judas lorsque, ce dernier s'étant séparé de lui, il se retira à l'approche de sa passion sur le mont des Oliviers avec les autres apôtres. Et de même que David donna la paix à son fils inique, lorsqu'il commanda au peuple en allant à la guerre: "Épargnez-moi le jeune Absalom", et que ce dernier étant mort, il s'écria: "Que ne suis-je mort à ta place, mon fils Absalom, mon fils Absalom ?"; ainsi le Christ à l'égard du traître Judas, comme on le voit dans le festin et le geste du baiser: car Absalom signifie bien "paix du père". En effet l'hébreu abba se traduit en latin pater [père]. Et shalom, "paix". Or Judas lui-même a livré le Christ en donnant le baiser de paix. Et Absalom, tout comme Judas, mourut pendu. Après la mort de Judas, le Christ régna en paix car il ressuscita dans la gloire. Et cette persécution peut encore préfigurer toutes les tribulations de l'Église.

C. Au sens moral, ce sont les tribulations que l'homme souffre des ennemis temporels ou spirituels. Et c'est pourquoi ce psaume exprime les sentiments de l'homme qui implore.

À cet égard il manifeste d'abord la tentative de ses adversaires, ou bien il expose à Dieu son tourment.

Puis il confesse l'assistance du secours divin: Mais toi, Seigneur, etc.

1. Il expose la persécution d'abord quant au nombre de ceux qui lui sont hostiles: pourquoi se sont-ils multipliés ? - à savoir les nations, les peuples, les rois et les princes. Et non seulement ceux qui lui sont étrangers, mais aussi son fils: "Ils sont plus nombreux que les cheveux de ma tête."

2. Et il expose la persécution quant au motif qui les amène à le persécuter, car c'est sans raison. D'où: pourquoi ? -" Pourquoi mon Seigneur persécute-t-il son serviteur ? Qu'ai-je fait ? De quel mal ma main est-elle souillée ?"

3. Enfin il expose la persécution quant à la diversité du tourment, car ils l'accablent en le tourmentant de multiples manières ? Aussi le psalmiste dit-il: ceux qui me tourmentent (tribulant). Le tribule est une plante piquante: "Il te produira des épines et des tribules". Donc ceux-là tourmentent (tribulant), qui blessent. Or les méchants blessèrent le Christ en le souffletant, en le flagellant, en le conspuant, en l'insultant et en le menaçant de mort. Et c'est bien ce qu'il dit: Beaucoup se lèvent, c'est-à-dire par les faits. Absalom en effet a voulu tuer David, comme le manifeste le conseil de Chusai. Et semblablement Judas a livré le Christ à la mort. De même ils tourmentent David en le trahissant par des paroles, ou en lui exposant des mensonges: Beaucoup disent à mon âme, etc. Contre cette attitude perverse, l'Écriture répond en disant: "Le salut des justes vient du Seigneur." En effet, Si les impies considéraient cela, ils ne se lèveraient pas facilement contre les justes; mais parce qu'ils ne croient pas à cela, ou parce qu'ils méprisent la puissance de Dieu ou la justice de l'homme, ils disent par leurs paroles et par leurs actions qu'il n'y a point de salut pour lui, etc., c'est-à-dire en celui qu'il honore et qu'il prend pour Dieu. Ceux qui persécutent le Christ disent aussi cela: car s'ils espéraient dans sa résurrection, Judas ne le livrerait pas et eux ne le tueraient pas. Et tel est le sens de ces paroles: Il ne le sauvera pas, il n'est pas le fils de Dieu; aussi disaient-ils: "Si tu es le fils de Dieu, descends de la croix", et plus loin: "S'il est le roi d'Israël, qu'il descende maintenant de la croix, et nous croirons en lui !"

4 Mais toi, Seigneur, tu es mon soutien, ma gloire, et tu élèves ma tête.

II. Avec ce verset commence la seconde partie du psaume. Le psalmiste montre ici que son secours est préparé par Dieu.

A) À cet égard il montre d'abord que le secours divin l'assiste spécialement.

B) Puis qu'il assiste tous les hommes en général: Du Seigneur vient le salut.

A. Et touchant l'assistance divine à son égard il expose:

1) D'abord le secours divin.

2) Puis l'expérience de ce secours: De ma voix.

3) Enfin la sécurité qu'il apporte: Je ne craindrai point.

1. Ainsi dit-il: Mais toi, Seigneur, autrement dit: ceux-ci se lèvent pour me faire la guerre, mais toi tu me prends pour me protéger. La version iuxta Hebraeos de Jérôme exprime encore mieux ce qu'il dit: "Glypeus meus ctrca me (Mon bouclier est autour de moi)", comme Si le Seigneur me défendait à la manière d'un bouclier. De même, non seulement il me garde en vie contre ceux qui veulent la détruire, mais aussi dans la gloire contre ceux qui la décrient; aussi dit-il: ma gloire. - "Celui qui se glorifie, qu'il se glorifie dans le Seigneur", et: "Que celui qui se glorifie, se glorifie de cela, de me connaître et de savoir." Et non seulement tu m'assistes contre ceux qui me décrient, mais tu me fais aussi triompher de ceux qui m'oppriment; c'est pourquoi il ajoute: tu élèves ma tête. - "Et maintenant ma tête s'est élevée au-dessus de mes ennemis." Ces paroles peuvent s'appliquer au Christ qui fut conçu selon la nature humaine dans l'incarnation, car" le Verbe s'est fait chair". - "Voici mon serviteur, que je soutiens, mon élu en qui mon âme se complaît." - "Bienheureux celui que tu as choisi et que tu as pris." - Le Christ fut aussi glorieux dans sa résurrection: "Père, glorifie-moi." Et il fut encore exalté dans son ascension: "C'est pourquoi Dieu l'a exalté, et lui a donné un nom qui est au-dessus de tout nom."

5 De ma voix j'ai crié vers le Seigneur, et il m'a exaucé de sa montagne sainte. 6 Moi je me suis couché et je me suis endormi, et je me suis levé, parce que le Seigneur m'a pris.

2. Ensuite lorsqu'il dit: De ma voix, il montre son expérience du secours divin.

a) Et à cet égard il expose d'abord la prière: De ma voix.

b) Ensuite l'exaucement: et il m'a exauce.

c) Enfin en quoi consiste cet exaucement: Moi je me suis assoupi, etc.

a. Concernant la prière il fait connaître trois qualités qu'elle doit comporter. Car elle doit être:

- Attentive. Aussi dit-il: De ma voix, c'est-à-dire la voix du coeur, qui se fait entendre auprès de Dieu; celle de Moïse qui criait vers le Seigneur par le coeur et non par la bouche: "Le Seigneur lui dit: Pourquoi cries-tu vers moi ?" C'est également par ce cri du coeur que Suzanne fut exaucée: "En pleurant elle regarda vers le ciel, car son coeur avait confiance dans le Seigneur." De la même façon" Anne parlait en son coeur, ses lèvres seules étaient en mouvement, et sa voix n'était pas du tout entendue." Et encore: "Je prierai avec l'intelligence." Et voilà pourquoi il dit: ma voix. Car lorsque la voix ne procède pas de mon coeur, elle n'est pas la mienne.

- Droite. Elle est droite lorsqu'elle tend où elle doit, et c'est pourquoi il dit: vers le Seigneur, où est le secours: "Comme nous ignorons ce que nous devons faire, il ne nous reste autre chose que de tourner les yeux vers toi." -"Mon secours viendra du Seigneur."

- Fervente. C'est pourquoi il ajoute: j'ai crié, car on dit que la prière est accompagnée de cris en raison de la grandeur de l'amour: "Seigneur, que mon cri parvienne jusqu'à toi." - "Dans les jours de sa chair, ayant offert avec un grand cri et des larmes, des prières et des supplications à celui qui pouvait le sauver de la mort, il a été exaucé pour son humble respect."

b. - Ensuite il expose l'exaucement lorsqu'il dit: et il m'a exaucé de sa montagne sainte, c'est-à-dire de la sublimité de la majesté divine qui est inaccessible: "Qui montera à la montagne du Seigneur ?" c'est-à-dire à sa toute-puissance. Ou bien, de la hauteur de sa justice, car elle est incompréhensible: "Tes jugements sont comme le vaste abîme." Ou: de sa montagne sainte, c'est-à-dire de moi qui étais la montagne sainte, dont il est écrit: "Et il arrivera dans les derniers jours que la montagne du Seigneur sera établie au sommet des montagnes."

c. Et le psalmiste poursuit en disant: Moi je me suis couché. Ici il montre en quoi consiste cet exaucement. Car il dit: je me suis levé. Or il y a une différence entre celui qui est mort et celui qui dort: car celui qui est mort ne se relève pas: "Penses-tu que l'homme une fois mort revive à nouveau ?" tandis que celui qui dort se relève: "Celui qui dort ne pourra-t-il se lever ?" Ainsi donc, lorsque la tribulation est telle que l'homme ne revient pas à son premier état, on dit qu'il est mort. Mais lorsque tourmenté ou tenté, il tombe dans le péché et se relève, on dit qu'il dort. De même on peut dire que David dormit, puisqu'il fut libéré de son fils et du péché. Or s'assoupir se dit d'un léger sommeil, tandis que dormir se dit d'un profond sommeil; c'est pourquoi une autre version lit: Somnum cepi J'ai pris mon sommeil), c'est-à-dire j'ai dormi profondément. Ainsi on dit que le Christ a dormi profondément, parce qu'il s'offrit spontanément à la passion; et parce qu'il s'est endormi, la mort s'ensuivit. C'est pourquoi il passa du sommeil ordinaire à un sommeil plus profond. Ce sommeil est préfiguré dans celui d'Adam: "Alors le Seigneur fit tomber un profond sommeil sur l'homme." Car l'Église fut formée du côté du Christ mort sur la croix. Il dit donc: et je me suis levé, c'est-à-dire par ma propre puissance: "J'ai le pouvoir de déposer mon âme et de la reprendre."Et cela, puisque le Seigneur m'a pris. Une autre version lit: Sustentavit me (Il m'a nourri). De fait il eut le pouvoir de la divinité puisqu'il s'est levé: "Si le juste tombe, il ne sera pas brisé, car le Seigneur le soutient de sa main."

7 Je ne craindrai point ces milliers d'hommes du peuple qui m'entourent. Lève-toi, Seigneur, sauve-moi, mon Dieu. 8 Parce que c'est toi qui as frappé tous ceux qui me combattaient sans raison; tu as brisé les dents des pécheurs.

Ensuite lorsqu'il dit: Je ne craindrai point, il expose sa ferme assurance, autrement dit: parce que j'ai été exaucé, Je ne craindrai point. - "Qu'une armée vienne camper contre moi, mon coeur ne craindra pas." Ce qui signifie que l'Église du Christ ne peut en aucune manière être abattue. Même la multitude du peuple qui avait entouré le Christ crucifié n'a pu lui porter atteinte après sa résurrection; car "le Christ ressuscité des morts ne meurt plus". Et d'où lui vient cette confiance, il le montre lorsqu'il dit: Lève-toi, c'est-à-dire manifeste ta puissance en me faisant ressusciter de la mort; et tel est le sens de ce qui suit: sauve-moi, etc. Parce que c'est toi qui as frappé, etc. Plus haut il avait dit deux choses: que ses ennemis le tourmentaient: Seigneur, pourquoi se sont-ils multipliés ceux qui me tourmentent ?, et contre ceux-ci il dit maintenant: Parce que c'est toi qui as frappé; et aussi qu'ils le décriaient: Il n'y a point de salut pour elle, etc., et contre ces derniers il dit: tu as brisé les dents des pécheurs, c'est-à-dire tu as réduit à néant leurs paroles de malédiction: "Je brisais les mâchoires de l'injuste, et j'arrachais la proie de ses dents." La version iuxta Hebraeos de Jérôme lit: Percussisti molas et dentes (Tu as brisé leurs mâchoires et leurs dents), autrement dit: tu as frappé si fortement que leurs dents se sont brisées. La mâchoire fut Absalom, les dents furent ses complices. Aussi, Absalom ayant été anéanti, les autres furent écrasés.

9 Du Seigneur vient le salut, et sur ton peuple se répand ta bénédiction.

B. Enfin lorsqu'il dit: Du Seigneur, il montre que le secours divin s'adresse à tout le peuple.

Et d'abord quant à la préservation du mal; et c'est pourquoi il dit: Du Seigneur vient le salut. Et c'est la raison pour laquelle la prière doit être dirigée vers Dieu.

Ensuite quant à l'accroissement des biens; et c'est pourquoi il dit: sur ton peuple se répand ta bénédiction, c'est-à-dire sur le peuple qui espère de toi et en toi, et non dans un autre, ta bénédiction. La bénédiction du Seigneur entraîne toujours un accroissement de biens: "La bénédiction du Seigneur rend les hommes riches."

D'après la Glose, ce psaume peut être interprété autrement, à savoir en tant qu'il s'agit du Christ tout entier, c'est-à-dire de l'Église et de sa tête fondée au milieu des tempêtes des persécutions. Ou bien au sens moral, on peut le lire selon qu'il s'agit de la personne de chaque fidèle qui combat les vices et les mauvais désirs. Et suivant ce sens David représente alors n'importe quel fidèle, Absalom les vices et les désirs charnels, comme le rapporte la Glose.

 

 

 

COMMENTAIRE DU PSAUME 4

1 Pour la fin. Psaume-cantique de David.

2 Lorsque j'invoquais, le Dieu de ma justice m'a exaucé. Dans la tribulation tu m'as mis au large. Aie pitié de moi, et exauce ma prière.

3 Fils des hommes, jusques à quand aurez-vous le coeur appesanti ? Pourquoi aimez-vous la vanité, et cherchez-vous le mensonge ?

4 Et sachez que le Seigneur a fait merveille pour son saint: le Seigneur m'exaucera, lorsque je crierai vers lui.

5 Irritez-vous et ne péchez pas; ce que vous dites dans vos coeurs, repassez-le avec componction sur vos couches.

6 Offrez un sacrifice de justice, et espérez dans le Seigneur.

Beaucoup disent: Qui nous montrera les biens ? 7a La lumière de ton visage a été gravée sur nous, Seigneur.

7b Tu as mis la joie dans mon coeur. 8 Ils se sont multipliés par la récolte de leur froment, de leur vin et de leur huile.

9 En paix tout à la fois je m'endormirai et je reposerai. 10 Parce que toi, Seigneur, tu m'as établi tout particulièrement dans l'espérance.

 

1 Pour la fin. Psaume-cantique de David.

Dans le psaume précédent David implorait dans sa prière le secours de Dieu; se voyant exaucé, il exhorte maintenant les autres à mettre leur confiance en Dieu. Ce psaume exprime le sentiment de l'homme qui, ayant fait l'expérience de la miséricorde divine, de ses bienfaits et de sa justice, exhorte les autres à ne point désespérer. Son titre est: Pour la fin. Psaume-cantique de David. Dans ce titre, il convient d'examiner deux termes qui se retrouveront tout au long du psautier, à savoir l'expression psaume-cantique. Puis le terme Pour la fin. Au sujet de la première expression on notera donc que David, selon ce qui est écrit au deuxième livre des Rois, composait un psaume et le chantait devant l'arche en s'accompagnant du psaltérion. On emploie donc le mot psaume, parce qu'il est chanté avec le psaltérion, et non sans le psaltérion. Pour certains psaumes cependant il sera intitulé psaume de David, pour signifier qu'il doit être accompagné du psaltérion. Pour d'autres psaumes on l'intitulera cantique de David, parce qu'il était chanté sans instrument. Pour d'autres encore, il sera intitulé psaume-cantique de David, ou vice versa, parce que ce psaume était en même temps chanté et en même temps joué sur le psaltérion. Cependant pour certains psaumes, un ou plusieurs chantres débutaient en chantant, et un autre répondait avec le psaltérion; et ces psaumes sont intitulés cantiques-psaumes. Mais pour d'autres un seul chantait le psaume avec le psaltérion, et les autres répondaient sans l'accompagnement du psaltérion: et ces psaumes sont intitulés psaume-cantique. Et telle est la différence qu'il y a entre ces termes au sens littéral; mais au sens mystique et selon la Glose, le mot psaume signifie une bonne action, mais le mot cantique l'exultation de l'âme possédée par les réalités éternelles. Cependant lorsqu'on rencontre ces deux mots à la fois dans le même psaume, cela signifie qu'il traite de l'une et de l'autre. Mais quand il dit: Pour la fin, si l'on considère cette expression en la rapportant à la réalité figurée par le psaume, il s'agit évidemment du sens ultime, c'est-à-dire du Christ: "La fin de la loi est le Christ, pour justifier tout croyant." Mais si l'on considère l'expression Pour la fin selon le sens figuré, on peut comprendre qu'on chantait pour célébrer la fin de la libération de David qui fut persécuté par Absalom, autrement dit sa victoire. D'autres intitulent le psaume: "Au vainqueur", c'est-à-dire à David vainqueur en psaumes, car il l'emportait sur tous dans l'art de composer des psaumes. Mais il n'est pas évident que ce soit vrai.

Ce psaume se divise en deux parties.

I) En effet le psalmiste commence d'abord par une action de grâces pour les bienfaits reçus; aussi dit-il: Lorsque j'invoquais, etc.

Il) Ensuite il conclut en exhortant les autres à se tourner vers Dieu: Fils des hommes, etc.

2 Lorsque j'invoquais, le Dieu de ma justice m'a exaucé. Dans la tribulation tu m'as mis au large. Aie pitié de moi, et exauce ma prière.

I. Son action de grâces porte sur deux sortes de bienfaits.

A) En effet, il rend grâces d'abord pour les bienfaits passes.

B) Ensuite il prie pour les bienfaits futurs: Aie pitié de moi, etc.

A. À l'égard des biens passés, il rend grâces d'abord parce qu'il a été exaucé; puis il montre comment il a été exaucé:

Dans la tribulation, etc.

Il faut noter que ce verset a une double version. L'une lit: "Il m'a exaucé"; l'autre porte: "Tu m'as exaucé"; et une version de Jérôme concorde avec cette dernière. Telle n'est pas cependant la portée du mot. Ainsi le psalmiste dit-il: Lorsque j'invoquais, [tu] m'as exaucé, etc. À cet égard quatre choses sont à prendre en considération.

Le psalmiste expose d'abord la prière et son exaucement; aussi dit-il: [Tu] m'as exaucé. Mais il ne l'a pas exaucé sans qu'il ne crie; c'est pourquoi il dit: Lorsque j'invoquais, ce qui signifie implorer le secours dans la nécessité: "Lorsque j'étais dans la tribulation, vers le Seigneur, j'ai crié et il m'a exaucé." Il est aussi requis qu'il soit juste: car s'il exauce les pécheurs, c'est en vertu de sa miséricorde, non de sa justice; et c'est pourquoi il dit: de ma justice. Selon la Glose: de ma justice, c'est-à-dire l'auteur de ma justice ou de ma justification. - "Les yeux du Seigneur sont sur les justes." Autrement dit: ce qui est premier, c'est que l'homme attribue sa propre justice à Dieu et non à lui; et c'est pourquoi il dit: Dieu. C'est contre cette attitude que Paul s'élève dans son épître aux Romains: "Ignorant la justice de Dieu, et cherchant à établir la leur, ils ne sont pas soumis à la justice de Dieu." L'homme doit donc d'abord attribuer son propre bien à Dieu, ensuite avoir la justice, puis crier, enfin être exaucé.

B. La manière dont il est exaucé sera décrite lorsqu'il dit: Dans la tribulation. Il dit: m'a exaucé, et: m'as mis au large, soit parce que ce psaume a peut-être été composé en vers, ce qui nécessite un changement dans l'ordre de la construction à cause du mètre, soit parce que suivant le mode de prière, l'homme change sa manière de s'exprimer selon ses diverses affections. Mais il dit: Dans la tribulation tu m'as mis au large, car tu m'as davantage mis au large que libéré, autrement dit: non seulement tu m'as libéré, mais dans la tribulation elle-même tu m'as accordé la dilatation du coeur: "Tu as élargi mes pas sous moi, et mes pieds n'ont point défailli." Ou bien la dilatation de l'âme pour souffrir avec patience, ou bien l'étendue du pouvoir à propos de laquelle il est écrit dans la Genèse: "Que Dieu donne de l'espace à Japhet." Ensuite il dit: Aie pitié de moi, c'est-à-dire en écartant tout ce qui subsiste de l'épreuve passée, et exauce[-moi], moi qui prie pour les biens futurs.

3 Fils des hommes, jusques à quand aurez-vous le coeur appesanti ? Pourquoi aimez-vous la vanité, et cherchez-vous le mensonge ?

II. Ensuite lorsqu'il dit: Fils des hommes, etc., il se tourne vers les autres pour les exhorter; et à cet égard il accomplit deux choses.

A) Il commence par blâmer les pécheurs.

B) Ensuite il les exhorte à se corriger:

Et sachez, etc.

A. En blâmant les pécheurs il rappelle

1) D'abord leur condition.

2) Ensuite il reprend leur faute: Pourquoi aimez-vous, etc. ?

1. Il rappelle leur condition en disant:

Fils des hommes. Ce qui peut se comprendre de deux manières:

a. D'abord en mal. Ainsi dit-il: Fils des hommes, en tant qu'ils sont corruptibles et enclins à pécher selon leur nature inférieure: "Mon esprit ne demeurera pas toujours dans l'homme puisqu'il est chair." Et encore: "Le sentiment et la pensée de l'homme sont inclinés au mal dès sa jeunesse." Donc Fils des hommes pour dire: vous vous montrez fils des hommes, c'est-à-dire pécheurs, à savoir fils d'Ève et d'Adam: jusques à quand aurez-vous le coeur appesanti ? - "Malheur à la nation pécheresse, au peuple accablé par l'iniquité, à la race perverse, aux enfants scélérats; ils ont abandonné le Seigneur, ils ont blasphémé le Saint d'Israël, ils sont retournés en arrière."

b. Ensuite en bien. Parce que l'homme en tant qu'homme est l'image de Dieu; aussi dit-il: Fils des hommes, non des bêtes: "L'homme, lorsqu'il était en honneur, n'a pas compris: il a été comparé aux animaux sans raison, et il est devenu semblable à eux." Et: le coeur appesanti, c'est-à-dire parce que vous devez avoir un coeur grand et ferme; jusques à quand vous ne vous convertirez pas à Dieu ? Et c'est bien ce que lit la version iuxta Hebraeos de Jérôme: "Filii viri, usquequo inclyti mei ignominiose diligitis vanitatem, quaerentes mendacium (Fils d'homme, jusques a quand, mes enfants illustres, aimerez-vous honteusement la vanité, en cherchant le mensonge ?)."

2. Et ainsi, comme il sied, le psalmiste blâme leur faute: Pourquoi aimez-vous, etc. ? Or dans le péché deux choses sont à prendre en considération: la volonté s'attachant à l'objet, et l'intention déterminée.

Il traite d'abord de l'amour désordonné quand il dit: Pourquoi aimez-vous la vanité ?, c'est-à-dire ce qui est vain, sans consistance; c'est qu'en effet les réalités temporelles sont vaines, car elles n'ont pas de fondement, tandis que le bien se perpétue: "Vanité des vanités, et tout est vanité." Pourquoi donc aimez-vous la vanité ?, autrement dit: pourquoi aimez-vous les réalités temporelles ?

Puis il traite de la mauvaise intention lorsqu'il dit: et cherchez-vous le mensonge ?, c'est-à-dire pourquoi aimez-vous les richesses, afin d'y trouver votre contentement ? Car "l'avare ne sera pas rassasié par l'argent". - "J'ai regardé la terre, et voici qu'elle était vide." Ou bien le mensonge, c'est-à-dire l'idole "qui n'est rien". Jusques à quand donc aimerez-vous et chercherez-vous cela, sans vous convertir à Dieu ?

4 Et sachez que le Seigneur a fait merveille pour son saint: le Seigneur m'exaucera, lorsque je crierai vers lui.

B. Ensuite lorsqu'il dit: Et sachez, il exhorte les pécheurs à se corriger. Et à cet égard il exprime trois choses.

1) Il rappelle d'abord les bienfaits prodigués envers lui.

2) Puis il les exhorte à revenir vers Dieu: Irritez-vous, etc.

3) Enfin il montre qu'il l'emporte sur eux par les biens: Tu as mis la joie, etc.

1. Ainsi dit-il: Et sachez, etc. Mais il faut noter que le grec met ici diápsalma, tandis que l'hébreu lit sela, ce que Jérôme traduit parfeliciter (heureusement), ou semper (toujours). Diápsalma désigne donc une division d'un psaume; car lorsque les Hébreux chantaient, ils faisaient quelques pauses dans un psaume, afin de montrer, selon Augustin, que la suite traite d'un autre sujet. Mais on objecte que selon cette interprétation diápsalma ne se trouve jamais à la fin d'un psaume; tandis que dans le Psautier de Jérôme il arrive que sela se trouve à la fin d'un psaume. Et c'est pourquoi sela tire son nom de shalom, qui veut dire "pacifiquement". Et cela concorde avec la version de Jérôme qui le traduit par feliciter (heureusement). Ainsi donc mieux vaut la version pacifice (pacifiquement), que semper (toujours), et c'est dans ce sens que s'emploie sela.

Quant au bienfait qu'il rappelle, il est doublé, l'un se rapportant au passé et l'autre au futur: le Seigneur m'exaucera.

a. Concernant le premier bienfait il dit: Et sachez, etc.; puisque cette conjonction et est le début de la pensée, elle est rattachée au coeur du prophète, comme au début du livre d'Ezéchiel: "Et il arriva en la trentième année, etc." Donc sela, qui se traduit par diapsalma, est mis ici parce qu'il marque une pause. Ou bien il fait la liaison avec ce qui précède, autrement dit: n'aimez pas la vanité, Et sachez - Quoi ? - que le Seigneur a fait merveille. Voici tout le bien qu'il m'a fait: car il a fait merveille, c'est-à-dire m'a rendu admirable. On peut aussi le rattacher autrement selon la Glose, comme s'il disait: sachez que ces choses sont vaines, et sachez aussi ce que vous poursuivez; que le Seigneur a fait merveille pour son saint, c'est-à-dire le Christ signifié principalement par une image, le Christ qui est le Saint des Saints, dont parle Daniel. Dieu l'a rendu admirable en le ressuscitant, et en le plaçant à sa droite. N'importe quel juste est aussi admirable, car les oeuvres de la justice sont plus grandes que les miracles extérieurs: "Dieu est admirable dans ses saints." Mais le Christ est souverainement admirable: "Et son nom sera appelé Admirable."

b. Concernant le second bienfait il dit: le Seigneur m'exaucera. - "Avant qu'ils crient, moi je les exaucerai; eux parlant encore, j'écouterai."

5 Irritez-vous et ne péchez pas; ce que vous dites dans vos coeurs, repassez-le avec componction sur vos couches.

2. Puis lorsqu'il dit: Irritez-vous, il les exhorte à corriger leur vie; et à ce propos il effectue trois choses.

a) Il commence par les exhorter à s'éloigner du mal.

b) Ensuite à tendre au bien: Offrez un sacrifice.

c) Enfin il soulève une question: Beaucoup disent: Qui nous montrera les biens ?

a. Concernant l'exhortation à s'éloigner du mal, il faut considérer que le péché naît en nous principalement en vertu de trois causes: par la corruption de l'irascible, de la raison et du concupiscible.

- Il écarte donc d'abord le péché qui naît de la corruption de l'irascible; aussi dit-il: Irritez-vous, etc. Et cela s'entend de trois manières; d'abord de la colère désordonnée, autrement dit: il est permis qu'un mouvement de colère naisse en nous, mais non de le poursuivre jusqu'à commettre un péché: "Irritez-vous et ne péchez point; que le soleil ne se couche point sur votre colère." Ensuite ainsi: Irritez-vous, c'est-à-dire contre vos péchés: "Mon indignation elle-même m'a secouru." et ne péchez pas, c'est-à-dire de nouveau, autrement dit: irritez-vous contre les péchés passés pour que vous n'en commettiez point d'autres. Enfin cela s'entend de la colère due au zèle, ainsi: Irritez-vous contre les vices d'autrui, mais cependant ne péchez pas en les corrigeant de manière désordonnée, car la colère doit être mesurée par la raison.

- Ensuite il écarte le péché qui naît de la corruption de la raison, c'est-à-dire la simulation, en disant: ce que vous dites dans vos coeurs; ajoutez: les pensées qui sont en vous, autrement dit: n'ayez pas dans le coeur une pensée autre que celle que vous proférez.

- Enfin il écarte le péché qui naît de la corruption du concupiscible. Soyez touchés de componction, c'est-à-dire à cause dés péchés que vous avez commis sur vos couches, au sens où Paul le dit: "Comme durant le jour, marchons honnêtement, non dans les excès de table et les ivrogneries, non dans les coucheries et les impudicités, etc." Ou bien il faut dire qu'il traite de deux péchés: de la colère, comme on l'a dit, c'est-à-dire Irritez-vous par une colère due au zèle. Puis de la concupiscence: repassez avec componction ce que vous dites dans vos coeurs, c'est-à-dire ce que vous pensez de mal, sur vos couches, soit à propos de choses secrètes, soit en secret. Et cela concorde avec la version iuxta Hebraeos de Jérôme qui lit: "Loquimini et tacete (Parlez et taisez-vous)", c'est-à-dire ne dévoilez pas de manière désordonnée en punissant. Ou bien il s'agit du vice de la colère que le psalmiste empêche d'aboutir à l'acte, ce qui est pire. Ou bien il s'agit de la colère contre les péchés.

6 Offrez un sacrifice de justice, et espérez dans le Seigneur. Beaucoup disent: Qui nous montrera les biens ? 7a La lumière de ton visage a été gravée sur nous, Seigneur.

b. Ensuite le psalmiste les exhorte à accomplir le bien. Et d'abord il les amène vers le principe du bien, en disant: Offrez un sacrifice de justice, comme s'il voulait dire: Soyez touchés de componction. Dans le livre du Lévitique il est prescrit d'offrir un sacrifice pour les péchés. Mais le Seigneur ne se soucie pas beaucoup des sacrifices de ce genre: "Tu n'as pas voulu de sacrifice et d'offrande; mais tu m'as parfaitement disposé les oreilles"; c'est pourquoi vous aussi, Offrez un sacrifice de justice, et espérez dans le Seigneur Beaucoup disent: Qui nous montrera, etc., c'est-à-dire un sacrifice de satisfaction et de pénitence: Offrez vos corps en hostie vivante, sainte, agréable à Dieu. Puis il les amène vers la finalité du bien, en disant: et espérez dans le Seigneur, etc., autrement dit: soyez remplis d'espérance dans le Seigneur, qui vous a donné d'accomplir ces sacrifices.

c. Enfin lorsqu'il dit: Beaucoup, il soulève la question qu'ils posent: Beaucoup, c'est-à-dire beaucoup d'insensés, disent: Qui nous montrera les biens ? autrement dit: comment pouvons-nous savoir quels sont ces sacrifices agréables à Dieu ? Et le psalmiste résout cette question lorsqu'il dit: La lumière de ton visage a été gravée sur nous, Seigneur, etc., autrement dit: la raison naturelle innée nous enseigne à discerner le bien du mal; et c'est pourquoi il dit: La lumière de ton visage a été gravée sur nous, Seigneur, etc. Le visage de Dieu est ce par quoi Dieu est connu, comme l'homme se connaît par son visage: telle est la vérité de Dieu. À partir de cette vérité divine la ressemblance de sa lumière brille dans nos âmes. Et c'est comme une lumière participée, et elle est gravée sur nous, parce qu'elle est supérieure en nous, et elle est comme un signe sur nos visages, aussi pouvons-nous grâce à cette lumière connaître le bien: "Ils marcheront à la lumière de ton visage, et en ton nom "ils tressailliront de joie tout le jour, etc." En plus de cela nous sommes aussi marqués du sceau de l'Esprit: "Ne contristez point l'Esprit-Saint en qui vous avez été marqués d'un sceau." Et en outre par le signe de la croix, dont le sceau a été gravé en nous au baptême, et que chaque jour nous devons appliquer: "Pose-moi comme un sceau sur ton coeur."

7b Tu as mis la joie dans mon coeur. 8 Ils se sont multipliés par la récolte de leur froment, de leur vin et de leur huile.

3. Enfin lorsqu'il dit: Tu as mis, le psalmiste expose la supériorité qu'il a sur ces pécheurs par les biens, comme s'ils lui disaient: Toi, tu nous exhortes à désirer tes biens, mais nous, nous avons les nôtres; et c'est pourquoi il compare les biens temporels aux biens spirituels.

a) Et il expose en premier lieu les biens spirituels.

b) Ensuite les temporels: par la récolte, etc.

c) Enfin la supériorité des biens spirituels: En paix, etc.

a. Ainsi dit-il: il est vrai que tous ont la lumière de ton visage qui rayonne sur eux; mais, ô Seigneur, à tes saints ainsi qu'à moi, Tu as mitsla joie, c'est-à-dire la joie spirituelle, dans mon coeur, c'est-à-dire pour que je me réjouisse de toi: "Le royaume de Dieu n'est pas affaire de nourriture ou de boisson; mais il est justice, paix et joie dans l'Esprit-Saint." Et tel est le bien spirituel.

b. Les mauvais, eux, ont les biens temporels en abondance; et c'est pourquoi il dit: Ils se sont multipliés par la récolte de leur froment, de leur vin et de leur huile, c'est-à-dire se sont enrichis. Et dans tous ces biens temporels sont compris tous les autres; car tous se rapportent à la nécessité vitale. Et ainsi le mot froment est employé pour désigner la nourriture, le vin la boisson, et l'huile le condiment. Une autre version lit: "À tempore frumenti (Au temps du froment)"; elle indique que ces biens manquent doublement, car le terme temporalia (biens temporels) tire son nom de tempus (le temps). Il est écrit dans la Sagesse: "Ce n'est que le passage d'une ombre, notre temps." Et parce qu'un seul bien ne leur suffit pas, il faut qu'ils soient nombreux; aussi dit-il: Ils se sont multipliés.

9 En paix tout à la fois je m'endormirai et je reposerai. 10 Parce que toi, Seigneur, tu m'as établi tout particulièrement dans l'espérance.

c. Enfin lorsqu'il dit: En paix, il expose la supériorité des biens spirituels, comme s'il disait: parmi ces biens y en a-t-il qui l'emportent ? Assurément la joie du coeur. Et cela manifestement pour deux raisons.

D'abord, parce que ce bien sera éternel, tandis que celui-là est temporel; ensuite parce qu'il est unique et simple, tandis que celui-là est multiple.

Il continue en disant: Parce que toi, Seigneur, tout particulièrement, etc. Ainsi déclare-t-i1: En paix tout à la fois [je me couche et m'endors], autrement dit: les autres dans le temps, mais moi non, au contraire tout à la fois.

Remarquez donc que même au cours de la vie présente on peut dire du juste qu'il se maintient dans le bien pour quatre raisons.

- D'abord parce qu'il n'est pas entravé de l'extérieur; et c'est pourquoi il dit: En paix. - "Mon peuple se reposera dans la beauté de la paix, dans des tentes de confiance, et dans un repos opulent."

- Ensuite par la stabilité des biens acquis, car ce bien demeure toujours le même; aussi dit-il: tout à la fois. - "Jérusalem qui est bâtie comme une cité, dont les parties sont unies tout à la fois."

- Puis, parce qu'il est sans inquiétude, d'où: je m'endormirai. - "Moi je dors, mais mon coeur veille."

- Enfin par le repos acquis par le travail; c'est pourquoi il dit: et je reposerai. Et cela peut même commencer à se réaliser ici dans la vie présente; car les saints ont ici-bas quasiment tous ces biens en Dieu, mais parfaitement dans la Patrie. Et c'est pourquoi je possède cela, dit David, car je possède le bien unique qui comprend tous les autres; et c'est ce qu'il dit: Parce que toi, Seigneur, etc., autrement dit: tout ensemble, en une seule espérance, tu m'as établi, c'est-à-dire dans la vie éternelle, à propos de laquelle il est écrit au psaume 26: "J'ai demandé une seule chose au Seigneur, je la rechercherai: c'est d'habiter dans la maison du Seigneur tous les jours de ma vie." Et cette réponse s'oppose à ce qu'il a dit: Ils se sont multipliés. Parce que toi, Seigneur, tu m'as établi tout particulièrement dans l'espérance, autrement dit: en toi seul j'espère. Et cela concorde davantage avec la version iuxta Hebraeos de Jérôme qui lit: "Quia tu Domine specialiter securum habitare me fecisti (Parce que toi, Seigneur, tu m'as fait d'une manière spéciale habiter en sécurité)." - "Mieux vaut se confier", ou espérer, "dans le Seigneur que dans un homme."

 

 

 

COMMENTAIRE DU PSAUME 5

1 Pour la fin, pour celle qui obtient l'héritage.

2 Prête l'oreille à mes paroles, Seigneur, entends mon cri. 3 Sois attentif à la voix de ma prière, mon roi et mon Dieu. 4 Parce qu'à toi j'adresserai ma prière, Seigneur.

5 Dès le matin tu entendras ma voix. Dès le matin je me présenterai à toi, et je verrai que tu n'es pas un Dieu voulant l'iniquité. 6 Le méchant n'habitera pas près de toi; et les injustes ne demeureront pas devant tes yeux.

7 Tu hais tous ceux qui opèrent l'iniquité, tu perdras ceux qui disent le mensonge. Le Seigneur aura en abomination l'homme sanguinaire et fourbe.

8 Mais moi, dans l'abondance de ta miséricorde, j'entrerai dans ta maison, j'adorerai en m'approchant de ton temple saint, [pénétré] de ta crainte.

9 Seigneur, conduis-moi dans ta justice à cause de mes ennemis; dirige ma voie en ta présence.

10 Parce que la vérité n'est point en leur bouche, leur coeur est vain. 11a Leur gosier est un sépulcre ouvert, avec leurs langues ils agissaient trompeusement.

11b Juge-les, ô Dieu. 11c Qu'ils soient déçus de leurs pensées;

11d à cause de la multitude de leurs impiétés, chasse-les, parce qu'ils t'ont irrité, Seigneur.

12 Mais qu'ils se réjouissent tous ceux qui espèrent en toi; éternellement ils exulteront, et tu habiteras en eux. Et ils se glorifieront en toi, tous ceux qui aiment ton nom.

13 Parce que toi, tu béniras le juste, Seigneur, tu nous as couronnés de ta bonne volonté comme avec un bouclier.

 

1 Pour la fin, pour celle qui obtient l'héritage.

Dans le psaume précédent le psalmiste a exposé publiquement sa prière contre ses persécuteurs; dans ce psaume il prie contre ceux qui répandent des fourberies, afin de ne pas être trompé. Et à ce propos il formule deux demandes: d'abord celle de ne pas être trompé; puis au psaume 6 d'être relevé de sa chute dans le péché: "Seigneur, ne me reprends pas dans ta fureur."

Ce psaume a un titre qui comprend un aspect nouveau, à savoir: Pour la fin, pour celle qui obtient l'héritage. Ce titre fait allusion à son sens littéral et à son sens mystique.

Son sens littéral peut se comprendre de deux manières.

D'abord, suivant l'exposition de la Glose, l'histoire de la Genèse rapporte que Sara voyant jouer Ismaël avec son fils Isaac, en fut troublée et dit à Abraham: "Chasse cette servante et son fils, car le fils de cette servante n'héritera pas avec mon fils Isaac." À la vérité Sara comprit que ce jeu était une persécution dirigée contre Isaac; mais Abraham accueillit avec dureté les propos de Sara à l'égard de son propre fils Ismaël. Cependant Dieu lui dit: "Qu'elle ne te paraisse pas dure [cette parole] sur l'enfant et sur ta servante: tout ce que Sara te dit, écoute sa voix; parce que c'est en Isaac que sera ta postérité, etc."; comme s'il disait: Isaac sera ton héritier, non point Ismaël. D'où ce qui est écrit plus loin: "Abraham donna tout ce qu'il possédait à Isaac, mais aux fils de ses autres femmes, il fit des présents, les sépara d'Isaac, son fils, et les envoya, pendant que lui vivait encore, vers la région orientale." C'est pourquoi ce psaume peut se référer à cette histoire. Selon le sens littéral, il s'agit du peuple des Juifs obtenant l'héritage promis à Abraham, dont David était le chef et le roi, mais selon le sens mystique il s'agit du peuple chrétien: "Or nous, frères, nous sommes les fils de la promesse selon Isaac." Donc ce psaume se rapporte à la fin, c'est-à-dire au Christ qu'il loue. pour celle, à savoir l'Église qui obtient l'héritage, la Synagogue ayant été rejetée. Ou bien, selon la version iuxta Hebraeos de Jérôme, le titre est: Victori pro heredibus canticum David (Cantique à David vainqueur pour ceux qui obtiennent les héritages); et on peut comprendre par là que ce psaume a été composé pour célébrer la victoire que de fait David a remportée. Et il faut savoir que David dans sa fuite perdit son héritage à cause d'Absalom, comme on le rapporte au deuxième livre des Rois. C'est pourquoi de même que le psaume précédent fut composé pour célébrer la libération et la victoire contre Absalom, ainsi le psalmiste composa celui-ci pour demander la récupération de son héritage. Car à la suite de son retour à Jérusalem, les gens de David se soulevèrent encore avec fourberie et certains d'entre eux contre lui. C'est pourquoi David demanda de convoquer dans les trois jours tous les hommes de Juda, afin de pourchasser Shéba fils de Bikri; car le fils de Bikri va nous affliger davantage qu'Absalom. Il avait en effet passé à travers toutes les tribus d'Israël jusqu'à Abel, et tous les hommes choisis s'étaient assemblés auprès de lui, Shéba ayant été décapité, David régna sur tout Israël.

2 Prête l'oreille à mes paroles, Seigneur, entends mon cri. 3 Sois attentif à la voix de ma prière, mon roi et mon Dieu. 4 Parce qu'à toi j'adresserai ma prière, Seigneur.

Selon le sens littéral trois choses sont à considérer dans ce psaume.

I) D'abord la demande du psalmiste en vue d'être exauce.

II) Ensuite la manifestation de la confiance qu'il a d'être exaucé: Dès le matin, etc.

III) Enfin l'objet de sa demande: Seigneur, conduis-moi, etc.

I. Concernant sa demande il expose deux choses:

A) D'abord sa demande d'être exaucé.

B) Ensuite il donne une raison à cet exaucement: mon roi.

A. Il faut noter que celui qui veut solliciter quelque chose de quelqu'un procède de la manière suivante: Il commence par désirer ce qu'il veut solliciter. Puis il médite les paroles à exprimer. Enfin il les expose auprès de celui qui exauce.

Mais pour l'auditeur c'est le contraire: Il commence par percevoir les paroles par l'ouïe. Puis il comprend le sens des paroles par l'intelligence. Enfin il se dispose à satisfaire le désir de celui qui le sollicite.

C'est donc de cette manière que David s'adresse à Dieu.

Il sollicite d'abord une première chose, c'est-à-dire que Dieu écoute ses paroles par l'oreille extérieure, lorsqu'il dit: Prête l'oreille à mes paroles, Seigneur.

Ensuite il fait porter sa demande sur le sens, c'est-à-dire l'intelligence de ses paroles, lorsqu'il dit: [Comprends] mon cri, non point mon sentiment extérieur mais intérieur: "Mon cri poussé en sa présence est parvenu à ses oreilles." La version iuxta Hebraeos de Jérôme lit:" Intellige murmur meum (Comprends mon murmure)" que j'ai pensé faire entendre; et cette version s'accorde avec cette autre traduction qui dit: Meditationem (méditation).

Enfin il sollicite une troisième chose, c'est-à-dire l'exaucement: Sois attentif à la voix de ma prière, c'est-à-dire veuille exaucer ma prière: "Dieu, viens à mon aide."

Cependant on peut se demander Si Dieu accomplit séparément ces actes successifs: entendre, prêter attention, exaucer.

On répondra que le psalmiste parle de manière métaphorique, en ce sens que Dieu approuve tous ces actes: paroles extérieures, méditation intérieure, et ce qu'il expose.

B. Ensuite il donne une raison à cet exaucement quand il dit: mon roi. Et c'est le début du verset selon un texte grec: "ho basileús mou." Le psalmiste allègue trois raisons qui justifient l'exaucement.

Du côté de Dieu:

1. La première de ces raisons étant: mon roi. Car il appartient au roi de gouverner. Étant donné donc que cela concerne Dieu, il lui incombe de pourvoir aux nécessités: "Qui ne te craindra pas, ô roi des nations ?"

2. La deuxième raison est: Dieu. Car Dieu est la fin et le gardien de tous nos désirs: "En Dieu mon coeur a espéré, et j'ai été secouru." Et c'est pourquoi il dit: mon Dieu. - "Un peuple ne doit-il pas consulter son Dieu, [consulte-t-on] les morts au sujet des vivants ?"

Du côté de celui qui prie:

3. La troisième raison est prise du côté de celui qui prie, lorsqu'il dit: Parce qu'à toi j'adresserai ma prière, Seigneur Autrement dit: cela sied puisque tu as promis l'exaucement à ceux qui prient: "Quiconque demande, reçoit, et qui cherche trouve, et à qui frappe, il sera ouvert." Il n'y a pas de différence entre ce que dit Jérôme: Deprecor (je prie), et ce qui est dit ici: Orabo (Je prierai), car ce verbe désigne la continuité de la prière sans interruption, autrement dit: je prierai, comme j'ai toujours l'habitude de prier, selon l'exhortation du Seigneur: "Il faut toujours prier sans se lasser."

5 Dès le matin tu entendras ma voix. Dès le matin je me présenterai à toi, et je verrai que tu n'es pas un Dieu voulant l'iniquité. 6 Le méchant n'habitera pas près de toi; et les injustes ne demeureront pas devant tes yeux.

II. Ici commence la deuxième partie du psaume, dans laquelle le psalmiste montre d'abord la confiance qu'il a d'être exaucé; ensuite le motif de cette confiance: Dès le matin je me présenterai à toi, etc.

A. Ainsi dit-il: tu entendras ma voix dès le matin, c'est-à-dire au sens littéral, rapidement, comme s'il disait en son temps. En effet nous devons attendre cela de Dieu, puisqu'il exaucera promptement: "À la voix de ton cri, dès qu'il entendra, il te répondra." Et encore: "Eux parlant encore, j'écouterai."

B. Il expose le motif de sa confiance lorsqu'il dit: Dès le matin, etc. Il faut noter que le mot matin s'entend de quatre manières: Il signifie le jour naturel: "Il y eut un soir et un matin, premier jour." Semblablement la vie humaine; et c'est ainsi que la jeunesse est appelée matin: "Que le matin il fleurisse et passe." Pareillement le jour de la grâce de la première conversion de l'homme à Dieu, car c'est alors qu'il commença à avoir la lumière de la grâce: "Nous avons été remplis dès le matin de ta miséricorde." De même l'éternité: "Au soir [c'est-à-dire dans la vie présente] demeureront les pleurs, et au matin [c'est-à-dire dans la vie de l'éternité] la joie."

Deux raisons sont attribuées à juste titre à cette confiance:

1. D'abord, parce qu'il se présente dès le matin, c'est-à-dire adhère à Dieu, et se prépare à rencontrer Dieu. C'est pourquoi la version iuxta Hebraeos de Jérôme lit: Praeparabor (Je me préparerai). - "Avant la prière, prépare ton âme, et ne sois pas comme un homme qui tente Dieu."Donc dès le matin du jour, c'est-à-dire aux heures du matin, je me présenterai à toi, c'est-à-dire je me dirigerai vers toi. Et ce, parce qu'à ce moment-là l'homme est libre de soucis, et a davantage le coeur libre pour penser à Dieu: "Je méditerai le matin sur toi." - "Mais et par mon esprit et dans mon coeur, dès le matin je veillerai pour toi." Et: tu entendras ma voix, etc. Car Dieu écoute ceux qui s'attachent à lui. Dès le matin, c'est-à-dire de la grâce, les ténèbres de la faute ayant été chassées, je me présenterai et contemplabor (je te contemplerai), selon la version iuxta Hebraeos de Jérôme. "Le juste sera comme la lumière de l'aurore, qui, au soleil levant, le matin, brille sans nuages, et comme l'herbe qui germe de la terre par les pluies." tu entendras ma voix, c'est-à-dire en me libérant de la faute et du châtiment. Ou bien: Dès le matin, c'est-à-dire au jour de l'éternité: "Où étais-tu lorsque les astres du matin me louaient tous ensemble, et que tous les fils de Dieu étaient transportés de joie ?" Et alors l'homme sera totalement entendu. Ou bien: Dès le matin, c'est-à-dire depuis la jeunesse, je me présenterai à toi. - "Il est bon à l'homme de porter un joug dès sa jeunesse", et: "Souviens-toi de ton Créateur dans les jours de ta jeunesse, avant que vienne le temps de l'affliction, etc." tu entendras ma voix qui déclare dans les Proverbes: "J'aime ceux qui m'aiment, et ceux qui dès le matin veillent pour me chercher me trouveront."

2. La seconde raison de sa confiance, c'est qu'il verra; aussi dit-il: et je verrai. Et il expose en premier lieu comment il se présentera, lorsqu'il dit: mais moi, dans l'abondance. Il dit en premier lieu ce qu'il verra, c'est-à-dire quels sont ceux qui font obstacle à l'écoute, et quels sont ces empêchements. Et ces hommes sont mauvais; aussi dit-il: je verrai, c'est-à-dire que tu n'es pas un Dieu voulant l'iniquité.

À cet égard il faut noter deux choses:

a) D'abord que les méchants sont écartés.

b) Puis qu'ils sont conduits vers les maux dus à leurs châtiments: Tu hais tous ceux qui opèrent l'iniquité.

a. À propos de l'exclusion des méchants, le psalmiste parle de Dieu comme d'un homme qui aime certains de ses semblables et en hait d'autres. À ce sujet il peut y avoir chez l'homme une triple attitude: d'abord dans le fait que le péché commis par un pécheur plaise à quelqu'un; ensuite dans le fait que la personne qui pèche plaise à quelqu'un; enfin ni l'un ni l'autre, mais la personne verra volontiers le pécheur et sans indignation.

Or cette attitude ne se trouve pas en Dieu, car le péché ne plaît pas à Dieu et le pécheur n'entre pas dans sa familiarité. Semblablement il dédaigne de le voir, et c'est pourquoi le psalmiste dit au sujet du péché: je verrai que tu n'es pas un Dieu voulant l'iniquité, c'est-à-dire cela ne te plaît pas.

Ensuite il dit à propos du pécheur: Le méchant n'habitera pas près de toi, c'est-à-dire tu ne le garderas pas dans ta familiarité: "Il n'habitera pas au milieu de ma maison." Et encore dans ce même psaume: "Je hais l'assemblée des méchants."

Enfin, quant au fait qu'il dédaigne de les voir, il dit: les injustes ne demeureront pas, c'est-à-dire les pécheurs, devant tes yeux, c'est-à-dire devant ton regard qui ne garde en sa présence que ce qu'il agrée: "Tes yeux sont purs, afin de ne point voir le mal; tu ne pourras pas regarder l'iniquité."

7 Tu hais tous ceux qui opèrent l'iniquité, tu perdras ceux qui disent le mensonge. Le Seigneur aura en abomination l'homme sanguinaire et fourbe.

b. Le psalmiste montre ici comment les méchants sont conduits au châtiment, et il expose à ce sujet une triple gradation. En effet on distingue trois degrés dans la manière dont quelqu'un hait son prochain. Il commence par lui porter de la haine, en lui voulant du mal dans son coeur. Ensuite il lui manifeste cette haine en lui infligeant un mauvais traitement. Enfin, tout en le vengeant, il se réconcilie avec lui.

- Mais Dieu, lui, commence par haïr; c'est pourquoi le psalmiste dit: Tu hais tous ceux qui opèrent l'iniquité, etc. - "Dieu a également en haine l'impie et son impiété."

Cependant le livre de la Sagesse dit: "Tu aimes tout ce qui est, et tu ne hais rien de tout ce que tu as fait; car ce n'est pas inspiré par la haine que tu as établi quelque chose, ou que tu l'as fait."

On répondra à cette objection en disant que Dieu ne hait point ce qu'il a fait, mais bien ce qu'il n'a pas fait, c'est-à-dire le péché. Que si nous nous obstinons avec entêtement à commettre le péché, alors Dieu hait le pécheur dans la mesure où il n'arrive pas à le détourner du péché et il rétablit l'ordre par ses châtiments.

- Ensuite Dieu inflige un châtiment; et c'est pourquoi le psalmiste dit: Tu perdras [tous] ceux qui disent le mensonge.

- "Une bouche qui ment tue l'âme." Notons à ce propos qu'il y a trois sortes de mensonge: le mensonge pernicieux, qui nuit à quelqu'un soit spirituellement, soit matériellement, par exemple dans le domaine de la doctrine: et c'est le mensonge le plus grave. Le mensonge joyeux, qui est proféré pour amuser. Le mensonge officieux que l'on profère en vue d'un avantage temporel ou spirituel. Et il faut savoir, selon Augustin, qu'aucun mensonge officieux n'est sans péché, car Si tu mens afin de libérer quelqu'un, ce n'est pas bien: puisque l'Apôtre dit: "Devons-nous faire le mal pour qu'il en arrive du bien ?" Du reste tout mal pourrait être accompli en vue d'un bien; mais le mensonge officieux peut être quelquefois véniel, tandis que le mensonge joyeux est toujours véniel. Quant au mensonge pernicieux il est toujours mortel. Et c'est à ce mensonge qu'on fait allusion ici.

- Enfin Dieu hait en tant qu'il inflige des châtiments à celui qui ne se réconcilie pas; aussi le psalmiste ajoute-t-il: Le Seigneur aura en abomination l'homme sanguinaire et fourbe. Nous avons en abomination tout ce que nous ne supportons pas dans notre connaissance. On appelle hommes sanguinaires ceux qui sont enclins par la passion à répandre le sang: "Leurs pieds courent au mal, et ils se hâtent afin de verser le sang." - "Sors, homme de sang." Est fourbe celui dont le langage use de fourberie. Par ailleurs, il faut considérer le fait que le psalmiste procède selon un ordre: car il dit d'abord que l'homme pratique le mal tout simplement en pensée; et Dieu a ces pécheurs en haine. Cependant lorsqu'ils ajoutent la malice en exécutant leurs desseins, alors ils provoquent Dieu à les punir. Mais lorsqu'ils persévèrent, alors Dieu les a en abomination: "C'est une abomination pour le Seigneur que la voie de l'impie."

8 Mais moi, dans l'abondance de ta miséricorde, j'entrerai dans ta maison, j'adorerai en m'approchant de ton temple saint, pénétré de ta crainte.

C. Ensuite lorsqu'il dit: moi, le psalmiste montre comment il se présente au Seigneur. Et à cet égard il effectue deux choses.

1. Il expose d'abord comment il s'approche de Dieu.

2. Ensuite quelle prière il lui adresse: j'adorerai. Mais on dira alors: toi, tu dis que le méchant n'habitera pas près de toi. Serait-ce que toi, tu n'es pas pécheur ? Comment donc oses-tu te présenter ? Et voilà pourquoi le psalmiste dit: ce n'est pas à cause de mes mérites que j'entrerai dans ta maison, c'est-à-dire que je m'approcherai de toi, mais à cause de l'abondance de ta miséricorde. Le mot temple est pris ici ou bien au sens littéral, ou bien il désigne l'assemblée des fidèles: "Je t'écris ces choses, quoique j'espère aller bientôt te voir, afin que, si je tarde, tu saches comment te conduire dans la maison de Dieu, qui est l'Église du Dieu vivant, la colonne et le fondement de la vérité." - "Car ce n'est pas en vue de notre justice que, prosternés, nous répandons nos prières devant ta face, mais en vue de tes miséricordes abondantes."Mais toi, puisque tu es pécheur, c'est-à-dire un homme sanguinaire, comment approches-tu ou adores-tu ? En vérité, pénétré de ta crainte. - "Celui qui est sans crainte ne pourra être justifié"; c'est pourquoi il dit: Pénétré de ta crainte, c'est-à-dire avec révérence.

9 Seigneur, conduis-moi dans ta justice à cause de mes ennemis; dirige ma voie en ta présence.

III. Plus haut le psalmiste a demandé que sa prière soit exaucée; ici il la formule. Et il prie d'abord pour lui, ensuite pour les autres.

A. En priant pour lui,

1) il commence par exposer sa prière,

2) puis il en donne les motifs: Parce que la vérité n'est point, etc.

1. Il demande deux choses: d'être conduit et dirigé. Et pourquoi ? Parce que l'homme en ce monde est comme sur une voie: "Voici la voie, marchez-y. "Or ceux qui marchent sur la voie ont besoin de deux secours. Car si la voie n'est pas sûre, ils ont besoin d'une conduite, ou bien de direction, si elle est douteuse. En ce monde les ennemis sont partout: "Dans cette voie où je marchais, ils m'ont caché un piège." Semblablement si la voie est inconnue: "Pourquoi la vie a-t-elle été donnée [...] à un homme dont la voie est cachée et que Dieu entoure de ténèbres ?" Et c'est pourquoi il demande d'abord: Seigneur, conduis-moi dans ta justice, selon ta justice, ou bien que je marche dans ta justice, et cela à cause de mes ennemis. - "Ton esprit qui est bon me conduira dans une terre droite; à cause de ton nom, Seigneur, tu me rendras la vie dans ton équité."

dirige ma voie en ta présence. Une autre version lit: "Dirige in conspectu meo viam tuam (Dirige ta voie en ma présence)." La première version concorde avec celle de Jérôme, la seconde avec le grec; mais le sens est cependant le même. Autrement dit: Seigneur, je suis dans une voie cachée: "Il est une voie qui paraît droite à l'homme, mais ses issues conduisent à la mort", et c est pourquoi le psalmiste dit: dirige-moi en ta présence, c'est-à-dire selon ta providence, car rien ne t'est caché. Ou bien: en ta présence, c'est-à-dire pour que je sois toujours agréable. Ou encore: "Ta voie en ma présence", c'est-à-dire qu'elle soit toujours dans mon coeur pour que je puisse toujours te suivre.

10 Parce que la vérité n'est point en leur bouche, leur coeur est vain. 11a Leur gosier est un sépulcre ouvert, avec leurs langues ils agissaient trompeusement.

2. Ensuite lorsque le psalmiste ajoute: Parce que, il assigne le motif de sa demande, et il décrit les ennemis ainsi que le danger imminent.

a) D'abord en raison de l'absence du bien.

b) Ensuite à cause de l'abondance du mal, car leur coeur est vain, etc.

a. Il y a assurément absence de bien, car s'ils conservaient la paix, je pourrais faire la paix avec eux et marcher en sécurité. Mais la vérité n'est [pas dans] leur bouche; car autre est la vérité qu'ils ont dans leur bouche, et autre est celle qu'ils ont dans leur coeur: "Il n'y a pas de vérité", et c'est pourquoi je ne puis marcher en sécurité.

b. De même, à cause de l'abondance du mal. Et d'abord quant à leur méditation, lorsqu'il dit: leur coeur est vain, c'est-à-dire ils méditent des choses vaines qu'ils ne peuvent atteindre, par exemple tromper les pauvres qui sont sous ta garde: "Nombreux sont les pièges du trompeur."Ensuite quant à leur avidité, car leur gosier est un sépulcre ouvert, en effet de même qu'un sépulcre est un lieu qui renferme des morts, et qu'il émane de lui une mauvaise odeur, ainsi en est-il de leurs paroles qui mortifient les autres, soit spirituellement, soit matériellement: "Les mauvais entretiens corrompent les bonnes moeurs."

De même leurs paroles répandent de mauvaises odeurs, car ils tiennent des propos répugnants: "Il sort une haleine corrompue de l'estomac gâté." Dans un sens on peut interpréter ce mot "gosier"en le rapportant à la nourriture et à l'avidité; et on peut prendre cela ou bien au sens littéral comme suit: Ils sont un sépulcre ouvert, parce qu'ils sont voraces. Et dans le but d'assouvir leur voracité, ils flattent et font le mal. Ou bien au sens figuré: car de même qu'un sépulcre en soi est destiné à recevoir des morts, ainsi ces ennemis sont toujours prêts à tromper: "Son carquois est comme un sépulcre ouvert."

Enfin quant à leur oppression: avec leurs langues, etc., autrement dit: par leurs paroles séduisantes ils mènent à la mort: "Par de douces paroles et avec flatterie ils séduisent les coeurs innocents." - "C'est une flèche blessante que leur langue; elle a proféré la tromperie; chacun en sa bouche parle de paix avec son ami, et en cachette il lui tend des pièges." Telle peut être la prière du juste et de l'Église.

11b Juge-les, ô Dieu. 11c Qu'ils soient déçus de leurs pensées; 11d à cause de la multitude de leurs impiétés, chasse-les, parce qu'ils t'ont irrité, Seigneur.

B. Ensuite lorsque le psalmiste dit: Juge, il prie pour les autres. Et d'abord contre les méchants. Ensuite pour les bons: Mais qu'ils se réjouissent.

En priant contre les méchants, il expose trois choses.

1) Il demande d'abord leur jugement.

2) Puis il précise la procédure de leur jugement: Qu'ils soient déçus, etc.

3) Enfin il donne le motif de ce jugement: parce qu'ils t'ont irrité, Seigneur.

1. Ainsi dit-il: Juge-les, parce qu'ils sont mauvais. Mais il faut noter qu'il y a deux sortes de jugement: un jugement de discernement que subissent même les bons: "Juge-moi, ô Dieu, et discerne ma cause." Et un jugement de condamnation: "Qui ne croit pas est déjà jugé."Le psalmiste parle ici du jugement de condamnation que les méchants subiront au jugement dernier. D'où cette version de Jérôme: "Condemna eos Deus (Condamne-les, ô Dieu)."

Mais on objectera ces paroles de Matthieu: "Priez pour ceux qui vous persécutent et vous calomnient."

On répondra en disant que les prophètes dans leur prophétie ne parlaient pas par leur propre volonté: "Car ce n'est pas par la volonté des hommes que la prophétie a jamais été apportée; mais c'est inspirés par l'Esprit-Saint, qu'ont parlé les saints hommes de Dieu." Et c'est pourquoi ce qu'ils proféraient, ils le disaient selon l'intelligence de la justice divine. Et c'est ainsi que ces paroles étaient davantage des prédictions portant sur l'avenir que leurs propres prières; aussi dit-il: Juge, c'est-à-dire je sais que tu jugeras.

2. Il expose ensuite la double procédure du jugement.

a) La première, afin qu'ils renoncent à leur dessein.

b) La deuxième, afin qu'ils soient écartés du lieu saint.

a. La première procédure met un obstacle aux maux qu'ils projettent, et c'est pourquoi il dit: Qu'ils soient déçus de leurs pensées, c'est-à-dire de leurs conseils: "C'est Lui qui surprend les sages dans leur finesse, et dissipe le conseil des pervers." Ou bien: Qu'ils soient déçus, c'est-à-dire punis à cause de leurs pensées: "Leurs pensées s'accusant et se défendant l'une l'autre."

b. Mais la seconde procédure les chasse de la compagnie des bons; d'où ce qui suit: à cause de la multitude, etc. Ce jugement aura lieu lorsque le Seigneur dira: "Allez loin de moi, maudits, au feu éternel, qui a été préparé pour le diable et ses anges." - "Il le chassera de la lumière dans les ténèbres." Et il dit: à cause de la multitude de leurs impiétés, car en raison de ces dernières aura lieu la procédure de condamnation:" C'est selon la mesure du péché que sera la mesure des coups."

3. Le psalmiste expose le motif de ce jugement en disant: parce qu'ils t'ont irrité, c'est-à-dire provoqué à la colère. Ce verbe ne désigne pas en Dieu la colère, mais bien la volonté de punir. Une autre version lit: amancaverunt (ils t'ont rendu amer), toi qui es doux, en péchant avec obstination contre toi. Les pécheurs commencent par pécher, puis ils aggravent leur péché par leur obstination, et alors Dieu ne les épargne pas mais il s'irrite, c'est-à-dire est amené à punir: "Ignores-tu que la bonté de Dieu t'invite à la pénitence ? Cependant, par ta dureté et ton coeur impénitent, tu t'amasses un trésor de colère pour le jour de la colère et de la manifestation du juste jugement de Dieu, qui rendra à chacun selon ses oeuvres." - "Eux-mêmes m'ont provoqué par ce qui n'était pas Dieu."

12 Mais qu'ils se réjouissent tous ceux qui espèrent en toi; éternellement ils exulteront, et tu habiteras en eux. Et ils se glorifieront en toi, tous ceux qui aiment ton nom.

C. Ensuite lorsqu'il dit: Mais qu'ils se réjouissent, le psalmiste expose sa demande.

1) Et il commence par la formuler.

2) Ensuite il ajoute cette précision: éternellement.

1. En formulant sa demande il expose deux choses:

a. Il expose d'abord l'objet de sa demande, c'est-à-dire la joie; c'est pourquoi il dit: qu'ils se réjouissent. Telle est en effet la fin de tous les biens: "Que les justes soient comme dans un festin, qu'ils exultent en la présence de Dieu et qu'ils se plaisent dans la joie."

b. Ensuite, pour qui il demande: pour ceux qui espèrent; d'où ce qu'il dit: qui espèrent en toi. Par conséquent, quand il dit: éternellement ils exulteront, il l'expose d'abord, et il dit: qu'ils se réjouissent. Puis, qui espèrent, quand il dit: Parce que toi, tu béniras le juste.

2. La joie des saints dans la Patrie est sempiternelle, et c'est pourquoi il dit: éternellement; et elle est sûre, aussi il ajoute: et tu habiteras en eux; elle est plénière, en raison de ce qu'il mentionne ensuite: Et ils [seront glorifiés].

Cette joie est en vérité sempiternelle, non temporelle:" Une allégresse éternelle couronnera leurs têtes, ils posséderont la joie et l'allégresse; la douleur fuira ainsi que le gémissement."

Elle est sûre, sans trouble: "Mon peuple se reposera dans la beauté de la paix, et dans les tentes de la confiance"; et c'est pourquoi il dit: tu habiteras en eux, comme leur protecteur. D'où cette version de Jérôme: "Et proteges eos (Et tu les protégeras)." -" Voici le tabernacle de Dieu parmi les hommes, et il habitera avec eux."

Cette joie est aussi plénière. Et cette plénitude se manifeste de quatre manières.

a. D'abord par la gloire qui en découle; d'où ce qu'il dit: ils [seront glorifiés]", car on ne se glorifie de quelque chose que dans la mesure où on la possède excellemment. Or les saints possèdent Dieu de la manière la plus excellente qui soit; c'est pourquoi le psalmiste dit: ils [seront glorifiés].

b. Ensuite par la matière, car ils sont glorifiés au sujet d'un bien souverain, et à propos de tout bien: "Jusqu'ici vous n'avez rien demandé en mon nom: Demandez et vous recevrez, afin que votre joie soit complète." - "Je vous ai dit ces choses, afin que ma joie soit en vous."

c. Puis par la compagnie, car l'homme seul ne peut jouir avec satisfaction d'un bien, mais lorsqu'il a à ses côtés des amis qui prennent part à ce bien; et c'est pourquoi il dit: tous. - "Ainsi tous ceux qui se réjouissent trouvent leur demeure en toi."

d. Enfin par la perfection: qui aiment. Car il appartient à des amis de se réjouir du bien d'un ami, et l'homme ne délaisse pas facilement ce qu'il aime.

13 Parce que toi, tu béniras le juste. Seigneur, tu nous as couronnés de ta bonne volonté comme avec un bouclier.

D. Lorsque le psalmiste dit ensuite: Parce que, il montre pourquoi ils espèrent.

1) D'abord à cause du don de la grâce.

2) Ensuite à cause de sa miséricordieuse prédestination, etc.

1. À cause du don de la grâce; aussi dit-il: Parce que toi, tu [as béni] le juste, c'est-à-dire en lui donnant une grâce particulière: "Il nous a bénis de toute bénédiction spirituelle aux cieux."

2. Et à cause de sa miséricordieuse prédestination: "Nous avons été prédestinés selon le dessein de sa volonté, qui opère toutes choses en tous." Et c'est ce qu'il dit: "avec le bouclier de ta bonne volonté", c'est-à-dire par la volonté éternelle de sa miséricorde, qui de toute éternité a préparé le salut: "Il nous a choisis avant la création du monde, afin que nous soyons saints et immaculés." Et lorsqu'il dit: comme avec un bouclier, il précise que la volonté même de Dieu est bonne comme un bouclier qui protège contre tous les maux: "Le Seigneur est mon rocher, et ma force, et mon Sauveur. Dieu est mon fort, j'espérerai en lui; il est mon bouclier, la corne de mon salut; c'est lui qui m'élève, et qui est mon refuge." Ou bien le Seigneur est ici-bas comme un bouclier protecteur, mais dans la Patrie il est un bouclier qui couronne. Ce fut en effet un usage chez les Romains de l'Antiquité d'utiliser des boucliers ronds, et ils mettaient en ceux-ci l'espoir de la victoire; et lorsqu'ils triomphaient, ils se servaient de ce même bouclier comme d'une couronne. Et de là vient que les saints sont représentés dans la peinture avec un bouclier rond sur la tête, car, ayant remportés la victoire sur leurs ennemis, ils portent comme les Romains un bouclier rond sur la tête, qui leur tient lieu de couronne. Ainsi le psalmiste dit-il: tu nous as couronnés de ta bonne volonté comme avec un bouclier, autrement dit: pour bouclier de notre couronnement nous avons ta bonne volonté, qui nous défend ici-bas, et qui nous couronne dans la Patrie.

 

 

 

COMMENTAIRE DU PSAUME 6

1 Pour la fin, Psaumes de David pour l'octave.

2 Seigneur, ne me reprends pas dans ta fureur, et ne me corrige pas dans ta colère.

3 Aie pitié de moi, Seigneur, parce que je suis infirme. Guéris-moi, Seigneur, parce que mes os sont ébranlés. 4 Et mon âme est troublée à l'excès; mais toi, Seigneur, jusques à quand ?

5 Reviens, Seigneur, délivre mon âme; sauve-moi à cause de ta miséricorde

6 Parce que nul dans la mort ne se souvient de toi: et dans l'enfer qui te confessera ?

7 J'ai peiné dans mon gémissement, je laverai chaque nuit mon lit; j'arroserai ma couche de mes larmes.

8 Mon oeil a été troublé par la fureur; j'ai vieilli au milieu de tous mes ennemis.

9 Retirez-vous de moi vous tous qui pratiquez l'iniquité, parce que le Seigneur a exaucé la voix de mes pleurs. 10 Le Seigneur a exaucé ma déprécation, le Seigneur a accueilli ma prière.

11 Qu'ils rougissent et qu'ils soient remplis de trouble tous mes ennemis; qu'ils se retournent et qu'ils rougissent très promptement.

 

Au psaume 5, David a demandé d'être amené sur la voie de la justice à cause de ses ennemis; mais ici il demande que sa chute soit réparée. Et ce psaume semble exprimer les sentiments de l'homme qui, châtié pour ses péchés et livré aux mains de ses ennemis, obtint sa libération après avoir accompli une pénitence; et c'est pourquoi ce psaume 6 est le premier des sept psaumes pénitentiels. Ils sont sept en raison des sept dons du Saint-Esprit, grâce auquel l'homme fait pénitence. Et tous commencent par l'affliction et se terminent dans la joie; car c'est par l'affliction de la pénitence que l'on parvient au Royaume de la gloire: "Bienheureux ceux qui pleurent, car ils seront consolés."

1 Pour la fin, Psaumes de David pour l'octave.

Son titre est: Pour la fin, Psaumes de David pour l'octave. Ce que Jérôme traduit par: "Victori in Psalmis super octava canticum David (À David vainqueur en Psaumes, cantique pour l'octave)." À propos de ce titre, les autres mots ayant été expliqués, il reste à voir pourquoi il a voulu que ce psaume soit dit pour l'octave. Or il faut savoir que les titres ont été composés par Esdras, en partie suivant des faits dont il s'agissait alors, et en partie selon les faits auxquels ils se rapportaient. Ainsi on rapporte dans l'histoire du livre du Lévitique qu'au septième mois les Juifs célébraient la fête des Tentes durant sept jours, et que le huitième jour était de tous le plus solennel. Car c'était le jour de la réunion et de l'assemblée, qui se tenaient pour satisfaire au culte divin et à l'intention des pauvres. Et il est probable que David composa ce psaume à l'occasion de cette solennité, et qu'il était dit le huitième jour. Or cette fête a une signification cachée (mysterium); car par le nombre huit est signifiée la résurrection, c'est-à-dire ce temps où tous les élus seront rassemblés des quatre points de l'horizon, de l'extrémité de la terre à l'extrémité du ciel. Ou bien on dit octave à cause de la fausse opinion de ceux qui affirmaient qu'au terme de sept mille ans aurait lieu la résurrection future, le Seigneur venant pour le jugement dernier. Mais personne n'a connaissance de ce temps: "Ce n'est pas à vous de connaître les temps ou les moments que le Père a réservés en sa puissance." - "Quant à ce jour-là et à cette heure-là, nul n'en sait rien, pas même les anges des cieux; il n'y a que le Père qui le sache, Lui seul."

C'est pourquoi il y a une autre raison qui explique pourquoi par octave est désignée la résurrection. C'est que dans le monde présent il y a deux sortes de vie. L'une dans laquelle l'homme s'adonne aux choses temporelles, l'autre aux réalités spirituelles.

La première vie est signifiée par le nombre quatre, parce que c'est le nombre des corps, comme le dit aussi Platon, car par ce nombre même sont signifiées les dimensions. Or dans les corps solides le premier nombre matériel est une pyramide, comme l'enseigne Boèce dans son Arithmétique. C'est pourquoi, étant donné que cette pyramide est première, qu'un triangle depuis la base s'élève vers le haut, il s'ensuit que quatre est le premier nombre d'un corps solide. Ainsi donc, si en vertu de ce qu'il dit, le triangle ayant été établi, on élève des lignes à partir des trois angles et que leurs extrémités se rejoignent en un point central, on obtient une pyramide; pyramide dont la base est un triangle, et les côtés de véritables triangles.

Mais la seconde vie, celle qui est spirituelle, est signifiée par le nombre trois. Car dans les figures planes, trois est le premier nombre superficiel (relatif aux surfaces). Et tel est ce que Boèce dit dans ce même ouvrage. En effet la base de la pyramide est d'abord constituée d'une surface triangulaire sans aucune épaisseur. Au nombre sept, qui s'obtient par l'addition des nombres quatre et trois, succède le nombre huit, c'est-à-dire la résurrection des corps et des âmes. Mais dans la Glose on trouve une autre explication selon laquelle on affirme que le nombre quatre est en affinité avec le corps, parce qu'il est fait de quatre éléments, et doué de quatre qualités: la sécheresse et l'humidité, la chaleur et la froidure; et ces quatre qualités lui sont assurées aux quatre saisons: au printemps, en été, en automne, et en hiver. Mais le nombre trois est en affinité avec l'âme à cause de ses trois facultés: le rationnel, l'irascible et le concupiscible. Or ces deux vies achevées, c'est-à-dire la vie corporelle et spirituelle, le nombre sept ayant été atteint, vient le jour du jugement et justice est rendue à chacun selon ses mérites.

Ou bien, par octave est signifiée la résurrection, parce qu'elle aura lieu au huitième âge. Car le premier âge va d'Adam jusqu'à Noé. Le deuxième de Noé jusqu'à Abraham. Le troisième d'Abraham jusqu'à David. Le quatrième de David jusqu'à la déportation à Babylone. Le cinquième de la déportation à Babylone jusqu'au Christ. Le sixième du Christ jusqu'à la fin du monde. Le sixième et le septième âge vont de pair, car c'est l'âge de ceux qui se reposent et de ceux qui travaillent; et au terme de ces derniers aura lieu le huitième âge des ressuscités.

Ce psaume se divise en trois parties.

I) Il est d'abord question de la pénitence.

Il) Puis du gémissement de la pénitence: J'ai peiné, etc.

III) Enfin de leur fruit respectif: Retirez-vous, etc.

I. Mais l'homme qui est en état de péché souffre de trois maux dont il demande d'être libéré. Le premier mal est la perversité de son action; le deuxième est la blessure de la nature et sa faiblesse; le troisième est la culpabilité due à un châtiment imminent.

A) Le psalmiste demande donc d'être libéré du premier mal, et c'est pourquoi il dit: Seigneur, ne me reprends pas dans ta fureur, etc.

B) Ensuite du deuxième, et c'est pourquoi il ajoute en priant: Aie pitié de moi, etc.

C) Enfin du troisième, et c'est pourquoi il ajoute: mais toi, Seigneur, etc.

2 Seigneur, ne me reprends pas dans ta fureur, et ne me corrige pas dans ta colère.

A. Ainsi le psalmiste dit: Seigneur, ne me reprends pas dans ta fureur. On affranchit quelqu'un de ses actions mauvaises en le reprenant en paroles, et en le corrigeant par des punitions. Or Dieu fait l'un et l'autre. Mais il reprend parfois pour corriger, et c'est le propre de sa miséricorde: "Le juste me reprendra dans sa miséricorde, et il me corrigera; mais l'huile du pécheur ne parfumera pas ma tête." Parfois pour condamner, et cela relève de sa colère. Et c'est pourquoi il dit: Seigneur, reprends-moi, mais non dans ta fureur, car c'est le propre de la vengeance, et cela s'accomplira au jugement, lorsqu'il dira: "Retirez-vous loin de moi maudits, au feu éternel, qui a été préparé pour le diable et ses anges; car j'ai eu faim, et vous ne m'avez point donné à manger, etc." - "Ardente est sa fureur et lourde à porter; ses lèvres sont pleines d'indignation, sa langue est comme un feu dévorant." C'est ainsi qu'il reprend, mais non dans la fureur; car il reprend afin de corriger, et non pour condamner. Et ce dernier demande cette correction lorsqu'il dit: ne me [châtie] pas dans ta colère, autrement dit: corrige-moi, cependant point dans la colère ou dans la fureur, mais par des châtiments temporels: "Ici-bas brûle, ici-bas retranche, ici-bas n'épargne guère, afin d'épargner pour l'éternité." - "Corrige-moi, mais cependant dans ta justice."

3 Aie pitié de moi, Seigneur, parce que je suis infirme. Guéris-moi, parce que mes os sont ébranlés. 4 Et mon âme est troublée à l'excès; mais toi, Seigneur, jusques à quand ? 5 Reviens, Seigneur, délivre mon âme; sauve-moi à cause de ta miséricorde.

B. Ensuite lorsqu'il dit: Aie pitié, il demande d'être libéré du deuxième mal, c'est-à-dire de la blessure de la nature et de sa faiblesse. Et le psalmiste commence par exposer son infirmité en général; puis en particulier: Guéris-moi, etc.

Ainsi dit-il: Aie pitié de moi, Seigneur, parce que je suis infirme. Le péché est une infirmité spirituelle. De même que l'infirmité corporelle se produit à la suite de la rupture du fonctionnement harmonieux des humeurs, ainsi lorsque les passions de l'âme ne conservent plus un rapport raisonnable entre elles, il y a maladie spirituelle; et c'est pourquoi il dit: je suis infirme. - "Je suis infirme par nature et par vice, dit la Glose, si bien que je ne puis souffrir ta justice." - "Moi je suis ton serviteur, et le fils de ta servante." - "Je suis un homme faible et de vie éphémère, peu apte à comprendre la justice et les lois."

Ensuite lorsqu'il dit: Guéris-moi, etc., il expose d'une manière précise en quoi consiste son infirmité, et cela doublement.

1) D'abord, parce qu'il a perdu sa force.

2) Ensuite, parce qu'il a perdu le discernement: Et mon âme est troublée, etc.

1. Ainsi dit-il: Guéris-moi, Seigneur. - "Guéris-moi, Seigneur, et je serai guéri." Car si l'homme est affranchi du péché, il est capable de conserver la grâce et les vertus, qui sont la force de l'homme; et c'est pourquoi le psalmiste dit: Guéris-moi, Seigneur. Et je fais cette prière parce que mes os, c'est-à-dire ma force, à savoir la puissance et la force de mon âme, sont ébranlés.

2. De même le discernement est troublé, dans la mesure où le pécheur croit agir avec droiture lorsqu'il pèche; et c'est pourquoi le psalmiste dit: Et mon âme est troublée à l'excès, car elle a un jugement mauvais sur ses actes, c'est-à-dire qu'elle juge bon ce qui est mal, et réciproquement.

C. Ensuite quand il dit: mais toi, Seigneur, il prie afin de se préserver du péché qui entraîne la damnation. À cet égard il expose trois choses.

1) En effet il montre d'abord l'imminence du danger.

2) Ensuite il demande le secours de la grâce: Reviens.

3) Enfin il explicite ce danger imminent: Parce que nul dans la mort, etc.

1. Ainsi dit-il: je suis infirme, je ne puis me lever par moi-même, mais toi, Seigneur, qui le peux, jusques à quand ne m'exauceras-tu pas ? - "Jusques à quand, Seigneur, m'oublieras-tu pour toujours ?" Ce qui lui semblerait dangereux, c'était le fait de n'être pas converti: "Ne tarde pas à te convertir au Seigneur, et ne diffère pas de jour en jour; car subitement viendra sa colère, et au temps de la vengeance il te perdra entièrement." - "Jusques à quand, Seigneur, crierai-je sans que tu m'exauces, jusques à quand élèverai-je ma voix avec force vers toi, souffrant violence, sans que tu me sauves ?" comme s'il disait: aussi longtemps que je serai dans le péché, ne m'accorderas-tu pas ton secours afin que je ressuscite ?

2. Et c'est pourquoi il demande son secours en disant: Reviens, etc. Et il traite de trois choses: de la conversion, de la libération, et du salut.

a. De la conversion:

L'oeil de l'homme n'est éclairé par le soleil que s'il se trouve dans la direction opposée à celui-ci; de même l'âme, si elle doit recevoir la lumière divine, doit se mettre directement sous le regard de Dieu, et de cette manière le regard droit est toujours disposé par Dieu; mais l'homme se détourne, et il faut que Dieu le convertisse, dans la mesure où il se tourne d'abord vers nous en nous convertissant à lui; et c'est pourquoi le psalmiste dit: Reviens. - "Convertis-nous à toi, Seigneur, et nous serons convertis; renouvelle nos jours comme au commencement."

b. De la libération:

Quand un prisonnier est conduit à la potence, et qu'il aperçoit un confident, il le supplie avec attention et lui dit: délivre-moi. C'est de cette manière que le psalmiste prie en disant: délivre mon âme, autrement dit: délivre-moi, moi qui suis entraîné par le péché, conduit à la mort: "Arrache ceux qui sont conduits à la mort." - "Retire-moi de la fange, afin que je n'y demeure pas enfoncé. Délivre-moi de ceux qui me haïssent, et du fond des eaux" - "Il nous a arrachés à la puissance des ténèbres."

c. Du salut:

De même: sauve-moi. Après m'avoir libéré des maux, conduis-moi vers le salut: "En [lui] est mon salut"; et cela non par mes mérites, mais à cause de ta miséricorde. - "Ce n'est point par les oeuvres de justice que nous avons faites qu'il nous a sauvés, mais selon sa miséricorde."

6 Parce que nul dans la mort ne se souvient de toi: et dans l'enfer qui te confessera ?

3. Puis lorsqu'il dit: Parce que, il montre l'imminence du danger.

a) Et d'abord le danger de la mort présente, c'est-à-dire naturelle.

b) Ensuite celui de la damnation éternelle, qui est irréversible.

a. L'imminence du danger de la mort présente: Parce que nul dans la mort, c'est-à-dire après la mort, ne se souvient de toi, c'est-à-dire en pensant à ta bonté, s'il ne s'est pas souvenu d'elle pendant cette vie. Et cela, parce que l'âme raisonnable ne peut plus modifier son jugement après la mort: "Si l'arbre tombe au midi ou à l'aquilon, en quelque lieu qu'il tombe, il y sera."

b. L'imminence du second danger: en enfer on ne rencontre qu'obstination, et il n'y a point là de confession, c'est-à-dire celle dont l'Apôtre dit: "On confesse de bouche pour le salut"; c'est pourquoi le psalmiste dit: et dans l'enfer qui te confessera ? Ou bien selon une autre interprétation: dans la mort, c'est-à-dire du péché, qui se souvient de toi ?, autrement dit: je t'en supplie, délivre mon âme afin que je ne consente pas, parce que dans mon péché je ne me souviendrai pas de toi: "Ils détourneront leurs yeux afin de ne pas voir le ciel, et de ne pas se souvenir des justes jugements." et dans l'enfer, c'est-à-dire dans l'abîme des péchés, qui te confessera ? - "L'impie, lorsqu'il est parvenu dans l'abîme des péchés, devient méprisant."

7 J'ai peiné dans mon gémissement, je laverai chaque nuit mon lit; j'arroserai ma couche de mes larmes.

II. Ensuite lorsqu'il dit: J'ai peiné, il expose le gémissement de celui qui fait pénitence. À ce propos il semble parler de trois choses.

A) D'abord de la tristesse du coeur.

B) Puis de l'affaiblissement de la raison: a été troublé.

C) Enfin de la faiblesse de la force: j'ai vieilli.

A. La tristesse du coeur est indiquée de trois manières.

1) D'abord par le gémissement et les soupirs.

2) Ensuite par l'inquiétude du corps.

3) Enfin par les larmes.

1. À propos du gémissement et des soupirs il dit: J'ai peiné dans mon gémissement, c'est-à-dire en soupirant: "Mes gémissements sont nombreux et mon coeur est triste." - "Je rugissais dans le gémissement de mon coeur." Et il dit: J'ai peiné (laboravi), car lutter contre soi est un labeur, mais ce labeur produit un bon fruit: "Le fruit des bons labeurs est glorieux."

2. Quart à l'inquiétude du corps il dit: je laverai. Il expose ici deux choses: le lit et la couche; et bien que ces deux mots aient une même acception, cependant nous cherchons à savoir en quoi ils se distinguent l'un de l'autre. Sont appelés couche (stratum) les draps qui sont étendus sur un lit. Mais on appelle lit (lectum) ce qui est placé au-dessous, et ce mot est dénommé lit (lectum) à cause de l'assemblage (ab eligendo), c'est-à-dire des pailles et autres choses du même genre, dont est fait un lit. En disant donc: je laverai chaque nuit mon lit, le psalmiste laisse entendre qu'il se levait chaque nuit, et pleurait appuyé contre son lit. La version iuxta Hebraeos de Jérôme lit: "Natare faciam lectum meum (je ferai baigner mon lit)", et il s'agit d'une expression parabolique. Ou bien: "Je ferai baigner", c'est-à-dire je l'associerai à mon inquiétude à la manière d'un nageur.

3. Et il dit: j'arroserai ma couche de mes larmes, parce que même étendu sur son lit il inondait les draps de sa couche en pleurant, comme s'il répandait un ruisseau de larmes.

Au sens moral, le lit sur lequel l'homme se repose, c'est la conscience; c'est elle que l'homme purifie par les larmes dans la pénitence: "Purifie ton coeur de sa malice." Mais par le mot couche sont signifiés les péchés qui couvrent la conscience; péchés qui doivent être purifiés par les larmes, car les larmes lavent le péché qu'il est honteux d'avouer: "Mes yeux ont défailli à force de larmes." chaque nuit, dit-il, c'est-à-dire chaque péché. Car l'homme doit pleurer chaque péché en faisant pénitence. Et par là il laisse entendre que celui qui s'adonne à la pénitence répare alternativement ses péchés; car parmi le bien qu'il faisait, il péchait parfois, et pleurait chacun de ses péchés. C'est pourquoi il ne dit pas une (unam), mais chaque (singulas) nuit. Et il dit: j'arroserai, à cause du flot des larmes: "Qui donnera à ma tête de l'eau, et à mes yeux une fontaine de larmes ?" - "Fais couler comme un torrent mes larmes pendant le jour et pendant la nuit; ne te donne pas de repos, et que la prunelle de ton oeil ne se taise pas."

8 Mon oeil a été troublé par la fureur; j'ai vieilli au milieu de tous mes ennemis.

B. Ensuite lorsqu'il dit: troublé, le psalmiste expose l'affaiblissement de la raison. Car la tristesse est une cause de la colère; et c'est pourquoi celui qui est triste se met facilement en colère. Mais la colère trouble toujours l'oeil de la raison. Et ceux qui sont troublés ont moins de prévoyance, aussi dit-il: Mon oeil a été troublé, c'est-à-dire ma raison, mais à cause de la fureur des autres; en effet David s'était mis en colère et avait été troublé, lorsqu'il vit son fils Absalom et ses conseillers se dresser contre lui. Ou bien, à cause de sa fureur, car il avait été troublé en raison de ses propres péchés. Car il reconnaissait dans la situation de cette persécution, qu'il était justement maltraité à cause de ses péchés; et cette colère n'aveugle pas, mais trouble. Tandis que l'autre colère aveugle. Ou bien, à cause de ta fureur, Seigneur Dieu, avec laquelle tu me punis, comme si tu avais été provoqué par moi, car je t'ai troublé: "Mes yeux se sont lassés de regarder en haut." - "Mon visage s'est enflé par mes pleurs, et mes paupières se sont obscurcies."

C. Enfin il montre la faiblesse de sa force quand il dit: j'ai vieilli, etc. Lorsqu'un homme fut victorieux et fort dans sa jeunesse, et que par la suite il souffre non seulement de la part d'un étranger, mais aussi de la part des siens, on le regarde comme devenu vieux. Ainsi David qui, au cours de sa jeunesse ayant vaincu tous ses ennemis, fuyait à présent son propre fils, dit: j'ai vieilli, c'est-à-dire selon la considération d'autrui, au milieu de tous mes ennemis, c'est-à-dire déclarés et cachés: "Or ce qui devient ancien et vieilli est près de sa fin." Ou bien, le pécheur a vieilli en s'éloignant de la nouveauté du Christ à propos de laquelle l'Apôtre dit: "Que nous marchions dans une nouveauté de vie."

Et encore: "Afin que nous servions dans la nouveauté de l'esprit." Selon la Glose: "Nous accomplissons le service des oeuvres du nouvel homme, c'est-à-dire du Christ, oeuvres auxquelles nous nous appliquons non pas par nos propres forces ou par la loi, mais par la grâce de l'Esprit-Saint." - "Sachant que notre vieil homme a été crucifié avec lui, afin que le corps du péché soit détruit, et que nous ne soyons plus esclaves du péché." Par cet esclavage l'homme est amené au vieillissement dû au péché, et devient membre du vieil homme; c'est pourquoi l'Apôtre avertit et convainc: "Réformez-vous par le renouvellement de votre sentiment", ou de votre esprit. Réformez-vous, dit la Glose, vous qui avez été déformés en Adam, parce que l'image de Dieu a été en partie perdue en lui, réformez-vous par le renouvellement, en imitant le nouvel homme, c'est-à-dire le Christ. Le prophète Baruch déplore ce vieillissement et la misère de cette dégradation en disant sous forme d'interrogation: "D'où vient, Israël, que tu es dans la terre de tes ennemis ? Tu as vieilli dans une terre étrangère, tu t'es souillé avec les morts; tu es devenu semblable à ceux qui descendent dans l'enfer. "Et cela concorde avec ce qui est dit ici: j'ai vieilli au milieu de tous mes ennemis, soit les démons, soit tous les péchés auxquels j'ai consenti; et ainsi: j'ai vieilli désigne selon ce sens la matière du gémissement, autrement dit: je laverai, etc., parce que j'ai vieilli en imitant le vieil homme, en me livrant à tous les vices. Et alors ce qu'il a dit: Mon oeil a été troublé, etc., se rapporte à la condition de celui qui fait pénitence. Ou bien on peut rapporter ces mots à la matière de la justice, et cela regarde la condition du péché, autrement dit: j'ai vieilli, c'est-à-dire j'ai péché, car mon oeil, c'est-à-dire ma chair, a été troublée par la fureur, c'est-à-dire par le mouvement violent de la passion: "Un feu est tombé d'en haut", c'est-à-dire le feu de la concupiscence, selon une Glose d'Augustin, "et ils n'ont pas vu le soleil", c'est-à-dire le soleil de justice: "La concupiscence a perverti ton coeur." Et encore: "Ils brûlèrent de concupiscence pour Suzanne; et leur sens fut perverti, et ils détournèrent leurs yeux afin de ne pas voir le ciel, et de ne pas se souvenir des justes jugements." Or David dit que sous le mouvement violent de la concupiscence l'oeil de sa raison fut si fortement troublé qu'il ne vit pas le ciel; et ce fut à cause de sa concupiscence pour Bethsabée qu'il la connut en l'appelant auprès de lui. Et après avoir appris qu'elle était enceinte, il ajouta le crime de l'homicide à celui de l'adultère. C'est pourquoi il ordonna traîtreusement que l'époux de Bethsabée soit tué. C'est à cause de ces péchés très graves que par un juste jugement de Dieu il souffrit la persécution de la part de son propre fils.

9 Retirez-vous de moi vous tous qui pratiquez l'iniquité, parce que le Seigneur a exaucé la voix de mes pleurs. 10 Le Seigneur a exaucé ma déprécation, le Seigneur a accueilli ma prière.

III. Ici commence la troisième partie principale du psaume, dans laquelle est exposé le fruit de la pénitence; aussi le psalmiste montre-t-il ici qu'il a été exaucé, et ensuite en témoigne sa reconnaissance. Et à ce propos il effectue trois choses:

A) Car il commence par repousser ses ennemis loin de lui.

B) Ensuite il confesse qu'il a été exaucé: parce qu'il m'a exaucé.

C) Enfin il annonce le sort de ses ennemis: 11 Qu'ils rougissent.

A. Ainsi le psalmiste dit: Retirez-vous, etc. Ces mots nous font comprendre qu'après s'être affligé à cause du péché, on peut à la suite du don de l'indulgence "insulter" ses ennemis, ou ceux qui nous portent au péché, ou encore ceux qui nous persécutent physiquement. Au sens littéral, Jérôme dit: "Retirez-vous de moi", vous qui me portez au péché, car je ne veux pas de votre compagnie. Et l'Apôtre écrit: "C'est pourquoi séparez-vous, dit le Seigneur, et ne touchez point à ce qui est impur, et moi je vous recevrai." Ou bien: Retirez-vous de moi vous tous qui pratiquez l'iniquité, c'est-à-dire vous qui êtes de mauvais artisans en me persécutant injustement. Retirez-vous, dis-je, de moi, car "le Seigneur est avec moi comme un guerrier vaillant". D'où ces paroles du psalmiste: "Si des camps s'établissent contre moi, mon coeur ne craindra pas." Et dans ce verset, Retirez-vous de moi, etc., est préfigurée la persécution future et la séparation des méchants et des bons: "Ils sépareront les méchants du milieu des justes." Et encore dans le même évangile: "Il les séparera les uns d'avec les autres, comme le pasteur sépare les brebis d'avec les boucs." Et plus loin dans le même chapitre: "Retirez-vous loin de moi maudits, au feu éternel, qui a été préparé pour le diable ainsi que pour ses anges."

B. Ensuite lorsqu'il dit: parce qu'i[l m']a exaucé, il confesse qu'il a été exaucé. On remarquera ici que le psalmiste a parlé plus haut de trois choses: de la prière, en disant: Aie pitié; ensuite de la déprécation en vue d'être libéré: Reviens; enfin de l'affliction: J'ai peiné, etc. Et il dit ici que ces trois implorations ont été exaucées, mais dans un ordre différent.

Et d'abord le gémissement, en disant: le Seigneur a exaucé la voix de mes pleurs. Le gémissement des saints se fait entendre auprès de Dieu: "Il ne méprisera pas les prières de l'orphelin, ni la veuve, si elle épanche son gémissement. Est-ce que les larmes de la veuve ne descendent pas sur la joue, et son cri sur celui qui les fait couler ?" Car de la joue les larmes montent jusqu'au ciel, et le Seigneur qui exauce sera manifesté en elles. Aussi est-il écrit dans la Genèse: "La voix du sang de ton frère crie de la terre jusqu'à moi." Voilà pourquoi Judith, cette sainte femme, disait: "Réclamons son indulgence avec des larmes."

Ensuite la déprécation: car celle-ci se pratique, selon la Glose de Cassiodore, en vue de l'éloignement des maux: "Ta déprécation a été exaucée." La Glose dit: "Déprécation par laquelle tu sollicitas la libération du peuple." Donc afin de montrer qu'il a été libéré des maux contre lesquels il priait en disant: Reviens, etc., il ajoute ici: Le Seigneur a exaucé ma déprécation.

Enfin la prière, c'est-à-dire afin d'entrer en sa présence; et tel est ce qu'il ajoute: le Seigneur a accueilli ma prière. Et notez que le psalmiste met ici trois fois le mot Seigneur, afin de montrer qu'il a été exaucé par la Trinité tout entière: "Qu'il nous bénisse, Dieu, notre Dieu, qu'il nous bénisse, Dieu."

11 Qu'ils rougissent et qu'ils soient remplis de trouble tous mes ennemis; qu'ils se retournent et qu'ils rougissent très promptement.

C. Enfin lorsqu'il dit: Qu'ils rougissent, le psalmiste expose le sort des ennemis, comme s'il était dit: Toi, tu dis à tes ennemis: "Retirez-vous". Mais qu'arrivera-t-il à ceux qui s'éloignent de toi ? Assurément qu'ils rougissent, etc. Ces paroles peuvent être interprétées en bien ou en mal.

Si c'est en bien, alors elles sont dites sous forme de prière. Et à cet égard il demande quatre choses à leur intention:

1. La honte de leurs péchés, car tel est le principe de la correction de la vie: "Il y a une confusion qui amène à la gloire." Aussi dit-il: Qu'ils rougissent.

2. Puis la douleur des péchés: qu'ils soient remplis de trouble. - "Tu as ébranlé la terre et tu l'as bouleversée; répare ses brisures, parce qu'elle a été ébranlée." En effet celui qui fait pénitence doit éprouver la véhémence de la douleur plus qu'il n'a goûté la délectation dans le péché.

3. Ensuite la conversion à Dieu; aussi dit-il: qu'ils se retournent. - "Convertissez-vous à celui dont vous vous êtes radicalement séparés, fils d'Israël."

4. Et enfin la honte: Qu'ils rougissent, et qu'ils soient remplis de trouble, etc. La honte est donc le début et la fin de la correction. Mais on peut donner une autre explication. À savoir qu'au principe de son iniquité le pécheur fait rougir les yeux des hommes, et que, souffrant de cela, il évite le mal; mais qu'à la fin il fait rougir l'oeil de la raison et celui de Dieu. À propos de la honte initiale, l'Apôtre dit: "Quel fruit avez-vous donc tiré alors de ces choses dont vous rougissez maintenant ?" Au sujet de la honte salutaire, Luc dit: "Le publicain, se tenant éloigné, n'osait même pas lever les yeux au ciel." Et cette conversion doit se faire très promptement, c'est-à-dire sans tarder: "Ne tarde pas à te convertir au Seigneur, et ne diffère pas de jour en jour; car subitement viendra sa colère, et au temps de la vengeance il te perdra entièrement."

Mais si c'est en mal, alors ces paroles doivent être comprises comme un avertissement, autrement dit: Qu'ils rougissent à cause du dévoilement de leur péché devant tous: "Vous rougirez des jardins que vous aviez choisis, lorsque vous serez comme un chêne dont les feuilles tombent et comme un jardin sans eau"; et qu'ils soient remplis de trouble, c'est-à-dire de crainte et de tristesse mêlée de stupeur: "Ils seront troublés par une crainte horrible." Et c'est pourquoi il dit: qu'ils soient remplis de trouble tous mes ennemis, en reconnaissant leur propre faute et la gloire des saints: "Voici ceux que nous avons eus autrefois en dérision, et que nous donnions pour exemple de personnes dignes d'opprobre. Insensés que nous étions !" et qu'ils rougissent, car cette reconnaissance sera pour eux un objet de confusion; et cela très promptement. - "Cette iniquité sera pour vous comme une brèche qui menace ruine, et qui est recherchée dans un mur élevé, parce que tout à coup, tandis qu'on ne s'y attend pas, vient son écroulement." - "En un moment ils descendent dans les enfers." - "Le jour du Seigneur viendra comme un voleur dans la nuit. Car lorsqu'ils diront paix et sécurité, alors même viendra sur eux une ruine soudaine, comme la douleur sur une femme enceinte, et ils n'échapperont pas."

 

 

COMMENTAIRE DU PSAUME 7

1 Pour la fin. Psaume de David qu'il chanta au Seigneur à propos de Chausaï le Benjaminite/le fils jumeau.

2 Seigneur mon Dieu, en toi j'ai espéré; sauve-moi de tous ceux qui me persécutent, et libère-moi. 3 De peur que, comme un lion, il ne ravisse mon âme, tandis qu'il n'y a personne qui me rachète et qui me sauve.

4 Seigneur, mon Dieu, Si j'ai fait cela, Si l'iniquité est dans mes mains; 5a Si j'ai rendu le mal à ceux qui m'en ont fait,

5b que je tombe avec raison sans défense sous mes ennemis. 6 Que l'ennemi poursuive mon âme, qu'il la saisisse, et qu'il foule ma vie contre la terre, et qu'il fasse tomber ma gloire dans la poussière.

7 Lève-toi, Seigneur, dans ta colère, et élève-toi dans les confins de mes ennemis. Et lève-toi, Seigneur mon Dieu, selon le précepte que tu as établi, 8 et l'assemblée des peuples t'environnera. Et à cause d'elle remonte dans les hauteurs.

9 Le Seigneur juge les peuples. Juge-moi, Seigneur, selon ma justice, et selon l'innocence qui me couvre. 10 La méchanceté des pécheurs sera consumée, et tu dirigeras le juste, ô Dieu scrutant les coeurs et les reins. 11 Mon juste secours viendra du Seigneur, qui sauve les hommes droits de coeur.

12 Dieu est un juste juge, fort et patient; est-ce qu'il s'irrite tous les jours ?

13 Si vous ne vous convertissez pas, il fera vibrer son glaive; il a tendu son arc, et il l'a préparé. 14 Et sur lui il a adapté des objets de mort, il a rendu ses flèches brûlantes.

15 Voici qu'il a enfanté l'injustice, il a conçu

16 la douleur, et a mis au monde l'iniquité. Il a ouvert un abîme, et il l'a creusé; et il est tombé dans la fosse qu'il a faite. 17 Sa douleur retournera sur sa tête, et sur le haut de sa tête son iniquité descendra.

18 Je louerai le Seigneur selon sa justice, et je psalmodierai le nom du Seigneur Très-Haut.

 

1 Pour la fin. Psaume de David qu'il chanta au Seigneur à propos de Chausaï le Benjaminite/le fils jumeau.

Les psaumes qui précèdent exposent la demande de David d'être libéré de ses ennemis, tandis que ce psaume expose la demande de leur vengeance. Son titre est: Pour la fin. Psaume de David qu'il chanta au Seigneur à propos de Chausaï le Benjaminite. L'histoire du deuxième livre des Rois rapporte que David s'enfuit de la face de son fils, et que le très avisé Achitophel s'attacha à Absalom; mais que Chausaï se lia avec David, qui le renvoya afin de connaître les desseins d'Achitophel, et de les lui faire connaître. Or tandis qu'Achitophel donna à Absalom un conseil extrêmement funeste à propos de David son père, à savoir de l'attaquer aussitôt avant qu'il n'aille se protéger en quelque lieu, Chausaï signifia secrètement à David de fuir la plaine où il se trouvait, et de passer le Jourdain afin de se rendre en des lieux très retranchés. Or David, après avoir appris cette nouvelle de la bouche de Chausaï, se mit à chanter ce cantique. Et c'est pourquoi il est dit ici qu'il chanta au Seigneur à propos de Chausaï le Benjaminite/le fils jumeau. Il est écrit: fils jumeau, parce qu'il était sans doute de la tribu de Benjamin, ou bien parce qu'il descendait d'un ancêtre qui portait ce nom. Une version de Jérôme ne porte pas "In finem (Pour la fin)", ni pour la victoire, mais bien: "pro ignoratione, vel ignorantibus (Pour l'ignorance, ou pour les ignorants)." Et elle dit: "Super verbis aethiopis (À propos des paroles de l'Éthiopien)". Cependant on ignore s'il fut Éthiopien.

Au sens mystique, ce psaume peut s'appliquer à l'Église et à ses persécuteurs. Et il dit: à propos de Chausaï, ce qui veut dire silence, et fils jumeau, droite, autrement dit: il se fit que par une mystérieuse disposition de la providence divine, Achitophel, qui veut dire" ruine de son frère", à savoir Judas Iscariote, conspira par dessein et soutien à la ruine, c'est-à-dire à la mort de son frère le Christ, qui "n'a pas rougi d'appeler les hommes du nom de frères". Mais tandis que celui-là causa la perte d'un seul homme, le Christ fut la cause du salut de tous les hommes, comme le dit Augustin dans la Glose

Ce psaume comprend trois parties.

I) La première traite de la prière.

Il) La deuxième de l'exaucement: 9 Le Seigneur juge les peuples.

III) La troisième de l'action de grâce: 18 Je louerai le Seigneur.

2 Seigneur mon Dieu, en toi j'ai espéré; sauve-moi de tous ceux qui me persécutent, et libère-moi. 3 De peur que, comme un lion, il ne ravisse mon âme, tandis qu'il n'y a personne qui me rachète et qui me sauve.

I. La prière du psalmiste a deux objets.

A) Il prie d'abord afin d'être libéré de ses ennemis.

B) Ensuite pour que ses ennemis soient humiliés: 7 Lève-toi, Seigneur, dans ta colère.

A. En priant pour sa libération,

1) Il commence d'abord par demander la miséricorde.

2) Puis il allègue son innocence: 4 Seigneur, mon Dieu, si j'ai fait cela.

1. En sollicitant la miséricorde:

a) Le psalmiste manifeste d'abord le sentiment de celui qui prie.

b) Puis il expose sa demande: 2b Sauve-moi.

c) Enfin le motif de sa demande: 3 Il ne ravisse.

a. Le sentiment qui anime sa prière consiste à espérer dans le Seigneur: "Car personne n'a mis son espérance dans le Seigneur, et n'a été confondu"; aussi dit-il: en toi j'ai espéré.

b. La demande est double. En effet il demande d'être sauvé et d'être libéré, selon Denys. Être libéré, c'est être écarté du mal; être sauvé, c'est être maintenu dans le bien. Ainsi donc le psalmiste demande d'être sauvé de la corruption des ennemis, et d'en être libéré. Cela peut s'entendre des ennemis corporels et spirituels, autrement dit: sauve-moi des ennemis, et des tentations: "Sauve-moi de la gueule du lion." Et de même: "Libère mon âme de leur malice."

c. Il expose le motif de sa demande lorsqu'il dit: qu'il ne ravisse, etc., autrement dit: Si tu ne viens pas à mon secours, Absalom me dévorera comme un lion: "Levez-vous, fuyons ! Autrement nous n'échapperons pas à Absalom." Or, plus haut, il parle au pluriel en disant: de tous mes persécuteurs; ici au singulier: qu'il ne ravisse comme un lion, car tous sont réunis sous une seule tête; les spirituels sous le diable, les corporels sous Absalom: "Votre adversaire le diable, comme un lion rugissant, rôde autour de vous, cherchant qui dévorer." - "Il dresse des embûches dans le secret, comme un lion dans sa caverne. Il dresse des embûches pour prendre le pauvre; pour prendre le pauvre, tandis qu'il l'attire." Qu'il ravisse comme par surprise, et rapidement: "Le loup ravit." Car le diable agit perfidement. Et il agira de la sorte, tandis qu'il n'y a personne qui me rachète, etc. On est racheté quand on est libéré du mal. Et cela regarde la libération du châtiment: "De la mort je les rachèterai." il n'y a personne qui me rachète, par la libération de la faute: "C'est lui qui sauvera son peuple de ses péchés." Selon la version iuxta Hebraeos de Jérôme: "Ne forte rapiat ut leo animam meam, et laceret; et non sit qui eripiat (De crainte qu'il ne ravisse mon âme comme un lion, et ne la déchire; et il n'est personne qui ne l'arrache)."

4 Seigneur, mon Dieu, si j'ai fait cela, si 5a l'iniquité est dans mes mains; si j'ai rendu le mal à ceux qui m'en ont fait,

2. Ensuite il allègue son innocence:

Seigneur, mon Dieu, Si j'ai fait cela. Et cela peut se comprendre de deux manières. Soit sous forme de serment, soit sous forme d'annonce.

Si c'est sous forme de serment, alors il faut savoir qu'il y a deux sortes de serments: par témoignage, comme dans ce passage de l'épître aux Romains: "Le Dieu que je sers en mon esprit, dans l'Évangile de son Fils, m'est témoin que sans cesse je fais mémoire de vous dans toutes mes prières; demandant que, par la volonté de Dieu, quelque heureuse voie me soit ouverte pour aller vers vous"; et par imprécation, en ce sens qu'il est dit: qu'il m'advienne selon ce que j'ai fait: "Me suis-je réjoui de la ruine de celui qui me haïssait, et ai-je bondi de joie de ce que le malheur l'avait: atteint ?" - "Pour moi, je prends Dieu à témoin sur mon âme", autrement dit: Si je ne suis pas innocent, qu'il me ravisse. Ou bien on peut comprendre ce verset sous forme d'annonce, autrement dit: si moi je suis dans cet état de faute, tel sera mon châtiment: Que je tombe, etc.

a) Et suivant cela, il écarte d'abord de lui la faute: Si j'ai fait cela, etc.

b) Puis il définit son châtiment: que je tombe, etc.

a. Il écarte de lui la faute, d'abord d'une manière générale, quand il dit: Seigneur, mon Dieu, Si j'ai fait cela. Que désigne ce mot cela ? Le péché, c'est-à-dire le péché d'orgueil, selon la Glose, péché qui est universel: "Le principe de tout péché, c'est l'orgueil." Ou bien: cela, parce que lorsque quelqu'un souffre tribulation en vertu de sa propre faute, on lui dit: toi, tu t'es fait cela, autrement dit: toi, tu es la cause de ce qui advient. Et ainsi il dit: si j'ai fait cela, c'est-à-dire si moi j'ai été à l'origine de cette persécution: "David faisait droit et justice à tout son peuple." - "Je porterai la colère du Seigneur, puisque j'ai péché contre lui, jusqu'à ce qu'il juge ma cause et qu'il accomplisse mon jugement: il me fera sortir à la lumière, je verrai sa justice."

Ensuite lorsqu'il dit: si l'iniquité est dans mes mains, il écarte de lui la faute d'une manière précise; et à ce sujet il fait trois choses.

- En effet il commence par dire qu'il n'a fait injure à personne, aussi dit-il: si l'iniquité est dans mes mains. - "Si tu ôtes de toi l'iniquité qui est en ta main." - "Remarque et vois qu'il n'y a pas de mal en ma main, ni d'iniquité." Voilà pourquoi lorsqu'un homme n'a fait injure à personne, il semble injuste qu'il soit affligé.

- Ensuite, qu'il a remis même l'offense; aussi dit-il: 5a si j'ai rendu, etc. Et c'est ce qu'on lit au premier livre des Rois: "Mon oeil t'a épargné, car j'ai dit: je n'étendrai pas ma main sur mon Seigneur, parce que c'est le Christ du Seigneur." Et ailleurs: "Ne cherche point la vengeance, tu ne te souviendras pas de l'injure de tes concitoyens."

- Enfin, qu'il a fait du bien à ses ennemis, et tel est le troisième acte bon. Aussi la version iuxta Hebraeos de Jérôme lit-elle: "Dimisi hostes meos vacuos (J'ai laissé mes ennemis libres)." - "Ne te laisse pas vaincre par le mal, mais triomphe du mal par le bien." - "Si ton ennemi a faim, donne-lui à manger; s'il a soif, donne-lui de l'eau à boire; car tu amasseras des charbons ardents sur sa tête; et le Seigneur te le rendra." - "Faites du bien à ceux qui vous haïssent." - "Élisée ordonna au roi de Samarie de servir un repas à l'armée du roi de Syrie qui était venu dans le dessein de le prendre: Il leur fut donc servi un grand repas."

5b que je tombe avec raison sans défense sous mes ennemis. Que l'ennemi poursuive mon âme, qu'il la saisisse, et qu'il foule ma vie contre la terre, et qu'il fasse tomber ma gloire dans la poussière.

b. Puis lorsqu'il dit: que je tombe, il définit son châtiment, autrement dit: Si les choses que j'affirme ne sont pas vraies, que ces maux m ` arrivent.

- Et il expose d'abord la perte de ses biens.

- Puis le tort fait à sa personne.

- Enfin l'atteinte à sa gloire.

- Ainsi dit-il quant à la perte de ses biens: que ce mal m'échoie, que je tombe avec raison, c'est-à-dire justement, sous mes ennemis, à savoir que mes biens me soient ôtés: "Si la souillure s'est attachée à mes mains, que je sème et qu'un autre mange."

- En relation avec le tort fait à sa personne, il expose trois choses que l'homme souffre en soi: d'abord la persécution, puis la captivité, enfin la mort. Il fait allusion à la persécution lorsqu'il dit: qu'il poursuive; à la captivité, en disant: qu'il saisisse; à la mort, en disant: et qu'il foule, soit en me tuant, soit en me terrassant complètement.

- Quant à l'atteinte à sa gloire il ajoute: qu'il fasse tomber ma gloire, etc., autrement dit: tout ce qui a fait l'objet de ma gloire est réduit à la poussière et dispersé.

Au sens mystique, l'ennemi c'est le diable qui persécute en tentant: "Nos persécuteurs ont été plus rapides que les aigles du ciel." qu'il saisisse, par le consentement au péché: "Tous ses persécuteurs l'ont saisi dans ses angoisses." qu'il foule, par l'habitude et le mépris: "Courbe-toi, afin que nous passions." On distingue deux sortes de gloire chez l'homme: la gloire naturelle et spirituelle. À propos de la gloire naturelle, il est écrit dans la première épître aux Corinthiens: "L'homme [c'est-à-dire l'esprit], ne doit pas voiler sa tête, parce qu'il est l'image et la gloire de Dieu." À propos de la gloire spirituelle, il est écrit dans la seconde épître aux Corinthiens: "Telle est notre gloire: le témoignage de notre conscience." Or le diable livre à la poussière la gloire de l'homme, car l'image de Dieu est défigurée, parce qu'elle est souillée: "Ils ont la conscience marquée au rouge." - "Seigneur, tu réduiras au néant leur image dans ta cité."

7 Lève-toi, Seigneur, dans ta colère, et élève-toi dans les confins de mes ennemis. Et lève-toi, Seigneur mon Dieu, selon le précepte que tu as établi, 8 et l'assemblée des peuples t'environnera. Et à cause d'elle remonte dans les hauteurs.

B. Plus haut le psalmiste faisait connaître la prière qu'il formulait à son intention, en demandant d'être libéré et sauvé; ici il formule une prière de demande contre ses ennemis. Il prie à deux intentions. Il réclame d'abord leur punition. Ensuite l'efficacité de la punition: Et lève-toi.

1. Lisons d'abord ce passage de l'Écriture d'après l'histoire telle qu'elle a pu s'appliquer à David.

Lève-toi. Cela s'adresse à deux genres d'hommes. À celui qui dort et à celui qui est étendu. Or Dieu, quand il ne punit pas les péchés, semble dormir comme s'il ne gardait pas la vigilance de la prudence: "Lève-toi, pourquoi dors-tu, Seigneur ?" Semblablement quand il ne punit pas, il semble être réduit à l'impuissance; mais il semble précisément se lever, lorsqu'il manifeste sa puissance en punissant ses adversaires: "Que ta main s'élève, et qu'ils ne voient pas; qu'ils voient et qu'ils soient confondus ceux qui sont jaloux de ton peuple, et qu'un feu dévore ton héritage." Il dit: dans ta colère, c'est-à-dire par ta punition qui est un effet de ta colère. Et il expose un triple fruit de la punition.

a. Un premier fruit concerne Dieu. Que Dieu se lève non en soi, mais dans l'opinion des hommes, car par cette exaltation il est regardé comme haut et puissant; et c'est pourquoi il dit: Lève-toi, autrement dit: anéantis mes ennemis, et par cet acte tu paraîtras élevé: "Car de même qu'en leur présence vous avez été sanctifiés parmi nous, ainsi en notre présence vous serez glorifiés parmi elles." Et il dit: dans les confins, afin que Dieu anéantisse totalement mes ennemis, et que rien ne subsiste en pénétrant dans leurs confins. Une version de Jérôme lit: "Elevare indignans super hostes (Lève-toi avec indignation au-dessus de tes ennemis)", autrement dit: mets-toi en colère, et ainsi lève-toi.

b. Un autre fruit concerne David, car on lit au premier livre des Rois: "Le Seigneur s'est cherché un homme selon son coeur, et il lui a ordonné d'être chef sur son peuple." Et David en personne dit à propos de lui: "Le Seigneur m'a ordonné d'être chef sur le peuple du Seigneur en Israël." Or ce commandement semblait être sans fondement pour David humilié par Saül; et c'est pourquoi il dit: lève-toi selon le précepte que tu as établi, c'est-à-dire que je sois roi sur mon royaume. Et c'est pourquoi une version de Jérôme lit: "Exurge ad me in judicium quod mandasti (Lève-toi vers moi selon le jugement que tu m'as rendu)."

c. Un troisième fruit concerne le peuple. Dans l'Ancienne Loi, ce qui concernait tous les chefs du peuple était administré par des hommes, tandis que pour le chef suprême c'était Dieu qui s'en occupait uniquement: "Que le Seigneur, Dieu des esprits de toute chair, choisisse un homme qui soit au-dessus de cette multitude." - "Lorsque tu seras entré dans la terre que le Seigneur ton Dieu te donnera, que tu la posséderas, que tu habiteras en elle, et que tu diras: J'établirai sur moi un roi, comme en ont toutes les nations d'alentour, tu établiras chef celui que le Seigneur ton Dieu aura choisi." Donc le peuple dans le souverain principat devait suivre l'ordonnance divine, aussi le psalmiste ajoute-t-il: et l'assemblée des peuples t'environnera, c'est-à-dire suivra ton ordonnance afin de revenir vers moi. Et à cause d'elle remonte dans les hauteurs, c'est-à-dire ta magnificence apparaîtra, autrement dit: non seulement à cause de la vengeance, mais afin que les hommes reviennent à moi.

2. Mais selon que l'on rapporte ces versets au Christ, ils postulent le mystère de l'Incarnation, mystère qui comprend deux fruits. D'abord celui de l'abaissement des démons, puis celui de la conversion des hommes: Lève-toi, Seigneur.

a. Concernant l'abaissement des démons il dit: Lève-toi, c'est-à-dire manifeste-toi dans le monde par ton Incarnation, et cela dans ta colère, c'est-à-dire afin de punir les démons: "C'est maintenant le jugement du monde." - "Qu'y a-t-il à nous et à toi, Jésus le Nazarénien ? Es-tu venu pour nous perdre ?" et élève-toi dans les confins de mes ennemis, en enlevant leur possession: "Lorsqu'un homme fort et armé garde l'entrée de sa maison, tout ce qu'il possède est en sûreté. Mais qu'un plus fort que lui survienne, et qu'il le vainque, il emporte toutes les armes dans lesquelles il se confiait, et il distribue ses dépouilles." - "Comment quelqu'un peut-il entrer dans la maison d'un homme fort et emporter ses affaires, si auparavant il ne lie le fort ? Et c'est alors qu'il pillera sa maison." Ou bien: Lève-toi dans ta colère..., contre les Juifs, afin que la demande de l'Église des Gentils soit dirigée contre eux. Et il dit: élève-toi dans les confins de mes ennemis: les réalités élevées ne subissent pas de variation; ce qui est élevé pour l'homme apparaît à partir de ce qui est caché. Par exemple si on est trop élevé dans les hauteurs. Donc de même que ce qui est caché en profondeur apparaît s'il est élevé: "Il a scruté aussi les profondeurs des fleuves, et il a amené à la lumière des choses cachées", ainsi dit-il: élève-toi, c'est-à-dire manifeste-toi. Et de même que ce qui est trop élevé est caché, d'où ce qui est écrit: "Il s'éleva, et une nuée le déroba à leurs yeux", ainsi dit-il: élève-toi, afin d'être caché aux Juifs, afin qu'ils ne te connaissent pas, qu'ils te mettent en croix et qu'ils soient rachetés.

b. Concernant le second fruit il dit: lève-toi, Seigneur mon Dieu, selon le précepte que tu as établi, pour la conversion des hommes. À ce propos il expose d'abord le motif de la conversion. Ensuite son accomplissement. Enfin la punition.

Ainsi dit-il: selon le précepte, c'est-à-dire de la mansuétude et de l'humilité, que tu as établi. - "Apprenez de moi que je suis doux et humble de coeur." lève-toi donc selon ce précepte, c'est-à-dire apparais humble tout en étant élevé, autrement dit: ainsi tu accueilles l'humilité afin de ne pas abandonner la sublimité. Ou bien: lève-toi d'entre les morts, et ainsi l'assemblée des peuples t'environnera, c'est-à-dire l'assemblée des bienheureux qui seront récompensés, et celle des méchants qui seront punis: "Ton nom est une huile répandue: c'est pour cela que les jeunes filles t'ont chéri." - "La montagne préparée pour la demeure du Seigneur sera établie sur le sommet des montagnes, et elle sera élevée au-dessus des collines, et toutes les nations y afflueront." - "Lève les yeux à l'entour; tous ceux-ci se sont rassemblés, ils sont venus à toi." Et: à cause d'elle remonte dans les hauteurs, c'est-à-dire afin d'achever l'éducation de cette assemblée, l'assemblée des croyants: "Montant dans les hauteurs, il a emmené une captivité captive; il a donné des dons aux hommes." - "Celui qui ouvrira le chemin, montera devant eux." Ou bien: dans les hauteurs, tu seras caché aux yeux des Juifs, etc. l'assemblée des peuples t'environnera, en te méprisant et en te persécutant. En quoi ils seront principalement punis.

9 Le Seigneur juge les peuples. Juge-moi, Seigneur, selon ma justice, et selon l'innocence qui me couvre. 10 La méchanceté des pécheurs sera consumée, et tu dirigeras le juste, ô Dieu scrutant les coeurs et les reins. 11 Mon juste secours viendra du Seigneur, qui sauve les hommes droits de coeur.

II. Ici commence la deuxième partie de ce psaume, dans laquelle il est question de l'exaucement de la demande du psalmiste. Et parce que l'exaucement de la demande se fait par le jugement de Dieu, il fait mention du jugement divin.

A) Et il commence par parler du jugement proprement dit.

B) Ensuite il traite de son délai: Dieu est un juste juge, fort et patient; est-ce qu'il s'irrite tous les jours ?

A. En parlant du jugement il expose trois choses:

1) Il commence par l'énoncer.

2) Ensuite il expose son mode: Juge-moi, Seigneur, etc.

3) Enfin il montre l'aptitude du juge: ô Dieu scrutant les coeurs et les reins.

1. Ainsi dit-il: j'ai des ennemis qui me persécutent, aussi je demande d'en être délivré par le secours divin. Et je mets ma confiance en celui-ci. Car le Seigneur juge les peuples. - "Il jugera le monde avec équité, et les peuples selon sa vente." - "Le Seigneur se tient debout pour juger, et il est debout pour juger les peuples." Et notez qu'après avoir dit: Et à cause d'elle remonte dans les hauteurs, il poursuit en parlant du jugement; car après l'Ascension il reviendra pour juger: "Celui que vous avez vu monter au ciel reviendra de la même manière" pour juger.

2. Le mode du jugement il l'expose sous forme de prière, car en priant il montre ce qui arrivera au jugement, en disant: Juge-moi.

a) Et il expose d'abord la rétribution des bons.

b) Ensuite la punition des méchants: sera consumée.

Au jugement les deux seront rétribués. Car les biens seront donnés aux bons, et les maux aux méchants. Donc celui qui est bon, et qui est exempt de maux, aura l'abondance des biens et la suppression des maux: "Celui qui m'aura écouté reposera sans terreur et jouira de l'abondance, la crainte des maux ayant été enlevée".

a. Aussi dit-il concernant la rétribution des bons: Juge-moi selon ma justice, c'est-à-dire celle que tu m'as donnée en tant que je suis juste; et cette justice m'a été donnée afin que les biens me soient impartis: "Bienheureux ceux qui ont faim et soif de la justice, parce qu'ils seront rassasiés."

b. Concernant la punition des méchants il dit: selon [mon] innocence. Et cette justice lui est donnée afin qu'il ne souffre d'aucun mal: "L'innocent sera sauvé à cause de la pureté de ses mains." Et remarquez que le psalmiste demande ce jugement selon la justice. Plus haut, dans un psaume pénitentiel, il parle en invoquant la miséricorde et en ne rappelant aucun mérite, mais à présent, déjà justifié parce qu'il avait accompli quelques oeuvres bonnes et en vertu desquelles une récompense lui était due, il demande d'être jugé selon la justice. Du fait qu'il dit: qui me couvre, il signifie que la justice de l'homme et son innocence ne lui appartiennent pas, mais lui viennent de Dieu. Contrairement à ce qu'il demande, à savoir que les biens lui soient donnés et qu'il ne souffre d'aucun mal, il semble qu'il soit parfois bon et utile d'être opprimé par les méchants, et même on peut dire qu'en général les bons ont en ce monde des maux, tandis que les méchants jouissent des biens: "souviens-toi que pendant ta vie tu as reçu les biens, de même que Lazare les maux; or maintenant il est consolé, et toi tu es tourmenté." Et l'explication de ce fait est donnée par le verset qui suit: La méchanceté des pécheurs sera consumée, c'est-à-dire deviendra réalité à la fin du monde: "Que celui qui est souillé se souille encore." Remarquez que Dieu retarde parfois un châtiment afin que les prédestinés se convertissent: "À cause de cela, le Seigneur attend, afin d'avoir pitié de vous." C'est pourquoi alors la méchanceté des méchants sera consumée, c'est-à-dire cessera. Parfois Dieu retarde un châtiment afin que les méchants manifestent davantage leur malice, et que les jugements de Dieu apparaissent justes; et alors la méchanceté des pécheurs sera consumée, c'est-à-dire achevée, afin que la vengeance apparaisse plus juste. C'est en ce sens qu'il est écrit dans la Genèse: "Sache dès à présent que ta postérité doit être étrangère dans un pays qui ne sera pas le sien; qu'on les réduira en servitude, et qu'on les opprimera durant quatre cents ans. Mais la nation à laquelle ils seront assujettis, c'est moi qui la jugerai; et après ils sortiront avec de grandes richesses. Pour toi, tu iras en paix vers tes pères, enseveli dans une heureuse vieillesse. Ainsi, à la quatrième génération, ils reviendront ici; car les iniquités des Amorrhéens ne sont pas parvenues à leur comble jusqu'au temps présent." - "Et il ne lui donna là ni héritage, ni même où poser le pied; mais il promit de lui donner la terre en sa possession et à sa postérité après lui, lorsqu'il n'avait point encore de fils. Toutefois Dieu lui dit que sa postérité habiterait en une terre étrangère, où elle serait réduite en servitude et maltraitée pendant quatre cents ans; mais la nation qui l'aura tenue en servitude, c'est moi qui la jugerai, dit le Seigneur." Ainsi il dit: sera consumée, autrement dit: qu'ils fassent tout ce qu'ils peuvent, car à la fin la méchanceté des pécheurs sera consumée. Mais les méchants n'accableront-ils pas les bons ? Non, car Dieu dirige les justes. Aussi le psalmiste dit-il: tu dirigeras le juste. Et il est écrit dans les Proverbes: "La simplicité des justes les dirigera."

3. Ensuite lorsqu'il ajoute: scrutant, il montre l'aptitude du juge.

a) Et il expose d'abord l'aptitude du juge.

b) Puis la confiance qu'il éprouve à son égard: Mon juste secours.

a. Or deux qualités sont requises pour l'aptitude d'un juge: qu'il soit sage et qu'il soit juste. Et ces deux qualités sont en Dieu; et c'est pourquoi il est un juge compétent: "Un roi qui siège sur le trône de la justice, dissipe tout mal par son regard." Et il est souverainement sage, connaissant toutes choses, même les réalités intérieures: "Tout est à nu et à découvert à ses yeux." Il est aussi souverainement juste: "Mais toi Seigneur Sabaoth, qui juges avec justice et qui éprouves les reins et les coeurs, que je voie ta vengeance sur eux; car je t'ai révélé ma cause." Et c'est pourquoi le psalmiste dit: scrutant les coeurs. Une version de Jérôme lit: "Probator cordis et renum, Deus justus (Le Dieu juste examinateur du coeur et des reins)", et puis le verset suivant dit: "Glypeus meus in Deo (Mon bouclier est en Dieu)", là où notre version lit: Mon juste secours. Ainsi dit-il: scrutant. On distingue trois choses dans l'homme: une chose visible, à savoir l'oeuvre extérieure, et deux choses qui sont cachées, à savoir l'intention et la délectation. Ces deux dernières sont cachées pour nous, mais manifestes pour Dieu. Et puisqu'elles sont connues de Dieu, tout en étant cachées pour nous, c'est la raison pour laquelle il dit: scrutant les coeurs, parce qu'il connaît l'intention, et les reins, c'est-à-dire la délectation, afin de savoir si on se délecte dans la louange de Dieu ou bien dans celle des hommes. Mais parce que scruter c'est chercher, et que chercher est le propre de celui qui ignore, il rejette cette application à Dieu. Et afin de montrer que Dieu sait de toute évidence, quand il dit: sera consumée, etc., il a déclaré à bon droit: scrutant, car la condition des hommes apparaît surtout dans la tribulation.

b. Puis il ajoute: Mon juste secours viendra du Seigneur. Ce verset expose la confiance éprouvée à l'égard du juge, sur lequel repose l'espérance du secours. Or le secours de Dieu est double: celui de la miséricorde, et celui de la justice. Le secours par lequel on est libéré des maux et des péchés relève de la miséricorde; et ce n'est pas le propre de la justice, puisque cela n'est pas dû aux mérites. Mais lorsque quelqu'un est justifié, Dieu le parfait; et cela relève de la justice, car cette justification répond en quelque manière à un mérite. À propos du secours qui relève de la miséricorde, il est écrit: "Il est un secours dans les temps de détresse." Concernant le secours qui relève de la justice, il est écrit: "Dieu viendra à son secours au lever du matin." Mais pourquoi ? Parce que Dieu sauve les hommes droits de coeur - "Il veillera sur le salut des hommes droits." Les hommes droits de coeur, c'est-à-dire ceux qui tendent vers Dieu par l'intention.

Mais, se demande Cassiodore, pourquoi ne dit-il pas: Qui sauve les hommes droits quant aux reins, mais les hommes droits de coeur ?

Je réponds: la rectitude est relative à un ordre subordonné à une fin, et c'est le cas de l'intention; aussi faut-il que l'intention soit droite. Mais dans les reins siège la jouissance sensible.

12 Dieu est un juste juge, fort et patient; est-ce qu'il s'irrite tous les jours ?

B. Après avoir parlé plus haut du jugement divin, le psalmiste traite aussi à présent du délai de l'événement à venir, c'est-à-dire du châtiment.

1) Et il montre d'abord la cause du délai.

2) Puis la disposition préalable à la punition: Si vous ne vous convertissez pas, etc.

1. Or il expose trois raisons pour lesquelles on peut penser que Dieu ne punit pas les pécheurs.

a. Une première raison se fonderait sur le fait qu'il n'est pas juste, puisque sa providence à l'égard des actes humains est retirée: "L'iniquité de la maison d'Israël et de Juda est grande, très grande, et le pays est rempli de sang, et la ville est pleine d'aversion. Car ils disent: Le Seigneur abandonne le pays, et le Seigneur ne voit pas." - "Il parcourt les pôles du ciel et ne s'occupe pas de ce qui nous regarde." Mais le psalmiste écarte cette objection faite à l'égard de Dieu, en disant qu'il est juge et juste: "Voici que dans la justice régnera un roi et qu'un prince gouvernera selon le droit."

b. Une autre raison se fonderait sur le fait qu'il n'est pas puissant; mais il écarte cette objection en disant que Dieu est fort.- "S'agit-il de force, il est le plus fort."

Quelle en est donc la raison ? C'est que Dieu est patient, aussi le psalmiste dit-il: est-ce qu'il s'irrite tous les jours ?, c'est-à-dire il ne punira pas le premier jour venu, mais il attend quelquefois et dissimule. Il est écrit dans le livre de la Sagesse: "Il dissimule les péchés des hommes en vue de leur repentance." Et dans Isaïe: "Le Seigneur vous attend, afin d'avoir pitié de vous." Et encore: "Il se gardera de le broyer sans cesse." Une version de Jérôme lit: "Comminatus tota die (Menaçant tout au long de la journée)", à savoir par l'Écriture sainte.

13 Si vous ne vous convertissez pas, il fera vibrer son glaive; il a tendu son arc, et il l'a préparé. 14 Et sur lui il a adapté des objets de mort, il a rendu ses flèches brûlantes.

2. Ensuite lorsqu'il dit: Si vous ne vous convertissez pas, etc., il montre que le Seigneur se prépare à infliger un châtiment, et s'il le retarde c'est pour une juste cause. Et le psalmiste expose cette préparation.

a) D'abord du côté de Dieu qui inflige la punition.

b) Ensuite du côté de l'homme puni ou qui reçoit la punition: Voici qu'il a enfanté l'injustice, etc.

a. Du côté de Dieu, la préparation au châtiment sera décrite en fonction de la disposition de l'homme au démérite ou au péché, car "Dieu hait également l'impie et son impiété". Et de même que l'homme se prépare par le glaive pour lutter contre des ennemis tout proches, mais par l'arc pour combattre des ennemis éloignés; ainsi la punition divine infligée à ceux qui semblent adhérer à lui, et qui peuvent en comprendre la raison, est appelée glaive contre ceux qui sont proches, mais arc contre ceux qui sont loin. Et c'est pourquoi Dieu ne te punit pas aussitôt, mais s'y prépare afin de te laisser le temps de te convertir. Et si vous né vous convertissez pas, il fera vibrer son glaive, c'est-à-dire vous infligera sa punition: "Fuyez donc à la face du glaive, car le vengeur des iniquités c'est le glaive, et sachez qu'il y a un jugement." - "Sa flèche jaillira comme l'éclair." il fera vibrer pour effrayer, et pour frapper avec plus de force ceux qui sont proches; il frappe fortement, parce que l'homme ne se convertit que par les menaces. Valère Maxime écrit en effet: "La colère divine se manifeste peu à peu jusqu'au châtiment, mais elle compense sa lenteur par la sévérité du tourment." Une version de Jérôme lit: "Gladium suum acuet (Il aiguisera son glaive)", c'est-à-dire préparera une condamnation plus grande: "Quand j'aurai aiguisé mon glaive comme l'éclair, et que ma main aura saisi un jugement, j'exercerai ma vengeance sur mes ennemis." - "Car je ne suis pas venu apporter la paix sur la terre, mais le glaive. Car je suis venu séparer l'homme de son père, la fille de sa mère et la belle-fille de sa belle-mère." D'après la Glose, le glaive de Dieu c'est le Christ. L'acte de vibrer est donc la menace de la géhenne dont sont frappés les impies, comme sous la vengeance de celui-ci: "En ce jour-là le Seigneur visitera, avec son glaive dur et grand et fort, Léviathan, serpent levier, Léviathan, serpent tortueux, et il tuera le grand poisson qui est dans la mer." Il se prépare aussi par l'arc, comme pour viser ceux qui sont éloignés; c'est pourquoi il dit: il a tendu son arc.

- Et il parle d'abord de la préparation de l'arc.

- Ensuite des flèches: il [y] a adapté. - Celui qui prépare son arc commence par le tendre, ensuite il l'ajuste avec la main. Au sujet de la préparation de l'arc il dit: son arc, c'est-à-dire la punition divine, comme s'il punissait à l'improviste. Et concernant son ajustement: et il l'a préparé. - "Car Tophet est préparée depuis hier, par le roi préparée, profonde et étendue", c'est-à-dire pour punir.

- Puis il traite de la préparation des flèches: Et il [y] a adapté, etc.

· Et il fait d'abord mention des flèches elles-mêmes.

· Ensuite il dit comment il fixe sur elles quelque chose de plus nuisible, par exemple du feu ou du poison.

· Ainsi dit-il: Et sur [celui-ci], c'est-à-dire sur l'arc, il a adapté des objets, c'est-à-dire des instruments, de mort, c'est-à-dire donnant la mort: "L'instrument de mort de chacun était dans sa main." il a rendu ses flèches brûlantes, car il y a là un effet combustible qui symbolise le châtiment du feu éternel; mais d'après l'hébreu on lit cette version: Il a préparé ses flèches contre ceux qui me persécutent." Par cet arc, selon Augustin dans la Glose, il faut entendre la Sainte Écriture. Il est écrit dans le livre de Job: "Mon arc reprendra sa vigueur dans sa main." Cet arc est tendu puisque la rigueur de l'Ancien Testament est tempérée par le Nouveau Testament. Il est préparé lorsqu'il est déployé. Et il [y] a adapté des [instruments] de mort. Les instruments de mort peuvent se comprendre de deux manières: ou bien dans un sens positif, ou bien dans un sens négatif. Dans un sens négatif, ce sont les hérétiques, qui, en s'appuyant sur la Sainte Écriture, préparent la mort aux âmes innocentes; et ainsi il dit: il a préparé, c'est-à-dire il a permis que soient préparés des instruments de mort: "Il les a fait errer dans un lieu sans chemin frayé, et non dans une voie." il a préparé (effecit), à savoir il a façonné de l'extérieur (extra fecu), c'est-à-dire il a placé en évidence ses fi èches, ses pensées pénétrantes: "Les flèches aiguës de celui qui est puissant." Ou bien dans un sens positif, les instruments de mort, c'est ce que l'Apôtre dit à l'égard des désobéissants: "Nous sommes pour certains une odeur de mort qui conduit à la mort." Et le Seigneur a rendu ses apôtres aptes à brûler par le feu de la charité: "Élie se leva comme un feu, et sa parole était enflammée comme un flambeau."

15 Voici qu'il a enfanté l'injustice, il a conçu la douleur, et a mis au monde l'iniquité. 16 Il a ouvert un abîme, et il l'a creusé; et il est tombé dans la fosse qu'il a faite. 17 Sa douleur retournera sur sa tête, et sur le haut de sa tête son iniquité descendra.

b) Ensuite lorsqu'il dit: voici, il traite de la préparation du châtiment envisagé du côté de l'homme qui doit être puni. À cet égard il mentionne deux choses:

- Sa progression vers le péché qui l'expose à la punition.

- Et ensuite l'application du châtiment: Il a ouvert un abîme.

- Trois choses contribuent à la croissance du péché: le mauvais propos, la tentative et l'effet. Et ainsi les ennemis de David avaient d'abord conçu leur mauvais dessein, mais ce qui n'était d'abord qu'une tentative, ils le mirent aussi à exécution par la suite. Or le propos peut être comparé à la conception, la tentative à la parturition, l'effet à l'accouchement. Et c'est pourquoi il dit: Voici qu'il a enfanté, c'est-à-dire s'est efforcé de pratiquer l'injustice, contre le prochain, il a conçu la douleur, comme l'écrivent Jérémie: "Ils se sont fatigués à mal agir", Isaïe: "Ils ont conçu la peine et ils ont enfanté l'iniquité" et Jacques: "La convoitise, lorsqu'elle a conçu, enfante le péché." Or il a mis au monde l'iniquité conçue, car Absalom et Achitophel, ainsi que leurs complices, s'étaient emparés de Jérusalem.

- un abîme. Il traite ici du châtiment.

· Et il expose d'abord une métaphore.

· Puis il l'explique: Sa douleur retournera, etc.

· Les chasseurs posent des pièges pour capturer les loups dans des fosses. Les ennemis eux aussi usent de stratagèmes pour capturer des hommes; et cela se fait par trahison, aussi le châtiment est-il assimilé à une fosse. Chez les Hébreux le mot "fosse" est désigné sous le vocable de lacus (lac ou citerne): "Toi aussi par le sang de ton alliance tu as fait sortir tes prisonniers d'un lac qui est sans eau." Lacus signifie donc une fosse profonde, et il a ouvert, c'est-à-dire imaginé une tromperie; il a creusé, en pensant profondément, et en l'achevant il y tomba, car il pensait tuer et il fut tué: "Ils ont creusé une fosse devant ma face et ils y sont tombés."

· Et il explique cette métaphore. Pourquoi dit-il, devant ma face ? Parce que la douleur retournera, etc. Puisqu'ils ont conçu la douleur, la douleur retournera sur sa tête, c'est-à-dire l'iniquité qu'il a engendrée descendra sur le haut de sa tête. - "Son iniquité pèsera sur lui."

18 Je louerai le Seigneur selon sa justice, et je psalmodierai le nom du Seigneur Très-Haut.

III. Je louerai. Ici commence la troisième partie du psaume dans laquelle le psalmiste expose son action de grâce. selon sa justice, car le mérite a précédé: "Son oeuvre est louange et magnificence." Et je psalmodierai avec le psaltérion: "Entonnez un psaume, et faites entendre le tambourin, le psaltérion harmonieux avec la harpe."

 

 

COMMENTAIRE DU PSAUME 8

1 Pour la fin. Pour les pressoirs. Psaume de David pour lui-même.

2 Seigneur, notre Seigneur, que ton nom est admirable par toute la terre ! Parce que ta magnificence est élevée au-dessus des cieux.

3 De la bouche des enfants et des nourrissons, tu as parfait ta louange, à cause de tes ennemis, afin que tu détruises l'ennemi et le vengeur.

4 Parce que je verrai tes cieux, ouvrages de tes doigts, la lune et les étoiles que tu as fondées.

5 Qu'est-ce que l'homme, pour que tu te souviennes de lui, ou le fils de l'homme pour que tu le visites ?

6 Tu l'as abaissé un peu au-dessous des anges, tu l'as couronné de gloire et d'honneur.

7 Et tu l'as établi sur les ouvrages de tes mains. 8 Tu as soumis sous ses pieds toutes choses; toutes les brebis et les boeufs, et en outre les animaux des champs; 9 les oiseaux du ciel, et les poissons de la mer qui parcourent en tous sens les sentiers de la mer.

10 Seigneur, notre Seigneur, que ton nom est admirable par toute la terre.

Plus haut le psalmiste a exposé un psaume dans lequel David priait à cause de sa persécution; ici il expose un psaume d'action de grâce: et tout au début il a mis un psaume 2 mentionnant les bienfaits accordés au genre humain tout entier. Puis un autre décrivant les bien faits accordés à David dans la destruction de ses ennemis, ou d'autres biens qui lui ont été prodigués. Enfin le psaume précédent exprime son action de grâce pour les maux qui lui ont été ôtés: "Je te louerai."

 

1 Pour la fin. Pour les pressoirs. Psaume de David.

Ainsi donc ce psaume exprime le sentiment de l'homme qui considère les bienfaits de Dieu accordés au genre humain, et qui en rend grâce. Son titre est: Pour la fin. Pour les pressoirs. Psaume de David. Puisque la première partie du titre a été commentée plus haut, je m'en tiendrai ici uniquement à l'explication des derniers mots: "Pro torcularibus (Pour les pressoirs).". À ce propos il faut considérer avec attention ce que rapporte le livre du Deutéronome. Il y est écrit: "Tu célébreras aussi la solennité des Tentes pendant sept jours, quand tu auras recueilli de l'aire et du pressoir tes fruits des champs." Il faut savoir en effet que David avait une piété particulière à l'égard de la célébration des fêtes, et qu'il faisait quelque chose de spécial pour louer Dieu. Or la fête des Tentes était la principale. Et cette fête se célébrait au cours des vendanges, afin de rappeler un bienfait divin: lorsque le Seigneur fit sortir d'Égypte les fils d'Israël qui vivaient sous tente, et qu'il les introduisit dans la terre promise, terre qui donnait du fruit; et c'est pourquoi il fallait qu'ils aient des fruits très beaux, au moment des vendanges. Aussi dit-il: Pour les pressoirs. Tel est le sens littéral.

Mais au sens spirituel, pressoir signifie l'Église: "Il a planté une vigne choisie, et il y construisit un pressoir." - "Il planta une vigne et l'entoura d'une haie, y creusa un pressoir, et bâtit une tour." Cependant le psalmiste dit: Pour les pressoirs, c'est-à-dire pour les Églises du monde entier; et l'Église est appelée pressoir, car de même que le vin est séparé du marc de raisin, ainsi dans l'Église, les bons sont séparés des méchants par le soin des ministres; et si la séparation ne se fait pas toujours par un changement de lieu, elle s'opère cependant par la divergence du sentiment. Pour la même raison, on parle aussi de l'aire; car la séparation du grain se fait à partir des pailles. De même, on peut dégager de ces paroles exposées selon le sens littéral leur sens spirituel. On peut dire aussi que les pressoirs signifient le martyre, au cours duquel se produit la séparation des corps et des âmes; tandis que les corps des martyrs, qui sont foulés aux pieds par le tourment et la persécution pour le nom du Christ, demeurent en lambeaux sur la terre, leurs âmes s'envolent vers le repos dans les demeures célestes.

Ce psaume se divise en deux parties.

I) Le psalmiste admire d'abord l'excellence divine.

II) Puis sa clémence: 1 Qu'est-ce que l'homme, etc.

I. Concernant l'excellence divine le psalmiste expose deux choses.

A) Il montre d'abord que la majesté de Dieu est admirable.

B) Ensuite qu'elle est manifeste: De la bouche des enfants.

2 Seigneur, notre Seigneur, que ton nom est admirable par toute la terre! Parce que ta magnificence est élevée au-dessus des cieux.

À En montrant que la majesté de Dieu est admirable il fait deux choses:

1) Il dit d'abord que celle-ci est admirable.

2) Puis il en fait connaître la raison: Parce [qu'elle] est élevée.

1. Ainsi dit-il: Seigneur de toutes choses. "Tu es le Seigneur de toutes choses", mais particulièrement notre Seigneur, nous qui t'honorons, qui adhérons à toi. Une version de Jérôme lit: "Dominator noster (Notre Maître)." - "Je ne régnerai point sur vous, ni mon fils, mais le Seigneur régnera sur vous."

Que ton nom est admirable, etc., c'est-à-dire ta divinité: "Admirables sont les soulèvements de la mer; admirable est le Seigneur dans les cieux." - "Pourquoi cherches-tu à savoir mon nom, qui est admirable ?" Il s'agit aussi du Christ incarné: "Son nom sera appelé Admirable." Mais est-ce seulement en Judée comme le disent les Juifs, ou bien en Afrique comme l'affirment les donatistes ? Non, mais par toute la terre. - "Depuis le lever du soleil jusqu'à son coucher, grand est mon nom parmi les nations."

2. La raison de son admiration, le psalmiste l'expose par ce qui suit: Parce que ta magnificence est élevée, car ta grandeur se manifeste dans les cieux. L'admiration a lieu lorsque quelqu'un voit l'effet d'une réalité, mais en ignore la cause. Or il y a deux raisons pour lesquelles une cause est digne d'admiration: ou bien parce qu'elle est totalement ignorée, ou bien parce qu'elle ne produit pas un effet révélant parfaitement la cause. Il faut dire avant tout que cela ne se conçoit pas en Dieu, puisque c'est lui qui produit l'effet: "Les perfections invisibles de Dieu, rendues compréhensibles depuis la création du monde par les choses qui ont été faites, sont devenues visibles aussi bien que sa puissance éternelle et sa divinité." Il produit, dis-je, un effet, mais en ne manifestant pas parfaitement la cause, et c'est pourquoi son action demeure digne d'admiration; c'est bien ce que le psalmiste dit: ta magnificence, c'est-à-dire ta louange ou ta puissance qui peut accomplir de grandes choses, est élevée au-dessus des cieux, c'est-à-dire dépassant sans proportion la création des cieux. Aussi le psalmiste écarte-t-il l'erreur de ceux qui disent que Dieu est la forme du ciel, car selon cette opinion il serait à la dimension des cieux. De même, il exclut l'erreur de ceux qui affirment qu'il agit sous la contingence de la nature, car il ne s'étendrait pas au-delà des cieux; alors que de manière illimitée il peut créer quelque chose de plus grand. Ou bien: au-dessus des cieux, c'est-à-dire des Écritures, car il est au-delà des éloges des Écritures: "Glorifiez le Seigneur autant que vous le pouvez, car sa gloire l'emportera encore, et admirable est sa magnificence." Ou bien: ta magnificence, c'est-à-dire ton Fils Dieu fait homme, est élevée, dans son ascension, au-dessus des cieux. - "Celui qui est descendu, c'est le même qui est monté au-dessus de tous les cieux."

3 De la bouche des enfants et des nourrissons, tu as parfait ta louange, à cause de tes ennemis, afin que tu détruises l'ennemi et le vengeur.

B. Ensuite lorsqu'il dit: De la bouche, il montre que la majesté de Dieu est tout à fait manifeste.

1) Et il montre d'abord sa manifestation.

2) Ensuite il en donne la raison: Parce que je verrai

1. Que la majesté de Dieu est manifeste, le psalmiste le prouve, car il est clair qu'elle est donnée à tous, aussi simples qu'ils soient, comme émanant d'une connaissance naturelle. Car il y a deux genres d'hommes qui suivent leur instinct naturel et droit, ce sont les simples et les sages. Que les sages connaissent Dieu, cela n'a rien d'extraordinaire, mais pour les simples ce l'est assurément. Il en est cependant qui pervertissent leur instinct naturel, et ces derniers rejettent la connaissance de Dieu: "Ils n'ont pas su", c'est-à-dire ils ont voulu ignorer, "ni compris, ils marchent dans les ténèbres; tous les fondements de la terre seront ébranlés."

- "Ils dirent à Dieu: Détourne-toi de nous; nous ne voulons pas connaître tes voies." Or Dieu fait en sorte que par ceux-ci, c'est-à-dire par les simples qui suivent leur instinct naturel, soient confondus ceux qui pervertissent leur instinct naturel. Par les enfants sont signifiés les simples: "Comme des enfants nouveau-nés, désirez ardemment un lait spirituel et pur, afin que par lui vous croissiez pour le salut." Ainsi dit-il: admirable en vérité est ton nom, et à tel point que tu as parfait ta louange de la bouche des enfants et des nourrissons, toi qui les incites intérieurement à cela; et ce à cause de tes ennemis, eux qui s'opposent à ta science et à ta connaissance: "Il en est beaucoup qui se conduisent en ennemis de la croix du Christ." afin que tu détruises l'ennemi et le vengeur, c'est-à-dire n'importe quel persécuteur. Ou bien Pharaon qui veut se venger contre celui qui confesse ton nom: "Ruinant les plans et tout rempart se dressant contre la science de Dieu." Ou bien un tyran qui combat ton saint nom par les armes: "Afin qu'en faisant le bien vous réduisiez au silence l'ignorance des hommes insensés." Le Christ fit cela. En effet, lorsqu'on l'interroge à propos des enfants des Hébreux, dans Matthieu, le Christ répond qu'une louange parfaite sortait des paroles de ceux qui le louaient sous l'inspiration du Saint-Esprit, et cela tout en donnant l'impression qu'ils agissaient d'une manière puérile. Cela a lieu lorsque les simples reconnaissent Dieu, et que les autres pervertissent l'amour de la connaissance naturelle, afin de ne pas connaître Dieu lui-même. Cela a lieu aussi chez les apôtres qui "étaient sans instruction et du commun." - "Montrez-vous simples comme des colombes" et "comme des brebis au milieu des loups"; et ils détruisirent tous les ennemis du Christ: "Ce qu'il y a de fou dans le monde, Dieu l'a choisi pour confondre les sages, et ce qu'il y a de faible dans le monde, Dieu l'a choisi pour confondre les forts."

4 Parce que je verrai tes cieux, ouvrages de tes doigts, la lune et les étoiles que tu as fondées.

2. Ensuite le psalmiste ajoute la raison de cette manifestation en disant: Parce que. Cicéron rapporte dans son ouvrage sur la Nature des dieux - Aristote l'a dit aussi, bien qu'on ne puisse trouver cette citation dans les ouvrages que nous possédons de lui - que si un homme entrant dans un palais voit qu'il est bien arrangé, tout en ne voyant pas comment il a été construit, il ne peut s'empêcher, à moins d'être fou, de percevoir qu'il a été aménagé par quelqu'un. Quant à nous, nous entrons dans le monde, et nous ne voyons pas comment il a été créé; mais par le fait même qu'il a été si bien ordonné, nous devons saisir qu'il a été créé par quelqu'un. Et l'ordonnance des corps célestes montre spécialement cela. Certains se sont trompés en attribuant les causes des choses à la nécessité de la matière; aussi disent-ils que toutes les choses ont été faites pour le chaud et le froid, le sec et l'humide, selon que les éléments s'y adaptèrent. Mais si cela peut être vraisemblable pour les autres corps, cependant ce ne l'est en aucune manière pour les corps célestes; car ils ne peuvent être attribués à la nécessité de la matière, puisqu'ils sont si éloignés l'un de l'autre, et qu'ils achèvent leur cours avec un temps aussi grand. Mais il convient de ramener cela à la cause intelligible. Et c'est pourquoi l'Écriture, lorsqu'elle veut manifester la puissance de Dieu, nous ramène à la considération des cieux: "Levez vos yeux là-haut, et regardez: Qui a créé ces choses ?" Aussi le psalmiste dit-il: Parce que je verrai tes cieux, ouvrages de tes doigts. Et il dit: ouvrages de tes doigts pour trois raisons:

a. Car ce que nous faisons avec les doigts, nous l'accomplissons avec attention et avec précision. Et les observations que l'on doit faire à propos des corps célestes, ne sont ramenées qu'à une cause intelligible, aussi dit-il: ouvrages de tes doigts.

- "Il a fait les cieux avec intelligence."

b. Ou bien il répond à ce qu'il dit: est élevée. Lorsque quelqu'un soulève ce qui est lourd, il courbe l'épaule, mais quand il soulève ce qui est léger, il se sert des doigts; aussi dit-il: ouvrages de tes doigts, comme si ce lui était léger de créer les cieux: "Qui a soutenu de trois doigts la masse de la terre et pesé les cieux dans la paume de la main ?"

c. Ou bien ce que nous faisons avec les doigts sont des ouvrages subtils. Donc afin de montrer que ces ouvrages sont plus subtils que les autres, il dit: ouvrages de tes doigts, etc. Mais il nomme la lune et non le soleil, à cause des Gentils qui croyaient que cet astre était le Dieu souverain; et c'est pourquoi il mentionne spécialement la lune et les étoiles qui manifestement ne causent pas d'erreur: "La beauté du ciel, c'est l'éclat des astres, le Seigneur illuminant le monde du plus haut des cieux."

Au sens mystique, les ouvrages de tes doigts, ce sont les apôtres ou les Écritures. Les trois doigts ce sont les trois personnes, autrement dit: les oeuvres de la Trinité tout entière ou du Saint-Esprit. la lune, c'est l'Église, les étoiles, les docteurs. Et c'est Dieu qui les a faits.

5 Qu'est-ce que l'homme, pour que tu te souviennes de lui, ou le fils de l'homme pour que tu le visites ?

II. Plus haut le psalmiste a admiré l'excellence de la majesté divine, et à présent il commémore deux bienfaits divinement concédés aux hommes. Puis il est amené à conclure ce psaume sur la louange: 10 Seigneur, notre Seigneur, etc.

En commémorant ces bienfaits divins il expose trois choses.

A) Il montre d'abord la clémence de Dieu à l'égard des hommes, par rapport aux réalités qui sont au-dessus des hommes.

B) Ensuite par rapport au premier homme: tu l'as couronné de gloire et d'honneur.

C) Enfin par rapport aux réalités qui sont au-dessous de l'homme: Et tu l'as établi sur les oeuvres de tes mains.

A. Au-dessus de l'homme il y a deux natures, à savoir la nature divine et la nature angélique.

1) Il expose donc d'abord les bienfaits reçus en relation avec Dieu.

2) Ensuite en relation avec les anges: Tu l'as abaissé.

1. En relation avec Dieu, il expose en premier lieu ce qui concerne les bienfaits naturels, ensuite les bienfaits gratuits.

Et au sujet des bienfaits naturels, il mentionne encore deux choses.

a) Il expose d'abord l'attention spéciale de Dieu vis-à-vis de l'homme.

b) Puis sa familiarité spéciale avec l'homme: ou le fils de l'homme.

a. Il est étonnant que parmi les grandes créatures quelqu'un s'unisse avec une familiarité spéciale à une petite créature; et c'est pourquoi le psalmiste rappelle la petitesse de l'homme dans la création: Qu'est-ce que l'homme, une si petite chose ? - "L'homme né de la femme." Et plus loin: "L'homme est pourriture, et le fils de l'homme un vermisseau." Ensuite il rappelle sa petitesse quant à son origine, car il est aussi méprisable: "Qui peut concevoir quelque chose de pur à partir d'une semence impure ? N'est-ce pas toi qui es le seul ?" Et encore: "Ne m'as-tu pas coulé comme du lait ?"

b. Aussi le psalmiste dit-il: ou le fils de l'homme ? Mais à celui qui est si petit, si méprisable il dit que Dieu fait deux choses, c'est-à-dire qu'il se souvient de lui, et qu'il le visite. La première chose concerne la sollicitude. La seconde concerne la familiarité particulière. Et c'est une manière de parler. C'est comme un artisan qui aurait fabriqué des ouvrages imposants, et parmi ceux-ci un ouvrage de moindre importance, par exemple une aiguille, et qu'après avoir fabriqué cette aiguille, il montre qu'il en a la science. Mais que dans l'ordonnance de ses ouvrages il se soucie de cette aiguille, ce serait très étonnant; et c'est pourquoi le psalmiste dit: Qu'est-ce que l'homme, pour que parmi les grandes créatures tu te souviennes de lui ? - "Ne dis pas: Je me cacherai de Dieu; et de là-haut qui songera à moi ? En pleine foule je ne serai pas connu, car qu'est-ce que mon âme dans une telle immensité de créatures ?" Car dans ta petitesse Dieu ne t'oublie pas.

Mais en quoi cela est-il grand ? Dieu en effet se soucie de tous: "Car il n'y en a pas d'autre que toi, qui ait le souci de tous."

On répondra à cette objection en disant que Dieu se soucie spécialement de l'homme, c'est-à-dire que ses actes seront rémunérés au jour du jugement: "Et tu juges digne d'ouvrir tes yeux sur un tel être et de l'appeler avec toi en jugement ?"

De même il ne se soucie pas seulement de l'homme, mais il est dans la familiarité avec lui; et c'est pourquoi le psalmiste dit: pour que tu le visites. Seule la nature douée de raison est capable de Dieu, en connaissant et en aimant. Donc dans la mesure où Dieu se rend présent à nous par l'amour ou la connaissance, il nous visite: "Ta visite a gardé mon souffle." Ainsi donc il y a une grande clémence de Dieu dans sa relation avec l'homme.

6 Tu l'as abaissé un peu au-dessous des anges, tu l'as couronné de gloire et d'honneur,

2. Mais ensuite le psalmiste traite de ce bienfait divin concédé à l'homme en comparaison avec les anges, dont il est proche: Tu l'as abaissé un peu au-dessous des anges. Chez les anges, l'image de Dieu se découvre par un simple regard sur la vérité, sans le recours à l'investigation; mais chez l'homme cela se fait par le raisonnement, et c'est pourquoi il y a une petite ressemblance avec l'homme. De là vient que les hommes sont appelés anges: "Ils chercheront la loi de sa bouche, car il est l'ange du Seigneur des armées." L'homme est aussi corruptible, mais pour peu de temps; car l'homme une fois dans la Patrie connaîtra toutes choses sans avoir recours au raisonnement, et il sera corporellement incorruptible: "Il faut que ce corps corruptible revête l'incorruptibilité."

B. Puis il montre la clémence de Dieu à l'égard de l'homme, en comparaison avec l'homme lui-même: tu l'as couronné de gloire et d'honneur, etc. Être couronné équivaut à recevoir la royauté. Dieu a établi l'homme comme roi des créatures inférieures et il est gloire, c'est-à-dire clarté de l'image divine; et c'est une couronne de l'homme: "L'homme est l'image et la gloire de Dieu." - "La lumière de ton visage a été gravée sur nous, Seigneur." Mais celui-là est honoré qui n'est soumis à personne. Or l'homme n'est soumis à aucune créature corporelle naturelle quant à son âme, ni au moment de son entrée dans le monde, ni au cours de sa vie. Ni au moment de son entrée dans le monde, car son âme n'est pas créée par une créature, et elle agit librement. Elle ne périt pas non plus avec son corps, et c'est en cela que consiste l'honneur de l'homme; aussi est-il écrit: "Ils n'ont pas jugé l'honneur des âmes saintes. Car Dieu a créé l'homme inexterminable, et c'est à l'image de sa ressemblance qu'il l'a fait."

- "L'homme, alors qu'il était en honneur, n'a pas compris, il fut comparé aux bêtes sans raison et fut fait semblable à elles."

7 Et tu l'as établi sur les ouvrages de tes mains. 8 Tu as soumis sous ses pieds toutes choses; toutes les brebis et les boeufs, et en outre les animaux des champs; 9 les oiseaux du ciel, et les poissons de la mer qui parcourent en tous sens les sentiers de la mer.

C. Ensuite lorsqu'il dit: tu l'as établi, il expose la clémence de Dieu à l'égard de l'homme en relation avec les créatures qui sont au-dessous de l'homme, car Dieu a voulu que l'homme ait une domination sur ces créatures inférieures. Et à cet égard le psalmiste expose trois choses.

1) Il expose d'abord cette domination.

2) Ensuite le pouvoir de dominer: Tu as soumis toutes choses.

3) Enfin l'énumération de ceux qui lui sont soumis: les brebis et les boeufs.

1. Ainsi dit-il: du fait que l'homme est roi, tu lui as donné la domination sur les ouvrages de tes mains. - "Qu'il exerce son pouvoir sur les poissons de la mer, et sur les oiseaux du ciel, et sur les bêtes de la terre, et sur le reptile qui rampe sur la terre." Cette domination, il la tient en vertu de sa raison, parce qu'elle surpasse tous les animaux, et c'est pourquoi aussitôt après avoir dit: de gloire et d'honneur, il ajoute: tu l'as établi, c'est-à-dire tu lui as donné la domination. Mais remarquez que le psalmiste dit que l'homme a l'autorité sur les ouvrages des mains, non des doigts, parce qu'ils ne sont pas subtils comme les cieux qui sont les ouvrages des doigts. L'homme ne peut pas se les soumettre.

2. Et c'est pourquoi le psalmiste fait connaître ensuite son pouvoir de dominer. Tu as soumis, dit-il, toutes choses, afin que l'homme préside et domine par signe. Cela est attesté dans le livre de la Genèse, ou Dieu amena tous les animaux à Adam. Et cette soumission fut totale avant le péché; mais certains animaux opposent maintenant de la résistance à cause du châtiment dû au péché.

3. Enfin lorsqu'il dit: les brebis et les boeufs, etc., il énumère les créatures qui lui sont soumises; et il mentionne les animaux tout en pensant aussi aux plantes. Mais parmi les animaux certains sont soumis selon toute leur espèce, à savoir les animaux apprivoisés et domestiques selon leur nature, c'est-à-dire les brebis et les boeufs. Et le psalmiste dit cela au féminin: "universas (toutes)", car le bétail est surtout composé de vaches et de brebis. Il y en a d'autres qui ne sont pas soumis selon toute leur espèce, et certains d'entre eux peuvent marcher; et à ce propos il dit: et en outre les animaux des champs, etc., c'est-à-dire les sangliers, les cerfs, et les animaux du même genre. Certains sont volatiles, c'est-à-dire les oiseaux, et d'autres nagent comme il en est des poissons. Ces ouvrages peuvent aussi se rapporter aux bienfaits de la grâce, et alors en ceux-ci sont énumérés tous les mystères du Christ.

a. D'abord celui de l'Incarnation: Qu'est-ce que l'homme ? Le psalmiste traite de deux choses, à savoir de la cause de l'Incarnation et de l'Incarnation elle-même.

Et il dit: Qu'est-ce que l'homme ? Dieu semblait en effet avoir oublié l'homme lorsqu'il le chassa du paradis. Il s'en souvient en quelque manière lorsqu'on fait appel à lui dans ce verset du psaume 105: "Souviens-toi de nous, Seigneur, de la bienveillance pour ton peuple, visite-nous en ton salut."

Et d'où l'Incarnation, car le Seigneur visite son peuple; et c'est pourquoi le psalmiste dit: ou le fils de l'homme, etc. Car bien que Dieu ait visité le genre humain tout entier, il visite spécialement cet homme assumé dans l'union hypostatique. - "Ce n'est pas à des anges qu'il vient en aide, mais à la postérité d'Abraham."

b. Le deuxième mystère est celui de la passion: Tu l'as abaissé à cause de la Passion: "Mais celui qui a été un moment abaissé au-dessous de l'ange, Jésus, nous le voyons, à cause de la mort qu'il a soufferte, couronné de gloire et d'honneur, ayant par la grâce de Dieu goûté de la mort pour tous." En hébreu on lit cette version: Et tu l'abaisseras un peu au-dessous de Dieu", car le Christ est uni à Dieu dans l'unité de sa personne, mais il est au-dessous de Dieu à cause de la passibilité qu'il a assumée.

c. Le troisième mystère est le bienfait de la Résurrection dans l'honneur témoigné aux apôtres, Résurrection qui est mentionnée dans le prolongement de la Passion: "Afin qu'au nom de Jésus tout genou fléchisse aux cieux, sur la terre et dans les enfers, et que toute langue confesse que le Seigneur Jésus-Christ est dans la gloire de Dieu le Père." - "Afin que tous honorent le Fils comme ils honorent le Père."

d. Le quatrième mystère est celui de l'Ascension: tu l'as établi, etc. - "L'établissant à sa droite au-dessus de toute principauté et puissance, de toute vertu, de toute domination et de tout nom qui est nommé non seulement dans ce siècle, mais aussi dans le futur."

e. Le cinquième mystère est sa venue au Jugement dernier: Tu as soumis toutes choses, etc., c'est-à-dire tu l'as établi juge sur toutes choses: "À présent nous ne voyons pas encore que toutes choses lui soient soumises", mais alors toutes choses seront soumises sous ses pieds, c'est-à-dire sous son humanité, car "la tête du Christ, c'est Dieu." Et ses pieds représentent son humanité: "Il lui a donné le pouvoir d'exercer le jugement." Et au jugement certains seront jugés bons; et parmi eux figurent des sujets représentés par les brebis: "Ceux-ci, qui sont les brebis, qu'ont-ils fait ?" D'autres sont des dignitaires de l'Église, et ces derniers sont représentés par les boeufs: "Où abondent les moissons, on voit la force des boeufs." D'autres seront jugés mauvais, et ils sont de trois sortes: "Tout ce qui est dans le monde, est ou bien concupiscence des yeux, ou bien concupiscence de la chair, ou encore orgueil de la vie."

- Et il mentionne d'abord les voluptueux; et ce sont les brebis et les boeufs, et en outre les animaux des champs, car ils s'adonnent aux plaisirs de manière bestiale: "Les bêtes de somme ont pourri dans leur ordure, les greniers ont été démolis et les granges dévastées, parce que le blé a fait défaut." Le psalmiste dit cela, parce qu'ils marchent sur une voie large.

- Ensuite il mentionne les orgueilleux; ce sont les oiseaux: "Une partie de la semence tomba le long du chemin, et les oiseaux du ciel la mangèrent."

- "Les oiseaux les dévoreront avec la morsure la plus cruelle."

- Enfin il mentionne les cupides 16 qui parcourent en tous sens les sentiers de la mer, au sens littéral, ou bien du monde: "Les impies rôdent de toutes parts." - "J'ai fait le tour de la terre et je l'ai parcourue en tous sens."

10 Seigneur, notre Seigneur, que ton nom est admirable par toute la terre.

De même que Dieu est admirable par la grandeur de sa majesté, ainsi l'est-il aussi par sa clémence; et c'est pourquoi le psalmiste conclut sur l'admiration: Seigneur, notre Seigneur, que ton nom est admirable par toute la terre. Cependant il faut savoir que ce psaume est "circulaire", puisqu'il comprend le même verset au début et à la fin. Certains psaumes sont "semi-circulaires", puisqu'ils ne répètent pas tout le verset, mais une partie seulement, par exemple: "Bénis, mon âme, le Seigneur, et que tout ce qui est en moi bénisse son saint nom", et la conclusion: "Dans tous les lieux de sa domination, bénis, mon âme, le Seigneur."

 

 

COMMENTAIRE DU PSAUME 9

1 Pour la fin. Pour les secrets du fils. Psaume de David.

2 Je te confesserai, Seigneur, de tout mon coeur; je raconterai toutes tes merveilles.

3 Je me réjouirai et j'exulterai en toi; je psalmodierai en l'honneur de ton nom, ô Très-Haut.

4 En renversant mon ennemi en arrière, ils seront affaiblis, et ils périront de devant ta face.

5 Parce que tu as fait tourner à mon avantage mon jugement et ma cause; tu t'es assis sur ton trône, toi qui juges selon la justice.

6 Tu as châtié les nations et l'impie a péri; tu as effacé leur nom pour l'éternité, et pour les siècles des siècles.

7a Les épées de l'ennemi ont perdu leur force pour toujours, et tu as détruit leurs cités.

7b Leur mémoire a péri avec bruit; 8 mais le Seigneur demeure éternellement. Il a préparé son trône pour le jugement; 9 et lui-même jugera le globe de la terre avec équité, il jugera les peuples avec justice. 10 Et le Seigneur s'est fait le refuge du pauvre, son aide dans les nécessités, dans la tribulation.

11 Et qu'ils espèrent en toi ceux qui connaissent ton nom, puisque tu n'as pas délaissé ceux qui te cherchent, Seigneur. 12 Psalmodiez un psaume au Seigneur, qui habite dans Sion; annoncez parmi les nations ses desseins; 13 parce que demandant compte du sang, il s'est souvenu d'eux; il n'a pas oublié le cri des pauvres.

14 Aie pitié de moi, Seigneur, vois mon humiliation venant de mes ennemis. 15a Toi qui me relèves des portes de la mort,

15b afin que j'annonce toutes tes louanges aux portes de la fille de Sion.

16 J'exulterai dans ton salut; les nations se sont enfoncées dans la ruine qu'elles ont forgée; dans ce piège qu'elles ont caché, leur pied a été pris. 17 Le Seigneur sera connu comme rendant la justice; le pécheur a été pris dans les oeuvres de ses mains.

18 Que les pécheurs soient précipités dans l'enfer, et toutes les nations qui oublient Dieu. 19 Car le pauvre ne sera pas oublié pour toujours; la patience des pauvres ne périra pas à jamais.

20 Lève-toi, Seigneur, que l'homme ne se fortifie point; que les nations soient jugées en ta présence. 21 Établis, Seigneur, un législateur sur eux, afin que les peuples sachent qu'ils sont des hommes.

22 Pourquoi, Seigneur, t'es-tu retiré au loin ? Pourquoi nous dédaignes-tu dans les nécessités, dans la tribulation ? 23 Tandis que s'enorgueillit l'impie, le pauvre est consumé; ils sont pris dans les desseins qu'ils méditent.

24 Parce que le pécheur est loué dans les désirs de son âme, et l'injuste est béni. 25 Le pécheur a irrité le Seigneur, dans l'excès de sa colère il ne se souciera de rien.

26a Dieu n'est point devant ses yeux; ses voies sont souillées en tout temps.

26b Tes jugements sont ôtés de devant sa face; il dominera sur tous ses ennemis. 27 Car il a dit en son coeur: Je ne serai point ébranlé de génération en génération, je serai à l'abri du mal.

28 Sa bouche est pleine de malédiction, et d'amertume et de fraude; sous sa langue labeur et douleur.

29 Il est assis en embuscade avec les riches, dans des lieux cachés, afin de tuer l'innocent. 30a Ses yeux regardent le pauvre; il lui dresse des embûches dans le secret, comme un lion dans sa caverne.

30b Il dresse des embûches pour prendre le pauvre; pour prendre le pauvre, tandis qu'il l'attire.

31 Dans son piège il l'humiliera; il s'inclinera et tombera, lorsqu'il se sera rendu maître des pauvres. 32 Car il a dit en son coeur: Dieu a oublié, il a détourné sa face pour ne rien voir jusqu'à la fin.

33 Lève-toi, Seigneur Dieu, que ta main s'élève: n'oublie pas les pauvres. 34 Pourquoi l'impie a-t-il irrité Dieu ? C'est qu'il a dit dans son coeur: "Il ne demandera pas de comptes."

35a Tu vois, car toi tu considères le labeur et la douleur pour les prendre en tes mains.

35b À toi le pauvre est abandonné; c'est toi qui viendras en aide à l'orphelin. 36 Brise le bras du pécheur et du méchant; on cherchera son péché, et on ne le trouvera pas. 37 Le Seigneur régnera éternellement et pour les siècles des siècles; nations, vous disparaîtrez de sa terre.

38 Le Seigneur a exaucé le désir des pauvres; ton oreille a entendu la disposition de leur coeur, 39 pour rendre justice à l'orphelin et à l'humble; que l'homme cesse enfin de se glorifier sur la terre.

 

1 Pour la fin. Pour les secrets du fils. Psaume de David.

Dans le psaume précédent, le psalmiste a rendu grâce pour les bienfaits accordés au genre humain tout entier, tandis que dans ce psaume il rend grâce spécialement pour le bienfait qui lui a été prodigué dans la destruction de ses ennemis; et cela se voit manifestement dans le contenu du titre que lui donne Jérôme et qui est intitulé: "Victori pro morte filii canticum David, etc. (À David vainqueur, cantique pour la mort de son fils)." Et ce titre fait allusion à l'histoire de David qui, après la mort d'Absalom, rentra en possession de son royaume. Et c'est pour ce bienfait qu'il a composé ce psaume. Mais dans notre version le titre est plus obscur: Pour la fin. Pour les secrets du fils. Psaume de David. Les secrets du fils, c'est-à-dire la mort du fils, car à cause de cette mort il est caché aux yeux de tous.

Au sens mystique, cela s'applique au Christ qui est appelé fils par antonomase, lui qui est le Fils de Dieu le Père par nature: "Si le Fils vous libère, vous serez vraiment libres." Il est aussi le fils de David selon la promesse: "Aie pitié de moi, fils de David." Pour les secrets du fils, c'est-à-dire du Christ. Quels sont ces secrets ? Il y a deux avènements du Fils de Dieu. Le premier fut caché quant à sa divinité et à sa gloire qui étaient voilées sous la faiblesse de la chair: "Vraiment tu es un Dieu caché." Le second avènement sera manifeste: "Ils verront le Fils de l'homme venant dans une nuée, avec une grande puissance et une grande majesté." Il y a aussi deux jugements du Christ. Le premier est caché; et ce jugement se trouve dans l'ordonnance du monde, en tant que Dieu permet aux bons de souffrir persécution de la part des méchants: "Tes jugements sont un abîme profond." L'autre jugement sera manifesté au jugement dernier: "Jusqu'à ce que vienne le Seigneur, qui éclairera ce qui est caché dans les ténèbres, et manifestera les pensées secrètes des coeurs." Il est en effet question d'un jugement caché dans le fait que les bons subissent l'affliction de la part des méchants: "J'attendais des biens, et voici des maux; j'espérais la lumière, et des ténèbres se sont répandues." Tout cela est rappelé implicitement, car le psalmiste rend grâce pour la libération de ses ennemis.

Ce psaume se divise er deux parties.

I) Dans la première partie, le psalmiste expose l'action de grâce proprement dite.

II) Dans la seconde, il expose la matière de l'action de grâce: 4 En [renversant] mon ennemi en arrière, etc.

2 Je te confesserai, Seigneur, de tout mon coeur; je raconterai toutes tes merveilles.

I. Le psalmiste rend grâce de trois manières: par le coeur, par la bouche et par l'action.

A. Par la bouche, de deux manières: en louant et en prêchant, car il dit: Je te confesserai. Or il y a trois sortes de confessions:

1. De la foi: "On confesse de bouche pour le salut." - "J'ai dit: "Je confesserai contre moi mon injustice au Seigneur", et tu m'as remis l'impiété de mon péché."

2. Des péchés: "Confessez vos péchés les uns aux autres."

3. De louange: "Devant tous les vivants confessez-le, parce qu'il a exercé envers vous sa miséricorde." Et c'est de cette confession dont il s'agit ici: Ô Seigneur, Je te confesserai, c'est-à-dire je te rendrai grâce, je te louerai: "Je louerai le nom de mon Dieu par un cantique, et je le magnifierai par ma louange." Cette action de grâce est dans le coeur, car "les hommes voient ce qui paraît, mais le Seigneur regarde le coeur". C'est contre ce jugement extérieur que s'élèvent Isaïe et Marc: "Ce peuple m'honore des lèvres, mais leur coeur est loin de moi." Mais il dit: de tout mon coeur, car "Dieu est plus grand que notre coeur". Et c'est pourquoi même Si nous le louons de tout notre pouvoir, notre louange n'est pas à la mesure de ce qu'il est: "Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton coeur." Donc celui qui ne donne pas totalement son coeur à Dieu, mais veut quelque chose d'autre en même temps que lui, le perd: "La couche a été resserrée, de manière que l'un tombera; et la couverture est étroite, et ne peut couvrir l'un et l'autre" Par conséquent, celui-là le loue de tout son coeur, qui n'accepte rien qui s'oppose à Dieu, mais rapporte tout à lui dans ses actes ou dans sa conduite: "Révéler et publier les oeuvres de Dieu", c'est-à-dire en les annonçant, "c'est une chose honorable".

je raconterai, en prêchant et en annonçant aux autres, car Dieu accorde des bienfaits qui doivent être communiqués aux autres; et cela se réalise bien en les faisant connaître aux autres: "Va et annonce tout ce que Dieu a fait pour toi"; et c'est pourquoi il dit: je raconterai tes merveilles. Mais il a raison de dire: merveilles, car les oeuvres de Dieu sont dès qu'il raconte, toutes ces choses-là sont merveilleuses; ou bien: toutes, parce que l'intention de celui qui raconte ne doit pas s'arrêter sur une considération, mais progresser dans sa narration autant qu'il peut. Selon Hilaire, dans son ouvrage Sur la Trinité, "celui qui poursuit l'infini de sa foi aimante, même s'il n'y parvient jamais, profitera de sa recherche". Et dans l'Écriture: "Glorifiez Dieu autant que vous le pouvez, sa gloire l'emportera encore, et admirable est sa majesté." Et: "Le Seigneur n'a-t-il pas donné à ses saints de raconter toutes ses merveilles ?"

3 Je me réjouirai et j'exulterai en toi; je psalmodierai en l'honneur de ton nom, ô Très-Haut.

B. Je me réjouirai. Ici le psalmiste rend grâce par le coeur. Certains racontent leurs propres biens aux autres, et trouvent leur joie en eux-mêmes, comme les pécheurs. C'est l'attitude du Pharisien dans l'évangile selon Luc, qui disait: "Ô Dieu, je te rends grâce de ce que je ne suis pas comme le reste des hommes, qui sont voleurs, injustes, adultères; ni même comme ce publicain." Tandis que celui-ci met toujours sa joie dans le Seigneur: "Dans tout don montre un visage joyeux, et dans l'exultation sanctifie tes dîmes." Je me réjouirai, intérieurement dans le coeur, et j'exulterai en toi, faisant éclater ma joie à l'extérieur: "Mais moi, je me réjouirai dans le Seigneur, et j'exulterai en Dieu mon Jésus."

C. Je psalmodierai. Enfin il rend grâce par l'action; car psalmodier est une oeuvre manuelle, et à travers cette oeuvre est signifiée une bonne oeuvre; car toutes nos oeuvres doivent aboutir à la gloire de Dieu: "Qu'ainsi donc luise votre lumière devant les hommes, afin qu'ils voient vos bonnes oeuvres et qu'ils glorifient votre Père qui est dans les cieux." - "Je psalmodierai en l'honneur de mon Dieu tant que je vivrai." Mais il ajoute: en l'honneur de ton nom, ô Très-Haut, autrement dit: Ô Dieu, tu ne tires aucun avantage dans le fait que je te confesserai et que je psalmodierai pour toi, car ton nom est souverain, mais cela nous est profitable: "Ma prière revenait dans mon sein." - "Si tu as agi justement, que lui donneras-tu, ou que recevra-t-il de ta main ?" - "Que sert à Dieu que tu sois juste ? ou quel bien lui fais-tu si ta voie est sans tache ?"

4 En renversant mon ennemi en arrière, ils seront affaiblis, et ils périront de devant ta face.

II. En renversant. Ici est exposée la matière de l'action de grâce.

A) D'abord en particulier pour le psalmiste.

B) Puis en général: 18 Que les pécheurs soient précipités dans l'enfer, etc.

A. Concernant la matière de l'action de grâce qui le regarde plus particulièrement, le psalmiste expose trois choses:

1) Il expose en premier lieu un fait.

2) Puis il loue l'autorité de celui qui agit: 8 le Seigneur demeure éternellement.

3) Enfin il y subordonne un fruit: 11 qu'ils espèrent en toi.

1. Il expose deux choses: un fait, et la justice liée à ce fait. La justice liée à ce fait en disant: Parce que tu as fait tourner a mon avantage, etc.

a. Le fait est la destruction de l'ennemi à propos de laquelle il mentionne trois choses:

- Car si quelqu'un est détruit, il commence par être détourné de son dessein, et à ce propos le psalmiste dit: En renversant mon ennemi en arrière; ajoutez à cela: Je confesserai, c'est-à-dire je rendrai grâce à Dieu. L'ennemi est alors renversé en arrière, lorsqu'il se détourne de ce qu'il se propose: "Qu'ils retournent en arrière et qu'ils rougissent, ceux qui songent à des maux pour moi."

- Ensuite sa force faiblit, et à ce propos il dit: ils seront affaiblis, c'est-à-dire dans sa puissance: "Le Seigneur est avec moi comme un guerrier vaillant; c'est pour cela que ceux qui me persécutent tomberont et seront sans force."

- Enfin eux-mêmes périssent, c'est pourquoi il dit: ils périront, ou bien en cessant leur impiété; et cela de devant ta face, c'est-à-dire privés de ta connaissance, ou bien par ta condamnation. Ou bien: ils périront sous ta vengeance et le jugement de leur malice. Ou bien: ils périront de devant ta face, parce qu'ils ne pourront pas te voir. On lit dans une version d'Isaïe: "Que l'impie soit supprimé de crainte qu'il ne voie la gloire de Dieu."

5 Parce que tu as fait tourner à mon avantage mon jugement et ma cause, toi tu t'es assis sur ton trône, toi qui juges selon la justice.

b. Le psalmiste expose ici la justice liée au fait.

- Il l'expose d'abord de son côté quand il dit: Parce que tu as fait. Parfois une personne est dans son droit, mais sans avoir de juge qui lui fasse justice. Parfois une personne a un juge, mais pas de témoin ou d'avocat; mais celui qui est dans son droit trouve un juge, et c'est pourquoi il dit: Parce que tu as fait tourner à mon avantage mon jugement, c'est-à-dire tu me l'as donné, et ma cause, c'est-à-dire mon témoin: "C'est moi qui suis témoin et juge, dit le Seigneur." Car Dieu est à la fois juge et témoin: en tant que juge, il rend un jugement; en tant que témoin, il défend les causes.

- Ensuite le psalmiste expose la justice liée au fait du côté du juge. Et il dit à propos de Dieu l'autorité qu'il détient pour juger: toi tu t'es assis sur ton trône, toi qui es le siège du juge, c'est-à-dire toi qui as le pouvoir royal pour détruire le mal: "Le roi qui est assis sur le trône, dissipe tout le mal par son regard." De même, tu as l'amour de la justice, aussi dit-il: toi qui juges selon la justice. - "Mais toi, Seigneur Sabaoth, toi qui juges justement."Autrement dit: c'est ton attribut particulier. - "Le Seigneur est juste et il a aimé la justice." - "C'est moi qui professe la justice, et qui combats pour sauver."

Ou bien si on applique cela au Christ: Parce que tu as fait tourner à mon avantage mon jugement, etc. Le Christ fut jugé, et il eut un procès: "Ta cause a été jugée comme celle d'un impie." Mais sa cause fut à son avantage, puisqu'elle aboutit à sa propre glorification. Toi tu t'es assis, à savoir Dieu le Père, sur ton trône, c'est-à-dire l'âme du Christ. Ou bien il s'agit du Christ qui est assis à la droite de Dieu le Père. Pour la dernière partie de ce verset, commentez-le en l'adaptant comme vous le voulez.

6 Tu as châtié les nations et l'impie a péri; tu as effacé leur nom pour l'éternité, et pour les siècles des siècles.

- Tu as châtié. Plus haut le psalmiste a montré le jugement exercé de son côté, car ce jugement a été rendu en sa faveur, et il l'a montré du côté du juge; ici il fait connaître le jugement ou la justice qui lui a été rendue du côté de ceux qui sont vengés.

· Et il expose en premier lieu la justice proprement dite.

· Puis il l'explicite: 7 Les épées de l'ennemi ont perdu leur force, etc.

· En punissant les méchants, le Seigneur accomplit successivement trois choses à leur égard. Car il ne leur inflige pas aussitôt l'ultime châtiment, mais il commence par les reprendre; puis, s'ils ne se corrigent pas, il les punit; enfin il les extermine.

Concernant la correction il dit: Tu as châtié, par les prédicateurs: "Annonce à mon peuple ses crimes, et à la maison de Jacob ses péchés." - "Reprends, corrige, exhorte en toute patience et doctrine." Également par les tribulations: "Il le corrige aussi sur son grabat par la douleur, et il fait sécher ses os."

Et à propos de la punition il dit: l'impie a péri, c'est-à-dire ou bien Absalom, ou bien le diable: "Parce que nul n'a l'intelligence, ils périront éternellement."Tu as châtié les nations, c'est-à-dire les nations trompées, et l'impie qui excite a péri, parce que toute la multitude s'est rebellée; mais elle n'a pas été détruite puisqu'elle fut séduite.

Quant à l'extermination, il dit: tu as effacé leur nom, car les impies cherchent à se conserver, mais ceux-ci ne seront pas trouvés dignes de l'éternité.

On objectera que le nom de Judas s'est conservé dans la mémoire.

Il faut répondre en disant que les hommes n'ont pas l'intention d'exalter leur nom dans le mal, mais dans le bien; cependant le nom de Judas demeure lié au mal: "Le nom des impies pourrira."Jérôme rapporte qu'un inconnu brûla un temple dans le dessein de perpétuer son souvenir; et c'est ainsi que le nom des méchants peut demeurer lié au mal.

7a Les épées de l'ennemi ont perdu leur force pour toujours, et tu as détruit leurs cités.

· Le psalmiste explique ici comment il périt; et il mentionne deux choses:

Il donne en premier lieu la raison pour laquelle il périt.

Ensuite il en explicite la manière: Leur mémoire a péri.

La raison pour laquelle il périt vient du fait que sa volonté déterminée de se faire un nom a été rendue vaine. Parfois, certains se font un nom par la puissance militaire ou dans l'exploit des guerres, c'est pourquoi il est écrit dans la Genèse: "Ces hommes sont puissants, fameux dès le temps ancien." Parfois, en bâtissant une cité: "La fondation d'une cité assurera un nom, et au-dessus de ces biens, sera estimée une femme sans tache", comme le nom de Romulus pour Rome; mais le Seigneur a détruit l'une et l'autre. Les épées, c'est-à-dire les glaives de l'en nemi, c'est-à-dire de l'homme, ont perdu leur force pour toujours, - "il a brisé la puissance des arcs." Et tu as détruit leurs cités. - "Votre terre est déserte, vos cités brûlées par le feu." Cet ennemi, c'est notamment le diable: "C'est un homme ennemi qui a fait cela." Son épée, ce sont les tentations. Les cités, ce sont les mauvais desseins dont il se sert pour pervertir les bons.

7b Leur mémoire a péri avec bruit; 8 mais le Seigneur demeure éternellement. Il a préparé son trône pour le jugement; 9 et lui-même jugera le globe de la terre avec équité, il jugera les peuples avec justice. 10 Et le Seigneur s'est fait le refuge du pauvre, son aide dans les nécessités, dans la tribulation.

a péri. Le psalmiste expose ici la manière dont leur mémoire a péri. Cela s'explique de deux façons. À péri, c'est-à-dire leur mémoire et leur bruit ont péri en même temps. Les méchants font du bruit en renversant des royaumes, ils détruisent des cités: "Tous ont été livrés à la mort au fond de la terre, au milieu des fils des hommes, avec ceux qui descendent dans la fosse." Ou bien: de l'impie, lorsqu'un homme méchant est détruit. Ce n'est pas sans un grand vacarme, car il faut qu'il endure une tribulation comme on le voit dans Marc, lorsque le diable sortit de l'homme possédé en criant et en le déchirant beaucoup. Une version de Jérôme lit: "Periit memoria cum impiis (Leur mémoire a péri avec les impies)", car ils n'ont rien fait de bien, aussi leur mémoire ne s'est pas perpétuée avec leur bien: "En vain il vient, il s'en va dans les ténèbres, et par l'oubli sera effacé son nom."

2. mais le Seigneur demeure éternellement. Le psalmiste expose ici l'autorité de celui qui agit, et il traite de six qualités touchant le jugement de Dieu.

a. Il dit d'abord que ce jugement n'est pas momentané, mais éternel. L'autorité des autres a une brève existence, c'est pourquoi il dit: le Seigneur demeure éternellement. Une version de Jérôme lit: "Sedet quasi ad judicium Dominus (Le Seigneur est assis comme pour juger)."

b. Il affirme aussi qu'il est toujours prompt, celui des autres n'est pas ainsi, aussi dit-il: Il a préparé son trône pour le jugement, c'est-à-dire il le tient prêt: "Le Seigneur est debout pour juger, il est debout pour juger les peuples."

c. Il affirme également qu'il est universel; c'est pourquoi il dit: lui-même jugera le globe de la terre, et pas seulement les Juifs: "Loin de toi, Seigneur, de perdre le juste avec l'impie."

d. Il affirme de même qu'il est juste; c'est pourquoi il dît: avec équité, il jugera les peuples avec justice. Il mentionne deux choses, à savoir l'équité et la justice. Car la justice implique l'exécution des choses qui sont objectivement justes en soi, et qui peuvent ne pas l'être dans une circonstance particulière. Car les règles et le nombre s'appliquent aux réalités contingentes, et ne peuvent être appliqués à toutes les réalités particulières, mais on n'en tient pas compte dans certains cas; par exemple il y a certaines règles, nombres et conclusions, qui dans certains cas et pour une raison précise ne sont pas observés. Or l'application de ces principes universels aux faits particuliers relève de l'équité. Urie version de Jérôme lit: "Judicabit populos in aequitate (Il jugera les peuples avec équité)", parce que les réalités particulières relèvent de l'équité, qui restreint en quelque sorte et règle la justice.

e. Il affirme encore qu'il est plein de miséricorde. Cette qualité est appréciée à partir de la personne à qui l'on fait miséricorde; par exemple si on fait miséricorde à un pauvre: "Lorsque tu donnes un déjeuner ou un dîner, n'appelle ni tes amis, ni tes parents, ni de riches voisins, de peur qu'ils ne t'invitent à leur tour, et qu'ils ne te rendent ce qu'ils ont reçu de toi." - "Je pleurais autrefois sur celui qui était affligé, et mon âme était compatissante pour le pauvre." Aussi le psalmiste dit-il: le Seigneur s'est fait le refuge du pauvre, c'est-à-dire de l'opprimé: "Venez au secours de l'opprimé, jugez l'orphelin, défendez la veuve." - "Jugez l'indigent et l'orphelin, faites justice à l'humble et au pauvre"; et cela est vrai dans la mesure où ils détiennent la justice: "Tu ne jugeras point injustement. Ne considère point la personne du pauvre, et n'honore point le visage de l'homme puissant."

f. Il affirme de même que ce jugement se fonde sur le temps, car c'est lorsqu'ils sont privés du temps favorable que sa miséricorde est accueillie: "Belle est la miséricorde de Dieu au temps de la tribulation, comme la nuée de la pluie au temps de la sécheresse." Et c'est pourquoi il dit: son aide dans les nécessités, et il ajoute: dans la tribulation, car c'est au temps de la tribulation que les hommes se convertissent à Dieu, et c'est alors qu'il faut leur prêcher. Et ces qualités peuvent être appliquées au Christ. Le Seigneur demeure éternellement, car "Jésus-Christ était hier, il est aujourd'hui". Il a préparé pour le jugement, car il s'est assis sur son trône pour juger, et lui-même jugera le globe de la terre avec équité. - "Il s'est revêtu de la justice comme d'une cuirasse, et a mis sur sa tête le casque du salut."

11 Et qu'ils espèrent en toi ceux qui connaissent ton nom, puisque tu n'as pas délaissé ceux qui te cherchent, Seigneur 12 Psalmodiez pour le Seigneur, qui habite dans Sion; annoncez parmi les nations ses desseins; 13 parce que demandant compte du sang, il s'est souvenu d'eux; il n'a pas oublié le cri des pauvres.

Et qu'ils espèrent Plus haut le psalmiste a exposé le fait pour lequel il a rendu grâce, et l'autorité de celui qui agit; ici il expose le fruit de ce fait.

a) Et d'abord chez les autres.

b) Puis chez lui: Aie pitié de moi.

a. Il commence par indiquer un triple fruit chez les autres:

- Le premier est la connaissance, ou la confiance dans le nom de Dieu.

- Le deuxième est spirituel, c'est la joie de ceux qui l'aiment.

- Le troisième est la manifestation de son nom.

Le deuxième fruit est explicité par ces mots: Psalmodiez. Le troisième par ce mot: annoncez.

Il introduit ces fruits sous forme d'exhortation, et à cet égard il fait trois choses: il commence par susciter l'espérance; puis il montre pour qui il convient d'espérer; et enfin pourquoi.

- Ainsi dit-il: Et qu'ils espèrent en toi. - "Vous qui craignez le Seigneur, espérez en lui." Mais d'où vient cette espérance ? C'est parce qu'ils connaissent ton nom. Or cette espérance est suscitée par deux choses: par le fait qu'il est puissant; et cela est manifeste, puisque "son nom est le Seigneur"; et par le fait qu'il est favorable, car il est souverainement bon: "Personne n'est bon si ce n'est Dieu seul." Et ce nom est principalement Jésus: "C'est lui qui sauvera son peuple de ses péchés." - "Qu'au nom de Jésus tout genou fléchisse." Et pourquoi ? Parce que tu n'as pas délaissé ceux qui te cherchent. - "Il se laisse trouver par ceux qui ne le tentent pas, et il apparaît à ceux qui ont foi en lui", c'est-à-dire à ceux qui le cherchent avec une bonne intention, car les méchants ne le trouvent pas: "Vous me chercherez, et vous ne trouverez pas." Le psalmiste dit aussi où il est, car "il n'est ni parmi les proches et les connaissances". - "Il ne se trouve pas sur la terre de ceux qui vivent dans les délices."

- Puis il introduit le deuxième fruit, à savoir la joie. Psalmodiez pour le Seigneur, qui habite dans Sion. On dit du Seigneur qu'il habite dans un lieu non point de manière corporelle: "David a établi l'arche dans Sion", mais en vérité il habite dans l'Église. Sion veut dire lieu, et dans l'Église nous scrutons les réalités éternelles; donc nous devons psalmodier à cette fin, c'est-à-dire nous réjouir par le coeur et par la bouche, et par les oeuvres, à cause des bienfaits reçus.

- Enfin il introduit le troisième fruit: annoncez. - "Chacun de vous mettant au service des autres la grâce qu'il a reçue."Et c'est pourquoi il expose d'abord ce qu'ils doivent annoncer. "Celui-là, dit Grégoire, recueille des fruits abondants de sa prédication, qui auparavant a jeté les semences d'une bonne oeuvre." parmi les nations, c'est-à-dire parmi ceux qui vivent comme les Gentils, c'est-à-dire parmi les pécheurs: "Venant au-devant de celui qui a soif, portez de l'eau." ses desseins, c'est-à-dire son souci ou sa sollicitude pour le salut du genre humain: "Moi je pense des pensées de paix." Ensuite il explicite ces desseins: parce que demandant compte du sang, etc. Ce que quelqu'un accomplit avec zèle et empressement, il ne peut l'oublier qu'il ne l'ait accompli; or Dieu recherche avec ardeur le salut des hommes, et c'est pourquoi il n'oublie pas. Deux choses contribuent à l'oubli: la mort: "J'ai été mis en oubli comme un mort effacé du coeur." De même la pauvreté: "Les frères d'un homme pauvre le haïssent." - "Pourquoi ne venges-tu point notre sang de ceux qui habitent la terre ?" Mais Dieu n'oublie-t-il pas les morts ? parce que demandant compte du sang, c'est-à-dire de ceux qui te cherchent; même s'il arrive qu'ils soient tués, et cela par le jugement. Ou bien [il demande] compte du sang des saints, en les restaurant dans la résurrection: "Voilà qu'ils sont comptés parmi les fils de Dieu." Mais il écrit: s'est souvenu, non point parce qu'il a oublié, mais parce qu'il semble avoir oublié à cause de son délai. De même Dieu n'oublie pas les pauvres et les petits; d'où ces paroles du psalmiste: il n'a pas oublié le cri des pauvres. - "Ce pauvre a crié", ou bien dans les dangers, ou bien dans la prière: "Leur clameur a pénétré jusqu'au Seigneur Sabaoth." - "Il n'a pas méprisé, ni dédaigné la supplication du pauvre." - "En regardant j'ai vu l'affliction de mon peuple qui est en Égypte, et je suis descendu le libérer."

14 Aie pitié de moi, Seigneur, vois mon humiliation venant de mes ennemis. 15a Toi qui me relèves des portes de la mort.

b. Aie pitié. Il expose ici son propre fruit.

- Et il rappelle en premier lieu un bienfait.

- Puis il expose ce fruit: afin que j'annonce, etc.

- Il y a deux sortes de bienfaits: le premier est futur, l'autre est acquis: Toi qui me relèves, etc. Il fait d'abord deux choses: il commence par faire mention de la miséricorde. Puis il en expose le motif.

Le bienfait futur est la miséricorde: Aie pitié de moi." La terre est remplie de la miséricorde du Seigneur."

Son motif est la considération de Dieu. vois, c'est-à-dire considère, mon humiliation. Cette humiliation n'implique pas la vertu, comme dans ce verset d'un autre psaume: "Si je n'entretiens pas d'humbles sentiments", mais elle souligne l'abjection. C'est pourquoi une version de Jérôme lit: "Afflictionem de inimicis meis (L'affliction venant de mes ennemis)", car ils affligent. Ou bien autrement: vois mon humiliation, car "aux humbles Dieu donne la grâce". Mais cette considération ne peut être faite qu'en regardant les ennemis qui sont orgueilleux et méchants.

Il fait ensuite connaître le bienfait acquis: Toi qui me relèves, etc., autrement dit: tu m'as arraché à un péril tel qu'il ne me restait plus qu'à mourir: "La mort est montée par nos fenêtres; elle est entrée dans nos maisons, pour exterminer nos petits enfants au dehors." Mais, au sens spirituel, les portes de la mort ce sont les hérétiques: "Les portes de l'enfer ne prévaudront point contre elle." Ce sont aussi les sens de l'homme: "La mort s'est introduite par les fenêtres." La haine de la parole de Dieu: "Leur âme avait eu horreur de toute nourriture, aussi ils approchèrent jusqu'aux portes de la mort." Les tentations et les vices: "Tu mènes jusqu'aux portes de l'enfer et en ramènes." Donc celui qui est libéré de ces choses, qu'il dise: Toi qui me relèves, c'est-à-dire toi qui m'as libéré des portes de la mort.

15b afin que j'annonce toutes tes louanges aux portes de la fille de Sion.

- Ensuite lorsqu'il dit: afin que, il expose le fruit, mais dans un ordre inverse.

· D'abord sous forme d'annonce.

· Puis d'exultation: J'exulterai.

· Enfin de connaissance: Sera connu.

· Je dis que tu es compatissant, aussi je demande que tu aies pitié; et cela afin que j'annonce tes louanges. Dans l'Antiquité les jugements se déroulaient aux portes des cités; et c'est pourquoi il dit: aux portes de la fille de Sion, c'est-à-dire de Jérusalem, parce que cette dernière était sise sous la forteresse qui était appelée Sion, autrement dit: que dans la multitude du peuple de Jérusalem j'annonce toutes tes louanges, non point toutes au sens universel, mais toutes sortes de louanges. Les portes de la fille de Sion signifient aussi les docteurs de l'Église: "Je ferai ses portes en pierres ciselées, et tous tes contours en pierres précieuses; et tous tes fils seront instruits par le Seigneur, et une abondance de paix est réservée à tes fils."Ce sont aussi les portes de la justice: "Voici la porte du Seigneur, les justes y entreront", comme on le dit dans un psaume. Ce sont également les bonnes pensées: "puisqu'il a affermi les serrures de tes portes". Ainsi donc à ces portes j'annoncerai tes louanges.

16 J'exulterai dans ton salut; les nations se sont enfoncées dans la ruine qu'elles ont forgée; dans ce piège qu'elles ont caché, leur pied a été pris. 17 Le Seigneur sera connu comme rendant la justice; le pécheur a été pris dans les oeuvres de ses mains.

· J'exulterai. Le premier fruit ayant été mentionné, à savoir l'annonce de la louange divine, il mentionne ici le second, à savoir la joie spirituelle qui vient de Dieu.

Et il commence par mentionner son exultation.

Puis il indique la circonstance de cette exultation: les nations se sont enfoncées.

Ainsi dit-il: afin que j'annonce toutes tes louanges. Mais ces louanges seraient vaines, si elles étaient dans la bouche sans que l'allégresse n'habite le coeur: "Que la louange soit agréable à notre Dieu"; et c'est pourquoi il ajoute: J'exulterai dans ton salut. Non point dans le monde ou dans la chair, mais dans ton salut par lequel tu me relèves. Ou bien dans le Christ sauveur: "J'exulterai en Dieu mon Jésus." - "Je me réjouis dans ton salut."

La circonstance de cette exultation est la destruction des ennemis, qui persécutent les saints. Et ils persécutent les saints de deux manières: d'abord par la violence. Puis par la fourberie.

Ainsi dit-il concernant la violence: les nations se sont enfoncées. Parce que les pécheurs ont préparé un meurtre pour les autres, eux-mêmes en sont morts; et c'est pourquoi il a dit: se sont enfoncées. Ou bien selon une version de Jérôme: "submersae (ont été englouties)", car ce qui est enfoncé, est ruiné avec violence. Et ceux qui semblaient tuer les autres avec violence, sont violemment opprimés: "Leurs sentiers sont devenus tortueux pour eux." - "Que leur glaive entre dans leur propre coeur, et que leur arc soit brisé." Ou bien, au sens spirituel, on est précipité dans la ruine, lorsqu'on commet un péché; car dès cet instant il conduit au châtiment éternel et l'on se damne. Et on s'enfonce dans ces oeuvres par l'habitude: "Il a engagé son pied dans un rets, et il marche dans ses mailles."

Concernant la fourberie il dit: dans ce piège. Les chasseurs d'oiseaux et d'animaux posent des pièges; ainsi les pécheurs procèdent-ils de manière insidieuse: "Ils ont préparé un lacs pour mes pieds." Et il dit: ont caché, car au sens littéral les chasseurs d'oiseaux cacheraient leurs pièges; ainsi les pécheurs procédent-ils avec fourberie par des paroles de paix qui donnent et préparent le venin de la séduction: "Sur cette voie dans laquelle je marchais [les superbes] m'ont caché un lacs."

· Le troisième fruit est la connaissance de la majesté divine: leur pied a été pris, c'est-à-dire leur mauvais sentiment: "L'iniquité d'Éphraïm est liée, son péché est caché"; car ils sont uniquement enclins au mal. Et ceux-ci cachent un piège, mais en vain, car le Seigneur sera connu. Et par quels moyens ? Car le pécheur a été pris dans [ses] oeuvres. Parfois certains ne connaissent pas Dieu dans la prospérité, comme Pharaon, mais bien dans le malheur: "Remplis leurs faces d'ignominie"; et c'est pourquoi il dit: rendant la justice. Et pour indiquer quels sont les jugements de Dieu, il ajoute: dans les oeuvres. Le propre de la sagesse divine est de disposer "toutes choses avec douceur". Et il exerce ce jugement à travers les choses qui selon leurs propres formes tendent vers leur fin propre; ainsi les pécheurs encourent des châtiments à travers les actes qu'ils méditent: "Qui surprend les sages dans leur finesse." Aussi le psalmiste dit-il: le pécheur a été pris dans les oeuvres de ses mains. Il est écrit: "Ses iniquités saisissent l'impie, et par les liens de ses propres péchés il est enchaîné." Et encore: "Son conseil le jettera dans un précipice." Pareillement: Le Seigneur sera connu, ici-bas par les saints. En fuyant aussi le piège: "En vain on jette le filet devant les yeux des oiseaux." La Glose dit à ce propos: "Il évite facilement les pièges de la terre celui qui garde sans cesse les yeux tournés vers le ciel." Et Jérôme écrit: "Chacun porte avec lui des cordes, des liens et des tourments, c'est pourquoi il endure des maux; et par le jugement secret de Dieu les pécheurs sont saisis dans les pièges qu'ils cachent, tandis que les justes y échappent."

18 Que les pécheurs soient précipités dans l'enfer, toutes les nations qui oublient Dieu. 19 Car le pauvre ne sera pas oublié pour toujours; la patience des pauvres ne périra pas à jamais.

B. Plus haut, le psalmiste a traité du jugement de Dieu à l'égard de ses propres adversaires; ici il parle du jugement de Dieu concernant le genre humain tout entier, et touchant les maux qui sont perpétrés partout par les pécheurs; et à ce propos il fait deux choses:

1) Il annonce d'abord le jugement de Dieu contre les méchants sous forme de prière.

2) Ensuite il expose le progrès des méchants: 22 Pourquoi, Seigneur, t'es-tu retiré au loin ?

1. Concernant le jugement divin contre les méchants, le psalmiste accomplit deux choses.

a) Il annonce d'abord le châtiment des pécheurs.

b) Ensuite il réclame le jugement divin qui punit: 20 Lève-toi, Seigneur.

a. En annonçant le châtiment des pécheurs il fait trois choses:

- Il annonce d'abord le châtiment à souhaiter.

- Puis il expose la cause de ce châtiment du côté des pécheurs: toutes les nations.

- Enfin du côté des justes: Car le pauvre ne sera pas oublié pour toujours.

- Ainsi dit-il: soient précipités. Cette demande peut être comprise de deux manières.

Ou bien elle concerne la punition des méchants dans le présent par la mort. Ou bien dans le futur par le châtiment éternel.

Et il dit: Que les pécheurs soient précipités, c'est-à-dire soient punis. Mais a-t-on le droit de demander cela ? On répondra que le prophète dit cela sous forme d'annonce et non de demande, ou bien en se conformant à la volonté divine: "Ils entreront dans les parties inférieures de la terre." - "Mais cependant tu seras traîné en enfer", c'est-à-dire dans l'abîme de l'étang: Ou bien par enfer on entend l'obstination de l'esprit dans le péché, etc. Aussi le pécheur est-il précipité vivant en enfer, lorsqu'il s'entête dans son obstination: "Dieu les a livrés à leur sens réprouve", autrement dit: ils sont abattus en cette vie. Ainsi donc le châtiment est la précipitation en enfer, comme on l'a dit.

- La cause du châtiment est l'oubli de Dieu; car celui qui s'éloigne d'une fin, se dispose à tendre vers une autre fin. Or il y a deux fins pour l'homme: la fruition de Dieu ou la géhenne. Et tel est ce qu'il dit: qu'ils soient précipités, etc., c'est-à-dire ces pécheurs qui oublient les commandements de Dieu ainsi que ses bienfaits: "Ils ont oublié ses bienfaits et les merveilles qu'il leur a montrées." - "Le Dieu qui t'a engendré, tu l'as abandonné, et tu ne te souviens plus du Seigneur ton Créateur."

- Du côté des justes il y a une autre cause qui requiert la vengeance des pécheurs. En effet chez les justes il y a deux choses qui exigent un châtiment: le mépris des choses temporelles et la vertu spirituelle.

· Concernant le mépris des choses temporelles le psalmiste dit: car le pauvre ne sera pas oublié pour toujours. Les choses viles sont tenues pour méprisables, la parole est livrée à l'oubli, mais les justes ne sont pas livrés ainsi à l'oubli auprès de Dieu: "Dieu a choisi les pauvres en ce monde pour être riches dans la foi, et héritiers du royaume que Dieu a promis à ceux qui l'aiment." - "Bienheureux les pauvres en esprit, parce que le royaume des cieux est a eux." Donc bien qu'ils paraissent être livrés à l'oubli en cette vie, cependant cela ne sera pas pour toujours, c'est-à-dire au jugement dernier: "Pour un instant je t'ai un peu délaissé, mais dans mes grandes miséricordes je te rassemblerai." Et ce qui suit: "Dans une miséricorde éternelle, j'ai eu compassion de toi." Car lorsqu'il se souviendra, alors il punira les oppresseurs: "Dieu n'oubliera-t-il pas d'avoir pitié, ne retirera-t-il pas, dans sa colère, ses miséricordes ?"

· Concernant la vertu spirituelle, il dit: la patience des pauvres, etc.. Ou bien expectatio (l'attente) selon une version de Jérôme. Car lorsqu'ils souffrent avec patience l'oppression et la pauvreté en cette vie, ils méritent que vengeance leur soit faite grâce à leur patience: "Leur attente ne périra pas à jamais", car ils obtiendront le bien qu'ils attendent. Ou bien autrement: pour toujours, car c'est la vie éternelle. Mais la patience existe-t-elle dans la Patrie ? Il faut dire qu'elle n'existe pas selon sa nature mais en tant que fruit; différemment de la charité et de la justice qui demeureront aussi selon leur nature.

20 Lève-toi, Seigneur, que l'homme ne se fortifie point; que les nations soient jugées en ta présence. 21 Établis, Seigneur, un législateur sur eux, afin que les nations sachent qu'ils sont des hommes.

b. Ensuite lorsqu'il dit: Lève-toi, il réclame le jugement divin; et à ce propos il fait trois choses:

- Il fait d'abord appel au juge.

- Puis il implore le jugement.

- Enfin il montre le fruit du jugement.

- Il dit que Dieu n'oublie pas pour toujours les pauvres; aussi lui-même, comme l'un de ces pauvres, dit: je te demande de ne pas reporter jusqu'à la fin le moment de les récompenser, mais lève-toi. Et à ce propos il fait trois choses:

Il commence par rejeter le jugement mauvais, ou humain. En effet, l'homme selon sa nature humaine opprimant sans raison ne se fortifie point, c'est-à-dire ne peut pas faire ce qu'il veut: "Lorsque les impies prendront le gouvernement, le peuple gémira."

- Ensuite il réclame le jugement d'autrui: que les nations soient jugées, non selon la volonté humaine, mais en ta présence, c'est-à-dire sous ta justice, comme Si j'en appelais à toi: "Je suis devant le tribunal de César, c'est là qu'il faut que je sois jugé." - "Juge-moi, Seigneur, parce que moi j'ai marché dans mon innocence."

Enfin il demande un soutien: Établis un législateur, c'est-à-dire ton Fils: "Le Seigneur est notre législateur." Ou bien autrement: Établis un législateur, c'est-à-dire quelqu'un qui punit selon la loi, car c'est d'après la loi qu'un châtiment est infligé. Une version de Jérôme lit: "Pone eis terrorem (Établis sur eux la terreur)."Une autre traduction a: "Mitte eis amaritudinem Jette sur eux l'amertume)."Selon la Glose: que l'homme ne se fortifie point, c'est-à-dire l'Antéchrist. Qu'ils soient jugés, c'est-à-dire punis.

- Le fruit du jugement, c'est qu'ils se reconnaissent être des hommes: Que les nations sachent qu'ils sont des hommes, fragiles, pécheurs et mortels: "Le tourment donnera l'intelligence à l'ouïe." Ainsi Alexandre, quand il fut frappé, reconnut qu'il n'était pas le fils de Jupiter, mais un mortel, comme il le dit lui-même à ses soldats.

22 Pourquoi, Seigneur, t'es-tu retiré au loin ? Pourquoi nous dédaignes-tu dans les nécessités, dans la tribulation ? 23 Tandis que s'enorgueillit l'impie, le pauvre est consumé; ils sont pris dans les desseins qu'ils méditent.

2. Le psalmiste expose ici le progrès des impies.

a) Et il expose d'abord la cause de leur malice.

b) Ensuite il décrit leur malice: 28 Sa bouche est pleine de malédiction.

c) Enfin il implore le secours divin contre celle-ci: 33 Lève-toi, Seigneur Dieu.

a. La cause de leur malice est double: une cause relative à la permission et une autre relative à l'incitation au péché: Parce que le pécheur est loué.

- Concernant la cause relative à la permission, il fait deux choses.

· Il expose d'abord la dissimulation divine qui semble être pour les méchants un prétexte à mal agir: "Parce que la sentence n'est pas portée promptement contre les méchants, les fils des hommes, sans aucune crainte, commettent le mal"; c'est pourquoi il ajoute: Pourquoi, Seigneur, t'es-tu retiré loin de nous ? Étant donné que tu ne punis pas ceux qui nous affligent, et que par cette attitude tu sembles nous dédaigner dans les nécessités, c'est-à-dire au moment où tu devrais nous porter secours. Ou bien: dans les nécessités, c'est-à-dire tu agis de manière opportune, car les saints usent de cette situation pour mériter la vie éternelle.

· Ensuite il expose l'effet de la dissimulation: Tandis que l'impie s'enorgueillit. Il mentionne un double effet de cette dissimulation chez les méchants.

L'orgueil, du fait qu'ils ne sont pas punis aussitôt par Dieu, aussi dit-il: l'impie s'enorgueillit, dans ses pouvoirs, le pauvre est consumé, c'est-à-dire affligé. Ou bien: consume au sens spirituel à la vue de l'orgueil des impies et de leurs péchés: "Le zèle de ta maison m'a dévoré."

Le second effet - et c'est la troisième chose concernant la cause relative à la permission - est qu'ils sont pris dans les desseins qu'ils méditent, car leurs desseins finissent par les détruire: "Ses iniquités saisissent l'impie, et par les liens de ses propres péchés il est enchaîné."

24 Parce que le pécheur est loué dans les désirs de son âme, et l'injuste est béni. 25 Le pécheur a irrité le Seigneur, dans l'excès de sa colère il ne se souciera de rien.

- Ici sont mentionnées trois causes relatives à l'incitation au péché. La première est la flatterie. La deuxième est le mépris de Dieu: 32 Car il a dit en son coeur. La troisième est la présomption: Dieu n'est point.

· À propos de la flatterie il fait trois choses. Il expose d'abord sa flatterie. Ensuite son effet. Enfin la clémence divine.

Or les pécheurs sont loués, selon la Glose, au sujet d'un double péché: a propos du péché de la concupiscence charnelle, pour ce qui les regarde eux-mêmes. et à propos du péché d'injustice à l'égard du prochain; c'est pourquoi ils s'enorgueillissent. Mais selon Jérôme, "c'est "parce que [le pécheur] est loué, qu'il l'a irrité" dans ses désirs touchant la concupiscence, "et l'injuste" quant à l'injustice commise contre le prochain." Une version de Jérôme lit: vir avarus (l'homme avare)." Une autre version lit: raptor (celui qui ravit). - "Malheur à vous qui appelez le mal bien, et le bien mal", car il en est ainsi. Le pécheur a irrité le Seigneur, c'est-à-dire l'a provoqué à la colère. Jérôme expose tout ceci en un seul verset: "Parce que le pécheur est loué dans les désirs de son âme, et l'injuste est béni, il a irrité le Seigneur"; et un autre verset commence comme suit: "Le pécheur dans l'excès de sa colère ne se souciera de rien." Mais on peut le lire aussi de la manière suivante: "Dans l'excès de sa colère il ne se souciera de rien." Ou bien parce qu'il punit au-delà de ce qu'il faudrait, ou bien parce que sa grande colère ne sévit pas sur le moment, afin de punir plus rigoureusement dans l'avenir. Ou bien: de sa colère, c'est-à-dire celle du pêcheur, il ne se souciera de rien, c'est-à-dire le pécheur ne se soucie pas de Dieu.

26a Dieu n'est point devant ses yeux; ses voies sont souillées en tout temps.

n'est point. Plus haut le psalmiste a mentionné quelques causes de la malice des impies: la première d'entre elles était relative à la permission divine, car Dieu se retirait au loin; la deuxième était relative à l'incitation au péché, à savoir la langue flatteuse. Ici sont exposées d'autres causes servant de prétexte, c'est-à-dire les causes intrinsèques qui sont au nombre de deux, à savoir le mépris de Dieu et la présomption personnelle: Car il a dit en son coeur.

· Concernant le mépris de Dieu il fait deux choses:

Il expose le fait qu'il ne songe pas à Dieu.

Puis qu'il ne craint pas ses jugements: 26b sont ôtés.

En exposant le fait qu'il ne songe pas à Dieu, il fait deux choses:

Il mentionne en premier lieu l'aversion de Dieu, ou le mépris.

Ensuite l'effet de cette aversion: sont souillées.

Ainsi dit-il: Dieu n'est point devant ses yeux. Une version de Jérôme lit: "in cogitationibus (dans ses pensées)", car il ne songe nullement à lui; et elle continue ainsi: le pécheur "non quaeret (ne se soucie pas)" de Dieu, car "non est in conspectu ejus (il n'est point devant ses yeux)", c'est-à-dire dans l'intention, ou dans sa pensée. - "Ils ont dit à Dieu: Retire-toi de nous; nous ne voulons pas connaître tes voies."

L'effet de cette aversion est que ses voies sont souillées, c'est-à-dire sont méprisables en tout temps. Les voies du pécheur sont les pensées ou les volontés: "La sagesse n'entrera pas dans une âme malveillante, et elle n'habitera pas dans un corps assujetti aux péchés." Et elles sont dites être souillées par le péché, ou être à la ressemblance des péchés du temps passé. Cela peut se dire au sens allégorique de l'Antéchrist, et au sens moral des pécheurs: car par le fait même que Dieu n'est pas dans leur intention, ils se tournent vers les réalités temporelles; à cause d'elles l'âme est souillée, en tant qu'elle est mêlée à des choses plus corrompues qu'elle-même. Mais l'âme unie à Dieu, lequel est meilleur que l'âme, n'est pas souillée; au contraire elle est glorifiée: "Ses souillures [ont paru] sous ses pieds, et elle ne s'est pas souvenue de sa fin." - "Que leurs voies deviennent ténèbres et lieu glissant." - "Ils m'ont abandonné, moi, la source d'eau vive, et ils se sont creusé des citernes lézardées qui ne peuvent retenir les eaux." Une version de Jérôme lit: "Parturiunt viae ejus (Ses voies engendrent)", car les pécheurs se proposent d'accomplir divers desseins: "Mon âme, tu as beaucoup de biens en réserve pour plusieurs années, mange et fais bonne chère. Mais Dieu dit: Insensé, cette nuit même on te redemandera ton âme." - "Il a conçu la douleur, et il a mis au monde l'iniquité." En s'attachant aux réalités temporelles, le pécheur ne se satisfait pas d'une chose, car cela ne lui suffit pas; et à cause de cela il médite divers desseins.

26b Tes jugements sont ôtés de devant sa face; il dominera sur tous ses ennemis. 27 Car il a dit en son coeur: Je ne serai point ébranlé de génération en génération, je serai à l'abri du mal.

sont ôtés. Le psalmiste montre ici comment ils méprisent le jugement divin.

Et il expose d'abord la cause.

Ensuite il en montre l'effet: il dominera sur tous ses ennemis.

Tes jugements, c'est-à-dire tes bienfaits, sont ôtés de devant sa face, c'est-à-dire de son esprit et de sa mémoire; et ainsi il ne craindra pas car il n'y pense point: "Les hommes méchants ne pensent pas aux jugements, mais ceux qui recherchent le Seigneur remarquent tout." - "Ils détournèrent leurs yeux afin de ne pas voir le ciel." Mais selon une version de Jérôme il faut dire en forçant: "Omnes inimicos despicit (Il méprise tous ses ennemis)", c'est-à-dire comme s'il ne croyait pas aux jugements de Dieu.

Et: il dominera, ajoute: dans son coeur. Ou bien il arrive parfois que par une permission divine les méchants dominent leurs ennemis. Et telle est la raison pour laquelle les jugements divins ne sont pas reconnus: "Lui-même triomphera des rois." Et de même: "L'impie prévaut contre le juste; c'est pourquoi il en est sorti un jugement injuste."

· Une autre cause est la présomption au sujet de soi-même. Et il présume deux choses: la stabilité, et c'est ce qu'il dit: il a dit en son coeur: Je ne serai point ébranlé de génération en génération, c'est-à-dire que mon pouvoir ne s'étendra pas d'une nation à une autre, mais je ne ferai pas de mal à des multitudes. Je ne serai [pas] ébranlé, c'est-à-dire je ne perdrai pas ma prospérité: "Tu as appesanti ton joug outre mesure. Tu as dit: À jamais je serai souveraine." Une version de Jérôme lit: "Et dixit: in aeternum ero a generatione sine malo (Et il a dit: je serai toujours de génération en génération sans malheur") c'est-à-dire je n'engendre jamais le mal: "Je trône en reine, et je ne suis pas veuve." Et une Glose de Luc en donne un commentaire: "Le pécheur qui veut perpétuer son nom, perdra la célébrité et la réputation." à l'abri du mal, c'est-à-dire je ne ferai pas le mal. Ou bien: Je ne serai point ébranlé, c'est-à-dire je ne parviendrai pas à prendre possession de maisons à l'abri du mal, celui de la violence et de l'injustice. Et ainsi fera l'Antéchrist selon la Glose. Ou bien, moi l'Antéchrist je ne serai point ébranlé, c'est-à-dire je ne serai pas inquiété, de génération en génération sans malheur, à savoir je serai selon qu'il m'est permis.

28 Sa bouche est pleine de malédiction, et d'amertume et de fraude; sous sa langue labeur et douleur.

b. Le psalmiste expose ici le progrès de la malice.

- Et d'abord dans le coeur dont nous venons de parler.

- Ensuite le progrès de la malice qui sort de la bouche.

- Enfin le progrès de la malice qui se manifeste dans l'action.

- Concernant le progrès de la malice qui sort de la bouche, il expose deux choses:

· le péché de la bouche qui se commet de trois manières.

Parfois en maudissant Dieu ou le prochain, ce qui est proférer un blasphème: "Ils ont blasphémé le saint." Parfois ils maudissent à moitié, lorsqu'ils sont retenus par la crainte.

Parfois en proférant des injures, et c'est pourquoi il dit: Sa bouche est pleine de malédiction. Selon la Glose: "Avec des paroles amères et inconvenantes." - "Que toute amertume, indignation, blasphème et clameur soient bannies de vous, avec toute malice."

Parfois en trompant, aussi dit-il: pleine de fraude. - "Ni les médisants, ni les rapaces, ne posséderont le royaume de Dieu." - "Veillant à ce que personne ne manque à la grâce de Dieu, à ce qu'aucune racine de l'amertume, poussant en haut ses rejetons, n'empêche la germination, et ne souille l'âme d'un grand nombre."

· Ensuite il expose la racine du coeur: sous sa langue, c'est-à-dire dans les profondeurs du coeur se cache le labeur; l'iniquité, selon la Glose. Car le pécheur pense parfaire l'oeuvre d'iniquité à laquelle il s'adonne: "Ils ont travaillé dans le but d'agir iniquement." - "Car, comme le mal est doux à sa bouche, il le cachera sous sa langue." Ou bien: labeur, car il pense infliger aux autres le labeur et la douleur. La douleur, c'est-à-dire la ruine découlant du labeur: "Les lèvres de l'homme ont parlé le mensonge et votre langue profère le mensonge et l'iniquité."

29 Il est assis en embuscade avec les riches, dans des lieux cachés, afin de tuer l'innocent. 30a Ses yeux regardent le pauvre;

- Le psalmiste montre ici le développement de l'activité des méchants sur le plan matériel, et à cet égard il fait deux choses.

· Il commence par décrire le développement de leur activité.

· Puis son terme: Dans son piège.

· Dans sa description du développement de leur activité, le psalmiste fait trois choses:

Il précise d'abord avec qui il est en embuscade: avec les riches.

Ensuite contre qui: afin de tuer l'innocent.

Enfin comment il est en embuscade: il dresse des embûches dans le secret.

Ainsi dit-il: les méchants, ne se contentant point de leurs propos, s'efforcent de les mettre à exécution; c'est pourquoi il est écrit: Il est assis en embuscade, en méditant comment nuire aux autres, dans des lieux cachés, à cause de la simulation: "Nombreux sont les pièges du trompeur." avec les riches, c'est-à-dire avec des conseillers: "La proie du lion dans le désert est l'onagre, de même la pâture des riches ce sont les pauvres."Une version de Jérôme lit: "iuxta vestibulum (près de son vestibule)", c'est-à-dire de sa chambre.

Contre qui menace-t-il ? Assurément contre les innocents; aussi dit-il: afin de tuer l'innocent, physiquement ou spirituellement: "Tu ne feras point mourir l'innocent et le juste." Et contre les pauvres, aussi dit-il: Ses yeux regardent le pauvre. - "Pourquoi foulez-vous aux pieds mon peuple, et meurtrissez-vous la face des pauvres ?" Selon la Glose, l'Antéchrist tiendra conseil contre les pauvres en compagnie des riches. Une version de Jérôme lit: "Oculi ejus in robustos (Ses yeux regardent les hommes forts)", car les pauvres n'excellent pas dans les réalités temporelles, mais dans les réalités spirituelles: "Mon ennemi m'a regardé avec des yeux terribles."

il lui dresse des embûches dans le secret, comme un lion dans sa caverne. 30b Il dresse des embûches pour prendre le pauvre, tandis qu'il l'attire.

Il dresse des embûches. Ici est exposée la manière de dresser des embûches. Le psalmiste expose en premier lieu une comparaison: comme un lion dans sa caverne, c'est-à-dire comme les mauvais princes oppriment les pauvres: "Comme un lion rugissant, un ours affamé, tel un prince impie sur un peuple pauvre."

Puis il expose la manière proprement dite de dresser des embûches: Il dresse des embûches pour prendre. - "Les paroles des impies dressent des embûches pour le sang." Ou bien: Il dresse des embûches pour prendre le pauvre, c'est-à-dire les biens aux pauvres par la violence et la fraude. Il ajoute ensuite la manière de ravir: tandis qu'il l'attire, en séduisant par des promesses, ou par la violence, ou par la fraude: "Par les flatteries des lèvres il l'a entraîné dans son filet."

31 Dans son piège il l'humiliera; il s'inclinera et tombera, lorsqu'il se sera rendu maître des pauvres. 32 Car il a dit en son coeur: Dieu a oublié, il a détourné sa face pour ne rien voir jusqu'à la fin.

· Dans son piège. Ici deux choses sont exposées.

Et d'abord à quoi aboutit sa tentative.

Puis son motif: Car il a dit.

De fait la tentative du pécheur aboutit selon son intention à la ruine du pauvre; c'est pourquoi il dit: Dans son piège; mais selon le dessein de Dieu elle aboutira d'abord à l'anéantissement de son pouvoir, aussi dit-il: il s'inclinera. En effet il arrive quelquefois à des hommes d'être vaillants au début, puis de se tourner vers les jouissances, et que devenus ainsi efféminés ils soient bannis. Et c'est pourquoi le Philosophe dit à ceux qui détiennent des biens, de ne pas élever leurs enfants dans la nonchalance. - "Tu as livré ton corps aux femmes." Et encore: "Tous se sont détournés."

Puis la tentative du pécheur aboutit à la ruine totale: "Avant la mine l'esprit s'exalte", car l'exaltation est le signe de la ruine. La Glose applique cela à l'Antéchrist. Une version de Jérôme lit: "Dum attrahit eum ad laqueum suum, et confractum subjiciet et irruet viribus suis valenter (Tandis qu'il l'attire dans son piège, et que l'ayant abattu il le soumettra et se jettera puissamment sur lui avec ses hommes)." Le lion terrasse d'abord l'animal qu'il ravit. Ensuite il se le soumet. Enfin il se couche sur lui.

Le motif est en fait la fausse sécurité qu'il conçoit.

Il porte d'abord sur le passé, car Dieu a oublié, c'est-à-dire le pécheur. Il est écrit au contraire dans l'Ecclésiastique: "Ne dis pas" dans ton coeur: "je me cacherai de Dieu; et du haut du ciel qui se souviendra de moi ?" Et de même: "Le Très-Haut ne se souviendra pas de mes fautes, et il ne comprend pas que son oeil voit toutes choses."

Il porte ensuite sur le futur. Il a détourné sa face pour ne rien voir jusqu'à la fin. - "Les nuées sont pour lui une retraite et il ne s'occupe pas de ce qui nous regarde."

33 Lève-toi, Seigneur Dieu, que ta main s'élève: n'oublie pas les pauvres. 34 Pourquoi l'impie a-t-il irrité Dieu ? C'est qu'il a dit dans son coeur: "Il ne demandera pas de compte."

c. Lève-toi. Plus haut, le psalmiste a décrit avec précision le processus de l'iniquité humaine; ici, poussé comme par zèle et s'écriant, il implore le secours divin contre une telle malice.

- Et il commence par implorer le secours.

- Ensuite il expose les prières et les exaucements: n'oublie pas.

- Enfin il annonce son exaucement: 36 Brise.

- Il demande une chose, et il en présuppose une autre; il demande qu'il se lève: Lève-toi. Lé Seigneur semble dormir lorsqu'il souffre de l'affliction des bons; il se lève lorsqu'il les libère: "Lève-toi, lève-toi, revêts-toi de ta force, Sion". Il suppose la puissance divine: que ta main s'élève, avec puissance; et il s'exprime comme celui qui frappe avec colère, quand voulant frapper un ennemi, il lève la main: "Lève ta main sur les nations étrangères, afin qu'elles voient ta puissance." - "Que ta main s'élève, et qu'ils ne voient pas; qu'ils voient ton zèle pour le peuple, qu'ils soient confondus."

- Il expose les raisons: n'oublie pas. Et remarquez que ce psaume ayant été composé contre les pécheurs qui persécutent les justes, il expose toujours d'un côté la malice des pécheurs, et de l'autre l'affliction des justes.

· Il expose donc d'abord les raisons.

· Puis il montre qu'elles sont efficaces:

· Tu vois, car toi tu considères, etc.

· Et il allègue deux raisons:

La première du côté des justes.

Et l'autre du côté des méchants: Pourquoi a-t-il irrité ?

Ainsi dit-il: et que ta main s'élève, sinon le fait que les méchants disent que tu oublies les pauvres semblera vrai: "Est-ce qu'une mère peut oublier son enfant, n'avoir pas pitié du fils de son sein ? Mais quand même elle t'oublierait, moi, je ne t'oublierai point." - "Que ma langue s'attache à mon palais, si je ne me souviens de toi."

L'autre raison est exposée du côté des méchants qui pèchent plus gravement s'ils ne sont pas punis: "Et parce que la sentence n'est pas portée promptement contre les méchants, les fils des hommes, sans aucune crainte, commettent le mal." Et c'est pourquoi le psalmiste dit: Pourquoi ? autrement dit: c'est parce qu'en péchant les impies irritent Dieu, car ils ne croient pas que Dieu les cherche pour les punir: "Il parcourt les pôles du ciel, il ne s'occupe pas de ce qui nous regarde. Et tu dis: que connaît Dieu ? Car c'est comme à travers une sombre nuée qu'il juge." - "Dieu a délaissé la terre."

35a Tu vois, car toi tu considères le labeur et la douleur pour les prendre en tes mains.

· Tu vois. Il appuie ses raisons. D'abord la seconde raison en disant: toi seul tu vois le labeur que les méchants infligent aux bons, afin que suite à cela tu les prennes, c'est-à-dire à l'avenir, en tes mains, c'est-à-dire dé ta justice, parce que tantôt tu les tiens dans les mains de ta puissance, et tantôt tu n'exerces pas la justice. Mais les pécheurs ignorent cela, car l'intention de ta Providence leur est inconnue. Il est écrit au livre de Job: "Voyant l'iniquité, est-ce que l'impie ne considère point ?" Et de même: "Auprès de lui sont la force et la sagesse; il connaît celui qui trompe, et celui qui est trompé. Il amène les conseillers à une fin insensée, et les juges à l'étourdissement." Et dans l'épître aux Romains: "Que ses jugements sont incompréhensibles." Ou bien: en tes mains, c'est-à-dire celles de ton Fils: "Sachant que le Père lui a tout remis entre les mains." Ou bien, selon Augustin, ce verset est appliqué aux impies, car il a dit [en] son coeur: "Il ne demandera pas de compte", à savoir Dieu. Et le psalmiste a dit à son tour: car toi tu considères le labeur. Un supérieur aperçoit parfois la faute d'un sujet, et ne punit pas par crainte de la peine (labor), ou aussi du châtiment éprouvé par celui qui est puni; et c'est pourquoi il dit: l'impie a dit: Ô Dieu, tu ne punis pas, car le labeur et la douleur ne vont pas de pair avec toi. Mais la première explication est meilleure.

35b À toi le pauvre est abandonné; c'est toi qui viendras en aide à l'orphelin.

Ici il confirme la première raison, autrement dit: tu ne dois pas oublier, car à toi le pauvre est abandonné, aussi est-ce à toi qu'il revient de prendre soin de lui: "Réjouis-toi et sois dans l'allégresse, Jérusalem déserte, parce que le Seigneur a consolé son peuple." Tous ceux qui ne possèdent rien en ce monde si ce n'est Dieu, attendent de Dieu seul leur secours: "Comme nous ignorons ce que nous devons faire, il ne nous reste qu'à diriger nos yeux vers Dieu." Mais il parle expressément: car les hommes se défendent en ce monde parfois par leurs richesses: "Ceux qui se confient dans leur puissance, et se glorifient dans l'abondance de leurs richesses." Parfois par leurs parents, leurs amis et leurs protecteurs; mais ceux qui n'ont pas ces soutiens sont abandonnés à Dieu, aussi le psalmiste dit-il: À toi le pauvre est abandonné. Il est écrit au livre de Job: "Dieu tirera le pauvre de son angoisse." Et de même: "Je pleurais autrefois sur celui qui était affligé et mon âme était compatissante pour le pauvre." Et au livré dès Lamentations: "Nous sommes devenus comme des orphelins sans père." Enfin dans un psaume: "Je suis devenu comme un homme sans secours." Et s'il en est ainsi pour le pauvre dans l'indigence, à combien plus forte raison pour le pauvre en esprit. Et cette explication se rapporte à la première partie du verset. Dans la seconde il dit: c'est toi qui viendras en aide à l'orphelin, qui n'a pas de défenseur: "[Les pécheurs] seront troublés devant sa face, [devant la face] du père des orphelins et du juge des veuves." Et de même: "Car mon père et ma mère m'ont abandonné, mais le Seigneur m'a recueilli."

36 Brise le bras du pécheur et du méchant; on cherchera son péché, et on ne le trouvera pas. 37 Le Seigneur régnera éternellement et pour les siècles des siècles; nations, vous disparaîtrez de sa terre.

- Ici le psalmiste annonce son exaucement.

· Et d'abord à l'égard dès pécheurs.

· Puis à l'égard des pauvres: 38 Le Seigneur a exaucé le désir des pauvres.

· Concernant son exaucement à l'égard des pécheurs il fait deux choses:

Il annonce d'abord la cessation du pouvoir des méchants grâce auquel ils infligeaient des maux.

Ensuite la disparition des méchants eux-mêmes.

Quant à la cessation du pouvoir des méchants il dit: Brise le bras du pécheur qui pèche contre Dieu: "Le Seigneur a brisé" le bras ou "le bâton dès impies, la verge de ceux qui frappaient les peuples d'une plaie incurable". Et du méchant, qui pèche contre le prochain: "Les bras des impies se sont rompus." Et encore: "Sa lumière sera ôtée aux impies, et leur bras sera brisé." Mais il arrive parfois qu'un tyran agisse avec malice, et que tout en étant lui-même réduit à rien, son action malicieuse perdure. Or il n'en est pas ainsi ici; car on cherchera son péché et on ne le trouvera pas, c'est-à-dire que l'acte du péché commis passe, mais non son état de gravité, aussi le châtiment du pécheur demeure-t-il. Ou bien: on cherchera son péché, et on ne le trouvera pas dans le monde: "Aujourd'hui il s'élève, et demain on ne le trouvera pas." Parfois Dieu permet que certains pèchent, parce qu'il a en vue un bien qui va en découler: par exemple, à la colère du tyran est due la passion ou la patience des martyrs; et c'est pourquoi ici-bas on trouve le lieu dès méchants, mais alors le péché n'aura plus de finalité.

Mais comment cela se fera-t-il ? Le royaume de Dieu ne peut être détruit, c'est pourquoi les impies seront anéantis hors de lui, car le Seigneur régnera éternellement, puisqu'il embrasse tous les siècles, et pour les siècles des siècles, c'est-à-dire pour une durée éternelle. Ou bien: pour les siècles, parce que l'éternité fait place au siècle présent: "Sa puissance, une puissance éternelle, qui ne [lui] sera pas enlevée; et son royaume, [un royaume] qui ne sera pas détruit", et vous les impies vous disparaîtrez de cette terre dès vivants. - "Comme la poussière qu'emporte le vent de la face de la terre." - "J'ai vu l'impie exalté bien haut et élevé comme les cèdres du Liban; et j'ai passé, et voilà qu'il n'était plus: je l'ai cherché, et son lieu n'a pas été trouvé."

38 Le Seigneur a exaucé le désir des pauvres; ton oreille a entendu la disposition de leur coeur, 39 pour rendre justice à l'orphelin et à l'humble; que l'homme cesse enfin de se glorifier sur la terre.

· le désir. Le psalmiste annonce ici l'exaucement concernant les pauvres, et il expose trois choses:

D'abord l'exaucement: le désir.

Ensuite sur quoi porte l'exaucement: pour rendre justice.

Enfin quel en est le fruit: que l'homme cesse, etc.

À propos de l'exaucement il montre que les pauvres sont exaucés efficacement, parce que Dieu leur donne ce qu'ils désirent: "L'objet de leur désir sera accordé aux justes." Mais parfois ils sont exaucés dans leurs désirs particuliers, comme les saints sont exaucés dans les choses qu'ils désirent davantage. De même: il a exaucé, rapidement, la disposition de leur coeur. - "Avant qu'ils crient, moi je les exaucerai." - "Il criera vers moi, je l'exaucerai."

Mais il a exaucé en ce sens qu'il rend justice à l'orphelin, parce qu'il est orphelin: "Il jugera les pauvres dans la justice, et il se prononcera avec équité en faveur des doux de la terre", c'est-à-dire en faveur des humbles. On appelle humble celui qui ne s'appuie pas sur sa forcé: "Il a fait justice aux pauvres."

Et pour quel fruit ? que l'homme cesse enfin de se glorifier, c'est-à-dire soit terrifié. Cela n'est pas bon, c'est de l'orgueil: "Si je n'avais pas d'humbles sentiments, et si j'avais exalté mon âme, comme l'enfant sevré sur le sein de sa mère, ainsi soit le châtiment pour mon âme." Et de même: "Nous ferons éclater la puissance de notre langue."

 

 

 

COMMENTAIRE DU PSAUME 10

1 Pour la fin Psaume de David.

2 Je me confie dans le Seigneur; comment dites-vous à mon âme: Émigre sur la montagne comme un passereau ? 3 Parce que voilà que les pécheurs ont tendu un arc; ils ont préparé leurs flèches dans un carquois, pour percer dans l'obscurité les [hommes] droits de coeur. 4a Parce que, ce que tu as établi, ils l'ont détruit;

4b mais le juste, qu'a-t-il fait ? 5a Le Seigneur est dans son saint temple; le Seigneur, son trône est dans le ciel.

5b Ses yeux observent le pauvre, ses paupières interrogent les enfants des hommes. 6a Le Seigneur interroge le juste et l'impie;

6b mais celui qui aime l'iniquité hait son âme. 7 Il fera pleuvoir sur les pécheurs des pièges; le feu et le soufre, et le vent des tempêtes sont la part de leur calice. 8 Car le Seigneur est juste et il aime la justice; son visage a vu l'équité.

 

1 Pour la fin. Psaume de David.

Dans les psaumes précédents était exposée l'action de grâce pour la libération des ennemis; ici le psalmiste montre la confiance qu'il en a conçue. Et il s'exprime en prenant le rôle de l'homme qui désire les bienfaits de Dieu et qui reçoit la sécurité. Son titre est: Pour la fin. Psaume de David. Une version de Jérôme lit: Victor (Vainqueur). Cette version a été commentée plus haut. Ce psaume peut être expliqué au sens littéral comme se rapportant à David; au sens mystique cependant il s'applique au Christ, ou encore au sens allégorique. Mais au sens moral il concerne l'homme juste, comme l'expose la Glose.

2 Je me confie dans le Seigneur; comment dites-vous à mon âme: Émigre sur la montagne comme un passereau ? 3 Parce que voilà que les pécheurs ont tendu un arc; ils ont préparé leurs flèches dans un carquois, pour percer dans l'obscurité les [hommes] droits de coeur. 4a Parce que, ce que tu as établi, ils l'ont détruit;

I. David expose donc d'abord sa confiance: Je me confie dans le Seigneur, comme après avoir été libéré par le juste jugement de Dieu abaissant les ennemis et élevant les pauvres: "Bienheureux l'homme qui se confie dans le Seigneur, et dont le Seigneur sera l'espérance." Et: "Il n'est point de confusion pour ceux qui se confient en toi."

Ensuite il expose l'ardeur de sa confiance, qui se manifestait en paroles: comment dites-vous, etc. En effet David s'enfuyant, certains lui conseillaient de s'en aller vers des lieux abrités ou vers les montagnes; ou bien de s'y cacher comme le fait le passereau. Comment ? voilà que les pécheurs, etc. Et cela s'explique de deux manières. D'abord, en tant que ces paroles ne sont pas de David, mais des propos d'autrui, autrement dit: Émigre parce qu'ils ont tendu un arc.

Ou bien ce sont les propres paroles de David, autrement dit: Je me confie dans le Seigneur, parce qu'ils ont tendu un arc, parce que les pécheurs ont préparé leurs flèches, etc. Et il fait trois choses.

A) Il expose en premier lieu leur mauvaise sollicitude.

B) Puis leur intention perverse: pour percer.

C) Enfin leur agissement injuste.

A. Au sens mystique, ces paroles s'appliquent au Christ de la manière suivante: Moi, le Christ, je me confie dans le Seigneur: Comment donc vous Pharisiens, dites-vous: Émigre sur la montagne, c'est-à-dire vers les observances de la Loi qui ont été données sur le mont Sinaï: "Le Seigneur est venu du Sinaï, et il s'est levé pour nous de Séri"; et si tu ne fais pas cela, voilà que les pécheurs ont tendu un arc, c'est-à-dire se sont préparés pour te tuer, toi ainsi que tes disciples; et cela, parce que, ce que tu as établi, ils l'ont détruit, c'est-à-dire ils l'ont tué.

Ou bien au sens moral, selon la Glose, il s'agit du fidèle qui dit aux hérétiques: Je me confie dans le Seigneur, possédant sa foi: Comment donc vous, hérétiques, dites-vous: Émigre, vers nous, sur la montagne, c'est-à-dire le Christ que les hérétiques ont cru posséder ? - "Il arrivera que la montagne préparée pour la demeure du Seigneur sera établie sur le sommet des montagnes". Et: "Montagne de Gelboé, que ni pluie, ni rosée ne viennent sur vous: qu'il n'y ait point de champs de prémices, parce que là a été jeté le bouclier des forts", c'est-à-dire des Juifs, ou des grands hérétiques: "Voilà que moi montagne pernicieuse, je viens à toi, dit le Seigneur, qui corromps toute la terre." Ou bien la montagne, c'est la profondeur de l'intelligence qu'ils s'imaginent avoir. Mais si je faisais cela, je serais un passereau léger, non un habitant. Parce que voilà que les pécheurs, c'est-à-dire les hérétiques, ont tendu un arc, c'est-à-dire livré l'Écriture sainte entre leurs propres mains, comme ceux qui tendent un arc. Ils ont préparé leurs flèches, leurs paroles empoisonnées, dans un carquois, c'est-à-dire dans la mémoire ou la connaissance: "Son carquois est un sépulcre béant." Une version de Jérôme lit: "Sagittas suas super nervam (Leurs flèches sur le nerf)", c'est-à-dire sur la corde.

B. L'intention est mauvaise, car ils agissent pour percer les [hommes] droits de coeur, c'est-à-dire les justes, dans l'obscurité, c'est-à-dire avec fourberie: "Leur langue est une flèche meurtrière." Ou bien: dans l'obscurité, c'est-à-dire par les subtilités de la Sainte Écriture. Une autre version lit, "in obscura luna (dans la lune obscure)." La lune est l'Église: "Belle comme la lune", en raison de sa clarté, et en raison de son obscurité. De même que la clarté de la lune vient du soleil, ainsi la clarté de l'Église vient du Christ: "Il était la lumière, la vraie, qui illumine tout homme venant en ce monde." Et de même qu'une moitié du globe lunaire est dans la clarté et l'autre dans l'obscurité, ainsi dans l'Église certains sont lumineux et d'autres obscurs. Mais la lune s'obscurcit, selon la Glose, parfois à cause de sa révolution, et ainsi devient obscure, parfois à cause d'une éclipse, et alors elle se change en sang, parfois encore en raison de l'interpolation d'un nuage, et alors elle devient noire. Ainsi l'Église devient obscure dans l'engouement pour la nouveauté, lorsque les prédicateurs et les docteurs ne sont pas en elle; elle devient sanguinolente à cause de la persécution des tyrans, noire à cause des nuages, c'est-à-dire à cause de la séduction des hérétiques; et alors ils veulent percer de flèches.

C. Enfin en disant: 4a Parce que, ce que tu as établi, ils l'ont détruit, il expose présentement leur action injuste. Une autre version lit: "Quoniam quem perfecisti (Celui que tu as établi)", mais la première est meilleure. Et selon une version de Jérôme: "Quoniam leges quas perfecisti des truxerunt (Parce qu'ils ont détruit les lois que tu as établies)." "Je sais que prévariquant tu es prévaricateur, et dès le sein maternel je t'ai appelé transgression." Et: "Depuis longtemps tu as brisé mon joug, rompu tes liens et tu as dit: Je ne servirai pas, autrement dit: ils détruiront ta loi, que toi tu as commandé d'observer: "Tu ne condamneras pas l'innocent et le juste"; mais ceux-ci veulent le tuer: les hommes iniques "ont renversé ta loi". Et Dieu l'a établie, parce qu'il l'a donnée: "Il n'a pas fait de même à toute nation." Et: "Je ne suis pas venu abolir la Loi, mais l'accomplir." Si on dit: ils ont détruit [celui] que tu as établi, on l'entend alors du Christ: celui que toi tu as établi.

4b mais le juste, qu'a-t-il fait ? 5a Le Seigneur est dans son saint temple; le Seigneur, son trône est dans le ciel.

II. Le psalmiste expose ici le motif de la confiance.

A) Et il formule d'abord une question.

B) Ensuite il donne une solution: Le Seigneur est dans son saint temple.

C) Enfin il fait connaître la raison de cette solution: Car le Seigneur est juste et il aime la justice.

A. Ainsi dit-il: ceux-ci agissent de la sorte, mais le Seigneur juste considérant cela avec autorité, que fait-il ? - "Voici le nom dont on l'appellera: Le Seigneur notre justice."

B. Il résout la question, et expose ce que fait ici le juste.

1) Et il expose d'abord son pouvoir judiciaire, ou ce qui caractérise le juge.

2) Ensuite l'examen du jugement: Ses yeux.

3) Enfin la condamnation de ceux qui font violence: mais celui qui aime.

1. Le juge, dans la mesure où il punit toujours, se montre cruel; s'il épargne toujours, il est indulgent. Or Dieu fait l'un et l'autre; et c'est pourquoi il occupe le tribunal de la miséricorde, et c'est le temple: "Approchons avec confiance du trône de la grâce"; et c'est pourquoi il dit: Le Seigneur est dans son saint temple. - "Ne savez-vous pas que vous êtes le temple de Dieu, et que l'Esprit-Saint habite en vous ?" Il occupe aussi le lieu de la justice, d'où il punit, à savoir le ciel; et cela correspond au verset disant: le Seigneur, son trône est dans le ciel Ici est mentionnée sa puissance: "Le ciel est mon trône."

Les fidèles sont appelés temple en raison de leur piété, ciel à cause de leur sagesse. De même on appelle ciel le berceau de l'âme dans lequel Dieu repose afin de faire de sa création son ciel, c'est-à-dire de l'associer à la connaissance de ses mystères. L'âme est aussi appelée temple de Dieu, parce que Dieu est adoré dans le temple. Semblablement dans l'âme du fidèle: "Entre dans ta chambre", c'est-à-dire dans les secrets de ton âme, "et, la porte fermée, prie ton Père dans le secret." C'est aussi dans le temple que sont offerts les sacrifices, et semblablement dans l'âme du fidèle: "Le sacrifice qui plaît à Dieu c'est un esprit brisé." C'est encore dans le temple que se répandent les prières qui sont adressées à Dieu, et c'est ainsi que Dieu opère dans l'âme: "Toutes nos oeuvres, tu les accomplis pour nous." C'est aussi parce que Dieu la sanctifie qu'il descend en elle comme dans son temple: "La grâce de Dieu est avec ses saints, et il a souci de ses élus."

5b Ses yeux observent le pauvre, ses paupières interrogent les enfants des hommes. 6a Le Seigneur interroge le juste et l'impie.

2. Le psalmiste traite ici de l'examen du jugement.

a) Et il expose d'abord la perfection de la connaissance divine.

b) Ensuite l'examen attentif du jugement: ses paupières interrogent les [fils] des hommes.

c) Enfin l'équité du jugement: Le Seigneur interroge le juste et l'impie.

a. Concernant la connaissance divine, personne ne peut en être soustrait, car le Seigneur voit la disposition du pauvre et de l'impie, du pécheur et du juste: "Les yeux du Seigneur sont plus lumineux que le soleil, ils regardent toutes les voies des [hommes], et la profondeur de l'abîme, et ils observent attentivement les coeurs des hommes." - "Toutes les voies des hommes sont à découvert devant ses yeux; le Seigneur pèse les esprits", c'est-à-dire les pensées ou les âmes, selon la Glose; et c'est pourquoi il dit: Ses yeux observent le pauvre, pour avoir compassion de lui: "Aie pitié de moi, Seigneur, car je suis dans la détresse." Et aussi: "Le Seigneur est mon protecteur; en lui mon coeur a espéré." Pour le protéger même en l'éprouvant: "Les yeux du Seigneur sont sur les justes." Et aussi: "Sur cette voie où tu marcheras, je fixerai mes yeux sur toi."

b. Et en observant ainsi, il examine avec soin. Ses paupières interrogent les enfants des hommes. Par paupières est signifiée la discrétion; car de même que les paupières de l'oeil dirigent la vue, ainsi la discrétion modère la sagesse humaine: "Tes paupières se dirigent devant tes pas." Par conséquent la discrétion même de Dieu interroge, c'est-à-dire éprouve et examine: "Il y aura une enquête sur les desseins de l'impie, et la rumeur de ses paroles parviendra à Dieu." Et comment ? Car tantôt il punit, tantôt il épargne; tantôt il accorde des bienfaits, tantôt il les enlève: "Les flèches du Seigneur me pénètrent." Il ferme aussi les paupières et les ouvre: "J'ai pitié de cette foule." Et encore dans le même évangile: "Le royaume de Dieu vous sera ôté." Et il est écrit dans un psaume: "Il donne la nourriture au bétail, et aux petits des corbeaux qui l'invoquent." [Interrogeant] les enfants des hommes, parce que certains d'entre eux sont devenus meilleurs, d'autres plus mauvais; ou bien certains d'après l'Écriture sont devenus mauvais, d'autres bons, car certains la comprennent bien et ne s'en lassent pas, et de plus ils la mettent en pratique, tandis que les mauvais font le contraire.

c. L'équité du jugement est exposée, puisque le psalmiste dit: Le Seigneur interroge le juste et l'impie, car il envoie des fléaux aux justes et aux injustes, et il accorde des biens temporels aux bons et aux mauvais: "Eux", c'est-à-dire les bons, "tu les as éprouvés comme un père qui châtie"; mais "ceux-là", c'est-à-dire les mauvais, "comme un roi sévère tu les as condamnés en leur faisant subir un interrogatoire". Voilà pourquoi il dit: Le Seigneur interroge le juste et l'impie, c'est-à-dire éprouve par les tribulations. Grégoire dit "qu'un châtiment infligé interroge celui qui se trouve dans les tribulations pour savoir s'il aime Dieu en vérité". Il interroge le juste, c'est-à-dire le Seigneur examine afin qu'il soit récompense: "Dieu rendit aux saints la récompense de leurs peines." Mais il interroge l'impie ou le pécheur afin qu'il soit condamné: "Mains et pieds liés jetez-le dans les ténèbres extérieures."

6b mais celui qui aime l'iniquité hait son âme. 7 Il fera pleuvoir sur les pécheurs des pièges; le feu et le soufre, et le vent des tempêtes sont la part de leur calice.

3. Le psalmiste expose ici la condamnation, et à ce propos il fait deux choses:

a) Car il commence par exposer la faute.

b) Puis le châtiment: Il fera pleuvoir sur les pécheurs des pièges.

a. Il montre que du côté de Dieu il n'est pas question de la perte des mauvais, mais qu'elle se trouve de notre côté; c'est pourquoi il dit: celui qui aime l'iniquité, c'est-à-dire le péché: "Quiconque commet le péché, commet aussi l'iniquité, car le péché est l'iniquité." hait son âme. - "L'homme par la malice tue son âme."

Mais on se demande comment quelqu'un peut se haïr.

On répondra en disant que le pêcheur se hait lui-même en quelque sorte, mais que personne ne se hait absolument parlant: "Personne n'a jamais haï sa chair." Mais parce que les mauvais se haïssent eux-mêmes en quelque façon, l'Écriture l'expose ainsi. Notre âme a deux faces: l'une est tournée vers Dieu par la raison, l'autre est tournée vers la chair par la nature sensitive qui ne perçoit uniquement que les réalités corporelles. Et de même que n'importe quelle créature a une prédilection pour son propre bien, ainsi l'homme aime dans la mesure où il estime son âme. Or les pécheurs estiment leur âme en fonction de ce qu'ils se proposent principalement, car toute réalité constituée trouve son principe en elle, ainsi la dénomination "royaume" se dit-elle en fonction du roi. Donc ceux qui regardent la nature sensitive comme principale ont une prédilection pour elle; mais ceux qui regardent la nature raisonnable comme principale l'aiment pareillement. Donc personne ne hait son âme dans ce qu'il estime essentiel. C'est pourquoi les bons haïssent ce qui regarde la nature sensitive, les mauvais ce qui a trait à la nature raisonnable.

b. Il expose ensuite le châtiment. Et nous pouvons expliquer cela en l'appliquant soit au présent, soit au futur. - Au présent ainsi: et il se sert d'une métaphore. Il a dit que le Seigneur est dans le ciel, car c'est là que se trouve son trône; or c'est du ciel que vient la pluie, aussi le châtiment est-il signifié lorsqu'il dit: Il fera pleuvoir sur les pécheurs. Et quoi ? des pièges. Et si on expose ce verset en relation avec le présent, on notera que dans leur péché quatre choses sont à relever.

· En premier lieu il y a la séduction; aussi dit-il: Il fera pleuvoir sur les pécheurs des pièges. Comme si par un juste jugement il permet qu'ils soient enlacés et séduits: "Et beaucoup parmi eux chancelleront, ils tomberont et se briseront, et ils seront pris au piège et saisis."

· Ensuite il y a la concupiscence; aussi dit-il: le feu, de la concupiscence: "Un feu est tombé sur eux", à savoir celui de la concupiscence charnelle, "et ils n'ont pas vu le soleil".

· Puis la mauvaise odeur de l'infamie, et c'est pourquoi il dit: soufre. De la même manière le Seigneur fit pleuvoir sur Sodome et Gomorrhe du feu et du soufre.

· On peut encore ajouter une quatrième chose, à savoir l'agitation de l'esprit, et c'est pourquoi il dit: vent des tempêtes. - "Le coeur de l'impie est comme une mer agitée." la part de leur calice. Car le calice est une mesure, et les pécheurs eux-mêmes reçoivent des châtiments en proportion de leurs péchés: "Lorsqu'elle sera abattue, tu la jugeras avec mesure contre mesure."

- Mais si l'on expose ce verset en relation avec le futur, les agissements des pécheurs seront punis à ce moment-là; car ils seront liés de telle sorte qu'ils ne puissent échapper aux maux, ni obtenir des biens, aussi dit-il: Il fera pleuvoir sur les pécheurs des pièges, c'est-à-dire enchaînant leur sens: et ainsi le soufre se réfère à l'odorat et le feu au toucher: "Le feu ne s'éteindra pas." Et: "Ils furent jetés vivants dans l'étang de feu." De même pour leurs affections, car ils ne se reposent pas, en effet [les vents] des tempêtes sont la part de leur calice, c'est-à-dire les démons qui troublent, molestent et affligent.

8 Car le Seigneur est juste et il aime là justice; son visage a vu l'équité.

C. Car le Seigneur est juste et il aime la justice, aussi ne faut-il rien attendre de lui en dehors de la justice: "C'est moi qui fais miséricorde, droit et justice sur la terre." Et: "Le Seigneur est juste en toutes ses voies." son visage a vu l'équité, ou bien sa face, c'est-à-dire que l'équité a été vue par sa connaissance. Autrement dit: à ceux auxquels il s'est fait connaître et qu'il aime, il montre l'équité.

 

 

 

COMMENTAIRE DU PSAUME 11

1 Pour la fin. Pour l'octave. Psaume de David.

2 Sauve-moi, Seigneur, parce qu'il n'y a plus de saint, parce que les vérités sont diminuées par les enfants des hommes. 3 Chacun dit à son prochain des paroles vaines; lèvres trompeuses, avec un coeur et un coeur ils parlent.

4 Que le Seigneur détruise toutes les lèvres trompeuses, et la langue orgueilleuse. 5 Ceux qui ont dit: Nous exalterons notre langue; nos lèvres nous appartiennent, qui est notre maître ?

6 À cause de la misère des indigents et des gémissements des pauvres, maintenant je me lèverai, dit le Seigneur. Je les mettrai dans le salut, avec toute confiance j'agirai en cela.

7 Les paroles du Seigneur sont des paroles pures, [comme] l'argent éprouvé par le feu, s'épurant à la terre, purifié sept fois.

8 Toi, Seigneur, tu nous préserveras, et nous garderas de cette génération pour l'éternité. 9 Les impies marchent dans un cercle; selon ta grandeur tu as multiplié les enfants des hommes.

 

1 Pour la fin. Pour l'octave. Psaume de David.

Dans la décade précédente, le psalmiste a traité de la persécution que lui-même avait soufferte de la part de son fils Absalom, persécution qui préfigurait celle que le Christ souffrirait de la part de Judas; mais dans cette seconde décade, comme le montrent certains titres de psaumes, il est question de la persécution qu'il a soufferte de la part de Saül, persécution qui préfigurait celle que le Christ souffrirait de la part des princes des prêtres. Cette décade se divise en deux parties.

Dans la première partie, le psalmiste demande d'être libéré de ses ennemis.

Dans la seconde, maintenant libéré, il prie pour son relèvement: "Que le Seigneur t'exauce au jour de la tribulation"; psaume qui fait allusion à l'histoire de David devenu roi à la mort de Saül; et au mystère du Christ dont le royaume a été affermi à sa mort: "C'est pourquoi", c'est-à-dire parce qu'il s'est fait obéissant à son Père jusqu'à la mort, "Dieu l'a exalté".

En demandant d'être libéré de ses ennemis, le psalmiste fait deux choses:

Il demande d'abord sa libération.

Ensuite il rend grâces pour sa libération, et cela au psaume 17: "Je t'aimerai."

Touchant la demande de sa libération il fait trois choses:

Il souligne d'abord la gravité de la malice de ses persécuteurs.

Ensuite il rappelle sa propre justice: "Seigneur, qui habitera ?"

Enfin en raison de sa justice il demande la réalisation de l'exaucement: "Exauce, Seigneur, ma justice."

En soulignant la gravité de la malice de ses persécuteurs, il fait deux choses:

Il commence par blâmer la fourberie de ses adversaires.

Ensuite il réfute leur iniquité: "L'insensé a dit en son coeur."

En blâmant la fourberie de ses adversaires, il fait deux choses:

Il rappelle d'abord leur fourberie.

Puis il sollicite la lumière divine afin de ne pas être séduit par eux: "Jusques à quand, Seigneur, etc." Cela coïncide assez bien avec l'histoire de David contre lequel Saül marchait avec fourberie.

Le psalmiste a placé en tête de ce psaume le titre suivant: Pour la fin. Pour l'octave. Psaume de David. Titre qui a été commenté plus haut.

2 Sauve-moi, Seigneur, parce qu'il n'y a plus de saint, parce que les vérités sont diminuées par les enfants des hommes.

En rappelant la fourberie de ses adversaires, le psalmiste fait trois choses:

A) Il commence par décrire le rappel de leur fourberie.

B) Ensuite il réclame leur perte: 4 Que le Seigneur détruise.

C) Enfin il expose l'exaucement de la prière: 6 À cause de la misère, etc.

A. Dans sa description du rappel de leur fourberie il fait deux choses:

1) Il décrit en premier lieu leur défaut.

2) Puis il en ajoute le signe: 3 Chacun dit à son prochain des paroles vaines.

1. Concernant leur défaut, il faut savoir que David considérant la malice de son adversaire s'affermissant contre lui, comme stupéfait, recourt d'abord au secours divin en disant: Sauve-moi, Seigneur Et à bon droit, car en dehors de lui il n'y a pas de sauveur, comme le rapporte Isaïe. Puis il énumère leurs défauts.

Or deux choses préservent l'homme du mal, à savoir la crainte de Dieu: "Celui qui craint le Seigneur garde ses commandements", et l'amour de la vérité: car des oeuvres justes sont dites vraies dans la mesure où elles sont conformes à la loi; que si elles ne sont pas justes, elles mènent à l'infamie. Car certains malgré la crainte de Dieu n'évitent pas les maux, mais ils s'en détournent à cause de l'infamie. Mais il arrive que quelqu'un ne craigne pas l'infamie, aussi est-il écrit dans Luc à son endroit: "Il ne craint pas Dieu, et ne se soucie pas des hommes." Et le psalmiste exclut ces deux qualités chez ses adversaires.

D'abord précisément la crainte de Dieu, lorsqu'il dit: parce qu'il n'y a plus de saint, car la sainteté repose sur la crainte et le culte de Dieu. parce qu'il n'y a plus de saint, autrement dit: il ne se trouve pas en ce monde d'homme qui craigne Dieu: "L'homme saint a disparu de la terre, et il n'y a plus de juste parmi les hommes."

Ensuite il exclut l'amour de la vérité lorsqu'il dit: Parce que sont diminuées.

Mais on doit se demander pourquoi il dit vérités au pluriel. Il est écrit dans Osée: "Il n'y a pas de vérité de Dieu dans le pays."

Il faut répondre à cela en disant que la vérité primordiale est une, c'est la vérité qui est dans l'intelligence divine: "Moi je suis le chemin, la vérité, et la vie." De même que diverses ressemblances d'un même visage d'homme s'obtiennent à partir de miroirs différents, et pareillement à partir d'un miroir brisé, ainsi des vérités diverses dérivent dans les différentes âmes de l'unique vérité divine. Et semblablement dans une seule âme, parce qu'elle n'atteint pas la simplicité divine, mais est composée de ce par quoi elle est et de ce qu'elle est, des vérités diverses apparaissent à partir de cette unique vérité dont l'âme sainte est illuminée; vérités qui sont diminuées lorsque l'âme s'éloigne de Dieu à cause de ses fautes. Ou bien il faut répondre qu'il dit vérités en raison de la triple vérité créée qui est dans les saints: la vérité de la vie dont parle Isaïe: "Souviens-toi que j'ai marché devant toi dans la vérité." La vérité de la doctrine: "Nous savons que tu es vrai, et que tu enseignes la voie de Dieu dans la vérité." Et la vérité de la justice à propos de laquelle il est écrit dans l'Exode: "Choisis d'entre tout le peuple des hommes capables et craignant Dieu, en qui soit la vérité et qui haïssent l'avarice." C'est de cette vérité que ce psaume semble parler, à savoir de la vérité de la justice dont Saül s'est assurément éloigné lorsqu'il persécuta David lui-même injustement. Il faut donc dire que ces vérités-là sont diminuées non par elles-mêmes, mais par les enfants des hommes que leurs fautes ont corrompues. Et précisément la vérité de la vie est diminuée, quand le bien est regardé comme un mal. La vérité de l'enseignement, lorsque la lumière est appelée ténèbres. Mais la vérité de la justice l'est quand ce qui est amer est jugé doux, et inversement: "Malheur à ceux qui appellent le mal bien et le bien mal, qui changent les ténèbres en lumière et la lumière en ténèbres, qui changent l'amer en doux et le doux en amer." Mais il dit que la sainteté disparaît, parce qu'étant donné que la grâce vient de Dieu, un seul péché mortel la détruit aussitôt. Tandis que la vérité diminue comme progressivement. Une version de Jérôme lit: "Quoniam defecit misericors (Parce qu'il n'y a plus de miséricordieux)." Et parce que les fidèles diminuent, car la miséricorde et la justice sont exigées vis-à-vis du prochain: "Beaucoup d'hommes sont appelés miséricordieux, mais l'homme fidèle, qui le trouvera ?"

3 Chacun dit à son prochain des paroles vaines; lèvres trompeuses, avec un coeur et un coeur, ils parlent.

2. Ensuite lorsqu'il dit: vaines, il expose le signe de la disparition de la sainteté: et il est double, à savoir la vanité et la tromperie.

Le premier signe de la disparition est la vanité, et à cet égard il dit: Chacun dit des paroles vaines, etc. Est vain ce qui n'a pas de substance. Donc vraies sont les choses qui ne cachent rien de vaniteux, d'où ces paroles de l'apôtre Paul: "La fin du précepte c'est la charité qui procède d'un coeur pur, d'une bonne conscience, et d'une foi sans feinte; c'est pourquoi certains dans leur égarement se sont tournés vers de vaines paroles." Et il est écrit dans le livre de Jérémie: "Que chacun se tienne en garde contre son prochain." Selon Grégoire: "Une parole vaine témoigne d'un esprit vaniteux." De même est vain ce qu'on possède sans avoir recours à l'intelligence, aussi les paroles superflues sont-elles vaines: "Là où il y a bavardage, là se rencontre fréquemment la disette." De même est vain ce qui n'est pas stable; et ainsi les paroles relatives aux choses temporelles sont vaines: "Celui qui est de la terre, parle de la terre." - "Ta parole murmurera comme venant de la terre." Mais à qui s'adressent ces paroles vaines ? Au prochain, à qui chacun doit dire la vérité: "Dites la vérité chacun à son prochain."

Le second signe de la disparition de la sainteté est la tromperie, et à cet égard il dit: lèvres trompeuses, avec un coeur et un coeur, ils parlent. La répétition signifie la duplicité du coeur. Ils montrent en effet qu'ils tiennent un langage dans leur bouche, mais ils en ont un autre dans leur coeur. Ils montrent qu'ils souffrent, et ils se réjouissent; qu'ils aiment et ils haïssent; qu'ils compatissent, et ils sont dans la joie: "L'homme double d'esprit est inconstant dans toutes ses voies." - "Malheur au coeur double et aux lèvres criminelles."

4 Que le Seigneur détruise toutes les lèvres trompeuses, et la langue qui se glorifie. 5 Ceux qui ont dit: Nous exalterons notre langue; nos lèvres nous appartiennent, qui est notre maître ?

B. Ici le psalmiste réclame leur destruction.

1) Et il commence par la réclamer.

2) Ensuite il en fait connaître la cause: toutes les lèvres trompeuses et la langue orgueilleuse.

1. Disperdat (Qu'il détruise), comme s'il détruisait deux fois, à savoir dans l'âme et dans le corps: "Amène sur eux le jour de l'affliction, et brise-les doublement", Seigneur Dieu.

2. Ensuite il rapporte la cause de leur malice; et il en expose trois, c'est-à-dire:

a. La fraude, car il dit: lèvres trompeuses; or il y a fraude quand quelqu'un agit d'une façon et feint d'une autre façon. La tromperie se conçoit dans le coeur, mais elle est cachée par les paroles ou par les faits: "La tromperie est dans le coeur de ceux qui méditent le mal." Dieu les disperse, car il met à découvert; alors en effet il n'y a plus de prétexte de tromperie, car la tromperie est une malice occulte. C'est pourquoi il ne réclame pas leur destruction mais le dévoilement de leur malice. Ou bien il réclame leur perdition par la grâce: "L'homme pernicieux ayant été frappé, le sot deviendra plus sage"; c'est pourquoi il dit: lèvres trompeuses. Selon la Glose: "La tromperie est comme un prétexte de demande." Ou bien: il les détruira, comme en les punissant par leur propre malice, Si bien qu'eux-mêmes y tombent par un juste jugement de Dieu, comme on le rapporte dans le livre d'Esther à propos d'Aman qui était contre Mardochée: "L'on pendit Aman au bois qu'il avait préparé pour Mardochée." Et il est écrit dans Ézéchiel: "J'attacherai ta langue à ton palais; et tu deviendras muet", comme n'osant plus désormais commettre de fraudes. Et dans les Proverbes: "L'homme pernicieux ayant été puni, le simple devient plus sage." Et de même: "La folie est attachée au coeur de l'enfant; la verge de la discipline l'éloignera de lui."

b. Ensuite il expose la jactance: et la langue qui se glorifie de soi auprès de ceux que l'on considère comme grands: "Ils ont posé leur bouche contre le ciel, et leur langue a passé sur la terre." Or nous avons coutume de révérer ce qu'il y a de plus grand chez autrui et de ne pas considérer ce qui est plus petit. Donc, afin de paraître grands et égaux à Dieu, ils méprisent Dieu, c'est-à-dire les honneurs divins. Ainsi est-il écrit à propos de l'Antéchrist qui parle contre le Dieu des dieux: "le fils de la perdition, qui se pose en ennemi et s'élève au-dessus de tout ce qui est appelé Dieu, ou qui est adoré, jusqu'à s'asseoir dans le temple de Dieu, se faisant passer lui-même pour Dieu". Et à propos d'Antiochus il est écrit: "Il est juste de se soumettre à Dieu, et simple mortel de ne pas penser s'égaler à Dieu." Et au sujet d'Hérode, que "le peuple l'acclamait: "C'est la voix d'un Dieu et non d'un homme"." Et afin qu'ils ne puissent pas alléguer l'excuse d'agir sans dessein, il ajoute: Ceux qui ont dit (c'est-à-dire avec dessein): Nous exalterons notre langue.

c. Enfin il expose leur blasphème ou leur orgueil: nos lèvres nous appartiennent. En effet le premier signe distinctif de l'orgueil, c'est lorsque quelqu'un estime pouvoir vivre par lui-même: "Ne multipliez pas les paroles hautaines, en vous glorifiant." - "Nous ne sommes pas capables de penser quelque chose venant de nous-mêmes; mais notre aptitude vient de Dieu." Le second signe distinctif de l'orgueil, c'est lorsque quelqu'un veut se glorifier en quelque chose de préférence aux autres; c'est pourquoi il dit: qui est notre maître ? Il est écrit dans le livre de Job: "Qui est le Tout-Puissant pour que nous le servions ?" Et dans Osée: "Ils se tournent afin d'être sans joug, et ils sont comme un arc trompeur." Et encore dans Job: "L'homme vaniteux s'est élevé dans l'orgueil, et comme le petit de l'onagre il se croit né indépendant."

6 À cause de la misère des indigents et des gémissements des pauvres, maintenant je me lèverai, dit le Seigneur Je les mettrai dans le salut, avec toute confiance j'agirai en cela.

7 Les paroles du Seigneur sont des paroles pures, [comme] l'argent éprouvé par le feu, s'épurant à la terre, purifié sept fois.

8 Toi, Seigneur, tu nous préserveras, et nous garderas de cette génération pour l'éternité. 9 Les impies marchent dans un cercle; selon ta grandeur tu as multiplié les enfants des hommes.

C. Le psalmiste expose ici l'exaucement de sa prière.

1) Et il le signifie d'abord à l'avance.

2) Ensuite il expose sa certitude: Les paroles du Seigneur sont des paroles pures, etc.

3) Enfin il expose sa foi: Toi, Seigneur.

1. Ainsi dit-il: À cause de la misère, c'est-à-dire à cause du manque considérable, des indigents, c'est-à-dire de ceux qui sont privés de ressources, et des gémissements, c'est-à-dire du sanglot des pauvres, c'est-à-dire de ceux qui ont peu de possessions: "À toi s'abandonne le pauvre." - "il entendit leurs gémissements, et se souvint de son alliance."

maintenant je me lèverai, dit le Seigneur. maintenant, en temps opportun: "Le Seigneur est devenu son aide dans les moments opportuns et dans la tribulation." - "Au temps favorable je t'ai exaucé, et au jour du salut je t'ai secouru." Je les mettrai dans [ton] salut, c'est-à-dire je les y adjoindrai, avec toute confiance j'agirai en cela, c'est-à-dire moi je serai en cela: "Sois sans crainte devant leur visage, car moi je suis avec toi." - "Le Seigneur l'a décidé, et qui pourrait l'empêcher ? Sa main est étendue, et qui la détournerait ?" - "Ils feront la guerre contre toi, mais ils ne te vaincront pas, car je suis avec toi pour te libérer." Et encore: "Ton âme te sera préservée, car tu as eu confiance en moi, dit le Seigneur."

2. Ensuite le psalmiste expose la certitude de la promesse: Les paroles du Seigneur sont des paroles pures, non altérées par le mélange d'une intervention étrangère, ou épurées de superfluité, ou incorruptibles, car on dit de quelqu'un qu'il est chaste avant une relation charnelle, mais qu'il est continent lorsqu'il s'en abstient par la suite. Elles ne sont pas vaines, mais fermes: "Le ciel et la terre passeront, mais mes paroles ne passeront point." Puis elles sont pleines de vérité, aussi dit-il: [Comme] l'argent éprouvé par le feu. L'argent est blanc sans souillure, sonore, sans artifice, odoriférant sans corruption, à la terre, c'est-à-dire par la terre; les Grecs n'ont pas l'ablatif. Or il s'agit d'une traduction du grec. purifié sept fois, c'est-à-dire parfaitement.

3. Et le prophète répond: Toi donc, Seigneur, tu nous préserveras du mal. Et tu nous garderas dans le bien de cette génération pour l'éternité. Ainsi donc les impies marchent dans un cercle, de sorte qu'ils n'arrivent jamais au bout de leur démarche, qui consiste à affliger les autres comme ils le veulent: "Leurs sentiers sont tortueux." Et pourquoi ? Parce que selon ta grandeur tu as multiplié les enfants des hommes, car "dans [ma] maison il n'y a pas seulement des vases d'or et d'argent, mais il y en a aussi de bois et de terre; les uns pour des usages honorables [...], sanctifiés, propres à toute oeuvre bonne". Ou bien: dans [le] cercle des vices marchent les impies, n'atteignant pas le juste milieu de la vertu, etc.

 

 

COMMENTAIRE DU PSAUME 12

1 Pour la fin. Psaume de David.

Jusques à quand, Seigneur, m'oublieras-tu en ce qui concerne la fin ? Jusques à quand détourneras-tu ta face de moi ? 2 Combien de temps tiendrai-je des conseils en mon âme, sentirai-je la douleur dans mon coeur tout le jour ? 3 jusques à quand mon ennemi s'élèvera-t-il contre moi ?

4 Regarde et exauce-moi, Seigneur mon Dieu. Illumine mes yeux afin que je ne m'endorme jamais dans la mort: 5 de peur que mon ennemi ne dise: j'ai prévalu contre lui. Ceux qui me persécutent se réjouiront si je suis ébranlé;

6 mais moi en ta miséricorde j'ai espéré. Mon coeur se réjouira en ton salut. Je chanterai au Seigneur qui m'a donné des biens, et je psalmodierai le nom du Seigneur Très-Haut.

 

1 Pour la fin. Psaume de David.

Dans le psaume précédent le psalmiste a exposé les tromperies de ses adversaires; ici il réclame de Dieu un remède contre eux. Son titre est: Pour la fin. Psaume de David, et il a été expliqué plus haut.

Ce psaume se divise en trois parties.

I) Dans la première est exposée une plainte.

II) Dans la deuxième une demande: 4 Regarde et exauce-moi.

III) Dans la troisième l'exaucement: 6 mais moi en ta miséricorde.

Jusques à quand, Seigneur, m'oublieras-tu en ce qui concerne la fin ? Jusques à quand détourneras-tu ta face de moi ?

I. La plainte concerne trois choses.

A) Le psalmiste s'étonne d'abord de la dissimulation divine.

B) Ensuite il avoue son propre défaut: 2 Combien de temps tiendrai-je des conseils en mon âme, sentirai-je la douleur de mon coeur tout le jour ?

C) Enfin il se plaint de la puissance de ses adversaires: 3 Jusques à quand mon ennemi s'élèvera-t-il contre moi ?

A. Celui qui dissimule les injures d'autrui fait cela, ou parce qu'il ne s'en souvient pas, ou parce qu'il ne veut pas y apporter de remède; et c'est pourquoi il dit: Seigneur, moi je suis accablé par mes adversaires, et tu n'y apportes pas de remède ? Jusques à quand m'oublieras-tu en ce qui concerne la fin ?, c'est-à-dire à la fin il semble que tu veuilles te soustraire à moi: "Sion a dit: Le Seigneur m'a abandonnée, et le Seigneur m'a oubliée." - "Pourquoi ne regardes-tu pas vers ceux qui agissent de manière injuste, et gardes-tu le silence lorsque l'impie dévore un plus juste que lui ?" Il détourne la face quand il n'apporte pas de remède: "Pourquoi détournes-tu ta face, oublies-tu notre misère, et notre tribulation ?" Cela s'applique à l'histoire de David qui fut persécuté longtemps par Saül. Au sens allégorique il désigne les Pères de l'Ancien Testament qui attendaient le Christ d'une manière continue, et Dieu paraissant les oublier différait le don de son remède; et ils disent: Jusques à quand, Seigneur, m'oublieras-tu en ce qui concerne la fin ? Jusques à quand détourneras-tu ta face de moi ?, c'est-à-dire nous cacheras-tu la présence de ton Fils. Ou bien il est question de la plainte des justes de notre temps à propos du délai du second avènement: Jusques à quand, Seigneur, m'oublieras-tu ? Ce sera jusqu'à ce qui concerne la fin, c'est-à-dire au jour du jugement, ou bien jusqu'à la mort. Et jusques à quand détourneras-tu ta face de moi ?, c'est-à-dire la face de ta gloire, pour que je te voie face à face: "Montre-moi ta face." - "Montre ta face, et nous serons sauvés."

1. On peut donner beaucoup de raisons pour lesquelles les anciens Pères désiraient tant la venue du Christ dans la chair.

a. Une première raison est relative à l'exaltation de la nature humaine, au nom de laquelle les Lamentations disent: "Vois, Seigneur, combien je suis méprisée"; mais elle a été exaltée par l'Incarnation: "Tu m'as reçue avec gloire", c'est-à-dire je suis devenue glorieuse, comme une femme vile est élevée si elle s'unit à un homme bien né. Il en résulte que n'importe quel péché commis après la venue du Sauveur est plus grave que celui qui a été commis avant. De même, si une femme ou un homme bien né commettait une turpitude, il serait plus déshonoré que si un homme grossier la commettait.

b. Une deuxième raison se fondé sur le fait que les captifs étaient libérés de la prison de l'enfer ou des limbes: "Tous mes os descendront-ils au plus profond du schéol; penses-tu du moins que là se trouvera mon repos ?", autrement dit: non, mais par le Christ nous sommes libérés de lui: "Pour toi aussi à cause du sang de ton alliance tu as retiré le captif de la fosse sans eau."

c. Une troisième raison est relative à l'humiliation du diable: "Tu as humilié l'orgueilleux comme un blessé", c'est-à-dire tu as amoindri sa puissance.

d. Une quatrième tient au fait que Dieu nous a pacifiés par la venue du Christ: "Il est la pierre angulaire qui des deux peuples n'en a fait qu'un."

e. Une cinquième est relative à la jouissance qu'ils espéraient avoir avec la venue du Christ, en le voyant, en l'écoutant, en conversant avec lui: "Heureux les yeux qui voient ce que vous voyez! Car, je vous le dis, beaucoup de prophètes et de rois ont désiré voir ce que vous voyez, et ne l'ont point vu, entendre ce que vous entendez, et ne l'ont point entendu."

2. Mais les modernes désirent le second avènement.

a. D'abord parce qu'alors nous serons glorifiés: "Les saints jugeront les nations et domineront sur les peuples." Et encore dans ce même livré de la Sagesse: "Ils sont comptés parmi les enfants de Dieu."

b. Ensuite parce que nous serons affranchis de toute peine: "Le Seigneur essuiera toute larme de tous les visages", c'est-à-dire la raison de ces larmes, ou bien la peine.

c. En troisième lieu, parce que nous serons affranchis de tout péché: "Le Seigneur ôtera l'opprobre de son peuple de dessus toute la terre."

d. En quatrième lieu, parce qu'alors nous serons arrachés à l'emprise du diable: "Ils ne feront plus de mal et ne tueront plus sur toute ma sainte montagne."

e. En cinquième lieu, parce que nous serons libérés de la servitude du corps: "Tire mon âme de cette prison." - "La création elle-même sera affranchie de la servitude de la corruption."

f. En sixième lieu, parce que nous verrons Dieu face à face: "Nous savons que lorsqu'il apparaîtra, nous lui serons semblables, puisque nous le verrons tel qu'il est." - "Tous me connaîtront du plus petit jusqu'au plus grand." Ou bien la plainte peut être celle de n'importe quel juste oppressé par l'adversité, ou par la corruption du péché et de la convoitise.

2 Combien de temps tiendrai-je des conseils en mon âme, sentirai-je la douleur dans mon coeur tout le jour ?

B. Le psalmiste avoue son propre défaut, et à cet égard il fait deux choses:

1) Il expose d'abord l'inquiétude de son coeur.

2) Puis la douleur qui en résulte: sentirai-je la douleur dans mon coeur tout le jour ?

1. Au sujet de l'inquiétude du coeur, le Philosophe dit dans la Rhétorique: "La crainte pousse [les hommes) à prendre conseil." Il est écrit de même dans Isaïe: "Tenez un conseil, prenez une décision." Ainsi l'homme délibère parfois dans l'adversité et la tentation pour savoir comment résister; et c'est pourquoi il dit: Combien de temps tiendrai-je des conseils en mon âme, c'est-à-dire combien de temps me faudra-t-il tenir de nouveaux conseils pour résister aux ennemis ? Ainsi les Pères de l'Ancien Testament esquissèrent-ils beaucoup de projets (consilia) pour figurer le Christ.

2. Or quand un homme reçoit dans un conseil une ligne de conduite, et cependant s'en écarte, alors il en résulte de la douleur; et c'est pourquoi il est écrit: Combien de temps, Seigneur, tiendrai-je des conseils dans mon coeur, c'est-à-dire chaque jour, tandis que je fais continuellement défection: "Ma douleur m'envahit, en moi mon coeur s'afflige."

3 Jusques à quand mon ennemi s'élèvera-t-il contre moi ?

C. Ici le psalmiste se plaint de la prospérité de l'ennemi qui sera exalté, à savoir de Saül s'élevant contre David, et de l'ennemi qui pousse au consentement du péché, et de la chair, car ils ont des convoitises: "À cause de cela la justice ne parvient pas à son terme, car l'impie l'emporte sur le juste."

4 Regarde et exauce-moi, Seigneur mon Dieu. Illumine mes yeux afin que je ne m'endorme jamais dans la mort; 5 de peur que mon ennemi ne dise: J'ai prévalu contre lui. Ceux qui me persécutent se réjouiront si je suis ébranlé;

II. La deuxième partie de ce psaume expose d'abord une prière ou une demande répondant à la dissimulation divine. Puis à son propre défaut: Illumine mes yeux, etc. Enfin à la prospérité de ses ennemis: de peur que mon ennemi ne dise, etc.

A. Il fait d'abord allusion à la dissimulation divine par l'oubli et l'aversion, autrement dit: Regarde, c'est-à-dire retourne-toi, toi qui m'oubliant t'es détourné. Maintenant exauce-moi. "Regarde, nous sommes ton peuple."

B. Ensuite est exposée sa demande correspondant à son propre défaut, résultant pour une part de ses nombreux conseils, et pour une autre part de ses douleurs. Et étant donné que je ne suis pas maître de mes conseils, Illumine mes yeux afin que je ne m'endorme jamais dans la mort, c'est-à-dire enseigne-moi. Pareillement il est écrit dans Luc: "Pour illuminer ceux qui sont assis dans les ténèbres." Cela s'applique de manière littérale à David qui fuyait devant Saül, et dont il devait se garder plus souvent, de crainte qu'il ne mette un jour la main sur lui et ne le tue. De même, aussi longtemps qu'un homme se préoccupe de résister au péché, il ne tombe pas dans la mort, mais s'il vient à dormir, il est tué. Ainsi il est écrit au deuxième livre des Rois qu'Isboseth fut tué, alors qu'il dormait, et qu'une servante nettoyait du blé: "Éveille-toi, toi qui dors."

C. Enfin est exposée sa demande contre l'adversaire: de peur que mon ennemi ne dise. Et il expose deux choses.

1) D'abord sa demande.

2) Puis la raison de sa demande: Ceux qui me persécutent.

1. Sa demande: illumine mes yeux, de peur que mon ennemi ne dise, en exultant: J'ai prévalu contre lui. Or le diable exulte lorsqu'il tente et entraîné au péché. Il est écrit semblablement: "Lève-toi, Seigneur, que l'homme ne prévale pas."

2. Et la raison de cette demande est que son ennemi ne se réjouisse pas, car ils se réjouiront si je suis ébranlé, Si j'abandonnais l'état de la justice et tombais dans le péché: "Ne te laisse pas aller à tes convoitises, et détourne-toi de tes désirs. Si tu procures à ton âme la satisfaction de ses convoitises, elle fera de toi la risée de tes ennemis." - "À cause de toi-même, ô Dieu, incline ton oreille et écoute; ouvre tes yeux et vois notre désolation, et la cité sur laquelle ton nom a été invoqué."

6 Mais moi en ta miséricorde j'ai espéré. Mon coeur se réjouira en ton salut. Je chanterai au Seigneur qui m'a donné des biens, et je psalmodierai le nom du Seigneur Très-Haut.

III. Ici est indiqué l'exaucement de sa prière; et à cet égard il fait trois choses.

A) Il commence par exposer l'espérance de l'exaucement.

B) Ensuite la joie due à cet exaucement: Et mon coeur se réjouira.

C) Enfin il rend grâces: Je chanterai.

A. Ainsi dit-il: en ta miséricorde j'ai espéré, non dans le monde: "Nombreuses sont les miséricordes du Seigneur, parce que nous ne sommes pas anéantis." Non dans mon pouvoir, car il n'en est aucun contre le diable: "Il n'y a sur la terre de pouvoir qui ne l'égale." Et il expose ici trois remèdes par lesquels l'homme est aidé dans sa lutte contre le diable: par la joie spirituelle, par la prière fervente, par les bonnes oeuvres.

1. Concernant la joie spirituelle il dit: Mon coeur se réjouira dans ton salut, non dans les choses temporelles ou dans les vanités, comme le font les pécheurs à propos desquels Job déclare: "Ils se divertissent au son du chalumeau, et passent leurs jours dans le bonheur, et ils descendent en un instant dans le schéol." Et Osée écrit: "Ne te livre pas à la joie, Israël, à l'allégresse, comme les peuples", c'est-à-dire dans le Christ qui est précisément venu pour nous sauver: "Car lui-même sauvera son peuple de ses péchés." Et cette joie arme l'homme contre le diable: "Un coeur joyeux est un bain de jouvence, un esprit abattu dessèche les os."

2. Il est ensuite question de la prière ou de la louange de Dieu; c'est pourquoi il ajoute: "Je chanterai au Seigneur", c'est-à-dire je le louerai: "Vous qui craignez le Seigneur, louez-le." Car la louange de Dieu est puissante pour combattre le diable: "Ce genre de démons n'est chassé que par la prière et le jeûne." - "Et moi je me réjouirai dans le Seigneur, et j'exulterai en Dieu mon Sauveur." Et cela en raison des biens prodigués; aussi continue-t-il: qui m'a donné des biens, c'est-à-dire parce qu'il accorde des biens: "Tout don excellent, toute grâce parfaite, descend d'en-haut, du Père des lumières." Et il dit: des biens, parce qu'il y a des biens temporels que le Seigneur a accordés: "Il leur remit ses biens. À l'un il donna cinq talents, à un autre deux, à un autre un, à chacun selon sa capacité, et il partit aussitôt." De même: des biens spirituels, qui sont les biens de la grâce et les vertus: "Il y a des grâces diverses, mais c'est le même Esprit. Il y a diversité de ministères, mais c'est le même Seigneur; et il y a des opérations diverses, mais c'est le même Dieu qui opère tout en tous; or à chacun est donnée la manifestation de l'Esprit pour l'utilité. Car à l'un est donnée par l'Esprit la parole de sagesse; à un autre la parole de science, selon le même Esprit; à un autre la foi, par le même Esprit; à un autre la grâce de guérir, par le même Esprit; à un autre, la vertu d'opérer des miracles; à un autre, la prophétie; à un autre, le discernement des esprits; à un autre, le don des langues diverses; à un autre, l'interprétation des discours. Or, tous ces dons, c'est le seul et même Esprit qui les opère, les distribuant à chacun comme il veut." - "Si nous accueillons le bonheur de la main de Dieu, pourquoi n'accepterions-nous pas aussi le malheur ?" De même, les biens de la gloire: "Je crois voir les biens du Seigneur dans la terre des vivants." Le Seigneur accorde tous ces biens, et par conséquent c'est à bon droit qu'il faut le louer: "À celui qui m'a donné la sagesse je donnerai la gloire."

3. Il est enfin question des bonnes oeuvres à propos desquelles il ajoute: je psalmodierai, c'est-à-dire j'oeuvrerai. Psallere (psalmodier), c'est toucher le psaltérion avec la main. Jérôme dit: "Accomplis toujours quelque oeuvre bonne afin que le diable te trouve occupé." Et Matthieu écrit: "Lorsque l'esprit impur est sorti d'un homme, il s'en va en des lieux arides, cherchant du repos, et il n'en trouve point." le nom du Seigneur, c'est-à-dire à la louange du nom du Seigneur Très-Haut. - "Gloire à Dieu au plus haut des cieux." - "Qu'ainsi votre lumière brille devant les hommes, afin qu'ils voient vos bonnes oeuvres et qu'ils glorifient votre Père qui est dans les cieux."

 

 

COMMENTAIRE DU PSAUME 13

1 Pour la fin. Psaume de David.

L'insensé a dit en son coeur: "Il n'est pas de Dieu." Ils sont corrompus et sont devenus abominables par leurs oeuvres; il n'en est aucun qui fasse le bien, il n'en est pas un seul.

2 Le Seigneur, du haut du ciel, a regardé les fils des hommes, afin de voir s'il en est un d'intelligent ou qui cherche Dieu. 3a Tous se sont détournés, ensemble ils sont devenus inutiles. Il n'en est pas un qui fasse le bien. Il n'en est pas un seul.

3b Leur gosier est un sépulcre ouvert; de leurs langues ils agissaient avec tromperie, le venin des aspics sous leurs lèvres.

3c Leur bouche est pleine de malédiction et d'amertume; leurs pieds sont prompts â verser le sang.

3d L'affliction et le malheur sont dans leurs voies, et ils n'ont pas connu la voie de la paix; la crainte de Dieu n'est pas devant leurs yeux.

4 Est-ce qu'ils ne connaîtront point tous ceux qui commettent l'iniquité, qui dévorent mon peuple comme on se nourrit de pain ? 5 Ils n'ont pas invoqué le Seigneur, là ils ont tremblé de crainte, là où il n'y avait pas de crainte. 6 Parce que le Seigneur est au milieu de la génération juste, vous avez confondu le dessein de l'indigent; parce que le Seigneur est son espérance.

7 Qui donnera de Sion le salut d'Israël ? Lorsque le Seigneur aura détourné la captivité de son peuple, Jacob exultera, et Israël se réjouira.

 

1 Pour la fin. Psaume de David.

Plus haut le psalmiste a blâmé la tromperie des ennemis; ici il expose leur malice. Le titre de ce psaume est: Pour la fin. Psaume de David. Et à ce propos il fait deux choses.

I. Il commence par manifester leur malice.

II. Puis il expose l'espérance d'être libéré des ennemis: Est-ce qu'ils ne connaîtront point, etc.

I. Concernant la manifestation de leur malice il fait deux choses:

A) Il fait d'abord connaître leur malice.

B) Ensuite il assure que cette malice se trouve en eux: du haut du ciel le Seigneur a regardé, etc.

A. En faisant connaître leur malice il mentionne deux choses:

1) Il indique d'abord la racine de leur malice.

2) Puis le progrès de leur malice: Ils sont corrompus.

L'insensé a dit en son coeur: "Il n'est pas de Dieu."

1. À propos de la racine de la malice il est écrit dans l'Ecclésiastique: "Le commencement de tout péché, c'est l'orgueil, et le commencement de l'orgueil de l'homme, c'est quand il s'éloigne de Dieu." Donc le fait que l'homme ne garde pas Dieu dans son coeur, c'est le principe de la malice; et c'est pourquoi le psalmiste dit: L'insensé a dit en son coeur: "Il n'est pas de Dieu." - "La sagesse n'entrera pas dans une âme qui a fait le mal, elle n'habitera pas dans un corps soumis aux péchés."

Mais peut-on le dire ? Dire dans le coeur c'est penser. Mais peut-on penser que Dieu n'est pas ? Anselme affirme que personne ne le peut. De même Jean Damascène: "La connaissance de Dieu est donnée naturellement à tous; [s'agissant] d'une connaissance naturelle inculquée, personne ne peut penser qu'Il n'est pas." Mais il faut savoir que l'on peut parler de deux manières de la connaissance de Dieu, c'est-à-dire en soi et par rapport à nous.

Si c'est selon la première manière, alors on ne peut pas penser qu'il n'est pas. En effet, aucune proposition ne peut être regardée comme fausse selon sa nature, proposition dont le prédicat est inclus dans la définition du sujet. Or il faut noter qu'en Dieu l'être est autre que dans les créatures, car l'être de Dieu est sa substance. Donc celui qui dit Dieu en soi, dit son être même; et c'est pourquoi en soi il ne peut être pensé ne pas être. Et le raisonnement de Jean Damascène est expliqué: car ce qui est donné naturellement est connu de manière indéterminée, c'est-à-dire que Dieu est, cependant non comme Dieu connaît; au contraire, cette connaissance s'obtient par la foi. Dieu se dit en grec Theós et vient de théein, ce qui veut dire "pourvoir" et "s'occuper avec sollicitude" de toutes choses; ou bien de aithein, qui signifie "brûler" (car notre Dieu est un feu consumant toute malice ). Ainsi donc quelqu'un dit que Dieu n'est pas, lorsqu'il pense qu'il n'est pas tout-puissant, et qu'il ne s'occupe pas des réalités humaines: "Qui est le Tout-Puissant pour que nous le servions ?" On peut appliquer cela aux Juifs disant que le Christ n'est qu'un simple homme et non Dieu: "Toi, étant homme, tu te fais Dieu." Certains Juifs, ne croyant pas que lui-même est celui qui était annoncé dans la Loi, disent: "Il n'est pas Dieu", c'est-à-dire celui qui nous prêche n'est pas Dieu. Et l'insensé a dit cela, parce qu'ils ont refusé d'accueillir la sagesse de Dieu en gardant les yeux du coeur enténébrés: "Ils n'ont pas su et ils n'ont pas compris." - "Car leur malice les a aveuglés." Ou bien c'est le pécheur qui est blâmé ici.

D'abord quant au péché commis dans le coeur par le consentement: L'insensé a dit.

Ensuite quant au péché commis en acte: Ils sont corrompus.

Enfin quant au péché commis par habitude: et sont devenus abominables.

Le psalmiste appelle d'abord le pécheur insensé, parce qu'il n'a pas la sagesse, comme il le dit. Également, parce que les réalités spirituelles ne sont pas sensées pour lui: "L'homme charnel n'accueille pas ce qui est de l'Esprit de Dieu."

Ils sont corrompus et sont devenus abominables par leurs oeuvres; il n'en est aucun qui fasse le bien, il n'en est pas un seul.

2. Ensuite il expose le progrès de leur malice: Ils sont corrompus et sont devenus abominables. De même que les deux parties de la justice sont de faire le bien et d'éviter le mal, ainsi les deux parties de l'injustice sont de faire le mal et d'éviter le bien.

a) Et il expose en premier lieu la première partie.

b) Puis la seconde.

a. Dans la première il manifeste:

- La corruption des vices.

- Ensuite leur abomination.

- Dans les corps, il en résulte une corruption par l'exhalaison de la chaleur naturelle chassée par la chaleur extérieure. Or la chaleur naturelle de l'âme c'est l'amour de Dieu. Donc lorsque l'amour étranger de la convoitise entre, ainsi que d'autres péchés, Dieu s'éloigne. Et c'est pourquoi lorsque le psalmiste a dit: Il n'est pas de Dieu, il ajoute aussitôt: Ils sont corrompus. - "Ils ont renié le Seigneur et dit: "Ce n'est pas lui"", c'est-à-dire celui qui réprouve les pécheurs, celui qui rémunère les justes: "Le coeur du sot", c'est-à-dire du pécheur," est comme un vase brisé". Corrompus sont donc les pécheurs à cause de leur action mauvaise: "Mais leurs oeuvres étaient mauvaises", car après avoir perdu les biens gratuits par leur consentement au mal, les réalités naturelles sont corrompues en eux; et c'est pourquoi un châtiment leur échoit: "Le feu marchera devant lui, et brûlera à l'entour de ses ennemis."

- De même, lorsqu'un corps pourrit, il devient abominable. Ainsi l'âme humaine, aussi longtemps que l'amour de Dieu demeure en elle, est agréable à Dieu; mais lorsqu'elle est corrompue par le péché, elle devient abominable. Elle est abominable parce que la passion humaine l'en écarte; aussi dit-il: et ils sont devenus abominables, c'est-à-dire les pécheurs sont devenus abominables à Dieu et aux hommes par leur habitude de pécher: "Comme tu es devenue vile, qu'il t'en coûte un peu de changer tes voies !" - "Ils se sont égarés dans la confusion et sont devenus abominables comme l'objet de leur amour." Et il a dit: par leurs oeuvres, car c'est par elles qu'ils deviennent abominables. Ou bien, ils agissent avec application, selon Jérôme. Car Dieu a davantage en abomination une volonté qui s'applique à pécher, que le péché lui-même: "Ils se sont éloignés de lui comme de propos délibéré, et ils ont refusé de connaître ses voies." Une autre version lit: "Corrumpunt et abominati sunt studium (Ils sont corrompus et sont devenus abominable par leur étude)", c'est-à-dire de la sagesse et de la science: "Parce qu'ils ont haï la science, et qu'ils n'ont pas désiré la crainte de Dieu." - "Tu verras des abominations encore plus grandes."

b. Puis il parle de l'évitement du bien: Il n'en est [aucun] qui fasse le bien, car "il n'y a pas de juste sur terre qui fasse le bien sans pécher". - Il n'y en a pas jusqu'à un, c'est-à-dire le Christ, parce que lui seul n'a ni contracté, ni commis de péché. La Bienheureuse Vierge, elle, a contracté le péché originel: "J'ai trouvé un homme sur mille, mais je n'ai pas trouvé une femme entre toutes." Ou bien: il n'en est pas un seul, car il n'en est pas un seul qui accomplisse le bien parfaitement. C'est vrai en supposant qu'ils ont dit: "Il n'est pas de Dieu." Ils sont corrompus.

2 Le Seigneur, du haut du ciel, a regardé les fils des hommes, afin de voir s'il en est un d'intelligent ou qui cherche Dieu. 3a Tous se sont détournés, ensemble ils sont devenus inutiles. Il n'en est pas un qui fasse le bien. Il n'en est pas un seul

B. Le psalmiste commence ici par certifier la faute des ennemis.

- Puis il la fait connaître: 3b Leur gosier est un sépulcre ouvert.

- Le péché est certifié par leur iniquité; et c'est pourquoi il expose ici l'observation attentive de Dieu, en disant: Vous, vous dites: Il n'est pas de Dieu, mais c'est faux parce que le Seigneur, du haut du ciel, a regardé les fils des hommes. - "Toutes les voies de l'homme sont pures à ses yeux." Ainsi le Seigneur, Père, a regardé du haut du ciel, c'est-à-dire avec la tendresse de son coeur, en envoyant son Fils: "Le ciel est mon trône." Ou bien: du haut du ciel, c'est-à-dire le Christ par qui il jugera les pécheurs. Ou bien autrement: certains affirment que Dieu ne connaît pas les réalités singulières et changeantes, parce qu'il est immatériel, simple et éternel. Et ainsi il ne connaît pas selon le mode des réalités matérielles, mais selon le mode de sa connaissance.

On répondra: au contraire, car il connaît les réalités matérielles de manière immatérielle, comme en conclut Denys. Et c'est ainsi que l'intellect connaît; aussi le psalmiste dit-il: du haut du ciel, c'est-à-dire de la hauteur de sa dignité et de sa nature, il a regardé les fils des hommes. Et il veut trouver en nous, en vertu de sa volonté antécédente qui veut que tous soient sauvés, ce qui a trait au salut, c'est-à-dire que nous connaissions Dieu par l'intelligence, que nous l'aimions par l'affection et que nous le désirions. Et c'est pourquoi il dit: afin de voir, c'est-à-dire afin qu'il fasse voir, car lui-même voit toujours, c'est-à-dire voit, s'il en est un d'intelligent, par l'intelligence: "S'ils étaient sages, ils le comprendraient, ils considèreraient la fin qui les attend." ou qui cherche Dieu, par l'affection. Que trouvera-t-il quand il aura cherché ici-bas ? Le contraire: car tous se sont détournés. Et le psalmiste expose trois choses: l'aversion de Dieu, l'oeuvre inutile, et la cessation du bien.

· Ainsi dit-il: Tous se sont détournés, c'est-à-dire de Dieu: "Je sais qu'après ma mort vous agirez de manière tout à fait perverse et que vous vous détournerez de la voie que je vous ai prescrite." - "Il n'y a ni vérité, ni connaissance, ni miséricorde de Dieu dans le pays." - "Personne ne parle comme il faut, aucun ne fait pénitence pour son péché."

· De même, par le fait qu'on se détourne de Dieu, on devient inutile: car une chose est inutile dans la mesure où elle n'atteint pas ce pour quoi elle a été faite. Or l'homme a été créé pour jouir de Dieu: "La nombreuse postérité des impies sera sans utilité." Voilà pourquoi il dit: ensemble ils sont devenus inutiles.

· De même, ils cessent de faire le bien, car il n'en est pas un qui fasse le bien, etc. Ceci a été commenté.

3b Leur gosier est un sépulcre ouvert; de leurs langues ils agissaient avec tromperie, le venin des aspics sous leurs lèvres.

- Jérôme dit que l'Apôtre a utilisé le témoignage de ces versets: Leur gosier est un sépulcre ouvert, etc. On trouve aussi ces versets ailleurs dans la Sainte Écriture; dans l'épître aux Romains , où l'Apôtre dit qu'il a emprunté une partie au livre d'Isaïe, une autre à différentes parties du psautier et non point à ce psaume seulement, puisque lui-même était hébreu et qu'il savait que cela ne figurait pas dans le texte hébreu; cela figure cependant dans une version de la Vulgate qu'utilise le peuple et qui n'est attribuée à aucune personne déterminée. Du sépulcre ouvert s'exhale une mauvaise odeur, et c'est pour quoi le psalmiste a certifié plus haut la malice ou la faute des ennemis; mais ici il la fait connaître, et à cet égard il fait deux choses:

· Il commence par montrer comment les pécheurs sont inutiles aux autres.

· Puis comment ils le sont vis-à-vis d'eux-mêmes: L'affliction et le malheur sont dans leurs voies.

· En montrant d'abord comment les pécheurs sont inutiles aux autres il indique deux choses.

D'abord comment ils nuisent aux autres par la parole.

Ensuite comment ils nuisent aux autres par l'action: leurs pieds sont prompts, etc.

En disant comment ils nuisent aux autres par la parole il fait deux choses:

Il expose d'abord la promptitude de leur bouche à nuire.

Puis leur manière de nuire: de leurs langues ils agissaient avec tromperie.

Ainsi dit-il: Leur gosier est un sépulcre ouvert. Or un tel édifice n'est destiné à aucune autre utilité si ce n'est de recevoir des cadavres; ainsi sa bouche qui est toujours prête à mortifier par la détraction est-elle un sépulcre ouvert: "De leurs bouches s'échappaient du feu, de la fumée et du soufre." Ou bien remarquez leur voracité, car leur gosier sert aussi à manger.

Mais parfois ils nuisent par la tromperie, parfois par la malice, et quelquefois par l'injure.

Et il expose d'abord la tromperie qu'ils ont sur la langue. de leurs langues, en parlant extérieurement avec flatterie: "Leur langue est une flèche meurtrière, elle ne profère que la tromperie"; ensuite la tromperie qu'ils ont dans le coeur: le venin des aspics sous leurs lèvres. Un venin caché cause la mort, mais le venin des aspics est incurable, et ce serpent ne peut être charmé: "Semblable à un aspic sourd qui bouche ses oreilles, qui n'écoutera pas la voix des enchanteurs, et du magicien qui charme habilement", dont le venin tue en hypnotisant: "Il se trouvé dans mon peuple des impies dressant des pièges comme l'oiseleur, afin de prendre les hommes." Et de même: "Comme une cage pleine d'oiseaux, ainsi leurs maisons sont remplies de tromperie." Par leur douce voix ils tendent des pièges aux oiseaux. Dans ces mots sont signifiés leur cruauté, et leur entêtement, et leur malice: leur cruauté, parce qu'ils s'efforcent de tuer; leur entêtement, parce qu'ils ont toujours la haine dans leur coeur, et c'est pourquoi il dit: le venin des aspics, etc.

3c Leur bouche est pleine de malédiction et d'amertume; leurs pieds sont prompts à verser le sang.

Leur bouche est pleine de malédiction. Ici le psalmiste montre comment ils nuisent ouvertement, car c'est par des paroles médisantes, et d'amertume, c'est-à-dire par des paroles amères: "Tu ne maudiras pas le sourd." Ou bien lorsque leur bouche dit contre Dieu des paroles qui portent à l'injure ou qui incitent à la colère: "Son rugissement est comme celui du lion."

prompts. Ici il montre comment ils nuisent en action: à verser le sang. - "Leurs pieds courent au mal, et ils se hâtent pour répandre le sang."

3d L'affliction et le malheur sont dans leurs voies, et ils n'ont pas connu la voie de la paix; la crainte de Dieu n'est pas devant leurs yeux.

· Ici le psalmiste montre comment ils se nuisent à eux-mêmes. Une personne se nuit à elle-même de deux manières: en perdant le bien qu'elle possède, et en étant privée de celui qu'elle espère.

Ainsi dit-il: L'affliction [est] dans leurs voies, parce que le bien qu'ils ont est détérioré, et le malheur, parce qu'ils ne parviennent pas au bien espéré, c'est-à-dire le bonheur: "La dévastation et la destruction sont dans leurs routes, et ils n'ont pas connu le chemin de la paix; il n'y a pas de droiture dans leur voie." Ou bien: L'affliction dans ce monde, le malheur après la mort, lequel est opposé au bonheur: "Au jour du désastre le méchant est épargné, et au jour de la colère il est mis à l'abri." Cela tient pour une part au fait qu'ils s'opposent à l'amour du prochain, car ils n'ont pas connu la voie de la paix, c'est-à-dire ce qu'elle est. Ou bien: ils n'ont pas connu la voie de la paix, c'est-à-dire le Christ, car ses voies sont des voies de paix: "Ses voies sont voies de délices, et tous ses sentiers paisibles." ils n'ont pas connu, car ils ont tué le Christ lui-même en péchant.

Pour une autre part, cela tient au fait qu'ils s'opposent à l'amour de Dieu; aussi dit-il: la crainte de Dieu n'est pas devant leurs yeux. Et à cause de cela ils pèchent, car, selon ce qui est écrit dans les Proverbes: "Par la crainte du Seigneur tout [homme] s'éloigne du mal." Donc parce qu'ils n'ont pas cette disposition ils sont un sépulcre ouvert.

4 Est-ce qu'ils ne connaîtront point tous ceux qui commettent l'iniquité, qui dévorent mon peuple comme on se nourrit de pain ? 5 ils n'ont pas invoqué le Seigneur, là ils ont tremblé de crainte, là où il n'y avait pas de crainte." Parce que le Seigneur est au milieu de la génération juste, vous avez confondu le dessein de l'indigent; parce que le Seigneur est son espérance.

II. Le psalmiste traite ici de l'espérance de sa libération.

A) Et il commence par montrer que les impies n'ont pas l'espérance, car il dit: Est-ce qu'ils ne connaîtront point ?

B) Ensuite il montre quelle est cette espérance: Qui donnera de Sion.

A. En montrant que les impies n'ont pas l'espérance, le psalmiste fait deux choses:

1) Il commence par montrer qu'ils ne connaissent pas cette espérance.

2) Puis il en donne une preuve: le dessein de l'indigent.

1. Il pose d'abord une question, y introduit la faute des impies et s'exprime ainsi: Je dis qu'ils sont un sépulcre ouvert et que Dieu n'est pas dans leur coeur. Mais auront-ils connaissance que le Seigneur est au milieu de la génération juste ? Autrement dit: cela ils doivent en avoir connaissance, et en particulier que le Seigneur est au milieu d'elle: "Tu es au milieu de nous, Seigneur, et ton saint nom a été invoqué sur nous." - "Mais toi, tu habites dans le lieu saint, louange d'Israël." Donc le Seigneur est en lui comme dans son temple. Et tous ceux qui commettent l'iniquité, c'est-à-dire à l'égard de Dieu. Et: qui dévorent mon peuple comme on se nourrit de pain, c'est-à-dire quant au prochain qu'ils dévorent en ôtant son bien: "Que chacun dévore la chair de son prochain." - "Ils ont dévoré la chair de mon peuple, et ils lui ont arraché la peau de dessus le corps." - "Le pain des indigents [c'est la] vie des pauvres, celui qui l'enlève est un homme de sang." Ils n'ont pas invoqué [Dieu], c'est-à-dire ils n'ont pas l'espérance divine. Et il résulte de cela qu'ils n'ont pas la tranquillité, aussi dit-il: là ils ont tremblé de crainte. - "L'impie s'enfuit sans que personne ne le poursuive." - "Des bruits de terreur retentissent à ses oreilles, et au sein de la paix il soupçonne toujours des embûches." Mais ceux qui invoquent Dieu sont sauvés: "Quiconque invoquera le nom du Seigneur sera sauvé." - "Le nom du Seigneur est une tour très forte." Donc ils n'auront pas connaissance de telles choses, parce que le Seigneur est au milieu de la génération juste.

2. Et il montre qu'ils n'ont pas l'espérance en donnant une preuve; car vous avez confondu le dessein de l'indigent, c'est-à-dire vous l'avez regardé comme étant dans l'erreur, et vous avez blasphémé autant qu'il vous était possible: et c'est le dessein de l'indigent qu'il sache que le Seigneur est son espérance. - "Il a espéré dans le Seigneur, qu'il le délivre, qu'il le sauve, puisqu'il le veut." Lui qui dit: "Si tu veux être parfait, va, vends ce que tu as, donne-le aux pauvres, et tu auras un trésor dans le ciel; puis viens et suis-moi." Les riches méprisent toujours ce conseil: "Vous avez méprisé tous mes conseils, et vous ne voulez pas de mes réprimandes." Et pourquoi ? parce que le Seigneur est son espérance, car ils n'ont dans le monde aucune raison d'espérer si ce n'est en Dieu, et c'est l'espérance des saints.

7 Qui donnera de Sion le salut d'Israël ? Lorsque le Seigneur aura détourné la captivité de son peuple, Jacob exultera, et Israël se réjouira.

B. Tous les anciens attendaient ce salut: "Le sceptre ne sera pas ôté de Juda, ni le prince de sa postérité, jusqu'à ce que vienne celui qui doit être envoyé, et lui-même sera l'attente des nations." Mais il était attendu depuis Sion, c'est-à-dire par les Juifs: "Le salut vient des Juifs." Mais quand ? Réponse: nous aurons ce salut lorsque le Seigneur aura détourné la captivité de son peuple, c'est-à-dire ceux qui sont sous la servitude du péché et dans la prison de l'enfer: "Même à un puissant on enlève le butin et à un homme fort on arrache la proie." Et alors que Jacob se réjouisse, c'est-à-dire le peuple de Dieu, intérieurement; et qu'Israël exulte, extérieurement.

 

 

COMMENTAIRE DU PSAUME 14

1 Psaume de David.

Seigneur, qui habitera dans ta tente, qui se reposera sur ta sainte montagne ?

2 Celui qui marche sans tache et qui pratique la justice. 3a Celui qui dit la vérité dans son coeur; 3b qui n'a pas commis de tromperie par sa langue;

3c qui n'a pas fait de mal à son prochain, et qui n'a pas accepté l'opprobre contre ses proches.

4a En sa présence le méchant a été réduit à néant, mais il glorifie ceux qui craignent le Seigneur.

4b Celui qui fait serment à son prochain et qui ne trompe pas; 5 qui n'a pas donné son argent à usure, et n'a pas accepté des présents contre l'innocent. Qui accomplit ces choses ne sera pas ébranlé pour l'éternité.

 

1 Psaume de David.

Seigneur, qui habitera dans ta tente, qui se reposera sur ta sainte montagne ?

Plus haut le psalmiste a traité de la malice et de la tromperie de ses adversaires; ici il traite de sa propre justice.

Et il montre en premier lieu quelle est la justice que Dieu agrée.

Ensuite, comme s'il rendait grâce, il montre quelle est sa propre justice: "Conserve-moi."

Ce psaume s'intitule: Psaume de David. Dans ce psaume le psalmiste fait deux choses, car il se comporte comme un prêtre qui consulte Dieu en sa présence.

I) Il commence par poser une question.

II) Ensuite il donne une réponse: Celui qui marche sans tache.

I. Il expose donc d'abord une double question: car double est la condition de l'Eglise présente et future. La première est celle de ceux qui militent: "Oui, dit l'Esprit, qu'ils se reposent." Et ces conditions sont signifiées dans l'Ancien Testament. Car ils eurent d'abord la tente , aussi longtemps qu'ils connurent les guerres et les labeurs: "Lorsque le Seigneur eut donné à David du repos en le délivrant de tous ses ennemis, le roi dit à Nathan: Vois donc ! Moi j'habite dans une maison de cèdre, et l'arche de Dieu a été déposée dans la tente." Par la suite Salomon éleva le temple, quand David eut obtenu la paix. Par la tente est signifiée l'Église militante, par le temple érigé sur la montagne la condition de la vie future; et c'est pourquoi il dit: qui habitera dans ta tente ?, c'est-à-dire dans l'Église présente, autrement dit: qui est digne d'y habiter ? En effet les pécheurs y habitent en nombre mais non point à cause de leur mérite. Une version de Jérôme lit: "Quis peregrinatur ? (Qui séjournera ?)." - "Dieu qui fait habiter dans une maison ceux qui ont un même esprit".

La seconde question est: qui se reposera sur ta sainte montagne ? Et on dit montagne sainte, parce qu'il ne s'y trouve rien de souillé: "Que le Seigneur te bénisse, demeure de la justice, montagne sainte." - "On l'appellera la voie sainte." - "Tu les amèneras et les planteras sur la montagne de ton héritage, dans la tente que tu as très solidement établie, Seigneur."

2 Celui qui marche sans tache et qui pratique la justice. 3a Celui qui dit la vérité dans son coeur; 3b qui n'a pas commis de tromperie par sa langue.

II. Il donne ici la réponse, et à ce propos il fait deux choses.

A) Il commence par rappeler les mérites de ceux qui habitent en ces lieux, c'est-à-dire dans la tente et sur la montagne sainte de Dieu.

B) Ensuite il fait connaître la récompense: Qui accomplit ces choses ne sera pas ébranlé pour l'éternité.

A. Il expose dix effets des vertus. Mais l'action de l'homme vertueux est considérée de deux manières: d'abord par rapport à lui, puis par rapport aux autres.

1) Le psalmiste expose en premier lieu les actes par lesquels l'homme agit bien en soi.

2) Puis les actes qui le disposent à bien se comporter vis-à-vis du prochain: qui n'a pas fait de mal à son prochain, etc.

1. En soi, quant aux choses extérieures, en acte et en parole.

En acte, relativement à deux choses.

D'abord quand il fuit le mal; et c'est pourquoi il dit: il marche, c'est-à-dire il s'avance dans la voie: "Je passerai dans le lieu du Tabernacle." De même: "Bienheureux [ceux qui passent] immaculés dans la voie." sans tache, c'est-à-dire mortelle, car le péché véniel ne laisse pas à proprement parler de tache: "Bienheureux le riche qui est trouvé sans tache." Mais dans le Christ et dans la Vierge Marie il n'y eut absolument aucune tache, aussi la tempérance leur est-elle appropriée, car on se souille en péchant contre la tempérance/

Ensuite quand il fait le bien; et c'est pourquoi le psalmiste continue en disant: et qui pratique la justice, c'est-à-dire qui accomplit des actes que la justice oriente; et ces actes se ramènent à la justice en tant qu'elle est une vertu spéciale . En parole, d'abord quand il fait le bien: Celui qui dit la vérité, c'est-à-dire qui accomplit le bien en parole: "Qui de vous pourra habiter auprès des flammes éternelles ? Celui qui marche dans la justice, et qui dit la vérité." Et il dit: dans [le] coeur, contre ceux qui disent la vérité occasionnellement, non selon l'intention: "Les lèvres véridiques demeureront." - "Ayant renoncé à tout mensonge et toute tromperie, comme des enfants nouveau-nés." Puis quand il évite le mal, c'est-à-dire la tromperie: "Leur langue est une flèche meurtrière, elle a proféré la tromperie." qui n'a pas commis de tromperie par sa langue. Selon une autre version: "qui non est facilis in lingua sua (qui n'a pas sa langue diserte)". - "Une ville forcée et sans l'enceinte de ses murailles, tel est l'homme qui ne peut maîtriser son esprit en parlant." Selon encore une autre version: "et non est accusatio in lingua ejus (Et qui n'accuse pas par sa langue)", c'est-à-dire parce qu'il n'est pas détracteur ou rapporteur, ou bien parce que ses paroles ne sont pas blâmables: "Qu'aucun discours mauvais ne sorte de votre bouche."

3c qui n'a pas fait de mal à son prochain, et qui n'a pas accepté l'opprobre contre ses proches.

2. Plus haut le psalmiste a traité de l'action vertueuse que Dieu agrée, en énumérant les actes par lesquels l'homme agit bien en soi; mais ici il énumère les actes qui le disposent à bien se comporter vis-à-vis du prochain. Et il demande trois choses à l'égard du prochain:

a) D'abord de ne pas lui nuire.

b) Puis de ne pas approuver celui qui nuit: "Ceux qui commettent de telles choses (n'obtiendront pas le Royaume de Dieu; mais) ils sont dignes de mort, et non seulement ceux qui les font, mais aussi ceux qui approuvent ceux qui les font."

c) Enfin de ne pas le tromper.

a. Ainsi, en demandant d'abord de ne pas nuire au prochain, il dit: qui n'a pas fait de mal à son prochain, ni physiquement, ni spirituellement: "Ne rendez à personne le mal pour le mal." - "Tandis que nous en avons le temps, faisons du bien."

b. En demandant ensuite de ne pas approuver celui qui nuit il dit: et qui n'a pas accepté l'opprobre contre ses proches. Quelqu'un vient-il à médire de son prochain, il ne faut pas le soutenir; et c'est pourquoi il dit: qui n'a pas accepté l'opprobre, c'est-à-dire quand celui qui entend des paroles qui font du tort, et que d'après ces paroles il déteste celui à qui elles s'adressent, ou même lorsque lui-même les redit aux autres: "As-tu entendu une parole contre ton prochain ? qu'elle meure en toi, assuré qu'elle ne te déchirera pas." - "Entoure d'épines tes oreilles, n'écoute pas la langue méchante." Selon Jérôme: "Celui qui n'écoute pas n'est pas détracteur." Et Bernard dit: "Dénigrer ou entendre dénigrer, qu'y a-t-il de plus répréhensible, je ne pourrais le dire aisément." - "Le vent du nord enfante la pluie, et la langue médisante un visage irrité"; car, littéralement parlant, celui qui dénigre cesse de le faire quand, en entendant des paroles médisantes, il s'afflige.

4a En sa présence le méchant a été réduit à néant, mais il glorifie ceux qui craignent le Seigneur.

Ici il montre qu'il ne méprise pas. Dans l'homme cohabitent deux choses: le vice et la vertu. Le vice doit être méprisé, aussi dit-il: le méchant, en tant que tel, a été réduit à néant, c'est-à-dire est compté pour rien, et c'est bien: d'abord pour susciter l'émulation; car il arrive parfois qu'un méchant soit exalté: "Pourquoi la voie des impies est-elle prospère, et le bonheur est-il pour tous ceux qui prévariquent, et qui agissent iniquement ?" Mais de cette façon il ne doit point le considérer comme grand, au contraire il doit le mépriser: "La gloire de l'homme pécheur est fumier et ver: il s'élève aujourd'hui et demain on ne le trouvera plus, car il sera retourné dans sa poussière, et son dessein sera anéanti." Ou bien quelqu'un de grand a l'intention de nuire; mais du fait qu'il est méchant, tu le méprises: car la dérogation à de telles dispositions équivaut à l'approbation de notre conduite: "Quand un camp se tiendrait contre moi, mon coeur ne craindra pas", c'est-à-dire les pécheurs. Mais considère que l'homme vertueux est grand; voilà pourquoi le psalmiste dit: mais il glorifie ceux qui craignent le Seigneur. - "Qu'il est grand celui qui a trouvé la sagesse et la science ! Bien qu'il ne soit pas au-dessus de celui qui craint le Seigneur." La Glose explique cela autrement: "En sa présence le méchant a été réduit à néant", c'est-à-dire "le diable a été vaincu par lui": "Vous avez vaincu le Malin." Le Seigneur glorifie ceux qui craignent le Seigneur, c'est-à-dire lui. Mais la première explication est plus littérale.

4b Celui qui fait serment à son prochain et qui ne trompe pas; 5 qui n'a pas donné son argent à usure, et n'a pas accepté des présents contre l'innocent. Qui accomplit ces choses, ne sera pas ébranlé pour l'éternité.

c. Ici le psalmiste s'oppose à ce que le méchant trompe le prochain. Et ce dernier est trompé de trois manières:

- Dans les promesses, et cela par serment; aussi dit-il: qui fait serment, etc., c'est-à-dire qui affirme pour mieux tromper, car il ne respecte pas son serment: "N'aimez pas le faux serment." - "Tu ne jureras point par mon nom, ni ne profaneras le nom de ton Dieu." Jurer ne relève pas de la vertu, mais bien l'acte d'observer un serment.

- De même dans les contrats, aussi dit-il: qui n'a pas donné son argent à usure - "Prêtez sans rien espérer en retour." et n'a pas accepté des présents contre l'innocent. - "L'impie reçoit des présents sous le manteau", c'est-à-dire de l'Église, "pour pervertir les sentiers de la justice". Dans le livre du Deutéronome, il est prescrit de ne pas prêter à usure à son frère, car l'usurier vend ce qui n'est pas, puisqu'il n'en a pas la jouissance.

- De même dans les jugements, lorsqu'il publie une sentence contre les innocents aussi dit-il: les présents. - "Malheur à ceux qui justifient l'impie pour des présents." - "Le feu dévorera les tentes de ceux qui acceptent vénalement des présents."

C. Ensuite le psalmiste fait connaître la récompense du vertueux: Qui accomplit, c'est-à-dire qui observe, toutes ces choses énumérées. Il est écrit dans l'épître de Jacques: "Soyez les observateurs de la parole." Et dans l'épître de Paul aux Romains: "Ce ne sont pas les auditeurs de la loi qui sont justes devant Dieu, mais les observateurs."

ne sera pas ébranlé pour l'éternité, c'est-à-dire celui-ci habitera sur ma sainte montagne: "Ceux qui mettent leur confiance dans le Seigneur sont comme la montagne de Sion; celui qui habite Jérusalem sera stable pour toujours." - "Il ne livrera pas éternellement le juste à l'agitation."

 

 

COMMENTAIRE DU PSAUME 15

1 Inscription du titre. De David lui-même.

Garde-moi, Seigneur, parce que j'ai espéré en toi. 2 J'ai dit au Seigneur: Tu es mon Dieu, car tu n'as pas besoin de mes biens.

3 Pour ses saints qui sont sur sa terre, il a fait paraître admirablement toutes mes volontés en eux.

4a Leurs infirmités se sont multipliées; alors ils se sont hâtés.

4b Je ne réunirai point leurs assemblées de sang, je ne me rappellerai pas leurs noms sur mes lèvres.

5 Le Seigneur est la part de mon héritage et de ma coupe; c'est toi qui me rendras mon héritage. 6 Les cordes me sont échues en des lieux de délices; aussi mon héritage est magnifique pour moi.

7 Je bénirai le Seigneur qui m'a donné l'intelligence; jusque dans la nuit mes reins m'ont repris. 8 Je prenais soin d'avoir le Seigneur constamment devant mes yeux, parce qu'il est à ma droite de peur que je ne sois ébranlé. 9a Pour cela mon coeur s'est réjoui, et ma langue a exulté de joie.

9b Et de plus ma chair reposera dans l'espérance. 10 Parce que tu ne délaisseras pas mon âme dans l'enfer; tu ne permettras pas que ton Saint connaisse la corruption. 11 Tu m'as fait connaître les voies de la vie; tu me combleras de joie par ton visage, délices à ta droite pour toujours.

 

1 Inscription du titre. De David lui-même.

Dans le psaume précédent le psalmiste a énuméré en détail la justice que Dieu exige de l'homme; mais ici il montre comment il adhérait à la justice. Ce psaume s'intitule comme suit: Inscription du titre. De David lui-même. Au sens littéral, il signifie qu'il a été rédigé spécialement à propos de choses qui regardent la personne de David. Mais parce que David représentait aussi la personne du Christ qui devait naître de sa descendance, c'est pourquoi certaines choses sont ici propres à David, d'autres sont dites au sujet du Christ. Et c'est la raison pour laquelle lorsque l'apôtre Pierre cite les versets de ce psaume: "Je voyais le Seigneur constamment en ma présence, parce qu'il est à ma droite, afin que je ne sois pas ébranlé", il affirme que ces paroles sont dites à propos de la résurrection du Christ, mais non au sujet de David. Et suivant cela, il est question dans ce psaume du Nouveau Testament où, selon les paroles de Jean, Pilate a fait placer ce titre au-dessus de la tête du Christ mis en croix: "Jésus de Nazareth le roi des Juifs"; et ce titre se présente comme l'emblème de son royaume. Un titre est habituellement tracé selon trois manières: tantôt sur la tombe de quelqu'un, pour signifier que c'est la sépulture de telle personne. Tantôt sur une maison, pour signifier que c'est la maison d'un tel. Tantôt à l'occasion d'un triomphe, comme cela se faisait à Rome. Et ce titre du Christ signifie qu'il a triomphé par la croix: "Dépouillant les principautés et les puissances, triomphant d'elles manifestement en lui-même." On signifie donc ici qu'il est plus spécialement question dans ce psaume de la royauté du Christ. Selon Jérôme le titre de ce psaume est: "Humilis et simplicis psalmus David (Psaume de David pour les humbles et les simples)." Et l'on veut signifier par là qu'il est question dans ce psaume de la simplicité et de l'humilité de David en tant que telles, ou comme préfiguration, à savoir du Christ.

Garde-moi, Seigneur, parce que j'ai espère en toi. 2 J'ai dit au Seigneur: Tu es mon Dieu, car tu n'as pas besoin de mes biens.

Ce psaume se divise en deux parties.

I) Dans la première, le psalmiste montre en parlant soit de lui, soit du Christ, qu'il adhère à Dieu seul.

II) Ensuite il rappelle les bienfaits qu'il a reçus de Dieu: 7 Je bénirai le Seigneur.

La première partie concerne la simplicité. La seconde, l'humilité.

I. Dans la première partie, le psalmiste fait deux choses:

A) Il montre en premier lieu qu'il adhérait à Dieu seul.

B) Ensuite il en donne la raison: Le Seigneur est la part de mon héritage.

A. En montrant comment il adhère à Dieu seul il fait trois choses: Il montre d'abord comment il se comporte vis-à-vis de Dieu. Puis comment il se comporte a l'égard des saints de Dieu: 3 Pour ses saints. Enfin comment il se comporte vis-à-vis des ennemis de Dieu: 4a Leurs infirmités se sont multipliées.

1. Il se comporte à l'égard de Dieu en tant qu'il adhère à lui seul; et cela de deux manières, par l'espérance et la foi: J'ai dit au Seigneur.

a. À propos de l'espérance il expose deux choses, à savoir la preuve de son espérance et l'espérance elle-même.

La preuve de son espérance, lorsqu'il dit: Garde-moi, c'est-à-dire en soi, ou dans ses membres: "Père saint, garde en ton nom ceux que tu m'as donnés." Et cela, parce que j'ai espéré en toi.

Mais le Christ a-t-il espéré ?

Il faut dire que oui. En vérité il a espéré la vie éternelle pour les autres, mais pour lui la glorification de son corps. Quant à la glorification de son âme, il l'a eue dès l'instant de sa conception.

b. J'ai dit, etc. Ici le psalmiste expose d'abord son acte de foi. Ensuite il en donne la raison: car tu n'as pas besoin de mes biens.

- L'acte de foi consiste à confesser Dieu, soit en croyant dans le coeur, ou bien extérieurement en le louant, en témoignant par des faits: "On croit de coeur pour la justice, et on confesse pour le salut"; et c'est pourquoi j'ai dit, dans le coeur, par la bouche, et en action: Tu es mon Dieu, etc. - "Le Seigneur sera mon Dieu."

- Et la raison: car tu n'as pas besoin de mes biens. Le propre de Dieu, c'est qu'il est d'une bonté infinie, et que rien ne peut lui être ajouté, car il est le bien substantiel étendant sa bonté à toutes choses, comme il en est du soleil et de la lumière, non par participation mais par son être lui-même illuminant toutes choses. Au contraire, à n'importe quelle autre créature on peut ajouter, même aux saints, et en raison de cela quelque chose s'accroît en eux; et c'est ainsi que des biens nous manquent en quelque manière, tandis que Dieu seul n'a pas besoin de nos biens: "Mais si tu es juste, que lui donneras-tu ? Ou que recevra-t-il de ta main ?" Une version de Jérôme lit: "Quoniam bene non est nobis sine te (Il ne nous est pas bon de vivre sans toi)", autrement dit: puisque toi, tu es mon Dieu, puisque toi, tu es la bonté, il est manifeste qu'il n'est pas bon pour moi de vivre sans toi.

3 Pour ses saints qui sont sur sa terre, il a fait paraître admirablement toutes mes volontés en eux.

2. Il montre ici comment il se comporte vis-à-vis des saints, et on explique aussi ce verset en l'appliquant à la personne du Christ. Il faut savoir que la volonté du Christ est comme la volonté du Père, et qu'en tant qu'homme il accomplit la volonté du Père: "Il est écrit de moi que je ferai ta volonté; mon Dieu, je l'ai voulu." - "La volonté de Dieu, c'est votre sanctification." - "Je suis descendu du ciel, non pour faire ma volonté, mais la volonté de celui qui m'a envoyé. Or c'est la volonté de celui qui m'a envoyé, que de tout ce qu'Il m'a donné, je ne perde rien, mais que je le ressuscite au dernier jour." Or le Christ a voulu beaucoup de choses. Mais qu'a-t-il voulu ? Souffrir, mourir, afin de nous faire vivre. Ainsi dit-il: Dieu le Père a fait paraître admirablement toutes mes volontés, c'est-à-dire les a accomplies en eux admirablement. En qui ? dans les saints qui sont sur sa terre, c'est-à-dire dans l'Église militante et triomphante. Une version de Jérôme lit: "Sanctis qui sunt in terra et magnificis, omnis voluntas mea in eis (Dans les saints qui sont sur la terre et dans les souverains, toute ma volonté paraît en eux." Une autre version lit: "robustis (dans les puissants)". Et tout en admettant qu'un mortel mette son espérance dans la puissance d'une armée robuste, David dit au contraire: moi j'ai espéré en toi. - "Qui a espéré dans le Seigneur et a été confondu ?" Et mes hommes forts sont tes saints qui accomplissent de grandes choses: "Mes yeux sont tournés vers les fidèles du pays", dit le Christ, afin qu'ils siègent avec moi. Que le Christ lui-même aime les saints, c'est manifeste: "Moi j'aime ceux qui m'aiment."

4a Leurs infirmités se sont multipliées; alors ils se sont hâtés.

3. Ici le psalmiste montre comment il se comporte à l'égard des adversaires de Dieu, ou vis-à-vis des pécheurs.

a) Et il expose d'abord leur conversion.

b) Puis comment se réalise leur conversion: Je ne réunirai point.

a. Concernant la conversion proprement dite il fait deux choses:

- Il expose l'état résultant de la faute précédente.

- Puis l'état dû à la grâce subséquente: alors ils se sont hâtés.

- Ainsi dit-il: Leurs infirmités se sont multipliées, c'est-à-dire leurs différents péchés. Ou bien: Leurs infirmités, c'est-à-dire les punitions dues au péché: "Mes gémissements sont nombreux."

- Et en conséquence ils se sont hâtés, c'est-à-dire se sont efforcés de prendre la vie à coeur pour racheter le temps perdu. Et ils font cela expressément, parce que "là où le péché a abondé, la grâce a surabondé", comme l'écrit l'Apôtre aux Romains. De même, après des tribulations, l'homme court vers Dieu: "Dans leur tribulation dès le matin ils se lèveront vers moi. Venez et retournons au Seigneur." - "Couvre leurs faces d'ignominie, et ils chercheront ton nom, Seigneur."

4b Je ne réunirai point leurs assemblées de sang, je ne me rappellerai pas leurs noms sur mes lèvres.

b. Ici il expose la manière dont cette conversion s'est réalisée.

- Il montre d'abord à quel rite ils se sont convertis.

- Puis comment ils l'ont fait parfaitement: je ne me rappellerai pas, etc.

- Ainsi dit-il: ils se sont hâtés. Mais comment se sont-ils convertis ? Dans l'ancienne Loi, ceux qui s'étaient convertis offraient divers sacrifices. Mais moi je les réunirai de diverses contrées pour les amener vers un pays; mais non pour qu'ils répandent le sang, car, comme l'écrit l'Apôtre: "Il est impossible que les péchés soient enlevés par le sang des taureaux et des boucs." Je ne réunirai point leurs assemblées de sang, c'est-à-dire selon la pratique de la Loi; mais cette assemblée relève du sang nouveau, c'est-à-dire du Christ: "Le Christ s'est offert une fois pour enlever les péchés d'un grand nombre." - "Par une oblation unique, il a rendu parfaits pour toujours ceux qui ont été sanctifiés." - "Toi aussi par le sang de ton alliance tu as fait sortir tes prisonniers d'un lac qui est sans eau."

- Mais comment cette assemblée sera-t-elle parfaite ? C'est que je ne me rappellerai pas leurs noms sur mes lèvres, parce qu'ils étaient en état de péché, car l'un était dit fornicateur et l'autre bandit. Mais aucun ne doit être appelé ainsi après sa conversion, parce que de tels noms sont effacés. Ou bien, je ne me rappellerai pas de leurs péchés en jugement, lorsque je rassemblerai les justes: "Venez, les bénis de mon Père." Et cela: sur mes lèvres, ou bien par mes prédicateurs. Mais on dira à ceux qui seront à sa gauche: "Allez maudits au feu éternel, qui a été préparé pour le diable et pour ses anges."- "Si tu sépares ce qui est précieux de ce qui est vil, tu seras comme ma bouche." Une version de Jérôme lit: "Multiplicata sunt idola eorum: post tergum sequentium non libabo libamina eorum de sanguine, ne que assumam nomina eorum in labiis meis (Leurs idoles se sont multipliées: derrière le dos de ceux qui me harcèlent je n'offrirai pas leurs libations de sang, ni ne mettrai leurs noms sur mes lèvres)", autrement dit: je t'adore, non les idoles. Mais les idoles de ces derniers sont nombreuses: "J'ai multiplié derrière ton dos ceux qui s'éloignent de toi." - "Ils m'ont tourné le dos, et non la face, je ne participerai pas à leurs libations." - "Ils mangeaient la graisse de leurs victimes, et buvaient leurs libations." Je ne jugerai pas par ces idoles.

5 Le Seigneur est la part de mon héritage et de ma coupe; c'est toi qui me rendras mon héritage. 6 Les cordes me sont échues en des lieux de délices; aussi mon héritage est magnifique pour moi.

B. Ici le psalmiste donne la raison de son adhésion à Dieu seul. C'est parce que lui seul est son héritage, autrement dit: la raison pour laquelle j'adhère uniquement à ce dernier, c'est qu'il est mon héritage.

1) Il dit d'abord que Dieu est son héritage.

2) Puis il le fait valoir parce qu'il en est satisfait: aussi mon héritage est magnifique pour moi.

1. L'héritage même dont nous jouissons est notre bien. Les hommes en ce monde sont en quête de possessions ainsi que de leurs jouissances, tandis que (sa) possession est Dieu; c'est pourquoi il dit: Le Seigneur est la part de mon héritage, incessible, c'est-à-dire un héritage qui m'est échu en partage. Certains ont pour héritage les plaisirs de la chair: "C'est là notre part, c'est là notre destinée." Mais d'autres jouissent de différents plaisirs du monde, tandis que Dieu est ma part: "Le Seigneur est mon partage, a dit mon âme." Et non seulement il est mon héritage, mais la part de ma coupe, c'est-à-dire ma coupe qui m'est échue en partage; car toute ma jouissance et mon breuvage c'est Dieu: "Ma coupe est enivrante, comme elle est belle." Ou bien il s'agit du Christ qui a les fidèles en héritage, et de cet héritage, c'est-à-dire des fidèles, Dieu est la part, comme on l'a dit. Le Seigneur est la part de ma coupe, car ma passion est ordonnée à Dieu. Lui-même est aussi le donateur de cet héritage: c'est toi qui me rendras mon héritage, c'est-à-dire celui de la gloire éternelle. Et ainsi le Christ s'exprime au nom des siens qui ont perdu cet héritage par le péché des premiers parents. Ou bien: héritage signifie la clarté du corps que l'homme a perdue en péchant.

Les cordes me sont échues en des lieux de délices. Les riches mesurent la terre au cordeau: "Jacob est la corde de son héritage." Et c'est pourquoi une part est assimilée à un cordeau, en ce sens que ma part m'est échue parmi les choses les meilleures, car il n'y a rien de meilleur que la possession de Dieu lui-même: "Je te donnerai une terre de délices, un héritage magnifique."

2. Ensuite il montre qu'il en est satisfait: aussi mon héritage est magnifique pour moi, autrement dit: non seulement mon héritage est en soi magnifique, mais il est tellement magnifique pour moi que je ne l'échangerais en aucune manière: "C'est le lieu de mon repos pour toujours; ici j'habiterai, parce que je l'ai choisi."

7 Je bénirai le Seigneur qui m'a donné l'intelligence; jusque dans la nuit mes reins m'ont repris. 8 Je prenais soin d'avoir le Seigneur constamment devant mes yeux, parce qu'il est à ma droite de peur que je ne sois ébranlé. 5a Pour cela mon coeur s'est réjoui et ma langue a exulté de joie.

II. Plus haut le psalmiste a exposé la raison pour laquelle il adhérait à Dieu seul, c'est-à-dire parce que lui-même est la part de son héritage; ici il se rappelle ses bienfaits.

A) Et il fait d'abord connaître les bienfaits reçus.

B) Ensuite les bienfaits à espérer.

A. Concernant les bienfaits reçus il fait deux choses.

1) Il rappelle d'abord les bienfaits reçus.

2) Puis il montre la joie qu'il en conçoit: Pour cela mon coeur s'est réjoui.

1. Il rappelle un double bienfait: l'un dans l'acquisition du bien, l'autre dans la préservation contre les maux.

Au sujet de l'acquisition du bien il dit: Je bénirai le Seigneur qui m'a donné l'intelligence afin que je comprenne que cet héritage éternel est magnifique: "Donne-moi l'intelligence, et je scruterai ta loi." - "Je te donnerai l'intelligence, et je t'enseignerai la voie par laquelle tu marcheras." - "À celui qui m'a donné la sagesse je rendrai gloire."

Cependant le Seigneur a pourvu l'homme de la raison en vue de la sagesse, mais il ne lui a pas totalement ôté sa faiblesse, parce que cela aura lieu dans la gloire.

a) Et il commence par manifester cette infirmité.

b) Puis il expose le secours contre elle: Je prenais soin d'avoir le Seigneur constamment devant mes yeux.

a. Tout homme a reçu de Dieu avec la raison la lumière de l'intelligence, et il est justifié par la lumière de la grâce; aussi le psalmiste dit-il: jusque dans la nuit mes reins m'ont repris, c'est-à-dire mes infirmités, à savoir mes fautes ou mes péchés. Et cela jusque dans la nuit, c'est-à-dire jusqu'à la mort, mes reins m'ont repris, c'est-à-dire ont montré que ma conduite était répréhensible. Au sens littéral, dans les reins se trouve le siège qui excite la luxure, et il tracasse jusqu'à pousser à la délectation. L'apôtre Paul écrit: "De crainte que la grandeur des révélations ne m'élève, il m'a été donné un aiguillon en ma chair, un ange de Satan pour me donner des soufflets." Mais dans le Christ il n'y a pas d'infirmités dues à la faute, ou de souillure, car sa chair ne combat point contre l'esprit; et c'est pourquoi ce verset s'applique uniquement au châtiment: "Nous n'avons pas un grand prêtre impuissant à compatir à nos infirmités; pour nous ressembler, il les a toutes", c'est-à-dire les infirmités corporelles, "éprouvées, hormis le péché". Mais si l'on comprend ce verset en l'appliquant à nous, il faut dire: Que l'homme qui a reçu le don de l'intelligence, ou la grâce, dise encore avec l'Apôtre: "Je vois dans mes membres une autre loi qui lutte contre la loi de la raison." Ou bien: mes reins, c'est-à-dire les Juifs unis à lui, jusque dans la nuit, c'est-à-dire jusqu'à la passion, ou jusque dans la passibilité de la chair. Et parce que la chair redoutait la passion, moi dans cette passion, je prenais soin (providebam) d'avoir le Seigneur constamment devant mes yeux, les yeux dirigés vers le ciel, non vers le monde. La providence est la prévision des événements qui doivent se dérouler dans le futur, mais la vision ou le regard concerne les réalités présentes.

b. Mais si ces reins combattent encore, il ne faut pas avoir peur, car le secours de Dieu est prêt. Et c'est pourquoi le psalmiste expose d'abord le souvenir de ce secours en disant: Je prenais soin d'avoir le Seigneur constamment devant mes yeux, c'est-à-dire lorsque mes reins m'ont repris. - "Mes yeux sont toujours tournés vers le Seigneur, car c'est lui qui tirera mes pieds du lacet." Et cela parce qu'il est à ma droite de peur que je ne sois ébranlé, non à ma gauche: "Le Seigneur sera à tes côtés, et il préservera ton pied du piège." - "Proche est celui qui me justifie: Qui disputera contre moi ? Comparaissons ensemble !"

2. Pour cela mon coeur s'est réjoui - "Mon coeur a tressailli de joie dans le Seigneur." - "Le juste se réjouira dans le Seigneur." et ma langue a exulté de joie, extérieurement, avec une joie extérieure elle a fait éclater un cri de louange: "Chantez au Seigneur car il a fait de grandes choses." - "Criez de joie pour Dieu votre force."

9b Et de plus ma chair aussi reposera dans l'espérance. 10 Parce que tu ne délaisseras pas mon âme dans l'enfer; tu ne permettras pas que ton saint connaisse la corruption. 11 Tu m'as fait connaître les voies de la vie; tu me combleras de joie par ton visage, délices à ta droite pour toujours.

Ici le psalmiste énumère les bienfaits à espérer.

a) D'abord quant à la résurrection de la chair.

b) Puis quant à l'âme: Tu m'as fait connaître.

a. À propos de la résurrection de la chair, il expose deux choses:

- D'abord l'espérance.

- Ensuite le mode: Parce que tu ne délaisseras pas mon âme dans l'enfer.

- Ainsi dit-il: tu m'as donné l'intelligence, et tu te tiens auprès de moi qui suis un homme, mais de plus ma chair aussi reposera dans l'espérance de la résurrection: "Moi je me suis assoupi et j'ai dormi." Et ma chair aura aussi l'espérance dans la résurrection: "Leur espérance est pleine d'immortalité."

- La raison est due au fait que la résurrection requiert l'union du corps et de l'âme; et c'est pourquoi l'âme unie à la divinité n'a pas dû demeurer dans les enfers, mais elle devait s'y tenir jusqu'au moment où la vérité de son humanité serait prouvée, tout comme la vérité de sa chair; pas plus qu'elle ne devait être abandonnée dans les enfers, où elle était descendue pour libérer les saints: "Je pénétrerai toutes les profondeurs de la terre, je visiterai tous ceux qui dorment, et j'éclairerai tous ceux qui espèrent dans le Seigneur." Semblablement du côté du corps, car tu ne permettras pas que ton Saint, c'est-à-dire mon corps sanctifié par toi, connaisse la corruption, c'est-à-dire de la putréfaction ou de la décomposition qu'il n'a pas subie; mais il a subi la corruption de la mort.

b. Il rappelle les bienfaits relatifs à l'âme, lorsqu'il dit: Tu m'as fait connaître. Cela s'applique au Christ pour ses membres, et ce sont les enseignements et les préceptes qui sont le chemin conduisant à la béatitude: "Garde mes préceptes, et tu vivras"; et c'est pourquoi il dit: Tu m'as fait connaître les voies de la vie. Puis il rappelle le bienfait qui est au terme du chemin: et à ce propos il mentionne trois choses.

- D'abord la vision plénière de Dieu: tu me combleras de joie par ton visage, c'est-à-dire je verrai ton visage: "Présentement je connais partiellement", c'est-à-dire imparfaitement, "mais alors je connaîtrai face à face."

- Ensuite la joie parfaite: "Afin que votre joie soit parfaite."

- Car les délices du souverain bien sont intarissables, puisqu'elles sont à ta droite pour toujours. - "Une allégresse éternelle couronnera leur tête; ils posséderont la joie et l'allégresse, et la douleur et le gémissement s'enfuiront d'eux." - "Longueur de jours dans sa droite, et dans sa gauche richesse et gloire."

 

 

COMMENTAIRE DU PSAUME 16

1 Prière de David.

Exauce, Seigneur, ma justice, sois attentif à ma supplication. De tes oreilles perçois ma prière qui n'est pas proférée par des lèvres trompeuses. 2 Que mon jugement sorte de ton visage, que tes yeux voient l'équité. 3 Tu as éprouvé mon coeur, et tu l'as visité pendant la nuit; tu m'as examiné par le feu, et l'iniquité ne s'est pas trouvée en moi. 4 Afin que ma bouche ne parle pas des oeuvres des hommes; à cause des paroles de tes lèvres moi j'ai gardé des voies dures. 5 Rends parfaits mes pas dans tes sentiers, afin que mes pieds ne soient pas ébranlés.

6 Moi j'ai crié parce que tu m'as exaucé, ô Dieu; incline ton oreille vers moi et exauce mes paroles.

7 Signale tes miséricordes, toi qui sauves ceux qui espèrent en toi. 8 De ceux qui résistent à ta droite, garde-moi comme la prunelle de l'oeil. Sous l'ombre de tes ailes protège-moi, 9a contre la face des impies qui m'ont affligé.

9b Mes ennemis ont encerclé mon âme, 10 ils sont enfermés dans leur graisse, leur bouche exprime l'orgueil. 11 M'ayant chassé, maintenant ils m'ont encerclé; ils ont résolu d'abaisser leurs yeux vers la terre. 12 Ils m'ont saisi comme un lion prêt [à dévorer] sa proie; et comme le petit d'un lion habitant dans des lieux cachés.

13 Lève-toi, Seigneur, préviens-le et supplante-le; arrache mon âme à l'impie, 14 ton épée aux ennemis de ta main. Seigneur, sépare-les dans leur vie du petit nombre; et leur ventre a été rempli de tes [biens] cachés. Ils ont été rassasiés d'enfants, et ils ont laissé leurs restes à leurs petits enfants.

15 Mais moi dans la justice j'apparaîtrai devant toi, je serai rassasié quand apparaîtra ta gloire.

 

1 Prière de David.

Exauce, Seigneur, ma justice, sois attentif à ma supplication. De tes oreilles perçois ma prière qui n'est pas proférée par des lèvres 2 trompeuses. Que mon jugement sorte de ton visage, que tes yeux voient l'équité. 3 Tu as éprouvé mon coeur, et tu l'as visité pendant la nuit; tu m'as examiné par le feu, et l'iniquité ne s'est pas trouvée en moi. 4 Afin que ma bouche ne parle pas des oeuvres dés hommes; à cause des paroles de tes lèvres moi j'ai gardé des voies dures. 5 Rends parfaits mes pas dans tes sentiers, afin que mes pieds ne soient pas ébranlés.

Le psalmiste a décrit plus haut la justice divine et il a montré qu'il l'observait; ici il expose une prière dans laquelle il demande d'être exaucé à cause de la justice. Le titre de ce psaume est: Prière de David. Et c'est le premier psaume qui a pour titre la prière , parce que ce dernier a été composé tout entier sous la forme d'une prière; et le psalmiste commence par la prière, parce qu'elle est l'unique refuge au milieu des tribulations: "Au lieu de m'aimer, ils disaient du mal de moi; mais moi je priais."

Ce psaume se divise en deux parties.

I) Dans la première le psalmiste prie pour sa propre stabilité;

II) dans la seconde il demande sa délivrance du mal: Moi j'ai crié.

I. En priant d'abord pour sa propre stabilité il fait deux choses.

A) Il commence par demander d'être exaucé.

B) Ensuite il expose sa demande: Que mon jugement sorte de ton visage.

A. Or il faut considérer que dans l'exaucement il y a une triple gradation:

1) D'abord celui à qui s'adresse la demande écoute les paroles.

2) Ensuite il prête attention à leur sens.

3) Enfin il satisfait la demande.

1. Ainsi demande-t-il d'abord d'être exaucé, en disant: Exauce, Seigneur, ma justice. - "Exauce, Seigneur Dieu, la prière de ton serviteur." Puis dans l'exaucement il expose le mérite de celui qui demande; et c'est pourquoi il dit: ma justice, autrement dit: en moi se trouve le mérite, si bien que tu m'exauces. La Glose commente: "La justice fait entendre sa voix auprès de Dieu, voix qui pénètre le ciel." - "La supplication fervente du juste a beaucoup de puissance." - "Dieu n'écoute pas les pécheurs, mais si quelqu'un honore Dieu et fait sa volonté, c'est celui-là qu'il exauce."

2. Ensuite il demande d'être attentif au sens de sa prière: sois attentif à ma supplication. La Glose commente: "Supplication qui est faite en vue de détourner les maux." Une autre version lit: "Intende ad canticos meos (Sois attentif à mes chants)", comme s'il disait: sois attentif à l'intelligence spirituelle:" Que tes oreilles se fassent attentives à la voix de ma supplication."

3. Enfin il demande d'écouter les paroles de celui qui prie; et c'est pourquoi il dit: De tes oreilles perçois ma prière, qui est proférée non par des lèvres trompeuses, mais par des lèvres innocentes: "Il n'y a pas de fraude dans sa bouche."

Cependant puisque Dieu entend toutes choses, pourquoi dit-on qu'il écoute certaines choses et d'autres non ?

Il est écrit dans la Sagesse: "L'Esprit-Saint éducateur fuira l'astuce, et s'éloignera des raisonnements qui sont dépourvus d'intelligence." On dit de Dieu qu'il écoute en tant que les paroles sont vraies, et non en tant qu'elles procèdent de lèvres trompeuses; c'est pourquoi il dit: non par des lèvres trompeuses. - "Lèvres trompeuses, avec un coeur et un coeur, ils parlent." Et ainsi le mot trompeur a une double acception. Car il signifie une dissimulation à l'égard de la bouche, et une dissimulation à l'égard de l'action, puisque l'action ne concorde pas avec la bouche. Le pharisien qui disait: "Je ne suis pas comme le reste des hommes, qui sont voleurs, injustes, adultères; ni même comme ce publicain. Je jeûne deux fois la semaine; je paie la dîme de tout ce que je possède", ne fut pas exaucé; mais l'autre qui priait non avec des lèvres trompeuses mais avec droiture, fut exaucé, car il "descendit justifié dans sa maison". La Glose commente: "Les lèvres trompeuses sont celles qui disent: Seigneur, Seigneur, et qui ne font pas la volonté de mon Père."

B. de ton visage. Un juge ne profère une sentence qu'après avoir entendu une plainte et examiné une cause. Et c'est pourquoi celui-ci (le psalmiste) expose sa demande; et il demande trois choses:

1) D'abord une sentence.

2) Ensuite l'examen de la cause: Tu as éprouvé.

3) Enfin la qualité de la sentence: Rends parfaits.

1. Au sujet de la sentence il fait deux choses:

a) Il sollicite d'abord le jugement.

b) Ensuite il demande qu'il soit exercé avec une juste mesure: que tes yeux.

a. Ainsi dit-il: Que de ton visage, c'est-à-dire que de ta connaissance, sorte mon jugement, c'est-à-dire en ma faveur: "Corrige-moi, Seigneur, mais selon la justice, non dans ta colère, pour me réduire à néant." Et ce dernier demande que le jugement ne soit pas exercé avec sévérité: "Toutes vos justices sont souillées comme un vêtement", mais qu'il soit équitable, proportionné à la souffrance de la nature humaine.

b. Et c'est pourquoi il dit: que tes yeux voient l'équité, c'est-à-dire exercent un jugement équitable: "Il prononcera avec droiture en faveur des humbles de la terre." - "Qu'il fasse valoir l'équité contre moi, et mon jugement aboutira à la victoire"; autrement dit: je ne demande pas de jugement, parce que ma cause a été examinée devant toi.

2. Que sa cause a été examinée devant lui, il le montre lorsqu'il dit: Tu as éprouvé, etc.

a) Et il expose d'abord le déroulement de l'examen.

b) Ensuite il fait connaître ce qui a été découvert: et l'iniquité ne s'est pas trouvée en moi.

a. Ainsi dit-il: Tu as éprouvé mon coeur. Il y a une différence entre éprouver et examiner. Éprouver consiste à chercher le fondement d'un fait, examiner consiste à chercher le fait lui-même. Or le fondement d'un fait a trait davantage au coeur, tandis que le fait lui-même concerne davantage le corps. Il dit donc: Tu as éprouvé mon coeur, c'est-à-dire tu l'as montré éprouvé, car il n'a pas été troublé à cause des tribulations dont je souffre. Lorsque Dieu examine, il fait trois choses. Il éprouve, il visite, et il examine. Il éprouve lorsqu'il discerne s'il a la rectitude du coeur: car s'il ne l'a pas, il ne se met pas en peine d'examiner; mais s'il l'a, il lui faut examiner s'il a la constance: "C'est moi, le Seigneur, qui scrute les coeurs et sonde les reins, qui donne à chacun selon sa voie." Mais cet examen est rigoureux et ferme, au point que nul n'y résisterait sans être aidé par lui: "Quelle est donc ma force pour que j'attende, ou quelle est la durée de mes jours, pour que j'aie patience ?" Et c'est pourquoi il le fait précéder d'une visite: "Je visiterai avec la verge", ou bien en aidant, ou bien en corrigeant. tu l'as visité pendant la nuit. Mais cela peut aussi être compris comme à travers la nuit et à travers le feu, parce qu'il trouble l'âme: "La nuit mes os sont transpercés par les douleurs ~"; et l'incendie agit de la même manière. Ou bien: pendant la nuit, c'est-à-dire à cause du manque d'intelligence spirituelle. Parfois quelqu'un a le coeur droit, mais une tentation lui survient et il verse dans l'insouciance; et cela a lieu pendant la nuit: et le Seigneur le visite pendant cette nuit en l'aidant contre les tentations, il secoue son insouciance et le réconforte: "Lorsque ma force sera épuisée, ne m'abandonne pas." Ou bien: pendant la nuit, c'est-à-dire pendant le repos et le silence, et alors le Seigneur le visite par des consolations: "Au milieu de la nuit, un cri s'éleva: Voici l'époux qui vient." tu as examiné par le feu, c'est-à-dire par la tribulation, car c'est alors qu'on voit si l'ami est bon, et ne s'éloigne pas: "Tel est ami en son temps, et ne le restera pas au jour de la tribulation." Or par cet examen on découvre s'il y a innocence et perfection, car Dieu examine si l'innocence se trouve en lui. Or il s'avère qu'elle se trouve en lui.

Et il expose d'abord son innocence.

Ensuite sa perfection: l'iniquité ne s'est pas trouvée en moi.

Mais on objectera ces paroles de Jean: "Si nous disons que nous n'avons pas de péché, nous nous trompons nous-mêmes, et la vérité n'est pas en nous." Celles des Proverbes: "Qui peut dire: Mon coeur est pur ?" De l'Ecclésiaste: "Il n'y a pas d'homme juste sur la terre qui fasse le bien sans pécher." Et la Glose commente: "Pas même l'enfant d'un jour."

Il faut répondre en disant qu'il parle de l'iniquité du péché à cause de laquelle il s'éloigne de Dieu dans la tribulation.

b. La perfection de l'innocence est trouvée en lui, en tant qu'il ne parle pas des oeuvres des hommes, c'est-à-dire du péché, autrement dit: non seulement l'iniquité n'est pas dans son coeur, mais elle ne se trouve pas non plus dans sa bouche: "Vous ne trouverez pas d'iniquité sur ma langue, l'iniquité ne retentira pas sur mon palais." - "Qu'aucun discours mauvais ne sorte de votre bouche." Ou bien on peut ponctuer la phrase ainsi: l'iniquité ne s'est pas trouvée en moi, [pour que] ma bouche ne parle pas, avec ce qui suit: des oeuvres des hommes, etc., autrement dit: Toi, tu as vu qu'il n'y a pas d'iniquité en moi; et cela, parce qu'il ne convient pas que je parle, mais toi tu as vu cela: "Qu'un autre te glorifie et non ta bouche; un étranger et non tes lèvres." Une version de Jérôme lit: "Probasti cor meum, visitasti nocte; conflasti me, et non invenisti cogitationes meas ascendere super os meum (Tu as éprouvé mon coeur, tu m'as visité la nuit; tu m'as passé au feu, et tu n'as pas trouvé mes pensées monter sur ma bouche)", autrement dit: le trouble n'a pas progressé jusqu'à passer du coeur à la bouche par des murmures.

Ensuite il fait connaître par quel feu il a été examiné, lorsqu'il dit: à cause des paroles de tes lèvres moi j'ai gardé des voies dures. Les voies dures sont les adversités; et j'ai supporté cela à cause des paroles de tes lèvres, c'est-à-dire afin de garder tes paroles, ou de les annoncer: "La parole du Seigneur est devenue [un objet d']opprobre et de dérision." Une version de Jérôme lit: "vias latronis (les voies du bandit)". Les bandits cherchent des repaires pour se cacher: c'est ce que fit David lorsque Saül le poursuivait: "Lui qui a rendu mes pieds comme ceux des cerfs." Au sens spirituel on l'applique au Christ puni comme malfaiteur parmi des bandits: "Si ce n'était pas un malfaiteur, nous ne te l'aurions pas livré." Si tu commences le verset ici: à cause des oeuvres des hommes j'ai gardé des voies dures, tu diras que ce sont les voies dures qui sont les oeuvres des hommes: "Je te montrerai la voie de la sagesse, je te conduirai par les sentiers de la droiture. Dans ta marche, tes pas ne seront pas à l'étroit."

3. Ensuite il précise ce qu'il demande: Rends parfaits mes pas dans tes sentiers, c'est-à-dire ceux de ta justice: "Où est ta force, ta patience, et la perfection de tes voies ?" Et cela, afin que mes pieds, c'est-à-dire mes sentiments, ne soient pas ébranlés par tes commandements. Ou bien le Christ demande pour l'Église que ses pas soient parfaits, et que ses pieds, c'est-à-dire les sacrements, ne soient pas ébranlés. De même, lorsque par des actes sont engendrés des habitus, des traces d'actes sont laissées dans la volonté. Ou bien au sens littéral, David demande qu'il ne soit pas précipité des escarpements sur lesquels il passait en fuyant Saül. Saül le poursuivait à travers des rochers très abrupts. Une autre version lit: "Sustenta gressus meos in callibus tuis et non labentur vestigia mea (Soutiens mes pas dans mes sentiers, et mes pieds ne glisseront pas)." Ou bien le Christ en tant qu'homme est parvenu à sa perfection dans la gloire de la divinité sempiternelle: "Glorifie-moi, Père, auprès de toi, de la gloire que j'avais auprès de toi avant que le monde fût."

6 Moi j'ai crié parce que tu m'as exaucé, ô Dieu; incline ton oreille vers moi et exauce mes paroles.

II. Plus haut le psalmiste a demandé d'être affermi dans le bien; mais ici il demande d'être délivré du mal, et à cet égard il fait trois choses:

A) Il commence par demander d'être exaucé dans sa demande.

B) Puis il l'expose: 7 Signale tes miséricordes.

C) Enfin il manifeste l'exaucement de sa demande: 15 Mais moi dans la justice, etc.

A. En demandant d'être exaucé dans sa demande il fait deux choses:

1) Il fait connaître l'espérance qu'il a conçue de Dieu.

2) Ensuite, en s'appuyant sur cette espérance, il demande d'être exaucé: incline ton oreille.

1. Ainsi dit-il: Moi j'ai crié. Il semble que l'ordre soit inversé, car il paraît mieux convenir de dire: parce que j'ai crié, tu m'as exauce. Et c'est pourquoi on explique ces mots de trois manières.

a. Selon une première manière, d'après la Glose: "Moi j'ai crié. Par le cri, l'intention de l'esprit s'exprime avec plus de force, et elle est libre." Alors donc ils crient ceux qui prient avec une grande piété, et avec liberté de coeur. Et pourquoi cela ? parce que tu m'as exaucé, c'est-à-dire en donnant la liberté. Selon Grégoire: "Dieu n'exauce personne sans inspirer quelqu'un de le prier, c'est-à-dire l'âme par une certaine piété." - "Mon âme a brûlé du désir de tes commandements en tout temps."

b. Selon une autre manière, d'après Augustin, dans la Cité de Dieu, ce mot parce que ne désigne pas la cause mais le signe, autrement dit: le fait que j'ai crié c'est le signe que tu m'as exaucé.

c. Selon une troisième manière, lorsque quelqu'un est exaucé une première fois, il demande de nouveau avec plus de confiance. Et c'est pourquoi il dit: Parce que tu as exaucé, moi j'ai crié. Une version de Jérôme lit clairement: quoniam exaudies (parce que tu exauceras). Le psalmiste unit toujours ces deux choses, le cri et l'exaucement, car celui qui crie ainsi est exaucé: "Dans ma tribulation j'ai crié vers le Seigneur, et il m'a exaucé." - "J'ai crié vers toi, j'ai dit: Toi tu es mon espérance."

2. Ensuite il demande d'être exaucé. Et celui qui exauce écoute d'abord, c'est pourquoi il dit: incline. Si le Seigneur se trouve en un lieu élevé, il faut qu'il incline l'oreille pour entendre celui qui est en bas. Le Seigneur est assis dans sa majesté, et s'il veut agir en notre faveur selon la grandeur de sa justice, nous serons sauvés, car "toutes nos justices sont souillées comme un vêtement". Et c'est pourquoi il faut qu'il s'incline, et alors il exaucera: "Incline, Seigneur, ton oreille et écoute."

7 Signale tes miséricordes, toi qui sauves ceux qui espèrent en toi. 8 De ceux qui résistent à ta droite, garde-moi comme la prunelle de l'oeil. Sous l'ombre dé tes ailes protège-moi, 9a contre la face des impies qui m'ont affligé.

B. Le psalmiste expose ici sa demande. Et elle est double:

1) La première est relative à sa libération.

2) La seconde au renversement de ses ennemis.

1. À propos de sa demande d'être libéré il fait deux choses:

a) Il demande d'abord sa libération.

b) Puis il en expose la nécessité: 9b Mes ennemis.

a. En sollicitant sa libération il fait trois choses:

- Il demande la miséricorde.

- Puis il justifie son salut: toi qui sauves ceux qui espèrent en toi.

- Enfin il fait connaître le mode de sa libération: garde-moi comme la prunelle de l'oeil.

- Ainsi il dit: Signale. Le fait que quelqu'un soit délivré d'un adversaire peu important n'est pas une chose étonnante; mais lorsque quelqu'un est délivré d'un très grand mal, ou d'un ennemi redoutable, voilà qui est étonnant. Et c'est ce qu'il demande: Signale, c'est-à-dire libère-moi de manière étonnante. Et ce, non point selon le jugement de l'homme, mais selon ta miséricorde. - "Renouvelle les prodiges, et reproduis les merveilles; glorifie ta main et ton bras droit. Excite ta fureur et déverse ta colère, extermine l'adversaire et renverse l'ennemi."

- Et la raison de cette demande, c'est ton effet et ta propriété: toi qui sauves ceux qui espèrent en toi. - "Qui a espéré dans le Seigneur, et a été confondu ?" Et tu sauves. De ceux qui résistent à ta droite. La droite de Dieu est sa puissance qui opère spirituellement dans les biens: "Longueur de jours en sa droite, et en sa gauche, richesses et gloire." Sont dits résister à la droite de Dieu les démons ou les pécheurs qui mettent des entraves aux réalités spirituelles. Ou bien on appelle droite de Dieu le Christ: "La droite de Dieu a déployé sa force." Les Juifs lui ont résisté en s'opposant à sa doctrine: "Comment celui-ci est-il savant alors qu'il n'a pas étudié ?" et en dénigrant son activité: "Ce n'est pas un homme qui vient de Dieu, puisqu'il ne garde pas le sabbat." - "C'est par Béelzébud, prince des démons, qu'il chasse les démons."

Mais il y a une objection à faire contre ce psaume. En effet il est aussi écrit: "Toi, tu es terrible, et qui te résistera ?" Donc personne ne peut s'opposer à sa volonté: "Dieu dont rien ne peut résister à sa colère."

On répondra en disant que nul ne peut efficacement lui résister, mais on peut avoir la volonté ou l'intention de lui résister.

- Ensuite il expose le mode de sa libération, car elle se fait avec attention et avec sécurité; c'est pourquoi il dit: garde-moi comme la prunelle de l'oeil. La prunelle de l'oeil est gardée avec soin, car on ne laisse rien approcher qui puisse la blesser; et Dieu agit semblablement en gardant son serviteur: "Il l'a entouré, et il l'a éduqué et il l'a gardé comme la prunelle de son oeil." - "Qui vous touche, touche à la prunelle de mon oeil." Ou bien, selon la Glose, "la prunelle de l'oeil signifie le Christ qui dirige. La vertu se voit dans la prunelle où nous discernons le bien du mal, et le Christ discerne les fidèles des infidèles, et les méchants des bons." Pour faire connaître cette vigilance attentive, le psalmiste se sert d'une double métaphore, c'est-à-dire de l'ombre et des ailes. Car l'ombre soulage de la chaleur, et la protection soulage de la même manière en procurant la sécurité. De même que la poule protège ses petits de ses ailes contre l'oiseau de proie, ainsi aussi Dieu défend les justes de la rapacité des démons avec ses ailes, qui sont sa gloire et sa miséricorde: "Combien de fois ai-je voulu vous rassembler comme une poule rassemble ses petits sous ses ailes, et vous n'avez pas voulu." Donc Dieu nous élève vers les réalités célestes avec ces ailes: "La miséricorde et la vérité précéderont ta face; heureux le peuple qui connaît la jubilation." - "Je t'ai aimée d'un amour éternel, c'est pourquoi je t'ai attirée, en te faisant miséricorde." Ou bien, la prunelle de l'oeil signifie l'âme; car de même que la prunelle, qui est au milieu de l'oeil, est entourée de plusieurs membranes pour sa protection, et que l'homme met sa main devant elle, ou presque tout ce qu'il a, de crainte de la blesser; ainsi doit-il agir vis-à-vis de son âme: "Peau pour peau ! L'homme donne ce qu'il possède pour conserver sa vie", car, comme le dit Marc: "Que servira-t-il à l'homme de gagner le monde entier, s'il perd son âme ?" Ou bien: garde-moi, comme la prunelle de l'oeil, c'est-à-dire comme le Christ. Sous l'ombre de tes ailes protège-moi, c'est-à-dire sous la garde des anges: "Il ordonnera pour toi à ses anges de te garder dans toutes tes voies." Ou bien les deux ailes sont les deux bras du Christ étendus sur la croix: "Il a déployé ses ailes, et l'a pris, et il l'a porté sur ses épaules."

Ensuite il montre de qui il convient qu'il soit libéré, car il dit: contre la face des impies qui m'ont affligé, c'est-à-dire du pouvoir et de la présence des démons, ou des faux frères: "Dans des périls parmi de faux frères." qui m'ont affligé, par les tentations et les persécutions: "Les Égyptiens haïssaient les enfants d'Israël et ils les accablaient en les outrageant." De même nous, nous devons demander d'être libérés du péché: "Comme à la vue d'un serpent, fuis les péchés."

9b Mes ennemis ont encerclé mon âme, 10 ils sont enfermés dans leur graisse, leur bouche exprime l'orgueil. 11 M'ayant chassé, maintenant ils m'ont encerclé; ils ont résolu d'abaisser leurs yeux vers la terre. 12 Ils m'ont saisi comme un lion prêt [à dévorer] sa proie; et comme le petit d'un lion habitant dans les lieux cachés.

b. Ici le psalmiste expose la nécessité de sa libération, et à ce propos il fait deux choses.

- Il commence par faire connaître l'affliction dont il souffre.

- Puis il expose une comparaison pour expliquer cette affliction: Ils m'ont saisi.

- En faisant connaître l'affliction dont il souffre il fait deux choses:

· Il mentionne d'abord l'affliction.

· Puis il expose le mode de cette affliction: ils sont enfermés dans leur graisse.

· Ainsi dit-il: Mes ennemis, les démons, ou les péchés m'affligent au point qu'ils ont encerclé mon âme, c'est-à-dire m'enferment de tous côtés de telle manière que je ne trouve pas une voie de libération. Et il dit: mon âme, car ils ne cherchent rien d'autre que mon âme. Les ennemis corporels cherchent à ôter la vie, tandis que les ennemis spirituels s'en prennent à l'âme. Ou bien on peut l'entendre du Christ, dont les Juifs encerclaient l'âme par leurs malices: "Ils m'ont encerclé comme des abeilles, et ils se sont enflammés comme un feu dans les épines; et au nom du Seigneur je me suis vengé sur eux." Et de même: "Des chiens en grand nombre m'ont encerclé, la réunion des méchants m'a assiégé."

· Puis il expose le mode, aussi dit-il: dans leur graisse. La graisse dans l'Écriture est parfois comprise dans le sens du bien, parfois dans le sens du mal. Dans le sens du bien, en tant qu'elle exprime la ferveur de l'âme: "Comme de moelle et de graisse se rassasie mon âme." Dans le sens du mal: d'abord en tant qu'elle signifie la méchanceté du coeur. Puis celle de la bouche. Enfin celle de l'action; et c'est pourquoi il désigne leur malice: "Les hanches [de l'impie] sont remplies de graisse, et ses os sont humidifiés par la moelle."

Et cette malice du coeur est multiple. Parfois il s'agit de la délectation du péché qu'ils commettent: "Ceux qui se réjouissent lorsqu'ils font le mal, et qui exultent dans les pires perversités." De même l'orgueil et la fausseté: "L'homme vaniteux s'élève dans sa superbe, et comme le petit de l'onagre il se croit né affranchi." De même la passion charnelle. Ainsi dit-il: leur graisse, c'est-à-dire leur sens charnel, ou leur orgueil, ou leur délectation: ils sont enfermés, en eux, afin de ne pas saisir le sens spirituel. Une version de Jérôme lit: adipe suo (avec leur graisse), c'est-à-dire avec l'abondance des biens temporels et avec la puissance du siècle, ils m'ont enfermé.

Puis, en tant que la graisse signifie la malice de la bouche, car leur bouche exprime l'orgueil. Et cela lorsque les Juifs disaient contre le Christ: "S'il est le roi d'Israël, qu'il descende maintenant de la croix, et nous croirons en lui."

Enfin, en tant qu'elle signifie la malice de l'action.

Et il commence par montrer comment elle passe à l'action.

Puis son origine: leurs yeux.

Dans la malice de l'action le psalmiste expose deux choses. D'abord le défaut; puis la préoccupation de nuire. Et cependant, lorsque quelqu'un méprise, il ne se préoccupe pas de nuire; aussi dit-il: M'ayant chassé, c'est-à-dire méprisé: "Il a rejeté les cités, il n'a pas respecté les personnes." Et les Juifs firent cela au Christ lorsqu'ils le rejetèrent hors de la ville. Et ils m'ont encerclé, se rassemblant en spectacle pour se moquer.

Et l'origine de celle-ci tient au fait qu'ils ne regardent pas Dieu, mais vers les réalités terrestres: "Il n'y a point de salut pour elle en son dieu." ils ont résolu d'abaisser leurs yeux vers la terre, c'est-à-dire les pécheurs ont fixé l'attention de leur coeur pour l'incliner avec délibération et insistance: "Les yeux des insensés", c'est-à-dire des pécheurs, <(sont à l'extrémité de la terre", et c'est pourquoi ils ne reçoivent pas la lumière de la grâce: "Le sage a des yeux dans la tête; l'insensé", c'est-à-dire le pécheur, "marche dans les ténèbres", c'est-à-dire dans les péchés. - "Ils détournèrent leurs yeux pour ne pas voir le ciel." Et au sens littéral, ce fut le cas des Juifs, lorsqu'ils disaient: "Si nous le laissons faire, tous croiront en lui, et les Romains viendront, et détruiront notre ville et notre nation." Ou bien: vers la terre, c'est-à-dire vers la chair du Christ, dont ils ne considéraient seulement que la faiblesse, et non point la divinité, autrement dit: ils ont fixé leurs yeux, etc.

- En parlant de leur activité il expose une comparaison relative à leur violence, car il dit: comme un lion prêt [à dévorer] sa proie ils m'ont saisi, c'est-à-dire ou Dieu, ou les soldats de Pilate ~; et relative à leur fourberie, car il dit: comme le petit d'un lion habitant dans les lieux cachés. Le lion parcourt les terres à découvert, tandis que son lionceau se tenant dans un lieu caché dévore sa proie ou s'en empare. Le Christ, quant à lui, fut livré par un baiser, saisi de nuit, condamné par de faux témoins, et le prince des prêtres déchira ses vêtements.

13 Lève-toi, Seigneur, préviens-le et supplante-le; arrache mon âme à l'impie, 14 ton épée aux ennemis de ta main. Seigneur, sépare-les dans leur vie du petit nombre; et leur ventre a été rempli de tes [biens] cachés. Ils ont été rassasiés d'enfants, et ils ont laissé leurs restes à leurs petits enfants.

2. Il expose ici une autre demande, c'est-à-dire le renversement de ses ennemis; et il énonce trois choses.

a) D'abord une demande.

b) Ensuite son explication: arrache mon âme, etc.

c) Enfin sa raison: de tes [biens] cachés.

a. Concernant sa demande il fait deux choses:

- Il commence par solliciter le secret de son secours.

- Ensuite la destruction de l'adversaire.

- Ainsi dit-il: Tu sembles dormir alors que tu m'as exposé à l'affliction, mais Lève-toi, Seigneur, préviens-le, afin de me secourir plus vite qu'il ne puisse me nuire.

- et supplante-le, c'est-à-dire déjoue-le comme avec astuce: "Lui qui prend les sages dans leur astuce." - "La ruse de l'homme supplante ses pas." supplante-le, de deux manières, c'est-à-dire par ma propre libération.

b. Et à ce propos il dit: arrache mon âme à l'impie, car il me persécute contre la justice, et c'est pourquoi il est impie: "Délivre-moi de l'homme de fraude et d'iniquité."

c. Et la raison de cette demande se fonde sur le fait que mon âme est une épée, c'est-à-dire un glaive acéré à deux tranchants grâce auquel le diable est anéanti. Et cela s'applique en particulier à l'âme du Christ: "En ce jour-là le Seigneur visitera de son épée dure, grande et forte, Léviathan." Il dit: ton épée aux ennemis de ta main, ajoute: arrache. - "Sois attentif à mon âme, et délivre-la." Ou bien: arrache ton épée aux ennemis, c'est-à-dire ôte le glaive et la puissance qu'ils détiennent de toi: "Le pouvoir vous a été donné par Dieu." Et la volonté qu'ils ont d'eux-mêmes: "Épée, réveille-toi contre ton pasteur." Ou bien: supplante-les dans leur tromperie, et arrache mon âme aux ennemis de ta main, c'est-à-dire du Christ ton Fils; car le Fils est appelé la main du Père: "Je lèverai ma main", c'est-à-dire mon Fils, "vers le ciel." Seigneur, sépare-les dans leur vie du petit nombre, car la raison pour laquelle ils me persécutent, c'est afin de consolider leur propre royaume. Il y a deux versions. Dans le Psautier romain, on lit ceci: "O Domine, dispartire eos in vita eorum (Ô Seigneur, disperse-les dans leur vie)", autrement dit: Eux-mêmes ont les yeux tournés vers la terre, et c'est pourquoi ils commettent le mal; mais toi, chasse-les de la terre que tu leur as donnée. Mais comment ? Ne vont-ils pas en un lieu unique ? Non, mais disperse-les dans le monde entier. Une autre version lit: "Domine, a paucis de terra divide eos (Seigneur, sépare-les de la terre à l'écart du petit nombre)", autrement dit: Sépare-les de la terre, et du petit nombre, c'est-à-dire de la société des élus, dans leur vie, c'est-à-dire tandis qu'ils vivent. Ou bien on rapporte qu'ayant été avertis par un ange d'une destruction imminente, les fidèles s'étaient éloignés et avaient gagné le royaume d'Agrippa. Et c'est pourquoi il dit: sépare-les du petit nombre, c'est-à-dire des chrétiens qui sont préservés. leur ventre a été rempli de tes [biens] cachés, c'est-à-dire des péchés non confessés: "Celui qui cache ses forfaits ne sera pas guidé." - "Si j'ai, comme le fait l'homme, dissimulé mon péché, et ai caché en mon sein mon iniquité." Ou bien la raison de sa demande est exposée ici, et cette raison est double: car on peut la référer aux péchés, ou aux bienfaits vis-à-vis desquels ils se montrent ingrats.

Si on l'entend selon la première manière, alors il expose d'abord l'abondance des péchés. Si on l'entend selon la seconde manière, il montre comment les bienfaits de Dieu s'étaient répandus sur leurs enfants.

- Ainsi dit-il selon le premier sens: leur ventre a été [rassasié] de tes [biens] cachés, c'est-à-dire des péchés qui sont cachés à ses yeux, non pour qu'il ne les voie pas, mais parce qu'il ne veut pas les voir: "Tes yeux sont purs, Seigneur, pour ne pas voir le mal, et ils ne peuvent pas regarder l'iniquité." leur ventre a été rempli, c'est-à-dire la conscience, ou la mémoire, ou la convoitise charnelle, ou la sensualité. Ils ont été rassasiés d'enfants, c'est-à-dire de péchés, ou bien d'oeuvres mauvaises. On appelle oeuvres mauvaises les enfants de parents mauvais, comme on qualifie de bonnes oeuvres les enfants de parents vertueux. Une autre version lit: "Saturati sunt porcina (Ils se sont rassasiés de chair de porc)", c'est-à-dire de l'immondice des péchés; et c'est une explication de ce qu'il dit: de tes [biens] cachés. [...] et ils ont laissé leurs restes à leurs petits enfants, autrement dit: leurs restes se sont répandus sur leurs enfants, qui ont imité leurs péchés: "Tous les enfants qui sont nés de sommeils illégaux, sont témoins de la méchanceté contre leurs parents lors de leur jugement." Ou bien: Ils ont été rassasiés d'enfants, c'est-à-dire pour le bien de leurs enfants , et ils ont laissé leurs restes à leurs petits enfants, car ils les ont liés au péché, autant qu'il fut en eux: "Que son sang soit sur nous et nos enfants." Ou bien: Ils ont été rassasiés d'enfants, c'est-à-dire pour leurs enfants, autrement dit: ils sont à ce point remplis de péchés, qu'il y en a assez pour eux et pour leurs enfants, c'est-à-dire que leurs restes, les péchés qu'ils n'ont pas commis eux-mêmes, ils ont laissé à leurs enfants le soin de les commettre.

- Si on l'entend selon la seconde manière, ils reçurent alors deux bienfaits.

· D'abord les biens spirituels, car ils ont reçu la loi. Aussi dit-il: des [biens] cachés, de ta sagesse, leur ventre a été rempli, c'est-à-dire leur sens charnel: "Il n'a pas fait de même pour toute nation."

· Ensuite les biens temporels, car ils ont été rassasiés d'enfants, et qui plus est, ils les laissèrent à eux. Une version de Jérôme lit ici: "Eripe animam meam ab impio, qui sit gladius tuus (Arrache mon âme à l'impie, qui - à savoir l'impie - est ton glaive)." - Il est écrit dans Isaïe: "Malheur à Assur, verge de ma colère." - "À viris manus tuae, qui sunt mortui, quorum pars est in vita (Des hommes de ta main, qui sont morts dans l'abîme, dont la part est dans la vie)", autrement dit: arrache mon âme à l'impie, c'est-à-dire à Saül, "et des hommes de ta main", qui s'opposent à ta main, "qui sont morts dans l'abîme", c'est-à-dire dans le péché, "dont la part est dans la vie", c'est-à-dire dans cette vie, "et dont tu as rempli le ventre de tes [biens] cachés, etc." Saül, selon la Glose, symbolise la mort; et de même qu'à la mort de Saül David régna dans la paix, ainsi le Christ à la suite de sa résurrection, après avoir vaincu la mort.

15 Mais moi dans la justice j'apparaîtrai en ta présence, je serai rassasié quand apparaîtra ta gloire.

C. Ici le psalmiste montre l'espérance de son exaucement; et il expose deux choses, à savoir la justice qu'il a et la vision de Dieu. Et elles s'enchaînent, car par la justice on parvient à la vision de Dieu: "Seigneur, qui habitera dans ta tente ? Qui se reposera sur ta sainte montagne ? Celui qui marche sans tache et qui pratique la justice." Une autre version lit: "Ego autem in justitia videbo faciem tuam (Mais moi dans la justice je verrai ton visage)", et c'est pourquoi j'apparaîtrai en ta présence", c'est-à-dire je viendrai pour te voir; et je serai rassasié quand apparaîtra ta gloire, c'est-à-dire lorsque je te verrai, je te remplirai de tous tes biens: "C'est lui qui comble de biens ton désir", c'est-à-dire de ta gloire dans laquelle sont tous les biens. Tandis que "ceux-là se rassasient de chair de porc", comme le dit la Septante. - "Que l'impie soit supprimé afin de ne pas voir la gloire de Dieu." Mais moi je serai rassasié "Lorsqu'il apparaîtra, nous serons semblables à lui."

 

 

COMMENTAIRE DU PSAUME 17

1 Pour la fin. Par le serviteur du Seigneur, David, qui a prononcé [à la gloire du] Seigneur les paroles de ce cantique, au jour où le Seigneur l'arracha à la main de tous ses ennemis, et à la main de Saül. Et il dit: 2 Je t'aimerai, Seigneur, ma force: 3a Le Seigneur est mon ferme appui, mon refuge, et mon libérateur.

3b Mon Dieu est mon aide, et j'espérerai en lui. Il est mon protecteur, et la corne de mon salut, et mon soutien. 4 En le louant, j'invoquerai le Seigneur, et je serai sauvé de mes ennemis.

5 Les douleurs de la mort m'ont environné, et les torrents de l'iniquité m'ont troublé.

6 Les douleurs de l'enfer m'ont environné; les pièges de la mort sont tombés sur moi. 7 Dans ma tribulation j'ai invoqué le Seigneur, et j'ai crié vers mon Dieu; et de son temple saint il a exaucé ma voix; et mon cri en sa présence est parvenu à ses oreilles.

8 La terre a été ébranlée et a tremblé; les fondements des montagnes ont été bouleversés et ébranlés, parce qu'il s'est irrité contre eux.

9 La fumée a monté dans sa colère et un feu ardent a jailli de sa face; des charbons en ont été embrasés.

10 Il a incliné les cieux, et il est descendu; et une sombre nuée est sous ses pieds. 11a Et il est monté sur des Chérubins.

11b Et il s'est envolé: il s'est envolé sur les ailes des vents. 12 Et il a fait des ténèbres son lieu de retraite, sa tente autour de lui, une eau ténébreuse est dans les nuées de l'air. 13À l'éclat qui jaillit de sa présence, les nuées se sont dissipées: [il en est sorti] de la grêle et des charbons de feu.

14 Et le Seigneur a tonné du ciel, et le Très-Haut a fait entendre sa voix; grêle et charbon de feu.

15 Et il a lancé ses flèches, et il les a dispersées. Il a multiplié ses éclairs, et il les a troublés.

16 Alors ont paru les sources des eaux, et les fondements du globe de la terre ont été mis à nu. À ta menace, Seigneur, au souffle du vent de ta colère.

17 Il a envoyé d'en haut, et il m'a pris, et il m'a retiré des grandes eaux.

18 Il m'a arraché à mes ennemis très puissants, et à ceux qui m'ont haï, parce qu'ils étaient devenus plus forts que moi. 19 Ils m'ont prévenu au jour de mon affliction, et le Seigneur s'est fait mon protecteur. 20 Et il m'a mis au large; il m'a sauvé, parce qu'il m'a voulu. 21 Et le Seigneur me rétribuera selon ma justice, et il me rétribuera selon la pureté de mes mains. 22 Parce que j'ai gardé les voies du Seigneur, et que je n'ai pas agi avec impiété en m'éloignant de mon Dieu. 23 Puisque tous ses jugements sont devant moi, et que je n'ai point éloigné de moi ses justices.

24 Et je serai sans tache avec lui, et je me tiendrai en garde contre mon iniquité. 25 Et le Seigneur me rétribuera selon ma justice, et selon la pureté de mes mains devant ses yeux.

26 Avec le saint, tu seras saint, et avec l'homme innocent, tu seras innocent. 27 Et avec l'élu, tu seras l'élu, et avec le pervers, tu seras pervers. 28 Parce que c'est toi qui sauveras le peuple humble, et qui humilieras les yeux des superbes.

29 Parce que c'est toi, Seigneur, qui fais luire ma lampe; mon Dieu, illumine mes ténèbres.

30 Parce qu'en toi je serai délivré de la tentation, et en mon Dieu je franchirai le mur.

31 Mon Dieu, sa voie est sans souillure; les paroles du Seigneur sont éprouvées par le feu; il est le protecteur de tous ceux qui espèrent en lui. 32 Car qui est Dieu, excepté le Seigneur, ou qui est Dieu, excepté notre Dieu?

33 Le Dieu qui m'a ceint de la force et qui a rendu ma voie sans tache.

34 Qui a disposé mes pieds comme ceux des cerfs, et m'a établi sur les lieux élevés. 35 Qui a instruit mes mains au combat; et tu as rendu mes bras comme un arc d'airain.

36 Et tu m'as donné la protection de ton salut, et ta droite m'a pris. Et ta discipline m'a corrigé jusqu'à la fin; et ta discipline elle-même m'instruira. 37 Tu as élargi mes pas au-dessous de moi, et mes pieds n'ont pas été affaiblis.

38 Je poursuivrai mes ennemis, et je les atteindrai; et je ne reviendrai point jusqu'à ce qu'ils soient défaits.

39 Je les briserai, ils ne pourront se soutenir; ils tomberont sous mes pieds.

40 Et tu m'as ceint de force pour la guerre; et ceux qui s'insurgeaient contre moi, tu les as renversés sous moi. 41 Et tu m'as livré mes ennemis par-derrière; et ceux qui me haïssaient tu les as exterminés. 42 Ils ont crié, et il n'y avait personne qui les sauvât; [ils ont crié] vers le Seigneur, et il ne les a pas exaucés.

43 Et je les broierai comme de la poussière à la face du vent; et je les ferai disparaître comme la boue des rues.

44 Tu me délivreras des contradictions du peuple, tu m'établiras à la tête des nations. 45 Un peuple que je ne connaissais pas m'a servi; dès que son oreille a entendu, il m'a obéi.

46 Des fils étrangers m'ont menti, des fils étrangers ont vieilli, et ils ont boité [en sortant de] leurs voies.

47 Le Seigneur vit ! et béni soit mon Dieu ! Et que le Dieu de mon salut soit exalté !

48 Toi, le Dieu qui me donnes des vengeances et qui me soumets des peuples, qui me délivres de mes ennemis furieux. 49 Et tu m'élèveras au-dessus de ceux qui s'insurgent contre moi; tu m'arracheras à l'homme inique. 50 À cause de cela, je te confesserai parmi les nations, Seigneur, et je dirai un psaume à [la gloire de] ton nom. 51 Toi qui magnifies les saluts de son roi, et qui fais miséricorde à son christ David, et à sa postérité pour toujours.

 

1 Pour la fin. Par le serviteur du Seigneur, David, qui a prononcé [à la gloire du] Seigneur les paroles de ce cantique, au jour où le Seigneur l'arracha à la main de tous ses ennemis, et à la main de Saül.

Dans le psaume précédent, le psalmiste a demandé en priant d'être libéré de ses ennemis; mais ici maintenant, libéré, il rend grâce.

Et il commence par rendre grâce pour le bienfait de sa libération.

Ensuite il se répand en louanges a l'égard de son libérateur: "Les cieux racontent la gloire de Dieu."

Son titre est: Pour la fin. Par le serviteur du Seigneur, David, qui a prononcé [à la gloire du] Seigneur les paroles de ce cantique, au jour où le Seigneur l'arracha à la main de tous ses ennemis, et à la main de Saül. Et ce psaume se retrouve mot à mot au deuxième livre des Rois. Sa signification historique est fondée sur le premier livre des Rois, où l'on rapporte comment Saül cherchait à le tuer, et sur le deuxième livre des Rois, où il est écrit que ce dernier étant mort, Abner et son fils s'opposèrent à leur tour à David. Mais finalement David remporta la victoire contre eux. C'est pourquoi il composa ce psaume. Et Jérôme dit la même chose. Et parce que par David est symbolisé le Christ, tous ces faits peuvent être rapportés au Christ, soit en tant que tête, soit en tant que corps, c'est-à-dire l'Église, car elle a été libérée de Saül, c'est-à-dire de la mort; en effet Saül veut dire "demande", car il fut donné comme roi sur la demande du peuple, et même il y fut plutôt contraint. C'est pourquoi il ne fut pas donné pour demeurer. Ainsi le Christ souffre d'abord la mort, puis demeure dans la paix, selon la Glose. Il est aussi libéré de tous ses ennemis, des Juifs et des démons, et quant à son corps, c'est-à-dire l'Église.

Les premiers versets de ce psaume se divisent en trois parties.

I) Dans la première partie, le psalmiste rappelle le bienfait de sa libération.

II) Dans la deuxième partie, il montre la puissance de celui qui libère: 8 La terre a été ébranlée et a tremblé.

III) Dans la troisième partie, il précise le mode de sa libération: 17 Il a envoyé d'en haut, etc.

Et il dit: 2 Je t'aimerai, Seigneur, ma force: 3a Le Seigneur est mon ferme appui, mon refuge, et mon libérateur.

I. En rappelant le bienfait de sa libération il fait deux choses.

A) Il rappelle d'abord le sentiment qu'il a conçu du bienfait précité.

B) Puis il montre l'effet qui en découle: 4 En le louant.

A. Un double sentiment naquit en lui à la suite d'un tel bienfait, à savoir l'amour et l'espérance.

1) Et il mentionne d'abord le premier.

2) Puis le second: Mon Dieu.

1. Il expose:

a. En premier lieu son amour pour Dieu.

b. Puis il en donne la raison: Ma force.

a. Ainsi dit-il: Ô Seigneur, toi qui m'as libéré, moi Je t'aimerai toujours, parce que je demeurerai en toi: "Demeurez dans mon amour de charité." - "Car je suis certain que ni vie, ni mort, ni anges, ni aucune autre créature ne pourra nous séparer de la charité du Christ." Car aimer d'un amour de charité (diligere) est le propre des êtres raisonnables, tandis qu'aimer (amare) est universel: "Que ceux qui t'aiment resplendissent comme le soleil brille à son lever."

b. Quant à la raison de l'amour de charité d'une personne, elle est relative à son propre bien. C'est pourquoi lorsque quelqu'un considère son propre bien comme dépendant d'un autre, telle est la raison qui fait dire qu'il l'aime. David considérait que tout son bien dépendait de Dieu, c'est pourquoi il dit: Je t'aimerai, parce que tu es ma force. La force a pour objet d'affermir l'âme, de crainte qu'elle ne s'éloigne du bien à cause de difficultés imminentes.

Mais comment Dieu est sa force, il le montre. L'homme a besoin de la force dans deux situations. D'abord dans les biens, afin de garder sa stabilité en eux; et c'est pourquoi il dit: mon ferme appui, c'est-à-dire un fondement solide: "Le Seigneur est mon rocher." - "Quiconque écoute mes paroles et les met en pratique, est semblable à un homme bâtissant sa maison sur le rocher." De même dans les maux, et cela dans deux circonstances. Dans une première circonstance, afin de fuir avant que les maux n'arrivent; c'est pourquoi il dit: mon refuge. - "Le nom du Seigneur est une tour très forte." - "Le rocher est un refuge pour les hérissons." Dans une autre circonstance, afin de se libérer après qu'ils soient survenus; c'est pourquoi il dit: et mon libérateur

3b Mon Dieu est mon aide, et j'espérerai en lui. 3c Il est mon protecteur, et la corne de mon salut, et mon soutien. 4 En le louant, j'invoquerai le Seigneur, et je serai sauvé de mes ennemis.

2. Le psalmiste expose ici le sentiment de l'espérance: et il y a une différence entre l'espérance et l'amour; car l'amour est une vertu unitive. En effet nous aimons quelque chose dans la mesure où nous la considérons comme nôtre, et c'est pourquoi il dit que Dieu lui-même est sa propre force: "Le Seigneur est ma force et ma louange, et il s'est fait mon salut." L'espérance introduit une défense par rapport à ce qui vient de l'extérieur; et Dieu accomplit l'un et l'autre. Ou bien selon une autre explication: l'objet de l'espérance est un bien ardu, futur, possible à acquérir. Donc de même que quelqu'un aime à cause d'un bien déjà donné, ainsi il espère un bien futur en raison de sa confiance née de l'amour, et en raison d'autres choses semblables, dans la mesure où il pense pouvoir les recevoir dans le futur. Et c'est pourquoi le psalmiste fait ici trois considérations.

a) Il espère d'abord le refuge et le ferme appui parce qu'il est dans les biens.

b) Puis il demande une protection, parce qu'il est dans les maux qui sont déjà survenus.

a. Ainsi dit-il d'abord: Mon Dieu est mon aide. - "Si le Seigneur ne me venait en aide, bientôt mon âme habiterait dans l'enfer." Et c'est pourquoi j'espérerai en lui: "Vous qui craignez le Seigneur, espérez en lui, et sa miséricorde viendra à vous pour votre joie."

b. Puis nous espérons être libérés des maux auxquels nous ne sommes pas encore soumis, car Dieu nous défend:

- D'abord afin que nous ne soyons pas blessés.

- Puis pour que nous les vainquions.

- Et enfin il nous couronne pour cette victoire.

- En relation avec le premier point il dit: mon protecteur. La version iuxta Hebraeos de Jérôme lit: "scutum (bouclier)", parce qu'il protège pour qu'il ne puisse pas être transpercé par les maux; ainsi Dieu fait-il: "Tu m'as protégé, ô Dieu, contre l'assemblée des méchants."

- En relation avec le deuxième point il dit: et la corne de mon salut, car les animaux frappent avec la corne; ainsi la force de Dieu résiste à ses adversaires, car elle combat afin de vaincre les maux temporels et spirituels: "Par toi nous frappons de la corne nos ennemis; et en ton nom nous mépriserons ceux qui se lèvent contre nous." - "Mon coeur a tressailli de joie dans le Seigneur, et ma corne a été élevée par mon Dieu", c'est-à-dire ma force.

- En relation avec le troisième point il dit: et mon soutien. Lorsque quelqu'un remporte une victoire, il est reçu en triomphe; ainsi Dieu fait-il aussi: "Je reviendrai, et je vous prendrai avec moi, afin que là où je suis, vous y soyez aussi." - "Tu m'as soutenu avec gloire." On trouve le même texte dans le deuxième livre des Rois.

B. Ensuite il expose l'effet qui en découle, à savoir la louange. La louange est une parole qui met en lumière la grandeur d'une vertu, ou qui en résulte du moins.

1) Le psalmiste expose donc d'abord la louange.

2) Puis son efficacité.

1. Ainsi dit-il: En le louant, j'invoquerai le Seigneur, autrement dit: en agissant ainsi je ne fais pas valoir ma propre louange, mais je cherche la tienne, car c'est toi qui as agi: "Je me souviendrai des miséricordes du Seigneur, [je chanterai] la louange du Seigneur pour tout ce qu'il m'a donné."

2. Et je [t']invoquerai, en toute sécurité, avec efficacité, car en t'invoquant ainsi, je serai sauvé de mes ennemis. - "Quiconque invoquera le nom du Seigneur, sera sauvé."

5 Les douleurs de la mort m'ont environné, et les torrents de l'iniquité m'ont troublé.

Ici le psalmiste expose la nécessité de sa libération.

a) Et il montre d'abord la grandeur de sa libération.

b) Ensuite la prière qu'il profère à Dieu: 7 Dans ma tribulation.

c) Enfin il expose son exaucement: il a exaucé.

a. Notez que ces trois choses sont ainsi établies dans un ordre successif: l'iniquité, la mort et l'enfer; c'est par iniquité que l'homme est amené vers la mort; et par la mort il est conduit en enfer. Et de même que la première chose est un chemin qui conduit à la deuxième chose, ainsi la deuxième à l'égard de la troisième. Et c'est pourquoi il parle d'abord de la première gradation. Puis de la deuxième, car ils vont de la mort à l'enfer: Les douleurs de l'enfer, etc.

Concernant la première gradation, il fait deux choses:

- Il commence par exposer son mode.

- Puis le chemin qui mène à celle-ci, c'est-à-dire à l'iniquité: les torrents de l'iniquité.

- La douleur de la mort est très grande: "Est-ce ainsi donc que la mort amère sépare ?" - "Ô mort, que ton souvenir est amer !" C'est pourquoi lorsque quelqu'un ne peut la fuir, alors les douleurs l'entourent; et d'autant plus qu'elles sont inévitables.

- Le chemin, c'est l'iniquité, autrement dit: je la crains parce que les torrents de l'iniquité m'ont troublé. Le torrent, c'est l'écoulement de l'eau dévalant avec impétuosité: "Comme un torrent qui passe avec violence dans les vallées." Donc la violence soudaine de l'iniquité intérieure, par exemple celle de la tentation soudaine et grave, est un torrent qui incite au péché. Ou bien il s'agit de l'iniquité extérieure, comme l'assaut d'un ennemi. Et ceux-ci m'ont troublé.

6 Les douleurs de l'enfer m'ont environné; les pièges de la mort sont tombés sur moi. 7 Dans ma tribulation j'ai invoqué le Seigneur, et j'ai crié vers mon Dieu; et de son temple saint il a exaucé ma voix; et mon cri en sa présence est parvenu à ses oreilles.

Le psalmiste continue ici en suivant l'enchaînement précité; et c'est pourquoi il dit: Les douleurs de l'enfer, c'est-à-dire semblables aux douleurs infernales: "Je descendrai dans le deuil en enfer." Ou bien il s'agit des douleurs qui sont conçues par crainte de l'enfer. Et celles-ci encerclent quand elles sont inévitables. Et ces douleurs viennent, car les pièges de la mort sont tombés sur moi. Quelle mort? "Celui qui amasse des trésors par une langue de mensonge est vain et insensé, et il tombera dans les pièges de la mort." Et c'est inéluctable.

b. Mais il y applique le remède de la prière. La prière est d'abord exposée; et c'est pourquoi il dit: Dans ma tribulation j'ai invoqué le Seigneur. - "Dans leur tribulation, dès le matin, ils se dresseront vers moi." - "Et maintenant, Seigneur tout-puissant, Dieu d'Israël, une âme dans les angoisses, et un esprit inquiet crie vers toi." - "Cherchez le Seigneur, pendant qu'on peut le trouver, invoquez-le tandis qu'il est proche." - "Invoque-moi au jour de la tribulation; je te délivrerai." - "J'ai invoqué, et l'esprit de sagesse est venu en moi." Ensuite est exposée la piété de l'orant, car il dit: j'ai crié vers mon Dieu, c'est-à-dire avec la force de la piété de l'orant: "Vers le Seigneur, lorsque j'étais dans la tribulation, j'ai crié; et il m'a exaucé." - "Dans les jours de sa chair, ayant offert avec larmes et un grand cri des prières et des supplications à celui qui pouvait le sauver de la mort, il a été exaucé pour son humble respect; et il dit: j'ai crié vers mon Dieu, non vers un dieu étranger: "Tu adoreras le Seigneur ton Dieu et tu le serviras, lui seul."

c. Enfin l'exaucement: il a exaucé. Il avait dit deux choses: avoir invoqué et crié. Et c'est pourquoi il parle de voix exaucée et de cri. D'où? de son temple saint il a exaucé ma voix. Le temple de Dieu est l'excellence même de sa sainteté, car le Seigneur est son temple: "Je ne vis point de temple en elle, parce que le Seigneur tout-puissant et l'Agneau en sont le temple." Le temple, c'est aussi le Christ lui-même: "Mais lui parlait du temple de son corps", dans lequel Dieu est présent par la grâce: "Car le temple de Dieu est saint, et vous êtes ce temple." C'est également la Bienheureuse Vierge: "J'adorerai en m'approchant de ton temple saint" en qui, c'est-à-dire par qui, Dieu nous a exaucés: "Il m'a exaucé, et il m'a délivré de toutes mes tribulations." C'est encore l'Église: "Le Seigneur est dans son temple." Et il a exaucé depuis ce temple où qu'il soit: "Si un homme reconnaît la plaie de son coeur et étend ses mains vers cette maison, toi tu l'exauceras du lieu de ta demeure." Et non seulement il dit que sa prière a été exaucée, mais aussi son cri; et c'est pourquoi il dit: et mon cri en sa présence est parvenu à ses oreilles. Et il précise: en sa présence, c'est-à-dire devant ses yeux, car il voit toutes choses: "J'ai bien vu l'affliction de mon peuple qui est en Égypte; et j'ai entendu son cri à cause de la dureté de ceux qui président à ses labeurs." Ou bien: en sa présence, c'est-à-dire selon son bon plaisir; ou bien dans le coeur, où lui seul voit: "L'homme ne voit que l'apparence, mais le Seigneur regarde le coeur." Et il est parvenu à ses oreilles, par son agrément: "Leur clameur est parvenue aux oreilles du Seigneur"; ou bien: à ses oreilles, c'est-à-dire à sa clémence: "La prière de l'humble pénétrera les nues."

8 La terre a été ébranlée et a tremblé; les fondements des montagnes ont été bouleversés et ébranlés, parce qu'il s'est irrité contre eux.

II. Plus haut le psalmiste a traité du sentiment qu'il a conçu à la suite des bienfaits de sa libération; ici il traite de la puissance du libérateur.

La puissance de celui qui agit se manifeste dans l'effet de son action; quant aux choses qui sont rapportées ici, elles peuvent être relatives à un double effet de l'action divine: à l'effet qui se manifeste dans les réalités matérielles, et à l'effet de la rédemption. Mais c'est sans doute plus vrai pour chacun des deux. Car les choses qui sont dites ici sous la figure des réalités matérielles, sont achevées au sens spirituel par l'effet de la rédemption. Or l'effet de la puissance divine se manifeste surtout dans les réalités matérielles, parce que les réalités spirituelles nous sont moins connues; et principalement dans celles que les hommes regardent avec étonnement; et ce sont les ébranlements des éléments du monde, c'est-à-dire de la terre, de l'air, de l'eau et du feu.

Ce passage du psaume se divise ainsi en trois parties:

A) Le psalmiste montre d'abord la puissance de Dieu dans les effets relatifs à la terre.

B) Ensuite dans les perturbations de l'air: 10 Il a incliné les cieux.

C) Enfin dans les perturbations des eaux: 16 Alors ont paru les sources des eaux.

Mais si on réfère ces effets à leur signification cachée (mysterium), ce passage se divise en deux parties:

A) Lé psalmiste montre d'abord le fruit de la rédemption divine réalisée par le Christ.

B) Puis son mode: Il a incliné les cieux.

A. Le premier point se subdivise en deux:

1) Dans la première partie de la subdivision, il traite d'abord de l'effet de la terre, qui est en profondeur.

2) Ensuite de l'effet qui s'élève depuis la hauteur.

Si on l'entend au sens mystique, un double effet de la rédemption est ainsi manifesté, à savoir la pénitence des pécheurs et la piété des justes: il est monté.

1. Mais selon qu'on rapporte cela à l'effet matériel, qui est dans la profondeur de la terre, l'effet principalement étonnant c'est le tremblement de terre, etc. À cet égard, le psalmiste mentionne trois choses:

a) D'abord l'ébranlement proprement dit.

b) Puis ce qui le rend étonnant.

c) Enfin sa cause.

a. Ainsi dit-il: La terre a été ébranlée et a tremblé. Une chose se meut de deux manières. Ou bien elle se meut d'un lieu vers un autre lieu; et ce n'est pas de cette manière que la terre est ébranlée.

b. Ou bien par un tremblement, et ainsi l'ébranlement des montagnes fait d'un tremblement de terre un fait étonnant: car si une terre meuble est ébranlée, ce n'est pas un fait étonnant, mais lorsque des montagnes sont ébranlées, alors c'est un fait qui provoque l'étonnement; et c'est pourquoi il dit: les fondements ont été bouleversés, car ils semblent avoir perdu leur stabilité.

c. La cause première est la volonté divine; et il exprime cela par une métaphore lorsqu'il dit: parce qu'il s'est irrité contre eux, c'est-à-dire Dieu. De même que lorsque le Seigneur s'emporte, ceux qui l'assistent tremblent, ainsi sous l'irritation de Dieu toutes choses se troublent.

Au sens mystique, on entend par là le mouvement des hommes vers la pénitence. Certains d'entre eux sont des petits pécheurs, et ces derniers sont signifiés par la terre; c'est pourquoi il dit: La terre a été ébranlée et a tremblé, c'est-à-dire ceux qui auparavant étaient pécheurs et terrestres: "Tu as jeté ton corps sur le sol, et en as fait comme un chemin pour les passants." Cet ébranlement est dû à la conversion de l'attachement des choses terrestres aux réalités célestes, et cela en raison de la crainte que le pécheur a conçue à l'égard des châtiments: par ta crainte "nous avons conçu, et c'est comme si nous avions souffert et enfanté du vent". D'autres sont de grands pécheurs; et ces derniers sont appelés montagnes, c'est-à-dire ceux qui s'enorgueillissent dans le siècle. Ils sont ébranlés par la venue du Christ. les fondements des montagnes sont ceux sur lesquels ils prennent appui, à savoir les richesses, les pouvoirs et les honneurs: "Les montagnes seront transportées au coeur de l'océan." Ainsi se troublent-ils lorsque surviennent des adversités, et après cela ils sont totalement ébranlés: "Le Seigneur des armées a décidé cela afin d'enlever l'orgueil de toute gloire et de conduire à l'ignominie tous les grands de la terre." Tous les royaumes et les pouvoirs qu'ils détiennent au début, ils en verront le déclin, et cela parce qu'il s'est irrité contré eux.

Cela peut se comprendre de deux manières. Si on l'applique aux méchants, il n'est pas douteux que par la vengeance de Dieu, qui est appelée colère, ils soient morts; si on l'applique aux bons, c'est pour que, la colère de Dieu se manifestant à eux, ils se convertissent. Car Dieu s'est fait connaître par elle: "La colère de Dieu se manifeste du haut du ciel contre toute impiété et injustice de ces hommes qui retiennent la vérité de Dieu dans l'injustice."

9 La fumée a monté dans sa colère et un feu ardent a jailli de sa face; des charbons en ont été embrasés.

2. Ici le psalmiste expose la puissance de Dieu au sens matériel dans l'effet de la terre qui vient d'en haut. Or l'effet de la terre vient d'en haut, lorsque la terre est brûlée par un feu céleste dans une de ses parties; et à cet égard il mentionne deux choses:

a) D'abord la matière elle-même.

b) Puis l'ascension du feu et sa combustion.

a. Sa matière est une fumée sèche qui se dissipe en montant jusqu'à ce qu'elle soit enflammée; et c'est pourquoi il dit: La fumée a monté dans sa colère, c'est-à-dire dans sa volonté, c'est-à-dire celle de Dieu qui punit ainsi. de sa face, c'est-à-dire de sa puissance, un feu ardent a jailli, c'est-à-dire s'est allumé; et des charbons, c'est-à-dire la matière combustible s'est enflammée.

Au sens mystique, deux choses sont signifiées par cela, à savoir la force de la prière et l'embrasement de la charité.

b. a monté: et à partir de cela est considérée la colère de Dieu contre les pécheurs. Ou bien: La fumée a monté, c'est-à-dire la fumée de la prière fervente: "La fumée des parfums monta", c'est-à-dire le feu de la charité. de sa face, c'est-à-dire du Christ, a jailli. - "Je suis venu jeter un feu sur la terre." des charbons en ont été embrasés, c'est-à-dire sont susceptibles d'embrasement. Le charbon a connu autrefois le feu, comme l'homme a connu dès le commencement la charité; mais le charbon s'était éteint, tandis que les hommes ont été embrasés par le Christ. De même que des charbons non humides s'enflamment, et non point les humides, ainsi en est-il des hommes rendus humides par le flot des désirs charnels: "Les flèches du puissant sont aiguisées avec des charbons désolateurs."

8 La terre a été ébranlée et a tremblé; les fondements des montagnes ont été bouleversés et ébranlés, parce qu'il s'est irrité contre eux.

On dit de Dieu qu'il se met en colère, parce qu'il se comporte à la manière de celui qui est irrité, non en lui-même mais quant à l'effet. Or un maître irrité fait trembler son esclave, et un lion son petit. Il faut savoir à cet égard que la puissance maîtrisant les membres se relâche extérieurement vers l'intérieur, comme si elle se retranchait vers le coeur et cédait au mal suggéré; ou bien face à une puissance se dressant contre elle, à laquelle elle ne peut résister, et les membres tremblent, comme un mur lorsque sa fondation est ébranlée. Or l'âme contient le corps, et elle en est le fondement; et une partie de l'âme est une partie du corps. C'est pourquoi, le fondement ayant été ébranlé, le mur est ébranlé; et, une puissance ayant été ébranlée, un membre est ébranlé. Ainsi donc l'effet de la colère dans l'animal se traduit par la crainte. Or on dit d'un animal qu'il tremble, quand tout en demeurant au même endroit une partie de lui-même est ébranlée; et c'est pareillement ce qui arrivé dans un tremblement de terre, la terre étant dite trembler par comparaison avec les animaux. Or on dit de Dieu qu'il s'irrite contre la terre dans un tremblement de terre.

Ou bien selon l'explication suivante: on distingue dans l'homme quatre choses: la raison, les puissances sensitives, les facultés naturelles et le corps. Mais dans le monde se trouvent Dieu, les anges, les animaux, les plantes et les éléments. Or nous voyons que par rapport au mal imaginé, auquel le corps ne peut résister, ce dernier tremble aussitôt non à cause de la connaissance, mais à cause d'un certain enchaînement naturel ou naturellement, dans la mesure où la puissance du mal imaginé est plus forte. Et semblablement Dieu, quand il dirige sa puissance sur la terre, bien qu'il ne connaisse pas la colère, on dit qu'il tremble naturellement parlant.

Les fondements, c'est-à-dire les cavités ou les anfractuosités de la terre, qui, ébranlées, secouent les montagnes.

parce qu'il s'est irrité contre eux. La cause première est la volonté de Dieu ou sa puissance voulant agir en eux; mais il fait cela par l'intermédiaire des causes secondes, de telle sorte que toutes les causes secondes sont comparées à la terre comme un mal imaginé ébranlant les membres.

La fumée a monté. Il faut noter ici, selon le Philosophe, que de la terre humide se dissipe sous l'influence de la chaleur du soleil une vapeur chaude et humide, tandis que de la terre sèche monte une vapeur sèche et chaude, qui naturellement monte plus haut que la première. Or celle-ci est comparée au feu, celle-là à l'air; et le psalmiste appelle fumée cette vapeur, qui est chaude et sèche. Mais le Philosophe l'appelle combustible, c'est-à-dire matière à embrasement. Or cette vapeur en s'élevant prend de la largeur sous l'effet d'une légère augmentation de la chaleur, et elle s'enflamme par le mouvement circulaire. Et cependant ce combustible ou cette fumée sèche, si elle a longueur et largeur, après s'être embrasée, on l'appelle flamme. Car la flamme, selon le Philosophe, c'est l'incandescence d'un souffle sec. Si elle a longueur seulement, on parle de torches ou bien de tisons, et de boucliers ou de chèvres, et d'étoiles filantes. De torches, lorsque cette matière à combustion est longue, continue, sans étincelle. On l'appelle chèvre lorsqu'elle se compose d'étincelles, c'est-à-dire quand elle semble sauter et courir de tous côtés. Étoiles filantes lorsqu'elle est faite de matière discontinue, et qu'elle semble voler comme les étoiles filantes; et ce genre d'étoiles contient très peu de matière. Il y a aussi un autre genre d'étoiles filantes, lequel est froid et chasse le chaud; et de telles étoilés ne semblent pas voler, mais être projetées, comme le dit le Philosophe; et elles sont engendrées non par une fumée tout à fait sèche, mais par une exhalaison plus humide et chaude, qui selon sa nature propre ne monte pas autant que l'exhalaison sèche, ainsi qu'on l'a dit. Et du fait qu'une exhalaison est sèche, elle pâtit du froid, est repoussée et se trouve projetée vers le bas. Et cela se produit de jour et dans la clarté, autrement elle serait éteinte par la densité et l'humidité de l'air. Et parce qu'elle se voit de jour, c'est un signe qu'elle est proche de la terre. Mais elle s'enflamme de deux manières: soit de manière continue, comme une flamme supérieure allume un petit flambeau, soit par le mouvement du froid et sa contraction, ou par l'accumulation de la chaleur. Ainsi donc il dit: La fumée a monté, c'est-à-dire une exhalaison sèche: dans sa colère, c'est-à-dire par la volonté de celui qui veut agir en elle. et un feu, c'est-à-dire cette fumée qui est aussi appelée feu par le Philosophe au début des Météorologiques, comme si cela était dû au fait qu'elle n'a pas de nom propre, comme l'exhalaison humide qu'on appelle vapeur; mais cette fumée est appelée feu parce qu'elle est disposée à monter, et parce qu'elle est chaude et sèche comme le feu. Ce feu ardent, dit-il, a jailli, c'est-à-dire a été allumé, à savoir par Dieu comme venant de la cause première. Et ce feu allumé est précisément appelé torche, bouclier, flamme et étoiles filantes; étoiles filantes engendrées selon la première manière rapportée plus haut. des charbons en ont été embrasés, c'est-à-dire des étoiles filantes ont été engendrées selon la seconde manière.

Ou bien ainsi: La terre a été ébranlée, etc. Une vapeur sèche élevée de terre sous l'action de la chaleur du soleil est quelquefois légère; et alors elle s'élève plus haut et prend de l'extension, ainsi qu'on l'a dit plus haut. Parfois cantonnée sur la surface du sol elle est un peu plus épaisse, c'est pourquoi, refoulée par le froid, elle ne monte pas autant, et elle est un souffle; parfois une vapeur sèche plus épaisse s'élève vers la surface du sol, et celle-ci à cause de son épaisseur, de la fermeté de la terre et de sa profondeur, ne s'échappe pas au-dehors, mais reste enfermée dans le sol, et s'amasse dans une cavité de la terre qui lui est adaptée; elle est pressée par un corps étranger à sa nature spécifique. Il y a alors perturbation dans les entrailles de la terre, et elle en est ainsi ébranlée. Chose qui n'est pas surprenante, puisque nous voyons le vent former des vagues comme des montagnes sur la mer, et sur la terre arracher des arbres et faire tomber des édifices, et dans l'air produire de très grandes tempêtes. Mais Si le vent est la cause d'un tremblement de terre, c'est le signe qu'avant un tremblement de terre il y a habituellement absence de vent, tandis qu'après il apparaît. Quant à la matière du tremblement de terre, affaiblie par la chaleur du soleil, elle sort de la terre; et ainsi cesse le tremblement de terre et naît le vent.

La cause d'un tremblement de terre est le heurt des vents; et c'est pourquoi cela ne peut se produire sur toute la terre en même temps, mais ne peut s'étendre que jusqu'à deux cents milles au plus, comme le dit Sénèque. Et il rapporte qu'un tremblement de terre sépara la Sicile de la Calabre, et l'Espagne de l'Afrique. Et il dure quelquefois quarante jours, quelquefois une année. Notez aussi qu'un sol ferme à partir duquel une vapeur ne peut s'échapper extérieurement est exposé à être vite ébranlé: en effet, ce qui est de nature pierreuse n'est pas ébranlé légèrement et est secoué. Il faut cependant qu'il soit poreux en quelque endroit, par où la vapeur entrera; qu'elle entre par ces endroits poreux, et qu'elle soit retenue par la dureté du sol. Mais si on dit que par l'endroit où elle est entrée, elle ne peut s'en échapper, il faut répondre qu'il ne peut pas en être toujours ainsi, car parfois l'arrivée de la vapeur et son élévation vers ce lieu se produisent sans interruption. Et d'autre part, parce que la vapeur chaude ne va pas plus bas, le flot de la mer en fermant les endroits poreux et en l'enfermant plus bas à cause du froid, contribue à produire un ébranlement. Voilà pourquoi les anfractuosités au fond de la mer provoquent souvent un tremblement de terre. Remarquez aussi que cette vapeur sort continuellement de la terre d'une certaine manière, et c'est ce qui explique qu'au moment des tremblements de terre les animaux ayant la tête au niveau du sol sont souvent contaminés par cette vapeur toxique sortant de la terre.

10 Il a incliné les cieux, et il est descendu; et une sombre nuée est sous ses pieds. 11a Et il est monté sur des Chérubins.

B. Le psalmiste traite ici des vents. Remarquez que la matière du vent est une vapeur ou une exhalaison sèche chauffée fortement, mais non légère au point de pouvoir monter vers le lieu le plus élevé, ni suffisamment chauffée; c'est pourquoi elle est arrêtée par le froid, s'épaissit et est repoussée vers le bas: et celle-ci étant repoussée agite l'air. Elle a cependant assez de chaleur pour ne pas être dominée par le froid, de telle sorte qu'elle retourne vers la terre; et il est dit: sombre nuée, et aussi: sous ses pieds, parce qu'elle n'est pas élevée comme celle qui monte dans une flamme. Cependant, parfois, elle n'est pas aussitôt repoussée, mais chasse les nuages car elle n'est pas totalement dominée, et ne retourne pas directement plus bas vers la terre; et en raison de ce mouvement sinueux, elle s'efforce quasiment de prendre de la hauteur, mais elle ne le peut à cause de son refoulement; et tel est ce qu'il dit:

11b Et il s'est envolé: il s'est envolé sur les ailes des vents. 12 Et il a fait des ténèbres son lieu de retraite, sa tente autour de lui, une eau ténébreuse est dans les nuées de l'air. 13 À l'éclat qui jaillit de sa présence, les nuées se sont dispersées; il en est sorti de la grêle et des charbons de feu.

Ici le psalmiste traite des perturbations de l'air selon leurs effets matériels; et on distingue une triple perturbation: elle se situe dans les vents, dans les nuages et dans les tonnerres. Et il traite de chacune d'elle.

1. À propos de la perturbation dans les vents il expose trois choses:

a) D'abord la cause effective de toutes ces perturbations.

b) Ensuite la matière.

c) Enfin le mode.

a. Quant à la cause effective de toutes ces perturbations, elle est due à un corps céleste, qui par son mouvement provoque ces altérations de l'air; et c'est pourquoi il dit: Il a incliné les cieux, c'est-à-dire a ordonné la puissance des corps célestes à la réalisation de ces effets; car ils détiennent leur puissance de Dieu.

et il est descendu. Bien que Dieu accomplisse toutes choses en demeurant immobile, on dit cependant qu'il se meut à travers l'effet, en tant qu'il crée des effets mobiles: "La sagesse est plus agile que tout mouvement"; et selon ce point de vue, il est dit descendre, en tant qu'il fait descendre la puissance des cieux.

b. La matière des vents, c'est une sombre nuée ou une fumée sèche. Elle n'est pas légère au point de monter jusqu'à devenir du feu, mais elle se maintient; et c'est pourquoi il dit: sous ses pieds, c'est-à-dire sous son pouvoir; et tout est de Dieu.

c. Le mode: il est monté sur des Chérubins. Remarquez: de même que dans la pensée des Juifs un roi a un char, ainsi Dieu en a-t-il un aussi, qui est un Chérubin; et ils se représentent Dieu comme un être corporel et semblable à un Chérubin. Et c'est pourquoi dans une version de Jérôme il est écrit mot à mot: "Equitavit super Cherubim (Il chevaucha un Chérubin)." Et ces derniers ont une fausse représentation, car les choses qui sont exprimées en image dans l'Écriture sont des signes de la vérité spirituelle. Or la sagesse divine est dite être mue, en tant qu'elle cause un mouvement dans les réalités mobiles. Cependant tout ce que Dieu cause dans les réalités inférieures, il les cause avec le secours de la créature spirituelle; c'est pourquoi Augustin dit que "Dieu meut la créature corporelle par l'intermédiaire de la créature spirituelle", mais la créature spirituelle n'agit pas de sa propre force, mais sous le gouvernement de Dieu. Et au sens spirituel on dit que Dieu fait cela en montant sur des Chérubins, parce qu'ils représentent la plénitude de la connaissance, et Dieu accomplit toutes choses par sa propre connaissance. Et on dit qu'il est sur des Chérubins, parce que la connaissance de Dieu est supérieure à celle des anges. Et c'est pourquoi Dieu accomplit cela en volant, c'est-à-dire en faisant voler. Et par des Chérubins, c'est-à-dire par sa propre connaissance, et sur eux, lui qui les dépasse; et il a dit: il s'est envolé: il s'est envolé, parce que le mouvement du vent n'est pas uniforme. Et: sur les ailes des vents, à cause de la rapidité de leurs mouvements.

Au sens mystique, le mystère de l'Incarnation est ici exposé.

1') Et d'abord l'Incarnation du Christ, par laquelle il sortit du Père et vint dans le monde.

2') Ensuite son Ascension, parce qu'il alla vers le Père: Il est monté sur des Chérubins.

3') Enfin les événements qui eurent lieu dans l'Église après l'Ascension du Christ: 12 Et il a fait des ténèbres son lieu de retraite, etc.

1'. Ainsi dit-il: Il a incliné les cieux, et il est descendu, etc. Si une personne de condition élevée accomplit un acte d'humilité vis-à-vis d'une personne d'humble condition habitant la campagne, on dit qu'elle fait une injure et cause une humiliation à toute la contrée qu'elle gouverne. Ainsi dit-on du Fils de Dieu qu'il s'humilie et incline les cieux, car il a voulu venir à nous dans l'humilité. et il est descendu, c'est-à-dire s'est rendu visible: "Après cela il a apparu sur la terre, et il a conversé avec les hommes." - "Ce que nous avons vu et ce que nous avons entendu et ce que nos mains ont palpé du Verbe de vie." Il est donc descendu par l'humilité en prenant la chair humaine, en mourant et en enseignant l'humilité. Ou bien: Il a incliné les cieux, c'est-à-dire les prédicateurs, et il est descendu en leur faisant dire aux hommes des choses capables d'être saisies. et une sombré nuée, c'est-à-dire le diable et tous les méchants, est sous ses pieds, c'est-à-dire ceux du Christ: "Je ferai de tes ennemis l'escabeau de tes pieds."

2'. À propos de l'Ascension il dit: il est monté sur des Chérubins. - "Celui qui est descendu est le même qui est monté au-dessus de tous les cieux, afin qu'il remplît toutes choses." sur des Chérubins, c'est-à-dire au-dessus de l'ordre des anges: "L'établissant à sa droite dans les cieux, au-dessus de toute principauté, de toute puissance, de toute vertu, de toute domination et de tout nom qui est donné non seulement dans ce siècle, mais aussi dans le futur. Il a mis toutes choses sous ses pieds, et il l'a établi chef sur toute l'Église, qui est son corps." - "Dieu très fort, grand, puissant, ton nom est Seigneur des armées, grand en conseil et insaisissable dans la pensée." Et il dit au sens spirituel: sur les Chérubins, car il n'est pas monté seulement en tant qu'il leur est précisément supérieur, mais parce qu'il leur est insaisissable: il s'est envolé: il s'est envolé. On entend par là un double vol.

D'abord en tant qu'à la suite de son Ascension, sa renommée s'est étendue au monde entier dans un bref délai; c'est pourquoi il dit: sur les ailes des vents, c'est-à-dire plus vite que des plumes dispersées sous l'impulsion des vents; car ce fut en peu de temps, en moins de trois années: "Leur bruit s'est répandu à travers toute la terre, et leurs paroles jusqu'aux limites du globe de la terre", car cela se réalisa avant la destruction de Jérusalem. Ou bien: il s'est envolé, etc., en montant au ciel il devint invisible, et il s'est envolé de notre présence: "Une nuée le déroba à leurs yeux." Et encore: il s'est envolé sur les ailes des vents, c'est-à-dire au-dessus de la connaissance des anges: "Qui fais de tes anges des vents, et de tes ministres un feu brûlant." C'est pourquoi il est écrit, dans le Livre des causes, que la cause première est supérieure à toute description; aussi les langues ne peuvent-elles pas la décrire, parce qu'elles ne peuvent décrire son être, car il est au-delà de toute cause. Et le Commentateur affirme qu'on n'en a ni jugement ni connaissance.

Et il a fait des ténèbres, etc. Comme on l'a dit, les choses qui sont présentées ici pour montrer la puissance divine, grâce à laquelle David a été libéré, peuvent être rapportées aux effets matériels en figure, et aux effets spirituels selon le mystère.

2. Ainsi le psalmiste présente d'abord l'excellence de la puissance divine dans l'air exposée sous le rapport des effets matériels; et cela de trois manières: quant aux vents, quant aux pluies et aux nuages, et quant aux éclairs.

Et puisque nous avons parlé plus haut des vents, il faut parler maintenant des pluies dans l'air. Ainsi donc, selon qu'il s'agit des nuages et des pluies, nous rencontrons une double perturbation dans l'air: l'une part d'un ciel serein et se dirige vers un ciel obscur, l'autre a son point de départ dans les nuages et se dirige vers un ciel serein.

a) Le psalmiste expose donc la première perturbation.

b) Puis la seconde: 13 À l'éclat.

a. En parlant de cette première perturbation il fait trois choses:

- Il montre d'abord l'obscurité du temps nuageux.

- Puis il emploie une comparaison.

- Enfin il expose la cause de l'obscurité.

- Ainsi dit-il à propos de l'obscurité du temps nuageux: il a fait des ténèbres sa retraite. On dit de Dieu qu'il habite dans le ciel. Voilà pourquoi, lorsque les nuages obscurcissent le ciel, il semble que Dieu habite dans un lieu caché: "Je couvrirai le ciel d'une nuée."

- Et il a exposé une comparaison à propos de la tente; aussi dit-il: sa tente autour de lui. Or une tente est fixée et déplacée comme des nuages.

- Et que les nuages sont la tente de Dieu, il le dit: une eau ténébreuse est dans les nuées de l'air.

b. Il traite ensuite de la deuxième perturbation: 13 À l'éclat, etc., et il emploie cette comparaison: lorsque vient la lumière, les ténèbres sont repoussées, et de même lorsque Dieu montre sa lumière, l'obscurité des nuées se retire. Et c'est pourquoi il dit: À l'éclat qui jaillit de sa présence, les nuées se sont dissipées, à l'éclat de la lumière qui jaillit de sa face les nuées se sont dissipées, comme sous l'éclat ou la clarté du soleil les nuées se retirent et disparaissent, ainsi qu'on le rapporte dans le livre des Météorologiques. Brandons ou tisons se forment dans le mouvement des nuages; car la grêle et la foudre, ou le feu, ont une même cause de formation. Mais les Anciens disent qu'ils sont engendrés dans un lieu très élevé, parce qu'ils font remarquer qu'une congélation plus forte est causée par un froid plus intense. C'est pourquoi la neige requiert plus de froid que l'eau de pluie, et la grêle davantage que la neige. Mais le froid peut être si intense qu'il se condense aussitôt en grêle; parfois d'abord en eau, et ensuite en grêle. Et ils disent que les exhalaisons qui s'élèvent plus haut gèlent très fort, et c'est pourquoi d'épaisses grêles se forment. Mais le Philosophe dit au contraire que d'après cela elles sont plus importantes sur les montagnes et en hiver. Or c'est le contraire que nous observons, car elles sont plus denses dans les vallées, se produisent au printemps et à l'automne, et se forment dans un lieu proche. De même, selon le Philosophe, les grêlons arrivent quelquefois sous forme anguleuse, et c'est le signe qu'ils viennent de près: en effet les grêlons anguleux fondent plus vite. Aussi faut-il savoir qu'il est naturel à un contraire d'agir plus fortement sur son contraire. Or il est évident que dans les nuées le froid se mêle au chaud; donc lorsque la chaleur de l'air environnant réprime le froid qu'elle ne peut dissiper, elle le chasse alors dans un circuit intérieur hors de la chaleur. Quant aux tisons qui tombent, ils ont une double cause de formation: l'une est due à la fumée montant plus haut jusqu'à un lieu apte à l'inflammation, et cette dernière s'enflamme; et ainsi suivant l'inflammation elle descend jusqu'à ce qu'elle trouve une matière combustible. Et le psalmiste a traité de cela quand il a dit: des charbons en ont été embrasés. Mais ici il traite de l'autre mode de formation, ce dernier se fondant sur une résistance contraire. Ainsi dans une nuée, il y a quelquefois du chaud, et cet air chaud est réprimé intérieurement sous la pression du froid extérieur, et se multiplie, de telle sorte qu'il brûle une matière épaisse et tombe; et c'est pourquoi les charbons, le feu et la grêle ont une même origine de formation, c'est-à-dire la condensation du froid ou du chaud, comme on l'a dit. Ainsi dit-il: À l'éclat qui jaillit de sa présence, etc. Et ces éclairs se sont dissipés en même temps que le charbon et la grêle, qui sont formés à partir des nuées, comme on l'a dit.

14 Et le Seigneur a tonné du ciel, et le Très-Haut a fait entendre sa voix; grêle et charbon de feu.

3. Et le psalmiste traite ici de la troisième perturbation. Et d'abord du tonnerre. Puis des éclairs: il a lancé ses flèches.

Il faut savoir que le psalmiste s'exprime ici selon cette comparaison établissant que tout ce qui se fait au ciel est attribué à Dieu. C'est pourquoi il perçoit un bruit entendu dans le ciel comme si c'était la voix de Dieu. Or il y a deux sortes de bruits dans le ciel: l'un se fait entendre dans le tonnerre; et ici, bien que certains disent du tonnerre que c'est l'extinction du feu dans la nuée, le psalmiste réprouve cette explication, et dit qu'il se produit par la rencontre des vents; ainsi en est-il aussi pour les nuages. Et d'où ces paroles du psalmiste: le Seigneur a tonné du ciel. De même il y a parfois des nuées épaisses à partir desquelles des grêles se forment, et avec bruit dans certains cas: aussi le Philosophe dit que quelquefois, avant une grêle, il se produit une déflagration dans les nuées, quelquefois non. Car de même qu'une exhalaison chaude et sèche chassée par le froid fait du bruit en fendant une nuée, comme cela apparaît pour l'éclair, ainsi une exhalaison humide congelée en grêle et chassée par le chaud, fend de la même manière une nuée et provoque du bruit. Et c'est pourquoi le psalmiste dit: le Très-Haut a fait entendre sa voix, c'est-à-dire a manifesté sa puissance. Et ce qui suit: grêle et charbons de feu, qui ont été formés à partir des nuées, ainsi qu'on l'a indiqué.

Ou bien ces mots: il a tonné du ciel, s'expliquent comme suit. Remarquez que parfois une exhalaison humide monte vers un lieu supérieur; et parce qu'elle est de la même nature que l'eau, ils se créent à partir d'elles des concentrations humides, qui sont le nuage, la rosée, le brouillard, la pluie, la grêle et la neige, et d'autres choses du même genre. Mais ces phénomènes se diversifient parfois en raison de la différence de la légèreté ou de l'épaisseur de la chaleur et du froid. Mais parfois une exhalaison sèche s'élève, et si elle s'élève seule elle engendre des vents; cependant si cette vapeur sèche est saisie dans une exhalaison humide, alors, lorsque l'exhalaison humide s'élève vers le haut, et commence à s'épaissir à cause du froid, l'exhalaison sèche renfermée dans cette vapeur humide provoque une grande perturbation et s'enflamme: car une telle exhalaison s'enflamme rapidement, comme il en est du gaz qui sort des entrailles de l'homme; et cet embrasement est la cause de la foudre et de la lueur de l'éclair. Mais l'exhalaison sèche agitée à l'intérieur des nuages provoque un bruit varié. De même, si embrasée de la sorte elle heurte les côtés d'un nuage sans le déchirer, alors elle ne brille pas clairement; comme si quelqu'un regardait un fait éclatant à travers une étoffe: car le nuage étant un peu ouvert, elle se laisse entrevoir. Cependant elle rend un son comme le bruit d'une flamme au milieu d'un incendie. Il arrive aussi qu'il n'y ait pas d'embrasement, et par conséquent le bruit se fait sans éclair, comme faisant du vacarme; et cela se produit lorsqu'elle frappe, sans être enflammée, les côtés d'un nuage. Mais si elle frappe les côtés et les fend, cependant avec une certaine difficulté, et ce dans la partie la plus épaisse du nuage, il en résulte alors un bruit effrayant, comme si quelqu'un déchirait une étoffe d'une immense largeur, et alors la vision de la foudre ou de la lueur de l'éclair est incurvée; car elle ne sort pas directement du nuage, ainsi qu'on l'a dit. Parfois elle fend un nuage avec grande force, comme soudainement, et toute l'exhalaison sort en même temps; et alors elle fait un bruit comme une vessie enflammée, ou comme si une outre gonflée éclatait au-dessus de la tête de quelqu'un; et elle frappe l'air avec une très forte percussion. Parfois cette exhalaison sèche s'élève sous l'action d'un gonflement, et cherchant un espace plus étendu dissipe subitement un nuage, et fait un bruit comme du bois vert crépitant dans le feu, ou surtout à la manière des oeufs; et cela se voit principalement dans les châtaignes qui sont jetées au feu; lorsque l'humidité commence à se résorber et à chercher un espace plus grand, elle brise la coque résistante et sort avec impétuosité et grand bruit. Parfois, ne pouvant même pas sortir, elle s'éteint, et fait un bruit comme du fer incandescent éteint dans l'eau; bruit que le Philosophe appelle sifflement ou grincement. Parfois également cette exhalaison fait diverses ouvertures aux endroits moins denses d'un nuage, et alors elle fait comme un bruit sifflant, comme le vent lorsqu'il s'échappe par des ouvertures. Parfois, avant qu'elle ne s'embrase, elle sort avec impétuosité du nuage, et fait alors un bruit comme des soufflets de forgeron quand ils soufflent.

15 Et il a lancé ses flèches, et il les a dispersés. Il a multiplié ses éclairs, et il les a troublés.

Le psalmiste décrit ici le mouvement des éclairs, et il les compare à une flèche à cause de la violence du vent qui les meut. et il les a dispersés, c'est-à-dire les pécheurs, car ils sont parfois mus par eux; en effet à la diversité des vents correspond la diversité du mouvement de l'éclair. Car de même qu'en traitant plus haut du mouvement des vents il disait: il s'est envolé: il s'est envolé, etc., afin de montrer le mouvement divers des vents, ainsi dit-il ici: Il a multiplié ses éclairs, afin de montrer le mouvement des éclairs. Il dit: il les a troublés, car Pline affirme que les présages se fondent sur les éclairs; car parfois il s'agit d'un signe bénéfique, c'est-à-dire lorsqu'ils jaillissent de l'Orient; parfois non, et c'est pourquoi les hommes qui exercent les fonctions d'augure se troublent en raison des présages futurs.

16 Alors ont paru les sources des eaux, et les fondements du globe de la terre ont été mis a nu, à ta menace, Seigneur, au souffle du vent de ta colère.

C. Le psalmiste traite ici de la formation des eaux, qui émanent d'origines qu'on appelle sources, et à partir desquelles existe toute formation d'eaux. Or celles-ci sont formées de deux manières. Parfois à la suite d'une cause ordinaire et naturelle; comme lorsque les exhalaisons sont élevées au-dessus de la terre, et en vertu de cette élévation elles se refroidissent dans la hauteur, et descendent et se transforment en pluie. Ainsi à cause de la chaleur intérieure de la terre, et lorsque les exhalaisons ne sortent pas, elles se rassemblent et se dissolvent en eau, et donnent naissance aux sources des eaux. De même que les pluies sont formées dans l'air, ainsi les sources sur la terre; et c'est pourquoi le long des montagnes où les exhalaisons ne sortent pas, apparaissent les sources. Et c'est ce qu'il dit: ont paru les sources des eaux. Parfois les sources se forment à la suite du bouleversement de la terre issu d'un séisme; de cette secousse naissent des veines d'eau dans la profondeur de la terre submergée; et c'est pourquoi il dit: et les fondements du globe de la terre. Selon le Philosophe, ce bouleversement est dû au vent enfermé à l'intérieur de la terre, comme le vent dans l'air agite l'air. Mais lorsque le vent est retenu, il se produit un tremblement de terre; et ces deux vents symbolisent la colère de Dieu. Et c'est pourquoi il dit qu'elle se manifeste sur la terre comme un tremblement de terre.

3'. Au sens mystique, on peut appliquer cela aux effets spirituels; et de même qu'on a montré plus haut le mystère de l'Incarnation en annonçant l'Incarnation proprement dite dans laquelle le Christ descendit, tout comme son Ascension, ici sont signifiés les événements qui se déroulèrent par la suite.

1) Ainsi le psalmiste montre d'abord sa disparition.

2) Puis le rassemblement de l'Église: sa tente autour de lui.

3) Enfin la prédication des Apôtres: une eau ténébreuse.

1. Concernant la disparition du Christ il dit: 12 il a fait des ténèbres. À ce propos la Glose distingue quatre sortes de ténèbres.

a. D'abord son humanité: "Je couvrirai le soleil par une nuée." - "En vérité, tu es un Dieu caché."

b. Ensuite les matières sacramentelles, comme l'eau du baptême et les autres matières des sacrements, dans lesquelles la puissance divine agit secrètement.

c. Puis il s'est caché dans la foi des croyants: "Pendant que nous sommes dans ce corps, nous voyageons loin du Seigneur."

d. Enfin il réalise quelque chose de manière cachée à travers les méchants, qui sont les ténèbres: "La lumière brille dans les ténèbres, et les ténèbres ne l'ont pas étreinte."

2. Parfois il est permis aux méchants de faire du mal aux saints; mais dans ces ténèbres, sa tente, c'est-à-dire l'Église, est autour de lui. - "Le Très-Haut a sanctifié sa tente." - "Voici la tente de Dieu avec les hommes, et il demeurera avec eux", par la foi et la charité, dans la mesure où ils adhèrent à lui comme à leur milieu, lui qui s'intéresse également à eux, comme le commente la Glose.

3. eau ténébreuse dans les nuées de l'air. Ici le psalmiste traite de la prédication des Apôtres.

a) Et il expose d'abord la qualité de leur prédication.

b) Ensuite la circonstance dans laquelle ils prêchent: les nuées.

c) Enfin l'effet de leur prédication: les sources des eaux ont paru.

a. Ainsi dit-il: une eau ténébreuse, c'est-à-dire l'enseignement, est dans les nuées, c'est-à-dire dans les prophètes et les prédicateurs. Il les appelle nuées, parce qu'en s'élevant des choses terrestres vers les nuées ils ont accompli la parole de Dieu: "Qui sont ceux-là qui volent comme des nuées ?" Et: "Cieux, répandez d'en haut votre rosée, et que les nuées fassent pleuvoir la justice." Ou bien il dit: dans les nuées de l'air, c'est-à-dire dans les Apôtres ayant été élevés de terre: "Je commanderai aux nuées de ne plus laisser tomber la pluie sur elle." Et les Apôtres sont appelés eau ténébreuse par rapport à l'éclair, c'est-à-dire par rapport au Christ, qui apparaîtra à ceux qui le voient: "Maintenant nous voyons dans un miroir d'une manière obscure, mais alors nous verrons face à face." Ou bien autrement, en ponctuant ainsi: eau ténébreuse dans les nuées de l'air: À l'éclat qui jaillit de sa présence, les nuées se sont dissipées. Puis ce qui suit: grêle et charbons de feu, etc. Et on distingue une double doctrine: celle des prophètes, et elle est obscure, car elle porte un voile, comme le dît l'Apôtre Paul: "Car jusqu'à ce jour le même voile demeure sans être levé, lorsqu'ils lisent l'Ancien Testament, parce que c'est dans le Christ qu'il s'est levé." C'est pourquoi il dit: eau ténébreuse dans les prophètes, c'est-à-dire dans leur doctrine. Mais la doctrine du Nouveau Testament est claire, et c'est pourquoi il dit: À l'éclat; plénière est cette doctrine unique, c'est-à-dire lumineuse, car il est écrit dans les Éphésiens: "Mystère qui, dans les autres générations, n'a pas été découvert aux enfants des hommes." Et dans un psaume: "Il n'a pas fait de même à toute nation."

b. Ensuite il traite des docteurs eux-mêmes, et ils sont comparés aux nuées, aux flèches et aux éclairs.

- Aux nuées comme prédicateurs. Et le psalmiste mentionne trois choses.

· D'abord leur passage: nuées.

· Puis la qualité de leur prédication: grêle et charbons de feu.

· Enfin l'autorité de celui qui doit prêcher: a tonné.

· les nuées, c'est-à-dire les Apôtres qui ont passé des Juifs aux nations: "Les nuées répandent leur lumière et disséminent leur lueur." - "C'était à vous qu'il fallait d'abord annoncer la parole de Dieu; mais puisque vous la rejetez, et que vous vous jugez indignes de la vie éternelle, voilà que nous nous tournons vers les nations."

· La grêle nuit beaucoup aux fruits et aux fleurs, et leur prédication fut comme une grêle menaçante. et charbons de feu, c'est-à-dire leurs paroles enflammées.

· Et leur autorité, car le Seigneur parlait à travers eux. C'est pourquoi le Seigneur a tonné du ciel, c'est-à-dire par les Apôtres eux-mêmes il a tonné des paroles menaçantes: "Ce n'est pas vous qui parlez, mais l'Esprit de votre Père qui parle en vous." et le Très-Haut a fait entendre sa voix, c'est-à-dire en brûlant de mansuétude: "Recevez avec mansuétude la parole entée en vous, qui peut sauver vos âmes." Et d'abord le mot grêle, et puis charbons de feu.

Ou bien autrement: il a tonné, sur le Christ: "Une voix vint du ciel disant: je l'ai glorifié et je le glorifierai encore. La foule qui avait entendu disait que c'était le tonnerre." et le Très-Haut a fait entendre sa voix, à la transfiguration: "Celui-ci est mon fils bien-aimé."

- Et il a lancé ses flèches. Ces docteurs sont comparés ici aux flèches à cause de la ferveur de l'Esprit-Saint en eux: "Il m'a disposé comme une flèche choisie." Et: "Ceux qui sortent avec élan de Jacob rempliront la face du globe de semence." et il les a dispersés, car ils furent "pour les uns une odeur de vie pour la vie, aux autres une odeur de mort pour la mort".

- Il dit ces choses à cause de l'éclat des miracles: "Lanceras-tu des éclairs et iront-ils; et revenant, te diront-ils: nous voici ?" et il les a troublés, c'est-à-dire il les frappa de stupeur. On rapporte dans les Actes au sujet du miracle de Pierre que tous "furent remplis de stupeur et hors d'eux-mêmes de ce qui lui était arrivé".

c. les sources des eaux ont paru. Le psalmiste expose ici l'effet de la prédication.

- Et il expose d'abord l'effet.

- Puis son origine: À ta menace.

- Or il y a un double effet. Le premier est montré quand il dit: les sources des eaux ont paru, c'est-à-dire les enseignements de la sagesse: "Je ferai jaillir des fleuves sur les sommets dénudés, et des sources au milieu des vallées; je changerai le désert en étang, et la terre sans chemin en courants d'eaux." - "Vous puiserez avec joie des eaux des sources du Sauveur." Ou bien les dons de l'Esprit-Saint: "Il y aura une source ouverte à la maison de David et aux habitants de Jérusalem, pour laver le pécheur et la femme qui est dans ses mois." L'autre effet est exposé lorsqu'il dit: les fondements du globe ont été mis à nu, à savoir les saints Patriarches sur lesquels notre foi a été fondée, car ce qui a été dit ou accompli le fut en figure, mais révélé par les Apôtres.

- Quant à l'origine de ces effets, ce fut lorsque le Christ commença à menacer: "Faites pénitence, car le royaume des cieux approche." - "Si vous ne faites pas pénitence, vous périrez tous de la même manière."

au souffle du vent de ta colère, c'est-à-dire lorsqu'il souffla pour que tous nous soyons confus au regard de nos péchés.

17 Il a envoyé d'en haut, et il m'a pris, et il m'a retiré des grandes eaux.

III. Plus haut le psalmiste a traité de la puissance de celui qui libère; ici il expose successivement le bienfait de sa libération: et à cet égard il fait deux choses.

A) Il commence par rendre grâces pour sa libération à propos des choses passées.

B) Ensuite au sujet des choses futures qu'il espère: Et je serai sans tache avec lui.

A. Au sujet des choses passées il expose trois choses:

1) Il raconte d'abord de quoi il a été libéré.

2) Puis sa libération: et le Seigneur s'est fait mon protecteur.

3) Enfin la cause de sa libération: il m'a sauvé.

1. En disant de quoi il a été libéré, il fait mention de deux choses:

a) Il montre d'abord qu'il a été libéré de grandes tribulations.

b) Ensuite il explique comment ces tribulations sont grandes: 18 Il m'a arraché.

a. La Glose dit au sens littéral: Il a envoyé d'en haut, autrement dit: Dieu est puissant, parce qu'il réalise tous les événements prédits: ébranler, etc.

Il a tonné du ciel, détenant le pouvoir par excellence; et cela d'en haut, c'est-à-dire par son pouvoir, il m'a pris, en m'arrachant; et il m'a retiré, c'est-à-dire de nombreuses tribulations: "Nombreuses sont les tribulations des justes, mais le Seigneur les délivrera de toutes ces peines." - "Tu m'as libéré des mains de ceux qui recherchaient mon âme, et des portes des tribulations qui m'ont environné, de la suffocation du feu qui m'a entouré."

Au sens mystique, Dieu a envoyé son propre Fils d'en haut, c'est-à-dire du ciel: "Je suis descendu du ciel, non pour faire ma volonté, mais la volonté de celui qui m'a envoyé." C'est ce que le psalmiste demandait: "Envoie ta main d'en haut." Et il m'a libéré des grandes eaux. - "À l'extrémité du ciel est sa sortie; et le terme de sa course à l'autre extrémité." Ou bien il a envoyé l'Esprit-Saint: d'en haut il a envoyé un feu. et il m'a pris, infirme que je suis, pour me guérir.

et il m'a retiré des grandes eaux, à savoir du baptême, ou de la multitude des péchés. Ou bien: il a envoyé d'en haut, c'est-à-dire sa grâce aux hommes justes: "Tout don excellent et tout don parfait vient d'en haut et descend du Père des lumières, en qui il n'y a ni changement, ni ombre de vicissitudes." et il m'a pris, en vue du repentir: "Comme un pasteur fera paître son troupeau, et avec son bras il rassemblera les agneaux, et il les prendra dans son sein, il portera lui-même les brebis pleines." - "Moi, comme le père nourricier d'Ephraïm, je les porterai dans mes bras." Ou bien: des grandes eaux, c'est-à-dire des peuples, car les fidèles sont retirés de la multitude des nations.

18 Il m'a arraché à mes ennemis très puissants, et à ceux qui m'ont haï, parce qu'ils sont devenus plus forts que moi. 19 Ils m'ont prévenu au jour de mon affliction, et le Seigneur s'est fait mon protecteur. 20 Et il m'a mis au large; il m'a sauvé, parce qu'il m'a voulu. 21 Et le Seigneur me rétribuera selon ma justice, et il me rétribuera selon la pureté de mes mains. 22 Parce que j'ai gardé les voies du Seigneur, et que je n'ai pas agi avec impiété en m'éloignant de mon Dieu. 23 Puisque tous ses jugements sont devant moi, et que je n'ai point éloigné de moi ses justices.

b. Le psalmiste examine ici comment ses tribulations sont nombreuses.

- Et d'abord à partir de la condition de ses ennemis.

- Ensuite à partir de leur persécution: parce qu'ils sont devenus plus forts.

- La condition de ses ennemis est très nuisible, car ils sont puissants et haineux; c'est pourquoi il dit: Il m'a arraché à mes ennemis très puissants, et à ceux qui m'ont haï.

Au sens mystique, les ennemis puissants sont les péchés charnels: "Si tu accordes à ton âme la satisfaction de ses convoitises, elle fera de toi la risée de tes ennemis." - "Arrache-t-on au puissant sa proie ?" Les ennemis haineux sont les démons: "Les Égyptiens haïssaient les enfants d'Israël." - "Je briserai devant sa face ses ennemis."

- Ensuite est exposée la persécution. Quelqu'un peut être libéré de ses ennemis de deux manières. Ou bien parce qu'il ne consent pas à être vaincu, ou bien parce qu'il prend la fuite. Mais le psalmiste écarte de lui ces deux possibilités. D'abord parce que ceux qui étaient forts et très forts, c'est-à-dire en grand nombre, l'ont vaincu, et il n'a pu s'enfuir; et c'est ce qu'il dit: Ils m'ont prévenu, en barrant justement le chemin pour prendre la fuite: "Ceux qui nous poursuivaient ont été plus rapides que les aigles du ciel, ils nous ont pourchassés sur les montagnes"; et cela, au jour de l'affliction, car l'homme est alors plus faible quand il est affligé: "Tous ses persécuteurs l'ont saisi dans ses angoisses."

2. Il expose le secours de son libérateur dans une double intention. D'abord contre ses ennemis puissants, aussi dit-il: et le Seigneur s'est fait mon protecteur, pour qu'ils ne me nuisent pas: "Tu m'as protégé contre l'assemblée des méchants, et contre la multitude de ceux qui commettent l'iniquité." Puis contre ceux qui agissent de propos délibéré; d'où ce qui suit: il m'a mis au large, en me tirant de l'embarras dans lequel j'étais ne sachant que faire, et me montrant la voie a suivre. Ou bien: au large de la charité: "Ton commandement est étendu sans limite."

3. La cause de la libération est double, c'est-à-dire la grâce divine et le mérite humain. C'est pourquoi il dit: il m'a sauvé, parce qu'il m'a voulu. La cause la plus importante de sa libération, c'est sa propre volonté: "Lui qui fait toutes choses suivant le conseil de sa volonté." Mais ensuite le mérite humain y a aussi une certaine part: "La grâce n'a pas été stérile en moi." Et c'est pourquoi il ajoute: le Seigneur me rétribuera, etc. Il fait ici trois choses:

a) Il mentionne d'abord le mérite.

b) Ensuite il dit en quoi il consiste: Parce que j'ai gardé les voies du Seigneur.

c) Enfin il fait connaître la voie qui mène au mérite: Puisque tous ses jugements sont devant mes yeux.

a. Le mérite de l'homme consiste en deux choses, c'est-à-dire dans l'accomplissement du bien, et dans la fuite du mal: "Détourne-toi du mal et fais le bien." Aussi dit-il à propos de l'accomplissement du bien: le Seigneur me rétribuera selon ma justice, justice que lui-même a réalisée en moi: "Les âmes des justes sont dans la main de Dieu, et le tourment du malheur ne les atteindra pas." - "Pour celui qui sème la justice il y a une récompense assurée." Concernant la fuite du mal il dit: il me rétribuera selon la pureté de mes mains, c'est-à-dire selon mon innocence: "L'innocent sera sauvé, mais il sera sauvé à cause de la pureté de ses mains." - "Le Seigneur ne privera pas de biens ceux qui marchent dans l'innocence."

b. Mais cette justice consiste en l'observation des voies de Dieu: "J'ai couru dans la voie de tes commandements." Et c'est pourquoi il dit: Parce que j'ai gardé les voies du Seigneur. - "Mon pied a suivi ses traces; j'ai gardé sa voie, et je ne m'en suis pas détourne." - Et parce que je n'ai pas agi avec impiété, en m'éloignant de Dieu, car l'homme s'éloigne de Dieu par le péché, et il se souille: "Notre coeur ne s'est pas retiré en arrière."

c. Comment parvenir à cette disposition? Puisque tous ses jugements sont devant [mes yeux]. Il vaut mieux penser aux jugements divins pour accomplir le bien et éviter le mal: "Fuyez devant la face du glaive, parce qu'il y a un glaive vengeur des iniquités." Et j'ai gardé cela, car je n'ai point éloigné de moi ses justices, en péchant de propos délibéré: "Ils ont dit à Dieu: Retire-toi de nous", et en conséquence, "un déluge leur surviendra". Celui qui pèche par faiblesse ou par ignorance obtient facilement le pardon.

24 Et je serai sans tache avec lui, et je me tiendrai en garde contre mon iniquité. 25 Et le Seigneur me rétribuera selon ma justice et selon la pureté de mes mains devant ses yeux.

B. Plus haut, le psalmiste a rappelé le bienfait de sa libération concernant le passé; ici il le fait en relation avec le futur quant à l'espérance.

1) Et il commence par rappeler les bienfaits en général.

2) Puis en particulier, ceux qu'il a reçus et ceux qu'il espère: 31 Mon Dieu, sa voie est sans souillure.

3) Enfin il exalte la justice divine.

1. En rappelant les bienfaits en général il fait deux choses.

a) Il expose d'abord sa prière à Dieu.

b) Ensuite il fait valoir l'espérance de son exaucement: Parce que c'est toi, Seigneur, qui fais luire ma lampe.

a. Il attire l'attention sur trois choses:

- D'abord sur le dessein de persévérer dans l'innocence.

- Puis sur le mérite de la rétribution: il me rétribuera.

- Enfin il en assigne la raison: Avec le saint tu seras saint.

- Ainsi dit-il: Et je serai sans taché avec lui, c'est-à-dire j'adhérerai à Dieu, parce qu'il parle au nom de sa propre personne et au nom des autres, certains d'entre eux étant innocents; et c'est pourquoi il dit: Et je serai, c'est-à-dire je me tiendrai et je persévérerai dans l'innocence: "Bienheureux l'homme qui a été trouvé sans tache"; ou bien: je serai sans tache avec lui, c'est-à-dire j'adhérerai à Dieu: "Celui qui s'unit à Dieu est un seul esprit avec lui", me préservant de toute tache: "Jusqu'à ce que je défaille, je ne me désisterai pas de mon innocence." Certains sont des pénitents, et ce verset concerne ces derniers, pour qu'ils ne tombent pas de nouveau dans le péché (aussi dit-il: et je me tiendrai en garde contre mon iniquité), comme le chien qui "est retourné à son vomissement, et le pourceau lavé vautré dans la boue". - "Par deux choses a été contristé mon coeur, et par la troisième le courroux m'est venu: Un homme de guerre périssant par l'indigence, et un homme sensé méprisé, et celui qui passe de la justice au péché, Dieu l'a réservé pour l'épée à deux tranchants."

- Ensuite il expose l'espérance de la rétribution lorsqu'il dit: Et le Seigneur me rétribuera selon ma justice. Et il y a deux sortes de rétribution. L'une qui est accordée pour les biens accomplis, aussi dit-il: le Seigneur me rétribuera selon ma justice. Selon Anselme, "la justice est une rectitude de la volonté gardée pour elle-même". Ou bien il lui rend selon les oeuvres de l'homme: "Il rendra à chacun selon ses oeuvres." Il dit: je me tiendrai en garde, et il rétribuera, car si l'homme fut parfois juste et a accompli les oeuvres de la justice, il ne s'est pas tenu en garde contre ses péchés, ou bien il ne s'est pas maintenu dans les oeuvres de la justice, aussi encourt-il la mort et ne mérite-t-il pas de rétribution: "Toutes ses oeuvres de justice seront oubliées." L'autre rétribution est celle qui est accordée pour les bienfaits; c'est pourquoi il dit: il me rétribuera selon la pureté de mes mains devant ses yeux. Parfois les oeuvres accomplies ne se limitent extérieurement qu'aux mains, c'est-à-dire qu'il s'agit simplement d'oeuvres, et Dieu ne rétribue pas celles-ci; mais lorsqu'ils forment dans leur coeur des opérations droites, alors il les rétribue. Et tel est le sens de devant ses yeux, non point ces biens qui sont devant nous, mais devant Dieu: "L'oeil n'a pas vu, ô Dieu, toi excepté." Et que rétribuera-t-il? La joie ineffable et l'accroissement de la grâce qui résultent de l'observation des commandements de Dieu: "En les gardant, ton serviteur trouve une grande rétribution." et il rétribuera selon la pureté de mes mains, c'est-à-dire des oeuvres. Mais on dit d'une oeuvre qu'elle est impure en raison de la passion charnelle: "Vos mains sont pleines de sang." Également en raison de la vaine gloire: "Prenez garde à ne pas faire votre justice devant les hommes pour être vus d'eux; autrement vous n'aurez point de récompense." Selon Grégoire, "c'est une folie de [voir l'impie] s'adonner à de grandes tâches et n'aspirer qu'à la louange; alors qu'il pourrait acquérir le ciel, il recherche une parole vaine et éphémère".

26 Avec le saint, tu seras saint, et avec l'homme innocent, tu seras innocent. 27 Et avec l'élu, tu seras l'élu, et avec le pervers, tu seras pervers. 28 Parce que c'est toi qui sauveras un peuple humble, et qui humilieras les yeux des superbes.

- Ensuite le psalmiste expose la raison de la rétribution; et c'est pourquoi il continue: Avec le saint. À cet égard il fait deux choses:

· Il expose d'abord la raison de la rétribution.

· Puis il l'explique: Parce que c'est toi qui sauveras un peuple humble.

· Les deux premiers versets peuvent être interprétés de deux manières. Soit en tant que le psalmiste s'adresse à Dieu, et c'est le sens littéral, autrement dit: Toi, Seigneur, Avec le saint, tu seras saint. Et ainsi il dit deux choses: que Dieu est le rémunérateur et l'approbateur des bons; puis comment il est le réprobateur des méchants; d'où ce qui suit: et avec l'homme innocent, tu seras innocent [...], et avec le pervers, tu seras pervers. Mais il faut attirer l'attention sur le fait qu'il donne précisément le nom de saint, d'innocent, et d'élu. Or le mot élu peut s'entendre de deux manières. Ou bien du côté de Dieu; et c'est un vocable commun à tous les saints: "Dieu nous a élus en lui avant la fondation du monde, afin que nous fussions saints et sans tache en sa présence dans la charité." Ou bien on appelle élu celui qui a l'excellence de l'innocence et de la sainteté: "Mon bien-aimé est blanc et vermeil, élu entre mille."

Si le mot élu est pris selon la première manière, alors en second lieu il expose ce qui nous concerne, et en troisième lieu ce qui concerne Dieu. Si on l'entend selon la seconde manière, il propose deux choses qui nous concernent.

Il y a d'abord l'accomplissement du bien qui se fait en raison de Dieu; et c'est à proprement parler le fondement de la sainteté, car toutes les choses qui sont ordonnées à Dieu sont appelées saintes; et c'est ce qu'il dit: Seigneur, tu seras saint avec le saint, en étant la cause de la sainteté en lui: "Moi je suis le Seigneur, qui vous sanctifie." Ou bien ainsi: tu seras saint effectivement, c'est-à-dire en montrant que tu aimes et approuves la sainteté; or Dieu ne le montre que par ses oeuvres, car nous ne voyons pas sa substance. Le saint ne se comporte pas autrement avec le saint, Si ce n'est en montrant la sainteté; car actuellement il ne nous est pas visible, pour qu'on puisse dire que ses mouvements extérieurs sont conformes à la sainteté. Ainsi en est-il de l'homme qui se conforme de différentes manières aux diverses circonstances, surtout à l'égard de ses amis; car tout animal aime son semblable, et celui qui aime récompense. D'où en montrant que tu es saint, quand récompenseras-tu, dit-il, les oeuvres de la sainteté? et avec l'homme innocent, tu seras innocent, effectivement et en récompensant. Et avec l'élu, celui que tu aimes, tu seras l'élu, parce que tu feras en sorte que lui-même te choisisse: "Ce n'est pas vous qui m'avez choisi, mais c'est moi qui vous ai choisis" dès le commencement. - "Il a aimé tes pères, il a choisi leur postérité après eux." Et encore: "Tu as choisi aujourd'hui le Seigneur, afin qu'il soit ton Dieu, afin que tu marches dans ses voies et que tu gardes ses cérémonies, ses commandements et ses ordonnances, et que tu obéisses à son ordre. Et le Seigneur t'a choisi aujourd'hui, afin que tu sois son peuple particulier, comme il l'a dit, et que tu gardes tous ses préceptes, et qu'il t'élève au-dessus de toutes les nations qu'il a créées pour sa louange, son nom et sa gloire: afin que tu sois le peuple saint du Seigneur ton Dieu, comme il a dit." Ou bien: élu, c'est-à-dire séparé de manière éminente. et avec le pervers, tu seras pervers, c'est-à-dire tu permettras qu'il soit pervers. Ou bien, sont pervers ceux qui ne suivent pas ceux qu'ils doivent suivre. Donc celui qui ne suit pas la volonté de Dieu semble pervers. Par conséquent, toi, tu agis contre la volonté de Dieu, et Dieu contre ta volonté, autrement dit: toi, tu veux obtenir la béatitude et Dieu te donnera le malheur: "Si vous marchez en opposition avec moi, et que vous ne vouliez pas m'écouter, j'augmenterai vos plaies d'un septuple à cause de vos péchés; [...): moi aussi, je marcherai contre vous, et je vous frapperai sept fois à cause de vos péchés." Et c'est pourquoi il dit: avec le pervers, tu seras pervers, c'est-à-dire agissant contre la volonté des pervers.

Le mot élu peut s'entendre d'une autre manière, c'est-à-dire en le rapportant à un homme; et ainsi on lira: Ô homme, tu seras saint avec l'homme saint, ou tu seras saint avec le Christ, car tu n'apprendras rien de Dieu Si ce n'est la sainteté: "Avec un homme irréligieux, traite de choses saintes", et: avec l'homme innocent, tu seras innocent, car les moeurs se forment d'après les relations: "Les mauvais entretiens corrompent les bonnes moeurs." et avec le pervers tu seras pervers. - "Qui touche à la poix se souille, et qui se lie avec l'orgueilleux lui devient semblable."

· Ensuite le psalmiste explique ce qui a été dit selon la première interprétation. Pourquoi, Seigneur, seras-tu saint avec le saint? Parce que c'est toi qui sauveras un peuple humble, c'est-à-dire dans le fait que tu sauveras l'homme, tu montreras que toi tu es saint avec le saint: "Il donne sa grâce aux humbles." - "Laissez les petits enfants venir à moi, et ne les empêchez point; car à de tels appartient le royaume des cieux." - "Il est élevé au-dessus de toutes les nations, le Seigneur, et au-dessus des cieux est sa gloire. Qui est comme le Seigneur notre Dieu, qui habite dans les lieux les plus élevés, et regarde les choses humbles dans le ciel et sur la terre ?" Pourquoi seras-tu pervers avec le pervers ? Parce que tu humilieras les yeux des superbes. - "Quiconque s'exalte sera humilié." - "Les yeux altiers de l'homme du peuple ont été humiliés, et la fierté des hommes de condition sera abaissée." Et il dit: les yeux, car l'orgueil consiste en ce que l'homme élève son regard vers des choses qui dépassent sa mesure: "Son orgueil et son arrogance, et sa fureur, sont plus grands que sa puissance." Et c'est pourquoi le psalmiste confesse: "Seigneur, mon coeur ne s'est pas exalté, et mes yeux ne se sont pas élevés."

29 Parce que c'est toi, Seigneur, qui fais luire ma lampe; mon Dieu, illumine mes ténèbres.

b. Le psalmiste se tourne ici vers la prière, autrement dit: ainsi tu es juste, Parce que c'est toi qui fait luire ma lampe. Et il fait deux choses:

- Il expose d'abord son action de grâces pour le bienfait reçu.

- Puis il formule une demande fondée sur ce bienfait reçu: mon Dieu, illumine mes ténèbres.

- Ainsi dit-il: c'est toi qui fais luire ma lampe. Tout ce verset peut être expliqué de deux manières au sens littéral:

· Selon que par le mot lampe on entend la prospérité, et que par le mot ténèbres on comprend l'adversité. Par exemple, lorsqu'un homme est joyeux, toutes choses lui semblent claires, quand il est triste, toutes choses lui paraissent obscures. Tel est donc ce qu'il dit: Parce que c'est toi, Seigneur, qui fais luire ma lampe, car toi tu m'as donné la prospérité et tu la donnes continuellement: illumine mes ténèbres, c'est-à-dire: si quelque sentiment d'adversité demeurait en moi, chasse-le et éloigne-le de moi.

· Ou bien, on peut interpréter ce verset au sens moral, selon que par le mot lampe on entend l'esprit ou l'âme de l'homme: "Le souffle de l'homme est une lampe du Seigneur." Donc l'esprit de l'homme est comme une lampe de Dieu allumée par la lumière divine: "La lumière de ton visage a été gravée sur nous, Seigneur." Aussi longtemps que nous sommes sans péché, notre lampe est allumée, c'est-à-dire que notre âme resplendit de la lumière de la grâce, mais lorsqu'il subsiste quelque chose de la ténèbre de la chair corruptible, notre lampe s'éteint: "Ainsi donc moi-même, par l'esprit, je suis l'esclave de la loi de Dieu, et par la chair l'esclave de la loi du péché." Et c'est ce qu'il dit: Parce que c'est toi qui fais luire ma lampe, c'est-à-dire parce que mon âme est éclairée par la lumière de la grâce.

- illumine mes ténèbres, c'est-à-dire écarte de moi les fautes et les corruptions, à cause desquelles l'homme tombe dans les ténèbres.

Ou bien ce verset peut être lu au sens allégorique, selon que ces paroles sont dites comme si elles venaient de la personne du Christ, ou de n'importe quel juste. Dans l'Église il y a beaucoup de lampes ardentes, comme les fidèles et les saints: "Soyez sans reproche au milieu d'une nation dépravée et perverse, parmi laquelle vous brillez comme des astres dans le monde, gardant la parole de vie pour ma gloire au jour du Christ, parce que ce n'est pas en vain que j'ai couru, ni en vain que j'ai travaillé." De même il y a beaucoup de gens obscurs, comme les infidèles et les pécheurs: "Autrefois vous étiez ténèbres, mais maintenant vous êtes lumière dans le Seigneur." Donc, l'homme priant pour l'Église ou l'Église priant pour lui, dit: Parce que c'est toi qui fais luire ma lampe, c'est-à-dire les fidèles qui luisent, et: illumine les ténèbres, c'est-à-dire les pécheurs.

30 Parce qu'avec toi je serai délivré de la tentation, et avec mon Dieu je franchirai le mur.

Il expose l'espérance de l'exaucement lorsqu'il dit: Parce que. Le psalmiste fait ici deux choses.

- Il traite d'abord de la libération du mal.

- Puis de la victoire sur le mal.

- Ainsi dit-il: je prie parce que j'espère, avec toi, c'est-à-dire avec ta puissance. je serai délivré de la tentation, c'est-à-dire de n'importe quelle tribulation ou de toute attaque: "Dieu est fidèle, et il ne souffrira pas que vous soyez tentés au-delà de ce que vous pouvez."

- et avec mon Dieu je franchirai le mur, c'est-à-dire j'obtiendrai la victoire sur le péché par la puissance de Dieu. Car l'ennemi remporte la victoire sur une cité, lorsqu'il en franchit la muraille. Ce mur, c'est n'importe quelle difficulté qui nous fait obstacle à bien oeuvrer, ou bien les péchés qui nous provoquent à faire le mal. Une version de Jérôme lit: "Frangam murum (Je briserai le mur)", car nous ne pouvons être en ce monde sans commettre le péché: "Si nous disons que nous n'avons pas de péché, nous nous trompons nous-mêmes, et la vérité n'est pas en nous." Mais nous passons outre, car nous nous élevons au-dessus de tout cela, lorsque nous ne consentons pas à ses convoitises.

31 Mon Dieu, sa voie est sans souillure; les paroles du Seigneur sont éprouvées par le feu; il est le protecteur de tous ceux qui espèrent en lui. 32 Car qui est Dieu, excepté le Seigneur? Ou qui est Dieu, excepté notre Dieu ?

2. Le psalmiste poursuit en disant: Dieu. Plus haut il a fait mémoire de manière générale des bienfaits qu'il attend de Dieu dans le futur, car il disait: [avec] toi je serai délivré de la tentation; ici il les décrit en particulier. Et il faut considérer qu'il parle à la manière de celui qui souffre l'adversité et qui a des adversaires, dont il espère remporter la victoire. Victoire dans laquelle il y a une triple gradation.

a) D'abord, en tant qu'il poursuit ses adversaires en fuite, et qu'il les abat comme des captifs.

b) Puis, en tant qu'il règne sur eux: 40 tu m'as ceint.

c) Enfin, en tant qu'il est exalté: 44 Tu me délivreras.

a. Concernant la poursuite de ses adversaires, il fait trois choses.

- Il commence par louer son secours, c'est-à-dire Dieu.

- Ensuite il montre comment certaines choses lui ont déjà été données par Dieu, grâce auxquelles il est apte à les poursuivre: 33 Le Dieu qui m'a ceint.

- En traitant de la louange du secours divin, le psalmiste commence par louer Dieu;

· puis il montre la vraisemblance de sa louange: Car qui est Dieu, etc. ?

· enfin il traite de leur poursuite: 38 Je poursuivrai.

· Ainsi loue-t-il Dieu pour trois raisons: parce qu'il est juste en action, vrai en parole, et miséricordieux dans son secours.

Il dit: je serai délivré de la tentation, tandis que je considère la pureté de la justice divine, car Mon Dieu, sa voie est sans souillure. Et encore, tandis que je considère sa disposition, car il n'y a rien d'injuste en lui: "Est-ce ma voie qui n'est pas juste, et ne sont-ce pas plutôt vos voies qui sont corrompues ?" Ou bien la voie de Dieu, par laquelle Dieu va vers l'âme, est sans souillure. Et c'est la charité: "Je vais vous montrer une voie plus excellente encore", c'est-à-dire afin que vous soyez en sécurité. Cette voie est sans souillure, parce que la charité n'agit pas mal à propos, c'est-à-dire faussement. Ou bien la voie de Dieu, c'est le Christ lui-même, qui n'a pas commis de péché: "Elle sera appelée la voie sainte, et l'impur n'y passera pas; et ce sera pour vous une voie droite, en sorte que l'ignorant ne s'y égarera pas." Ou bien la voie du Christ est la Vierge bienheureuse: "La mer fut ton chemin." Celle-ci est sans souillure: "Tu es toute belle, mon amie, et il n'y a pas de tache en toi" - "Élargis l'espace de ta tente".

Il dit: les paroles du Seigneur. Et il s'exprime en les comparant à l'or ou à l'argent qui, pour être pur, est éprouvé au feu. Aussi, de même que l'or purifié par le feu ne contient rien d'impur, ainsi les paroles du Seigneur sont-elles pures: "Tous mes discours sont justes, et il n'y a rien en eux de dépravé ni de pervers." éprouvées par le feu. - "Les paroles du Seigneur sont des paroles pures, comme l'argent éprouvé par le feu, s'épurant à la terre, purifié sept fois." Et elles sont dites éprouvées par le feu, c'est-à-dire par le feu de l'Esprit-Saint: "Est-ce que l'oreille ne discerne pas les paroles, et le palais de celui qui mange, la saveur des aliments ?" Nul ne peut éprouver des paroles à moins qu'il n'ait le feu de l'Esprit-Saint: "L'homme naturel ne perçoit pas ce qui est de l'Esprit de Dieu." Aussi est-ce parce qu'il est véridique, qu'il accomplira ce qu'il a promis. Et c'est pour cette raison qu'il dit: il est le protecteur de tous ceux qui espèrent en lui.. - "Nul n'a espéré dans le Seigneur, et n'a été confondu."

· Puis il montre la vraisemblance de sa louange: car le fait qu'il soit juste, vrai, et miséricordieux, ce sont là des propriétés. Donc si ces propriétés conviennent à mon Dieu, tu ne chercheras pas d'autre Dieu. Mais il n'est aucun autre Dieu en dehors de lui. Et c'est pourquoi le psalmiste dit: qui est Dieu, excepté le Seigneur? Autrement dit: aucun: "Moi je suis le Seigneur, c'est là mon nom." - "Écoute Israël: Le Seigneur notre Dieu est l'unique Seigneur." En cela les Juifs différaient des autres nations. Car les autres nations rendaient un culte aux éléments du monde, ou aux hommes ou aux anges, et ces derniers étaient appelés leurs créateurs; mais les Juifs honoraient le Dieu véritable comme leur Créateur. Le psalmiste affirme donc que celui-là même est le Dieu de toute la création. Ensuite, que ce dernier était spécialement honoré par les Juifs.

Ainsi dit-il en parlant du Dieu créateur: qui est Dieu, excepté le Seigneur, c'est-à-dire l'artisan de toute la création? - "Que toute ta création te serve." - ou qui est Dieu, excepté notre Dieu? Lui uniquement. - "Nul n'est saint comme le Seigneur, car il n'y a pas d'autre Dieu que toi, et il n'est pas de fort comme notre Dieu." - "Dieu s'est fait connaître en Juda." On dit de celui-ci qu'il est notre Dieu spécialement en raison de sa bonté, et de son culte, de l'unité de sa nature, de son acte d'assumer la chair, et de sa rédemption. En cela sont confondus les manichéens; parce que celui-ci est le Dieu et le Seigneur des réalités visibles, et que le Dieu de l'Ancien Testament est le Dieu véritable, car il n'est aucun Dieu en dehors de lui.

33 Le Dieu qui m'a ceint de la forcé, et qui a rendu ma voie sans tache.

- Le psalmiste montre ici comment il reçoit de Dieu l'aptitude à vaincre, car Dieu donne parfois à quelqu'un la force pour agir selon le bien; cependant cela ne suffit pas Si Dieu ne le protège pas extérieurement.

·· Il montre donc d'abord comment Dieu donne la force intérieurement.

·· Puis comment il aide extérieurement: 36 Tu m'as donné la protection.

·· Trois choses sont nécessaires à l'homme pour vaincre: qu'il soit fort: "La force et la beauté sont son vêtement." - "L'homme fort armé garde l'entrée de sa maison." Qu'il soit agile et formé à la guerre; et le psalmiste dit qu'il possède ces trois qualités. Il mentionne la deuxième en disant: Qui a disposé mes pieds. La troisième en disant: "Qui enseigne mes mains au combat.

Au sujet de la première qualité il fait deux choses:

Il confesse d'abord que la force lui a été donnée par Dieu.

Puis l'usage du don de force.

Ainsi dit-il: Le Dieu qui m'a ceint de la force, etc. Les soldats sont ceints d'armes et d'une épée, afin d'être équipés et prêts pour le combat: "Judas Macchabée revêtit la cuirasse comme un géant, et il se ceignit de ses armes guerrières dans les combats." Telle est cette force, c'est-à-dire la puissance qui m'a été donnée par Dieu, non seulement dans les luttes corporelles, mais aussi dans les luttes spirituelles, que je ne puis remporter sans la puissance de Dieu. Et c'est pourquoi il dit: Le Dieu qui m'a ceint de la force. - "Fortifiez-vous dans le Seigneur et dans la puissance de sa vertu." - "Il donne de la force à celui qui est fatigué et redouble la vigueur de celui qui est défaillant." Ou bien: il m'a ceint à la manière de celui qui court sans être empêché par le flottement des vêtements. Ainsi la force de Dieu maintient-elle la passion pour qu'elle ne verse pas dans les choses terrestres.

Et d'où ce qui suit: et qui a rendu ma voie sans tache. "Béni soit Dieu qui a gardé son serviteur du mal." - "Bienheureux ceux qui sont sans tache dans leur voie." Ou bien cette voie est la voie de la charité qui n'agit pas mal à propos, comme on l'a dit plus haut.

34 Qui a disposé mes pieds comme ceux des cerfs, et m'a établi sur des lieux élevés; 35 qui a instruit mes mains au combat; et tu as rendu mes bras comme un arc d'airain.

Ici est exposée l'agilité qui est nécessaire pour le combat. On raconte au premier livre des Rois que Saül était sorti à la recherche de David sur des rochers très abrupts, qui ne sont accessibles qu'aux cervidés, autrement dit: Dieu m'a donné une telle agilité que je circulais à travers les montagnes comme un cerf. Et il m'a établi sur des lieux élevés. Sur les versants des montagnes les pieds de l'homme n'adhèrent pas, mais Dieu lui a donné une grâce telle qu'il ne glisse pas sur eux. Au sens mystique on lit ce verset de la manière suivante: de même que le cerf traverse les buissons épineux et les forêts sans se blesser, ainsi le désir spirituel passe à travers les convoitises du monde sans être blessé et infecté par le mal: "Nephtali est un cerf en liberté, qui donne des paroles pleines de beauté." - "Alors le boiteux bondira comme le cerf." et m'a établi sur des lieux élevés, c'est-à-dire a fixé mon esprit sur les réalités célestes: "Vainqueur il me conduira sur mes hauteurs."

Ensuite est exposé l'enseignement militaire; c'est pourquoi il dit: qui [enseigne] mes mains au combat. L'enseignement militaire s'acquiert par la science et sa perfection par la pratique.

Il recherche donc d'abord la science ou l'enseignement, parce que cet enseignement est nécessaire aux soldats: "C'est avec réflexion que s'entreprend une guerre." Mais ce dernier, instruit par Dieu, dit au sujet de la seconde qualité: tu as rendu mes bras comme un arc d'airain, c'est-à-dire tu as fait que mes bras deviennent comme infatigables au combat. Ou bien: Qui enseigne, etc., c'est-à-dire contre les vices et les démons; il nous enseigne à vaincre les ennemis qui s'efforcent de nous fermer les portes du ciel. Puis en changeant de personne il dit: tu as rendu, etc. Une autre version lit: "Gonfregisti arcum aereum (Tu as brisé l'arc d'airain)", c'est-à-dire mon bras: "Béni le Seigneur mon Dieu, qui instruit mes mains au combat." Remarquez que l'excellence de l'agilité et de la force se trouve chez les lions, qui à cause d'un excès de sécheresse n'ont pas de moelle dans les os; et cela tient à une grande disproportion du mélange des éléments, et c'est pourquoi ils vivent peu de temps; mais ceci ne convient pas à l'homme en raison de ses oeuvres, aussi sont-elles appelées de cette façon à cause d'un don spécial prodigué à David, comme le dit l'Ecclésiastique: "Il joua avec les lions comme avec des agneaux; et de même, avec les ours comme avec de jeunes agneaux." Et de même au sens mystique, l'enseignement du combat lui a été donné en vertu d'une grâce de la part de Dieu. Il nous faut être instruits pour le combat spirituel: "Nombreux sont les pièges du trompeur" que nous ne pouvons éviter à moins que nous n'ayons et l'enseignement et le secours divin: "La gloire de ses naseaux", c'est-à-dire du démon, "est la terreur. Il creuse de son sabot la terre, il s'élance avec audace; il court au-devant des hommes armés; il méprise la peur, il ne cède pas au glaive". - "Bien qu'en nous l'homme extérieur se détruise, cependant l'homme intérieur se renouvelle de jour en jour."

36 Et tu m'as donné la protection de ton salut, et ta droite m'a pris; et ta discipline m'a corrigé jusqu'à la fin, et ta discipline elle-même m'instruira. 37 Tu as élargi mes pas sous moi, et mes pieds n'ont pas été affaiblis.

·· Ici le psalmiste montre comment ses propres dons précités sont conservés par Dieu extérieurement; c'est pourquoi il dit: Il m'a ceint de force, et cependant il m'a protégé. Et tu m'as donné la protection de ton salut, c'est-à-dire tu m'as protégé en vue du salut, car les dons précités ne suffisent pas sans l'assistance de la protection divine: "Tu m'as protégé, ô Dieu, contre l'assemblée des méchants". et ta droite m'a pris, c'est-à-dire la faveur de ta grâce m'a fortifié dans la guerre. À propos de cette guerre il est écrit: "La main du Seigneur était avec moi me fortifiant." Ou bien: ta droite, c'est-à-dire ton fils, m'a pris, c'est-à-dire ma nature. Ou bien: moi qui suis faible pour me soigner. Et ta discipline m'a corrigé jusqu'à la fin, c'est-à-dire finalement et parfaitement: "Le Seigneur châtie celui qu'il aime, et il se complaît en lui comme un père en son fils"; c'est pourquoi il dit: ta discipline m'a corrigé jusqu'à la fin.

En parlant du deuxième don il dit: ta discipline elle-même m'instruira. Il arrive parfois à une personne d'hésiter, parfois de s'égarer. Mais celui-là, c'est-à-dire Dieu, corrige les erreurs; aussi ta discipline m'a corrigé jusqu'à la fin, comme on l'a dit plus haut. Dieu redresse également les choses douteuses: et ta discipline elle-même m'instruira. - "Enseigne-moi la bonté, et la discipline, et la science."

En parlant du troisième don, il dit: Tu as élargi mes pas sous moi, comme si tu donnais l'agilité, et avec celle-ci tu protèges ceux qui ont les pas élargis quand ils sont resserrés.

Ou bien au sens spirituel, lorsque le coeur est prompt à accomplir le bien par la charité: "J'ai couru dans la voie de tes commandements, lorsque tu as dilaté mon coeur." et mes pieds n'ont pas été affaiblis, parce qu'ils n'ont pas chancelé. Ou bien: les pieds, c'est-à-dire les traces des pieds qui sont laissées sur le chemin.

38 Je poursuivrai mes ennemis, et je les atteindrai, et je ne reviendrai point jusqu'à ce qu'ils soient défaits.

· Plus haut le psalmiste a exposé son aptitude à vaincre; mais ici il traite de la victoire, en disant comment il a poursuivi ceux qui prennent la fuite; et à cet égard il fait deux choses:

Il expose d'abord sa manière de poursuivre ses ennemis.

Ensuite il montre leur impuissance à résister: Je les briserai, ils ne pourront se soutenir.

En parlant de sa manière de poursuivre, il montre trois choses:

D'abord que sa poursuite est juste.

Puis qu'elle est efficace.

Enfin qu'elle est persévérante.

Juste, quand il dit: Je poursuivrai mes ennemis, non mes amis, mais mes ennemis: "Judas poursuivit les ennemis, les cherchant de toutes parts; ceux qui troublaient son peuple, il les livra aux flammes."

Cependant il ne semble pas qu'il soit permis à des hommes bons de persécuter quiconque: "Comme alors celui qui était ne selon la chair persécutait celui qui l'était selon l'esprit, de même encore aujourd'hui." Donc livrer persécution relève des réalités corporelles, souffrir persécution relève des réalités spirituelles.

Mais on répondra à cette objection en disant que la disposition du persécuteur se distingue de la manière de persécuter. Car certains persécutent par amour et par zèle: "Le zèle de ta maison m'a dévoré"; et ils agissent de la sorte afin de conduire au bien ou au salut, ou bien afin d'empêcher le mal: "Celui qui en secret disait du mal de son prochain, je le poursuivais"; et c'est ainsi que les bons persécutent les méchants ou les pécheurs. D'autres persécutent par haine, en suscitant le mal et en empêchant le bien; et c'est ainsi que les méchants ou les hommes charnels persécutent les justes: "Poursuivez-le, saisissez-le, parce qu'il n'est personne qui le délivre." Ou bien: Je poursuivrai mes ennemis, c'est-à-dire les passions charnelles. je les atteindrai, c'est-à-dire ceux-là ne m'atteindront pas, selon la Glose.

Et il montre comment elle est efficace pour poursuivre ses ennemis; c'est pourquoi il dit: et je les atteindrai. Elle se révèle efficace quand il parvient finalement à s'emparer d'eux: "Monterai-je contre les Philistins, et les mettras-tu en ma main? Et le Seigneur dit à David: Monte, parce que les livrant, je mettrai les Philistins en ta main." Et plus haut: "Il allait, avançant croissant; et le Seigneur Dieu des armées était avec lui."

Il montre aussi comment elle est persévérante, car il dit: je ne reviendrai point, c'est-à-dire de la persécution des hommes iniques, jusqu'à ce qu'ils soient défaits, c'est-à-dire jusqu'à ce qu'ils soient anéantis: "La flèche de Jonathan n'est jamais retournée en arrière."

Au sens moral, nos ennemis ce sont les mouvements de la convoitise qui sont en nous, et qui soulèvent des luttes continuelles: "Je vois dans mes membres une autre loi qui combat la loi de mon esprit, et me captive sous la loi du péché, laquelle est dans mes membres." Nous devons poursuivre, atteindre et enchaîner, dominer et réfréner ces mouvements de la convoitise. et je ne reviendrai [pas], c'est-à-dire je ne cesserai pas de les poursuivre, jusqu'à ce qu'ils soient défaits, par la révolte: "David battit les Philistins et les humilia." Mais ces luttes ne cessent pas en cette vie, car bien qu'elles soient toujours en état de répression, elles ne sont cependant jamais totalement supprimées: "Je tirerai mon glaive, ma main les tuera."

Au sens allégorique, cela s'applique au Christ qui poursuit nos ennemis juifs, ainsi que d'autres pécheurs, en les punissant corporellement et spirituellement.

39 Je les briserai, et ils ne pourront se soutenir; ils tomberont sous mes pieds.

Le psalmiste empêche ici leur pouvoir de résister, autrement dit: qu'ils ne me résistent pas, parce que Je les briserai, c'est-à-dire j'affaiblirai leurs forces de telle sorte qu'ils ne pourront se soutenir. - "Ils sont tombés tous ceux qui pratiquent l'iniquité, ils ont été chassés et n'ont pu se soutenir." - "Leur bras élevé sera brisé", c'est-à-dire ils ne subsisteront pas contre moi, ou ils ne pourront résister: "Vous poursuivrez vos ennemis, et ils tomberont devant vous." Et cela, parce qu'ils viendront sous mon pouvoir; et c'est ce qu'il dit: ils tomberont sous mes pieds. Quant à nous, nous devons aussi faire cela à l'égard des mauvais mouvements et des péchés, ou des démons: "Vous foulerez aux pieds les impies, lorsqu'ils seront de la cendre sous la plante de vos pieds." - "Voici que je vous ai donné le pouvoir de fouler aux pieds les serpents et les scorpions, et toute la puissance de l'ennemi; et rien ne vous nuira." - "Son désir se tournera vers toi, et tu la domineras."

40 Et tu m'as ceint de force pour la guerre; et ceux qui s'insurgeaient contre moi, tu les as renversés sous moi. 41 Et tu m'as livré mes ennemis par-derrière; et ceux qui me haïssaient tu les as exterminés. 42 ils ont crié, et il n'y avait personne qui les sauvât; [ils ont crié] vers le Seigneur, et il ne les a pas exaucés.

b. Et tout cela est dû au fait qu'il dit: Et tu m'as ceint de force. Il traite ici de leur total délaissement. Et il rappelle deux choses:

- D'abord le bienfait divin.

- Puis l'extermination totale des ennemis: Et je les broierai.

- Et puisque les faits qu'il a rapportés concernent sa propre gloire, c'est pourquoi il les attribue à Dieu.

· Et il commence par exclure le fait que ce soit sa propre force.

· Ensuite il montre le renversement des ennemis: tu les as renversés.

· Enfin leur privation de secours: ils ont crié.

· Ainsi dit-il: Ô Seigneur, toi tu as fait cela pour moi: Et tu m'as ceint de force pour la guerre, c'est-à-dire toute la force que j'ai pour la guerre, elle vient de toi et non de moi: "C'est lui qui donne la force à l'homme fatigué, et pour ceux qui ne le sont pas, il augmente la vigueur et l'énergie."

· et ceux qui s'insurgeaient contre moi, tu les as renversés sous moi. Il expose le renversement des ennemis à propos duquel il a indiqué trois choses: leur fuite: tu m'as livré mes ennemis par-derrière; leur écrasement: Je les briserai; et leur chute, car ils tomberont; et le psalmiste attribue cela à Dieu, mais non suivant cet ordre.

Il commence par exposer la chute de ses ennemis, autrement dit: mes ennemis tomberont sous moi. - "Les enfants se fatigueront et s'épuiseront, et les jeunes gens tomberont par l'affaiblissement"; mais toi tu as fait cela: et ceux qui s'insurgeaient contre moi, tu les as renversés sous moi, c'est-à-dire tu leur as ôté la force pour qu'ils ne puissent pas me résister: "Cinq des vôtres poursuivront cent étrangers."

Ensuite il expose la fuite de ses ennemis: Et tu m'as livré mes ennemis par-derrière. - "Voici ce que dit le Seigneur à mon christ, Cyrus, que j'ai pris par la droite, afin d'assujettir devant sa face les nations, et de mettre en fuite les rois."

Enfin il traite de leur écrasement: et ceux qui me haïssaient tu les as exterminés, parmi les nations qui ne t'ont pas connu.

· Ils ont crié. Il montre ici qu'ils sont tout à fait désolés; aussi dit-il: ils ont crié, et il n'y avait personne qui les sauvât, car ils n'avaient ni le secours des hommes, ni même celui des dieux qu'ils appelaient eux-mêmes les créateurs des choses: "Où sont tes dieux que tu t'es faits? Qu'ils se lèvent, et qu'ils te délivrent au jour de ton affliction"; d'où ce qui suit: [ils ont crié] vers le Seigneur, et il ne les a pas exaucés. - "Lorsque vous multiplierez la prière, je n'exaucerai pas."

Cependant il est écrit: "Avant qu'ils crient, moi je les exaucerai." Et aussi: "Il criera vers moi, et je l'exaucerai."

On répondra à cette objection en disant que lorsque quelqu'un crie, ou prie, avec une intention droite, alors il est exaucé; et Dieu approuve et exauce sa prière: "Si quelqu'un honore Dieu", c'est-à-dire avec une intention droite, "c'est celui-là qu'il exauce"; mais lorsqu'il crie vers Dieu avec une prière simulée et mensongère, il ne l'exauce pas: "Vous demandez et ne recevez point, parce que vous demandez mal", c'est-à-dire avec une intention mauvaise, ou une requête injuste: "Alors ils m'invoqueront, et je ne les exaucerai pas; dès le matin ils se lèveront et ils ne me trouveront pas."

43 Et je les broierai comme de la poussière à la face du vent; et je les ferai disparaître comme la boue des rues.

- Ensuite le psalmiste montre leur destruction totale; aussi dit-il: Et je les broierai. Lorsque la poussière est emportée, il n'en reste aucune trace, car le vent la disperse; ainsi lorsque les méchants sont détruits, ils ne demeurent en aucune manière. Et c'est pourquoi il dit: Et je les broierai comme de la poussière à la face du vent. - "Les impies sont comme la poussière qu'emporte le vent de la face de la terre", c'est-à-dire qu'ils sont dispersés: "Leur mémoire a péri avec bruit: et le Seigneur demeure éternellement." Mais parce que certains sont parfois détruits de manière honorable, il montre que les méchants ou les pécheurs sont anéantis dans le mépris et de manière déshonorante; aussi dit-il: je les ferai disparaître comme la boue des rues. - "Si son orgueil s'élève jusqu'au ciel", c'est-à-dire celui du pécheur, "et que sa tête touche les nues, il périra à la fin comme le fumier". - "Qu'ils soient effacés du livre des vivants." - "Il sera emporté comme la poussière des montagnes à la face du vent" (c'est-à-dire le pécheur), "et comme un tourbillon devant la tempête". - "Vos têtes seront réduites en boue."

44 Tu me délivreras des contradictions du peuple, tu m'établiras à la tête des nations. 45 Un peuple que je ne connaissais pas m'a servi; dès que son oreille m'a entendu, il m'a obéi.

c. Plus haut le psalmiste a rappelé la persécution des ennemis et leur totale destruction; mais ici il rappelle son exaltation, puisqu'il s'est fait roi. À cet égard il expose deux choses:

- D'abord son exaltation.

- Puis son action de grâce: 47 Le Seigneur vit !

- À propos de son exaltation: précise d'abord qu'elle se fait au-dessus des Juifs.

· Puis il expose la soumission des nations: Un peuple que je ne connaissais pas m'a servi, etc.

· Enfin l'effronterie des Juifs: 46 Des fils étrangers.

· Au sens spirituel, cela convient davantage au Christ qu'à David. Et c'est pourquoi il montre deux choses à ce sujet:

D'abord comment il est délivré de la contradiction des Juifs.

Puis comment le pouvoir lui est donné contre les nations.

Ainsi dit-il: non seulement tu as exterminé ceux qui me haïssaient, mais Tu me délivreras des contradictions du peuple. Si on comprend cela en l'appliquant à David, les Juifs s'opposèrent beaucoup à lui: "Nous n'avons point de part avec David, ni d'héritage avec le fils d'Isaïe: Retourne en tes tentes, ô Israël." Et de même ils s'opposèrent au Christ, comme on le voit manifestement dans l'Évangile: "Pensez à celui qui a supporté une telle contradiction de la part des pécheurs soulevés contre lui, afin que vous ne vous lassiez point, et que vous ne soyez défaillants en vos âmes." Et David fut délivré de cette contradiction tout comme le Christ.

tu m'établiras à la tête des nations, autrement dit: les Juifs ne veulent pas que moi je domine sur eux; mais toi tu m'as constitué Seigneur et des Juifs et des nations. Et cela convient surtout au Christ, comme on le dit dans l'épître aux Éphésiens: "Il l'a établi chef sur toute l'Église, qui est son corps."

· Ensuite est exposée la soumission sans réserve des nations: Un peuple que je ne connaissais pas m'a servi, un peuple, c'est-à-dire un peuple étranger, par exemple celui des Ismaélites et des Moabites qui, ainsi qu'on le lit au deuxième livre des Rois, furent assujettis à David, lui payant tribut. Il en est de même pour le Christ, car tous ceux qu'il ne connaissait pas en les visitant personnellement, le servirent et lui obéirent: "Je n'ai été envoyé qu'aux brebis perdues de la maison d'Israël", c'est-à-dire les visiter personnellement. Ou bien: que je ne connaissais pas, c'est-à-dire que j'ai agréé en lui donnant la loi et les prophètes: "Voilà que tu appelleras une nation que tu ne connaissais pas, et des nations qui ne t'ont pas connu accourront vers toi." dès que son oreille [m']a entendu, il m'a obéi, car bien que ces gens ne me voient pas, ils m'ont obéi à la seule audition de la foi transmise par les Apôtres: "Ils m'ont trouvé, ceux qui ne m'ont pas cherché." - "La foi vient par l'audition." Ou bien: Dès que son oreille [m']a entendu, il m'a obéi, car aussitôt qu'ils entendirent, comme on le rapporte dans Matthieu, ayant tout laissé, ils le suivirent.

46 Des fils étrangers m'ont menti, des fils étrangers ont vieilli, ils ont boité [en sortant] de leurs voies.

· Ici le psalmiste expose l'effronterie des Juifs, et il les appelle fils étrangers, parce qu'autrefois ils furent des fils engendrés par Dieu par la grâce et l'enseignement de la Loi: "Israël est mon premier-né." Mais cependant ils sont devenus des étrangers: "J'ai nourri des fils et je les ai élevés." Et ce qui suit: "Ils sont redevenus étrangers." Et ils sont étrangers pour une triple raison: parce qu'ils m'ont menti, parce qu'ils ont vieilli, parce qu'ils ont boité.

Quelqu'un se rend étranger à Dieu lorsqu'il n'observe pas la fidélité; et c'est ce qu'il dit: ils m'ont menti, c'est-à-dire ils ont brisé l'Alliance.

De même lorsqu'ils ne suivent pas les traces des pères qui ont été fidèles; c'est pourquoi le psalmiste dit: ils ont vieilli. Une chose est dite vieillie à cause de sa ruine. Ceux-ci furent nouveaux dès le début, puisqu'ils disent: "Nous sommes à toi, ô David, et avec toi, ô fils d'Isaïe"; mais peu à peu ils devinrent tièdes.

C'est une autre chose quand on s'éloigne totalement; aussi dit-il: ils ont boité [en sortant de] leurs voies, comme s'ils étaient faibles d'un pied, observant mal l'ancienne Alliance, et rejetant la nouvelle. Ou bien, si on rapporte ce verset au Christ, les fils étrangers m'ont menti, parce qu'ils ont conclu une alliance avec Dieu: "Tout ce que Dieu a dit, nous le ferons", et par la suite ils la brisèrent: "À la vue de la grandeur de ta puissance, tes ennemis te mentiront." De même, la puissance qui fut dans les pères ne se trouve pas dans les fils; c'est pourquoi ils ont vieilli. - "D'où vient, Israël, que tu es dans la terre de tes ennemis et que tu as vieilli dans une terre étrangère ?" De même: ils ont boité [en sortant de] leurs voies, c'est-à-dire hors des préceptes de la loi, car ils marchent sur un pied, c'est-à-dire au sens littéral, non point au sens spirituel. ils ont boité également au sens littéral, car ils suivaient seulement les traditions des Pharisiens: "Jusques à quand boiterez-vous des deux côtés? Si le Seigneur est Dieu, suivez-le."

47 Le Seigneur vit ! et béni soit mon Dieu ! Et que le Dieu de mon salut soit exalté.

3. Le psalmiste expose ici l'action de grâce; et à cet égard il fait trois choses:

a) Il commence par la mentionner.

b) Puis il expose sa matière: 48 Toi, le Dieu, qui me donnes, etc.

c) Enfin il se répand en louanges divines: À cause de cela, je te confesserai parmi les nations, Seigneur.

a) Et il parle comme s'il s'agissait d'un roi. Dans l'Antiquité, la manière de saluer un roi fut: "Que vive le roi !" Cela convient à Dieu, car lui-même est la vie éternelle: "En toi est la source de la vie." Aussi dit-il: Le Seigneur vit ! - "Je vis, moi, dit le Seigneur Dieu." Lui-même est en effet le donateur de la vie aux hommes: "Ce qui a été fait en lui était la vie." De même, aux autres on souhaite la bénédiction, tandis que lui-même est la bénédiction: béni soit mon Dieu ! mon Dieu désigne le Fils, selon qu'il est écrit: "Un fils nous a été donné." - "Que Dieu, notre Dieu, nous bénisse, que Dieu nous bénisse." - "Tu es béni, Seigneur, Dieu de nos Pères, et louable, et glorieux, et souverainement exalté dans les siècles, et béni est le nom saint de ta gloire, et louable et souverainement exalté dans tous les siècles"; ainsi il est lui-même la bénédiction et il nous remplit de bénédictions. Enfin le psalmiste souhaite son exaltation: Et que le Dieu de mon salut soit exalté, c'est-à-dire l'auteur et le donateur du salut, de la grâce dans le présent, et de la gloire dans le futur: "C'est toi qui es mon roi et mon Dieu, c'est toi qui ordonnes le salut de Jacob." Et de même: "Il a opéré le salut au milieu de la terre." Il ne demande pas que Dieu soit exalté en soi, car il est le Très-Haut: "Le Très-Haut a fondé [Sion]"; mais qu'il soit exalté dans notre connaissance. Et il dit: de mon salut, c'est-à-dire qui me sauve: "Un Dieu juste et qui sauve; il n'y en a pas d'autre excepté moi." - "Nul autre nom n'a été donné sous le ciel aux hommes par lequel nous devions être sauvés." Ou bien: le Dieu qui me sauve, qu'il soit exalté à cause de son effet, qu'il me sauve non seulement dans les choses infimes mais aussi dans les choses élevées: "Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! Hosanna au plus haut des cieux !" - "Exaltez-le autant que vous pouvez, car il l'emporte sur toute louange." - "Exaltez le Seigneur notre Dieu, et adorez l'escabeau de ses pieds, parce qu'il est saint."

48 Toi, le Dieu qui me donnes des vengeances et qui me soumets des peuples, qui me libères de mes ennemis furieux. 49 Et tu m'élèveras au-dessus de ceux qui s'insurgent contre moi; tu m'arracheras à l'homme inique. 50 À cause de cela, je te confesserai parmi les nations, Seigneur, et je dirai un psaume à la gloire de ton nom. 51 Toi qui magnifies le salut de son roi, et qui fais miséricorde à son christ David, et à sa postérité pour toujours.

b) Ici est exposée la matière de son action de grâce: et pour le bienfait de sa libération du mal, et pour celui de son progrès vers le bien; aussi dit-il: Toi, le Dieu, etc. Et on peut dire cela au nom de l'Église; car ceux qui la persécutent se la soumettent: "Ils viendront courbés vers toi, les fils de ceux qui t'ont humiliée, et ils adoreront les traces de tes pieds." Puisque Paul qui condamna Étienne fut terrassé, par conséquent juste est la punition du rebelle quand il se soumet et s'humilie; aussi toi tu es mon libérateur. - "Si donc le fils vous libère, vous serez vraiment libres." de mes ennemis, non point de n'importe lesquels, mais de mes ennemis furieux. - "La colère n'a point de miséricorde." Aussi est-ce une "gloire plus grande d'être libéré de maux ardents". Et au-dessus de ceux qui s'insurgent contre moi - "Des témoins iniques se sont levés contre moi" - tu m'élèveras. Il dit cela afin de montrer la providence de Dieu, c'est-à-dire que là où ils croient l'abaisser il est exalté: "C'est pourquoi Dieu l'a exalté." - "Les eaux s'accrurent et élevèrent l'arche de la terre dans les airs." tu m'arracheras à l'homme inique, c'est-à-dire à l'homme de fraude: "Arrache-moi, Seigneur, à l'homme méchant, à l'homme inique arrache-moi."

c) Le psalmiste poursuit en concluant par une action de grâce due aux motifs précités. À cause de cela, je te confesserai parmi les nations, Seigneur, c'est-à-dire en présence de tout le peuple je te louerai: "Bénissez le Dieu du ciel, et rendez-lui gloire devant tous les vivants." et je dirai un psaume à la gloire de ton nom. Par le mot psaume on entend une oeuvre bonne; car tout ce que nous faisons de bien, nous devons l'accomplir pour la gloire du nom de Dieu.

Toi qui magnifies les saluts de son roi. La version iuxta Hebraeos de Jérôme lit de la manière suivante: "Magnificanti et facienti tibi", c'est-à-dire "à toi qui magnifies et qui fais", soit, selon notre interprétation, le Dieu qui me donnes des vengeances. Il est Dieu en tant qu'il magnifie. Et le psalmiste expose deux choses. La première concerne l'état du royaume, l'autre la personne du roi, car il a magnifié l'un et l'autre. Concernant l'état du royaume il dit: Toi qui magnifies les saluts de son roi, car tu m'as élevé à la royauté. Ou bien: du roi, c'est-à-dire du Christ, par le nom duquel tous sont sauvés: "Nul autre nom n'a été donné sous le ciel aux hommes par lequel nous devions être sauvés." Concernant la personne il dit: et qui fais miséricorde à son christ David, et à sa postérité pour toujours, car il a multiplié sa postérité comme il l'a promis.

 

 

COMMENTAIRE DU PSAUME 17

1 Pour la fin. Par le serviteur du Seigneur, David, qui a prononcé [à la gloire du] Seigneur les paroles de ce cantique, au jour où le Seigneur l'arracha à la main de tous ses ennemis, et à la main de Saül. Et il dit: 2 Je t'aimerai, Seigneur, ma force: 3a Le Seigneur est mon ferme appui, mon refuge, et mon libérateur.

3b Mon Dieu est mon aide, et j'espérerai en lui. Il est mon protecteur, et la corne de mon salut, et mon soutien. 4 En le louant, j'invoquerai le Seigneur, et je serai sauvé de mes ennemis.

5 Les douleurs de la mort m'ont environné, et les torrents de l'iniquité m'ont troublé.

6 Les douleurs de l'enfer m'ont environné; les pièges de la mort sont tombés sur moi. 7 Dans ma tribulation j'ai invoqué le Seigneur, et j'ai crié vers mon Dieu; et de son temple saint il a exaucé ma voix; et mon cri en sa présence est parvenu à ses oreilles.

8 La terre a été ébranlée et a tremblé; les fondements des montagnes ont été bouleversés et ébranlés, parce qu'il s'est irrité contre eux.

9 La fumée a monté dans sa colère et un feu ardent a jailli de sa face; des charbons en ont été embrasés.

10 Il a incliné les cieux, et il est descendu; et une sombre nuée est sous ses pieds. 11a Et il est monté sur des Chérubins.

11b Et il s'est envolé: il s'est envolé sur les ailes des vents. 12 Et il a fait des ténèbres son lieu de retraite, sa tente autour de lui, une eau ténébreuse est dans les nuées de l'air. 13À l'éclat qui jaillit de sa présence, les nuées se sont dissipées: [il en est sorti] de la grêle et des charbons de feu.

14 Et le Seigneur a tonné du ciel, et le Très-Haut a fait entendre sa voix; grêle et charbon de feu.

15 Et il a lancé ses flèches, et il les a dispersées. Il a multiplié ses éclairs, et il les a troublés.

16 Alors ont paru les sources des eaux, et les fondements du globe de la terre ont été mis à nu. À ta menace, Seigneur, au souffle du vent de ta colère.

17 Il a envoyé d'en haut, et il m'a pris, et il m'a retiré des grandes eaux.

18 Il m'a arraché à mes ennemis très puissants, et à ceux qui m'ont haï, parce qu'ils étaient devenus plus forts que moi. 19 Ils m'ont prévenu au jour de mon affliction, et le Seigneur s'est fait mon protecteur. 20 Et il m'a mis au large; il m'a sauvé, parce qu'il m'a voulu. 21 Et le Seigneur me rétribuera selon ma justice, et il me rétribuera selon la pureté de mes mains. 22 Parce que j'ai gardé les voies du Seigneur, et que je n'ai pas agi avec impiété en m'éloignant de mon Dieu. 23 Puisque tous ses jugements sont devant moi, et que je n'ai point éloigné de moi ses justices.

24 Et je serai sans tache avec lui, et je me tiendrai en garde contre mon iniquité. 25 Et le Seigneur me rétribuera selon ma justice, et selon la pureté de mes mains devant ses yeux.

26 Avec le saint, tu seras saint, et avec l'homme innocent, tu seras innocent. 27 Et avec l'élu, tu seras l'élu, et avec le pervers, tu seras pervers. 28 Parce que c'est toi qui sauveras le peuple humble, et qui humilieras les yeux des superbes.

29 Parce que c'est toi, Seigneur, qui fais luire ma lampe; mon Dieu, illumine mes ténèbres.

30 Parce qu'en toi je serai délivré de la tentation, et en mon Dieu je franchirai le mur.

31 Mon Dieu, sa voie est sans souillure; les paroles du Seigneur sont éprouvées par le feu; il est le protecteur de tous ceux qui espèrent en lui. 32 Car qui est Dieu, excepté le Seigneur, ou qui est Dieu, excepté notre Dieu?

33 Le Dieu qui m'a ceint de la force et qui a rendu ma voie sans tache.

34 Qui a disposé mes pieds comme ceux des cerfs, et m'a établi sur les lieux élevés. 35 Qui a instruit mes mains au combat; et tu as rendu mes bras comme un arc d'airain.

36 Et tu m'as donné la protection de ton salut, et ta droite m'a pris. Et ta discipline m'a corrigé jusqu'à la fin; et ta discipline elle-même m'instruira. 37 Tu as élargi mes pas au-dessous de moi, et mes pieds n'ont pas été affaiblis.

38 Je poursuivrai mes ennemis, et je les atteindrai; et je ne reviendrai point jusqu'à ce qu'ils soient défaits.

39 Je les briserai, ils ne pourront se soutenir; ils tomberont sous mes pieds.

40 Et tu m'as ceint de force pour la guerre; et ceux qui s'insurgeaient contre moi, tu les as renversés sous moi. 41 Et tu m'as livré mes ennemis par-derrière; et ceux qui me haïssaient tu les as exterminés. 42 Ils ont crié, et il n'y avait personne qui les sauvât; [ils ont crié] vers le Seigneur, et il ne les a pas exaucés.

43 Et je les broierai comme de la poussière à la face du vent; et je les ferai disparaître comme la boue des rues.

44 Tu me délivreras des contradictions du peuple, tu m'établiras à la tête des nations. 45 Un peuple que je ne connaissais pas m'a servi; dès que son oreille a entendu, il m'a obéi.

46 Des fils étrangers m'ont menti, des fils étrangers ont vieilli, et ils ont boité [en sortant de] leurs voies.

47 Le Seigneur vit ! et béni soit mon Dieu ! Et que le Dieu de mon salut soit exalté !

48 Toi, le Dieu qui me donnes des vengeances et qui me soumets des peuples, qui me délivres de mes ennemis furieux. 49 Et tu m'élèveras au-dessus de ceux qui s'insurgent contre moi; tu m'arracheras à l'homme inique. 50 À cause de cela, je te confesserai parmi les nations, Seigneur, et je dirai un psaume à [la gloire de] ton nom. 51 Toi qui magnifies les saluts de son roi, et qui fais miséricorde à son christ David, et à sa postérité pour toujours.

 

1 Pour la fin. Par le serviteur du Seigneur, David, qui a prononcé [à la gloire du] Seigneur les paroles de ce cantique, au jour où le Seigneur l'arracha à la main de tous ses ennemis, et à la main de Saül.

Dans le psaume précédent, le psalmiste a demandé en priant d'être libéré de ses ennemis; mais ici maintenant, libéré, il rend grâce.

Et il commence par rendre grâce pour le bienfait de sa libération.

Ensuite il se répand en louanges a l'égard de son libérateur: "Les cieux racontent la gloire de Dieu."

Son titre est: Pour la fin. Par le serviteur du Seigneur, David, qui a prononcé [à la gloire du] Seigneur les paroles de ce cantique, au jour où le Seigneur l'arracha à la main de tous ses ennemis, et à la main de Saül. Et ce psaume se retrouve mot à mot au deuxième livre des Rois. Sa signification historique est fondée sur le premier livre des Rois, où l'on rapporte comment Saül cherchait à le tuer, et sur le deuxième livre des Rois, où il est écrit que ce dernier étant mort, Abner et son fils s'opposèrent à leur tour à David. Mais finalement David remporta la victoire contre eux. C'est pourquoi il composa ce psaume. Et Jérôme dit la même chose. Et parce que par David est symbolisé le Christ, tous ces faits peuvent être rapportés au Christ, soit en tant que tête, soit en tant que corps, c'est-à-dire l'Église, car elle a été libérée de Saül, c'est-à-dire de la mort; en effet Saül veut dire "demande", car il fut donné comme roi sur la demande du peuple, et même il y fut plutôt contraint. C'est pourquoi il ne fut pas donné pour demeurer. Ainsi le Christ souffre d'abord la mort, puis demeure dans la paix, selon la Glose. Il est aussi libéré de tous ses ennemis, des Juifs et des démons, et quant à son corps, c'est-à-dire l'Église.

Les premiers versets de ce psaume se divisent en trois parties.

I) Dans la première partie, le psalmiste rappelle le bienfait de sa libération.

II) Dans la deuxième partie, il montre la puissance de celui qui libère: 8 La terre a été ébranlée et a tremblé.

III) Dans la troisième partie, il précise le mode de sa libération: 17 Il a envoyé d'en haut, etc.

Et il dit: 2 Je t'aimerai, Seigneur, ma force: 3a Le Seigneur est mon ferme appui, mon refuge, et mon libérateur.

I. En rappelant le bienfait de sa libération il fait deux choses.

A) Il rappelle d'abord le sentiment qu'il a conçu du bienfait précité.

B) Puis il montre l'effet qui en découle: 4 En le louant.

A. Un double sentiment naquit en lui à la suite d'un tel bienfait, à savoir l'amour et l'espérance.

1) Et il mentionne d'abord le premier.

2) Puis le second: Mon Dieu.

1. Il expose:

a. En premier lieu son amour pour Dieu.

b. Puis il en donne la raison: Ma force.

a. Ainsi dit-il: Ô Seigneur, toi qui m'as libéré, moi Je t'aimerai toujours, parce que je demeurerai en toi: "Demeurez dans mon amour de charité." - "Car je suis certain que ni vie, ni mort, ni anges, ni aucune autre créature ne pourra nous séparer de la charité du Christ." Car aimer d'un amour de charité (diligere) est le propre des êtres raisonnables, tandis qu'aimer (amare) est universel: "Que ceux qui t'aiment resplendissent comme le soleil brille à son lever."

b. Quant à la raison de l'amour de charité d'une personne, elle est relative à son propre bien. C'est pourquoi lorsque quelqu'un considère son propre bien comme dépendant d'un autre, telle est la raison qui fait dire qu'il l'aime. David considérait que tout son bien dépendait de Dieu, c'est pourquoi il dit: Je t'aimerai, parce que tu es ma force. La force a pour objet d'affermir l'âme, de crainte qu'elle ne s'éloigne du bien à cause de difficultés imminentes.

Mais comment Dieu est sa force, il le montre. L'homme a besoin de la force dans deux situations. D'abord dans les biens, afin de garder sa stabilité en eux; et c'est pourquoi il dit: mon ferme appui, c'est-à-dire un fondement solide: "Le Seigneur est mon rocher." - "Quiconque écoute mes paroles et les met en pratique, est semblable à un homme bâtissant sa maison sur le rocher." De même dans les maux, et cela dans deux circonstances. Dans une première circonstance, afin de fuir avant que les maux n'arrivent; c'est pourquoi il dit: mon refuge. - "Le nom du Seigneur est une tour très forte." - "Le rocher est un refuge pour les hérissons." Dans une autre circonstance, afin de se libérer après qu'ils soient survenus; c'est pourquoi il dit: et mon libérateur

3b Mon Dieu est mon aide, et j'espérerai en lui. 3c Il est mon protecteur, et la corne de mon salut, et mon soutien. 4 En le louant, j'invoquerai le Seigneur, et je serai sauvé de mes ennemis.

2. Le psalmiste expose ici le sentiment de l'espérance: et il y a une différence entre l'espérance et l'amour; car l'amour est une vertu unitive. En effet nous aimons quelque chose dans la mesure où nous la considérons comme nôtre, et c'est pourquoi il dit que Dieu lui-même est sa propre force: "Le Seigneur est ma force et ma louange, et il s'est fait mon salut." L'espérance introduit une défense par rapport à ce qui vient de l'extérieur; et Dieu accomplit l'un et l'autre. Ou bien selon une autre explication: l'objet de l'espérance est un bien ardu, futur, possible à acquérir. Donc de même que quelqu'un aime à cause d'un bien déjà donné, ainsi il espère un bien futur en raison de sa confiance née de l'amour, et en raison d'autres choses semblables, dans la mesure où il pense pouvoir les recevoir dans le futur. Et c'est pourquoi le psalmiste fait ici trois considérations.

a) Il espère d'abord le refuge et le ferme appui parce qu'il est dans les biens.

b) Puis il demande une protection, parce qu'il est dans les maux qui sont déjà survenus.

a. Ainsi dit-il d'abord: Mon Dieu est mon aide. - "Si le Seigneur ne me venait en aide, bientôt mon âme habiterait dans l'enfer." Et c'est pourquoi j'espérerai en lui: "Vous qui craignez le Seigneur, espérez en lui, et sa miséricorde viendra à vous pour votre joie."

b. Puis nous espérons être libérés des maux auxquels nous ne sommes pas encore soumis, car Dieu nous défend:

- D'abord afin que nous ne soyons pas blessés.

- Puis pour que nous les vainquions.

- Et enfin il nous couronne pour cette victoire.

- En relation avec le premier point il dit: mon protecteur. La version iuxta Hebraeos de Jérôme lit: "scutum (bouclier)", parce qu'il protège pour qu'il ne puisse pas être transpercé par les maux; ainsi Dieu fait-il: "Tu m'as protégé, ô Dieu, contre l'assemblée des méchants."

- En relation avec le deuxième point il dit: et la corne de mon salut, car les animaux frappent avec la corne; ainsi la force de Dieu résiste à ses adversaires, car elle combat afin de vaincre les maux temporels et spirituels: "Par toi nous frappons de la corne nos ennemis; et en ton nom nous mépriserons ceux qui se lèvent contre nous." - "Mon coeur a tressailli de joie dans le Seigneur, et ma corne a été élevée par mon Dieu", c'est-à-dire ma force.

- En relation avec le troisième point il dit: et mon soutien. Lorsque quelqu'un remporte une victoire, il est reçu en triomphe; ainsi Dieu fait-il aussi: "Je reviendrai, et je vous prendrai avec moi, afin que là où je suis, vous y soyez aussi." - "Tu m'as soutenu avec gloire." On trouve le même texte dans le deuxième livre des Rois.

B. Ensuite il expose l'effet qui en découle, à savoir la louange. La louange est une parole qui met en lumière la grandeur d'une vertu, ou qui en résulte du moins.

1) Le psalmiste expose donc d'abord la louange.

2) Puis son efficacité.

1. Ainsi dit-il: En le louant, j'invoquerai le Seigneur, autrement dit: en agissant ainsi je ne fais pas valoir ma propre louange, mais je cherche la tienne, car c'est toi qui as agi: "Je me souviendrai des miséricordes du Seigneur, [je chanterai] la louange du Seigneur pour tout ce qu'il m'a donné."

2. Et je [t']invoquerai, en toute sécurité, avec efficacité, car en t'invoquant ainsi, je serai sauvé de mes ennemis. - "Quiconque invoquera le nom du Seigneur, sera sauvé."

5 Les douleurs de la mort m'ont environné, et les torrents de l'iniquité m'ont troublé.

Ici le psalmiste expose la nécessité de sa libération.

a) Et il montre d'abord la grandeur de sa libération.

b) Ensuite la prière qu'il profère à Dieu: 7 Dans ma tribulation.

c) Enfin il expose son exaucement: il a exaucé.

a. Notez que ces trois choses sont ainsi établies dans un ordre successif: l'iniquité, la mort et l'enfer; c'est par iniquité que l'homme est amené vers la mort; et par la mort il est conduit en enfer. Et de même que la première chose est un chemin qui conduit à la deuxième chose, ainsi la deuxième à l'égard de la troisième. Et c'est pourquoi il parle d'abord de la première gradation. Puis de la deuxième, car ils vont de la mort à l'enfer: Les douleurs de l'enfer, etc.

Concernant la première gradation, il fait deux choses:

- Il commence par exposer son mode.

- Puis le chemin qui mène à celle-ci, c'est-à-dire à l'iniquité: les torrents de l'iniquité.

- La douleur de la mort est très grande: "Est-ce ainsi donc que la mort amère sépare ?" - "Ô mort, que ton souvenir est amer !" C'est pourquoi lorsque quelqu'un ne peut la fuir, alors les douleurs l'entourent; et d'autant plus qu'elles sont inévitables.

- Le chemin, c'est l'iniquité, autrement dit: je la crains parce que les torrents de l'iniquité m'ont troublé. Le torrent, c'est l'écoulement de l'eau dévalant avec impétuosité: "Comme un torrent qui passe avec violence dans les vallées." Donc la violence soudaine de l'iniquité intérieure, par exemple celle de la tentation soudaine et grave, est un torrent qui incite au péché. Ou bien il s'agit de l'iniquité extérieure, comme l'assaut d'un ennemi. Et ceux-ci m'ont troublé.

6 Les douleurs de l'enfer m'ont environné; les pièges de la mort sont tombés sur moi. 7 Dans ma tribulation j'ai invoqué le Seigneur, et j'ai crié vers mon Dieu; et de son temple saint il a exaucé ma voix; et mon cri en sa présence est parvenu à ses oreilles.

Le psalmiste continue ici en suivant l'enchaînement précité; et c'est pourquoi il dit: Les douleurs de l'enfer, c'est-à-dire semblables aux douleurs infernales: "Je descendrai dans le deuil en enfer." Ou bien il s'agit des douleurs qui sont conçues par crainte de l'enfer. Et celles-ci encerclent quand elles sont inévitables. Et ces douleurs viennent, car les pièges de la mort sont tombés sur moi. Quelle mort? "Celui qui amasse des trésors par une langue de mensonge est vain et insensé, et il tombera dans les pièges de la mort." Et c'est inéluctable.

b. Mais il y applique le remède de la prière. La prière est d'abord exposée; et c'est pourquoi il dit: Dans ma tribulation j'ai invoqué le Seigneur. - "Dans leur tribulation, dès le matin, ils se dresseront vers moi." - "Et maintenant, Seigneur tout-puissant, Dieu d'Israël, une âme dans les angoisses, et un esprit inquiet crie vers toi." - "Cherchez le Seigneur, pendant qu'on peut le trouver, invoquez-le tandis qu'il est proche." - "Invoque-moi au jour de la tribulation; je te délivrerai." - "J'ai invoqué, et l'esprit de sagesse est venu en moi." Ensuite est exposée la piété de l'orant, car il dit: j'ai crié vers mon Dieu, c'est-à-dire avec la force de la piété de l'orant: "Vers le Seigneur, lorsque j'étais dans la tribulation, j'ai crié; et il m'a exaucé." - "Dans les jours de sa chair, ayant offert avec larmes et un grand cri des prières et des supplications à celui qui pouvait le sauver de la mort, il a été exaucé pour son humble respect; et il dit: j'ai crié vers mon Dieu, non vers un dieu étranger: "Tu adoreras le Seigneur ton Dieu et tu le serviras, lui seul."

c. Enfin l'exaucement: il a exaucé. Il avait dit deux choses: avoir invoqué et crié. Et c'est pourquoi il parle de voix exaucée et de cri. D'où? de son temple saint il a exaucé ma voix. Le temple de Dieu est l'excellence même de sa sainteté, car le Seigneur est son temple: "Je ne vis point de temple en elle, parce que le Seigneur tout-puissant et l'Agneau en sont le temple." Le temple, c'est aussi le Christ lui-même: "Mais lui parlait du temple de son corps", dans lequel Dieu est présent par la grâce: "Car le temple de Dieu est saint, et vous êtes ce temple." C'est également la Bienheureuse Vierge: "J'adorerai en m'approchant de ton temple saint" en qui, c'est-à-dire par qui, Dieu nous a exaucés: "Il m'a exaucé, et il m'a délivré de toutes mes tribulations." C'est encore l'Église: "Le Seigneur est dans son temple." Et il a exaucé depuis ce temple où qu'il soit: "Si un homme reconnaît la plaie de son coeur et étend ses mains vers cette maison, toi tu l'exauceras du lieu de ta demeure." Et non seulement il dit que sa prière a été exaucée, mais aussi son cri; et c'est pourquoi il dit: et mon cri en sa présence est parvenu à ses oreilles. Et il précise: en sa présence, c'est-à-dire devant ses yeux, car il voit toutes choses: "J'ai bien vu l'affliction de mon peuple qui est en Égypte; et j'ai entendu son cri à cause de la dureté de ceux qui président à ses labeurs." Ou bien: en sa présence, c'est-à-dire selon son bon plaisir; ou bien dans le coeur, où lui seul voit: "L'homme ne voit que l'apparence, mais le Seigneur regarde le coeur." Et il est parvenu à ses oreilles, par son agrément: "Leur clameur est parvenue aux oreilles du Seigneur"; ou bien: à ses oreilles, c'est-à-dire à sa clémence: "La prière de l'humble pénétrera les nues."

8 La terre a été ébranlée et a tremblé; les fondements des montagnes ont été bouleversés et ébranlés, parce qu'il s'est irrité contre eux.

II. Plus haut le psalmiste a traité du sentiment qu'il a conçu à la suite des bienfaits de sa libération; ici il traite de la puissance du libérateur.

La puissance de celui qui agit se manifeste dans l'effet de son action; quant aux choses qui sont rapportées ici, elles peuvent être relatives à un double effet de l'action divine: à l'effet qui se manifeste dans les réalités matérielles, et à l'effet de la rédemption. Mais c'est sans doute plus vrai pour chacun des deux. Car les choses qui sont dites ici sous la figure des réalités matérielles, sont achevées au sens spirituel par l'effet de la rédemption. Or l'effet de la puissance divine se manifeste surtout dans les réalités matérielles, parce que les réalités spirituelles nous sont moins connues; et principalement dans celles que les hommes regardent avec étonnement; et ce sont les ébranlements des éléments du monde, c'est-à-dire de la terre, de l'air, de l'eau et du feu.

Ce passage du psaume se divise ainsi en trois parties:

A) Le psalmiste montre d'abord la puissance de Dieu dans les effets relatifs à la terre.

B) Ensuite dans les perturbations de l'air: 10 Il a incliné les cieux.

C) Enfin dans les perturbations des eaux: 16 Alors ont paru les sources des eaux.

Mais si on réfère ces effets à leur signification cachée (mysterium), ce passage se divise en deux parties:

A) Lé psalmiste montre d'abord le fruit de la rédemption divine réalisée par le Christ.

B) Puis son mode: Il a incliné les cieux.

A. Le premier point se subdivise en deux:

1) Dans la première partie de la subdivision, il traite d'abord de l'effet de la terre, qui est en profondeur.

2) Ensuite de l'effet qui s'élève depuis la hauteur.

Si on l'entend au sens mystique, un double effet de la rédemption est ainsi manifesté, à savoir la pénitence des pécheurs et la piété des justes: il est monté.

1. Mais selon qu'on rapporte cela à l'effet matériel, qui est dans la profondeur de la terre, l'effet principalement étonnant c'est le tremblement de terre, etc. À cet égard, le psalmiste mentionne trois choses:

a) D'abord l'ébranlement proprement dit.

b) Puis ce qui le rend étonnant.

c) Enfin sa cause.

a. Ainsi dit-il: La terre a été ébranlée et a tremblé. Une chose se meut de deux manières. Ou bien elle se meut d'un lieu vers un autre lieu; et ce n'est pas de cette manière que la terre est ébranlée.

b. Ou bien par un tremblement, et ainsi l'ébranlement des montagnes fait d'un tremblement de terre un fait étonnant: car si une terre meuble est ébranlée, ce n'est pas un fait étonnant, mais lorsque des montagnes sont ébranlées, alors c'est un fait qui provoque l'étonnement; et c'est pourquoi il dit: les fondements ont été bouleversés, car ils semblent avoir perdu leur stabilité.

c. La cause première est la volonté divine; et il exprime cela par une métaphore lorsqu'il dit: parce qu'il s'est irrité contre eux, c'est-à-dire Dieu. De même que lorsque le Seigneur s'emporte, ceux qui l'assistent tremblent, ainsi sous l'irritation de Dieu toutes choses se troublent.

Au sens mystique, on entend par là le mouvement des hommes vers la pénitence. Certains d'entre eux sont des petits pécheurs, et ces derniers sont signifiés par la terre; c'est pourquoi il dit: La terre a été ébranlée et a tremblé, c'est-à-dire ceux qui auparavant étaient pécheurs et terrestres: "Tu as jeté ton corps sur le sol, et en as fait comme un chemin pour les passants." Cet ébranlement est dû à la conversion de l'attachement des choses terrestres aux réalités célestes, et cela en raison de la crainte que le pécheur a conçue à l'égard des châtiments: par ta crainte "nous avons conçu, et c'est comme si nous avions souffert et enfanté du vent". D'autres sont de grands pécheurs; et ces derniers sont appelés montagnes, c'est-à-dire ceux qui s'enorgueillissent dans le siècle. Ils sont ébranlés par la venue du Christ. les fondements des montagnes sont ceux sur lesquels ils prennent appui, à savoir les richesses, les pouvoirs et les honneurs: "Les montagnes seront transportées au coeur de l'océan." Ainsi se troublent-ils lorsque surviennent des adversités, et après cela ils sont totalement ébranlés: "Le Seigneur des armées a décidé cela afin d'enlever l'orgueil de toute gloire et de conduire à l'ignominie tous les grands de la terre." Tous les royaumes et les pouvoirs qu'ils détiennent au début, ils en verront le déclin, et cela parce qu'il s'est irrité contré eux.

Cela peut se comprendre de deux manières. Si on l'applique aux méchants, il n'est pas douteux que par la vengeance de Dieu, qui est appelée colère, ils soient morts; si on l'applique aux bons, c'est pour que, la colère de Dieu se manifestant à eux, ils se convertissent. Car Dieu s'est fait connaître par elle: "La colère de Dieu se manifeste du haut du ciel contre toute impiété et injustice de ces hommes qui retiennent la vérité de Dieu dans l'injustice."

9 La fumée a monté dans sa colère et un feu ardent a jailli de sa face; des charbons en ont été embrasés.

2. Ici le psalmiste expose la puissance de Dieu au sens matériel dans l'effet de la terre qui vient d'en haut. Or l'effet de la terre vient d'en haut, lorsque la terre est brûlée par un feu céleste dans une de ses parties; et à cet égard il mentionne deux choses:

a) D'abord la matière elle-même.

b) Puis l'ascension du feu et sa combustion.

a. Sa matière est une fumée sèche qui se dissipe en montant jusqu'à ce qu'elle soit enflammée; et c'est pourquoi il dit: La fumée a monté dans sa colère, c'est-à-dire dans sa volonté, c'est-à-dire celle de Dieu qui punit ainsi. de sa face, c'est-à-dire de sa puissance, un feu ardent a jailli, c'est-à-dire s'est allumé; et des charbons, c'est-à-dire la matière combustible s'est enflammée.

Au sens mystique, deux choses sont signifiées par cela, à savoir la force de la prière et l'embrasement de la charité.

b. a monté: et à partir de cela est considérée la colère de Dieu contre les pécheurs. Ou bien: La fumée a monté, c'est-à-dire la fumée de la prière fervente: "La fumée des parfums monta", c'est-à-dire le feu de la charité. de sa face, c'est-à-dire du Christ, a jailli. - "Je suis venu jeter un feu sur la terre." des charbons en ont été embrasés, c'est-à-dire sont susceptibles d'embrasement. Le charbon a connu autrefois le feu, comme l'homme a connu dès le commencement la charité; mais le charbon s'était éteint, tandis que les hommes ont été embrasés par le Christ. De même que des charbons non humides s'enflamment, et non point les humides, ainsi en est-il des hommes rendus humides par le flot des désirs charnels: "Les flèches du puissant sont aiguisées avec des charbons désolateurs."

8 La terre a été ébranlée et a tremblé; les fondements des montagnes ont été bouleversés et ébranlés, parce qu'il s'est irrité contre eux.

On dit de Dieu qu'il se met en colère, parce qu'il se comporte à la manière de celui qui est irrité, non en lui-même mais quant à l'effet. Or un maître irrité fait trembler son esclave, et un lion son petit. Il faut savoir à cet égard que la puissance maîtrisant les membres se relâche extérieurement vers l'intérieur, comme si elle se retranchait vers le coeur et cédait au mal suggéré; ou bien face à une puissance se dressant contre elle, à laquelle elle ne peut résister, et les membres tremblent, comme un mur lorsque sa fondation est ébranlée. Or l'âme contient le corps, et elle en est le fondement; et une partie de l'âme est une partie du corps. C'est pourquoi, le fondement ayant été ébranlé, le mur est ébranlé; et, une puissance ayant été ébranlée, un membre est ébranlé. Ainsi donc l'effet de la colère dans l'animal se traduit par la crainte. Or on dit d'un animal qu'il tremble, quand tout en demeurant au même endroit une partie de lui-même est ébranlée; et c'est pareillement ce qui arrivé dans un tremblement de terre, la terre étant dite trembler par comparaison avec les animaux. Or on dit de Dieu qu'il s'irrite contre la terre dans un tremblement de terre.

Ou bien selon l'explication suivante: on distingue dans l'homme quatre choses: la raison, les puissances sensitives, les facultés naturelles et le corps. Mais dans le monde se trouvent Dieu, les anges, les animaux, les plantes et les éléments. Or nous voyons que par rapport au mal imaginé, auquel le corps ne peut résister, ce dernier tremble aussitôt non à cause de la connaissance, mais à cause d'un certain enchaînement naturel ou naturellement, dans la mesure où la puissance du mal imaginé est plus forte. Et semblablement Dieu, quand il dirige sa puissance sur la terre, bien qu'il ne connaisse pas la colère, on dit qu'il tremble naturellement parlant.

Les fondements, c'est-à-dire les cavités ou les anfractuosités de la terre, qui, ébranlées, secouent les montagnes.

parce qu'il s'est irrité contre eux. La cause première est la volonté de Dieu ou sa puissance voulant agir en eux; mais il fait cela par l'intermédiaire des causes secondes, de telle sorte que toutes les causes secondes sont comparées à la terre comme un mal imaginé ébranlant les membres.

La fumée a monté. Il faut noter ici, selon le Philosophe, que de la terre humide se dissipe sous l'influence de la chaleur du soleil une vapeur chaude et humide, tandis que de la terre sèche monte une vapeur sèche et chaude, qui naturellement monte plus haut que la première. Or celle-ci est comparée au feu, celle-là à l'air; et le psalmiste appelle fumée cette vapeur, qui est chaude et sèche. Mais le Philosophe l'appelle combustible, c'est-à-dire matière à embrasement. Or cette vapeur en s'élevant prend de la largeur sous l'effet d'une légère augmentation de la chaleur, et elle s'enflamme par le mouvement circulaire. Et cependant ce combustible ou cette fumée sèche, si elle a longueur et largeur, après s'être embrasée, on l'appelle flamme. Car la flamme, selon le Philosophe, c'est l'incandescence d'un souffle sec. Si elle a longueur seulement, on parle de torches ou bien de tisons, et de boucliers ou de chèvres, et d'étoiles filantes. De torches, lorsque cette matière à combustion est longue, continue, sans étincelle. On l'appelle chèvre lorsqu'elle se compose d'étincelles, c'est-à-dire quand elle semble sauter et courir de tous côtés. Étoiles filantes lorsqu'elle est faite de matière discontinue, et qu'elle semble voler comme les étoiles filantes; et ce genre d'étoiles contient très peu de matière. Il y a aussi un autre genre d'étoiles filantes, lequel est froid et chasse le chaud; et de telles étoilés ne semblent pas voler, mais être projetées, comme le dit le Philosophe; et elles sont engendrées non par une fumée tout à fait sèche, mais par une exhalaison plus humide et chaude, qui selon sa nature propre ne monte pas autant que l'exhalaison sèche, ainsi qu'on l'a dit. Et du fait qu'une exhalaison est sèche, elle pâtit du froid, est repoussée et se trouve projetée vers le bas. Et cela se produit de jour et dans la clarté, autrement elle serait éteinte par la densité et l'humidité de l'air. Et parce qu'elle se voit de jour, c'est un signe qu'elle est proche de la terre. Mais elle s'enflamme de deux manières: soit de manière continue, comme une flamme supérieure allume un petit flambeau, soit par le mouvement du froid et sa contraction, ou par l'accumulation de la chaleur. Ainsi donc il dit: La fumée a monté, c'est-à-dire une exhalaison sèche: dans sa colère, c'est-à-dire par la volonté de celui qui veut agir en elle. et un feu, c'est-à-dire cette fumée qui est aussi appelée feu par le Philosophe au début des Météorologiques, comme si cela était dû au fait qu'elle n'a pas de nom propre, comme l'exhalaison humide qu'on appelle vapeur; mais cette fumée est appelée feu parce qu'elle est disposée à monter, et parce qu'elle est chaude et sèche comme le feu. Ce feu ardent, dit-il, a jailli, c'est-à-dire a été allumé, à savoir par Dieu comme venant de la cause première. Et ce feu allumé est précisément appelé torche, bouclier, flamme et étoiles filantes; étoiles filantes engendrées selon la première manière rapportée plus haut. des charbons en ont été embrasés, c'est-à-dire des étoiles filantes ont été engendrées selon la seconde manière.

Ou bien ainsi: La terre a été ébranlée, etc. Une vapeur sèche élevée de terre sous l'action de la chaleur du soleil est quelquefois légère; et alors elle s'élève plus haut et prend de l'extension, ainsi qu'on l'a dit plus haut. Parfois cantonnée sur la surface du sol elle est un peu plus épaisse, c'est pourquoi, refoulée par le froid, elle ne monte pas autant, et elle est un souffle; parfois une vapeur sèche plus épaisse s'élève vers la surface du sol, et celle-ci à cause de son épaisseur, de la fermeté de la terre et de sa profondeur, ne s'échappe pas au-dehors, mais reste enfermée dans le sol, et s'amasse dans une cavité de la terre qui lui est adaptée; elle est pressée par un corps étranger à sa nature spécifique. Il y a alors perturbation dans les entrailles de la terre, et elle en est ainsi ébranlée. Chose qui n'est pas surprenante, puisque nous voyons le vent former des vagues comme des montagnes sur la mer, et sur la terre arracher des arbres et faire tomber des édifices, et dans l'air produire de très grandes tempêtes. Mais Si le vent est la cause d'un tremblement de terre, c'est le signe qu'avant un tremblement de terre il y a habituellement absence de vent, tandis qu'après il apparaît. Quant à la matière du tremblement de terre, affaiblie par la chaleur du soleil, elle sort de la terre; et ainsi cesse le tremblement de terre et naît le vent.

La cause d'un tremblement de terre est le heurt des vents; et c'est pourquoi cela ne peut se produire sur toute la terre en même temps, mais ne peut s'étendre que jusqu'à deux cents milles au plus, comme le dit Sénèque. Et il rapporte qu'un tremblement de terre sépara la Sicile de la Calabre, et l'Espagne de l'Afrique. Et il dure quelquefois quarante jours, quelquefois une année. Notez aussi qu'un sol ferme à partir duquel une vapeur ne peut s'échapper extérieurement est exposé à être vite ébranlé: en effet, ce qui est de nature pierreuse n'est pas ébranlé légèrement et est secoué. Il faut cependant qu'il soit poreux en quelque endroit, par où la vapeur entrera; qu'elle entre par ces endroits poreux, et qu'elle soit retenue par la dureté du sol. Mais si on dit que par l'endroit où elle est entrée, elle ne peut s'en échapper, il faut répondre qu'il ne peut pas en être toujours ainsi, car parfois l'arrivée de la vapeur et son élévation vers ce lieu se produisent sans interruption. Et d'autre part, parce que la vapeur chaude ne va pas plus bas, le flot de la mer en fermant les endroits poreux et en l'enfermant plus bas à cause du froid, contribue à produire un ébranlement. Voilà pourquoi les anfractuosités au fond de la mer provoquent souvent un tremblement de terre. Remarquez aussi que cette vapeur sort continuellement de la terre d'une certaine manière, et c'est ce qui explique qu'au moment des tremblements de terre les animaux ayant la tête au niveau du sol sont souvent contaminés par cette vapeur toxique sortant de la terre.

10 Il a incliné les cieux, et il est descendu; et une sombre nuée est sous ses pieds. 11a Et il est monté sur des Chérubins.

B. Le psalmiste traite ici des vents. Remarquez que la matière du vent est une vapeur ou une exhalaison sèche chauffée fortement, mais non légère au point de pouvoir monter vers le lieu le plus élevé, ni suffisamment chauffée; c'est pourquoi elle est arrêtée par le froid, s'épaissit et est repoussée vers le bas: et celle-ci étant repoussée agite l'air. Elle a cependant assez de chaleur pour ne pas être dominée par le froid, de telle sorte qu'elle retourne vers la terre; et il est dit: sombre nuée, et aussi: sous ses pieds, parce qu'elle n'est pas élevée comme celle qui monte dans une flamme. Cependant, parfois, elle n'est pas aussitôt repoussée, mais chasse les nuages car elle n'est pas totalement dominée, et ne retourne pas directement plus bas vers la terre; et en raison de ce mouvement sinueux, elle s'efforce quasiment de prendre de la hauteur, mais elle ne le peut à cause de son refoulement; et tel est ce qu'il dit:

11b Et il s'est envolé: il s'est envolé sur les ailes des vents. 12 Et il a fait des ténèbres son lieu de retraite, sa tente autour de lui, une eau ténébreuse est dans les nuées de l'air. 13 À l'éclat qui jaillit de sa présence, les nuées se sont dispersées; il en est sorti de la grêle et des charbons de feu.

Ici le psalmiste traite des perturbations de l'air selon leurs effets matériels; et on distingue une triple perturbation: elle se situe dans les vents, dans les nuages et dans les tonnerres. Et il traite de chacune d'elle.

1. À propos de la perturbation dans les vents il expose trois choses:

a) D'abord la cause effective de toutes ces perturbations.

b) Ensuite la matière.

c) Enfin le mode.

a. Quant à la cause effective de toutes ces perturbations, elle est due à un corps céleste, qui par son mouvement provoque ces altérations de l'air; et c'est pourquoi il dit: Il a incliné les cieux, c'est-à-dire a ordonné la puissance des corps célestes à la réalisation de ces effets; car ils détiennent leur puissance de Dieu.

et il est descendu. Bien que Dieu accomplisse toutes choses en demeurant immobile, on dit cependant qu'il se meut à travers l'effet, en tant qu'il crée des effets mobiles: "La sagesse est plus agile que tout mouvement"; et selon ce point de vue, il est dit descendre, en tant qu'il fait descendre la puissance des cieux.

b. La matière des vents, c'est une sombre nuée ou une fumée sèche. Elle n'est pas légère au point de monter jusqu'à devenir du feu, mais elle se maintient; et c'est pourquoi il dit: sous ses pieds, c'est-à-dire sous son pouvoir; et tout est de Dieu.

c. Le mode: il est monté sur des Chérubins. Remarquez: de même que dans la pensée des Juifs un roi a un char, ainsi Dieu en a-t-il un aussi, qui est un Chérubin; et ils se représentent Dieu comme un être corporel et semblable à un Chérubin. Et c'est pourquoi dans une version de Jérôme il est écrit mot à mot: "Equitavit super Cherubim (Il chevaucha un Chérubin)." Et ces derniers ont une fausse représentation, car les choses qui sont exprimées en image dans l'Écriture sont des signes de la vérité spirituelle. Or la sagesse divine est dite être mue, en tant qu'elle cause un mouvement dans les réalités mobiles. Cependant tout ce que Dieu cause dans les réalités inférieures, il les cause avec le secours de la créature spirituelle; c'est pourquoi Augustin dit que "Dieu meut la créature corporelle par l'intermédiaire de la créature spirituelle", mais la créature spirituelle n'agit pas de sa propre force, mais sous le gouvernement de Dieu. Et au sens spirituel on dit que Dieu fait cela en montant sur des Chérubins, parce qu'ils représentent la plénitude de la connaissance, et Dieu accomplit toutes choses par sa propre connaissance. Et on dit qu'il est sur des Chérubins, parce que la connaissance de Dieu est supérieure à celle des anges. Et c'est pourquoi Dieu accomplit cela en volant, c'est-à-dire en faisant voler. Et par des Chérubins, c'est-à-dire par sa propre connaissance, et sur eux, lui qui les dépasse; et il a dit: il s'est envolé: il s'est envolé, parce que le mouvement du vent n'est pas uniforme. Et: sur les ailes des vents, à cause de la rapidité de leurs mouvements.

Au sens mystique, le mystère de l'Incarnation est ici exposé.

1') Et d'abord l'Incarnation du Christ, par laquelle il sortit du Père et vint dans le monde.

2') Ensuite son Ascension, parce qu'il alla vers le Père: Il est monté sur des Chérubins.

3') Enfin les événements qui eurent lieu dans l'Église après l'Ascension du Christ: 12 Et il a fait des ténèbres son lieu de retraite, etc.

1'. Ainsi dit-il: Il a incliné les cieux, et il est descendu, etc. Si une personne de condition élevée accomplit un acte d'humilité vis-à-vis d'une personne d'humble condition habitant la campagne, on dit qu'elle fait une injure et cause une humiliation à toute la contrée qu'elle gouverne. Ainsi dit-on du Fils de Dieu qu'il s'humilie et incline les cieux, car il a voulu venir à nous dans l'humilité. et il est descendu, c'est-à-dire s'est rendu visible: "Après cela il a apparu sur la terre, et il a conversé avec les hommes." - "Ce que nous avons vu et ce que nous avons entendu et ce que nos mains ont palpé du Verbe de vie." Il est donc descendu par l'humilité en prenant la chair humaine, en mourant et en enseignant l'humilité. Ou bien: Il a incliné les cieux, c'est-à-dire les prédicateurs, et il est descendu en leur faisant dire aux hommes des choses capables d'être saisies. et une sombré nuée, c'est-à-dire le diable et tous les méchants, est sous ses pieds, c'est-à-dire ceux du Christ: "Je ferai de tes ennemis l'escabeau de tes pieds."

2'. À propos de l'Ascension il dit: il est monté sur des Chérubins. - "Celui qui est descendu est le même qui est monté au-dessus de tous les cieux, afin qu'il remplît toutes choses." sur des Chérubins, c'est-à-dire au-dessus de l'ordre des anges: "L'établissant à sa droite dans les cieux, au-dessus de toute principauté, de toute puissance, de toute vertu, de toute domination et de tout nom qui est donné non seulement dans ce siècle, mais aussi dans le futur. Il a mis toutes choses sous ses pieds, et il l'a établi chef sur toute l'Église, qui est son corps." - "Dieu très fort, grand, puissant, ton nom est Seigneur des armées, grand en conseil et insaisissable dans la pensée." Et il dit au sens spirituel: sur les Chérubins, car il n'est pas monté seulement en tant qu'il leur est précisément supérieur, mais parce qu'il leur est insaisissable: il s'est envolé: il s'est envolé. On entend par là un double vol.

D'abord en tant qu'à la suite de son Ascension, sa renommée s'est étendue au monde entier dans un bref délai; c'est pourquoi il dit: sur les ailes des vents, c'est-à-dire plus vite que des plumes dispersées sous l'impulsion des vents; car ce fut en peu de temps, en moins de trois années: "Leur bruit s'est répandu à travers toute la terre, et leurs paroles jusqu'aux limites du globe de la terre", car cela se réalisa avant la destruction de Jérusalem. Ou bien: il s'est envolé, etc., en montant au ciel il devint invisible, et il s'est envolé de notre présence: "Une nuée le déroba à leurs yeux." Et encore: il s'est envolé sur les ailes des vents, c'est-à-dire au-dessus de la connaissance des anges: "Qui fais de tes anges des vents, et de tes ministres un feu brûlant." C'est pourquoi il est écrit, dans le Livre des causes, que la cause première est supérieure à toute description; aussi les langues ne peuvent-elles pas la décrire, parce qu'elles ne peuvent décrire son être, car il est au-delà de toute cause. Et le Commentateur affirme qu'on n'en a ni jugement ni connaissance.

Et il a fait des ténèbres, etc. Comme on l'a dit, les choses qui sont présentées ici pour montrer la puissance divine, grâce à laquelle David a été libéré, peuvent être rapportées aux effets matériels en figure, et aux effets spirituels selon le mystère.

2. Ainsi le psalmiste présente d'abord l'excellence de la puissance divine dans l'air exposée sous le rapport des effets matériels; et cela de trois manières: quant aux vents, quant aux pluies et aux nuages, et quant aux éclairs.

Et puisque nous avons parlé plus haut des vents, il faut parler maintenant des pluies dans l'air. Ainsi donc, selon qu'il s'agit des nuages et des pluies, nous rencontrons une double perturbation dans l'air: l'une part d'un ciel serein et se dirige vers un ciel obscur, l'autre a son point de départ dans les nuages et se dirige vers un ciel serein.

a) Le psalmiste expose donc la première perturbation.

b) Puis la seconde: 13 À l'éclat.

a. En parlant de cette première perturbation il fait trois choses:

- Il montre d'abord l'obscurité du temps nuageux.

- Puis il emploie une comparaison.

- Enfin il expose la cause de l'obscurité.

- Ainsi dit-il à propos de l'obscurité du temps nuageux: il a fait des ténèbres sa retraite. On dit de Dieu qu'il habite dans le ciel. Voilà pourquoi, lorsque les nuages obscurcissent le ciel, il semble que Dieu habite dans un lieu caché: "Je couvrirai le ciel d'une nuée."

- Et il a exposé une comparaison à propos de la tente; aussi dit-il: sa tente autour de lui. Or une tente est fixée et déplacée comme des nuages.

- Et que les nuages sont la tente de Dieu, il le dit: une eau ténébreuse est dans les nuées de l'air.

b. Il traite ensuite de la deuxième perturbation: 13 À l'éclat, etc., et il emploie cette comparaison: lorsque vient la lumière, les ténèbres sont repoussées, et de même lorsque Dieu montre sa lumière, l'obscurité des nuées se retire. Et c'est pourquoi il dit: À l'éclat qui jaillit de sa présence, les nuées se sont dissipées, à l'éclat de la lumière qui jaillit de sa face les nuées se sont dissipées, comme sous l'éclat ou la clarté du soleil les nuées se retirent et disparaissent, ainsi qu'on le rapporte dans le livre des Météorologiques. Brandons ou tisons se forment dans le mouvement des nuages; car la grêle et la foudre, ou le feu, ont une même cause de formation. Mais les Anciens disent qu'ils sont engendrés dans un lieu très élevé, parce qu'ils font remarquer qu'une congélation plus forte est causée par un froid plus intense. C'est pourquoi la neige requiert plus de froid que l'eau de pluie, et la grêle davantage que la neige. Mais le froid peut être si intense qu'il se condense aussitôt en grêle; parfois d'abord en eau, et ensuite en grêle. Et ils disent que les exhalaisons qui s'élèvent plus haut gèlent très fort, et c'est pourquoi d'épaisses grêles se forment. Mais le Philosophe dit au contraire que d'après cela elles sont plus importantes sur les montagnes et en hiver. Or c'est le contraire que nous observons, car elles sont plus denses dans les vallées, se produisent au printemps et à l'automne, et se forment dans un lieu proche. De même, selon le Philosophe, les grêlons arrivent quelquefois sous forme anguleuse, et c'est le signe qu'ils viennent de près: en effet les grêlons anguleux fondent plus vite. Aussi faut-il savoir qu'il est naturel à un contraire d'agir plus fortement sur son contraire. Or il est évident que dans les nuées le froid se mêle au chaud; donc lorsque la chaleur de l'air environnant réprime le froid qu'elle ne peut dissiper, elle le chasse alors dans un circuit intérieur hors de la chaleur. Quant aux tisons qui tombent, ils ont une double cause de formation: l'une est due à la fumée montant plus haut jusqu'à un lieu apte à l'inflammation, et cette dernière s'enflamme; et ainsi suivant l'inflammation elle descend jusqu'à ce qu'elle trouve une matière combustible. Et le psalmiste a traité de cela quand il a dit: des charbons en ont été embrasés. Mais ici il traite de l'autre mode de formation, ce dernier se fondant sur une résistance contraire. Ainsi dans une nuée, il y a quelquefois du chaud, et cet air chaud est réprimé intérieurement sous la pression du froid extérieur, et se multiplie, de telle sorte qu'il brûle une matière épaisse et tombe; et c'est pourquoi les charbons, le feu et la grêle ont une même origine de formation, c'est-à-dire la condensation du froid ou du chaud, comme on l'a dit. Ainsi dit-il: À l'éclat qui jaillit de sa présence, etc. Et ces éclairs se sont dissipés en même temps que le charbon et la grêle, qui sont formés à partir des nuées, comme on l'a dit.

14 Et le Seigneur a tonné du ciel, et le Très-Haut a fait entendre sa voix; grêle et charbon de feu.

3. Et le psalmiste traite ici de la troisième perturbation. Et d'abord du tonnerre. Puis des éclairs: il a lancé ses flèches.

Il faut savoir que le psalmiste s'exprime ici selon cette comparaison établissant que tout ce qui se fait au ciel est attribué à Dieu. C'est pourquoi il perçoit un bruit entendu dans le ciel comme si c'était la voix de Dieu. Or il y a deux sortes de bruits dans le ciel: l'un se fait entendre dans le tonnerre; et ici, bien que certains disent du tonnerre que c'est l'extinction du feu dans la nuée, le psalmiste réprouve cette explication, et dit qu'il se produit par la rencontre des vents; ainsi en est-il aussi pour les nuages. Et d'où ces paroles du psalmiste: le Seigneur a tonné du ciel. De même il y a parfois des nuées épaisses à partir desquelles des grêles se forment, et avec bruit dans certains cas: aussi le Philosophe dit que quelquefois, avant une grêle, il se produit une déflagration dans les nuées, quelquefois non. Car de même qu'une exhalaison chaude et sèche chassée par le froid fait du bruit en fendant une nuée, comme cela apparaît pour l'éclair, ainsi une exhalaison humide congelée en grêle et chassée par le chaud, fend de la même manière une nuée et provoque du bruit. Et c'est pourquoi le psalmiste dit: le Très-Haut a fait entendre sa voix, c'est-à-dire a manifesté sa puissance. Et ce qui suit: grêle et charbons de feu, qui ont été formés à partir des nuées, ainsi qu'on l'a indiqué.

Ou bien ces mots: il a tonné du ciel, s'expliquent comme suit. Remarquez que parfois une exhalaison humide monte vers un lieu supérieur; et parce qu'elle est de la même nature que l'eau, ils se créent à partir d'elles des concentrations humides, qui sont le nuage, la rosée, le brouillard, la pluie, la grêle et la neige, et d'autres choses du même genre. Mais ces phénomènes se diversifient parfois en raison de la différence de la légèreté ou de l'épaisseur de la chaleur et du froid. Mais parfois une exhalaison sèche s'élève, et si elle s'élève seule elle engendre des vents; cependant si cette vapeur sèche est saisie dans une exhalaison humide, alors, lorsque l'exhalaison humide s'élève vers le haut, et commence à s'épaissir à cause du froid, l'exhalaison sèche renfermée dans cette vapeur humide provoque une grande perturbation et s'enflamme: car une telle exhalaison s'enflamme rapidement, comme il en est du gaz qui sort des entrailles de l'homme; et cet embrasement est la cause de la foudre et de la lueur de l'éclair. Mais l'exhalaison sèche agitée à l'intérieur des nuages provoque un bruit varié. De même, si embrasée de la sorte elle heurte les côtés d'un nuage sans le déchirer, alors elle ne brille pas clairement; comme si quelqu'un regardait un fait éclatant à travers une étoffe: car le nuage étant un peu ouvert, elle se laisse entrevoir. Cependant elle rend un son comme le bruit d'une flamme au milieu d'un incendie. Il arrive aussi qu'il n'y ait pas d'embrasement, et par conséquent le bruit se fait sans éclair, comme faisant du vacarme; et cela se produit lorsqu'elle frappe, sans être enflammée, les côtés d'un nuage. Mais si elle frappe les côtés et les fend, cependant avec une certaine difficulté, et ce dans la partie la plus épaisse du nuage, il en résulte alors un bruit effrayant, comme si quelqu'un déchirait une étoffe d'une immense largeur, et alors la vision de la foudre ou de la lueur de l'éclair est incurvée; car elle ne sort pas directement du nuage, ainsi qu'on l'a dit. Parfois elle fend un nuage avec grande force, comme soudainement, et toute l'exhalaison sort en même temps; et alors elle fait un bruit comme une vessie enflammée, ou comme si une outre gonflée éclatait au-dessus de la tête de quelqu'un; et elle frappe l'air avec une très forte percussion. Parfois cette exhalaison sèche s'élève sous l'action d'un gonflement, et cherchant un espace plus étendu dissipe subitement un nuage, et fait un bruit comme du bois vert crépitant dans le feu, ou surtout à la manière des oeufs; et cela se voit principalement dans les châtaignes qui sont jetées au feu; lorsque l'humidité commence à se résorber et à chercher un espace plus grand, elle brise la coque résistante et sort avec impétuosité et grand bruit. Parfois, ne pouvant même pas sortir, elle s'éteint, et fait un bruit comme du fer incandescent éteint dans l'eau; bruit que le Philosophe appelle sifflement ou grincement. Parfois également cette exhalaison fait diverses ouvertures aux endroits moins denses d'un nuage, et alors elle fait comme un bruit sifflant, comme le vent lorsqu'il s'échappe par des ouvertures. Parfois, avant qu'elle ne s'embrase, elle sort avec impétuosité du nuage, et fait alors un bruit comme des soufflets de forgeron quand ils soufflent.

15 Et il a lancé ses flèches, et il les a dispersés. Il a multiplié ses éclairs, et il les a troublés.

Le psalmiste décrit ici le mouvement des éclairs, et il les compare à une flèche à cause de la violence du vent qui les meut. et il les a dispersés, c'est-à-dire les pécheurs, car ils sont parfois mus par eux; en effet à la diversité des vents correspond la diversité du mouvement de l'éclair. Car de même qu'en traitant plus haut du mouvement des vents il disait: il s'est envolé: il s'est envolé, etc., afin de montrer le mouvement divers des vents, ainsi dit-il ici: Il a multiplié ses éclairs, afin de montrer le mouvement des éclairs. Il dit: il les a troublés, car Pline affirme que les présages se fondent sur les éclairs; car parfois il s'agit d'un signe bénéfique, c'est-à-dire lorsqu'ils jaillissent de l'Orient; parfois non, et c'est pourquoi les hommes qui exercent les fonctions d'augure se troublent en raison des présages futurs.

16 Alors ont paru les sources des eaux, et les fondements du globe de la terre ont été mis a nu, à ta menace, Seigneur, au souffle du vent de ta colère.

C. Le psalmiste traite ici de la formation des eaux, qui émanent d'origines qu'on appelle sources, et à partir desquelles existe toute formation d'eaux. Or celles-ci sont formées de deux manières. Parfois à la suite d'une cause ordinaire et naturelle; comme lorsque les exhalaisons sont élevées au-dessus de la terre, et en vertu de cette élévation elles se refroidissent dans la hauteur, et descendent et se transforment en pluie. Ainsi à cause de la chaleur intérieure de la terre, et lorsque les exhalaisons ne sortent pas, elles se rassemblent et se dissolvent en eau, et donnent naissance aux sources des eaux. De même que les pluies sont formées dans l'air, ainsi les sources sur la terre; et c'est pourquoi le long des montagnes où les exhalaisons ne sortent pas, apparaissent les sources. Et c'est ce qu'il dit: ont paru les sources des eaux. Parfois les sources se forment à la suite du bouleversement de la terre issu d'un séisme; de cette secousse naissent des veines d'eau dans la profondeur de la terre submergée; et c'est pourquoi il dit: et les fondements du globe de la terre. Selon le Philosophe, ce bouleversement est dû au vent enfermé à l'intérieur de la terre, comme le vent dans l'air agite l'air. Mais lorsque le vent est retenu, il se produit un tremblement de terre; et ces deux vents symbolisent la colère de Dieu. Et c'est pourquoi il dit qu'elle se manifeste sur la terre comme un tremblement de terre.

3'. Au sens mystique, on peut appliquer cela aux effets spirituels; et de même qu'on a montré plus haut le mystère de l'Incarnation en annonçant l'Incarnation proprement dite dans laquelle le Christ descendit, tout comme son Ascension, ici sont signifiés les événements qui se déroulèrent par la suite.

1) Ainsi le psalmiste montre d'abord sa disparition.

2) Puis le rassemblement de l'Église: sa tente autour de lui.

3) Enfin la prédication des Apôtres: une eau ténébreuse.

1. Concernant la disparition du Christ il dit: 12 il a fait des ténèbres. À ce propos la Glose distingue quatre sortes de ténèbres.

a. D'abord son humanité: "Je couvrirai le soleil par une nuée." - "En vérité, tu es un Dieu caché."

b. Ensuite les matières sacramentelles, comme l'eau du baptême et les autres matières des sacrements, dans lesquelles la puissance divine agit secrètement.

c. Puis il s'est caché dans la foi des croyants: "Pendant que nous sommes dans ce corps, nous voyageons loin du Seigneur."

d. Enfin il réalise quelque chose de manière cachée à travers les méchants, qui sont les ténèbres: "La lumière brille dans les ténèbres, et les ténèbres ne l'ont pas étreinte."

2. Parfois il est permis aux méchants de faire du mal aux saints; mais dans ces ténèbres, sa tente, c'est-à-dire l'Église, est autour de lui. - "Le Très-Haut a sanctifié sa tente." - "Voici la tente de Dieu avec les hommes, et il demeurera avec eux", par la foi et la charité, dans la mesure où ils adhèrent à lui comme à leur milieu, lui qui s'intéresse également à eux, comme le commente la Glose.

3. eau ténébreuse dans les nuées de l'air. Ici le psalmiste traite de la prédication des Apôtres.

a) Et il expose d'abord la qualité de leur prédication.

b) Ensuite la circonstance dans laquelle ils prêchent: les nuées.

c) Enfin l'effet de leur prédication: les sources des eaux ont paru.

a. Ainsi dit-il: une eau ténébreuse, c'est-à-dire l'enseignement, est dans les nuées, c'est-à-dire dans les prophètes et les prédicateurs. Il les appelle nuées, parce qu'en s'élevant des choses terrestres vers les nuées ils ont accompli la parole de Dieu: "Qui sont ceux-là qui volent comme des nuées ?" Et: "Cieux, répandez d'en haut votre rosée, et que les nuées fassent pleuvoir la justice." Ou bien il dit: dans les nuées de l'air, c'est-à-dire dans les Apôtres ayant été élevés de terre: "Je commanderai aux nuées de ne plus laisser tomber la pluie sur elle." Et les Apôtres sont appelés eau ténébreuse par rapport à l'éclair, c'est-à-dire par rapport au Christ, qui apparaîtra à ceux qui le voient: "Maintenant nous voyons dans un miroir d'une manière obscure, mais alors nous verrons face à face." Ou bien autrement, en ponctuant ainsi: eau ténébreuse dans les nuées de l'air: À l'éclat qui jaillit de sa présence, les nuées se sont dissipées. Puis ce qui suit: grêle et charbons de feu, etc. Et on distingue une double doctrine: celle des prophètes, et elle est obscure, car elle porte un voile, comme le dît l'Apôtre Paul: "Car jusqu'à ce jour le même voile demeure sans être levé, lorsqu'ils lisent l'Ancien Testament, parce que c'est dans le Christ qu'il s'est levé." C'est pourquoi il dit: eau ténébreuse dans les prophètes, c'est-à-dire dans leur doctrine. Mais la doctrine du Nouveau Testament est claire, et c'est pourquoi il dit: À l'éclat; plénière est cette doctrine unique, c'est-à-dire lumineuse, car il est écrit dans les Éphésiens: "Mystère qui, dans les autres générations, n'a pas été découvert aux enfants des hommes." Et dans un psaume: "Il n'a pas fait de même à toute nation."

b. Ensuite il traite des docteurs eux-mêmes, et ils sont comparés aux nuées, aux flèches et aux éclairs.

- Aux nuées comme prédicateurs. Et le psalmiste mentionne trois choses.

· D'abord leur passage: nuées.

· Puis la qualité de leur prédication: grêle et charbons de feu.

· Enfin l'autorité de celui qui doit prêcher: a tonné.

· les nuées, c'est-à-dire les Apôtres qui ont passé des Juifs aux nations: "Les nuées répandent leur lumière et disséminent leur lueur." - "C'était à vous qu'il fallait d'abord annoncer la parole de Dieu; mais puisque vous la rejetez, et que vous vous jugez indignes de la vie éternelle, voilà que nous nous tournons vers les nations."

· La grêle nuit beaucoup aux fruits et aux fleurs, et leur prédication fut comme une grêle menaçante. et charbons de feu, c'est-à-dire leurs paroles enflammées.

· Et leur autorité, car le Seigneur parlait à travers eux. C'est pourquoi le Seigneur a tonné du ciel, c'est-à-dire par les Apôtres eux-mêmes il a tonné des paroles menaçantes: "Ce n'est pas vous qui parlez, mais l'Esprit de votre Père qui parle en vous." et le Très-Haut a fait entendre sa voix, c'est-à-dire en brûlant de mansuétude: "Recevez avec mansuétude la parole entée en vous, qui peut sauver vos âmes." Et d'abord le mot grêle, et puis charbons de feu.

Ou bien autrement: il a tonné, sur le Christ: "Une voix vint du ciel disant: je l'ai glorifié et je le glorifierai encore. La foule qui avait entendu disait que c'était le tonnerre." et le Très-Haut a fait entendre sa voix, à la transfiguration: "Celui-ci est mon fils bien-aimé."

- Et il a lancé ses flèches. Ces docteurs sont comparés ici aux flèches à cause de la ferveur de l'Esprit-Saint en eux: "Il m'a disposé comme une flèche choisie." Et: "Ceux qui sortent avec élan de Jacob rempliront la face du globe de semence." et il les a dispersés, car ils furent "pour les uns une odeur de vie pour la vie, aux autres une odeur de mort pour la mort".

- Il dit ces choses à cause de l'éclat des miracles: "Lanceras-tu des éclairs et iront-ils; et revenant, te diront-ils: nous voici ?" et il les a troublés, c'est-à-dire il les frappa de stupeur. On rapporte dans les Actes au sujet du miracle de Pierre que tous "furent remplis de stupeur et hors d'eux-mêmes de ce qui lui était arrivé".

c. les sources des eaux ont paru. Le psalmiste expose ici l'effet de la prédication.

- Et il expose d'abord l'effet.

- Puis son origine: À ta menace.

- Or il y a un double effet. Le premier est montré quand il dit: les sources des eaux ont paru, c'est-à-dire les enseignements de la sagesse: "Je ferai jaillir des fleuves sur les sommets dénudés, et des sources au milieu des vallées; je changerai le désert en étang, et la terre sans chemin en courants d'eaux." - "Vous puiserez avec joie des eaux des sources du Sauveur." Ou bien les dons de l'Esprit-Saint: "Il y aura une source ouverte à la maison de David et aux habitants de Jérusalem, pour laver le pécheur et la femme qui est dans ses mois." L'autre effet est exposé lorsqu'il dit: les fondements du globe ont été mis à nu, à savoir les saints Patriarches sur lesquels notre foi a été fondée, car ce qui a été dit ou accompli le fut en figure, mais révélé par les Apôtres.

- Quant à l'origine de ces effets, ce fut lorsque le Christ commença à menacer: "Faites pénitence, car le royaume des cieux approche." - "Si vous ne faites pas pénitence, vous périrez tous de la même manière."

au souffle du vent de ta colère, c'est-à-dire lorsqu'il souffla pour que tous nous soyons confus au regard de nos péchés.

17 Il a envoyé d'en haut, et il m'a pris, et il m'a retiré des grandes eaux.

III. Plus haut le psalmiste a traité de la puissance de celui qui libère; ici il expose successivement le bienfait de sa libération: et à cet égard il fait deux choses.

A) Il commence par rendre grâces pour sa libération à propos des choses passées.

B) Ensuite au sujet des choses futures qu'il espère: Et je serai sans tache avec lui.

A. Au sujet des choses passées il expose trois choses:

1) Il raconte d'abord de quoi il a été libéré.

2) Puis sa libération: et le Seigneur s'est fait mon protecteur.

3) Enfin la cause de sa libération: il m'a sauvé.

1. En disant de quoi il a été libéré, il fait mention de deux choses:

a) Il montre d'abord qu'il a été libéré de grandes tribulations.

b) Ensuite il explique comment ces tribulations sont grandes: 18 Il m'a arraché.

a. La Glose dit au sens littéral: Il a envoyé d'en haut, autrement dit: Dieu est puissant, parce qu'il réalise tous les événements prédits: ébranler, etc.

Il a tonné du ciel, détenant le pouvoir par excellence; et cela d'en haut, c'est-à-dire par son pouvoir, il m'a pris, en m'arrachant; et il m'a retiré, c'est-à-dire de nombreuses tribulations: "Nombreuses sont les tribulations des justes, mais le Seigneur les délivrera de toutes ces peines." - "Tu m'as libéré des mains de ceux qui recherchaient mon âme, et des portes des tribulations qui m'ont environné, de la suffocation du feu qui m'a entouré."

Au sens mystique, Dieu a envoyé son propre Fils d'en haut, c'est-à-dire du ciel: "Je suis descendu du ciel, non pour faire ma volonté, mais la volonté de celui qui m'a envoyé." C'est ce que le psalmiste demandait: "Envoie ta main d'en haut." Et il m'a libéré des grandes eaux. - "À l'extrémité du ciel est sa sortie; et le terme de sa course à l'autre extrémité." Ou bien il a envoyé l'Esprit-Saint: d'en haut il a envoyé un feu. et il m'a pris, infirme que je suis, pour me guérir.

et il m'a retiré des grandes eaux, à savoir du baptême, ou de la multitude des péchés. Ou bien: il a envoyé d'en haut, c'est-à-dire sa grâce aux hommes justes: "Tout don excellent et tout don parfait vient d'en haut et descend du Père des lumières, en qui il n'y a ni changement, ni ombre de vicissitudes." et il m'a pris, en vue du repentir: "Comme un pasteur fera paître son troupeau, et avec son bras il rassemblera les agneaux, et il les prendra dans son sein, il portera lui-même les brebis pleines." - "Moi, comme le père nourricier d'Ephraïm, je les porterai dans mes bras." Ou bien: des grandes eaux, c'est-à-dire des peuples, car les fidèles sont retirés de la multitude des nations.

18 Il m'a arraché à mes ennemis très puissants, et à ceux qui m'ont haï, parce qu'ils sont devenus plus forts que moi. 19 Ils m'ont prévenu au jour de mon affliction, et le Seigneur s'est fait mon protecteur. 20 Et il m'a mis au large; il m'a sauvé, parce qu'il m'a voulu. 21 Et le Seigneur me rétribuera selon ma justice, et il me rétribuera selon la pureté de mes mains. 22 Parce que j'ai gardé les voies du Seigneur, et que je n'ai pas agi avec impiété en m'éloignant de mon Dieu. 23 Puisque tous ses jugements sont devant moi, et que je n'ai point éloigné de moi ses justices.

b. Le psalmiste examine ici comment ses tribulations sont nombreuses.

- Et d'abord à partir de la condition de ses ennemis.

- Ensuite à partir de leur persécution: parce qu'ils sont devenus plus forts.

- La condition de ses ennemis est très nuisible, car ils sont puissants et haineux; c'est pourquoi il dit: Il m'a arraché à mes ennemis très puissants, et à ceux qui m'ont haï.

Au sens mystique, les ennemis puissants sont les péchés charnels: "Si tu accordes à ton âme la satisfaction de ses convoitises, elle fera de toi la risée de tes ennemis." - "Arrache-t-on au puissant sa proie ?" Les ennemis haineux sont les démons: "Les Égyptiens haïssaient les enfants d'Israël." - "Je briserai devant sa face ses ennemis."

- Ensuite est exposée la persécution. Quelqu'un peut être libéré de ses ennemis de deux manières. Ou bien parce qu'il ne consent pas à être vaincu, ou bien parce qu'il prend la fuite. Mais le psalmiste écarte de lui ces deux possibilités. D'abord parce que ceux qui étaient forts et très forts, c'est-à-dire en grand nombre, l'ont vaincu, et il n'a pu s'enfuir; et c'est ce qu'il dit: Ils m'ont prévenu, en barrant justement le chemin pour prendre la fuite: "Ceux qui nous poursuivaient ont été plus rapides que les aigles du ciel, ils nous ont pourchassés sur les montagnes"; et cela, au jour de l'affliction, car l'homme est alors plus faible quand il est affligé: "Tous ses persécuteurs l'ont saisi dans ses angoisses."

2. Il expose le secours de son libérateur dans une double intention. D'abord contre ses ennemis puissants, aussi dit-il: et le Seigneur s'est fait mon protecteur, pour qu'ils ne me nuisent pas: "Tu m'as protégé contre l'assemblée des méchants, et contre la multitude de ceux qui commettent l'iniquité." Puis contre ceux qui agissent de propos délibéré; d'où ce qui suit: il m'a mis au large, en me tirant de l'embarras dans lequel j'étais ne sachant que faire, et me montrant la voie a suivre. Ou bien: au large de la charité: "Ton commandement est étendu sans limite."

3. La cause de la libération est double, c'est-à-dire la grâce divine et le mérite humain. C'est pourquoi il dit: il m'a sauvé, parce qu'il m'a voulu. La cause la plus importante de sa libération, c'est sa propre volonté: "Lui qui fait toutes choses suivant le conseil de sa volonté." Mais ensuite le mérite humain y a aussi une certaine part: "La grâce n'a pas été stérile en moi." Et c'est pourquoi il ajoute: le Seigneur me rétribuera, etc. Il fait ici trois choses:

a) Il mentionne d'abord le mérite.

b) Ensuite il dit en quoi il consiste: Parce que j'ai gardé les voies du Seigneur.

c) Enfin il fait connaître la voie qui mène au mérite: Puisque tous ses jugements sont devant mes yeux.

a. Le mérite de l'homme consiste en deux choses, c'est-à-dire dans l'accomplissement du bien, et dans la fuite du mal: "Détourne-toi du mal et fais le bien." Aussi dit-il à propos de l'accomplissement du bien: le Seigneur me rétribuera selon ma justice, justice que lui-même a réalisée en moi: "Les âmes des justes sont dans la main de Dieu, et le tourment du malheur ne les atteindra pas." - "Pour celui qui sème la justice il y a une récompense assurée." Concernant la fuite du mal il dit: il me rétribuera selon la pureté de mes mains, c'est-à-dire selon mon innocence: "L'innocent sera sauvé, mais il sera sauvé à cause de la pureté de ses mains." - "Le Seigneur ne privera pas de biens ceux qui marchent dans l'innocence."

b. Mais cette justice consiste en l'observation des voies de Dieu: "J'ai couru dans la voie de tes commandements." Et c'est pourquoi il dit: Parce que j'ai gardé les voies du Seigneur. - "Mon pied a suivi ses traces; j'ai gardé sa voie, et je ne m'en suis pas détourne." - Et parce que je n'ai pas agi avec impiété, en m'éloignant de Dieu, car l'homme s'éloigne de Dieu par le péché, et il se souille: "Notre coeur ne s'est pas retiré en arrière."

c. Comment parvenir à cette disposition? Puisque tous ses jugements sont devant [mes yeux]. Il vaut mieux penser aux jugements divins pour accomplir le bien et éviter le mal: "Fuyez devant la face du glaive, parce qu'il y a un glaive vengeur des iniquités." Et j'ai gardé cela, car je n'ai point éloigné de moi ses justices, en péchant de propos délibéré: "Ils ont dit à Dieu: Retire-toi de nous", et en conséquence, "un déluge leur surviendra". Celui qui pèche par faiblesse ou par ignorance obtient facilement le pardon.

24 Et je serai sans tache avec lui, et je me tiendrai en garde contre mon iniquité. 25 Et le Seigneur me rétribuera selon ma justice et selon la pureté de mes mains devant ses yeux.

B. Plus haut, le psalmiste a rappelé le bienfait de sa libération concernant le passé; ici il le fait en relation avec le futur quant à l'espérance.

1) Et il commence par rappeler les bienfaits en général.

2) Puis en particulier, ceux qu'il a reçus et ceux qu'il espère: 31 Mon Dieu, sa voie est sans souillure.

3) Enfin il exalte la justice divine.

1. En rappelant les bienfaits en général il fait deux choses.

a) Il expose d'abord sa prière à Dieu.

b) Ensuite il fait valoir l'espérance de son exaucement: Parce que c'est toi, Seigneur, qui fais luire ma lampe.

a. Il attire l'attention sur trois choses:

- D'abord sur le dessein de persévérer dans l'innocence.

- Puis sur le mérite de la rétribution: il me rétribuera.

- Enfin il en assigne la raison: Avec le saint tu seras saint.

- Ainsi dit-il: Et je serai sans taché avec lui, c'est-à-dire j'adhérerai à Dieu, parce qu'il parle au nom de sa propre personne et au nom des autres, certains d'entre eux étant innocents; et c'est pourquoi il dit: Et je serai, c'est-à-dire je me tiendrai et je persévérerai dans l'innocence: "Bienheureux l'homme qui a été trouvé sans tache"; ou bien: je serai sans tache avec lui, c'est-à-dire j'adhérerai à Dieu: "Celui qui s'unit à Dieu est un seul esprit avec lui", me préservant de toute tache: "Jusqu'à ce que je défaille, je ne me désisterai pas de mon innocence." Certains sont des pénitents, et ce verset concerne ces derniers, pour qu'ils ne tombent pas de nouveau dans le péché (aussi dit-il: et je me tiendrai en garde contre mon iniquité), comme le chien qui "est retourné à son vomissement, et le pourceau lavé vautré dans la boue". - "Par deux choses a été contristé mon coeur, et par la troisième le courroux m'est venu: Un homme de guerre périssant par l'indigence, et un homme sensé méprisé, et celui qui passe de la justice au péché, Dieu l'a réservé pour l'épée à deux tranchants."

- Ensuite il expose l'espérance de la rétribution lorsqu'il dit: Et le Seigneur me rétribuera selon ma justice. Et il y a deux sortes de rétribution. L'une qui est accordée pour les biens accomplis, aussi dit-il: le Seigneur me rétribuera selon ma justice. Selon Anselme, "la justice est une rectitude de la volonté gardée pour elle-même". Ou bien il lui rend selon les oeuvres de l'homme: "Il rendra à chacun selon ses oeuvres." Il dit: je me tiendrai en garde, et il rétribuera, car si l'homme fut parfois juste et a accompli les oeuvres de la justice, il ne s'est pas tenu en garde contre ses péchés, ou bien il ne s'est pas maintenu dans les oeuvres de la justice, aussi encourt-il la mort et ne mérite-t-il pas de rétribution: "Toutes ses oeuvres de justice seront oubliées." L'autre rétribution est celle qui est accordée pour les bienfaits; c'est pourquoi il dit: il me rétribuera selon la pureté de mes mains devant ses yeux. Parfois les oeuvres accomplies ne se limitent extérieurement qu'aux mains, c'est-à-dire qu'il s'agit simplement d'oeuvres, et Dieu ne rétribue pas celles-ci; mais lorsqu'ils forment dans leur coeur des opérations droites, alors il les rétribue. Et tel est le sens de devant ses yeux, non point ces biens qui sont devant nous, mais devant Dieu: "L'oeil n'a pas vu, ô Dieu, toi excepté." Et que rétribuera-t-il? La joie ineffable et l'accroissement de la grâce qui résultent de l'observation des commandements de Dieu: "En les gardant, ton serviteur trouve une grande rétribution." et il rétribuera selon la pureté de mes mains, c'est-à-dire des oeuvres. Mais on dit d'une oeuvre qu'elle est impure en raison de la passion charnelle: "Vos mains sont pleines de sang." Également en raison de la vaine gloire: "Prenez garde à ne pas faire votre justice devant les hommes pour être vus d'eux; autrement vous n'aurez point de récompense." Selon Grégoire, "c'est une folie de [voir l'impie] s'adonner à de grandes tâches et n'aspirer qu'à la louange; alors qu'il pourrait acquérir le ciel, il recherche une parole vaine et éphémère".

26 Avec le saint, tu seras saint, et avec l'homme innocent, tu seras innocent. 27 Et avec l'élu, tu seras l'élu, et avec le pervers, tu seras pervers. 28 Parce que c'est toi qui sauveras un peuple humble, et qui humilieras les yeux des superbes.

- Ensuite le psalmiste expose la raison de la rétribution; et c'est pourquoi il continue: Avec le saint. À cet égard il fait deux choses:

· Il expose d'abord la raison de la rétribution.

· Puis il l'explique: Parce que c'est toi qui sauveras un peuple humble.

· Les deux premiers versets peuvent être interprétés de deux manières. Soit en tant que le psalmiste s'adresse à Dieu, et c'est le sens littéral, autrement dit: Toi, Seigneur, Avec le saint, tu seras saint. Et ainsi il dit deux choses: que Dieu est le rémunérateur et l'approbateur des bons; puis comment il est le réprobateur des méchants; d'où ce qui suit: et avec l'homme innocent, tu seras innocent [...], et avec le pervers, tu seras pervers. Mais il faut attirer l'attention sur le fait qu'il donne précisément le nom de saint, d'innocent, et d'élu. Or le mot élu peut s'entendre de deux manières. Ou bien du côté de Dieu; et c'est un vocable commun à tous les saints: "Dieu nous a élus en lui avant la fondation du monde, afin que nous fussions saints et sans tache en sa présence dans la charité." Ou bien on appelle élu celui qui a l'excellence de l'innocence et de la sainteté: "Mon bien-aimé est blanc et vermeil, élu entre mille."

Si le mot élu est pris selon la première manière, alors en second lieu il expose ce qui nous concerne, et en troisième lieu ce qui concerne Dieu. Si on l'entend selon la seconde manière, il propose deux choses qui nous concernent.

Il y a d'abord l'accomplissement du bien qui se fait en raison de Dieu; et c'est à proprement parler le fondement de la sainteté, car toutes les choses qui sont ordonnées à Dieu sont appelées saintes; et c'est ce qu'il dit: Seigneur, tu seras saint avec le saint, en étant la cause de la sainteté en lui: "Moi je suis le Seigneur, qui vous sanctifie." Ou bien ainsi: tu seras saint effectivement, c'est-à-dire en montrant que tu aimes et approuves la sainteté; or Dieu ne le montre que par ses oeuvres, car nous ne voyons pas sa substance. Le saint ne se comporte pas autrement avec le saint, Si ce n'est en montrant la sainteté; car actuellement il ne nous est pas visible, pour qu'on puisse dire que ses mouvements extérieurs sont conformes à la sainteté. Ainsi en est-il de l'homme qui se conforme de différentes manières aux diverses circonstances, surtout à l'égard de ses amis; car tout animal aime son semblable, et celui qui aime récompense. D'où en montrant que tu es saint, quand récompenseras-tu, dit-il, les oeuvres de la sainteté? et avec l'homme innocent, tu seras innocent, effectivement et en récompensant. Et avec l'élu, celui que tu aimes, tu seras l'élu, parce que tu feras en sorte que lui-même te choisisse: "Ce n'est pas vous qui m'avez choisi, mais c'est moi qui vous ai choisis" dès le commencement. - "Il a aimé tes pères, il a choisi leur postérité après eux." Et encore: "Tu as choisi aujourd'hui le Seigneur, afin qu'il soit ton Dieu, afin que tu marches dans ses voies et que tu gardes ses cérémonies, ses commandements et ses ordonnances, et que tu obéisses à son ordre. Et le Seigneur t'a choisi aujourd'hui, afin que tu sois son peuple particulier, comme il l'a dit, et que tu gardes tous ses préceptes, et qu'il t'élève au-dessus de toutes les nations qu'il a créées pour sa louange, son nom et sa gloire: afin que tu sois le peuple saint du Seigneur ton Dieu, comme il a dit." Ou bien: élu, c'est-à-dire séparé de manière éminente. et avec le pervers, tu seras pervers, c'est-à-dire tu permettras qu'il soit pervers. Ou bien, sont pervers ceux qui ne suivent pas ceux qu'ils doivent suivre. Donc celui qui ne suit pas la volonté de Dieu semble pervers. Par conséquent, toi, tu agis contre la volonté de Dieu, et Dieu contre ta volonté, autrement dit: toi, tu veux obtenir la béatitude et Dieu te donnera le malheur: "Si vous marchez en opposition avec moi, et que vous ne vouliez pas m'écouter, j'augmenterai vos plaies d'un septuple à cause de vos péchés; [...): moi aussi, je marcherai contre vous, et je vous frapperai sept fois à cause de vos péchés." Et c'est pourquoi il dit: avec le pervers, tu seras pervers, c'est-à-dire agissant contre la volonté des pervers.

Le mot élu peut s'entendre d'une autre manière, c'est-à-dire en le rapportant à un homme; et ainsi on lira: Ô homme, tu seras saint avec l'homme saint, ou tu seras saint avec le Christ, car tu n'apprendras rien de Dieu Si ce n'est la sainteté: "Avec un homme irréligieux, traite de choses saintes", et: avec l'homme innocent, tu seras innocent, car les moeurs se forment d'après les relations: "Les mauvais entretiens corrompent les bonnes moeurs." et avec le pervers tu seras pervers. - "Qui touche à la poix se souille, et qui se lie avec l'orgueilleux lui devient semblable."

· Ensuite le psalmiste explique ce qui a été dit selon la première interprétation. Pourquoi, Seigneur, seras-tu saint avec le saint? Parce que c'est toi qui sauveras un peuple humble, c'est-à-dire dans le fait que tu sauveras l'homme, tu montreras que toi tu es saint avec le saint: "Il donne sa grâce aux humbles." - "Laissez les petits enfants venir à moi, et ne les empêchez point; car à de tels appartient le royaume des cieux." - "Il est élevé au-dessus de toutes les nations, le Seigneur, et au-dessus des cieux est sa gloire. Qui est comme le Seigneur notre Dieu, qui habite dans les lieux les plus élevés, et regarde les choses humbles dans le ciel et sur la terre ?" Pourquoi seras-tu pervers avec le pervers ? Parce que tu humilieras les yeux des superbes. - "Quiconque s'exalte sera humilié." - "Les yeux altiers de l'homme du peuple ont été humiliés, et la fierté des hommes de condition sera abaissée." Et il dit: les yeux, car l'orgueil consiste en ce que l'homme élève son regard vers des choses qui dépassent sa mesure: "Son orgueil et son arrogance, et sa fureur, sont plus grands que sa puissance." Et c'est pourquoi le psalmiste confesse: "Seigneur, mon coeur ne s'est pas exalté, et mes yeux ne se sont pas élevés."

29 Parce que c'est toi, Seigneur, qui fais luire ma lampe; mon Dieu, illumine mes ténèbres.

b. Le psalmiste se tourne ici vers la prière, autrement dit: ainsi tu es juste, Parce que c'est toi qui fait luire ma lampe. Et il fait deux choses:

- Il expose d'abord son action de grâces pour le bienfait reçu.

- Puis il formule une demande fondée sur ce bienfait reçu: mon Dieu, illumine mes ténèbres.

- Ainsi dit-il: c'est toi qui fais luire ma lampe. Tout ce verset peut être expliqué de deux manières au sens littéral:

· Selon que par le mot lampe on entend la prospérité, et que par le mot ténèbres on comprend l'adversité. Par exemple, lorsqu'un homme est joyeux, toutes choses lui semblent claires, quand il est triste, toutes choses lui paraissent obscures. Tel est donc ce qu'il dit: Parce que c'est toi, Seigneur, qui fais luire ma lampe, car toi tu m'as donné la prospérité et tu la donnes continuellement: illumine mes ténèbres, c'est-à-dire: si quelque sentiment d'adversité demeurait en moi, chasse-le et éloigne-le de moi.

· Ou bien, on peut interpréter ce verset au sens moral, selon que par le mot lampe on entend l'esprit ou l'âme de l'homme: "Le souffle de l'homme est une lampe du Seigneur." Donc l'esprit de l'homme est comme une lampe de Dieu allumée par la lumière divine: "La lumière de ton visage a été gravée sur nous, Seigneur." Aussi longtemps que nous sommes sans péché, notre lampe est allumée, c'est-à-dire que notre âme resplendit de la lumière de la grâce, mais lorsqu'il subsiste quelque chose de la ténèbre de la chair corruptible, notre lampe s'éteint: "Ainsi donc moi-même, par l'esprit, je suis l'esclave de la loi de Dieu, et par la chair l'esclave de la loi du péché." Et c'est ce qu'il dit: Parce que c'est toi qui fais luire ma lampe, c'est-à-dire parce que mon âme est éclairée par la lumière de la grâce.

- illumine mes ténèbres, c'est-à-dire écarte de moi les fautes et les corruptions, à cause desquelles l'homme tombe dans les ténèbres.

Ou bien ce verset peut être lu au sens allégorique, selon que ces paroles sont dites comme si elles venaient de la personne du Christ, ou de n'importe quel juste. Dans l'Église il y a beaucoup de lampes ardentes, comme les fidèles et les saints: "Soyez sans reproche au milieu d'une nation dépravée et perverse, parmi laquelle vous brillez comme des astres dans le monde, gardant la parole de vie pour ma gloire au jour du Christ, parce que ce n'est pas en vain que j'ai couru, ni en vain que j'ai travaillé." De même il y a beaucoup de gens obscurs, comme les infidèles et les pécheurs: "Autrefois vous étiez ténèbres, mais maintenant vous êtes lumière dans le Seigneur." Donc, l'homme priant pour l'Église ou l'Église priant pour lui, dit: Parce que c'est toi qui fais luire ma lampe, c'est-à-dire les fidèles qui luisent, et: illumine les ténèbres, c'est-à-dire les pécheurs.

30 Parce qu'avec toi je serai délivré de la tentation, et avec mon Dieu je franchirai le mur.

Il expose l'espérance de l'exaucement lorsqu'il dit: Parce que. Le psalmiste fait ici deux choses.

- Il traite d'abord de la libération du mal.

- Puis de la victoire sur le mal.

- Ainsi dit-il: je prie parce que j'espère, avec toi, c'est-à-dire avec ta puissance. je serai délivré de la tentation, c'est-à-dire de n'importe quelle tribulation ou de toute attaque: "Dieu est fidèle, et il ne souffrira pas que vous soyez tentés au-delà de ce que vous pouvez."

- et avec mon Dieu je franchirai le mur, c'est-à-dire j'obtiendrai la victoire sur le péché par la puissance de Dieu. Car l'ennemi remporte la victoire sur une cité, lorsqu'il en franchit la muraille. Ce mur, c'est n'importe quelle difficulté qui nous fait obstacle à bien oeuvrer, ou bien les péchés qui nous provoquent à faire le mal. Une version de Jérôme lit: "Frangam murum (Je briserai le mur)", car nous ne pouvons être en ce monde sans commettre le péché: "Si nous disons que nous n'avons pas de péché, nous nous trompons nous-mêmes, et la vérité n'est pas en nous." Mais nous passons outre, car nous nous élevons au-dessus de tout cela, lorsque nous ne consentons pas à ses convoitises.

31 Mon Dieu, sa voie est sans souillure; les paroles du Seigneur sont éprouvées par le feu; il est le protecteur de tous ceux qui espèrent en lui. 32 Car qui est Dieu, excepté le Seigneur? Ou qui est Dieu, excepté notre Dieu ?

2. Le psalmiste poursuit en disant: Dieu. Plus haut il a fait mémoire de manière générale des bienfaits qu'il attend de Dieu dans le futur, car il disait: [avec] toi je serai délivré de la tentation; ici il les décrit en particulier. Et il faut considérer qu'il parle à la manière de celui qui souffre l'adversité et qui a des adversaires, dont il espère remporter la victoire. Victoire dans laquelle il y a une triple gradation.

a) D'abord, en tant qu'il poursuit ses adversaires en fuite, et qu'il les abat comme des captifs.

b) Puis, en tant qu'il règne sur eux: 40 tu m'as ceint.

c) Enfin, en tant qu'il est exalté: 44 Tu me délivreras.

a. Concernant la poursuite de ses adversaires, il fait trois choses.

- Il commence par louer son secours, c'est-à-dire Dieu.

- Ensuite il montre comment certaines choses lui ont déjà été données par Dieu, grâce auxquelles il est apte à les poursuivre: 33 Le Dieu qui m'a ceint.

- En traitant de la louange du secours divin, le psalmiste commence par louer Dieu;

· puis il montre la vraisemblance de sa louange: Car qui est Dieu, etc. ?

· enfin il traite de leur poursuite: 38 Je poursuivrai.

· Ainsi loue-t-il Dieu pour trois raisons: parce qu'il est juste en action, vrai en parole, et miséricordieux dans son secours.

Il dit: je serai délivré de la tentation, tandis que je considère la pureté de la justice divine, car Mon Dieu, sa voie est sans souillure. Et encore, tandis que je considère sa disposition, car il n'y a rien d'injuste en lui: "Est-ce ma voie qui n'est pas juste, et ne sont-ce pas plutôt vos voies qui sont corrompues ?" Ou bien la voie de Dieu, par laquelle Dieu va vers l'âme, est sans souillure. Et c'est la charité: "Je vais vous montrer une voie plus excellente encore", c'est-à-dire afin que vous soyez en sécurité. Cette voie est sans souillure, parce que la charité n'agit pas mal à propos, c'est-à-dire faussement. Ou bien la voie de Dieu, c'est le Christ lui-même, qui n'a pas commis de péché: "Elle sera appelée la voie sainte, et l'impur n'y passera pas; et ce sera pour vous une voie droite, en sorte que l'ignorant ne s'y égarera pas." Ou bien la voie du Christ est la Vierge bienheureuse: "La mer fut ton chemin." Celle-ci est sans souillure: "Tu es toute belle, mon amie, et il n'y a pas de tache en toi" - "Élargis l'espace de ta tente".

Il dit: les paroles du Seigneur. Et il s'exprime en les comparant à l'or ou à l'argent qui, pour être pur, est éprouvé au feu. Aussi, de même que l'or purifié par le feu ne contient rien d'impur, ainsi les paroles du Seigneur sont-elles pures: "Tous mes discours sont justes, et il n'y a rien en eux de dépravé ni de pervers." éprouvées par le feu. - "Les paroles du Seigneur sont des paroles pures, comme l'argent éprouvé par le feu, s'épurant à la terre, purifié sept fois." Et elles sont dites éprouvées par le feu, c'est-à-dire par le feu de l'Esprit Saint: "Est-ce que l'oreille ne discerne pas les paroles, et le palais de celui qui mange, la saveur des aliments ?" Nul ne peut éprouver des paroles à moins qu'il n'ait le feu de l'Esprit Saint: "L'homme naturel ne perçoit pas ce qui est de l'Esprit de Dieu." Aussi est-ce parce qu'il est véridique, qu'il accomplira ce qu'il a promis. Et c'est pour cette raison qu'il dit: il est le protecteur de tous ceux qui espèrent en lui.. - "Nul n'a espéré dans le Seigneur, et n'a été confondu."

· Puis il montre la vraisemblance de sa louange: car le fait qu'il soit juste, vrai, et miséricordieux, ce sont là des propriétés. Donc si ces propriétés conviennent à mon Dieu, tu ne chercheras pas d'autre Dieu. Mais il n'est aucun autre Dieu en dehors de lui. Et c'est pourquoi le psalmiste dit: qui est Dieu, excepté le Seigneur? Autrement dit: aucun: "Moi je suis le Seigneur, c'est là mon nom." - "Écoute Israël: Le Seigneur notre Dieu est l'unique Seigneur." En cela les Juifs différaient des autres nations. Car les autres nations rendaient un culte aux éléments du monde, ou aux hommes ou aux anges, et ces derniers étaient appelés leurs créateurs; mais les Juifs honoraient le Dieu véritable comme leur Créateur. Le psalmiste affirme donc que celui-là même est le Dieu de toute la création. Ensuite, que ce dernier était spécialement honoré par les Juifs.

Ainsi dit-il en parlant du Dieu créateur: qui est Dieu, excepté le Seigneur, c'est-à-dire l'artisan de toute la création? - "Que toute ta création te serve." - ou qui est Dieu, excepté notre Dieu? Lui uniquement. - "Nul n'est saint comme le Seigneur, car il n'y a pas d'autre Dieu que toi, et il n'est pas de fort comme notre Dieu." - "Dieu s'est fait connaître en Juda." On dit de celui-ci qu'il est notre Dieu spécialement en raison de sa bonté, et de son culte, de l'unité de sa nature, de son acte d'assumer la chair, et de sa rédemption. En cela sont confondus les manichéens; parce que celui-ci est le Dieu et le Seigneur des réalités visibles, et que le Dieu de l'Ancien Testament est le Dieu véritable, car il n'est aucun Dieu en dehors de lui.

33 Le Dieu qui m'a ceint de la forcé, et qui a rendu ma voie sans tache.

- Le psalmiste montre ici comment il reçoit de Dieu l'aptitude à vaincre, car Dieu donne parfois à quelqu'un la force pour agir selon le bien; cependant cela ne suffit pas Si Dieu ne le protège pas extérieurement.

·· Il montre donc d'abord comment Dieu donne la force intérieurement.

·· Puis comment il aide extérieurement: 36 Tu m'as donné la protection.

·· Trois choses sont nécessaires à l'homme pour vaincre: qu'il soit fort: "La force et la beauté sont son vêtement." - "L'homme fort armé garde l'entrée de sa maison." Qu'il soit agile et formé à la guerre; et le psalmiste dit qu'il possède ces trois qualités. Il mentionne la deuxième en disant: Qui a disposé mes pieds. La troisième en disant: "Qui enseigne mes mains au combat.

Au sujet de la première qualité il fait deux choses:

Il confesse d'abord que la force lui a été donnée par Dieu.

Puis l'usage du don de force.

Ainsi dit-il: Le Dieu qui m'a ceint de la force, etc. Les soldats sont ceints d'armes et d'une épée, afin d'être équipés et prêts pour le combat: "Judas Macchabée revêtit la cuirasse comme un géant, et il se ceignit de ses armes guerrières dans les combats." Telle est cette force, c'est-à-dire la puissance qui m'a été donnée par Dieu, non seulement dans les luttes corporelles, mais aussi dans les luttes spirituelles, que je ne puis remporter sans la puissance de Dieu. Et c'est pourquoi il dit: Le Dieu qui m'a ceint de la force. - "Fortifiez-vous dans le Seigneur et dans la puissance de sa vertu." - "Il donne de la force à celui qui est fatigué et redouble la vigueur de celui qui est défaillant." Ou bien: il m'a ceint à la manière de celui qui court sans être empêché par le flottement des vêtements. Ainsi la force de Dieu maintient-elle la passion pour qu'elle ne verse pas dans les choses terrestres.

Et d'où ce qui suit: et qui a rendu ma voie sans tache. "Béni soit Dieu qui a gardé son serviteur du mal." - "Bienheureux ceux qui sont sans tache dans leur voie." Ou bien cette voie est la voie de la charité qui n'agit pas mal à propos, comme on l'a dit plus haut.

34 Qui a disposé mes pieds comme ceux des cerfs, et m'a établi sur des lieux élevés; 35 qui a instruit mes mains au combat; et tu as rendu mes bras comme un arc d'airain.

Ici est exposée l'agilité qui est nécessaire pour le combat. On raconte au premier livre des Rois que Saül était sorti à la recherche de David sur des rochers très abrupts, qui ne sont accessibles qu'aux cervidés, autrement dit: Dieu m'a donné une telle agilité que je circulais à travers les montagnes comme un cerf. Et il m'a établi sur des lieux élevés. Sur les versants des montagnes les pieds de l'homme n'adhèrent pas, mais Dieu lui a donné une grâce telle qu'il ne glisse pas sur eux. Au sens mystique on lit ce verset de la manière suivante: de même que le cerf traverse les buissons épineux et les forêts sans se blesser, ainsi le désir spirituel passe à travers les convoitises du monde sans être blessé et infecté par le mal: "Nephtali est un cerf en liberté, qui donne des paroles pleines de beauté." - "Alors le boiteux bondira comme le cerf." et m'a établi sur des lieux élevés, c'est-à-dire a fixé mon esprit sur les réalités célestes: "Vainqueur il me conduira sur mes hauteurs."

Ensuite est exposé l'enseignement militaire; c'est pourquoi il dit: qui [enseigne] mes mains au combat. L'enseignement militaire s'acquiert par la science et sa perfection par la pratique.

Il recherche donc d'abord la science ou l'enseignement, parce que cet enseignement est nécessaire aux soldats: "C'est avec réflexion que s'entreprend une guerre." Mais ce dernier, instruit par Dieu, dit au sujet de la seconde qualité: tu as rendu mes bras comme un arc d'airain, c'est-à-dire tu as fait que mes bras deviennent comme infatigables au combat. Ou bien: Qui enseigne, etc., c'est-à-dire contre les vices et les démons; il nous enseigne à vaincre les ennemis qui s'efforcent de nous fermer les portes du ciel. Puis en changeant de personne il dit: tu as rendu, etc. Une autre version lit: "Gonfregisti arcum aereum (Tu as brisé l'arc d'airain)", c'est-à-dire mon bras: "Béni le Seigneur mon Dieu, qui instruit mes mains au combat." Remarquez que l'excellence de l'agilité et de la force se trouve chez les lions, qui à cause d'un excès de sécheresse n'ont pas de moelle dans les os; et cela tient à une grande disproportion du mélange des éléments, et c'est pourquoi ils vivent peu de temps; mais ceci ne convient pas à l'homme en raison de ses oeuvres, aussi sont-elles appelées de cette façon à cause d'un don spécial prodigué à David, comme le dit l'Ecclésiastique: "Il joua avec les lions comme avec des agneaux; et de même, avec les ours comme avec de jeunes agneaux." Et de même au sens mystique, l'enseignement du combat lui a été donné en vertu d'une grâce de la part de Dieu. Il nous faut être instruits pour le combat spirituel: "Nombreux sont les pièges du trompeur" que nous ne pouvons éviter à moins que nous n'ayons et l'enseignement et le secours divin: "La gloire de ses naseaux", c'est-à-dire du démon, "est la terreur. Il creuse de son sabot la terre, il s'élance avec audace; il court au-devant des hommes armés; il méprise la peur, il ne cède pas au glaive". - "Bien qu'en nous l'homme extérieur se détruise, cependant l'homme intérieur se renouvelle de jour en jour."

36 Et tu m'as donné la protection de ton salut, et ta droite m'a pris; et ta discipline m'a corrigé jusqu'à la fin, et ta discipline elle-même m'instruira. 37 Tu as élargi mes pas sous moi, et mes pieds n'ont pas été affaiblis.

·· Ici le psalmiste montre comment ses propres dons précités sont conservés par Dieu extérieurement; c'est pourquoi il dit: Il m'a ceint de force, et cependant il m'a protégé. Et tu m'as donné la protection de ton salut, c'est-à-dire tu m'as protégé en vue du salut, car les dons précités ne suffisent pas sans l'assistance de la protection divine: "Tu m'as protégé, ô Dieu, contre l'assemblée des méchants". et ta droite m'a pris, c'est-à-dire la faveur de ta grâce m'a fortifié dans la guerre. À propos de cette guerre il est écrit: "La main du Seigneur était avec moi me fortifiant." Ou bien: ta droite, c'est-à-dire ton fils, m'a pris, c'est-à-dire ma nature. Ou bien: moi qui suis faible pour me soigner. Et ta discipline m'a corrigé jusqu'à la fin, c'est-à-dire finalement et parfaitement: "Le Seigneur châtie celui qu'il aime, et il se complaît en lui comme un père en son fils"; c'est pourquoi il dit: ta discipline m'a corrigé jusqu'à la fin.

En parlant du deuxième don il dit: ta discipline elle-même m'instruira. Il arrive parfois à une personne d'hésiter, parfois de s'égarer. Mais celui-là, c'est-à-dire Dieu, corrige les erreurs; aussi ta discipline m'a corrigé jusqu'à la fin, comme on l'a dit plus haut. Dieu redresse également les choses douteuses: et ta discipline elle-même m'instruira. - "Enseigne-moi la bonté, et la discipline, et la science."

En parlant du troisième don, il dit: Tu as élargi mes pas sous moi, comme si tu donnais l'agilité, et avec celle-ci tu protèges ceux qui ont les pas élargis quand ils sont resserrés.

Ou bien au sens spirituel, lorsque le coeur est prompt à accomplir le bien par la charité: "J'ai couru dans la voie de tes commandements, lorsque tu as dilaté mon coeur." et mes pieds n'ont pas été affaiblis, parce qu'ils n'ont pas chancelé. Ou bien: les pieds, c'est-à-dire les traces des pieds qui sont laissées sur le chemin.

38 Je poursuivrai mes ennemis, et je les atteindrai, et je ne reviendrai point jusqu'à ce qu'ils soient défaits.

· Plus haut le psalmiste a exposé son aptitude à vaincre; mais ici il traite de la victoire, en disant comment il a poursuivi ceux qui prennent la fuite; et à cet égard il fait deux choses:

Il expose d'abord sa manière de poursuivre ses ennemis.

Ensuite il montre leur impuissance à résister: Je les briserai, ils ne pourront se soutenir.

En parlant de sa manière de poursuivre, il montre trois choses:

D'abord que sa poursuite est juste.

Puis qu'elle est efficace.

Enfin qu'elle est persévérante.

Juste, quand il dit: Je poursuivrai mes ennemis, non mes amis, mais mes ennemis: "Judas poursuivit les ennemis, les cherchant de toutes parts; ceux qui troublaient son peuple, il les livra aux flammes."

Cependant il ne semble pas qu'il soit permis à des hommes bons de persécuter quiconque: "Comme alors celui qui était ne selon la chair persécutait celui qui l'était selon l'esprit, de même encore aujourd'hui." Donc livrer persécution relève des réalités corporelles, souffrir persécution relève des réalités spirituelles.

Mais on répondra à cette objection en disant que la disposition du persécuteur se distingue de la manière de persécuter. Car certains persécutent par amour et par zèle: "Le zèle de ta maison m'a dévoré"; et ils agissent de la sorte afin de conduire au bien ou au salut, ou bien afin d'empêcher le mal: "Celui qui en secret disait du mal de son prochain, je le poursuivais"; et c'est ainsi que les bons persécutent les méchants ou les pécheurs. D'autres persécutent par haine, en suscitant le mal et en empêchant le bien; et c'est ainsi que les méchants ou les hommes charnels persécutent les justes: "Poursuivez-le, saisissez-le, parce qu'il n'est personne qui le délivre." Ou bien: Je poursuivrai mes ennemis, c'est-à-dire les passions charnelles. je les atteindrai, c'est-à-dire ceux-là ne m'atteindront pas, selon la Glose.

Et il montre comment elle est efficace pour poursuivre ses ennemis; c'est pourquoi il dit: et je les atteindrai. Elle se révèle efficace quand il parvient finalement à s'emparer d'eux: "Monterai-je contre les Philistins, et les mettras-tu en ma main? Et le Seigneur dit à David: Monte, parce que les livrant, je mettrai les Philistins en ta main." Et plus haut: "Il allait, avançant croissant; et le Seigneur Dieu des armées était avec lui."

Il montre aussi comment elle est persévérante, car il dit: je ne reviendrai point, c'est-à-dire de la persécution des hommes iniques, jusqu'à ce qu'ils soient défaits, c'est-à-dire jusqu'à ce qu'ils soient anéantis: "La flèche de Jonathan n'est jamais retournée en arrière."

Au sens moral, nos ennemis ce sont les mouvements de la convoitise qui sont en nous, et qui soulèvent des luttes continuelles: "Je vois dans mes membres une autre loi qui combat la loi de mon esprit, et me captive sous la loi du péché, laquelle est dans mes membres." Nous devons poursuivre, atteindre et enchaîner, dominer et réfréner ces mouvements de la convoitise. et je ne reviendrai [pas], c'est-à-dire je ne cesserai pas de les poursuivre, jusqu'à ce qu'ils soient défaits, par la révolte: "David battit les Philistins et les humilia." Mais ces luttes ne cessent pas en cette vie, car bien qu'elles soient toujours en état de répression, elles ne sont cependant jamais totalement supprimées: "Je tirerai mon glaive, ma main les tuera."

Au sens allégorique, cela s'applique au Christ qui poursuit nos ennemis juifs, ainsi que d'autres pécheurs, en les punissant corporellement et spirituellement.

39 Je les briserai, et ils ne pourront se soutenir; ils tomberont sous mes pieds.

Le psalmiste empêche ici leur pouvoir de résister, autrement dit: qu'ils ne me résistent pas, parce que Je les briserai, c'est-à-dire j'affaiblirai leurs forces de telle sorte qu'ils ne pourront se soutenir. - "Ils sont tombés tous ceux qui pratiquent l'iniquité, ils ont été chassés et n'ont pu se soutenir." - "Leur bras élevé sera brisé", c'est-à-dire ils ne subsisteront pas contre moi, ou ils ne pourront résister: "Vous poursuivrez vos ennemis, et ils tomberont devant vous." Et cela, parce qu'ils viendront sous mon pouvoir; et c'est ce qu'il dit: ils tomberont sous mes pieds. Quant à nous, nous devons aussi faire cela à l'égard des mauvais mouvements et des péchés, ou des démons: "Vous foulerez aux pieds les impies, lorsqu'ils seront de la cendre sous la plante de vos pieds." - "Voici que je vous ai donné le pouvoir de fouler aux pieds les serpents et les scorpions, et toute la puissance de l'ennemi; et rien ne vous nuira." - "Son désir se tournera vers toi, et tu la domineras."

40 Et tu m'as ceint de force pour la guerre; et ceux qui s'insurgeaient contre moi, tu les as renversés sous moi. 41 Et tu m'as livré mes ennemis par-derrière; et ceux qui me haïssaient tu les as exterminés. 42 ils ont crié, et il n'y avait personne qui les sauvât; [ils ont crié] vers le Seigneur, et il ne les a pas exaucés.

b. Et tout cela est dû au fait qu'il dit: Et tu m'as ceint de force. Il traite ici de leur total délaissement. Et il rappelle deux choses:

- D'abord le bienfait divin.

- Puis l'extermination totale des ennemis: Et je les broierai.

- Et puisque les faits qu'il a rapportés concernent sa propre gloire, c'est pourquoi il les attribue à Dieu.

· Et il commence par exclure le fait que ce soit sa propre force.

· Ensuite il montre le renversement des ennemis: tu les as renversés.

· Enfin leur privation de secours: ils ont crié.

· Ainsi dit-il: Ô Seigneur, toi tu as fait cela pour moi: Et tu m'as ceint de force pour la guerre, c'est-à-dire toute la force que j'ai pour la guerre, elle vient de toi et non de moi: "C'est lui qui donne la force à l'homme fatigué, et pour ceux qui ne le sont pas, il augmente la vigueur et l'énergie."

· et ceux qui s'insurgeaient contre moi, tu les as renversés sous moi. Il expose le renversement des ennemis à propos duquel il a indiqué trois choses: leur fuite: tu m'as livré mes ennemis par-derrière; leur écrasement: Je les briserai; et leur chute, car ils tomberont; et le psalmiste attribue cela à Dieu, mais non suivant cet ordre.

Il commence par exposer la chute de ses ennemis, autrement dit: mes ennemis tomberont sous moi. - "Les enfants se fatigueront et s'épuiseront, et les jeunes gens tomberont par l'affaiblissement"; mais toi tu as fait cela: et ceux qui s'insurgeaient contre moi, tu les as renversés sous moi, c'est-à-dire tu leur as ôté la force pour qu'ils ne puissent pas me résister: "Cinq des vôtres poursuivront cent étrangers."

Ensuite il expose la fuite de ses ennemis: Et tu m'as livré mes ennemis par-derrière. - "Voici ce que dit le Seigneur à mon christ, Cyrus, que j'ai pris par la droite, afin d'assujettir devant sa face les nations, et de mettre en fuite les rois."

Enfin il traite de leur écrasement: et ceux qui me haïssaient tu les as exterminés, parmi les nations qui ne t'ont pas connu.

· Ils ont crié. Il montre ici qu'ils sont tout à fait désolés; aussi dit-il: ils ont crié, et il n'y avait personne qui les sauvât, car ils n'avaient ni le secours des hommes, ni même celui des dieux qu'ils appelaient eux-mêmes les créateurs des choses: "Où sont tes dieux que tu t'es faits? Qu'ils se lèvent, et qu'ils te délivrent au jour de ton affliction"; d'où ce qui suit: [ils ont crié] vers le Seigneur, et il ne les a pas exaucés. - "Lorsque vous multiplierez la prière, je n'exaucerai pas."

Cependant il est écrit: "Avant qu'ils crient, moi je les exaucerai." Et aussi: "Il criera vers moi, et je l'exaucerai."

On répondra à cette objection en disant que lorsque quelqu'un crie, ou prie, avec une intention droite, alors il est exaucé; et Dieu approuve et exauce sa prière: "Si quelqu'un honore Dieu", c'est-à-dire avec une intention droite, "c'est celui-là qu'il exauce"; mais lorsqu'il crie vers Dieu avec une prière simulée et mensongère, il ne l'exauce pas: "Vous demandez et ne recevez point, parce que vous demandez mal", c'est-à-dire avec une intention mauvaise, ou une requête injuste: "Alors ils m'invoqueront, et je ne les exaucerai pas; dès le matin ils se lèveront et ils ne me trouveront pas."

43 Et je les broierai comme de la poussière à la face du vent; et je les ferai disparaître comme la boue des rues.

- Ensuite le psalmiste montre leur destruction totale; aussi dit-il: Et je les broierai. Lorsque la poussière est emportée, il n'en reste aucune trace, car le vent la disperse; ainsi lorsque les méchants sont détruits, ils ne demeurent en aucune manière. Et c'est pourquoi il dit: Et je les broierai comme de la poussière à la face du vent. - "Les impies sont comme la poussière qu'emporte le vent de la face de la terre", c'est-à-dire qu'ils sont dispersés: "Leur mémoire a péri avec bruit: et le Seigneur demeure éternellement." Mais parce que certains sont parfois détruits de manière honorable, il montre que les méchants ou les pécheurs sont anéantis dans le mépris et de manière déshonorante; aussi dit-il: je les ferai disparaître comme la boue des rues. - "Si son orgueil s'élève jusqu'au ciel", c'est-à-dire celui du pécheur, "et que sa tête touche les nues, il périra à la fin comme le fumier". - "Qu'ils soient effacés du livre des vivants." - "Il sera emporté comme la poussière des montagnes à la face du vent" (c'est-à-dire le pécheur), "et comme un tourbillon devant la tempête". - "Vos têtes seront réduites en boue."

44 Tu me délivreras des contradictions du peuple, tu m'établiras à la tête des nations. 45 Un peuple que je ne connaissais pas m'a servi; dès que son oreille m'a entendu, il m'a obéi.

c. Plus haut le psalmiste a rappelé la persécution des ennemis et leur totale destruction; mais ici il rappelle son exaltation, puisqu'il s'est fait roi. À cet égard il expose deux choses:

- D'abord son exaltation.

- Puis son action de grâce: 47 Le Seigneur vit !

- À propos de son exaltation: précise d'abord qu'elle se fait au-dessus des Juifs.

· Puis il expose la soumission des nations: Un peuple que je ne connaissais pas m'a servi, etc.

· Enfin l'effronterie des Juifs: 46 Des fils étrangers.

· Au sens spirituel, cela convient davantage au Christ qu'à David. Et c'est pourquoi il montre deux choses à ce sujet:

D'abord comment il est délivré de la contradiction des Juifs.

Puis comment le pouvoir lui est donné contre les nations.

Ainsi dit-il: non seulement tu as exterminé ceux qui me haïssaient, mais Tu me délivreras des contradictions du peuple. Si on comprend cela en l'appliquant à David, les Juifs s'opposèrent beaucoup à lui: "Nous n'avons point de part avec David, ni d'héritage avec le fils d'Isaïe: Retourne en tes tentes, ô Israël." Et de même ils s'opposèrent au Christ, comme on le voit manifestement dans l'Évangile: "Pensez à celui qui a supporté une telle contradiction de la part des pécheurs soulevés contre lui, afin que vous ne vous lassiez point, et que vous ne soyez défaillants en vos âmes." Et David fut délivré de cette contradiction tout comme le Christ.

tu m'établiras à la tête des nations, autrement dit: les Juifs ne veulent pas que moi je domine sur eux; mais toi tu m'as constitué Seigneur et des Juifs et des nations. Et cela convient surtout au Christ, comme on le dit dans l'épître aux Éphésiens: "Il l'a établi chef sur toute l'Église, qui est son corps."

· Ensuite est exposée la soumission sans réserve des nations: Un peuple que je ne connaissais pas m'a servi, un peuple, c'est-à-dire un peuple étranger, par exemple celui des Ismaélites et des Moabites qui, ainsi qu'on le lit au deuxième livre des Rois, furent assujettis à David, lui payant tribut. Il en est de même pour le Christ, car tous ceux qu'il ne connaissait pas en les visitant personnellement, le servirent et lui obéirent: "Je n'ai été envoyé qu'aux brebis perdues de la maison d'Israël", c'est-à-dire les visiter personnellement. Ou bien: que je ne connaissais pas, c'est-à-dire que j'ai agréé en lui donnant la loi et les prophètes: "Voilà que tu appelleras une nation que tu ne connaissais pas, et des nations qui ne t'ont pas connu accourront vers toi." dès que son oreille [m']a entendu, il m'a obéi, car bien que ces gens ne me voient pas, ils m'ont obéi à la seule audition de la foi transmise par les Apôtres: "Ils m'ont trouvé, ceux qui ne m'ont pas cherché." - "La foi vient par l'audition." Ou bien: Dès que son oreille [m']a entendu, il m'a obéi, car aussitôt qu'ils entendirent, comme on le rapporte dans Matthieu, ayant tout laissé, ils le suivirent.

46 Des fils étrangers m'ont menti, des fils étrangers ont vieilli, ils ont boité [en sortant] de leurs voies.

· Ici le psalmiste expose l'effronterie des Juifs, et il les appelle fils étrangers, parce qu'autrefois ils furent des fils engendrés par Dieu par la grâce et l'enseignement de la Loi: "Israël est mon premier-né." Mais cependant ils sont devenus des étrangers: "J'ai nourri des fils et je les ai élevés." Et ce qui suit: "Ils sont redevenus étrangers." Et ils sont étrangers pour une triple raison: parce qu'ils m'ont menti, parce qu'ils ont vieilli, parce qu'ils ont boité.

Quelqu'un se rend étranger à Dieu lorsqu'il n'observe pas la fidélité; et c'est ce qu'il dit: ils m'ont menti, c'est-à-dire ils ont brisé l'Alliance.

De même lorsqu'ils ne suivent pas les traces des pères qui ont été fidèles; c'est pourquoi le psalmiste dit: ils ont vieilli. Une chose est dite vieillie à cause de sa ruine. Ceux-ci furent nouveaux dès le début, puisqu'ils disent: "Nous sommes à toi, ô David, et avec toi, ô fils d'Isaïe"; mais peu à peu ils devinrent tièdes.

C'est une autre chose quand on s'éloigne totalement; aussi dit-il: ils ont boité [en sortant de] leurs voies, comme s'ils étaient faibles d'un pied, observant mal l'ancienne Alliance, et rejetant la nouvelle. Ou bien, si on rapporte ce verset au Christ, les fils étrangers m'ont menti, parce qu'ils ont conclu une alliance avec Dieu: "Tout ce que Dieu a dit, nous le ferons", et par la suite ils la brisèrent: "À la vue de la grandeur de ta puissance, tes ennemis te mentiront." De même, la puissance qui fut dans les pères ne se trouve pas dans les fils; c'est pourquoi ils ont vieilli. - "D'où vient, Israël, que tu es dans la terre de tes ennemis et que tu as vieilli dans une terre étrangère ?" De même: ils ont boité [en sortant de] leurs voies, c'est-à-dire hors des préceptes de la loi, car ils marchent sur un pied, c'est-à-dire au sens littéral, non point au sens spirituel. ils ont boité également au sens littéral, car ils suivaient seulement les traditions des Pharisiens: "Jusques à quand boiterez-vous des deux côtés? Si le Seigneur est Dieu, suivez-le."

47 Le Seigneur vit ! et béni soit mon Dieu ! Et que le Dieu de mon salut soit exalté.

3. Le psalmiste expose ici l'action de grâce; et à cet égard il fait trois choses:

a) Il commence par la mentionner.

b) Puis il expose sa matière: 48 Toi, le Dieu, qui me donnes, etc.

c) Enfin il se répand en louanges divines: À cause de cela, je te confesserai parmi les nations, Seigneur.

a) Et il parle comme s'il s'agissait d'un roi. Dans l'Antiquité, la manière de saluer un roi fut: "Que vive le roi !" Cela convient à Dieu, car lui-même est la vie éternelle: "En toi est la source de la vie." Aussi dit-il: Le Seigneur vit ! - "Je vis, moi, dit le Seigneur Dieu." Lui-même est en effet le donateur de la vie aux hommes: "Ce qui a été fait en lui était la vie." De même, aux autres on souhaite la bénédiction, tandis que lui-même est la bénédiction: béni soit mon Dieu ! mon Dieu désigne le Fils, selon qu'il est écrit: "Un fils nous a été donné." - "Que Dieu, notre Dieu, nous bénisse, que Dieu nous bénisse." - "Tu es béni, Seigneur, Dieu de nos Pères, et louable, et glorieux, et souverainement exalté dans les siècles, et béni est le nom saint de ta gloire, et louable et souverainement exalté dans tous les siècles"; ainsi il est lui-même la bénédiction et il nous remplit de bénédictions. Enfin le psalmiste souhaite son exaltation: Et que le Dieu de mon salut soit exalté, c'est-à-dire l'auteur et le donateur du salut, de la grâce dans le présent, et de la gloire dans le futur: "C'est toi qui es mon roi et mon Dieu, c'est toi qui ordonnes le salut de Jacob." Et de même: "Il a opéré le salut au milieu de la terre." Il ne demande pas que Dieu soit exalté en soi, car il est le Très-Haut: "Le Très-Haut a fondé [Sion]"; mais qu'il soit exalté dans notre connaissance. Et il dit: de mon salut, c'est-à-dire qui me sauve: "Un Dieu juste et qui sauve; il n'y en a pas d'autre excepté moi." - "Nul autre nom n'a été donné sous le ciel aux hommes par lequel nous devions être sauvés." Ou bien: le Dieu qui me sauve, qu'il soit exalté à cause de son effet, qu'il me sauve non seulement dans les choses infimes mais aussi dans les choses élevées: "Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! Hosanna au plus haut des cieux !" - "Exaltez-le autant que vous pouvez, car il l'emporte sur toute louange." - "Exaltez le Seigneur notre Dieu, et adorez l'escabeau de ses pieds, parce qu'il est saint."

48 Toi, le Dieu qui me donnes des vengeances et qui me soumets des peuples, qui me libères de mes ennemis furieux. 49 Et tu m'élèveras au-dessus de ceux qui s'insurgent contre moi; tu m'arracheras à l'homme inique. 50 À cause de cela, je te confesserai parmi les nations, Seigneur, et je dirai un psaume à la gloire de ton nom. 51 Toi qui magnifies le salut de son roi, et qui fais miséricorde à son christ David, et à sa postérité pour toujours.

b) Ici est exposée la matière de son action de grâce: et pour le bienfait de sa libération du mal, et pour celui de son progrès vers le bien; aussi dit-il: Toi, le Dieu, etc. Et on peut dire cela au nom de l'Église; car ceux qui la persécutent se la soumettent: "Ils viendront courbés vers toi, les fils de ceux qui t'ont humiliée, et ils adoreront les traces de tes pieds." Puisque Paul qui condamna Étienne fut terrassé, par conséquent juste est la punition du rebelle quand il se soumet et s'humilie; aussi toi tu es mon libérateur. - "Si donc le fils vous libère, vous serez vraiment libres." de mes ennemis, non point de n'importe lesquels, mais de mes ennemis furieux. - "La colère n'a point de miséricorde." Aussi est-ce une "gloire plus grande d'être libéré de maux ardents". Et au-dessus de ceux qui s'insurgent contre moi - "Des témoins iniques se sont levés contre moi" - tu m'élèveras. Il dit cela afin de montrer la providence de Dieu, c'est-à-dire que là où ils croient l'abaisser il est exalté: "C'est pourquoi Dieu l'a exalté." - "Les eaux s'accrurent et élevèrent l'arche de la terre dans les airs." tu m'arracheras à l'homme inique, c'est-à-dire à l'homme de fraude: "Arrache-moi, Seigneur, à l'homme méchant, à l'homme inique arrache-moi."

c) Le psalmiste poursuit en concluant par une action de grâce due aux motifs précités. À cause de cela, je te confesserai parmi les nations, Seigneur, c'est-à-dire en présence de tout le peuple je te louerai: "Bénissez le Dieu du ciel, et rendez-lui gloire devant tous les vivants." et je dirai un psaume à la gloire de ton nom. Par le mot psaume on entend une oeuvre bonne; car tout ce que nous faisons de bien, nous devons l'accomplir pour la gloire du nom de Dieu.

Toi qui magnifies les saluts de son roi. La version iuxta Hebraeos de Jérôme lit de la manière suivante: "Magnificanti et facienti tibi", c'est-à-dire "à toi qui magnifies et qui fais", soit, selon notre interprétation, le Dieu qui me donnes des vengeances. Il est Dieu en tant qu'il magnifie. Et le psalmiste expose deux choses. La première concerne l'état du royaume, l'autre la personne du roi, car il a magnifié l'un et l'autre. Concernant l'état du royaume il dit: Toi qui magnifies les saluts de son roi, car tu m'as élevé à la royauté. Ou bien: du roi, c'est-à-dire du Christ, par le nom duquel tous sont sauvés: "Nul autre nom n'a été donné sous le ciel aux hommes par lequel nous devions être sauvés." Concernant la personne il dit: et qui fais miséricorde à son christ David, et à sa postérité pour toujours, car il a multiplié sa postérité comme il l'a promis.

 

 

COMMENTAIRE DU PSAUME 19

1 Pour la fin. Psaume de David.

2 Que le Seigneur t'exauce au jour de la tribulation; que le nom du Dieu de Jacob te protège. 3 Qu'il t'envoie du secours du sanctuaire; et que de Sion il te défende. 4 Qu'il se souvienne de tout ton sacrifice et que ton holocauste devienne gras.

5 Qu'il te rende selon ton coeur, et qu'il confirme tout ton dessein.

6 Nous nous réjouirons dans ton salut, et dans le nom de notre Dieu nous serons glorifiés.

7a Que le Seigneur accomplisse toutes tes demandes; maintenant j'ai reconnu que le Seigneur a sauvé son Christ. Il t'exaucera du ciel, son sanctuaire.

7b Dans ses pouvoirs est le salut de sa droite.

8 Ceux-ci sont sur des chars, et ceux-là sur des chevaux; mais nous, nous nous exalterons dans le nom du Seigneur notre Dieu.

9 Eux se sont trouvés liés et ils sont tombés; alors que nous, nous nous sommes relevés et nous nous sommes dressés.

10 Seigneur, sauve le roi, et exauce-nous au jour où nous t'aurons invoqué.

 

Au cours des psaumes précédents, le psalmiste avait traité de sa libération de la persécution, et il a rendu grâce pour cette libération; ici, étant libéré, ou se trouvant dans l'espérance de sa libération, il demande d'être élevé à des biens supérieurs.

Ce psaume se divise en deux parties.

I. Dans la première partie il expose une demande d'exaltation.

II. Dans la deuxième est énoncée la promesse: ((Seigneur, le roi se réjouira dans ta force."

I. En demandant son exaltation il fait trois choses.

A) Car il commence par exposer sa demande.

B) Puis l'espérance de son exaucement: maintenant j'ai reconnu, etc.

C) Enfin il expose la conclusion du psaume: 10 Seigneur, sauve le roi.

A. En exposant sa demande il fait deux choses.

1) Il formule d'abord une demande à l'égard des maux.

2) Ensuite pour son progrès dans le bien: 5 Qu'il te rende.

1. Ce psaume procède d'une autre manière que les précédents. Car dans les autres psaumes David est présenté comme formulant une prière de demande pour lui-même, tandis qu'ici il est présenté comme formulant la prière d'autrui pour lui-même. Et bien que les choses rapportées ici selon le sens littéral s'appliquent en quelque manière à David, cependant elles concernent le Christ en particulier et selon la vérité. Mais selon le sens mystique ces choses concernent l'Église et l'homme juste. Et elles s'entendent de quelque manière que ce soit.

1 Pour la fin. Psaume de David.

2 Que le Seigneur t'exauce au jour de la tribulation; que le nom du Dieu de Jacob te protège. 3 Qu'il t'envoie du secours du sanctuaire; et que de Sion il te défende. 4 Qu'il se souvienne de tout ton sacrifice et que ton holocauste devienne gras.

Touchant cette première partie, le psaume expose deux choses:

a) D'abord l'exaucement de celui qui supplie.

b) Puis le motif de l'exaucement: qu'il protège.

a. Ainsi dit-il: Ô David, ou bien ô Christ, Que le Seigneur t'exauce. - "Qu'il exauce vos prières, et qu'il se réconcilie avec vous et qu'il ne vous abandonne point au temps mauvais." Que le Seigneur t'exauce. David a souffert des tribulations et le Christ semblablement dans sa passion; et c'est pourquoi il dit: au jour de la tribulation. - "Jour de tribulation, et de reproche, et le jour de blasphème." Et en ce jour le Christ a été exaucé pour lui et pour les autres: "Dans les jours de sa chair, ayant offert avec larmes et grands cris des prières et des supplications à celui qui pouvait le sauver de la mort, il a été exaucé pour son humble respect." Et l'homme juste dit: "Lorsque j'étais dans la tribulation, j'ai crié vers le Seigneur et il m'a exaucé."

b. Il y a précisément trois raisons pour lesquelles une prière est digne d'être exaucée.

- La première est la bonté divine.

- La deuxième, les suffrages des saints.

- La troisième, le mérite personnel, car il est écrit dans l'évangile de Jean: "Dieu n'exauce pas les pécheurs; mais si quelqu'un honore Dieu, c'est celui-là qu'il exauce."

La raison de l'exaucement est exposée lorsqu'il dit: que le nom du Dieu de Jacob te protège.

- La première raison, c'est à cause de son nom, à cause de sa bonté, qu'il te protège; cette protection se réfère alors au Christ. Mais si elle concerne autrui, on l'expose ainsi: que le nom du Dieu de Jacob te protège toi qui pries, c'est-à-dire le Dieu que lui-même adora quand il lui apparut à Béthel. Le Dieu de Jacob qui conduit les choses terrestres vers les cieux, et qui des cieux vient au secours des choses terrestres. Que celui-ci donc te protège. - "Le nom du Seigneur est une tour très forte."

- "Tu les protégeras dans ta tente contre les attaques des langues." Ce nom est tout-puissant: "Le Seigneur est comme un combattant, le Tout-Puissant est son nom." Il est aussi celui de la miséricorde: "Saint", c'est-à-dire miséricordieux, "est son nom". - "Ton nom est une huile répandue." Ainsi donc nous sommes protégés par la puissance et la miséricorde de Dieu: "À l'ombre de sa main il m'a protégé." - "Sous l'ombre de tes ailes, protège-moi."

- La deuxième raison: Qu'il t'envoie du secours du sanctuaire, c'est-à-dire de la communauté des saints. Et il y a une double communauté des saints. L'une se compose de ceux qui règnent avec Dieu dans la gloire; l'autre de ceux qui militent sur la terre. Et nous sommes aidés par les uns et les autres, car les anges intercèdent pour nous: "Nous avons un avocat", c'est-à-dire la société des anges: "La fumée des parfums composée des prières des saints monta de la main de l'ange devant Dieu." La fumée est faite de vapeur et de chaleur. De même le Christ, qui est leur roi, nous assiste: "S'approchant de Dieu par son intermédiaire, afin qu'il intercède pour nous." Et c'est pourquoi il dit: Qu'il t'envoie du secours du sanctuaire, c'est-à-dire du Fils incarné, qui selon le sens anagogique est appelé saint: "L'être saint qui naîtra de toi, sera appelé Fils de Dieu." - "Et que soit oint le saint des saints." Ou bien: du sanctuaire, c'est-à-dire du Christ qui a souffert, car dans sa Passion il s'est sanctifié pour nous: "Pour eux je me sanctifie moi-même, afin qu'eux aussi soient sanctifiés en vérité." - "Demain, le salut sera pour vous, lorsque le soleil sera devenu chaud." Ou bien: Qu'il t'envoie [son] secours du sanctuaire, c'est-à-dire de la société des bienheureux: "Pour toi, tu habites dans le lieu saint." et que de Sion il te défende. Sion, c'est-à-dire le lieu d'observation , c'est-à-dire depuis la citadelle de David, où se trouvait l'arche et où Dieu était honoré. Autrement dit: par les prières de ceux qui en ce monde contemplent les réalités célestes. Qu'il te défende, c'est-à-dire qu'il fasse que tu sois en sécurité. Ou bien le contraire: du sanctuaire, c'est-à-dire de la société de ceux qui sont dans le monde. Et que de Sion, c'est-à-dire de ceux qui sont dans la gloire, il te défende. Ou bien: du sanctuaire, pour ceux qui sont dans la vie active. Et de Sion, pour ceux qui sont dans la vie contemplative, c'est-à-dire qu'il te défende grâce à toutes leurs prières.

- La troisième raison est que toutes ses oeuvres plaisent à Dieu, c'est pourquoi il dit: Qu'il se souvienne de tout ton sacrifice. Toute oeuvre bonne est comme un sacrifice, car toutes choses doivent être offertes à Dieu: "Faites tout pour la gloire de Dieu." Donc toutes nos actions sont en quelque manière un sacrifice; soit l'aumône: "N'oubliez pas la bienfaisance et la communication de vos biens, car c'est par de telles hosties qu'on se concilie Dieu"; soit le jeûne: "Je vous conjure donc, mes frères, par la miséricorde de Dieu, d'offrir vos corps en hostie vivante, sainte, agréable à Dieu, pour que votre culte soit raisonnable." Dans l'ancienne Loi, on accomplissait certains sacrifices qui n'étaient pas totalement consumés, mais une partie de ceux-ci revenait à l'usage de ceux qui les offraient, ainsi en était-il des victimes pacifiques; d'autres sacrifices qui étaient consumés totalement, étaient dits très saints et on les appelait holocauste, du grec ólon, qui signifie "tout", et kaúma, signifiant "chaleur ardente". Et c'est pourquoi il y a deux genres de bonnes oeuvres. Certaines sont appelées sacrifice lorsque quelqu'un consacre ses biens à Dieu, par exemple si quelqu'un de marié garde la continence à certains moments: "Il y a un temps pour embrasser, et un temps pour s'abstenir d'embrassements." Mais lorsque quelqu'un donne tout, ne se réservant rien, ou bien s'il garde totalement la continence, on appelle cela holocauste. C'est pourquoi il dit: Qu'il se souvienne de tout ton sacrifice.

- "Le sacrifice qui plaît à Dieu c'est un esprit contrit." Et que ton holocauste devienne gras, c'est-à-dire agréé par Dieu: "L'oblation du juste engraisse l'autel, et c'est une odeur de suavité en présence du Seigneur." Et il dit: gras, parce que l'holocauste était brûlé et répandait une odeur, car les matières grasses dégagent plus d'odeur; et c'est pourquoi celui qui offre un sacrifice avec plus de piété est davantage agréé, quel que soit ce sacrifice. Ces choses peuvent s'appliquer au sacrifice du Christ, qui s'offrit tout entier sur l'autel de la croix. Et ainsi: Qu'il se souvienne, c'est-à-dire qu'il fasse que nous nous souvenions de sa passion et de sa mort: "Souviens-toi de ma misère et de mon angoisse, absinthe et fiel." Ou bien: Qu'il se souvienne de toutes nos bonnes oeuvres que nous lui avons sacrifiées.

5 Qu'il te rende selon ton coeur, et qu'il confirme tout ton dessein.

2. Plus haut le psalmiste a demandé en priant son progrès dans le bien, ce qui est un bien désiré extérieurement; ici il demande ce bien qui est sollicité intérieurement. À cet égard il fait deux choses.

a) Il commence par demander que s'accomplisse l'objet de sa requête.

b) Ensuite il en donne le motif: Nous nous réjouirons dans ton salut.

a. En demandant la réalisation de l'objet de sa requête, il fait deux choses.

- Il demande d'abord ce qui est dans le mouvement intérieur de l'âme, selon la volonté voulant la fin.

- Puis il demande que soit accompli son dessein touchant ces choses qui se rapportent à la fin: Et qu'il confirme tout ton dessein.

- Ainsi dit-il: Qu'il te rende selon ton coeur, c'est-à-dire selon la volonté ordonnée à la fin, autrement dit: qu'il te conduise à la fin que tu te proposes, qui doit être Dieu: "Aux justes sera accordé leur désir."

- et qu'il confirme tout ton dessein, c'est-à-dire ce qui regarde la fin. En effet tous nos desseins sont faibles, car nous ne pouvons pourvoir à toutes choses: "Les pensées des mortels sont timides, et incertaines nos prévisions." Mais Dieu est celui qui confirme, en dirigeant notre dessein qui doit se fonder sur la recherche des réalités éternelles: "Demandez pour que votre joie soit complète", et en donnant l'efficacité à nos desseins qui doivent être accomplis. Mais "il dissipe le dessein des pervers."

6 Nous nous réjouirons dans ton salut, et dans le nom de notre Dieu nous serons glorifiés.

b. Ici est exposé le motif de l'exaucement; Dieu accorde volontiers des biens à ceux qui les communiquent aux autres: "Mettant au service les uns des autres cette grâce." Et c'est pourquoi il y a un motif d'exaucement lorsqu'on donne aux autres le bien qu'on est prié de communiquer. Et cela se fait d'abord pour la joie d'une multitude, autrement dit: nous, ayant été exaltés, Nous nous réjouirons dans ton salut, non en nous. Selon Grégoire, "il est juste que connaisse toujours la tristesse en lui-même, celui qui ayant abandonné Dieu cherchait la joie en lui-même". et dans le nom de notre Dieu nous serons glorifiés, par l'invocation de celui qui t'a exalté: "En toutes choses tu as glorifié ton peuple, tu l'as honoré, et tu ne l'as pas dédaigné, en tout lieu et en tout temps te tenant près de lui." Et c'est pourquoi il dit: nous serons glorifiés, etc., c'est-à-dire nous serons grands.

7a Que le Seigneur accomplisse toutes tes demandes; maintenant j'ai reconnu que le Seigneur a sauvé son Christ. il l'exaucera du ciel, son sanctuaire.

Le psalmiste traite ici des demandes extérieures, qui trouvent leur accomplissement lorsque Dieu exauce ce que nous demandons, puisque le Christ a fait de nombreuses demandes pour nous.

B. maintenant j'ai reconnu. Ici est exposée l'espérance de l'exaucement, et il dit: considérant qu'ils seront enrichis de tout bien, maintenant j'ai reconnu que le Seigneur a sauvé son Christ; ce qui s'entend soit du Christ, par lequel beaucoup ont été élevés, soit de David, que le Seigneur sauva selon la prédestination. maintenant, autrement dit: dès maintenant avant que cela ne se réalise: "C'est ce salut qu'ont recherché [...] les prophètes [...] indiquant les souffrances réservées au Christ et les gloires qui devaient les suivre." Et il n'y a pas seulement le fait que le Seigneur a sauvé le Christ Jésus en le ressuscitant des morts: "Tu ne permettras pas que ton saint connaisse la corruption", et ainsi la tête ayant été sauvée, les membres seront sauvés; mais Il l'exaucera, c'est-à-dire le Christ, priant pour ses membres: "Pour moi je savais que tu m'exauces toujours." Ou bien, il s'agit de David. Et il l'exaucera aussi du ciel son sanctuaire. - "Tu l'exauceras de ta tente dans le ciel."

7b Dans ses pouvoirs est le salut de sa droite.

8 Ceux-ci sont sur des chars, et ceux-là sur des chevaux; mais nous, nous nous exalterons dans le nom du Seigneur notre Dieu.

Ici le psalmiste fait valoir la puissance de celui qui exauce.

1) Et il commence par exposer cette puissance.

2) Ensuite il montre l'expérience qu'il fait de cette puissance: Ceux-ci sont sur des chars.

1. Le mot pouvoir désigne l'étendue de la puissance ou de la force. Le pouvoir est l'oeuvre puissante de celui qui domine, et on peut l'appliquer aux hommes; le sens est alors: le salut de ta droite, par laquelle tu sauves le Christ et nous à travers lui, apparaît dans ses pouvoirs, c'est-à-dire en tout lieu, qui en nous est principe de force et de puissance. Ou bien on peut l'appliquer à Dieu; le sens est alors: le salut de ta droite est dans [tes] pouvoirs, c'est-à-dire dans la grandeur de ta puissance: "Lui qui fait sortir par sa puissance les prisonniers." Et il dit: de ta droite, car double est le salut de Dieu. L'un procède de sa gauche, par laquelle il sauve dans les choses temporelles, en donnant largement tous les biens temporels: "Tu sauveras, Seigneur, les hommes et les animaux." L'autre est le salut de sa droite, qui relève des réalités éternelles, par laquelle il sauve les justes en accordant des biens: "Dieu a rendu à ses saints la récompense de leurs travaux."

2. Ensuite il expose l'expérience qu'il fait de cette puissance.

a) Et il traite d'abord de la diversité de confiance et de gloire chez les hommes.

b) Puis de ce qui en résulte pour les uns et les autres: Eux se sont trouvés liés.

a. Il y a deux genres d'hommes. Certains en effet mettent leur espérance dans le pouvoir séculier; contre ces derniers il est écrit dans Jérémie: "Maudit l'homme qui se confie dans l'homme." - "les justes le verront, et ils craindront; et ils riront de lui, et diront: "Voilà un homme qui n'a pas pris Dieu pour son aide, mais qui a espéré dans la multitude de ses richesses."" D'autres mettent leur espérance en Dieu: "Il est bon d'espérer dans le Seigneur." Et c'est pourquoi il dit: Ceux-ci sont sur des chars, et ceux-là sur des chevaux, ce qui revient à dire: certains mettent leur confiance dans le pouvoir séculier; à propos de ces derniers il est dit: Ceux-ci sont sur des chars, etc. Ou bien cela se réfère au combat, ou aux triomphes, car certains combattent sur des chars, d'autres sur des chevaux: "Pharaon est entré à cheval dans la mer avec ses chars et ses cavaliers." Ou bien aux triomphes, et alors ils ne se confient pas mais ils se glorifient, car selon la Glose il y avait dans l'Antiquité deux genres de triomphes: l'un était plus solennel, l'autre plus modeste. Le premier était dit orné de lauriers, parce que le vainqueur était couronné de lauriers; et cela se faisait sur un char. Le second était dit ovation, et cela se faisait sur un cheval. Certains mettent leur gloire dans des choses importantes, d'autres dans des petites choses, c'est-à-dire dans les chevaux, comme c'est le cas dans l'ovation. Le verbe ovare a le même sens que laetari (se réjouir); et le vainqueur est tiré par des enfants qui se réjouissent quand on leur donne un oeuf. Guillaume Le Breton enseignait cela. Mais nous, nous nous exalterons, c'est-à-dire nous nous glorifions, dans le nom du Seigneur. Le mot triumphus (triomphe) vient de tris, qui veut dire "trois", et de phonos, qui veut dire "acclamation"; car on faisait retentir une triple acclamation pour ceux qui revenaient vainqueurs. En effet c'était d'abord tout le peuple qui allait à sa rencontre. Puis tous les prisonniers suivaient son char les mains liées. Enfin lui-même revêtu de la tunique de Jupiter était assis sur un char que tiraient quatre chevaux blancs, et il était conduit au Capitole. Mais sur le char était placé à ses côtés un esclave qui le souffletait en disant: "Gnôthi seautón, c'est-à-dire "connais-toi toi-même." Breton s'exprime ainsi, parce qu'en ce jour n'importe qui disait à l'adresse du triomphateur tout ce qu'il voulait de manière outrageuse et licencieuse.

9 Eux se sont trouvés liés et ils sont tombés; alors que nous, nous nous sommes relevés et nous nous sommes dressés.

b. Ici le psalmiste expose ce qui résulte de cette diversité; parce qu'il y a une conséquence de la conduite des méchants. Une version de Jérôme lit: incurvati (ils se sont courbés), et alors le sens est clair, car l'action de se courber est une voie menant à la chute, et ainsi la puissance du monde s'affaiblit peu à peu. Ou bien: se sont trouvés liés, parce que les biens temporels lient, et surtout les pécheurs: "Les créatures de Dieu lui sont devenues un objet de haine, et un piège pour les pas des insensés", c'est-à-dire des pécheurs. C'est pourquoi il dit: et ils sont tombés, parce qu'à la fin ils se briseront: "Ils tomberont, et ils seront brisés, et ils s'embarrasseront dans des filets, et ils seront pris." De même il expose la conséquence de la conduite des bons, lorsqu'il dit: alors que nous, nous nous sommes relevés, peu à peu: "Je suis tombée, je me relèverai lorsque je serai assise dans les ténèbres, le Seigneur est ma lumière." et nous nous sommes dressés. De même que l'action de se courber mène à la chute, ainsi l'action de se dresser est la voie qui mène à un état de droiture, et cela correspond à la sainteté.

10 Seigneur, sauve le roi, et exauce-nous au jour où nous t'aurons invoqué.

C. Le psalmiste expose enfin la conclusion. Tout ce psaume semble avoir une double intention. Car ou bien il demande pour le Christ réellement, ou bien pour le Christ de manière figurée. Dans le premier cas il dit: Seigneur, sauve le roi, c'est-à-dire le Christ. Ou bien pour David. Et alors, il implore pour ceux-là même qui le prient: exauce-nous au jour où nous t'aurons invoqué. - "Au jour où je t'invoquerai, exauce-moi."

 

 

COMMENTAIRE DU PSAUME 20

1 Pour la fin. Psaume de David.

2 Seigneur, dans ta force le roi se réjouira, et à cause de ton salut, il tressaillira d'allégresse grandement.

3 Tu lui as donné le désir de son coeur; et tu ne l'as pas frustré de la volonté de ses lèvres.

4 Puisque tu l'as prévenu des plus douces bénédictions; tu as mis sur sa tête une couronne de pierres précieuses. 5 Il t'a demandé la vie et tu lui as accordé une longueur de jours jusqu'à un siècle et jusqu'à un siècle de siècles.

6 Grande est sa gloire en ton salut; tu le couvriras de gloire et de grande beauté. 7 Car tu en feras un objet de bénédiction pour les siècles des siècles: tu le rempliras de joie avec ton visage.

8 Parce que le roi espère dans le Seigneur et dans la miséricorde du Très-Haut il ne sera pas ébranlé.

9 Que ta main se trouve sur tous tes ennemis; que ta droite trouve tous ceux qui te haïssent.

10 Tu les rendras comme une fournaise de feu, au temps de ton visage; le Seigneur dans sa colère les remplira de trouble, et un feu les dévorera.

11 Tu feras disparaître leur fruit de la terre et leur semence d'entre les fils des hommes.

12 Parce qu'ils ont fait tomber des maux sur toi; ils ont conçu des desseins qu'ils n'ont pu rendre fermes. 13 Parce que tu leur feras tourner le dos; tu prépareras leur visage avec ce qui te reste.

14 Èlève-toi, Seigneur, dans ta puissance; nous chanterons et nous célébrerons tes hauts faits.

 

1 Pour la fin. Psaume de David.

2 Seigneur, dans ta force le roi se réjouira, et à cause de ton salut, il tressaillira grandement.

Plus haut, dans le psaume précédent, une demande du psalmiste a été faite en vue de l'exaltation du roi, mais ici, comme s'il était déjà exaucé, il l'annonce. Son titre est: Pour la fin. Psaume de David. Ce psaume se divise en deux parties.

I. Dans la première, le psalmiste annonce à l'avance l'exaltation du roi.

II. Dans la seconde l'abaissement des ennemis.

I. En parlant de l'exaltation du roi il fait trois choses.

A) Il annonce d'abord à l'avance la joie du roi.

B) Ensuite il expose la cause de cette joie.

C) Enfin le mérite de cette cause.

A. On commente ce psaume en l'appliquant au Christ qui est roi, et à David qui en est sa figure; et c'est pourquoi on peut l'appliquer en le rapportant aux deux: au Christ selon la vérité, à David selon la figure.

Il y a donc une double joie: l'une vient de Dieu, l'autre du bienfait de Dieu.

1. Concernant celle qui vient de Dieu il dit: Seigneur, Dieu père, le roi, c'est-à-dire le Christ, se réjouira dans ta force, c'est-à-dire de ta divinité: "Dieu, donne ta justice au roi." Et il s'est alors réjoui quand il vainquit le diable, et la mort par sa propre mort, et lorsqu'il fit des miracles et qu'il monta au ciel: "Dieu est monté dans la jubilation." - "Un roi régnera et il sera sage, et il rendra le jugement et la justice sur la terre." - "Le Christ est vertu de Dieu et sagesse de Dieu." Semblablement si on l'applique à David: Seigneur Dieu le roi, c'est-à-dire David et les autres saints, se réjouiront dans ta force.

- "Nous exulterons et nous tressaillirons d'allégresse en toi, nous souvenant de tes mamelles."

2. À propos de la joie qui vient du bienfait de Dieu il dit: et à cause de ton salut, etc., c'est-à-dire à cause de l'acquisition du salut fait par toi. Le Christ exultera principalement parce que par lui, Seigneur, tu sauves le genre humain: "C'est lui qui sauvera son peuple."

3 Tu lui as donné le désir de son coeur; et tu ne l'as pas frustré de la volonté de ses lèvres.

B. Le psalmiste expose ici la cause de cette joie qui est l'accomplissement du désir: "Un désir, s'il s'accomplit, réjouit l'âme." Comme le désir se comporte vis-à-vis de la joie, ainsi en est-il du mouvement à l'égard du repos, auquel on parvient par le mouvement. Aussi expose-t-il d'abord l'accomplissement du désir. Puis il dit en quoi il a accompli ce désir: Puisque tu l'as prévenu.

Il y a deux sortes de désirs. L'un qui est seulement dans le coeur, l'autre qui s'exprime par la bouche; et l'un et l'autre est accompli, parce que Dieu, avant qu'on ne le prie, exauce.

Concernant le désir du coeur il dit: Tu lui as donné le désir de son coeur. - "J'ai désiré d'un grand désir de manger cette pâque avec vous"; et cela s'applique à n'importe quel homme juste.

Concernant le désir qui s'exprime par la bouche il dit: et de la volonté de ses lèvres, c'est-à-dire qu'il a exprimée par les lèvres, tu ne l'as pas frustré, parce que tu l'as exaucé: "Il a été exaucé pour son humble respect." - "Ma résolution sera inébranlable, et toute ma volonté s'exécutera."

4 Puisque tu l'as prévenu des plus douces bénédictions; tu as mis sur sa tête une couronne de pierres précieuses. 5 Il t'a demandé la vie et tu lui as donné une longueur de jours jusqu'à un siècle et jusqu'à un siècle de siècles.

1) Le psalmiste expose ici en quoi le désir est accompli.

a) Et il parle d'abord de l'accomplissement du désir du coeur.

b) Puis de l'accomplissement du désir de la prière, qui est le même que le désir des lèvres.

a. Et c'est pourquoi il expose en premier lieu le bienfait spirituel intérieurement: c'est le bienfait de la grâce. Et à ce propos il dit: Puisque tu l'as prévenu des plus douces bénédictions. Bénir, c'est dire du bien; et dire du bien de Dieu, c'est le faire sien. C'est pourquoi dans la bénédiction de Dieu on comprend l'effusion de sa bonté: "Je te bénirai et je multiplierai ta descendance comme les étoiles du ciel, et comme le sable qui est sur le rivage de la mer; ta postérité possédera les portes de ses ennemis, et seront bénies en ta postérité toutes les nations de la terre, parce que tu as obéi à ma voix." - "Je le bénirai, et je le multiplierai et je le ferai croître grandement." Cette bénédiction est donc douce: "Qu'il est bon et doux ton esprit en nous." Donc, des plus douces bénédictions, c'est-à-dire des biens de la grâce, et de la préservation des péchés, tu l'as prévenu, c'est-à-dire le Christ, au moment de son incarnation, car dès le début de sa conception il fut rempli de toute grâce: "Nous l'avons vu plein de grâce et de vérité, comme un Fils unique reçoit de son Père", car aussitôt qu'il fut conçu, il fut uni à la nature divine, et il fut aussitôt rempli de la grâce. De même: tu l'as prévenu, par la grandeur, car il a reçu la grâce de préférence à tous les autres, et non avec mesure. Les saints aussi sont dits être prévenus: "Ce n'est pas nous qui avons aimé Dieu, mais c'est lui qui nous a aimés le premier." - "Elle prévient ceux qui la désirent." Et ainsi dans la figure du Christ, David est prévenu d'une grâce spéciale, car il fut oint comme roi alors qu'il était encore enfant, avant que lui-même ne songeât au royaume.

Il montre le bienfait extérieurement en disant: tu as mis sur sa tête une couronne de pierres précieuses. Si on applique ces choses au Christ, alors en voici le sens: tu as mis sur sa tête une couronne de pierres, etc., c'est-à-dire tu l'as établi. Or la couronne est le signe de la dignité royale, car, ainsi que le dit Isale: "Ils verront un roi dans sa beauté." - "Sortez filles de Sion, et voyez le roi avec le diadème dont le couronna sa mère", c'est-à-dire la divinité. À cause de cela il dit: de pierres précieuses, c'est-à-dire de la divinité, car "son Royaume n'est pas de ce monde". La version iuxta Hebraeos de Jérôme lit: "De auro obrizo (De l'or éprouvé au creuset)", c'est-à-dire très pur: "Une couronne lui fut donnée." Ou bien: une couronne de pierres précieuses, c'est-à-dire les Apôtres qui sont appelés pierres précieuses à cause du prix de leur enseignement: sur sa tête, c'est-à-dire du Christ, "une couronne de douze étoiles". - "La couronne des vieillards est une grande expérience." C'est pourquoi l'assemblée des Apôtres est comme une couronne du Christ. Ou bien: tu as [posé] sur sa tête une couronne, c'est-à-dire l'Eglise: "Une femme", c'est-à-dire l'Eglise, "est une couronne pour son mari", c'est-à-dire pour le Christ. Ou bien cela peut se dire de n'importe quel saint; car la couronne, ou la récompense, c'est Dieu lui-même: "En ce jour-là le Seigneur sera une couronne de gloire." De pierres, à cause de sa solidité, précieuses, car David au sens littéral a été couronné par Dieu lui-même.

b. Ensuite il montre comment s'accomplit la demande de ses lèvres; c'est pourquoi il dit: il t'a demandé la vie, lorsqu'il t'a demandé la résurrection: "Mais toi, Seigneur, aie pitié de moi et ressuscite-moi." Et cela lui a été donné: "Demande-moi et je te donnerai les nations en héritage." - "Quiconque demande, reçoit." Semblablement aussi n'importe quel saint demande cela, c'est-à-dire la vie et surtout la vie éternelle: "J'ai demandé une seule chose au Seigneur, je la rechercherai: c'est d'habiter dans la maison du Seigneur tous les jours de ma vie; c'est de contempler les délices du Seigneur et de visiter son temple." Et David demande également cela. Puis on montre comment s'accomplit la demande par rapport aux autres; c'est pourquoi il dit: tu lui as accordé, etc. Il a demandé que son corps, c'est-à-dire l'Eglise, soit gardé pour une longueur de jours. Et Dieu le lui a accordé: "Voici que moi je suis avec vous jusqu'à la consommation du siècle." David demandait aussi cela: "En outre il a parlé aussi de la maison de son serviteur pour les temps lointains."

6 Grande est sa gloire en ton salut, tu imposeras sur lui gloire et grande beauté. 7 Car tu en feras un objet de bénédiction pour les siècles des siècles: tu le rempliras de joie avec ton visage.

2) Le psalmiste expose ici l'accomplissement des biens. Et à ce propos il fait deux choses.

a) Il expose d'abord l'exaltation de ce roi prévenu de grâces, en qui la bénédiction est commencée.

b) Puis il expose sa grandeur.

a. Je dis que tu l'as prévenu, etc., mais plus encore, car sa gloire, c'est-à-dire du Christ et de l'homme, est grande en ton salut, c'est-à-dire dans le Verbe auquel la nature humaine est unie. Ou bien: Grande est sa gloire, auprès des hommes; et cela, en ton salut, car tu l'as ressuscité: "Dans les jours de sa chair, ayant offert avec larmes et grands cris des prières et des supplications." Ou bien: Grande est sa gloire en ton salut, c'est-à-dire dans ton secours, dans lequel il a été établi afin qu'il ait une grande gloire; et il fait connaître cette dernière quant à trois choses.

- D'abord par rapport à lui-même, et c'est pourquoi il dit: tu imposeras sur lui gloire et grande beauté; en vérité la beauté a recouvert le Christ dans sa résurrection, et la gloire dans l'admiration des autres. Ou bien en tant qu'il en est revêtu pour lui-même: tu imposeras sur lui gloire et grande beauté. - "Environne-toi de beauté, et élève-toi dans les airs, et sois glorieux."

- Ensuite par rapport aux autres, c'est pourquoi il dit: Car tu en feras un objet de bénédiction pour les siècles, car à travers lui-même la bénédiction est descendue sur tous les autres: "Dans ta postérité seront bénies toutes les nations."

- Enfin par rapport à Dieu, c'est pourquoi il dit: tu le rempliras de joie avec ton visage, c'est-à-dire Dieu réjouit le Christ homme de la joie éternelle. Et: avec ton visage, c'est-à-dire dans la vision de ton visage: "Tu me rempliras de joie par ton visage." Ou bien il a imposé la gloire sur lui, lorsqu'il a donné à ses saints le pouvoir de faire des miracles; et cela "sur le Christ", parce que tout se fait à la gloire du Christ, c'est-à-dire qu'il les a bénis, et qu'il les a conduits à sa propre vision: "Vous verrez et votre coeur se réjouira." - "Personne ne vous ravira votre joie."

8 Parce que le roi espère dans le Seigneur et dans la miséricorde du Très-Haut il ne sera pas ébranlé.

C. Plus haut le psalmiste a annoncé l'exaltation du Christ roi, mais ici il est question du mérite, car le Christ en tant qu'homme, et tout homme juste, ne met son espérance qu'en Dieu: "Bienheureux l'homme qui espère dans le Seigneur, et dont le Seigneur sera l'espérance." Et c'est pourquoi, parce qu'il a espéré dans le Seigneur, il ne sera pas ébranlé. - "Ceux qui se confient dans le Seigneur sont comme la montagne de Sion." Car l'espérance en Dieu est un soutien: "Tous ceux qui espèrent en lui ne s'affaiblissent point." C'est pourquoi cette espérance est comparée à une ancre. Mais il faut noter qu'il y a trois raisons qui doivent susciter l'espérance dans le Seigneur.

1. D'abord la providence divine. L'homme n'a pas l'habitude d'espérer dans les choses vers lesquelles son attention ne le porte pas. Mais notre attention s'applique à Dieu, c'est pourquoi il dit: il espère dans le Seigneur, dont le propre est de gouverner.

2. Ensuite c'est la miséricorde: "Sa miséricorde s'étend d'âge en âge."

3. Enfin c'est la puissance, et c'est pourquoi il dit du Très-Haut: "Celui qui habite dans le secours du Très-Haut."

9 Que ta main se trouve sur tous tes ennemis; que ta droite trouve tous ceux qui te haïssent.

II. Plus haut le psalmiste a annoncé à l'avance l'exaltation du roi, mais ici il traite de l'abaissement des ennemis. Et à cet égard il fait deux choses.

A) Il expose d'abord l'abaissement des ennemis.

B) Puis il conclut: Élève-toi.

A. En traitant de l'abaissement des ennemis il fait deux choses:

1) Il fait d'abord connaître le châtiment des ennemis.

2) Puis leur faute.

1. En faisant connaître leur châtiment il fait deux choses:

a) Il expose en premier lieu l'infliction du châtiment.

b) Puis le châtiment proprement dit: Tu les rendras comme une fournaise, etc.

a. Celui qui inflige le châtiment, c'est la main de Dieu, c'est pourquoi il dit: Que ta main se trouve sur tous tes ennemis. Une version de Jérôme lit: "Inveniat manus dexterae Dei inimicos odiens (Que la main de la droite de Dieu trouve [tes] ennemis, etc.)"; mais cela semble être une répétition du psalmiste, car la main et la droite de Dieu sont une même chose, tout comme l'ennemi et celui qui hait. Et cela est habituel dans les psaumes. Ou bien, si l'on introduit une distinction, toute sa droite est la main, mais ce n'est pas toute la main qui est la droite. Donc, par la main de Dieu, on entend la puissance opérative de Dieu, et cette main est une droite avec laquelle il exalte les bons dans les biens spirituels: "La longueur des jours est dans sa droite." Elle est appelée gauche, parce qu'elle punit les méchants, ou dispense des biens temporels: "Dans sa gauche sont les richesses." Il dit donc: Que ta main, c'est-à-dire ta puissance, trouve, c'est-à-dire livre à souhait, tous tes ennemis. - "Avec toutes ces choses sa fureur n'a pas été détournée, mais sa main est encore étendue." Et que ta droite, car le fait que Dieu punisse les méchants concerne sa droite, en tant qu'une telle punition est ordonnée au salut des élus. Ainsi donc en tant qu'il punit les méchants, on parle de la main, et en tant qu'il l'ordonne au bien des justes, on parle de la droite. Ou bien, il est la droite, le Christ est la main, c'est pourquoi il est écrit: Que ta main, c'est-à-dire le Christ, trouve, c'est-à-dire reconnaisse dans le bien ceux qui sont tes amis, à savoir les nations: "Ils m'ont trouvé ceux qui ne m'ont pas cherché." Ou bien dans le mal: trouve, etc., c'est-à-dire reconnaisse, tes ennemis, c'est-à-dire les Juifs au jugement, lorsqu'il viendra pour le jugement: "Ils verront le Fils au jugement", lorsqu'il viendra pour le jugement: "Ils verront le Fils de l'homme venant dans une nuée, avec une grande puissance et une grande majesté." Et que ta droite, c'est-à-dire ton fils, trouve, c'est-à-dire punisse, tous ceux qui te haïssent.

10 Tu les rendras comme une fournaise de feu, au temps de ton visage; le Seigneur dans sa colère les remplira de trouble, et un feu les dévorera.

b. Le psalmiste expose ici le châtiment des ennemis.

- Et d'abord quant aux maux qui leur sont infligés.

- Ensuite quant aux biens qui leur sont ôtés: leur fruit.

- Il expose successivement trois choses concernant leur châtiment: et si on applique cela au sens mystique, l'évidence apparaît, car au jugement dernier trois choses auront lieu.

Il y aura d'abord un feu embrasant la surface du monde: "Il embrasera tout autour ses ennemis", c'est pourquoi il dit: Tu les rendras comme une fournaise de feu, c'est-à-dire au temps de ton visage, c'est-à-dire du Christ, au temps où il apparaîtra pour le jugement: "Que de ton visage émane mon jugement; que tes yeux voient l'équité." Et il dit: comme une fournaise, comme s'ils étaient oppressés par le feu: "Comme l'herbe qui est aujourd'hui et qui demain sera jetée dans le four." Ou bien: comme une fournaise, contenant en soi du feu; et à travers cela on comprend le feu dont les méchants souffrent intérieurement à cause de leur mauvais désir et de leur irritation. La bonne affection est un bon feu: "D'en haut il a envoyé un feu dans mes os, et il m'a châtiée; il a tendu un filet à mes pieds, et il m'a fait tomber en arrière; il m'a rendue désolée, accablée de chagrin tout le jour." La mauvaise affection est un mauvais feu: "Un feu est tombé sur eux, et ils n'ont pas vu le soleil", c'est-à-dire qu'ils brûlent toujours dans la conscience de leur impiété: "Tous sont adultères, semblables à un feu allumé par le boulanger." Ils sont tous adultères la plupart de ceux qui s'allient à Dieu de manière désordonnée. Le diable est un boulanger rôtisseur qui fournit de mauvaises pensées, comme le boulanger s'occupe de son bois à brûler: "Notre peau comme un four a été brûlée par les ardeurs de la faim." Et cela, au temps de ton visage, c'est-à-dire au temps de ta manifestation au jugement.

Ensuite est exposée la sentence du jugement au cours de laquelle il reprochera aux impies leurs péchés, et proférera la sentence de damnation, soit de manière vocale, soit de manière mentale. Et c'est pourquoi le Seigneur dans sa colère les remplira de trouble, c'est-à-dire jettera le trouble de sa tristesse sur les maux perpétrés, et sur les biens enlevés.

Enfin ils seront enveloppés par le feu, c'est pourquoi il dit: et un feu les dévorera. - "Un feu qui ne s'allume point les dévorera", c'est-à-dire non par un souffle humain, mais il sera allumé par la puissance divine; c'est pourquoi une version de Jérôme lit: "Deiiciet eos (Il les précipitera)." Toutes ces choses peuvent assez bien convenir à David.

11 Tu feras disparaître leur fruit de la terre et leur semence d'entre les fils des hommes.

- Le psalmiste expose ici la privation des biens. Parmi les biens que les hommes possèdent en ce monde, il en est certains dont ils désirent jouir en cette vie, et d'autres qu'ils désirent laisser après eux; or ils perdront les uns et les autres.

Aussi dit-il à propos des premiers biens: Tu feras disparaître leur fruit de la terre, fruit dont ils recherchaient la jouissance: "Vaine est leur espérance, leurs travaux sont sans fruit et leurs oeuvres inutiles." - "Quel fruit avez-vous donc tiré alors des choses dont vous rougissez maintenant ? Car leur fin, c'est la mort."

Au sujet des seconds biens il dit: leur semence, c'est-à-dire périra, d'entre les fils des hommes, c'est-à-dire de la société des saints: "Je perdrai le nom de Babylone, et les restes et le germe, et la race, dit le Seigneur." - "Toute oeuvre corruptible à la fin disparaîtra." - "Car la fin d'une nation inique est cruelle."

12 Parce qu'ils ont fait tomber des maux sur toi; ils ont conçu des desseins qu'ils n'ont pu rendre fermes. 13 Parce que tu leur feras tourner le dos; tu prépareras leur visage avec ce qui te reste.

2. Le psalmiste exposé ici la faute des pécheurs, et cette faute sera décrite à propos de deux choses.

a. D'abord quant à l'effort de leur entreprise; et à ce sujet il dit ici: Parce qu'ils ont fait tomber, etc., car bien qu'ils ne puissent pas le faire, ils s'efforcent cependant, autant qu'ils le peuvent, de causer des maux: "Ils me rendaient le mal pour le bien." Ou bien: ils ont fait tomber, car les maux qui les menacent, ils veulent les causer aux autres. Or un double mal menaçait les Juifs, à savoir le mal du châtiment; et ils se sont efforcés de faire retomber cela sur le Christ, lorsque de crainte que les Romains n'enlèvent leur pouvoir, ils tuèrent le Christ. Puis le mal de la faute les menaçait: "Vous, vous êtes issus du diable votre père", et ils fulminaient cela contre le Christ lorsqu'ils disaient: "Ne disons-nous pas avec raison que tu es un Samaritain, et que tu as un démon ?" Eux-mêmes étaient démoniaques, et ils chargeaient le Christ de péché.

b. Ensuite la faute sera décrite quant à l'effort de leur dessein, c'est pourquoi il dit: ils ont conçu des desseins, etc., c'est-à-dire ils ont pensé qu'ils détruiraient sa foi: "Ils ont formé contre moi des conseils, disant: "Mettons du bois dans son pain, rayons-le de la terre des vivants, et que son nom ne soit plus rappelé dans la mémoire."" À propos de ce bois il est écrit: "Béni est le bois par lequel est faite la justice"; mais ils n'ont pas rendu ferme, c'est-à-dire n'ont pu accomplir leur dessein: "Formez un dessein, et il sera dissipé; dites une parole, et elle ne sera pas exécutée, parce qu'avec nous est Dieu." Pourquoi ? Parce qu'"il n'y a pas de dessein contre le Seigneur". Et il donne une raison à ce qui vient d'être dit, à savoir pourquoi les contradicteurs n'ont pas rendu ferme leur dessein: Parce que tu leur feras tourner le dos. La version iuxta Hebraeos de Jérôme est plus claire: "Quoniam pones eos humerum, fines tuos firmabis contra facies eorum (Tu leur feras tourner l'épaule, tu affermiras tes limites contre leur visage)." Il arrive de deux manières que des ennemis ne rendent pas fermes leurs desseins contre quelqu'un. Selon une première manière, s'ils sont vaincus par lui. Selon une autre manière, si les limites des ennemis ne sont pas fermes; et c'est pourquoi il dit: ils n'ont pu rendre ferme leur conseil. Parce que tu leur feras tourner le dos, c'est-à-dire ils fuiront devant toi. De même ces mots de la version iuxta Hebraeos: "Tu affermiras tes limites contre leur visage", se comprennent au sens spirituel en l'appliquant au Christ, dont personne ne peut violer les limites: "Nul ne les ravira de ma main." Et dans notre version on lit: "In reliquiis tuis praeparabis vultum eorum (Tu prépareras leur visage avec ce qui te reste)", c'est-à-dire contre leur visage, selon la Glose.

Plus haut le psalmiste a exposé le châtiment futur des méchants, mais ici il expose leur châtiment présent. Il y a un double châtiment spirituel qui est dans l'âme, c'est-à-dire quant à sa séparation de Dieu, et son attachement au mal.

Concernant sa séparation de Dieu il dit: toi, selon ta providence, tu leur feras tourner le dos.

Concernant son attachement au mal il dit: tu prépareras leur visage avec ce qui te reste. Et cela s'explique de différentes manières, selon la Glose. Selon une première manière, à propos des choses que le Christ a abandonnées, à savoir les biens temporels qu'il méprisa: "Mon royaume n'est pas de ce monde", car tu abandonneras leur visage au désir des choses temporelles, c'est-à-dire tu prépareras leur intention de telle sorte que pour ce motif ils tuent le Christ, comme lorsqu'ils dirent: "Les Romains viendront et ruineront notre pays et notre nation." Ou bien: avec ce qui te reste, c'est-à-dire avec les nations que tu laisses à convertir: "C'est en lui que les nations mettront leur espérance." tu prépareras leur visage, c'est-à-dire ta connaissance, qui leur appartient, à savoir aux Juifs, et qui leur a été promise. On appelle restes du Christ les derniers moments de sa vie, c'est-à-dire sa Passion et sa mort, et en ces restes leur intention mauvaise fut préparée en vue de sa Passion. Ou bien, il s'agit de la préparation de leur visage dans le bien, c'est-à-dire dans les restes des Juifs qui se convertiront: "Le reste sera sauvé." Et bien qu'ils te tournent le dos, cependant les restes se convertiront et te connaîtront.

14 Élève-toi, Seigneur, dans ta puissance; nous chanterons et nous célébrerons tes hauts faits.

B. Le psalmiste expose ici la conclusion.

1) Et il demande d'abord ce qui relève de Dieu.

2) Puis il promet ce qui relève de notre côté.

1. Ainsi dit-il: Élève-toi, Seigneur, dans ta puissance, c'est-à-dire afin qu'en elle le roi se réjouisse: "Que ta main s'élève, et qu'ils ne voient pas; qu'ils voient et qu'ils soient confondus, ceux qui sont jaloux de ton peuple, et qu'un feu dévore tes ennemis." Mais selon le sens mystique: Elève-toi, ô Christ dans ta résurrection, qui se fera dans ta puissance. - "J'ai le pouvoir de déposer mon âme, et pouvoir de la reprendre", par la résurrection et l'ascension. Elève-toi, ce qui se fera dans ta puissance. - "Marchant dans la grandeur de sa puissance."

2. Et nous, nous chanterons, c'est-à-dire intérieurement, et nous célébrerons, extérieurement, tes hauts faits. Ou bien: nous chanterons, c'est-à-dire nous prêcherons et nous annoncerons l'excellence de ton pouvoir: "Afin que vous annonciez les hauts faits de celui qui des ténèbres vous a appelés à son admirable lumière."

 

 

COMMENTAIRE DU PSAUME 21

1 Pour la fin. Pour l'assomption.

2 Dieu, mon Dieu, tourne-toi vers moi:

pourquoi m'as-tu abandonné ? Loin de mon salut [sont] les paroles de mes fautes.

3 Mon Dieu, je crierai pendant le jour, et tu ne m'exauceras pas: et pendant la nuit, et ce n'est pas une folie pour moi.

4 Mais toi, tu habites dans un sanctuaire, [au milieu de] la louange d'Israël.

5 En toi ont espéré nos pères: ils ont espéré, et tu les as libérés. 6 Vers toi ils ont crié, et ils ont été sauvés: en toi ils ont espéré, et ils n'ont point été confondus.

7 Mais moi, je suis un ver et non un homme; l'opprobre des hommes et l'abjection du peuple. 8 Tous ceux qui m'ont vu m'ont tourné en dérision: ils ont parlé de leurs lèvres, et ils ont hoché la tète.

9 Il a espéré dans le Seigneur, qu'il le délivre; qu'il le sauve, puisqu'il l'aime.

10 Car c'est toi qui m'as tiré du ventre [de ma mère, tu es] mon espérance dès les

11a mamelles de ma mère, sur toi j'ai été déposé dès le sein [maternel].

11b Depuis le ventre de ma mère, tu es mon Dieu; 12a ne t'éloigne pas de moi.

12b Parce que la tribulation est proche, parce qu'il n'y a personne qui me porte secours.

13 De jeunes taureaux en grand nombre m'ont environné; des taureaux gras m'ont assiégé. 14 Ils ont ouvert sur moi leur gueule comme un lion ravisseur et rugissant.

15 Je me suis épanché comme de l'eau, et tous mes os ont été disloqués. Mon coeur est devenu comme une cire fondant au milieu de mon ventre.

16 Ma force s'est desséchée comme un tesson, et ma langue s'est attachée à mon palais; et tu m'as conduit à la poussière de la mort.

17 Parce que des chiens nombreux m'ont environné; le conseil des méchants m'a assiégé. Ils ont percé mes mains et mes pieds; 18a ils ont compté tous mes os.

18b Mais ils m'ont eux-mêmes considéré et regardé attentivement. 19 Ils se sont partagé mes vêtements, et sur ma robe ils ont jeté le sort.

20 Mais toi, Seigneur, n'éloigne pas ton secours de moi, prends soin de ma défense.

21 Arrache, ô Dieu, mon âme à l'épée à double tranchant; et mon unique à la griffe du chien.

22 Sauve-moi de la gueule du lion, et ma faiblesse des cornes de licornes.

23 Je raconterai ton nom à mes frères; je te louerai au milieu de l'assemblée.

24 Vous qui craignez le Seigneur, louez-le, race entière de Jacob, glorifiez-le. 25a Que toute la race d'Israël le craigne.

25b Parce qu'il n'a pas méprisé ni dédaigné la supplication du pauvre; et qu'il n'a point détourné sa face de moi, et que, lorsque je criais vers lui, il m'a exaucé.

26 Devant toi sera ma louange dans la grande assemblée; j'accomplirai mes voeux en présence de ceux qui le craignent.

27 Les pauvres mangeront et seront rassasiés; et ils loueront le Seigneur, ceux qui le recherchent; leurs coeurs vivront dans les siècles des siècles.

23. Ils se souviendront et se convertiront au Seigneur tous les confins de la terre; et toutes les familles des nations adoreront en sa présence.

29 Farce que la royauté est au Seigneur; et lui-même dominera sur les nations.

30 Tous les riches de la terre ont mangé et ont adoré; en sa présence tomberont tous ceux qui descendent dans la terre.

31 Et mon âme vivra pour lui; et ma postérité le servira.

32 La génération qui doit venir sera annoncée au Seigneur; et les cieux annonceront sa justice au peuple qui naîtra, [et] que le Seigneur a fait.

 

1 Pour la fin. Au vainqueur pour le réconfort matinal.

2 Dieu, mon Dieu, tourne-toi vers moi: pourquoi m'as-tu abandonné ? Loin de mon salut [sont] les paroles de mes fautes.

Dans les psaumes précédents, il semble qu'il soit d'abord question de la tribulation que David eut à souffrir de la part de son fils et de Saül; ici maintenant, dans cette troisième décade, il s'agit de la persécution qu'il eut à subir de la part du peuple tout entier, qui le rejeta sur l'ordre de Saül.

Cette troisième décade se divise en trois parties.

Dans la première partie, le psalmiste raconte sa tribulation; dans la deuxième, il expose sa prière à Dieu pour sa libération; dans la troisième, il exprime l'action de grâce.

La deuxième partie débute avec le psaume 24: "Vers toi, Seigneur, j'élève mon âme"; la troisième avec le psaume 28: "Rapportez au Seigneur."

Dans la première partie de cette troisième décade le psalmiste fait deux choses: il commence par exposer sa tribulation; puis il montre comment il obtient le secours de Dieu dans sa tribulation: "Le Seigneur me conduit."

Ainsi qu'on l'a dit plus haut, il en va ici comme dans les autres prophéties: il s'agit de certains personnages alors présents, mais qui étaient des figures du Christ, et de certains faits relevant de la prophétie elle-même. Et il arrive donc parfois que l'on présente certaines choses concernant le Christ, qui échappent aux limites de l'histoire. Et parmi elles, il y a ce psaume-ci, qui traite d'une manière spéciale de la Passion du Christ. Et tel est justement son sens littéral. C'est spécialement ce psaume que le Christ a dit lors de sa Passion, lorsqu'il s'écria: "Eli, Eli, lema sabaqthani", ce qui veut dire: "Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ?", selon les premiers mots du même psaume. Aussi, bien que ce psaume, au sens figuré, soit dit de David, il doit spécialement être référé au Christ, au sens littéral. Au synode de Tolède, un certain Théodore de Mopsueste, qui interprétait ce psaume littéralement en le référant à David, a été condamné, à cause de cette erreur et de beaucoup d'autres. C'est donc en référence au Christ qu'il faut l'exposer.

On doit donc faire remarquer ici que cinq psaumes traitent de la Passion du Christ de façon très développée: ce psaume-ci en est le premier, les autres n'en donnent que de brèves allusions. Le deuxième est celui-ci: "Juge, Seigneur, ceux qui me font du mal"; le troisième: "Exauce, ô Dieu, ma prière, et ne méprise pas ma supplication"; le quatrième: "Sauve-moi, ô Dieu, parce que les eaux sont entrées dans mon âme"; le cinquième: "Dieu, ne tais pas ma louange." Et cela, au sens mystique, à cause des cinq blessures du Christ, ou encore des cinq effusions de sang. Et dans tous ces psaumes, la manière de procéder est la même: ils commencent par une plainte et finissent avec le salut des peuples; car c'est à partir de la Passion du Christ que s'est opéré le salut pour tous les hommes.

Le titre de ce psaume est, selon Jérôme: "Victori pro cervo matutino (Au vainqueur pour le cerf matinal)"; selon notre version: "Victori pro assumptione vel cerva matutina (Au vainqueur pour le réconfort matinal ou pour la biche de l'aurore)." Dans ce psaume, il est question principalement de la Passion du Christ, et secondairement de la résurrection - mais le titre se réfère à la résurrection - parce que c'est par elle que l'on comprend la Passion, et la Passion est elle-même ordonnée à la résurrection. Un peu comme si je dis: cet homme-là est affranchi, indiquant du même coup qu'il a été esclave. Ainsi donc ce psaume, en se référant à David, se réfère en même temps au Christ. Et il est destiné à l'assomption, c'est-à-dire à la résurrection, qui a lieu le matin. "Pour la biche", c'est-à-dire pour la nature humaine; ou bien "pour le cerf matinal", c'est-à-dire pour le Christ: "Que j'éveille l'aurore." Ce titre fait allusion au temps où David allait errant et se cachait dans les déserts comme un cerf; c'est pourquoi il est dit plus haut: "Il a disposé mes pieds comme ceux des cerfs." C'est donc en raison de cette tribulation, qui figurait la passion du Christ, que l'on a donné un tel titre à ce psaume. On comprend encore mieux cette référence au Christ si l'on pense que le cerf signifie la nature humaine dans le Christ; de même que le cerf traverse les buissons d'épines sans se blesser les pieds, ainsi le Christ a traversé cette vie présente sans aucune souillure. Pareillement, le cerf sait très bien sauter; ainsi le Christ est monté de la fosse de la mort à la gloire de la résurrection. C'est pourquoi il a été appelé cerf, et "cerf matinal" parce qu'il ressuscita le matin.

Ce psaume se divise en trois parties:

I) La première rapporte la plainte.

II) La deuxième fait le récit de la Passion: 7 Mais moi, je suis un ver;

III) La troisième expose la demande de libération: 20 Mais toi, Seigneur, n'éloigne pas ton secours de moi.

I. La première partie contient trois considérations: la première concerne la plainte ou la question; la deuxième en est l'exposition: Loin de mon salut; la troisième en explique la raison: 4 Mais toi, tu habites dans un sanctuaire, etc. La version que nous utilisons est celle des Septante. Mais dans le texte grec et le texte hébraïque, on ne trouve pas les mots: Tourne-toi vers moi; on lit seulement: "Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ?", car le Christ a prononcé ces paroles sur la croix. Mais entre ces mots on a intercalé: respice (regarde).

Le psalmiste expose donc la demande lorsqu'il dit: Dieu, mon Dieu. S'il répète deux fois Dieu, c'est pour marquer une plus grande certitude: "Et si le songe [de Pharaon] s'est renouvelé deux fois, c'est que la chose est bien décidée de la part de Dieu." tourne-toi vers moi, c'est-à-dire aie pitié de moi: "Tourne-toi vers moi, aie pitié de moi, parce que moi je suis solitaire et pauvre." pourquoi m'as-tu abandonné ? Ce furent les paroles du Christ en croix. Ces mots ont été pour Arius une occasion d'erreur, à savoir que dans la mort du Christ la divinité a été séparée de l'humanité. Selon lui, c'est de cela que se plaint le Seigneur lorsqu'il dit: "Pourquoi m'as-tu abandonné ?" Mais cela est faux. Il faut savoir, en effet, que l'on dit de quelqu'un qu'il est abandonné par Dieu lorsque Dieu ne lui est pas présent, tout comme il paraît être présent quand il le protège et exauce ses demandes: "Mais mon Seigneur est avec moi comme un guerrier puissant; mes adversaires vont trébucher, vaincus." En vérité, le Christ ne fut pas exempt de souffrance corporelle lors de sa Passion, et de cette manière on peut dire qu'il fut pour un instant abandonné, c'est-à-dire exposé à la passion: "Dieu qui n'a pas épargné même son propre Fils, mais qui l'a livré pour nous tous, comment ne nous aurait-il pas donné toutes choses avec lui ?" De même, cette demande: "Père, s'il est possible, que cette coupe s'éloigne de moi", comme on le rapporte en Matthieu, ne semble pas avoir été exaucée, parce qu'elle venait de la partie charnelle: "Un court instant, je t'avais délaissée", c'est-à-dire je t'ai exposé à la passion, "mais, ému d'une immense pitié, je te rassemblerai" c'est-à-dire dans la résurrection. Ainsi donc il dit: pourquoi m'as-tu abandonné ?, c'est-à-dire pourquoi m'as-tu exposé à la passion ?

A. Loin de mon salut [sont] les paroles de mes fautes. Ici commence l'exposition de la plainte ou question; et d'abord en général, puis en détail: Mon Dieu, je crierai.

Il a dit: tu m'as abandonné, et cela parce que les paroles de mes fautes sont loin de mon salut, de moi vrai homme de par la nature humaine que je possède: "Il est loin des impies le salut." Ces expressions: tu m'as abandonné, loin, et pourquoi, ne semblent pas convenir à l'homme juste ou à l'homme de justice; elles paraissent être plutôt les paroles de mes fautes, c'est-à-dire de l'homme pécheur, et elles montrent que je ne suis pas un juste, mais un pécheur. Ainsi donc le Christ a proféré ces mots en personnifiant le pécheur, ou encore l'Église. Et c'est là une des règles posées plus haut au début du psautier: les choses qui concernent les membres, le Christ les dit de lui-même, pour cette raison que le Christ et l'Église forment comme un seul corps mystique; conséquemment, ils parlent comme une même personne: le Christ se transforme (transformat se) en Église et l'Église en Christ: "Ainsi nous, à plusieurs, nous ne formons qu'un seul corps dans le Christ." Or dans les membres du Christ, c'est-à-dire dans l'Église, on trouve des fautes ou des péchés; mais dans la Tête, c'est-à-dire dans le Christ, il n'y a aucune faute, sinon seulement une similitude (un semblant) de péché: "Dieu a envoyé son Fils avec une chair semblable à celle du péché, et en vue du péché, a condamné le péché dans la chair." - "Celui qui n'avait pas connu le péché, il l'a fait péché pour nous, afin qu'en lui nous devenions justice de Dieu." Au cours de sa Passion, le Christ a fait cette prière à son Père: "Père, s'il est possible, que ce calice passe loin de moi; toutefois, non ma volonté, mais la tienne." Mais ces paroles du Christ en prière peuvent s'expliquer d'une double manière. D'abord, en ce sens que le Christ les a proférées comme s'il avait tenu la place des membres faibles de l'Église: il devait arriver en effet que certains de ces faibles membres, devant l'imminence des souffrances à supporter, seraient saisis d'une grande peur. D'une autre manière, en ce sens qu'il proféra cette demande au nom de la faiblesse charnelle dans le Christ, laquelle, tout naturellement, craint et fuit la mort. On peut donc dire que s'il a demandé d'être délivré, ce fut en des mots qui provenaient, soit des membres dans lesquels la faute peut exister, soit de la chair du Christ dans laquelle se trouve une similitude (un semblant) de faute ou de péché, et c'est pourquoi il dit: les paroles, avec lesquelles j'ai demandé d'être libéré, sont celles de mes fautes, c'est-à-dire les fidèles dont les péchés sont la raison de ma Passion; ou encore, ces paroles sont celles de la faible chair du Christ dans laquelle il existe une similitude (un semblant) de faute, et elles sont loin du salut corporel, car le calice, ou la Passion, n'est pas passé loin de moi comme je l'ai demandé. Autrement dit: je n'obtiendrai pas le salut que je cherche à accomplir, si ma prière de demande est exaucée: "Père, que ce calice passe loin de moi." Ainsi s'explique la version qu'en donne Jérôme: "Longe a salute mea verba gemitus mei (Loin de me sauver les paroles de mon gémissement)."

Augustin expose différemment ce passage, dans son livre De gratia novi Testa-menti: "Ces paroles, par lesquelles je demande d'être libéré de la passion et qui expriment ma plainte de me trouver livré à la passion, elles sont loin de me sauver et de produire l'oeuvre de salut que je me dois d'accomplir en ma qualité de Dieu." - "C'est lui qui sauvera son peuple de ses péchés." Et il donne la raison pour laquelle il est abandonné. Il y a en effet deux sortes de salut: l'un, corporel, commun aux hommes et aux bêtes: "Tu sauveras, Seigneur, les hommes et les animaux"; l'autre, spirituel et éternel, qui est propre au Christ. S'il dit ainsi: mon salut, c'est parce que le salut du Nouveau Testament a été opéré par le Christ: "Israël a été sauvé par le Seigneur d'un salut éternel." Et ces deux types de salut diffèrent en ceci que le premier était attendu dans l'Ancien Testament, tandis que le second est recherché dans le Nouveau. Pourquoi alors a-t-il été abandonné, exposé à la passion ? c'est qu'il est venu dans le Nouveau Testament; et les paroles qu'il profère maintenant sont loin de mon salut, spirituel, parce qu'elles visent le salut corporel.

Sont loin. Le Christ parle en la personne des pécheurs, qui parfois à cause de leurs fautes sont délaissés par Dieu; c'est pourquoi il dit: les paroles de mes fautes, c'est-à-dire des pécheurs, sont loin du salut, spirituel, car la raison pour laquelle les pécheurs ne sont pas sauvés, c'est qu'ils sont pécheurs: "Dieu n'exauce pas les pécheurs." Ou encore, selon Augustin, les mots loin de mon salut signifieraient: "En me délaissant, tu m'as éloigné de mon salut, corporel; et ces paroles sont celles de mes fautes."

3 Mon Dieu, je crierai pendant le jour, et tu ne m'exauceras pas: et pendant la nuit, et ce n'est point une folie pour moi.

B. Ici, le psalmiste expose sa plainte en détail. Les mots jour et nuit peuvent être interprétés de deux manières. Au sens littéral, ils signifient le jour et la nuit temporels; et ainsi crier veut dire: crier assidûment; c'est pourquoi il dit: tu ne m'exauceras pas, autrement dit: bien que je crie continuellement, je ne suis pas exaucé. Une version de Jérôme lit comme suit: "Et nocte et non est silentium mihi (Et de nuit et il n'y a pas pour moi de silence)"; autrement dit: je ne cesse de prier et le jour et la nuit. Dans un autre sens, on peut entendre par le jour la prospérité, et par la nuit l'adversité. Et selon Augustin, les paroles (prières) qui sont dites en vue du salut corporel sont proférées (faites) le jour, c'est-à-dire pour des prospérités, et la nuit pour que cesse le malheur. Ainsi le Christ crie le jour quand il est dans la prospérité, et il n'est pas exaucé, parce qu'il demande alors de ne point perdre sa prospérité; et il crie la nuit, afin que disparaisse l'adversité et elle ne disparaît pas.

Cependant il est dit du Christ qu'"il a été exaucé pour son humble respect."

Il faut considérer ici que la prière est un acte de la raison, et alors toute prière du Christ procédant du jugement de la raison est exaucée. Il en va autrement de la prière exprimant la faiblesse de la nature passible et le mouvement de ses membres; et dans ce cas, lui-même (le Christ) n'a pas voulu que sa prière soit exaucée: "Maintenant, mon âme est troublée, et que dirai-je ? Père, sauve-moi de cette heure. Mais c'est pour cela que je suis venu en cette heure." Et pourquoi il ne fut exaucé ni dans les moments favorables, ni dans les malheurs, il le montre lorsqu'il dit: et ce n'est point une folie pour moi. En effet, cette prière ne vise pas le salut du Nouveau Testament, que moi je cherche à obtenir et qui est le salut éternel, mais elle concerne le salut de l'Ancien Testament. Donc pour que tu apprennes cette sagesse, sache bien que le salut temporel n'appartient pas au Nouveau Testament, mais à l'Ancien. Voilà la sagesse, qui est folie aux yeux des hommes: "Nous, nous sommes fous à cause du Christ." Et encore: "N'a-t-il pas frappé de folie la sagesse de ce monde ?"

4 Mais toi, tu habites dans un sanctuaire, [au milieu] de la louange d'Israël.

C. Plus haut, le psalmiste a exposé la question du Christ s'interrogeant sur la cause de sa Passion; ici il montre qu'une telle question est raisonnable, et qu'il est raisonnable qu'il ait été délaissé.

1) Il dit d'abord que cela est étonnant de la part de Dieu.

2) Puis il montre cela en s'appuyant sur une expérience ancienne: En toi ont espéré.

1. Ces mots se réfèrent à ce qui précède selon trois explications.

a. La première, c'est qu'il est loin du salut temporel, et c'est ainsi qu'a lieu cette séparation. En conséquence, cela s'avère étonnant de la part de Dieu pour deux raisons.

- D'abord, puisque Dieu habite dans un sanctuaire et qu'il ne nous défend pas: "Si le Seigneur est avec nous, pourquoi tous ces maux nous sont-ils arrivés ? Où sont ses merveilles que nous ont racontées nos pères ?" Et c'est pourquoi il dit: Mais toi, tu habites dans un sanctuaire. - "Toi, tu es au milieu de nous, Seigneur", mais il habite spécialement dans le Christ.

- L'autre raison est que tout ce que nous avons de bien, tout cela contribue à la louange de Dieu. Et c'est pourquoi si c'est bien pour nous, Dieu est davantage loué par nous. Et d'où ce qui suit: louange d'Israël. - "Guéris-moi, Seigneur, et je serai guéri; sauve-moi, et je serai sauvé, parce que ma louange, c'est toi."

b. Selon une autre explication: pourquoi m'as-tu abandonné ? C'est parce que les paroles de mes fautes sont loin de mon salut, au sens spirituel; mais moi je crie en vue du bien temporel, tandis que toi tu habites dans un sanctuaire, puisque tu es la louange d'Israël, et tu n'exauceras pas, car tu n'exauces que si l'on crie en vue du salut éternel.

c. Ou bien, selon une troisième explication, en tant que le Christ parle dans la personne du pécheur, autrement dit: Tu es loin de mon salut, parce que tu n'habites pas dans les pécheurs, mais dans [le] sanctuaire.

5 En toi ont espéré nos pères; ils ont espéré, et tu les as libérés. 6Vers toi ils ont crié, et ils ont été sauvés: en toi ils ont espéré, et ils n'ont point été confondus.

2. Ici le psalmiste expose une autre raison qui se fonde sur une coutume ancienne et sur l'expérience grâce à laquelle les saints pères étaient libérés des tribulations en invoquant Dieu; comme on le voit dans l'Exode, puisqu'ils ont été libérés de la persécution des Égyptiens; et aussi à propos de Suzanne qui fut libérée de l'injuste sentence des vieillards ~ et de Daniel qui fut libéré de la gueule ou de la fosse des lions. Comment donc suis-je abandonné par toi, et ne suis-je pas libéré de la Passion ? Le psalmiste fait donc mention de deux choses à ce propos:

a) D'abord du mal de l'affliction corporelle.

b) Puis du mal de la confusion.

a. En ce qui concerne le premier mal, les pères faisaient deux choses.

- Ils espéraient d'abord en lui; c'est pourquoi il dit: En toi, non dans le monde, ont espéré nos pères. - "Tu as espéré dans le Seigneur durant les siècles éternels, dans le Seigneur puissant à jamais." et tu les as libérés; et tel est le fruit de l'espérance, car tu les as libérés.

- Puis ils criaient, aussi dit-il: Vers toi ils ont crié, avec un grand élan du coeur, et ils ont été sauvés. - "Vers le Seigneur j'ai crié, et il m'a exaucé."

b. En ce qui concerne le second mal il dit: en toi ils ont espéré, et ils n'ont point été confondus.

Cependant il est écrit: "Il n'est point de confusion pour ceux qui se confient en toi." Et encore: "L'espérance ne confond point."

On répondra en disant que les pères avaient en vue l'Ancien Testament dans lequel on donnait des biens temporels; c'est pourquoi, afin de montrer que la Providence divine dispense aussi les biens temporels, il les libère également temporellement. Mais le Christ promet et donne des biens spirituels; et afin de montrer que les biens temporels doivent être méprisés et les biens éternels espérés, il a refusé la libération temporelle selon sa sagesse: et cependant dans le Nouveau Testament certains ont été libérés temporellement, et dans l'Ancien Testament certains ont été instruits par des peines spirituelles, afin de montrer que Dieu est l'auteur des deux Alliances.

7 Mais moi je suis un ver et non un homme; l'opprobre des hommes et l'abjection du peuple. 8 Tous ceux qui m'ont vu m'ont tourné en dérision: ils ont parlé de leurs lèvres, et ils ont hoché la tête.

II. Ici il expose la Passion.

A) Et il fait d'abord mention de la confusion dont il a souffert.

B) Puis il l'expose: Tous ceux qui m'ont vu.

C) Enfin il en donne la cause: Car c'est toi qui m'as tiré, etc.

A. On peut lire la première partie de deux manières.

1. Selon une première manière, en tant qu'il fait d'abord mention d'un semblant de confusion. Ensuite, en tant qu'il expose son opprobre.

Ainsi dit-il: ceux-là sont libérés, mais moi je ne suis pas délivré de la confusion; mais je suis broyé avec mépris comme si j'étais un ver et non un homme: "L'homme n'est que pourriture, le fils de l'homme un ver." - "Je suis devenu la raillerie de tout mon peuple, leur chanson durant tout le jour." Et comment, il l'explicite en disant: l'opprobre des hommes et l'abjection du peuple. - "Les passants le blasphémaient, branlant la tête, et disant: "Ah ! toi qui détruis le temple de Dieu et le rebâtis en trois jours, sauve-toi toi même." Et ceux qui avaient été crucifiés avec lui, l'outrageaient de même. "Il en a sauvé d'autres, et il ne peut se sauver lui-même."" - "Ayant tressé une couronne d'épines, ils la mirent sur sa tête, et le couvrirent d'un vêtement de pourpre." Et c'est pourquoi je suis devenu l'opprobre des hommes, dans leurs paroles, ainsi qu'on l'a dit, et l'abjection du peuple, parce qu'ils l'ont méprisé, et que l'ayant rejeté ils demandèrent Barabbas. - "Tu as fait de moi un rebut parmi les peuples."

2. Selon une seconde manière, en tant que cela regarde la dignité du Christ; car le ver n'est pas engendré par un accouplement, mais de la terre à la faveur de la seule chaleur du soleil: "C'est lui qui, comme le ver le plus tendre du bois, tua huit cents hommes en une seule fois", selon les paroles du deuxième livre des Rois. Ainsi le Christ fut-il engendré par la seule opération du Saint-Esprit: "Le Seigneur accordera sa bonté, et notre terre donnera son fruit." C'est pourquoi il dit: Mais je suis un ver et non un homme, à savoir uniquement, mais aussi Dieu. Ou bien, selon cette interprétation d'Augustin: Par homme, on entend le vieil homme, c'est-à-dire Adam, qui fut homme sans être fils de l'homme. Par ver on entend le Christ, qui fut homme aussi bien que fils de l'homme, c'est-à-dire de la Vierge; aussi dit-il: je suis un ver et non un homme, c'est-à-dire se réjouissant des choses temporelles, mais bien fils de l'homme se réjouissant des réalités spirituelles. l'abjection du peuple. Ceci ne varie pas dans son explication.

B. Ensuite il expose la moquerie:

1) Et il montre d'abord comment elle est universelle.

2) Ensuite comment elle est considérable.

1. Qu'elle est universelle, il le montre en disant: Tous ceux qui m'ont vu m'ont tourné en dérision. - "Durant tout le jour tous se moquaient de moi", c'est-à-dire les peuples et les princes; et cet emploi du mot Tous s'entend pour tout le peuple, c'est-à-dire pour figurer le mal.

2. Que la raillerie a été considérable, il le montre, car ce fut en paroles, aussi dit-il: ils ont parlé de leurs lèvres. - "Les passants l'outrageaient." - "De qui vous moquez-vous ? Contre qui ouvrez-vous la bouche et tirez-vous la langue ?" - "S'il est véritablement fils de Dieu, il l'assistera." De même, ce fut en actions: et ils ont hoché la tête. - "Hochant la tête et disant (c'est-à-dire en signe de dérision): "Il en a sauvé d'autres, et il ne peut se sauver lui-même: s'il est le roi d'Israël, qu'il descende maintenant de la croix, et nous croirons en lui.""

9 Il a espéré dans le Seigneur, qu'il le délivre; qu'il le sauve, puisqu'il l'aime.

Il montre que ce sont ces paroles qu'ils prononçaient au milieu de sa confusion: car ils lui reprochaient d'abord l'espérance qu'il mettait en Dieu; aussi dit-il: Il a espéré dans le Seigneur, qu'il le délivre. - "Il se confie en Dieu, qu'il le délivre s'il le veut." Autrement dit: s'il avait espéré dans le Seigneur, il l'aurait délivré, car plus haut il est dit aussitôt: En toi ont espéré nos pères, [...] et tu les as libérés. Mais ils se sont trompés, car il ne s'agissait pas du salut ou de la délivrance temporelle. Ensuite ils outrageaient le Christ en disant qu'il n'était pas agréable à Dieu; aussi dit-il: qu'il le sauve, puisqu'il l'aime. - "Il se nomme Fils de Dieu."

10 Car c'est toi qui m'as tiré du ventre [de ma mère, tu es] mon espérance, dès les 11a mamelles de ma mère, sur toi j'ai été déposé dès le sein [maternel].

C. Il expose ensuite la cause de sa confusion; et à cet égard il fait deux choses.

1) Il expose d'abord la cause.

2) Puis il se répand en prière: ne t'éloigne pas de moi.

1. La cause de la moquerie relève habituellement de la sottise. Ainsi les mondains tiennent-ils les hommes bons pour des sots, parce qu'ils ne mettent pas leur confiance dans le monde: "Vous avez confondu le dessein du pauvre, parce que le Seigneur est son espérance." En exposant cette cause il fait deux choses.

a) Il expose d'abord le bienfait divin qui meut l'espérance.

b) Ensuite l'espérance elle-même: mon espérance, autrement dit: ils se moquent de moi, parce que mon espérance est en toi; et c'est pourquoi il dit: Car c'est toi qui m'as tiré du ventre [de ma mère].

a. Il fait d'abord mention de ce qui concerne la tête. Tous les êtres qui naissent naturellement et universellement du sein d'une mère sont créés par l'action divine, et elle est elle-même cause de toutes choses: "Lui qui m'a mis a part dès le sein de ma mère, et m'a appelé par sa grâce." Mais il souligne spécialement que le Christ a été tiré du sein de sa mère, car il a été conçu de manière extraordinaire, et né sans semence, la virginité de la mère ayant été préservée: tel est le bienfait, et il en résulte l'espérance.

b. À ce propos il expose trois choses:

- D'abord l'espérance elle-même.

- Puis sa perfection.

- Enfin sa raison.

- Ainsi dit-il: mon espérance dès les mamelles de ma mère, c'est-à-dire toi tu es mon espérance, grâce à laquelle je suis homme et j'ai sucé les mamelles de ma mère; car lorsque le Verbe était auprès de Dieu, il ne lui convenait pas d'espérer: "Mon espérance depuis ma jeunesse." Cependant, le Christ a joui de son libre arbitre au premier instant de sa conception, donc il a espéré dès ce moment. Il faut répondre en disant que les mamelles, c'est-à-dire le lait des mamelles fut préparé au moment même où il fut conçu, aussi les mamelles se réfèrent-elles à sa conception proprement dite.

sur toi j'ai été déposé dès le sein [maternel]. Cependant, si après être sorti du sein maternel il a été déposé sur Dieu, alors avant de sortir du sein, il ne fut pas déposé sur Dieu.

- On répondra que celui-ci a reposé dans l'un et l'autre cas, car il ne s'appuie pas sur lui-même, mais sur Dieu: "Rejetant sur lui toute votre sollicitude"; ainsi j'ai été déposé dès le sein, parce que je m'appuie sur toi seul. Et voilà pour la description de la perfection de l'espérance.

11b Depuis que j'étais dans le ventre de ma mère, tu es mon Dieu; 12a ne t'éloigne pas de moi.

- Le psalmiste expose ici la raison de l'espérance, autrement dit: en toi j'ai espéré, car je t'ai toujours regardé comme Dieu: "Mon coeur a espéré en Dieu, et j'ai été secouru"; et c'est pourquoi il dit: tu es mon Dieu depuis le ventre de ma mère, c'est-à-dire que depuis celui-ci je suis devenu homme, car auparavant le Fils de Dieu n'était pas homme. Mais si on explique cela à propos des membres du Christ, l'acte de déposer ou de tirer se fait de l'un à l'autre selon la chair; tandis que le Christ tendait toujours vers Dieu. Mais le psalmiste parle des membres qui selon la chair sont toujours dans le ventre charnel, c'est-à-dire dans les convoitises du monde; cependant, par l'intermédiaire de Dieu ils sont arrachés à de telles convoitises, et sont déposés sur Dieu, pour qu'ils n'espèrent et ne cherchent rien d'autre que Dieu.

2. Ensuite il conclut par une prière lorsqu'il dit: ne t'éloigne pas de moi, c'est-à-dire en défendant ou ma personne, ou mes membres quant aux réalités spirituelles, autrement dit: tu m'as abandonné, en m'exposant par ton secours spirituel.

12b Parce que la tribulation est proche, parce qu'il n'y a personne qui me porte secours.

Ce mot parce que, selon Jérôme, marque le début du verset suivant; et c'est pourquoi il peut, comme on l'a dit, être lu en le reliant aux versets précédents, tout comme avec les suivants. Et comme le dit Jérôme, on lit ce verset d'une manière plus juste en le reliant avec les suivants; car ce psaume, en personnifiant le Seigneur et en exposant sa Passion, mentionne d'abord sa prière, puis le déroulement de sa passion: De jeunes taureaux en grand nombre m'ont environné, etc.

Touchant sa prière il fait deux choses:

a) Il commence par la formuler.

b) Puis il montre la nécessité de prier: Parce que la tribulation.

a. Ainsi dit-il: tu es mon Dieu dès le ventre de ma mère, et c'est pourquoi je prie pour que tu ne t'éloignes pas, car la tribulation est proche. Ces paroles en effet doivent être interprétées dans le sens où le Christ parle dans la personne de ses membres, afin que Dieu ne les abandonne pas dans leur tribulation: "Dieu est fidèle, et il ne souffrira pas que vous soyez tentés au-delà de vos forces." - "Ne me rejette pas au temps de ma vieillesse; lorsque ma force me manquera, ne m'abandonne pas. Parce que mes ennemis ont parlé de moi, et ceux qui observaient mon âme ont tenu conseil ensemble, disant: "Dieu l'a délaissé, poursuivez-le, saisissez-le: parce qu'il n'est personne qui le délivre.""

b. Mais il ne dit pas cela pour soi. En effet la nécessité est double: la tribulation qui est imminente, et le secours qui fait défaut; c'est pourquoi il dit: la tribulation est proche, c'est-à-dire dans le temps: "Voici que l'heure approche, et le Fils de l'homme sera livré aux mains des pécheurs."

Mais on objectera que puisque ces paroles sont proférées par le Christ déjà en croix, comment dit-il: Parce que la tribulation est proche, etc. ?

Nous pouvons dire que David change les temps. Augustin, lui, a résolu cela autrement. Parfois, dit-il, la tribulation est proche, parfois elle est éloignée; le corps est proche de l'âme, tandis que les biens extérieurs sont éloignés. Donc, lorsqu'un malheur s'abat dans les choses extérieures, la tribulation n'est pas proche; mais lorsqu'il atteint le corps lui-même, alors elle est proche et toute proche, et il est impossible que l'homme ne la ressente pas. Le Christ, lui, était affligé dans son propre corps: "J'ai trouvé l'affliction et la douleur." De même le secours fit défaut: "Car il n'y a personne qui me porte secours". Et c'est pourquoi il faut s'appliquer sans relâche à la prière: "J'ai regardé autour de moi, et il n'y avait personne pour m'aider; j'ai cherché, et je n'ai pas trouvé de secours", car les apôtres, l'ayant aussi abandonné, s'enfuirent.

13 De jeunes taureaux en grand nombre m'ont environné; des taureaux gras m'ont assiégé. 14 Ils ont ouvert sur moi leur gueule comme un lion ravisseur et rugissant.

II' Plus haut le psalmiste a montré dans la personne du Christ que sa plainte ou son reproche était justifié, aussi bien du côté de Dieu que du côté de l'usage ou de l'expérience des anciens; mais ici il poursuit en exposant le déroulement de la Passion quant à l'affliction de la chair.

A) Et il mentionne d'abord les persécuteurs.

B) Puis il expose l'effet de la persécution: comme de l'eau.

C) Enfin le déroulement de la persécution: des chiens nombreux m'ont environné.

A. Les persécuteurs sont donc d'abord mis en scène en train de faire irruption; certains d'entre eux sont de moindre importance, comme le peuple et les serviteurs; et il dit à leur sujet: De jeunes taureaux en grand nombre m'ont environné.

- "Infini est le nombre des insensés." Ils m'ont environné, car ils firent irruption de tous côtés: "Elles m'ont environné comme des abeilles." D'autres sont plus importants, aussi dit-il: "Ne t'élève pas dans ta pensée comme un taureau", qui par sa graisse et sa force n'est pas asservi au joug, engendre beaucoup et s'enorgueillit. On dit que le taureau est un animal obstiné (melancholicum), et qu'en vertu de son obstination il contient pendant longtemps sa colère. Et de même que les plus petits ont de l'audace en raison de leur nombre, ainsi en est-il des plus grands en raison de leurs richesses. Et c'est pourquoi il dit: gras. - "Il s'est armé d'un cou épais." m'ont assiégé. "Ils ont assiégé ma tente tout autour."

Puis il montre les persécuteurs s'insurgeant par la bouche, aussi dit-il: Ils ont ouvert sur moi leur gueule. Et précisément de multiples manières, en le tentant: "Hypocrites, pourquoi me tentez-vous ?" En l'accusant, en l'enviant, en revendiquant sa mort, en disant: "Crucifie-le."

- "Mes ennemis ont ouvert leur bouche contre moi." Le psalmiste use ensuite d'une comparaison: comme un lion ravisseur et rugissant, à qui les persécuteurs sont comparés à cause de leur cruauté: "Mon héritage est devenu pour moi comme un lion dans la forêt; il a poussé des cris contre moi." C'est le propre du lion de rugir une fois sa proie ravie: "Est-ce que le petit d'un lion fera entendre sa voix de sa tanière, s'il n'a rien saisi ?" Et il dit: ravisseur, en épiant, et rugissant, en recherchant manifestement la mort avec avidité: "Comme un lion rugissant et ravissant une proie, ils ont dévoré les âmes."

15 Je me suis épanché comme de l'eau, et tous mes os ont été disloqués. Mon coeur est devenu comme une cire fondant au milieu de mon ventre.

B. Le psalmiste expose ensuite l'effet de la persécution.

1) Et il commence par exposer cet effet.

2) Puis il l'explique: disloqués.

1. Ainsi dit-il: Ils me persécutent, et me nuisent, car ils l'ont emporté totalement sur la vie corporelle; et c'est pourquoi il dit: Je me suis épanché comme de l'eau. Si de l'huile se répand, il en reste quelque chose dans le récipient; si du vin se répand, il en subsiste au moins l'odeur dans le récipient; mais pour l'eau il n'en reste rien, autrement dit: Je me suis totalement épanché selon leur opinion: "Nous nous écoulons comme des eaux qui ne reviennent point sur la terre." De même que l'eau est facilement répandue et projetée, ainsi moi je me suis épanché. Tout comme les Juifs se sont efforcés non seulement de détruire le Christ sur terre, mais ils ont aussi voulu ruiner sa renommée. Ou bien le Christ est assimilé à l'eau, parce que l'eau lave; ainsi en est-il de la Passion du Christ pour tous les péchés, et elle lave toutes les souillures: "Il nous a aimés et nous a lavés de nos péchés dans son sang." De même l'eau irrigue et fait fructifier, ainsi en est-il de la Passion du Christ: "J'ai dit: J'arroserai mon jardin de plantations, et j'enivrerai le fruit de ma prairie." Et elle donne le fruit de la vie éternelle: "Mes fleurs (c'est-à-dire de ma Passion) sont des fruits d'honneur et de richesse." L'eau rend aussi le chemin glissant, ainsi la Passion du Christ dispose-t-elle les Juifs à la chute: "Et nous, nous prêchons le Christ crucifié; pour les Juifs, il est vrai scandale, et pour les païens folie; mais pour ceux qui sont appelés, Juifs et Grecs, c'est le Christ puissance de Dieu et sagesse de Dieu."

2. Ensuite il explique cet effet; et c'est pourquoi il dit: ont été disloqués, etc., autrement dit: tout ce qui semblait être fort en moi, a été anéanti, tout ce qui semblait beau, s'est fané. Et c'est pourquoi il dit: ont été disloqués, etc. Il y a deux sortes de force dans l'homme. La première est la force corporelle, et elle est faite d'os et de nerfs; et à cet égard il dit: tous mes os ont été disloqués, autrement dit: toute ma force corporelle est tombée en défaillance. Cependant on applique cela spirituellement au Christ, car les Apôtres, qui sont les os du Christ, ont été dispersés: "Je frapperai le pasteur, et les brebis du troupeau seront dispersées." La seconde est la force de l'âme qui se trouve dans le coeur, aussi dit-il: Mon coeur est devenu comme une cire. Augustin s'interroge sur la vérité de ce verset appliqué au Christ tête; car cet effet semble provenir d'une crainte excessive qu'on ne doit pas attribuer au Christ; car bien qu'il y ait eu en lui une crainte naturelle, elle ne fut pas telle qu'elle fasse fondre le coeur. Aussi faut-il l'entendre du Christ non quant à lui-même mais dans ses membres, qui sont véritablement le coeur du Christ, et qu'il aime avec prédilection: "Parce que je sens dans mon coeur que, soit dans mes liens, soit dans la défense et l'affermissement de l'Évangile, vous êtes tous participants de ma joie." Et la suite: "Dieu m'est témoin combien je soupire après vous dans les entrailles de Jésus-Christ." Ceux-ci ont été les Apôtres qui furent les os pour nourrir les faibles dans l'Église, à la manière dont les os nourrissent les chairs: "Nous devons, nous qui sommes plus forts, supporter la débilité des faibles." Et ils furent leur coeur comme la cire fondante. D'abord par une mauvaise fonte à cause de la crainte, comme dans la fuite des disciples: "Alors tous, l'abandonnant, s'enfuirent." Et aussi dans la négation de Pierre: "Et celui-là nia, en disant: "Homme, je ne sais ce que tu dis."" Ensuite par une bonne fonte, comme dans la conversion des disciples, ainsi qu'on le voit chez Pierre et André. Ou bien il faut dire que la fonte est aussi due à l'amour: "Mon âme se fondit." Une chose, avant qu'elle ne fonde, est dure et contractée en elle-même; dès qu'elle fond, elle se répand et tend d'elle-même vers l'extérieur. De même la crainte durcit, dans la mesure où elle n'est pas importante, et ainsi en est-il aussi de l'amour, car lorsque l'amour survient, alors l'homme s'ouvre à l'extérieur, puisqu'auparavant il était enfermé en lui-même. Et l'on peut aussi appliquer cette fonte au Christ en tant qu'il est la tête: par ailleurs l'acte de fondre, c'est aussi l'oeuvre de l'Esprit-Saint, et cela se fait au milieu du ventre, c'est-à-dire au siège des passions. Ou bien par le coeur du Christ on entend la Sainte Écriture qui révèle son coeur. Mais ce coeur était fermé avant la Passion, parce que l'Écriture était obscure; mais elle est ouverte après la Passion, puisque ceux qui la comprennent à présent considèrent et discernent de quelle manière les prophéties doivent être interprétées.

16 Ma force s'est desséchée comme un tesson, et ma langue s'est attachée à mon palais; et tu m'as conduit à la poussière de la mort.

Le psalmiste montre ici que tout ce qui fut beau dans le Christ a disparu. Trois choses semblaient être florissantes dans le Christ avant sa Passion: l'accomplissement des miracles, l'éloquence de la doctrine, la renommée et l'honneur donnés par les foules.

Au sujet de l'accomplissement des miracles d'abord: "Une grande multitude le suivait, parce qu'ils voyaient les miracles qu'il faisait sur ceux qui étaient malades." Et ce pouvoir se dessécha au moment de la passion, selon leur opinion; aussi criaient-ils: "Il en a sauvé d'autres, et il ne peut se sauver lui-même." s'est desséchée, c'est-à-dire est devenue méprisable, comme un tesson. Ou bien: un tesson, lorsqu'il se dessèche, il durcit; ainsi dans la Passion la puissance du Christ se rétracta pour endurer ses souffrances: "La fournaise éprouve les vases du potier, et l'atteinte de la tribulation les hommes justes."

À propos de l'éloquence de la doctrine: "Il les instruisait comme ayant autorité"; mais dans sa Passion: ma langue s'est attachée à mon palais, à cause de son silence: "Je ferai que ta langue s'attachera à ton palais, et tu seras muet." Et cela eut lieu dans sa Passion car il ne répondait pas à Hérode: "Il l'interrogeait avec force paroles, mais lui ne lui répondait rien."

Au sujet de la renommée et de l'honneur: "La plus grande partie du peuple étendit ses vêtements le long du chemin. D'autres coupaient des branches d'arbres et en jonchaient le chemin. Or la foule qui précédait et celle qui suivait criaient, disant: "Hosanna au fils de David: béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! Hosanna au plus haut des cieux !"" Alors s'accomplit ce que David avait prophétisé touchant le Christ, en disant: "Ô Seigneur, sauve-moi, ô Seigneur, fais-moi bien prospérer. Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! Nous vous avons béni de la maison du Seigneur. Le Seigneur est Dieu, et il a fait luire sa lumière sur nous."

Mais il a été avili dans sa Passion, aussi dit-il: tu m'as conduit à la poussière de la mort, c'est-à-dire tu m'as fait endurer une mort déshonorante: "Condamnons-le à la mort la plus honteuse." Ou bien, si l'on réfère cela aux membres: tu m'as conduit à la poussière de la mort, c'est-à-dire mes membres qui ont été réduits en cendres, mais non ceux du Christ. Ou bien: à la poussière, etc., c'est-à-dire tu m'as livré au pouvoir des Juifs qui sont comme la poussière, etc.

17 Parce que des chiens nombreux m'ont environné; le conseil des méchants m'a assiégé. Ils ont percé mes mains et mes pieds; 18a ils ont compté tous mes os.

C. Le psalmiste expose ici le déroulement de la Passion.

1) Et il mentionne d'abord ce qui eut lieu avant la crucifixion.

2) Ensuite ce qui eut lieu au cours de la crucifixion elle-même.

3) Enfin ce qui eut lieu après la crucifixion.

1. Avant la crucifixion, deux événements eurent lieu.

a. D'abord, il fut pris, et à cet égard il dit: des chiens nombreux m'ont environné.

- "Gardez-vous des chiens, gardez-vous des mauvais ouvriers." - "Ces chiens d'une impudence extrême n'ont pas connu le rassasiement."

b. De même, il dit ensuite comment il fut outragé, d'où ces paroles: le conseil des méchants m'a assiégé.

2. Ensuite il mentionne les faits qui eurent lieu au cours de la crucifixion proprement dite.

a. Et d'abord l'acte de planter les clous: Ils ont percé mes mains et mes pieds, en les fixant avec de gros clous au bois de la croix: "Que sont ces plaies au milieu de tes mains ?"

b. De même quant à l'extension il dit: Ils ont compté tous mes os, c'est-à-dire ils firent en sorte qu'on puisse les compter.

18b Mais ils m'ont eux-mêmes considéré et regardé attentivement. 19 Ils se sont partagé mes vêtements, et sur ma robe ils ont jeté le sort.

3. Ici sont exposés les faits qui eurent lieu après la passion; aussi dit-il: Mais ils m'ont eux-mêmes considéré, se réunissant en spectacle pour l'outrager: "Les soldats aussi l'insultaient, lui présentant du vinaigre, et disant: "Si tu es le roi des Juifs.""Ils ont regardé attentivement, à savoir ce qui m'arriverait. Ils se sont partagé mes vêtements, qui étaient nombreux et partageables. et sur ma robe, sans couture, ils ont jeté le sort, et ils firent cela par cupidité, ou bien en vertu d'une certaine dérision. À travers ces vêtements partagés sont signifiés les sacrements de l'Église, mais par la robe qui n'est pas déchirée, est signifiée l'unité de l'Église que quiconque croit détenir; mais il n'en existe pas à l'exception d'une seule, car unique est l'unité de l'Église: "Unique est ma colombe, ma parfaite."

20 Mais toi, Seigneur, n'éloigne pas ton secours de moi, prends soin de ma défense.

III. Après avoir décrit la Passion, le psalmiste poursuit en parlant de la prière; et à ce propos il sollicite deux choses.

A) Il demande d'abord le secours divin.

B) Puis il demande le fruit du secours accordé: 23 Je raconterai ton nom, etc.

A. En sollicitant le secours divin il fait deux choses.

1) Il demande d'abord le secours divin d'une manière générale.

2) Puis en particulier pour lui-même: 21 Arrache, ô Dieu, mon âme à l'épée à double tranchant.

1. Concernant le secours divin en général il fait deux choses:

a) Il demande d'abord la rapidité du secours.

b) Puis il en montre la nécessité.

a. Quant à la rapidité du secours il dit donc: ainsi firent-ils: Ils ont percé mes mains et mes pieds, etc., Mais toi, Seigneur, n'éloigne pas ton secours de moi, c'est-à-dire ne retarde pas de m'accorder, à moi qui suis le Christ homme, le secours de la divinité, autrement dit: cela se réalisera, puisqu'il fut libéré de la mort par la gloire de la résurrection, qui n'a guère tardé puisqu'il ressuscita après trois jours. Et le Christ ressuscita: "Le Christ est ressuscité d'entre les morts, comme prémices de ceux qui se sont endormis." - "Je me lèverai au point du jour."

b. prends soin de ma défense, autrement dit: Ton secours m'est nécessaire en vue de cela, c'est-à-dire pour ma défense: "À l'ombre de tes ailes protège-moi." Défends-moi, c'est-à-dire contre ceux qui me persécutent à mort, et contre les démons afin qu'ils ne me détiennent pas captif dans les limbes. Ainsi donc demanda-t-il que son corps ne soit pas réduit en cendres, et que son âme ne soit pas retenue captive en enfer: "Ayant été délivré des douleurs de l'enfer, car il était impossible qu'il y fût retenu." - "Ne m'abandonne pas, Seigneur mon Dieu; ne t'éloigne pas de moi."

21 Arrache, ô Dieu, mon âme à l'épée à double tranchant; et mon unique à la griffe du chien.

2. Le psalmiste fait ici connaître en particulier contre quoi il demande d'être défendu.

a) Et d'abord contre la mort.

b) Puis contre l'épreuve de la mort: à la griffe du chien.

a. Ainsi dit-il: prends soin de ma défense, et: ô Dieu, arrache mon âme, qu'eux-mêmes cherchent, à l'épée à double tranchant, c'est-à-dire au glaive qui est brandi avec frémissement.

Et cependant le Christ ne fut pas tué par un glaive, mais par une lance, et même il fut frappé de la lance après sa mort.

Mais il faut dire que le glaive divise par son côté tranchant: "Plus acérée que tout glaive à deux tranchants, allant jusqu'à séparer l'âme et l'esprit, les jointures et les moelles"; et ainsi parce que la mort sépare l'âme du corps, et le père du fils et réciproquement, et le frère de son frère, on l'appelle glaive: "Ô épée à deux tranchants", c'est-à-dire la mort," réveille-toi contre mon pasteur"; et il en fut délivré à la résurrection. Ou bien: l'épée à [deux] tranchants, c'est la langue des adversaires: "Leur langue est un glaive acéré." Ou bien le Christ parle au nom de ses membres, dont plusieurs furent mis à mort par le glaive: "Il fit mourir par le glaive Jacques, frère de Jean."

b. Et à la griffe du chien. Il prie ici contre les tentateurs, et il les décrit de trois manières:

- Comme dépourvus de raison, et il le fait en usant de la comparaison du chien, qui se met à aboyer avant de voir contre qui il doit aboyer, et ce, en raison de sa colère soudaine. Ainsi les Juifs, avant de savoir pourquoi ils invectivaient le Christ, criaient: "Gardez-vous des chiens, gardez-vous des mauvais ouvriers"; et plus haut: des chiens nombreux m'ont environné. Cela concernait surtout les Juifs qui, en invectivant le Christ, "criaient: "Crucifie-le, crucifie-le.""

22 Sauve-moi de la gueule du lion, et ma faiblesse des cornes des licornes.

- Ici il les décrit cruels, en usant de la comparaison du lion qui est un animal cruel; et cela se réfère à Pilate qui exerce son pouvoir comme un lion, c'est-à-dire son pouvoir de gouverneur, et que l'Apôtre qualifie de lion: "J'ai été délivré de la gueule du lion." Ou bien cela se réfère au diable: "Comme un lion rugissant, il rôde autour de vous cherchant qui dévorer."

- et ma faiblesse des cornes des licornes. Ici il les décrit orgueilleux; et cela se réfère aux princes des prêtres et aux scribes, qui sont comparés à la licorne signifiant l'orgueil; et il signifie cela parce que la licorne a une corne sur la tête, et qu'elle a un tel orgueil qu'elle ne souffre en aucune manière la soumission, mais qu'aussitôt prise, elle se laisse mourir: "Est-ce qu'un rhinocéros", c'est-à-dire une licorne, "voudra te servir, ou demeurera-t-il à ton étable ? Est-ce que tu lieras un rhinocéros à tes traits, pour qu'il laboure ? ou rompra-t-il les glèbes des vallons après toi ? Est-ce que tu auras confiance en sa grande force, et lui laisseras-tu tes travaux ? Est-ce que tu croiras qu'il te rendra tes semailles, et qu'il remplira ton aire ?" Et à travers cela sont signifiés les chefs des Juifs qui se glorifiaient particulièrement de leur connaissance de Dieu. Or quiconque s'élève en se singularisant est semblable au Pharisien qui disait: "Je ne suis pas comme le reste des hommes." - "N'élevez pas en haut votre corne." Le psalmiste dit cela expressément. En effet les licornes ne se scandalisaient pas du Christ à l'exception de son humilité, puisqu'ils le voyaient extérieurement déshonoré, mais d'autre part ils étaient scandalisés parce qu'ils le voyaient dire et accomplir de grandes choses: "Il s'est humilié lui-même, s'étant fait obéissant jusqu'à la mort, et la mort de la croix." Et il décrit expressément ceux qui s'adonnèrent avec cruauté à la mort du Christ, tel ce chien de peuple juif, tel ce lion de Pilate, telles ces licornes de princes.

23 Je raconterai ton nom à mes frères; je te louerai au milieu de l'assemblée.

B. Le psalmiste montre ensuite le fruit du secours divin.

1) Et d'abord quant au Christ lui-même.

2) Ensuite quant aux autres: 27 Les pauvres mangeront.

1. Au sujet du Christ il fait deux choses.

a) Il expose d'abord un double fruit.

b) Puis il explique l'un et l'autre: Vous qui craignez [Dieu].

a. Il commence donc par exposer le double fruit résultant de la libération du Christ.

- Le premier fruit de la libération du Christ fut la prédication à travers le monde entier. Il dit donc: Sauve-moi de la gueule du lion, etc., car il fut sauvé et libéré de leurs gueules. Je raconterai ton nom à mes frères, c'est-à-dire aux Apôtres: et il fit cela après la résurrection. Or les Apôtres sont ses frères, et par la nature assumée, et par la grâce de la vocation à l'apostolat: "Ceux qu'il a connus par sa prescience, il les a aussi prédestinés à être conformes à l'image de son Fils, afin qu'il fût lui-même le premier-né entre beaucoup de frères. Et ceux qu'il a prédestinés, il les a appelés."

Mais le Christ n'a-t-il pas fait connaître le nom de Dieu avant sa Passion ? Puisqu'il le dit lui-même: "J'ai manifesté ton nom aux hommes que tu m'as donnés; ils étaient à toi, tu me les as donnés, et ils ont gardé ta parole."

Il faut répondre que oui, mais davantage après sa passion et sa résurrection. D'abord en vérité il l'a fait connaître à ses disciples de sa propre bouche, lorsqu'il leur ouvrit l'esprit pour qu'ils comprennent les Écritures. Puis en leur donnant l'Esprit Paraclet: "Quand le Paraclet, et l'Esprit de vérité, sera venu, il vous enseignera toute vérité." Et: "Lorsque sera venu le Paraclet, l'Esprit-Saint que mon Père enverra en mon nom, celui-là vous enseignera toutes choses." Mais il le fera connaître plus parfaitement lorsqu'il manifestera sa divinité au jugement dernier: "Je me manifesterai à lui." - "Alors ils verront le Fils de l'homme venant avec une grande puissance et une grande majesté." C'est alors qu'ils connaîtront le Père dans le Fils: "En ce jour-là, vous connaîtrez que moi je suis dans le Père, que le Père est en moi, et moi en vous." Et cela ne convient qu'au Fils lui seul: "Nul ne connaît le Père, si ce n'est le Fils."

- Le second fruit de la libération du Christ fut la louange divine, aussi dit-il: je te louerai au milieu de l'assemblée. - "Sa louange aux extrémités de la terre." Mais il dit: au milieu de l'assemblée. Ce qu'Augustin commente de la manière suivante en disant d'abord: nous disons d'une chose qu'elle est au milieu, parce qu'elle est en évidence. Dans l'Ancien Testament Dieu est loué de manière cachée, c'est-à-dire dans ses mystères; mais dans le Nouveau il est loué publiquement, parce qu'il est dévoilé dans sa pleine vérité: "Pour nous, contemplant à visage découvert la gloire du Seigneur", grâce à l'enlèvement du voile. Quelquefois nous disons que se trouve au milieu ce qui est intime. Dans l'Église les intimes sont les hommes parfaits qui louent Dieu spécialement dans leur coeur: je te louerai au milieu de l'assemblée, c'est-à-dire parmi les docteurs et les hommes parfaits.

24 Vous qui craignez le Seigneur, louez-le, race entière de Jacob, glorifiez-le. 25a Que toute la race d'Israël le craigne.

b. Il traite à présent de l'un et l'autre fruit.

- Et d'abord du premier.

- Puis du second: Devant toi.

- Concernant le premier fruit il expose toute la prédication du Nouveau Testament, comment on fait connaître le nom du Seigneur. Et il commence par montrer vers quoi sont amenés les hommes dans le Nouveau Testament. Puis ce qu'on leur fait connaître: Parce qu'il n'a pas méprisé.

Les hommes sont amenés à trois choses dans le Nouveau Testament: à la confession de la bouche, à rechercher la gloire de Dieu, et à le craindre.

· Touchant la confession de la bouche il dit: Vous qui craignez [Dieu], louez-le. Or il y a deux sortes de crainte: l'une est filiale, celle qui craint d'offenser Dieu et d'en être séparé, et elle lui manifeste du respect; et cette dernière procède de la charité. Mais l'autre est la crainte servile, celle qui craint le châtiment; et cette dernière ne procède pas de la charité: "La charité [parfaite] chasse la crainte." La Loi ancienne est une loi de crainte, tandis que la nouvelle est une loi d'amour. Vous donc qui craignez le Seigneur, c'est-à-dire qui accomplissez la loi avec crainte, louez-le, car celui qui ne loue pas, c'est qu'il n'aime pas, autrement dit: louez-le avec amour: "Louez le Seigneur, parce qu'il est bon, parce qu'éternelle est sa miséricorde."

· Touchant la gloire de Dieu il dit: race entière de Jacob, glorifiez-le. - "Soit que vous mangiez, soit que vous buviez, ou quoi que vous fassiez, faites tout pour la gloire de Dieu." Et il dit: race entière de Jacob, car c'est aux fils de Jacob, c'est-à-dire aux Juifs que la Loi de l'Ancien Testament fut donnée, dans laquelle est promise la gloire humaine; mais dans le Nouveau Testament est promise la gloire de Dieu. Et il dit: toute, afin d'inclure les fils de la promesse qui sont comptés dans la race, comme on le dit dans les Galates, c'est-à-dire les païens.

· Enfin touchant la crainte, il dit: Que toute la race d'Israël le craigne, d'une crainte révérentielle accompagnée de dilection: "Et maintenant, Israël, que demande de toi le Seigneur ton Dieu, si ce n'est que tu le craignes, et marches en ses voies ?" Israël veut dire la même chose que Jacob.

25b Parce qu'il n'a pas méprisé ni dédaigné la supplication du pauvre; et qu'il n'a point détourné sa face de moi, et que, lorsque je criais vers lui, il m'a exaucé.

Le psalmiste montre ici ce qui leur est annoncé, c'est-à-dire la puissance du Christ, en tant qu'il parle dans la personne du Christ priant. Car parfois quelqu'un refuse d'exaucer des prières, c'est-à-dire lorsqu'il ne veut pas prendre en considération l'objet proprement dit de la demande, ou bien lorsqu'il ne veut pas prendre en considération celui qui demande; et parfois, s'il veut bien prendre en considération celui qui demande, il ne veut cependant pas exaucer sa demande.

Il écarte le premier refus lorsqu'il dit: il n'a pas méprisé, comme en négligeant, ni dédaigné la supplication du pauvre, c'est-à-dire l'humilité de celui qui ne met pas son espérance dans les choses temporelles, à savoir du Christ.

Il montre ensuite qu'il prend en considération celui qui demande: il n'a point détourné sa face de moi, comme s'il n'acceptait pas: "Ne détourne pas ta face de ton serviteur; parce que je suis dans la tribulation, exauce-moi promptement."

Enfin il montre qu'il exauce la demande lorsqu'il dit: et que, lorsque je criais vers lui, il m'a exaucé, car le juge a admis ce que j'ai demandé pour moi et pour les miens: "Si vous demandez quelque chose au Père en mon nom, il vous le donnera."

- "J'ai crié vers le Seigneur au milieu de la tribulation, et il m'a exaucé; du sein de l'enfer j'ai crié, et tu as entendu ma voix." Et remarquez qu'avant la Passion il dit avoir souffert de trois choses. Il dit en effet avoir été rejeté: 7 Mais moi, je suis un ver, etc. Abandonne: pourquoi m'as-tu abandonné ? De même il dit qu'il n'a pas été exaucé: 3 je crierai pendant le jour, et tu ne m'exauceras pas; et pourquoi ? Parce qu'alors il disait les paroles de [ses] fautes, c'est-à-dire des paroles relatives à la faiblesse de la chair, selon laquelle on recherche plutôt les choses temporelles; mais à présent, puisque par sa résurrection il a amené la nature humaine à rechercher les réalités spirituelles, il dit le contraire. Car plus haut il a dit: moi je suis un ver, etc., et ici il dit: il n'a pas méprisé, etc. Plus haut il a dit: je crierai pendant le jour, et ici il dit: lorsque je criais vers lui, il m'a exaucé.

26 Devant toi sera ma louange dans la grande assemblée; j'accomplirai mes voeux en présence de ceux qui le craignent.

- Plus haut le psalmiste, en personnifiant le Christ, a promis qu'il parlerait de deux choses: de la manifestation du nom divin et de la louange de Dieu. Il a déjà parlé de la manifestation du nom divin, aussi traite-t-il ici de la seconde chose, c'est-à-dire de la louange divine. À cet égard il fait deux choses:

· Il montre d'abord en quoi consiste la louange de Dieu.

· Puis comment l'action se joint à la louange: j'accomplirai mes voeux, etc.

· En montrant en quoi consiste la louange de Dieu il dit: Devant toi sera ma louange. Et cela peut se comprendre de deux manières. Selon une première manière comme suit: la louange dont moi je suis loué est devant toi, non devant les hommes dont je ne reçois pas la louange, mais elle vient de toi: "Ce n'est pas celui qui se recommande lui-même qui est un homme éprouvé; c'est celui que le Seigneur recommande." Selon une autre manière comme suit: ma louange, c'est-à-dire celle dont je te loue, est devant toi, non devant les yeux des hommes: "Il a loué Dieu de tout son coeur, et il a aimé le Seigneur", et cela, dans la grande assemblée, rassemblée par moi et en mon nom. grande en puissance: "Sur cette pierre j'édifierai mon Église, et les portes de l'enfer ne prévaudront point contre elle. Et je te donnerai les clefs du royaume des cieux; et tout ce que tu lieras sur la terre sera lié aussi dans les cieux; et tout ce que tu délieras sur la terre sera aussi délié dans les cieux." En dignité: "Les rois de la terre y apporteront leur gloire et leur honneur."

· j'accomplirai mes voeux en présence de ceux qui le craignent. Le psalmiste montre ici comment il joint l'action à la louange. Le voeu du Christ fut de se donner pour le salut des croyants: et lui-même voulut cela en tant qu'homme: "Que j'accomplisse ta volonté. Mon Dieu, je l'ai voulu." En vérité la volonté de Dieu, c'est notre sanctification. - "Je suis descendu du ciel, non pour faire ma volonté, mais la volonté de celui qui m'a envoyé." Le Christ s'est acquitté de ces voeux en se donnant à la passion, et une nouvelle fois lorsqu'il donna son corps en nourriture pour ses fidèles; aussi dit-il: voeux, c'est-à-dire sacrifices. je [les] accomplirai, sur l'autel de la croix et en sacrifice pour les fidèles; et je ferai cela en présence de ceux qui le craignent. - "Celui qui craint le Seigneur honore ses parents."

27 Les pauvres mangeront et seront rassasiés; ils loueront le Seigneur, ceux qui le recherchent; leurs coeurs vivront dans les siècles des siècles.

2. Ici le psalmiste expose ensuite l'effet de la Passion qui est endurée pour les autres:

a) Et il mentionne d'abord les divers effets de la Passion.

b) Puis il montre qu'ils ont trait à l'avenir: La génération qui doit venir sera annoncée.

a. À propos des effets variés de la passion il fait deux choses:

- Il mentionne d'abord les effets qui concernent les Apôtres.

- Puis il montre que ces effets sont communiqués aux autres par les Apôtres: Ils se souviendront.

- Aux Apôtres revient le ministère du saint sacrifice, lequel est signifié lorsqu'il dit: Les pauvres mangeront, c'est-à-dire les humbles et ceux qui méprisent les réalités du monde: "Bienheureux les pauvres en esprit, car c'est à eux qu'appartient le royaume des cieux." Ceux-ci mangeront le sacrifice, c'est-à-dire le sacrement du corps et du sang, sacramentellement et spirituellement. Et il en résulte un triple effet: le rassasiement spirituel, la louange et la vie.

· Au sujet du premier effet il dit: Et ils seront rassasiés, car leur désir se reposera dans la plénitude des grâces qu'ils auront acquises par ce sacrement: "Mon âme est rassasiée comme de moelle et de graisse."

· Au sujet du deuxième effet il dit: Et ils loueront le Seigneur, ceux qui le recherchent. Il n'est pas étonnant que la louange résulte de l'allégresse: "Ils viendront à Sion chantant des louanges; une allégresse éternelle couronnera leurs têtes." Mais le rassasiement du désir engendre le plaisir: "Votre âme se délectera en s'engraissant", a savoir de graisse spirituelle: "Parmi les chants d'allégresse et de louange [pareils) au bruit d'un festin." Mais ce n'est pas le premier venu qui loue Dieu, mais bien ceux qui le recherchent, c'est-à-dire ceux qui ne recherchent rien d'autre que le Christ ou Dieu: "Cherchez le Seigneur tandis qu'on peut le trouver, invoquez-le tandis qu'il est proche."

Au sujet du troisième il dit: leurs coeurs vivront dans les siècles des siècles. - "Si quelqu'un mange de ce pain, il vivra éternellement." Et c'est pourquoi il dit: vivra, autrement dit: bien qu'ils meurent dans leur corps en imitant la passion du Seigneur, cependant leurs âmes vivront: "Cherchez Dieu et votre âme vivra."

28 Ils se souviendront et se convertiront au Seigneur tous les confins de la terre; et toutes les familles des nations adoreront en sa présence.

- Le psalmiste montre ici que ces effets sont communiqués aux autres.

· Et d'abord à tous en général.

· Puis aux hommes charnels: ils ont mangé.

· Enfin aux spirituels: Et mon âme.

· Or il y a un triple effet:

Le premier est la connaissance divine à laquelle les nations accèdent par les Apôtres.

Le deuxième consiste en la conversion au Christ.

Le troisième effet est manifesté à travers l'achèvement de l'oeuvre.

Au sujet du premier effet il dit: Ils se souviendront. Une certaine connaissance de Dieu a été naturellement inculquée aux hommes; mais ils oublient le Seigneur à cause du péché: "Tu as oublié le Seigneur, ton Créateur." Les nations avaient eu une certaine connaissance de Dieu, mais ils l'avaient oublié à cause de leurs péchés; cependant par les Apôtres ils furent ramenés au souvenir de la connaissance naturelle: "Souvenez-vous de loin du Seigneur."

Touchant le deuxième effet il dit: se convertiront au Seigneur, c'est-à-dire par l'amour. Et cela, les Juifs ne furent pas les seuls à le faire, mais aussi tous les confins de la terre. - "Si vous cherchez, cherchez; convertissez-vous, venez"; et ces deux effets sont également en relation avec le sacrement de l'autel, qui est un mémorial de la Passion du Seigneur, comme le dit l'Apôtre dans la première épître aux Corinthiens. C'est pourquoi il dit: Ils se souviendront, car la conversion de l'âme à Dieu est un effet du sacrement de l'autel: "Il m'a amené près d'une eau fortifiante." L'adorant non point dans des cérémonies, mais en Sa présence, c'est-à-dire par un culte spirituel: "Les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité." et toutes les familles des nations. - "Les hommes l'adoreront en leur lieu, ainsi que toutes les îles des nations"; ce qui signifie que les nations païennes ont adoré le Dieu d'Israël, et aussi que les prosélytes, allant habiter avec les Juifs, s'éloignèrent de leur lieu.

29 Parce que la royauté est au Seigneur; et lui-même dominera sur les nations.

La puissance spirituelle du monde entier appartient au Christ: "Et il lui donnera la puissance, et l'honneur et le royaume." Et non point seulement aux Juifs, selon ce qui est écrit: "Sur le trône de David il s'assiéra"; et de plus lui-même dominera sur les nations. - "Demande-moi, et je te donnerai les nations en héritage."

30 Tous les riches de la terre ont mangé et ont adoré; en Sa présence tomberont tous ceux qui descendent dans la terre.

· Le psalmiste expose ici l'effet obtenu chez les hommes charnels; et il expose deux choses.

D'abord leur bien.

Ensuite leur faute: en Sa présence tomberont, les charnels.

Et ces derniers ont reçu un double bien: la participation au sacrement et l'adoration de Dieu dans le culte. Au sujet du premier bien il dit: ils ont mangé, bien qu'indignement, puisqu'ils sont charnels: "Ni la chair ni le sang ne peuvent posséder le royaume de Dieu." À propos des bons il a dit plus haut qu'ils seront rassasiés, qu'ils loueront le Seigneur, et qu'ils vivront, parce qu'ils ont vénéré le sacrement de la foi qu'ils ont.

Mais ces hommes charnels, parce qu'ils sont les riches de la terre, c'est-à-dire attachés aux choses terrestres, non élevés vers les réalités spirituelles, tomberont en Sa présence, c'est-à-dire celle de Dieu: "J'enivrerai l'âme des prêtres de graisse, et mon peuple sera rempli de mes biens." Ceux-ci sont signifiés par" les vaches grasses". - "Le bien-aimé s'est engraissé, et a regimbé", car "celui qui mange et boit indignement, mange et boit son propre jugement", comme le rapporte la première épître aux Corinthiens. Et il dit bien: tous ceux qui descendent, c'est-à-dire dans la mesure où ils s'enfoncent par la passion dans les choses terrestres, car quoique ces derniers semblent se tenir debout en présence des hommes, cependant ils tomberont en présence de Dieu: "Le plus grand nombre d'entre eux se heurteront et tomberont." Ou bien: tomberont en Sa présence, c'est-à-dire même ses ennemis s'étendront à ses pieds, tous ceux qui descendent dans la terre, c'est-à-dire dans la corruption du péché: "Qu'au nom de Jésus, tout genou fléchisse."

31 Et mon âme vivra pour lui; et ma postérité le servira.

· Le psalmiste expose ici l'effet relatif aux spirituels. L'âme du Christ, ce sont ceux en qui repose l'Esprit-Saint, c'est-à-dire les spirituels, qui se comportent de deux manières vis-à-vis de Dieu.

D'abord quant à leur coeur, parce que ceux-là vivent pour Dieu ou pour le Christ: "Moi je vis, non plus moi, mais le Christ vit en moi." - "Ceux qui vivent ne vivent plus pour eux, mais pour celui qui est mort pour eux."

Puis quant à leurs actions: et ma postérité. La bonne postérité sont les fils du royaume, autrement dit: les fils du royaume que moi j'ai engendrés, ont servi Dieu seul; car toutes les oeuvres qu'ils accomplirent, ils les rapportèrent à sa gloire.

32 La génération qui doit venir sera annoncée au Seigneur, et les cieux annonceront Sa justice au peuple qui naîtra, [et] que le Seigneur a fait.

b. Ici le psalmiste explique quand cela aura lieu, car ce ne sera pas en son temps, mais dans les temps à venir; et il expose trois choses.

- D'abord, il annonce à l'avance la proclamation de la foi.

- Puis il dit par qui elle doit être prêchée.

- Enfin à qui elle est prêchée.

- Au sujet de l'annonce de la proclamation de la foi il dit: La génération qui doit venir sera annoncée au Seigneur; et cela peut être expliqué de deux manières. Selon une première manière avec Jérôme; autrement dit: La génération qui doit venir sera annoncée, c'est-à-dire sera évangélisée. Et ce, afin qu'ils se convertissent au Seigneur, ou même sera annoncée passivement, autrement dit:

- par la prédication des Apôtres cette génération sera amenée au Seigneur: "Des pauvres sont évangélisés." Ou bien, de la manière suivante: le bien de la génération sera annoncé à Dieu lui-même par les anges; non point qu'il l'ignore ou qu'il en ait besoin, mais c'est afin que l'ordre établi soit observé, comme le dit Denys, et comme on le rapporte dans le livre de Tobie: "Moi je suis l'ange Raphaël, l'un des sept qui nous tenons devant le Seigneur." et les cieux annonceront, c'est-à-dire les Apôtres célestes: "Notre cité est dans les cieux." Sa justice, non une justice humaine mais celle de Dieu, que les Juifs repoussent: "Ignorant la justice de Dieu, et cherchant à établir la leur, ils ne se sont pas soumis à la justice de Dieu."

- À qui sera-t-elle annoncée ? au peuple qui naîtra, d'une génération spirituelle: "Si quelqu'un ne renaît de l'eau et de l'Esprit-Saint, il ne peut entrer dans le royaume de Dieu." Ce peuple ne renaît pas par une intervention humaine, mais divine: "Qui ne sont pas nés du sang, ni d'un vouloir de chair, ni d'un vouloir d'homme, mais de Dieu", et c'est pourquoi il dit: que le Seigneur a fait. - "C'est lui-même qui nous a faits, et non pas nous-mêmes; son peuple et les brebis de son pâturage."

 

 

COMMENTAIRE DU PSAUME 22

1 Le Seigneur me conduit, et rien ne me manquera; 2 c'est dans un lieu de pâturages qu'il m'a établi. Vers l'eau du repos il m'a conduit, 3 il a converti mon âme. Il m'a conduit dans les sentiers de la justice, à cause de son nom.

4 Car quand je marcherais au milieu de l'ombre de la mort, je ne craindrais point les maux, parce que tu es avec moi. Ta houlette et ton bâton m'ont consolé. 5 Tu as préparé devant moi une table, en face de ceux qui me tourmentent. Tu as oint ma tête d'huile, et ma coupe enivrante, qu'elle est magnifique !

6 Et ta miséricorde me suivra tous les jours de ma vie, pour que j'habite dans la maison du Seigneur durant de longs jours.

 

1 Le Seigneur me conduit, et rien ne me manquera; 2 c'est dans un lieu de pâturages qu'il m'a établi. Vers l'eau du repos il m'a conduit, 3 il a converti mon âme. Il m'a conduit dans les sentiers de la justice, à cause de son nom.

Plus haut le psalmiste a dit au nom du Christ beaucoup de choses à propos de sa propre tribulation; mais ici il parle du remède grâce auquel il est soutenu à travers elle.

Et il rappelle d'abord les bienfaits grâce auxquels il est soutenu.

Puis la puissance de ce soutien: "Au Seigneur est la terre."

Ce psaume ne porte pas de nouveau titre, mais il semble décrire ceux qui marchent dans la Voie; c'est pourquoi il peut signifier le retour du peuple de Babylone, et il annonce le retour du Christ du monde vers le ciel.

En rappelant les bienfaits grâce auxquels il est soutenu, il fait deux choses:

1) Il rappelle d'abord les bienfaits passes.

II) Puis il rappelle les bienfaits futurs: Et ta miséricorde.

I. Concernant les bienfaits passés il expose deux choses:

A) Il rappelle d'abord les bienfaits qui consistent dans les biens consolateurs.

B) Puis ceux qui consistent en l'aide contre les maux: Car quand je marcherais.

A. En parlant des biens consolateurs il traite de trois choses:

1) Il rappelle d'abord la suffisance de la promesse divine.

2) Puis son abondance: dans un lieu de pâturages.

3) Enfin son effet: il a converti mon âme.

1. Il commence donc par exposer la prévoyance divine, aussi dit-il: Le Seigneur me conduit. La iuxta Hebraeos de Jérôme lit: "Dominus pascit me (Le Seigneur m'a fait paître)." Et c'est la même chose, car celui qui fait paître conduit. Et si on comprend cela dans la personne de l'Église, on le dit en l'appliquant au Christ qui est notre pasteur: "Moi, je suis le bon pasteur." - "Regardez les oiseaux du ciel; ils ne sèment ni ne moissonnent, ni n'amassent dans des greniers, et votre Père céleste les nourrit; n'êtes-vous pas beaucoup plus qu'eux ?" Car Dieu est appelé notre pasteur, et lui-même nourrit aussi les oiseaux du ciel, comme on vient de le dire.

- "Pais avec ta verge ton peuple, le troupeau de ton héritage." - "Lui qui s'élèvera pour gouverner les nations."

2. Et il les nourrit en abondance, c'est pourquoi il dit: rien ne me manquera, c'est-à-dire de ce qui est nécessaire au salut et pour les biens temporels: "Quand je vous ai envoyés sans sac, sans bourse et sans chaussures, quelque chose vous a-t-il manqué ?" - "Cherchez d'abord le royaume de Dieu et sa justice, et toutes ces choses vous seront données par surcroît." Alors dans la vie future nous aurons tout ce qu'il nous faut, car rien ne nous manquera puisque nous posséderons Dieu. Il indique toute cette abondance de manière métaphorique par l'abondance de la nourriture et de la boisson. Car s'il nourrit, il se comporte vis-à-vis de nous comme un pasteur à l'égard de ses brebis, lesquelles sont nourries de deux façons, c'est-à-dire par les herbes et par l'eau.

a. Quant aux herbes il dit: c'est dans un lieu de pâturages qu'il m'a établi, c'est-à-dire dans un lieu propre au pâturage, où il y a de l'herbe en abondance. Cette abondance, ce sont les enseignements sacrés de l'Écriture Sainte et celle des réalités spirituelles: "Elles se reposeront sur des herbes verdoyantes, et elles paîtront dans des pâturages gras." Et il dit: m'a établi, car la parole divine accomplit deux choses: elle instruit les commençants et elle affermit les progressants. En rapport avec les premiers il dit: dans un lieu de pâturages. En rapport avec les seconds il dit: qu'il m'a établi.

b. Quant à l'eau il dit: vers l'eau du repos il m'a conduit. C'est l'eau du baptême: "Je répandrai sur vous une eau pure, et vous serez purifiés de toutes vos souillures, et je vous purifierai de toutes vos idoles." Ou bien, il s'agit de l'eau de la sagesse de la doctrine sacrée, qui est aussi en vérité une nourriture, parce qu'elle fortifie; et une eau parce qu'elle rafraîchit: "Elle l'abreuvera de l'eau de la sagesse qui donne le salut."

3. il a converti mon âme. Tel est l'effet du pâturage, qu'il a converti mon âme. Ou bien il dit quels sont ces pâturages; car il s'agit de la conversion de l'âme. Or la doctrine spirituelle comprend deux effets. Le premier est intérieur, il consiste en la conversion de l'âme à Dieu, lorsqu'elle se retranche totalement des choses du monde: "La loi du Seigneur est sans tache, elle convertit les âmes; le témoignage du Seigneur est fidèle, il donne la sagesse aux tout-petits." Et cette conversion se fait par la puissance de Dieu: "Convertis-nous à toi, Seigneur." L'autre effet est extérieur, il consiste en l'accomplissement d'oeuvres extérieures, aussi dit-il: Il m'a conduit dans les sentiers de là justice; et ce sont les bonnes oeuvres: "Rendez droits les sentiers de notre Dieu." Ou bien, les sentiers ce sont les conseils: "Je te conduirai par les sentiers de l'équité", et cela, à cause de [ton] nom, c'est-à-dire pour la gloire de ton nom: "Pour la gloire de ton nom, Seigneur, délivre-nous."

4 Car quand je marcherais au milieu de l'ombre de la mort, je ne craindrais point les maux, parce que tu es avec moi. Ta houlette et ton bâton m'ont consolé. 5 Tu as préparé devant moi une table, en face de ceux qui me tourmentent. Tu as oint ma tête d'huile, et ma coupe enivrante, qu'elle est magnifique !

B. Le psalmiste expose ici les bienfaits contre les maux.

1) Et d'abord en général.

2) Puis en particulier: Ta houlette.

1. Il parle en usant de la comparaison de l'homme marchant à travers des endroits dangereux, et à qui la sécurité est nécessaire; et ces bienfaits il les expose ici: Car quand je marcherais au milieu de l'ombre de la mort, je ne craindrais point les maux, parce que tu es avec moi, comme chef et protecteur; et ainsi je serai en sécurité. On appelle l'ombre de la mort la tribulation présente; car l'ombre est le signe de la proximité d'un corps: "La loi n'ayant que l'ombre des biens futurs." Et encore: "Que personne donc ne vous juge sur le manger ou sur le boire, ou à cause des jours de fête, ou des néoménies, ou des sabbats; choses qui ne sont que l'ombre des réalités futures, tandis que le Christ en est le corps." Ainsi la tribulation est-elle comme un signe de la mort. au milieu, c'est-à-dire au plus profond ou dans l'intensité de la tribulation: "Si je marche au milieu de la tribulation, tu me donneras la vie." Mais l'ombre de la mort désigne la vie présente à cause des ténèbres obscures des péchés: "Que des ténèbres et une ombre de mort l'obscurcissent." Ou bien, "sont appelés ombre de la mort les actes des hérétiques qui portent en eux l'image du diable". - "Il considère, jusqu'au fond des abîmes, la pierre cachée dans les ténèbres et l'ombre de la mort." Enfin on appelle ombre de la mort ce qui ne cause pas le mal en présence de Dieu: "Délivre-moi, Seigneur, et place-moi auprès de toi; après cela, que la main de qui que ce soit combatte contre moi."

- "Lorsque tu passeras à travers les eaux, je serai avec toi, et les fleuves ne te submergeront pas; lorsque tu marcheras dans le feu, tu ne seras pas brûlé." Mais outre la sécurité mentionnée, le psalmiste expose trois bienfaits que Dieu lui apporte:

2. D'abord, il soutient, aussi dit-il: Ta houlette et ton bâton. Et cela peut se comprendre de deux manières. Selon une première manière, en tant que par houlette nous comprenons la direction du chemin: "C'est un sceptre de droiture que le sceptre de ton règne." Par bâton nous comprenons le soutien: "Le bâton de notre vieillesse." Une version de Jérôme lit: fulcimentum (soutien), autrement dit: l'indication et le soutien m'ont consolé, c'est-à-dire m'ont donné la consolation en chemin: "Le Dieu de toute consolation, qui nous console." Selon une autre manière, en tant qu'on explique cela en relation avec la correction, car on inflige une correction avec un bâton: "Celui qui épargne la verge hait son fils." Et ton bâton, c'est-à-dire d'une plus saine discipline, autrement dit: ta correction douce et dure m'a donné la consolation: "Il châtie celui qu'il aime, et il se complaît en lui comme un père en son fils."

Concernant le deuxième bienfait il dit: Tu as préparé devant moi une table, c'est-à-dire la table d'une double doctrine: "Elle a dressé la table, elle a envoyé ses servantes pour appeler [ses conviés) à la forteresse", là où se trouvent les diverses nourritures, c'est-à-dire les diverses doctrines spirituelles. Et cela devant moi, car "il méditera en sa loi jour et nuit". Ou bien il s'agit de la table sacramentelle, c'est-à-dire de l'autel. On lit dans la Sainte Écriture qu'il y a une triple table.

a. La première est la table de l'ancienne Loi: "Tu feras une table de bois de Setim, ayant deux coudées de longueur, et en largeur une coudée et demie. [...] Et sur la table tu placeras toujours des pains de proposition en ma présence."

b. La deuxième est celle du Nouveau Testament: "Vous ne pouvez pas avoir part à la table du Seigneur et à la table des démons"; et cette table fut une réalité et une figure.

c. La troisième table est dans la Patrie: "Moi, je vous prépare le royaume, comme mon Père me l'a préparé; afin que vous mangiez et buviez à ma table dans mon royaume." Et grâce à l'une et l'autre table nous combattons contre nos ennemis; aussi dit-il: en face de ceux qui me tourmentent, car par la table qui est l'Écriture Sainte, nous repoussons les tentations: "Prenant sur vous le bouclier de la foi, grâce auquel vous puissiez éteindre tous les traits enflammés du malin." De même le corps du Christ protège des ennemis, comme le dit Jean Chrysostome dans son Commentaire de saint Jean. Tu as oint d'huile, c'est-à-dire de joie, ma tête. Et cela est signifié par deux choses, c'est-à-dire par l'huile ointe et par le vin enivrant. Et il dit cela en usant de la comparaison des anciens d'Orient, qui à l'occasion des fêtes oignaient leur tête d'huile: "Pour leur donner une couronne au lieu de cendre, de l'huile de joie au lieu de deuil." Ma tête, c'est-à-dire le Christ, tu l'as ointe, c'est-à-dire tu l'as remplie très abondamment, d'huile, de la grâce spirituelle, afin que de lui la grâce se répande sur nous: "Il n'y a qu'un seul Seigneur, Jésus-Christ, par qui toutes choses sont, et nous aussi par lui." - "C'est pourquoi Dieu, ton Dieu t'a oint d'une huile d'allégresse de préférence à tes compagnons." Ou bien: la tête, c'est-à-dire mon esprit: "Pour toi, quand tu jeûnes, oins ta tête", c'est-à-dire ton esprit d'huile, avec une piété intérieure. Et [ta] coupe, ou ma coupe, c'est-à-dire qui m'a été donnée, ou [ta] coupe, c'est-à-dire donnée par toi. Cette coupe est le don de l'amour divin qui enivre: car celui qui est ivre n'est pas maître de lui-même, ne s'exprime pas selon lui-même, mais sous l'empire du vin; de même celui qui est rempli de l'amour divin, parle selon Dieu, car il est en extase: "Mangez mes amis, et enivrez-vous." - "De même que la pluie et la neige descendent du ciel et n'y retournent plus, mais qu'elles abreuvent la terre, la pénètrent, la font germer, et qu'elles donnent la semence au semeur, et le pain à celui qui le mange; ainsi sera ma parole qui sortira de ma bouche; elle ne reviendra pas à moi sans effet; mais elle fera tout ce que j'ai voulu, et elle réussira dans toutes les choses pour lesquelles je l'aurai envoyée." - "Je suis devenu comme un homme ivre, comme un homme rempli de vin, en présence du Seigneur." Ou bien, on appelle coupe le sang du Christ, parce qu'il doit enivrer. Et cette coupe, qu'elle est magnifique, c'est-à-dire très éclatante.

6 Et ta miséricorde me suivra tous les jours de ma vie, pour que j'habite dans la maison du Seigneur durant de longs jours.

II. Le psalmiste expose ici les bienfaits futurs.

A) Et d'abord quant à la participation aux dons divins.

B) Puis quant à la fruition de Dieu lui-même.

A. Ainsi dit-il: tout ce qui a été mentionné, tu me l'as fait, mais je demande que ta miséricorde me [suive]. Auparavant, il a demandé qu'elle le prévienne, ici qu'elle le suive; et l'une et l'autre sont nécessaires: la miséricorde prévenante est nécessaire parce qu'elle inspire l'âme, et la miséricorde subséquente aide à la réalisation.

B. pour que j'habite dans la maison du Seigneur, c'est-à-dire dans l'Église, durant de longs jours, c'est-à-dire toujours par la grâce, et au ciel par la gloire: "J'ai demandé une seule chose au Seigneur, je la rechercherai: c'est d'habiter dans la maison du Seigneur tous les jours de ma vie." - "Vous vous réjouirez, vous exulterez à jamais."

 

 

COMMENTAIRE DU PSAUME 23

1 Le premier de la semaine.

Au Seigneur est la terre et sa plénitude; le globe du monde et tous ceux qui l'habitent.

2 Parce que c'est lui-même qui l'a fondée au-dessus des mers, et qui l'a disposée au-dessus des fleuves.

3 Qui montera sur la montagne du Seigneur ? Ou qui se tiendra dans son lieu saint ?

4 Celui dont les mains sont innocentes et le coeur pur; qui n'a pas reçu son âme en vain, ni fait de serment trompeur à son prochain.

5 Celui-là recevra la bénédiction du Seigneur, et la miséricorde de Dieu, son salut. 6 Telle est la génération de ceux qui le cherchent, de ceux qui cherchent la face du Dieu de Jacob.

7 Élevez vos portes, ô princes; et vous, élevez-vous, portes éternelles, et le roi de gloire entrera. 8 Qui est ce roi de gloire ? Le Seigneur fort et puissant, le Seigneur puissant au combat. 9 Élevez vos portes, ô princes; et vous, élevez-vous, portes éternelles, et le roi de gloire entrera. 10 Qui est ce roi de gloire ? Le Seigneur des armées, c'est lui le roi de gloire.

 

1 Le premier de la semaine. Au Seigneur est la terre et sa plénitude; le globe du monde et tous ceux qui l'habitent. 2 Parce que c'est lui-même qui l'a fondée au-dessus des mers, et qui l'a disposée au-dessus des fleuves.

Après avoir parlé de la tribulation et du secours divin, le psalmiste fait valoir ici la puissance de celui qui vient en aide. Il n'y a pas de nouveau titre en hébreu, mais on en a ajouté un en latin: "In prima Sabbati (Le premier de la semaine)." Il faut savoir à ce propos, comme on le rapporte dans le livre de l'Exode: "Souviens-toi de sanctifier le jour du sabbat", qu'il s'agit du troisième commandement. Car Dieu fit le ciel et la terre et tout ce qu'ils contiennent en six jours, et il se reposa le septième; de même nous aussi, nous devons nous reposer le septième jour par respect religieux. C'est pourquoi tous les jours de la semaine sont appelés sabbat, comme le jour du dimanche est appelé prima Sabbati (premier de la semaine, ou le lendemain du sabbat): "Or la nuit du sabbat, le premier jour de la semaine commençant à luire, Marie-Madeleine et l'autre Marie vinrent pour voir le sépulcre." Ensuite toute la semaine est appelée sabbat: "Je jeûne deux fois la semaine (Jejuno bis in sabbato)." C'est pourquoi ce psaume, dont le titre est In prima Sabbati, rappelle les événements concernant le premier jour de la semaine, c'est-à-dire le dimanche. En ce jour trois événements eurent lieu: la création du monde, la production de la lumière, et la résurrection du Christ, comme on le rapporte dans l'évangile de Matthieu. Le psalmiste traite donc de ces choses, c'est-à-dire de la puissance du Créateur et de la gloire de celui qui ressuscite; et ce psaume était probablement chanté le premier jour de la semaine, mais cette hypothèse semble être contredite. Il faut savoir qu'au temps de David, Dieu était honoré en Judée; et David considérant que Dieu est le Dieu de toute la terre, et voyant dans son esprit prophétique que dans le futur il serait honoré dans le monde entier, il composa ce psaume; et c'est de cela qu'il traite ici.

Ce psaume se divise en trois parties.

I) Dans la première partie le psalmiste expose la domination universelle de Dieu.

II) Dans la deuxième, il expose ou montre de quelle manière les hommes parviennent à Dieu: 3 Qui montera, etc. ?

III) Dans la troisième, il annonce le culte futur de Dieu à travers le monde entier: 7 Élevez vos portes, etc.

I. En exposant sa domination universelle il fait deux choses: il montre d'abord que la domination de Dieu est universelle. Ensuite il en expose le signe ou la cause: car lui-même l'a fondée au-dessus des mers.

Ou bien ainsi: dans ce psaume, le psalmiste traite de trois choses:

A) D'abord de la création.

B) Ensuite de l'illumination: 3 Qui montera, etc. ?

C) Enfin de la résurrection: Élevez, ou bien de la glorification de celui qui ressuscite.

A. En traitant de la création il expose deux choses:

1) Il expose d'abord la puissance du créateur.

2) Puis il y ajoute la raison: car lui même l'a fondée au-dessus des mers.

1. Il faut savoir que la terre peut être considérée de deux manières: ou bien en tant qu'elle est un seul élément, ou bien en tant qu'elle est la demeure des hommes; mais l'une et l'autre manière sont sous la domination divine.

a. En ce qui concerne la première manière, certains ont prétendu que la providence divine ne s'étend pas aux choses corruptibles, mais aux cieux uniquement: "Les nuées sont sa retraite; il se promène d'un pôle à l'autre, et il ne s'occupe pas de ce qui nous regarde." - "Il a délaissé la terre, le Seigneur ne la voit pas." Le psaume dit qu'au Seigneur est la terre, c'est-à-dire l'élément lui-même sur lequel il a sa domination; ou bien: la terre, c'est-à-dire l'Église, qui est une bonne terre produisant du fruit en abondance: "Qui a soutenu de trois doigts la masse de la terre, et a équilibré les montagnes au poids, et les collines dans la balance ?" mais il ajoute: et sa plénitude. - "La terre était informe et vide, et les ténèbres étaient sur la face de l'abîme, et l'Esprit de Dieu était porté sur les eaux", car elle n'était pas remplie d'arbres et d'autres choses qui contribuent à son ornementation, comme les plantes et les herbes. Ou bien: la plénitude de la terre,, c'est-à-dire la plénitude des grâces de l'Église. Et c'est le Christ qui a apporté en lui toute la plénitude des grâces: "Ta face est pleine de grâces." - "Nous avons tous reçu de sa plénitude."

b. En ce qui concerne la seconde manière, on dit aussi que le globe de la terre appartient à Dieu, c'est-à-dire notre terre. et tous ceux qui l'habitent, c'est-à-dire tous ses habitants: "Il jugera le globe de la terre avec équité, et les peuples avec justice." - "Ce n'est pas en vain qu'il l'a créée (à savoir la terre); c'est afin qu'elle soit habitée qu'il l'a formée." Le centre est le lieu le plus bas du monde, lieu vers lequel la terre converge par sa propre gravité et toutes les autres choses lui cèdent; et le psaume 103 dit: "Tu as fondé la terre sur sa base", car par la gravité elle y tend: et tu l'as fondée sur rien, car elle ne s'appuie sur rien; et il est écrit dans Isaïe: "Qui a soutenu de trois doigts la masse de la terre", par le froid et la cohésion de ses parties. Mais parce que la terre est un élément, il se fait aussi un mélange d'elle avec les autres éléments; d'autre part la terre est sèche et froide, d'où une partie d'elle ne tire sa cohésion ni du mouvement, ni du flux, mais elle a besoin d'une autre humeur qui la contienne et lui donne sa cohésion, et ainsi elle est établie ou affermie sur les eaux; et puisque dans n'importe quelle partie de la terre il y a production d'eaux, on peut presque dire que toute la terre est fondée sur l'eau; c'est la raison pour laquelle le psalmiste dit: c'est lui-même qui l'a fondée au-dessus des mers. Ou bien, de même que le fondement soutient l'édifice, ainsi l'eau contient la terre, afin qu'elle ne se disloque pas. Semblablement, la discontinuité de la terre fait que l'eau, qui est liquide et lourde, coule pour ainsi dire par toute la terre. De même par le mot globe sont signifiés l'Église et tous ceux qui l'habitent, c'est-à-dire les fidèles; et tous nous appartenons au Christ: Mais, comme le dit l'Apôtre, "soit que nous vivions, soit que nous mourions, nous sommes au Seigneur".

2. Ensuite il donne la raison des choses susdites, à savoir que c'est lui-même qui l'a fondée au-dessus des mers, autrement dit: il appartient à l'artisan d'exercer son métier d'artisan. Mais Dieu a fait la terre et ce qui existe sur la terre. Donc la terre et sa plénitude lui appartiennent. Cependant certains affirment que les choses terrestres ne relèvent pas de la providence divine. Mais au contraire, c'est le signe d'une grande providence que l'ordonnance des eaux par rapport à la terre, car les éléments légers doivent se trouver au-dessus des éléments plus lourds. Et semblablement, de même que l'air entoure l'eau, ainsi l'eau entoure-t-elle la terre. Et les philosophes assignent beaucoup de causes à cela. Mais la cause c'est la providence divine, étant donné que s'y trouve l'habitation des hommes et des animaux; c'est pourquoi Moïse dans la Genèse, lorsqu'il exposa la création des choses, a présenté la terre d'abord informe, et c'est pourquoi il disait que" la terre était vide", c'est-à-dire informe, et sans arbre; et c'est la raison pour laquelle il l'a présentée entourée ou recouverte d'eau, "et les ténèbres", c'est-à-dire les eaux, "étaient sur la face de l'abîme", c'est-à-dire la terre; "et l'Esprit du Seigneur", c'est-à-dire l'air, "se mouvait au-dessus des eaux". Ou bien, la terre était vide, c'est-à-dire invisible à cause des eaux; d'où ce qui suit: "Que les eaux qui sont sous le ciel se rassemblent en un seul lieu, et que le sec paraisse." Autrement dit: puisque la terre est première dans l'ordre des éléments, il se fait que par la providence divine elle est fondée sur les eaux pour que les hommes et les animaux puissent y vivre; et de la même façon les eaux occupent la terre tant que subsistent les mers, c'est pourquoi il dit: c'est lui-même qui l'a fondée au-dessus des mers, c'est-à-dire à côté, comme il le dit en un autre endroit: "sur les fleuves de Babylone", c'est-à-dire à côté du fleuve de Babylone: "là nous nous sommes assis, et nous avons pleuré, en nous souvenant de Sion". l'a fondée, c'est-à-dire l'a établie pour que la mer ne l'occupe pas: "Je lui ai mis des barrières et des portes; et j'ai dit: Tu viendras jusqu'ici, et tu ne passeras pas plus loin, et tu briseras là l'orgueil de tes flots." - "Lui qui a donné le sable pour borne à la mer, précepte éternel, qu'elle ne transgressera pas." et qui l'a disposée au-dessus des fleuves, c'est-à-dire à côté des fleuves; et il dit: qui l'a disposée, non fondée, parce que pour sa préparation il est requis qu'elle soit irriguée par le fleuve: "Le fleuve de Dieu a été rempli d'eaux, tu as par là préparé leur nourriture, c'est ainsi qu'on prépare [la terre]. Enivrez ses ruisseaux, multipliez ses productions: dans les pluies douces elle se réjouira en produisant." Ou bien, l'Église est fondée au-dessus des mers, c'est-à-dire au-dessus des tribulations: "Les soulèvements de la mer sont admirables." Et au-dessus des fleuves, c'est-à-dire des persécutions auxquelles l'Église est préparée en vue des couronnes des martyrs. Ou bien: au-dessus des mers, c'est-à-dire des amertumes, et cependant elle a préparé sa consolation à côté des fleuves de consolations: "L'impétuosité d'un fleuve réjouit la cité de Dieu."

3 Qui montera sur la montagne du Seigneur ? Ou qui se tiendra dans son lieu saint ?

Il. Qui montera ? Autrement dit: Il est grand, et comment parvient-on à lui ?

- "Qu'est-ce que l'homme, pour qu'il puisse suivre le roi son Créateur ?" Et c'est pourquoi il enseigne le moyen d'y parvenir; et à cet égard il fait deux choses:

A) Il pose d'abord une question.

B) Ensuite il donne la réponse: 4 Celui dont les mains sont innocentes.

A. Dans la question il s'enquiert de deux choses: de la voie ou du mouvement: Qui montera ? Et de l'aboutissement: Ou qui se tiendra ? La montagne signifie ici la hauteur de la justice divine ou de sa majesté: "Ta justice est comme les montagnes de Dieu." La montagne est donc la hauteur de la majesté divine ou la sublimité du Christ, qui est appelé montagne: "Il arrivera dans les derniers jours que la montagne préparée pour la demeure du Seigneur sera établie sur le sommet des montagnes, et elle sera élevée au-dessus des collines, et tous les peuples y afflueront." Qui donc montera au point qu'il arrive au Christ ou à Dieu ? Les hommes saints qui disposent dans leur coeur des degrés pour s'élever monteront, comme le dit le psalmiste. De même, qui pourra s'y tenir, là où c'est lui-même qui est le lieu saint, le lieu de la gloire ? - "Le lieu de notre sanctification, c'est l'attente d'Israël." - "Le lieu dans lequel tu es est une terre sainte", autrement dit: qui s'y fixera ? Mais ailleurs le psalmiste parle de manière affirmative: "Nos pieds se tenaient dans tes parvis, ô Jérusalem."

B. D'où l'exposé de la réponse qui suit.

4 Celui dont les mains sont innocentes et le coeur pur; qui n'a pas reçu son âme en vain, ni fait de serment trompeur à son prochain.

1) Et il montre d'abord cela en général.

2) Puis en particulier: Telle est la géné ration, etc.

1. En montrant cela en général il fait deux choses.

a) Il expose d'abord le mérite.

b) Puis la récompense: Celui-là recevra.

a. Pour le mérite il y a une chose qui concerne l'innocence de l'action, aussi dit-il: dont les mains sont innocentes. - "L'innocent sera sauvé, mais il sera sauvé à cause de la pureté de ses mains." - "Moi j'ai marché dans mon innocence." Une autre chose concerne la pureté du coeur, et à ce propos il suppose que le coeur pur soit préservé des convoitises intérieures, aussi dit-il: "Bienheureux ceux qui ont le coeur pur, parce qu'ils verront Dieu." Semblablement, qu'il soit préservé de toute cupidité des choses temporelles: qui n'a pas reçu son âme en vain, c'est-à-dire qui ne l'a pas dissipée dans les vanités, ou qui ne s'est pas glorifié de ses qualités, ou qui n'a pas laissé sa sensualité parvenir au consentement du péché. Une version de Jérôme lit: "Qui non extollant in vanum (Qui ne s'exaltent pas en vain)", car certains s'enorgueillissent de la pureté de leur coeur: "Seigneur, mon coeur ne s'est pas exalté." De même une autre chose concerne la vérité de la bouche; d'où ce qui suit: Ni fait de serment trompeur à son prochain. - "N'aimez pas le serment mensonger."

5 Celui-là recevra la bénédiction du Seigneur, et la miséricorde de Dieu, son salut.

6 Telle est la génération de ceux qui le cherchent, de ceux qui cherchent la face du Dieu de Jacob.

b. Le psalmiste expose ici la récompense. Or cette récompense consiste en deux choses: en l'obtention de biens: Celui-là recevra la bénédiction, c'est-à-dire des biens de Dieu: "La bénédiction du Seigneur est sur la tête du juste." - "C'est à cela que vous avez été appelés, afin de posséder la bénédiction en héritage." De même en la libération des maux, aussi dit-il: et la miséricorde de Dieu, son salut, lui qui libère de la détresse. Ou bien autrement: celui dont les mains sont innocentes peut y accéder; car il peut être innocent, c'est pourquoi il recevra la bénédiction du Seigneur, et la miséricorde, parce qu'il évite les péchés: "Cela ne dépend donc ni de celui qui veut, ni de celui qui court, mais de Dieu qui fait miséricorde."

2. Ensuite il montre en particulier ce moyen de parvenir à Dieu: Telle est la génération de ceux qui cherchent le Seigneur; autrement dit: en général la plupart sont tels, tandis que ceux-ci sont toute la génération de ceux qui cherchent Dieu, et dont les mains sont innocentes, etc. Aussi l'Écriture parle-t-elle des bons comme d'une seule génération: "Cette génération ne passera point jusqu'à ce que toutes choses s'accomplissent", c'est-à-dire des bons, etc. Et il la décrit de deux manières: par son zèle, car elle ne cherche rien si ce n'est Dieu, aussi dit-il: de ceux qui cherchent Dieu, même en cette vie: "Cherchez le Seigneur, tandis qu'on peut le trouver." Dans quel but ? Afin de parvenir à sa vision, d'où ce qui suit: de ceux qui cherchent la face du Dieu de Jacob. - "J'ai vu Dieu face à face, et mon âme a été sauvée."

7 Élevez vos portes, ô princes; et vous, élevez-vous, portes éternelles, et le roi de gloire entrera. 8 Qui est ce roi de gloire ? Le Seigneur fort et puissant, le Seigneur puissant au combat. 9 Élevez vos portes, ô princes; et vous, élevez-vous, portes éternelles, et le roi de gloire entrera. 10 Qui est ce roi de gloire ? Le Seigneur des armées, c'est lui le roi de gloire.

III. Ici commence la troisième partie du psaume, dans laquelle le psalmiste annonce comment il arriverait que Dieu soit honoré dans le monde entier, et il l'explique selon le sens littéral. On dit de Dieu qu'il habite par la foi: "Que le Christ habite par la foi dans vos coeurs", et par la charité: "Qui demeure dans la charité demeure en Dieu, et Dieu en lui." De même, on dit entrer pour celui qui commence à se trouver à un endroit où il n'était pas auparavant. Ainsi Dieu entre en nous, lorsque nous commençons à avoir foi en lui. Jadis le monde entier n'avait pas la foi en Dieu: et cela était dû à un double obstacle: en vertu des décrets des princes et de l'usage de l'Antiquité. Cela était dû d'abord au fait que chaque cité édictait des lois au sujet de l'idolâtrie, et instituait des dieux particuliers, aussi ce culte était-il comme invétéré, et même les démons s'occupaient de cela. Semblablement, les anges étaient honorés, ceux qu'ils appelaient la milice du ciel; et ces obstacles étaient des portes ou des accès dont la fermeture empêche l'entrée de la maison. Et le psalmiste fait trois choses.

A) Il annonce d'abord ce qui relève de l'avenir.

B) Puis il pose une question.

C) Enfin il donne la réponse.

A. Ainsi dit-il: ô princes, c'est-à-dire ô hommes mauvais, ou bien ô démons, Élevez vos portes, c'est-à-dire levez les obstacles que vous avez mis pour que les hommes ne parviennent pas à Dieu. Une version de Jérôme lit: elevate (levez), autrement dit: retirez, etc. - "Toi qui me relèves des portes de la mort, afin que je publie toutes tes louanges aux portes de la fille de Sion." et vous, portes éternelles, c'est-à-dire l'éternel et ancien obstacle, élevez-vous, c'est-à-dire écartez-vous: "Toi tu lances des clartés merveilleuses des montagnes éternelles", autrement dit: Vous, obstacles anciens, vous, éloignez-vous des coeurs des hommes, et alors celui qui est le roi de gloire entrera dans le monde par la foi et la charité, et par le culte. Ou bien, on peut dire qu'il y a deux sortes de portes. Il y en a qui sont mauvaises, qui ferment l'accès à la vie; d'autres sont bonnes, grâce auxquelles s'ouvre le chemin de la vie: "Ouvrez les portes de la vie, c'est-à-dire de la justice, etc. Les portes mauvaises représentent les péchés, tandis que les bonnes représentent les vertus. Ainsi dit-il: ô princes, élevez vos portes, c'est-à-dire ouvrez, et écartez vos péchés; et possédez les éternelles, c'est-à-dire les dons éternels du Dieu éternel, élevez-vous dans vos coeurs, et le roi de gloire entrera. Il parle de manière prophétique, car au commencement tous n'ont pas cru aussitôt, mais ont hésité, autrement dit: à qui voulons-nous croire et à qui voulons-nous obéir ? Est-ce au Dieu des Juifs ? - "Je ne connais point le Seigneur, et je ne laisserai pas aller Israël."

B. Et il montre cela lorsqu'il dit: Qui est ce roi de gloire ?

C. Et il répond: Le Seigneur fort et puissant. Un roi se montre glorieux de trois manières.

1. D'abord parce qu'il acquiert de grandes possessions par la force, aussi dit-il: fort. - "La main des forts dominera."

- "Si j'ai recours à la force, il est très puissant."

2. Ensuite à cause de son pouvoir; et il montre cela quand il dit: le Seigneur puissant, car il est très puissant pour dominer: "Dieu ne rejette point les puissants." - "Sa puissance est une puissance éternelle."

3. Enfin parce qu'il est bon combattant, aussi dit-il: le Seigneur puissant au combat, combat dans lequel en toutes choses il remporte la victoire contre la mort et le diable: "Voici le lion de la tribu de Juda, la racine de David, qui a obtenu par sa victoire d'ouvrir le livre et d'en délier les sept sceaux." Ou bien il est fort par sa nature, puissant par sa juridiction sur les siens, et puissant au combat contre ses adversaires. Le fait qu'il dit donc une seconde fois: élevez-vous, etc., peut être considéré comme une répétition: et c'est afin que ceux qui entendent que celui-ci est puissant ne diffèrent pas l'exécution de l'ordre intimé. Ou bien la première référence aux princes désigne les démons, tandis que ce qu'il dit ici se réfère aux bons anges qui devaient aussi être l'objet d'un culte par les hommes, qui le leur rendaient, avant tout à cause de leur dignité, non à cause de leur zèle: "Ils se prosternèrent devant toute l'armée du ciel", autrement dit: Écartez les obstacles en raison desquels les hommes vous honorent. Et c'est pourquoi celui-ci déclare: Le Seigneur des armées, c'est lui le roi de gloire. Mais dans la Glose on trouve un autre commentaire. Le Christ est descendu aux enfers et est monté au ciel; et il annonce ces deux choses ici. Il commence par exhorter les princes infernaux pour qu'ils ouvrent, aussi dit-il: Élevez, etc. Ô princes infernaux, ouvrez vos portes: et vous, élevez-vous, portes éternelles, et le roi de gloire entrera. Mais lorsque les démons demandaient: Qui est ce roi de gloire ? il répond: Celui qui fut fort et puissant au combat contre toi. Ensuite il exhorte les citoyens qui habitent au-dessus de nous: Ouvrez les portes, du paradis. Aussi le Christ répondant comme avec la voix du héraut, et tenant son rôle, dit en dirigeant sa voix vers le ciel: ô princes, célestes, Élevez, c'est-à-dire ouvrez vos portes, etc., et le roi de gloire entrera. Et à ceux qui l'interrogent, il dit: Le Seigneur des armées, c'est lui le roi de gloire. Mais à ce propos il faut savoir, comme le dit Denys, qu'il ne s'agit pas de l'interprétation selon laquelle les anges seraient dans l'ignorance du mystère de l'Incarnation, mais que dans leur émerveillement ils dirent: Qui est ce roi de gloire ?, car la gloire du Christ dépasse toute connaissance. C'est que parfois le Christ en personne donne un enseignement sur lui-même par l'Écriture, comme on le lit dans Isaïe: "C'est moi qui parle avec justice, et qui viens pour défendre et pour sauver." Mais ici ce n'est pas lui-même, mais les autres qui donnent un enseignement sur lui, c'est-à-dire les anges répondant: Le Seigneur des armées, c'est lui le roi de gloire; car certains anges reçoivent immédiatement de Dieu l'illumination, comme l'écrit Isaïe: "Je vis le Seigneur assis sur un trône haut et élevé; et ce qui était sous lui remplissait le temple. Des séraphins étaient au-dessus du trône: l'un avait six ailes, et l'autre six ailes; avec deux ils voilaient leur face, et avec deux ils voilaient leurs pieds, et avec deux ils volaient. Et ils se criaient l'un à l'autre, et ils disaient: "Saint, saint, saint est le Seigneur Dieu des armées, toute la terre est pleine de sa gloire."" D'autres anges sont instruits par ces derniers, comme les anges des hiérarchies moyennes et inférieures; et ici la réponse leur est donnée par d'autres anges.

 

 

COMMENTAIRE DU PSAUME 24

1 Pour la fin.

Vers toi, Seigneur, j'ai élevé mon âme; 2 mon Dieu, en toi je me confie, je n'en rougirai pas. 3a Et que mes ennemis ne se rient pas de moi.

3b Car tous ceux qui t'attendent ne seront pas confondus.

4a Qu'ils soient confondus, tous ceux qui commettent l'iniquité sans raison.

4b Seigneur, montre-moi tes voies, et enseigne-moi tes sentiers. 5 Dirige-moi dans ta vérité, et instruis-moi, parce que toi ru es mon sauveur, et je t'ai attendu durant tout le jour.

6 Souviens-toi de tes bontés, Seigneur, et de tes miséricordes qui sont de toujours.

7 Des fautes de ma jeunesse, et de mes ignorances ne t'en souviens pas. Selon ta miséricorde, souviens-toi de moi, à cause de ta bonté, Seigneur.

8a Il est doux et droit, le Seigneur;

8b c'est pour cela qu'il donnera sa loi à ceux qui s'égarent dans la voie. 9 Il conduira ceux qui sont dociles dans la justice, il enseignera ses voies à ceux qui sont doux. 10Toutes les voies du Seigneur sont miséricorde et vérité. Pour ceux qui recherchent son testament et ses témoignages.

11 À cause de ton nom, Seigneur, tu seras propice à mon péché, car il est grand.

12 Quel est l'homme qui craint le Seigneur ? Il a établi pour lui une loi dans la voie qu'il a choisie. 13 Son âme demeurera dans les biens, et sa race aura la terre en héritage. 14 Le Seigneur est un ferme appui pour ceux qui le craignent; et son testament [est destiné] à leur être manifesté.

15 Mes yeux sont toujours tournés vers le Seigneur, parce que c'est lui qui tirera mes pieds du lacet. 16 Tourne-toi vers moi et aie pitié de moi, parce que je suis unique et pauvre.

17 Les tribulations de mon coeur se sont multipliées; arrache-moi à mes contraintes. 18 Vois mon humiliation et ma peine, et remets-moi toutes mes fautes.

19 Regarde combien mes ennemis se sont multipliés, et comme ils m'ont haï d'une haine inique.

20 Garde mon âme, et délivre-moi; que je ne rougisse point, parce que j'ai espéré en toi. 21 Les [hommes] innocents et droits se sont attachés à moi, parce que je t'ai attendu.

22 Ô Dieu, libère Israël de toutes ses tribulations.

 

1 Pour la fin.

Vers toi, Seigneur, j'ai élevé mon âme; 2 mon Dieu, en toi je me confie, je n'en rougirai pas. 3a Et que mes ennemis ne se rient pas de moi.

Plus haut le psalmiste a exposé la tribulation du Christ et le secours divin; ici il y ajoute la prière. Et à ce propos il expose deux choses.

D'abord la prière elle-même.

Puis les mérites de celui qui prie: "Juge-moi, Seigneur."

Touchant la prière, il fait trois choses:

I) Il commence par la faire connaître.

II) Puis il montre la confiance qui en découle: 8 Il est doux et droit.

III) Enfin il montre que sa prière est assidue: 15 Mes yeux, etc.

I. En faisant connaître sa prière il sollicite trois choses.

A) Il commence par demander la libération de ses ennemis.

B) Puis il demande d'être conduit vers les biens de la justice: 4b tes voies.

C) Enfin il demande que ses péchés soient remis: 6 Souviens-toi.

A. En demandant la libération de ses ennemis il expose trois choses:

1) La préparation à la prière, selon ce verset de l'Ecclésiastique: "Avant la prière, prépare ton âme, et ne sois pas comme un homme qui tente Dieu."

2) La formulation de la demande: je n'en rougirai pas.

3) Enfin la raison de la demande: Car tous ceux, etc.

1. On se prépare à la prière de deux manières: ou bien par l'élévation de son esprit vers Dieu, comme le dit Damascène: "La prière est une élévation de l'intelligence vers Dieu." Ou bien par la confiance qu'on a en Dieu.

a. Concernant la première manière il dit: ô Seigneur, moi j'ai élevé mon âme vers toi, par la contemplation, en considérant ta bonté, et par amour: "Élevons nos coeurs avec nos mains vers le Seigneur."

b. Concernant la seconde manière il dit: nul n'obtient s'il ne prie avec confiance: "Qu'il demande avec foi, sans aucun doute." - "Approchons avec confiance du trône de la [gloire, ou de sa] grâce." - "Une telle confiance, nous l'avons en Dieu par le Christ; non que nous soyons suffisants pour former aucune pensée par nous-mêmes."

2. Ensuite il formule la demande: et il expose deux choses. La première qui est relative à lui-même en soi, la seconde qui est relative à lui-même par rapport aux ennemis.

a. À propos de la première il dit: je n'en rougirai pas. On rougit de honte pour trois raisons. Ou bien lorsqu'on est opprimé par un ennemi, ou bien lorsqu'on est déçu dans son espérance, ou encore lorsqu'on repasse en son esprit les péchés que l'on a commis. À ce propos l'Apôtre déclare: "Quel fruit avez-vous donc tiré alors des choses dont vous rougissez maintenant ?" Au sujet de la deuxième raison, l'Apôtre dit aussi: "L'espérance ne confond point, car la charité de Dieu a été répandue en nos coeurs par l'Esprit-Saint qui nous a été donné"; c'est pourquoi le psalmiste dit: Et que mes ennemis ne se rient pas de moi, c'est-à-dire n'aient pas le pouvoir de se rire de moi, ce à quoi ils se préparent: "Voici ceux que nous avons eus autrefois en dérision, et en proverbes outrageants." - "La simplicité du juste est raillée en dérision."

3b Car tous ceux qui t'attendent ne seront pas confondus.

b. À propos de la seconde il dit: Car tous ceux.

3. Il expose ici la raison de la demande, et elle est double, autrement dit: je demande de ne point rougir, et de ne pas être tourné en dérision.

a) Et il montre d'abord à qui la confusion ne doit pas être causée.

b) Puis à qui elle doit être causée: Qu'ils soient confondus.

a. Ainsi dit-il d'abord: Car tous ceux qui t'[espèrent] ne seront pas confondus. Ceux-là l'espèrent qui l'attendent avec longanimité: "S'il met un certain délai, attends-le; car il va venir." - "Nul n'a espéré dans le Seigneur, et n'a été confondu."

4a Qu'ils soient confondus, tous ceux qui commettent l'iniquité sans raison.

b. Ici il montre à qui la confusion ou la honte doit être causée, car il dit: tous ceux qui commettent l'iniquité sans raison. Et il y a deux sortes de confusion: une bonne et une mauvaise. - "Il y a une confusion qui amène le péché, et il y a une confusion qui amène la gloire et la grâce."

- Au sujet de la première il est écrit: "Ils ont été confus parce qu'ils ont commis l'abomination." Cette confusion est due à la peine et au châtiment éternel.

- Mais le psalmiste poursuit en parlant de la bonne confusion. Ils ne sont pas confondus à propos de la bonne confusion, et c'est pourquoi on traite ici de l'une et l'autre confusion. Car si on l'entend de la mauvaise confusion, alors il ne la souhaite pas mais il l'annonce, ce qui revient à dire: Qu'ils soient confondus, tous ceux qui commettent le mal, c'est-à-dire "qui me persécutent". sans raison, parce qu'ils ne peuvent point parvenir à leur fin en me persécutant: "Ils combattent contre toi, et ne prévaudront point." De même, tous ceux qui commettent l'iniquité, c'est-à-dire que les pécheurs soient confondus par leur propre damnation, sans raison, c'est-à-dire ceux qui commettent l'iniquité, car par l'acte même de leur péché ils s'éloignent de Dieu, et sont empêchés d'atteindre la fin, c'est-à-dire la béatitude: "Leurs travaux sont sans fruit", ou impropres. Semblablement on peut l'entendre de la bonne confusion, et ainsi il dit: Qu'ils soient confondus, etc., en souhaitant qu'ils reviennent à la pénitence.

4b Seigneur, montre-moi tes voies, et enseigne-moi tes sentiers. 5 Dirige-moi dans ta vérité, et instruis-moi, parce que toi tu es mon sauveur, et je t'ai attendu durant tout le jour.

B. Ensuite il demande d'être élevé vers les biens.

1) Et il expose d'abord sa demande.

2) Puis il en donne la raison: parce que toi tu es mon sauveur

1. Or il y a deux sortes de biens: le bien de la vie active et celui de la vie contemplative.

a) Il commence par mentionner le bien de la vie active.

b) Puis celui de la vie contemplative: Dirige-moi.

a. Dans la vie active il y a deux manières de progresser: la première est générale et se fait par le précepte, la seconde est particulière et se fait par les conseils.

- À propos de la première manière il dit: Seigneur, montre-moi tes voies. Les voies du Seigneur par lesquelles on parvient à Dieu sont les préceptes: "Si tu veux entrer dans la vie, garde les commandements." - "S'il marche dans mes préceptes, et les accomplit, celui-là est juste; il vivra de la vie, dit le Seigneur Dieu."Car à travers ces voies le Seigneur vient à nous, en particulier par le précepte de la charité: "Si vous m'aimez, gardez mes commandements." Moi je ne connais pas ces voies, et c'est pourquoi montre-les moi, et quant à l'intelligence et quant à la pratique.

Touchant l'intelligence il est écrit: "Tes yeux verront ton maître, et tu entendras la voix de celui qui, derrière toi, t'avertira."

Touchant la pratique il dit: et enseigne-moi tes sentiers. La voie est publique et commune, tandis que le sentier est étroit et n'est pas commun, il est au contraire une réduction de la voie commune.

- Semblablement les conseils sont une voie qui mène à Dieu, mais plus étroite et plus courte: "Tenez-vous sur les voies", c'est-à-dire observez les préceptes, "et demandez touchant les sentiers", c'est-à-dire gardez les conseils: "Rendez droits les sentiers de notre Dieu."

b. Mais les deux, à savoir les préceptes et les conseils, concernent la vie contemplative. D'abord, dans le but de bien se servir des choses connues pour rechercher soigneusement les autres, et ensuite, dans le but d'apprendre les choses inconnues.

- En relation avec le premier but il dit: Dirige-moi dans ta vérité, c'est-à-dire selon ta vérité, ce qui revient à dire: que ta vérité dirige: "Envoie ta lumière et ta vérité."

- En relation avec le second but il dit: et enseigne-moi, non seulement par l'Écriture et les créatures, mais aussi intérieurement: "Quiconque s'est mis à l'écoute du Père et à son école vient à moi."

2. parce que toi, Dieu, tu es mon sauveur. Le psalmiste expose ici la raison de la demande mentionnée. L'une s'appuie sur Dieu. L'autre s'appuie sur celui qui demande.

a. Elle s'appuie sur Dieu, parce qu'il est lui-même le sauveur et le créateur du salut humain, qui consiste principalement dans la connaissance de la vérité: "Lui qui veut que tous les hommes soient sauvés, et viennent à la connaissance de la vérité. Car il n'y a qu'un Dieu et qu'un médiateur entre Dieu et les hommes, le Christ Jésus" vrai sauveur: "Un Dieu juste et qui sauve: il n'y en a pas excepté moi."

b. Semblablement elle s'appuie sur celui qui demandé, car je n'attends d'enseignement de personne excepté de toi. Lui que j'ai attendu durant tout le jour.

- Il est écrit dans un psaume: "Ceux qui attendent avec constance le Seigneur, ceux-là même hériteront de la terre." Et de même dans un autre psaume: "Que ton coeur se fortifie, et attends avec constance le Seigneur."

6 Souviens-toi de tes bontés, et de tes miséricordes qui sont de toujours.

C. Le psalmiste demande ici la rémission de ses péchés, etc. Il fait deux choses.

1) Il expose d'abord sa demande en général.

2) Puis il l'explique en particulier: 7 Des fautes.

1. D'une manière générale il demande la miséricorde. Elle concerne ici en particulier la misère. Et sa plus grande misère est sa faute. Or la misère s'oppose à la félicité qui consiste principalement en un acte de vertu parfaite. Puis dans les biens extérieurs. Ensuite dans les détriments et dans les choses extérieures: "Le péché rend les peuples malheureux." Et c'est pourquoi il demande la miséricorde face aux péchés. Ainsi dans cette miséricorde on distingue deux choses: l'usage ou l'effet de la miséricorde qu'on appelle miseratio. Puis la miséricorde elle-même qui est ainsi appelée en tant qu'elle est une vertu. Donc lorsque Dieu a pitié en acte, on dit alors qu'il est miséricordieux; mais il semble oublier quand il n'a pas pitié en acte, c'est pourquoi il dit: Souviens-toi de tes bontés. - "Dieu oubliera-t-il d'avoir pitié ?" Cependant c'est en vue de nos biens qu'il diffère son acte de pitié, bien qu'il semble oublieux selon l'opinion humaine, quand il n'a pas pitié en acte; c'est pourquoi il dit: Souviens-toi, de crainte que tu ne paraisses oublieux vis-à-vis des méchants. et de tes miséricordes. Il dit cela à cause des multiples effets de la miséricorde divine à l'égard de la nature humaine. qui sont de toujours, c'est-à-dire depuis le commencement de la création: "Sa miséricorde s'étend d'âge en âge."

7 Des fautes de ma jeunesse, et de mes ignorances ne t'en souviens pas. Selon ta miséricorde, souviens-toi de moi, a cause de ta bonté, Seigneur.

2. Ici le psalmiste explique pourquoi il a besoin de la miséricorde, ce qui revient à dire: je demande maintenant la miséricorde, car j'ai commis des pêchés, qui, ainsi qu'il le dit, appellent la miséricorde. Et il expose trois choses qui contribuent à la rémission du péché.

a. D'abord le genre du péché, et il y en a deux: l'un est un péché de transgression, et l'autre d'omission. Et ces derniers, c'est-à-dire les péchés d'omission, sont appelés fautes, comme s'ils étaient moins graves, en quelque façon assez susceptibles de pardon, car il est difficile à l'homme de se garder totalement d'une faute, et c'est pourquoi le psalmiste dit: Des fautes. - "Si un homme est tombé par surprise en quelque faute, vous qui êtes spirituels, instruisez-le en esprit de douceur."

b. Puis la condition de celui qui pèche: car plus un homme est doué de qualités intellectuelles, et occupe une haute situation, plus la gravité de son péché augmente en lui. Et c'est pourquoi les péchés qui se commettent au cours de la jeunesse sont tenus pour moindres que ceux qui se commettent au cours de la vieillesse: "Le pécheur de cent ans sera maudit." Et c'est pourquoi il dit: Des fautes de ma jeunesse. Au sens littéral, il prie pour ceux qui se sont rendus coupables de fautes dès leur jeunesse, selon qu'il est écrit dans la Genèse: "Les sentiments de l'homme sont inclinés vers le mal", c'est-à-dire vers le péché, "dès sa jeunesse".

- "L'adolescence et la volupté sont choses vaines." Ou bien: de ma jeunesse, c'est-à-dire dès la naissance, car l'homme naît fils de la colère. Et aussi longtemps que l'homme est jeune, il habite dans la maison de son père; de même aussi longtemps que l'homme est pécheur, il habite dans la maison du diable, qui est une demeure en ruine: "Un vent s'est élevé du côté du désert et a ébranlé les quatre coins de la maison, qui, s'écroulant, a écrasé tes enfants, et ils sont morts; et j'ai fui, moi seul, pour te l'annoncer." Ou bien: de ma jeunesse, c'est-à-dire des péchés commis par orgueil. Car les jeunes gens sont naturellement orgueilleux et présomptueux.

c. Enfin la motivation qui amène à commettre le péché, car les péchés qui se commettent par ignorance sont de moindre gravité, aussi dit-il: et de mes ignorances ne t'en souviens pas. - "J'ai obtenu miséricorde, parce que j'ai agi par ignorance, dans l'incrédulité." - "Ne te souviens pas de nos iniquités anciennes, mais souviens-toi de ta miséricorde."

Le psalmiste poursuit en exposant la raison de sa demande. Il ne demande pas que ses péchés lui soient remis en raison de ses mérites, parce que la miséricorde n'est pas due au mérite. Et c'est pourquoi il allègue deux choses du côté de Dieu, c'est-à-dire la miséricorde et la bonté, qui sont en Dieu comme dans leur sujet, mais diffèrent dans leur objet. Ainsi en Dieu on considère la bonté, c'est-à-dire la communication des biens dans les créatures, car le bien est diffusif de soi. Tandis que la miséricorde désigné une profusion particulière de sa bonté pour écarter le malheur; et c'est pourquoi il dit: Selon ta miséricorde, souviens-toi de moi, non de mes péchés: "Nous répandons nos prières devant ta face, non en vue de notre justice, mais en vue de tes miséricordes abondantes." - "Que promptement nous préviennent tes miséricordes", parce que "nous sommes devenus pauvres à l'excès". Ne te souviens pas seulement de moi à cause de ta miséricorde, grâce à laquelle tu m'épargnes des malheurs, mais aussi à cause de ta bonté, grâce à laquelle tu fais toutes choses bonnes; et tel est Dieu lui-même, puisqu'il est l'être de la bonté.

8a Il est doux et droit, le Seigneur;

II. Plus haut le psalmiste a demandé que ses péchés soient remis par la miséricorde divine, mais ici il expose la confiance qui découle de la miséricorde divine; et à ce propos il fait deux choses.

A) Il expose d'abord la cause de cette confiance.

B) Puis cette foi fiduciale qui en découle: 11 À cause de ton nom.

A. À propos de la cause de cette confiance il mentionne deux choses.

1) Il explicite d'abord la cause de la confiance envers la bonté divine.

2) Puis il expose l'effet de la bonté divine: 8b c'est pour cela qu'il donnera sa loi, etc.

1. Il faut noter qu'à propos de la bonté divine il mentionne deux choses: la douceur et la rectitude, car Il est doux et droit. La douceur est à proprement parler dans les réalités matérielles, mais au sens métaphorique elle se trouve dans les réalités spirituelles. C'est pourquoi il faut que dans les réalités spirituelles la douceur emprunte sa similitude à la douceur corporelle. Or la douceur corporelle a les propriétés suivantes: elle refait le goût corporel, elle repose et procure la délectation; semblablement aussi la douceur spirituelle repose et refait, et apporte la délectation au goût spirituel. Mais en Dieu est la douceur par essence: "Cette nourriture qui venait de toi montrait la douceur que tu as pour tes enfants." Mais chez les hommes on appelle douceur la satisfaction qu'ils se donnent à eux-mêmes ou bien aux autres, en s'adonnant au mal ou au péché; mais en Dieu il n'y a de douceur que dans les biens, et c'est pourquoi le psalmiste ajoute: et droit, le Seigneur. - "Tu es juste, Seigneur, et droit est ton jugement", de telle sorte que la douceur se réfère à la miséricorde, la rectitude à la justice.

8b c'est pour cela qu'il donnera sa loi à ceux qui s'égarent dans la voie. 9 Il conduira ceux qui sont dociles dans la justice, il enseignera ses voies à ceux qui sont doux. 10 Toutes les voies du Seigneur sont miséricorde et vente. Pour ceux qui recherchent son testament et ses témoignages.

2. Ici le psalmiste expose l'effet de la bonté divine. Or il y a trois catégories d'hommes chez qui se trouve la justice de la bonté divine.

a) La première catégorie est celle des pécheurs.

b) La deuxième est celle des pénitents.

c) La troisième est celle des justes.

a. À l'égard des pécheurs, Dieu manifeste sa bonté en les corrigeant, aussi dit-il: c'est pour cela, c'est-à-dire à cause de sa douceur et de sa rectitude, qu'il donnera sa loi à ceux qui s'égarent dans la voie.

- "La loi a été établie à cause des transgressions." Et c'est pourquoi la bonté de Dieu est telle qu'elle corrige ceux qui s'égarent. Et il dit: à ceux qui s'égarent, parce que selon ce verset de la première épître à Timothée: "La loi n'est pas établie pour le juste." De même il dit: dans la voie, parce que dans la voie se trouve l'état du mérite ou du péché. Ou bien, dans la voie, c'est-à-dire de la foi, car elle est appelée la voie par laquelle on va à Dieu: "Il faut que celui qui s'approche de Dieu croie qu'il est." Donc, même si l'on s'égare dans la foi on est ramené vers Dieu par la correction. Ou bien, il donnera la loi de la charité: "L'amour est la plénitude de la loi", afin que par la charité ils aient la rémission des péchés. - "La charité couvre toutes les fautes." Ou bien, à ceux qui s'égarent dans la voie de la justice en les corrigeant: "Ils n'ont pas connu la voie de la sagesse", et pour ces derniers il établit la loi.

b. Le deuxième effet, c'est qu'il conduit les pénitents, aussi dit-il: "Il conduira ceux qui sont dociles dans la justice." Or une bête devient docile lorsqu'après avoir abandonné sa férocité, elle se soumet à l'homme; de même les hommes, lorsqu'ils renoncent à leurs péchés, sont soumis à Dieu, et c'est pourquoi il dit: dans la justice, c'est-à-dire de la correction, parce que par la justice correctionnelle ils progressent vers les biens les meilleurs, et ils progresseront davantage au jugement dernier, au cours duquel les pénitents parviendront à l'héritage de la vie éternelle et entendront la sentence en leur faveur: "C'est à l'homme de préparer son âme, et au Seigneur de gouverner sa langue." La mansuétude est une vertu qui apaise la colère, colère qui entrave fortement la connaissance, et elle se manifeste surtout dans les soulèvements des mers. Et cette vertu doit être particulièrement recherchée; c'est ce qui explique pourquoi Denys, dans sa lettre à Dèmophile, dit que Moïse fut digne d'être favorisé de l'apparition de Dieu à cause de sa grande mansuétude.

c. Le troisième effet est qu'il instruit les justes, c'est pourquoi il dit: il enseignera ses voies à ceux qui sont doux. On appelle mansuetus (doux) celui qui de l'état sauvage est amené à la bonté, ou à l'humilité; mais sont appelés mites (doux) ceux qui le furent toujours. Ces derniers sont pris en pitié par Dieu, car la doctrine du Seigneur s'acquiert par l'homme en tant qu'homme et non en tant que bête: "Qui nous donne plus d'instruction qu'aux bêtes de la terre ?" Le propre de l'homme, c'est-à-dire sa raison, est corrompu par la passion de l'irascible et du concupiscible; et la mansuétude tempère la passion de l'irascible, mais la tempérance la passion du concupiscible. Et c'est pourquoi ceux qui sont appelés doux, méritent de recevoir la doctrine du Seigneur: "À qui enseignera-t-il la science ? et à qui fera-t-il comprendre ce qui aura été entendu ? À des enfants qu'on vient de sevrer, d'arracher aux mamelles."

Il explicite ensuite les voies qu'il enseigne, aussi dit-il: Toutes les voies du Seigneur. Les voies du Seigneur sont ses démarches en toute oeuvre, ce qui revient à dire: moi j'ai trouvé cette voie. Les démarches du Seigneur dans ses oeuvres se réfèrent à deux choses: à la miséricorde et à la justice, car si l'on dit quelque chose à propos de Dieu et à propos de l'homme, on le comprendra pour chacun selon son mode particulier. Ainsi lorsqu'on parle de la miséricorde au sujet de Dieu, on le comprend sous le mode divin, et pour l'homme selon le mode humain. La miséricorde se manifeste dans l'homme lorsqu'il compatit aux malheurs d'autrui, et la justice lorsqu'il rend à chacun ce qui lui est dû. Mais en Dieu ce n'est pas selon ce mode, car Dieu est impassible et ne compatit pas; car la compassion c'est l'acte de souffrir avec autrui, la souffrance née d'une tribulation étrangère ayant été assumée en soi. De même Dieu ne doit rien à personne. Il y a donc miséricorde en Dieu lorsqu'il éloigne l'adversité en toute chose, de telle sorte que les adversités sont largement assumées à la place de ce défaut. Il y a justice en Dieu lorsqu'il donne à chacun selon sa mesure. Et nous trouvons ces deux choses dans toutes les oeuvres de Dieu, car dans la première création de ces oeuvres on ne trouve pas la règle de la justice, mais celle de la miséricorde, car il ne doit rien au néant; mais par la suite, quand les choses furent créées, il accorda tout ce qui est approprié à ces choses selon leur mesure, et en cela s'est manifestée la justice divine. Et ainsi fait-il aussi dans les effets de la grâce: car la première justification du pécheur relève de la miséricorde; et après avoir été justifié il donne les récompenses, parce qu'il donne selon sa mesure. Et ainsi la miséricorde précède, et puis vient la justice; et c'est pourquoi il dit: Toutes les voies du Seigneur sont miséricorde et vérité.

- "Toutes tes voies sont miséricorde et vérité." - "Ses commisérations s'étendent sur toutes ses oeuvres." - "Ta vérité demeure de génération en génération: tu as fondé la terre, et elle demeure stable." Mais à qui les voies du Seigneur semblent-elles miséricorde et justice ? Non aux impies et aux pécheurs, au contraire il semble qu'elles leur soient cruelles et injustes, ainsi qu'on l'a dit: "La voie du Seigneur n'est pas juste", disent les pécheurs; mais pour les bons et les justes les voies du Seigneur semblent telles qu'on l'a dit: "Que Dieu est bon pour Israël, pour ceux qui ont le coeur droit." Et il dit pour qui les voies du Seigneur sont miséricorde et vérité, car c'est pour ceux qui recherchent son testament et ses témoignages. Une version de Jérôme lit: custodientibus (pour ceux qui gardent). Mais qu'entend-t-on par son testament et ses témoignages ? Le testament est en général tout pacte de Dieu, tandis que les témoignages sont toutes les promesses de Dieu. Or Dieu promet son secours, et il recourt en outre aux miracles. Ou bien le mot testament est pris au sens de Nouveau Testament, dans lequel toutes les promesses sont accomplies; le mot témoignage désigne l'Ancien Testament qui est le témoignage du Nouveau: "C'est à lui que tous les prophètes rendent ce témoignage." Ou bien on dit témoignage lorsqu'une vérité est attestée: "Il a gardé le serment qu'il a juré à vos pères." Ou encore, on appelle témoignage l'attestation de la loi de l'esprit selon les juristes; et l'attestation peut être appelée manifestation, ou confirmation, ou certitude. Car les témoins manifestent et certifient, et c'est dans ce sens que le testament est pour ainsi dire appelé une manifestation et une certification de l'esprit divin, ou ce que Dieu veut. Ou bien, selon Papias, on appelle "testament" dans la Sainte Écriture le pacte ou l'accord; et on appelle "témoignage" tout ce qui est emprunté à une réalité extérieure pour engendrer la foi.

11 À cause de ton nom, Seigneur, tu seras propice à mon péché, car il est grand.

B. Le psalmiste expose ici la confiance

conçue de la miséricorde divine et de la justice, et à cet égard il fait deux choses.

1) Il expose d'abord la confiance qu'il a vis-à-vis de lui-même.

2) Puis il invite les autres à avoir confiance: 12 Quel est l'homme ?

1. En parlant de lui-même il fait deux choses:

a) Il expose d'abord sa propre confiance.

b) Puis il en donn la raison.

a. Il dit que le Seigneur donnera sa loi, etc., et cela regarde sa bonté; et c'est pourquoi il ajoute: moi j'ai confiance qu'il sera propice à mon péché, c'est-à-dire qu'il remettra mon péché: "Qui est celui-ci, qui remet même les péchés ?" Et il fera cela non point à cause de nos mérites, car ces péchés méritent un châtiment, mais à cause de ton nom. Le nom de Dieu est entendu ici non seulement en tant que tel, mais il s'agit aussi de la réalité signifiée par ce nom, qui est la bonté divine; autrement dit: à cause de sa bonté il me remettra mon péché: "Sauve-moi à cause de ton nom", c'est-à-dire afin que ton nom soit glorifié. Et cela convient surtout au nom de Jésus-Christ qui est un nom qui porte le salut, comme on le lit dans Matthieu.

b. Et pourquoi ? À cause de ton nom, car mon péché est si grand qu'avec raison il ne mérite pas de rémission, aussi dit-il: car il est [considérable], c'est-à-dire grand et grave, par son ampleur et sa multiplicité: "Nous faisons tous beaucoup de fautes", au moins véniellement: "Le juste tombera sept fois" par jour "et se relèvera". Ou bien considérable, par la gravité: "Mes iniquités se sont élevées au-dessus de ma tête; et comme un fardeau pesant, elles se sont appesanties sur moi." Ou bien ce verset est prononcé contre les novatiens qui se disaient cathares, c'est-à-dire purs. Le prêtre Novatien vécut au temps de Dèce, et ce dernier disait que nul ne pouvait revenir à la pénitence après avoir failli à la suite du baptême. Mais si cela avait été vrai, le psalmiste aurait dit en vain: tu seras propice à mon péché.

12 Quel est l'homme qui craint le Seigneur ? Il a établi pour lui une loi dans la voie qu'il a choisie. 13 Son âme demeurera dans les biens, et sa race aura la terre en héritage. 14 Le Seigneur est un ferme appui pour ceux qui le craignent; et son testament [est destiné] à leur être manifesté.

2. Le psalmiste invite ici les autres à avoir confiance.

a) Et il expose d'abord ce qui est nécessaire de notre côté.

b) Puis ce qu'il faut espérer en Dieu.

a. De notre côté, il est requis que nous nous soumettions, autrement c'est en vain que nous aurions confiance. Donc la première soumission se fait par la crainte: "Le commencement de la sagesse est la crainte du Seigneur", aussi dit-il: Quel est l'homme qui craint le Seigneur ? - "Vous qui craignez le Seigneur, croyez en lui, et votre récompense ne sera pas anéantie."

b. Du côté de Dieu, trois choses sont à espérer, en ce sens qu'il y a trois facultés dans l'homme: l'intellect, la volonté, et la puissance d'agir (virtus operativa) opérative. Ainsi Dieu instruit l'intellect, satisfait à la volonté, et fortifie la puissance.

- Au sujet de l'intellect il dit: Il a établi pour lui une loi dans la voie qu'il a choisie, c'est-à-dire que l'homme qui craint le Seigneur a choisi la voie, à savoir servir Dieu: "Servez le Seigneur dans la crainte." Voici la voie, marchez-y. Et dans cette voie il enseigne comment l'homme progresse. Une version de Jérôme lit: "Docebat eum (Il l'enseignait)", et il fait cela en établissant une loi.

- Quant à la volonté de l'homme, elle se réfère à deux choses en ce monde:

· D'abord à la possession des biens.

· Puis au legs de ces biens à ses enfants, et dans ce domaine Dieu satisfait aussi temporellement ceux qui le craignent.

· C'est pourquoi au sujet de la possession des biens il dit: Son âme demeurera dans les biens. Mais il vaut mieux comprendre cela au sens spirituel. Et ici il semble mentionner deux choses: l'affluence des biens: Son âme demeurera dans les biens, en tant qu'il s'agit de la volonté dont l'objet est le bien. Ainsi donc l'homme demeure dans les biens, lorsqu'il se rassasie des choses spirituelles: "C'est lui qui remplit de biens ton désir", c'est-à-dire des biens de la vie présente, autrement dit des puissances spirituelles, et des biens de la gloire dans l'avenir.

· Ensuite il mentionne la stabilité: et sa race aura la terre en héritage. et sa race, c'est-à-dire les oeuvres de l'homme spirituel, oeuvres qui sont nos enfants. Et celui-ci aura la terre en héritage, c'est-à-dire lorsque cet héritage sera donné, à savoir la terre des vivants: "Je crois que je verrai les biens du Seigneur dans la terré des vivants." Ou bien: sa race, c'est-à-dire notre corps glorifié, aura cette terre en héritage, à cause des bonnes oeuvres.

- Quant à la puissance d'agir de l'homme, il dit: Le Seigneur est un ferme appui pour ceux qui le craignent.

· Et il expose d'abord l'affermissement de sa puissance opérative.

· Puis il expose la finalité du testament du Seigneur: et son testament.

· Ainsi dit-il: les autres hommes sont affaiblis par la crainte du monde, car ils hésitent, mais la crainte de Dieu les rend forts, car il est écrit: "Celui qui craint le Seigneur ne s'alarmera de rien, et il n'aura pas peur, parce que le Seigneur lui-même est son espérance." Et c'est pourquoi il ajoute: son espérance est un ferme appui; et celui-ci est affermi en vue du moment où le Seigneur lui manifeste son testament, c'est-à-dire sa promesse.

· Tel est donc le testament, ou la promesse qu'il fait au sujet de la venue du Christ, lui qui par sa venue s'est manifesté à Siméon craignant Dieu; ou bien il s'agit de la promesse au sujet de la vie éternelle: "Moi je l'aimerai, et je me manifesterai à lui." Une version de Jérôme lit ainsi: "Secretum Domini timentibus eum, foedus illius manifestabitur illis (Le secret du Seigneur [est) pour ceux qui le craignent, son alliance leur sera manifestée)." En effet la promesse de la vie éternelle se fait dans le secret, comme on le dit dans Isaïe: "L'oeil n'a pas vu, ô Dieu, toi excepté, ce que tu as préparé pour ceux qui t, aiment." Et cela est donné à ceux qui le craignent. - "Qu'elle est grande, Seigneur, l'abondance de ta douceur que tu as réservée en secret à ceux qui te craignent." Et ce secret est l'alliance qu'il a promise à ceux qui le craignent: "Il se lèvera pour vous qui craignez mon nom, un Soleil de justice."

15 Mes yeux sont toujours tournés vers le Seigneur, parce que c'est lui qui tirera mes pieds du lacet. 16 Tourne-toi vers moi et aie pitié de moi, parce que je suis unique et pauvre.

III. Plus haut le psalmiste a exposé la confiance qu'il a conçue de la miséricorde divine, et il a également invité les autres à cette confiance; mais ici, pour la seconde fois il ajoute la prière à la confiance qu'il a conçue. Et à ce propos il fait deux choses.

Il fait d'abord mention de la préparation en vue de la prière: "Avant la prière, prépare ton âme."

Ensuite il expose la prière elle-même: Tourne-toi vers moi.

Concernant la prière proprement dite il fait deux choses:

A) Il expose d'abord la prière dans laquelle il prie pour lui-même.

B) Ensuite celle qui concerne ses ennemis: 19 Regarde combien mes ennemis.

A. En priant pour lui-même il fait deux choses:

1) Il demande d'abord la miséricorde.

2) Ensuite il donne la raison pour laquelle il fait miséricorde: Les tribulations.

La préparation de la prière consiste en l'élévation de l'âme vers Dieu, c'est pourquoi il dit: Mes yeux, c'est-à-dire du coeur: "Qu'il éclaire les yeux de votre coeur." Ces yeux, c'est-à-dire ceux de l'intelligence et de la foi, sont dits être spécialement tournés vers le Seigneur: "J'ai levé mes yeux vers toi, qui habites dans les cieux." Et cela en raison de la confiance conçue: parce que c'est lui qui tirera mes pieds du lacet. - "L'homme ne connaît pas sa fin: et comme les poissons sont pris à l'hameçon, et comme les oiseaux sont retenus par le lacs, ainsi sont pris les hommes", par le diable, "au temps du malheur". Ces maux sont des occasions de péché. Et quand l'homme tombe dans le péché, alors il est lié par le lacet de sa passion, qu'on appelle péché de l'homme. Dieu seul libère de ce lacet: "Le filet s'est rompu, et nous avons été délivrés." Et comment ? "Notre secours est dans le nom du Seigneur."

1. Ensuite il demande la miséricorde, et c'est pourquoi il dit: Tourne-toi vers moi et aie pitié de moi, etc. Le Seigneur semble détourner ses yeux lorsqu'il n'exerce pas sa miséricorde, mais tourne son regard quand il l'exerce; voilà pourquoi Pierre pleura à la vue du Christ. Ainsi dit-il: Tourne-toi vers moi, etc. - "Sa miséricorde est pour ses saints." Il poursuit en exposant la raison pour laquelle il a besoin de miséricorde; c'est, dit-il, parce qu'il est unique. Cela se comprend ainsi selon un premier sens, car celui qui ne trouve pas de secours en lui, il faut qu'il se tourne vers Dieu: "Mon secours vient du Seigneur." Or les hommes jouissent d'un double secours en ce monde: le premier vient des amis, l'autre des moyens; mais dans le cas présent il ne jouit ni de l'un ni de l'autre: car il n'a pas celui des amis, aussi dit-il: parce que je suis unique, c'est-à-dire solitaire, sans secours des proches et des amis: "Je tournais mes regards vers le secours des hommes, et il n'en était point." De même ni celui des moyens, car il est pauvre. - "Je suis un pauvre, moi, et dans les travaux depuis ma jeunesse." Ou bien, selon un autre sens. Deux choses sont nécessaires pour que l'homme soit aidé par Dieu: d'abord, que son coeur tende totalement vers Dieu: "Je demanderai une seule chose au Seigneur, je la rechercherai: c'est d'habiter dans la maison du Seigneur tous les jours de ma vie." - "Une seule chose est nécessaire." Et tel est ce qu'il dit: parce que je suis unique, c'est-à-dire parce que je tends à l'unique. Ensuite, qu'il soit contempteur des choses mondaines, autrement il n'est pas unique et ne plaira pas à Dieu seul. C'est pourquoi il dit: parce que je suis pauvre, c'est-à-dire parce que je méprise toutes choses à cause de toi.

17 Les tribulations de mon coeur se sont multipliées; arrache-moi à mes contraintes. 18 Vois mes humiliations et ma peine, et remets-moi toutes mes fautes.

2. Ici il expose trois choses relatives à son adversité: deux choses concernant sa peine, et la troisième touchant sa faute.

a. Or il y a deux sortes de peine. L'une est infligée par nécessité. L'autre est assumée par la volonté. Les peines infligées font deux choses: elles affligent intérieurement le coeur, et contraignent extérieurement le corps.

- En relation avec l'affliction du coeur il dit: Les tribulations de mon coeur se sont multipliées, c'est-à-dire par divers événements, et en raison des nombreuses tribulations qui arrivent, celles-ci pénètrent jusqu'au coeur, comme des tribules piquants: "Mes gémissements sont nombreux, et mon coeur est triste."

- En relation avec l'affliction du corps il dit: arrache-moi à mes contraintes. Les tribulations appellent des contraintes, en tant que les tribulations sont utiles, selon ce qui est écrit dans l'épître aux Romains: "La tribulation produit la patience; la patience, l'épreuve; et l'épreuve l'espérance; or l'espérance ne confond point."

- "La patience rend les oeuvres parfaites." Selon la Glose: "La patience n'est pas vaincue, le parfait est éprouvé." Et c'est pourquoi elles sont utiles en tant qu'elles humilient: "Bien plus nous nous glorifions même dans les tribulations, sachant que la tribulation produit la patience, etc." Ou bien, on appelle tribulations les pénuries: "Il t'a affligé par la disette." De même il est écrit dans l'épître aux Romains: "Subvenant aux contraintes des saints." Ou bien, elles sont appelées tribulations à cause de la violence qui est une contrainte. Mais l'affliction assumée intérieurement est une humilité d'esprit devant Dieu, c'est pourquoi il dit: Vois, c'est-à-dire considère mon humilité: "Il a tourné son regard vers l'humilité de sa servante." De même l'affliction, qui est une peine, est aussi une humilité manifestée extérieurement, aussi dit-il: et ma peine. - "Ils ne seront pas sujets à la peine des hommes, et avec les autres [hommes) ils ne seront pas frappés." À propos des hommes de bien il est écrit dans la Sagesse: "Le fruit des bons labeurs est glorieux."

b. Au sujet de la faute il dit: remets-moi toutes mes fautes. - "Tes péchés seront remis quand tu le demanderas." Et notez qu'on obtient la rémission des péchés de trois manières:

- Par les tribulations qui opèrent la rémission des péchés, si on les supporte avec patience: "Au temps de la tribulation tu remets les péchés à ceux qui t'invoquent. [ après la tempête tu fais le calme et après les larmes et les soupirs tu répands la joie."

- De même par l'humilité: "Puisque Achab s'est humilié devant moi, je n'amènerai pas le malheur en ses jours."

- "D'un coeur contrit et humilié, ô Dieu, tu n'auras point de mépris."

- Semblablement par la peine: "Il regarda notre humiliation, notre peine et nos angoisses, et il nous retira de l'Égypte par une main forte." Et c'est pourquoi il dit: remets-moi toutes mes fautes.

19 Regarde combien mes ennemis se sont multipliés, et comme ils m'ont haï d'une haine inique.

B. Ici le psalmiste prie en demandant du secours contre ses adversaires.

1) Et il amène d'abord Dieu à considérer ses ennemis.

2) Puis il demande du secours contre eux: Garde mon âme.

3) Enfin il en donne la raison: que je ne rougisse point.

1. Ainsi dit-il: Regarde, avec l'oeil de la miséricorde, combien mes ennemis, afin de les prendre en pitié et de les convertir: "Priez pour ceux qui vous persécutent et vous calomnient." - "Lorsque sa voie plaira à Dieu, il réduira à la paix ses ennemis eux-mêmes." Et je demande cela en priant, car c'est alors que j'obtiendrai la paix. combien [ils] se sont multipliés. - "Nombreux sont ceux qui me persécutent et qui me tourmentent." et ils m'ont haï d'une haine inique. Il y a deux sortes de haines. La première haine est bonne, c'est lorsqu'on hait le péché ou le pécheur à cause de la faute: "Je les haïssais d'une haine parfaite." Semblablement il y a une haine inique, c'est lorsqu'on hait la nature ou la justice, c'est pourquoi il dit: ils m'ont haï d'une haine inique, c'est-à-dire injuste et sans raison: "C'est afin que s'accomplisse la parole qui est écrite dans la Loi: Ils m'ont haï sans raison."

20 Garde mon âme, et délivre-moi; que je ne rougisse point, parce que j'ai espéré en toi.

21 Les [hommes] innocents et droits se sont attachés à moi, parce que je t'ai attendu.

2. Le psalmiste demande ici du secours contre ses ennemis, car ils sont nombreux et iniques, et c'est pourquoi il sollicite un double secours.

a. Il demande d'abord que Dieu le garde dans les persécutions de crainte qu'elles ne l'emportent sur lui temporellement ou spirituellement, ou bien qu'il le garde afin qu'il ne tombe pas dans le péché.

b. Puis, qu'il le délivre des maux, c'est pourquoi il dit: et délivre-moi, c'est-à-dire totalement des maux, afin de jouir de l'abondance dans la Patrie.

3. Il donne la première raison quand il dit: que je ne rougisse point, car si tu ne me délivres et ne me gardes, je tomberai dans la confusion. Et cela ne doit pas arriver, parce que j'ai espéré en toi. - "Il n'est point de confusion pour ceux qui se confient en toi." L'autre raison, c'est que tes amis s'appuient sur moi. Parfois Dieu libère quelqu'un non à cause de ses propres mérites, mais de crainte que les amis de Dieu ne périssent avec celui sur lequel ils s'appuient, c'est pourquoi il dit: Les [hommes] innocents et droits se sont attachés à moi. Sont appelés innocents ceux qui s'écartent du mal, droits ceux qui accomplissent le bien: "Tout animal aime son semblable." Et pourquoi ? parce que je t'ai attendu, c'est-à-dire parce que j'ai espéré en toi: "Que ton coeur se fortifié, et attends le Seigneur." Une version de Jérôme lit: "Simplicitas et veritas (Simplicité et vérité)."

22 Ô Dieu, libère Israël de toutes ses tribulations.

Ici le psalmiste expose sa demande en faveur de tout le peuple, aussi dit-il: Ô Dieu, libère Israël, c'est-à-dire ce peuple, ou bien ceux que tu as prédestinés à voir Dieu. de toutes ses tribulations. Et cela aura lieu dans la Patrie, lorsque s'accomplira ce que rapporte l'Apocalypse: "Dieu essuiera toute larme de leurs yeux, et il n'y aura plus ni mort, ni deuil, ni cri."

 

 

COMMENTAIRE DU PSAUME 25

Pour la fin. Psaume de David.

1 Juge-moi, Seigneur, parce que moi j'ai marché dans mon innocence; et espérant dans le Seigneur, je ne serai pas affaibli.

2 Éprouve-moi, Seigneur, et sonde-moi; brûle mes reins et mon coeur.

3 Parce que ta miséricorde est devant mes yeux, et je me suis complu dans ta vérité.

4 Je n'ai pas siégé dans un conseil de vanité, et je n'entrerai pas avec les artisans d'iniquité. 5 J'ai haï l'assemblée des méchants, et je ne siégerai pas avec des impies.

6 Je laverai mes mains parmi les innocents, et je me tiendrai autour de ton autel, Seigneur. 7 Afin que j'entende la voix de ta louange, et que je raconte toutes tes merveilles.

8 Seigneur, j'ai aimé la beauté de ta maison, et le lieu où habite ta gloire.

9 Ne perds pas, ô Dieu, mon âme avec les impies, ni ma vie avec les hommes de sang; 10 dans les mains desquels sont des iniquités, leur droite est pleine de présents. 11 Mais moi, j'ai marché dans mon innocence, rachète-moi et aie pitié de moi.

12 Mon pied s'est tenu dans le droit chemin; dans les assemblées, je te bénirai, Seigneur.

 

Pour la fin. Psaume de David.

1 Juge-moi, Seigneur, parce que moi j'ai marché dans mon innocence; et espérant dans le Seigneur, je ne serai pas affaibli.

2 Éprouve-moi, Seigneur, et sonde-moi; brûle mes reins et mon coeur

Plus haut le psalmiste a exposé sa prière contre les tribulations, mais ici pour que sa prière soit agréée, il expose sa justice. Le titre de ce psaume est clair, car il n'est pas nouveau. Le psalmiste fait deux choses dans ce psaume.

I) Il commence par exprimer d'une manière générale toute son intention.

II) Puis il l'expose en particulier: 4 Je n'ai pas siégé dans un conseil de vanité.

I. En exprimant d'une manière générale toute son intention, il fait trois choses.

A) Il demande d'abord le jugement.

B) Puis il allègue sa justice: parce que moi.

C) Il justifie sa présomption: 3 Parce que ta miséricorde.

A. David se voyant dans sa propre personne ou dans celle du juste, mêlé à la condition des pécheurs sans l'avoir mérité, demande d'en être séparé, aussi dit-il: Seigneur, juge-moi, c'est-à-dire sépare-moi de ceux-ci.

Cependant il est écrit: "N'entre pas en jugement avec ton serviteur; car en ta présence nul homme vivant ne sera justifié."

On répondra en disant qu'il y a deux sortes de jugement: un jugement sévère et rigoureux, et ce n'est pas ce jugement qu'il demande, car nul ne peut le porter; l'autre est un jugement de miséricorde et de discernement, et tel est celui qu'il sollicite: "Corrige-moi, Seigneur, mais cependant dans ta justice, et non dans ta fureur", c'est-à-dire non dans ta sévérité.

B. Et il expose son innocence, aussi dit-il: parce que j'ai marché dans mon innocence, c'est-à-dire j'ai progressé dans mon innocence, ou j'ai marché, parce que notre vie est une marche en avant: "Je te conduirai par les sentiers de l'équité, lorsque tu y seras entré, tes pas ne seront pas gênés; et si tu cours, tu ne trouveras pas de pierre d'achoppement." Et cela dans mon innocence que j'ai la ferme intention de garder: "L'innocent sera sauvé, mais il sera sauvé à cause de la pureté de ses mains." je ne serai pas affaibli. Une version de Jérôme lit: "Non deficiam (je ne défaillirai pas)", c'est-à-dire dans cette innocence à garder: "Jusqu'à ce que je défaille, je ne me désisterai pas de mon innocence"; et je ferai cela non par mes propres forces, mais par ma confiance dans le secours divin, parce que espérant dans le Seigneur, je ne serai pas affaibli. - "Tous ceux qui espèrent en Dieu ne s'affaiblissent point."

Cependant, cela semble une présomption, car il est écrit: "Si je veux me justifier, ma propre bouche me condamnera."

On répondra en disant que l'allégation de l'innocence peut parfois provenir de l'orgueil, c'est-à-dire lorsque quelqu'un l'attribue à soi, et c'est un mal; parfois elle vient de la miséricorde divine, et c'est un bien, aussi ajoute-t-il: Parce que ta miséricorde. Mais d'où sais-tu que toi tu es innocent ? Toi, Seigneur, éprouve cela. Et il expose trois choses: l'épreuve, la tribulation et la tentation. La deuxième chose découle de la première, la troisième de la deuxième.

Ainsi dit-il: Éprouve-moi, Seigneur, non pour que tu saches quelque chose à mon sujet par cette épreuve, mais afin que tu le montres aux autres. L'homme est très éprouvé par la tentation qui est une mise à l'épreuve: la tentation est l'acceptation de la mise à l'épreuve à propos de ce qu'on ignore, tandis que l'épreuve relève de ce qu'on sait par la manifestation de la vertu. Et c'est pourquoi il dit: Tente-moi, c'est-à-dire pour que j'apparaisse éprouvé à mes yeux et aux yeux des autres, car Dieu ne tente pas en vue du mal: "Car Dieu est incapable de tenter et de pousser au mal." Mais on dit que Dieu tente lorsque certaines dispositions se révèlent à partir d'une très grande difficulté. Et cette tentation survient à travers le feu, comme on le dit dans la Sagesse: "Il les a éprouvés comme l'or dans la fournaise." Et c'est pourquoi il dit: brûle mes reins et mon coeur, c'est-à-dire envoie des tribulations à travers lesquelles se manifeste ce qu'il y a dans mon coeur et dans mes reins. Au coeur est attribué la pensée, aux reins la jouissance sensible. Et cela se manifeste à travers les tribulations, car ceux qui jouissent des biens terrestres sont beaucoup plus ébranlés lorsqu'ils les perdent, mais non ceux qui n'en jouissent pas. Ou bien on peut appliquer cela au feu du Saint-Esprit: "Je suis venu jeter un feu sur la terre", autrement dit: montre ton secours, envoie ton feu qui brûle tout ce qu'il y a de charnel dans mes jouissances, et de vain dans ma pensée.

3 Parce que ta miséricorde est devant mes yeux, et je me suis complu dans ta vérité.

C. Ici le psalmiste se justifie de deux manières à propos de sa demande d'être tenté. La première émane de sa pensée, car il pense à la miséricorde de Dieu, quand il dit: Parce que ta miséricorde est devant mes yeux, autrement dit: je demande d'être tenté parce que je me confie dans ta miséricorde, qui abonde toujours avec la tentation: "Je me souviendrai des miséricordes du Seigneur, je louerai le seigneur pour tout ce qu'il m'a fait." Semblablement la deuxième manière vient de son amour de la justice. et je me suis complu dans ta vérité, c'est-à-dire si tu me punis à cause de mes péchés, cela me plaît; si je suis tenté, je sais que tu me rémunéreras.

4 Je n'ai pas siégé dans un conseil de vanité, et je n'entrerai pas avec les artisans d'iniquité. 5 J'ai haï l'assemblée des méchants, et je ne siégerai pas avec des impies.

II. Ici il explique son intention en particulier.

A) Et il expose d'abord sa propre innocence.

B) Ensuite il sollicite une demande: 9 Ne perds pas, ô Dieu, mon âme avec les impies.

A. Il montre donc sa propre innocence.

1) Et d'abord par l'éloignement du mal.

2) Ensuite par l'accès au bien: 6 Je laverai.

1. Il y a trois sortes de maux qui correspondent à trois péchés. Ou bien il y a le péché contre Dieu, ou contre le prochain, ou contre soi.

a. Contre soi, ce sont les péchés de vanité par lesquels l'homme jouit vainement des biens terrestres; et à propos de ces derniers il dit: Je n'ai pas siégé dans un conseil de vanité, autrement dit: je ne dis pas en vérité que je n'aurais jamais été avec eux en quelque circonstance, car il peut parfois arriver à l'homme de jouir des biens terrestres, mais il dit: Je n'ai pas siégé. - "Jamais je ne me suis mêlé à ceux qui se divertissent, et je ne me suis pas lié avec ceux qui se conduisent avec légèreté."

b. Les péchés qui se commettent contre le prochain sont ceux qui sont engendrés par les actes, c'est pourquoi il dit: et je n'entrerai pas avec les artisans d'iniquité, c'est-à-dire non seulement je n'ai pas siégé, etc., mais je ne suis pas entré, c'est-à-dire en aucune manière je ne me suis mêlé à eux: "Mon fils, si des pécheurs veulent te séduire, n'y acquiesce pas. Mon fils, ne marche pas avec eux, écarte ton pied de leurs sentiers." Il y a aussi les péchés prémédités dans le coeur, c'est pourquoi il dit: J'ai haï l'assemblée des méchants, c'est-à-dire la réunion des méchants: "J'ai eu en haine les hommes iniques", c'est-à-dire la faute et l'iniquité.

c. Enfin il expose le péché contre Dieu, et c'est l'impiété; c'est pourquoi il dit: et avec les impies, c'est-à-dire avec les hérétiques et les schismatiques, je ne siégerai pas, c'est-à-dire je ne partagerai pas leurs doctrines: "Ne vous laissez point emporter par des doctrines diverses et étrangères."

6 Je laverai mes mains parmi les innocents, et je me tiendrai autour de ton autel, Seigneur. 7 Afin que j'entende la voix de ta louange, et que je raconte toutes tes merveilles.

2. Plus haut le psalmiste a montré sa propre innocence en se séparant du mal, mais ici il la montre en s'appliquant aux biens. Et parce que les biens, dont l'application nous rend justes, sont les biens divins, c'est pourquoi il dit qu'il se consacre en personne à ceux-ci. À cet égard il fait deux choses:

a) Il expose d'abord son application.

b) Ensuite il mentionne son effet: Seigneur, j'ai aimé la beauté de ta maison.

a. En exposant son application il fait trois choses:

- Il fait connaître sa disposition à l'égard du culte divin.

- Ensuite il expose le culte divin proprement dit: je me tiendrai autour de ton autel.

- Enfin son fruit: Afin que j'entende la voix de ta louange.

- Sa disposition est faite de pureté et d'innocence: "Seigneur, qui habitera dans ta tente, et qui reposera sur ta montagne sainte ?" - "Celui dont les mains sont innocentes et le coeur pur." Et c'est pourquoi, afin d'approcher avec une disposition pure, il traite de la pureté. Il dit donc: Je laverai mes mains parmi les innocents, c'est-à-dire mes oeuvres qui sont principalement lavées par Dieu, à travers la grâce qu'il répand: "Lave-moi complètement de mon iniquité, et purifie-moi de mon péché." Elles sont aussi lavées par nous à travers la pénitence: "Lavez-vous, purifiez-vous, ôtez le mal de vos pensées de devant mes yeux; cessez d'agir avec perversité; apprenez à bien faire, cherchez la justice, venez au secours de l'opprimé, jugez l'orphelin, défendez la veuve." Je laverai, c'est-à-dire je m'appliquerai à la pénitence afin qu'elles soient lavées. Et cela, parmi les innocents, parce que les moeurs se forment à partir de la vie commune: "Avec l'innocent, tu seras innocent; et avec l'élu, tu seras l'élu, et avec le pervers, tu agiras selon sa perversité." Et ainsi purifié je m'approcherai du culte divin.

- et je me tiendrai autour de ton autel, Seigneur, car ou bien il prie, ou bien il se tient debout près de l'autel. Il est écrit dans l'Ecclésiastique à propos de Simon le grand prêtre: "Il se tenait lui-même debout près de l'autel." Et c'est pourquoi le prêtre, lorsqu'il va commencer la célébration du Sacrement, dit: Je laverai. Ou bien, on peut l'entendre de l'autel spirituel. L'autel est dans le temple, et de même qu'il y a trois sortes de temples, il y a aussi trois sortes d'autels. Le premier est l'homme juste: "Ne savez-vous pas que vos membres sont le temple de l'Esprit-Saint ?" L'autel de ce temple est le coeur: "Le feu", c'est-à-dire de la charité, "brûlera toujours sur l'autel", c'est-à-dire dans le coeur. Nous devons entourer cet autel, ou nous tenir près de lui, c'est-à-dire l'orner, en revenant toujours au Christ: "Garde ton coeur en toute vigilance, parce que c'est de lui que la vie procède." L'autre temple est l'Église, et l'autel de ce temple est le Christ: "Nous avons un autel dont n'ont pas le droit de manger ceux qui servent dans le tabernacle." Ou bien il s'agit de la foi. Et nous devons entourer cet autel, afin d'être de tout notre coeur autour de lui. Le troisième temple, c'est Dieu lui-même: "Je ne vis point de temple dans la cité, parce que le Seigneur tout-puissant et l'Agneau en sont le temple", et l'autel de ce temple c'est la miséricorde de Dieu. Et nous devons entourer cet autel par le désir de notre coeur: "Le Seigneur est doux pour tous, et ses commisérations s'étendent sur toutes ses oeuvres."

- Enfin il en montre le fruit. Et il y a deux sortes de fruits: entendre et raconter, aussi dit-il: Afin que j'entende la voix de ta louange. Et il dit cela au sens littéral à propos de l'autel matériel, parce que ce sacrifice est tout à fait accepté par Dieu: "C'est un sacrifice de louange qui m'honorera." Il s'agit aussi de la louange que l'Esprit-Saint fait retentir en nous: "J'écouterai ce que dira au-dedans de moi le Seigneur Dieu." Et semblablement de la louange dans le ciel: "Ils obtiendront la joie et l'allégresse, et la douleur fuira ainsi que le gémissement." Ou bien: J'écouterai la voix de ta louange, c'est-à-dire du Christ me louant; et cela aura lieu au jugement dernier lorsqu'il dira: "J'ai eu faim, et vous m'avez donné à manger; j'ai eu soif, et vous m'avez donné à boire: j'étais sans asile, et vous m'avez recueilli; nu et vous m'avez vêtu, malade et vous m'avez visité; en prison, et vous êtes venus a moi." Mais dans l'Apocalypse il est écrit: "Que celui qui entend dise: Viens." Aussi entendons-nous dans le but de le dire aux autres: "Ce que j'ai appris du Seigneur des armées, Dieu d'Israël, je vous l'ai annoncé." Et c'est pourquoi il ajoute: "Le Seigneur n'a-t-il pas fait publier par ses saints toutes ses merveilles, qu'il a confirmées, lui, le Seigneur tout-puissant, pour qu'elles soient stables dans sa gloire ?" Et il dit: toutes tes merveilles quant à son effet ou son effort, non quant à l'effet selon Dieu, car il est lui-même plus grand que toute louange.

8 Seigneur, j'ai aimé la beauté de ta maison, et le lieu ou habite ta gloire.

b. Ici il montre la disposition qu'il a à l'égard du culte divin, qui, comme il sied, doit être un sentiment d'amour. Voilà pourquoi il dit: Seigneur, j'ai aimé la beauté de ta maison. Selon Denys, "le bien et le beau sont un objet d'amour pour tous les êtres". C'est pourquoi tout homme aime le beau: les charnels aiment le beau charnel, les spirituels aiment le beau spirituel, et c'est la beauté de la maison de Dieu: "Que tes tabernacles sont beaux, ô Jacob, et tes tentes, ô Israël ! Elles sont comme des vallées bien boisées, comme des jardins arrosés d'eau le long des fleuves, comme des tabernacles qu'a dressés le Seigneur." Or cette beauté est faite de bonnes oeuvres, ou de dons divins, ou des saints eux-mêmes, car toutes choses sont comme une beauté de la maison de Dieu. Or toutes ces choses, moi je les ai aimées, afin qu'elles me rendent apte à orner la maison de Dieu. Ainsi donc est manifestée sa disposition, qui est faite d'amour, de beauté et de grâce. Mais il faut savoir que cette beauté est due à l'habitation de Dieu, comme une maison n'est belle que dans la mesure où elle est habitée; aussi moi je l'ai aimée afin que tu habites en moi, ou bien j'ai aimé la Patrie afin d'y habiter, ou de tendre vers elle. Et c'est pourquoi il dit: et le lieu où habite ta gloire. Et toutes ces choses, c'est-à-dire les bonnes oeuvres, les dons de Dieu, et les saints eux-mêmes, sont la beauté de la maison de Dieu, en tant que brille sur eux la grâce divine qui embellit comme la lumière, ainsi que le dit Ambroise, parce que sans lumière toutes les choses sont laides: "La majesté du Seigneur entra dans le temple par la porte qui regardait l'Orient."

9 Ne perds pas, ô Dieu, mon âme avec les impies, ni ma vie avec les hommes de sang; 10 dans les mains desquels sont des iniquités, leur droite est pleine de présents. 11 Mais moi, j'ai marché dans mon innocence, rachète-moi et aie pitié de moi.

B. Ici le psalmiste explique la demande du jugement qu'il sollicite; et il explicite quel jugement il sollicite, et demande deux choses.

1) Il demande d'abord d'être séparé des maux qui peuvent arriver dans l'avenir.

2) Ensuite des maux dont il souffre dans le présent: rachète-moi.

1. Il expose donc d'abord sa demande. Il faut savoir ici que le châtiment de Dieu est réservé à deux genres d'hommes: a ceux qui sont impies ou qui pèchent contre Dieu: "L'impiété de l'impie sera sur lui." Et c'est pourquoi il dit: Ne perds pas, ô Dieu, etc., autrement dit: Si ici-bas je suis affligé et si je souffre de maux terrestres avec les impies, cependant ne perds pas mon âme avec eux. Semblablement le châtiment est réservé aux impies qui pèchent contre le prochain, c'est pourquoi il dit: ni ma vie avec les hommes de sang. - "Les hommes de sang et trompeurs." Dans cette catégorie entrent tous ceux qui offensent le prochain en quelque manière. Et on distingue trois sortes de sang:

a. La première, qui est produite par la nourriture et la boisson, c'est pourquoi la nourriture et la boisson sont appelés sang des pauvres: "Le pain des indigents est la vie des pauvres; celui qui le leur ôte est un homme de sang."

b. La deuxième, c'est le sang de l'homme, et l'homicide le répand.

c. La troisième, c'est le sang de la semence en vue de la conservation de l'espèce, et le fornicateur le répand, car il n'agit pas en vue d'engendrer.

dans les mains desquels sont les iniquités, autrement dit: je demande cela, à savoir que je sois alors séparé de ces derniers, puisqu'à présent je suis séparé d'eux par ma conversion et ma vie, puisque dans leurs mains sont des iniquités, c'est-à-dire qu'ils sont très enclins au mal: "Leurs pieds courent au mal, et ils se hâtent afin de verser le sang." - "Une oeuvre d'iniquité est dans leurs mains." Semblablement il est question de l'inclination de leurs passions vers les choses terrestres, aussi dit-il: leur droite est pleine de présents.

- "Un feu dévorera les tentes de ceux qui reçoivent volontiers des présents." Ou bien: leur droite est pleine de présents, autrement dît: bien qu'ils soient eux-mêmes iniques, cependant tu leur donnes des biens temporels, et en ceux-ci consiste leur récompense: "Ils ont reçu leur récompense." Puis il se décrit en disant: Mais moi, j'ai marché dans mon innocence, autrement dit: je demande cela afin que, tout comme tu leur prépares des maux, tu me prépares des biens, selon ce qui est écrit au psaume 83: "Il ne privera pas de biens ceux qui marchent dans l'innocence."

2. Ensuite il demande d'être libéré des maux présents. Les maux qui appartiennent à l'homme peuvent être de deux sortes: ou bien ce sont des maux extérieurs, et il demande d'en être libéré, aussi dit-il: rachète-moi, en tant qu'esclave des maux qui m'accablent. Et il fait aussi allusion à la Rédemption du genre humain. Ou bien ce sont des maux intérieurs, et il demande d'en être libéré, aussi dit-il: Aie pitié de moi, car l'adversité regarde spécialement le mal intérieur: "Le péché rend les peuples malheureux."

12 Mon pied s'est tenu dans le droit chemin; dans les assemblées, je te bénirai, Seigneur.

Ici le psalmiste expose la raison pour laquelle il demande cela, et elle est double. L'une se fonde sur le passé: c est la rectitude de sa vie, aussi dit-il: Mon pied, c'est-à-dire mon coeur, ou ma marche, s'est tenu dans le droit chemin. De même, l'autre se fonde sur le futur: je me propose de toujours te servir, aussi dit-il: dans les assemblées, je te bénirai, Seigneur, c'est-à-dire en présence de la multitude: "J'ai annoncé ta justice dans une grande assemblée." Et il dit cela au pluriel à cause du grand nombre des Églises particulières, comme le dit l'Apocalypse.

 

 

 

COMMENTAIRE DU PSAUME 26

Pour la fin.

1 Psaume de David, avant qu'il fût oint. Le Seigneur est ma lumière et mon salut, qui craindrai-je ? Le Seigneur est le protecteur de ma vie; par qui serai-je intimidé ?

2 Tandis que des méchants s'apprêtent à fondre sur moi, pour manger mes chairs, mes ennemis qui me tourmentent ont été eux-mêmes affaiblis et sont tombés.

3 Si des camps s'établissent contre moi, mon coeur ne craindra pas. Si un combat est livré contre moi, j'y mettrai mon espérance.

4 J'ai demandé une seule chose au Seigneur, je la rechercherai: c'est d'habiter dans la maison du Seigneur tous les jours de ma vie; c'est de voir les délices du Seigneur et de visiter son temple.

5 Car il m'a caché dans son tabernacle; au jour des malheurs il m'a protégé dans le secret de son tabernacle.

6a Il m'a élevé sur un rocher; et maintenant il a élevé ma tête au-dessus de mes ennemis.

6b J'ai tourné autour [de son autel], et j'ai immolé dans son tabernacle une hostie [avec] des cris de joie; je chanterai, et dirai un psaume au Seigneur.

7 Exauce, Seigneur, ma voix par laquelle j'ai crié vers toi: aie pitié de moi, et exauce-moi.

8 Mon coeur t'a parlé, ma face t'a recherché; ta face, Seigneur, je la rechercherai.

9a Ne détourne pas ta face de moi: ne te retire point, dans ta colère, de ton serviteur.

9b Sois mon aide; ne m'abandonne pas, ne me méprise pas, ô Dieu, mon sauveur. 10 Parce que mon père et ma mère m'ont abandonné; mais le Seigneur m'a recueilli.

11 Prescris-moi, Seigneur, une loi [à suivre] dans ta voie; et dirige-moi dans une voie droite à cause de mes ennemis.

12 Ne me livre pas aux âmes de ceux qui m'affligent; parce que se sont élevés contre moi des témoins iniques, et que l'iniquité a menti contre elle-même.

13 Je crois que je verrai les biens du Seigneur dans la terre des vivants.

14 Attends le Seigneur, agis virilement; et que ton coeur se fortifie, et patiente avec le Seigneur.

 

1Psaume de David, avant qu'il fût oint. Le Seigneur est ma lumière et mon salut, qui craindrai-je ? Le Seigneur est le protecteur de ma vie; par qui serai-je intimidé ? 2 Tandis que des méchants s'apprêtent a fondre sur moi, pour manger mes chairs, mes ennemis qui me tourmentent ont été eux-mêmes affaiblis et sont tombés.

Après avoir d'abord parlé de sa prière, le psalmiste poursuit en exprimant ici la confiance qu'il en a conçue; et à cet égard il fait deux choses.

Il expose d'abord la confiance conçue.

Puis il prie de nouveau, afin de ne pas faillir dans sa confiance: "Vers toi, Seigneur, je crierai."

Le titre de ce psaume est: Pour la fin. Psaume de David, avant qu`il fût oint. Il faut noter, comme la Glose le rapporte au sens large, que David fut oint comme roi à trois reprises.

D'abord, par Samuel. Et à ce moment-là il ne fut pas roi, mais reçut l'insigne de la royauté: "Samuel prit la corne d'huile, et l'oignit au milieu de ses frères: et l'Esprit du Seigneur descendit sur David en ce jour-là et dans la suite" car depuis ce moment-là il fut prophète, selon Jérôme et Flavius Josèphe.

Puis, à Hébron: "Vinrent les hommes de Juda, et ils oignirent David comme roi sur la maison de Juda."

Enfin, lorsque Isboseth, fils de Saül, fut tué, David régna sur tout Israël. Ces deux onctions étaient regardées comme une seule, car l'une et l'autre durent être acquises en vue de la dignité actuelle du royaume. A l'occasion de la première onction, David souffrit la persécution de la part de Saül, mais après la deuxième et la troisième onction il régna en paix.

Mais on peut faire une objection à propos d'Absalom.

On répondra en disant qu'il n'a pas souffert la persécution de la part des étrangers, mais d'Absalom et de Séba, et c'est pourquoi il composa ce psaume avant la deuxième onction. Mais il semble préférable de référer les deux onctions au Christ dans le Nouveau Testament, c'est-à-dire comme roi et prêtre. Et le Christ fut oint de l'huile de l'Esprit-Saint: "Ton Dieu t'a plus excellemment oint d'une huile de joie que ceux qui participent à l'onction avec toi", comme roi et comme prêtre. Et cette onction descend jusqu'à nous: "Comme le parfum répandu sur la tête, qui descend sur la barbe d'Aaron." - "Nous avons tous reçu de sa plénitude." Nous sommes donc d'abord oints de l'onction sacerdotale en préfiguration du royaume futur: car nous sommes rois et libres. Et parce que nous souffrons encore de nos ennemis, nous serons ensuite oints d'une double gloire actuelle: avec la parure de gloire de l'âme et du corps. Le Christ, lui, fut d'abord oint de l'onction de la grâce, ensuite de la gloire.

Ce psaume se divise en trois parties.

I) Dans la première partie, le psalmiste expose la confiance qui lui vient de Dieu.

II) Dans la deuxième il montre le désir né de la confiance: 4 J'ai demandé une seule chose au Seigneur

III) Enfin il expose l'accomplissement du désir: 7 Exauce, Seigneur, etc.

I. En exposant sa confiance conçue de Dieu, le psalmiste fait trois choses:

A) Il rappelle d'abord les bienfaits qui lui ont été accordés par Dieu, voilà pourquoi il ne craint pas, mais est en sécurité.

B) Ensuite il rappelle les obstacles disposés par Dieu contre les ennemis: Tandis que des méchants s'apprêtent à fondre sur moi.

C) Enfin il montre la confiance qui lui vient de Dieu: Si des camps s'établissent contre moi.

A. Il faut noter qu'on est parfois provoqué à la crainte par une cause intérieure, parfois par une cause extérieure. Aussi le psalmiste commence-t-il par exposer le secours contre la première cause. Puis contre la seconde: Le Seigneur est le protecteur

1. Il y a en effet une double cause intrinsèque à la crainte: l'ignorance et la faiblesse; c'est pourquoi on craint davantage dans les ténèbres. La seconde cause de la crainte est la faiblesse; et contre ces causes il y a un remède donné par Dieu. Contre la première il y a la lumière, aussi dit-il: Le Seigneur est ma lumière. - "Lorsque je serai assise dans les ténèbres, le Seigneur est ma lumière." Contre la seconde il y a le salut, d'où ce qui suit. et mon salut. - "En Dieu est mon salut et ma gloire, il est le Dieu de mon secours, et mon espérance est en Dieu." Et c'est pourquoi il montre sa confiance: qui craindrai-je, ainsi éclairé ? - "Qui es-tu pour craindre un homme mortel, et le fils d'un homme, qui comme l'herbe séchera ?" - "C'est Dieu qui justifie, quel est celui qui condamnerait ?" Et: "Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous ?"

2. La cause extrinsèque est l'homme qui s'oppose; mais il ne faut pas davantage le craindre, car le Seigneur s'oppose à lui comme un bouclier; aussi dit-il: Le Seigneur est le protecteur de ma vie. - "Moi je suis ton protecteur et ta récompense sera grande à l'infini." Et c'est pourquoi il dit: par qui serais-je intimidé ? Par qui, si on le prend au masculin, en voici le sens: par qui, c'est-à-dire par quel homme. Si on le prend au neutre, le sens est: par quelle chose. Et ainsi il ne faut rien craindre, ni l'homme, ni aucune chose.

2 Tandis que des méchants s'apprêtent à fondre sur moi, pour manger mes chairs, mes ennemis qui me tourmentent ont été eux-mêmes affaiblis et sont tombés.

B. Tandis que des méchants s'apprêtent à fondre sur moi. Et parce qu'on pourrait dire que Dieu est aussi celui qui éclaire les ennemis, il écarte cela en disant que Dieu leur résiste.

1) Et le psalmiste mentionne d'abord leur tentative.

2) Puis il expose l'empêchement qui leur survient: ils ont été eux-mêmes affaiblis, etc.

1. En mentionnant d'abord leur tentative il fait trois choses: a) Il fait d'abord mention de leur outrage présomptueux.

b) Puis de leur action perverse.

c) Enfin de la conséquence mauvaise de leur dessein.

a. A propos de leur outrage présomptueux il dit: Tandis que des méchants s'apprêtent à fondre sur moi, c'est-à-dire ayant une volonté de nuire. sur moi, c'est-à-dire voulant me surpasser: "Ses ennemis sont devenus maîtres, ses adversaires se sont enrichis, parce que le Seigneur a parlé contre elle à cause de la multitude de ses iniquités: ses petits enfants ont été emmenés en captivité devant la face de l'oppresseur."

b. A propos de leur action perverse, leur but est d'opprimer gravement: pour manger mes chairs, c'est-à-dire ma vie corporelle: "Comme l'enfer, engloutissons-le vivant et entier." - "Ils ont mangé la chair de mon peuple, et ont arraché leur peau." Ou bien si ce ut (pour) est pris comme conséquence, alors en voici le sens: pour manger mes chairs, c'est-à-dire mes désirs charnels: car lorsque des méchants persécutent les bons, ces méchants, ou ces persécuteurs eux-mêmes, n'ont d'autre intention que l'oppression corporelle; et ceci correspond à la première explication; Dieu a une autre intention en permettant cela, celle de la purification de tout désir charnel; et ceci correspond à la seconde explication. C'est en ce sens que l'Apôtre dit: "Ceux qui sont au Christ ont crucifié leur chair avec ses vices et ses convoitises."

c. A propos de la conséquence mauvaise de leur dessein il dit: mes ennemis qui me tourmentent. - "Ceux qui me tourmentent tressailliront de joie, si je suis ébranlé." - ont été eux-mêmes affaiblis, parce qu'ils n'ont pas pu accomplir leur dessein, et sont tombés, parce qu'ils se sont élevés et ont été engloutis: "Le Seigneur est avec moi comme un guerrier vaillant; c'est pour cela que ceux qui me persécutent tomberont et seront sans force."

3 Si des camps s'établissent contre moi, mon coeur ne craindra pas. Si un combat est livré contre moi, j'y mettrai mon espérance.

C. L'homme doit trouver sa sécurité en ces deux circonstances:

1) D'abord au milieu de la machination de ses ennemis.

2) Ensuite au milieu de leurs coups endurés: Si un combat est livré contre moi.

1. Il dit: Le Seigneur est ainsi ma lumière, parce que mes ennemis tombent devant moi. Donc si des camps s'établissent contre moi, les camps sont là où sont établis les soldats, mon coeur ne craindra pas. Aussi longtemps que l'homme est dans le camp, il ne combat pas, mais se dispose et projette de combattre. Par camps on entend les desseins et les conjurations des méchants contre quelqu'un: "Un ange du Seigneur frappa le camp des Assyriens." - "La veille du matin étant venue, et voici que le Seigneur, jetant un regard sur le camp "des Assyriens", vit tous les corps des morts et, se retirant, il s'en alla." - mon coeur ne craindra pas, car le Seigneur est avec moi: "Place-moi auprès de toi, et que la main de qui que ce soit combatte contre moi."

2. Mais si un combat est livré contre moi, c'est-à-dire s'ils m'attaquent, et combattent contre moi, bien qu'ils soient nombreux, j'y mettrai mon espérance, car selon ces paroles: "La victoire à la guerre ne dépend pas d'une armée nombreuse, mais c'est du Ciel que la force vient." En effet, il est habituel à des amis de s'entraider lorsqu'ils sont combattus par des ennemis: "Tes consolations ont réjoui mon âme."

4 J'ai demandé une seule chose au Seigneur, je la rechercherai: c'est d'habiter dans la maison du Seigneur tous les jours de ma vie; c `est de voir les délices du Seigneur et de visiter son temple.

II. Plus haut le psalmiste a exposé la confiance conçue de sa prière; mais ici il expose son désir, qui naît de cette confiance; et à ce propos il fait deux choses.

A) Il explicite d'abord son désir.

B) Ensuite il attribue une cause à son désir: Car il m'a caché.

A. En explicitant d'abord son désir il fait trois choses:

1) décrit d'abord la qualité du désir.

2) Puis l'objet même de son désir: c'est d'habiter.

3) Enfin son intention ultime: c'est de voir les délices.

1. La qualité du désir consiste en deux choses: en l'unité et en la sollicitude; et l'une et l'autre relèvent de la perfection du désir. Car la perfection du désir dépend de la perfection de sa cause, c'est-à-dire de l'amour qui, lorsqu'il est parfait, rassemble toutes les forces dans l'unité, et les meut vers l'objet aimé. Car il y a, selon Augustin, le poids de celui qui aime. Or une chose pesante tend sans vaciller vers son lieu, mais il n'en est pas ainsi pour une chose qui ne pèse pas; ainsi l'amour divin fait tendre l'homme tout entier vers Dieu sans vaciller: "Car qu'y a-t-il pour moi dans le ciel, et hors de toi qu'ai-je voulu sur la terre ?" Selon Grégoire, la force de l'amour augmente l'ardeur de la recherche. Anne, la prophétesse, fit cela, elle qui ne s'éloignait pas du temple, servant Dieu nuit et jour dans les jeûnes et dans la prière. Et c'est pourquoi il est écrit: "Une seule chose est nécessaire"; aussi le psalmiste dit-il: J'ai demandé une seule chose, c'est-à-dire une chose unique, ou une unique requête: "Moi je n'ai qu'une petite prière à te faire; ne couvre pas ma face de confusion." Puis il sollicite, puisque l'amour est comme un aiguillon et un feu: "Ses lampes sont des lampes de feu." - "La charité de Dieu nous presse." Voilà pourquoi il dit: je la rechercherai. - "Si vous cherchez, cherchez." - "Cherchez et vous trouverez."

2. Ensuite il expose la chose demandée, aussi dit-il: c'est d'habiter dans la maison du Seigneur. On distingue deux sortes de maisons spirituelles du Seigneur, et la troisième est matérielle, c'est l'Église, demeure qui apporte le salut: "Ce n'est autre chose que la maison de Dieu et la porte du ciel", car en elle l'âme de l'homme est incitée à la piété. La maison spirituelle de Dieu, c'est l'Église militante: "Afin que tu saches comment te conduire dans la maison de Dieu, qui est l'Église du Dieu vivant, la colonne et le fondement de la vérité." L'autre, c'est l'Église triomphante: "Si cette maison de terre que nous habitons se détruit, nous avons une maison construite par Dieu, non par la main des hommes, et éternelle dans les cieux." Or cela peut s'entendre de l'une comme de l'autre, car cette maison est la voie qui y mène ainsi que sa porte: "Voici la porte du Seigneur, les justes y entreront." Et c'est pourquoi il faut désirer habiter dans cette maison, c'est-à-dire l'Église. Et cela tous les jours de ma vie, c'est-à-dire jusqu'à la fin: "C'est pour toujours le lieu de mon repos, j'y habiterai, puisque je l'ai choisie." Et on habite dans la maison de Dieu par la foi et la charité, et par la conformité des bonnes oeuvres: "Lui qui fait habiter dans sa maison ceux qui sont d'un même esprit." On est digne de louange parce qu'on habite toujours en elle et qu'on ne s'en sépare pas. Mais l'homme se sépare de l'Église par le péché, par l'excommunication, et par le schisme ou par l'hérésie. Donc celui qui habite en elle jusqu'à la fin, c'est-à-dire dans cette Église, habite en celle-ci pour toujours: "Bienheureux ceux qui habitent dans ta maison, Seigneur."

3. Le psalmiste poursuit en exposant enfin son intention, qui est de voir, etc. Et il expose deux choses: voir les délices du Seigneur, et visiter son temple. Une autre version lit: "Ut contempler habitationem (C'est de contempler l'habitation)." Une version de Jérôme lit: "Ut videam pulchritudinem Domini (De voir la beauté du Seigneur)." "Ut est tota merces (C'est toute [notre] récompense)", selon Augustin. Dans cette vision sont à désirer trois choses que l'homme désire voir naturellement.

a. D'abord, les choses qui sont belles. La beauté suprême est en Dieu lui-même, car la beauté est faite d'une forme harmonieuse; or Dieu est la forme elle-même informant toutes choses; c'est pourquoi il est écrit dans une version: "Ut videam delectationes Domini (De voir les délectations du Seigneur)." - "Si, en se délectant de leur beauté, il les ont cru des dieux, qu'ils sachent combien est plus beau leur dominateur; car c'est l'auteur de la beauté qui a établi toutes ces choses."

b. Puis désirer les choses délectables et fuir la tristesse; et c'est pourquoi une autre version lit: "Ut contemplem delectationes Domini (De contempler les délectations du Seigneur)", c'est-à-dire la bonté de Dieu dans laquelle se trouve la délectation suprême: "Des délectations sont à ta droite pour toujours."

c. Enfin désirer l'ordonnance des choses. D'où il est très délectable d'avoir la connaissance de toutes les choses qui sont en ce monde; et c'est pourquoi voir l'ordonnance de la providence divine est souverainement délectable. Et voilà pourquoi il dit: "De voir la volonté du Seigneur", c'est-à-dire le dessein voulu par Dieu et son ordonnance: "Afin que vous connaissiez combien la volonté de Dieu est bonne, agréable et parfaite." Or nous possédons ces choses en cette vie de manière imparfaite et par la foi; mais nous en aurons une parfaite possession dans la maison future, là où les saints contemplent Dieu face à face: "Pour nous tous, contemplant à face découverte la gloire du Seigneur, nous sommes transformés en la même image de clarté en clarté, comme par l'Esprit du Seigneur." Donc les saints qui sont dans la Patrie dirigent leur contemplation vers Dieu lui-même; et c'est pourquoi le psalmiste dit: de visiter son temple, c'est-à-dire de voir souvent son temple, à savoir l'humanité du Christ: "Mais il parlait du temple de son corps." Ou bien, de visiter, ou de voir l'ordonnance elle-même de l'Église: "Le temple de Dieu est saint, et vous êtes ce temple." Ou aussi de voir l'ordonnance du monde entier; c'est pourquoi on lit dans la version hébraïque de ce psaume: "Et au point du jour", c'est-à-dire que j'y demeure au point du jour: "Dès le matin je me présenterai devant toi."

5 Car il m'a caché dans son tabernacle; au jour des malheurs il m'a protégé dans le secret de son tabernacle.

B. Il donne ici la raison de son désir d'habiter dans la maison de Dieu, autrement dit: Pourquoi demandes-tu à habiter uniquement dans la maison de Dieu ? La raison est due aux bienfaits reçus; et à ce propos il fait deux choses.

1) Car il commence par exposer les bienfaits eux-mêmes.

2) Puis il ajoute la compensation: J'ai tourné autour [de son autel].

1. En parlant des bienfaits eux-mêmes

il fait deux choses: a) Il expose d'abord le bienfait de la protection contre le mal.

b) Puis le bienfait du progrès dans le bien: Il m'a élevé sur un rocher.

a. Au sujet de la protection contre le mal il fait deux choses:

- Il mentionne d'abord ce bienfait.

- Puis il en montre sa nécessité: au jour des malheurs.

- Ainsi dit-il: Pourquoi demandes-tu d'habiter dans la maison du Seigneur ? C'est parce qu'il m'a caché dans son tabernacle. Et selon le sens littéral, c'est lorsque David s'enfuit vers les lieux plus sûrs d'Engaddi et s'y cache. Voilà pourquoi le psalmiste parle dans la personne de celui qui fuit et qui se cache en un lieu. Au sens littéral, le tabernacle était le lieu dans lequel ceux qui priaient étaient protégés par le secours divin, et surtout dans le Saint des Saints où était le propitiatoire, et ainsi appelaient-ils tabernacle la défense proprement dite de Dieu, selon qu'il est écrit dans un psaume: "Il te mettra à l'ombre sous ses épaules, et sous ses ailes tu espéreras. Sa vérité t'environnera de son bouclier. Tu n'auras pas à craindre d'une terreur nocturne, d'une flèche volant dans le jour, d'une affaire qui marche dans des ténèbres, et de l'attaque d'un démon du midi", et dans le Deutéronome: "Il a étendu ses ailes, et l'a pris, et l'a porté sur ses épaules." Mais au sens mystique, le tabernacle peut être appelé l'humanité assumée, ou la chair du Christ dans laquelle il nous cache par la foi et l'espérance: "Votre vie est cachée avec le Christ en Dieu." Ou bien autrement, le tabernacle est appelé l'ordonnance de l'Église; et dans l'un comme dans l'autre se cache l'homme juste, car dans ce tabernacle certaines réalités sont cachées sous des apparences visibles: les réalités cachées sont invisibles et spirituelles, c'est là que demeurent les bons. Les méchants, eux, demeurent dans les choses extérieures: "Il y aura une tente pour ombrage dans le jour contre la chaleur."

- Mais qu'apporta cette retraite ? Au contraire elle m'était nécessaire au jour des malheurs, ou de tous ces malheurs qui étaient alors imminents. Et semblablement, car lorsque les ennemis ou la tribulation approchent, ceux-là seuls seront sauvés, qui seront trouvés dans la cité: ainsi dans la tribulation périssent ceux qui mettent leur affection dans les choses extérieures; car la tribulation survenant ils s'agitent pour ces choses-là. Donc Dieu lui-même se cache, ou le Christ, ou l'âme du juste: "Ton Père, qui voit dans le secret, te le rendra."

6a Il m'a élevé sur un rocher; et maintenant il a élevé ma tête au-dessus de mes ennemis.

b. Il expose ici l'autre bienfait du progrès dans le bien; et il est double.

- Le premier est celui de son propre élèvement.

- Le second est celui de son élèvement par rapport à ses ennemis: maintenant il a élevé ma tête.

- Ainsi dit-il: Il m'a élevé sur un rocher. Au sens littéral il fait allusion à des faits qui le concernent; car lorsqu'il endurait la persécution, il parcourait des lieux écartés. Mais lorsqu'il s'échappa, alors le Seigneur exalta son coeur sur ses ennemis. Mais au sens mystique, Il m'a élevé sur un rocher veut dire sur le Christ: "Or ce rocher était le Christ." Ou bien: sur un rocher, c'est-à-dire sur Dieu: "Le Seigneur est mon rocher." - "Tandis que mon coeur était dans l'anxiété, tu m'as élevé sur un rocher."

- Et à présent il m'a élevé, autrement dit: J'ai fait cela dans l'espérance, mais maintenant en réalité: il a élevé ma tête, c'est-à-dire mon esprit, au-dessus de mes ennemis, c'est-à-dire au-dessus de toutes mes convoitises: "La concupiscence qui t'entraîne vers lui sera sur toi."

6b J'ai tourné autour [de son autel], et j'ai immolé dans son tabernacle une hostie [avec] des cris de joie; je chanterai, et dirai un psaume au Seigneur.

2. Le psalmiste expose ici la compensation du bienfait, et il mentionne deux choses.

a) D'abord le sacrifice: et j'ai immolé.

b) Puis le chant.

a. Selon Jérôme, immolavi (j'ai immolé) est relié à ce qui précède: "Super inimicos qui sunt in circuitu meo (Au-dessus de mes ennemis qui sont autour de moi)." J'ai tourné [autour de son autel], c'est-à-dire je me suis tenu autour en offrant des prières ferventes pour eux: "Au lieu de m'aimer" (comme ils devraient), "ils disaient du mal de moi."

- "Il se tenait lui-même debout à l'autel." De même il appartient au soldat vaillant d'entourer et de protéger le camp, comme on le rapporte à propos de Judas Maccabée: "Il protégeait le camp de son glaive", d'où l'expression: J'ai tourné, c'est-à-dire j'ai protégé. Ou bien, ce mouvement circulaire s'applique à la contemplation. Le cercle a parmi les autres figures deux propriétés. La première est celle d'être plus vaste que les autres. L'autre est celle d'être un tout uniforme sans angle, et elle convient à la contemplation. D'abord quant à la capacité, car l'on dit alors tourner autour en contemplant, lorsqu'on contemple toutes les choses qui doivent être considérées; c'est pourquoi il dit: J'ai tourné autour, c'est-à-dire j'ai considéré tous tes dons, et les bienfaits de ton Église. Le Bienheureux Denys a exposé un triple mouvement: circulaire, rectiligne et oblique. Par le mouvement rectiligne une chose se meut toujours imparfaitement, parce qu'elle a toujours une distance diverse; et c'est pourquoi dans l'acte de contempler, le mouvement est rectiligne, lorsqu'on est mû de l'un à l'autre en considérant la progression des choses. Par le mouvement circulaire on est mû en contemplant, lorsque la conception de l'âme est uniforme: et on le dit circulaire, quand il détourne l'âme des choses. Et elle commence par se ramasser en elle-même, puis s'unit aux réalités spirituelles, et enfin s'élève vers la contemplation du Dieu unique. Le mouvement oblique est composé de l'un et de l'autre: lorsqu'on procède à partir de la considération des créatures, mais qu'on ordonne celle-ci à la considération de Dieu. Et c'est pourquoi il dit: J'ai tourné autour, quant à l'uniformité: "Tel était l'aspect de la splendeur tout autour."

Et il y a deux sortes de sacrifices: le sacrifice intérieur par lequel l'homme donne son âme à Dieu: "Le sacrifice à Dieu" (c'est-à-dire accepté par Dieu) "c'est un esprit brisé". Et tout sacrifice extérieur est ordonné à la représentation de ce sacrifice intérieur; c'est pourquoi Augustin dit que lorsque tu offres ce sacrifice extérieur, c'est afin de rendre présente ton âme à Dieu.

b. Mais parce que toute représentation se fait à travers des signes, parmi lesquels les paroles tiennent la première place, c'est pourquoi parmi les sacrifices, celui de la louange semble avoir la prééminence: "C'est un sacrifice de louange qui m'honorera"; aussi dit-il: j'ai immolé dans son tabernacle une hostie, non du bétail mais plutôt une hostie [avec] des cris de joie, c'est-à-dire de la louange divine. Et avec ces cris de joie, je [te] chanterai, à savoir un chant exprimant et la joie de mon âme et la rectitude de ma conduite: "Servez le Seigneur avec joie."

7 Exauce, Seigneur, ma voix par laquelle j'ai crié vers toi: aie pitié de moi, et exauce-moi.

III. Plus haut le psalmiste a exposé son désir; ici il s'exprime avec vivacité pour demander la chose désirée; et à ce propos il fait trois choses:

A) Il demande d'abord d'être exaucé.

B) Ensuite il fait connaître sa demande: mon coeur t'a parlé.

C) Enfin il montre la confiance qu'il a dans son exaucement: Je crois que je verrai les biens du Seigneur.

A. Pour qu'il soit exaucé il avance deux raisons: 1) La première se fonde sur sa dévotion personnelle.

2) L'autre sur sa propre détresse.

1. La dévotion est la cause qui suscite l'écoute de Dieu. La dévotion est le cri du coeur qui incite Dieu à écouter. Et c'est pourquoi il dit: Exauce, parce que j'ai crié non extérieurement, mais intérieurement: "Leur clameur a pénétré jusqu'aux oreilles du Seigneur Sabaoth."

2. De même notre détresse provoque l'exaucement: "J'ai vu l'affliction de mon peuple en Égypte, et j'ai entendu sa clameur à cause de la dureté de ceux qui président aux travaux. Et sachant sa douleur, je suis descendu pour le délivrer"; voilà pourquoi il dit: aie pitié de moi, et exauce-moi, autrement dit: je me reconnais pauvre et je reconnais ma détresse, aussi t'appartient-il d'avoir pitié: "Exauce-moi pauvre suppliante."

8 Mon coeur t'a parlé, ma face t'a recherché; ta face, Seigneur, je la rechercherai.

B. Ici il expose ses demandes.

1) Et il commence par demander la recherche de la face divine.

2) Puis le secours divin: 9b Sois mon aide.

3) Enfin la direction de sa voie: 11 Prescris-moi, Seigneur, une loi.

1. En commençant par demander la recherche de la face divine, il montre qu'à propos de la chose demandée il en a un grand désir, un désir très profond, inquiet et persévérant.

a. Très profond, car Mon coeur t'a parlé. Parfois l'homme formule une demande de sa bouche, mais son coeur se tourne vers d'autres choses: "Ce ne sont pas tous ceux qui me disent: Seigneur, Seigneur, qui entreront dans le royaume des cieux; mais celui qui fait la volonté de mon Père qui est aux cieux, celui-là entrera dans le royaume des cieux." - "Ce peuple me glorifie par ses lèvres, mais son coeur est loin de moi." Mais lorsque la demande procède d'un très profond désir du coeur, alors elle est acceptée par Dieu, et dans ce cas, ce n'est pas seulement la bouche qui demande, mais bien plutôt le coeur: "Ton serviteur a trouvé son coeur pour t'adresser cette prière." - "J'ai crié de tout mon coeur."

b. Il dit avoir un désir inquiet et juste quand il déclare: ma face t'a recherché, etc. Il arrive parfois qu'un désir soit profond et tranquille, mais que la recherche soit faible; mais lorsqu'il est anxieux, alors il recherche vraiment; c'est pourquoi il dit: t'a recherché, c'est-à-dire a cherché souvent et avec empressement. Il montre aussi que ce désir est juste, car il n'y a d'image parfaite que dans la mesure où elle se conforme à son modèle; aussi dit-il: ma face t'a recherché. La face intérieure de l'homme, c'est sa vision intérieure, c'est-à-dire son âme, ou son intelligence rationnelle, et cette dernière, c'est-à-dire ma face qui a été créée à ton image, t'a recherché. C'est pourquoi elle ne peut être transformée et rendue parfaite sans être unie à toi, Seigneur. Aussi, de même que toute chose recherche sa perfection, notre intelligence recherche Dieu.

c. Et il montre que ce désir est persévérant, car il dît: je rechercherai, c'est-à-dire je rechercherai encore et encore: "Si vous cherchez, cherchez." - "Cherchez, et vous trouverez." Le propre de celui qui aime est de rechercher souvent la chose aimée. Et ce qu'il cherche, il le montre lorsqu'il dit: "Je te montrerai toute sorte de biens." - "Heureux les yeux qui voient ce que vous voyez." Et c'est pourquoi David n'était pas en dehors de l'espérance, mais il cherchait encore; aussi dit-il en un autre endroit: "Montre ta face, et nous serons sauvés." - "Il priera Dieu, et Dieu se laissera apaiser en sa faveur; et il verra sa face avec jubilation."

9a Ne détourne pas ta face de moi: ne te retire point, dans ta colère, de ton serviteur.

Le psalmiste expose ici une triple demande.

1') Il commence par demander de ne pas être trompé à propos de la chose désirée.

2') Puis que la cause par laquelle il pourrait être trompé lui soit ôtée.

3') Enfin il demande d'être dirigé dans la voie: Prescris-moi, Seigneur, une loi.

1'. Ainsi dit-il: ta face, Seigneur, je la rechercherai. Et je demande: Ne détourne pas ta face de moi, autrement dit: ainsi l'homme détourne sa face de son prochain lorsqu'il ne veut pas écouter. Mais cela se passe autrement en Dieu que dans l'homme. Car Dieu, lui, est immobile; et on dit qu'il détourne sa face, en tant que nous, nous nous détournons et changeons, et par le fait que dans notre coeur il y a un voile qui nous rend inaptes à voir sa face. Et c'est pourquoi une version de Jérôme lit: Ne abscondas (Ne me cache pas)." - "J'attendrai le Seigneur qui cache sa face à la maison de Jacob."

2'. Mais la cause de l'aversion est la colère de Dieu dans le châtiment du péché. Et cette aversion est le plus grand des châtiments; et tel est ce qu'il dit: et ne te retire point, dans ta colère, de ton serviteur, ne t'irrite pas contre moi en détournant ta face de moi. Et il dit: dans ta colère, car parfois il se détourne dans sa miséricorde, c'est-à-dire quand il ne regarde pas les péchés: "Détourne ta face de mes péchés." Parfois il se détourne dans sa providence, c'est-à-dire lorsqu'il permet que quelqu'un tombe en vue de le relever plus fort, car" tout coopère au bien pour ceux qui aiment Dieu".

9b Sois mon aide; ne m'abandonne pas, ne me méprise pas, ô Dieu, mon sauveur. Parce que mon père et ma mère m'ont abandonné; mais le Seigneur m'a recueilli.

2. Ici le psalmiste demande le secours divin pour ce qu'il doit accomplir avant de parvenir devant sa face, c'est-à-dire de crainte d'être empêché d'accéder à la vision de sa face.

a) Et il commence par exposer sa demande.

b) Puis il expose la raison de ses paroles: Parce que mon père.

a. Il demande le secours divin en disant: Je demande de voir ta face, mais je ne puis pas y parvenir par moi-même; donc, toi sois mon aide, pour que j'y parvienne: "Mon secours vient du Seigneur." Mais du point de vue de la forme il ne semble pas que cette version soit juste, car il semble qu'il vaille mieux dire: "Adjutor meus es tu (Toi tu es mon aide)", et ainsi lit-on dans le texte hébraïque: "Tu fus mon secours." Et selon cette version il rappelle un bienfait, autrement dit: Tu fus une aide. Donc, à l'avenir, ne m'abandonne pas. Et il demande que soient écartées de lui deux choses, à savoir l'abandon de sa personne et le mépris intérieur: car si l'homme est abandonné à lui-même il périt: "Ta perte vient de toi, Israël." Or on abandonne quelqu'un parce qu'on le méprise. Et Dieu nous méprise, parce que nous sommés faibles par nature, et corrompus par le péché, et c'est pourquoi il dit: ne me méprise pas, ô Dieu. Et pourquoi cela ? Parce que toi tu m'as créé, et tu es mon sauveur, c'est-à-dire toi tu m'as sauvé. Or nul ne méprise ses oeuvres: "Ne méprise pas les ouvrages de tes mains."

b. Puis il expose la raison de ses paroles; d'où ce qui suit: Parce que mon père et ma mère m'ont abandonné; mais le Seigneur m'a recueilli, autrement dit parce que j'ai trouvé en toi une aide dans tout ce qui m'a fait défaut, ne me méprise pas. Et ainsi, il expose d'abord le manque de secours humain. Puis il expose le secours divin. Ce passage se lit de deux manières. Ou bien on l'applique littéralement à David, comme on le rapporte dans l'histoire du premier livre des Rois: lorsque David fut oint, Isai présenta ses fils aînés, mais le Seigneur choisit David, car Samuel le lui demanda. Ou bien on peut le lire dans la personne de l'homme juste, car au sens littéral, pour celui qui espère dans le Seigneur, tout secours humain fait défaut: "Mes proches m'ont abandonné, et ceux qui me connaissaient m'ont oublié." - "Je tournais mes regards vers le secours des hommes, et il n'en était point." Mais le Seigneur l'a pris sur lui et se charge de sa préoccupation, ce qui est préférable: "Bienheureux celui que tu as choisi et pris [à ton service]." Mais au sens mystique, mon père, c'est-à-dire le diable, car mon père fut en état de péché, [m'a] abandonné, car il n'a pas de pouvoir sur moi; ma mère, Babylone, [m'a] abandonné, c'est-à-dire m'a méprisé. Et cela parce que le Seigneur m'a recueilli.

11 Prescris-moi, Seigneur, une loi [à suivre] dans ta voie; et dirige-moi dans une voie droite à cause de mes ennemis.

3/3'. Plus haut le psalmiste a exposé deux demandes: la première fut à propos de la vision de la face divine, la seconde fut à propos de la protection divine; mais ici il expose une autre demande à propos de la direction de sa voie; et à cet égard il fait deux choses:

a) Il commence par exposer sa demande.

b) Puis il en montre la nécessité: à cause de mes ennemis.

a. En exposant sa demande il fait deux choses:

- Il expose d'abord la demande d'une loi.

- Puis il demande d'être dirigé dans ce qui relève de la loi: dirige-moi.

- Il avait dit plus haut: J'ai demandé une seule chose au Seigneur, etc., et il a expliqué en quoi consiste cette demande, c'est-à-dire de voir ta face. Et parce qu'on parvient à cette vision, difficile à atteindre, par une voie ardue que nul ne parcourt sans le secours de Dieu, il demande que cela lui soit accordé: "Bienheureux l'homme dont le secours vient de toi; il a disposé dans son coeur des degrés pour s'élever, dans la vallée de larmes, dans le lieu qu'il a fixé. Car le législateur donnera sa bénédiction; ils iront de vertu en vertu; il sera vu le Dieu des dieux dans Sion." Puisqu'en vérité celui qui parcourt une voie inconnue a besoin d'un guide, il le demande en disant. Prescris-moi, Seigneur, une loi [à suivre] dans ta voie, autrement dit: Je dois gravir une voie, pour laquelle je te demande de me prescrire une loi. La loi est une règle d'action. Dans cette voie on progresse par des actes vertueux; et c'est pourquoi une loi, qui est la règle des actes humains, est nécessaire, autrement dit: donne-moi une règle pour m'indiquer comment marcher. Une version de Jérôme lit comme suit: illuxit mihi Dominus viam (Le Seigneur m'a éclairé sur la voie [à suivre])." - "Le commandement est un flambeau, et la loi, une lumière." Donner une loi, c'est donner la lumière. Mais parfois on sait en général ce qu'on doit faire, mais on ne le sait pas en particulier, surtout à cause des séducteurs.

- Et pour se prémunir contre cela il demande en disant: dirige-moi dans une voie droite. - "Le sentier du juste est droit, droit est le chemin où le juste doit marcher."

b. Et cela, à cause de mes ennemis. C'est la raison pour laquelle je demande d'être dirigé sur un chemin droit. Car celui qui connaît la voie, et la voie est droite, s'avance en sécurité s'il ne rencontre pas d'adversaire; mais lorsqu'il rencontre un ennemi ou son adversaire, il a besoin de direction et de protection: "Dans cette voie dans laquelle je marchais, ils m'ont caché un piège." Nos ennemis, ce sont les convoitises de la chair, les mauvais désirs, les démons, les hommes dépravés, ou les pécheurs, qui font obstacle sur la voie de celui qui doit aller à Dieu.

12 Ne me livre pas aux âmes de ceux qui m'affligent; parce que se sont élevés contre moi des témoins iniques, et que l'iniquité a menti contre elle-même.

Le psalmiste explique ici ce qu'il vient de dire; et il dit deux choses.

- Il commence par demander d'être libéré du danger des ennemis.

- Puis il montre qu'il a des ennemis: parce que se sont élevés contre moi.

- Ainsi dit-il: Ne me livre pas aux âmes de ceux qui m'affligent, autrement dit: ainsi je demande d'être dirigé dans la voie, parce qu'alors je ne tomberai pas au pouvoir des ennemis. Et il ne dit pas aux mains, mais aux âmes, c'est-à-dire à leurs volontés. Mais il arrive que les saints soient livrés aux mains des ennemis, car "la terre a été livrée aux mains de l'impie", comme on le dit au livre de Job, mais non aux âmes, car leur volonté est d'entraîner au mal, et Dieu ne permet pas cela: "Si tu accordes à ton âme ses désirs, elle te rendra la joie de tes ennemis."

- parce que se sont élevés. Ici il montre qu'il a des ennemis.

· Et il montre d'abord leur tentative.

· Puis leur défaut.

· Je dis: à cause [des] ennemis, et cela, parce que des témoins iniques se sont élevés contre moi. Ces paroles peuvent être expliquées de trois manières: au sens historique, allégorique et moral.

Historique, parce qu'au sens littéral des témoins méchants parlèrent faussement contre David, c'est-à-dire Doeg l'Iduméen qui accusa le prêtre, et David, ainsi que d'autres.

Allégorique, en l'appliquant au Christ, contre qui des témoins iniques s'élevèrent en l'accusant: "En dernier lieu, vinrent deux faux témoins, et ils dirent: "Celui-ci a dit: je puis détruire le temple de Dieu, et, après trois jours, le rebâtir"."

Moral, car contre n'importe quel juste, de faux témoins sont parfois de faux docteurs essayant par leur doctrine de faire dévier les autres de la voie droite: "Malheur à vous qui appelez le mal bien, et le bien mal." De même les adulateurs sont appelés de faux témoins: "Mon peuple, ceux qui te disent heureux, ceux-là mêmes te trompent." - "Un faux témoin ne sera pas impuni."

· et que l'iniquité a menti contre elle-même. Il expose ici leur défaut. Ces paroles telles qu'elles sont exposées ici peuvent être interprétées de trois manières.

Selon une première manière comme suit: On dit de quelqu'un qu'il se parle à lui-même, lorsqu'il est seul à comprendre ses propres paroles; mais quand il s'adresse aux autres, ils ne comprennent pas: "Celui qui parle en langues ne parle pas aux hommes, mais à Dieu; personne en effet ne comprend"; et tel est le sens de ces paroles: Il y a de faux témoins, et ils profèrent le mensonge et persuadent, mais leur iniquité a menti contre elle-même, autrement dit: non pas contre moi, car je ne leur donne pas mon consentement. Ou bien: l'iniquité a menti contre elle-même, c'est-à-dire pour sa perte; en effet à cause du mensonge qu'ils se proposaient de proférer, eux-mêmes ont encouru le mal: "Qui tend un piège aux autres y périra." Ou bien: l'iniquité a menti contre elle-même, car ils ne sont pas parvenus à accomplir ce qu'ils se sont proposé de me faire ainsi qu'aux autres hommes justes: "Il dissipe le conseil des pervers." Une version de Jérôme lit: "Apertum mendacium (Leur mensonge est manifeste)", c'est-à-dire qu'ils parlent ouvertement contre moi.

13 Je crois que je verrai les biens du Seigneur dans la terre des vivants.

C. Le psalmiste expose ici son espérance concernant son exaucement.

1) Et il expose d'abord l'espérance qu'il a lui-même.

2) Puis il exhorte les autres à cette même espérance: Attends le Seigneur

1. Sa demande était de voir Dieu, et c'est pourquoi il dit: Je crois, c'est-à-dire j'ai la ferme confiance, que je verrai les biens du Seigneur, c'est-à-dire que je verrai Dieu face à face: "Je sais que mon Rédempteur est vivant, et qu'au dernier jour je ressusciterai de la terre; et que de nouveau je serai environné de ma peau, et que dans ma chair je verrai mon Dieu"; aussi ne dit-il pas: voir le Seigneur, mais les biens du Seigneur; ce qui peut s'entendre de deux manières. Soit: les biens du Seigneur, c'est-à-dire qui sont donnés par le Seigneur, mais ce n'est pas dans ce sens que ces mots sont pris ici. Soit: les biens, c'est-à-dire ceux qui sont dans le Seigneur; et c'est dans ce sens que ces mots sont pris ici: car tous ces biens sont en lui comme en leur source première, et ils sont identiques à lui-même: "Or tous ces biens me sont venus ensemble avec la sagesse, et des richesses innombrables par ses mains, et je me suis réjoui en toutes choses, parce que marchait devant moi cette sagesse, et j'ignorais qu'elle était la mère de tous ces biens." Et où ? dans la terre des vivants. La vision de Dieu est la vie éternelle, comme le rapporte Jean. Cette terre est celle des vivants: car de même que la terre souffre dans l'attente d'être fécondée par le ciel, ainsi la vie des bienheureux reçoit-elle immédiatement sa perfection de Dieu.

14 Attends le Seigneur, agis virilement; et que ton coeur se fortifie, et patiente avec le Seigneur

2. Le psalmiste amène les autres à attendre, lorsqu'il dit: Attends le Seigneur. - "Bienheureux tous ceux qui l'attendent." Et tandis que tu l'attends, tu auras confiance dans ton action; c'est pourquoi il dit: agis virilement, c'est-à-dire intérieurement et extérieurement: "Fortifiez les mains languissantes." Et il dit cela d'abord, parce que "celui qui aura persévéré jusqu'à la fin, celui-là sera sauvé." D'où, patiente avec le Seigneur, c'est-à-dire en accomplissant tout le bien possible, même s'il y a de l'adversité: "Malheur à ceux qui ont perdu la patience, et qui ont abandonné les voies droites, et se sont détournés dans des voies mauvaises." Ou bien, patiente avec le Seigneur, c'est-à-dire attends le Seigneur. Et il répète alors pour exprimer une plus grande certitude.

 

 

COMMENTAIRE DU PSAUME 27

Psaume par David lui-même.

1 Vers toi, Seigneur, je crierai; mon Dieu, ne garde pas le silence en t'éloignant de moi, de peur que si tu te tais, en t'éloignant de moi, je ne devienne semblable à ceux qui descendent dans la fosse.

2 Exauce, Seigneur, la voix de ma supplication, lorsque je te prie, lorsque j'élève mes mains vers ton temple saint.

3 Ne m'entraîne pas en compagnie des pécheurs, et ne me perds pas avec ceux qui opèrent l'iniquité qui parlent de paix avec leur prochain, et qui ont le mal dans leurs coeurs.

4 Donne-leur, selon leurs oeuvres et selon la méchanceté de leurs intentions: accorde-leur, selon les oeuvres de leurs mains; rends-leur leur salaire.

5 Parce qu'ils n'ont pas compris les oeuvres du Seigneur, l'ouvrage de ses mains, tu les détruiras et tu ne les rétabliras pas.

6 Que le Seigneur soit béni, parce qu'il a exaucé la voix de ma supplication.

7 Le Seigneur est mon aide et mon protecteur, en lui a espéré mon coeur, et j'ai été aidé. Et ma chair a refleuri, et de toute mon âme je lui rendrai grâce.

8 Le Seigneur est la force de son peuple, et le protecteur des saluts de son oint.

9 Sauve ton peuple, Seigneur, et bénis ton héritage; dirige-les et élève-les jusque dans l'éternité.

 

Psaume par David lui-même.

1 Vers toi, Seigneur, je crierai; mon Dieu, ne garde pas le silence en t'éloignant de moi, de peur que si tu te tais, en t'éloignant de moi, je ne devienne semblable à ceux qui descendent dans la fosse.

Dans le psaume précédent le psalmiste montre la confiance qui lui vient de Dieu; mais ici, afin de ne pas défaillir dans sa confiance, il ajoute un psaume de prière. Son titre est: Psaume par David lui-même. Au sens littéral on dit que certains psaumes concernaient la personne de David, entre autres ce dernier qui semble concerner David lui-même. Ou bien, par David, parce qu'il l'avait composé lui-même, et qu'il l'avait chanté en personne ainsi que d'autres psaumes. Au sens mystique ce psaume n'est pas intitulé par David lui-même de manière figurée, mais bien par le vrai David, c'est-à-dire par le Christ. Or, au sens mystique, il est question dans ce psaume de la prière du Christ au Père en tant qu'il est libéré de ses mauvais traitements.

Le psalmiste traite de trois choses dans ce psaume.

I) Il commence par demander d'être exaucé.

II) Ensuite il expose sa demande 3 Ne m'entraîne pas.

III) Enfin il expose son action de grâces: 6 Que le Seigneur soit béni.

I. Il demande d'être exaucé pour deux raisons

A) D'abord en raison d'un danger imminent.

B) Puis en raison de sa dévotion Exauce, Seigneur.

A. À propos du danger imminent il fait trois choses:

1) Il montre d'abord que son intention de prier est incessante.

2) Ensuite il demande d'être exaucé Ne garde pas le silence.

3) Enfin il expose le péril imminent: de peur que si tu te tais.

1. Il montre la première chose lorsqu'il dit: Vers toi, Seigneur, je crierai, non une fois pour toutes, mais continuellement: "Il faut toujours prier." - "Priez sans cesse."

2. Ensuite il demande d'être exaucé: mon Dieu, ne garde pas le silence. On a coutume de dire que lorsque quelqu'un exauce celui qui prie, il lui répond. Ainsi donc Dieu semble répondre lorsqu'il satisfait au voeu de celui qui prie: "Tu m'appelleras, et moi je te répondrai." Donc ne garde pas le silence, c'est-à-dire ne me retire pas ta réponse: "Ma justice répondra demain pour toi."

3. Il montre enfin le péril imminent de peur que si tu te tais, en t'éloignant de moi. L'homme parfait, s'il est laissé à lui-même, s'affaiblit: "Ta perte vient de toi, Israël c'est seulement en moi qu'est ton secours." Car si parfois tu te tais en ne m'exauçant pas, je deviens semblable à ceux qui descendent dans la fosse, c'est-à-dire en enfer: "Mais cependant tu seras traîné dans l'enfer, au profond de la fosse." - "Ma vie est tombée dans la fosse". "Une version de Jérôme lit: "Ne te tacente assimiler (De peur que si tu te tais je ne sois semblable)." Mais au sens mystique, selon la Glose, il parle dans la personne du Christ qui, en tant qu'homme, crie afin de ne pas être délaissé dans sa divinité; et il dit: ne garde pas le silence, c'est-à-dire ne me délaisse pas dans la passion. Sans quoi je deviendrais semblable aux autres hommes qui descendent dans la fosse, comme le pensent mes ennemis: "J'ai été regardé comme ceux qui descendent dans une fosse."

2 Exauce, Seigneur, la voix de ma supplication, lorsque je te prie, lorsque j'élève mes mains vers ton temple saint.

B. L'autre raison est que la dévotion de celui qui prie demande d'être exaucée. Or cette dévotion consiste en deux choses: dans les dispositions intérieures du coeur, et dans les oeuvres extérieures.

1. Dans les dispositions intérieures car Dieu est esprit, et ceux qui l'adorent doivent être spirituels: "Les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité"; et c'est pourquoi il dit: Exauce ma supplication, lorsque je te prie.

2. Mais nous devons être révérencieux aussi dans nos actes et nos signes extérieurs, aussi dit-il: lorsque j'élève mes mains vers son temple saint. Ce qui se lit de deux manières. Ou bien au sens littéral, d'après la Glose, il était prescrit aux Juifs que partout où ils étaient, ils prieraient du côté où ils savaient que se trouvait Jérusalem. Ou bien, lorsque j'élève, c'est-à-dire lorsque je lève, mes mains vers ton temple, c'est-à-dire vers le ciel: "Le Seigneur est dans son saint temple; le Seigneur, son trône est dans le ciel." Donc je prierai non seulement avec la dévotion du coeur, mais je prierai aussi vers le ciel avec des signes extérieurs, et je manifesterai de la dévotion. Ou bien, lorsque j'élève, c'est-à-dire dirige vers Dieu, mes mains, c'est-à-dire mes oeuvres: "Que ma prière soit dirigée", c'est-à-dire mes oeuvres, "comme l'encens en ta présence: que l'élévation de mes mains soit un sacrifice du soir !" Mais on peut l'appliquer au Christ: car il leva ses mains vers le temple, parce qu'il ne le condamna pas, mais en approuvant son culte il chassa les vendeurs et les acheteurs installés dans ce dernier. Ou bien, il éleva les mains sur la croix: "J'ai étendu mes mains tout le jour à un peuple incrédule", qui s'opposait à moi. vers ton temple, c'est-à-dire l'Église qui devait être édifiée par sa Passion.

3 Ne m'entraîne pas en compagnie des pécheurs, et ne me perds pas avec ceux qui opèrent l'iniquité qui parlent de paix avec leur prochain, et qui ont le mal dans leurs coeurs.

II. Ici le psalmiste expose sa demande afin de n'être pas ébranlé par la même punition que les impies; et à cet égard il fait deux choses:

A) Il décrit d'abord la faute.

B) Ensuite il expose le châtiment Donne-leur.

A. Il montre en premier lieu leur faute, en mentionnant leurs péchés, c'est-à-dire le mal projeté et le mal accompli. Je dis: Exauce [ma] voix, etc., ce qui signifie que c'est lorsque je prie que je suis libéré de la perdition des pécheurs; car bien qu'en cette vie les justes vivent en compagnie des pécheurs, au jugement dernier cependant ils ne seront plus ensemble: "Il séparera les bons des méchants." - "Discerne ma cause d'une nation qui n'est pas sainte; délivre-moi de l'homme inique et trompeur." - "Est-ce que tu perdras le juste avec l'impie ?" Et c'est pourquoi je demande Ne m'entraîne pas, à la damnation, c'est-à-dire en compagnie des pécheurs. Les pécheurs sont à proprement parler ceux qui pèchent par habitude, ou qui ont le propos de pécher en acte et qui le mettent à exécution. Quelqu'un commet un péché en acte de deux manières: par une injustice manifeste, et par la fraude. Et tel est celui qui parle de paix avec les autres.

À propos de l'injustice manifeste il dit ne me perds pas avec ceux qui opèrent l'iniquité. Ceux-là sont dits commettre l'iniquité, qui pratiquent manifestement l'injustice. Cependant tout péché ne se commet pas par l'injustice; il se commet cependant en particulier en tant que le pécheur ne rend pas l'obéissance due à Dieu.

À propos de la fraude il dit: qui parlent de paix avec leur prochain. Et il mentionne deux choses: les douces paroles qu'ils ont sur leur bouche: "Par de douces paroles et des flatteries, ils séduisent les âmes simples." - "L'homme qui parle à son ami en des ternies flatteurs et déguisés tend un filet à ses pieds." Cependant ils ont autre chose dans le coeur; d'où ce qui suit: et qui ont le mal dans leurs coeurs, c'est-à-dire ce qu'ils préparent pour leurs propres ennemis: Chacun "en sa bouche parle de paix avec son ami, et en cachette il lui tend des pièges."

Toutes ces choses peuvent être appliquées au Christ, qui sur la croix "a été compté parmi les scélérats", comme l'écrit Isaïe. Mais il demande de ne pas être entraîné en même temps, c'est-à-dire pour la même cause, à savoir de ne pas être crucifié avec eux; car leur passion ou condamnation eut lieu à cause de leur propre péché, tandis que la Passion du Christ eut lieu à cause de notre iniquité. De même, Ne m'entraîne pas dans la même fin que les pécheurs impies, c'est-à-dire dans leur propos d'effacer le nom du Christ. Et tels sont ceux qui parlent de paix avec leur prochain, et à l'égard du Christ lorsqu'ils tentaient de le surprendre dans sa parole; mais ils ont le mal dans leurs coeurs, c'est-à-dire l'intention mauvaise: car c'est afin de surprendre, c'est-à-dire dans le but de pouvoir le saisir.

4 Donne-leur, selon leurs oeuvres et selon la méchanceté de leurs inventions: accorde-leur, selon les oeuvres de leurs mains; rends-leur leur salaire.

B. Il est ici question de leur malheur et de leur châtiment.

1) Et il traite d'abord du châtiment proprement dit.

2) Puis de l'équité du châtiment: selon leurs oeuvres.

3) Enfin de sa perpétuité: Parce qu'ils n'ont pas compris.

1. Une double faute est mentionnée. L'une est extérieure et vient de la bouche, l'autre est intérieure et vient du coeur.

a. Et c'est pourquoi il dit à propos de la faute extérieure: Donne-leur, selon leurs oeuvres. - "Tu rendras à chacun selon ses oeuvres." Donne, pris sous forme d'annonce, signifie: Tu donneras; ou bien, Donne en se conformant à la justice divine: "Le juste se réjouira, lorsqu'il aura vu la vengeance." Ou bien, si on applique cela au Christ: Toi, Seigneur Père, Donne-leur, selon leurs oeuvres, autrement dit: de ma Passion découle le bien; mais toi, Donne-leur, c'est-à-dire aux pécheurs non selon leur fruit, mais selon leur intention qui fut mauvaise: "Car leurs oeuvres étaient mauvaises."

b. À propos de la faute intérieure il dit: "Et selon la méchanceté de leurs inventions." Les inventions sont des procédés imaginés pour nuire et pécher. Et ces derniers sont punis plus gravement par Dieu, mais un châtiment pareil leur est dû. Ici il procède ainsi à la lettre, aussi dit-il: "Accorde-leur, selon les oeuvres de leurs mains", car ce n'est pas sous l'effet de la contrainte qu'ils ont péché, mais en vertu de leur mauvaise volonté. C'est pourquoi leurs oeuvres sont les oeuvres de leurs mains.

2. Si on l'applique au Christ, il dit: selon les oeuvres de leurs mains; rends-leur leur salaire, car les Juifs, quoiqu'ils n'aient pas crucifié le Christ de leurs mains, ont cependant accompli ce crime avec leur langue et leurs mains, parce qu'il eut lieu sous leur pouvoir; c'est pourquoi le psalmiste dit: rends-leur leur salaire, c'est-à-dire de même qu'ils ont accompli ce crime avec une intention mauvaise, ainsi, toi, rétribue-les suivant leurs oeuvres mauvaises: "selon la mesure avec laquelle vous aurez mesuré, mesure vous sera faite."

5 Parce qu'ils n'ont pas compris les oeuvres du Seigneur, l'ouvrage de ses mains, tu les détruiras et tu ne les rétabliras pas.

3. Plus haut, le psalmiste a parlé d'abord du châtiment dû aux méchants ainsi que de son équité; ici il expose ensuite la perpétuité de son châtiment; et il fait deux choses dans ce verset.

a) Il traite d'abord du caractère irréparable du châtiment.

b) Puis de sa cause.

a. Il faut savoir que l'homme pèche fréquemment, et que de fait il est passible d'un châtiment, mais puisqu'en vertu des nombreuses oeuvres de la justice divine l'homme est incité à la crainte, et que par les oeuvres de miséricorde, il est incité à l'espérance, il revient parfois à la repentance et guérit; mais si par habitude il s'endurcit dans le péché, et perd l'intelligence, il n'y a pas d'espérance de salut "Parce que nul n'a l'intelligence, ils périront éternellement." - "Aveugle le coeur de ce peuple, et rends ses oreilles sourdes, et ferme ses yeux; de peur qu'il ne voie de ses yeux, et qu'il n'entende de ses oreilles, et que de son coeur il ne comprenne, et qu'il ne se convertisse et que je ne le guérisse."

b. Et c'est pourquoi comme cause du caractère irréparable du châtiment il mentionne d'abord la perte de l'intelligence. Il faut savoir que toute oeuvre n'est pas appelée oeuvre des mains, mais seulement les oeuvres extérieures; il y en a aussi d'autres qui sont des oeuvres intérieures. Ainsi en Dieu certaines oeuvres sont spirituelles, ce sont celles qu'il opère en nous: "Seigneur, tu as opéré toutes nos oeuvres en nous." D'autres sont matérielles, comme les cieux. Semblablement pour le Christ, ses oeuvres spirituelles sont le salut des fidèles, tandis que ses oeuvres matérielles sont ses miracles: "Ces oeuvres que je fais moi-même, rendent témoignage de moi." Et c'est pourquoi il dit: Parce qu'ils n'ont pas compris les oeuvres du Seigneur, c'est-à-dire les spirituelles, et l'ouvrage de ses mains, c'est-à-dire les matérielles, tu les détruiras, et ainsi tu détruiras ce que tu ne rétabliras pas. Et cela se rapporte à une double instruction: spirituelle, car ils sont détruits par la perte de la foi mais non par la perte de la connaissance de Dieu: "Disperse-les par ta puissance et fais-les déchoir." Mais cependant ceux qui sont ainsi détruits, sont parfois rétablis, comme Pierre; et ainsi les Juifs sont aussi rétablis, ou seront rétablis jusqu'à la fin du monde: "Une partie d'Israël est tombée dans l'aveuglement, jusqu'à ce que la plénitude des païens soit entrée; et qu'ainsi tout Israël soit sauvé." Ou bien cela se rapporte à la destruction matérielle: car détruits par les Romains, ils n'ont jamais été rétablis, ni ne seront jamais rétablis; ou bien ils ont été détruits par les Babyloniens et relevés par les Perses; ou bien détruits par Antiochus et relevés par les Romains; mais enfin détruits par les Romains de telle manière qu'ils n'ont jamais été reconstruits.

6 Que le Seigneur soit béni, parce qu'il a exaucé la voix de ma supplication.

III. Ici le psalmiste rend grâce comme s'il était déjà exaucé.

A) Et d'abord pour les bienfaits qui lui ont été donnés.

B) Puis il rend grâce pour les bienfaits donnés à tout le peuple: Le Seigneur est la force.

A. Concernant ses propres bienfaits il fait deux choses:

1) Il rend d'abord grâce pour son exaucement.

2) Puis il montre en quoi il fut exaucé: Le Seigneur est mon aide.

1. Ainsi dit-il: Moi j'ai demandé, et j'ai été exaucé dans ma demande, d'où ces paroles: Que le Seigneur soit béni. Pour Dieu, nous bénir, c'est causer sa bonté en nous, car "il a dit, et les choses ont été faites". Pour nous, bénir c'est reconnaître sa bonté qui nous fait du bien mais notre bénédiction ne lui ajoute rien. Cependant nous devons le bénir pour tous les bienfaits reçus: "Béni le Dieu et Père de notre Seigneur Jésus-Christ, le Père des miséricordes et le Dieu de toute consolation, qui nous console dans toutes nos afflictions, afin que nous puissions nous-mêmes, par l'encouragement que Dieu nous donne, consoler aussi ceux qui sont sous le poids de toute sorte de maux !" - "Bénissez le Dieu du ciel, et rendez-lui gloire devant tous les vivants, parce qu'il a exercé envers nous sa miséricorde." Et c'est pourquoi il dit: parce qu'il a exaucé la voix de ma supplication, c'est-à-dire la dévotion de ma prière: "La supplication du juste peut beaucoup."

7 Le Seigneur est mon aide et mon protecteur; en lui a espéré mon coeur, et j'ai été aidé. Et ma chair a refleuri, et de toute mon âme je lui rendrai grâce.

2. Ici le psalmiste montre en quoi il est exaucé, c'est-à-dire qu'il a obtenu le secours de Dieu; et à ce propos il fait trois choses.

a) Il expose d'abord le bienfait du secours divin.

b) Puis le mérite du bienfait: et en lui a espéré mon coeur.

c) Enfin l'effet du bienfait: et a refleuri.

a. L'homme a besoin du secours divin pour deux raisons: pour bien agir, et parce qu'il est libéré du mal et porté au bien.

- Touchant la première raison il dit: Le Seigneur est mon aide. - "Sans moi vous ne pouvez rien faire." - "Le Seigneur Dieu est mon aide."

- Touchant la deuxième raison, il dit: et mon protecteur, et il est protecteur contre les maux, à la manière d'un bouclier protégeant l'homme des traits extérieurs: "À l'ombre de sa main il m'a protégé, et il m'a disposé comme une flèche choisie; il m'a caché dans son carquois; et il m'a dit Mon serviteur, c'est toi, Israël, parce qu'en toi je me glorifierai." - "Tu m'as protégé, ô Dieu, contre l'assemblée des méchants."

b. Mais pour quel mérite me défends-tu ? Est-ce dû à mon mérite ? Non. Mais ce n'est pas dû à un autre, si ce n'est que mon coeur a espéré en lui, autrement dit: Je me suis confié en lui avec un attachement profond: "En toi je me confie, je n'en rougirai pas." Et c'est pourquoi il dit: j'ai été aidé. - "Ceux qui espèrent dans le Seigneur reprendront leur force." Et toutes ces choses peuvent être appliquées au Christ en tant qu'homme: car en tant que Dieu, lui-même aide tous les hommes et les protège avec le Père; en tant qu'homme il est aidé et protégé par le Père. Et d'où ce qui suit: en lui.

c. Il expose ici l'effet par rapport à deux choses.

- D'abord quant à la chair.

- Puis quant à l'âme, aussi dit-il: et a refleuri.

- La jeunesse de l'homme est comparée à une fleur: car de même qu'une fleur annonce un fruit, ainsi la jeunesse de l'homme la vie future: "Qu'il passe le matin comme l'herbe." Ainsi donc la chair refleurit, lorsque vieillie elle rajeunit; car l'homme semble vieillir dans la tristesse, et rajeunir dans la joie; mais cependant la chair du Christ s'épanouit avec la fleur de l'honnêteté et de l'incorruptibilité. Dans le premier homme sa chair a fleuri par la pureté de l'innocence, mais en péchant elle a été souillée. Mais dans le Christ elle a refleuri par sa résurrection; car il fut conçu de l'Esprit-Saint sans péché: "Une fleur s'élèvera de sa racine." De même, dans son premier état, la nature a fleuri, car elle était incorruptible, mais par le péché elle est soumise à la corruption: "Le corps est mort à cause du péché." Mais le Christ a refleuri dans la résurrection: "Notre lit est couvert de fleurs."

- Quant à l'âme il dit: et de toute mon âme je lui rendrai grâce. L'âme, aussi longtemps qu'elle est dans le péché, garde sa volonté détournée de Dieu, et tournée vers les choses temporelles, mais lorsqu'elle se rétablit par la conversion, alors sa volonté se tourne vers Dieu et elle rend grâce à Dieu en le louant. Ou bien si on dit cela du Christ, on l'applique à ses membres, c'est-à-dire aux fidèles: "Je t'offrirai volontairement un sacrifice; et je rendrai grâce à ton nom, parce qu'il est bon."

8 Le Seigneur est la force de son peuple, et le protecteur des saluts de son oint..

B. Ici le psalmiste rend grâce pour les bienfaits du peuple.

1) Et il commence par exposer les bienfaits déjà manifestés.

2) Puis il demande qu'ils aient une continuité: Sauve ton peuple, Seigneur.

1. Ces mêmes bienfaits qui lui ont été donnés quand il disait: Le Seigneur est mon aide, etc.; il dit à présent qu'ils sont prodigués à tout le peuple: Le Seigneur est la force [du] peuple des Juifs libérés par moi des Philistins. Et le Christ est la force de son peuple libéré par lui du péché: "Ma force et ma louange c'est le Seigneur, et il est devenu mon salut." - "Il est mon protecteur, et en lui j'ai espéré." Et celui-ci est le protecteur des saluts, c'est-à-dire celui-ci protège ceux qui sont sauves par le Christ: "Nul autre nom n'a donné sous le ciel aux hommes par lequel nous devions être sauvés." Le Christ donc nous protège dans le siècle présent, afin que nous ne tombions pas dans le péché; et c'est pourquoi il dit: des saluts, c'est-à-dire des prédestinés au salut; et il nous protégera dans le futur en nous libérant de tout mal: "Ils n'auront plus ni faim ni soif; et le soleil, ni aucune chaleur ne tombera sur eux; parce que l'Agneau qui est au milieu du trône sera leur pasteur; il les conduira à des fontaines d'eau vive, et Dieu essuiera de leurs yeux toute larme."

9 Sauve ton peuple, Seigneur, et bénis ton héritage; dirige-les et élève-les jusque dans l'éternité.

2. Ici le psalmiste montre la continuité des bienfaits ou du salut.

a) Et il expose d'abord le salut.

b) Puis le moyen d'y parvenir.

a. Ainsi dit-il: Seigneur, toi qui es mon protecteur, sauve ton peuple, c'est-à-dire je demande que tu les conduises vers le salut: "Je ne demande point que tu les ôtes du monde, mais que tu les gardes du mal." - "Israël a été sauvé par le Seigneur d'un salut éternel."

b. Ensuite il expose le moyen de parvenir au salut. Afin d'y parvenir, trois choses sont requises: le don de la grâce, la direction, et le progrès spirituel.

- Touchant le don de la grâce il dit: et bénis ton héritage, c'est-à-dire confirme ses dons: "La bénédiction du Seigneur est sur la tête du juste." Et il dit: héritage, parce que les élus sont son héritage: "Bienheureuse la nation dont le Seigneur est le Dieu ! le peuple qu'il a choisi pour son héritage."

- Touchant la direction il dit: et dirige-les, car avec la grâce la direction est aussi nécessaire: "Où il n'y a point de gouvernement, le peuple croulera."

- Touchant le progrès spirituel il dit: et élève-les, c'est-à-dire fais-les avancer par le progrès, jusque dans l'éternité. Cela peut se comprendre de deux manières.

· D'abord, au niveau de l'intelligence, lorsqu'elle est élevée à la connaissance manifeste de la vérité: "Voici que mon serviteur aura l'intelligence, il sera exalté."

· Ensuite, au niveau de l'affection, lorsqu'elle ne désire plus les choses charnelles, mais les spirituelles: "Désirant d'être dissous et d'être avec le Christ." Car on passe de cette vie à la vie de la gloire. "Je t'élèverai sur les hauteurs" des nuées, "et je te nourrirai avec l'héritage de Jacob ton père, car la bouche du Seigneur a parlé".

 

 

COMMENTAIRE DU PSAUME 28

Psaume de David.

1 Pour l'achèvement du tabernacle.

Apportez au Seigneur, enfants de Dieu.

2a Apportez au Seigneur des petits de béliers.

2b Apportez au Seigneur gloire et honneur, apportez au Seigneur de la gloire pour son nom adorez le Seigneur en son saint parvis.

3 Voix du Seigneur sur les eaux, le Dieu de majesté a tonné; le Seigneur [a tonné] sur les eaux abondantes. 4 Voix du Seigneur avec force voix du Seigneur avec magnificence.

5 Voix du Seigneur brisant les cèdres; et le Seigneur brisera les cèdres du Liban,

6 et les mettra en pièces comme un jeune veau du Liban et le bien-aimé [sera] comme un petit de licornes.

7 Voix du Seigneur fendant une flamme de feu, 8 voix du Seigneur ébranlant le désert; et le Seigneur ébranlera le désert de Cadès. 9 Voix du Seigneur préparant les cerfs, et elle découvrira les lieux touffus; et dans son temple tous diront gloire.

10 Le Seigneur fait habiter [sur la terre] le déluge; et le Seigneur roi siégera éternellement. 11 Le Seigneur donnera de la force à son peuple: le Seigneur bénira son peuple dans la paix.

 

Psaume de David. 1 Pour l'achèvement du tabernacle. Apportez au Seigneur, enfants de Dieu.

Dans les autres psaumes, le psalmiste a rappelé sa confiance qui vient de Dieu; mais ici, comme s'il était libéré, il rend grâce.

Et il expose d'abord des psaumes qui traitent de l'action de grâce. Puis il rappelle les bienfaits donnés: "En toi, Seigneur, j'ai espéré."

Concernant l'action de grâce il fait deux choses.

Il invite d'abord les autres à rendre grâce.

Puis il rend grâce lui-même: 2 Je t'exalterai, Seigneur.

Le titre de ce psaume est: Psaume de David. 1 Pour l'achèvement du tabernacle. Considérez l'histoire rapportée au premier livre des Rois, où les enfants d'Israël au temps d'Heli, combattirent contre les Philistins, et où l'arche de Dieu fut prise, et resta en leur territoire durant six mois; enfin ceux-ci à cause de leur malheur la ramenèrent à Gabaa. Et à la mort de Saül, David la prit et la transporta à Jérusalem, lui dressa un tabernacle et dansa devant elle, comme on le rapporte au deuxième livre des Rois; et c'est à cette occasion, semble-t-il, que ce psaume fut composé. Au sens mystique, par tabernacle est signifiée la Sainte Église: "Voici le tabernacle de Dieu avec les hommes" Ce tabernacle, c'est-à-dire l'Église, a été arraché aux mains des Philistins, c'est-à-dire des démons. Et le contenu de ce psaume se rapporte aux dons du Saint-Esprit, par lesquels ce tabernacle est achevé. Ce psaume se divise en deux parties.

I. Dans la première partie, le psalmiste invite les autres au devoir d'offrir à Dieu par l'action de grâce.

II. Puis il rappelle les bienfaits: 3 Voix du Seigneur sur les eaux.

I. En parlant du devoir d'offrir à Dieu par l'action de grâce, il fait trois choses.

A) Il montre d'abord à qui il faut offrir.

B) Puis qui offre.

C) Enfin ce qu'ils doivent offrir.

A. Ainsi dit-il: Apportez. Mais à qui ? au Seigneur seul, non à d'autres. Le fait que l'on doit offrir à Dieu seul est signifié au premier livre des Paralipomènes: "Tout est à toi, et c'est de ta main que nous avons reçu ce que nous t'avons donné."

B. Qui devait offrir, il le montre en disant: enfants de Dieu. - "Le Très-Haut n'approuve pas les dons des hommes iniques." - "Le Seigneur regarda" d'abord "Abel", et "ensuite ses dons", car l'homme doit d'abord plaire à Dieu, et ensuite faire une offrande; et c'est pourquoi il dit: enfants de Dieu, par la foi: "Mais à tous ceux qui l'ont reçu, il a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu, à ceux qui croient en son nom." De même par la charité: "Voyez quelle charité [Dieu] le Père a eue pour nous, de vouloir que nous soyons appelés, et que nous soyons réellement enfants de Dieu !" Par les bonnes oeuvres: "Tous ceux qui sont conduits par l'Esprit de Dieu, ceux-là sont enfants de Dieu."

2a Apportez au Seigneur des petits de béliers.

C. Ici le psalmiste montre ce qui doit être offert.

1) Et il expose d'abord un sacrifice matériel.

2) Puis spirituel: Apportez au Seigneur de la gloire.

1. Le sacrifice matériel s'accomplissait avec trois sortes d'animaux avec des boeufs, des chèvres et des béliers; et par dessus les autres animaux c'était surtout un agneau qu'on sacrifiait habituellement. C'est pourquoi dans l'Exode on rapporte que chaque matin et chaque soir on immolait un agneau, car à travers l'agneau c'était le Christ qui était surtout et plus expressément figuré: "Voici l'Agneau de Dieu." Et c'est pourquoi il dit: Apportez au Seigneur des petits de béliers, c'est-à-dire des agneaux. Au sens mystique, les béliers ce sont les chefs du troupeau, c'est-à-dire les Apôtres "Les princes des peuples se sont réunis." Leurs enfants, ce sont les fidèles: "Moi, je vous ai engendrés par l'Évangile dans le Christ Jésus." Apportez donc vous-mêmes à Dieu, vous qui êtes les petits des béliers.

2b Apportez au Seigneur gloire et honneur, apportez au Seigneur de la gloire pour son nom adorez le Seigneur en son saint parvis.

2. Ensuite il expose le sacrifice spirituel.

a) Et il commence par le mentionner.

b) Puis il l'explicite: adorez le Seigneur en son saint parvis.

a. Il faut noter que le Seigneur a voulu que ces sacrifices lui soient offerts non pour lui, car lui-même a dit: "Est-ce que je mangerai des chairs de taureaux ? Ou boirai-je du sang des boucs ?", mais afin que nous le reconnaissions comme le principe de tous nos biens, et la fin vers laquelle toutes choses doivent être rapportées; et c'est pourquoi nous devons le glorifier, de telle sorte que tout ce que nous accomplissons, nous l'accomplissions pour sa gloire: "Faites tout pour la gloire de Dieu." De même Dieu est le principe, et c'est pourquoi nous lui devons l'honneur: "Si moi je suis [le Seigneur,] où est mon honneur ?" Et c'est pourquoi il dit: Apportez au Seigneur gloire et honneur - -"Au seul Dieu, honneur et gloire."

b. adorez le Seigneur. Ici il explique le sacrifice spirituel.

- Et il montre d'abord comment nous devons lui rendre gloire.

- Puis comment nous lui devons l'honneur.

- Dieu lui-même est glorieux, et c'est pourquoi nous lui devons la gloire; aussi dit-il: apportez au Seigneur de la gloire pour son nom. Lui-même est glorieux en soi, mais son nom doit être glorieux en nous, c'est-à-dire qu'il faut qu'il soit glorieux dans notre connaissance.

- Et du fait qu'il est lui-même glorieux et resplendissant en nous, nous devons lui donner l'honneur; et c'est pourquoi il dit: adorez le Seigneur en son saint parvis, c'est-à-dire dans cette Église, qui est comme un parvis céleste. Ou bien en son parvis, c'est-à-dire en esprit: "Les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité."

3Voix du Seigneur sur les eaux, le Dieu de majesté [a tonné]; le Seigneur a tonné sur les eaux abondantes. 4 Voix du Seigneur avec force voix du Seigneur avec magnificence.

II. Ici le psalmiste expose les bienfaits divins.

A) Et d'abord les bienfaits passés.

B) Puis les bienfaits futurs: 10 Le Seigneur fait habiter [sur la terre] le déluge.

A. À propos des bienfaits passés il fait deux choses:

1) Il énumère d'abord les bienfaits accordés.

2) Puis il conclut par une action de grâce: et dans son temple.

1. Les bienfaits accordés peuvent être expliqués au sens figuré et au sens mystique.

a. Au sens figuré: dans la première partie de ces versets, il expose deux bienfaits accordés:

- D'abord dans la sortie de l'Égypte.

- Ensuite après sa sortie: Voix du Seigneur brisant.

- Et il rappelle:

· En premier lieu le bienfait de la sortie de l'Égypte.

· Puis il le manifeste.

· Il dit donc la Voix, c'est-à-dire l'ordre, du Seigneur, fut sur les eaux, de la mer qui fut divisée, comme on le rapporte au livre de l'Exode.

· Et il exalte cela de trois manières

D'abord du côté de l'autorité: le Dieu de majesté, qui est la majesté elle-même: "Toute la terre est pleine de sa majesté." a tonné, car lorsque Moïse éleva les mains, le vent souffla. Et en parlant de ce souffle il dit: a tonné, car le tonnerre est dû au mouvement des vents.

De même du côté de la matière, car il n'assécha point de petites quantités d'eau, mais des eaux abondantes, c'est-à-dire celles de la mer: "N'est-ce pas toi qui a desséché la mer ?" - "Elle les a fait passer à travers des eaux immenses."

Semblablement du côté de l'effet, car le fait qu'il renversa les ennemis fut l'effet d'une grande force: "Ta droite, Seigneur, a frappé l'ennemi." De même, un autre effet est dû à sa magnificence, aussi dit-il: voix du Seigneur avec magnificence, car il a fait traverser à sec la mer, d'où ce qui suit dans ce même chapitre de l'Exode: "Magnifique en sainteté, terrible et digne de louanges"

5 Voix du seigneur brisant les cèdres; et le Seigneur brisera les cèdres du Liban,

- Ensuite le psalmiste rappelle les bienfaits accordés après la traversée de l'Égypte. Et cela peut être interprété de deux manières.

· D'abord par l'éloignement du mal.

· Puis par la donation des biens: Voix du Seigneur brisant.

· Concernant l'éloignement du mal il fait deux choses

Il commence par exposer un bienfait.

Puis la facilité de le donner: et les mettra en pièces.

Ainsi dit-il: Voix du Seigneur brisant les cèdres. Les cèdres, ce sont les grands hommes, et le psalmiste désigne les Amorrhéens qui étaient grands et forts: "J'ai exterminé devant sa face l'Amorrhéen, dont la hauteur était la hauteur des cèdres, et il était fort lui-même comme un chêne." Semblablement dans toute la terre qui leur était promise, il y avait des Amorrhéens et d'autres peuples qui ne pouvaient pas être exterminés et soumis jusqu'au temps de David. Tous les Amorrhéens habitaient encore près du Liban, comme on le rapporte dans le livre de Josué. Et c'est pourquoi il dit: le Seigneur brisera les cèdres du Liban, c'est-à-dire les Amorrhéens qui y habitaient encore.

et les mettra en pièces comme un jeune veau du Liban, et [Saron] le bien-aimé [sera] comme un petit [des cornes] de licornes. Les textes hébreux lisent: "Et les mettra en pièces comme un jeune veau du Liban, et Saron comme le petit des buffles." Et c'est le sens littéral: car il y a une différence entre des buffles et des boeufs; les buffles se nourrissent dans les marais, tandis que les boeufs se nourrissent sur les montagnes. Or il y avait sur la montagne du Liban de nombreux pâturages sur lesquels croissaient de grands cèdres. Il y avait aussi des veaux et des boeufs. Ainsi il sera facile à Dieu de mettre en pièces les cèdres du Liban, comme s'il mettait en pièces le jeune veau du Saron. Saron est un lieu: "La beauté du Carmel et du Saron." Ce lieu est marécageux, c'est là où les buffles se nourrissent, autrement dit: il mettra en pièces même Saron comme un petit de buffle ou un jeune taureau.

b. Voix du Seigneur sur les eaux. Au sens mystique, le psalmiste indique un double bienfait: celui de la conversion et des dons qui sont accordés aux convertis. Voix du Seigneur avec force. Selon une signification cachée, on peut expliquer cela de deux manières. Ou bien, en tant que cela se réfère à la prédication du Christ, et il est alors question de la conversion des Juifs et des nations. Des Juifs, lorsqu'il dit: Voix du Seigneur sur les eaux. Les hommes sont comparés aux eaux, car "ils sont comme les eaux qui s'écoulent et qui ne reviennent point", comme on le rapporte dans le deuxième livre des Rois. C'est pourquoi la voix est dite sur les eaux, c'est-à-dire que la prédication du Seigneur se fait sur le peuple des Juifs, parce que par la doctrine de Dieu non encore incarné mais attendu, les Juifs se convertissent à Dieu. À propos de la conversion des nations, il continue en disant: le Dieu de majesté a tonné. Le tonnerre se forme dans les nuages, signifiant l'Incarnation elle-même qui est comme une nuée: "Voici que le Seigneur montera sur un nuage léger." Donc le Dieu de majesté a tonné, c'est-à-dire le Tout-Puissant a tonné par la prédication sous le voile de la chair: "Dieu tonnera merveilleusement par sa voix." Et il dit: sur les eaux abondantes, parce que la voix du Seigneur incarné ne fut pas seulement sur les Juifs, mais aussi sur les nations: "Je t'ai destiné à être la lumière des nations, afin que tu sois mon salut jusqu'à l'extrémité de la terre." Ou bien: sur les eaux, du baptême; voilà pourquoi depuis le temps où le Christ a été baptisé, ce psaume est chanté.

- Voix du Seigneur avec force. Plus haut le psalmiste a traité du mystère de la conversion des Juifs et des nations selon le sens mystique; mais ici il expose le bienfait des dons spirituels; et à cet égard il fait trois choses

· Il mentionne d'abord les dons spirituels.

· Puis il expose l'extirpation des vices, qui résulte de ces dons Voix du Seigneur.

· Enfin le progrès ou l'avancement vers les biens: Voix du Seigneur préparant.

· Dans l'octroi des dons spirituels on fait la distinction suivante: en effet, à certains ils sont donnés en vue de l'utilité commune et des choses à accomplir, et ces derniers concernent la nécessité du salut; à d'autres ils sont donnés en vue de choses ardues, comme accomplir des miracles ou d'autres choses du même genre.

Au sujet des premiers il dit: Voix du Seigneur avec force, c'est-à-dire que par l'ordre du Seigneur est donnée la force d'accomplir les préceptes.

Au sujet des seconds il dit: voix du Seigneur avec magnificence, c'est-à-dire que par l'ordre du Seigneur il est donné aux saints d'accomplir de grandes oeuvres: "Sa magnificence et sa force paraissent dans les nuées." La Glose applique ces choses-là aux dons du Saint-Esprit. Et d'abord, la conversion des fidèles au don de crainte laquelle s'accomplit par la puissance divine, et à celle-ci il appartient d'admettre des craintes. La magnificence relève du don de science, car il appartient à la science d'exécuter de grandes choses: "Qu'il est grand celui qui a trouvé la sagesse."

· Voix du Seigneur brisant. Il traite ici de la suppression des vices.

Et il traite d'abord du vice de l'orgueil.

Puis [de celui] de la concupiscence: Voix du Seigneur fendant une flamme de feu.

Enfin du vice de l'infidélité ou du mépris: voix du Seigneur ébranlant le désert.

Il montre donc d'abord la suppression de l'orgueil. C'est pourquoi il faut noter que tout comme les sapins sont grands, ainsi en est-il également des cèdres; aussi signifient-ils l'orgueil. Il dit donc: Voix du Seigneur brisant les cèdres, c'est-à-dire la puissance du pouvoir divin sur tous les orgueilleux: "Ton orgueil a été précipité dans les enfers." et brisera les cèdres du Liban, c'est-à-dire la voix du Seigneur est sur tous les arrogants et les orgueilleux eux-mêmes en les brisant par son pouvoir: car tous les rois se convertissent au Christ par sa voix; et finalement elle est sur les cèdres du Liban, car les plus notables des Juifs se convertissent, comme il en est de Nicodème.

6 Et les mettra en pièces comme un jeune veau du Liban et le bien-aimé [sera] comme un petit de licornes.

Le psalmiste expose ici la perfection de la conversion. Le mont Liban est très abondant en pâturages, et les prêtres, à cause de la grande quantité de leurs sacrifices, y faisaient paître les boeufs; et c'est pourquoi il dit: Et les mettra en pièces comme un jeune veau du Liban. Et cela est manifeste puisque beaucoup de grands se sont exposés au martyre pour le Christ: "Mes boeufs et les animaux engraissés ont été tués."

et le bien-aimé [sera] comme un petit de licornes. Ce verset peut se lire de deux manières.

D'abord, pour signifier l'autorité de celui qui met en pièces, autrement dit: le bien-aimé accomplira ces choses. Et suivant cela le bien-aimé est présenté comme celui qui a autorité: "Celui-ci est mon fils bien-aimé en qui j'ai mis mes complaisances." Et il accomplira ces choses, comme un petit de licornes, c'est-à-dire un enfant des Juifs, parce que le mystère de l'Incarnation accomplissait ces choses; et les Juifs sont appelés petits de licornes, en tant qu'ils se glorifient dans le culte du Dieu unique. Ou bien on dit: petit de licornes, parce que selon la génération éternelle il est sans mère, et que selon la génération temporelle il fut un fils sans père.

Selon une autre lecture, le bien-aimé, etc., c'est le Christ qui souffrira comme modèle de cet écrasement, afin de donner aux autres l'exemple de souffrir: "Le Christ a souffert pour nous, vous laissant un exemple, afin que vous suiviez ses traces." Et il souffrira non en tant que Dieu, mais en tant qu'enfant des licornes, c'est-à-dire des Juifs.

7 Voix du Seigneur fendant une flamme de feu, 8 voix du Seigneur ébranlant le désert; et le Seigneur ébranlera le désert de Cadès 9 Voix du Seigneur préparant les cerfs, et elle découvrira les lieux touffus; et dans son temple tous diront gloire.

Ici le psalmiste rappelle le bienfait par lequel ils ont été libérés d'un mal infligé par Dieu. On rapporte dans le livre des Nombres qu'en raison du murmure du peuple un feu dévasta l'extrémité du camp, et qu'à la levée de la main de Moïse le feu s'éteignit; et tel est ce que le psalmiste dit: Voix, c'est-à-dire le pouvoir suprême, du Seigneur fendant, c'est-à-dire détruisant, une flamme de feu.

Puis il rappelle les bienfaits qui font progresser dans le bien. Et il en expose trois: D'abord le bienfait de l'accroissement du peuple. Puis celui de l'éducation des petits. Enfin celui de la conduite à travers le désert.

Une version de Jérôme lit: "Vox Domini parturientis desertum (Voix du Seigneur qui fait que le désert engendre)." C'est ce qu'on lit dans le livre de Josué. Aucun de ceux qui sortirent d'Égypte, et qui vinrent au désert, n'entrèrent dans la Terre promise, si ce n'est Josué et Caleb, comme on le voit dans le livre des Nombres. Mais tous ceux qui entrèrent dans cette terre sont nés dans le désert. Et c'est pourquoi il rappelle ce bienfait, à savoir que le peuple ne fut pas réduit à l'extinction; aussi dit-il: "Voix du seigneur enfantant", c'est-à-dire faisant enfanter, et en particulier le désert de Cadès; car ce fut dans l'intention de Moïse qu'aussitôt après être sortis d'Égypte, les enfants d'Israël entreraient dans la Terre promise et se rendraient à Cadès. C'est pourquoi ils envoyèrent des explorateurs, mais ceux-ci les dissuadèrent et ils craignirent d'entrer; et en raison de ce péché tous moururent. Et c'est parce qu'ils renoncèrent à y entrer que tous moururent dans ce désert. Ou bien selon notre version: voix du Seigneur ébranlant le désert, c'est-à-dire ébranlant la génération à travers le désert de Cadès.

Voix du Seigneur préparant les cerfs. Une version de Jérôme lit: "Obstetricantis cervos (Accouchant les cerfs)". L'hébreu lit: "Préparant les mulets." Les cerfs demeurent dans les déserts. Et parce que les fils d'Israël furent dans le désert pendant quarante ans, c'est la raison pour laquelle on les appelle cerfs "Qui a disposé mes pas comme ceux des cerfs", car les femmes ont reçu la capacité d'engendrer et de nourrir.

et elle découvrira les lieux touffus, ou les bois, parce qu'il lui a montré la direction à l'aide d'une colonne de feu au cours de la nuit et d'une colonne de nuée pendant le jour: "Qui a conduit son peuple à travers le désert." Au sens mystique, en disant: Voix du Seigneur brisant, il signifie le don de force.

Et le psalmiste expose à présent la suppression du péché de concupiscence. En disant: Voix du Seigneur fendant une flamme de feu, c'est-à-dire de la concupiscence: "Le désir de la sagesse conduit au royaume éternel." Et celle-ci entretient les autres maux dont parle Jean dans sa première épître: "Tout ce qui est dans le monde est convoitise de la chair, convoitise des yeux, orgueil de la vie; or cela ne vient pas du Père, mais du monde." Et celle-ci consume: "C'est un feu qui dévore jusqu'à la perdition." Basile commente ces versets: Voix du Seigneur fendant une flamme de feu, etc., de la manière suivante: "Au jour du jugement un feu se divisera par la puissance divine, car il y aura une chaleur extrême sans lumière par un feu enveloppant les réprouvés; et il y aura un feu resplendissant sans chaleur pour la gloire des élus." Et ce qu'il dit relève du don de conseil.

voix du Seigneur ébranlant le désert. Le psalmiste expose ici la suppression d'une double infidélité, c'est-à-dire celle des nations et des Juifs.

Concernant la première il dit: voix du Seigneur ébranlant le désert, c'est-à-dire qui ébranla les nations en les convertissant à la foi: "Les fils de la délaissée (c'est-à-dire du peuple païen) seront plus nombreux que [les fils] de celle qui a un mari."

Concernant la seconde il dit: désert de Cadès, ce qui veut dire saint de la Loi; car les Juifs sanctifiés par le législateur se convertiront à la fin du monde: "Votre terre est déserte. Vos cités brûlées par le feu; votre pays, devant vous, des étrangers le dévorent, et il sera désolé comme dans une dévastation de l'ennemi." Et cela relève du don d'intelligence.

· Enfin le psalmiste rappelle le bienfait qui regarde le progrès vers les biens.

Et il expose d'abord le don de la sagesse.

Puis son action: Voix du Seigneur préparant les cerfs, c'est-à-dire les hommes; car de même que les cerfs rejettent ce qui est vénéneux, ainsi les saints rejettent tout péché; et de même que les cerfs s'avancent à travers les épines sans blessure, ainsi les saints traversent la vanité de ce monde sans en jouir: "Nephtali, cerf échappé: il donne des paroles pleines de beauté." Et ces derniers sont préparés par Dieu, non par eux-mêmes; et Dieu lui-même leur découvrira [les] lieux touffus, c'est-à-dire les choses qui sont cachées aux autres: "Tu as révélé ces choses aux petits." Et cela relève du don de sagesse.

2. Puis il conclut par une action de grâce pour les bienfaits susmentionnés, en disant: dans son temple tous diront gloire. - "Que les jeunes hommes et les vierges, les vieillards et les enfants louent le nom du Seigneur." Une autre version lit: "Omnis dicet vel loquetur gloriam (Chacun dira ou proclamera [sa] gloire)." Il est vrai que chacun a des dons communs et aussi des dons particuliers. Mais pour ce don particulier chacun dira sa gloire: "À celui qui m'a donné la sagesse je rendrai gloire."

10 Le Seigneur fait habiter le déluge; et le Seigneur roi siégera éternellement. 11 Le Seigneur donnera de la force à son peuple: le Seigneur bénira son peuple dans la paix.

B. Le psalmiste traite ici des bienfaits espérés.

1) Et il rappelle d'abord le pouvoir du bienfaiteur.

2) Puis il expose les bienfaits espérés: Le Seigneur donnera de la force à son peuple.

1. En hébreu on dit: "Le Seigneur siège au déluge." Et le sens est clair, autrement dit: c'est vrai, parce qu'il a accompli cela vis-à-vis du peuple d'Israël. N'a-t-il pas exercé ce même pouvoir autrefois ? Bien plus, ses jugements ont été manifestés dès la création du monde. Et il rappelle un jugement manifesté, car en vertu de son jugement, à cause du péché des hommes, il amena le déluge. et le Seigneur roi siégera éternellement, c'est-à-dire en jugeant les peuples avec équité. Une version de Jérôme lit: "Dominus diluvium inhabitat (Le Seigneur habite dans le déluge)", ou bien fait habiter. Le déluge inondant, la terre a été vidée de ses habitants. Par la suite il a de nouveau fait habiter la terre par l'accroissement des hommes.

Au sens mystique on peut lire ce verset de trois manières.

a. Selon une première manière, en tant que ce mot diluvium (déluge) est comme un accusatif apposé à cet infinitif inhabitare (habiter): car ceux-là seuls, qui se trouvaient dans l'arche de Noé habitèrent le déluge; et ainsi par l'arche de Noé est signifiée l'Église et les saints qui sont en elle, et qui habitent en sécurité au milieu du déluge des tribulations.

b. Selon une autre manière, c'est le contraire, comme si le déluge habitait dans son temple. Le déluge, c'est le monde, et les charnels sont les mondains: "Par un déluge qui passera, il consommera la ruine." Donc par ce déluge il fera habiter dans son temple, lorsqu'ils se convertiront, et le roi siégera éternellement, comme nous l'avons commenté plus haut.

c. Selon une autre manière encore, il fait habiter le déluge, c'est-à-dire les eaux baptismales, que lui-même habite par l'effet de sa grâce.

2. Le psalmiste continue en rappelant les bienfaits espérés.

a) Et d'abord ceux qui regardent le progrès.

b) Ensuite la fin.

a. En parlant des premiers il dit: Le Seigneur donnera [la puissance] à son peuple, par laquelle ils pourront progresser: "C'est lui qui donne de la puissance à celui qui est fatigué, et il multiplie la force et la vigueur de ceux qui sont en défaillance."

b. En parlant des seconds il dit: le Seigneur bénira son peuple dans la paix.

- "Mon peuple se reposera dans la beauté de la paix, dans des tentes de confiance, et dans un repos opulent."

 

 

COMMENTAIRE DU PSAUME 29

Psaume [pour servir] de cantique. 1 À la dédicace de la maison de David. 2 Je t'exalterai, Seigneur, parce que tu m'as accueilli et que tu n'as pas réjoui mes ennemis à mon sujet.

3 Seigneur mon Dieu, j'ai crié vers toi, et tu m'as guéri; 4 Seigneur, tu as retiré de l'enfer mon âme, et tu m'as sauvé de ceux qui descendent dans la fosse.

5 Chantez des hymnes au Seigneur, [vous], ses saints; et glorifiez la mémoire de sa sainteté.

6 Parce que la colère est dans son indignation, et la vie dans sa bonne volonté. Au soir demeureront les pleurs, et au matin [reviendra] la joie.

7 Pour moi j'ai dit dans mon abondance: "Je ne serai pas éternellement ébranlé." 8 Seigneur, par ta bonne volonté, tu m'as donné l'éclat de la puissance. Tu as détourné ta face de moi, et je suis tombé dans le trouble.

9 Vers toi, Seigneur, je crierai, et à mon Dieu j'adresserai ma supplication.

10 De quelle utilité [sera] mon sang, lorsque je descendrai dans la corruption ? Est-ce que la poussière te glorifiera, ou bien annoncera-t-elle ta vérité ?

11 Le Seigneur a entendu, et il a eu pitié de moi: le Seigneur est devenu mon aide. 12 Tu as changé ma plainte en joie: tu as déchiré mon sac, et tu m'as environné de joie;

13 afin que ma gloire te chante, et que je ne sois plus tourmenté; Seigneur mon Dieu, je te rendrai gloire à jamais.

 

Psaume [pour servir ] de cantique. 1 À la dédicace de la maison de David. 2 Je t'exalterai, Seigneur, parce que tu m'as accueilli et que tu n'as pas réjoui mes ennemis à mon sujet.

Dans le psaume précèdent le prophète exhorte les autres à l'action de grâce; mais ici lui-même rend grâce. Le titre de ce psaume est: Psaume [pour servir] de cantique. 1 À la dédicace de la maison de David. Comme on l'a dit plus haut, on appelle psaumes des cantiques, car le cantique était d'abord chanté, et puis suivait le psaume, autrement dit: le psaume suivait le cantique. Nous lisons cependant que David n'a pas consacré de maison à Dieu, car il en fut empêché par Nathan de la part du Seigneur. Mais ici on ne parle pas de la maison du Seigneur, mais de celle de David. On lit au deuxième livre des Rois, qu'après la mort de Saül David prit Jérusalem, et qu'il y bâtit sa maison. Or il est de coutume que lorsque quelqu'un prend possession de sa maison, il fasse célébrer une fête solennelle. Et on pourrait dire que ce psaume fut alors chanté par David lui-même quand il entra pour la première fois dans cette maison neuve qu'il allait habiter. Mais on comprend mieux cela si on l'applique à la signification cachée de la maison de David, c'est-à-dire au mystère du Christ, qui est Tête et Corps de l'Église. Et cette même maison est aussi appelée tabernacle. On a dit plus haut: "Pour l'achèvement du tabernacle", et ici: À la dédicace de la maison. Le tabernacle appartient, à ceux qui militent; et c'est ainsi que l'Église présente est appelée tabernacle: "Voici le tabernacle de Dieu avec les hommes, et il demeurera avec eux." La maison appartient à ceux qui se reposent; ainsi l'Église attend-elle le repos de la Patrie: "Nous irons dans la maison du Seigneur." L'une et l'autre de celles-ci a une construction qui fut ordonnée à son Incarnation; et une dédicace, qui eut lieu à la résurrection, lorsque le corps du Christ fut revêtu de la gloire de l'immortalité. Sur le corps du Christ on construit continuellement; et par la conversion des fidèles il sera consacré, lorsqu'il sera dans la gloire.

Ce psaume comprend deux parties.

I. Dans la première partie, le psalmiste rappelle en général les bienfaits pour lesquels il rend grâce.

II. Dans la seconde, il rappelle ces bienfaits en particulier: 7 Pour moi j'ai dit.

I. Dans la première partie il fait deux choses:

A) Il rend grâce pour ses propres bienfaits.

B) Ensuite il invite les autres à rendre grâce pour les bienfaits qui sont donnés à tous: 5 Chantez des hymnes au Seigneur, [vous], ses saints.

A. En rendant grâce pour ses propres bienfaits il fait trois choses.

1) Il expose d'abord son action de grâce.

2) Puis il rappelle ses bienfaits: Parce que tu m'as accueilli.

3) Enfin il en donne l'explication: Seigneur mon Dieu.

1. Ainsi dit-il: Je t'exalterai, Seigneur, non point en t'élevant, mais en confessant et en louant ta grandeur: "En bénissant le Seigneur, exaltez-le autant que vous le pouvez", attribue à deux bienfaits la raison pour laquelle il l'exalte: l'un du côté de Dieu, et l'autre du côté des ennemis; et le second est l'effet du premier.

2. Du côté de Dieu, parce que "tu m'as accueilli (suscepisti) sous ta protection, quand il l'a choisi et protégé, ainsi qu'on le rapporte au premier livre des Rois". Ou bien, Dieu accueille les justes lorsqu'il unit à lui ceux qui adhèrent à lui par l'union de la charité. Mais il unit à lui le Christ homme en l'accueillant dans l'unité parfaite: "Mais toi Seigneur tu es mon soutien (susceptor), ma gloire, et tu élèves ma tête."

Du côté des ennemis, parce que tu n'as pas réjoui. Car ce n'est pas une chose très odieuse que des ennemis se réjouissent à mon sujet, puisqu'ils ne se réjouissent que de son propre malheur, et que personne ne souhaite le malheur si ce n'est à celui dont on est détesté: "Si tu accordes à ton âme ses désirs, elle te rendra la joie de tes ennemis." Mais il est certain que David ne devint pas la joie de ses ennemis, car Saül n'est pas parvenu à ses fins à son égard. Il ne semble pas qu'il en ait été ainsi pour le Christ, car ils l'insultaient même crucifié: "Ah ! toi qui détruis ce temple de Dieu et le rebâtis en trois jours, sauve-toi toi-même." Semblablement les méchants insultent aussi les hommes justes, et se réjouissent à leur sujet: "Des hommes plus jeunes que moi me tournent en ridicule. [...] Maintenant je suis devenu le sujet de leurs chansons, et je suis passé parmi eux en proverbe." Mais il faut dire que si à cette heure les Juifs se sont réjouis au sujet du Christ, il n'en sera pas ainsi à la fin; car le Christ une fois ressuscité, son nom s'est davantage propagé: "Ne te réjouis pas sur moi, mon ennemi, parce que je suis tombée; je me relèverai."

3 Seigneur mon Dieu, j'ai crié vers toi, et tu m'as guéri; 4 Seigneur, tu as retiré de l'enfer mon âme, et tu m'as sauvé de ceux qui descendent dans la fosse.

3. Ensuite lorsqu'il dit: Seigneur mon Dieu, il montre comment il est libéré.

a) Et d'abord des maux intérieurs.

b) Puis des maux extérieurs: Seigneur, tu as retiré.

a. Le mal intérieur est l'infirmité, soit corporelle, soit spirituelle. Ces deux maux ont pu se trouver en David et peuvent se trouver en nous, mais non dans le Christ, excepté l'infirmité corporelle à cause de sa passibibité; et c'est pourquoi il dit: j'ai crié, c'est-à-dire David: "Lorsque j'étais dans la tribulation, vers le Seigneur, j'ai crié." De même, le Christ a crié, bien qu'en tant que Dieu il soit celui qui exauce: "Dans les jours de sa chair, ayant offert avec larmes et grands cris des prières et des supplications à celui qui pouvait le sauver de la mort, il a été exaucé pour son humble respect." Et le psalmiste continue: et tu m'as guéri. Il dit cela parce qu'il souffre de l'une et l'autre infirmité; mais il a guéri le Christ seulement de sa passibilité corporelle.

b. Ensuite il dit qu'il a été libéré des maux extérieurs: Seigneur, tu as retiré.

- Et d'abord des maux imminents.

- Puis de ceux dont il a été préservé: tu m'as sauvé.

- Ainsi dit-il: Seigneur, tu as retiré, etc.; verset qu'on ne peut pas interpréter au sens littéral en l'appliquant à David: car il n'était pas libéré de l'enfer, lorsqu'il composa ce psaume. On peut l'entendre de lui selon un sens métaphorique, comme s'il était libéré d'un péril mortel. Mais au sens littéral on l'entend du Christ, dont l'âme a été retirée de l'enfer par Dieu: "Tu ne délaisseras pas mon âme dans l'enfer." De même cela convient à ceux qui sont ressuscités par le Christ: "Toi aussi par le sang de ton alliance tu as fait sortir tes prisonniers d'une fosse qui était sans eau."

- Puis il dit qu'il a été préservé d'un danger mortel, lorsqu'il ajoute: tu m'as sauvé de ceux qui descendent dans la fosse. Au sens littéral le mot lacus (fosse) signifie concavitas (caverne); car ce fut une coutume de l'Antiquité d'enterrer dans des cavernes profondes. tu m'as sauvé, dit-il, de ceux qui descendent dans la fosse, autrement dit: tu m'as libéré du danger de la mort. Mais cela s'applique parfaitement au Christ, car par fosse on entend la damnation éternelle; car bien que le Christ soit descendu en enfer, il n'y est pas descendu en tant que livré à la damnation, mais afin de délivrer ceux qui étaient dans la fosse, autrement dit: Tu m'as livré, afin que je sois assimilé à ceux qui descendent dans la fosse: "Je suis devenu comme un homme sans secours, libre entre les morts." Ou bien, dans la fosse, c'est-à-dire dans le péché: car il fut exempt du péché.

5 Chantez des hymnes au Seigneur, [vous], ses saints; et glorifiez la mémoire de sa sainteté.

B. Ensuite lorsqu'il dit: Chantez des hymnes au Seigneur, [vous] ses saints, etc.,

1) Il amène d'abord les autres à rendre grâce.

2) Puis il rappelle les bienfaits: Parce que la colère est dans son indignation.

1. En traitant de l'action de grâce il fait deux choses.

a) Car il montre d'abord quels sont ceux qui doivent rendre grâce à Dieu.

b) Puis à quel sujet: glorifiez.

a. Ainsi dit-il: Chantez des hymnes. Voilà comment le psaume sert de cantique. Chantez des hymnes, dis-je, vous ses saints, car "la louange n'est pas belle dans la bouche du pécheur". - "Louez notre Dieu vous tous ses saints."

b. Mais à quel sujet: glorifiez, en rendant grâce, la mémoire de sa sainteté. Selon une première manière on peut comprendre le mot mémoire dans le sens où Dieu se souvient de nous: "Je me suis souvenu de toi, ayant compassion de ta jeunesse, et de l'amour de tes fiançailles, lorsque tu me suivis dans le désert, dans une terre qui n'est pas cultivée." Et il dit: de sa sainteté. Et on peut comprendre cela de deux manières: ou bien, parce que cette mémoire vient de sa sainteté, c'est-à-dire de sa miséricorde et de sa bonté: "Soyez saints, parce que moi, je suis saint"; ou bien, parce qu'il se souvient de nous pour nous sanctifier: "Je suis le Seigneur qui vous sanctifie." Selon une autre manière, la mémoire, c'est la nôtre, car nous nous souvenons de la sainteté de Dieu, autrement dit: glorifiez-le en faisant mémoire de sa sainteté. - "Je me souviendrai des miséricordes du Seigneur."

6 Parce que la colère est dans son indignation, et la vie dans sa bonne volonté. Au soir demeureront les pleurs, et au matin [reviendra] la joie.

2. Ensuite lorsque le psalmiste dit: Parce que la colère, il rappelle les bienfaits attribués a tous. À ce propos il fait deux choses:

a) Il énonce d'abord les bienfaits qui concernent la clémence de Dieu.

b) Ensuite il montre le signe de sa clémence: Au soir demeureront les pleurs, etc.

a. La miséricorde de Dieu ne s'exerce pas sans la justice; aussi expose-t-il d'abord la justice. Puis la miséricorde.

La justice, lorsqu'il dit: Parce que la colère, etc. Cette colère est comprise comme effet de la colère, c'est-à-dire au sens de châtiment; mais l'indignation ne désigne pas le mouvement de la colère en Dieu, mais la justice de Dieu, en tant qu'elle déteste l'impie, car "Dieu a également en haine l'impie et son impiété", autrement dit: dans son indignation, c'est-à-dire la justice de Dieu jugeant les péchés dans sa colère, à savoir le châtiment. Une version de Jérôme est plus claire: "Quoniam ad momentum est ira ejus (Car un moment dure sa colère)", autrement dit: s'il se met quelquefois en colère contre les siens, c'est pour leur correction et brièvement: "Dans un moment d'indignation je t'ai caché ma face pendant un temps, mais dans ma miséricorde éternelle, j'ai eu pitié de toi, a dit ton créateur le Seigneur." - "Je ne veux pas la mort [du pécheur] qui meurt." et la vie dans sa bonne volonté. Une version de Jérôme lit: "Vita in propitiatione ejus (La vie dans sa propitiation)", autrement dit: Il punit pour un moment, et après pardonne, et rend la vie: "Il blesse, et il donne le remède."

b. Mais il montre le signe de sa clémence et de sa miséricorde au sens littéral, lorsqu'il ajoute: Au soir demeureront les pleurs, autrement dit: en un court moment le Seigneur fait passer de la tristesse à la consolation: car si quelqu'un est triste le soir, le matin il sera joyeux. Or on peut donner trois raisons pour lesquelles la tristesse est inhérente au soir, et la joie au matin.

- La première vient de la disposition extérieure: car le soir est le commencement des ténèbres qui rendent tristes, tandis que le matin est le commencement de la lumière qui réjouit; c'est pourquoi les aveugles chantent afin de se réjouir: "Quelle joie aurai-je, moi qui suis toujours dans les ténèbres, et qui ne vois point la lumière du ciel ?"

- La deuxième vient de la disposition intérieure: car le matin est le moment du sang (sanguis), où l'homme est disposé à la joie; le soir est le moment de la bile (melancholiae), où l'homme est disposé à la tristesse.

- La troisième provient de la nature du sommeil. Car le sommeil est le repos des animaux; c'est pourquoi la tristesse s'apaise par le sommeil.

Au sens mystique le texte est clair: car Au soir de l'ensevelissement du Seigneur ce fut la tristesse, parce que les fidèles pleuraient la mort du Christ. Mais au matin, à cause de l'annonce de la résurrection, ce fut la joie. Si on applique cela au genre humain tout entier, alors Au soir, c'est-à-dire lors du péché des premiers parents, ce fut la tristesse; car, comme on le lit dans la Genèse, après le milieu du jour, tandis que le soleil déclinait déjà pour se coucher, Adam pécha. Et on ne peut dire que ce gémissement fut de courte durée, puisque même après la restauration de la grâce ses séquelles demeurent. Mais au matin, c'est-à-dire dans le Christ, c'est la joie. Ou bien, au soir, c'est-à-dire lorsque la lumière spirituelle commence à s'affaiblir dans l'homme, et qu'alors vient en lui le gémissement, mais lorsque la lumière brille de nouveau en lui, alors c'est la joie: "Dès le matin je me présenterai à toi, et je verrai."

7 Pour moi j'ai dit dans mon abondance: "Je ne serai pas éternellement ébranlé". 8 Seigneur, par ta volonté, tu m'as donné l'éclat de la puissance. Tu as détourné ta face de moi, et je suis tombé dans le trouble.

II. Plus haut le psalmiste a rendu grâce pour les bienfaits divins; mais ici il expose tout le déroulement suivant lequel s'est fait leur acquisition. Et il fait trois choses.

A) Il expose d'abord la progression de sa démarche.

B) Puis son recours à la prière: 9 Vers toi, Seigneur, je crierai.

C) Enfin il montre l'exaucement de sa prière: 11 Le Seigneur a entendu.

A. Selon la Glose cela s'entend tout d'abord du Christ et puis de tout homme. Mais nous expliquerons en premier lieu comment ces versets s'entendent de tout homme: "Le commencement de tout péché est l'orgueil." Et c'est pourquoi dans la progression de sa démarche sont exposées:

1) D'abord la présomption de ceux qui mettent leur confiance dans les biens: Pour moi j'ai dit dans mon abondance, etc.

2) Puis la fausseté de cette présomption: Seigneur, par ta volonté.

3) Enfin le châtiment de cette présomption: Tu as détourné ta face de moi.

1. Ainsi dit-il: Pour moi j'ai dit, c'est-à-dire dans mon coeur présomptueux, dans mon abondance, de la prospérité matérielle, Je ne serai pas ébranlé, c'est-à-dire je ne faillirai pas: "Je suis reine, je ne suis point veuve, et je ne serai point dans le deuil." - "Au jour des biens ne perds pas le souvenir des maux." Ou bien, dans l'abondance, des biens spirituels, comme Adam étant en paradis: "Plein de sagesse et parfait en beauté, tu as été dans les délices du paradis de Dieu." Et dans cette abondance ils disent: Je ne serai pas ébranlé. Contre cette présomption il est écrit: "Que celui qui se croit être ferme prenne garde de tomber."

2. Il montre la fausseté de cette présomption lorsqu'il dit: Seigneur, par ta volonté, etc. La beauté de l'homme en cette vie n'est qu'une prospérité temporelle; c'est pourquoi elle est comparée à la fleur: "Toute chair est de l'herbe, et toute sa gloire est comme la fleur du champ." Et cette beauté de sa nature propre n'a pas la capacité de la mesure, comme on le voit dans Jacques: "Parce qu'il passera comme la fleur de l'herbe, car le soleil s'est levé avec ses ardeurs, et il a desséché l'herbe, et sa fleur est tombée, et le charme de sa beauté s'est évanoui: ainsi le riche, lui aussi, se flétrira dans ses voies." Mais d'où tient-elle sa force, sa stabilité et sa constance ? Assurément, de la volonté de Dieu. Et c'est pourquoi j'ai dit, mais présomptueusement, que je ne serai pas ébranlé. Mais il n'en est pas ainsi, au contraire aussi longtemps qu'il t'a plu, tu m'as donné l'éclat de la puissance. Parfaitement à jamais, car pour les saints ces biens sont éternels dans la Patrie; mais ici ils relèvent de son vouloir. Semblablement la beauté peut être prise au sens de force spirituelle: "La force et la beauté sont son vêtement." De même cette beauté, de par sa nature propre, n'est pas forte, car nous possédons cette beauté "dans des vases d'argile". - "Demeurez dans la cité, jusqu'à ce que vous soyez revêtus de la force d'en haut." Et c'est pourquoi il dit: tu m'as donné l'éclat de la puissance, mais par ta volonté. - "Il a pitié de qui il veut."

3. Et il prouve cela par l'effet: car lorsque Tu as détourné ta face, j'ai péri. Or on dit que Dieu détourne sa face de l'homme, quand il ne le voit pas, ou bien quand il n'est pas vu de lui. Or il voit tous les hommes par un simple regard et une simple connaissance, mais certains avec un regard de miséricorde: "Regarde-moi, et aie pitié de moi." Tu as détourné donc ta face de moi, pour ne pas me prendre en pitié. Et aussitôt je suis tombé dans le trouble, soit spirituellement en tombant dans le péché, soit temporellement en me trouvant dans l'adversité. Ou bien, Tu as détourné ta face, afin de n'être pas vu de moi. Et cela semble s'accorder avec le texte de Jérôme.

Dans toutes les adversités la force de l'homme consiste à tourner ses yeux vers Dieu: "Je me suis souvenu de Dieu, et j'ai été ravi de joie." Tu t'es donc détourné afin que je ne voie pas.

Mais si on applique cela au Christ, alors Pour moi j'ai dit signifie assurément sans présomption, mais avec la certitude de la connaissance, dans mon abondance, c'est-à-dire des vertus et des grâces: "Nous avons vu sa gloire comme la gloire qu'un Fils unique reçoit de son Père." Je ne serai pas ébranlé, par la volonté de Dieu: "Je fais toujours ce qui lui plaît." Et ce, parce que tu m'as donné l'éclat de la puissance, c'est-à-dire d'accomplir des miracles, et de résister aux adversaires: "Il a été prédestiné Fils de Dieu en puissance." Et cela est manifeste, car lorsque Tu as détourné ta face de moi, dans la passion: "Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ?", je suis tombé dans le trouble, non point dans ma raison, mais dans ma sensibilité: "Maintenant mon âme est troublée."

9 Vers toi, Seigneur, je crierai, et à mon Dieu j'adresserai ma supplication.

B. Ensuite il recourt à la prière lorsqu'il dit: Vers toi, Seigneur, je crierai, etc.

1) Et il expose d'abord sa prière.

2) Puis il donne la raison de son recours à la prière: 10 De quelle utilité.

3) Enfin il montre l'exaucement de sa prière: 11 Le Seigneur a entendu.

1. En exposant sa prière il fait deux choses:

a) Car il prie d'abord pour l'éloignement du mal.

b) Puis pour l'obtention du bien: "Et à mon Dieu j'adresserai ma supplication."

a. Ainsi dit-il: Vers toi, Seigneur, je crierai, afin que mon cri soit entendu comme une prière faite pour éloigner le mal; pour le Christ dans sa Passion, pour le pécheur dans son état de péché, pour l'homme dans son état d'adversité.

b. La supplication est faite en vue de l'obtention d'un bien: pour le Christ, la gloire; pour le pécheur, la grâce; pour l'homme affligé, la prospérité. Ou bien le mot cri se réfère à l'affliction du coeur, le mot supplication à l'assiduité de la prière: "La prière assidue du juste peut beaucoup."

10 De quelle utilité [sera] mon sang, lorsque je descendrai dans la corruption ? Est-ce que la poussière te confessera; ou bien annoncera-t-elle ta vérité ?

2. Il donne la raison de son recours à la prière de deux manières:

a) Et d'abord de manière générale.

b) Puis de manière particulière: Est-ce que la poussière te confessera ?

a. Ainsi dit-il: De quelle utilité ? Si on applique cela au Christ, son sang fut d'une souveraine utilité: "Car ceci est mon sang, le sang de la Nouvelle Alliance, qui sera répandu pour un grand nombre en rémission des péchés." Mais s'il n'était pas ressuscité aussitôt, et que sa résurrection eût été reportée jusqu'à la fin du monde, il n'aurait eu aucune utilité en lui, et il en aurait été de même si son corps avait été totalement corrompu. Mais sa passion n'a-t-elle pas suffi au salut ? Oui. Mais si cet événement n'avait pas eu lieu, c'est-à-dire s'il n'était pas ressuscité, et aussitôt, sa divinité n'aurait pas été crue; et ainsi les hommes n'en auraient pas obtenu le bien salutaire.

b. Il le montre en particulier en disant: Est-ce que la poussière te confessera ? Le mot poussière a deux sens. Ou bien il s'agit de la poussière des pécheurs: "Ils sont comme la poussière que le vent emporte de la face de la terre." Par la mort du Christ les pécheurs, qui sont poussière, ont gagné deux biens: celui de la confession de leurs péchés: "Ces choses entendues, ils furent touchés de componction en leur coeur, et ils dirent à Pierre et aux autres apôtres: "Hommes, mes frères, que ferons-nous ?" Et Pierre leur répondit: "Faites pénitence, et que chacun de vous soit baptisé au nom de Jésus-Christ, en rémission de vos péchés, et vous recevrez le don de l'Esprit-Saint."" Et c'est pourquoi il dit: Est-ce que la poussière te confessera ?, c'est-à-dire le pécheur, s'il descend dans la corruption, ce qui revient à dire: non. L'autre bien est la confession de la vérité de la foi, aussi dit-il: ou bien annoncera-t-elle ta vérité ? Ou bien la poussière résultant de la décomposition du corps, sera-t-elle maintenant une matière, pour que les peuples confessent ta vérité par l'intermédiaire des Apôtres, ou bien pour que les Apôtres en personne la confessent ? Si par poussière on entend celle de l'homme, alors le sens est le suivant: Est-ce que la poussière te confessera ? c'est-à-dire que si je meurs, je ne pourrai pas te louer.

11 Le Seigneur a entendu, et il a eu pitié de moi: le Seigneur est devenu mon aide. 12 Tu as changé ma plainte en joie: tu as déchiré mon sac, et tu m'as environné de joie.

C. Enfin lorsque le psalmiste dit: Le Seigneur a entendu, il montre l'exaucement de sa prière.

1) Et il expose d'abord l'exaucement.

2) Puis le mode de cet exaucement: et il a eu pitié de moi.

3) Enfin son fruit: afin que ma gloire te chante.

1. Ainsi dit-il: Le Seigneur a entendu, etc. Il avait dit plus haut: je crierai, mais ici il dit qu'il a été exaucé, car Le Seigneur a entendu, puisqu'il a exaucé: "Et il arrivera qu'avant qu'ils crient, moi je les exaucerai; eux parlant encore, j'écouterai." - "Père, je te rends grâces de ce que tu m'as exaucé; pour moi, je savais que tu m'écoutes toujours."

2. Ensuite il en expose le mode: et il a eu pitié de moi.

a) Et il montre d'abord le mode proprement dit.

b) Puis il le détaille: Tu as changé ma plainte en joie, etc.

a. La Glose commente: je crierai, entre les maux, et j'adresserai ma supplication, en vue des biens; et dans l'une et l'autre manière de prier j'ai été exaucé. Car en ce qui concerne la première manière il dit: il a eu pitié de moi, en écartant tout mal lié au châtiment. Et en ce qui concerne la seconde manière il dit: le Seigneur est devenu mon aide, car j'ai obtenu la gloire de l'immortalité: "Le Seigneur est mon aide et ma protection; en lui a espéré mon coeur, et j'ai été secouru. Et ma chair a refleuri."

b. Il détaille ce mode lorsqu'il dit: Tu as changé. En tant qu'il parle du Christ il fait deux choses:

- Car il montre d'abord le changement du mal en bien pour les choses intérieures.

- Puis quant aux choses extérieures:tu as déchiré.

- Le Christ a émis un gémissement sur lui-même au temps de sa Passion, car il a dit: "Mon âme est triste à en mourir; demeurez ici et veillez avec moi." Et sur les siens: "Vous gémirez et vous pleurerez, vous, mais le monde se réjouira." Tu as changé cette plainte, dit-il, en joie de résurrection. Pour lui: "Seigneur, dans ta force le roi se réjouira", c'est-à-dire le Christ. Pour les siens: car "les disciples se réjouirent à la vue du Seigneur".

- Ensuite il montre le changement qui s'opère du mal en bien pour les choses extérieures, car il dit: tu as déchiré mon sac. Ce sac est une étoffe grossière, qu'on fixe aux reins au temps de la tristesse et qui est fait de poils de chèvre. Ainsi ce sac est la chair du Christ en tant qu'elle a une ressemblance avec la chair du péché. Les chèvres et les boucs signifient les pécheurs) parce qu'ils étaient offerts pour les péchés, comme on le rapporte dans la Glose. tu as déchiré mon sac, c'est-à-dire tu as permis que je sois déchiré par les clous et par la lance, et tu m'as restitué l'immortalité; et c'est pourquoi il dit: tu m'as environné. Ou bien ma plainte changée en joie peut s'entendre de n'importe quel juste: "Votre tristesse se changera en joie." - "Après la lamentation et les pleurs tu répands la joie."

13 Afin que ma gloire te chante, et que je ne sois plus tourmenté; Seigneur mon Dieu, je te rendrai gloire à jamais.

3. Puis lorsqu'il dit: afin que [la] gloire te chante, il expose le fruit de l'exaucement. Or ce fruit est la gloire de Dieu; et le fait qu'il accède à la gloire de Dieu, on peut le comprendre de deux manières: ou bien en l'appliquant à la gloire de la résurrection du Christ, ou bien à celle des saints; c'est pourquoi il dit: ma gloire m'a été donnée dans la résurrection, ou bien doit être donnée aux saints dans la Patrie, te chante, c'est-à-dire que ma louange soit pour toi: "Afin que ton Fils te glorifie", et que ce soit pour toujours; aussi dit-il: Seigneur mon Dieu, je te rendrai gloire à jamais. - "Bienheureux ceux qui habitent dans ta maison, Seigneur; dans les siècles des siècles ils te loueront."

 

 

COMMENTAIRE DU PSAUME 30

1 Pour la fin. Psaume de David. Pour l'extase. 2a En toi, Seigneur, j'ai espéré, je ne serai pas confondu à jamais;

2b dans ta justice, libère-moi. 3 Incline vers moi ton oreille, hâte-toi de m'arracher. Sois pour moi un Dieu protecteur, et une maison de refuge, afin que tu me sauves.

4 Parce que ma force et mon refuge, c'est toi, et à cause de ton nom tu me conduiras et me nourriras. 5 Tu me tireras de ce filet qu'ils m'ont tendu en secret, parce que c'est toi qui es mon protecteur.

6 En tes mains je remets mon esprit; c'est toi qui m'as racheté, Seigneur, Dieu de vérité. 7a Tu hais ceux qui observent les vanités sans raison.

7b Pour moi, dans le Seigneur j'ai espéré; 8a j'exulterai et je me réjouirai dans ta miséricorde,

8b parce que tu as regardé mon humiliation; tu as sauvé mon âme de ses nécessités pressantes. 9 Tu ne m'as pas renfermé dans les mains de l'ennemi; tu as établi mes pieds dans un lieu spacieux.

10 Aie pitié de moi, Seigneur, parce que je suis dans la tribulation; mon oeil a été troublé par la colère ainsi que mon âme et mes entrailles.

11 Parce que ma vie a défailli dans la douleur, et mes années dans les gémissements. Ma force s'est affaiblie par la pauvreté, et mes os ont été ébranlés.

12 À cause de tous mes ennemis je suis devenu un objet d'opprobre, et pour mes voisins surtout, et un objet de crainte pour mes connaissances. Ceux qui me voyaient dehors ont fui loin de moi: 13a j'ai été livré à l'oubli, comme un mort [oublié] du coeur.

13b Je suis devenu comme un vase perdu, 14a parce que j'ai entendu le blâme d'un grand nombre demeurant à l'entour.

14b Pendant qu'ils se rassemblaient contre moi, ils ont tenu conseil pour prendre mon âme.

15 Mais moi, j'ai espéré en toi, Seigneur, j'ai dit: "Tu es mon Dieu." 16a En tes mains sont mes destinées.

16b Arrache-moi à la main de mes ennemis, et à ceux qui me persécutent. 17 Fais luire ta face sur ton serviteur, sauve-moi dans ta miséricorde. 18a Seigneur, que je ne sois point confondu, parce que je t'ai invoqué.

18b Que les impies rougissent, et qu'ils soient précipités dans l'enfer. 19a Qu'elles deviennent muettes les lèvres trompeuses 19b qui profèrent l'iniquité contre le juste, avec orgueil et mépris.

20 Qu'elle est grande, Seigneur, l'abondance de ta douceur que tu as réservée en secret à ceux qui te craignent ! Tu l'as rendue parfaite pour ceux qui espèrent en toi, en présence des enfants des hommes.

21 Tu les tiendras cachés dans le secret de ta face, loin de l'intrigue des hommes. Tu les protégeras dans ton tabernacle contre la contradiction des langues.

22 Béni le Seigneur ! parce qu'il a signalé sur moi sa miséricorde dans une cité fortifiée.

23a Pour moi, j'ai dit dans le transport de mon esprit: "J'ai été rejeté loin de tes yeux."

23b C'est pourquoi tu as exaucé la voix de ma prière, quand je criais vers toi.

24 Aimez le Seigneur, vous ses saints, parce que le Seigneur recherchera la vérité, et il rendra abondamment à ceux qui sont orgueilleux.

25 Agissez virilement, et que votre coeur se fortifie, vous tous qui espérez dans le Seigneur.

 

1 Pour la fin. Psaume de David. Pour l'extase. 2a En toi, Seigneur, j'ai espéré, je ne serai pas confondu à jamais;

Plus haut le prophète a décrit en détail les tribulations, les bienfaits de Dieu, sa prière, sa confiance et son action de grâce; mais ici il expose tout le déroulement de sa libération. Le titre de ce psaume est: Pour la fin. Psaume de David. Pour l'extase. Les versions de Jérôme ne lisent pas: Pour l'extase, les versions hébraïques non plus; et il est probable que les Septante l'ont ajouté à cause de ce qui est exprimé plus bas: dans le transport. Car le mot ékstasis (extase) en grec se dit en latin excessus (transport) ce qui relève de l'esprit, parce que l'homme est mis hors de lui. Et cela peut arriver de deux manières. Ou bien parce qu'il est attiré par les réalités supérieures, ou bien parce qu'il est jeté à bas par les choses inférieures. Donc l'âme de l'homme, dans la mesure où elle est ravie hors d'elle-même, on dit qu'elle est ou bien attirée par les réalités d'en haut par la contemplation et l'amour: car l'amour divin, comme le dit Denys dans les Noms divins, produit l'extase, parce qu'il la fait vivre non de sa vie propre, mais de la vie de Dieu: "Je vis, non plus moi, mais le Christ vit en moi"; ou bien qu'elle est attaquée, ou effrayée par ce qui est au-dessous d'elle-même, aussi quand elle craint, elle est hors d'elle-même: "Ils furent étonnés et hors d'eux-mêmes." Et comme le veut la Glose, le mot extase est pris ici selon ce mode, car il est question de la tribulation du Christ dans sa Passion; aussi le Christ, pendant sur la croix, dit: "Je remets mon esprit entre tes mains." Il est aussi question des tribulations de l'Église, et cela sous la figure des événements qui arrivèrent à David. Ou bien on entend les paroles de ce psaume comme si elles étaient proférées par une seule personne: car la tête, le corps et les membres sont une seule personne; c'est pourquoi le Christ parle pour lui et pour son corps: "Comme l'époux paré d'une couronne, et comme l'épouse ornée de ses colliers", car le Christ et l'Église sont une seule personne.

Ce psaume se divise en deux parties.

I) Car il parle d'abord de la prière.

II) Puis de l'exaucement: 20 Qu'elle est grande, Seigneur, l'abondance de ta douceur.

I. Mais parce que la prière s'appuie sur l'espérance, il parle d'abord de l'espérance et ensuite de la prière. Puis il donne leur raison, à savoir pourquoi il espère et pourquoi il prie.

A. Concernant la raison de son espérance il fait deux choses.

1) Car il parle d'abord de l'espérance.

2) Puis il y ajoute la raison: dans ta justice, libère-moi.

1. En parlant de l'espérance il fait deux choses.

a) Il expose en premier lieu sa rectitude.

b) Puis sa certitude ou sa fermeté: je ne serai pas confondu à jamais.

a. Ainsi dit-il: En toi, Seigneur, j'ai espéré. Il est écrit dans Jérémie: "Maudit l'homme qui se confie dans l'homme, qui se fait un bras de chair, et dont le coeur se retire du Seigneur." Et c'est pourquoi l'espérance ne peut être droite dans l'homme, mais en Dieu: "Vous qui craignez le Seigneur, espérez en lui, et sa miséricorde vous viendra en joie." Et on dit cela de la personne du Christ et de l'Église.

En sens contraire: L'espérance n'a pas sa place dans le compréhenseur (comprehensor); or le Christ fut compréhenseur. Donc il n'eut ni l'espérance ni la foi, mais la vision.

Réponse: Espérer vient du mot espérance; or on parle de l'espérance de deux manières: car parfois on désigne la vertu, mais parfois son objet, qui est le bien, sous un double rapport: car il regarde Dieu comme béatitude éternelle, et comme donateur de la béatitude. Le Christ n'a pas eu cette espérance, car son objet est un bien futur, non acquis. En revanche, toutes les autres choses étaient attendues par le Christ avec le secours de Dieu, comme la gloire de l'immortalité, la conversion des hommes, et autres choses du même genre. Et par rapport à cela il espérait, bien que la vertu d'espérance ne lui ait pas été nécessaire.

b. Puis il expose la fermeté de son espérance en disant: je ne serai pas confondu à jamais, parce qu'il s'appuie sur Dieu qui est immuable; mais celui qui espère en l'homme pécheur est parfois confondu.

2b dans ta justice, libère-moi. 3 Incline vers moi ton oreille, hâte-toi de m'arracher. Sois pour moi un Dieu protecteur, et une maison de refuge, afin que tu me sauves.

2. Ensuite lorsque le psalmiste dit: dans ta justice, il ajoute sa raison. Et il fait trois choses.

a) Il commence par donner la raison pour laquelle il demande d'être libéré.

b) Puis il expose la rapidité de sa libération: Incline.

c) Enfin il en expose le mode: Sois pour moi.

a. Ainsi il dit: Ô Seigneur, j'espère, et c'est pourquoi je demande d'être libéré. Mais pour quelle raison ? Non en raison de ma justice, mais dans ta justice, parce que tu es juste: "Ce n'est pas en vue de notre justice que, prosternés, nous répandons nos prières devant ta face, mais en vue de tes miséricordes abondantes." Ou bien: dans ta justice, celle que tu m'as donnée, non la mienne. Il est écrit dans les Romains: "Ignorant la justice de Dieu, et cherchant à établir la leur, ils ne sont pas soumis à la justice de Dieu."

b. De même je demande d'être rapidement libéré, parce que je ne puis pas souffrir l'affliction. Le délai peut se produire pour deux raisons. La première raison peut tenir au fait que le libérateur est loin; tandis que l'autre tient au fait qu'il est paresseux. Or Dieu semble être loin de nous; c'est pourquoi certains ont dit qu'il n'a pas soin de nous: "Il parcourt les pôles du ciel, il ne s'occupe pas de ce qui nous regarde." Et c'est pourquoi je demande que toi, Dieu, qui habites les cieux, et que moi je ne puis atteindre, tu inclines ton oreille. L'oreille de Dieu est sa volonté d'exaucer; et on dit que Dieu s'approche de nous, lorsqu'il condescend à nos infirmités et à nos misères; et c'est pourquoi il dit: hâte-toi de m'arracher. - "Appelle son nom: Hâte-toi d'enlever les dépouilles: Empresse-toi de prendre le butin", car il ne tarde pas dans la nécessité.

c. Il y a deux modes de libération, à savoir afin de ne pas blesser celui qui est dans les maux, ou bien afin de fuir les maux.

- Touchant le premier mode, il dit: Sois pour moi un Dieu protecteur, afin que les maux ne me blessent pas: "Il m'a caché dans son carquois."

- Touchant le second mode, il dit: et une maison de refuge; et c'est le nom du Seigneur: "C'est une tour très forte que le nom du Seigneur." Et c'est pourquoi celui-ci ajoute: afin que tu me sauves.

4 Parce que ma force et mon refuge, c'est toi, et à cause de ton nom tu me conduiras et me nourriras. 5 Tu me tireras de ce filet qu'ils m'ont tendu en secret, parce que c'est toi qui es mon protecteur.

B. Ensuite lorsqu'il dit: Parce que, il montre ce qui le meut.

1) Et d'abord à espérer.

2) Puis à prier: Aie pitié de moi, Seigneur, parce que je suis dans la tribulation.

1. Concernant ce qui le meut à espérer, il fait deux choses.

a) Car il est mû d'abord à espérer en considérant la nature divine.

b) Puis par l'expérience des bienfaits: Pour moi, dans le Seigneur j'ai espéré. Car ces deux choses procurent la confiance.

a. Il montre la disposition de Dieu de deux manières.

- D'abord par rapport à nous.

- Ensuite par rapport aux adversaires, car ils étaient et adversaires et ennemis: Tu hais ceux qui observent les vanités sans raison.

- Par rapport à nous il fait trois choses.

· Car il expose d'abord le comportement de Dieu à notre égard.

· Puis ce qu'il espère à partir de cela: et à cause de ton nom.

· Enfin, animé par l'espérance, il se répand en prière: En tes mains je remets mon esprit.

· Or il faut savoir que Dieu a un comportement à notre égard, parce qu'il est notre force pour accomplir toutes oeuvres bonnes que nous faisons grâce à lui: "Ma force et ma louange, c'est le Seigneur; car il est devenu mon salut." De même, parce qu'il est notre refuge pour éviter les maux: "Le rocher (c'est-à-dire Dieu) est un refuge aux hérissons", et c'est pourquoi il dit: j'espère en toi en raison de ces deux choses.

· Et ce qu'il espère, il le montre à partir de la personne du voyageur, parce qu'il manque toujours de conducteur, de pourvoyeur et de défenseur. D'abord pour ce qui regarde la voie. Puis pour ce qui regarde la vie. Enfin pour ce qui regarde le salut.

Et c'est pourquoi en rapport avec le conducteur il dit: tu me conduiras, c'est-à-dire par la voie du salut.

En rapport avec le pourvoyeur il dit: tu me nourriras, avec la nourriture des vertus, mais aussi avec la nourriture corporelle: "Le Seigneur me conduit, et rien ne me manquera."

En rapport avec le défenseur il dit: Tu me tireras de ce filet, c'est-à-dire de l'embûche frauduleuse qu'ils m'ont préparée: "Viens avec nous, dressons des embûches au sang, cachons des pièges à l'innocent qui ne l'a pas mérité; comme l'enfer, engloutissons-le vivant et entier, comme celui qui descend dans la fosse." - "Le filet s'est rompu." Et la raison tient au fait que c'est toi qui es mon protecteur, autrement dit: J'espère parce que tu m'accorderas ces choses, parce que c'est toi qui es mon protecteur.

6 En tes mains je remets mon esprit; c'est toi qui m'as racheté, Seigneur, Dieu de vérité. 7a Tu hais ceux qui observent les vanités sans raison.

· Il se répand enfin en une prière soudaine; et à ce propos il fait deux choses.

Il se recommande d'abord au Seigneur.

Puis il rappelle son bienfait divin, ou acquis, ou qu'il va bientôt recevoir: tu m'as racheté, Seigneur, Dieu de vente.

À propos de sa recommandation au Seigneur il dit: En tes mains je remets mon esprit. Il recommande ce qu'il a de plus cher à celui qui le conduit. Et c'est pourquoi en cette vie dangereuse je te remets mon esprit, ô Dieu. Le Christ fit cela pour nous donner un exemple, c'est pourquoi il a dit sur la croix: En tes mains, etc. - "Je sais à qui j'ai cru, et je suis sûr qu'il est puissant pour garder mon dépôt jusqu'à ce jour." On comprend cela dans la, personne de l'Église, autrement dit: l'Église s'adressant au Christ qui en est la Tête: toi, tu dis: En tes mains je remets mon esprit, etc.

Et il résulte de cela, à savoir de la croix, notre rédemption. Et il dit: Dieu de vérité, car il a accompli ce qu'il a promis.

- Mais par rapport aux adversaires il dit: Tu hais, autrement dit: Tu te comportes ainsi vis-à-vis de moi, mais comment te comportes-tu vis-à-vis des adversaires ? Car tu hais, et avec raison, ceux qui observent les vanités, etc., c'est-à-dire ceux qui mettent leur espérance dans les choses de ce monde et qui s'y attachent. Et cela, sans raison, car ils défaillent: "À quoi nous a servi l'orgueil ? Ou que nous a rapporté l'ostentation des richesses ?" Il en est de même des vanités, des augures, ou des songes, ou des pactes avec les démons; et de telles choses sont haïes par Dieu, car elles sont sacrilèges et idolâtres: "Bienheureux l'homme dont le nom du Seigneur est l'espérance, et qui n'a point porté ses regards sur des vanités et des folies mensongères."

7b Pour moi, dans le Seigneur j'ai espéré; 8a j'exulterai et je me réjouirai dans ta miséricorde.

b. Plus haut le psalmiste a donné la raison de son espérance en se fondant sur la disposition divine; mais ici il la donne en se fondant sur son expérience des bienfaits divins.

- À ce propos il fait deux choses.

· Car il expose d'abord son espérance.

· Puis son effet: j'exulterai.

· Ainsi dit-il: Dieu hait les méchants; Pour moi, qui n'observe pas les vanités, j'ai espéré en Dieu seul, non dans le dieu des richesses.

· L'effet de l'espérance est la joie spirituelle: "Vous réjouissant par l'espérance." Et il expose le mode de cette joie, car il dit: j'exulterai et je me réjouirai. Or l'exultation est la joie qui se répand au-dehors par des signes extérieurs. La joie, en revanche, exprime la dilatation intérieure du coeur. L'exultation exprime donc la grandeur de la joie, l'allégresse la modération. Et il parle d'abord de l'exultation, car les hommes enflammés par l'amour de Dieu se réjouissent davantage au commencement, mais par la suite leur réjouissance devient modérée. je me réjouirai, non dans ma justice, mais dans la tienne.

8b parce que tu as regardé mon humiliation; ta as sauvé mon âme de ses nécessités pressantes. 9 Tu ne m'as pas renfermé dans les mains de l'ennemi; tu as établi mes pieds dans un lieu spacieux.

- Ici il rappelle le bienfait de sa libération.

· D'abord sa libération.

· Puis son mode: Tu ne m'as pas renfermé.

· Il dit qu'il a été libéré de deux choses: de l'abjection et de la tribulation. La première chose s'oppose à l'honneur; la seconde à la prospérité.

Concernant la première chose il dit: humiliation, c'est-à-dire l'abjection, autrement dit: bien que toi tu sois élevé dans les cieux, cependant tu as regardé ici celui qui est rejeté, ou l'humiliation du coeur. - "Il a regardé l'humilité de sa servante."

Concernant la seconde chose il dit: tu as sauvé [des] nécessités pressantes, c'est-à-dire des tribulations, l'âme, non le corps; car selon le corps ils succombent parfois, mais l'âme est libérée: "Arrache-moi à mes nécessités pressantes, Seigneur." Ou bien il appelle nécessités les passibilités de la vie présente, c'est-à-dire la mort, la famine, la disette, l'indigence: "Dans les nécessités des saints, partageant avec eux."

· Puis il montre le mode de sa libération.

D'abord quant à l'affranchissement du mal.

Ensuite quant à la conservation dans le bien, car tu as établi.

À propos de l'affranchissement du mal il dit: Tu ne m'as pas renfermé. Une chose est renfermée lorsqu'il n'y a rien d'elle au-dehors. Dieu permet que quelqu'un soit tenté par les hommes, mais il ne le renferme pas entre leurs mains, car il se réserve quelque chose contre lequel l'ennemi ne peut rien, comme dans Job, dont la possession fut d'abord livrée entre les mains de Satan sans qu'il ne puisse toucher à son âme; aussi dit-il: "Cependant conserve son âme." Mais les impies, eux, sont renfermés dans les mains de l'ennemi.

Cependant il est écrit: "Il m'a tenu captif sous la puissance d'un méchant; et il m'a livré aux mains d'hommes impies."

On répondra à cette objection en disant que c'est vrai selon l'intention de l'ennemi qui croit se prévaloir, mais que cela n'est pas vrai absolument parlant.

À propos de la conservation dans le bien il dit: tu as établi, etc., c'est-à-dire dans un lieu libre et spacieux, mes pieds, c'est-à-dire mes sentiments, car nulle part il n'est empêché de faire le bien: "Je te conduirai par les sentiers de l'équité, lorsque tu y seras entré, tes pas ne seront pas gênés, et en courant tu ne trouveras pas de pierre d'achoppement." Ou bien ce lieu spacieux c'est la vie éternelle: "Ô Israël, qu'elle est grande, la maison de Dieu, et qu'il est vaste, le lieu de sa possession !", là où nos pieds se sont tenus: "Nos pieds se tenaient dans tes parvis, ô Jérusalem."

10 Aie pitié de moi, Seigneur, parce que je suis dans la tribulation; mon oeil a été troublé par la colère ainsi que mon âme et mes entrailles.

2. Ensuite lorsqu'il dit: Aie pitié de moi, Seigneur, parce que je suis dans la tribulation, etc., il donne une double raison à sa prière.

a) Il parle d'abord de la prière en général et de sa cause.

b) Puis il poursuit en traitant en détail de l'une et de l'autre: mon oeil a été troublé.

a. En parlant de la prière en général et de sa cause il fait deux choses.

- Il expose d'abord sa demande en général: Aie pitié.

- Puis la cause de sa demande: parce que, etc.

- Concernant sa demande en général il est écrit dans Judith: "Nous réclamons son indulgence avec larmes."

- Et pourquoi ? parce que je suis dans la tribulation. - "Nombreux sont ceux qui me persécutent et qui me tourmentent."

En sens contraire: il a dit plus haut: tu as sauvé mon âme de ses nécessités pressantes.

Réponse: je dis qu'il parle selon qu'il s'adresse à des membres divers, ou bien à des moments différents.

b. a été troublé. Il expose ici sa tribulation de manière détaillée, puis sa prière: Mais moi, j'ai espéré en toi.

En exposant sa tribulation de manière détaillée, il fait deux choses.

- Car il en parle d'abord selon le point de vue interne.

- Puis selon le point de vue externe: Parce que ma vie a défailli.

- Selon le point de vue interne trois choses sont mentionnées: l'oeil, l'âme et le ventre; par ces choses sont signifiées la raison, la volonté et la sensualité. En ce sens que lorsque l'homme est dans la tribulation, toutes ces puissances sont ébranlées.

Et c'est pourquoi il dit: mon oeil, c'est-à-dire intérieur. - "Qu'il éclaire les yeux de votre coeur." par la colère, des ennemis qui persécutent, ou de Dieu qui punit: "Mon oeil a été troublé par la fureur." Ou bien: par la colère, parce que je me suis mis en colère contre les méchants. En effet cela n'aveugle pas l'oeil comme le fait la colère dans le vice; mais cela trouble et assombrit, parce qu'ainsi il ne voit pas clairement.

mon âme, c'est-à-dire la volonté, car le propre de la volonté est de mouvoir le corps, et la volonté meut toutes choses qui sont en nous: "Mon âme est troublée."

mes entrailles, c'est-à-dire faibles, et signifiant la sensualité: "Mes entrailles sont pleines de douleur." Ou bien les mots mon âme se réfèrent à la sensualité, mais les mots mes entrailles se réfèrent au corps, autrement dit: la sensualité est troublée, le corps aussi. Ou bien cela se réfère aux divers membres de l'Église. Car les yeux, ce sont les docteurs, l'âme, les prélats, les entrailles, ce sont tous les autres membres.

11 Parce que ma vie a défailli dans la douleur, et mes années dans les gémissements. Ma force s'est affaiblie par la pauvreté, et mes os ont été ébranlés.

- Ensuite lorsqu'il dit: Parce que ma vie, etc., il expose la tribulation quant aux choses extérieures. Or la tribulation est bannie par les biens de la vie présente, qui sont au nombre de trois: les délices de la chair, les richesses et les honneurs: "Tout ce qui est dans le monde est convoitise de la chair, convoitise des yeux, orgueil de la vie; or cela ne vient pas du Père, mais du monde."

· Au premier bien il oppose la douleur.

·Au deuxième la pauvreté.

· Et au troisième les opprobres.

Le deuxième correspond à: s'est affaibli; et le troisième a: À cause de tous mes ennemis.

· Concernant la douleur il fait deux choses.

Car il commence par l'exposer.

Puis il en donne le signe: mes années.

Ainsi dit-il: je suis la tribulation, intérieurement; et cette tribulation vient de l'intérieur: Parce que ma vie a défailli dans la douleur. La vie humaine progresse continuellement vers la défaillance: "Aussitôt nous avons cessé d'être." Donc celui qui est triste peut dire: ma vie a défailli dans la douleur. - "Car la tristesse hâte la mort." Ou bien il s'agit de la vie spirituelle: "Le juste vit de la foi."

Ou bien on peut l'entendre de la vie selon laquelle quelqu'un se réjouit du bien des autres: "Maintenant je me réjouis, non de ce que vous êtes tristes, mais de ce que vous avez été contristés de manière à faire pénitence." Et la douleur cause en eux la défaillance, aussi dit-il: et mes années, c'est-à-dire la durée de ma vie, dans les gémissements, qui sont le signe de la douleur.

· Concernant la pauvreté il dit: s'est affaiblie, etc. Les richesses affermissent les hommes: "Comme la sagesse protège, l'argent protège aussi." Et c'est pourquoi la pauvreté se réfère à la faiblesse extérieure. Or, de même que la pauvreté temporelle engendre la faiblesse extérieure, ainsi la pauvreté spirituelle engendre la faiblesse spirituelle. La force, c'est-à-dire la force corporelle qui est faite de nerfs et d'os; et c'est pourquoi il ajoute: mes os, autrement dit: toutes les choses sur lesquelles sa force était fondée étaient affaiblies: "Ils ont compté tous mes os."

12 À cause de tous mes ennemis je suis devenu un objet d'opprobre, et pour mes voisins surtout, et un objet de crainte pour mes connaissances. Ceux qui me voyaient dehors ont fui loin de moi: 13a J'ai été livré à l'oubli, comme un mort [oublié] du coeur.

· Le prophète, en montrant sa tribulation extérieure, a exposé ses douleurs par opposition aux délices, sa pauvreté par opposition aux richesses; mais ici il expose ses opprobres par opposition aux honneurs du monde.

Il commence par exposer la confusion dont il souffre.

Puis il introduit une comparaison: Je suis devenu comme un vase.

Enfin il expose une épreuve: parce que j'ai entendu.

En exposant la confusion il fait trois choses, en tant qu'on remarque une triple gradation en ceux qui méprisent les autres: car certains lui font des opprobres, d'autres évitent sa société, et il en est d'autres qui l'oublient tout à fait, et cela a trait au mépris, car personne n'oublie ce qu'il ne méprise pas.

Il expose donc le premier degré et dit: À cause de tous mes ennemis, etc. Une version de Jérôme lit: "Apud omnes hostes meos factus sum opprobrium vicinis meis nimis (Auprès de tous mes ennemis je suis devenu [un objet] d'opprobre, grandement pour mes proches)", autrement dit: je suis devenu un objet d'opprobre non seulement pour mes ennemis, mais aussi pour mes proches. Et ce sont là les paroles du Christ émanant de l'Église. Les proches de l'Église sont ceux qui ne sont pas encore convertis, mais qui ont le propos de se convertir. Et il dit: opprobre, à cause du châtiment et à cause de la faute. Et on expose l'un et l'autre, en tant que le Christ parle par l'Église: je suis devenu un objet d'opprobre, à cause des châtiments des martyrs. Et cela à cause de tous mes ennemis, car les saints ont enduré des châtiments plus honteux que ceux des bandits: "Nous sommes donnés en spectacle au monde, aux anges et aux hommes." De même, à cause de la faute. Dans l'Église il y a des pécheurs et des gens de mauvaise vie, si bien qu'en raison d'eux l'Église est tenue pour méprisable auprès de ceux qui devraient s'en approcher. Et il dit bien: À cause de tous mes ennemis, car leur vie apparaît plus honteuse que celle des infidèles. Il est écrit dans Ézéchiel: "C'est là Jérusalem: je l'ai placée au milieu des nations, et j'ai mis autour d'elle des pays." Et semblablement dans le même livre: "Tu as justifié tes soeurs par toutes tes abominations que tu as faites."

De même quant au deuxième degré, aucun ne se joint à lui; c'est pourquoi il dit: un objet de crainte pour mes connaissances, c'est-à-dire pour mes voisins qui craignent de s'approcher de moi. Ou bien à cause des châtiments dont je souffre, ou bien à cause de la mauvaise vie des mauvais chrétiens. Et il en montre le signe en disant: Ceux qui me voyaient, c'est-à-dire ceux qui considéraient ces sortes d'opprobres que sont les fautes et les châtiments, ont fui loin de moi, car ils n'ont pas voulu se convertir: "Mes frères ont passé comme un torrent." - "Tu as éloigné mes proches de moi."

Enfin vient l'oubli. Et tel est ce qu'il dit: J'ai été livré à l'oubli. Mais parce que l'homme, aussi grandement qu'il aime quelqu'un, après la mort il le livre à l'oubli, aussi dit-il: comme un mort. - "Comme des blessés qui dorment dans des sépulcres, dont tu ne te souviens plus." Ces paroles se réfèrent au Christ dans sa propre personne, parce qu'il est devenu un objet d'opprobre: "C'est à cause de toi que j'ai souffert l'opprobre, et que la confusion a couvert ma face." De même un objet de crainte, car ses disciples ont fui. Et pareillement il fut livré à l'oubli, car "nous espérions que c'était lui qui devait racheter Israël".

13b Je suis devenu comme un vase perdu, 14a parce que j'ai entendu le blâme d'un grand nombre demeurant à l'entour.

Puis il donne un exemple: Je suis devenu comme un vase perdu, c'est-à-dire inutile, dont on ne se soucie guère. Il est écrit dans Jérémie: "Il m'a rendue comme vase vide, il m'a engloutie comme un dragon, il a rempli son ventre de ce que j'avais de plus délicieux et il m'a rejetée."

Enfin il expose son épreuve; et à cet égard il fait deux choses.

Car il parle d'abord du mépris dont il est l'objet.

Puis de la persécution dont il souffre: Pendant qu'ils se rassemblaient contre moi.

Ainsi dit-il: je suis devenu un objet d'opprobre [...] parce que j'ai entendu le blâme, de la part de mes hommes: "J'ai entendu les outrages d'un grand nombre et la terreur tout autour de moi." à l'entour. Augustin commente: "Parfois des chrétiens pèchent; et les infidèles ne disent pas: Les méchants font cela, mais les chrétiens font cela. Et si des religieux pèchent, semblablement." Et il dit: à l'entour, parce qu'ils n'entrent pas dans la considération de la vérité: autrement ils diraient alors, des mauvais chrétiens font cela: "Les impies rôdent autour de nous."

14b Pendant qu'ils se rassemblaient contre moi, ils ont tenu conseil pour prendre mon âme.

Ensuite lorsqu'il dit: Pendant ce temps, il montre comment il souffre la persécution, et il souligne son ampleur en parlant de la multitude de ceux qui le persécutent, quand il dit: Pendant qu'ils se rassemblaient contre moi, c'est-à-dire unanimement, contre moi, ce qui devait être redouté extrêmement: "Mon coeur a redouté trois choses, et à la quatrième, ma face a pâli de frayeur: la délation d'une cité, le rassemblement d'un peuple, la calomnie mensongère." À cause de leur cruauté, car ils ne se rassemblèrent pas pour un motif peu important, mais pour tuer; aussi dit-il: pour prendre mon âme, c'est-à-dire ma vie. ils ont tenu conseil. - "Toi, Seigneur, tu connais tout leur dessein de mort contre moi." - "Que dans leur conseil n'entre pas mon âme."

15 Mais moi, j'ai espéré en toi, Seigneur; j'ai dit: Tu es mon Dieu. 16a En tes mains sont mes destinées.

C. Plus haut le psalmiste a exposé les maux dont il souffrait; mais ici il trouve un refuge dans la prière. Et parce que la prière est inutile si elle ne s'appuie pas sur l'espérance, c'est pourquoi il parle d'abord de l'espérance, et ensuite de la prière: Arrache-moi à la main, etc.

1. En parlant de l'espérance il fait deux choses.

a) Car il commence par l'exposer.

b) Puis il en donne une raison: J'ai dit: "Tu es mon Dieu."

a. Le psalmiste continue ainsi: Il ne dit pas simplement: moi, j'ai espéré en toi, mais: "Ego autem etc. (Mais moi, etc.)." Le commentaire d'Augustin que porte la Glose dit: "Les enfants sont habituellement appelés nourrissons, parce qu'ils veulent sucer longuement les mamelles, mais les mères y mettent des matières amères pour les en dégoûter." Nos mamelles, avec lesquelles nous sommes allaités par le Seigneur, sont la prospérité temporelle et le soutien des amis. Lorsque Dieu voit que les hommes se confient trop en ceux-ci et y sont séduits, il les retire et laisse le chagrin s'installer, afin qu'ils mettent leur espérance en Dieu seul. Ainsi ce dernier déclare avec attention: j'ai entendu, dit-il, le blâme; et c'est pourquoi il dit: Mais moi, etc., autrement dit: face à tous les autres qui s'opposent et combattent contre moi, mon espérance fut seulement en toi: "Bienheureux soit l'homme qui se confie dans le Seigneur."

b. Il donne à l'espérance une double raison.

- L'une est due à la sollicitude et à la providence de Dieu.

- L'autre est due à son pouvoir.

- Il se confie d'abord en lui comme s'il était commis à la sollicitude divine, et protégé par Dieu; car Dieu par son pouvoir étend sa sollicitude sur toutes choses.

Il est écrit au livre de la Sagesse: "Il n'y a pas d'autre Dieu que toi, qui prends soin de toutes choses." Et semblablement dans le même livre: "Mais, ô Père, c'est ta providence qui gouverne toutes choses." Voilà pourquoi le Dieu de toutes choses étend cependant sa sollicitude particulière sur certains: "Déchargez-vous sur lui de toutes vos sollicitudes, car lui-même prend soin de vous." Et c'est pourquoi il est spécialement leur bien. Et d'où il dit: j'ai espéré en toi, parce que Tu es mon Dieu.

- Ensuite il se confie en lui à cause de son pouvoir, car s'il n'était pas puissant, sa force défaillirait. Mais il ne pense pas ainsi à propos de Dieu, aussi dit-il: En tes mains sont mes destinées, c'est-à-dire tous les biens qui me sont donnés sont en ton pouvoir: "C'est aussi en lui que nous avons été appelés par le sort, ayant été prédestinés selon le décret de celui qui fait toutes choses suivant le conseil de sa volonté; afin que nous soyons la louange de sa gloire, nous qui les premiers avons espéré en Jésus-Christ." Or il faut savoir qu'il y a trois sortes de sorts: Des sorts consultatifs, des sorts divinatoires et des sorts distributifs. Généralement parlant, le sort n'est rien d'autre qu'un signe recherché de la volonté divine. Et c'est pourquoi dans le commentaire d'Augustin que porte la Glose on lit: "Le sort n'est point chose mauvaise, mais un signe qui dans le doute humain indique la volonté de Dieu. Et c'est pourquoi rejeter les [mauvais] sorts, ce n'est rien d'autre que rechercher le signe de la volonté divine." Donc le sort en soi n'exprime pas quelque chose de mal; mais on accomplit le mal de deux manières.

· D'abord, lorsqu'on recherche ce signe par un moyen indu, comme par l'intermédiaire du démon; et suivant cela les sortilèges sont condamnés parmi les autres pratiques qui ont trait à l'infidélité.

· Puis, si on recherche ce signe dans des choses sans qu'il y ait nécessité. Ce signe doit être recherché en deux choses: dans les nécessités et dans les choses qui ne peuvent être connues autrement. Car s'il ne s'agissait pas de choses nécessaires, il y aurait alors de la curiosité: et c'est le propre du sort divinatoire; car dans ce procédé on se soucie des choses qui arriveront, et c'est pourquoi c'est une chose vaine et à réprouver. Mais dans les choses nécessaires qui peuvent être connues autrement, les sorts aussi sont interdits; car c'est tenter Dieu que de recourir au divin alors que ce signe peut être connu par un moyen humain. Mais utiliser des sorts dans des partages, pour savoir à qui revient telle chose, ou bien à propos des choses qu'on doit faire, ce qui est préférable dans les affaires temporelles, je dis qu'en de pareilles circonstances le sort n'est pas à blâmer. Aussi les partages se font-ils souvent en recourant aux sorts. Semblablement aussi pour les dignités temporelles, dans le cas où les hommes sont élus par le sort. Mais ce moyen n'est pas permis dans les réalités spirituelles, car dans ces dernières l'homme est dirigé par l'Esprit-Saint; c'est pourquoi celui qui utiliserait des sorts en ce domaine outragerait l'Esprit-Saint. Voilà pourquoi les Apôtres utilisèrent des sorts pour Matthias avant l'effusion de l'Esprit-Saint; mais après l'effusion de l'Esprit-Saint, ils choisirent sept diacres sans avoir recours aux sorts. En tes mains, dit-il donc, sont mes destinées, c'est-à-dire que ce qui est donné selon le signe de ta volonté, tout cela est sous ton pouvoir: "Les sorts sont jetés dans le pan de la robe, mais ils sont disposés par le Seigneur." Une autre version lit: tempora mea (mes temps), c'est-à-dire quantitativement et qualitativement: "C'est lui qui change les temps et les âges."

16b Arrache-moi à la main de mes ennemis, et à ceux qui me persécutent. 17 Fais luire ta face sur ton serviteur, sauve-moi dans ta miséricorde. 18a Seigneur, que je ne sois point confondu, parce que je t'invoque.

2. Ensuite il ajoute sa prière lorsqu'il dit: Arrache-moi.

a) Il prie d'abord pour lui.

b) Puis contre ses ennemis: Qu'ils rougissent.

a. En priant pour lui il fait deux choses.

- Car il prie d'abord pour être libéré des maux.

- Puis afin d'être élevé vers le bien: Fais luire ta face.

- Dans ses ennemis il considère deux choses:

· D'abord leur sentiment; et il traite de cela quand il dit: à la main de mes ennemis, c'est-à-dire de ceux qui me haïssent: "Arrache-moi à mes ennemis, Seigneur, c'est vers toi que je me suis réfugié." Ces derniers sont les démons: "C'est un ennemi qui a fait cela. Les serviteurs lui demandèrent: "Voulez-vous que nous allions l'arracher ?" Il répondit: "Non, de peur qu'arrachant l'ivraie, vous n'arrachiez aussi le froment avec elle."" Semblablement ce sont les amis: "On aura pour ennemis les gens de sa propre maison."

· Puis l'effet, car ils persécutent: "Nombreux sont ceux qui me persécutent et me tourmentent; [mais je] ne me suis pas détourné de tes témoignages."

- Puis il prie afin d'être élevé vers le bien, lorsqu'il dit: Fais luire. À ce propos il fait deux choses.

· Il demande d'abord d'être élevé dans les biens.

· Puis de ne pas faillir à sa demande: que je ne sois point confondu.

· Concernant son élèvement dans les biens il fait une double demande:

D'abord touchant le progrès de la sagesse.

Puis touchant le progrès de la justice: sauve-moi.

La lumière de la raison n'est rien d'autre qu'une participation à la lumière divine: "La lumière de ton visage a été gravée sur nous." Cette lumière ne croît en nous qu'à partir de sa cause originelle elle-même. C'est pourquoi si nous voulons croître en lui, il faut que cette croissance se fasse par la lumière du visage divin: "Envoie ta lumière et ta vérité: Elles m'ont conduit et m'ont amené à ta montagne sainte et dans tes tabernacles."

Touchant le progrès de la justice, par laquelle on parvient au salut, il le demande, il le dit: sauve-moi, et ce, à cause de ta miséricorde, non à cause de mes mérites: "Il nous a sauvés, non à cause des oeuvres de justice que nous faisions, mais selon sa miséricorde, c'est par le baptême de régénération et de renouvellement de l'Esprit-Saint, qu'il a répandu sur nous abondamment par Jésus-Christ notre Sauveur, afin que, justifiés par sa grâce, nous soyons héritiers selon notre espérance, de la vie éternelle."

· Touchant sa crainte de faillir à sa demande il dit: que je ne sois point confondu, c'est-à-dire en défaillant dans ton espérance; ou bien, que je ne sois point confondu, c'est-à-dire trompé par mon espérance. Et cela parce que je t'ai invoqué. - "Quiconque invoquera le nom du Seigneur sera sauve." je t'ai invoqué. Le commentaire d'Augustin que porte la Glose lit: "Tu invoques Dieu, lorsque tu appelles Dieu en toi, lorsque tu l'invites à entrer dans la maison de ton coeur; [mais] auparavant il est nécessaire que tu sois purifié de tes souillures ou de tes fraudes, car autrement tu ne l'invoquerais pas en vérité. Car si tu invoques Dieu afin qu'il te donne un gain, tu invoques un gain, non Dieu. Invoque donc Dieu avec désintéressement, ô avare, afin que Dieu te remplisse non d'argent [mais] de lui-même. N'acceptes-tu pas qu'il vienne à toi sans or et sans argent ? Quel don de Dieu te suffira, si Dieu lui-même ne te suffit pas ?"

18b Que les impies rougissent, et qu'ils soient précipités dans l'enfer. 19a Qu'elles deviennent muettes les lèvres trompeuses.

b. Ensuite il prie contre ses ennemis, lorsqu'il dit: Qu'ils rougissent.

- Et il expose d'abord sa demande.

- Ensuite il indique la raison de leur démérite: qui profèrent.

Il faut noter que cette prière doit être comprise plus sous la forme d'un avertissement que d'une oraison, autrement dit:

Qu'ils rougissent en conformant leur volonté à la justice divine.

- Touchant sa demande il expose trois choses qui leur surviennent:

· Car ils seront confondus au jugement dernier; aussi dit-il: Qu'ils rougissent. Parce que le Seigneur leur dira: "J'ai eu faim, et vous m'avez donné à manger; j'ai eu soif, et vous m'avez donné à boire ! Alors les justes lui répondront: Seigneur, quand est-ce que nous t'avons vu avoir faim, et que nous t'avons rassasié; ayant soif, et que nous t'avons donné à boire ? [...] Et le roi répondra, disant: En vérité, je vous le dis: Chaque fois que vous l'avez fait à l'un de ces plus petits d'entre mes frères, c'est à moi que vous l'avez fait. [...]. Alors il dira aussi à ceux qui seront à gauche: Allez loin de moi, maudits, au feu éternel, qui a été préparé au diable et à ses anges; car j'ai eu faim, et vous ne m'avez point donné à manger; j'ai eu soif, et vous ne m'avez point donné à boire [...] Alors il leur répondra, disant: En vérité, je vous le dis, chaque fois que vous ne l'avez point fait à l'un de ces petits, à moi non plus, vous ne l'avez point fait. Et ceux-ci s'en iront à l'éternel supplice", parce que leur conscience le leur reprochera: "Vous rougirez à cause des jardins que vous aviez choisis."

· Puis ils seront jetés au supplice éternel; et c'est ce qu'il dit: et qu'ils soient précipités en enfer. - "Comme des brebis, ils ont été parqués dans l'enfer: c'est la mort qui les paîtra."

· Enfin ils se tairont, aussi dit-il: Qu'elles deviennent muettes les lèvres trompeuses. - "Toute iniquité aura la bouche close."

En sens contraire: ils seront bavards, car il est écrit: "Ils blasphémèrent le Dieu du ciel à cause de leurs douleurs et de leurs plaies, et ils ne firent point pénitence de leurs oeuvres." Et semblablement ils gémiront: "Gémissant dans le serrement de leur coeur, et disant: Voici ceux que nous avons eus autrefois en dérision, et en proverbes outrageants."

Réponse: ils se tairont dans leurs paroles d'orgueil, et de douleur infligée aux saints.

19b Qui profèrent l'iniquité contre le juste, avec orgueil et abus.

- Ensuite lorsqu'il ajoute: Qui profèrent, il mentionne leur triple péché, et principalement celui de la bouche, lequel est aggravé par trois circonstances: à cause de la personne contre laquelle s'adresse l'iniquité, à cause de ce qui est dit, à cause de la racine de ce qui est dit.

· En relation avec la personne il dit: contre le juste, ce qui est pire que contre un pécheur, autrement dit:

· Ces lèvres qui parlent de cette manière se tairont sur ce qu'elles disent, car elles profèrent l'injustice et des choses fausses: "Les paroles de sa bouche sont iniquité et tromperie."

· Mais à cause de la racine de ces propos, car on dit parfois une chose contre un homme juste par ignorance et par erreur; mais si elle procède d'une intention mauvaise, alors c'est mal. Et cette mauvaise racine est double, l'orgueil et l'abus: "Si l'orgueil vient, viendra aussi l'ignominie." De même ils abusent des biens qui leur sont donnés; car ces biens leur sont donnés pour qu'ils s'humilient, tandis qu'eux-mêmes s'en glorifient. Une version de Jérôme lit: et despectu (et avec mépris), car ils méprisent les autres avec sottise. Et c'est un abus parce qu'en méprisant le juste ils ne se comportent pas comme il se doit à son égard.

20 Qu'elle est grande, Seigneur, l'abondance de ta douceur que tu as réservée en secret à ceux qui te craignent ! Tu l'as rendue parfaite pour ceux qui espèrent en toi, en présence des enfants des hommes.

II. Le psalmiste a traité plus haut de sa tribulation et de sa prière; mais ici il aborde l'action de grâces, comme s'il était exaucé. Il y fait deux choses.

A) Il rappelle d'abord de manière universelle les bienfaits que Dieu confère au genre humain et aux saints.

B) Puis il se répand en action de grâces: 22 Béni le Seigneur ! parce qu'il a signalé, etc.

A. Et à propos des bienfaits il fait deux choses.

1) Car il montre d'abord la miséricorde de Dieu quant aux dons conférés aux saints.

2) Puis quant aux maux dont il les protège: 21 Tu les tiendras cachés.

1. Touchant les biens conférés aux saints il fait deux choses.

a) Il montre en effet d'abord la préparation de ces biens.

b) Puis leur parachèvement: Tu l'as rendue parfaite.

a. Ainsi dit-il: Qu'elle est grande, etc. On emploie le mot douceur dans les réalités spirituelles par métalepse. Car de même que la douceur corporelle délecte le goût charnel, ainsi parle-t-on de douceur spirituelle parce qu'elle délecte l'esprit intérieurement. Or il arrive parfois que le goût charnel n'étant pas bien disposé, il se délecte dans une mauvaise saveur, et alors sa délectation est fausse; ainsi l'affection de l'homme, lorsqu'elle n'est pas bien ordonnée, se délecte dans une chose qui n'est pas vraiment délectable; mais si elle est bien disposée, elle se délecte dans le vrai bien, c'est-à-dire le bien divin. Et c'est pourquoi la bonté substantielle de Dieu est appelée douceur divine: "Ta substance montrait la douceur que tu as à l'égard de tes enfants." Ou bien on appelle douceur de Dieu cette circonstance dans laquelle quelqu'un est dit éprouver un sentiment amer, quand il songe à la manière d'affliger les autres, Dieu lui disant par la bouche de l'Apôtre: "Que toute amertume soit bannie de vous." À l'opposé, il éprouve la douceur de l'âme lorsqu'il se propose de consoler les autres. C'est pourquoi on appelle douceur de Dieu son dessein suivant. Lequel ? "Il veut que tous les hommes soient sauvés." - "Goûtez et voyez combien le Seigneur est bon." Et de même, "le Seigneur est doux et droit". Et quelle que soit la manière dont on parle de la douceur, elle contient de la délectation; car bien qu'elle soit une et simple en elle-même, elle est cependant la racine et la source de toute bonté. Et c'est pourquoi tout ce qui est objet de délectation dans le monde se trouve totalement en Dieu: ainsi en est-il de la sagesse, de la vérité, des honneurs, de l'excellence, du plaisir, et toutes ces choses s'y trouvent en surabondance. Aussi le psalmiste dit-il: Qu'elle est grande, l'abondance, insurpassable selon sa grandeur, infiniment incompréhensible pour nous. Et il en est de même de l'abondance quant à la douceur de l'effet; car tout ce qui peut échoir à l'homme procède de la douceur de la bonté divine: "Qu'il est doux, Seigneur, ton esprit en nous !" En Isaïe il est question de l'abondance des justes: "Les fils de la délaissée seront plus nombreux que [les fils] de celle qui a un mari, dit le Seigneur." Mais ce qu'il dit ensuite: que tu as réservée en secret, peut se comprendre de deux manières.

- Selon une première manière: que Dieu se cache de ceux-ci afin qu'ils le connaissent, c'est-à-dire pour que leur désir grandisse.

- Selon une autre manière: que tu as mise en secret afin que te craignant ils la possèdent; et ce sens est préférable, autrement dit: tu l'as mise en secret à cause d'eux. Et pourquoi ? Parce que cette douceur ne se trouve pas dans les biens sensibles qui nous sont manifestés, mais elle se trouve dans les réalités invisibles; non dans les choses créées, mais dans l'invisibilité de Dieu lui-même: "Au vainqueur, je donnerai la manne cachée." - "Ce que l'oeil n'a point vu, ce que l'oreille n'a point entendu, ce qui n'est point monté dans le coeur de l'homme, ce que Dieu a préparé pour ceux qui l'aiment."

b. Donc une préparation bonne se fait dans le secret; mais son parachèvement et son exécution sont publics, aussi ajoute-t-il: Tu l'as rendue parfaite, etc. Entre cette prédestination et son effet, c'est-à-dire celui qui a lieu dans la gloire, il y a au milieu l'état de grâce qui est un commencement de gloire; et passant outre il tend à ce qui est parfait et dit: Tu l'as rendue parfaite, c'est-à-dire tu la rendras parfaite, et tu as commencé à parfaire ce qui est caché: "Quand viendra ce qui est parfait, alors s'anéantira ce qui est imparfait." Mais pour qui ? pour ceux qui espèrent en toi, pour ceux auxquels cette perfection reviendra, non à ceux qui se confient en eux-mêmes: "Nous nous glorifions dans l'espérance de la gloire des enfants de Dieu." Mais alors ce ne sera pas caché, au contraire cela sera une réalité. en présence des enfants des hommes, car tous verront cette gloire, bons et méchants: "J'estime que les souffrances du temps présent ne sont pas dignes de la gloire future qui sera révélée en nous." - Ceux-ci le "voyant seront troublés par une crainte horrible, et ils s'étonneront de ce salut soudain, disant en eux-mêmes, se repentant et gémissant dans l'angoisse de leur esprit: Voici ceux que nous avons eus autrefois en dérision, et en proverbes outrageants. Nous insensés, nous estimions leur vie une folie, et leur fin sans honneur: et voilà qu'ils sont comptés parmi les fils de Dieu". Ou bien: des enfants, c'est-à-dire des saints qui verront en plénitude: "Les justes verront et se réjouiront, et toute iniquité fermera sa bouche." Ou bien: qui espèrent en toi, et manifestent cette espérance en présence des enfants des hommes. - "Car je ne rougis point de l'Évangile."

21 Tu les tiendras cachés dans le secret de ta face, loin de l'intrigue des hommes. Tu les protégeras dans ta tente contre la contradiction des langues.

2. Ensuite quand il dit: Tu les tiendras cachés, il montre les bienfaits de Dieu à l'égard de ses saints, par la libération du mal. Mais parce que l'homme peut souffrir un double mal, en action et en parole:

a) Il montre d'abord comment il les protégera du premier mal.

b) Puis comment il les protégera du second: Tu les protégeras.

a. Ainsi dit-il: Tu les tiendras cachés, etc. Il parle en usant d'une comparaison: de même que si quelqu'un était recherché en vue d'être tué, chacun le cacherait dans les lieux secrets de sa maison, là où il serait en sécurité; ainsi en est-il pour les saints. Les impies les persécutent, mais Dieu les cache dans le secret, c'est-à-dire les mènera vers ce lieu secret de sa douceur: "Votre vie est cachée avec le Christ en Dieu"; mais cela se réalisera parfaitement dans l'avenir, lorsqu'ils le verront face à face: "Alors nous verrons face à face." Et encore: "Nous le verrons tel qu'il est." Et c'est ce que le psalmiste dit: de ta face. Mais dans le présent aussi il se cache, en tant que nous voyons quelque chose de la douceur de sa gloire en le contemplant. Et pour autant qu'il se cache, pour autant les hommes affermis dans l'amour de Dieu ne peuvent se troubler: "Les âmes des justes sont dans la main de Dieu, et le tourment de la mort ne les atteindra pas." Ou bien il n'éprouvera pas les troubles que les hommes endureront au jugement: Ceux-ci le en voyant seront troublés par une crainte horrible, et ils s'étonneront de ce salut soudain, disant en eux-mêmes, se repentant et gémissant dans l'angoisse de leur esprit: Voici ceux que nous avons eus autrefois en dérision, et en proverbes outrageants. Semblablement, en tant que l'homme se cache dans la contemplation, et n'éprouve pas les troubles du monde: "Entrant dans ma maison, je me reposerai en elle; car sa conversation n'a pas d'amertume, ni sa société d'ennui, mais de l'allégresse et de la joie."

b. Ensuite il montre comment ils sont cachés des médisants, lorsqu'il dit: Tu les protégeras, etc. Car certains sont protégés des malfaiteurs, mais non des médisants; car tous ne sont pas protégés contre ce mal. C'est pourquoi Octavien répondit de sa propre bouche à Tibère qui s'indignait contre ceux qui médisaient de lui: "Je ne veux pas que tu me troubles à propos de cette affaire, ô Tibère. C'est à notre égard une faveur suffisante le fait que nul ne puisse nous offenser." Il dit donc: Tu les protégeras dans [la tente]. Cela regarde l'Église présente, qui est la tente de ceux qui militent: "Il y aura une tente pour ombrage dans le jour contre la chaleur, et pour mettre en sûreté et à couvert de la tempête et de la pluie." Et cela contre la contradiction des langues, qui, soit en blasphémant Dieu, soit en enseignant des choses fausses, contredisent la vraie doctrine; c'est le cas des schismes et des diverses hérésies: "Un faux raisonneur est suscité devant ma face, me contredisant." Donc si on recourt à la tente de Dieu, c'est-à-dire à l'Église, et aux mystères de sa foi, on y trouve une défense sûre contre de telles choses, contre la contradiction des langues.

22 Béni le Seigneur ! Parce qu'il a signalé sur moi sa miséricorde dans une cité fortifiée.

B. Ensuite lorsqu'il dit: Béni, il se réfère à l'action de grâces. Il y fait deux choses.

1) Car il commence par rendre grâces.

2) Puis il amène les autres à rendre grâces, c'est-à-dire ceux auxquels les bienfaits mentionnés ont été donnés: Aimez.

1. En rendant grâces il fait trois choses.

a) Car il fait d'abord éclater son action de grâces.

b) Puis il en fait connaître la matière: Parce qu'il a signalé, etc.

c) Enfin il en fait connaître la cause: Pour moi, j'ai dit.

a. Ainsi dit-il: Béni le Seigneur ! autrement dit: puisque le peuple des saints est ainsi protégé par Dieu, il ne me reste pas autre chose que de bénir Dieu, c'est-à-dire d'attribuer cela à sa bonté: "Bénissez Dieu, et racontez toutes ses merveilles."

b. Et pourquoi ? parce qu'il a signalé, c'est-à-dire a rendu digne d'admiration, sa miséricorde sur moi. Car l'homme semble alors être tenu à l'action de grâces, quand il est libéré de grands dangers de manière étonnante. Et comment a-t-il signalé sa miséricorde ? dans une cité, dit-il, fortifiée, autrement dit: il m'a libéré de telle sorte qu'il a fait de moi comme une cité fortifiée. Une autre version lit: "in civitate circumstantiae (dans une cité entourée d'une enceinte)." Les versions hébraïques lisent: "assiégée". Or cela peut se référer à deux intentions; et dans les deux cas il montre admirablement la miséricorde de Dieu; car il m'a libéré dans une cité fortifiée, de telle sorte qu'il a fait de moi comme une cité fortifiée contre les maux. Et cette cité, c'est l'Église: "C'est moi qui t'ai établi aujourd'hui comme une cité fortifiée, et une colonne de fer, et un mur d'airain." Ou bien: dans une cité assiégée, ce qui est aussi une miséricorde étonnante, parce que nous sommes libérés d'un plus grand mal. Car les assiégeants ont préparé un grand péril, et c'est pourquoi il dit: j'étais dans la cité assiégée, ou entourée, et cependant il m'a libéré comme le centre par rapport à la circonférence. Car la circonférence est établie autour, tandis que le centre est au milieu. Le peuple des Juifs était au milieu des nations qui entouraient la Judée, et au coeur de ce peuple retentissaient des louanges à Dieu, des sacrifices y étaient offerts et les prophéties ne cessaient point. Mais à présent la miséricorde de Dieu s'est répandue dans toutes les nations: "Allez dans tout l'univers, prêchez l'Évangile à toute créature." dans une cité entourée d'une enceinte, dit-il donc, c'est-à-dire dans toutes les nations.

23a Pour moi, j'ai dit dans le transport de mon esprit: "J'ai été rejeté loin de tes yeux."

c. Ensuite quand il dit: Pour moi, il fait connaître la cause de son action de grâces.

- Il expose d'abord la grandeur de sa disposition.

- Puis l'exaucement de sa prière: C'est pourquoi tu as exaucé.

- Le transport de l'esprit est quelquefois dû à une cause inférieure; et cela lorsque quelqu'un voit des choses étonnantes qui le mettent hors de lui: "Ils furent étonnés et hors d'eux-mêmes." Quelquefois il est dû à une cause supérieure, c'est-à-dire lorsque quelqu'un contemple des réalités divines, et est ravi hors de lui-même, et au-dessus de lui-même: "Si nous avons été hors de sens, c'était pour Dieu." Ainsi donc, élevé vers les réalités divines, il dit: J'ai été rejeté, etc., c'est-à-dire j'ai pensé que j'étais loin de toi: car plus l'homme s'approche de Dieu, plus il s'aperçoit qu'il est petit: "Je t'avais entendu de mon oreille; mais maintenant c'est mon oeil qui te voit." Ou bien, si on l'entend quant au transport de l'esprit dû a une cause inférieure - ce que le texte de Jérôme signifie -, l'homme considère parfois la gravité de ses péchés ou celle des malheurs imminents, et à cause de cela il s'estime abandonné: comme le Christ disait dans la personne des siens: "Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ?" Et David s'exprime de cette manière: en considérant les maux qui m'arrivent, j'ai dit dans le transport de mon esprit: "J'ai été rejeté." - "Je suis rejeté de la présence de tes yeux."

23b C'est pourquoi tu as exaucé la voix de ma prière, quand je criais vers toi.

- Ensuite lorsqu'il dit: C'est pourquoi tu [m']as exaucé, il expose son exaucement, autrement dit: C'est pourquoi, parce que j'ai dit cela, tu as exauce. - "Il a regardé la prière des humbles." Ainsi le publicain, parce qu'il s'est reconnu pécheur, est descendu justifié dans sa maison: "La prière de celui qui s'humilie pénétrera les nues." Ou bien, selon Jérôme, ce verset est formulé de manière interrogative: "Moi j'ai dit [...] Donc exauceras-tu ?", autrement dit: il est étonnant que tout en étant alors si loin de toi, tu m'exauces. quand je criais vers toi. Le commentaire d'Augustin que porte la Glose dit: "Le cri jeté vers Dieu n'est pas [un cri] de la voix, mais [un cri] du coeur; car beaucoup se sont tus des lèvres, et n'ont rien pu obtenir parce que leur coeur n'était pas en accord. Donc crie intérieurement, là où Dieu entend."

24 Aimez le Seigneur, vous ses saints, parce que le Seigneur recherchera la vérité, et il rendra abondamment à ceux qui sont orgueilleux.

2. Ensuite lorsqu'il dit: Aimez le Seigneur, il amène ceux auxquels les bienfaits précités ont été donnés à exprimer leur action de grâces.

a) Et il les exhorte d'abord à l'affection.

b) Puis à une pratique effective.

a. En les disposant à l'affection il fait deux choses.

- Il les amène d'abord à aimer Dieu.

- Puis il leur en donne la raison: parce qu'[il] recherchera la vérité.

- Ainsi dit-il: parce qu'il a exaucé, et parce qu'il a signalé sa miséricorde, Aimez le Seigneur. - "Et maintenant, Israël, écoute les préceptes et les ordonnances que moi je t'enseigne aujourd'hui pour que vous les mettiez en pratique: afin que vous viviez, et que vous entriez pour en prendre possession dans le pays que vous donne le Seigneur le Dieu de vos pères." Et quels sont ceux qui doivent aimer, il le montre: car ce sont les saints. - "Les [coeurs] droits t'aiment."

- En disant parce qu'[il] recherchera la vérité, il donne la raison d'aimer. Et il est donné une double raison pour laquelle ils sont tenus d'aimer: car ce que les saints aiment, Dieu l'aime pareillement; et ce qu'ils haïssent, Dieu le hait aussi. La seconde raison c'est: et il rendra abondamment à ceux qui sont orgueilleux.

· Touchant la première raison il dit: parce qu'[il] recherchera la vérité, autrement dit: vous devez aimer le Seigneur, parce qu'il aime ce que vous aimez, et il recherche cela. Les saints aiment la vérité, et c'est pourquoi Dieu qui recherche la vérité doit être aimé de nous. D'autre part Dieu recherche la vérité de la justice: "Le jugement de Dieu se fait selon la vérité à l'égard de ceux qui font ces choses." Semblablement, la vérité de la vie: "Je t'en conjure, Seigneur, souviens-toi, je te prie, comment j'ai marché devant toi dans la vérité et avec un coeur parfait." Pareillement, la vérité de la doctrine: "Nous savons que tu es vrai, et que tu enseignes la voie de Dieu dans la vérité."

· La seconde raison pour laquelle vous êtes tenus d'aimer, c'est qu'il punit ce que vous haïssez: car Dieu punit l'orgueil que les saints haïssent; et c'est ce qu'il dit: et il rendra, c'est-à-dire un châtiment, abondamment, c'est-à-dire au-dessus d'eux-mêmes: car eux-mêmes s'élèvent au-dessus de lui: "Son orgueil, et son arrogance, et sa fureur sont plus grands que sa force."

25 Agissez virilement, et que votre coeur se fortifie, vous tous qui espérez dans le Seigneur.

b. Puis quand il ajoute: virilement, il les exhorte à une pratique effective. Et en premier lieu, afin qu'ils soient forts en action, quand il dit: Agissez virilement.

- "Celui qui est mou et lâche dans son ouvrage est frère de celui qui détruit ses ouvrages." De même, afin qu'ils soient forts dans leur coeur: et que votre coeur se fortifie. - "Attends le Seigneur, agis virilement; et que ton coeur se fortifie, et patiente avec le Seigneur."

 

 

COMMENTAIRE DU PSAUME 31

De l'intelligence de David.

1 Bienheureux ceux dont les iniquités ont été remises et dont les péchés ont été couverts. 2 Bienheureux l'homme à qui le Seigneur n'a pas imputé de péché, et dans l'esprit duquel il n'y a point de fraude.

3 Parce que je me suis tu, mes os ont vieilli, tandis que je criais tout le jour; 4 parce que jour et nuit ta main s'est appesantie sur moi. Je me suis retourné dans mon accablement, tandis qu'une épine s'enfonçait.

5 Je t'ai fait connaître mon délit, et je ne t'ai point caché mon injustice. J'ai dit: "Je confesserai contre moi mon injustice au Seigneur", et toi, tu as remis l'impiété de mon péché.

6a C'est pour cela que tout saint te priera au temps favorable.

6b Mais cependant, dans le déluge des eaux abondantes, ils n'approcheront pas de lui.

7 Toi, tu es mon refuge contre la tribulation qui m'a environné. Ô mon exultation, arrache-moi a ceux qui m'environnent.

8 Je te donnerai l'intelligence, et je t'enseignerai dans la voie où tu dois marcher: j'arrêterai sur toi mes yeux.

9a Ne devenez point comme le cheval et le mulet, qui n'ont point d'intelligence.

9b Resserre avec le mors et le frein la bouche de ceux qui ne s'approchent pas de toi.

10 De nombreux châtiments sont réservés au pécheur: mais celui qui espère dans le Seigneur, la miséricorde l'environnera.

11 Réjouissez-vous dans le Seigneur et exultez, justes, et glorifiez-vous tous les coeurs droits.

De l'intelligence de David.

 

1 Bienheureux ceux dont les iniquités ont été remises et dont les péchés ont été couverts. 2 Bienheureux l'homme à qui le Seigneur n'a pas imputé de péché, et dans l'esprit duquel il n'y a point de fraude.

Ici commence la quatrième décade des cinquante premiers psaumes. Et de même que dans la première décade figurent les psaumes dans lesquels on fait mention de la persécution d'Absalom; dans la deuxième, de la persécution de Saül; dans la troisième, de la persécution du peuple; ainsi dans cette quatrième décade il est question de la tribulation que les bons endurent de la part des pécheurs: "Habitant auprès de ceux qui tourmentaient jour après jour son âme par leurs oeuvres impies." Et cette décade se divise en deux parties.

Car il fait d'abord l'éloge de la dignité des justes.

Puis il implore le secours contre les persécutions des impies, et cela au psaume 34: "Juge, Seigneur, ceux qui me font du mal."

En faisant l'éloge de la dignité des justes il rappelle deux choses.

D'abord la grâce justifiante.

Ensuite la dignité des justes: "Justes, exultez dans le Seigneur, etc."

Enfin il exhorte les justes à se maintenir dans la justice: "Je bénirai le Seigneur."

Le titre de ce psaume est nouveau, à savoir De l'intelligence de David. Une version de Jérôme lit: "Eruditio David (Enseignement de David)." Dans beaucoup de psaumes qui suivent on rencontre ce titre. Et il est signifié par là que dans tous les psaumes ainsi intitulés on traite d'une vérité commune, non seulement en relation avec une seule personne, mais comme en relation avec la providence de Dieu, ou avec une autre chose ardue. Et bien que dans tous les psaumes certaines choses y soient contenues en vue de l'enseignement, ces psaumes-ci sont principalement ordonnés à cela. Mais ce psaume est spécialement intitulé "ab intellectu (de l'intelligence)" que doit avoir le pénitent, lui qui doit reconnaître par l'intelligence qu'il est pécheur et que la grâce de Dieu le libère: Si un homme "reconnaît par l'intelligence son délit: qu'il fasse pénitence pour son péché, et qu'il offre d'entre les troupeaux une jeune brebis, ou une chèvre; et le prêtre priera pour lui et pour son péché". - "Le tourment [donne] cette intelligence."

Bienheureux ceux, etc. Ce psaume est le deuxième psaume pénitentiel. Car dans le premier le psalmiste a traité de la contrition du coeur, tandis que dans celui-ci il traite de la confession. Ce psaume se divise en trois parties.

I) Dans la première partie est exposée la rémission des péchés.

Il) Dans la deuxième, la voie qui mène à la rémission: 3 Parce que je me suis tu, etc.

III) Enfin le désir des saints à propos de la rémission: 6 C'est pour cela que tout saint te priera.

I. À propos de la rémission des péchés il fait deux choses.

A) Car il expose d'abord ce qui concerne Dieu.

B) Puis ce qui concerne l'homme: et dans l'esprit duquel il n'y a point de fraude.

A. Or, dans le péché on distingue:

1) D'abord l'offense à Dieu.

2) Puis la tache.

3) Enfin l'obligation à la peine.

Contre cela le psalmiste énumère trois choses. Car Dieu remet l'offense, couvre la faute, enlève l'obligation à la peine en n'imputant pas le péché.

1. En relation avec l'offense il dit: Bienheureux ceux dont les iniquités ont été remises, etc. Mais parce que la béatitude est double, c'est-à-dire en réalité et en espérance, ceux-ci sont tels, c'est-à-dire ceux dont les iniquités ont été remises sont bienheureux en espérance; et ces derniers seront finalement bienheureux en réalité. Car celui-là est bienheureux en espérance, en qui précèdent la cause de la béatitude et la voie qui est une vertu - surtout si cette vertu est parfaite -; aussi celui en qui apparaît la vertu parfaite peut être dit bienheureux en espérance: comme un arbre qui fleurit bien peut être dit produisant du fruit. Car après la corruption du premier homme les fleurs n'existaient plus, mais bien les épines des péchés. Et c'est pourquoi la béatitude du pécheur, qui est en espérance, n'est pas quelque chose de ce genre, mais le fait que Dieu remette le péché, et qu'alors l'homme justifié fructifie: "Renouvelez pour vous une novale, et ne semez pas sur des épines." remises. - "Son iniquité a été remise." -"Remettez et il vous sera remis."

2. En relation avec la tache il dit: et dont les péchés ont été couverts. Les péchés sont les taches de l'âme: "Combien tu es devenue vile en renouvelant tes voies !" Lorsque quelqu'un commet en lui un acte honteux, et que celui-ci est couvert, alors la turpitude n'offense pas les yeux de ceux qui voient. Or Dieu couvre la turpitude des pécheurs: mais comment ? Totalement, c'est-à-dire en lavant l'âme. Car dans le péché il y a une double difformité. L'une vient de la suppression de la grâce dont le pécheur est privé: et celle-ci est totalement enlevée, et non couverte, parce que la grâce lui est donnée. L'autre tache est due à un acte peccamineux passé: et celle-ci n'est pas détruite, non qu'on ne lui attribue pas ce qu'il n'a pas fait, mais parce que cet acte ne lui est pas imputé comme faute: et cette tache-là est couverte.

3. En relation avec l'obligation à la peine il dit: Bienheureux l'homme à qui le Seigneur n'a pas imputé de péché. Par obligation à la peine on comprend que sa peine n'est pas maintenue à cause de son péché: "Tu as exercé des jugements vrais dans tous les maux que tu as faits venir sur nous et sur la sainte cité de nos pères, Jérusalem; parce que c'est dans la vérité et dans la justice que tu as fait venir tous ces maux, à cause de nos péchés." Selon la Glose , un triple péché est indiqué ici: le péché originel, l'actuel mortel, et l'actuel véniel.

a. Le premier est indiqué par le mot iniquité, qui est une inégalité: et cela se trouve dans le péché originel, en tant que dans cette iniquité les facultés de l'âme s'éloignent de l'égalité de l'innocence; et ce péché est remis et diminué, parce qu'il est effacé quant à la dette et demeure en acte. Et il dit iniquités au pluriel, parce que dans ces diverses iniquités il y a divers péchés d'origine, mais tous se réduisent à un unique péché.

b. Le deuxième est signifié par le péché actuel mortel. Car les péchés actuels mortels sont dits être couverts, lorsqu'ils ne sont pas imputés au pécheur comme faute.

c. Le troisième est indiqué par le péché véniel, que le Seigneur n'impute pas. Car le péché véniel n'est pas imputé à peine éternelle. Ou bien il mentionne le premier à cause du péché qui est commis avant le baptême. Le deuxième à cause des péchés qui ont été commis après le baptême. Mais le troisième après la confession, car le péché ne sera pas imputé à la peine.

B. Mais en ce qui concerne l'homme il est requis qu'il se confesse sans hypocrisie; autrement il n'obtient pas la grâce: "L'esprit saint qui éduque fuira l'hypocrisie." Et c'est pourquoi il dit: dans l'esprit duquel il n'y a point de fraude, selon qu'il aurait une façon de voir intérieurement, et qu'il en met une autre en avant extérieurement.

3 Parce que je me suis tu, mes os4ont vieilli, tandis que je criais tout le jour; parce que jour et nuit ta main s'est appesantie sur moi. Je me suis retourné dans mon accablement, tandis qu'une épine s'enfonçait.

II. Ici commence la deuxième partie du psaume dans laquelle est exposée la voie qui doit conduire à la rémission des péchés: et à cet égard il fait trois choses.

A) Car il expose d'abord l'état de péché.

B) Puis la conversion en se détournant du péché: parce que jour et nuit.

C) Enfin la confession qui est la cause de la rémission du péché: mon délit.

A. Ainsi dit-il: Parce que je me suis tu, etc.

Il semble qu'il y ait ici une contradiction. Car tandis qu'il crie tout le jour, il affirme se taire.

Réponse: il se taisait sur ce qu'il devait dire, mais il criait ce qu'il ne devait pas dire, et ce qu'il ne devait pas crier. Et dans l'un et l'autre cas c'est un péché.

Au sujet du premier cas il est écrit: "Malheur à moi, parce que je me suis tu." Car le pécheur doit dire ses péchés: "Si je me tais, elle ne s'éloignera pas de moi, mais maintenant ma douleur m'accable; et tous mes membres sont réduits à rien." Donc parce que j'ai tu mes péchés, mes os ont vieilli, c'est-à-dire mn force intérieure a faibli. Souvent dans l'Écriture sainte, par membres corporels on entend la force intérieure. C'est pourquoi par les os en qui sont la force, on entend la force intérieure. Et c'est parce qu'il a vieilli qu'il a faibli, c'est-à-dire diminué, d'où ce qu'il dit: mes os ont vieilli. - "D'où vient, Israël, que tu es dans la terre de tes ennemis ? Tu as vieilli dans une terre étrangère, tu t'es souillé avec les morts; tu es devenu semblable à ceux qui descendent dans l'enfer."

Au sujet du second cas il est écrit: "J'ai espéré qu'il rendrait un jugement, et voilà l'iniquité; [qu'il rendrait] la justice, et voilà le cri." Et c'est ce qu'il dit: tandis que je criais tout le jour. Car il criait qu'il était juste, il criait à propos de la peine et il se taisait sur sa faute.

B. Mais que fit le Seigneur ? Il le convertit en appesantissant sa main, en infligeant un poids: parce que jour et nuit. Après quoi la conversion fut obtenue: Je me suis retourné.

Ainsi dit-il: jour et nuit, c'est-à-dire continuellement, ta main s'est appesantie sur moi. Parfois la main du Seigneur console: "La main du Seigneur était avec moi, me fortifiant." Parfois elle s'appesantit, comme dans le premier livre des Rois où il est écrit que "la main [du Seigneur] devenait extrêmement pesante". - "Dans la tribulation du murmure ton enseignement était avec eux." Et c'est pourquoi il dit: Je me suis retourné dans mon accablement, c'est-à-dire dans la peine que j'endure pour mes péchés. tandis qu'une épine s'enfonçait, tandis qu'une épine, c'est-à-dire le remords de la conscience, est infligée à mon coeur. Ou bien il s'agit de l'épine dorsale qui tient tout l'homme droit, et elle signifie l'orgueil qui, une fois réprimé, redresse l'homme. Ou bien pourquoi criait-il ? À cause du poids, dit-il, de ta main. Et cela parce que je ne suis pas converti à toi, mais au péché. Et cela tandis que l'épine des péchés s'enfonçait, c'est-à-dire s'affermissait en moi; et telle est la signification de l'épine, à savoir le péché. Ou bien tandis que la raison, qui est comme une épine régissant le dos, baisse. Ou bien encore selon les versions hébraïques: "Ma sève s'est changée en sécheresse d'été", c'est-à-dire à cause de l'appesantissement de ta main, tout ce qui fut en moi de charnel et d'humide s'est changé en sécheresse d'été. Une version de Jérôme lit: "Versatus sum in miseria mea dum exardescit messis (je me suis retourné dans mon malheur tandis que la moisson brûlait)", c'est-à-dire je me suis desséché a la manière de la moisson.

5 Je t'ai fait connaître mon délit, et je ne t'ai point caché mon injustice. J'ai dit: "Je confesserai contre moi mon injustice au Seigneur", et toi, tu as remis l'impiété de mon péché.

C. Ensuite quand il dit délit:

1) Il expose d'abord sa confession.

2) Puis son efficacité: J'ai dit: "Je confesserai."

1. Mais parce que l'homme doit confesser deux choses, c'est-à-dire les biens omis et les péchés commis, il dit touchant la première chose: mon délit, c'est-à-dire parce que j'ai omis de faire ce que je devais, Je t'ai fait connaître; non point que Dieu n'en ait pas connaissance, mais lorsque l'homme reconnaît son péché, alors il veut aussi que Dieu en ait connaissance pour qu'il le pardonne. Touchant la deuxième chose il dit: je ne t'ai point caché mon injustice. - "Si, comme homme, j'ai dissimulé mon péché, et si j'ai caché dans mon sein mon iniquité; si j'ai été saisi d'effroi à cause de la grande multitude, et si le mépris de mes proches m'a épouvanté, et si je ne me suis pas plutôt tenu dans le silence, sans sortir de ma porte: qui me donnera quelqu'un qui m'entende, afin que le Tout-Puissant écoute mon désir, et qu'il écrive un livre celui-là même qui juge, afin que sur mon épaule je porte ce livre, et que je le mette comme une couronne autour de ma tête ?" - "Celui qui cache ses crimes ne sera pas dirigé; mais celui qui les confesse et les abandonne obtiendra miséricorde."

2. Quant à l'efficacité de sa confession, il la montre quand il dit: J'ai dit: "Je confesserai." L'effet de la confession est la rémission des péchés. Il dit donc: J'ai dit, c'est-à-dire pour l'honneur du Seigneur: "Rends gloire au Seigneur Dieu d'Israël et confesse, et déclare-moi ce que tu as fait: ne le cache pas." mon injustice, non mes biens, contre moi, non pour moi. On confesse son propre péché contre le prochain en disant: un autre m'a induit. Contre la nature en disant: ce m'est arrivé ainsi à cause de ma fragilité. Contre Dieu en disant: je n'ai pu résister: "C'est moi qui ai péché et qui ai agi iniquement." Ou bien, contre moi, c'est-à-dire contre mon intention suivant laquelle je me proposais de demeurer dans le péché. Il en résulte la rémission: et toi, tu as remis. - "Il remettra les péchés au jour de la tribulation." Cependant l'efficacité de la confession est telle que non seulement quelqu'un obtient la rémission de ses péchés, lorsqu'il se confesse en acte, mais encore lorsqu'il a le propos de se confesser. Donc la faute lui est remise avant qu'il ne se confesse: "Et il arrivera qu'avant qu'ils crient, moi je les exaucerai." Que réalise donc la confession proprement dite ? Il faut dire que le propos d'agir opère par la vertu de l'acte proposé, de telle sorte qu'il se réalise. C'est pourquoi si l'acte de ce propos cesse, son effet cesse également. Aussi est-il nécessaire de persévérer dans son propos. Cependant, dans la confession proprement dite des péchés, et par l'absolution en vertu du pouvoir des clés, la peine est remise au pénitent, et en raison du sentiment de honte une grâce plus abondante lui est conférée, et il obtient de nombreux biens.

6a C'est pour cela que tout saint te priera au temps favorable.

III. Enfin il expose ici le désir des saints touchant la rémission des péchés; et à ce propos il fait trois choses.

A) Il fait d'abord connaître le désir des saints touchant cette rémission.

B) Puis il donne un avertissement aux pécheurs: 9a Ne devenez point comme le cheval et le mulet.

C) Enfin il conclut le psaume par une action de grâce: 11 Réjouissez-vous.

A. À propos du désir des saints touchant la rémission des péchés, il fait deux choses.

1) Car il exprime d'abord le désir des saints touchant la rémission des péchés en général.

2) Puis en particulier, en montrant son propre refuge: Toi, tu es.

1. En relation avec le premier point il fait deux choses.

a) Il commence par faire connaître le désir des saints par le signe de la prière.

b) Puis il montre l'effet de leur prière: Mais cependant, dans le déluge.

a. Ainsi: J'ai dit: "Je confesserai" pour cette raison, c'est-à-dire pour la rémission des péchés. Et il dit trois choses.

- D'abord pourquoi il faut prier, c'est-à-dire afin que nous recevions la rémission; car tous nous avons péché: "Si nous disons que nous n'avons pas de péché, nous nous trompons nous-mêmes, et la vérité n'est pas en nous." Et c'est pourquoi la rémission doit être demandée: "Prie le Seigneur, et il te guérira." -"Remettez-nous nos dettes."

- Puis qui doit prier: tout saint. -"La prière assidue du juste peut beaucoup."

- Enfin quand prier: au temps favorable, c'est-à-dire celui de la grâce et de la vie présente, car il est écrit dans Matthieu à propos de la parabole des dix vierges que "celles qui étaient prêtes entrèrent avec lui dans la salle des noces, et [que] la porte fut fermée. [Qu']enfin les autres vierges vinrent aussi disant: "Seigneur, Seigneur, ouvrez-nous." Mais [que] l'époux, répondant, dit: "En vérité, je vous dis que je ne vous connais point."" - "Voici maintenant le temps favorable, voici maintenant le jour du salut." - "La nuit vient, pendant laquelle personne ne peut agir."

6b Mais cependant, dans le déluge des eaux abondantes, ils n'approcheront pas de lui.

b. Ensuite lorsqu'il dit: Mais cependant, il montre l'effet de la prière, car [c'est] dans le déluge des eaux abondantes. L'eau est prise ici dans trois sens.

- Selon un premier sens elle signifie les jouissances: "Tu t'es répandu comme l'eau."

- Selon un autre sens elle signifie les fausses doctrines: "Des eaux dérobées sont plus douces ."

- Enfin elle signifie les tribulations: "Parce que des eaux sont entrées dans mon âme."

n'approcheront pas de lui. Le fait qu'il dit de lui peut se comprendre de deux manières. Selon une première manière en tant que ce mot lui se réfère au saint, autrement dit: bien que le saint prie, il souffre cependant des grandes eaux, mais elles ne l'écrasent pas, que ce soient les eaux de la jouissance, ou les eaux de la fausse doctrine, ou de la tribulation; c'est pourquoi il dit: n'approcheront pas. - "Lorsque tu passeras au travers des eaux, je serai avec toi, et les fleuves ne te submergeront pas." - "Nous avons passé par le feu et par l'eau; et tu nous as conduits au lieu de rafraîchissement."Selon une autre manière, en tant que ce mot lui se réfère à Dieu; et ainsi il parle en changeant de personne; car il s'adresse d'abord à Dieu, et présentement aux autres, autrement dit: ceux qui dans le déluge des eaux abondantes, ainsi dénommées, ne s'approcheront pas de Dieu.

7 Toi, tu es mon refuge contre la tribulation qui m'a environné. Ô mon exultation, arrache-moi à ceux qui m'environnent.

2. Ensuite quand il dit: Toi, tu es mon refuge, etc., il exprime le désir des saints en particulier; et à ce propos il fait deux choses.

a) Il exprime d'abord le désir d'être libéré.

b) Puis l'effet du désir: l'intelligence.

a. Touchant son désir d'être libéré il fait deux choses.

- Car il montre d'abord d'où il conçoit l'espérance de prier.

- Puis il ajoute une demande: arrache-moi à ceux qui m'environnent.

- Il conçoit l'espérance de demander à partir de deux choses:

· D'abord à partir du fait que Dieu est le refuge particulier des justes.

· Puis à partir du fait qu'il est leur refuge particulier dans la tribulation.

· Ainsi dit-il: Toi, tu es mon refuge contre la tribulation qui m'a environné. La tribulation environne lorsqu'elle opprime de tous côtés, de telle sorte que nulle part il ne se trouve de refuge accessible: "Parce que des maux sans nombre m'ont environné; mes iniquités m'ont investi, et je n'ai pu en soutenir la vue." Mais dans cette tribulation il n'est pas de refuge en dehors de Dieu: "Comme nous ignorons ce que nous devons faire, il ne nous reste qu'à diriger nos yeux vers toi." - "Celui qui habite dans le secours du Très-Haut demeurera sous la protection du Dieu du ciel."

· Ainsi donc je sais, dit-il, vers qui me réfugier, je sais aussi en qui me consoler, car il dit: Ô mon exultation. - "Béni soit Dieu, le Père de Notre-Seigneur Jésus-Christ, le Père des miséricordes et le Dieu de toute consolation, qui nous console dans toutes nos tribulations, afin que, par la consolation que nous-mêmes recevons de Dieu, nous puissions à notre tour consoler les autres en quelque affliction qu'ils se trouvent." - "Selon la multitude de mes douleurs [qui étaient] dans mon coeur, tes consolations ont réjoui mon âme."

- Puis il exprime ce qu'il demande quand il dit: arrache-moi à ceux qui m'environnent, c'est-à-dire à la tribulation qui m'a environné. Et puisque la tribulation doit être infligée par quelqu'un, il faut que, dans la mesure où la tribulation [m']environne, ceux qui s'efforcent de l'infliger soient à l'entour, c'est-à-dire les démons et les persécuteurs; et c'est pourquoi il dit: à ceux qui m'environnent.

8 Je te donnerai l'intelligence, et je t'enseignerai dans la voie où tu dois marcher: j'arrêterai sur toi mes yeux.

b. Ensuite, lorsqu'il dit: intelligence, il montre l'effet de sa prière. Dieu est celui qui parle: Je te donnerai l'intelligence, etc.; comme si Dieu disait: Tu me demandes que je t'arrache, et moi je t'accorderai trois choses: car je te donnerai le don d'intelligence, et je t'instruirai, et je te garderai. En effet il y a trois choses venant de Dieu qui sont nécessaires à l'homme.

- D'abord, qu'il reçoive le don de sa grâce, afin que par ce don l'âme humaine soit prête à agir avec promptitude. Mais si grand que soit le don gratuit reçu par l'homme, dans la mesure où Dieu ne meut pas à accomplir une oeuvre bonne, cela ne suffit pas; c'est pourquoi il faut qu'après la grâce prévenante, Dieu opère et meuve vers le bien. Cependant la grâce et le don sont reçus selon le mode de notre nature, et non pas de telle manière qu'ils donnent la capacité d'éviter toutes choses; et c'est pourquoi il est nécessaire que la protection de Dieu et sa défense soient accordées par surcroît. Et voilà pourquoi il mentionne d'abord le don d'intelligence, lorsqu'il dit: Je te donnerai l'intelligence. - "Le Seigneur le remplira de l'esprit de sagesse et d'intelligence." Et cela est nécessaire à l'homme afin de comprendre son propre péché, et parce qu'il ne peut être sauvé en dehors de Dieu.

- Puis il expose l'usage dû à ce don, lorsqu'il dit: je t'enseignerai. - "Je rendrai tes fils instruits par le Seigneur."

- Enfin la garde, lorsqu'il dit: dans la voie, c'est-à-dire des commandements, où tu dois marcher: j'arrêterai sur toi mes yeux, c'est-à-dire je te protégerai: "Les yeux du Seigneur contemplent toute la terre, et ils donnent de la force à ceux qui d'un coeur parfait croient en lui."

9a Ne devenez point comme le cheval et le mulet, qui n'ont point d'intelligence.

B. Ensuite quand il dit: Ne devenez point, il se tourne vers les pécheurs, afin qu'ils reviennent à la pénitence; et à ce propos il fait deux choses.

1) Il donne d'abord un avertissement.

2) Puis il adresse une menace: avec le mors.

1. Ainsi dit-il: Dieu donne à l'homme l'intelligence, mais par l'intelligence il dépasse les animaux. Donc, celui qui se rend indigne du don d'intelligence est comparé aux animaux; et c'est pourquoi il dit: Ne devenez point comme le cheval et le mulet, etc. Selon la Glose, le cheval est un animal orgueilleux; tandis que le mulet est un animal paresseux, c'est pourquoi il ne court pas. Donc ceux-là sont comme des chevaux, qui s'élèvent par l'orgueil: "Tous ont suivi leur cours, comme le cheval qui s'élance avec impétuosité au combat." Ceux-là sont comme le mulet, qui se dirigent avec lenteur sur la voie de Dieu: "Le paresseux veut et ne veut pas." Ou bien par mulet on entend les luxurieux. Le mulet est luxurieux, cependant il n'engendre pas; ainsi les péchés de luxure sont infructueux: "Quel fruit avez-vous donc tiré alors des choses dont vous rougissez maintenant ?" Ou bien le cheval porte celui qui le monte avec indifférence, et le mulet porte n'importe quelle charge. Deux choses sont imposées au pécheur: le cavalier, c'est-à-dire le diable, et la charge, c'est-à-dire le péché. Donc ne soyez pas comme le cheval qui ne discerne pas parmi ses cavaliers s'il s'agit du Christ ou du diable. Ni comme le mulet qui porte avec indifférence n'importe quelle charge, c'est-à-dire le péché.

9b Resserre avec le mors et le frein la bouche de ceux qui ne s'approchent pas de toi.

2. Ensuite quand il dit: avec le mors, il expose sa menace.

a) Et d'abord sous forme de prière.

b) Puis sous forme de prédiction: De nombreux.

a. Ainsi dit-il: avec le mors, etc. Il en est ainsi au sens métaphorique. Si l'homme se comporte en homme, Dieu le traite comme un homme avec des avertissements et des enseignements; mais quand il s'éloigne de sa dignité d'homme, il le traite comme un animal sans raison qui est réprimé par des corrections et par la violence, c'est-à-dire avec le mors et le frein, autrement dit: je les ai avertis de ne pas devenir comme le cheval et le mulet; car s'ils n'acquiescent pas, traite-les comme le cheval et le mulet, c'est-à-dire resserre avec le mors et le frein [leur] bouche, en réprimant leur loquacité et en les privant de la nourriture dont il font usage avec avidité. Car la bouche sert à la parole et à la dégustation: "Je mettrai un cercle à tes narines, et un mors à tes lèvres, et je te ramènerai par la voie par laquelle tu es venu." Ou bien: avec le mors et le frein, c'est-à-dire dans une tribulation plus grande ou plus petite.

10 De nombreux châtiments sont réservés au pécheur: mais celui qui espère dans le Seigneur, la miséricorde l'environnera.

b. Puis quand il dit: De nombreux, il prédit; et d'abord ce qui est réservé aux méchants, car De nombreux châtiments [leur] sont réservés par Dieu: "Je te reprendrai, et je te poserai devant ta propre face." Par leur propre conscience: "Il est percé comme du glaive de sa conscience." Par le pouvoir: "Il est le ministre de Dieu dans sa colère contre celui qui fait le mal." - "Le fouet est pour le cheval, le mors pour l'âne, et la verge pour le dos des insensés." Puis il prédit ce qui est réservé aux bons: mais celui qui espère, etc. Le mot miséricorde peut être pris au cas nominatif, de sorte que l'on comprenne que la miséricorde elle-même environnera celui qui espère dans le Seigneur. Ou bien il peut être pris au cas ablatif, de sorte que l'on comprenne que le Seigneur environnera de sa miséricorde celui qui espère en lui. Et cela a lieu lorsque de tous côtés elle vient au secours des détresses des hommes: "C'est lui qui rachète de la mort ta vie, qui te couronne de miséricorde et de bontés."

11 Réjouissez-vous dans le Seigneur et exultez, justes, et glorifiez-vous tous les coeurs droits.

C. Enfin le psalmiste conclut le psaume par une action de grâce, lorsqu'il dit: Réjouissez-vous. Et il est habituel aux psaumes de pénitence de commencer dans la douleur et de terminer dans la joie, parce que la pénitence produit cela. Dans cette conclusion il exhorte les justes et les hommes droits à agir bien et à avoir une intention droite, en disant: Réjouissez-vous dans le Seigneur et exultez, justes, autrement dit: deux choses sont nécessaires à l'homme, à savoir l'acte droit, et cela c'est la justice qui le fait, et la droite intention, et cela c'est la joie dans le Seigneur qui le fait. Ainsi dit-il: Réjouissez-vous et exultez, justes. Selon la Glose, se réjouir c'est éprouver de la joie avec une douceur secrète, tandis qu'exulter c'est éprouver de la joie avec la ferveur d'une âme passionnée. C'est pourquoi l'exultation provient de la joie intérieure. Mais en qui ? dans le Seigneur, dit-il, non dans le monde: "Réjouissez-vous dans le Seigneur, je le répète, réjouissez-vous." Le psalmiste continue: et glorifiez-vous tous les coeurs droits. Ont le coeur droit ceux qui conforment leur propre volonté à la volonté divine; et ceux-ci mettent leur gloire en Dieu: "Que celui qui se glorifie, se glorifie dans le Seigneur."

 

 

COMMENTAIRE DU PSAUME 32

Pour la fin Psaume de David.

1 Justes, exultez dans le Seigneur. Aux [coeurs) droits convient la louange.

2 Louez le Seigneur sur la cithare: jouez pour lui du psaltérion à dix cordes.

3 Chantez-lui un cantique nouveau; psalmodiez bien en son honneur avec des cris de joie.

4 Parce que la parole du Seigneur est droite et toutes ses oeuvres sont selon sa fidélité 5 Il aime la miséricorde et la justice: la terre est remplie de la miséricorde du Seigneur.

6 Les cieux ont été affermis par la parole du Seigneur, et toute leur puissance par le souffle de sa bouche.

7 Il rassemble comme dans une outre les eaux de la mer: il renferme comme dans des trésors les abîmes.

6 Que toute la terre craigne le Seigneur: qu'à sa présence aussi soient émus tous ceux qui habitent l'univers.

9 Car il a dit, et les choses ont été faites: il a commandé, et elles ont été créées.

10 Le Seigneur dissipe les conseils des nations: il réprouve aussi les pensées des peuples, et il réprouve les conseils des princes.

11 Mais le conseil du Seigneur demeure éternellement: les pensées de son coeur subsistent dans toutes les générations.

12 Bienheureuse la nation dont le Seigneur est son Dieu ! [Bienheureux] le peuple qu'il a choisi pour son héritage.

13 Du haut du ciel, le Seigneur a regardé: Il a vu tous les enfants des hommes.

14 De la demeure qu'il s'est préparée, il a porté ses regards sur tous ceux qui habitent la terre.

15 C'est lui qui a formé un à un leurs coeurs, qui connaît toutes leurs oeuvres.

16 Un roi ne se sauve point par sa grande

puissance, et un géant ne se sauvera point par la grandeur de sa puissance. 17 Le cheval est [un espoir] trompeur de salut: malgré l'abondance de sa puissance il ne sera point sauvé.

18 Voilà que les yeux du Seigneur sont sur ceux qui le craignent, et sur ceux qui espèrent en sa miséricorde, 19 afin de délivrer les âmes de la mort, et de les nourrir dans la famine.

20 Notre âme attend avec constance le Seigneur, parce qu'il est notre aide et notre protecteur; 21 parce que c'est en lui que se réjouira notre coeur, et que c'est en son saint nom que nous avons espéré. 22 Que ta miséricorde, Seigneur, soit sur nous, selon que nous avons espéré en toi.

 

Pour la fin. Psaume de David.

1 Justes, exultez dans le Seigneur, aux [coeurs] droits convient la louange.

Le titre n'est pas nouveau. En effet ce psaume s'intitule: Pour la fin. Psaume de David. Dans le psaume précédent le psalmiste a traité de sa propre justification, mais dans ce psaume il traite de la dignité des justes: et à ce propos il fait deux choses.

I) Car il commence par exhorter les justes à la louange spirituelle.

Il) Ensuite il exprime leur dignité: 12 Bienheureuse la nation.

I. En exhortant les justes à la louange spirituelle il fait deux choses.

A) Il exhorte d'abord à la joie et à la louange spirituelle.

B) Puis il donne le motif de cette joie et de cette louange: 4 Parce que la parole du Seigneur est droite.

A. En les exhortant à la joie et à la louange spirituelle il fait deux choses.

1) Il commence par exhorter à la joie et à la louange.

2) Puis il fait connaître leur mode: 2 Louez le Seigneur, etc.

1. Il expose donc:

a) D'abord son exhortation.

b) Puis il en donne la raison: aux [coeurs] droits convient la louange.

a. Car il avait dit: "J'ai dit: "Je confesserai contre moi mon injustice au Seigneur", et toi, tu as remis l'impiété de mon péché. C'est pour cela que tout saint te priera au temps favorable." Donc, Justes, parce que vous êtes justifiés, exultez dans le Seigneur, non dans le monde; autrement vous n'êtes pas des justes: car n'est pas juste celui qui ne prend pas plaisir à la justice. Or Dieu lui-même est juste, et lui-même est la justice: "Le Seigneur est juste, et il a aimé la justice." - "Mais moi, je me réjouirai dans le Seigneur, et j'exulterai en Dieu mon Jésus."

b. Mais pourquoi dit-il: Justes, exultez dans le Seigneur, et non pas: Exultez tous dans le Seigneur ? La raison c'est qu'aux [coeurs] droits convient la louange, c'est-à-dire celle de Dieu. Donc il faut voir s'ils sont droits, et de quelle manière la louange leur convient.

Une chose n'est dite droite que dans la mesure où elle se conforme à sa règle et à sa mesure. Or la mesure et la règle de la volonté humaine sont la justice et la volonté divine. Donc ceux qui n'ont pas une disposition droite ne peuvent pas bien louer Dieu, parce qu'ils refusent de conformer leur propre volonté à la volonté divine, mais veulent plutôt que la volonté divine soit conforme à la leur. Et c'est pourquoi Dieu accomplit une multitude de choses qu'eux-mêmes n'approuvent pas. Mais ceux qui s'adaptent à la volonté de Dieu, ceux-là se réjouissent dans les prospérités comme dans les adversités; et c'est pourquoi il dit: "Louange pour toutes choses (Collaudatio)", car ils louent en toutes circonstances, non en certaines seulement. De même ils louent unanimement: "La louange n'est pas belle dans la bouche du pécheur." - "L'exultation sera pour ceux d'Israël qui auront été sauvés."

2 Louez le Seigneur sur la cithare: jouez pour lui du psaltérion à dix cordes.

2. Ensuite quand il dit: Louez le Seigneur, il expose le mode de la louange et de la joie. Or il faut savoir que dans la louange divine on fait principalement attention à ce que la disposition de l'homme tende vers Dieu, et s'y dirige. Et il faut savoir aussi que les harmonies musicales changent le sentiment de l'homme. Voilà pourquoi Pythagore, voyant qu'un jeune homme se mettait en fureur au son du mode phrygien, fit changer le mode; ainsi apaisa-t-il l'esprit de l'adolescent en l'amenant à l'état d'esprit le plus soumis, comme le rapporte Boèce au début de son Traité sur la musique. De là vient que pour tous les cultes on a pratiqué des harmonies musicales dans le but d'inciter l'âme humaine à se tourner vers Dieu. Les hommes se sont habitués de deux manières à la pratique de cette harmonie musicale: parfois en recourant aux instruments de musique, mais parfois aux chants. Et c'est pourquoi le psalmiste montre d'abord le premier mode: car il dit: sur la cithare. Puis le deuxième: Chantez-lui. En effet le sentiment de l'homme par les instruments et les harmonies musicaux se dispose à trois choses: car il s'établit parfois dans une rectitude et fermeté d'âme, parfois il est ravi vers la hauteur) parfois il repose dans la douceur et la joie. Et à cette fin, comme le veut le Philosophe dans son ouvrage de la Politique, trois genres de chant ont été institués. Le premier genre comprend le chant dorien, qui correspond au premier et au deuxième ton, comme le veulent certains. Le deuxième genre comprend le chant phrygien, qui correspond au troisième ton. Le troisième genre est le chant hippolydien, qui correspond aux cinquième et sixième tons. Les autres ont été découverts par la suite. Et il en est ainsi pour les instruments, parce que certains instruments donnent le premier ton, comme la flûte et la trompette; d'autres donnent le deuxième ton, comme l'orgue; d'autres le troisième, comme le psaltérion et la cithare: "Le psaltérion harmonieux avec la cithare." Mais parce que le psalmiste a l'intention de nous introduire ici à l'exultation, il ne fait mention que de ces deux instruments, c'est-à-dire du psaltérion et de la cithare. Mais puisqu'il est écrit que "toutes ces choses leur arrivaient en figure", ils utilisaient non seulement les instruments en vue de cela, mais aussi en figure. La cithare donne le son le plus bas, et elle signifie la louange qui jaillit des profondeurs, c'est-à-dire de la terre; tandis que le psaltérion donne le son le plus haut, et signifie la louange qui a trait aux biens célestes. Et il dit: à dix cordes, parce que par celles-ci sont signifiés les dix préceptes du Décalogue, lesquels renferment toute la doctrine spirituelle.

3 Chantez-lui un cantique nouveau; psalmodiez bien en son honneur avec des cris de joie.

Ensuite lorsqu'il dit: Chantez, il traite de la voix humaine. Or il faut savoir, selon le sens littéral, qu'il y a une double modulation: car l'une consiste dans le chant tout simplement, l'autre se pratique en jouant sur des instruments. Il fait allusion à la première lorsqu'il dit: un cantique nouveau. À la seconde en disant: avec des cris de joie. Selon le sens spirituel, l'homme doit exulter pour deux raisons. Pour les biens de la grâce reçus, et pour les biens de la gloire attendus. Par les premiers biens nous sommes renouvelés: "Renouvelez-vous dans l'esprit de votre âme." - "Afin que nous aussi, nous marchions dans une nouveauté de vie" Donc celui-là chante un cantique nouveau, qui exulte en Dieu à cause de la rénovation de la grâce: "Les saints chantaient comme un cantique nouveau." Mais celui-là accompagne le psaume de ses cris de joie, qui chante à cause des biens de la gloire, et le cantique que l'homme conçoit dans son coeur, il l'exprime en paroles. Ou bien in jubilatione ou in jubilo (avec des cris de joie), selon Jérôme. Or la jubilation est une allégresse ineffable qui ne peut s'exprimer en paroles; mais la voix fait saisir la plénitude immense des joies. Et les biens qui ne peuvent être exprimés sont ceux de la gloire: "Ce que l'oeil n'a point vu, ce que l'oreille n'a point entendu, et ce qui n'est pas monté au coeur de l'homme, tout ce que Dieu a préparé pour ceux qui l'aiment." Et c'est pourquoi il dit: psalmodiez bien en son honneur avec des cris de joie, parce qu'ils ne peuvent pas être exprimés par le chant. Mais tu diras: dans l'Ancien Testament il y avait des instruments de musique et des cantiques vocaux. Pourquoi l'Église a-t-elle donc laissé de côté ceux-là, mais s'est approprié ceux-ci ? Au sens mystique une double raison est donnée à ce choix. D'abord, parce qu'ils étaient symboliques. La deuxième raison c'est que Dieu est loué en esprit et par la voix, non par des instruments. Une autre raison encore se fonde sur les paroles du Philosophe disant que c'est à l'encontre du bon sens que les hommes se sont formés à la pratique de la lyre et des instruments de musique, parce qu'ils accaparent leur âme dans leur pratique; alors que la musique doit être simple, afin qu'en se consacrant aux louanges divines les hommes soient détournés des choses matérielles.

4 Parce que la parole du Seigneur est droite et toutes ses oeuvres sont selon sa fidélité. 5 Il aime la miséricorde et la justice: la terre est remplie de la miséricorde du Seigneur.

B. Puis quand il dit: Parce que, il donne le motif de cette joie et de cette louange. Le motif de cette louange et de cette joie est double. Le premier se fonde sur Dieu à propos duquel on doit exulter. Le second se fonde sur ses effets: par la parole du Seigneur.

1. Concernant le premier motif il fait trois choses. Il expose en premier lieu quels en sont les motifs du côté de Dieu.

a. Et d'abord, Parce que la parole du Seigneur est droite, c'est-à-dire l'instruction: "Ta parole est une lampe pour mes pas, une lumière pour mon sentier." Ou bien la promesse elle-même: "Tous mes discours sont justes, il n'y a rien en eux de dépravé ni de pervers. Ils sont droits pour ceux qui ont de l'intelligence."

b. Puis, parce que toutes ses oeuvres sont selon sa fidélité, c'est-à-dire fidèles: "Le Seigneur est fidèle dans toutes ses paroles, et saint dans toutes ses oeuvres." On éprouve beaucoup de joie quand on rencontre un homme fidèle: "Mais un homme fidèle, qui le trouvera ?" Ou bien, selon sa fidélité, dit-il, parce que les oeuvres de Dieu sont des biens méritoires. Mais ces dernières ne le sont que si elles sont pratiquées avec foi, car "sans la foi, il est impossible de plaire à Dieu." Ou bien: droite est la parole, et ses oeuvres sont selon sa fidélité. Mais chez qui apparaissent-elles selon sa fidélité ? Chez ses fidèles; car chez les infidèles les oeuvres de Dieu et les paroles droites n'apparaissent pas.

c. Enfin, parce qu'il aime; et à cet égard il fait deux choses.

- Car il montre d'abord la disposition de Dieu, lorsqu'il dit: Le Seigneur aime.

- Puis il la manifeste par un signe: la terre est remplie de [sa] miséricorde.

- Parmi toutes les choses qui causent de la joie au Seigneur, il y en a principalement deux: la miséricorde et la justice: "La miséricorde et la vérité gardent le roi." Par la justice les subordonnés sont défendus. Écarte la justice, et nul ne sera en sécurité et dans la joie. De même, sans la miséricorde, tous craignent et n'aiment pas. Le psalmiste fait comprendre cela à propos de Dieu quand il dit: Le Seigneur aime la miséricorde et la justice. Car il les aime en lui-même, parce que celles-ci sont en action: "Toutes les voies du Seigneur sont miséricorde et vérité." De même, il les aime en chacun de nous: "Je t'indiquerai, ô homme, ce qui est bon, et ce que le Seigneur demande de toi: c'est de pratiquer la justice, d'aimer la miséricorde et d'être vigilant à marcher avec ton Dieu." Et c'est pourquoi il dit: exultez, parce qu'en vérité Dieu aime la miséricorde; car la terre est remplie de la miséricorde du Seigneur.

- Voici qu'il manifeste cela par un signe. En effet toute la plénitude de la terre procède de la miséricorde de Dieu, parce que la terre n'est pas remplie de biens temporels, mais de biens spirituels, et surtout après la venue du Christ: "Ils furent tous remplis de l'Esprit-Saint et se mirent à parler des langues diverses, selon que l'Esprit leur donnait de s'exprimer." Toutes ces choses sont dues à la miséricorde de Dieu: "Cela ne dépend ni de celui qui veut, ni de celui qui court, mais de Dieu qui fait miséricorde." Et il dit: la terre, etc., non le ciel, car au ciel il n'y a aucune misère, et c'est pourquoi la miséricorde n'est pas nécessaire; tandis que la terre, sur laquelle l'homme est saturé de multiples misères, a besoin de la plénitude de la miséricorde.

6 Les cieux ont été affermis par la parole du Seigneur, et toute leur puissance par le souffle de sa bouche.

2. Puis quand il dit: par la parole, le psalmiste expose la cause de cette joie par le point de vue des effets divins. Moïse, au début du récit de la création du monde, fait mention de trois choses: du ciel, de l'eau, et de la terre: "Au commencement Dieu créa le ciel et la terre", et un peu plus bas: "L'esprit du Seigneur était porté sur les eaux."

a) Donc, suivant cela, le psalmiste mentionne d'abord l'effet de Dieu dans les cieux.

b) Puis dans les eaux: Il rassemble.

c) Enfin sur la terre: Que toute la terre craigne le Seigneur.

a. Ainsi dit-il: Les cieux ont été affermis par la parole du Seigneur. Selon la Glose, ce verset est exposé au sens littéral et au sens mystique. Et ces paroles, qui relèvent du point de vue divin, c'est-à-dire du Seigneur, parole (verbum) et souffle (spiritus) de sa bouche, sont interprétées dans les deux sens.

Le mot Seigneur est un nom signifiant la puissance, et le pouvoir est approprié au Père. Le verbe est la conception de l'esprit, c'est pourquoi il est aussi appelé la sagesse engendrée. Et le verbe c'est le Fils, son esprit c'est l'Esprit-Saint. Or on dit souffle (spiritus) de la bouche, parce que la bouche est appropriée à la parole (verbo); aussi cela revient-il à exprimer la même chose si l'on dit Esprit (Spiritus) du Verbe; car lui-même est l'Esprit (Spiritus) du Fils et de la Vérité. Et bien que les oeuvres de la Trinité soient indivises dans les réalités divines: "Tout ce que [le Père] fait, cela le Fils le fait pareillement", cependant ici il parle par appropriation. Au ciel il y a deux choses admirables: sa perpétuité, car il est incorruptible; et sa puissance grâce à laquelle tout le monde inférieur est changé, c'est-à-dire par la chaleur en été, mais par le froid en hiver.

La perpétuité du ciel relève de la nature de sa forme; car les formes des éléments sont particulières, et elles ne remplissent pas toute la puissance de la matière: aussi leur matière demeure-t-elle en puissance par rapport à une autre forme. Tandis que la forme du ciel a une certaine totalité, et remplit toute la puissance de la matière. Mais la forme d'une chose créée procède de la forme de l'artisan. Quant à la forme conçue dans le coeur du Père, c'est le Verbe. Donc la formation de toute chose est attribuée au Verbe; aussi dit-il: Les cieux ont été affermis par la parole du Seigneur.

Mais la puissance des cieux est dans le mouvement. Or tout mouvement venant après dérive de ce qui est le plus en avant comme de sa cause. Le premier mouvement dans les choses qui sont dues à la volonté, est un mouvement d'amour: car tout mouvement dans les choses qui ont de la volonté, est un mouvement de la volonté. Et c'est pourquoi Denys dit dans son traité Des noms divins, que l'amour divin ne tolère pas d'être sans fruit; il meut lui-même pour opérer, etc. Il est donc nécessaire que la puissance des cieux vienne du souffle; et c'est pourquoi il dit: et toute leur puissance [vient du] souffle de sa bouche.

Au sens mystique, par cieux on entend les Apôtres: ceux-ci ont été affermis par le verbe du Seigneur, c'est-à-dire du Christ, ou par le Fils du Seigneur; et telles sont sa supplication et sa doctrine: "Moi, j'ai prié pour toi, afin que ta foi ne défaille pas; et toi, quand tu seras converti, affermis tes frères." De même leur puissance a été affermie par l'Esprit-Saint: "Restez dans la ville, jusqu'à ce que vous soyez revêtus de la puissance d'en haut."

7 Il rassemble comme dans une outre les eaux de la mer: il renferme [comme] dans des trésors les abîmes.

b. Ensuite lorsqu'il dit: Il rassemble comme dans une outre les eaux de la mer, il montre l'effet de Dieu dans les eaux. Or dans les eaux il y a deux choses admirables à considérer.

- La première, c'est que les eaux sont rassemblées en une partie de la terre, et n'occupent pas toute la superficie, ce qui est admirable pour deux raisons. D'abord, parce que l'ordre naturel est tel que l'eau entoure la terre, comme l'air entoure l'eau. Semblablement la mer est plus haute que la terre.

- Puis, et c'est le deuxième sujet d'admiration, parce que même si l'eau s'évapore continuellement à cause de la chaleur du soleil, elle se conserve cependant dans la même quantité. Et c'est pourquoi il dit deux choses. Qu'elles se rassemblent en un seul lieu sous le commandement de Dieu: "J'ai mis le sable pour limite à la mer, précepte éternel qu'elle ne transgressera pas; et ses flots s'agiteront et ils ne prévaudront pas; ils se soulèveront et ils ne la dépasseront pas." - "Qui a enfermé la mer dans des digues, quand elle s'élançait comme sortant d'un sein, lorsque je lui mettais un nuage pour vêtement, et que je l'enveloppais d'obscurité comme des langes de l'enfance ? Je l'ai environnée de mes limites, j'y ai mis un verrou et une porte à deux battants; et j'ai dit: Tu viendras jusque-là, et tu n'iras pas plus loin. Et ici tu briseras tes flots orgueilleux." Et c'est pourquoi il dit: Il rassemble comme dans une outre les eaux de la mer. L'eau rassemblée dans une outre s'agite et se soulève, mais elle ne s'écoule pas, parce qu'elle est retenue par la peau de l'outre; ainsi l'eau dans la mer s'enfle, et cependant ne se répand pas, parce qu'elle est contenue par la puissance divine: "Que les eaux qui sont sous le ciel se rassemblent en un seul lieu et que la partie aride paraisse." L'autre chose admirable, c'est que l'eau s'évapore continuellement, et ne diminue pas. C'est pourquoi, ainsi que le font remarquer certains philosophes, sous l'effet de la chaleur du soleil toute l'eau était asséchée suivant les lois de la nature. Aussi le psalmiste dit-il en sens contraire: il renferme [comme] dans des trésors les abîmes. L'abîme, selon Augustin, exprime la profondeur infranchissable des eaux: et il a une double interprétation. Ce mot abyssus se compose de a qui signifie "sans", et de bàsis qui signifie "fondement"; autrement dit: sans fondement et sans éclat, parce que profond et obscur. Il y a trois choses dans un trésor: Le mot trésor indique une multitude d'or, et ce qui est déposé dans un trésor est conservé; donc c'est comme si on disait theca (boîte) auri (contenant de l'or). Semblablement, on dépose pour ensuite extraire le contenu à des fins utilitaires. Tout cela est dans l'abîme: parce qu'en lui se trouve une immense abondance ou une multitude d'eaux. Puis dans l'abîme l'eau est conservée et ne tombe pas; enfin les eaux en sont extraites à des fins utilitaires, quand des vapeurs s'élèvent de celles-ci, que des pluies sont produites et que la terre est irriguée: "Les sources des eaux ont paru."

Au sens mystique on interprète cela de deux manières: en l'appliquant aux bons et aux mauvais.

Aux bons, en ce sens que par les eaux de la mer nous entendons les peuples: "Les eaux nombreuses que tu as vues, et où la prostituée est assise, sont des peuples, des nations et des langues." Donc, comme s'il s'agissait des eaux de la mer, il rassemble dans l'Église comme dans une outre les peuples de ce monde. Et l'Église est comparée à une outre a cause de son unité; et parce que l'outre est faite de peau d'animal mort, il est suggéré par cela que certains viendront à l'Église afin de mortifier ses membres, qui sont sur la terre; car ils sont comme les cieux. Les Apôtres sont affermis, et par ces derniers les peuples sont rassemblés dans l'Église. il renferme les abîmes, c'est-à-dire la profondeur des sentiments divins, dans des trésors, c'est-à-dire ceux de l'Écriture sainte: "La sagesse et la science seront des richesses de salut; la crainte du Seigneur est son trésor." Ou bien, les abîmes d'abord, à savoir les pécheurs fermés et obscurcis par les ténèbres des vices, renfermant des trésors d'or de l'Église. Un grand trésor de l'Église c'est Paul, et Matthieu, et Madeleine, qui avaient été jadis comme une sorte d'abîme.

Mais chez les méchants, par l'eau de la mer on entend la tribulation de cette vie: "Les eaux sont entrées dans mon âme." Et Dieu affermit les cieux, mais il ne leur ôte pas les faiblesses; car la grâce protège intérieurement sans supprimer les faiblesses extérieurement. Et c'est pourquoi il dit qu'il rassemble leurs tribulations, à savoir des cieux, c'est-à-dire des hommes célestes, dans une outre, c'est-à-dire dans leur corps, renfermant les abîmes, c'est-à-dire les persécuteurs de l'Église, dans des trésors, parce qu'il ne leur donne pas la liberté de sévir contre l'Église autant qu'ils le veulent.

8 Que toute la terre craigne le Seigneur: qu'à sa présence aussi soient émus tous ceux qui habitent l'univers.

c. Enfin, quand il dit: Que toute la terre craigne, il montre l'effet de Dieu sur la terre.

- Et il commence par donner un avertissement.

- Puis il montre l'effet de Dieu à l'égard de la terre: Car il a dit, et les choses ont été faites.

- Touchant son avertissement il fait deux choses:

· Car il commence par l'exposer.

· Puis il le précise: qu'à sa présence aussi soient émus tous ceux qui habitent l'univers.

· Ainsi dit-il: Que toute la terre craigne le Seigneur. Mais pourquoi donne-t-il un avertissement, alors qu'il a parlé des autres effets sans en user, et que c'est seulement à propos de la terre qu'il en donne un ? La raison est que toute autre créature obéit à Dieu sur son ordre, excepté l'homme terrestre; et c'est pourquoi il dit: Que toute la terre, c'est-à-dire tout homme terrestre, craigne le Seigneur. - "Crains Dieu, et observe ses commandements; car c'est là tout l'homme." Car la locution métonymique est telle que le contenant est pris pour le contenu, ainsi lorsqu'il dit terre, il signifie les habitants de la terre.

· Puis il précise son avertissement, en disant: qu'à sa présence aussi soient émus tous ceux qui habitent l'univers, à savoir par une bonne émotion au service de Dieu: car lui seul attire: "Nul ne peut venir à moi si le Père qui m'a envoyé ne l'attire."

9 Car il a dit, et les choses ont été faites: il a commandé, et elles ont été créées.

- Ensuite lorsqu'il dit: Car, il montre le double effet de Dieu à l'égard de la terre.

· Et d'abord l'effet de la création.

· Puis de son gouvernement: Le Seigneur dissipe les conseils des nations.

· Dans la création, deux choses sont à prendre en considération: la formation elle-même, et la création elle-même. Et il est question de l'une et de l'autre ici.

Car il montre d'abord la formation elle-même lorsqu'il dit: il a dit, et les choses ont été faites.

Puis la création elle-même, quand il ajoute: il a commandé, etc.

Ainsi dit-il: Car il a dit. Augustin, dans son commentaire de la Genèse, écrit: Toute formation s'accomplit par le Verbe, parce que les choses créées se comportent à l'égard de Dieu comme les oeuvres vis-à-vis de leur artisan. C'est pourquoi, de même que toutes les formes d'une oeuvre sont conçues dans l'esprit de l'artisan, ainsi toute forme des choses est conçue par le Verbe divin. D'où il a dit, c'est-à-dire a conçu le Verbe de toute éternité, et selon cela toutes choses ont été faites, autrement dit: il a engendré le Verbe en qui il était, afin de faire toutes choses, et telle est la formation.

Puis la création, car il a commandé, et elles ont été créées. Car dire implique le verbe (verbum) formé. Commander implique une création de matière informe: "Sa parole est pleine de puissance." Au sens mystique: il a dit, et les choses ont été faites, par la semence de la grâce: "Tu enverras ton esprit, et ils seront créés."

· Mais en parlant de l'oeuvre du gouvernement il dit:

10 Le Seigneur dissipe les conseils des nations: il réprouve aussi les pensées des peuples, et il réprouve les conseils des princes.

Parce que le Seigneur qui demeure stable bouleverse toutes choses.

Et le psalmiste expose d'abord le bouleversement de toutes choses.

Puis la stabilité du Seigneur: Le conseil du Seigneur demeure éternellement.

À propos des habitants de la terre, il faut remarquer que certains sont petits, d'autres sont grands; et les uns et les autres sont bouleversés.

En parlant des petits il dit: Le Seigneur dissipe les conseils des nations; il réprouve les pensées des peuples. Il traite ici de deux choses, à savoir du propos qui relève de la fin, et du conseil qui relève de ces choses qui regardent la fin. Et cela est bouleversé parce que Dieu n'agit pas selon ce qui est conseillé, mais selon ce qu'il établit: "Formez un conseil et il sera dissipé." Et c'est ce que le psalmiste dit: Le Seigneur dissipe les conseils des nations. Et il dissipe spécialement le conseil de ceux qui veulent dissiper la loi du Christ. il réprouve aussi les pensées des peuples, ayant la science des choses humaines: car le Seigneur réprouve le propos de ces derniers.

En parlant des grands il dit: et il réprouve les conseils des princes, autrement dit: non seulement il réprouve les conseils des peuples, mais aussi des princes; car il n'est pas en leur pouvoir d'obtenir l'effet de ce qu'ils ont projeté, car cela relève de l'ordonnance divine: "Il amène les conseillers à une fin insensée."

11 Mais le conseil du Seigneur demeure éternellement: les pensées de son coeur subsistent dans toutes les générations.

Ensuite quand il dit: Mais le conseil, le psalmiste expose la stabilité de Dieu, parce que son conseil est inébranlable, et que sa pensée persévère.

Mais y a-t-il un conseil en Dieu ? Il semble que non, car il impliquerait une hésitation.

Réponse: le conseil est interprété différemment en Dieu, et différemment en nous. Car la science en nous implique un discours, tandis qu'en Dieu elle implique une certitude. Ainsi à propos du conseil, lorsqu'il est en nous, il exprime une recherche; mais lorsqu'on l'applique à Dieu, il implique une ordonnance à l'égard de toutes les choses qui tendent vers la fin qui leur est due: "Mon conseil sera inébranlable, et toute ma volonté s'exécutera." - "Si le conseil est de Dieu, vous ne pourrez pas le détruire." les pensées de son coeur, c'est-à-dire le propos de sa volonté, demeurent: car s'il change de sentence, il ne change pas son conseil: "Car mes pensées ne sont pas vos pensées, ni vos voies mes voies."

12 Bienheureuse la nation dent le Seigneur est son Dieu ! [Bienheureux] le peuple qu'il a choisi pour son héritage.

II. Plus haut le psalmiste a exhorté les justes à la joie; ici il expose leur dignité; et à cet égard il fait deux choses.

A) Car il expose d'abord leur dignité;

B) puis il l'éprouve: Du haut du ciel.

A. La dignité des saints est souveraine, parce qu'eux seuls parviennent à la fin que tous les hommes désirent naturellement. Si un ou peu d'hommes parvenaient au bonheur unique auquel tous désirent parvenir, ce serait une grande dignité. Or tous désirent tendre à la béatitude, à laquelle seuls les justes parviennent, parce qu'ils l'obtiendront en plénitude dans le futur, mais à présent de manière inchoative et en espérance. Donc la dignité des justes est grande. À propos de leur béatitude commencée ici-bas et aboutissant à sa plénitude dans la vie future, il traite de deux choses: de sa matière et de sa cause: le peuple.

Ainsi dit-il: Bienheureuse la nation. Au sujet de la béatitude, divers sont ceux qui la comprirent de manière différente. Et selon les diverses opinions émises à son endroit, il y a une diversité de doctrines philosophiques. Car certains établirent la béatitude dans les biens matériels, tel Épicure. Certains dans les oeuvres de la vie active, comme les stoïciens. D'autres dans la contemplation de la vérité, comme les péripatéticiens. Chercher la béatitude dans ce qui est au-dessous de nous est chose vaine, car la béatitude est au-dessus de nous. Et ce qui est au-dessus de nous, c'est Dieu. Donc la béatitude de l'homme c'est d'adhérer à Dieu. Or chaque chose est parfaite dans la mesure où elle adhère à son propre bien. Et le bien propre de l'homme c'est Dieu: "Pour. moi, mon bien est de m'attacher à Dieu." Or quelqu'un peut s'attacher à Dieu par l'esprit, c'est-à-dire par l'intelligence et la volonté, non par les sens, parce qu'ici-bas ils sont aussi communs aux animaux sans raison. Donc l'homme adhère à Dieu de deux manières: en le contemplant et en le connaissant par l'intelligence, et en l'aimant par l'affection. Et parce que ces actes sont imparfaits en cette vie, ils seront en revanche parfaits dans la Patrie; c'est pourquoi ici-bas la béatitude est imparfaite, tandis que là elle est parfaite. Et c'est pourquoi il dit: Bienheureuse la nation. Et pourquoi ? Parce que le Seigneur est son Dieu, c'est-à-dire a un esprit uni à Dieu. C'est pour cela que le psalmiste dit: Bienheureuse la nation dont le Seigneur est son Dieu. - "Dieu ne rougit pas d'être appelé leur Dieu."

Mais quelle en est sa cause ? Est-ce la nature, le hasard, ou la puissance propre ? Non. Mais c'est l'élection divine: "Ce n'est pas vous qui m'avez choisi, mais c'est moi qui vous ai choisis." Et de même: "Nul ne peut venir à moi, si le Père qui m'a envoyé ne l'attire." Et c'est pourquoi il ajoute: le peuple qu'il a choisi. Autrement dit, ils sont bienheureux, parce que choisis par Dieu: "Il nous a élus en lui avant la fondation du monde." Et cela pour son héritage, c'est-à-dire afin que nous soyons nous-mêmes son héritage. L'héritage implique une possession stable. Or Dieu possède toutes choses par sa seigneurie. Mais seuls les justes lui sont soumis par la volonté: d'où il les a choisis pour son héritage, c'est-à-dire pour avoir une justice éternelle: "La justice est perpétuelle et immortelle." - "Mon héritage est Israël." Donc le Seigneur est leur Dieu, parce qu'ils jouissent de lui. Et eux-mêmes sont l'héritage de Dieu, parce qu'ils lui sont assujettis.

13 Du haut du ciel, le Seigneur a regardé: Il a vu tous les enfants des hommes.

B. Ensuite quand il dit: Du haut du ciel, il éprouve leur dignité par l'examen du jugement divin: et à ce propos il fait trois choses.

1) Il parle d'abord de la certitude du jugement divin.

2) Puis de la vanité de la prospérité humaine: 16 Un roi ne se sauve point.

3) Enfin de l'efficacité de la grâce dans les saints: 18 Voilà que les yeux du Seigneur.

1. En parlant de la certitude du jugement divin il fait deux choses.

Puisque la certitude du jugement divin se manifeste par son élévation et par sa causalité, le psalmiste montre cette certitude:

a) D'abord par la première raison,

b) puis par la seconde: 15 C'est lui qui a formé.

a. Il montre donc:

- D'abord cette certitude.

- Puis il écarte un doute: 14 De la demeure qu'il s'est préparée.

- Plus une puissance est élevée dans sa hiérarchie et dans son genre, plus elle est efficace pour les oeuvres qui conviennent à cette puissance. Et c'est pourquoi plus une puissance cognitive est subtile, plus elle est efficace dans l'acte de la connaissance. Rien n'est à ce point sublime que l'intelligence divine, aussi son efficacité dans l'acte de connaître est-elle souveraine. Et voilà pourquoi le psalmiste dit: Du haut du ciel, c'est-à-dire de la hauteur de la majesté divine. Car de même qu'il n'y a rien de plus élevé parmi les réalités matérielles que le ciel, ainsi il n'y a rien de plus élevé dans les réalités spirituelles que Dieu. Et donc parce qu'il regarde depuis la hauteur, il voit tous les enfants des hommes; car plus il voit de haut, plus nombreux sont ceux qu'il voit: "Toutes les voies de l'homme sont ouvertes à ses yeux."

14 De la demeure qu'il s'est préparée, il a porté ses regards sur tous ceux qui habitent la terre.

- Ensuite quand il dit: De la demeure qu'il s'est préparée, il écarte un doute. Car certains ont cru que Dieu habite dans les cieux, comme si depuis des régions éloignées il n'avait pas la connaissance des choses humaines: "Il parcourt les pôles du ciel, et il ne s'occupe pas de ce qui nous regarde." Le psalmiste exclut cela en disant: De la demeure qu'il s'est préparée, autrement dit: nul ne la prépare. Car il serait sot le roi qui se préparerait un trône d'où il ne pourrait pas diriger son royaume; et c'est ce que dit le psalmiste: De la demeure qu'il s'est préparée, c'est-à-dire du ciel qu'il se prépara afin qu'il soit sa demeure: non en vérité parce qu'il s'empare de lui, mais parce que sa gloire brille sur lui. il a porté ses regards, dit-il, sur tous ceux qui habitent la terre, c'est-à-dire sur la chair, en la dominant: "Qui est comme le Seigneur notre Dieu, qui habite dans les lieux les plus élevés, et regarde les choses basses dans le ciel et sur la terre." - "Le Seigneur dans le ciel a préparé son trône; et son empire dominera sur toutes choses." Ou bien: Du haut du ciel, c'est-à-dire le Christ a regardé par ses Anges ou par ses Apôtres avec l'oeil de sa miséricorde pour sauver les hommes.

15 C'est lui qui a formé un à un leurs coeurs, qui connaît toutes leurs oeuvres.

b. Puis quand il dit: C'est lui qui a formé, il prouve la certitude de la connaissance divine par sa causalité: et à ce propos il fait deux choses.

- Car il expose d'abord sa causalité.

- Puis il conclut sur la certitude de sa connaissance: qui connaît.

- Il serait insensé de dire de quelqu'un accomplissant une oeuvre efficace qu'il en ignore l'usage; car il agirait en vain, puisque l'usage est sa fin. Et c'est pourquoi le psalmiste dit ailleurs: "Celui qui a formé l'oeil ne voit-il pas ?" Comment donc peut-il se faire qu'il accomplisse quelque chose de proportionné à la connaissance des particuliers sans les connaître lui-même ? Or l'homme connaît les choses individuelles par son intellect, par son âme et par son coeur. Donc Dieu qui crée ce coeur les connaît. Et remarquez que les mots ont leur poids. Car il a dit: coeurs, afin d'exclure l'unité de l'intelligence en tous: car les divers habitants de la terre ont des intelligences diverses. Et il dit: un à un, afin de montrer que l'âme n'est pas double; autrement il n'aurait pas dit avoir formé un à un, mais bien une âme à partir de laquelle il les aurait formées toutes, et ainsi semblablement une à une. Donc lui-même a formé chaque âme par lui, c'est-à-dire par la création, puisque l'âme est une substance subsistante par elle-même, non par la matière. Semblablement il a dit: a formé, afin de montrer que cela ne se fait pas à partir de la substance de Dieu, autrement on ne dirait pas formée, mais consubstantielle. Et il dit expressément a formé, parce que façonner, c'est le propre des potiers qui impriment une belle forme à une matière vulgaire; de la même manière Dieu infuse l'âme en créant un corps fait d'argile: "Nous avons ce trésor en des vases d'argile." "Est-ce qu'un ouvrage dit à celui qui l'a façonné: "Pourquoi m'as-tu fait ainsi ?""

- Et de cela il conclut qu'il connaît toutes leurs oeuvres: car celui qui connaît la cause, connaît l'effet. Et la cause de tous les effets humains c'est le coeur. Or Dieu connaît le coeur; donc aussi ses oeuvres. Il a formé s'entend de la production de la grâce, et cela un à un, parce qu'"il y a des grâces diverses". Et cela parce que lui-même connaît leurs oeuvres en aidant, et en promouvant.

16 Un roi ne se sauve point par sa grande puissance, et un géant ne se sauvera point par la grandeur de sa puissance. 17 Le cheval est [un espoir] trompeur de salut: malgré l'abondance de sa puissance il ne sera point sauve.

2. Plus haut le psalmiste a montré la dignité des saints par la certitude du jugement divin, certitude à partir de laquelle il a eu l'intention de prouver la dignité des saints; maintenant, dans cette partie, il montre la vanité de la prospérité humaine: et à ce propos il fait deux choses.

a) Car il montre d'abord qu'aucun pouvoir temporel ne peut acheminer les hommes vers le salut des justes.

b) Puis il montre que la miséricorde de Dieu accomplit cela: Voilà que les yeux du Seigneur.

a. Ainsi dit-il: Un roi ne se sauve point. Mais parce que le pouvoir séculier est triple: un premier consistant dans la multitude des sujets, un autre dans la force corporelle, et un autre enfin dans les richesses extérieures; c'est pourquoi il montre qu'aucun de ces derniers ne peut mener au salut.

Et il fait d'abord allusion au premier pouvoir, et il s'agit du pouvoir royal; et c'est pourquoi il dit: Un roi ne se sauve point par [sa grande] puissance. Une version de Jérôme lit: in multitudine (par la multitude). - "Ne vous confiez pas dans les princes, ni dans les fils des hommes, dans lesquels il n'y a pas de salut." Bien plus s'ils obtiennent quelquefois le salut, c'est grâce à Dieu: "Ô toi, qui donnes le salut aux rois."

Puis il montre que le salut n'est pas dans la force corporelle; aussi dit-il: et un géant ne se sauvera point par la grandeur de sa puissance, c'est-à-dire de sa force: "Là ont vécu ces géants de renom qui vécurent dès le commencement, ces géants d'une haute stature et sachant la guerre."

Enfin, il montre que le salut n'est pas dans les richesses. Et il expose deux soutiens: le cheval et l'abondance des biens extérieurs.

En parlant du premier soutien il dit: Le cheval est [un espoir] trompeur, c'est-à-dire si grande que soit la possession d'un bon cheval, cependant l'homme ne peut être sauvé corporellement ou spirituellement: "Le cheval est préparé pour le jour du combat, mais c'est le Seigneur qui donne le salut."

En parlant du second soutien il dit: il ne sera point sauvé malgré l'abondance de sa puissance, c'est-à-dire l'abondance des biens extérieurs: "Celui qui se confie dans ses richesses tombera précipitamment." - "Malheur à ceux qui descendent en Égypte pour [y chercher] du secours, qui espèrent dans des chevaux."

Au sens mystique, moral et allégorique, on explique cela de la manière suivante: l'homme ne se sauve pas par sa propre puissance, quel que soit le bien qu'il possède. Or il y a un triple bien par lequel il semble que l'on puisse obtenir le salut.

Le premier est la puissance; et en parlant de cela il dit: Un roi ne se sauve point par sa grande puissance. Mais s'il est puissant pour régir les autres, il ne tient pas cela de sa propre puissance, mais de Dieu.

Le deuxième bien est la constance; et il ne tient pas celle-ci de sa propre puissance; aussi dit-il: et un géant ne se sauvera point par la grandeur de sa puissance.

Le troisième bien est la bonne disposition du corps et la vigueur; aussi dit-il: Le cheval est [un espoir] trompeur, c'est-à-dire le corps fort et robuste est trompeur. Ou bien universellement parlant: malgré l'abondance de sa puissance il ne sera point sauvé, c'est-à-dire quelle que soit l'origine de son aptitude au bien, il n'est pas sauvé sans que Dieu ne lui accorde le salut: "Pour moi j'ai dit dans mon abondance, je ne serai jamais ébranlé." Et c'est ce qui est écrit dans Jérémie: "Que le sage ne se glorifie point dans sa sagesse; que le fort ne se glorifie point dans sa force, et que le riche ne se glorifie point dans ses richesses."

18 Voilà que les yeux du Seigneur sont sur ceux qui le craignent, et sur ceux qui espèrent en sa miséricorde, 19 afin de délivrer les âmes de la mort, et de les nourrir dans la famine.

3. Ensuite lorsqu'il dit: Voilà que les yeux, il montre l'efficacité de la miséricorde divine pour sauver.

a) Et il expose d'abord la miséricorde qui sauve.

b) Puis le sentiment que les saints conçoivent en considérant celle-ci: Notre âme.

a. En parlant de la miséricorde qui sauve il fait trois choses.

- Car il commence par montrer la miséricorde divine.

- Puis il montre sur qui la miséricorde divine produit son effet: sur ceux qui le craignent.

- Enfin quel effet elle produit: afin de délivrer.

- Ainsi dit-il: Voilà que les yeux du Seigneur. Car il suggère la miséricorde divine par le regard de Dieu: "Jette un regard sur moi, et aie pitié de moi."

- Sur qui il jette son regard, il le dit quand il ajoute: sur ceux qui le craignent, et sur ceux qui espèrent en sa miséricorde.

- "Tes yeux sont purs, afin de ne pas voir le mal; et tu ne pourras pas regarder l'iniquité." Jette donc un regard sur ceux qui ont de la crainte et de l'espérance. L'une sans l'autre ne suffit pas; car la crainte sans l'espérance désespère, et l'espérance sans la crainte présume. Mais la crainte naît de la considération de la puissance divine: "Qui ne te craindra pas, ô roi des nations ?" Tandis que l'espérance naît de la considération de la miséricorde divine. De la première naît la fuite du péché, de la seconde l'espérance du pardon.

- Et il montre l'effet de la miséricorde divine lorsqu'il dit: afin de délivrer leurs âmes de la mort et de les nourrir dans la famine. Il y montre un double effet: car il libère du mal; et à ce propos il dit: afin de délivrer de la mort. Semblablement il affermit dans le bien; et à cet égard il dit: Et les [nourrit].

· Il dit donc: afin de délivrer leurs âmes de la mort, de la mort corporelle, de la mort du péché, et de la mort de la damnation future à la résurrection: "Je les délivrerai de la mort, je les rachèterai de la mort; je serai ta mort, ô mort; je serai ta morsure, ô enfer: la consolation s'est cachée à mes yeux."

· Il affermit aussi dans le bien; aussi dit-il: et de les nourrir dans la famine, c'est-à-dire dans la nécessité; et il parle de l'aliment corporel: "Les yeux de tous espèrent en toi, Seigneur, et tu donnes leur nourriture en temps opportun." Et de l'aliment spirituel: "L'homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu." Et de l'aliment sacramentel: "Ma chair est vraiment une nourriture." - "C'est dans un lieu de pâture qu'il m'a placé."

20 Notre âme attend avec constance le Seigneur, parce qu'il est notre aide et notre protecteur; 21 parce que c'est en lui que se réjouira notre coeur, et que c'est en son saint nom que nous avons espéré.

b. Puis quand il dit: Notre âme, il montre quel effet cette considération engendre en ceux-ci. Et cet effet est double.

- Le premier effet est d'espérer.

- Le second effet est de prier: Que ta miséricorde, Seigneur, soit sur nous, selon que nous avons espéré en toi.

- Concernant le premier effet il fait deux choses.

· Il montre d'abord comment naît en eux l'effet de l'espérance.

· Puis il en donne la raison: parce qu'il est notre aide.

· Ainsi disait-il donc: Voilà que les yeux du Seigneur sont sur ceux qui le craignent, etc. Et c'est pourquoi Notre âme attend avec constance le Seigneur, c'est-à-dire si quelques maux nous sont envoyés par Dieu, nous les supportons avec patience: "Vous avez appris la patience de Job." Semblablement, nous sommes dans l'attente de ses promesses. Il attend donc celui qui punit et celui qui promet.

· Et il y a une double raison à cela. L'une est due à l'expérience des bienfaits passés; mais l'autre est due à l'espérance des bienfaits futurs: en lui se réjouira. L'expérience des bienfaits est dans l'élévation aux biens; aussi dit-il: parce qu'il est notre aide. De même, dans la protection contre les maux; et c'est pourquoi il dit: et notre protecteur. Mais nous espérons la joie future; aussi dit-il: c'est en lui que se réjouira notre coeur, c'est-à-dire dans sa vision: "Vous verrez et votre coeur se réjouira." - "Alors tu abonderas en délices dans le Tout-Puissant, et tu élèveras ta face vers Dieu." Et cette joie est ici-bas imparfaite, mais là, c'est-à-dire dans la Patrie, elle est parfaite. Et cela, parce qu'en son saint nom nous avons espéré. Car il est mis ici "et" pour "parce que". Son saint nom est le nom de sa miséricorde, ce qui revient à dire: nous nous réjouirons, parce qu'en son saint nom nous avons espéré, c'est-à-dire dans sa bonté, ou dans sa miséricorde, et non dans nos mérites.

22 Que ta miséricorde, Seigneur, soit sur nous, selon que nous avons espéré en toi.

- Ensuite quand il dit: Que ta miséricorde soit, il expose le second effet qui est de prier; car la prière est l'interprète de l'espérance, et c'est pourquoi elle suit l'espérance. Et quoique tout bienfait particulier soit dû à la miséricorde divine, deux sont cependant spécialement dus à celle-ci. Le premier est le bienfait de l'Incarnation: "Par les entrailles de la miséricorde de notre Dieu, avec lesquelles est venu nous visiter le soleil se levant d'en haut, pour éclairer ceux qui sont assis dans les ténèbres et l'ombre de la mort, pour diriger nos pas sur le chemin de la paix." Que ta miséricorde soit, c'est-à-dire afin d'assumer la chair et de nous libérer, sur nous, c'est-à-dire au-dessus de nos mérites. L'autre bienfait est celui du salut; et ce bienfait est sur nous, car "ce n'est point par les oeuvres de justice que nous avons faites qu'il nous a sauvés, mais selon sa miséricorde." selon que nous avons espéré en toi, car "nul n'a espéré dans le Seigneur et n'a été confondu."

 

 

COMMENTAIRE DU PSAUME 33

1 Psaume de David, lorsqu'il changea son visage devant Abimelech, qui le renvoya, et qu'il s'en alla.

2 Je bénirai le Seigneur en tout temps: Toujours sa louange sera dans ma bouche.

3a Mon âme se glorifiera dans le Seigneur.

3b Que les [hommes] doux entendent, et se réjouissent.

4 Magnifiez le Seigneur avec moi, et exaltons tous ensemble son nom.

5 J'ai recherché le Seigneur, et il m'a exaucé, et il m'a retiré de toutes mes tribulations.

6 Approchez-vous de lui, et soyez éclairés, et vos visages ne seront pas confondus.

7 Ce pauvre a crié, et le Seigneur l'a exaucé; et de toutes les tribulations il l'a sauvé.

8 L'Ange du Seigneur ira en mission autour de ceux qui le craignent, et il les délivrera.

8 Goûtez et voyez combien le Seigneur est doux: Bienheureux l'homme qui espère en lui.

10 Craignez le Seigneur, vous tous ses saints, parce qu'il n'y a pas d'indigence pour ceux qui le craignent.

11 Les riches ont connu l'indigence et ont eu faim; mais ceux qui cherchent le Seigneur n'éprouveront l'amoindrissement d'aucun bien.

12 Venez, fils, écoutez-moi; je vous enseignerai la crainte du Seigneur.

13 Quel est l'homme qui veut la vie, qui aime à voir des jours de bonheur ? 14 Préserve ta langue du mal; et que tes lèvres ne profèrent point de discours trompeurs. 15 Détourne-toi du mal et fais le bien; cherche la paix et poursuis-la.

16 Les yeux du Seigneur sont sur les justes, et ses oreilles à leurs prières.

17 Mais le visage du Seigneur est sur ceux qui font le mal, afin d'effacer de la terre leur mémoire.

18 Les justes ont crié, et le Seigneur les a exaucés: et il les a délivrés de toutes leurs tribulations.

19 Le Seigneur est près de ceux qui ont le coeur affligé; et il sauvera les humbles d'esprit.

20a Nombreuses sont les tribulations des justes;

20b mais le Seigneur les délivrera de toutes ces [peines].

21 Le Seigneur gardera tous leurs os: et pas un seul de ces [os] ne sera brisé.

22 La mort des pécheurs est très funeste; et ceux qui haïssent le juste seront traités comme coupables.

23 Le Seigneur rachètera l'âme de ses serviteurs: et tous ceux qui espèrent en lui ne seront pas traités comme coupables.

 

1 Psaume de David, lorsqu'il changea son visage devant Abimelech, qui le renvoya, et qu'il s'en alla.

2 Je bénirai le Seigneur en tout temps: Toujours sa louange sera dans ma bouche.

Le titre de ce psaume est: Psaume de David, lorsqu'il changea son visage devant Abimelech, qui le renvoya, et qu'il s'en alla. Cette histoire est rapportée au premier livre des Rois 1, où il est dit que David fuyant loin de la face de Saül vint chez Achis, roi de Geth; et là il fut reconnu ainsi que sa forcé, parce qu'il avait tué le Philistin; aussi craignant qu'il en résulte pour lui un danger imminent, et aussi parce qu'ils enviaient sa force, il voulut éviter cela, fit semblant d'être fou, et ainsi ce roi le méprisa. Tout ce récit se trouve dans le premier livre des Rois, à l'exception du fait que le nom n'est pas en accord, car la le roi est appelé Achis, tandis qu'ici il se nomme Abimelech. Il n'y a pas de désaccord, car ou bien il eut deux noms, ou bien son nom fut Achis mais il fut de la descendance d'Abimelech. C'est pourquoi il changea son visage en montrant qu'il était fou, et le quitta et s'en alla, parce que David, rejeté, le quitta et s'éloigna.

Au sens mystique, le Christ changea son visage, lorsqu'il changea son sacrement, dans lequel la vérité divine fut cachée. Ou bien, le Christ changea l'ancienne alliance en une nouvelle devant Abimelech, qui veut dire "royaume de mon Père". Dieu est le Père du Christ selon la divinité, mais David l'est selon l'humanité. Le royaume de David est le peuple juif, le royaume de Dieu est l'Église. Or le Christ changea son visage devant Abimelech, c'est-à-dire devant les Juifs, parce qu'ils étaient le royaume de son père David, eux qui ne le reconnurent pas: "Il n'a ni éclat ni beauté; et nous l'avons vu", et ils le méprisèrent: "Aussi nous l'avons compté pour rien." Et il s'en alla vers les nations païennes. Ou bien Achis, qui veut dire "incrédule", signifie les Juifs. Dans le psaume précédent le psalmiste a exposé la dignité des justes; mais ici il invite les autres à la louange de Dieu.

Et ce psaume se divise en deux parties.

I) Car le psalmiste expose d'abord une exhortation à la louange.

II) Puis il donne une instruction nécessaire: 12 Venez, fils, écoutez-moi; je vous enseignerai la crainte du Seigneur.

I. Concernant l'exhortation à la louange il fait deux choses.

A) Car il commence par traiter de la louange de Dieu.

B) Puis il expose la matière de cette louange: J'ai recherché le Seigneur.

A. En traitant de la louange de Dieu il fait deux choses.

1) Car il parle d'abord de l'exemple de la louange.

2) Puis il exhorte les autres à limiter: Que [les hommes] doux entendent.

1. En parlant de l'exemple de la louange il fait deux choses.

a) Car il commence par donner l'exemple de la louange en soi.

b) Puis il montre le fruit de la louange de Dieu: 3a Mon âme se glorifiera dans le Seigneur.

a. Ainsi dit-il: Je bénirai le Seigneur. Quelqu'un loue parfois Dieu pour soi-même, comme lorsqu'il parle en langue, il parle pour lui seul. Parfois il loue Dieu pour la consolation des autres, comme lorsqu'il prophétise aussi pour les autres. Donc bénir le Seigneur (benedicere Domino), comme on l'a dit, c'est célébrer la louange de Dieu; mais bénir le Seigneur (benedicere Dominum), c'est faire du bien en tout temps, c'est-à-dire dans le temps de l'adversité et de la prospérité.

Cependant il est écrit au psaume 48: "Il te louera lorsque tu lui auras fait du bien." Mais Job n'agissait pas ainsi: "Si nous avons reçu les biens de la main du Seigneur, pourquoi n'en recevrions-nous pas les maux ?" - "Bénis Dieu en tout temps." Semblablement il faut que quelqu'un bénisse Dieu non seulement en soi, c'est-à-dire dans son coeur, mais aussi qu'il ait sa louange sur la bouche. Car la nécessité de la louange est vocale, de telle sorte que non seulement tu loues Dieu, mais que tu le loues aussi pour le bien et l'encouragement des autres. C'est pourquoi il dit: sa louange sera dans ma bouche. - "On y trouvera la joie et l'allégresse, l'action de grâce et la voix de la louange." Mais il dit: Toujours, c'est-à-dire en tout temps établi. Ou bien dans le temps de la préparation de l'âme. Ou bien: Toujours, en faisant le bien, avec lequel Dieu est toujours loué. Remarquez que ce verset est chanté à sexte, lorsque le Christ a souffert, et dont la Passion est pour nous cause de louange.

3a Mon âme se glorifiera dans le Seigneur.

b. Ensuite lorsqu'il dit: dans le Seigneur, il expose le fruit de la louange. Ainsi dit-il: Mon âme se glorifiera dans le Seigneur. Car quelqu'un regarde toujours le bien de son ami comme son propre bien. C'est pourquoi il dit: dans la louange de Dieu se trouve aussi ma louange. Si Dieu est grand, il est clair que son ami est grand: "Ma force et ma louange c'est le Seigneur." Et il dit: âme, parce que la joie spirituelle s'applique principalement à l'âme elle-même.

3b Que les [hommes] doux entendent, et se réjouissent.

2. Ensuite lorsqu'il dit: entendent,

a) il amène d'abord les autres à la cause de la louange.

b) Puis à la louange elle-même: Magnifiez.

a. Le principe de la louange est la joie intérieure; aussi dit-il: Que les [hommes] doux. Et c'est pourquoi ils se réjouissent dans toutes les choses qui sont de Dieu, car les hommes qui ne sont pas doux ne se réjouissent pas, mais se rebellent. Et il dit: entendent, car cette joie provient de l'acte d'entendre les autres agir bien.

4 Magnifiez le Seigneur avec moi, et exaltons tous ensemble son nom.

b. Ensuite lorsqu'il dit: Magnifiez, il exhorte à la louange.

- Et d'abord à la louange intérieure.

- Puis à la louange extérieure: Et exaltons.

- Concernant la louange intérieure il dit: Magnifiez le Seigneur avec moi. Magnifier et louer Dieu sont une même chose, car la bonté de Dieu et sa grandeur sont une même chose: car dans le domaine des choses qui n'ont pas grand poids, dire d'une chose qu'elle est plus grande ou meilleure revient au même, comme le dit Augustin dans son Traité de la Trinité. Et c'est pourquoi il dit: Magnifiez. - "Mon âme magnifie le Seigneur." Et cela répond à ce qu'il dit: Je bénirai le Seigneur.

- Concernant la louange extérieure il dit: exaltons son nom. Ce qui en soi est haut est dit être exalté, et est en même temps répandu sur beaucoup: "Glorifiez le Seigneur autant que vous pourrez; car sa gloire l'emportera encore, et admirable est sa magnificence." tous ensemble, c'est-à-dire avec concorde. Et cela répond à ce qu'il dit: sa louange dans ma bouche.

5 J'ai recherché le Seigneur, et il m'a exaucé, et il m'a retiré de toutes mes tribulations.

B. Ensuite lorsqu'il dit: J'ai recherché, il expose la matière de la louange, qui est la clémence divine dans l'exaucement. À cet égard il fait deux choses.

1) Car il expose d'abord la clémence de son exaucement.

2) Puis le mérite de l'exaucement: Ce pauvre a crie.

1. En exposant la clémence de son exaucement il fait deux choses.

a) Car il mentionne d'abord le bienfait qui lui a été concédé.

b) Puis il invite les autres à obtenir ce bien: Approchez-vous de lui, et soyez éclairés, et vos visages ne seront pas confondus.

a. En mentionnant le bienfait qui lui a été concédé il fait trois choses.

- Car il expose d'abord la demande.

- Puis l'exaucement: et il m'a exaucé.

- Enfin l'effet de l'exaucement: et de toutes mes tribulations il m'a retiré.

- Ainsi dit-il: J'ai recherché le Seigneur. Le choix le meilleur est de chercher Dieu lui-même; c'est pourquoi dans l'oraison dominicale on demande d'abord: "Que ton nom soit sanctifié." - "Cherchez le Seigneur, tandis qu'on peut le trouver." Il dit donc: J'ai recherché, autrement dit: je l'ai cherché avec un grand soin aimant.

- Et c'est pourquoi le psalmiste mentionne ensuite l'exaucement: et il m'a exaucé.

- Mais l'effet de l'exaucement est qu'il m'a retiré de toutes mes tribulations. Car il a retiré les justes de leurs tribulations, parfois afin qu'ils ne subissent pas les tribulations: "Dans six tribulations il te délivrera, et à la septième, le mal ne te touchera pas." Parfois, afin qu'ils ne soient pas trop importunés: "Selon la multitude de mes douleurs qui étaient dans mon coeur, tes consolations ont réjoui mon âme." - "Lui qui nous console dans toutes nos tribulations": et les hommes saints ont toujours cette consolation. De même il retira extérieurement, parce que jamais les méchants ne peuvent séparer les saints du Christ: "Qui nous séparera de l'amour du Christ ?"

6 Approchez-vous de lui, et soyez éclairés, et vos visages ne seront pas confondus.

b. Ensuite lorsqu'il dit: Approchez-vous de lui, et soyez éclairés, et vos visages ne seront pas confondus, il invite les autres à obtenir ce bienfait; et à ce propos il fait deux choses.

- Car il expose d'abord une invitation.

- Ensuite l'effet de cette invitation: et vos visages ne seront pas confondus.

- Ainsi dit-il: Approchez-vous de lui, par la foi et la charité: "Approchez-vous de Dieu, et il s'approchera de vous." Et c'est pourquoi il ajoute: et soyez éclairés. Dieu est lumière; et celui qui s'approche de la lumière est éclairé: "Lève-toi", avec un vif désir, "et sois éclairé." - "Ceux qui s'approchent de ses pieds recevront de sa doctrine."

- Mais l'effet de cette action d'amener, c'est que vos visages ne seront pas confondus, dans un rejet, c'est-à-dire que vous ne souffrirez pas de celui-ci, parce qu'"il n'est point de confusion pour ceux qui se confient en toi." Ou bien: vos visages, c'est-à-dire vos pensées ne seront pas confondues par un manquement à la vérité.

7 Ce pauvre a crié, et le Seigneur l'a exaucé; et de toutes les tribulations il l'a sauvé.

2. Ensuite lorsqu'il dit: Ce pauvre a crié, il expose le mérite de l'exaucement; et à ce propos il fait trois choses.

a) Il commence par exposer le mérite lui-même.

b) Puis il promet un bienfait semblable aux autres: L'Ange du Seigneur ira en mission.

c) Enfin il exhorte les autres à l'éprouver: Goûtez.

a. Ainsi dit-il: Ce pauvre. Ce verset ne diffère en rien de l'autre: 5 J'ai recherché; si ce n'est que là il parle de lui, tandis qu'ici il parle du pauvre. Et c'est pourquoi on se pose uniquement la question de savoir qui est ce pauvre. Et on dit que ce pronom ce (iste), désigne soit lui-même, soit le Christ. Et par le fait qu'il dit: pauvre, il fait connaître le mérite de l'exaucement, car il est pauvre en esprit, ou pauvre en orgueil, ou pauvre dans son désir de posséder des biens terrestres. Et ceux-ci sont exaucés: "La prière des hommes humbles et doux t'a toujours plu." - "Il a regardé avec attention vers la prière des humbles, et il n'a pas méprisé leur demande." a crié, avec l'intensité de son vif désir intérieur: Les Séraphins "se criaient l'un à l'autre, et ils disaient: "Saint, saint, saint est le Seigneur des armées, toute la terre est pleine de sa gloire.""

8 L'Ange du Seigneur ira en mission autour de ceux qui le craignent, et il les délivrera.

b. Ensuite lorsqu'il dit: L'Ange ira en mission, il promet un bienfait semblable, autrement dit: les autres sont exaucés de la même manière que ce pauvre. De nombreux manuscrits lisent: "Immitit Angelus Domini (L'Ange du Seigneur est allé en mission)." La version iuxta Hebraeos de Jérôme lit: "Circumdat angelus Domini in gyro timentes eum (L'ange du Seigneur environne ceux qui le craignent)." Il dit donc: L'Ange du Seigneur ira en mission, en protégeant de la splendeur de sa lumière, in circuitu (autour). - "Des montagnes sont autour d'elle", c'est-à-dire les anges. - "Il y en a un plus grand nombre avec nous qu'avec eux." Et plus bas: "Voilà la montagne pleine de chevaux et de chariots de feu autour d'Élisée." ira en mission, c'est-à-dire exercera une mission: "Ne sont-ils pas tous des esprits chargés d'un ministère, et envoyés pour l'exercer en faveur de ceux qui accueilleront l'héritage du salut ?" et il les délivrera, c'est-à-dire du combat des ennemis et des démons: "Les enfants d'Israël n'ont confiance ni dans la lance ni dans la flèche; mais les montagnes les défendent", c'est-à-dire l'Ange, ou le Christ, suivant l'interprétation d'Isaïe dans la version des Septante: "Il sera appelé l'Ange du grand conseil." Parce qu'il est envoyé par Dieu en tant qu'homme. Ou bien, l'Ange signifie le dignitaire de l'Église: "Il est l'ange du Seigneur des armées." Or les dignitaires de l'Église doivent garder leur troupeau.

9 Goûtez et voyez combien le Seigneur est doux: Bienheureux l'homme qui espère en lui.

c. Enfin lorsqu'il dit: Goûtez et voyez combien le Seigneur est doux, il exhorte à l'éprouver: et à cet égard il fait deux choses.

- Car il commence par exhorter à la connaissance expérimentale de la communion divine.

- Puis à l'observance de la crainte divine: Craignez.

- À propos de l'exhortation à la connaissance expérimentale de la communion divine, il fait deux choses.

· Car il exhorte d'abord à la connaissance expérimentale.

· Puis il expose l'effet de cette communion expérimentale: et voyez combien le Seigneur est doux.

· Ainsi dit-il: Goûtez et voyez combien le Seigneur est doux: Bienheureux l'homme qui espère en lui. La connaissance expérimentale d'une réalité s'acquiert par les sens; mais différemment s'il s'agit d'une réalité présente, et différemment s'il s'agit d'une réalité absente: car s'il s'agit d'une réalité absente, elle s'acquiert par la vue, l'odorat et l'ouïe; mais s'il s'agit d'une réalité présente, elle s'acquiert par le toucher et le goût; mais par le toucher au sujet d'une réalité extérieurement présente, par le goût au contraire au sujet d'une réalité intérieurement présente. Or Dieu n'est pas loin de nous, ni en dehors de nous, mais en nous: "Toi, tu es en nous, Seigneur." Et c'est pourquoi la connaissance expérimentale de la bonté divine est appelée gustation: "Si toutefois vous avez goûté comme le Seigneur est doux." - "Elle a goûté et elle a vu que son commerce est bon."

· Et il expose un double effet de cette connaissance expérimentale. Le premier est la certitude de l'intelligence, l'autre est la sécurité de l'affection.

Concernant le premier effet il dit: et voyez. Car ce qu'on voit dans les réalités corporelles, est ensuite aussi goûté; mais ce qui est d'abord goûté dans les réalités spirituelles est ensuite vu; car nul ne connaît s'il ne goûte; et c'est pourquoi il dit d'abord: Goûtez, et ensuite: voyez.

Concernant le second effet il dit: combien le Seigneur est doux. - "Qu'il est bon et doux, Seigneur, ton esprit en nous !" - "Quelle est grande, Seigneur, l'abondance de ta douceur."

Et le psalmiste dit ensuite: Bienheureux l'homme qui espère en lui. - "Bienheureux tous ceux qui l'attendent."

10 Craignez le Seigneur, vous tous ses saints, parce qu'il n'y a pas d'indigence pour ceux qui le craignent.

- Ensuite lorsqu'il dit: Craignez, il exhorte:

· D'abord à l'observance de la crainte divine.

· Puis il donne une cause à la crainte: parce qu'il n'y a pas d'indigence pour ceux qui le craignent.

· Enfin il manifeste cette cause: Les riches ont connu l'indigence.

· Ainsi dit-il: Le Seigneur est bon et doux. Mais pour qui ? pour ceux qui le craignent. Donc craignez le Seigneur, vous tous ses saints. Et il dit: saints, car nul ne peut être saint sans craindre. Et il dit cela, parce que non seulement la crainte est plus nécessaire pour ceux qui montent vers la sainteté, mais aussi pour ceux qui demeurent en elle: "Si dans la crainte du Seigneur tu ne te tiens fortement, bientôt sera renversée ta maison." Et aussi parce qu'il n'est rien qui détruise autant la sainteté que l'orgueil; et la crainte est une garde à l'orgueil: "Celui qui craint Dieu ne néglige rien." - "Il n'y a pas dans la crainte de Dieu de détriment."

· Et la cause pour laquelle il doit craindre, il l'ajoute: parce qu'il n'y a pas d'indigence pour ceux qui le craignent. Ceci est interprété de multiples manières. On l'applique d'abord à l'indigence des biens spirituels: "La sagesse et la science [seront] des richesses de salut; et la crainte du Seigneur est son trésor." Si donc la crainte du Seigneur est un trésor, il n'y a pas d'indigence pour ceux qui le craignent. On l'applique semblablement à l'indigence matérielle, car il arrive parfois que celui qui craint Dieu ait peu de biens, mais il n'arrive pas qu'il soit indigent. Est indigent celui qui s'estime être dans la disette: ceux qui craignent Dieu sont contents de ce qu'ils ont: "Je sais être humilié, et je sais aussi vivre dans l'abondance (je me suis habitué partout et à tout); être rassasié et avoir faim; être dans l'abondance et dans l'indigence." Pareillement, Dieu subvient aux nécessités de ceux qui le recherchent.

Mais Augustin, commentant le sermon du Seigneur sur la montagne, objecte le fait que l'Apôtre dise: "Jusqu'à cette heure nous souffrons et la faim et la soif, nous sommes nus." Comment n'y a-t-il pas d'indigence pour ceux qui le craignent ?

Et il dit que Dieu est à la fois nourricier et médecin. Or le médecin supprime la nourriture au malade et le laisse avoir faim et soif, parce que c'est utile à la santé. Ainsi Dieu, selon qu'il est utile à notre salut, envoie parfois la disette, accorde parfois les richesses, concède quelquefois une longue vie, réduit quelquefois la vie à la brièveté.

11 Les riches ont connu l'indigence et ont eu faim; mais ceux qui cherchent le Seigneur n'éprouveront l'amoindrissement d'aucun bien.

Mais lorsqu'il dit ensuite: Les riches ont connu l'indigence, il manifeste la raison de la vraie crainte par un fait opposé. Car le contraire de la crainte du Seigneur est le sentiment de ceux qui livrent leurs âmes aux richesses.

Il montre donc d'abord que ceux qui sont dans les richesses connaissent la privation.

Puis, que ceux qui cherchent Dieu n'éprouvent pas la privation.

Ainsi dit-il: Les riches ont connu l'indigence, à savoir spirituellement, c'est-à-dire que ceux qui sont riches dans les biens du monde, ont connu l'indigence dans les richesses spirituelles: "Car tu dis: je suis riche et opulent, et je n'ai besoin de rien; et tu ne sais pas que tu es malheureux et misérable, pauvre, aveugle et nu."

et ont eu faim, c'est-à-dire des biens spirituels: parce que le désir naturel de la vertu est inhérent à l'homme; car bien que le désir pervers le porte aux péchés, il désire cependant naturellement les vertus. Ou bien dans le futur, ils ont connu l'indigence, c'est-à-dire seront dans le dénuement, et ont eu faim, c'est-à-dire auront faim: "Mes serviteurs mangeront, et vous, vous aurez faim."

De même cela se comprend au sens littéral: car les riches sont souvent amenés à l'indigence, puisque les réalités du monde sont caduques: "Il a rempli de biens les affamés, et il a renvoyé les riches les mains vides." - "Cherchez le Seigneur tandis qu'on peut le trouver, invoquez-le tandis qu'il est proche."

n'éprouvèrent l'amoindrissement d'aucun bien, c'est-à-dire ne seront pas dépourvus du bien parfait: car ils auront les biens spirituels en désir, et les biens temporels dans la nécessité: "Cherchez premièrement le royaume de Dieu et sa justice; et toutes ces choses vous seront données par surcroît." - "L'objet de leur désir sera accordé aux justes." Et "le désir des justes est toute espèce de bien". Et c'est pourquoi ils auront toute espèce de bien.

12 Venez, fils, écoutez-moi; je vous enseignerai la crainte du Seigneur.

II. Après avoir exposé plus haut son exhortation à la louange, il expose ici la nécessité d'un enseignement; et à ce propos il fait deux choses.

A) Car il donne d'abord un enseignement sur la crainte de Dieu.

B) Puis sur la providence divine: 16 Les yeux du Seigneur, etc.

A. En donnant d'abord un enseignement sur la crainte de Dieu il fait deux choses.

1) Il commence par le faire précéder par une sorte d'introduction.

2) Ensuite il communique son enseignement: Quel est l'homme ?

1. Dans son introduction il fait trois choses.

a) Il rend d'abord bien disposé celui qu'il instruit.

b) Puis il le rend attentif: écoutez-moi.

c) Enfin il le rend docile: je vous enseignerai la crainte du Seigneur.

a. Concernant la bonne disposition il dit donc: Venez, fils. Car il appartient aux parents d'aimer leurs enfants; et c'est pourquoi il dit: fils, afin de les rendre bien disposés par l'amour paternel. Semblablement il appartient aux parents d'inviter leurs enfants à recevoir un enseignement, et à les instruire; aussi dit-il: Venez.

- "Or Jacob appela ses fils et leur dit: "Assemblez-vous, afin que je vous annonce ce qui doit vous arriver dans les jours derniers."" - "De plus, nous avons pour éducateurs les pères de notre chair, et nous les révérons."

b. Concernant l'attention il dit: écoutez-moi. - "Le sage, en écoutant, sera plus sage." - "Écoutez-moi, grands, et vous tous peuples; et [vous] chefs de l'assemblée, prêtez l'oreille."

c. Enfin il le rend docile; et cela lorsqu'il donne un enseignement à propos de ce qu'il dira: je vous enseignerai la crainte du Seigneur, c'est-à-dire quel fruit vous aurez si vous craignez Dieu. Ou bien comment il vous faut craindre Dieu.

Et il commence par la crainte, et c'est bien; parce que dans l'enseignement de la science il faut commencer par les rudiments: "La crainte du Seigneur est le principe de la sagesse", à savoir de la sagesse divine.

13 Quel est l'homme qui veut la vie, qui aime à voir des jours de bonheur ? 14 Préserve ta langue du mal; et que tes lèvres ne profèrent point de discours trompeurs. 15 Détourne-toi du mal et fais le bien; cherche la paix et poursuis-la.

2. Ensuite il adjoint son enseignement lorsqu'il dit: Quel est l'homme ? Et à ce propos il fait deux choses.

a) Il enseigne d'abord le fruit de la crainte.

b) Puis [il donne] son enseignement: Préserve.

a. Ainsi dit-il: Quel est l'homme qui veut la vie: car l'homme désire deux choses: une longue vie et la prospérité; mais parce qu'une longue vie écoulée dans le mal doit être évitée, c'est pourquoi il dit: Quel est l'homme qui veut la vie ? Et l'homme acquiert celle-ci par la crainte du Seigneur, qui est "le commencement de la sagesse", comme le dit le psaume 110: sans cette sagesse il n'y a pas de vie, aussi la sagesse elle-même dit-elle dans les Proverbes: "Celui qui me trouvera trouvera la vie." Or certains vivent, mais dans le malheur et l'épreuve: "Les jours de mon pèlerinage sont de cent trente ans, courts et mauvais." Et c'est pourquoi il dit: qui aime a voir des jours de bonheur, c'est-à-dire de plénitude, car en ces jours d'éternité il n'existe rien en dehors du bonheur: "Mieux vaut un jour [passé] dans tes parvis, que des milliers [dans d'autres]."

b. Mais quel est l'effet de la crainte, il le montre d'abord en parole. Puis en acte: Détourne-toi.

- En parole il défend deux choses: le mal dans sa manifestation, et le bien trompeur. En parlant du premier il dit: Préserve ta langue du mal, à savoir de la détraction, de la diffamation et de l'erreur: "Qu'aucun discours mauvais ne sorte de votre bouche" - "Si quelqu'un croit être religieux, et ne met pas un frein à sa langue, mais séduit son propre coeur, sa religion est vaine." En parlant du second il dit: Et que tes lèvres ne profèrent point de discours trompeurs, autrement dit: de plus tu ne proféreras pas le bien avec tromperie: "Que Dieu perde entièrement toute lèvre trompeuse." Et remarquez qu'il parle d'abord de la préservation de la langue, et ensuite des lèvres: car lorsque quelqu'un veut parler il meut d'abord sa langue, et ensuite ses lèvres. Semblablement la langue forme d'abord les mots, mais les lèvres les rendent distincts.

- Le psalmiste montre aussi en acte que deux choses doivent être accomplies. L'homme doit en effet ordonner sa vie d'abord par rapport à lui; et à ce propos il dit: Détourne-toi du mal. Puis par rapport au prochain: et à cet égard il dit: cherche la paix et poursuis-la.

· Par rapport à lui il accomplit deux choses, conformément aux diverses parties de la justice, qui sont: se détourner du mal, et faire le bien. La seconde partie est mentionnée lorsqu'il dit: fais le bien.

Ainsi dit-il: Détourne-toi du mal. - "Ne fais pas de mauvaises choses, et elles ne s'empareront pas de toi." Se détourner du mal n'est pas quelque chose de méritoire, dans la mesure où l'acte de se détourner du mal exprime seulement une négation: car par cet acte, à savoir de ne pas faire le mal, on évite il est vrai le châtiment qu'on encourrait si on admettait l'autre conduite; cependant, ce n'est pas à cause de cette fuite du mal que la vie est acquise. Et c'est pourquoi en le prenant ainsi dans ce sens, ne pas faire le mal n'est méritoire qu'à la seule condition qu'une telle volonté soit informée par la charité, c'est-à-dire que le but de se détourner du mal soit en vue de Dieu.

et fais le bien. - "Apprenez à faire le bien."

· Puis par rapport au prochain il dit: cherche la paix et poursuis-la. Mais il arrive parfois que le prochain t'attaque, et alors il t'appartient de chercher la paix; et c'est pourquoi il dit: cherche la paix. - "S'il se peut, et autant qu'il est en vous, ayez la paix avec tous les hommes." Mais il arrive aussi parfois que quelqu'un cherche la paix par ton intermédiaire, alors il t'appartient aussi de poursuivre la paix; aussi dit-il: et poursuis-la. Ou bien il parle de la paix qu'il doit avoir en lui; et, dit-il, tu acquiers cette paix en cette vie. Mais elle n'est pas possédée en plénitude, "car la chair convoite contre l'esprit, et l'esprit contre la chair." Et il dit: et poursuis-la, c'est-à-dire afin que tu l'aies davantage, bien qu'elle ne soit pas parfaite ici-bas, mais qu'elle le sera dans la vie future, là où "le peuple se reposera dans la beauté de la paix." Ou bien: cherche la paix, c'est-à-dire le Christ, qui "est notre paix". Et: poursuis-la. - "Qu'est-ce que l'homme pour pouvoir suivre le roi son créateur ?"

16 Les yeux du Seigneur sont sur les justes, et ses oreilles à leurs prières.

B. Ensuite lorsqu'il dit: Les yeux du Seigneur sont sur les justes, il communique son enseignement sur la divine providence: et à cet égard il fait deux choses.

1) Il parle d'abord de la divine providence.

2) Puis il montre l'effet de la divine providence: Les justes ont crié.

1. En parlant de la divine providence il fait deux choses.

a) Il expose la divine providence à l'égard des bons;

b) Puis à l'égard des mauvais: Mais le visage du Seigneur.

a. Ainsi dit-il: Les yeux du Seigneur, etc. À l'égard de ceux qui font l'objet de notre sollicitude, nous portons une double attention, par la vue en relation avec leurs actions; et à ce propos il dit: Les yeux du Seigneur. Et par l'ouïe en relation avec leurs paroles; et à ce propos il dit: et ses oreilles. Et bien qu'en Dieu il n'y ait pas de vue et d'ouïe, mais la sagesse divine elle-même, cependant en raison des divers modes de connaissance on parle de l'une et de l'autre, à savoir de la vue et de l'ouïe. La vue est signifiée par les yeux quant aux faits eux-mêmes; mais l'ouïe par les oreilles quant aux paroles. Et c'est pourquoi il dit: Les yeux du Seigneur sont sur les justes, c'est-à-dire avec un regard d'approbation: "Le Seigneur connaît ceux qui sont à lui." - "Les yeux du Seigneur sont sur ceux qui le craignent, et lui-même connaît toute oeuvre de l'homme." et ses oreilles, c'est-à-dire afin qu'il soit attentif à exaucer leurs prières. Car celui qui veut exaucer écoute volontiers ceux qui prient: aussi il signifie par cela qu'il est volontairement disposé à exaucer. Et il dit: a leurs prières, parce qu'eux parlant encore, il écoute: "Et il arrivera qu'avant qu'ils crient, moi je les exaucerai; eux parlant encore, j'écouterai."

17 Mais le visage du Seigneur est sur ceux qui font le mal, afin d'effacer de la terre leur mémoire.

b. Ensuite lorsqu'il dit: Mais le visage du Seigneur est sur ceux qui font le mal, afin d'effacer de la terre leur mémoire, il montre la providence du Seigneur au sujet des méchants, et à ce propos il fait deux choses.

- Car il expose d'abord le fait que la providence divine s'étend aux mauvais.

- Puis comment elle s'étend de façon différente aux bons: afin d'effacer.

- Ainsi dit-il: Mais le visage du Seigneur, etc. Il avait dit plus haut: Les yeux du Seigneur sont sur les justes. Un méchant pourrait dire: Si les yeux du Seigneur ne sont pas sur moi, je puis pécher librement, parce qu'il ne voit pas: "Les nuées sont sa retraite; il ne s'occupe pas de ce qui nous regarde." - "Le Seigneur ne nous voit point; le Seigneur a délaissé la terre." Mais il n'en est pas ainsi, parce que le visage du Seigneur est sur les méchants: "L'enfer et la perdition sont à nu devant le Seigneur; combien plus les coeurs des fils des hommes ?"

Et il dit: visage, parce qu'il est l'expression d'un regard de colère sur les méchants eux-mêmes. Mais dans quel but ?

- Certainement afin d'effacer de la terre leur mémoire. Cela peut se comprendre de deux manières. Ou bien parce que cela peut être référé à la terre présente; et ainsi leur mémoire s'efface-t-elle de la terre doublement. Soit en tant qu'elle disparaît entièrement. Soit en tant que leurs maux disparaissent totalement: "Le nom des impies pourrira." De nombreux méchants ont cherché à perpétuer leur mémoire, et cependant elle a disparu. Et si la mémoire de certains s'est perpétuée, elle est cependant dite avoir disparu, parce qu'elle est pourrie et mauvaise: "Leur mémoire a péri avec bruit" Ou bien on peut l'entendre de la terre des vivants.

Mais les saints ne gardent-ils pas la mémoire des impies ? S'ils ne gardent pas la mémoire des méchants qui ont souffert, comment donc "le juste se réjouira, lorsqu'il aura vu la vengeance" ?

Il faut répondre en disant qu'ils garderont leur mémoire, mais non en bien, car ils ne garderont pas d'eux une mémoire de compassion et de commisération, ni ne prieront pour eux: "Tu les as brisés et tu as anéanti toute leur mémoire."

18 Les justes ont crié, et le Seigneur les a exaucés: et il les a délivrés de toutes leurs tribulations.

2. Ensuite lorsqu'il dit: Les justes ont crié, il expose l'effet de la providence divine.

a) Et d'abord sur les bons.

b) Puis sur les méchants: La mort des pécheurs est très funeste.

a. À propos de son effet sur les bons il fait deux choses.

- Car il montre d'abord comment les oreilles du Seigneur sont aux prières des justes.

- Puis comment les yeux du Seigneur sont sur eux: Le Seigneur est près de ceux qui ont le coeur affligé, etc.

- En parlant des oreilles du Seigneur qui sont aux prières des justes, il fait trois choses.

· Car il mentionne d'abord la prière des saints.

· Puis il expose leur exaucement: et le Seigneur les a exaucés.

· Enfin l'effet de cet exaucement: et de toutes leurs tribulations.

· Ainsi dit-il: ont crié. La prière des saints est appelée cri: "Ils crieront vers le Seigneur à la vue de l'oppresseur." - "Leur cri a pénétré jusqu'aux oreilles du Seigneur Sabaoth." Le cri est une voix forte; et la prière des saints est une voix forte pour deux raisons: à cause de la grandeur de leur amour et de leur demande, car ils demandent les réalités éternelles: "Cherchez premièrement le royaume de Dieu."

· et le Seigneur les a exaucés, car lui-même me donne pour que je demande: "Lorsque j'étais dans la tribulation, vers le Seigneur j'ai crié et il m'a exauce."

· Vient ensuite l'effet de l'exaucement: et il les a délivrés de toutes leurs tribulations. À savoir pour qu'ils n'endurent pas les tribulations. Ou bien s'ils souffrent, pour qu'ils ne soient cependant pas accablés par les tribulations: "Ils sont devenus forts dans la guerre." Ou bien, il s'agit de ceux qui sont libérés des limbes: "Toi aussi par le sang de ton alliance tu as fait sortir tes prisonniers d'un lac qui est sans eau." - 7 Ce pauvre a crié, et le Seigneur l'a exaucé, et il l'a sauvé de toutes ses tribulations.

19 Le Seigneur est près de ceux qui ont le coeur affligé; et il sauvera les humbles d'esprit. 20a Nombreuses sont les tribulations des justes;

- Puis lorsqu'il dit: Le Seigneur est près de ceux qui ont le coeur affligé, il montre comment les yeux du Seigneur sont sur les justes: et à ce propos il fait trois choses.

· Car il expose d'abord le mérite des justes.

· Ensuite leur danger imminent: Nombreuses sont les tribulations des justes.

· Enfin le secours qui leur est offert: et de toutes ces [peines].

· Concernant le mérite des justes il fait deux choses, selon qu'ils ont un double mérite, d'où leur obtention de la miséricorde de Dieu.

Car il traite d'abord du mérite de la contrition au sujet des péchés; et en parlant de cela il dit: Le Seigneur est près de ceux qui ont le coeur affligé. - "Le Seigneur est près de tous ceux qui l'invoquent." Certains sont réellement misérables, mais ne le reconnaissent pas; aussi ne sont-ils pas non plus repentants; et c'est pourquoi ils n'obtiennent pas la miséricorde: "Tu dis: "Je suis riche et opulent, et je n'ai besoin de rien"; et tu ne sais pas que tu es malheureux, misérable, pauvre, aveugle et nu." Car il est indispensable qu'ils reconnaissent leur misère avec un coeur gémissant; et c'est pourquoi il dit: de ceux qui ont le coeur affligé. Voilà pour la contrition des péchés: "Vers qui porterai-je mon regard, sinon vers le pauvre et celui qui a l'esprit contrit, et qui craint mes paroles ?" - "Bienheureux ceux qui pleurent, parce qu'ils seront consolés."

En traitant du second mérite il dit: et il sauvera les humbles d'esprit. Il dit d'esprit, non en paroles, car il est écrit dans l'Ecclésiastique: "Il est [tel] qui s'humilie méchamment, et son intérieur est plein de tromperie." Donc il sauvera les humbles d'esprit, à savoir ceux qui ont une vraie humilité dans le coeur: "La gloire accueillera l'humble d'esprit."

· Ensuite il expose leur danger imminent, car nombreuses sont les tribulations des justes. - "Mes gémissements sont nombreux, et mon coeur triste." - "Tous ceux qui veulent vivre pieusement en Jésus-Christ souffriront persécution." Et ils souffrent ces tribulations de la part de ceux qui les persécutent: "Nombreux sont ceux qui me persécutent et qui me tourmentent (tribulant)." Semblablement ils souffrent de la société de ceux qu'ils voient pécher: "Habitant au milieu de ceux qui tourmentaient chaque jour son âme juste par leurs oeuvres iniques." Et pareillement des tentations du monde, de la chair, et de l'Ennemi: "La chair convoite contre l'esprit, et l'esprit contre la chair: en effet, ils sont opposés l'un à l'autre, de sorte que vous ne faites pas tout ce que vous voulez."

20b mais le Seigneur les délivrera de toutes ces [peines].

· Ensuite lorsqu'il dit: mais de toutes ces peines [il] les délivrera, il expose le secours qui leur est offert. Or ils sont aidés de deux manières.

D'abord, afin qu'ils soient totalement libérés: et en parlant de cela il dit: mais le Seigneur les délivrera de toutes ces peines.

Puis, afin qu'ils ne succombent pas aux tentations; et en parlant de cela il dit: Le Seigneur garde tous leurs os: et pas un seul ne sera brisé.

Ainsi dit-il: mais le Seigneur les délivrera de toutes ces peines, en partie ici-bas, mais parfaitement au ciel, quand "ils n'auront plus ni faim ni soif; et [que] le soleil, ni aucune chaleur ne tombera sur eux; parce que l'Agneau qui est au milieu du trône sera leur pasteur; il les conduira à des fontaines d'eau vive, et Dieu essuiera de leurs yeux toute larme". - "Tu m'as délivré, selon la multitude des miséricordes de ton nom, des [lions] rugissants prêts à me dévorer." - "Délivrés de grands périls par Dieu, nous lui rendons aussi grandement grâce."

21 Le Seigneur garde tous leurs os: et pas un seul de ces [os] ne sera brisé.

Ensuite lorsqu'il dit: Le Seigneur garde tous [ces] os, il montre comment il les délivre pour qu'ils ne succombent pas.

Ainsi dit-il: Le Seigneur garde tous leurs os. De même que la vision est dans l'oeil, ainsi la force est dans les os et les nerfs; et c'est pourquoi, de même que la vision est signifiée par l'oeil, ainsi la force et l'énergie sont signifiées par les os: car de même que le corps est nourri par les os, ainsi la vie humaine l'est par les énergies. Dans la vie future le Seigneur les en délivrera totalement, mais pour le moment il garde les os, c'est-à-dire les énergies, qui sont utiles dans l'infirmité. Ou bien, par les os on entend les hommes parfaits, que le Seigneur gardera: "Voici ce que dit le Seigneur Dieu à ces ossements: "Voilà que moi j'enverrai en vous un esprit, et vous vivrez. Et je mettrai sur vous des nerfs, et je ferai croître sur vous des chairs, et j'étendrai en vous une peau; et je vous donnerai un esprit, et vous saurez que je suis le Seigneur."" et pas un seul de ces [os] ne sera brisé, car dans les tribulations aucune force de l'homme, que Dieu garde, ne faiblit. Car la charité ne faiblissait pas chez les saints par la haine, car ils priaient pour leurs persécuteurs; ni leur mansuétude par la colère, parce que le murmure ne retentissait pas; ni la patience par l'injustice, au contraire par leur patience ils possédaient leurs âmes. Et c'est pourquoi on dit à propos de l'Agneau pascal: "Vous n'en briserez aucun os." - "Lorsque [l'homme] tombera, il ne sera point brisé." Ou bien: pas un seul de ces [os], à savoir des prédestinés: "Aucun d'eux n'a péri, excepté le fils de perdition."

22 La mort des pécheurs est très funeste; et ceux qui haïssent le juste seront traités comme coupables.

b. Puis lorsqu'il dit: La mort des pécheurs est très funeste, il expose l'effet de la providence divine sur les méchants; et à cet égard il fait deux choses.

- Car il commence par exposer les périls des méchants.

- Puis il montre comment il libère ses saints de ces périls: Le Seigneur rachètera.

- En exposant les périls des méchants il fait deux choses.

· Car il montre d'abord le mal que les hommes injustes souffrent en eux.

· Puis ce qui les menace du fait qu'ils persécutent les bons: et ceux qui haïssent.

· Ainsi dit-il: La mort des pécheurs, corporelle ou spirituelle: cependant cette mort corporelle est la plus funeste chez les méchants, car ils sont envoyés en un endroit très funeste: "Le riche mourut, et fut enseveli dans l'enfer." Semblablement, parce qu'ils perdent l'espérance de la grâce après la mort: "Pour l'homme impie mort, il n'y aura plus aucune espérance." Donc la mort des pécheurs est très funeste, parce qu'ils meurent dans leur corps et dans leur âme.

La mort spirituelle: "Lève-toi d'entre les morts." Et cette mort est très funeste. Car la mort est la privation de la vie. Donc la mort, plus elle prive d'un bien supérieur, plus elle est funeste. En effet la mort spirituelle prive l'âme de la vie de la grâce, qui est un bien souverain, parce qu'elle est donnée par Dieu: "Celui qui s'unit au Seigneur est un seul esprit avec lui." Donc elle est très funeste. La version iuxta Hebraeos de Jérôme lit ainsi: "Interficiet impium malitia (La malice tuera l'impie)", c'est-à-dire le fera périr. C'est la malice qui apporte la mort aux pécheurs: "La solde du péché est la mort."

· Ensuite il montre ce qui menace les méchants parce qu'ils persécutent les justes: "Qui vous méprise, me méprise."Et c'est pourquoi il dit: et ceux qui haïssent le juste seront traités comme coupables. - "Les hommes de sang haïssent le simple." Donc si celui qui hait Dieu sera traité comme coupable, il en est par conséquent de même pour celui qui hait les serviteurs de Dieu.

23 Le Seigneur rachètera l'âme de ses serviteurs; et tous ceux qui espèrent en lui ne seront pas traités comme coupables.

- Ensuite lorsqu'il dit: Le Seigneur rachètera, il montre comment les bons sont délivrés dans ces dangers.

· Et d'abord comment ils le sont des péchés passés.

· Puis comment ils sont protégés des péchés futurs: ils ne seront pas traités comme coupables.

· Ainsi dit-il: Le Seigneur rachètera l'âme de ses serviteurs. On pourrait dire: Si la mort des pécheurs est très funeste, et qu'il n'est aucun juste qui ne pèche, alors donc la mort des justes eux-mêmes est, elle aussi, très funeste. Et c'est pourquoi, afin d'écarter cela, il dit: Le Seigneur rachètera l'âme de ses serviteurs. Il rachètera, dis-je, au prix de sa mort, l'âme de ses serviteurs. Il ne dit pas de ses affranchis. Car ceux-là sont libérés, qui secouent loin d'eux le joug de la justice: "Affranchis du péché, vous êtes devenus esclaves de la justice." Donc ceux qui se sont affranchis de leur condition de serviteurs de Dieu ne seront pas rachetés; mais ceux qui se soumettent au joug de Dieu seront rachetés de leur faute et de leur châtiment par le sang précieux du Christ: "Ce n'est point avec des choses corruptibles, de l'or ou de l'argent, que vous avez été rachetés des vaines pratiques que vous teniez de vos pères; mais par le sang précieux du Christ, comme d'un agneau sans tache et immaculé." - "Je les rachèterai de la mort."

· Puis il montre comment ils sont protégés du péché futur: car ils ne seront pas traités comme coupables, c'est-à-dire ils ne pécheront pas mortellement, tous ceux qui espèrent en lui. en lui, à savoir dans le Seigneur, non dans leur propre force, car ces derniers tombent: voilà pourquoi il est écrit dans un psaume: "Pour moi j'ai dit dans mon abondance", c'est-à-dire dans ma force, "je ne serai pas éternellement ébranlé. Seigneur, par ta bonne volonté, tu m'as donné l'éclat de la force. Tu as détourné ta face de moi, et je suis tombé dans le trouble." Mais ceux qui espèrent dans le Seigneur, comme celui qui disait: "J'ai su que je ne pouvais pas être continent si Dieu ne me donnait [de l'être]", celui-là ne sera pas traité comme coupable, aussi longtemps que, protégé par Dieu, il ne péchera pas mortellement, etc.

 

 

COMMENTAIRE DU PSAUME 34

1 Pour la fin. Psaume par David lui-même. Juge, Seigneur, ceux qui me nuisent; combats ceux qui me combattent.

2 Prends les armes et le bouclier, et lève-toi pour me secourir. 3 Tire l'épée à deux tranchants, et barre le passage à ceux qui me persécutent; dis à mon âme: "Moi je suis ton salut."

4 Qu'ils soient confondus, et qu'ils redoutent, ceux qui cherchent mon âme. Qu'ils retournent en arrière et qu'ils soient confondus, ceux qui pensent à me faire du mal.

5 Qu'ils deviennent comme la poussière devant la face du vent, et que l'ange du Seigneur les serre de près. 6 Que leurs voies deviennent ténébreuses et glissantes, et que l'ange du Seigneur les poursuive.

7 Parce que sans motif ils m'ont caché la perdition de leur piège; en vain ils ont outragé mon âme.

8 Qu'il lui vienne un piège qu'il ignore, et que l'embûche qu'il cache le saisisse; et qu'il tombe dans son propre piège.

9 Mais mon âme exultera dans le Seigneur, et se délectera dans son salut. 10 Tous mes os diront: "Seigneur, qui est semblable à toi ?" Arrachant l'homme privé de ressource à la main des plus forts que lui, l'indigent et le pauvre à ceux qui le dépouillent.

11 Des témoins iniques se levant m'interrogeaient sur des choses que j'ignorais. 12 Ils me rendaient le mal pour le bien; stérilité pour mon âme.

13 Et moi, pendant qu'ils me tourmentaient, j'étais revêtu d'un cilice. J'humiliais mon âme par le jeûne, et ma prière revenait dans mon sein.

14 Comme pour un proche, et comme pour notre frère, ainsi j'avais de la complaisance; comme en deuil et tout contristé, ainsi je m'humiliais.

15 Et contre moi ils se sont réjouis et se sont rassemblés; des fléaux se sont amassés sur moi, et je suis resté dans l'ignorance.

16 Ils ont été dissipés, et n'ont point été touchés de componction; ils m'ont tenté, ils m'ont raillé de railleries, ils ont grincé de leurs dents contre moi.

17 Seigneur, quand regarderas-tu ? Arrache mon âme à leur malignité, mon unique à des lions.

18 Je te confesserai dans la grande assemblée; au milieu d'un peuple grave je te louerai. 19 Qu'ils ne se réjouissent point à mon sujet ceux qui s'opposent à moi injustement; qui me haïssent sans motif et clignent des yeux. 20 Car à la vérité, ils me parlaient pacifiquement; et, dans leur colère ardente, parlant à la terre, ils pensaient des fourberies. 21 Et ils ont ouvert contre moi leur bouche; ils ont dit: Ah ! ah ! nos yeux ont vu.

22 Tu as vu, Seigneur; ne garde pas le silence; Seigneur, ne t'éloigne pas de moi.

23 Lève-toi et sois attentif à mon jugement: mon Dieu et mon Seigneur, [prends en main ma cause]. 24 Juge-moi selon ta justice, Seigneur mon Dieu, qu'ils ne se réjouissent point à mon sujet. 25 Qu'ils ne disent point dans leurs coeurs: Ah ! ah ! pour notre âme; et qu'ils ne disent point non plus: Nous le dévorerons.

26 Qu'ils rougissent et qu'ils soient confondus ensemble ceux qui se félicitent de mes maux. Qu'ils soient revêtus de confusion et de honte, ceux qui disent des méchancetés sur moi.

27 Qu'ils exultent et se réjouissent ceux qui veulent ma justice; et qu'ils disent toujours:

28 "Que le Seigneur soit magnifié, ceux qui veulent la paix de son serviteur." Et ma langue méditera ta justice, ta louange tout le jour.

 

1 Pour la fin. Psaume par David lui-même.

Juge, Seigneur, ceux qui me nuisent; combats ceux qui me combattent.

Dans les psaumes précédents est manifestée la dignité des justes; mais ici on implore le secours contre les persécutions des impies: et à ce propos le psalmiste fait trois choses.

Car il demande d'abord le secours divin contre les pécheurs persécuteurs.

Puis il confesse qu'il souffre de pareilles tribulations à cause du péché: "Seigneur, ne me reprends pas dans ta fureur."

Enfin il montre la confiance qu'il a en Dieu: "Attendant, j'ai attendu le Seigneur."

À propos de sa demande du secours divin il fait trois choses.

Car il demande d'abord le secours divin contre la persécution des impies.

Ensuite il décrit leur mal: "L'homme injuste a dit."

Enfin il montre que leur prospérité doit être méprisée: "N'envie pas les méchants."

Le titre de ce psaume est habituel: Pour la fin. Psaume par David lui-même. Au sens mystique il s'applique au Christ, le véritable David; et selon l'explication mystique il s'agit du deuxième psaume parmi ceux qui parlent longuement de la Passion du Christ. Le premier fut: "Dieu, mon Dieu, regarde-moi."

Ainsi donc ce psaume, soit qu'on le lise en l'appliquant à la personne de David, ou au Christ, ou encore à n'importe quelle personne, mentionne principalement deux choses.

I) Car il demande d'abord l'échec des impies.

II) Puis il en donne la raison: 11 Des témoins iniques se levant.

I. En parlant de l'échec des impies il fait trois choses.

A) Car il commence par demander la condamnation des adversaires.

B) Puis il fait connaître la cause de leur condamnation: 7 Parce que sans motif

C) Enfin il attribue un fruit à cette condamnation: 9 Mais mon âme.

A. En demandant la condamnation des adversaires il fait deux choses.

1) Car il formule d'abord sa demande en général.

2) Puis il l'explique: Prends les armes et le bouclier

1. En formulant sa demande en général il sollicite deux choses: leur condamnation et le secours divin: combats. Car il demande ces deux choses précisément contre deux choses: en effet il demande la condamnation contre ceux qui lui nuisent, et contre ceux qui le combattent il demande le secours divin.

Un homme commence d'abord par combattre autrui; puis l'emportant sur lui il lui cause du tort. Or cet ordre est ici renversé. Car lorsque quelqu'un combat autrui, il ne mérite pas aussitôt condamnation, mais ayant été combattu il est poussé à demander du secours; en revanche, quand quelqu'un lui nuit, alors il demande la condamnation. Et c'est pourquoi il distingue ici l'un et l'autre: car le préjudice est d'abord dans l'intention de celui qui le cause; aussi demande-t-il d'abord la condamnation de ceux qui lui nuisent. Ainsi dit-il: Ô Seigneur, juge ceux qui me nuisent. Or il y a un triple jugement:

De condamnation: "Le jugement est sans miséricorde pour celui qui n'a pas fait miséricorde."

Semblablement, de purification: "Voici le temps où doit commencer le jugement par la maison du Seigneur."

Également, de discernement: "Juge-moi, ô Dieu, et discerne ma cause."

Mais ici il est question du premier jugement. On trouve une semblable demande dans Jérémie: "Mais toi, Seigneur Sabaoth, toi qui juges justement et qui éprouves les reins et les coeurs, que je voie ta vengeance sur eux."

Cependant il est écrit dans Matthieu: "Priez pour ceux qui vous persécutent et vous calomnient."

On répondra en disant que dans toutes ces imprécations il y a une double interprétation. L'une selon laquelle elles sont prononcées par mode d'annonce, comme lorsqu'il dit: Juge, autrement dit: tu jugeras. Ou bien en tant que toutes ces choses proférées sont comprises non comme venant d'un zèle de vengeance personnelle, mais comme émanant de la divine justice, à laquelle les justes se conforment.

Puis celui qui est combattu désire que Dieu résiste à son adversaire; aussi dit-il: combats ceux qui me combattent, c'est-à-dire afin qu'ils ne l'emportent pas sur moi: "Le Seigneur est avec moi comme un guerrier vaillant." - "C'est moi qui parle justice, et qui viens pour défendre et sauver."

2 Prends les armes et le bouclier, et lève- toi pour me secourir. 3 Tire l'épée à deux tranchants, et barre le passage à ceux qui me persécutent; dis à mon âme: Moi je suis ton salut.

2. Ensuite lorsqu'il dit: Prends les armes, il explique sa demande. Car il demande deux choses: la condamnation de ceux qui lui font du mal et la prise d'assaut de ceux qui le combattent. Et c'est pourquoi il explique ces deux choses en détail. Car il commence d'abord par expliquer la seconde. Puis la première: Qu'ils soient confondus.

a. Concernant la prise d'assaut de ceux qui le combattent il fait connaître les cinq choses qui sont nécessaires à un défenseur.

- La première est qu'il s'arme: chose à laquelle il fait allusion ici en disant: Prends les armes et le bouclier Les armes de Dieu ce sont ses élus: "Offrez-vous à Dieu, comme des armes de justice." Aussi les anges sont-ils appelés les armes de Dieu, dont il se sert pour combattre les méchants: "Le globe de la terre combattra pour lui contre les insensés." Le bouclier de Dieu est à proprement parler sa protection divine, et sa volonté avec laquelle il protège: "Tu nous as couronnés de ta bonne volonté comme d'un bouclier." Il dit donc: Prends les armes et le bouclier, c'est-à-dire envoie tes anges, et toi aussi protège-moi, par ta bonne volonté.

Ou bien, les armes et le bouclier sont les vertus: "Il revêtira, pour cuirasse, la justice, et pour casque, son jugement infaillible; il prendra pour bouclier inexpugnable l'équité."

- La deuxième est qu'il s'avance au combat; et c'est pourquoi il dit: lève-toi pour me secourir On dit de Dieu qu'il dort, lorsque l'homme se trouve dans les tribulations et n'éprouve point le secours divin: "Voilà qu'une grande tempête s'éleva sur la mer; de sorte que la barque était couverte par les vagues; lui-même cependant dormait. C'est pourquoi ses disciples s'approchaient de lui et l'éveillèrent, disant: "Seigneur, sauve-nous, nous périssons." Jésus leur dit: "Pourquoi craignez-vous, hommes de peu de foi ?" Alors, se levant, il commanda aux vents et à la mer, et il se fit un grand calme." - "Lève-toi, pourquoi dors-tu, Seigneur ?"

- La troisième est l'action de tirer l'épée; et c'est pourquoi il dit: Tire l'épée à deux tranchants. La version iuxta Hebraeos de Jérôme lit: "Evagina gladium (Dégaine l'épée)." Framea (épée à deux tranchants) a le même sens que gladius (épée). Mais cependant effunde (tire), désigne ici le débordement de la vengeance divine. Selon la Glose: Tire l'épée à deux tranchants, c'est-à-dire augmente ta vengeance: "Ô épée à deux tranchants, réveille-toi contre mon pasteur, contre l'homme qui se tient attaché à moi."

épée à deux tranchants peut s'entendre soit de la vengeance de Dieu, soit de l'âme du Christ, soit de n'importe quel juste, qui sont l'épée de Dieu contre les méchants: "Mais l'homme spirituel juge de toutes choses, et il n'est jugé de personne."

- La quatrième est l'action de frapper; et c'est pourquoi il dit: et barre le passage à ceux qui me persécutent. La version iuxta Hebraeos de Jérôme lit: "Et praeoccupa ex adverso perse quentes me (Accours au-devant de ceux qui me persécutent)", autrement dit: frappe avant qu'ils ne puissent se défier de tes coups. Et on appelle aussi à proprement parler l'acte d'être frappé le fait de ne pas pouvoir en quelque sorte s'échapper: "Puisqu'il n'y a personne qui puisse m'arracher de ta main." Ou bien quelqu'un est dit être frappé lorsqu'il est convaincu de fausseté; aussi dit-il: Frappe, autrement dit: convaincs-les pour qu'ils reconnaissent leur erreur.

- La cinquième est que soit délivré celui qui est protégé; aussi dit-il: dis à mon âme: "Moi je suis ton salut"; autrement dit: manifeste-toi par l'effet, afin que je reconnaisse par une inspiration intérieure que tu es le salut de mon âme: "J'écouterai ce que dira au-dedans de moi le Seigneur Dieu." - "C'est moi qui suis le Seigneur, et il n'y a pas, en dehors de moi, de sauveur."

4 Qu'ils soient confondus, et qu'ils redoutent, ceux qui cherchent mon âme. Qu'ils retournent en arrière et qu'ils soient confondus, ceux qui pensent à me faire du mal.

b. Ensuite lorsqu'il dit: Qu'ils soient confondus, il traite de la condamnation de ceux qui font le mal.

- Et il demande d'abord leur condamnation.

- Puis il emploie une comparaison: 5 Qu'ils deviennent comme la poussière, etc.

- Il formule une double demande de condamnation contre un double projet que forment les méchants qui le persécutent.

· Car ces derniers projettent surtout de le détruire totalement: "Venez, et perdons-les entièrement, en sorte qu'ils ne soient plus un peuple, et qu'on ne se souvienne plus du nom d'Israël."

· Puis ils projettent au moins de lui causer quelques maux; et il demande que l'un et l'autre projet soient condamnés. Le deuxième lorsqu'il dit: Qu'ils retournent en arrière.

· Concernant sa première demande il fait deux choses.

Car il commence par exposer le châtiment qu'il revendique.

Puis il fait mention de leur démérite: ceux qui cherchent mon âme.

Il demande un double châtiment: la confusion et la crainte. Or la confusion consiste en l'incapacité pour le méchant d'accomplir son projet. Le deuxième châtiment réside dans le fait qu'en abandonnant son projet, le méchant craigne de tomber soit dans un châtiment semblable, soit aux mains de l'adversaire. Et c'est pourquoi il dit à propos du premier châtiment: Qu'ils soient confondus, et à propos du second: qu'ils redoutent, c'est-à-dire qu'ils craignent un châtiment semblable. On lit également dans Jérémie: "Qu'ils soient confondus ceux qui me persécutent, et que je ne sois pas confondu moi-même." Ce mot redouter peut aussi être restreint de telle sorte qu'on l'entende dans le sens de leur propre confusion, à savoir de la bonne confusion et de la bonne crainte, pour qu'ils soient confondus salutairement en vue de la pénitence.

et qu'ils redoutent, c'est-à-dire qu'ils craignent les châtiments, même s'ils croient ne pas les mériter, parce qu'ils sont à la recherche de mon âme. À propos du second châtiment il dit: Qu'ils retournent en arrière. Et à propos de cela il fait deux choses.

Car il commence par demander qu'ils soient empêchés dans leur dessein.

Puis, que soient confondus ceux qui sont empêchés: et qu'ils soient confondus.

Ainsi dit-il: Qu'ils retournent en arrière, ne pouvant pas réussir dans ce qu'ils projettent, mais qu'ils abandonnent.

Et qu'ensuite ils soient par conséquent confondus.

Cela peut aussi se référer au bien: Qu'ils retournent en arrière, afin de me suivre: "Retire-toi de moi, Satan." - "Quel fruit avez-vous donc tiré alors des choses dont vous rougissez maintenant ?" ceux qui pensent à me faire du mal. - "Mais toi, Seigneur, tu connais tout leur dessein de mort contre moi."

5 Qu'ils deviennent comme la poussière devant la face du vent, et que l'ange du Seigneur les serre de près. 6 Que leurs voies deviennent ténébreuses et glissantes, et que l'ange du Seigneur les poursuive.

- Ensuite lorsqu'il dit: Qu'ils deviennent, il emploie une comparaison. Et d'abord en parlant d'une première chose: Qu'ils deviennent comme la poussière, etc. Puis d'une seconde chose: Que leurs voies deviennent ténébreuses et glissantes.

· Ainsi dit-il: Qu'ils deviennent comme la poussière. Car il demande d'abord le jugement contre ceux qui cherchaient à le détruire totalement; et c'est pourquoi il emploie une comparaison à propos d'une chose qui est totalement détruite, à savoir la poussière. Or la dispersion de la poussière est due à trois choses: à sa dispersion proprement dite, car la poussière est sèche et se divise en très petites particules; et c'est pourquoi elle se répand facilement. Et c'est pour cette raison qu'il dit: Qu'ils deviennent comme la poussière. De même que la poussière est réduite en de multiples particules par défaut d'humidité, qu'il en soit ainsi également pour les impies.

Une autre raison est due au vent qui l'agite; aussi dit-il: devant la face du vent. Le vent signifie parfois la tribulation: "Un vent brûlant le saisira et l'emportera, et comme un tourbillon l'enlèvera de sa place." Parfois il signifie la tentation elle-même du péché: "Nos iniquités comme le vent nous ont."

Enfin la dispersion de la poussière est due à l'instigation de quelqu'un qui agite le vent; aussi dit-il: et que l'ange du Seigneur les serre de près, c'est-à-dire afin qu'ils soient totalement dispersés: car de même que par le secours des anges certaines choses prospèrent sous l'effet d'une puissance plus grande, ainsi par l'intermédiaire des anges bons ou mauvais il arrive que les tribulations s'accroissent davantage: car Dieu punit aussi quelquefois les pécheurs par l'intermédiaire des bons anges: "Un ange du Seigneur sortit et frappa dans le camp des Assyriens cent quatre-vingt-cinq mille hommes."

· Ensuite lorsqu'il dit: Que leurs voies deviennent ténébreuses, le psalmiste expose une comparaison à propos d'un second empêchement, c'est-à-dire à propos de la progression sur la voie; et il mentionne trois empêchements sur cette voie.

Le premier empêchement c'est que cette voie est ténébreuse, et que dès lors on trébuche facilement. Que leurs voies, c'est-à-dire leur progression, deviennent ténébreuses.

Le deuxième empêchement c'est que cette voie est glissante et propice à la chute: "Nos pas ont glissé en parcourant nos voies."

Et le troisième c'est que quelqu'un poursuit et serre de près, afin qu'ils tombent davantage.

et que l'ange du Seigneur les poursuive. - "Un ange cruel sera envoyé contre lui." Ainsi dit-il: Que leurs voies deviennent ténébreuses, c'est-à-dire celles de l'ignorance: "Ils n'ont ni savoir ni intelligence, ils marchent dans les ténèbres." et glissantes, c'est-à-dire les vices charnels dans lesquels ils tombent facilement. et que l'ange du Seigneur les poursuive. Le démon lui-même tente pour faire pécher, ou bien le bon ange permet de tomber, afin que ceux qui ont été humiliés se relèvent plus forts.

7 Parce que sans motif ils m'ont caché la perdition de leur piège; en vain ils ont outragé mon âme.

B. Plus haut le psalmiste a demandé que ceux qui font du mal soient jugés, et que ceux qui combattent soient pris d'assaut; mais ici il montre comment ils souffrent à juste titre.

1) Et il expose d'abord leur faute.

2) Puis leur châtiment: 8 Qu'il lui vienne un piège.

1. En parlant de la faute:

a) Il donne d'abord l'explication de la malice.

b) Puis il montre son exécution: en vain.

a. Dans l'explication de la malice sont mentionnées trois choses qui aggravent la faute.

- La première est l'iniquité, et c'est pourquoi il dit: sans motif

- La deuxième est la fraude, et c'est pourquoi il dit: ils m'ont caché.

- La troisième est la cruauté, et c'est pourquoi il dit: la perdition de leur piège.

- Ainsi dit-il: Parce que sans motif si quelqu'un veut du mal à celui qui lui fait du mal, il ne semble pas qu'il soit tout à fait injuste; mais lorsqu'il veut du mal à celui qui ne nuit en aucune manière, cette disposition est absolument inique; et tel est ce qu'il dit: sans motif c'est-à-dire sans offense que j'aurais commise: "Ils m'ont haï sans motif." - "Et Assur, sans aucune cause, l'a traité avec violence."

- Mais la fraude est désignée lorsqu'il dit: ils m'ont caché, c'est-à-dire que par la fraude ils m'ont voulu du mal: "Il est devenu pour moi un ours en embuscade, un lion dans des lieux cachés." - "Il lui dresse des embûches dans le secret, comme un lion dans sa caverne."

- Et il montre la cruauté, car ils préparent des embûches en vue de la mort; c'est pourquoi il dit: la perdition de leur piège, c'est-à-dire ils cachent leur piège en vue de la mort: "Viens avec nous, dressons des embûches au sang, cachons des pièges à l'innocent qui ne l'a pas mérité; comme l'enfer, engloutissons-le vivant et entier, comme celui qui descend dans la fosse."

b. Puis lorsqu'il dit: en vain ils ont outragé, il expose l'exécution, pareillement sans cause. Et il dit: ont outragé, parce qu'ils ont infligé des opprobres. Or il y a opprobre lorsque quelqu'un intente une accusation contre son prochain, ce qui est contre son honneur. Parfois on intente une accusation contre quelqu'un afin de le confondre et de l'avilir. Mais parfois c'est en vue de lui faire perdre la vie; et c'est s'en prendre à son âme; et c'est pourquoi il dit: mon âme, autrement dit: ils firent cela afin de m'ôter totalement la vie. Ainsi les Juifs intentèrent contre le Christ des accusations dignes de mort: "Il soulève le peuple, enseignant toute la Judée, commençant par la Galilée jusqu'ici." - "Les outrages de ceux qui t'insultaient sont tombés sur moi." Mais cela en vain, c'est-à-dire sans cause, comme on l'a dit plus haut, à savoir sans motif: "Qui de vous me convaincra de péché ?" Donc, en vain, ils l'ont chargé de péché. Ou bien: en vain, c'est-à-dire inutilement, quant à leur intention, parce qu'ils avaient l'intention de détruire sa foi: "Que faisons-nous, car cet homme opère beaucoup de signes ? Si nous le laissons ainsi, tous croiront en lui, et les Romains viendront et ruineront notre pays et notre nation." Cependant le conseil fut inutile, car le monde entier se convertit à la foi après sa mort.

8 Qu'il lui vienne un piège qu'il ignore, et que l'embûche qu'il cache le saisisse; et qu'il tombe dans son propre piège.

2. Ensuite lorsqu'il dit: Qu'il lui vienne un piège qu'il ignore, etc., il expose le châtiment proportionné à la faute; et cela, parce qu'ils sont jugés avec le jugement même selon lequel ils voulaient juger: "D'après le jugement selon lequel vous aurez jugé, vous serez jugés, et selon la mesure avec laquelle vous aurez mesuré, mesure vous sera faite." Ceux-ci voulaient sa mort en trompant; c'est pourquoi le psalmiste formule une demande contre eux, soit en conformant sa volonté à la volonté divine, soit sous forme d'annonce. Et il demande trois choses: qu'un piège soit préparé pour eux, qu'ils soient pris, et qu'ils ne s'échappent pas.

En parlant de la première chose il dit: Qu'il lui vienne un piège, à savoir au peuple, ou bien à celui qui est le chef parmi eux. Ce mot piège peut se comprendre de trois manières.

a. Ou bien à cause du piège du châtiment, parce qu'en raison de la mort du Christ ils sont pris dans ses filets: "Le plus grand nombre d'entre eux se heurteront, et seront brisés, et ils s'embarrasseront dans des filets et ils seront pris", car ils sont prisonniers dans toutes les nations. Il dit: qu'il ignore, parce qu'ils ne pouvaient pas soupçonner un tel châtiment: "Il y aura une grande détresse dans le pays, et une grande colère contre ce peuple. Ils tomberont sous le tranchant du glaive, et seront emmenés captifs dans toutes les nations." - "Car alors la tribulation sera grande, telle qu'il n'y en a point eu depuis le commencement du monde jusqu'à présent, et qu'il n'y en aura point."

b. Ou bien il s'agit du piège de la faute: "Ceux qui veulent devenir riches, tombent dans la tentation et dans le piège du diable." Autrement dit: qu'il lui vienne le piège de la faute qu'il ne peut prévoir; parce que le pécheur n'a pas l'impression d'être lié, mais bien de faire sa propre volonté; cependant à la vérité il est pris dans un filet, car il est écrit: "Par les liens de ses proches péchés il est enchaîné."

c. Ou bien il s'agit du piège de la justice, autrement dit: Qu'il lui vienne un piège, le contraignant au bien, qu'il ignore, car "l'homme naturel n'accueille pas ce qui est de l'Esprit de Dieu".

En parlant de la deuxième chose il dit: et que l'embûche qu'il caché le saisisse, c'est-à-dire qu'il soit pris, comme il a voulu me prendre en cachette: "Ses iniquités saisissent l'impie."

En parlant de la troisième chose il dit: qu'il tombe dans le piège, c'est-à-dire qu'il soit abattu par le piège, afin qu'il ne s'en libère pas. dans son propre piège, c'est-à-dire le piège qu'il a préparé pour les autres: "Dans son piège il le renversera, il s'inclinera, et tombera, lorsqu'il se sera rendu maître des pauvres, car il a dit dans son coeur: "Dieu a perdu le souvenir, il a détourné sa face pour ne rien voir à jamais."" Ainsi arriva-t-il aux Juifs, car ils livrèrent eux-mêmes le Christ, et par la suite ils furent livrés aux nations.

9 Mais mon âme exultera dans le Seigneur, et se délectera dans son salut. 10 Tous mes os diront: Seigneur, qui est semblable à toi ? Arrachant l'homme privé de ressource de la main de plus forts que lui, l'indigent et le pauvre à ceux qui le dépouillent.

C. Ensuite lorsqu'il dit: Mais mon âme exultera dans le Seigneur, et se délectera dans son salut, etc., il expose le fruit de la condamnation des impies. Et il expose pour sa part un double fruit.

1) D'abord un fruit d'exultation personnelle.

2) Puis un fruit de respect divin: Tous mes os.

1. En parlant du premier fruit il fait deux choses.

a) Car il expose en premier lieu l'exultation qui résulte du jugement de Dieu.

b) Puis la matière de l'exultation: et se délectera.

a. Ainsi dit-il: je demande qu'il en soit ainsi, mais lorsque tu auras fait cela, mon âme exultera dans le Seigneur. - "Mais moi, je me réjouirai dans le Seigneur, et j'exulterai en Dieu mon Jésus." Et la raison de cette exultation est due au fait que grâce à lui j'ai acquis le salut; aussi dit-il:

b. et se délectera dans son salut, c'est-à-dire dans le Christ, ou dans le salut apporté par le Christ: "Mon esprit a tressailli d'allégresse en Dieu mon salut." Et cela peut être appliqué à l'Église.

2. Ensuite quand il dit: Tous mes os, il expose le deuxième fruit, qui est le respect divin: et à cet égard il fait deux choses.

a) Car il expose d'abord le respect vis-à-vis de Dieu.

b) Puis il en donne la raison: Arrachant.

a. Ainsi dit-il: Tous mes os. Toute force de l'homme est faible comparée à celle de Dieu: aussi plus quelqu'un acquiert de la connaissance divine, plus il comprend que sa propre force fait défaut. Mais parce qu'on pourrait penser que ce qui est faible en nous ne peut être comparé à Dieu, mais qu'il n'en est pas de même pour ce qui est fort; il montre qu'il n'en est pas ainsi, car si considérable que soit toute force, elle ne peut être comparée à Dieu. Car ces réalités-là sont infinies, tandis que celles-ci sont finies; et c'est pourquoi il dit: Tous mes os, c'est-à-dire mes forces, car par os on entend la force. Ou bien les apôtres diront: qui est semblable à toi ? - "On ne lui égalera point l'or ou le verre, et on ne l'échangera point contre des vases d'or."

Ou bien il parle au nom de celui qui dit: Tous mes os, c'est-à-dire tout ce qu'il y a de vertueux en moi.

Ou bien il s'agit de la connaissance de la vérité. Ou encore de la ferveur de la charité et des choses semblables.

Il dit: Seigneur, qui est semblable à toi ? En disant cela, il affirme que rien n'est comparable à Dieu.

Cependant il semble qu'il y ait quelque chose de semblable à Dieu. D'où ce qui est écrit dans la Genèse: "Faisons l'homme à notre image et à notre ressemblance."

Je réponds à cette objection en disant qu'on appelle semblables les choses qui ont la même forme et le même caractère. Or il y a une double similitude. L'une qui fait que les choses sont semblables parfaitement, c'est-à-dire lorsque les deux choses participent à la même forme d'un seul concept (ratio).

Mais il y a une similitude dans la dissemblance, c'est-à-dire lorsque la forme se trouve en une chose véritablement, et dans une autre par participation éloignée: et ainsi celui-ci est semblable à celui-là, non parce qu'il a la même forme, mais parce qu'il s'en approche selon une faible participation. Et ainsi les choses qu'on appelle semblables à propos de Dieu et de l'homme, sont dites de l'homme par participation éloignée; autrement dit: Dieu est et toi tu es; mais ton être est participé, tandis que le sien est essentiel; et semblablement pour les autres choses: et c'est pourquoi cette similitude est une similitude de réalités dissemblantes. Et ce qu'il dit, il le manifeste par effet. Car quelqu'un semble être fort, lorsqu'il libère quelqu'un de faible de la main d'un puissant: c'est en effet le propre d'une grande force. Et Dieu accomplit ces choses en ce monde. Les forts, ce sont les riches: "Le bien du riche est sa ville forte, et comme une muraille solide qui l'environne." Or Dieu libère les pauvres de ceux-ci. Car les riches s'emparent d'abord du bien des pauvres, puis ils dépouillent les faibles: mais Dieu les libère de ces derniers.

b. En relation avec la première chose il dit: Arrachant l'homme privé de ressources, sans ressource (sine ope), de la main de plus forts que lui.

En relation avec la seconde chose il dit: l'indigent et le pauvre à ceux qui le dépouillent. On dit de quelqu'un qu'il est indigent (egenus), en tant qu'il manque du nécessaire; mais pauvre, en tant qu'il n'a rien dans sa besace. Et ces trois choses sont les mêmes, à savoir les mots inops (privé de ressources), egenus (indigent) et pauper (pauvre): "Un lion rugissant, un ours affamé, [tel] un prince impie sur un peuple pauvre." - "Ses princes sont au milieu d'elle comme des loups ravissant une proie pour répandre le sang, perdre les âmes, et par avarice courir après le gain."

11 Des témoins iniques se levant m'interrogeaient sur des choses que j'ignorais. 12 Ils me rendaient le mal pour le bien; stérilité pour mon âme.

II. Ici commence la deuxième partie principale de ce psaume. Plus haut le psalmiste a demandé l'échec des impies; mais ici il en donne la raison.

A) Et il commence par traiter de leur malice.

B) Puis il demande le secours divin: 17 Seigneur, quand regarderas-tu ?

A. En traitant de leur malice il fait deux choses.

1) Car il montre d'abord leur iniquité.

2) Puis leur entêtement cruel dans le mal: Et moi, pendant qu'ils me tourmentaient.

1. Il montre d'abord l'iniquité.

a) Quant à la fausseté.

b) Puis quant à l'injustice: Ils me rendaient le mal pour le bien.

a. Il dit donc en parlant de la fausseté: Des témoins iniques se levant, comme les princes des Juifs, et ceux qui sont séduits par eux, comme le peuple, m'intèrrogeaient sur des choses que j'ignorais, avec un savoir qui met à l'épreuve, autrement dit: Ils m'interrogeaient sur des choses que je n'approuvais pas, c'est-à-dire qu'ils m'accusaient de péchés que je n'approuvais pas: "Celui qui ne connaissait point le péché, il l'a rendu péché pour nous, afin que nous devenions en lui justice de Dieu."

b. En parlant de l'ingratitude il dit: Ils me rendaient le mal pour le bien; ces actes d'ingratitude ont été accomplis dans l'Ancien Testament: "Mon peuple, que t'ai-je fait, en quoi t'ai-je contristé ? Réponds-moi." Mais aussi dans le Nouveau Testament, car le Christ a redonné la vue aux aveugles, et il leur conféra beaucoup d'autres bienfaits: "J'ai fait devant vous beaucoup d'oeuvres excellentes par la vertu de mon Père; pour laquelle de ces oeuvres me lapidez-vous ?" - "Le mal sera-t-il rendu pour le bien, puisqu'ils ont creusé une fosse à mon âme ?" Et quels maux ? stérilité pour mon âme. Il fait allusion à cette parabole de la vigne choisie qu'il planta et qui donna du verjus. Le peuple juif fut planté afin de donner du bon fruit, mais il devint stérile. Et le peuple montre cette stérilité contre l'âme du Christ qu'ils attaquèrent avec acharnement. Et c'est pourquoi il dit: stérilité pour mon âme.

13 Et moi, pendant qu'ils me tourmentaient, j'étais revêtu d'un cilice. J'humiliais mon âme par le jeûne, et ma prière revenait dans mon sein.

2. Plus haut le psalmiste a commencé par parler de la méchanceté des Juifs; mais ici il montre leur entêtement avec lequel ils persistent dans le mal. Et l'entêtement de certains est réprouvé, parce qu'aucun remède ne les ramène au bien. Or il y a un double remède grâce auquel certains ont l'habitude d'être ramenés au bien. D'abord par la sainteté de celui qu'ils persécutent; puis par le châtiment divin.

Il montre donc d'abord leur entêtement par le fait qu'ils ne sont pas revenus au bien par sa sainteté; et qu'ensuite Ils ont été dissipés.

a. En parlant de leur entêtement il fait deux choses.

- Il expose d'abord sa sainteté face aux tribulations. Et Puis leur entêtement dans le mal: 15 contre moi.

- Concernant sa sainteté face aux tribulations il fait trois choses, en tant qu'elle consiste en trois choses: en la macération de la chair, l'esprit de dévotion, et la bonté du sentiment. Et le psalmiste expose ces trois choses successivement:

· Car il parle d'abord de la macération de la chair.

· Puis de l'esprit de dévotion: et ma prière revenait dans mon sein.

· Enfin de la bonté du sentiment: 14 Comme pour un proche.

· En parlant de la macération de la chair il fait deux choses.

Car la chair a d'abord besoin de vêtements et de nourriture; la mortification de la chair consiste ou bien dans la rudesse du vêtement, ou bien dans la privation de nourriture: J'humiliais mon âme par le jeûne.

Au sujet de la rudesse du vêtement il dit: Et moi, pendant qu'ils me tourmentaient, j'étais revêtu d'un cilice. Ce cilice est employé au sens métaphorique si on l'applique au Christ, parce qu'on ne lit pas qu'il portait un cilice. Ce cilice est fait de poils de chèvres. Et dans la Loi un bouc mâle était "immolé pour [expier] le péché"; et c'est pourquoi le cilice signifie le péché. Donc le Christ est dit porter un cilice, parce qu'il s'est revêtu d'une chair non point pécheresse il est vrai, mais d'une chair semblable à celle du péché. Et nous aussi nous devons porter le cilice, c'est-à-dire la pénitence pour les péchés: "Et ce sera, au lieu d'une suave odeur, la puanteur, et au lieu d'une ceinture, une corde, et au lieu d'une chevelure brisée, la calvitie, et au lieu de la bandelette qui soutient leur gorge, un cilice."

Au sujet de la privation de nourriture il dit: J'humiliais mon âme par le jeûne, autrement dit non seulement j'ai affligé ma chair avec un vêtement rude, mais aussi par la nourriture, tandis que je l'ai ôtée de moi en jeûnant. On traite du jeûne corporel du Christ dans Matthieu. On peut aussi le dire du jeûne spirituel du Christ. Car le Christ désirait le salut humain. Telle est cette eau que la Samaritaine demanda. Et sur la croix le Christ dit: "J'ai soif." Or il jeûnait parce qu'il trouva les hommes éloignés du salut.

Mais si on applique cela à la personne du juste, alors on peut l'entendre de deux manières.

Selon une première manière, parce que le jeûne est cause d'humilité dans le juste; et par l'âme on entend la vie charnelle, d'où le sens de: J'humiliais, etc., c'est-à-dire j'humiliais l'orgueil de la vie charnelle en la mortifiant: "Mes genoux ont été affaiblis par le jeûne et ma chair a été changée à cause de l'huile [qui m'a manqué]." - "Humilions devant lui nos âmes, et le servant, établis dans un esprit humilié, disons en pleurant au Seigneur que, selon sa volonté, il nous fasse miséricorde, afin que tout comme notre coeur est troublé par l'orgueil de nos ennemis, de même aussi nous nous glorifiions de notre humiliation, etc."

Selon une autre manière on peut aussi dire cela lorsque l'humilité est accompagnée du jeûne, car lorsque l'humilité n'est pas associée au jeûne, ce jeûne n'est pas agréé de Dieu: "Pourquoi avons-nous jeûné, et n'avez-vous pas regardé ?" Mais lorsque l'humilité est associée au jeûne, un tel jeûne plaît à Dieu. Et c'est pourquoi il dit: J'humiliais mon âme par le jeûne. Mais parce qu'humilier la chair n'a aucune valeur si l'esprit ne s'enrichit et ne se conforte point, car l'ennemi doit être affaibli, et celui qui combat doit être fortifié; or l'esprit est fortifié par la prière, c'est pourquoi il ajoute:

· et ma prière revenait dans mon sein. - "La prière est bonne avec le jeûne." La prière est un secours spécial dans la tribulation: "Quelqu'un de vous est-il triste ? qu'il prie. Est-il dans la joie ? qu'il chante des cantiques." - "Mon âme a refusé d'être consolée. Je me suis souvenu de Dieu, et j'ai été ravi de joie; je me suis exercé à méditer et mon esprit a défailli." Mais il dit: revenait dans mon sein.

Si on l'applique au Christ, on l'entend de deux manières.

Selon une première manière, en tant qu'on le réfère à Dieu qu'il adore, au Père parce qu'il était dans son sein: "Le Fils unique qui est dans le sein du Père est celui qui l'a fait connaître."

Selon une autre manière, en tant qu'on le réfère à ceux pour lesquels il priait, parce qu'il priait pour ceux qui étaient dans le sein du Christ. Or le sein du Christ est le secret de Dieu, et ce secret est son propos de prédestination; aussi priait-il pour les prédestinés: "Moi, je prie pour eux; je ne prie point pour le monde, mais pour ceux que tu m'as donnés, parce qu'ils sont a toi."

Mais si on le réfère à un juste qui prie pour un autre, il n'obtient pas toujours pour lui: "Toi donc, ne prie pas pour ce peuple, ne m'adresse pour eux ni louange ni prière, et ne t'oppose pas à moi, parce que je ne t'exaucerai point", car ses péchés ne méritent pas qu'il soit exaucé. Cependant il est exaucé pour lui-même lorsque sa prière est méritoire; aussi dit-il: dans mon sein, c'est-à-dire à moi-même: "Votre paix reviendra à vous". S'il est vrai que les choses précitées sont utiles, cependant elles n'ont que peu de valeur dans la mesure où l'on n'a pas de sentiment de bonté à l'égard du prochain; et c'est pourquoi il ajoute:

14 Comme pour un proche, et comme pour notre frère, ainsi j'avais de la complaisance; comme pleurant et tout contristé, ainsi je m'humiliais.

Or le sentiment à l'égard du prochain est montré dans deux dispositions: dans la complaisance à l'égard du bien d'autrui, et dans le déplaisir vis-à-vis du mal: "Réjouissez-vous avec ceux qui se réjouissent, pleurez avec ceux qui pleurent."

Il montre la première disposition lorsqu'il dit: Comme pour un proche; puis la seconde quand il ajoute: comme pleurant.

Ainsi dit-il concernant la première disposition: Comme pour un proche. Cette construction grammaticale est étonnante, parce que ces accusatifs ne sont régis par rien. Selon la Glose, un cas est mis pour un autre cas, c'est-à-dire l'accusatif pour l'ablatif, autrement dit: ainsi pour moi j'avais de la complaisance à leur égard, comme pour un proche et un frère. Ou bien, selon Jérôme, il manque ici le mot ad (pour); car selon la iuxta Hebraeos il lit ainsi: "Quasi ad amicum et quasi ad fratrem meum (Comme pour un ami et comme pour mon frère)." Ou bien il est écrit: "Quasi sic complacebam (Comme si j'avais de la complaisance)" pour Dieu en me comportant vis-à-vis d'eux comme pour des proches et des frères, car les Juifs furent des proches pour le Christ parce qu'il vivait avec eux: "Après cela, il a été vu sur la terre, et il a demeuré avec les hommes." Ils furent aussi ses frères par ascendance originelle: "les Israélites, auxquels appartiennent l'adoption des enfants, la gloire, l'alliance, la loi, le culte et les promesses, dont les pères sont ceux de qui est sorti, selon la chair, le Christ même qui est au-dessus de toutes choses, Dieu béni dans tous les siècles. Amen." - "Le salut vient des Juifs." Mais il est écrit dans Job: "J'ai été frère des dragons et compagnons des autruches."

Concernant sa seconde disposition, c'est-à-dire son déplaisir vis-à-vis du mal, il dit: comme pleurant, etc. Cette disposition fut surtout dans le Christ, "quand il pleura sur la ville" de Jérusalem. Et il dit: pleurant. Car les pleurs sont une plainte pour les morts. Alors donc l'homme pleure pour les autres, lorsqu'il pleure leurs maux qu'eux-mêmes n'éprouvent pas, comme il en est pour les morts. Car les pécheurs sont morts dans leurs péchés, et n'éprouvent point leurs maux; tandis que les justes en souffrent par compassion: "Qui donnera à ma tête de l'eau." Parfois quelqu'un souffre aussi à cause des maux d'autrui, maux qu'il éprouve également en lui. Et cela s'appelle être contristé. Aussi la version iuxta Hebraeos de Jérôme lit-elle, cela avec une expression plus belle: "Quasi lugens mater tristis incurvabar (j'étais courbé d'affliction comme une mère en pleurs)", c'est-à-dire sur eux, autrement dit: je souffrais pour eux comme si j'étais leur mère. Il leur montre donc cette pureté de sentiment grâce à laquelle ils auraient dû être convertis, mais ils ont persisté davantage dans le mal, car ils se sont réjouis contre moi et se sont rassemblés.

15 Et contre moi ils se sont réjouis et se sont rassemblés; des fléaux se sont amassés sur moi, et je suis resté dans l'ignorance.

- Et contre moi ils se sont réjouis et se sont rassemblés. À propos de leur persistance dans le mal il fait deux choses.

· Il expose d'abord leur malice.

· Ensuite sa patience: et je suis resté dans l'ignorance.

· En traitant de la malice il fait trois choses. Car il expose trois choses qui eurent lieu dans la passion du Christ.

Il expose d'abord le plaisir que les Juifs éprouvèrent dans le mal.

Ensuite leur consentement dans le mal: et se sont rassemblés.

Enfin la dure affliction du Christ: des fléaux se sont amassés sur moi.

Ainsi dit-il: Et contre moi ils se sont réjouis, en m'insultant à mort: "Ils se sont réjouis, parce que c'est toi qui l'as fait." Cependant il est écrit: "Lorsque ton ennemi sera tombé, ne te réjouis pas: et qu'à sa ruine ton coeur n'exulte pas."

et se sont rassemblés. En disant cela, il signifie leur consentement dans le mal. Car les princes se sont rassemblés ensemble avec le peuple, et les Juifs avec les païens pour machiner la mort du Christ: "Les rois de la terre se sont levés, et les princes se sont ligués contre le Seigneur et contre son Christ."

des fléaux se sont amassés sur moi. En disant cela il signifie la dure affliction du Christ, car il fut frappé par les Juifs et les païens: "Mes gémissements sont nombreux, et mon coeur est triste." En hébreu on lit: "Ils se sont "amassés" sur moi ceux qui me tourmentent."

· Ensuite lorsqu'il dit: et je suis resté dans l'ignorance, il montre la patience du Christ: car je suis resté dans l'ignorance, c'est-à-dire je me suis comporté à la manière de celui qui ignore, à savoir en me taisant, et en ne parlant pas: "Moi, comme un sourd, je n'entendais pas; et j'étais comme un muet qui n'ouvre pas la bouche." - "Comme une brebis, il sera conduit à la tuerie, et comme un agneau devant celui qui le tond, il sera muet, et il n'ouvrira pas sa bouche." - "Moi, j'ai été comme un agneau plein de douceur que l'on porte en victime; et j'ai ignoré qu'ils formaient contre moi des projets, disant: "Rayons-le de la terre des vivants, et que son nom ne soit plus rappelé dans la mémoire."" Ou bien, je suis resté dans l'ignorance, selon leur jugement; car je leur semblais ignorer leurs desseins. Une autre version lit: ignorabant (ils ignoraient). Car ils ignoraient trois choses:

Qui ils tourmentaient, car "s'ils l'avaient connu, jamais ils n'auraient crucifié le Seigneur de gloire."

De même ils ignoraient pour quelle raison: "Si j'ai mal parlé, rends témoignage du mal; mais si j'ai bien parlé, pourquoi me frappes-tu ?"

Semblablement ils ignoraient l'effet de leur iniquité; car pour cette raison ils furent à jamais déchus: "Il y aura une détresse affreuse dans le pays, et grande colère contre ce peuple. Ils tomberont sous le tranchant du glaive, et seront emmenés captifs dans toutes les nations, et Jérusalem sera foulée aux pieds par les païens, jusqu'à ce que les temps des nations soient accomplis."

16 Ils ont été dissipés, et n'ont point été touchés de componction; ils m'ont tenté, ils m'ont raillé de railleries, ils ont grincé de leurs dents contre moi.

b. Puis lorsqu'il dit: Ils ont été dissipés, etc., il montre qu'ils ne sont pas revenus, et qu'ils n'ont pas été mus vers le bien grâce au deuxième remède, qui est le châtiment divin; et à ce propos il fait trois choses.

- Il montre d'abord le mal qu'ils enduraient.

- Puis le manque de componction de ces derniers: et n'ont point été touchés de componction.

- Enfin l'effet de leur endurcissement: ils m'ont tenté, etc.

- Ainsi dit-il: Ils ont été dissipés. Cela s'explique de deux manières, et d'abord de la manière suivante: Ils ont été dissipés, c'est-à-dire stupéfaits dans leur coeur, tandis qu'ils ignoraient la raison des choses qui s'accomplissaient, c'est-à-dire des miracles dans la passion: car "beaucoup de corps des saints qui s'étaient endormis se levèrent; et sortant de leurs tombeaux, après sa résurrection, ils vinrent dans la cité sainte, et apparurent à un grand nombre de personnes". - "Le soleil s'obscurcit, et le voile du temple se déchire par le milieu." Aussi "toute la multitude de ceux qui assistaient à ce spectacle, et qui voyaient ce qui se passait s'en retournaient, frappant leur poitrine".

Ou bien: Ils ont été dissipés, c'est-à-dire divisés; car "les uns disaient: "En effet, c'est un homme de bien"; mais d'autres disaient: "Non, car il séduit la foule." - et n'ont point été touchés de componction, c'est-à-dire convertis par la pénitence. - Et cela se manifeste par l'effet, parce qu'ils m'ont tenté en disant: "Si tu es le Christ, dis-le nous ouvertement." Ou bien ils ne se sont pas convertis par la Passion du Christ. Car après sa mort ils l'insultaient encore, en disant des paroles blasphématoires contre le Christ, car ils disaient des paroles de moquerie: "Ah ! toi qui détruis le temple de Dieu et le rebâtis en trois jours, sauve-toi toi-même. Si tu es le Fils de Dieu, descends de la croix." Et à ce propos il dit: ils m'ont raillé. La raillerie c'est la moquerie qui se pratique avec un nez plissé: "Qui as-tu insulté; qui as-tu blasphémé, et contre qui as-tu élevé la voix et porté en haut tes yeux ? Contre le saint d'Israël."

Semblablement ils dirent des paroles d'indignation: "Nous nous sommes rappelé que ce séducteur a dit, lorsqu'il vivait encore: "Après trois jours je ressusciterai."" Et à ce propos il dit: "Ils ont grincé de leurs dents contre moi." C'est le propre des gens grossiers qui sont cruels, comme il en est des Juifs: "Ils ont grincé des dents, et ils ont dit: Nous dévorerons; voici, c'est le jour que nous attendions; nous l'avons trouvé, nous l'avons vu."

17 Seigneur, quand regarderas-tu ? Arrache mon âme à leur malignité, mon unique à des lions.

B. Plus haut le psalmiste a montré dans la personne du Christ, ou d'un juste, la méchanceté des persécuteurs et leur obstination; mais ici il invoque Dieu contre l'une et l'autre.

1) Et il commence par demander le secours divin.

2) Puis il montre le fruit du secours divin: Je te confesserai.

1. En demandant le secours divin il fait deux choses.

a) Il demande d'abord l'urgence de son secours.

b) Puis le secours proprement dit: Arrache.

a. Ainsi dit-il: Seigneur, quand regarderas-tu ? En disant cela il exprime l'urgence du secours, et le sentiment de l'âme qui ne peut souffrir davantage de retard; comme si elle se trouvait dans l'inquiétude. Et c'est pourquoi il dit: Seigneur, quand regarderas-tu ? Car c'est en particulier l'attitude de celui qui ne supporte pas de retard: "Quand viendrai-je, et paraîtrai-je devant la face du Seigneur ?" Et cela peut s'expliquer de deux manières en tant qu'il y a un double regard de Dieu. Le premier est un regard de miséricorde sur les justes en vue de leur salut: "La grâce de Dieu et sa miséricorde sont pour ses saints, et son regard [favorable] pour ses élus." L'autre se porte sur les méchants pour les punir: "Regarde maintenant le camp des Assyriens, comme alors tu as daigné voir le camp des Egyptiens, quand armés ils couraient après tes serviteurs."

Et on peut l'entendre de l'un et l'autre regard si on l'expose au sujet du Christ: Seigneur, quand [me] regarderas-tu, afin de me ressusciter ? - "Regarde, et exauce-moi, Seigneur mon Dieu. Éclaire mes yeux. Que jamais je ne m'endorme dans la mort: de peur qu'un jour mon ennemi ne dise: "J'ai prévalu contre lui."" Ou bien: quand regarderas-tu mes adversaires ? - "Pourquoi regardes-tu ceux qui font des iniquités et gardes-tu le silence, l'impie dévorant celui qui est plus juste que lui ?"

b. Ensuite lorsqu'il dit: Arrache, il fait connaître ce secours qu'il demande; et dans cette demande il donne deux choses à comprendre: la nécessité qu'il éprouvait; puis la malice de ses adversaires: a leur malignité.

Ainsi dit-il en parlant de la nécessité: Arraché, parce que la nécessité est grande, car c'est une situation dangereuse, car c'est au péril de mon âme. Arraché, dis-je, mon âme, c'est-à-dire à mon corps dont elle fut séparée dans la mort, bien qu'elle n'ait pas été séparée de la divinité: "J'ai le pouvoir de déposer [mon âme] et j'ai le pouvoir de la reprendre." Il pouvait accomplir cela par la puissance de la divinité qui n'est autre que la puissance du Père: par conséquent tout ce qu'il fait ainsi de lui-même, il le tient cependant du Père. N'importe quel homme juste peut aussi dire cela lorsqu'il est en danger, soit corporel, soit spirituel; autrement dit: libère-moi des dangers.

La malice des ennemis est double. D'abord quant à la tromperie; aussi dit-il: à leur malignité, parce qu'ils agissent avec malice contre moi: "Je vous écris, jeunes hommes, parce que vous êtes forts, que la parole de Dieu demeure en vous, et que vous avez vaincu le malin." Pareillement quant à la cruauté: mon unique à dès lions, parce que l'âme unique est libérée des lions, c'est-à-dire des démons, ou des tyrans: "Il a arraché mon âme du milieu des petits des lions." - "Tu m'as délivré [...] des lions rugissants prêts à me dévorer."

18 Je te confesserai dans la grande assemblée; au milieu d'un peuple grave je te louerai. 19 Qu'ils ne se réjouissent point à mon sujet ceux qui s'opposent à moi injustement; qui me haïssent sans motif et clignent des yeux. 20 Car à la vérité, ils me parlaient pacifiquement; et, dans leur colère ardente, parlant à la terre, ils pensaient des fourberies. 21 Et ils ont ouvert contre moi leur bouche; ils ont dit: Ah ! ah ! nos yeux ont vu.

2. Ici il expose le fruit du secours.

a) Et d'abord pour lui.

b) Puis pour ses ennemis: 24 qu'ils ne se réjouissent point.

c) Enfin pour les justes: 27 Qu'ils exultent.

a. Le fruit pour celui qui est libéré, c'est la louange de Dieu; aussi dit-il: Je te confesserai et je te louerai, parce que tu m'as libéré: "Je te rendrai mes voeux, qu'ont proférés mes lèvres, et qu'a exprimés ma bouche dans ma tribulation."

Si l'on applique cela au Christ, le fruit de la résurrection du Christ c'est l'instruction de l'Église, et la foi avec laquelle l'Eglise confesse Dieu: "On croit de coeur pour la justice, et on confesse de bouche pour le salut." Ou bien l'Eglise sera décrite par la multitude des croyants. Puis par leur puissance.

- En parlant de la première description il dit: dans la grande assemblée, c'est-à-dire selon le nombre et l'expansion sur la terre: "Grand est mon nom parmi les nations."

Semblablement elle est grande par sa constance et sa puissance, car "les portes de l'enfer ne prévaudront point contre elle". - "J'ai annoncé ta justice dans la grande assemblée."

- En parlant de la seconde description il dit: au milieu d'un peuple grave je te louerai. Le mot gravitas (poids) est parfois pris en bien, parfois en mal; car d'une manière à moitié ressemblante il y a une double propriété dans la pesanteur corporelle.

· L'une est la pesanteur elle-même, qui tend vers le bas, et c'est une chose mauvaise: car on dit de l'homme qu'il est lourd dans la mesure où il tend vers la pesanteur terrestre et s'y assimile: "Fils des hommes, jusqu'à quand aurez-vous le coeur appesanti ?" - "Malheur à la nation pécheresse, au peuple chargé d'iniquité, à la race perverse, aux enfants scélérats."

· L'autre propriété est la stabilité, qui s'oppose à la légèreté, et ne connaît pas l'ébranlement. On appelle un homme léger celui qui est agité à tout vent. Celui qui est stable dans le bien est appelé grave (gravis): "Ces lettres sont graves et fortes." La version iuxta Hebraeos de Jérôme lit: "In populo forti laudabo te (je te louerai au milieu d'un peuple fort)."

b. Qu'ils ne se réjouissent point à mon sujet, ceux qui s'opposent à moi injustement. En disant cela le psalmiste expose ici le fruit du côté des ennemis: il demande que leur exultation soit réprimée.

- Et il fait d'abord connaître ce fruit.

- Puis il expose l'origine de leur joie insultante: ceux qui s'opposent.

- Enfin l'émotion due à l'origine de leur joie insultante: 22 Tu as vu, Seigneur. - Ainsi dit-il: Qu'ils ne se réjouissent point, autrement dit: je demande d'être sauvé; Qu'ils ne se réjouissent point à mon sujet, comme s'ils m'avaient vaincu. Et cela, parce que le Christ étant ressuscité leur joie s'est changée en confusion. Ou bien: Qu'ils ne se réjouissent point à mon sujet, dans mes membres, qui ne sont pas pesants, parce qu'ils sont nourris par le Christ: "Ne te réjouis pas sur moi, mon ennemie, parce que je suis tombée."

- ceux qui s'opposent. Ici il expose la cause de leur joie insultante. La cause et l'origine d'une insulte est triple. Elle émane du coeur, des actes et de la bouche.

· Des actes, lorsqu'il dit: Qu'ils ne se réjouissent point à mon sujet ceux qui s'opposent à moi injustement. S'ils s'opposaient et se réjouissaient à cause de la justice, ce serait bon et juste; mais parce qu'ils se réjouissent injustement, cette manière d'agir est inconvenante: "Il a médité l'iniquité sur son lit."

· Du coeur, c'est la haine indue, aussi dit-il: qui me haïssent sans motif, c'est-à-dire sans cause: "Lorsque je leur parlais, ils m'attaquaient sans motif." - "C'est afin que s'accomplisse la parole qui est écrite dans leur loi: "Ils m'ont haï sans motif."" - "Ils rendaient le mal pour le bien."

C'est aussi la haine de ceux qui simulent, car avec la haine dans le coeur, ils clignent des yeux. Et cela de deux manières.

Selon une première manière, pour montrer qu'ils simulent leur haine, comme s'ils clignaient des yeux pour faire croire qu'ils aimaient. Ou bien ils se faisaient mutuellement des clins d'yeux, se concertant en vue du mal: "L'homme apostat, homme inutile." L'insulte émane de la bouche doublement.

D'abord quant aux paroles fourbes.

Puis quant aux paroles de moquerie: Et ils ont ouvert.

En parlant de la première forme d'insulte il dit d'abord ce qui est dans la bouche; puis ce qui est dans le coeur: et, dans leur colère ardente.

Dans la bouche ils avaient des paroles de paix, aussi dit-il: Car à la vérité, ils me parlaient pacifiquement. - "Maître, nous savons que tu es vrai." - "Ils parlent de paix avec leur prochain, mais ils ont le mal dans leur coeur." Dans leur coeur ils avaient des fourberies, c'est-à-dire des paroles remplies de fourberies: "C'est une flèche blessante que leur langue; elle ne profère que fourberie." Et dans leur colère ardente, parlant à la terre, ils pensaient des fourberies, c'est-à-dire s'irritant contre moi pour des choses terrestres: "Si nous le laissons ainsi, tous croiront en lui, et les Romains viendront et ruineront notre pays et notre nation." La version iuxta Hebraéos de Jérôme lit: "In rapina terrae verba irrisoria concinnant (Dans leur usurpation ils infligent à la terre des paroles de moquerie)."

Celui qui se moque de quelqu'un fait deux choses: parce que de telles paroles molestent celui qui est objet de dérision, et réjouissent celui qui se moque; et c'est pourquoi il dit: ils ont ouvert contre moi leur bouche, autrement dit: ils disent du mal d'autrui avec audace et avec joie: "Contre qui as-tu élevé la voix, et porté en haut tes yeux ?"

ils ont ouvert contre moi leur bouche. Il montre leur joie lorsqu'il dit: Ah ! ah ! (euge): interjection de celui qui félicite: "Fort bien (euge), serviteur bon et fidèle: parce que tu as été fidèle en peu de choses, je t'établirai sur beaucoup: entre dans la joie de ton maître", autrement dit: ils se félicitent eux-mêmes de la victoire qu'ils prévoyaient remporter sur moi. Et cela parce que nos yeux ont vu, à savoir la Passion du Christ qu'ils ont désirée: "Ah ! toi qui détruis le temple de Dieu et le rebâtis en trois jours, sauve-toi toi-même. Si tu es le Fils de Dieu, descends de la croix." - "Voici, c'est le jour que nous attendions; nous l'avons trouvé, nous l'avons vu."

22 Tu as vu, Seigneur; ne garde pas le silence; Seigneur, ne t'éloigne pas de moi.

- Plus haut le psalmiste a exposé l'origine de l'insulte, qui fut la malice; mais ici il rejette cette origine ou cette cause, en implorant le jugement de Dieu. À ce propos il expose trois choses.

· D'abord le fait que la connaissance doit nécessairement précéder le jugement.

· Puis il demande le jugement: ne garde pas le silence.

· Enfin l'effet du jugement: 25 Qu'ils ne disent point.

· Un juge ne peut porter équitablement une sentence sans être instruit au préalable de l'acte à juger. Mais cette connaissance ne fait pas défaut au jugement divin, parce que Dieu voit les actes qui ont été commis de part et d'autre; aussi le psalmiste dit-il: Tu as vu, à savoir leur malice, et ma justice: "Tout est à nu et à découvert aux yeux de celui dont nous parlons."

· Ensuite il demande le jugement.

Et il parle d'abord du délai du jugement.

Puis il demande la procédure du jugement.

Le fait que le jugement soit différé résulte de deux choses: de la tolérance patiente à l'égard de la faute des hommes iniques, et du fait que le juge n'aime pas celui auquel la sentence doit être donnée, et qu'il le fait enfermer.

Concernant la tolérance patiente il dit: ne garde pas le silence, c'est-à-dire sur la malice que tu as vue, en passant sans t'arrêter: "Pourquoi regardes-tu ceux qui font des iniquités et gardes-tu le silence, l'impie dévorant celui qui est plus juste que lui ?"

Concernant l'attitude du juge, il dit: ne t'éloigne pas de moi, comme s'il n'obtenait pas de secours dans la nécessité: "Malheur à eux, quand je me serai retiré d'eux."

23 Lève-toi et sois attentif à mon jugement: mon Dieu et mon Seigneur, [prends en main] ma cause. 24 Juge-moi selon ta justice, Seigneur mon Dieu, qu'ils ne se réjouissent point à mon sujet. 25 Qu'ils ne disent point dans leurs coeurs: Ah ! ah ! pour notre âme; et qu'ils ne disent point non plus: Nous le dévorerons.

Il expose ici la procédure du jugement. Car trois choses sont requises dans un jugement.

D'abord, que le juge assume sa charge pour juger.

Puis qu'il considère les mérites de la cause.

Enfin qu'il profère une sentence juste.

Concernant la première chose requise il dit: Lève-toi, c'est-à-dire de ta torpeur, et mets-toi dans la disposition de celui qui doit juger: "Leve-toi: pourquoi dors-tu, Seigneur ?"

Concernant la deuxième chose requise, il dit deux choses auxquelles le juge doit être attentif: le jugement, et la cause sur laquelle il doit proférer une sentence; aussi dit-il: sois attentif à mon jugement, c'est-à-dire en le portant en ma faveur: "Ô Dieu, donne ton jugement au roi, et ta justice au fils du roi."

Quant à la cause il dit: mon Dieu et mon Seigneur, [prends en main] ma cause. Ou bien au sens de procès, comme on le lit dans le texte hébreu: "[prends en main] mon procès." - "La cause que je ne connaissais pas, je l'étudiais avec le plus grand soin." Ou bien: ma cause, selon que la cause est la même chose que le principe, d'où il résulte une autre chose, autrement dit: [prends en main] ma cause pour laquelle moi je souffre. Et c'est l'obéissance au Père: "Il s'est humilié lui-même, s'étant fait obéissant jusqu'à la mort, et la mort de la croix." Semblablement la cause est la charité qu'il eut à notre égard, et c'est pour cette cause qu'il souffrait.

Concernant la troisième chose requise dans un jugement, il dit: Juge-moi selon ta justice. Une version lit: "Secundum justitiam tuam (Selon ta justice)"; une autre version lit: "Judica me secundum justitiam meam (juge-moi selon ma justice)." La première version a le même sens, c'est comme si on disait: Juge-moi selon ta loi et ta justice: car la justice de Dieu consiste à rendre à chacun selon ses mérites; et ces derniers ne peuvent être faussés et infléchis par la vérité. Le jugement de Dieu se fait selon la vérité. Selon ma justice, c'est-à-dire celle que moi je cherche. Et l'on peut dire que ma justice et ta justice sont une même chose, c'est-à-dire la justice de Dieu qui justifie, et celle de l'homme qui est comme justifié, car notre justice vient de Dieu: "Parce que ignorant la justice de Dieu, et cherchant à établir la leur, ils ne sont pas soumis à la justice de Dieu."

· Ensuite il demande l'effet du jugement: Qu'ils ne se réjouissent point à mon sujet, et à ce propos il fait deux choses.

Il demande d'abord la réprimande de leur joie insultante.

Puis il demande leur confusion: 26 Qu'ils rougissent.

L'exultation extérieure naît de la joie intérieure.

Il commence donc par demander que leur joie intérieure soit réprimée.

Puis que soit réprimée extérieurement leur joie insultante.

Ainsi, concernant la répression de leur joie intérieure, il dit: 24 Qu'ils ne se réjouissent point à mon sujet, autrement dit: que ton jugement les réprime de telle sorte qu'ils ne se réjouissent pas à mon sujet: "Tous mes ennemis ont appris mon malheur; ils se sont réjouis."

Concernant la répression de leur joie insultante il dit: 25 Qu'ils ne disent point dans leurs coeurs. La joie insultante est due à deux choses, et il en est de même pour la joie. Or la joie est due soit aux biens présents, soit aux biens futurs. Semblablement la joie insultante est due soit aux maux déjà accomplis, soit à accomplir.

Il demande donc d'abord que la joie insultante soit écartée à propos des maux passés; et c'est pourquoi il dit: Qu'ils ne disent point dans leurs coeurs: Ah ! ah ! pour notre âme, c'est-à-dire que leur âme ne se félicite pas de certaines choses à mon sujet, et qu'ils ne disent point à notre âme: Nous le dévorerons. Car parfois quelqu'un opprime autrui sans exultation, mais en se laissant entraîner par sa faiblesse: et cela se voit dans le fait qu'il se repent aussitôt. Mais quand il opprime par malice, alors il se réjouit de l'avoir fait; et c'est ce que le psalmiste dit: qu'ils ne disent point non plus: Nous le dévorerons, c'est-à-dire dans l'avenir: "Leur langue [est] un glaive acéré." - "Leur exultation était comme [l'exultation] de celui qui dévore le pauvre en secret."

26 Qu'ils rougissent et qu'ils soient confondus ensemble, ceux qui se félicitent de mes maux. Qu'ils soient revêtus de confusion et de honte, ceux qui disent des méchancetés sur moi.

Ici le psalmiste demande leur confusion: et il sollicite deux choses correspondant aux deux choses susmentionnées, à propos desquelles il était question de joie insultante, c'est-à-dire de maux accomplis ou à accomplir.

Il demande d'abord qu'ils soient confondus à cause des maux accomplis.

Puis qu'ils soient confondus à cause des maux à venir: Qu'ils soient revêtus de confusion.

Il commence donc par demander la rougeur de leur honte, ou la bonne confusion, ou encore la confusion éternelle; et il dit cela sous forme de prédiction ou pour se rendre conforme à Dieu: "Voilà que mes serviteurs se réjouiront, et vous, vous serez confus." Il poursuit en demandant pour eux d'être frappés d'incrédulité ou de crainte; aussi dit-il: et qu'ils soient confondus ensemble. Ou en bien, autrement dit: qu'ils commencent à craindre Dieu: car la crainte initiale et chaste est spécialement appelée révérence; et cette crainte introduit au salut, car il est écrit: "Le commencement de la sagesse est la crainte du Seigneur." Ou, qu'ils soient toujours dans la crainte: "Comme la méchanceté est timide, elle donne un témoignage de condamnation." - "Le bruit de la terreur est toujours à ses oreilles." Et pourquoi ces choses leur arrivent-ils ? Parce qu'ils se glorifient de mes maux.

Ensuite il demande la confusion pour le futur et il demande certaines choses par un autre moyen, car confusion et érubescence sont une même chose: et comme celles-ci peuvent être comprises soit en bien soit en mal, ainsi en est-il ici pour la confusion et la révérence. Mais du fait qu'il ajoute: Qu'ils soient revêtus de confusion, il ajoute quelque chose. Car le mot "revêtement" (indumentum) désigne un habit. Donc de celui qui absolument parlant et dès le principe craint, on ne peut dire qu'il est revêtu d'un habit de crainte; mais on le dit de ceux qui s'affermissent dans le mal, et qui désirent le mal: "Qu'ils soient confondus, ceux qui me persécutent, et que je ne sois pas confondu moi-même; qu'ils tremblent de peur, eux, et que je ne tremble pas moi-même." Et pourquoi, maintenant qu'ils sont affligés, demande-t-il davantage qu'auparavant ? Parce que la faute est plus grande, autrement dit: ils ne sont pas satisfaits de ce qu'ils ont accompli, mais ils méditent encore le mal contre moi. Tout comme les Juifs, après la mort du Christ, voulaient cacher sa résurrection en corrompant des gardes: "Éloignez de moi la vanité et les paroles mensongères." Une version de Jérôme lit: "Qui maligna loquuntur contra me (Ceux qui disent le mal contre moi)." - "Ne multipliez point des paroles hautaines en vous glorifiant."

27 Qu'ils exultent et se réjouissent ceux qui veulent ma justice; et qu'ils disent toujours: Que le Seigneur soit magnifié, ceux qui veulent la paix de son serviteur. 28 Et ma langue méditera ta justice, ta louange tout le jour.

c. Le psalmiste mentionne ici le troisième fruit qui provient du secours divin: et ce fruit est la joie des saints. Et il commence par exposer le fruit de l'exultation en disant: Qu'ils exultent et se réjouissent. Or il donne comme fruit la manifestation de la joie (jucunditas) des saints, car la joie exprime la dilatation du coeur, aussi signifie-t-elle la joie intérieure: "Tu as dilaté mon coeur." Et cette joie se trouve à proprement parler chez les justes: "La lumière s'est levée pour le juste, et la joie pour les [hommes] droits de coeur." L'exultation exprime la joie extérieure qui éclate de l'intérieur; et cette exultation convient aux justes: "Justes, exultez dans le Seigneur." Et cela convient aux hommes droits; aussi dit-il: ceux qui veulent ma justice, c'est-à-dire l'imiter.

Ou bien si on l'applique à la personne de David: ceux qui veulent ma justice, ce sont ceux qui se réjouissent de mes biens; telle est la joie du coeur, et de cette joie résulte l'exultation de la bouche: "On y trouvera la joie et l'allégresse, l'action de grâce et la voix de la louange." Et c'est pourquoi il ajoute: qu'ils disent toujours: "Que le Seigneur soit magnifié", c'est-à-dire que les saints magnifient Dieu. Car ce n'est pas nous en vérité qui faisons qu'il est grand, mais il nous appartient de publier et de prêcher sa grandeur: "Magnifiez le Seigneur avec moi: et exaltons tous ensemble son nom." - "Glorifiez le Seigneur autant que vous pourrez; car sa gloire l'emportera encore, et admirable est sa magnificence." Et encore: "Qui le magnifiera tel qu'il est ?" Et quels sont ceux qui font cela ? Certainement ceux qui veulent la paix de son serviteur, c'est-à-dire du Christ selon sa nature humaine: paix que le Christ a faite et donne, car "c'est lui qui est notre paix, lui qui des deux choses en a fait une seule". - "Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix." - "Je vous ai dit ces choses, afin qu'en moi vous ayez la paix."

Mais si l'on interprète ces mots à partir de la personne de David, en voici le sens: qui veulent la paix de son serviteur, c'est-à-dire que ceux-là exultent et se réjouissent, qui veulent que son serviteur, à savoir moi, ait la paix.

Et ma langue. Ici il montre que lui-même aussi est associé à cette joie, autrement dit: ce ne sont pas seulement ceux-là qui ont la joie, mais moi aussi je suis associé à la joie des saints. Et à ce propos il expose deux choses.

D'abord la méditation intérieure.

Puis la louange intérieure.

Ainsi en parlant de la méditation intérieure il dit: Et ma langue méditera ta justice.

On peut objecter que méditer ne concerne pas la langue, mais le coeur.

Il y a une triple réponse à cette objection.

1. Selon une première manière on dira que la langue médite, c'est-à-dire exprime les choses méditées: "Ma bouche proférera la sagesse", c'est-à-dire la sagesse méditée. Celui qui est juste parle avec préméditation; ainsi en est-il du sage.

2. Selon une autre manière on dira qu'il y a une double bouche ou une double expression: intérieure et extérieure: "Ce qui sort de la bouche", c'est-à-dire du coeur, "voilà ce qui souille l'homme". Et c'est en ce sens que la langue est prise ici, c'est-à-dire la langue intérieure.

3. Selon une troisième manière, ainsi: ma langue méditera, c'est-à-dire chantera, et rythmera, ta louange tout le jour, c'est-à-dire pensera sans cesse à la manière de te louer: "Je bénirai le Seigneur en tout temps: toujours sa louange sera en ma bouche."

 

 

COMMENTAIRE DU PSAUME 35

1 Pour la fin. Au serviteur de Dieu.

2 L'homme injuste a dit en lui-même qu'il pécherait; la crainte de Dieu n'est pas devant ses yeux. 3 Car il a agi frauduleusement en sa présence; en sorte que son iniquité s'est trouvée [portée] jusqu'à la haine. 4 Les paroles de sa bouche sont iniquité et tromperie; il n'a pas voulu acquérir l'intelligence pour qu'il fit bien. 5 Il a médité l'iniquité sur son lit: il s'est arrêté dans toute voie qui n'était pas bonne; et la malice, il ne l'a point haïe.

6 Seigneur, dans le ciel est ta miséricorde; et ta vérité [s'élève] jusqu'aux nues. 7a Ta justice est comme les montagnes de Dieu, tes jugements sont un abîme profond.

7b Tu sauveras, Seigneur, les hommes et les animaux, 8a puisque tu as, ô Dieu, multiplié ta miséricorde.

8b Mais les enfants des hommes espéreront à l'abri de tes ailes. 9 Ils seront enivrés de l'abondance de ta maison: et tu les abreuveras du torrent de tes délices. 10a Parce qu'auprès de toi est la source de la vie.

10b Et que dans ta lumière nous verrons la lumière.

11 Étends ta miséricorde à ceux qui te connaissent, et ta justice à ceux qui ont le coeur droit. 12 Que le pied du superbe ne vienne pas jusqu'à moi: et que la main du pécheur ne m'ébranle point.

13 Là sont tombés ceux qui opèrent l'iniquité; ils ont été chassés et n'ont pas pu se soutenir.

 

1 Pour la fin. Au serviteur de Dieu.

2 L'homme injuste a dit en lui-même qu'il pécherait; la crainte de Dieu n'est pas devant ses yeux. 3 Car il a agi frauduleusement en sa présence; en sorte que son iniquité s'est trouvée [portée] jusqu'à la haine. 4 Les paroles de sa bouche sont iniquité et tromperie; il n'a pas voulu [acquérir] l'intelligence pour qu'il fit bien. 5 Il a médité l'iniquité sur son lit: il s'est arrêté dans toute voie qui n'était pas bonne; et la malice, il ne l'a point haïe.

Dans le psaume précédent le psalmiste a imploré le secours de Dieu contre les persécutions des pécheurs; mais ici il décrit le mal des pécheurs. Ce psaume s'intitule: Pour la fin. Au serviteur de Dieu. Et ce qu'il dit est nouveau: Au serviteur de Dieu. Celui-là est un fidèle serviteur, qui n'usurpe pas les biens de son maître, et qui ne rejette pas sur son maître ses propres maux. Car il en est qui rejettent leurs péchés sur Dieu, en disant qu'ils pèchent par nécessité: et ils revendiquent pour eux leurs propres biens, en disant qu'ils les détiennent par leur propre pouvoir. David, lui, fait le contraire: et à ce sujet le psalmiste mentionne deux choses.

I) Il commence par faire mention des maux qui sont en nous et qui viennent de nous.

Il) Puis des biens qui sont en nous grâce à Dieu: 6 Seigneur, dans le ciel est ta miséricorde.

I. En faisant mention des maux, etc., il fait deux choses.

A) Il expose d'abord la racine du mal.

B) Puis l'extension du mal à partir de sa racine: Les paroles de sa bouche.

A. La racine du mal est l'intention.

1) Il expose donc d'abord l'intention mauvaise.

2) Puis il en donne la cause: la crainte de Dieu n'est pas devant ses yeux.

3) Enfin il le prouve: Car il a agi frauduleusement.

1. Comme le dit le Philosophe, dans son traité de l'Éthique à Nicomaque, ici quelqu'un commet un acte injuste et n'est pas justifié; là quelqu'un commet un acte injuste et est justifié, mais il n'est pas injuste; ou encore quelqu'un commet un acte injuste et est justifié, et est injuste.

Celui-là commet le premier acte injuste, qui garde un bien d'autrui qu'il répute comme sien.

Celui-là commet le deuxième acte, qui n'agit pas par habitude, mais qui commet un acte injuste sous la passion, cette passion venant à cesser il rend le bien d'autrui.

Celui-là commet le troisième acte, qui commet un acte injuste intentionnellement; et c'est pourquoi il dit: L'homme injuste a dit, c'est-à-dire a délibéré intentionnellement, en lui-même qu'il pécherait: car il est en son pouvoir de se proposer de pécher, et cela ne dépend pas du destin lié aux étoiles: "Dieu dès le commencement a créé l'homme, et il l'a laissé dans la main de son propre conseil." Mais la progression que l'on ne peut réfréner dans l'acte de pécher est due au fait que l'on écarte l'obstacle au péché. Or on dit qu'il y a péché contre l'Esprit-Saint, quand on pèche avec une certaine malice, et cela se réalise quand l'obstacle est écarté. Et cet obstacle est la crainte du Seigneur: "C'est par la crainte du Seigneur qu'on se détourne du mal." - "Autant qu'il est en toi, tu as anéanti la crainte de Dieu, et tu as détruit les prières devant Dieu."

2. Et c'est pourquoi il dit: la crainte de Dieu n'est pas devant ses yeux. La crainte réside dans le sentiment, mais la cause de la crainte se trouve dans les yeux, du fait qu'ils ne considèrent pas le jugement de Dieu: "Ils détournèrent leurs yeux afin de ne pas voir le ciel, et de ne pas se souvenir des justes jugements."

3. Mais la cause est due au fait qu'il a agi frauduleusement. Lorsque quelqu'un commet sous les yeux d'un roi quelque chose qui lui est odieux, c'est le signe qu'il ne le craint pas; ainsi lorsque le pécheur commet un péché devant Dieu qui voit toutes choses, c'est le signe qu'il ne craint pas Dieu, puisqu'en sa présence, à savoir de Dieu, il a agi frauduleusement, c'est-à-dire a commis une fraude: "Tout est à nu et à découvert aux yeux de celui dont nous parlons." Et il dit: frauduleusement, car extérieurement il profère une chose, et en simule une autre intérieurement: "Le Seigneur aura en abomination l'homme de sang et le fourbe." - "Les dissimulés et les astucieux provoquent la colère de Dieu." Et c'est pourquoi son iniquité s'est trouvée [portée] jusqu'à la haine, c'est-à-dire son iniquité est telle que Dieu l'a en haine. Et le signe que Dieu hait de tels simulateurs, c'est que dans les évangiles Dieu s'emporte beaucoup contre les simulateurs. Une autre version lit: "In conspectu suo, ut inveniret iniquitatem suam, et odisset (En sa présence, pour qu'il trouve son iniquité et qu'il la prenne en haine)." Il arrive que quelqu'un examine sa conscience afin de trouver son iniquité et de la haïr: il agit en cela souvent frauduleusement, car il n'examine pas bien, mais traite avec légèreté les fautes graves, et s'appesantit sur les fautes légères. Et c'est pourquoi il dit: il a agi frauduleusement en sa présence, c'est-à-dire dans la conscience; car s'il avait haï loyalement son iniquité, il l'aurait examinée.

Ou bien, selon le même sens: en sa présence, à savoir de Dieu, c'est-à-dire selon le langage de la Sainte Écriture, qu'ils n'écoutent pas attentivement sa vérité, ou celle de l'Esprit-Saint, mais qu'ils agissent frauduleusement; et cela, parce qu'ils ne trouvent pas l'iniquité en eux.

B. Ensuite il expose ce qui procède de la racine du mal.

1) Et il expose d'abord les péchés de la bouche.

2) Puis ceux du coeur et des actes.

1. L'homme commet un péché par la bouche de deux manières: ou bien par une malice manifeste, lorsqu'il ment manifestement; et c'est ce qu'il dit: Les paroles de sa bouche sont iniquité. - "Vous ne trouverez pas d'iniquité sur ma langue." Ou bien par une fraude cachée, et c'est la ruse: "C'est une flèche blessante que leur langue; elle a proféré la ruse."

2. Quelqu'un pèche dans le coeur de deux manières: par mépris du bien, et par zèle pour le mal. Il arrive que l'un pèche par faiblesse, l'autre par ignorance. Mais lorsqu'il s'agit d'une ignorance simulée, alors le péché est grave: "Ils ont dit à Dieu: Retire-toi de nous; nous ne voulons pas connaître tes voies." Et c'est pourquoi il dit: il n'a pas voulu [acquérir] l'intelligence pour qu'il fit bien; aussi a-t-il voulu comprendre avec curiosité, et non dans le but de bien agir: "Ils sont intelligents pour faire le mal, mais faire le bien, ils ne le savent pas." Semblablement l'homme pèche parfois par zèle pour la malice; aussi dit-il: Il a médité l'iniquité sur son lit, c'est-à-dire dans son coeur: "La pensée de l'insensé est péché; et c'est l'abomination des hommes que le médisant."

il s'est arrêté. Ici il expose ce qui est commis en acte.

a) Et il commence par exposer la collaboration de l'homme injuste avec le mal.

b) Puis le fait qu'il ne s'oppose pas au mal.

a. En parlant de sa collaboration avec le mal il dit: il s'est arrêté dans toute voie qui n'était pas bonne, c'est-à-dire a vécu et a donné sa faveur à toute voie mauvaise, ou bien à tout acte mauvais: "Les rois de la terre se sont levés."

b. En parlant de son opposition au mal il dit: la malice, il ne l'a point haïe. - "Tu as aimé la malice plus que la bénignité; et un langage d'iniquité plutôt que d'équité." - "Comme le mal est doux à sa bouche, il le cachera sous sa langue."

6 Seigneur, dans le ciel est ta miséricorde; et ta vérité [s'élève] jusqu'aux nues. 7a Ta justice est comme les montagnes de Dieu, tes jugements sont un abîme profond.

II. Ici le psalmiste montre ce qu'il a reçu de Dieu.

A) Et il énumère d'abord les biens eux-mêmes.

B) Puis il demande que ces biens lui soient donnés: 11 Étends ta miséricorde, etc.

A. En énumérant ces biens il fait deux choses.

1) Il commence par faire connaître la cause des biens qu'il a reçus de Dieu.

2) Puis il énumère les biens eux-mêmes: les hommes et les animaux.

1. Et il commence:

a) Par faire valoir la cause.

b) Puis il fait connaître la profondeur des effets: tes jugements sont un abîme profond.

a. Tout ce que Dieu fait en nous est dû ou bien à sa justice, ou bien à sa miséricorde, ou bien à sa vérité.

À sa justice, lorsqu'il récompense en vertu des mérites.

À sa vérité, lorsqu'il récompense ce qu'il promet.

À sa miséricorde, lorsqu'elle dépasse les mérites et les promesses.

Donnons une preuve de ces trois choses.

La justice de Dieu est élevée, car nul ne mérite au point que Dieu rende davantage. La vérité est plus élevée, car Dieu promet et s'acquitte d'une dette que nous n'avons jamais méritée, comme l'Incarnation, et d'autres choses qui sont relatives au mystère de la Rédemption. Mais la miséricorde est la plus élevée, parce qu'il accorde ce que nous ne pouvons pas imaginer: "Ce que l'oeil n'a point vu, ce que l'oreille n'a point entendu, ce qui n'est point monté dans le coeur de l'homme, ce que Dieu a préparé à ceux qui l'aiment." Et c'est pourquoi il compare la justice aux montagnes, la vérité aux nues, lesquelles sont plus élevées, la miséricorde aux cieux, lesquels surpassent toutes choses.

Il dit: Seigneur, [jusqu'au] ciel est ta miséricorde, c'est-à-dire la cause de tous mes biens est dans le ciel: "Le Seigneur est doux pour tous, et ses commisérations s'étendent sur toutes ses oeuvres." - "Je me souviendrai des commisérations du Seigneur."

et ta vérité [s'élève] jusqu'aux nues. Ta justice est comme les montagnes de Dieu. Toutes ces choses sont dites selon leurs effets, car selon leur essence elles sont les mêmes. Au sens mystique, par ces trois choses on entend les justes, car dans les justes eux-mêmes on trouve la justice, la vérité et la miséricorde. Les justes sont signifiés par le ciel à cause de la rétribution et de la charité: "Réjouissez-vous et tressaillez de joie, parce que votre récompense est grande dans les cieux." Semblablement, en eux brille surtout la miséricorde, car ils sont absolument libérés de toute tribulation. Tandis que nous, nous sommes encore dans les calamités. Par nues on entend les docteurs: "Je commanderai aux nuées de ne pas répandre de pluie sur [ma vigne]." Et en ceux-ci brille la vérité qu'ils manifestent.

Par montagnes on entend les hommes saints.

b. Et que résulte-t-il de toutes ces choses ? Que ces jugements sont un abîme profond, c'est-à-dire incompréhensibles: "Que ses jugements sont incompréhensibles et ses voies impénétrables !"

7b Tu sauveras, Seigneur, les hommes et les animaux, 8a puisque tu as, ô Dieu, multiplié ta miséricorde.

2. Plus haut le psalmiste a fait l'éloge de la justice de Dieu, de sa vérité et de sa miséricorde, et de ses jugements, d'où nous proviennent les biens; mais ici il énumère ces biens: et à cet égard il fait deux choses.

a) Il commence par rappeler les biens qu'il accorde en général à toute créature.

b) Puis les biens particuliers qu'il confère à la créature raisonnable: Mais les enfants des hommes.

a. En traitant du don des biens en général il fait deux choses.

- Il rappelle d'abord les biens qui d'une manière générale proviennent de Dieu.

- Puis il manifesté son admiration pour la miséricorde divine: puisque tu as, ô Dieu, multiplié ta miséricorde.

- Je dis donc que ta miséricorde est grande, et que grâce à celle-ci tu sauves les hommes et les animaux, c'est-à-dire les créatures raisonnables et sans raison. Ou bien par les hommes on entend les justes, par les animaux les pécheurs eux-mêmes, qui sont sauvés temporellement par Dieu: lui "qui fait lever son soleil sur les bons et sur les méchants, et pleuvoir sur les justes et les injustes". - "L'homme, lorsqu'il était en honneur, ne l'a pas compris: Il a été comparé aux animaux sans raison, et il est devenu semblable à eux." Et ce salut général appartient à tous sur deux points: sur le salut du corps: "Il n'y a pas de richesse plus grande que la santé (salus) du corps"; et sur la dispensation des biens: "Sauve-moi, mon Seigneur le roi. Le roi répondit: Le Seigneur ne te sauve pas: au moyen de quoi puis-je te sauver ? au moyen de l'aire ou du pressoir ?"

- Ensuite il admire la miséricorde divine: puisque tu as, ô Dieu, multiplié, à savoir puisque tu as beaucoup multiplié ta miséricorde, c'est-à-dire que tu sauves non seulement les hommes, mais aussi les animaux. Ou bien parce qu'il t'appartient de prendre soin non seulement des justes, mais aussi des pécheurs, quant aux biens temporels que tu as multipliés pour eux. La version iuxta Hebraeos de Jérôme lit: "Quam pretiosa est misericordia tua Domine, etc. (Comme elle est précieuse ta miséricorde, Seigneur, etc.)." En effet grande est la miséricorde de Dieu, puisqu'il sauve tous les hommes; grande elle est aussi, car il donne plus à chacun qu'il n'a mérité: "Ta miséricorde est grande envers moi."

8b Mais les enfants des hommes espéreront à l'abri de tes ailes.

9 Ils seront enivrés de l'abondance de ta maison: et tu les abreuveras du torrent de tes délices. 10a Parce qu'auprès de toi est la source de la vie.

b. Ici le psalmiste expose les biens spirituels, qui sont au nombre de trois: confiance, réfection spirituelle, et connaissance intelligible; et ces biens correspondent aux degrés des êtres.

- Certains d'entre ces êtres existent seulement, d'autres existent et vivent, d'autres encore, en plus de l'existence et de la vie, sont doués d'intelligence; et parmi ces êtres, la créature raisonnable participe d'une certaine éternité, car l'âme raisonnable ne périt pas. Et c'est pourquoi il dit: les enfants des hommes, c'est-à-dire les enfants du Christ Dieu; ou bien par enfants des hommes on entend généralement tous les hommes. espéreront à l'abri de tes ailes. Et il parle en usant d'une métaphore. La poule protège ses poussins de ses ailes pour qu'ils ne soient pas tués; ainsi Dieu lui-même protège spirituellement la créature raisonnable afin qu'elle ne s'affaiblisse pas dans son âme: "Jérusalem, Jérusalem, qui tues les prophètes et lapides ceux qui te sont envoyés, combien de fois ai-je voulu rassembler tes enfants comme une poule rassemble ses petits sous ses ailes, et tu n'as pas voulu." - "À l'ombre de sa main il m'a protégé." Ou bien, à l'abri, c'est-à-dire sous la protection spirituelle. Et ainsi les deux ailes sont la doctrine du Nouveau et de l'Ancien Testament.

- Semblablement les êtres qui vivent ici-bas se refont avec une nourriture appropriée.

· Et il expose d'abord la réfection elle-même.

· Puis il expose sa cause: auprès de toi.

· La réfection spirituelle consiste en deux choses: dans les dons de Dieu, et dans sa douceur. En parlant des dons de Dieu il dit: Ils seront enivrés de l'abondance de ta maison. La maison, c'est l'Église: "Afin que tu saches comment te conduire dans la maison de Dieu, qui est l'Église du Dieu vivant." Et cette maison, qui se trouve seulement sur terre, est parfois transférée dans les cieux: "Je me suis réjoui des paroles qui m'ont été dites: Nous irons [joyeux] dans la maison du Seigneur." Dans l'une comme dans l'autre, il y a l'abondance des dons de Dieu; mais dans l'Église ici-bas elle est imparfaite, tandis que dans l'autre l'abondance de tous les biens est absolument parfaite, et les hommes spirituels sont rassasiés de cette abondance: "Nous serons remplis des biens de ta maison." Et qui plus est, ils seront enivrés, en tant que leurs désirs seront comblés au-delà de toute la mesure de leur mérite: car l'ébriété est un certain excès: "L'oeil n'a pas vu, ô Dieu, toi excepté, ce que tu as préparé à ceux qui t'attendent." - "Mangez, mes amis, et buvez; enivrez-vous, mes bien-aimés." Et ceux qui sont ivres ne sont pas en eux-mêmes, mais en dehors d'eux-mêmes. Ainsi ceux qui sont remplis des charismes spirituels ont toute leur attention portée vers Dieu: "Pour nous, notre cité est dans les cieux, d'où nous attendons aussi comme Sauveur, le Seigneur Jésus-Christ." Et non seulement ils sont refaits par les dons, mais aussi par l'amour de Dieu: "Alors tu abonderas en délices dans le Tout-Puissant, et tu élèveras ta face vers Dieu." Et c'est pourquoi il dit en parlant de la seconde chose, c'est-à-dire de la douceur de Dieu: et tu les abreuveras du torrent de tes délices. Il s'agit de l'amour de l'Esprit-Saint qui fait irruption dans l'âme à la manière d'un torrent: "Ils craindront, ceux qui sont de l'Occident, le nom du Seigneur, et ceux qui sont du Levant, sa gloire; lorsqu'il viendra comme un fleuve impétueux, que l'esprit du Seigneur agite." Et il est dit de tes délices, parce qu'il produit dans l'âme les délices et la douceur: "Qu'il est bon et doux, Seigneur, ton esprit en toutes choses !" Et les bons sont abreuvés par ce breuvage: "Ils ont tous bu le même breuvage spirituel." Ou bien: du torrent de tes délices, c'est-à-dire de Dieu, qui est appelé torrent: "C'est un torrent débordant que la source de la sagesse", car sa volonté est si efficace que rien ne peut lui résister, pas même un torrent: "Qui résiste à sa volonté ?"

· Mais la cause d'une telle réfection est due au fait qu'ils sont unis à la source: et de même que ceux qui tiennent leur bouche à la source du vin sont enivrés; ainsi ceux qui tiennent leur bouché, c'est-à-dire leur désir, à la source de la vie et de la douceur, sont enivrés: "L'un souffre de la faim et l'autre est ivre." Et ils sont ainsi enivrés, Parce qu'auprès de toi est la source de la vie. Mais si on l'applique au Père, en voici le sens: auprès de toi est la source de la vie, c'est-à-dire ton Verbe vivifiant toutes choses, est auprès de toi. - "Le Verbe était auprès de Dieu." - "Ils m'ont abandonné, moi, source d'eau vive", moi qui suis en vérité la source de la vie, c'est-à-dire les biens spirituels, grâce auxquels toutes choses sont vivifiées.

- Enfin il y a la connaissance intelligible grâce à laquelle les hommes, ou les créatures raisonnables, participent d'une certaine éternité; c'est pourquoi il dit: 10b Et que dans ta lumière nous verrons la lumière.

La créature raisonnable a deux privilèges.

· Le premier consiste en ce que la créature raisonnable voit dans la lumière de Dieu, et que les autres animaux ne voient pas dans la lumière de Dieu; c'est pourquoi il dit: dans ta lumière. On ne l'entend pas de la lumière créée par Dieu, car tel est le sens de ce qui est rapporté dans la Genèse: "Que la lumière soit." Mais dans ta lumière, c'est-à-dire avec laquelle toi tu brilles, lumière qui est une similitude de ta substance. Les animaux dénués de raison ne participent pas de cette lumière; mais la créature raisonnable participe d'abord de cette lumière par la connaissance naturelle: car l'intelligence naturelle de l'homme n'est rien d'autre que le resplendissement (refulgentia) de la clarté divine dans l'âme: c'est par cette clarté qu'elle est à l'image de Dieu: "Elle a été gravée sur nous la lumière de ton visage." Puis elle participe de la lumière de la grâce: "Lève-toi d'entre les morts, et le Christ t'illuminera." Enfin elle participe de la lumière de la gloire: "Lève-toi, reçois la lumière, Jérusalem, parce qu'elle est venue ta lumière, et que la gloire du Seigneur sur toi s'est levée."

Ou bien: dans ta lumière, c'est-à-dire dans le Christ, qui est lumière de la lumière: et cette lumière est telle qu'il est le vrai Dieu. Donc le Christ est lumière en tant qu'il procède du Père; il est source de la vie, en tant qu'il est principe de l'esprit vivifiant.

· L'autre privilège consiste dans le fait que seule la créature raisonnable voit cette lumière; aussi dit-il: nous verrons ta lumière. Cette lumière est ou bien la vérité créée, c'est-à-dire le Christ en tant qu'homme, ou bien la vérité incréée par laquelle nous connaissons des choses vraies. En effet la lumière spirituelle est la vérité: car de même que par la lumière une chose est connue en tant que lucide, ainsi connaît-on une chose dans la mesure où elle est vraie. Les animaux dénués de raison connaissent bien certaines vérités, par exemple que cela est doux, mais non la vérité de cette proposition "cela est vrai"; car "cela" consiste en l'équivalence de cette intelligence avec la réalité intelligible, ce que les animaux dénués de raison ne peuvent faire. Donc les animaux sans raison n'ont pas la lumière créée. Semblablement ils n'ont pas la lumière incréée, car seul l'homme a été fait pour voir Dieu par la foi et par l'espérance: et de même que nous voyons à présent par la foi dans la lumière, ainsi nous le verrons face à face, lorsque nous serons dans la Patrie.

11 Étends ta miséricorde à ceux qui te connaissent, et ta justice à ceux qui ont le coeur droit 12 Que le pied du superbe ne vienne pas jusqu'à moi: et que la main du pécheur ne m'ébranle point.

B. Ici le psalmiste se tourne vers la prière, et il demande la miséricorde.

1) Et il formule une demande pour les autres.

2) Puis pour lui: Que ne vienne pas jusqu'à moi.

1. Il demande deux choses selon les deux genres d'hommes qui vivent dans la demeure du Seigneur: car certains connaissent Dieu par la foi; d'autres adhèrent aussi à lui par la justice. Donc ceux qui ne connaissent pas Dieu ne sont pas dans sa demeure; mais ceux qui ont la foi peuvent être exposés au péché, et c'est pourquoi il demande pour eux la miséricorde, aussi dit-il: Ô Seigneur, à ceux qui te connaissent, c'est-à-dire par la foi - et il appelle connaissance la science à cause d'une adhésion sûre -, à ces derniers Étends, c'est-à-dire élargis, étends vers eux, ta miséricorde, en ayant pitié de leurs péchés: "Ce n'est pas un peuple sage; à cause de cela, il n'aura pas pitié de lui, celui qui l'a fait; et celui qui l'a formé ne l'épargnera pas." - "Que celui qui se glorifie se glorifie de cela, de me connaître, et de savoir que c'est moi qui suis le Seigneur." Mais à ceux qui ont le coeur droit, c'est-à-dire qui ont le coeur droit et qui se sont affermis pour toi par la charité, Étends à eux, c'est-à-dire élargis, ta justice, c'est-à-dire la couronne qu'ils ont méritée, car ceux-ci méritent déjà la couronné: "Reste la couronne de justice qui m'est réservée, que le Seigneur, juste juge, me rendra en ce jour; et non seulement à moi, mais encore à ceux qui aiment son avènement." Et c'est pourquoi il demande pour eux des choses justes.

2. Il demande deux choses pour lui.

a. Il demande d'abord d'être préservé du péché, et ce, en écartant deux causes du péché. L'une est intérieure, et c'est l'orgueil qui est le commencement de tout péché; aussi dit-il: Que le pied du superbe ne vienne pas jusqu'à moi, c'est-à-dire que le sentiment de celui qui s'enorgueillit s'éloigne de moi: "Ne me donne point des yeux altiers." L'autre cause est extérieure, c'est lorsqu'on est incité par quelqu'un à pécher: "Préserve ton serviteur [de la corruption] des étrangers."

b. Et c'est pourquoi il dit: que la main du pécheur ne m'ébranle point, c'est-à-dire que les séductions et les promesses, et les flatteries ne m'amènent pas à pécher.

13 Là sont tombés ceux qui opèrent l'iniquité; ils ont été chassés et n'ont pu se soutenir.

Ici est donnée la justification de sa demande: et elle est double. D'abord, parce que le pied est une occasion de chute: comme lorsque quelqu'un tombe à cause de son pied qui lui fait mal; et c'est pourquoi il dit: Là, c'est-à-dire par le pied de l'orgueil, sont tombés. Ainsi "le commencement de tout péché est l'orgueil". Car la raison pour laquelle l'homme pèche vient du fait qu'il ne se maintient pas sous la règle de la loi divine. Mais de l'orgueil procède l'arrogance: "Que celui donc qui se croit être ferme", c'est-à-dire par l'orgueil, "prenne garde de tomber". Et il dit: ceux qui opèrent, non ceux qui ont opéré, car quelqu'un pèche quelquefois par faiblesse, ou par ignorance, et celui-là ne demeure pas dans le péché; mais celui qui pèche par orgueil persiste dans le péché, car il est écrit: "Ils se réjouissent lorsqu'ils ont mal fait, et tressaillent de joie dans les choses les plus mauvaises."

Semblablement, une autre justification de sa demande est la précipitation d'autrui; aussi dit-il: ont été chassés, c'est-à-dire ont été précipités tandis qu'ils se sont vainement enorgueillis, comme ont été chassés du ciel Lucifer, et l'homme du paradis à cause de leur orgueil.

n'ont pu se soutenir. - "Il le chassera de la lumière dans les ténèbres, et il le transportera hors de l'univers." Mais l'humilité fait tenir debout: "Nos pieds se tenaient dans tes parvis, ô Jérusalem."

 

 

COMMENTAIRE DU PSAUME 36

1 Psaume par David lui-même.

N'envie pas ceux qui font le mal, et ne jalouse pas ceux qui commettent l'iniquité. 2 Parce que, comme le foin, ils sécheront en un instant, et comme les herbes légumineuses, ils tomberont promptement.

3 Espère dans le Seigneur, et fais le bien: et habite la terre, et tu seras rassasié de ses richesses.

4 Mets tes délices dans le Seigneur, et il t'accordera les demandes de ton coeur. 5 Révèle au Seigneur ta voie, espère en lui, et lui fera.

6 Il fera éclater ta justice comme la lumière, et ton jugement comme le milieu du jour. 7a Sois soumis au Seigneur, et prie-le.

7b N'envie pas celui qui prospère dans sa voie, l'homme qui commet des injustices.

8 Renonce à la colère et laisse la fureur: n'envie pas [les méchants] pour faire le mal. 9 Parce que ceux qui font le mal seront exterminés; mais ceux qui attendent avec constance le Seigneur, ceux-là mêmes hériteront de la terre.

10 Encore un peu de temps, et le pécheur ne sera plus: et tu chercheras son lieu, et tu ne le trouveras pas.

11 Mais les hommes doux hériteront de la terre, et ils jouiront d'une abondance de paix.

12 Le pécheur observera le juste, et grincera des dents contre lui.

13 Mais le Seigneur se rira de lui, parce qu'il voit que viendra son jour.

14 Les pécheurs ont tiré le glaive: ils ont tendu leur arc, afin de tromper le pauvre et l'homme sans ressources, afin de tuer les [hommes] droits de coeur. 15 Que leur glaive entre dans leur propre coeur, et que leur arc soit brisé.

16 Mieux vaut au juste un bien modique, que les grandes richesses des pécheurs.

17 Parce que les bras des impies seront brisés; mais le Seigneur affermit les justes.

18 Le Seigneur connaît les jours des [hommes] sans tache, et leur héritage sera éternel.

19 Ils ne seront point confondus au temps mauvais, et dans les jours de famine, ils seront rassasiés. 20 Parce que les pécheurs périront, mais les ennemis du Seigneur, honorés et exaltés un moment, comme une fumée, s'évanouiront entièrement.

21 Le pécheur empruntera et ne payera pas; mais le juste est compatissant, et il rendra. 22 Car ceux qui le bénissent hériteront de la terre, mais ceux qui le maudissent périront totalement.

23 Par le Seigneur les pas de l'homme seront dirigés, et il voudra sa voie. 24 Lorsqu'il tombera, il ne sera point brisé, parce que le Seigneur met sa main sous [lui].

25 J'ai été jeune et j'ai vieilli; et je n'ai point vu le juste abandonné, ni sa race cherchant du pain. 26 Tout le jour il a pitié et il prête; sa race sera en bénédiction.

27 Détourne-toi du mal et fais le bien, et tu auras une habitation dans les siècles des siècles. 28a Parce que le Seigneur aime la justice, et il ne délaissera pas ses saints: ils seront conservés éternellement.

28b Les injustes seront punis, et la race des impies périra. 29 Mais les justes hériteront de la terre; et ils y habiteront dans les siècles des siècles.

30 La bouche du juste méditera la sagesse, et sa langue dira l'équité. 31 La loi de Dieu est dans son coeur, et ses pas ne chancelleront pas.

32 Le pécheur considère le juste; et il cherche à le faire mourir. 33 Mais le Seigneur ne l'abandonnera pas dans ses mains; et ne le condamnera pas quand on le jugera.

34 Attends le Seigneur, et garde sa voie; et il t'exaltera, afin que tu prennes la terre en héritage; lorsque les pécheurs auront péri, tu [le] verras.

35 j'ai vu l'impie exalté et élevé comme les cèdres du Liban. 36 Et j'ai passé, et voilà qu'il n'était plus; je l'ai cherché, et son lieu n'a pas été trouvé.

37 Garde l'innocence, et vois l'équité; parce que des restes sont [assurés] à l'homme pacifique. 38 Mais les injustes périront entièrement tous ensemble; les restes des impies mourront. 39 Mais le salut des justes vient du Seigneur, et [il est] leur protecteur au temps de la tribulation. 40 Et le Seigneur les aidera, et les libérera; il les arrachera aux pécheurs, et il les sauvera, parce qu'ils ont espéré en lui.

 

1 Psaume par David lui-même.

N'envie pas ceux qui font le mal, et ne jalouse pas ceux qui commettent l'iniquité. 2 Parce que, comme le foin, ils sécheront en un instant, et comme les herbes légumineuses, ils tomberont promptement.

Le psalmiste a demandé plus haut le secours divin contre les pécheurs, et il a montré leur malice; mais ici il enseigne le devoir de mépriser leur bonheur.

Le titre de ce psaume n'est pas nouveau. Et l'intention est de montrer que les prospérités des impies ne sont pas à prendre en considération. À ce propos le psalmiste fait trois choses.

1) Il parle d'abord de l'intention du psaume.

Il) Puis il donne des raisons en général: Parce que, comme le foin.

III) Enfin il les explique en détail: 7b N'envie pas celui qui prospère.

I. En parlant d'abord de l'intention du psaume il fait deux choses.

A) Car il commence par écarter des bons l'envie des méchants.

B) Puis leur jalousie: ne jalouse pas.

A. Ainsi dit-il: N'envie pas. Le psalmiste expose ici une chose du côté des pécheurs par mode de désignation. Et à partir de cela il mentionne ceux qui font le mal et qui commettent l'iniquité. Il en expose une autre du côté des bons par mode d'interdiction, et il en rapporte deux: N'envie pas, et ne jalouse pas.

Or il désigne les pécheurs d'abord quant à leur intention mauvaise, parce qu'ils font le mal: car la malice appartient au coeur; aussi dit-on de quelqu'un qu'il est malin (malignus), comme s'il était habité par un feu mauvais (malus ignis), c'est-à-dire que lorsque quelqu'un commet une action avec une intention mauvaise, on appelle cela une délibération maligne.

Puis il les désigne quant à leur exécution perverse; aussi dit-il: qui commettent l'iniquité; mais il dit à n'importe quel juste: N'envie pas ceux qui font le mal. Selon le Philosophe, dans son deuxième livre de l'Éthique, quatre choses se rapportent a un même genre de passions: la miséricorde, l'envie, la jalousie et l'indignation (némêsis), et toutes ces choses causent une tristesse à propos de ce qui échoit aux autres; mais la miséricorde et l'envie s'appliquent à ceux auxquels échoient des biens, tandis que les deux autres s'appliquent à ceux auxquels échoient des maux. Car l'envie est une tristesse éprouvée à propos de la prospérité des bons, mais la miséricorde est une tristesse éprouvée à propos du malheur des bons. Il y a jalousie à proprement parler, lorsque quelqu'un s'afflige du bien d'autrui, non du fait qu'il est en possession d'un bien, mais du fait que lui-même n'est pas en possession de ce bien. L'indignation (némêsis) est une tristesse éprouvée à propos des biens qui échoient à ceux qui en sont indignes. Mais parce qu'il parle ici des méchants, il ne fait pas mention des deux premiers. Mais ici il faut faire remarquer que si quelqu'un s'indigne ou envie la prospérité des méchants, il n'est pas méprisé selon les philosophes, qui ont traité de la prospérité civile, dans laquelle certaines choses peuvent être regardées comme grandes, si elles sont considérées en elles-mêmes, non dans leur rapport avec les réalités éternelles. Mais si elles sont comparées aux réalités spirituelles, puisque aucune réalité temporelle, quelle que soit sa grandeur, ne peut être comparée aux réalités éternelles, l'envie n'a pas de place dans de telles réalités; et c'est pourquoi les méchants ne doivent pas être enviés pour ces biens qui leur échoient. C'est pourquoi les théologiens observant la divine providence dans ces biens qui échoient indistinctement aux bons comme aux méchants, à ceux qui en sont dignes ou indignes, ne s'affligent pas quand ils adviennent à ceux qui en sont indignes. Car ils considèrent qu'ils sont distribués selon une juste ordonnance de Dieu, ou bien en vue de leur correction, ou bien pour leur condamnation; et qu'ils ne sont quasi rien en comparaison des réalités futures qui sont réservées aux bons. Et c'est pourquoi une tristesse de cette sorte est interdite; aussi dit-il: N'envie pas, c'est-à-dire ne t'indigne pas, contre ceux qui font le mal, de ce qu'ils s'épanouissent: "N'envie pas l'homme injuste, et n'imite pas ses voies."

B. Semblablement: ne jalouse pas ceux qui commettent l'iniquité, autrement dit: ne sois pas triste si tu n'as pas ce que ceux-là possèdent; car des biens meilleurs te sont réservés: "Ne jalouse point la gloire et les richesses du pécheur; car tu ne sais pas quelle sera sa ruine."

II. 2 Parce que, comme le foin, ils sécheront en un instant.

Ici le psalmiste expose des raisons en général.

A) Et d'abord, pourquoi il ne faut pas envier;

B) puis, pourquoi il ne faut pas jalouser: Espère dans le Seigneur, et fais le bien.

A. Ainsi dit-il: Parce que, comme le foin, autrement dit: il ne faut pas envier ceux qui font le mal, parce que c'est peu de chose et transitoire. Et c'est pourquoi il dit: comme le foin, ils sécheront en un instant. Il donne en effet un exemple à propos des choses qui sont florissantes et fructifient, mais meurent rapidement: ainsi en est-il de l'homme qui s'épanouit, devient vigoureux, et meurt rapidement: "Que le matin, comme le foin, l'homme passe; que le matin il fleurisse et passe: que le soir il tombe, il durcisse et se dessèche."

Et ces deux comparaisons sont exposées pour l'homme lui-même, c'est-à-dire en vue d'une meilleure manifestation de sa personne.

Ou bien autrement, il y a deux choses dans l'homme qui semblent être grandes. Il y a d'abord la beauté, lorsque les hommes semblent vivre dans les joies: "Qu'il n'y ait aucune prairie par laquelle ne passent nos plaisirs." Et c'est pourquoi il dit: comme le foin. Ou bien autrement encore, car la beauté de la joie disparaît rapidement: "La gloire des impies a été courte, et la joie de l'hypocrite comme un moment." - "Qu'ils deviennent comme l'herbe des toits, qui, avant qu'on l'arrache, est desséchée." - "Toute chair est de l'herbe, et toute sa gloire est comme la fleur du champ."

Puis il y a la grandeur de la puissance séculière désignée par les herbes légumineuses, qui croissent, et dont cependant la totalité meurt. Et c'est pourquoi il dit: comme les herbes légumineuses. Ou bien par foin on entend les grands, mais par herbe les petits. Donc il ne faut pas s'indigner de leurs biens. Semblablement il ne faut pas jalouser ceux qui commettent l'iniquité, car de plus grands biens te sont promis. Et il montre cela lorsqu'il dit:

3 Espère dans le Seigneur, et fais le bien: et habite la terre, et tu seras rassasié de ses richesses.

B. Et parce que la prospérité temporelle consiste en trois choses, c'est-à-dire dans les richesses, les plaisirs, et les honneurs: "Tout ce qui est dans le monde est convoitise de la chair, convoitise des yeux, orgueil de la vie", et que la prospérité spirituelle consiste également en trois choses, le psalmiste fait trois choses.

1) Car il mentionne d'abord les richesses.

2) Puis les plaisirs: 4 Mets tes délices.

3) Enfin la gloire: 6 Il fera éclater ta justice comme la lumière; ce que Dieu promet à ceux qui espèrent en lui.

1. En mentionnant les richesses il fait trois choses.

a) Il commence par montrer le moyen d'acquérir les richesses spirituelles.

b) Puis où il faut les rechercher: et habite la terre.

c) Enfin il les promet en abondance: et tu seras rassasie.

a. En traitant du moyen d'acquérir les richesses spirituelles, il fait deux choses selon que dans leur acquisition deux choses sont exigées:

- Car il fait connaître d'abord la fin.

- Puis l'effort pour atteindre cette fin: et fais le bien.

- Ainsi dit-il: Espère dans le Seigneur, c'est-à-dire espère que tu acquerras les biens du Seigneur, c'est-à-dire le Seigneur lui-même: "Le Seigneur est la part de mon héritage et de mon calice; c'est toi qui me rendras mon héritage." - "Béni soit Dieu, le Père de Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui selon sa grande miséricorde, nous a régénérés pour une vive espérance, par la résurrection de Jésus-Christ d'entre les morts, pour un héritage incorruptible, qui n'est pas souillé, qui ne peut se flétrir, réservé dans les cieux pour vous, qui par la vertu de Dieu êtes gardés au moyen de la foi pour le salut qui doit être révélé à la fin des temps." Et telle est la fin intentionnelle. Ou bien: Espère dans le Seigneur, c'est-à-dire en Dieu, à savoir dans le secours du Seigneur: "Vous qui craignez Dieu, espérez en lui, et sa miséricorde vous viendra en joie."

- Ensuite il dit qu'il fait des efforts pour atteindre cette fin en faisant le bien; et c'est pourquoi il ajoute: et fais le bien, c'est-à-dire toutes les oeuvres vertueuses: "Détourne-toi du mal et fais le bien."

b. Puis lorsqu'il dit: et habite la terre, il montre où ces richesses doivent être recherchées. Cela ne peut s'entendre de la terre matérielle, parce que les hommes injustes l'habitent également; mais on explique cela en l'appliquant à quatre sortes de terre: et d'abord à la terre des vivants, qui est une terre de gloire: "Je crois que je verrai les biens du Seigneur dans la terre des vivants", que tu habites par désir: "Notre cité est dans les cieux." Il s'agit aussi de la terre de ton âme: "Mais ce qui tombe dans la bonne terre, ce sont ceux qui écoutent la parole, la conservent dans un coeur bon et excellent, et portent du fruit par la patience", et tu habites toujours celle-ci en revenant à la conscience: "Entrant dans ma maison, je me reposerai avec elle." La troisième terre est l'Église militante: "Tu as visité la terre, et tu l'as enivrée: Tu as multiplié ses richesses", et tu habites celle-ci par la confession de la foi, en ne t'éloignant pas de l'Église. La quatrième terre est celle de ta propre chair: "Elle te produira des épines et des chardons", et tu habites celle-ci en extirpant les vices et en y semant les vertus.

c. Le psalmiste poursuit et montre que ces richesses sont accordées en abondance, lorsqu'il dit: et tu seras rassasié de ses richesses, soit de la Patrie céleste, soit de l'Église, soit des manifestations de joie, soit de l'abstinence de la chair. La version iuxta Hebraeos de Jérôme lit: "Pereginare in terra, et pascere fide (Voyage sur la terre, et nourris-toi de la foi)", c'est-à-dire sois comme un pèlerin en ne songeant pas aux choses terrestres, "et nourris-toi de la foi", en possédant les biens invisibles par la foi.

2. Ensuite il est question du plaisir spirituel, qui est promis, lorsqu'il dit:

4 Mets tes délices dans le Seigneur, et il t'accordera les demandes de ton coeur. 5 Révèle au Seigneur ta voie, espère en lui, et lui fera.

Et à ce propos il fait deux choses, selon qu'ici la joie qui procède des délices consiste en deux choses: dans l'obtention du désir, et dans l'accomplissement de l'intention: Révèle au Seigneur ta voie.

a. Il dit donc au sujet de l'obtention du désir: Mets tes délices dans le Seigneur, et il t'accordera les demandes de ton coeur. - "Un désir, s'il s'accomplit, réjouit l'âme." Si tu adhères à Dieu, le désir s'accomplit, car Dieu n'est pas l'auteur de l'injustice; c'est pourquoi il expose d'abord le fondement d'un juste désir, à savoir que l'homme mette ses délices en Dieu par amour; aussi dit-il: Mets tes délices dans le Seigneur, c'est-à-dire que tout ton amour soit en Dieu: "Réjouissez-vous toujours dans le Seigneur." En grec on lit: "Katatruphêson toû Kuriou (deliciare)", c'est-à-dire "mets ta sensualité dans le Seigneur", autrement dit: Ne te contente pas des choses nécessaires au salut, mais recherche une surabondance de choses exquises, à la manière dont les hommes sensuels ne se contentent pas des nourritures ordinaires: "Alors tu abonderas en délices dans le Tout-Puissant." Et alors, il accordera les demandes de ton coeur, non celles de ta chair: car les demandes du coeur, selon Origène, sont celles que le coeur désire: selon lui, si à la faveur de la parole, l'oeil pouvait demander, il désirerait les belles couleurs; l'oreille, quant à elle, les sons agréables: ainsi l'objet du coeur, lorsqu'il est question de vérité et de justice, est-il désiré par lui. Et il t'accordera ces choses, dit-il: "Demandez, et il vous sera donne." Ou bien, du coeur, dit-il, c'est-à-dire que lorsqu'elles émaneront du coeur, Dieu les exaucera, avant qu'il ne crie: "Et il arrivera qu'avant qu'ils crient, moi je les exaucerai."

b. À propos de la seconde chose, c'est-à-dire de l'accomplissement de l'intention, il dit: Révèle au Seigneur ta voie. Car lorsque l'intention de quelqu'un se réalise, alors il se réjouit. Pour cet accomplissement deux choses sont a priori nécessaires:

- D'abord, qu'il recoure à Dieu.

- Puis, qu'il mette sa confiance en lui: et c'est alors qu'enfin l'intention se réalise.

- Ainsi dit-il: Révèle au Seigneur ta voie, c'est-à-dire ton intention, quant à la première chose. Mais Dieu n'en a-t-il pas connaissance, lui qui connaît les pensées des hommes ? Le psalmiste s'exprime au moyen d'une comparaison: Révèle au Seigneur ta voie, c'est-à-dire recours à lui pour l'accomplissement de ton intention; et cela dans la prière: "Je t'ai exposé mes voies, et tu m'as exaucé; enseigne-moi tes justifications." Car n'importe quelle affaire doit toujours commencer par la prière, comme le dit aussi Platon, et comme le faisait Scipion.

- Mais à ta demande tu ajouteras l'espérance; et c'est pourquoi il dit: espère en lui, en parlant de la seconde chose, c'est-à-dire de sa confiance en lui. Et alors enfin ta demande sera réalisée. Et c'est ce qu'il ajoute: et lui fera, c'est-à-dire accomplira tes voies.

Ou d'une autre manière: Révèle au Seigneur ta voie, c'est-à-dire tes péchés: "J'exposerai mes voies en sa présence. Et lui-même sera mon sauveur." Et c'est pourquoi il dit bien: espère en lui, c'est-à-dire le pardon des péchés, et lui fera, c'est-à-dire remettra tes péchés.

3. Enfin ce qu'il promet, c'est la gloire, lorsqu'il dit:

6 Il fera éclater ta justice comme la lumière, et ton jugement comme le milieu du jour. 7a Sois soumis au Seigneur, et prie-le.

a) Ici le psalmiste promet d'abord la gloire.

b) Puis il montre comment on parvient à celle-ci: Sois soumis au Seigneur.

a. En promettant la gloire il fait deux choses.

- Car il commence par promettre la gloire qu'il obtient.

- Puis il montre le moyen de l'obtenir: et ton jugement.

- Ainsi dit-il: Et il fera éclater ta justice comme la lumière. Les saints cachent sa justice: "Prenez garde à ne pas faire votre justice devant les hommes, pour être vus d'eux." Mais "il n'est rien de caché qui ne se révèle, ni de secret qui ne se sache." Aussi Dieu révèle-t-il, soit ici-bas, soit dans la vie future; et c'est pourquoi il dit: fera éclater, c'est-à-dire fera sortir au-dehors: "Il a scruté les profondeurs des fleuves, et il a produit à la lumière des choses cachées." Selon Origène, c'est comme si quelqu'un ayant un fidèle serviteur, qu'il a l'intention d'affranchir, se glorifie en lui: "Mon serviteur, c'est toi, Israël, parce qu'en toi je me glorifierai."

- Et cela aura lieu au jugement; d'ou ce qui suit: et ton jugement comme le milieu du jour, c'est-à-dire que le jugement où tu seras jugé ne contiendra pas de ténèbres. Or deux choses sont requises pour celui qui veut parvenir à la gloire qui est promise.

b. La première, c'est l'humilité: "Celui qui aura été humilié sera dans la gloire; et celui qui aura baissé les yeux, celui-là même sera sauvé."

Aussi dit-il: Sois soumis au Seigneur. - "Il est juste d'être soumis à Dieu et qu'un mortel ne se croie pas égal à Dieu."

La seconde, c'est la prière par laquelle on parvient à Dieu, qui est la gloire de notre béatitude; et c'est pourquoi il ajoute: et prie-le. - "La prière du juste peut beaucoup."

7b N'envie pas celui qui prospère dans sa voie, l'homme qui commet des injustices.

III. Plus haut le psalmiste a donné deux raisons pour lesquelles il ne faut ni envier, ni jalouser les pécheurs: et la première raison était du côté des pécheurs, dont la félicité est brève; tandis que l'autre raison est du côté des bons, parce que les promesses leur sont meilleures; mais ici le psalmiste les explique en détail.

A) Et il dit d'abord ce qui résulte de la première raison.

B) Puis ce qui résulte de l'excellence des justes; cependant les deux points se confondent ici: 16 Mieux vaut au juste un bien modique, que les grandes richesses des pécheurs.

A. En disant ce qui résulte de la première raison, c'est-à-dire du côté des pécheurs, le psalmiste fait deux choses.

1) Il commence par réitérer sa sentence et il fait connaître la raison qu'il a l'intention de justifier.

2) Puis il justifie cette raison: Renonce à la colère et laisse la fureur.

1. Ainsi dit-il: N'envie pas celui. Il répète ici la sentence qu'il a exposée plus haut, et il explicite ce qu'il avait dit: N'envie pas ceux qui font le mal. Or quelqu'un pourrait se demander pourquoi il interdit chez eux le fait de devoir envier. Je réponds que la prospérité temporelle est la raison; et c'est pourquoi il dit: N'envie pas, c'est-à-dire ne t'indigne pas contre celui qui prospère dans sa voie, l'homme qui commet des injustices. Ce qui peut se comprendre conjointement de la manière suivante: N'envie pas, etc., autrement dit: celui qui commet l'injustice prospère, [et] même les justes s'en émeuvent: "J'ai porté envie aux [hommes] iniques, voyant la paix des pécheurs." Semblablement cela peut se lire séparément: et ainsi il y a deux raisons pour lesquelles il s'indigne contre eux. La première, parce que toutes choses prospèrent pour eux à souhait; et c'est pourquoi il dit: celui qui prospère, c'est-à-dire si tu vois que ceux-ci prospèrent: "La prospérité des insensés les perdra." De même, si tu vois qu'ils l'emportent sur les justes, ne t'indigne pas. Ainsi disait Baruch: "Prends courage, peuple de Dieu, souvenir d'Israël [...] Ils périront les méchants qui t'ont tourmenté; et ceux qui se sont félicités de ta ruine seront punis." Et c'est pourquoi il dit: et l'homme qui commet des injustices.

8 Renonce à la colère et laisse la fureur: n'envie pas [les méchants] pour faire le mal. 9 Parce que ceux qui font le mal seront exterminés; mais ceux qui attendent avec constance le Seigneur, ceux-là mêmes hériteront de la terre.

2. Ensuite lorsqu'il dit: Renonce, il justifie la raison de l'avertissement précité, et celle-ci est double.

a) La première est du côté de celui à qui s'adresse l'avertissement.

b) L'autre est du côté des pécheurs: 10 Encore un peu de temps.

a. En parlant de la première raison, il fait deux choses.

· Car il montre d'abord le péril présent, s'il n'acquiesce pas à l'avertissement.

· Puis le péril futur: n'envie pas [les méchants] pour faire le mal.

· En traitant du premier péril il expose: d'abord le péril lié à la faute; puis celui qui est lié au châtiment: Parce que ceux qui font le mal.

À propos du péril lié à la faute il fait deux choses. Car il commence par exposer la faute de ceux qui pèchent; puis la récompense de ceux qui attendent avec constance le Seigneur: mais ceux qui attendent avec constance le Seigneur.

Ainsi dit-il: Renonce à la colère. Tel est le péril présent, car l'indignation est de la colère, et la colère elle-même est un mal: "Que toute amertume, toute colère, toute indignation, toute clameur et toute calomnie soit bannie de vous, avec toute malice." Et c'est pourquoi il dit: Renonce à la colère. - "La colère de l'homme n'opère point la justice de Dieu." La colère et la fureur sont une même chose, mais elles se différencient entre elles selon qu'elles se manifestent avec plus ou moins de force, car la fureur n'est rien d'autre que la colère enflammée: "Le choc impétueux d'un emporté, qui pourra le soutenir ?" Donc, renonce à la colère, dans le coeur, et laisse la fureur, c'est-à-dire ne la mets pas en oeuvre.

· N'envie pas [les méchants] pour faire le mal. Tel est le péril futur lié à la faute. Car lorsque quelqu'un s'indigne à cause de la prospérité des autres, il s'écarte quelquefois de la justice; et c'est pourquoi il dit: N'envie pas [les méchants] pour faire le mal, c'est-à-dire de peur que peut-être ce sentiment ne t'amène à commettre une injustice: "Vain est celui qui sert Dieu: et quel a été notre avantage pour avoir gardé ses préceptes ?"

Parce que ceux qui font le mal. Tel est le péril futur lié au châtiment. Remarquez que tous les pécheurs font le mal. Car lorsque quelqu'un pèche, ou par faiblesse, ou par ignorance, il ne fait pas le mal: mais lorsque quelqu'un pèche par choix, alors il fait le mal. Les premiers se corrigent facilement, mais les derniers difficilement: "Les pervers difficilement se corrigent." Et c'est pourquoi il dit: seront exterminés, c'est-à-dire seront établis en dehors des frontières, à savoir de la justice et du bien: "Il le chassera de la lumière dans les ténèbres, et il le transportera hors de l'univers." Ainsi seront exterminés ceux qui font le mal.

mais ceux qui attendent le Seigneur, c'est-à-dire ceux qui ne s'indignent pas de telle sorte qu'ils font le mal, mais qui l'attendent dans le futur, ceux-là mêmes hériteront de la terre, c'est-à-dire des vivants, car ils la posséderont par droit héréditaire, comme des héritiers: "Si nous sommes enfants, nous sommes aussi héritiers; héritiers de Dieu et cohéritiers du Christ, pourvu cependant que nous souffrions avec lui, afin d'être glorifiés avec lui." Et cette patrie céleste est appelée terre en raison de sa stabilité: "La terre pour toujours reste debout." Et comme le dit Augustin, de même que notre terre se tourne vers le ciel, ainsi la vie supérieure des bienheureux se tourne plus haut vers le ciel, c'est-à-dire vers Dieu, par qui elle est illuminée et fécondée: "La cité n'a pas besoin du soleil ni de la lune pour l'éclairer, parce que l'éclat glorieux de Dieu l'éclaire, et que sa lampe est l'Agneau."

10 Encore un peu de temps, et le pécheur ne sera plus: et tu chercheras son lieu, et tu ne le trouveras pas.

b. Ensuite lorsqu'il dit: Encore un peu de temps, il donne la raison de son avertissement du côté des méchants: et à ce propos il fait deux choses.

Car il avait dit: N'envie pas celui qui prospère dans sa voie, l'homme qui commet des injustices.

- Il donne donc d'abord la raison pour laquelle il ne faut pas envier leur prospérité.

- Puis la raison pour laquelle il ne faut pas envier leur injustice: Le pécheur observera le juste.

- En traitant le premier point il fait deux choses.

· Car il commence par faire connaître le péril imminent des méchants.

· Puis le fruit des justes: Mais les hommes doux hériteront de la terre, car un contraire se fait mieux connaître par ses contraires.

· En parlant du péril imminent des méchants il fait deux choses.

Car il prédit d'abord leur destruction proprement dite.

Puis celle de leur lieu: et tu chercheras.

Ainsi dit-il en parlant d'eux-mêmes: Encore un peu de temps, et le pécheur ne sera plus.

Mais s'il ne sera plus, il ne souffrira donc pas des châtiments éternels.

Je réponds à cette objection en disant qu'il ne sera pas dans la gloire dans laquelle il est à présent, mais en enfer: "Celui qui descend dans les enfers ne montera pas. Il ne reviendra plus dans sa maison, et son lieu ne le connaîtra plus", car il est une très petite chose.

Il arrive cependant que les pécheurs soient renversés en peu de temps: "La vie de toute-puissance est courte." Mais même si durant tout le temps de leur vie ils sont dans la prospérité, ce temps comparé à l'éternité n'est encore rien et une très petite chose: "Encore un peu de temps, et moi j'ébranlerai ensemble le ciel et la terre."

Mais quant au lieu il dit: et tu chercheras son lieu, et tu ne le trouveras pas.

Ce lieu peut être expliqué de trois manières.

En effet ce mot lieu peut d'abord signifier l'opportunité: car on dit de quelqu'un, lorsqu'il possède un lieu, qu'il a une opportunité. Or le pécheur a son lieu en ce monde: car il est au moins opportun pour l'ascèse des justes. Mais lorsque cette ascèse cessera, alors il n'aura pas de lieu; et c'est pourquoi il sera enlevé par les justes.

Puis, parfois quelqu'un ne cesse pas de pécher, et cependant son lieu demeure. Mais finalement son lieu aussi ne restera pas, et ne sera pas trouvé. Où est à présent le roi des Assyriens ? Où est Néron ? Et finalement tous les royaumes de ce monde seront anéantis: "La fin suivra, lorsqu'il aura remis le royaume à Dieu et au Père: qu'il aura anéanti toute principauté, toute puissance."

Enfin, selon Origène, le lieu du pécheur c'est ce sur quoi il se repose, là où se trouvent les réalités temporelles et terrestres: donc son lieu est ce monde. Mais celui-ci passera: "Le ciel et la terre passeront; mais mes paroles ne passeront point." Et c'est pourquoi si nous établissons notre lieu en elle, ce lieu ne passera pas.

11 Mais les hommes doux hériteront de la terre; et ils jouiront d'une abondance de paix.

· Ensuite lorsqu'il dit: les hommes doux, il expose le fruit des justes. Or celui-ci est double.

C'est pourquoi il expose d'abord le fruit des richesses.

Puis le fruit des jouissances: et ils jouiront.

C'est en effet cela que les hommes désirent en ce monde, et l'un et l'autre bien est promis aux justes.

Ainsi dit-il: "Les hommes doux hériteront de la terre". Par hommes doux il signifie les justes qui gardent leur coeur dans la pureté. Et parce qu'il n'est rien qui mette à ce point l'homme hors de lui que la colère, et que la mansuétude la tempère, c'est pourquoi il appelle les justes des hommes doux. La version iuxta Hebraeos de Jérôme lit: "Mites (Doux)."

- "Bienheureux ceux qui sont doux, parce qu'ils posséderont la terre", c'est-à-dire que la terre des vivants leur sera donnée en possession. Augustin dit contre Valentin que le Christ n'a rien reçu de l'Ancien Testament quant aux promesses; ce que Matthieu manifeste clairement. En effet, dans l'Ancien Testament, on ne promettait que des biens temporels et terrestres. Tel est le sens littéral. Les hommes doux cependant habitent cette terre, parce que ceux-là se souillent qui souillent les autres. Mais les hommes doux ne souillent personne. Ils ne doivent donc pas à juste titre être souillés par les autres. Mais cependant ils hériteront spécialement de cette terre des vivants, comme on l'a déjà dit.

Puis sont exposées leurs jouissances: "Et ils jouiront d'une abondance de paix". Car cette paix est très délectable. Et il dit: "D'une abondance", parce que là règne une paix considérable; tandis qu'ici-bas ont lieu des guerres. C'est en effet quelque chose qui a lieu chez les hommes, tandis que là cela n'aura pas lieu, puisque tous seront pacifiés dans l'unité: "Mon peuple se reposera dans la beauté de la paix, dans des tentes de confiance, et dans un repos opulent." Semblablement ici-bas il y a la guerre contre la chair qui convoite contre l'esprit: "La chair convoite contre l'esprit, et l'esprit contre la chair: en effet, ils sont opposés l'un à l'autre, de sorte que vous ne faites pas tout ce que vous voulez." Mais alors ils auront la paix entre eux: "Tu sauras que ta tente a la paix." De même la volonté est divisée contre elle-même par ses désirs divers; mais là elle ne sera pas divisée, mais unie dans le Seigneur: "C'est dans la paix qu'a été fait son lieu: et son habitation dans Sion." Semblablement ici-bas il y a la guerre contre Dieu à cause des péchés: "Tes péchés ou tes iniquités ont mis une séparation entre toi et ton Dieu"; mais là tous auront la paix avec lui: "Réconcilie-toi avec lui, et fais la paix; et par là tu auras des fruits excellents."

12 Le pécheur observera le juste, et grincera des dents contre lui.

- Le psalmiste a exposé plus haut une première raison pour laquelle les hommes de Dieu ne doivent pas s'indigner contre le pécheur, à savoir parce que sa prospérité n'est pas stable; ici il en expose une autre, à savoir parce que les pécheurs ne peuvent pas nuire aux justes: et à cet égard il fait deux choses.

a) Car il fait d'abord connaître leur malice, celle qu'ils méditent dans leur coeur contre les justes.

b) Puis leur tentative extérieure: Les pécheurs ont tiré le glaive.

a. En traitant du premier point il fait deux choses, en tant que leur malice intérieure est double.

· Car il montre d'abord que les méchants tendent des embûches aux bons.

· Puis, qu'ils s'agitent contre eux: et [il] grincera.

· Ainsi dit-il: Le pécheur observera le juste, pour voir si éventuellement il peut faire quelque chose contre lui: "Il arriva que, comme Jésus était entré un jour de sabbat dans la maison d'un chef des pharisiens pour y manger du pain, ceux-ci l'observaient." Ainsi les pécheurs observent les bons en leur tendant des embûches, et en pervertissant leur saint zèle. Car ils tendent des embûches à l'Église en changeant le bien en mal, etc. Mais contre cette attitude il est dit: "Ne dresse pas d'embûches, et ne cherche pas l'impiété dans la maison du juste, et ne détruis pas son repos."

· Puis ils s'agitent contre le juste. Car ils disent: "Sa vue nous est même à charge, parce que sa vie ne ressemble pas à la vie des autres et que ses voies ont été changées." C'est pourquoi il dit: il grincera des dents contre lui, c'est-à-dire les pécheurs se mettront en colère. Il parle à la manière des méchants: "Le pécheur verra, et il sera irrité, il grincera des dents, et se consumera; le désir des pécheurs périra." - "Ils grinçaient des dents contre [Étienne]."

13 Mais le Seigneur se rira de lui, parce qu'il voit que viendra son jour.

Ensuite lorsque le psalmiste dit: Mais le Seigneur se rira, il montre que leur malice n'a pas l'effet attendu, car ils sont raillés par Dieu: et à ce propos il fait deux choses.

· Car il expose d'abord sa raillerie.

· Puis sa justification: parce qu'il voit.

· Ainsi dit-il: le Seigneur se rira de lui, c'est-à-dire le rend ou le considère digne d'être raillé.

· Et sa justification vient de ce que le Seigneur le voit s'appliquer à de grandes choses, alors qu'il sait qu'il doit bientôt mourir; et c'est pourquoi il ajoute: parce qu'Il voit que viendra son jour, c'est-à-dire avec évidence; et c'est pour lui un jour de redevance, c'est-à-dire de condamnation: "Vous reconnaîtrez que [...] le méchant est réservé pour le jour de perdition, et qu'il sera conduit jusqu'au jour de la fureur." C'est à ce jour qu'il fait allusion ici. Vous ne devez pas vous soulever contre eux, dit le psalmiste, parce qu'ils ne peuvent pas l'emporter contre vous.

14 Les pécheurs ont tiré le glaive: ils ont tendu leur arc, afin de tromper le pauvre et l'homme sans ressources, afin de tuer les [hommes] droits de coeur. 15 Que leur glaive entre dans leur propre coeur, et que leur arc soit brisé.

b. Puis lorsqu'il dit: Les pécheurs ont tiré le glaive, il ajoute la tentative extérieure des méchants: et à ce propos il fait trois choses.

- Car il montre d'abord leur tentative.

- Puis leur dessein attendu: afin de tromper.

- Enfin le résultat de cette tentative: Que leur glaive.

- En montrant d'abord leur tentative il fait deux choses, en tant que leur tentative contre les bons est double.

· Car il montre d'abord leur tentative par une persécution ouverte.

· Puis par une manoeuvre fourbe: ils ont tendu leur arc.

· En parlant de leur tentative par une persécution ouverte il dit donc: Les pécheurs ont tiré le glaive. Par glaive on entend toute persécution ouverte en acte: "Seigneur, si nous frappions du glaive." Le glaive est aussi appelé persécution en parole: "Les fils des hommes, leurs dents sont des armes et des flèches, et leur langue un glaive acéré." Et ce glaive est le glaive du diable qui tue des multitudes par la langue de l'homme. Mais ce glaive est dans son fourreau, aussi longtemps que la parole est dans le coeur; mais quand elle est proférée, il est comme déjà dégainé. Il faut donc faire attention d'abord à ce que nous ne l'ayons pas. Puis, dans la mesure où il se trouverait en notre possession, à ce que nous ne le dégainions pas. Car s'il est conservé dans la gaine, il commence par contracter la rouille, enfin finit par se détruire, et la haine se refroidit tout comme la volonté d'injurier.

· En parlant de leur manoeuvre fourbe il dit: ils ont tendu leur arc. L'arc frappe de loin, et celui qui tire avec lui n'est pas vu comme celui qui frappe avec un glaive: et c'est pourquoi l'arc signifie la persécution fourbe.

- Ensuite il montre ce qu'ils se proposent d'accomplir, lorsqu'il dit: afin de tromper. À cet égard il fait deux choses selon qu'ils ont une double intention.

· Car ils ont d'abord l'intention de tromper.

· Puis de tuer: afin de tuer.

· Ainsi dit-il: afin de tromper le pauvre et l'homme sans ressources. Tromper se fait par un acte fourbe: "Lui-même connaît et celui qui trompe et celui qui est trompé." Mais il ajoute: le pauvre et l'homme sans ressources. Le pauvre est celui qui a peu; l'homme sans ressources est celui qui est privé de moyens. Ou bien selon la Glose: le pauvre est celui qui ne se suffit pas à lui-même; mais l'homme sans ressources est celui qui n'est pas soutenu par les moyens d'autrui. Et il dit cela, parce que ces derniers ne trouvent personne pour subvenir à leurs nécessités.

· Le meurtre est signifié par le glaive, soit au sens matériel, soit au sens spirituel: "Ils sont morts frappés par le glaive."

- Mais le résultat de leur tentative est qu'il se retourne contre leur tête.

· Et il montre d'abord cela quant au glaive, en disant: Que leur glaive entre dans leur propre coeur, etc. Toi, tu tires le glaive contre autrui, et tu ne le frappes pas avec force, parce que tu ne peux lui nuire avec violence; cependant au sens spirituel, toi tu en es frappé: "Eux aussi à leur propre sang dressent des embûches, et machinent des fraudes contre leurs propres âmes."

· Puis il montre cela quant à l'arc; c'est pourquoi il dit: et que leur arc soit brisé. - "Là il a brisé la puissance des arcs, le bouclier, le glaive et la guerre." Et cela aura lieu lorsque sera anéantie leur fourberie, afin qu'ils ne puissent accomplir ce qu'ils ont commencé: C'est Dieu "qui dissipe les pensées des méchants, afin que leurs mains ne puissent accomplir ce qu'elles avaient commencé".

16 Mieux vaut au juste un bien modique, que les grandes richesses des pécheurs.

B. Plus haut le psalmiste donne la raison pour laquelle nous ne devons pas envier les méchants et leur prospérité, raison fondée sur leur renversement; mais ici il donne une raison fondée sur la conduite des justes.

1) Et il montre d'abord leur dignité.

2) Puis il ajoute une exhortation à suivre la justice: 34 Attends-le Seigneur, etc.

1. En montrant la dignité des justes il fait deux choses.

a) Il commence par faire connaître son intention.

b) Puis il manifeste ce qu'il a fait connaître: 18 Le Seigneur connaît.

a. Ainsi dit-il: Mieux vaut au juste, etc. Son intention est de prouver que les biens des justes l'emportent sur les biens des pécheurs. Et ainsi, possédant moins, ils ne jalousent pas ceux qui possèdent davantage; c'est pourquoi: Mieux, etc., autrement dit: il arrive au juste de posséder peu et au pécheur d'avoir assez.

Mais que signifie le mot mieux ?

Il répond qu'il vaut mieux que les justes aient peu: "Mieux vaut peu avec la justice que beaucoup de fruits avec l'iniquité."

La justification de ceci est due au fait que les justes ont l'intelligence du bien, en ce sens qu'ils possèdent seulement les biens qui sont utiles à la fin et non en vue d'une autre chose. Car ils ne sont bons que dans la mesure où ils sont utiles; or quand ils commencent à être nuisibles, ils ne sont plus bons. Ainsi en est-il de la médecine, si tu la prends plus qu'elle n'est nécessaire à la santé, alors elle n'est pas bonne. Ainsi les biens du monde ne sont bons que dans la mesure où ils servent matériellement à la vertu. Donc quand tu possèdes seulement des biens qui suffisent à la vertu, ils sont bons; mais s'ils détournent de la vertu, ils sont mauvais: et c'est pourquoi il vaut mieux avoir peu de ces biens avec la justice, parce que c'est bon, qu'une multitude avec l'injustice, car cette possession est alors mauvaise. Et on doit comprendre cela également à propos de toutes les autres richesses spirituelles, c'est-à-dire qu'il vaut mieux avoir peu de sagesse avec la justice; et il en est de même pour les autres richesses spirituelles.

17 Parce que les bras des impies seront brisés; mais le Seigneur affermit les justes.

Ensuite lorsqu'il dit: Parce que, il prouve que c'est mieux. Il y a à cela une triple raison.

- D'abord du côté de la longueur du temps.

- Puis de l'utilité: 21 Le pécheur empruntera.

- Enfin de la vertu: 30 La bouche du juste.

- En parlant de la longueur du temps il fait deux choses. Car il commence par exposer l'écrasement des méchants. Puis la fermeté des bons.

Ainsi dit-il: Parce que les bras des impies, autrement dit: la modicité des biens des justes est meilleure que la multitude des biens des impies, car ils sont stables, tandis que les leurs ne le sont pas. Et tel est ce qu'il dit: Parce que les bras. Les noms des membres corporels désignent les puissances. Donc par le nom du bras est signifié la puissance efficace de l'homme: c'est pourquoi le psalmiste dit: les bras des impies seront brisés, c'est-à-dire leur puissance efficace sera détruite: "La lumière des impies leur sera ôtée, et leur bras élevé sera brisé." Mais ce bras sera brisé parfois par Dieu, parfois par le diable, parfois simultanément par l'un et par l'autre. Il sera brisé par Dieu, lorsque l'impie a l'intention de nuire aux justes, et il sera empêché dans son dessein: "Il dissipe les pensées des méchants, afin que leurs mains ne puissent accomplir ce qu'elles avaient commencé." Mais par le diable, lorsque l'homme se propose de faire le bien, et en est empêché par Satan: "Nous avons voulu venir vers vous, mais Satan nous en a empêchés", comme lorsque quelqu'un se propose de faire l'aumône et en est détourné par la cupidité. Mais simultanément par l'un et par l'autre: par Dieu, indubitablement, dans le but d'éprouver par son autorité, mais par le diable dans l'exécution, comme on le voit dans le livre de Job.

Puis lorsqu'il ajoute: mais [il] affermit, il montre que les justes durent longtemps, sont fermes et stables. Ainsi dit-il: mais le Seigneur affermit les justes. Bien que la justice soit une puissance et une fermeté de l'âme, elle ne se trouve cependant pas naturellement dans l'homme; aussi est-il écrit: "Que nulle chair ne se glorifie en sa présence. Et c'est par lui que vous êtes dans le Christ Jésus, que Dieu a fait notre sagesse, notre justice, notre sanctification et notre rédemption; afin, comme il est écrit, que celui qui se glorifie, se glorifie dans le Seigneur." Car l'homme en soi est devenu infirme: "Aie pitié de moi, ô Dieu, parce que je suis infirme." Et c'est pourquoi il a besoin d'être conforté par quelqu'un, surtout par Dieu, parce qu'il est précisément affermi, parfois dans les réalités temporelles, dans la mesure où cela est utile au juste pour son salut; mais toujours dans les réalités spirituelles, et cela par la grâce intérieure. Semblablement par de bonnes paroles. Pareillement par de bons exemples.

À propos de la grâce il est écrit: "Je désire vous voir pour vous communiquer quelque chose de la grâce spirituelle, afin de vous affermir." - "Que Notre Seigneur Jésus-Christ lui-même, et que notre Dieu et Père, qui nous a aimés et nous a donné une consolation éternelle et une bonne espérance par sa grâce, ranime vos coeurs et vous affermisse en toute bonne oeuvre et toute bonne doctrine." - "Rends-moi la joie de ton salut, et par ton esprit souverain confirme-moi."

À propos des paroles il est écrit: "Mon âme s'est assoupie d'ennui; affermis-moi par tes paroles." - "Judas et Silas, comme ils étaient aussi prophètes, par de nombreux discours, consolèrent et affermirent les frères."

À propos des bons exemples il est écrit: "Quand tu seras converti, affermis tes frères." - "Le Christ a souffert pour nous, vous laissant un exemple, afin que vous suiviez ses traces; lui qui n'a pas commis de péché, et en la bouche de qui n'a pas été la tromperie; etc." Et c'est pourquoi l'Apôtre écrit plus loin: "Le Dieu de toute grâce, qui nous a appelés par le Christ Jésus à son éternelle gloire, après que vous aurez souffert un peu de temps, vous perfectionnera lui-même, vous fortifiera et vous affermira." Le juste est affermi par l'exemple de la croix, au sujet de laquelle Augustin écrit dans ses Enar-rationes sur ce psaume: "Car la croix a cessé d'être un supplice, mais sa gloire demeure: du lieu des supplices elle a passé sur le front des empereurs. Cependant celui qui a donné de l'honneur à ses supplices, que réservera-t-il à ses serviteurs ?"

18 Le Seigneur connaît les jours des [hommes] sans tache, et leur héritage sera éternel.

b. Ensuite lorsqu'il dit: Le Seigneur connaît, il manifeste ce qu'il a fait connaître.

Et il parle d'abord de la stabilité des justes. Puis de l'écrasement des injustes: 20 Parce que les pécheurs périront.

Or les justes sont affermis par Dieu de deux manières: car leurs biens sont d'abord rendus stables; puis ils sont protégés contre les méchants: 19 Ils ne seront point confondus. Mais le bien ultime est double: et dans l'un comme dans l'autre bien les justes trouvent leur stabilité. En parlant du premier bien il dit: Le Seigneur connaît. En parlant du second il dit: et leur héritage.

Ainsi dit-il: Le Seigneur connaît. "Tout est à nu et à découvert aux yeux de celui dont nous parlons." Mais principalement parce que l'homme sans tache lui a été associé et lui est devenu familier: "Le Seigneur connaît ceux qui sont à lui", et ceux qu'il approuve: et c'est dans ce sens qu'il est dit ici: Le Seigneur connaît, c'est-à-dire approuve, les jours des [hommes] sans tache.

Mais il est écrit dans le livre de Job: "Qu'est-ce qu'un homme, pour qu'il soit sans tache, et paraisse juste, étant né d'une femme ?"

Je réponds à cette objection en disant qu'il est vrai que personne n'est naturellement sans tache, si par tache on entend le péché mortel; mais cependant par la grâce, il l'est. En revanche si par tache on entend le péché originel, alors personne n'est sans tache.

les jours peuvent se comprendre de trois manières.

Car il s'agit d'abord des jours de la vie présente; et bien qu'ils soient communs aux bons et aux mauvais, cependant ceux-ci sont bien utilisés par ces bons: "Abraham mourut dans une heureuse vieillesse, étant d'un âge fort avancé, et plein de jours." Mais les impies utilisent mal ces jours: "Les hommes de sang et trompeurs n'arriveront pas à la moitié de leurs jours." Et parce que les jours des justes sont remplis, ils sont approuvés, tandis que les jours des méchants seront réduits de moitié, et c'est pourquoi ils ne seront pas approuvés. Semblablement ces jours sont aussi mauvais et peu nombreux, mais Dieu les connaît. D'autres jours sont les oeuvres vertueuses: "Comme durant le jour, marchons honnêtement", et ces jours sont approuvés par Dieu. D'autres sont les jours de l'éternité et de la justice: et ceux-ci sont les jours des justes, mais sont connus de Dieu seul: "L'oeil n'a pas vu, ô Dieu, toi excepté, ce que tu as préparé à ceux qui t'attendent."

Il montre le bien final lorsqu'il dit: et leur héritage sera éternel. On appelle héritage ce en quoi quelqu'un trouve un appui et une fin. Les justes auront leur fin dans le bien éternel: "Le Seigneur est la part de mon héritage, et de ma coupe." - "Mon partage est le Seigneur, a dit mon âme; à cause de cela je l'attendrai." Et c'est pourquoi leur héritage ne peut disparaître. Mais les impies mettent leur fin dans les choses mondaines: "Laissons partout des marques de réjouissance, parce que c'est là notre partage et notre sort"; et c'est pourquoi leur héritage ne demeure pas. Et il est écrit à leur sujet: "Béni soit Dieu, le Père de Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui selon sa grande miséricorde, nous a régénérés pour une vive espérance, par la résurrection de Jésus-Christ d'entre les morts, pour un héritage incorruptible, qui n'est pas souillé, qui ne peut se flétrir, réservé dans les cieux pour vous."

19 Ils ne seront point confondus au temps mauvais, et dans les jours de famine, ils seront rassasiés. 20 Parce que les pécheurs périront, mais les ennemis du Seigneur, honorés et exaltés un moment, comme une fumée, s'évanouiront entièrement.

Ensuite lorsqu'il dit: ils ne seront point confondus, il montre comment les justes sont protégés contre les maux. Et cela de deux manières: car il y a un mal qui est opposé au bien, et un mal qui est dû à la privation du bien: et des jours de famine.

Ainsi il dit en parlant du premier mal: ils ne seront point confondus au temps mauvais, c'est-à-dire au temps de l'adversité: "C'est pour cela que [l'homme] prudent en ce temps-là se tiendra en silence, parce que le temps est mauvais." Car il y a un temps mauvais et doublement: ou bien il s'agit du temps présent, et c'est le temps de l'adversité; c'est pourquoi ils ne seront point confondus au temps mauvais, c'est-à-dire au temps de l'adversité. Car les méchants au temps de l'adversité seront confondus, non les bons: des lors, en effet, quiconque est confondu quand il perd ce en quoi il espère; mais quand demeure ce en quoi il espère, il n'est pas confondu. Or dans l'adversité se perdent les biens temporels, dans lesquels les bons n'espèrent pas; et c'est pourquoi ils ne seront pas confondus au temps de l'adversité. Ou bien il s'agit du temps à venir, au jour du jugement: et en ce temps-là les impies seront confondus en rougissant de leurs péchés: "Qu'ils soient confondus et qu'ils rougissent très promptement." - Mais les justes seront honores: "À ceux qui, par la persévérance dans les bonnes oeuvres, cherchent la gloire, l'honneur et l'immortalité, la vie éternelle."

Concernant le second mal, qui est dû à la privation du bien, il ajoute: et dans les jours de famine, ils seront rassasiés. Il y a trois explications à cela.

Au sens littéral on peut expliquer cela en l'appliquant à la famine temporelle: car Dieu a parfois prévu qu'une famine sévisse chez les infidèles, et chez les fidèles ils s'échangeaient alors entre eux ce qu'ils pouvaient avoir. Parfois aussi il est prévu par Dieu que les fidèles ne manquent de rien: "Dans la désolation et la famine tu riras." Ainsi Élie est "rassasié au temps de la famine". Cependant, pour nous mettre à l'épreuve on montre que la nécessité due à la famine a préoccupé des serviteurs de Dieu. Aussi l'Apôtre dit-il lui-même: "J'ai été [...] dans le travail et les soucis, dans des veilles nombreuses, dans la faim et la soif, dans les jeûnes fréquents, dans le froid et la nudité." Ou bien parce que les serviteurs de Dieu sont rassasiés en se contentant de peu: "Je sais être humilié, et je sais aussi vivre dans l'abondance (je me suis habitué partout et à tout); être rassasié et avoir faim; être dans l'abondance et dans l'indigence." En revanche les impies veulent beaucoup de choses et en cherchent beaucoup; et c'est pourquoi en ces jours de famine ils ne seront pas rassasiés.

On explique aussi cela en l'appliquant à la famine de la parole de Dieu. Et en ces jours les justes sont rassasiés par cette parole: "Bienheureux ceux qui ont faim et soif de la justice, parce qu'ils seront rassasies."

Ou enfin on l'explique en l'appliquant à la famine qui aura lieu dans la vie future, en ce lieu où les justes seront rassasiés, et les injustes auront faim: "Voilà que mes serviteurs mangeront, et vous, vous aurez faim." Dans un commentaire d'Origène que porte la Glose, il est écrit: "Celui qui n'amassait pas de la manne au sixième jour souffrait de la faim le septième jour." Or c'est maintenant le sixième jour, et c'est pourquoi celui qui n'amasse pas ici-bas souffrira alors de la faim (dans la vie future).

Ensuite lorsqu'il dit: Parce que les pécheurs périront, il montre comment les bras des pécheurs seront brisés. Et il expose trois choses. D'abord la chute des impies. Puis l'ordre du déroulement de leur chute. Enfin son mode: comme une fumée.

Ainsi dit-il: Parce que les pécheurs périront, autrement dit: les justes se sauvent parce que la perdition est due aux seuls pécheurs, tandis que le salut est réservé aux justes: "Il en brisera une multitude innombrable, et il en établira d'autres à leur place."

L'ordre du déroulement de leur chute consiste en ce qu'ils sont élevés en hauteur afin de tomber plus violemment: "Tu m'as élevé, et me posant comme sur le vent, tu m'as brisé entièrement." Et c'est pourquoi il dit: mais les ennemis du Seigneur, honorés et exaltés un moment. - "Tu les as renversé, tandis qu'ils s'élevaient."

Mais le mode est: comme une fumée, parce que si elle est dispersée, elle ne se renouvelle pas. Et tel est ce qu'il dit: comme une fumée, [ils] s'évanouiront entièrement. - "Qu'est-ce que votre vie ? c'est une vapeur qui paraît pour un temps."

21 Le pécheur empruntera et ne payera pas; mais le juste est compatissant, et il rendra. 22 Car ceux qui le bénissent hériteront de la terre, mais ceux qui le maudissent périront totalement.

- Le psalmiste a montré plus haut que la modicité des biens des justes surpasse la multitude des biens des méchants en raison de leur stabilité; mais ici il montre la même chose en raison de leur utilité.

· Et il montre d'abord que les biens des justes sont fructueux, tandis que pour ceux des méchants c'est le contraire.

· Puis il montre cela par l'expérience: 25 J'ai été jeune.

· Enfin il conclut sur son intention première: 27 Détourne-toi du mal.

· En parlant de la fécondité des biens des justes il fait deux choses, selon qu'un double fruit échoit à l'homme: car l'un est dû aux biens possédés, l'autre aux oeuvres qu'il accomplit. C'est pourquoi il montre d'abord que les biens fructueux sont bons quant aux biens possédés. Puis quant aux oeuvres accomplies: 23 Par le Seigneur.

En parlant de la fécondité des biens quant aux biens possédés, il fait deux choses.

Car il mentionne d'abord la fécondité des bons, et le contraire pour les méchants.

Ensuite il en donne la raison: ceux qui bénissent.

En traitant de la fécondité des bons il fait deux choses.

* Car il montre d'abord l'infécondité des méchants.

* Puis la fécondité des bons: mais le juste.

* Ainsi dit-il: Le pécheur empruntera. On interprète cela d'abord selon le sens littéral du texte.

Un double signe indique que quelqu'un est dépourvu de biens temporels. Le premier c'est lorsqu'il a besoin de consentir à un emprunt: "Lui te prêtera à usure, et toi, tu ne lui prêteras point." Et c'est pourquoi il dit: Le pécheur empruntera, c'est-à-dire recevra un emprunt. L'autre signe est indiqué lorsque quelqu'un a dépensé un emprunt, et ne peut le rendre; aussi dit-il: et ne payera pas. - "Mais s'il peut rendre, il s'en défendra, il rendra à peine la moitié de la totalité."

* Mais au contraire, un signe d'abondance montre qu'il possède, aussi donne-t-il gratuitement; d'où ce qu'il dit: mais le juste est compatissant, c'est-à-dire vient en aide gratuitement, avec miséricorde, à ceux qui sont dans la nécessité: "Dès mon enfance la compassion a crû en moi." Il y a un autre signe qui montre l'abondance, c'est lorsque l'homme est prompt à rendre ce qu'il doit; aussi dit-il: et il rendra, c'est-à-dire ce qui est dû: "Rendez à tous ce qui leur est dû."

Mais au fait que dit-il ? Les justes abondent-ils toujours en biens temporels, et les méchants non ? Au contraire il semble que ce soit l'inverse: "Dieu n'a-t-il pas choisi les pauvres en ce monde pour être riches dans la foi, et héritiers du royaume que Dieu a promis à ceux qui l'aiment ?" Mais Dieu, selon cette explication, parle selon l'économie de l'Ancien Testament, dans laquelle les biens temporels sont promis à ceux qui observent la loi, mais à ceux qui la transgressent les malheurs, afin qu'ils soient amenés au moins par les biens temporels vers les biens spirituels. Cependant dans ces biens sont signifiées des promesses spirituelles; et c'est pourquoi il faut les exposer aussi dans la mesure où l'Ancien Testament concerne le Nouveau Testament. Il faut donc donner à cela une explication plus élevée: Le pécheur empruntera et ne payera pas, etc. Un double emprunt peut s'y référer. Car l'homme emprunte quelque chose à Dieu, et quelque chose à un ministre de Dieu, c'est-à-dire à un homme. Or on dit que tout homme est pécheur.

Ainsi dit-il: empruntera, c'est-à-dire à Dieu, car "qu'as-tu que tu n'aies reçu ?" Et ceci est comme un emprunt: car Dieu nous donne des biens, pour que par ces biens nous croissions dans ce qui contribue à l'honneur de Dieu: "Pourquoi donc n'as-tu pas donné mon argent à la banque, afin que, moi revenant, je le reprisse avec usure ?" Et ainsi nous lui rendons par l'action de grâce. Mais Dieu a donné au pécheur des biens naturels; et parfois il lui accorde des biens temporels et spirituels: cependant le pécheur ne lui rend pas par le progrès spirituel et par l'action de grâce: "J'ai nourri des fils et je les ai élevés, mais eux m'ont méprise."

L'homme reçoit aussi un emprunt d'un ministre de Dieu. Car les dignitaires de l'Église et les docteurs sont des prêteurs. Il est aussi écrit dans Luc: "Appelant dix de ses serviteurs, il leur remit dix mines et leur dit: "Faites-les valoir jusqu'à mon retour"." Ils sont donc des négociants. Et donc le docteur donne un enseignement au peuple, comme s'il donnait de l'argent: "Les paroles du Seigneur sont des paroles pures, un argent éprouvé par le feu, purifié dans la terre, raffiné sept fois." Mais il donne les paroles du Seigneur, non les siennes. Et les bons restituent, parce qu'ils font ce qu'ils entendent; tandis que les méchants, non, parce qu'ils ne satisfont pas en obéissant: "Ils écouteront tes paroles, et ils ne les accompliront pas." Mais le juste, parce qu'il reçoit de Dieu, donne à autrui quoi que ce soit et de n'importe quelle manière: "Chacun de vous mettant au service des autres la grâce qu'il a reçue, comme de bons dispensateurs de la grâce multiforme de Dieu": et ainsi il sera compatissant; pareillement il sera remercié par Dieu, et ainsi il rendra: "Que rendrai-je au Seigneur pour tous les biens qu'il m'a faits ?"

Ensuite il en donne la raison: Car ceux qui le bénissent.

Cela a trois sens selon la Glose.

ceux qui le bénissent, c'est-à-dire ceux qui rendent grâce à Dieu en toutes choses et suivent ses ordres, hériteront de la terre, c'est-à-dire de la terre des vivants: "Qui sème dans les bénédictions moissonnera aussi dans les bénédictions", la vie éternelle.

Ou bien, selon le sens littéral: hériteront de la terre, c'est-à-dire la terre de la promesse. Et il s'adresse à un peuple charnel: "Si vous voulez, et que vous m'écoutez, vous mangerez les biens de la terre." Au contraire, ceux qui maudissent Dieu, c'est-à-dire non seulement en parole, mais en acte, ou bien occasionnellement, disparaîtront: "La voie des impies périra."

Origène explique cela autrement: Ceux qui le béniront, c'est-à-dire le juste, seront bénis. Car tout ce qui arrive au juste, Dieu l'accueille comme fait à lui-même: "Qui vous méprise, me méprise; mais qui me méprise, méprise celui qui m'a envoyé." - "Dans la mesure où vous avez fait à l'un de ces plus petits d'entre mes frères, c'est à moi que vous l'avez fait." Ils hériteront de la terre, due au juste: "Celui qui reçoit un juste en qualité de juste, recevra la récompense d'un juste." mais ceux qui le maudissent, à savoir le juste, "périront totalement".

- "Que celui qui te maudira soit lui-même maudit." Mais une version de Jérôme lit autrement: "Peccator deficit, ut non solvat; sed justus miseretur et retribuet (Le pécheur disparaît, puisqu'il ne paye pas; tandis que le juste a compassion et il rendra)." Ceux qui sont bénis par Dieu hériteront la terre: "La bénédiction du Seigneur fait les riches, et l'affliction ne s'alliera pas à eux." Mais les justes qui sont maudits par Dieu, c'est-à-dire punis, périront totalement; et c'est pourquoi ils sont stériles: "Maudite sera la terre en ton oeuvre."

23 Par le Seigneur les pas de l'homme seront dirigés, et il voudra sa voie. 24 Lorsqu'il tombera, il ne sera point brisé, parce que le Seigneur met sa main sous [lui].

Ensuite quand il dit: Par le Seigneur, il montre la fécondité des biens quant aux oeuvres. Or dans les oeuvres deux choses sont montrées.

En premier lieu leur prospérité.

Ensuite leur effet de relèvement: Lorsqu'il tombera.

Mais parce que la prospérité est due à l'élection de Dieu, on montre d'abord que c'est à cause de l'amour de Dieu. Puis à cause de l'homme aimé: et il voudra sa voie.

Ainsi dit-il: Par le Seigneur les pas de l'homme seront dirigés, c'est-à-dire que le cheminement de l'homme est dirigé par Dieu, parce que l'homme se dirige directement vers sa fin ultime. Or cela n'est pas naturel à l'homme: "Je sais, Seigneur, qu'à l'homme n'appartient pas sa voie, et qu'il n'est pas [donné] à l'homme de marcher et de diriger ses pas", mais à Dieu: "C'est à l'homme de préparer son âme, et au Seigneur de gouverner sa langue. Toutes les voies de l'homme sont ouvertes à ses yeux." - "Affermis mes pas dans tes sentiers, afin que mes pieds ne soient point ébranlés." Mais Dieu dirige les pas de l'homme dans la voie de la vérité à connaître, afin qu'il ne tombe pas dans l'erreur: "Dirige-moi dans ta vérité, et instruis-moi; parce que c'est toi qui es mon Sauveur, et que je t'ai attendu avec constance durant tout le jour." Et il dirige aussi dans la voie de la justice afin qu'il se détourne du mal et fasse le bien: "Dirige-moi dans une voie droite à cause de mes ennemis."

En parlant de la seconde cause il dit: et il voudra sa voie. Cela peut se comprendre de deux manières. Soit que l'on dise d'abord: l'homme dirigé par Dieu voudra sa voie, c'est-à-dire celle de Dieu, autrement dit: Dieu dirige l'homme, parce qu'il ne le contraint pas, mais il le fait marcher avec droiture et choisir le bien, et cela appartient à Dieu: "Car c'est Dieu qui opère en vous et le vouloir et le faire, selon sa bonne volonté." Ou bien autrement: et [le Seigneur] voudra, c'est-à-dire acceptera et récompensera sa voie, c'est-à-dire nos bonnes oeuvres: "Les voies qui sont à droite, le Seigneur les connaît."

Ensuite quand il dit: Lorsqu'il tombera, il montre la fécondité des biens dans les oeuvres quant à leur effet de relèvement: et à ce propos il fait deux choses.

* Car il expose d'abord le relèvement lui-même.

* Puis il en donne la cause et la raison: parce que le Seigneur met sa main sous [lui].

* Ainsi dit-il: Lorsqu'il tombera. La direction du voyageur est telle qu'il tombe quelquefois, mais celle du "compréhenseur" est telle qu'il ne tombe pas. Mais le voyageur, s'il vient à tomber, Dieu le relève; et c'est ce qu'il dit: il ne sera point brisé. Mais cela peut s'entendre d'une deuxième chute, c'est-à-dire de celle qui est due à l'adversité temporelle: "Comment des forts sont-ils tombés dans la bataille ?" Et ainsi si le juste tombé, il ne sera point brisé, parce qu'il supporte sa chute avec patience: "La patience rend les oeuvres parfaites, de manière que vous soyez parfaits, accomplis, et ne manquant de rien." Mais le pécheur, tandis qu'il tombe, sera brisé, parce qu'il est impatient. Ou bien il s'agit de la chute due au péché véniel, car il n'est personne qui ne commette quelquefois un tel péché: "Nous faisons tous beaucoup de fautes." Et en voici le sens: s'il vient à tomber de cette chute, il ne se brisera pas étant donné qu'il ne pèche pas mortellement; aussi est-il écrit: "Le juste tombera sept fois et se relèvera." Mais si l'on réfère cela à la chute due au péché mortel, dont le juste tombe parfois, comme David par l'adultère et l'homicide, et comme Pierre en niant le Christ, alors les pécheurs sont brisés par cette chute, tandis que désespérés ils ne veulent pas retourner à la pénitence. C'est pourquoi il est écrit: "Ayant perdu tout espoir, ils se sont livrés à l'impudicité, à toutes sortes de dissolutions, à l'avarice." - "Que venant de nouveau, Dieu ne m'humilie parmi vous, et que je n'aie à pleurer beaucoup de ceux qui, ayant déjà péché, n'ont point fait pénitence des impuretés, des fornications, et des impudicités qu'ils ont commises."

Mais le juste n'est pas brisé par le désespoir, mais retourne à la pénitence; c'est pourquoi David dit à Nathan: "J'ai péché contre le Seigneur. Et Nathan répondit à David: Le Seigneur aussi a transféré ton péché; tu ne mourras point." Semblablement, "Pierre pleura amèrement." - "Ne te réjouis pas sur moi, mon ennemie, parce que je suis tombée; je me relèverai lorsque je me serai assise dans les ténèbres, le Seigneur est ma lumière."

* Et la raison pour laquelle il ne sera pas brisé, c'est que le Seigneur met sa main sous [lui], c'est-à-dire le conforte de sa grâce: "La main du Seigneur était avec moi, me confortant." - "Et ta droite me retiendra."

25 J'ai été jeune et j'ai vieilli; et je n'ai point vu le juste abandonné, ni sa race cherchant du pain. 26 Tout le jour il a pitié et il prête; sa race sera en bénédiction.

· Ensuite lorsqu'il dit: J'ai été jeune, il montre par l'expérience que les biens des justes sont fructueux, mais non ceux des méchants. Et il expose que cet état est durable à partir de deux constatations.

D'abord à partir de la préservation des bons contre les méchants.

Puis à partir de leur progrès dans le bien: Tout le jour.

En parlant de leur préservation il fait deux choses.

Car il montre d'abord la préservation du mal quant au juste lui-même.

Puis quant à sa race: ni sa race cherchant du pain.

Concernant la préservation du mal quant au juste lui-même, il fait deux choses. Car il expose d'abord le caractère durable de l'expérience. Puis l'expérience elle-même: je n'ai point vu.

Ainsi dit-il: J'ai été jeune. Comme si quelqu'un lui disait: d'où tiens-tu tout ce que tu dis à propos des biens des justes, etc. ? Il répond qu'il les tient de l'expérience: J'ai été jeune et j'ai vieilli. On peut expliquer cela de deux manières.

D'abord en l'appliquant à l'âge corporel suivant lequel l'homme commence par s'épanouir dans la jeunesse, et ensuite devient âgé: "Que le matin, comme l'herbe, l'homme passe; que le matin il fleurisse et passe: que le soir il tombe, il durcisse et se dessèche."

Mais Augustin objecte: Toi, David, tu fus toujours sur ta terre: et si sur cette portion de terre un juste ne fut pas abandonné, il n'est cependant pas étonnant qu'ailleurs il l'ait été.

Et c'est pourquoi Augustin veut que l'on parle dans la personne de l'Église. Et cette dernière a son âge d'enfant en Abel, son âge de jeunesse dans les Patriarches, son âge avancé dans les Apôtres, sa vieillesse à la fin du monde. Il mentionne d'abord les deux âges intermédiaires, et expose les derniers: et ainsi en fut-il dès l'origine du monde, et cela sera jusqu'à la fin. Et cette distinction est exposée dans l'épître aux Galates.

Ou bien on peut l'interpréter au sens spirituel: car aussi longtemps que l'homme met son plaisir dans les frivolités et les vanités, il garde une mentalité d'enfant; mais lorsqu'il met son plaisir dans des choses raisonnables, il devient un homme mûr. Et cette distinction est exposée dans la première épître aux Corinthiens: "Quand j'étais petit enfant, je parlais comme un petit enfant; mais quand je suis devenu homme, je me suis dépouillé de ce qui était de l'enfant." Aussi dit-il: soit dans la condition d'enfant, soit dans celle du vieillard j'ai jugé à l'expérience que le juste lui-même est préservé des maux, et quant à lui-même et quant à sa race. C'est pourquoi en disant: je n'ai point vu le juste abandonné, il montre cela quant à lui-même.

Objection: si on applique cela aux biens temporels, il ne semble pas que ce soit vrai, car il est écrit à propos des justes: "Les autres ayant souffert les moqueries, les verges, et de plus les prisons, ont été lapidés, sciés, mis à la question, sont morts frappés par le glaive, ont couru çà et là sous des peaux de brebis et des peaux de chèvres, dans le besoin, dans l'angoisse, dans l'affliction."

On répondra à cette objection en disant: quoique les biens temporels leur soient ôtés, ils ne sont cependant pas abandonnés par Dieu, car tout cela est utile à leur propre bien, ou pour leurs biens, ou pour que la cause du mal soit enlevée, comme le dit Augustin: "Cherchez premièrement le royaume de Dieu et sa justice, et toutes ces choses", c'est-à-dire les biens spirituels, "vous seront données par surcroît." C'est vrai, mais dans la mesure où Dieu voit que c'est utile à notre salut.

Quant à sa race il dit: ni sa race cherchant du pain. - "C'est moi qui suis le Seigneur ton Dieu fort, jaloux, visitant l'iniquité des pères dans les enfants jusqu'à la troisième et la quatrième génération de ceux qui me haïssent, et faisant miséricorde des milliers de fois à ceux qui m'aiment et gardent mes préceptes." - "Sa miséricorde se répand d'âge en âge sur ceux qui le craignent." Et c'est pourquoi, de même que ceux-ci ne sont pas abandonnés, ainsi en est-il de leur race.

Et cela peut se rapporter au pain temporel quant à l'Ancien Testament; mais selon le sens spirituel ce pain s'entend de la participation au Christ, c'est-à-dire à la vérité, à la sagesse et à la justice: "Moi, je suis le pain vivant qui suis descendu du ciel." C'est le pain "qui fournit des délices aux rois." Et il dit: cherchant du pain, car ce pain est à la disposition de ceux qui le cherchent.

Objection: Abraham fut juste, Isaac aussi; mais Ismaël et Esaü, qui furent des fils de justes, n'eurent pas le pain spirituel.

L'Apôtre résout cette objection en disant que les fils de la promesse sont comptés au nombre des fils des justes. Donc on appelle race (semen) celui qui imite le juste. C'est pourquoi tant les fils selon la chair qui imitent leurs pères dans le bien, que les disciples qui imitent leur maître, sont une race spirituelle, à savoir ceux qui imitent leur enseignement en acte.

26 Tout le jour. Ici le psalmiste montre un autre signe de cette expérience, ou une autre expérience; et il dit qu'il a fait une autre constatation à propos de l'homme juste, car tout le jour, c'est-à-dire durant tout le temps de sa vie, il a pitié des misères d'autrui, et prête, c'est-à-dire des biens spirituels et temporels: "Agréable est l'homme qui a de la pitié et qui prête", ou en acte, ou dans sa disposition. Et c'est pourquoi sa race sera en bénédiction. - "Je multiplierai ta race comme les étoiles du ciel, et comme le sable qui est sur le rivage de la mer; ta race possédera les portes de ses ennemis."

27 Détourne-toi du mal et fais le bien, et tu auras une habitation dans les siècles des siècles. 28a Parce que le Seigneur aime la justice, et il ne délaissera pas ses saints: ils seront conservés éternellement.

· Plus haut le psalmiste a montré que les biens des justes sont meilleurs quant au fruit; mais ici il lance une exhortation à leur sujet. Et à ce propos il fait deux choses.

Car il commence par exposer son exhortation à l'égard de ceux-ci.

Puis il expose leur fruit: Parce que le Seigneur aime la justice.

La justice comprend deux parties intégrantes: s'éloigner du mal, et faire le bien. Et c'est pourquoi il dit: Détourne-toi du mal et fais le bien. Et ces deux parties intégrantes de la justice correspondent aux préceptes de la loi: car la justice est réglée par la loi.

Dans la loi certains préceptes sont affirmatifs, lesquels sont accomplis en faisant le bien; et d'autres sont négatifs, lesquels sont accomplis en se détournant du mal. Semblablement par ces deux préceptes trouvé son achèvement l'inclination de l'appétit naturel, qui a un double objet: le bien et le mal. Car l'appétit tend naturellement vers le bien, et fuit le mal qui est faux. Mais il dit: Détourne-toi du mal. Or il y a un double mal. L'un qui rend les hommes mauvais, et celui-ci est véritablement appelé mal; l'autre mal est celui qui ne rend pas les hommes mauvais, c'est le mal lié au châtiment.

Le premier est un péché, et c'est de cela dont il est question lorsqu'il dit: Détourne-toi du mal, c'est-à-dire du péché: "Ne jalouse point la gloire et les richesses du pécheur; car tu ne sais pas quelle sera sa ruine." Et il ne dit pas qu'il ne fasse pas le mal, parce qu'en cela il ne serait question que de négation seulement, mais détourne-toi du mal, c'est-à-dire pour qu'il n'ait pas la volonté de l'accomplir: "Cessez d'agir avec perversité; apprenez à bien faire." Ces deux préceptes sont souvent représentés dans la Sainte Écriture. Mais parfois c'est le bien qui est d'abord mentionné, comme ici: "Tu as aimé la justice et haï l'iniquité." Parfois c'est l'évitement du mal qui est d'abord mentionné, comme ici: "Il mangera du beurre et du miel, en sorte qu'il sache réprouver le mal et choisir le bien."

Et la raison est due au fait qu'il y a un double ordre.

Le premier ordre est celui de l'intention; et selon cet ordre le bien doit toujours être mis avant l'évitement du mal, parce que le juste évite le mal en vue de faire le bien.

Le second ordre est celui de l'exécution; et selon cet ordre il est d'abord prescrit d'éviter le mal: car tous nous naissons fils de la colère, et nous ne pouvons devenir justes sans repousser le mal.

et tu auras une habitation dans les siècles des siècles. Ici le psalmiste expose le fruit de la justice, autrement dit: dans la mesure où tu te détourneras du mal, et que tu feras le bien, tu auras une habitation; mais il ne dit pas explicitement où, mais combien de temps, car c'est pour les siècles des siècles. Mais habite (inhabita) signifié in tus habita (habite à l'intérieur). Les réalités sensibles sont appelées biens extérieurs, lesquels sont appréhendés par le sens extérieur. Les biens intérieurs sont spirituels et intelligibles. Donc lorsqu'il dit: inhabita, il dit tu habiteras à l'intérieur de la possession des biens spirituels: "Le roi m'a introduite dans ses celliers." Et il dit: [pour] les siècles des siècles, c'est-à-dire à jamais: "Tu les introduiras, et tu les planteras sur la montagne de ton héritage, dans ta demeure inébranlable que tu as faite, Seigneur; c'est ton sanctuaire, Seigneur, qu'ont affermi tes mains."

Parce que le Seigneur aime la justice, etc. Ici le psalmiste expose la raison pour laquelle il habitera pour les siècles des siècles, autrement dit: il habitera parce que cela a été établi par le jugement divin. Il prouve cela, à savoir qu'il habitera toujours et avec plaisir, parce que le Seigneur aime la justice. - "Parce que moi, le Seigneur, j'aime la justice." Et cette formulation est exprimée pour une double raison. Ou bien il dit: Détourne-toi du mal et fais le bien, c'est-à-dire afin que tu sois l'imitateur de Dieu, Parce que le Seigneur aime la justice, et cela c'est se détourner du mal et faire le bien. Ou bien cela se réfère à ce qui suit: et tu auras une habitation dans les siècles des siècles, parce que c'est juste. Et Dieu aime la justice. Car il est juste que, dans la mesure où l'homme ne veut pas abandonner Dieu, il ne soit pas abandonné de lui, qui est éternel. Et c'est pourquoi les justes qui veulent être avec lui ne seront pas abandonnés de lui. Et voilà pourquoi il dit: il ne délaissera pas ses saints. Et en conséquence ils seront conservés éternellement, parce qu'il est éternel et puissant: "C'est toi, Seigneur, qui nous sauveras, et qui nous préserveras de cette génération éternellement." - "Regarde, Sion, la ville de nos solennités; tes yeux verront Jérusalem, habitation opulente, tente qui en aucune manière ne pourra être transportée; et ses pieux ne seront jamais enlevés, et aucun de ses cordages ne sera rompu."

28b Les injustes seront punis, et la race des impies périra. 29 Mais les justes hériteront de la terre; et ils y habiteront dans les siècles des siècles.

Ici le psalmiste expose la procédure du jugement qui sera utilisée pour les bons et les méchants.

Il commence donc par exposer ce qui sera donné aux méchants lors du jugement.

Puis ce qui sera donné aux bons: les justes.

Aux méchants il enverra une punition, car les injustes seront punis. - "La voie des pécheurs est pavée de pierres; mais à leur fin, sont les enfers, et les ténèbres et le châtiment." - "Ils subiront les peines de la perdition éternelle à la vue de la face du Seigneur et de la gloire de sa puissance." Semblablement il enverra l'extermination, car la race des impies périra. Ici il parle selon le jugement des hommes. Or les méchants, lorsqu'ils meurent, croient au moins survivre dans leurs enfants. Mais il dit que leur race périra, c'est-à-dire soit les fils charnels qui imitent à proprement parler leur malice, soit les sectateurs de la fausse doctrine, comme la race d'Arius.

Aux justes en revanche, il donnera deux choses. Au lieu d'une punition il donnera une récompense, aussi dit-il: Mais les justes hériteront de la terre, comme s'ils la possédaient par héritage: "Ils y habiteront, et l'acquerront en héritage."

- "Béni soit Dieu, le Père de Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui selon sa grande miséricorde, nous a régénérés pour une vive espérance, par la résurrection de Jésus-Christ d'entre les morts, pour un héritage incorruptible, qui n'est pas souillé, qui ne peut se flétrir, réservé dans les cieux pour vous." Au lieu de l'extermination de leur héritage, ils y habiteront dans les siècles, c'est-à-dire seront toujours sur cette terre des vivants.

30 La bouche du juste méditera la sagesse, et sa langue dira l'équité. 31 La loi de Dieu est dans son coeur, et ses pas ne chancelleront pas.

- Ici le psalmiste montre que les biens des justes sont plus grands quant à l'usage de la vertu, car les injustes ont leur bouche inclinée au mal.

· Il traite donc d'abord des biens spirituels des justes.

· Puis de la perversité des méchants: 32 Le pécheur considère le juste.

· Concernant les biens spirituels des justes il fait deux choses.

Car il expose d'abord la supériorité des biens spirituels des justes.

Puis il expose le fruit de leurs biens: ses pas ne chancelleront pas.

Les biens spirituels consistent en deux choses: selon qu'ils sont dans la bouche ou selon qu'ils sont dans le coeur.

Dans la bouche du juste ils ne sont que bien et vérité: "Quittant le mensonge, que chacun dise la vérité avec son prochain, parce que nous sommes membres les uns des autres." Et il y a une double vérité; et l'une et l'autre obtiennent au juste des récompenses.

La première porte sur les réalités divines.

La seconde porte sur les réalités humaines.

En parlant de la première il dit: La bouche du juste méditera la sagesse.

Mais le psalmiste ne semble pas s'exprimer comme il sied: car méditer est un acte du coeur, non de la bouche.

On répondra à cette objection en faisant remarquer qu'il a dit: il méditera, c'est-à-dire exprimera des choses méditées, ou les modulera. Et il y a plusieurs manières de méditer la sagesse. Certains méditent le Christ, qui est sagesse de Dieu le Père, au moins en croyant: "Vous observerez [les préceptes et les lois] et les accomplirez par vos oeuvres. Car telles sont votre sagesse et votre intelligence devant les peuples, qu'en entendant parler de tous ces préceptes ils diront: "Voici un peuple sage et intelligent, une grande nation."" D'autres la méditent en l'acquérant auprès d'hommes intelligents: "Si tu aimes écouter, tu seras sage." D'autres la méditent en lui chantant des psaumes: "Chantant et psalmodiant du fond de vos coeurs le Seigneur." - "Elle a ouvert sa bouche à la sagesse, et la loi de la clémence est sur sa langue." Mais la bouche du juste méditera la sagesse en instruisant: "Cependant nous prêchons la sagesse parmi les parfaits, non la sagesse de ce siècle, ni des princes de ce siècle qui périssent; mais nous prêchons la sagesse de Dieu dans le mystère." Mais Origène commente cela en disant: Les ignorants ont un vice très pernicieux, puisqu'ils traitent d'inutiles ceux qui s'adonnent à l'étude de la doctrine: en imitant leurs dénominations des choses, ils méprisent leur étude, et font preuve de bavardage, d'incapacité et d'ignorance.

En parlant de la seconde il dit: et sa langue. On explique cela de trois manières.

sa langue dira l'équité, c'est-à-dire proférera une parole avec jugement et discernement: "Il réglera ses discours avec jugement." - "Les paroles des prudents seront pesées dans la balance."

Selon une autre maniéré, en tant qu'on réfère cela aux juges: car le juge, ou la bouche du juste, ou la langue du juge, profère un juste jugement dans sa sentence.

Ou bien la langue du juste énonce les jugements de Dieu, et convertit les pécheurs à la pénitence en considérant le jugement divin: "Fuyez à la face du glaive, parce qu'il y a un glaive vengeur des iniquités."

Mais pourquoi dit-il au futur: il méditera, et dira ?

On répondra en disant qu'il parle au futur pour indiquer la continuité de la méditation, autrement dit: il parle continuellement et médite. Ou bien il dit cela au futur, parce que présentement nous ne pouvons dire que peu de choses à propos de la sagesse, tandis que dans le futur nous pourrons méditer de grandes choses sur la sagesse, et parler davantage des jugements de Dieu. Mais il arrive qu'on n'ait pas dans le coeur ce qu'on exprime par la bouche: "Ce peuple m'honore des lèvres; mais son coeur est loin de moi." Il n'en est pas ainsi pour l'homme juste: au contraire il parle selon ce qu'il a dans le coeur, parce qu'il grave la loi de Dieu dans sa mémoire par la méditation, dans sa volonté par l'amour. Voilà pourquoi il dit: La loi de Dieu est dans son coeur, c'est-à-dire il énonce la loi ainsi que le jugement, et médite. Il en résulte que ses pas ne [chancellent] pas.

Et le psalmiste expose ici le fruit des bonnes oeuvres, car ils ne défailliront pas, ni ne seront trompés: car celui qui a l'Écriture sainte et la loi de Dieu dans son coeur n'est pas trompé par le diable: "Dans mon coeur j'ai caché tes paroles, afin que je ne péche pas contre toi." Car la loi est une lampe: et c'est pourquoi ceux qui la connaissent, ne commettent pas de faute.

32 Le pécheur considère le juste; et il cherche a le faire mourir. 33 Mais le Seigneur ne l'abandonnera pas dans ses mains; et ne le condamnera pas quand on le jugera.

Ici le psalmiste traite de la considération des mauvais.

Et il expose d'abord les pensées des mauvais contre les bons.

Puis il fait mention de la défense des bons.

Il dit donc: Le pécheur considère le juste, c'est-à-dire pour voir de manière perfide comment il peut lui nuire: "Ils m'ont eux-mêmes considéré et regardé attentivement." - "Ne dresse pas d'embûches, et ne cherche pas l'impiété dans la maison du juste, et ne détruis pas son repos." - et il cherche à le faire mourir. Ici est montrée sa cruauté, ou son intention: "Leurs pieds courent au mal, et ils se hâtent afin de verser le sang." - "Condamnons-le à la mort la plus honteuse."

Mais les justes sont défendus. D'abord, parce qu'ils échappent à leur persécution; aussi dit-il: Mais le Seigneur ne l'abandonnera pas dans ses mains; car bien que les impies aient pour un temps le pouvoir sur eux, ils ne l'auront pas toujours cependant: "Parce que le Seigneur ne laissera pas la verge des pécheurs sur l'héritage des justes, afin que les justes n'étendent point leurs mains vers l'iniquité." Puis, parce qu'ils sont libérés par le jugement divin. Aussi dit-il que non seulement ils sont libérés ici-bas, mais qu'ils ne seront pas condamnés.

quand on le jugera, c'est-à-dire le juste, à savoir pour le bien du juste. Ou bien illi (le), c'est-à-dire quand on condamnera le pécheur: "Les impies ne ressusciteront pas au jugement", c'est-à-dire parce qu'il sera rendu pour leur condamnation.

34 Attends le Seigneur, et garde sa voie; et il t'exaltera, afin que tu prennes la terre en héritage: Lorsque les pécheurs auront péri, tu [le] verras.

2. Précédemment le psalmiste s'est entretenu longuement sur la louange des justes et l'abaissement des mauvais: et il a rapporté toutes ces choses dans le dessein de nous faire rechercher la justice et de nous détourner du mal; mais ici il introduit une exhortation à la justice.

La justice est observée dans deux domaines:

a) Dans ce qui appartient à Dieu,

b) et dans ce qui appartient au prochain: 37 Garde l'innocence.

a. En exhortant à la justice qui concerne Dieu, le psalmiste fait trois choses:

- Il expose d'abord son exhortation.

- Puis il montre une récompense: et il t'exaltera.

- Enfin il donne une preuve de ce qu'il a exposé: 35 J'ai vu l'impie.

- Il ordonne donc par une exhortation [de se tourner] vers Dieu.

· D'abord par l'attente.

· Puis par l'obéissance.

· Ainsi dit-il: Attends le Seigneur. Ici il dit deux choses.

D'abord, que si on subit une difficulté, on ne doit pas aussitôt désespérer, ni se soulever contre Dieu, mais attendre jusqu'à ce qu'il secoure: "Attendant, j'ai attendu le Seigneur, et il a fait attention à moi." Et ainsi exhorté-t-il à la sagesse.

Ensuite il exhorté à la longanimité, autrement dit: si tu n'es pas encore récompensé pour tes bonnes oeuvres, ne te laisse pas abattre, mais attends la récompense: "S'il met un certain délai, attends-le; car il va venir, et il ne tardera pas." - "Le laboureur espère recueillir le fruit précieux de la terre, attendant patiemment jusqu'à ce qu'il reçoive celui de la première et de l'arrière-saison."

· L'attente a lieu dans les maux, la garde dans les biens. Donc garde les voies, c'est-à-dire de la charité et des préceptes, et garde-les avec une soumission aimante: "Garde ton coeur en toute vigilance, parce que c'est de lui que la vie procède." - "Mon pied a suivi ses traces; j'ai gardé sa voie, et je ne m'en suis pas détourné." - "Je scruterai ta loi, et je la garderai dans tout mon coeur."

- et il t'exaltera. Ici le psalmiste montre la récompense ou le fruit des bons. Ce fruit consiste en ce qu'ils soient exaltés par lui: Il "t'exaltera parmi ses proches". - "En toutes choses, tu as glorifié ton peuple, Seigneur, tu l'as honoré." Et en vue de quoi ? afin que tu prennes la terre en héritage. Ce qu'il dit est étonnant. Puisque la terre est basse, comment t'exaltera-t-il pour que tu la prennes ? Il faut dire que la terre dont il parle, c'est la terre des vivants; et cette dernière est en haut, elle se présente comme la stabilité des biens éternels et spirituels: et à cette terre l'esprit ne parvient aussi longtemps qu'il se trouve dans les réalités d'en bas, mais il faut qu'il soit exalté: "Je t'élèverai sur les hauteurs de la terre."

Ou bien on peut aussi l'entendre de cette terre. Ceux-là prennent donc la terre en héritage, qui règnent sur elle: et tels sont ceux qui ont le coeur élevé au-dessus de la terre, parce qu'ils n'ont pas le coeur ancré à la terre, à la manière de ceux qui sont assujettis à la terre et à ses possessions. Et c'est pourquoi il faut, pour qu'ils la prennent, qu'ils soient exaltés: "Saisis-la et elle t'exaltera; tu seras glorifié par elle, lorsque tu l'auras embrassée."

lorsque les pécheurs auront péri, tu [le] verras. Ceux-ci se réjouiront de la perdition des méchants: "Le juste se réjouira, lorsqu'il aura vu la vengeance; il lavera ses mains dans le sang du pécheur." - "Les justes verront et ils se réjouiront." Mais ils ne se réjouiront pas à cause de la perdition des impies en tant que telle, parce que Dieu ne se réjouit pas à cause de celle-ci: "Dieu ne se réjouit pas de la perdition des vivants", mais ils se réjouiront de l'accomplissement de la justice divine: "Ils sortiront, et ils verront les cadavres des hommes qui ont prévariqué contre moi." Semblablement ils se réjouiront de voir la miséricorde divine se manifester en eux-mêmes, et grâce à laquelle ils ont été libérés des méchants, ou des châtiments des damnés. Et pour voir cela il faut qu'il soit aussi exalté: car si tu es abaissé, tu ne verras pas leur propre perte: "Une peine est devant mes yeux", c'est-à-dire les faits des pécheurs, "jusqu'à ce que j'entre dans le sanctuaire de Dieu."

35 J'ai vu l'impie exalté et élevé comme les cèdres du Liban. 36 Et j'ai passé, et voilà qu'il n'était plus: Je l'ai cherché, et son lieu n'a pas été trouvé.

- Ici le psalmiste prouve deux choses à propos de la perdition de l'impie.

· Il expose d'abord leur prospérité.

· Puis il fait mention de leur perdition.

· Ainsi dit-il: J'ai vu l'impie, c'est-à-dire tout pécheur, exalté, c'est-à-dire au-dessus de l'état de sa propre condition, et au-dessus des autres hommes quant à la situation qu'il occupe dans le monde: "Pourquoi donc les impies vivent-ils, sont-ils élevés et affermis dans les richesses ? Leur race se perpétue devant eux, une troupe de leurs proches et de leurs petits enfants est en leur présence."

et élevé comme les cèdres du Liban. On peut lire cela de deux manières. Ou bien: au-dessus des cèdres du Liban, qui parmi tous les autres arbres ont la hauteur la plus élevée, autrement dit: je l'ai vu plus éminent que tous les autres: "J'ai vu [...] l'insensé élevé", c'est-à-dire le pécheur, "à une haute dignité." - "Sa hauteur était la hauteur des cèdres, et il était fort lui-même comme un chêne." Mais il y a une double raison pour laquelle les impies vivent. La première, c'est que parfois les méchants sont exaltés à cause des péchés des hommes." C'est lui qui fait régner un homme hypocrite à cause des péchés du peuple." Et c'est pourquoi les méchants sont comme des châtiments de Dieu à l'égard de son peuple, lorsqu'ils dominent: "Malheur à Assur ! la verge et le bâton de ma fureur, c'est lui; dans sa main est mon indignation." Une autre raison est due au fait que les méchants quand ils dominent, périssent plus douloureusement: "Tu m'as élevé, et me posant comme sur le vent, tu m'as brisé entièrement." C'est pourquoi il arrive que dans ce qu'ils convoitent le plus, ils soient le plus rejetés. Une autre raison encore, c'est qu'ils vivent pour l'instruction des justes, afin qu'ils ne prennent pas beaucoup en considération ces biens temporels, que les bons possèdent aussi bien que les méchants, comme le rapporte Augustin. - "Puisque leurs biens ne sont pas en leur main", comme les biens de l'âme, je ne me soucie pas d'eux. De même, afin que soient justement condamnés ceux qui abusent des biens donnés: "J'ai nourri des fils et je les ai élevés, mais eux m'ont méprisé." Ou bien cela peut être appliqué à l'hérétique, qui s'élève dans son propre sentiment.

· Et enfin il dit: Et j'ai passé.

Ici il montre d'abord le renversement du pécheur.

Puis il montre la destruction de son lieu.

Ainsi dit-il: j'ai passé. Il ne dit pas: "Il a passé", autrement dit: j'ai donc passé en considérant: "Je passerai et je verrai cette grande vision." Aussi longtemps que l'homme tient ses yeux fixés sur les réalités de ce monde, il lui semble que les méchants sont puissants; mais lorsque par l'esprit il passe aux réalités spirituelles et aux jugements de Dieu, il les tient pour rien. C'est pourquoi il dit: j'ai passé, par la conversion: car aussi longtemps que l'homme vit en ce monde avec attachement et de façon matérielle, les choses de ce monde lui plaisent, mais lorsque son affection se détache d'eux, il tient pour rien ceux qui en ce monde vivent dans l'abondance: "Seigneur, qui habitera dans ton tabernacle, et qui reposera sur ta montagne sainte ? [... Celui] en présence de qui le méchant est regardé comme un néant, mais qui glorifie ceux qui craignent Dieu." Et c'est pourquoi les hommes saints sont tenus pour orgueilleux, parce qu'ils n'apprécient et ne considèrent les hommes à cause de leurs richesses et de leurs dignités que s'ils sont pourvus de vertus; d'où ce qui suit: et voilà qu'il n'était plus, même dans le présent, parce que l'homme juste tient pour rien la gloire des pécheurs, qui semble être quelque chose selon ces paroles de l'Écriture: "Les paroles d'un homme pêcheur, ne les craignez point, parce que sa gloire c'est de la boue et un ver; aujourd'hui il s'élève, et demain on ne le trouvera pas, parce qu'il est retourné dans la poussière, et sa pensée s'est évanouie." - "J'ai regardé la terre", c'est-à-dire la gloire terrestre, "et voici qu'elle était vide et néant". Ou bien selon Origène, "il n'était plus", car lorsque l'homme s'élève vers les réalités divines, il se conforme à l'intelligence divine: et les réalités qui sont futures lui sont comme présentes. C'est pourquoi celui qui voit que le temps de cette vie est bref, voit la condamnation des impies comme présente: "Dieu a choisi ce qui est vil et méprisable selon le monde, et les choses qui ne sont pas, pour détruire les choses qui sont; afin que nulle chair ne se glorifie en sa présence."

Aussi dit-il: je l'ai cherché, et son lieu n'a pas été trouvé, c'est-à-dire ses dignités, ou sa famille et sa maison, autrement dit: non seulement lui-même, mais tout ce qui le concerne est détruit: "L'oeil qui l'avait vu ne le verra pas; et son lieu ne le regardera plus." Ou bien: son lieu, c'est-à-dire le monde dans lequel il demeure, parce que le monde passe ainsi que sa convoitise: "Car elle passe la figure de ce monde."

37 Garde l'innocence, et vois l'équité; parce que des restes sont [assurés] à l'homme pacifique. 38 Mais les injustes périront entièrement tous ensemble; les restes des impies mourront. 39 Mais le salut des justes vient du Seigneur, et [il est] leur protecteur au temps de la tribulation. 40 Et le Seigneur les aidera, et les libérera; il les arrachera aux pécheurs, et il les sauvera, parce qu'ils ont espéré en lui.

b. Ici le psalmiste exhorte à la justice qui concerne le prochain; et à cet égard il fait trois choses.

- Il commence par exposer son exhortation.

- Puis il mentionne une récompense: parce que des restes sont [assurés] à l'homme pacifique.

- Enfin il fait connaître ce qu'il avait dit: le salut.

- Vis-à-vis du prochain l'homme doit d'abord faire en sorte qu'il ne lui nuise pas; puis qu'il rende ce qui lui est dû.

En parlant de sa première disposition, il dit: Garde l'innocence, en ne nuisant en rien: "L'innocent sera sauvé, mais il sera sauvé à cause de la pureté de ses mains." et vois l'équité. Une autre version lit: directionem (la direction), c'est-à-dire la rectitude et la justice. vois, c'est-à-dire juge: "Disant ce qui est juste, jugez."

- parce que des restes sont [assurés] à l'homme pacifique, et c'est la récompense des justes. Origène dit que lorsque l'esprit se sépare de la chair, les os de l'homme sont appelés restes: ainsi lorsque l'âme se retire, ce qui demeure, à savoir le corps, est appelé [restes]; et c'est pourquoi non seulement il sera récompensé dans son âme, mais son corps sera aussi élevé à l'immortalité. Ou bien on appelle reliquiae (restes), tout ce qui appartient à l'homme après cette vie, lesquels restes sont nombreux, autrement dit: cela ne se terminera pas en cette vie, mais il y a encore une multitude d'autres biens au terme de cette vie. C'est pourquoi une autre version lit: "Extremum vitae ejus est pax (À la fin de sa vie il y a la paix)."

Puis le psalmiste expose la condamnation des méchants. Les méchants reçoivent une double condamnation.

· D'abord, parce qu'eux-mêmes périssent.

· Puis parce qu'ils ne laissent rien après eux.

· C'est pourquoi il dit: Mais les injustes périront. - "Parce que nul n'a l'intelligence, ils périront éternellement." les restes des impies mourront, c'est-à-dire leurs biens qui restent périront avec eux dans la géhenne.

· Ou bien: les restes, c'est-à-dire tout ce qu'ils ont possédé, à savoir les richesses qui périssent, la renommée qui pourrit, la postérité qui périra: "Est-ce que leur élévation n'a pas été entièrement détruite ? Et leurs restes, un feu ne les a-t-il pas dévorés ?"

- Mais le salut des justes. Il prouve que les restes des justes sont conservés.

· Et il montre d'abord en général en quoi ils consistent.

· Puis il montre l'ordre de l'obtention de ces restes.

· Enfin la cause de ce salut.

· Il y a deux choses à considérer dans ces restes: le salut des bons, et l'arrachement aux méchants.

Concernant le salut des bons il dit: Mais le salut des justes vient du Seigneur seul, en qui ils espèrent, non d'un autre. Origène dit: "Apud Dominum (Auprès du Seigneur), autrement dit: il n'est en aucune créature, mais en Dieu seul: "Israël a été sauvé par le Seigneur d'un salut éternel."

Concernant l'arrachement aux méchants il dit: [il est] leur protecteur au temps de la tribulation, à savoir de la tribulation présente, afin qu'ils ne soient plus opprimés corporellement: "Il vous fera tirer profit de la tentation même, afin que vous puissiez persévérer", ou bien au jour du jugement, ou bien au moment de la mort: "Bon est le Seigneur, il fortifie au jour de la tribulation, il sait ceux qui espèrent en lui."

· L'ordre de l'obtention de ces restes est quadruple.

L'homme est d'abord aidé en vue de bien agir. Aussi dit-il: le Seigneur les aidera, c'est-à-dire coopérera: "Mon secours vient du Seigneur." - "Tu as opéré toutes nos oeuvres pour nous."

et [il] les libérera, c'est-à-dire des méchants, et les arrachera aux pécheurs, quant à la condition présente, lorsque les justes seront libérés, et ne suivront pas les voies des pécheurs: "Bienheureux l'homme qui n'est pas allé au conseil des impies, qui ne s'est pas arrêté dans la voie des pécheurs, et qui ne s'est pas assis dans la chaire de pestilence." Ou bien au jour du jugement, lorsqu'il séparera les brebis des boucs. Ou bien aux démons au moment de la mort de tout homme: car à ce moment même les démons viennent, cherchant s'ils trouvent quelque chose qui leur appartient: "Le prince de ce monde vient, et il n'a rien en moi."

Et enfin il leur donnera le salut final, parce qu'il les sauvera.

· Et la cause est due au fait qu'ils ont espéré en lui, car ce salut est dû à ceux qui espèrent.

 

 

COMMENTAIRE DU PSAUME 37

1 Psaume de David, en souvenir touchant le sabbat.

2 Seigneur, ne me reprends dans ta fureur, et ne me corrige pas dans ta colère.

3 Parce que tes flèches se sont fixées en moi, et que tu as appesanti sur moi ta main. 4 Il n'est rien de sain dans ma chair à la face de ta colère; Il n'y a pas de paix dans mes os en présence de mes péchés. 5 Parce que mes iniquités se sont élevées au-dessus de ma tête; et comme un fardeau pesant, elles se sont appesanties sur moi. 6 Mes plaies se sont putréfiées et corrompues en présence de ma folie.

7 Je suis devenu misérable, et j'ai été courbé jusqu'à la fin; tout le jour je marchais contriste. 8 Parce que mes reins ont été remplis d'illusions, et il n'y a rien de sain dans ma chair.

9 J'ai été affligé et j'ai été humilié à l'excès, je rugissais par suite du gémissement de mon coeur.

10 Seigneur, devant toi est tout mon désir, et mon gémissement ne t'est point caché.

11 Mon coeur a été troublé, ma force m'a abandonné; et la lumière de mes yeux elle-même n'est plus avec moi.

12 Mes amis et mes proches contre moi se sont approchés, et ils se sont arrêtés. Et ceux qui étaient près de moi se sont arrêtés au loin; 13 et ceux qui cherchaient mon âme me faisaient violence. Et ceux qui me cherchaient des maux ont dit des choses vaines, et tout le jour ils ne méditaient que des ruses.

14 Mais moi, comme un sourd, je n'entendais pas; et [j'étais] comme un muet n'ouvrant pas la bouche. 15 Et je suis devenu comme un homme n'entendant pas, et n'ayant pas dans sa bouche de répliques.

16 Parce qu'en toi, Seigneur, j'ai espéré; toi, tu m'exauceras, Seigneur mon Dieu.

17 Parce que j'ai dit: Que jamais mes ennemis ne se gaussent de moi; et tandis que mes pieds sont ébranlés, ils ont dit sur moi de grandes [insolences]. 18 Parce que moi je suis prêt à [recevoir] des châtiments, et ma douleur est en ma présence toujours.

19 Parce que je proclamerai mon iniquité, et je penserai à mon péché. 20 Mais mes ennemis vivent, et se sont fortifiés contre moi; et ceux qui me haïssent iniquement se sont multipliés. 21 Ceux qui rendent les maux pour les biens me dénigraient parce que je recherchais le bien.

22 Ne m'abandonne pas, Seigneur mon Dieu; ne t'écarte pas de moi. 23 Sois attentif à me secourir, Seigneur Dieu de mon salut.

 

1 Psaume de David, en souvenir touchant le sabbat.

2 Seigneur, ne me reprends dans ta fureur, et ne me corrige pas dans ta colère.

Plus haut le psalmiste a imploré le secours divin contre ses persécuteurs: "Juge, Seigneur, ceux qui me nuisent: combats ceux qui me combattent"; il a montré aussi leur méchanceté: "L'homme injuste a dit en lui-même qu'il pécherait; la crainte de Dieu n'est pas devant ses yeux"; enfin il a enseigné à mépriser la prospérité des impies dans le psaume précédent: "N'envie pas." Mais dans ce psaume il confesse qu'il est affligé à cause de ses propres péchés. Et à ce propos il fait deux choses.

Il commence par exposer son affliction.

Puis sa prudence pour l'avenir: "J'ai dit: Je garderai mes voies."

Ce psaume s'intitule: Psaume de David, en souvenir. Augustin ajoute: "In rememoratione sabbati (en souvenir touchant le sabbat)." Et il faut savoir que ce psaume est le troisième psaume pénitentiel: et ces diversités de psaumes se réfèrent à divers actes de pénitence et au souvenir des péchés. Et c'est pourquoi il dit pour se souvenir, c'est-à-dire des péchés: "Je repasserai devant toi toutes mes années dans l'amertume de mon âme." Mais si on ajoute le mot sabbat, cela regarde la fin de ce souvenir, c'est-à-dire pourquoi il faut s'affliger et se souvenir, à savoir à cause du sabbat, autrement dit à cause du repos promis: "Si tu éloignes ton pied du sabbat, [et] de faire ta volonté dans le jour qui m'est consacré; si tu appelles le sabbat délicieux", c'est-à-dire un repos délicieux, "jour du Seigneur saint et glorieux; si tu le glorifies en ne suivant pas tes voies, et si tu ne mets pas ta volonté à dire des paroles [vaines], alors tu trouveras des délices dans le Seigneur..."

Ce psaume se divise en deux parties.

I) Dans la première partie, le psalmiste demande la miséricorde.

II) Puis, dans la seconde il expose sa misère: 3 Parce que tes flèches se sont fixées en moi.

I. La miséricorde est demandée par le juge, dont le châtiment est craint. Le juge reprend d'abord en paroles: "Je ne te reprendrai pas pour tes sacrifices." Puis il corrige par des faits.

Le psalmiste ne demande donc pas de n'être pas repris, mais il demande de ne pas l'être dans la fureur; aussi dit-il: Seigneur, ne me reprends pas dans ta fureur. La fureur et la colère en Dieu ne signifient pas un mouvement passionnel, car il est écrit: "Il juge avec tranquillité." Mais quant à leur effet elles sont attribuées à Dieu, car lorsqu'il est furieux il n'épargne pas. Voilà pourquoi il demande d'être corrigé, mais non dans la colère; aussi dit-il: et ne me corrige pas dans ta colère, car il est écrit: "La jalousie et la fureur du mari ne pardonneront pas au jour de la vengeance." C'est pourquoi il reprend dans la fureur lorsqu'il n'épargne pas, comme l'écrit Matthieu: "J'ai eu faim, et vous ne m'avez point donné à manger; j'ai eu soif, et vous ne m'avez point donné à boire..." Et de même: "Allez loin de moi, maudits au feu éternel." Ainsi donc je demande d'être corrigé, mais non dans la fureur.

Ensuite il traite du châtiment du juge. Et il y a un double châtiment. L'un est infligé en vue de l'extermination, et il est relatif à l'enfer: et il demande que ce châtiment ne lui soit pas infligé, lorsqu'il dit: Seigneur, ne me reprends pas dans ta fureur. L'autre est infligé en vue de la correction: et il demande que ce châtiment lui soit infligé. Mais il demande de n'être pas corrigé dans la colère: et dans ta colère, c'est-à-dire avec un châtiment accablant, ne me corrige pas. - "Corrige-moi Seigneur, mais cependant dans ta justice, et non dans ta fureur, de peur que tu ne me réduises au néant."

3 Parce que tes flèches se sont fixées en moi, et que tu as appesanti sur moi ta main. 4 il n'est rien de sain dans ma chair à la face de ta colère; il n'y a pas de paix dans mes os en présence de mes péchés. 5 Parce que mes iniquités se sont élevées au-dessus de ma tête; et comme un fardeau pesant, elles se sont appesanties sur moi. 6 Mes plaies se sont putréfiées et corrompues en présence de ma folie.

II. La miséricorde ne trouve de place que là où il y a de la misère. Et c'est pourquoi le psalmiste fait deux choses à ce propos.

A) Il rappelle d'abord que sa misère est considérable.

B) Puis il demande le secours divin: 22 Ne m'abandonne pas.

A. Il commence par montrer sa misère, et:

1) D'abord celle dont il souffre en vertu d'une cause supérieure, c'est-à-dire sous l'action de Dieu qui l'inflige.

2) Puis il montre la misère dont il souffre intérieurement, c'est-à-dire par le remords de la conscience: il n'y a pas de paix.

3) Enfin celle dont il souffre extérieurement, c'est-à-dire à cause de l'homme méprisant: 12 Mes amis.

1. En parlant de la misère dont il souffre sous l'action de Dieu il fait deux choses.

a) Il expose d'abord le coup divin.

b) Puis l'effet de ce coup: 4 Il n'est rien de sain dans ma chair.

a. Il parle ici en tant qu'il se réfère, selon une première manière, au coup de la tribulation que Dieu envoie; selon une autre manière, au mouvement de la contrition.

Selon une première manière, ces trois modes de souffrance ont une raison de convenance. Le coup est grave pour deux raisons: à savoir parce qu'il pénètre en profondeur: et à cause de cela l'homme se convertit. À ce propos il est écrit d'abord que le coup parvient jusqu'aux profondeurs, aussi dit-il: tes flèches, c'est-à-dire ton coup, se sont fixées en moi, c'est-à-dire jusqu'à l'intime de mon être: "Les flèches du Seigneur sont en moi; et leur indignation a épuisé mon esprit."

Puis, que de tels coups ne passent pas aussitôt, mais qu'ils demeurent; aussi dit-il: tu as appesanti sur moi ta main. - "Le passage de la verge sera affermi; le Seigneur la fera reposer sur lui au milieu des tambours et des harpes, et dans des guerres considérables il les vaincra." - "Il est terrible de tomber aux mains du Dieu vivant."

Enfin, que ces coups sont graves, et c'est la raison pour laquelle il dit: ne me reprends pas dans ta fureur, car je suis déjà assez criblé de flèches.

b. Il n'est rien de sain. Ici il expose l'effet de son criblement de flèches. Ma chair est désordonnée, sujette à la corruption et à l'infection: "Je sais que n'habite pas en moi", c'est-à-dire dans ma chair, "le bien".

Selon une autre manière cela peut s'entendre du souvenir de la contrition, et il donne ainsi la raison pour laquelle il ne veut pas être puni par Dieu. Parce que tes flèches. Les flèches de Dieu sont les paroles de Dieu: "Il a disposé ma bouche comme un glaive aigu; à l'ombre de sa main il m'a protégé, et il m'a disposé comme une flèche choisie; il m'a caché dans son carquois." Mais lorsque le pécheur écoute les paroles de Dieu, et qu'elles se sont fixées à son coeur, alors il les met dans son coeur; et cependant il n'est pas touché de componction par elles; il est alors digne de fureur, parce qu'il n'a pas été touché de componction par les paroles de Dieu. Et comme le dit Grégoire: La langue du prédicateur peine extérieurement en vain, si intérieurement la force du Rédempteur n'opère pas. Et c'est pourquoi il faut que la main de Dieu fixe ces flèches jusqu'à l'intime de l'être; aussi dit-il: tu as appesanti sur moi ta main.

dans ma chair. - "La chair convoite contre l'esprit, et l'esprit contre la chair: en effet, ils sont opposés l'un à l'autre de sorte que vous ne faites pas tout ce que vous voulez." Lorsque la chair possède la santé, l'esprit est faible, et vice versa, c'est-à-dire que lorsque l'esprit est sain et fort, la chair, elle, est faible: car tout ce qui est sans force concerne la chair: "Ma chair a été changée à cause de l'huile qui m'a manqué."

Donc l'effet de la parole de Dieu envoyée, ou inculquée, c'est qu'elle fait perdre la force à la concupiscence de la chair: "Faites mourir vos membres qui sont sur la terre: la fornication, l'impureté, la luxure, les mauvais désirs, et l'avarice, qui est une idolâtrie." Origène commente cela en se conformant à la première exposition: à la face, c'est-à-dire à la considération de ta colère, car par tes paroles la colère du jugement futur est prise en considération. Et à cause de cela la chair perd de sa force.

2. Et il n'y a pas de paix dans mes os. Ici le psalmiste montre sa misère intérieure, c'est-à-dire le péché en raison duquel il souffre la tribulation, autrement dit: la santé de la chair est ôtée à la considération de ta colère; mais en reconnaissant mes péchés, l'esprit est également frappé; aussi dit-il: il n'y a pas de paix dans mes os, c'est-à-dire pour mon esprit: "Il n'est pas de paix pour les impies, dit le Seigneur Dieu." Et cela en présence de mes péchés, c'est-à-dire je ne puis garder la paix de l'esprit à cause de la multitude et de la gravité de mes péchés. Mais éprouves-tu la tribulation ? Et il dit que oui. Aussi a-t-il mentionné qu'il l'a éprouvée.

a) Et il expose d'abord ses péchés.

b) Puis son absence de paix.

a. Il y a trois choses qui aggravent les péchés: leur multitude, leur gravité et leur réitération; car si on pèche fréquemment, le péché devient grave.

- En parlant de leur multitude il dit donc: Parce que mes iniquités se sont élevées au-dessus de ma tête. C'est une manière de parler. Par iniquités est signifiée la multitude des péchés; car de même que l'eau recouvre l'homme, ainsi les péchés le submergent. Et l'eau ne fait pas cela, excepté seulement dans la mesure où elle s'accroît au point de dépasser la tête. Autrement dit: elles se sont accrues tellement qu'elles sont montées au-dessus de ma tête: "Je suis enfoncé dans une boue profonde et sans consistance." - "J'ai péché plus que la quantité de sable de la mer, et mes péchés se sont multipliés." Et il dit: au-dessus de ma tête, c'est-à-dire au-dessus de mon esprit entraîné au consentement du péché. L'homme se comporte de trois manières dans le péché.

· Parfois il est en état de concupiscence, et son esprit résiste; et alors il n'atteint pas sa tête.

· Parfois il consent, mais sous la contrainte de la passion, et alors bien qu'il parvienne à la tête, il ne la dépasse cependant pas.

· Mais lorsqu'ils se réjouissent d'avoir mal fait, et tressaillent de joie dans les choses les plus mauvaises", alors les iniquités s'élèvent au-dessus de leur tête.

- En parlant de la deuxième cause d'aggravation, il dit: comme un fardeau pesant, elles se sont appesanties sur moi. Et les péchés sont dits accabler, parce qu'ils oppriment à la manière d'une chose lourde. Donc plus l'homme est accablé, plus il s'éloigne de Dieu: "L'iniquité est assise sur une masse de plomb." - "Malheur à la nation pécheresse, au peuple chargé d'iniquité." Une autre version lit: "Sustulit in altum (Il s'est élevé)", car parfois les péchés graves mènent au mépris, et l'impie s'enorgueillit, "lorsqu'il est venu au fond des péchés".

- En parlant de la troisième cause d'aggravation il dit: Mes plaies se sont putréfiées et corrompues, à cause de la récidive. Une plaie résulte d'une blessure; ainsi de même lorsque quelqu'un pèche et que le péché lui a été remis, mais qu'il a encore une propension à pécher, il y a comme une plaie résultant de la blessure. Mais parfois Dieu la guérit par la satisfaction et l'exercice des bonnes oeuvres: "Je fermerai ta plaie, et je te guérirai de tes blessures." Mais parfois nous ne nous surveillons pas bien; et de même que par l'incapacité d'un médecin, une maladie engendre quelquefois intérieurement de la putréfaction, et corrompt un membre, ainsi en est-il dans le pécheur: car lorsque son péché n'est pas soigné par la correction, ou par la pénitence, la pourriture se manifeste intérieurement, c'est-à-dire la délectation du péché commis dans le passé; et il consent à en commettre un autre semblable: "Les bêtes de somme ont pourri dans leur ordure."

Il en résulte de la corruption lorsque le péché s'étend à l'acte. Ou bien il y a corruption lorsque non seulement les pécheurs sont pourris en eux-mêmes, mais qu'ils répandent sur les autres leur pourriture par leur mauvaise réputation: en présence de ma folie. Lorsqu'un médecin soigne, il arrive qu'une blessure pourrisse à cause de sa sottise; ainsi, l'homme qui ne sait pas bien prendre garde à lui-même à cause de sa sottise souffre de récidiver dans son péché: "Ils s'égarent, ceux qui opèrent le mal."

7 Je suis devenu misérable, et j'ai été courbé jusqu'a la fin; tout le jour je marchais contristé. 8 Parce que mes reins ont été remplis d'illusions, et il n'y a rien de sain dans ma chair.

b. Plus haut le psalmiste a dit: il n'y a pas de paix dans mes os, et il a montré quels sont ses propres péchés, car ils sont nombreux, graves et répétés; ici il traite de la suppression de la paix et à ce propos il fait deux choses.

- Il commence par exposer l'inquiétude qui s'oppose à la paix.

- Puis il expose le remède de la consolation et de l'espérance: 10 Seigneur, devant toi est tout mon désir.

- Il montre l'inquiétude de son âme de deux manières.

· D'abord quant à l'humiliation, et quant à l'irascible.

· Puis quant à l'humiliation du coeur, ce qui regarde le mouvement du concupiscible: tout le jour.

· En parlant de l'humiliation et de l'irascible il fait deux choses.

Il fait d'abord connaître la cause de l'humiliation;

puis l'humiliation elle-même.

La cause de l'humiliation c'est que Je suis devenu misérable, c'est-à-dire que moi je reconnais ma misère. La misère s'oppose à la félicité; et c'est pourquoi elle consiste en son contraire. La félicité humaine consiste dans les biens de ce monde: "On a dit bienheureux le peuple à qui sont ces avantages." La vraie félicité consiste dans l'adhésion à Dieu; et d'où ce qui suit: mais plutôt" bienheureux le peuple dont le Seigneur est le Dieu". Donc il est misérable parce qu'il s'est détourné de Dieu par son péché: "La justice élève une nation; mais le péché fait les peuples malheureux."

Ainsi celui qui sait qu'il est séparé de Dieu par son péché se considère misérable; et à cause de cela son âme est dite humiliée; c'est pourquoi le psalmiste dit: j'ai été courbé. Cette action de se courber peut être appliquée à l'oppression de l'âme, à cause du poids du péché, car de même que les péchés créent un poids tel qu'ils courbent l'homme, et le font regarder à terre, ainsi font-ils regarder les choses basses et ne permettent pas de tendre par l'affection vers les réalités supérieures: "Je suis tellement courbé sous une pesante chaîne de fer." Ou bien elle peut être appliquée à l'humilité, autrement dit: J'ai été courbé à cause de l'humilité, car lorsque l'homme reconnaît son péché, il ne goûte pas les réalités d'en haut. C'est l'attitude du publicain de l'Èvangile, "qui n'osait pas même lever les yeux au ciel". Et cet acte de se courber ne doit pas être momentané, mais il doit durer toute la vie; aussi dit-il: jusqu'à la fin, c'est-à-dire de la vie, aussi longtemps que dure la corruption du corps: "Malheureux homme que je suis, qui me délivrera du corps de cette mort ?"

· Ensuite le psalmiste traite de la tristesse du coeur, et il fait trois choses.

Il commence par faire connaître cette tristesse.

Puis il mentionne la cause de cette tristesse.

Enfin son intensité.

Ainsi dit-il: non seulement j'ai été humilié face à mon orgueil, mais j'ai aussi été contristé face à ma délectation du péché; et telle est la bonne tristesse: "Car la tristesse qui est selon Dieu" est bonne. Et il traite de deux choses à propos de la tristesse.

Il souligne d'abord le fait qu'elle doit être continuelle; aussi dit-il: tout le jour. - "Il y a une grande tristesse en moi, et une douleur continuelle dans mon coeur." - "Je laverai chaque nuit mon lit [de mes pleurs]; j'arroserai ma couche de mes larmes." - "Je pleurerai jour et nuit les morts de la fille de mon peuple." Augustin commente: "Qu'il souffre toujours, et qu'il se réjouisse toujours de sa douleur."

Puis, qu'il y a une tristesse qui préoccupe, celle qui mène au désespoir: "Vous devez au contraire user avec lui d'indulgence et le consoler, de peur qu'il ne soit préoccupé par une trop grande tristesse, se trouvant dans une pareille situation." Il y a une tristesse qui accable, et c'est la paresse spirituelle qui abat de telle sorte qu'elle ne permet pas de faire le bien. Mais la tristesse de celui qui se repent n'est pas ainsi; au contraire, elle est accompagnée de l'espérance et de l'exercice des bonnes oeuvres; c'est pourquoi il dit: je marchais, c'est-à-dire dans la vie, et je progressais dans les bonnes oeuvres. Le bien progresse, parce que les biens spirituels vers lesquels tend l'homme bon sont intérieurs: "Oubliant ce qui est en arrière", c'est-à-dire les biens temporels, vers lesquels tendent les pécheurs, biens qui sont extérieurs, "et m'avançant vers ce qui est devant, je tends au terme, au prix de la vocation céleste de Dieu dans le Christ Jésus". - "Je te conduirai par les sentiers de l'équité; lorsque tu y seras entré, tes pas ne seront pas gênés."

8 Parce que mes reins ont été remplis d'illusions. Ici il expose la cause de cette tristesse. Selon le commentaire de la Glose, par reins on entend l'âme. Et il dit: les reins, parce que là se trouve la jouissance, et il n'y a rien de sain dans ma chair, afin de montrer qu'il est faible intérieurement et extérieurement. Mais il est préférable de l'expliquer autrement, en disant qu'il est affligé par le péché, lorsqu'il reconnaît sa propre misère. Et la misère se reconnaît principalement dans la corruption de la sensualité: "Je vois dans mes membres une autre loi qui combat la loi de mon esprit, et me captive sous la loi du péché, laquelle est dans mes membres." Et il ajoute: "Malheur à moi homme, qui me libérera du corps de cette mort ?" Autrement dit: je me reconnais misérable, et j'ai été contristé, parce que mes reins [sont] remplis d'illusions. Au sens littéral, la jouissance charnelle me remplit d'illusions, parce que le diable se sert de notre sensualité comme d'un instrument, et là où il nous voit faibles, là il nous combat: "L'insensé se jouera du péché." Et ces illusions de choses variées résultent d'une double cause.

Elles sont parfois dues à la corruption, car la chair cherche toujours ce qui lui convient, en tant que cela lui est naturel; et à moins que l'esprit ne la retienne, il faut qu'elle trouve sa jouissance dans ces choses. Et il est impossible à l'esprit d'être toujours vigilant, c'est pourquoi il faut bien qu'il soit dans l'illusion.

Parfois ces illusions résultent de l'esprit propre, à savoir lorsque quelqu'un inculque toujours en lui des pensées charnelles: et cet acte constitue un péché véniel dans un premier temps; enfin, s'il consent, cet acte devient un péché mortel; et le pécheur reconnaît cela, non comme si c'était dû à sa chair, mais comme venant de lui-même; aussi dit-il: il n'y a rien de sain dans ma chair. - "Je sais que le bien n'habité pas en moi, c'est-à-dire dans ma chair."

9 J'ai été affligé et j'ai été humilié à l'excès, je rugissais par suite du gémissement de mon coeur.

Ici le psalmiste expose l'intensité de la tristesse.

Et il commence par exposer cette intensité.

Puis il en donne le signe: je rugissais.

Il a exposé deux choses dans la tristesse. D'abord, qu'il a été contristé. Puisqu'il a été courbé. Par la première chose il désigne la tristesse, mais par la seconde l'abattement. Et il tient à répéter ces deux choses ici.

En relation avec le fait qu'il a été courbé il dit: j'ai été humilié. En relation avec le fait qu'il a été contristé il dit: J'ai été affligé, et à l'excès pour l'un comme pour l'autre; et cela en raison de l'intensité du mal qu'il encourait, car le péché est le mal souverain. Et c'est pourquoi il est affligé de multiples douleurs. Également, en raison de la perte d'un bien considérable: "Sache et vois combien il est mal et amer d'avoir abandonné le Seigneur ton Dieu, et de n'avoir plus ma crainte auprès de toi, dit le Seigneur Dieu des armées." Semblablement, selon Origène, à cause du passage de l'état de grâce et de vertu à l'état de péché. Selon Boèce, il n'est de sorte d'infélicité plus grande que celle d'avoir goûté la félicité. - "Qui m'accordera que je sois comme dans des anciens mois, comme aux jours dans lesquels Dieu me gardait ?"

Le signe de sa grande tristesse est le rugissement; c'est pourquoi il dit: je rugissais par suite du gémissement de mon coeur. On appelle rugissement le cri des bêtes, à savoir celui du lion et de l'ours, en raison de la véhémence de la douleur ou de la faim. C'est pourquoi le rugissement est la véhémence des larmes: "Comme les eaux qui débordent, ainsi sont mes rugissements"; aussi dit-il: je rugissais, c'est-à-dire je pleurais amèrement. Mais il arrive parfois que quelqu'un pleure extérieurement, non cependant sous l'ébranlement de l'âme. Mais moi je ne pleure pas ainsi, au contraire ce rugissement procède du rugissement de mon coeur: "Mes gémissements sont nombreux, et mon coeur est triste." - "Nous rugirons tous comme les ours, et comme les colombes, méditant, nous gémirons."

10 Seigneur, devant toi est tout mon désir, et mon gémissement ne t'est point caché.

- Ici le psalmiste expose le remède de la consolation.

· Et il montre d'abord que le remède de sa consolation est en Dieu seul.

· Puis il montre que cela lui est nécessaire, car il ne trouve en lui-même aucun motif de consolation: Mon coeur.

· "Ta perte vient de toi, Israël; c'est seulement en moi qu'est ton secours." Or il y a une double tristesse. Une tristesse qui mène au désespoir; et cette tristesse ôte le désir et le gémissement, car l'un et l'autre s'expriment en secret; et c'est pourquoi le désir et le gémissement intérieur sont connus de Dieu; aussi dit-il: Seigneur, devant toi est tout mon désir. Devant toi a été approuvé ce que je désire, et c'est pourquoi j'espère que cela me sera donné par toi: "L'objet de leur désir sera accordé aux justes." - "Le Seigneur a exaucé le désir des pauvres."

Ou bien selon une autre manière d'expliquer: devant toi, c'est-à-dire t'est connu tout mon désir, toi qui scrutes les coeurs: "Dieu regardé le coeur." - "L'enfer et la perdition [sont à nu] devant le Seigneur; combien plus le coeur des hommes ?"

Ou encore de la manière suivante: devant toi, etc., c'est-à-dire mon désir est que je sois devant toi: "Mon âme a eu soif du Dieu fort, vivant."

et mon gémissement ne t'est point caché, c'est-à-dire toi tu l'approuves, ou bien toi tu le reconnais: "J'ai vu l'affliction de mon peuple en Egypte, et j'ai entendu sa clameur à cause de la dureté de ceux qui président aux travaux."

11 Mon coeur a été troublé, ma force m'a abandonné; et la lumière de mes yeux elle-même n'est plus avec moi.

Ici il montre que la nécessité de la consolation est telle qu'il n'y a en lui-même aucun motif qui puisse le consoler.

Il y a trois choses dans l'homme, à savoir l'intelligence, la volonté, et la force exécutive: l'intelligence dirige, la volonté commande, la forcé exécute: et ces trois choses font défaut en moi. Car Mon coeur, c'est-à-dire l'affectivité, a été troublé, a été ébranlé par la tristesse et l'émotion: "Tu as ébranlé la terre et tu l'as bouleversée; guéris ses brisures, parce qu'elle a été ébranlée."

Ou bien: a été troublé à cause du souci du monde. Semblablement la force exécutive m'a abandonné, celle que j'avais avant le péché.

Ou bien il parle au nom du genre humain. La force que j'ai reçue dans nos premiers parents, de telle sorte que je ne connaisse pas la corruption intérieure ou extérieure, m'a abandonné, à cause du péché: "N'y a-t-il pas en moi de forcé pour délivrer ?" et la lumière de mes yeux n'est plus avec moi, c'est-à-dire ma raison et mon esprit sont privés de la lumière de la raison, grâce à laquelle ils évitent le mal et font le bien. Ou bien la lumière de mes yeux, c'est-à-dire Dieu, n'est pas avec moi à cause du péché, car "vos péchés vous ont caché sa face, afin qu'il ne vous écoutât point".

12 Mes amis et mes proches contre moi se sont approchés, et ils se sont arrêtés. Et ceux qui étaient près de moi se sont arrêtés au loin; 13 et ceux qui cherchaient mon âme me faisaient violence. Et ceux qui me cherchaient des maux ont dit des choses vaines, et tout le jour ils ne méditaient que des ruses.

3. Plus haut le psalmiste a exposé avec précision sa propre misère, misère dont il souffre pour une raison supérieure et intérieure; mais ici il expose la misère dont il souffre à cause de ses semblables. À cet égard il fait deux choses.

a) Il montre d'abord ce qu'il souffre de la part des hommes.

b) Puis il montre quelle en est la cause: 20 Mais mes ennemis.

a. En parlant de ce qu'il souffre de la part des hommes il fait trois choses.

- Il commence par mentionner les maux dont il souffre de la part des hommes.

- Puis il montre sa patience face à ceux-ci: 14 Mais moi.

- Enfin il montre le motif de sa patience: 16 Parce qu'en toi, Seigneur, j'ai espéré.

- Il montre donc qu'il a été affligé par tout le genre humain: et bel et bien, puisqu'il montre d'abord qu'il a souffert de la part de ses amis. Puis de la part de ses ennemis: et me faisaient violence.

Ses amis l'affligent doublement: en le persécutant et en le délaissant: car par le fait même qu'ils ne l'aident pas, ils l'affligent.

Et ceux qui étaient près de moi. Semblablement il y a deux genres d'amis. Il y a des amis personnels et étrangers. Et il y a des amis et des proches; et il dit avoir été affligé par les uns et par les autres.

En parlant du premier genre il dit: Mes amis. Et cela peut s'entendre de la personne du Christ, qui dans ce psaume parle parfois pour lui-même, parfois pour ses membres; ou bien cela peut s'entendre de la personne du pénitent.

Si on le lit en l'appliquant à la personne du Christ, il est manifeste que les Juifs, qui sont ses proches, furent ses adversaires; aussi le psalmiste dît-il: contre moi [ils] se sont approchés, et ils se sont arrêtés.

Ou bien si on l'applique à la personne du pénitent, alors Origèné commente:

Tout homme se trouve en ce monde parmi les pécheurs, et aussi longtemps qu'il vit dans les péchés ils lui montrent de l'amitié; mais lorsqu'il abandonne le monde et le péché, alors les pécheurs s'opposent à lui; aussi le psalmiste dit-il: Mes amis, c'est-à-dire ceux qui étaient auparavant mes amis: "Il est tel ami qui se tourne vers l'inimitié." et mes proches, c'est-à-dire unis par la chair: "Les ennemis de l'homme sont ses serviteurs." - "J'ai entendu les outrages d'un grand nombre et la terreur tout autour."

contre moi se sont approchés, et ils se sont arrêtés. Il arrivé parfois qu'un ami s'oppose à la parole ou à l'action de quelqu'un; mais il a cependant un tel respect pour l'amitié, qu'il ne s'oppose pas à lui en face. Et c'est pourquoi le psalmiste dit que non seulement ils se sont arrêtés au loin, mais qu'ils se sont approchés, c'est-à-dire se sont opposés comme devant un ennemi. Parfois aussi un ami se soulève contre lui en action, cependant il ne persévère pas. Mais il dit à leur sujet qu'ils se sont arrêtés, c'est-à-dire qu'ils furent pour moi des adversaires: "Les rois de la terre se sont levés, et les princes se sont ligués contré le Seigneur et contre son Christ."

Et ceux qui étaient près de moi, se sont arrêtés au loin. Ici il montré comment il a été abandonné. Si on exposé cela à propos du Christ, il fut vraiment abandonné:

"Tous les disciples l'abandonnant, s'enfuirent." Semblablement le pénitent est abandonné, après qu'il s'est converti à Dieu; d'où ce qui est écrit: Et ceux qui étaient près de moi, c'est-à-dire mes amis par familiarité ou selon la chair, se sont arrêtés au loin. - "Voici que je n'ai pas de secours en moi, et mes amis même se sont retirés de moi." - "Tu as éloigné de moi amis et proches, et ceux qui m'étaient connus, à cause de ma misère."

et ceux qui cherchaient mon âme, me faisaient violence. Et non seulement il est ainsi affligé par ses amis, mais aussi par ses ennemis. Et il y a deux genres d'ennemis. Certains sont des ennemis mortels, et ils tuent. Il y en a d'autres qui ne sont pas mortels, parce qu'ils ne cherchent pas a tuer: et il parle des uns et des autres ici.

Au sujet des premiers il dit: ceux qui cherchaient mon âme me faisaient violence, c'est-à-dire cherchaient à me tuer. Au sens littéral on l'applique au Christ que les Juifs cherchaient à tuer; aussi dit-il: faisaient violence, c'est-à-dire causaient de la violence: "Ne fais point violence au pauvre, parce qu'il est pauvre." Selon une version de Jérôme: "Ut vim facerent (Afin de faire violence)." Ou bien: cherchaient, à savoir les démons ou les amis, qui voulaient m'amener au mal après que je me fus converti à Dieu, et qui me faisaient violence.

À propos des seconds il dit: Et ceux qui me cherchaient des maux ont dit des choses vaines, c'est-à-dire ont proféré le mensonge contré moi. Ainsi arriva-t-il aux Juifs contré le Christ; eux qui, proférant le mensonge, disaient: "Nous avons trouvé celui-ci pervertissant notre nation, défendant de payer le tribut à César, et disant qu'il est Christ et roi." - "Et tout le jour ils ne méditaient que des rusés, pour le surprendre dans ses paroles."

Semblablement cela arrive à n'importe quel pénitent: car un pénitent, comme le dit Origène, confesse son péché, et si c'est nécessaire, il accomplit une pénitence publique; et il est raillé par les autres qui persévèrent dans le péché. - "La simplicité du juste est tournée en dérision."

- Et ils disent beaucoup de choses vaines et fausses contré lui: "Ils ont dit des paroles vaines, chacun à son prochain." Et de même ils dressent des embûches, s'ils trouvent de quoi le confondre: "Né dresse pas d'embûches, et ne cherché pas l'impiété dans la maison du juste."

14 Mais moi; comme un sourd, je n'entendais pas; et [j'étais] comme un muet n'ouvrant pas la bouche. 15 Et je suis devenu comme un homme n'entendant pas, et n'ayant pas dans sa bouche de répliques.

- Ici le psalmiste montre la patience qu'il a manifestée de lui-même.

· Et il expose d'abord sa patience.

· Puis l'effet de sa patience: je suis devenu comme un homme.

· Les hommes, lorsqu'ils sont affligés, à moins qu'ils ne supportent avec patience, commencent par être ébranlés dans leur âme, puis deviennent désordonnés dans leurs paroles. Mais le remède pour que l'homme ne soit pas ébranlé dans son âme, c'est qu'il soit comme un sourd qui n'écoute pas les paroles iniques. Et c'est pourquoi il dit: Mais moi, comme un sourd, je n'entendais pas, c'est-à-dire quant à moi je feignais d'entendre: "Jusqu'à un certain temps souffrira [l'homme] patient." Et il est écrit semblablement dans le même livre: "Entoure tes oreilles d'une haie d'épines, et n'écoute pas la langue méchante." Et le remède pour qu'il ne soit pas désordonné dans ses paroles, c'est qu'il soit muet: "Je suis devenu muet, et je me suis humilié, et j'ai passé sous silence de bonnes choses." Voilà pourquoi il dit: et [j'étais] comme un muet n'ouvrant pas la bouche. Et le Christ réalise cela parfaitement, comme le rapporte Matthieu: "Mais il ne lui répondit à aucune de ses paroles, de sorte que le gouverneur en était extrêmement étonné." - "Comme une brebis il sera conduit à la tuerie, et comme un agneau devant celui qui le tond, il sera muet, et il n'ouvrira pas la bouche." Ainsi doivent aussi se comporter les hommes justes: "J'ai mis à ma bouche une garde, lorsque le pécheur s'élevait contre moi."

·Et je suis devenu comme un homme n'entendant pas.

Ici le psalmiste expose l'effet de sa patience; mais ce comportement s'oppose à la pensée des méchants, qui attribuent cela à la lâcheté et non à la vertu. Et il dit: je suis devenu, c'est-à-dire selon l'opinion, comme un homme n'entendant pas, et non vertueux. D'où ce qui est écrit au sujet du Christ: "Tu ne me parles pas ?"

et n'ayant pas dans sa bouche de répliques, c'est-à-dire comme s'il n'était pas sage pour répondre. Aussi il est écrit à propos du Christ qu'Hérode se joua de lui et le méprisa.

16 Parce qu'en toi, Seigneur, j'ai espéré; toi, tu m'exauceras, Seigneur mon Dieu.

- Ici le psalmiste montre le motif de sa patience. Il est triple: du côté de Dieu, du côté des ennemis, et de son propre côté.

· Du côté de Dieu le motif de sa patience est dû au fait que toute sa cause est abandonnée à Dieu: "À moi la vengeance, et c'est moi qui ferai la rétribution." Et c'est pourquoi il dit: mais moi en toi j'ai espéré, Seigneur, autrement dit: en toi est ma cause: "Mon espérance, c'est toi, au jour de l'affliction." Et qu'espères-tu de Dieu ? J'ai dit: toi, tu m'exauceras, Seigneur mon Dieu. Selon Origène, lorsqu'un homme prie Dieu et n'est pas exaucé, c'est parce que lui-même n'écoute pas celui qui le commande. - "Celui qui détourne ses oreilles pour ne pas écouter sa loi, sa prière sera exécrable"; mais celui qui obéit à Dieu et à sa loi, celui-là est alors exaucé: "La prière assidue du juste peut beaucoup." Or Dieu recommande surtout la patience: "Si quelqu'un te frappe sur la joue droite, présente-lui encore l'autre." Et c'est pourquoi ceux-là sont exaucés par Dieu, qui ont su prier pour leurs ennemis, comme le fait l'Eglise; c'est pourquoi le prophète Jérémie écrit: "Quand même Möise et Samuel se présenteraient devant moi" - car ces derniers dans l'Ancien Testament ont prié pour leurs ennemis, - "mon âme ne serait pas pour ce peuple", c'est-à-dire je ne les exaucerais pas pour ce peuple, autrement dit: car si je souffre avec patience, toi, tu m'exauceras.

17 Parce que j'ai dit: Que jamais mes ennemis ne se gaussent de moi; et tandis que mes pieds sont ébranlés, ils ont dit sur moi de grandes [insolences]. 18 Parce que moi je suis prêt à [recevoir] des châtiments, et ma douleur est en ma présence toujours.

Plus haut le psalmiste a exposé les maux qu'il a soufferts de la part des hommes; et il a montré aussi sa patience, et il a donné un motif de sa patience du côté de Dieu.

· Ici à présent il donne un motif de sa patience du côté de ses ennemis. Il arrive parfois que, par la miséricorde de Dieu, celui qui souffre une tribulation, souffre des maux qui sont infligés par d'autres, en vue d'avoir la paix avec ses ennemis: "Lorsque plairont au Seigneur les voies de l'homme, il convertira même ses ennemis à la paix." - "Les bêtes de la terre seront pacifiques pour toi." Et ce comportement est aussi naturel, car il n'est personne qui soit à ce point violent ou cruel que lorsqu'il voit quelqu'un humilié, il l'afflige davantage. Même le chien ne mord pas un homme qui est étendu. Donc lorsque quelqu'un résiste à un ennemi, il provoque l'ennemi à le nuire, et Dieu ne l'aide pas: "Si j'ai rendu le mal à ceux qui m'en avaient fait, que je tombe sous mes ennemis sans défense; je l'ai mérité." Et c'est pourquoi il donne ici un motif de sa patience qui consiste à ne pas tomber dans leurs mains; et à ce propos il fait deux choses.

Il commence par mentionner au sujet de ses ennemis leur joie corporelle.

Puis leur insulte.

Ainsi dit-il: j'ai dit: Que jamais mes ennemis ne se gaussent de moi; si Dieu ne veut pas me défendre, qu'il ne me prenne pas en considération, et ainsi mes ennemis l'emporteront sur moi et se réjouiront.

En parlant de leur insulte il dit: et tandis que mes pieds sont ébranlés. Une version de Jérôme lit: deficio (je tombe en faiblesse), et notre version lit: "Super me magna locuti sunt (Ils ont dit sur moi de grandes [insolences])." Et tandis que mes pieds glissent, etc., ils disent. Si on l'entend au passé, en voici le sens: j'ai dit: Que jamais, etc. Cela peut se référer à son expérience; autrement dit: je sais par expérience qu'ils se réjouiraient. Mais si mes pieds glissaient, etc. Certains tombent, d'autres vacillent mais ne tombent pas, d'autres sont faibles. Les méchants insultent parfois un homme religieux, et ils parlent surtout contre lui: "Ne multipliez point des paroles hautaines en vous glorifiant." - "Que le Seigneur perde entièrement toutes les lèvres trompeuses, et la langue qui profère des discours superbes."

· Le troisième motif [de sa patience] est de son propre côté, c'est-à-dire du côté de celui qui souffre. Il fait d'abord connaître la promptitude de son âme, puis sa cause.

Ainsi dit-il: Parce que moi je suis prêt à recevoir] des châtiments. Nul n'est impatient si ce n'est de ce qu'il souffre à contre-coeur. Il faut considérer deux genres d'hommes. Il y en a qui ne sont pas châtiés ici-bas, mais qui sont réservés au feu éternel: "Ils n'ont point de part au labeur des hommes, et ils ne sont pas frappés comme les autres hommes", c'est-à-dire ne sont pas corrigés ici-bas. Il y en a d'autres qui sont châtiés en ce monde, parce que Dieu les corrige comme des fils: "Le Seigneur châtie celui qu'il aime, et il frappe de verges tout fils qu'il reçoit." Selon Grégoire, "le signe de la réprobation éternelle, c'est lorsque Dieu n'inflige aucun châtiment à un homme en ce monde". Ainsi Ambroise a-t-il refusé d'être reçu dans la maison de quelqu'un qui avait toujours vécu dans la prospérité. Et c'est pourquoi il dit: Parce que moi je suis prêt [à recevoir] des châtiments.

Il expose d'abord la douleur.

Puis la cause de la douleur.

En effet on remarque habituellement que lorsque quelqu'un souffre d'une douleur violente, il supporte alors une autre douleur: comme lorsqu'un homme supporte l'extraction d'une dent afin d'être délivré de la douleur dentaire. Et c'est pourquoi il dit: je suis prêt [à recevoir] des châtiments, parce que j'ai une autre douleur que je veux soigner. Et c'est pourquoi il dit: ma douleur, à savoir celle des péchés, est en ma présence toujours. - "Il y a une grande tristesse en moi, et une douleur continuelle dans mon coeur." - "Ô vous tous qui passez par la voie, prêtez attention, et voyez s'il est une douleur comme ma douleur." Et cette douleur est plus grande que toute douleur; non en vérité d'après le sentiment, mais selon la vérité objective. Augustin dit que toutes les affections de l'âme sont causées par l'amour. L'homme trouve sa jouissance dans ce qu'il aime, et craint le contraire de ce qu'il aime, et souffre pareillement. Donc plus grand est l'amour, plus grande est la douleur résultant de son contraire. Mais la charité la plus petite est l'amour le plus grand. Donc la douleur résultant du péché est la plus grande; mais elle n'est pas perçue par l'homme, parce que son appétit sensible n'est mû qu'à partir de l'appréhension des réalités sensibles, à travers la réflexion de la raison. Et de là vient que l'homme éprouve plus la douleur à propos d'autres choses que le péché: cependant selon sa raison il voudrait la souffrir plus que la douleur due au péché.

La cause de cette grande douleur est le péché; et c'est pourquoi il dit:

19 Parce que je proclamerai mon iniquité, et je penserai à mon péché. 20 Mais mes ennemis vivent; et se sont fortifiés contre moi; et ceux qui me haïssent iniquement se sont multipliés. 21 Ceux qui rendent les maux pour les biens me dénigraient parce que je recherchais le bien.

Parce que je proclamerai mon iniquité. Autrement dit: je souffre parce que je considère mon péché, et en tant que je le manifeste aux autres. C'est pourquoi moi, je [la] proclamerai, c'est-à-dire je la manifesterai aux autres, comportement que je regarde comme le plus grand des remèdes, car il s'applique surtout dans la confession qui réjouit celui qui se confesse: "Celui qui cache ses crimes ne sera pas dirigé; mais celui qui les confesse et les abandonne obtiendra miséricorde." - "Confessez donc vos péchés l'un à l'autre."

Puis il expose la satisfaction du péché à l'opposé de ceux qui se confessent sans satisfaire: "Je repasserai devant toi toutes mes années dans l'amertume de mon âme." - "A sa face je suis troublé, et le considérant, je suis agité par la crainte." Et ici sont mentionnées les trois parties de la pénitence.

Le mot douleur se réfère à la contrition.

Les mots parce que je proclamerai mon iniquité se réfèrent à la confession.

Enfin les mots je penserai, c'est-à-dire je satisferai, à mon péché, se réfèrent à la satisfaction.

b. 20 Mais mes ennemis vivent; etc. Ici le psalmiste donne la raison de la miséricorde divine, à savoir la prospérité des ennemis; et il en expose la cause selon trois points de vue.

- D'abord quant à la stabilité de leur coeur: vivent.

- Puis quant à la grandeur de leur puissance: et se sont fortifiés.

- Enfin quant à leur multitude: se sont multipliés.

- Ainsi dit-il: mes ennemis vivent. Et Origène commente ce verset comme suit: parfois un pénitent, après avoir été remis dans la paix, pense à son péché; mais de si nombreuses tribulations s'élèvent contre lui qu'il lui semble qu'il doive se défendre; cependant ce dernier dit: bien que mes ennemis vivent et soient prospères, je ne délaisse pourtant pas la douleur de mes péchés; car l'homme ne doit pas se dérober à la pénitence. Le Christ a eu de nombreux ennemis, et il en a: "Ils m'ont haï gratuitement." Et Dieu a ses ennemis: "Ils ont haï et moi et mon Père." Et d'autres justes ont beaucoup d'ennemis, et ils ne vivent pas sans châtiment.

- et se sont fortifiés, c'est-à-dire ont une grande puissance, c'est-à-dire sont très puissants.

- et se sont multipliés ceux qui me haïssent iniquement; c'est-à-dire injustement, car ils me persécutent en raison de la justice que je recherchais.

21 Ceux qui rendent les maux pour les biens. Or il y a une quadruple rétribution.

La première est celle qui rétribue le bien pour le bien; une autre est celle qui rétribue le mal pour le mal: et ces dernières sont communes aux bons et aux méchants, parce que même le bon attribue le mal de la peine au mal de la faute; une autre encore rétribue les biens pour les maux, et cette rétribution est le propre des bons; la quatrième est celle qui rétribue le mal pour le bien, et cela relève des méchants: "Est-ce que pour le bien est rendu le mal, puisqu'ils ont creusé une fosse à mon âme ?"

me dénigraient. - "Et comme ils n'ont pas montré qu'ils avaient la connaissance de Dieu, Dieu les a livrés à un sens réprouvé, remplis de toute iniquité, malice, fornication, avarice, méchanceté; pleins d'envie, de meurtre, de l'esprit de contention, de fraude, de malignité; délateurs, détracteurs, etc." Il y a une triple détraction: la première de celles-ci, c'est lorsqu'un homme dénigre son prochain à propos de son péché, même si ses péchés sont cachés, car s'ils sont cachés, ils ne doivent pas être publiés en usant du dénigrement. La deuxième est plus mauvaise, c'est lorsqu'il dénigre faussement. La pire, c'est lorsqu'il dénigre non pas le prochain en tant que tel, mais sa vertu, c'est-à-dire si l'on dit par exemple que sa chasteté est souillée. Et tel est le contenu de son propos, car il dit: je recherchais le bien, ils me dénigraient. - "Malheur à vous qui appelez le mal bien, et le bien mal." - "Nous ne trouvons contre ce Daniel aucun moyen d'accusation, si ce n'est dans la loi de son Dieu." La Glose [commente]: "Heureuse conscience à laquelle rien ne peut être imputé si ce n'est qu'elle observe la loi de son Dieu."

22 Ne m'abandonne pas, Seigneur mon Dieu; ne t'écarte pas de moi. 23 Soit attentif a me secourir, Seigneur Dieu de mon salut.

B. Ici le psalmiste exposé sa prière; et il demandé que soit écarté de lui ce qu'il craint et que lui soit accordé ce qu'il aime: Sois attentif à me secourir.

Celui-ci demande que ne lui soit pas retiré ce qu'il craint, à savoir la présence de Dieu; aussi dit-il: Ne m'abandonne pas, Seigneur, mon Dieu, à savoir dans ma tribulation: "Je suis avec lui dans la tribulation." - "C'est le Seigneur ton Dieu, qui marche avec toi; il ne té délaissera point et ne t'abandonnera point." Et si tu sembles m'abandonner un peu, cependant ne t'écarte pas de moi tout à fait, parce que je ne puis subsister par moi-même: "Ma miséricorde ne se retirera pas de toi."

Sois attentif à me secourir, c'est-à-dire aide-moi pour que je progresse. Et remarquez que l'Eglise dit ce petit verset au début de toutes les Heures, parce qu'il a un pouvoir contre les tentations. Voilà pourquoi lorsque nous commençons à prier, le diable nous tente. Et c'est la raison pour laquelle le psalmiste demandé le secours: aussi dit-il: Soit attentif parce que toi, Dieu, tu ès le donateur et le gardien de mon salut: "Ô toi, qui donnés le salut des rois, qui as racheté David ton serviteur d'un glaive meurtrier."

 

 

COMMENTAIRE DU PSAUME 38

1 Pour la fin, à Idithun lui-même, cantique de David.

2 J'ai dit: "Je garderai mes voies, afin que je ne pèche point par ma langue." J'ai mis une garde à ma bouche, lorsque le pécheur s'élevait contre moi. 3 Je suis devenu muet, et je me suis humilié, et j'ai passé sous silence de bonnes choses; et ma douleur a été renouvelée. 4 Mon coeur s'est échauffé au-dedans de moi; et dans ma méditation un feu s'est embrasé.

5 J'ai dit par ma langue: "Seigneur, fais-moi connaître ma fin. Et le nombre de mes jours, quel il est; afin que je sache ce qui me manque."

6a Voilà que tu as fait mes jours mesurables, et mon être est comme rien devant toi.

6b En vérité, tout homme vivant est une vanité universelle.

7 En vérité, comme une image passe un homme; et c'est bien en vain qu'il se trouble.

Il thésaurise, et il ignore pour qui il rassemblera ces [trésors].

8 Et maintenant quelle est mon attente ? N'est-ce pas le Seigneur ? Et mon bien est en toi.

9 Arrache-moi à toutes mes iniquités; tu m'as rendu un objet d'opprobre pour l'insensé. 10 Je suis resté muet, et je n'ai pas ouvert ma bouche, parce que c'est toi qui l'as fait. 11 Détourne de moi tes blessures. 12 Par la force de ta main, moi j'ai défailli au milieu de tes réprimandes: À cause de [son] iniquité tu as puni l'homme. Et tu as fait dépérir son âme comme une araignée: en vérité, c'est en vain que tout homme se trouble.

13 Exauce ma prière, Seigneur, et mon imploration: prête l'oreille à mes larmes. Ne garde pas le silence. Parce que je suis auprès de toi un étranger et un pèlerin comme tous mes pères. 14 Remets-moi, afin que je sois rafraîchi, avant que je m'en aille et que je ne sois plus.

 

1 Pour la fin, à Idithun lui-même, cantique de David.

2 J'ai dit: "Je garderai mes voies, afin que je ne pèche point par ma langue." J'ai mis une garde à ma bouche, lorsque le pécheur s'élevait contre moi. 3 Je suis devenu muet, et je me suis humilié, et j'ai passé sous silence de bonnes choses; et ma douleur a été renouvelée. 4 Mon coeur s'est échauffé au-dedans de moi; et dans ma méditation un feu s'est embrasé.

Le psalmiste a confessé qu'il a souffert l'affliction pour son propre péché; mais ici il promet sa prudence pour l'avenir. Ce psaume s'intitule: Pour la fin, à Idithun lui-même, cantique de David. Et ceci n'est pas nouveau, bien que ce soit un nouveau titre, car on rapporte dans l'histoire du premier livre des Chroniques ce qui suit: David, après avoir ramené l'Arche d'alliance qui avait été prise par les Philistins, institua quatre mille chantres; parmi ceux qu'il établit à l'intérieur, il appela Asaph, Ethan, et Idithun, et ce dernier figure sur ce titre. Et comme Origène le dit, cette coutume se pratiquait aussi chez les Grecs, à savoir que si parfois il se trouvait des poètes récitant des poèmes dans le peuple, lorsque ces poèmes n'étaient pas écrits par les récitants eux-mêmes mais par d'autres, la victoire n'était pas attribuée au récitant mais au poète. Ainsi en est-il également pour les psaumes; car David composa tous les psaumes, et en chanta lui-même certains devant l'Arche, comme on le rapporte au second livre de Samuel, et il en donna d'autres pour être chantés; et c'est pourquoi ceux auxquels ils étaient donnés, étaient comme des chantres et figuraient sur ces titres: tantôt à cause de leur dignité, parce qu'ils furent des prophètes, tantôt à cause du mystère. C'est pourquoi cela s'applique au mystère d'Idithun, qui veut dire "homme qui connaît intérieurement", ou "qui franchit", et signifie celui qui franchit la vanité du monde, dont il est beaucoup question dans ce psaume.

Ce psaume se divise en deux parties.

I) Dans la première le psalmiste expose la prudence dont il use pour échapper aux dangers.

II) Dans la seconde il montre la nécessité de la prudence: 6a Voilà que tu as fait mes jours mesurables.

I. Dans cette première partie il fait deux choses.

A) Il fait d'abord mention de la prudence.

B) Puis il montre le danger occasionné par cette prudence: 3 Je suis devenu muet.

A. En parlant de cette prudence il fait deux choses.

1) Il commence par la mentionner.

2) Puis il en donne la justification: J'ai mis une garde à ma bouche.

1. Trois choses sont à considérer dans la prudence: l'intention de prendre garde; aussi dit-il: J'ai dit, c'est-à-dire j'ai établi et je me suis proposé dans mon coeur avec délibération: "J'ai dit, moi, dans mon coeur: J'irai et je nagerai dans les délices, et je jouirai des biens." Puis il faut considérer quelle est son intention: car je garderai mes voies, c'est-à-dire mes progrès. Et l'homme doit garder les voies de Dieu afin qu'il soit imité: "Mon pied a suivi ses traces; j'ai gardé sa voie, et je ne m'en suis pas détourné." Semblablement, il doit garder ses voies afin de ne pas errer: "Gardez vos voies et vos oeuvres." Enfin, il faut considérer le fruit qui en résulte: afin que je ne pèche point par ma langue. L'homme doit se garder avec un soin attentif de tout péché, et principalement du péché de la langue, car il se laisse entraîner facilement à ces péchés: car la langue est mobile et fait facilement éclater le mal. Ou bien une autre raison est due au fait que la langue est l'organe immédiat qui doit exposer ce qui est conçu intérieurement dans le coeur. C'est pourquoi aussitôt que la parole est conçue dans le coeur, elle est sur la langue; et il faut donc qu'elle soit gardée avec un soin attentif.

2. Puis il donne la raison de cette vigilance: J'ai mis une garde à ma bouche, lorsque le pécheur s'élevait contre moi, autrement dit: la raison pour laquelle je garde mes voies, c'est qu'il y a toujours un adversaire contre moi. Il est écrit ailleurs que l'homme mette une garde à son coeur: "Garde ton coeur en toute vigilance, parce que c'est de lui que la vie procède." Ici il dit qu'il met une garde à sa bouche, qu'elle n'est pas totalement fermée, mais elle doit être gardée, c'est-à-dire préservée des paroles mauvaises quant au temps, et quant à ce qu'il dit: "À toute chose est son temps et son opportunité."

Et pourquoi ai-je mis une garde à ma bouche, lorsque le pécheur s'élevait contre moi ? Cela s'explique de trois manières.

Selon un premier sens comme suit: contre moi, pour me tendre un piège; et dès lors la prudence est davantage nécessaire: "Si tu as l'intelligence, réponds à ton prochain; mais sinon que ta main droite soit sur ta bouche." - "Ils se concertèrent pour le surprendre en parole." Selon un deuxième sens comme suit: contre moi, pour m'injurier ou pour m'attaquer: car c'est alors même qu'il t'attaque, que tu dois prendre garde à toi, puisque là se trouve la vertu: "Lui, qui était maudit, ne maudissait point." Selon un troisième sens comme suit: contre moi, c'est-à-dire en ma présence, afin qu'il soit instruit: et alors la prudence est nécessaire pour qu'il ne publie pas toutes choses à tous. Car certaines choses doivent être exprimées aux justes qui ne doivent pas être dites aux pécheurs: "Je n'ai pas pu vous parler comme à des hommes spirituels, mais comme à des hommes charnels." - "Ne donnez pas les choses saintes aux chiens", autrement dit: J'ai mis une garde, afin de ne pas divulguer les secrets de la doctrine aux pécheurs.

B. 3 Je suis devenu muet. Ici le psalmiste expose le danger de la prudence, c'est-à-dire ce qu'elle peut occasionner; voilà pourquoi il dit: voyant les pécheurs se battre contre moi, je me suis proposé de me taire complètement; aussi dit-il: Je suis devenu muet, c'est-à-dire je me suis tu tout à fait. Mais il arrive parfois qu'une personne se taise exagérément par prudence, et parfois qu'elle se taise extérieurement et soit troublée intérieurement: "Le coeur de l'insensé est comme la roue d'un char." Mais celui-ci n'est pas troublé intérieurement; c'est pourquoi il dit: je me suis humilié, c'est-à-dire au fond du coeur, mais il y a un danger: car tandis que j'ai voulu me taire sur mes maux, j'ai aussi passé sous silence de bonnes choses; ou bien de bonnes paroles que je n'ai pas dites, ou bien des hommes bons à qui je n'ai pas voulu parler: "Qu'aucun discours mauvais ne sorte de votre bouche, que s'il en sort quelqu'un, qu'il soit bon pour édifier la foi, et donner la grâce à ceux qui l'écoutent." D'où ce qui suit: et ma douleur a été renouvelée, autrement dit: J'ai d'abord souffert de la parole indiscrète, à présent je souffre de la taciturnité indiscrète, comme s'il disait: la douleur s'est renouvelée en moi. Mais le remède de la charité intérieure est appliqué; et c'est pourquoi il dit: Mon coeur s'est échauffé au-dedans de moi, c'est-à-dire la chaleur de la charité a fait irruption dans mon coeur: "Est-ce qu'un homme peut cacher du feu dans son sein, sans que ses vêtements s'embrasent ?" Ainsi il est impossible à l'homme de cacher les paroles de Dieu lorsque son coeur s'enflamme de charité: "Ta parole a été éprouvée par le feu, et ton serviteur l'a aimée." Et la cause de cette irruption est la méditation des réalités divines; aussi dit-il: et dans ma méditation un feu s'est embrasé. Il n'est rien d'aimable excepté le bien et le beau. C'est pourquoi dans les affections sensibles la vision corporelle est cause de l'amour. Et par conséquent si tu veux atteindre les réalités spirituelles, il faut que ton coeur s'enflamme de l'amour de Dieu. L'effet de cette irruption est que celui qui s'est proposé de se taire, est poussé à parler; aussi dit-il: J'ai dit. - "Ils furent tous remplis de l'Esprit-Saint, et ils commencèrent à parler diverses langues, selon que l'Esprit-Saint leur donnait de parler." Selon Grégoire: "Ceux que l'Esprit remplit, il leur communique en même temps la ferveur et la parole." - "Qui peut retenir les paroles qu'il a conçues ?" Et de même il est écrit dans Jérémie: "La parole du Seigneur est devenue pour moi un sujet d'opprobre et de dérision durant tout le jour. Et j'ai dit: "Je ne ferai pas mention de lui, et je ne parlerai plus en son nom"; et alors il s'est allumé dans mon coeur comme un feu ardent, et renfermé dans mes os; et j'ai défailli, ne pouvant [le] soutenir." Ou bien selon le commentaire de la Glose: obsurdui (je suis devenu sourd), c'est-à-dire j'ai fait la sourde oreille. Dieu ne donne sa grâce à l'homme que dans la mesure où il en fait usage; et c'est pourquoi lorsque quelqu'un ne fait pas usage de la grâce qui lui a été donnée, Dieu [la] lui enlève, comme on le voit à propos du talent: "Ôtez-lui la mine, et donnez-la à celui qui a dix mines." Et c'est pourquoi il dit: Je suis devenu muet et je me suis humilié, c'est-à-dire j'ai été rejeté; et alors cela n'a pas une consonance de vertu, mais de péché; aussi dit-il: Mon coeur s'est échauffé, à cause de ma sollicitude. Origène expose d'une autre manière ces versets. Il les ponctue comme suit: "J'ai dit: "Je garderai mes voies." Afin que je ne pèche point par ma langue, j'ai mis une garde à ma bouche." Et ensuite: "Lorsque le pécheur s'élevait contre moi, je suis devenu muet." Or il y a, à cet égard, trois catégories d'hommes. Il y a ceux qui se trouvant dans les tribulations maudissent ceux qui les persécutent; d'autres les bénissent; d'autres enfin ont une attitude intermédiaire, ce sont ceux qui parviennent au moins à se taire. Ainsi, le psalmiste a-t-il échappé à la première catégorie, parce qu'il a mis une garde à sa bouche, et ne maudissait pas. Mais parce qu'il est devenu muet, et ne bénissait pas, il a échappé à la deuxième catégorie: car il éprouvait de la douleur et était tourmenté en lui-même à cause de son indignation, etc.

5 J'ai dit par ma langue: "Seigneur, fais-moi connaître ma fin. Et le nombre de mes jours, quel il est; afin que je sache ce qui me manque."

Ici il se tourne vers Dieu, et il s'enflamme: J'ai dit par ma langue: "Seigneur, fais-moi connaître ma fin. Et le nombre de mes jours, quel il est." Il expose ici une double demande.

Une première en disant: Seigneur, fais-moi connaître ma fin. Le sens du mot fin c'est ici le Christ: "La fin de la loi est le Christ." Autrement dit: Seigneur, fais-moi connaître le Christ.

L'autre demande est: fais-moi connaître le nombre de mes jours, c'est-à-dire je veux considérer quelle est la vie présente, afin que je puisse la comparer au regard de cette fin: car ces jours sont mauvais, peu nombreux et imparfaits; tandis que ceux-là sont souverainement parfaits: et alors on sait "que les souffrances du temps présent ne sont pas dignes de la gloire future qui sera révélée en nous", comme l'écrit l'Apôtre aux Romains. Et ainsi: que je sache ce qui me manque, c'est-à-dire combien je suis imparfait pour entrer dans cette vie. Origène dit que le mot fin est pris ici au sens de perfection. Car tout art a une fin qu'il se propose, laquelle est sa perfection; et ainsi il dit: fais-moi connaître ma fin, c'est-à-dire quel est le chemin le plus haut de perfection, sur lequel tu veux me faire marcher: "J'ai vu la fin de toute perfection."

Et le nombre de mes jours, c'est-à-dire mes oeuvres, qui sont mes jours, autrement dit: fais-moi juger mes oeuvres avec droiture, selon ce qu'elles valent. Et cela, afin que je sache ce qui me manque, c'est-à-dire à ma perfection. Ou bien, on peut exposer cela simplement en l'appliquant à la fin de la vie: car selon ce qui est écrit dans l'Ecclésiastique: "Dans toutes tes oeuvres, rappelle-toi tes fins dernières." Et le nombre de mes jours, etc., c'est-à-dire combien de temps je vivrai, afin de me disposer à la pénitence.

6a Voilà que tu as fait mes jours mesurables, et mon être est comme rien devant toi.

II. Plus haut le psalmiste a fait mention de la prudence manifestée dans son silence, du danger imminent exprimé par ce silence, et du remède grâce auquel il s'est protégé contre ce danger; mais ici il montre la nécessité de la prudence précitée, qui se fonde sur la misère de la vie présente; et à cet égard il fait deux choses.

A) Il décrit d'abord la misère de la vie présente.

B) Puis il demande un remède contre celle-ci: 8 Et maintenant quelle est mon attente ?

A. Dans sa description il fait deux choses.

1) Il commence par décrire la misère de cette vie en parlant de la vie elle-même.

2) Puis en parlant de l'occupation de cette vie: 7 En vérité, comme une image passe un homme.

1. En parlant de la vie elle-même il fait deux choses.

a) Il commence par décrire cette misère quant à la vie.

b) Puis il en donne la raison: 6b En vérité, tout homme vivant est une vanité universelle.

a. Il montre la misère de cette vie quant à sa brièveté, et quant à sa faiblesse. À propos de sa brièveté il dit: Seigneur, j'ai demandé que tu m'annonces le nombre de mes jours. Mais mes jours peuvent-ils être comptés ? Oui, parce que tu as fait mes jours mesurables. L'homme a été créé de telle sorte que s'il n'avait jamais péché, il ne serait pas mort, et ainsi ses jours n'auraient pas été mesurables; mais en péchant il est devenu mortel, et ainsi ses jours peuvent être comptés: "Les jours de l'homme sont courts, le nombre de ses mois est en tes mains; tu as marqué son terme, lequel ne pourra être dépassé." Mais en admettant que la vie soit brève et puisse être si précieuse qu'elle doive être très estimée, cependant cela n'est rien, parce que mon être et ma nature, et ma vie sont comme rien devant toi, c'est-à-dire en comparaison de toi; bien qu'ils paraissent être quelque chose en comparaison des faibles créatures: "Toutes les nations, comme si elles n'étaient pas, ainsi sont-elles devant lui." On peut aussi l'expliquer de la manière suivante: mon être, c'est-à-dire tandis que je considère ce qui est devant toi, à savoir les biens éternels que tu donneras aux saints, je regarde mon être comme rien. Ou bien ainsi: ceux qui considèrent les choses de ce monde devant toi, c'est-à-dire avec ton oeil divin, les regardent comme rien.

6b En vérité, tout homme vivant est une vanité universelle.

b. Ici il justifie la description de la misère de la vie selon le sens littéral.

Universa (universelle), selon notre version est ou bien au cas nominatif féminin singulier, ou bien au cas nominatif neutre pluriel.

S'il s'agit du nominatif neutre pluriel, en voici le sens: "En vérité, toutes choses", autrement dit: il n'est pas étonnant que la vie de l'homme ne soit rien devant toi, car "toutes choses universelles", c'est-à-dire toutes les choses inférieures sont vanité. Et c'est pourquoi la version iuxta Hebraeos de Jérôme lit: "Omnia enim vanitas (Car toutes choses sont vanité)", comme pour justifier ce qui précède. Il est écrit dans l'Ecclésiaste: "Vanité des vanités, et tout est vanité." Et elles sont dites vanité, parce que la vanité s'oppose à la solidité et à la stabilité: car toutes les choses qui sont dans le monde sont sujettes au changement, et c'est pourquoi elles sont vaines; et même parmi elles, tout homme vivant est sujet au changement, et telle est la vanité: "Car la créature", c'est-à-dire l'homme, "est assujettie à la vanité, non point volontairement".

Ou bien selon le sens littéral, si universa est pris au nominatif singulier, en voici le sens. "Vanité universelle", c'est-à-dire toute vanité, "est tout homme vivant", c'est-à-dire se trouve en tout homme vivant avec un comportement mondain. On dit d'un homme qu'il est vain parce qu'il suit les choses changeantes: "Ils ont marché après la vanité, et sont devenus vains." Ou bien: tout homme vivant, c'est-à-dire d'une manière charnelle, est toute, c'est-à-dire parfaite, vanité.

7 En vérité, comme une image passe un homme; et c'est bien en vain qu'il se trouble. Il thésaurise, et il ignore pour qui il rassemblera ces [trésors].

2. Ici le psalmiste montre la misère de la condition humaine quant à son occupation; et à ce propos il fait trois choses.

a) Il commence par montrer qu'il y a quelque chose dans l'homme qui doit résister à la vanité.

b) Puis il montre d'une manière générale la vanité de son occupation: et c'est bien en vain.

c) Enfin il montre aussi cela d'une manière particulière: Il thésaurise.

a. Ainsi dit-il: tout homme est vanité; cependant il y a dans l'homme quelque chose de ferme, qui demeure toujours en lui alors qu'il passe; et c'est l'image. Et cela peut être expliqué de trois manières.

Selon une première manière en l'appliquant à l'image de Dieu, en tant que l'homme est doué de raison: "Faisons un homme à notre image et à notre ressemblance." Et cette image, à savoir la raison, doit résister à la vanité, et elle doit écarter celle-ci, c'est-à-dire la vanité. Et tel est ce qu'il dit: bien que l'homme soit sujet à la vanité, il est cependant doué de raison. Mais parce qu'il n'est pas précisé ici de quelle image il s'agit, on notera qu'il y a une double image: l'une de l'homme céleste, mais l'autre de l'homme terrestre: "Comme nous avons porté l'image du terrestre, portons aussi l'image du céleste." Je dis donc que tout homme est vanité; cependant tout homme passe comme une image, car ou bien il représente en lui par ses oeuvres l'image de l'homme céleste, ou bien par ses oeuvres mauvaises l'image du terrestre.

Ou bien selon une autre explication: l'image implique une similitude. Or le cours de cette vie est dirigé par une connaissance, car la volonté est mue par ce qui est connu. Mais il y a une double connaissance. L'une se fait par une apparence de vérité; et cette dernière est comme une connaissance de l'image, car elle n'atteint pas la vérité elle-même mais une similitude de la vérité. Si l'homme atteignait la vérité elle-même telle qu'elle est, il ne se troublerait pas, car il considérerait la condition de cette vie, et ce que nous serons après cette vie; et ainsi il ne se soucierait pas de cette vie, mais tendrait vers les réalités qui sont dans l'autre vie.

b. Et c'est pourquoi la version iuxta Hebraeos de Jérôme lit: "Quantum ad imaginem pertransit homo, tantum turbatur (Dans la mesure où l'homme passe comme une image, il ne fait que se troubler)", c'est-à-dire dans la mesure où l'homme s'éloigne de la vraie connaissance de la vérité, il se trouble par la préoccupation de cette vie, soit dans les biens, soit dans les maux: "Marthe, Marthe, tu t'inquiètes et tu te troubles de beaucoup de choses." Donc, lorsqu'il accomplit des bonnes oeuvres, alors il ne se trouble pas en vain; mais lorsqu'il se préoccupe des biens terrestres, alors il se trouble en vain: "Et moi j'ai dit: C'est dans le vide que j'ai travaillé, c'est sans motif et vainement que j'ai consumé ma force." Et il donne un exemple d'une préoccupation qui trouble les hommes: c'est l'avarice; et cette dernière trouble surtout les hommes. La concupiscence, elle, préoccupe les hommes pour un temps, tout comme la colère. Mais comme il est écrit dans l'Ecclésiaste: "L'avare ne sera point rassasié d'argent."

c. Et c'est pourquoi il donne un exemple à ce propos, en disant: Il thésaurise, et il ignore pour qui il rassemblera ces [trésors], c'est-à-dire il rassemble des trésors superflus en cette vie: "Ne vous amassez point de trésors sur la terre", c'est-à-dire illusoirement et vainement, parce que vous ignorez pour qui vous les rassemblez. Pour soi non, car "le riche, lorsqu'il s'endormira, n'emportera rien avec lui". Donc pour d'autres, mais il ignore pour qui: car parfois il ne rassemble pas pour ses enfants, parce qu'ils ne subsistent pas après lui; et s'ils subsistent, il ne sait cependant pas comment ils sont, car ils sont parfois opposés à leurs parents.

8 Et maintenant quelle est mon attente ?

N'est-ce pas le Seigneur ? Et mon bien est en toi.

B. Ici le psalmiste demande le secours de Dieu contre la misère:

1) Et il expose d'abord sa confiance, de laquelle procède sa prière.

2) Puis il formule sa prière: 9 à toutes mes iniquités.

3) Enfin il demande qu'elle soit exaucée: 13 Exauce.

1. Parfois l'homme est dans la misère, et alors ou bien il croit avec assurance s'en libérer par lui-même, ou bien par quelqu'un d'autre.

S'il croit avec assurance s'en libérer par lui-même, il n'attend pas quelqu'un d'autre, mais il trouve son secours en lui-même. Si c'est par quelqu'un d'autre, alors il attend, car il espère être aidé par cet autre. Ainsi en est-il dans cette misère, car ses jours sont peu nombreux; et il ne se confie pas en lui, mais dit avec Job: "Voici que je n'ai pas de secours en moi, et mes amis même se sont retirés de moi", mais il attend le secours de Dieu: aussi dit-il: quelle est mon attente ? N'est-ce pas le Seigneur ? autrement dît: seul il peut me libérer, car lui seul est au-dessus de toute vérité, lui qui seul est la vérité: "Bienheureux tous ceux qui l'attendent." Dans l'attente aussi il y a un délai, autrement dît: Moi, j'attendrai: "S'il met un [certain] délai, attends-le."

Et mon bien est en toi. Ici il justifie la confiance qu'il tient de Dieu. Il est naturel à l'homme de se confier en Dieu, auprès duquel il acquiert ce qu'il a. Donc, celui qui met en Dieu tout ce qu'il a peut se confier en Dieu; et c'est pourquoi il dit: mon bien est en toi, autrement dit: bien que je ne sois rien par moi-même, cependant tout ce que j'espère être, et tout ce que j'ai, est en toi: "Sachant que vous avez un bien meilleur et durable." - "Amassez-vous des trésors dans le ciel." - "Je sais à qui je me suis confié, et je suis sûr qu'il est puissant pour garder mon dépôt jusqu'à ce jour." La Glose l'applique au Christ: "Mon bien est en toi", c'est-à-dire toi, ô Christ, tu assumeras ma chair: car "il est né de la race de David selon la chair".

9 Arrache-moi à toutes mes iniquités; tu m'as rendu un objet d'opprobre pour l'insensé. 10 Je suis resté muet, et je n'ai pas ouvert ma bouche, parce que c'est toi qui l'as fait. 11 Détourne de moi tes blessures. 12 Par la force de ta main, moi j'ai défailli au milieu de tes réprimandes: À cause de [son] iniquité tu as puni l'homme. Et tu as fait dépérir son âme comme une araignée: en vérité, c'est en vain que tout homme se trouble.

2. Plus haut le psalmiste a exposé la confiance qui lui vient de Dieu, en disant: Et maintenant quelle est mon attente ? N'est-ce pas Seigneur ? Mais ici il formule sa demande à Dieu: et à ce propos il fait trois choses.

a) Il commence par demander à Dieu l'éloignement de sa faute.

b) Puis celui du châtiment: Détourne de moi tes blessures.

c) Enfin il donne la raison qui lie ces demandes: À cause de [son] iniquité.

a. En demandant à Dieu l'éloignement de sa faute il fait deux choses.

- Il formule d'abord sa demande.

- Puis il allègue le mérite de l'exaucement: un objet d'opprobre.

- Ainsi dit-il: Arrache-moi à toutes mes iniquités. Ici il faut savoir que cette demande est louable à cause de la chose demandée et cela est nécessaire, à savoir sa libération du péché: "Si tu ôtes de toi l'iniquité qui est dans ta main, et que l'injustice ne demeure pas dans ta tente, tu pourras lever ta face." Puis, parce qu'il demande non point à cause de ses propres mérites, mais que cela lui soit donné à cause de Dieu: "C'est moi-même qui efface tes iniquités à cause de moi; et de tes péchés je ne me souviendrai plus." Enfin, parce qu'il demande d'être libéré de toutes ses iniquités, car il est impie de demander à Dieu le pardon de ses péchés sans espérer de lui une totale libération: "J'ai rendu sain un homme tout entier le jour du sabbat." Voilà pourquoi il dit: Arrache-moi à toutes mes iniquités, autrement dit: je ne demande pas d'être libéré d'un seul péché, mais de tous: "Vous serez purifiés de toutes vos souillures."

- "Remets-moi tous mes péchés."

- Le mérite se fonde sur celui qui souffre: "Toi qui au temps de la tribulation remets tous les péchés des hommes."

· Et c'est pourquoi il montre d'abord ce qu'il souffre.

· Puis il montre la patience qu'il a eue.

· Enfin il en donne la raison.

· Ainsi dit-il: tu m'as rendu un objet d'opprobre pour l'insensé; ce qui peut se comprendre de deux manières.

Selon une première manière, en tant que l'opprobre est un châtiment qui lui est infligé par Dieu: car de même que la récompense propre à un acte vertueux est l'honneur, ainsi le châtiment du péché est l'opprobre: "Vous avez scandalisé le plus grand nombre dans la loi."

Selon une autre manière, en tant que Dieu l'a favorisée, c'est-à-dire la patience, non l'opprobre mais la cause de l'opprobre, du fait que le mépris des choses terrestres est déjà commencé; parce que les sots et les insensés considèrent comme opprobre la patience à laquelle je m'exerce.

· La patience qu'il a eue, il la montre en disant: Je suis devenu muet. Le signe de la patience se manifeste lorsque l'homme, tandis que des paroles d'opprobre lui sont infligées, ne rend pas le mal pour le mal, comme le Christ: "Lui qui étant maudit, ne maudissait point." Et c'est pourquoi il dit: Je suis resté muet, et je n'ai pas ouvert ma bouche. Et cela peut se référer à deux choses.

Selon une première manière en tant que ces mots: je n'ai pas ouvert, désignent la continuité de sa patience: car bien qu'un homme paraisse être patient pour un moment, et qu'il se taise, par la suite devenu impatient il parle beaucoup: "Comme une brebis, il sera conduit à la tuerie, et comme un agneau devant celui qui le tond, il sera muet, et il n'ouvrira pas la bouche." - "Mais moi, comme un sourd, je n'entendais pas, et j'étais comme un muet qui n'ouvre pas la bouche", autrement dit: J'ai eu de la patience. Ou bien: Je suis resté muet, loin des opprobres contre le prochain, et je n'ai pas ouvert ma bouche, contre Dieu.

· La raison est que c'est toi qui l'as fait. Et cela peut se référer au mot opprobre. La raison pour laquelle il souffre patiemment les injures, c'est qu'il pense que cela lui est infligé par le jugement divin. David a fait cela quand il a dit: "Laissez-le maudire; car le Seigneur lui a ordonné qu'il maudisse David." - "Ne rejette pas, mon fils, la discipline du Seigneur: et ne te décourage pas, lorsque par lui tu es châtié." Ou bien ce qu'il dit: Je suis resté muet, [...] parce que c'est toi qui l'as fait, peut se référer à la patience.

b. La deuxième demande est faite à propos de l'éloignement du châtiment.

- Et il commence par exposer sa demande.

- Puis il expose la raison de sa demande.

- Il dit: Détourne de moi tes blessures, c'est-à-dire tes châtiments; et cela peut être expliqué de deux manières.

Ou bien en l'appliquant aux châtiments corporels: et ces derniers sont extérieurs, comme les châtiments et autres adversités par lesquels l'homme est puni par Dieu pour ses péchés: "Je t'ai frappé d'une blessure d'ennemi, d'un châtiment cruel." Donc éloigne de moi ces châtiments. Il y a aussi les blessures spirituelles, c'est-à-dire intérieures, comme le remords de la conscience: "Je te reprendrai, et t'établirai contre ta face." Et il demande que ces blessures soient écartées.

- Mais, selon Origène, la raison de cette demande est due à sa force. Le châtiment extérieur est très utile dans la mesure où on le supporte avec patience, mais lorsqu'il n'est pas patiemment supporté, l'homme s'affaiblit et se désespère, et il est alors nuisible: "Consolez-le de peur qu'il ne soit accablé par une trop grande tristesse." Et c'est pourquoi craignant cela, il demande que les plaies soient écartées, parce qu'il défaille sous la force, c'est-à-dire à cause de la violence du coup: "Avec une main puissante le Seigneur m'a instruit." - "La main de Dieu devenait extrêmement pesante."

L'homme s'affaiblit de trois manières dans les châtiments.

· La première manière est commune aux bons et aux méchants: il s'agit de la défaillance corporelle: "Par ta colère nous avons défailli."

· Une autre est due à l'impatience; et c'est le propre des méchants: "Maintenant la plaie est venue sur toi, et tu as défailli."

· La troisième manière est le propre des bons, et suivant cette manière on s'affaiblit de soi-même, et on tend vers Dieu: "Mon âme a défailli dans [l'attente de] ton salut, et en ta parole j'ai beaucoup espéré." Et ce qui est dit ici peut être compris selon n'importe laquelle de ces manières, autrement dit: je demande que tu éloignes de moi tes châtiments, parce que je suis corrigé selon la troisième manière de défaillir; puisque par la force de ta main, moi j'ai défailli au milieu de tes réprimandes. Ou bien parce que je désespère, selon la deuxième manière de défaillir. Ou bien parce que je ne puis souffrir, selon la première manière de défaillir.

c. Cela n'a plus de sens si on le lit selon une autre version: "In increpationibus ego defeci, etc. Propter iniquitatem corripuisti hominem (Dans les réprimandes moi j'ai défailli, etc. À cause de son iniquité tu as puni l'homme)." Telle est la raison pour laquelle il formule une double demande: car la cause est d'abord ôtée, et ensuite l'effet. La faute est la cause des plaies: et c'est pourquoi il dit que l'homme est châtié à cause de ses péchés. Aussi dit-il: toi, tu as puni, c'est-à-dire châtié l'homme, à cause de [son] iniquité, c'est-à-dire à cause de ses péchés. Et c'est pourquoi il demande d'abord que ses péchés soient écartés, car les châtiments futurs sont en vue de la damnation, mais les châtiments de cette vie sont en vue de la purification, cela va de soi, et ils servent à la correction: "De nombreux châtiments sont réservés au pécheur."

Et tu as fait dépérir son âme comme une araignée. Le psalmiste expose ici le mode ou le terme de la correction en disant: dépérir, c'est-à-dire dessécher. On peut donc l'interpréter au sens matériel, lorsqu'on se réfère à la tribulation corporelle; parce que l'humidité et la graisse corporelle se dessèchent, et alors la vie dépérit: "Sa chair dépérira." Et de même: "Sa chair est consumée par les supplices." Selon une autre manière, on peut l'interpréter en référant cela à l'âme. Il y a dans l'homme deux sortes de graisses au sens spirituel. L'une, mauvaise, est due aux jouissances corporelles: "Il s'est engraissé, a grossi, il a abandonné Dieu, son créateur." Et il est bon de se dessécher de cette graisse; et c'est ce qu'il dit: tu as fait dépérir, c'est-à-dire dessécher, mon âme comme une araignée, en la détournant de l'amour des choses charnelles: car l'araignée est un animal vif, et il n'est pas gras, puisqu'il tisse des fils très subtils; ainsi l'âme séparée des jouissances charnelles adhère par affection aux réalités invisibles, et accomplit des actes et témoigne des sentiments d'amour invisibles: "Nous ne considérons point les choses qui se voient, mais celles qui ne se voient pas; car les choses qui se voient sont passagères, mais celles qui ne se voient pas sont éternelles." Ou bien: dépérir, c'est-à-dire se dessécher de la graisse de la dévotion, comme le dit le psalmiste: "Que mon âme soit remplie comme d'une graisse abondante"; et tel est le mauvais dessèchement. Cela arrive, parce que l'âme perd sa dévotion et adhère aux péchés, et perd la graisse de la dévotion, comme l'araignée. De même que la toile de l'araignée est fragile, ainsi les pensées des pécheurs sont vaines: "Ils ont ourdi", c'est-à-dire ont fait, "des toiles d'araignée", c'est-à-dire des choses inutiles et vaines. De même que l'araignée fabrique ses propres fils, parce qu'elle meurt, ainsi les hommes meurent spirituellement à cause des propres péchés qu'ils commettent: "Le péché, quand il a été consommé, engendre la mort." Et on interprète cela de la manière suivante: tu as fait dépérir son âme en vie, comme l'araignée, c'est-à-dire tu l'as fait dessécher d'une bonne sécheresse.

En vérité, c'est en vain que tout homme se trouble. Telle est la limite de la punition: car bien qu'il fasse ainsi dépérir, cependant beaucoup demeurent dans leur malice, ou retournent au mal. Et que certains ne se troublent pas en vain n'est pas dû au fait qu'ils sont hommes, mais bien au fait qu'ils sont élevés par Dieu des choses terrestres à la considération des réalités célestes.

13 Exauce ma prière, Seigneur, et mon imploration: prête l'oreille à mes larmes. Ne garde pas le silence. Parce que je suis auprès de toi un étranger et un pèlerin comme tous mes pères. 14 Remets-moi afin que je sois rafraîchi, avant que je m'en aille et que je ne sois plus.

3. Ici le psalmiste demande que sa requête soit admise, et plus loin il demande qu'elle soit exaucée.

Et il mentionne trois choses qui font que sa demande à Dieu soit acceptée.

Il est d'abord question de l'élévation de son esprit vers Dieu: et c'est la prière qui est une élévation de l'intelligence vers Dieu; aussi dit-il: Exauce ma prière Seigneur. - "Pour moi, je t'adresse ma prière, Seigneur."

Puis de la continuité de sa demande: et cela lorsqu'il dit: et mon imploration. - "L'imploration assidue du juste peut beaucoup."

Enfin de la multitude des larmes: et il montre cela lorsqu'il dit: prête l'oreille à mes larmes.

Ne garde pas le silence. Le psalmiste expose ici le signe de l'exaucement, c'est pourquoi il demande que Dieu ne garde pas le silence. En effet on dit parfois que Dieu garde le silence à l'égard des méchants, quand il ne les punit pas, comme l'écrit Isaïe: "Je me suis tu, j'ai toujours gardé le silence, j'ai été patient; comme la femme au travail, je parlerai; je détruirai, j'engloutirai tout à la fois." Ne garde pas le silence, c'est-à-dire ne te tais pas sur la punition. De même Dieu garde parfois le silence en ne consolant pas les bons; et ainsi dit-il: Ne garde pas le silence à l'égard de mon âme, mais "dis à mon âme: Moi je suis ton salut". Et Dieu accomplit cela en cette vie, lorsqu'il dit au pécheur: "Tes péchés te sont remis." Et de même au jugement dernier, lorsqu'il dira: "Venez, les bénis de mon Père; prenez possession du royaume préparé par vous depuis la fondation du monde." La version iuxta Hebraeos de Jérôme lit: "Ad lacrymas meas non obsurdescas (Ne sois pas sourd à mes larmes)", et cela est en lien avec ce qui précède.

Parce que je suis auprès de toi un étranger. Ici le psalmiste donne la raison de sa demande, autrement dit: Dieu ordonne ce précepte dans l'Exode - "Tu ne contristeras point l'étranger, et tu ne l'affligeras point", à savoir que les étrangers soient exaucés. Et puisque moi je suis un étranger, il est juste que tu m'exauces. Moi, j'ai quitté le monde, et je me suis réfugié chez toi, et je suis auprès de toi comme un étranger, car je ne possède pas de demeure permanente en ce monde, mais je suis comme un pèlerin se dirigeant ailleurs, à savoir vers la Patrie de la vie éternelle, comme [le furent] tous mes pères. Car il y a beaucoup d'étrangers en ce monde qui n'ont pas d'affection pour les choses mondaines.

comme tous mes pères, c'est-à-dire les saints qui furent pèlerins, comme le dit l'Apôtre: "Nous savons que si cette maison de terre que nous habitons présentement se dissout, nous avons une autre maison construite par Dieu, non par la main des hommes, et éternelle dans les cieux. [...] Sachant que, pendant que nous sommes dans ce corps, nous voyageons (peregrinari) loin du Seigneur (car c'est par la foi que nous marchons, et non par une claire vision); oui, pleins de confiance, nous aimons mieux sortir de ce corps, et aller jouir de la présence du Seigneur."

- "Ayant la nourriture et le vêtement, contentons-nous-en."

Remets-moi. Ici le psalmiste demande l'accélération de son exaucement, autrement dit: que se réalisé rapidement ce que je demande.

a) Et il expose d'abord l'effet de la demandé.

b) Puis il en détermine le temps.

a. Ainsi dit-il: Remets-moi, c'est-à-dire mes péchés: car "bienheureux [sont] ceux dont les iniquités ont été remises et dont les péchés ont été couverts". Et cela afin qu'ici-bas je sois rafraîchi, à savoir du péché, ou de la peine que le Malin s'efforce de m'infliger: "Mais le juste, s'il est prévenu par la mort, sera dans le lieu du rafraîchissement."

b. Et que tu fasses cela, à savoir que tu me remettes, avant que je m'en aille, c'est-à-dire avant que je disparaisse de ce monde, car dans l'autre il n'y a pas de rémission: "Avant que j'aille d'où je ne reviendrai pas, dans une terre ténébreuse et couverte d'obscurité de mort; terre de misère et de ténèbres, où règne l'ombre de la mort, et où il n'y a aucun ordre, mais où habite une éternelle horreur."

et que je ne sois plus. Cela peut se comprendre de deux manières. Selon une première manière comme suit: Remets-moi, etc., car après m'en être allé, je ne serai plus dans l'état où les péchés peuvent être remis: "Souviens-toi que ma vie est un souffle et que mon oeil ne reviendra pas pour voir le bonheur", c'est-à-dire le bonheur présent.

Selon une autre manière comme suit: Remets-moi, etc., parce que si je m'en vais de ce monde sans que tu ne me remettes mes péchés, je ne pourrai jamais plus être dans le bien: "Qu'ils habitent dans sa tente, les compagnons de ceux qui ne sont plus."

 

 

COMMENTAIRE DU PSAUME 39

1 Pour la fin. Psaume par David lui-même.

2 Attendant, j'ai attendu le Seigneur, et il a fait attention à moi. 3 Et il a exaucé mes prières, et il m'a retiré d'un lac de misère, et d'un bourbier de fange. Et il a établi mes pieds sur le rocher, et il a dirigé mes pas. 4a Et il a mis dans ma bouche un cantique nouveau, un chant à notre Dieu.

4b Beaucoup le verront et craindront; et ils espéreront dans le Seigneur. 5 Bienheureux l'homme dont le nom du Seigneur est l'espérance, et qui n'a point porté ses regards sur des vanités et des folies mensongères.

6 Tu as fait, toi, Seigneur mon Dieu, beaucoup de choses admirables; et dans tes pensées il n'y a personne qui soit semblable à toi. J'ai annoncé et j'ai parlé; elles ont été multipliées sans nombre.

7 Tu n'as pas voulu de sacrifice et d'oblation; mais tu m'as parfaitement disposé les oreilles. Tu n'as pas demandé d'holocauste et de sacrifice pour le péché; 8 alors, j'ai dit: "Voici, je viens." En tête du livre, il est écrit de moi 9 que je ferai ta volonté; mon Dieu, je l'ai voulu, et [j'ai mis] ta loi au milieu de mon coeur.

10 J'ai annoncé ta justice dans la grande assemblée; voilà que je ne contiendrai pas mes lèvres, Seigneur, toi tu le sais. 11 Je n'ai pas caché ta justice dans mon coeur; j'ai dit ta vérité et ton salut. Je n'ai pas caché ta miséricorde et ta vérité à un conseil nombreux.

12 Mais toi, Seigneur, n'éloigne pas de moi les effets de ta miséricorde: Ta miséricorde et ta vérité toujours m'ont soutenu. 13 Parce que des maux sans nombre m'ont environné; mes iniquités m'ont saisi, et je n'ai pu en soutenir la vue. Elles se sont multipliées plus que les cheveux de ma tête; et mon coeur m'a abandonné.

14 Qu'il te plaise, Seigneur, de me délivrer; Seigneur, regarde afin de m'aider. 15 Qu'ils soient confondus et qu'ils soient couverts de crainte tous ensemble, ceux qui cherchent mon âme pour me la ravir. Qu'ils soient rejetés en arrière et qu'ils rougissent de honte ceux qui me veulent des maux. 16 Qu'ils portent promptement leur confusion, ceux qui me disent: "C'est bien fait, c'est bien fait !" 17 Qu'ils exultent et soient dans l'allégresse à ton sujet, tous ceux qui te cherchent; et qu'ils disent sans cesse: "Que le Seigneur soit magnifié !" ceux qui aiment ton salut.

18 Pour moi, je suis un mendiant et un pauvre: [mais] le Seigneur prend soin de moi. Toi, tu es mon aide et mon protecteur: mon Dieu, ne tarde pas.

 

1 Pour la fin. Psaume par David lui-même.

2 Attendant, j'ai attendu le Seigneur, et il a fait attention à moi. 3 Et il a exaucé mes prières, et il m'a retiré d'un lac de misère, et d'un bourbier de fange. Et il a établi mes pieds sur le rocher, et il a dirigé mes pas. 4a Et il a mis dans ma bouche un cantique nouveau, un chant à notre Dieu.

Dans les psaumes précédents, le psalmiste a invoqué le secours divin contre la malice des méchants, et il a montré le propos de sa prudence; mais ici il traite de la confiance dans le secours divin, et à cet égard il fait deux choses. Il décrit d'abord la confiance elle-même, puis il traite de la miséricorde qui est la cause de la confiance: "Bienheureux celui qui comprend les nécessités."

En décrivant la confiance elle-même il fait deux choses.

1) Il fait d'abord mémoire de la confiance qui lui vient de Dieu en se référant aux bienfaits passés.

II) Puis en demandant des bienfaits futurs: 12 Mais toi, Seigneur.

I. En se référant aux bienfaits passés il fait deux choses.

A) Il commence par faire mémoire de la confiance qui lui vient de Dieu en énumérant les bienfaits passés;

B) Puis il montre la miséricorde de Dieu par laquelle il fait du bien: 6 Tu as fait, toi, Seigneur mon Dieu, beaucoup de choses admirables.

Au sens mystique, ce psaume traite du passage de l'Ancien Testament au Nouveau. Il est intitulé: Pour la fin. Psaume par David lui-même. Dans les autres psaumes, le mot "fin" s'entend du Christ: "La fin de la loi est le Christ, pour justifier tout croyant." Ici, le mot fin s'entend du Nouveau Testament, qui est la fin de l'Ancien: "La fin du précepte est la charité."

A. Dans la première partie de ce psaume, le psalmiste fait mémoire de trois choses.

1) D'abord de l'efficacité de la confiance en général.

2) Puis il traite de celle-ci en particulier: Et il m'a retiré.

3) Enfin il montre que cette dernière se trouve chez les autres: ils 4b verront.

1. En parlant de l'efficacité de la confiance en général, il fait deux choses.

a) Il traite en premier lieu de la confiance, en montrant qu'elle est efficace.

b) Puis il traite du signe de la confiance.

a. Ainsi dit-il: Attendant. Au sens littéral on comprend que David dans sa propre personne a attendu maintes fois le secours divin. Mais parce qu'il parle au nom de l'Église, il est préférable qu'on l'entende du genre humain attendant la grâce du Nouveau Testament. Et il dit: Attendant, j'ai attendu le Seigneur, afin de montrer la continuité; car bien qu'il tarde, il ne fait cependant pas défaut: "S'il met [un certain] délai, attends-le; car il va venir, et il ne tardera pas." Et ainsi tout homme juste doit toujours demeurer dans la confiance de Dieu, car il ne fait pas défaut à ceux qui espèrent en lui. Ou bien cela se rapporte aux diverses situations de ceux qui attendent: car les patriarches et les prophètes, et tous les autres ont attendu, comme on le pense assez communément. À l'attente extérieure il joint l'intention, lorsqu'il dit: et il a fait attention à moi; car bien que Dieu entende tous les hommes, cependant il ne fait pas attention à tous, parce que tous ne sont pas ordonnés au bien; et c'est pourquoi il dit ici: il a fait attention à moi, c'est-à-dire à mon bien.

b. Le signe de la confiance est l'imploration: car nul ne demande finalement à moins d'espérer d'être exaucé. Et c'est pourquoi il dit: Et il a exaucé mes prières. - "Il a regardé favorablement la prière des humbles."

2. et il m'a retiré d'un lac de misère. Il expose ici l'efficacité de la confiance dans les choses où il a été exaucé. Et il traite de trois choses.

a) D'abord de la libération des maux.

b) Puis de la donation des biens: Et il a établi.

c) Enfin de l'action de grâce des bons: Et il a mis.

a. Il y a en effet un double mal de la misère et de la peine. En parlant du premier il dit: il m'a retiré d'un lac de misère. Et cela peut être aussi rapporté à la misère temporelle dans laquelle David se trouvait jadis. Et on appelle lac la misère temporelle, à cause de sa profondeur et de sa diversité. Cela peut également être rapporté à la misère de la faute, car l'Ecriture dit: "Le péché rend les peuples misérables." Et l'un et l'autre mal peut être restreint à la faute des vices charnels, lorsqu'il dit: d'un lac de misère, c'est-à-dire de la profondeur des péchés charnels. Ou bien cela peut se référer aux péchés spirituels dont l'homme juste est couvert; aussi dit-il: d'un bourbier de fange. En se référant aux péchés charnels il ne dit pas simplement boue, mais bourbier de fange, ou de fumier selon Jérôme, parce que la boue dans la terre n'est pas altérée, qu'elle n'est pas de la fange, qu'elle n'est ni fétide ni abominable. Ou bien, lac de misère, c'est-à-dire l'enfer dont les saints sont sortis par le Christ. Et la boue est l'opprobre dont les saints sont sortis, et dans laquelle ils étaient retenus par les démons.

b. Ensuite il traite du don des biens; et à ce propos il expose deux choses louables. D'abord le fait que l'homme est affermi dans le bien; et en parlant de cela il dit: il a établi mes pieds sur le rocher, c'est-à-dire mes affections avec lesquelles il me faut marcher dans la voie spirituelle. On appelle rocher le fondement du secours divin: "Le Seigneur est mon rocher." Ou bien on appelle rocher le Christ: "Or ce rocher était le Christ." Et ainsi il a affermi sur le rocher, c'est-à-dire le secours divin, ou bien il a affermi sur le Christ mes pieds, c'est-à-dire mes affections. Puis le fait que l'homme progresse dans le bien; et en parlant de cela il dit: et il a dirigé mes pas, c'est-à-dire il m'a dirigé par sa prévenance vers les biens les meilleurs: "Le coeur de l'homme dispose sa voie; mais c'est au Seigneur de diriger ses pas."

c. Ensuite il traite de l'action de grâce, autrement dit: La réalité même que nous louons est au-dessus de mes forces, car elle est plus grande que toute louange: aussi est-il digne de louer Dieu par Dieu; c'est-à-dire que lui-même a mis dans ma bouche un cantique nouveau. - "Est-ce que vous voulez éprouver celui qui parle en moi, le Christ, qui n'est pas affaibli, mais qui est puissant parmi vous ?"

un cantique nouveau, c'est-à-dire à propos des bienfaits nouveaux; et c'est l'oeuvre de l'Incarnation: "Le Seigneur a créé un nouveau [prodige] sur la terre: une femme environnera un homme." Semblablement un nouveau mode de libération: "Avec son propre sang il est entré une fois pour toutes dans le sanctuaire, nous ayant acquis une éternelle rédemption." Et le Seigneur a mis dans ma bouche un cantique nouveau, parce que le nouveau cantique, c'est le Nouveau Testament: "Je ferai avec vous un pacte éternel [qui montrera] véritables les miséricordes [promises] à David." - "Nul ne pouvait chanter ce cantique, si ce n'est les cent quarante-quatre mille", parce qu'à nouveau roi, nouvelle loi, nouvelles joies. Les hommes de l'ancienne Alliance chantaient des vieux cantiques: oeil pour oeil, âme pour âme. Ils descendaient aussi aux enfers: car la porte du Royaume leur était fermée, un Chérubin, tenant en main une épée grande, longue et effilée, interdisait l'accès du paradis. Mais tous les hommes de la nouvelle Loi chantent un cantique nouveau, que l'Homme nouveau, le Christ, a apporté: "Voilà que je fais toutes choses nouvelles." Donc le peuple nouveau chante des nouveaux cantiques, c'est-à-dire à propos de l'Incarnation du Seigneur, de sa Résurrection, de son Ascension, de sa Nativité, et de ses autres mystères. Voilà pourquoi à l'occasion de ces principales solennités les ministres de l'Église, revêtus de blanc ou d'ornements de soie, chantent et lisent un cantique nouveau, que personne ne peut chanter s'il n'a été rénové. Je dis cantique, non point à propos de turpitudes, mais un cantique qui plaise à Dieu; aussi dit-il: un hymne, ou bien un chant (carmen) qui plaise à notre Dieu, c'est-à-dire à la louange de Dieu: "A toi convient un hymne, ô Dieu, en Sion." - "Chantant et psalmodiant du fond de votre coeur [à la gloire] de Dieu."

4b Beaucoup le verront et craindront; et ils espéreront dans le Seigneur 5 Bienheureux l'homme dont le nom du Seigneur est l'espérance, et qui n'a point porté ses regards sur des vanités et des folies mensongères.

3. Le psalmiste expose ici le bien (utilitas) de la confiance en Dieu chez les autres, à savoir dans leur conversion.

a) Et il expose d'abord le bien lui-même.

b) Puis son fruit: Bienheureux l'homme.

a. Il y a ici un ordre dans le déroulement de la conversion. En premier lieu, il faut que l'homme voie ce à quoi il doit se convertir; aussi dit-il: Beaucoup verront, à savoir le Christ qui est né. Beaucoup de peuples anciens, qui l'ont attendu, le virent: "Après cela, il a été vu sur la terre, et il a demeuré avec les hommes." Siméon le vit, lui qui le reçut dans le temple, et beaucoup d'autres: "Mes yeux ont vu ton salut." - Et: "Beaucoup de rois et de prophètes ont désiré voir ce que vous voyez, et ne l'ont point vu." Ou bien beaucoup ont vu les miracles du Christ: "Nous avons vu des merveilles aujourd'hui." Et cela, ou bien par la foi, ou bien par les yeux.

Puis il faut que l'homme craigne celui à qui il doit se convertir; aussi dit-il: et craindront. - "Celui qui est sans crainte ne pourra être justifié", car "la crainte du Seigneur chasse le péché".

Enfin, il y a l'espérance: "C'est en espérance que nous avons été sauvés." Car si l'espérance ne se tenait pas auprès de la crainte, l'homme s'enfuirait loin de Dieu. Et c'est pourquoi il faut que la crainte soit là où le péché fuit, ainsi que l'espérance grâce à laquelle l'homme accède à Dieu.

b. Son fruit sera la béatitude; aussi dit-il: Bienheureux l'homme dont le nom du Seigneur est l'espérance. Et il expose d'abord ce fruit qui est la béatitude, et à qui elle est due, car elle appartient à ceux qui adhèrent à Dieu. Et c'est pourquoi il expose en premier lieu une vraie affirmation, et il en exclut une fausse. La vraie affirmation est que la béatitude ne se trouve qu'en ceux qui ont l'espérance en lui: "Bienheureux tous ceux qui l'attendent"; et c'est pourquoi il dit: Bienheureux l'homme dont le nom du Seigneur est l'espérance. Ce nom de Jésus est la vraie espérance, parce que le salut est en lui-même. Aussi est bienheureux celui-là qui n'attend pas les biens temporels de lui, mais le salut éternel que son nom indique. Par conséquent ceux qui attendent le salut de Dieu, ceux-là sont béatifiés. Ou bien: Bienheureux l'homme dont le nom du Seigneur est l'espérance, c'est-à-dire dont l'espérance est l'invocation du nom du Seigneur: "Ceux-ci [se confient] dans des chars, et ceux-là dans des chevaux; mais nous, c'est le nom du Seigneur que nous invoquerons." La fausse affirmation est que la béatitude consiste en des choses temporelles ou dans le culte des idoles; et il exclut cela lorsqu'il dit: il n'a point porté ses regards sur des vanités, c'est-à-dire sur des choses temporelles et sur des jouissances. Dans ce mot vanité est inclus tout ce qui se rapporte aux jouissances et aux choses temporelles: "Vanité des vanités, et tout est vanité." Il exclut la seconde chose lorsqu'il dit: et dès folies mensongères, c'est-à-dire les cultes des idoles, sur lesquelles sont figurées des choses fausses, à savoir que les hommes sont représentés comme des dieux. De même il y a là beaucoup de débauches et d'impuretés, et l'on s'adonne aux cruautés: "Lorsqu'ils se réjouissent, ils s'abandonnent à la folie, ou ils annoncent comme certaines des choses fausses." Semblablement elles étaient fausses, parce qu'elles étaient fondées sur la fausseté et non sur la puissance divine, qui ne leur convenait pas: "Assemblez-vous sur les montagnes de Samarie, et voyez les folies nombreuses au milieu d'elle." À cette idolâtrie se rapportent toutes les superstitions vaines et nuisibles, comme la nécromancie, les divinations et les augures. Ou bien on appelle folies mensongères, l'emportement, la rixe ou les vains spectacles des jeux.

6 Tu as fait, toi, Seigneur mon Dieu, beaucoup de choses admirables; et dans tes pensées il n'y a personne qui soit semblable à toi. J'ai annoncé et j'ai parlé; elles ont été multipliées sans nombre.

B. Plus haut le psalmiste a fait connaître sa confiance du côté du Christ et de l'Eglise, ainsi que ses effets, à savoir les multiples bienfaits de Dieu; mais ici il montre la cause de cette confiance, à savoir comment il est amené à confesser ces bienfaits et l'espérance qui résulte des mérites divins. Et ainsi la cause de la confiance, ce sont les nombreux biens temporels: "Que rendrai-je au Seigneur pour tous [les biens] qu'il m'a faits ?" Et c'est pourquoi on interprète cela selon l'une ou l'autre manière: car le mérite du Christ est la cause de la confiance, et la rétribution des mentes. Cela consiste dans la prédication de la vérité divine: et à cet égard le psalmiste fait trois choses.

1) Il fait d'abord connaître l'acte méritoire, à savoir l'annonce des oeuvres divines.

2) Puis la cause de cette annonce: 7 Tu n'as pas voulu de sacrifice.

3) Enfin son mode: 10 J'ai annoncé ta justice.

1. En faisant connaître l'acte méritoire il montre deux choses.

a) D'abord que sa miséricorde est abondante en vue de l'annonce.

b) Puis il manifeste la cause ou la nécessité de l'annonce: elles ont été multipliées.

a. La matière de l'annonce est abondante. Et d'abord quant à la multiplicité des oeuvres divines, car tu as fait beaucoup. Et ensuite dans les oeuvres de la nature: "C'est lui qui a fait des choses admirables, inscrutables." - "Admirables sont tes oeuvres, mon âme le reconnaît parfaitement." Et pour accomplir des miracles il se suffit à lui-même, car il n'est pas instruit par un autre mais uniquement par ses propres pensées. Aussi dit-il: et dans tes pensées, à savoir par les ordonnances de sa sagesse: "Combien magnifiques sont tes oeuvres, Seigneur ! Tu as fait toutes choses avec sagesse." - "A qui as-tu donné conseil ?" N'est-ce pas à Dieu ? - "Qui a été son conseiller ?" Il est grand en oeuvre et suffisant. Semblablement il excelle en l'une et l'autre chose; ainsi dans l'accomplissement des miracles, lorsqu'il fit marcher Pierre sur le lac, et dans beaucoup d'autres choses admirables, qui peuvent convenir ici. Et nul ne peut être comparé à ses oeuvres, ni à ses pensées; aussi dit-il: il n'y a personne qui soit semblable à toi. - "Il n'est point de semblable à toi parmi les dieux, Seigneur; et il n'est rien de comparable à tes oeuvres." Voilà ce que l'Ecriture dit pour ses oeuvres. Et pour ses pensées elle dit aussi: "Autant les cieux sont élevés au-dessus de la terre, autant sont élevées mes voies au-dessus de tes voies et mes pensées au-dessus de tes pensées." Ainsi donc tu as de la matière en abondance pour prêcher; et voilà pourquoi le psalmiste ajoute: J'ai annoncé et j'ai parlé. Et il dit: J'ai annoncé, en quoi il désigne la manifestation des oeuvres divines, et j'ai parlé, autrement dit: je me suis exprimé plus expressément par le verbe que par le signe. Ou bien, il désigne l'ordre de la prédication. Ou bien, j'ai annoncé donc le Christ par les prophètes, et j'ai parlé, moi-même en personne: "C'est moi-même qui parlais, me voici présent."

b. La nécessité de prêcher fût la multitude des mauvais, car ils se sont multipliés plus que le nombre des bons. Et ainsi, pour que les mauvais soient diminués en nombre et que les bons s'accroissent, il faut que l'annonce leur soit faite: "Resserrée est la voie qui conduit à la vie, et large est la voie qui conduit à la perdition." Ou bien: ils ont été multipliés sans nombre. - "Infini est le nombre des insensés." Ou bien autrement, pour signifier l'effet de la prédication, à savoir que les bons se sont multipliés par la prédication au-delà du nombre estimé: "Que le Seigneur Dieu de vos pères ajoute à ce nombre des milliers de milliers." - "Les fils de la délaissée seront plus nombreux que les fils de celle qui a un mari." La version iuxta Hebraeos de Jérôme lit: "Multa fecisti, Deus meus, mirabilia tua, et cogitationes tuas, pro nobis (Tu as fait beaucoup de choses pour nous, tes [oeuvres] admirables et tes pensées, ô mon Dieu)", pour nous, c'est-à-dire pour notre salut: "Moi je pense des pensées de paix." Et la version iuxta Hebraeos poursuit: "Non inveni ordinem coram te (je n'ai pas trouvé d'ordonnance devant toi)." Et on dit cela, parce qu'il n'y a personne qui soit semblable à toi. Et Jérôme continue: "Si annuntiare et enarrare voluero, plura sunt quam annuntiari queant (Si je voulais les annoncer et les raconter, elles sont si nombreuses qu'elles ne peuvent être annoncées)"; autrement dit: elles sont si nombreuses qu'elles ne peuvent être énumérées. Et ainsi Jérôme expose aussi l'effet des oeuvres divines lorsqu'il dit: elles ont été multipliées sans nombre.

7 Tu n'as pas voulu de sacrifice et d'oblation; mais tu m'as parfaitement disposé les oreilles. Tu n'as pas demandé d'holocauste et de sacrifice pour le péché; 8 alors, j'ai dit: "Voici, je viens." En tête du livre, il est écrit de moi que je ferai ta volonté; mon Dieu, je l'ai voulu, et [j'ai mis] ta loi au milieu de mon coeur.

2. Ici le psalmiste justifie la raison pour laquelle il donne à Dieu cette compensation pour ses bienfaits, ou bien il explique pourquoi il a prêché. Et il justifie cette cause de deux manières.

a) Il expose d'abord comme cause la volonté divine.

b) Puis son intention: 8 alors, j'ai dit.

a. Concernant la volonté divine, il faut savoir que dans l'Ancien Testament des sacrifices étaient offerts pour les bienfaits reçus de Dieu; et en général il y avait quatre sortes de sacrifices qui étaient offerts à Dieu. Car tout sacrifice est une oblation, mais toute oblation n'est pas un sacrifice: car le sacrifice implique une action sacrée. Aussi, lorsqu'il n'y avait rien d'autre dans une oblation que ce qui revenait à l'usage du prêtre, ce n'était qu'une simple oblation; mais lorsque quelque chose s'y ajoutait, par exemple ce qui était consumé, alors on l'appelait sacrifice. Or on accomplissait dans l'Ancien Testament un triple sacrifice. Le premier était appelé très digne, parce qu'on lui donnait le nom d'holocauste. Le deuxième était le sacrifice pour le péché. Le troisième s'appelait sacrifice d'immolation (victima), ou de paix (hostia pacificorum).

Et dans le premier sacrifice tout était brûlé; et cet holocauste était très agréable à Dieu. Ce mot holocauste vient du grec ólon, qui signifie "tout", et de kaíô, qui signifie "consumer".

Au sujet du sacrifice de paix (hostia pacificorum) pour le péché, une partie était brûlée, tandis que l'autre était cédée à l'usage du prêtre, mais rien ne revenait à l'usage de ceux qui offraient, car ils donnaient cette offrande pour leur péché; excepté, éventuellement, dans deux cas: ou bien lorsqu'on offrait pour le péché du prêtre, dans ce cas tout était consumé, puisqu'il n'en restait rien. Semblablement quand on offrait pour tout le peuple, car il y avait aussi un prêtre parmi eux. Quant à la victime, elle était divisée en trois parties: car la première était offerte à Dieu, une autre était donnée aux prêtres, une autre était donnée à ceux qui offraient. Et le psalmiste fait allusion à tous ces sacrifices ici. Il fait mention du sacrifice de paix lorsqu'il dit: sacrifice. Il fait mention de la simple oblation quand il dit: et tu n'as pas voulu d'oblation. Il fait mention du sacrifice d'holocauste lorsqu'il dit: d'holocauste et de sacrifice pour le péché, autrement dit: tu m'as accordé beaucoup de bienfaits, et j'ai voulu te rendre, non cependant par des sacrifices ou d'autres choses du même genre; car toi, tu n'en as pas voulu au temps de la Nouvelle Alliance, puisque à partir de ce moment la figure a cessé, et que les autres sacrifices étaient des figures du vrai sacrifice, à savoir du Christ. Et c'est pourquoi après le Christ le Temple fut détruit, et les sacrifices cessèrent. Et par conséquent même les Juifs gardent aujourd'hui peu de choses parmi ces rites, à savoir la circoncision comme valeur de signe. Ou bien: Tu n'as pas voulu, c'est-à-dire tu ne les as pas acceptés en soi au nombre des bonnes oeuvres que l'homme accomplit: car certaines choses sont acceptées par Dieu pour lui; comme l'oeuvre de la justice, de la charité, de la foi et de la vertu; et le livre du Deutéronome prescrit cela: "Maintenant, Israël, qu'est-ce que le Seigneur ton Dieu demande de toi, si ce n'est que tu craignes le Seigneur ton Dieu de tout ton coeur et de toute ton âme ?" Mais il n'accepte pas les oblations pour lui: "Est-ce que je mangerai des chairs de taureaux ? ou boirai-je du sang des boucs ?" Non, mais quoi ? "Immole à Dieu un sacrifice de louange, et rends au Très-Haut tes voeux."

Pourquoi donc furent-ils prescrits dans la Loi ?

Pour deux raisons: comme figure du sacrifice futur: "Toutes ces choses leur arrivaient en figure"; et comme précaution, pour qu'ils n'offrent pas aux idoles ces sacrifices, car au contact des nations ils se détourneraient facilement de Dieu pour s'adonner à cette idolâtrie; idolâtrie vers laquelle les enfants d'Israël étaient portés des le début de la Loi. Mais au livre de l'Exode on ne fait pas mention des sacrifices, si ce n'est qu'après être tombé le peuple adora un veau. Et il est écrit dans Jérémie: "Je n'ai point parlé à vos pères, je ne leur ai rien commandé au jour que je les ai tirés de la terre d'Ègypte, au sujet des holocaustes et des victimes." On est loin du sacrifice de la nouvelle Alliance qui contient le Christ lui-même, lequel est en soi agréé par Dieu.

mais tu m'as parfaitement disposé les oreilles. Une autre version lit: corpus (corps). Et c'est ainsi que l'Apôtre dans son épître aux Hébreux introduit ce mot en disant: "Corpus autem aptasti mihi (Mais tu m'as façonné un corps)." Et cela signifie: tu as voulu l'autre sacrifice de la nouvelle Alliance, parce que cet autre sacrifice est venu. Car tu m'as donné un corps, afin de l'offrir en sacrifice saint. Ou bien: perfecisti (tu as parfait), c'est-à-dire tu m'as accordé un corps parfait sans tache. Ou bien: aptasti (tu as façonné), c'est-à-dire tu m'as uni. Ou bien: Aures perfecisti mihi (Tu m'as parfaitement disposé les oreilles). Ou bien: fodisti (tu as ouvert); et cela concorde avec les versets qui précèdent, car il veut que nous offrions davantage un sacrifice des lèvres, c'est-à-dire davantage celui des prédications des oeuvres divines que l'immolation des animaux. Et c'est pourquoi il dit: tu m'as parfaitement disposé les oreilles, autrement dit: tu exiges de moi ce que tu m'as principalement donné, à savoir la capacité de percevoir la sagesse. Et il exige cela afin que je manifeste la sagesse que nous avons reçue pour la faire connaître et la prêcher: "Le Seigneur Dieu m'a ouvert les oreilles."

Et Tu n'as pas demandé, c'est-à-dire tu n'as pas accepté, d'holocauste et de sacrifice pour le péché. Ou bien: Tu n'as pas même demandé un sacrifice de paix (hostia) pour le péché: "Les holocaustes des béliers, et la graisse des [animaux] gras, et le sang des veaux et des agneaux et des boucs, je n'en veux point." Mais, comme l'Ecriture le rapporte aussi, cet holocauste est parfois agréé par Dieu. Mais lorsqu'un holocauste est seulement un simple sacrifice, alors il équivaut à l'accomplissement de nos bonnes oeuvres. Mais si toutes les oeuvres sont faites pour Dieu, alors il s'agit d'un holocauste. Et si nous, nous gardons la continence pendant un certain temps, c'est un sacrifice; si nous gardons la virginité, alors c'est un holocauste, parce que ce sont des oeuvres de perfection; c'est pourquoi elles sont très agréées par Dieu.

b. 8 Alors, j'ai dit: "Voici, je viens." Ici il justifie la cause de la prédication des oeuvres divines selon son point de vue, en montrant son intention.

- Et il montre d'abord son intention.

- Puis il montre que celle-ci est conforme à la volonté divine: En tête.

- On voudrait peut-être expliquer ces paroles en les rapportant à David, autrement dit continuer comme suit: Voici, je viens, en m'approchant spirituellement de toi, et en tête du livré, il est écrit de moi.

- "Je t'ai établi chef parmi les tribus d'Israël." Mais puisque l'Apôtre explique cela en le rapportant au Christ, nous aussi, nous l'expliquons en le rapportant à lui. Et c'est pourquoi lorsqu'il dit: alors, il désigne la cause et la nécessité de la venue du Christ; car tous les sacrifices de l'Ancien Testament n'étaient pas agréés par Dieu, car il est écrit dans l'épître aux Hébreux que "la loi n'a amené [personne] à la perfection". Et "il est impossible que les péchés soient effacés par du sang de taureaux et de boucs". Et c'est pourquoi il était nécessaire afin qu'advienne le vrai sacrifice, et qu'il soit manifesté. Et ainsi dit-il: Voici, je viens, à savoir par l'Incarnation. Et il dit: Voici, autrement dit je suis prêt à cause de la proximité: "Près de venir est son temps, et ses jours ne seront pas différés." - "Excite ta puissance, et viens afin de nous sauver."

- Et cette intention est conforme à la volonté divine; aussi dit-il: En tête du livre. Le livre, c'est le Christ. Le livre, c'est l'instrument dans lequel sont écrits les projets (conceptiones) du coeur; mais dans le Christ sont les projets de l'intelligence divine: "En lui tous les trésors de la sagesse et de la science sont cachés." La tête du livre est Dieu le Père: "La tête du Christ [est] Dieu." Donc en tête du livre, c'est-à-dire dans la volonté de Dieu le Père, il est écrit, à savoir prescrit "à mon sujet", que je viendrai. Ou bien autrement: il s'agit du livre de la prédestination qui est le livre de vie: "Qu'ils soient effacés du livre de vie", c'est-à-dire des vivants. Dans ce livre sont inscrits tous ceux qui doivent être sauvés, mais selon un ordre: car en tête de ce livre il est écrit Sauveur, et tous sont inscrits par lui: "Il les a prédestinés à être conformes à l'image de son Fils, afin qu'il fût lui-même le premier-né entre beaucoup de frères." - "Il nous a élus en lui avant la fondation du monde, afin que nous fussions saints et sans tache en sa présence dans la charité"; autrement dit: le Christ n'est pas inscrit comme les autres, mais en tête du livre. Ou bien en tête du livre des Psaumes, parce que le premier psaume a été écrit au sujet du Christ: "Bienheureux l'homme qui n'est pas allé au conseil des impies, etc." Ainsi donc il montre son intention de venir. Ensuite il montre son intention d'obéir en tant qu'homme.

Or il y a principalement deux choses dans l'homme: La volonté et l'intelligence. La volonté de l'homme doit être soumise à la volonté divine, et l'intelligence doit être dirigée selon la loi de Dieu. Et c'est pourquoi il dit: ô mon Dieu, Père, en tant que Dieu. Ou bien: mon Dieu, en tant qu'homme, j'ai voulu [faire] ta volonté, qui est aussi ma volonté en tant que Dieu: "Que ma volonté ne se fasse pas, mais la tienne." Semblablement mon intelligence est dirigée selon toi; aussi dit-il: et ta loi au milieu de mon coeur Et il dit: au milieu, parce qu'il connaît parfaitement les raisons divines.

10 J'ai annoncé ta justice dans la grande assemblée; voilà que je ne contiendrai pas mes lèvres, Seigneur, toi tu le sais. 11 Je n'ai pas caché ta justice dans mon coeur; j'ai dit ta vérité et ton salut. Je n'ai pas caché ta miséricorde et ta vérité à un conseil nombreux.

3. Ici le psalmiste expose le mode de l'annonce. Nous devons donc annoncer trois choses à propos des réalités divines, à savoir les oeuvres de la justice, les dogmes de la vérité, et les bienfaits de la miséricorde divine; et il dit qu'il a annoncé ces trois choses.

a. En premier lieu il dit qu'il a annoncé les oeuvres de la justice: J'ai annoncé ta justice, justice qu'il a annoncée ou prêchée de trois manières.

D'abord publiquement, puis avec promptitude, enfin avec pureté d'intention.

- Publiquement, lorsqu'il dit: dans la grande assemblée. Pareillement dans la réunion d'un grand nombre. - "J'ai parlé publiquement au monde." Ou bien: dans la, grande assemblée, c'est-à-dire dans l'Eglise catholique, qui est grande par son pouvoir et sa fermeté: "Les portes de l'enfer ne prévaudront point contre elle." Et elle est grande par sa diffusion: "Depuis le lever du soleil jusqu'à son coucher, grand est ton nom parmi les nations."

- Avec promptitude, lorsqu'il dit: voilà que je ne contiendrai pas mes lèvres, autrement dit: Je ne céderai pas à ceux qui m'interdisent de parler: "Donne à tes serviteurs d'annoncer ta parole en toute confiance."

- Avec pureté d'intention, lorsqu'il dit: toi tu le sais, c'est-à-dire tu as approuvé mon intention "Toi, tu sais tout leur dessein de mort contre moi." Ou bien, toi, tu le sais, c'est-à-dire tu as prédestiné de toute éternité en ce qui concerne le Christ, lorsqu'il dit: Je n'ai pas caché ta justice dans mon coeur.

b. Il confesse les dogmes de la vérité, lorsqu'il dit: j'ai dit ta vérité. Le Christ a confessé cette vérité devant Pilate: "Si je suis né et si je suis venu dans le monde, c'est pour rendre témoignage à la vérité."

- "Ma bouche s'exercera à la vérité." Et j'ai dit ton salut, parce que par la confession de la vérité le salut parvient à l'homme: "Quiconque invoquera le nom du Seigneur sera sauvé."

c. Il reconnaît les bienfaits de la miséricorde divine, lorsqu'il dit: Je n'ai pas caché ta miséricorde et ta vérité; parce que la miséricorde et la vérité vont de pair; et c'est pourquoi il dit: vérité. Il ne met pas ici le mot vérité pour signifier la vérité de la doctrine, mais la vérité de la justice dans les promesses: Car Dieu est véridique. Et la vérité de Dieu consiste en ce qu'il donne ce qu'il promet, car il n'a pas d'autre dette envers nous que sa promesse.

12 Mais toi, Seigneur, n'éloigné pas de moi les effets de ta miséricorde: Ta miséricorde et ta vérité toujours m'ont soutenu. 13 Parce que des maux sans nombre m'ont environné né; mes iniquités m'ont saisi, et je n'ai pu en soutenir la vue. Elles se sont multipliées plus que les cheveux de ma tête; et mon coeur m'a abandonné.

II. Plus haut le psalmiste a fait mémoire de la confiance qui lui vient de Dieu quant aux bienfaits passés; mais ici il expose la confiance qui lui vient de Dieu quant aux bienfaits futurs, et il l'exprime par la prière. À ce propos il fait deux choses.

A) Il expose d'abord sa prière en général.

B) Puis en particulier: 14 Qu'il te plaise.

A. En parlant de la prière en général il fait deux choses.

1) Il formule d'abord sa demande.

2) Puis il en justifie la raison: Ta miséricorde.

1. Ainsi dit-il: J'ai annoncé ta justice [...]. Mais toi, Seigneur, n'éloigne pas de moi les effets de ta miséricorde. Certains reçoivent déjà les effets de la miséricorde, à savoir ceux qui jouissent de sa grâce et de sa gloire: "La terre est remplie de la miséricorde du Seigneur." D'autres en sont proches, et ce sont ceux qui ne font pas obstacle à la miséricorde, au contraire ils ont un certain mérite: "Le Seigneur est proche de tous ceux qui l'invoquent." Il y en a d'autres chez lesquels réside un obstacle, aussi les effets de la miséricorde sont-ils loin de ces derniers. Et c'est pourquoi je demande que les effets de ta miséricorde ne soient pas éloignés de moi à cause de mes démérites.

2. Et la raison de cette demande est double.

a. L'une est due à la confiance qui est née de l'expérience de la bonté divine; l'autre est due à la contrainte qu'il souffre. Il y a deux manières selon lesquelles Dieu vient à notre secours: par sa miséricorde, en tant qu'il nous prodigue des bienfaits qu'il n'a même pas promis: "Le Christ Jésus a été le ministre de la circoncision pour montrer la véracité de Dieu, afin d'accomplir les promesses faites aux patriarches, et afin que les nations glorifient Dieu pour sa miséricorde"; et par sa vérité, afin que nous ayons confiance. Et ce n'est pas comme si nous attirions Dieu à nous par nos propres mérites, mais c'est Dieu qui par ces mérites nous attire et nous a attirés. Et c'est pourquoi il dit: Ta miséricorde et ta vérité toujours m'ont soutenu.

b. L'autre raison est la contrainte exercée par les méchants. Et il expose deux sortes de maux; les uns sont infligés de l'extérieur, les autres de l'intérieur: m'ont saisi. En parlant des maux extérieurs il dit: Parce que des maux sans nombre m'ont environné: ce sont les maux qui me sont infligés et par le monde, et par mes ennemis: "Ils m'ont environné comme des abeilles"; et il dit: sans nombre, parce que les dangers dans le monde sont infinis, et les hommes méchants infinis également: "Infini est le nombre des insensés." Les maux intérieurs sont les péchés: et ces maux sont dangereux pour deux raisons: à cause de leur gravité, car mes iniquités m'ont saisi, c'est-à-dire mes péchés m'ont lié par leur poids: "Ses iniquités saisissent l'impie." et je n'ai pu en soutenir la vue. - "Leur malice les a aveuglés." - "Vos iniquités ont mis une séparation entre vous et votre Dieu." Semblablement, ils sont dangereux à cause de leur multitude. Aussi dit-il: Elles se sont multipliées plus que les cheveux de ma tête. Car de même que les cheveux sont innombrables, ainsi les péchés sont innombrables, et surtout les péchés véniels: et si ces derniers n'effraient pas à cause de leur poids, ils effraient à cause de leur multitude. La Glose commente: "Si tu as évité des péchés graves, prends garde de ne pas être écrasé par le sable". Non point parce que des péchés véniels, quels qu'ils soient ou de quelque manière qu'ils soient commis, fassent un péché mortel, mais parce qu'ils y disposent: "Nous commettons tous des offenses de bien des manières." L'effet de cet état peccamineux est la distraction du coeur: "Les mouches mortes gâtent la suavité d'un parfum." Et c'est pourquoi il dit: et mon coeur m'a abandonné, autrement dit: s'ils n'ôtent pas la charité, ils empêchent cependant la ferveur, et le coeur est distrait si bien qu'il n'est pas fervent: "Ton serviteur a trouvé son coeur pour t'adresser cette prière." Ou bien: mon coeur m'a abandonné, c'est-à-dire n'a pas pensé aux choses qui sont utiles à mon bien: "La lumière de mes yeux, elle-même n'est plus avec moi."

14 Qu'il te plaise, Seigneur, de me délivrer; Seigneur, regarde afin de m'aider. 15 Qu'ils soient confondus et qu'ils soient couverts de crainte tous ensemble, ceux qui cherchent mon âme, pour me la ravir. Qu'ils soient rejetés en arrière et qu'ils rougissent de honte ceux qui me veulent des maux. 16 Qu'ils portent promptement leur confusion, ceux qui me disent: "C'est bien fait, c'est bien fait !" 17 Qu'ils exultent et soient dans l'allégresse à ton sujet, tous ceux qui te cherchent; et qu'ils disent sans cesse: "Que le Seigneur soit magnifié !" ceux qui aiment ton salut.

B. Ici le psalmiste expose sa prière de manière explicite.

1) Et il commence par expliciter la prière qu'il adresse pour lui-même.

2) Puis celle qu'il fait à l'égard des méchants: 15 Qu'ils soient confondus.

3) Enfin celle qu'il fait à l'égard des bons: 17 Qu'ils exultent et soient dans l'allégresse.

1. Pour lui-même il demande d'être délivré des méchants: "Tu délivres, Seigneur, ceux qui t'attendent avec patience." Et il demande d'être aidé pour atteindre les biens; car par ta providence le secours m'est donné. Et ce secours n'est pas dû à mon mérite, mais à ton bon plaisir. Aussi dit-il: Qu'il te plaise. En ce qui concerne ses adversaires, la condition de leurs personnes est désignée lorsqu'il dit: de me délivrer, c'est-à-dire des choses mauvaises, ou des hommes mauvais, ou des péchés. Et remarquez qu'il dit: Qu'il te plaise, ne désespérant pas de la miséricorde de Dieu; autrement dit: si tu veux, tu peux; et c'est pourquoi il dit: regarde afin de m'aider, dans la pratique du bien; autrement dit: regarde ceux qui se repentent dans leur douleur. Le regard de Dieu est notre secours.

2. Qu'ils soient confondus. Ici il expose la confusion de ses adversaires: certains d'entre eux sont mortels, et cherchent à tuer. D'autres ne cherchent pas à tuer, mais à blesser. Il y en a d'autres encore qui cherchent à railler par des paroles, ou à tromper. Et ces trois genres de méchants sont désignés ici. Et on peut rapporter cela soit au bien, soit au mal, en ce sens qu'il y a une double confusion: une bonne confusion qui vient de la pénitence: "Quel fruit avez-vous donc tiré alors des choses dont vous rougissez maintenant ?" L'autre confusion vient du châtiment. Donc lorsqu'il dit: Qu'ils soient confondus, cela veut dire: Qu'ils soient punis. Et il fait cette prière en se conformant à la volonté divine, ou à la justice. Ou bien:Qu'ils soient confondus, c'est-à-dire qu'ils fassent pénitence, et qu'ils soient couverts de crainte tous ensemble; soit de la crainte des châtiments, et en relation avec cette première interprétation l'Ecriture dit: "Comme la méchanceté est timide, elle donne un témoignage de condamnation"contre elle"; soit de la crainte qui invite à la pénitence. Et cela, parce qu'ils cherchent mon âme, afin de tuer corporellement ma vie. Ou bien, "les âmes", afin de les entraîner dans les ténèbres: "Donne-moi les âmes, et prends le reste pour toi." Il demande que ses ennemis matériels soient empêchés; aussi dit-il: Qu'ils soient rejetés en arrière, vers le bien, c'est-à-dire qu'ils se mettent à la suite du Christ. Ou bien vers le mal, c'est-à-dire qu'ils essuient un échec dans leur intention, afin qu'ils y renoncent. et qu'ils rougissent de honte ceux qui me veulent des maux, c'est-à-dire ceux qui se réjouissent de mes maux: "Tous mes ennemis ont appris mon malheur; ils se sont réjouis, parce que c'est toi qui l'as fait." Contre ces trois ennemis il demande à Dieu de hâter son secours, car le retard est habituellement nuisible: "Parce que la sentence n'est pas portée promptement contre les méchants, les fils des hommes, sans aucune crainte, commettent le mal." Et c'est pourquoi il dit: Qu'ils portent promptement leur confusion, c'est-à-dire qu'ils soient aussitôt confondus, parce que ces derniers sont ceux qui dans leur applaudissement me disent: "C'est bien fait, c'est bien fait !", c'est-à-dire qui se réjouissent d'une manière mensongère dans leurs flatteries. Ou bien: C'est bien fait, c'est-à-dire ceux qui se moquent, ou insultent. La version iuxta Hebraeos de Jérôme lit ainsi ces paroles: "Vah (Ah !)"; c'est de cette manière que les Juifs se moquaient du Christ.

3. Pour les bons, il demande qu'ils se réjouissent de son secours et de sa libération, et qu'ils louent Dieu. Et en relation avec sa première demande il dit: Qu'ils exultent et soient dans l'allégresse à ton sujet, tous ceux qui te cherchent. En relation avec sa seconde demande il dit: qu'ils disent sans cesse: "Que le Seigneur soit magnifié !" ceux qui aiment ton salut. Il mentionne ici quatre dispositions qui conviennent aux bons:

a. D'abord, qu'ils préfèrent le salut de Dieu, qui est le Christ: "Mes yeux ont vu ton salut."

b. Ensuite, qu'ils cherchent des actes de charité: "Sur ma couche, pendant les nuits, j'ai cherché celui que chérit mon âme." - "Cherchez le Seigneur, tandis qu'on peut le trouver."

c. Puis, qu'ils se réjouissent d'avoir trouvé le bien-aimé; aussi dit-il: Qu'ils exultent. - "Mais moi, je me réjouirai dans le Seigneur, et j'exulterai en Dieu mon Jésus." On parle d'exultation dans la mesure où il s'agit de signes extérieurs d'allégresse; mais on parle de joie par rapport aux choses intérieures, comme s'il s'agissait d'une allégresse et d'une dilatation du coeur.

d. Enfin, l'action de grâce et la louange; aussi dit-il: et qu'ils disent sans cesse: "Que le Seigneur soit magnifié !" ceux qui aiment ton salut. - "Exulte et loue, habitation de Sion, parce que grand est au milieu de toi le saint d'Israël."

18 Pour moi, je suis un mendiant et un pauvre: [mais] le Seigneur prend soin de moi. Toi, tu es mon aide et mon protecteur: mon Dieu, ne tarde pas.

Ici [le psalmiste] expose la cause de sa demande. Et il mentionne d'abord son indigence; puis il expose le secours de Dieu face à celle-ci.

Ainsi dit-il: je demande toutes choses, parce que par moi-même je ne puis faire quoi que ce soit, parce que je suis un mendiant. On peut expliquer cela de deux manières. Selon une première manière, au sens littéral, en l'appliquant au Christ dans sa personne, lui qui a vécu dans ce monde et qui fut mendiant et pauvre: "Vous connaissez la libéralité de notre Seigneur Jésus-Christ, qui pour vous s'est fait pauvre, de riche qu'il était, afin de vous enrichir par sa pauvreté." On appelle mendiant celui qui cherche à obtenir d'autrui sa nourriture; mais on appelle pauvre, celui qui ne se suffit pas à lui-même. Et ces deux conditions sont mentionnées à propos du Christ: "Le Fils de l'homme n'a pas où reposer la tête." Ou bien, au sens spirituel, je dois nécessairement mendier auprès de Dieu le secours de sa grâce, et je suis un pauvre, car ce que je possède ne me suffit pas. Et ainsi, parce que je reconnais cela, le Seigneur prend soin de moi. Et parce que je suis dans l'indigence, Toi, Seigneur, tu es mon aide. Et à cause du danger, ne tarde pas. - "Seigneur, viens à mon aide !"

 

 

COMMENTAIRE DU PSAUME 40

1 Pour la fin. Psaume de David.

2 Bienheureux celui qui comprend les nécessités de l'indigent et du pauvre; au jour mauvais, le Seigneur le délivrera.

3 Que le Seigneur le conserve, et qu'il lui donne vie, et le fasse bienheureux sur la terre; et qu'il ne le livre point à l'âme de ses ennemis.

4 Que le Seigneur lui porte secours sur le lit de Sa douleur; tu as retourné toute sa couche dans son infirmité. 5 Moi j'ai dit: "Seigneur, aie pitié de moi, guéris mon âme, parce que j'ai péché contre toi."

6 Mes ennemis m'ont dit de mauvaises choses: "Quand mourra-t-il, et [quand] périra son nom ?" 7 Et si [quelqu'un d'eux] entrait pour [me] voir, il tenait de vains discours: son coeur s'est amassé l'iniquité. Il sortait dehors, et il parlait de même.

8 Contre moi murmuraient tous mes ennemis: contre moi ils formaient de mauvais desseins. 9 Ils ont élevé une parole inique contre moi: Est-ce que celui qui dort n'ajoutera pas qu'il ressuscite ?

10 Car l'homme de ma paix, en qui j'ai espéré, qui mangeait mon pain, m'a tendu un grand piège.

11 Mais toi, Seigneur, aie pitié de moi et ressuscite-moi, et je leur rendrai [ce qu'ils méritent].

12 J'ai connu que tu m'as voulu, en ce que mon ennemi ne se réjouira pas à mon sujet. 13 Pour moi, à cause de mon innocence tu m'as pris sous ta protection, et tu m'as affermi en ta présence à jamais.

14 Béni le Seigneur Dieu d'Israël, d'un siècle jusqu'à un autre siècle ! Ainsi soit-il, ainsi soit-il.

 

1 Pour la fin. Psaume de David.

2 Bienheureux celui qui comprend les nécessités de l'indigent et du pauvre; au jour mauvais, le Seigneur le délivrera.

Au psaume précédent, le psalmiste a montré sa confiance à l'égard de Dieu; mais ici de Dieu il demande sa miséricorde constante. Ce psaume est intitulé: Pour la fin. Psaume de David. Ce titre a déjà été présenté plus haut; il signifie en effet que David a composé ce psaume, et qu'il nous conduit vers la fin, c'est-à-dire vers le Christ: car il traite de sa Passion, en certains de ses passages. On rapporte cependant dans la Glose que son titre original d'après Jérôme serait: "Intellectus filiis Core (Intelligence des fils de Coré)", et il s'agirait d'un nouveau titre dans les intitulés des psaumes. Or il faut savoir, comme le rapporte le livre des Nombres, que lorsque Dathan et Abiron se révoltèrent contre Moïse pour se rendre maîtres du peuple, alors Coré se dressa contre Aaron pour se rendre maître du sacerdoce; et qu'ainsi lui-même fut brûlé: cependant tous les membres de sa tribu ne consentirent pas à ses vues: et c'est pourquoi demeurèrent en vie ceux d'entre eux qui ne donnèrent pas leur assentiment; cette conduite fit qu'au temps de David des fonctions leur furent données parmi les chantres. On comprend que ce psaume fut prescrit pour être chanté en ce temps-là . Mais il faut noter que dans les titres où il est dit: "Intellectus filiis Core (Intelligence des fils de Coré)" - et ceci se dit littéralement dans tous les cas où figure le mot intellectus (intelligence) - il est donné de comprendre par ce psaume que le peuple est exhorté à la compréhension des bienfaits divins, ou de quelques mystères, par exemple lorsque le psalmiste dit: "Comprenez (Intelligite), insensés du peuple"; ou encore: "Appliquez-vous (Attendite) à ma loi, ô mon peuple."

Au sens mystique, Coré veut dire calvaire, et le Christ fut crucifié sur le lieu du calvaire; et c'est pourquoi ce psaume est attribué aux fils de la Passion, c'est-à-dire de la croix du Christ. Et ce sont ceux "qui ont crucifié leur chair", comme le rapporte l'épître aux Galates. L'intention du psalmiste est de demander la miséricorde divine.

Ce psaume se divise en deux parties.

I) Dans la première partie, le psalmiste demande la miséricorde divine en général.

II) Dans la seconde partie, en particulier: 11 Mais toi, Seigneur.

I. En parlant de la miséricorde divine en général il fait deux choses.

A) Il commence par demander la miséricorde.

B) Puis il introduit la nécessité de demander la miséricorde: 8 Contre moi murmuraient tous mes ennemis.

A. En sollicitant la miséricorde il fait deux choses.

1) Il montre d'abord à qui est due la miséricorde.

2) Puis sentant en lui-même qu'il mérite la miséricorde, il la demande: 5 Moi j'ai dit. Car il est écrit dans saint Matthieu: "Bienheureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde."

1. Ainsi la miséricorde est due aux miséricordieux pour une double raison.

D'abord, en vertu de l'agrément divin: car Dieu agrée la miséricorde qui fait de l'homme un imitateur de Dieu: "Soyez miséricordieux, comme votre Père est miséricordieux."

Puis, en vertu de la prière des saints: "Renferme l'aumône dans le coeur du pauvre, et cette [aumône] priera pour toi [te préservant] de tout mal". Et [le psalmiste] fait cela ici: 3 Que le Seigneur le conserve.

En parlant de l'agrément divin il annonce d'abord le mérite; puis la récompense: au jour mauvais, le Seigneur le délivrera.

Ainsi dit-il: 2 Bienheureux celui qui comprend les nécessités de l'indigent et du pauvre. Est bienheureux celui qui est miséricordieux, qui a pitié de l'indigent et du pauvre: "Celui qui a pitié du pauvre sera bienheureux." Et il dit: qui comprend, et non: "qui secourt", car, ainsi qu'on l'a dit, il doit être miséricordieux à la manière de Dieu; et Dieu n'attend pas qu'on lui demande toujours. C'est pourquoi il vient au-devant du désir avant qu'on ne lui demande; et par conséquent est vraiment miséricordieux celui qui non seulement vient au secours de ceux qui demandent, mais qui se porte aussi au secours de l'indigent avant qu'on ne lui demande: "Si j'ai refusé aux pauvres ce qu'ils voulaient, et si j'ai fait attendre les yeux de la veuve, que mon épaule tombe séparée de sa jointure, et que mon bras avec tous ses os soit entièrement brisé." Est indigent celui qui a besoin de recevoir d'autrui; est appelé pauvre celui qui possède peu. Une version de Jérôme lit: "Qui considerat, etc. (Qui considère, etc.)", c'est-à-dire celui qui prend dans sa sollicitude les intérêts des pauvres: "J'ai été un oeil pour l'aveugle, et un pied pour le boiteux."

Au sens mystique, si on rapporte cela au Christ, bienheureux est le chrétien dans la mesure où il est fils de Coré, c'est-à-dire de la croix du Christ par la méditation. qui comprend, c'est-à-dire celui qui a l'intelligence tournée vers le service, comprend les nécessités de l'indigent et du pauvre, c'est-à-dire le bienfait que le Christ a réalisé par la croix: "Souviens-toi de ma pauvreté et de ma transgression, de l'absinthe et du fiel."

Il expose la récompense lorsqu'il dit: au jour mauvais, le Seigneur le délivrera. Les jours selon leur nature sont bons, parce qu'ils ont été créés par Dieu: "Par ton ordre persévère le jour"; mais ils sont dits mauvais à cause des maux qui arrivent dans leur cours: "Rachetant le temps parce que les jours sont mauvais." Et il dit: au jour mauvais, c'est-à-dire au jour d'une tribulation mauvaise. Or il y a multiplicité de jours mauvais. Le jour du triomphe: "Au jour des biens ne perds pas le souvenir des maux." Le sommet des mauvais jours est la damnation éternelle, qui menace l'homme au jugement, soit particulier, c'est-à-dire à la mort, soit au jugement universel, c'est-à-dire à la fin du monde. Et ce jour est mauvais au cours duquel a lieu une telle condamnation, c'est-à-dire que ce jour est "un jour de colère; jour de tribulation et d'angoisse; jour de calamité et de misère; jour de ténèbres et d'obscurités, jour de nuage et de tempête". En ce jour mauvais le Seigneur délivre le miséricordieux: "Alors, le roi dira à ceux qui sont à sa droite: "Venez, les bénis de mon Père; possédez le royaume préparé pour vous depuis la fondation du monde: car j'ai eu faim, et vous m'avez donné à manger; j'ai eu soif, et vous m'avez donné à boire; j'étais sans asile, et vous m'avez recueilli; nu et vous m'avez vêtu, malade et vous m'avez visité; en prison, et vous êtes venus a moi""; non point que seule la miséricorde délivre l'homme sans les autres vertus, mais par la miséricorde l'homme satisfait pour ses péchés.

3 Que le Seigneur le conserve, et qu'il lui donne vie, et le fasse bienheureux sur la terre; et qu'il ne le livre point à l'âme de ses ennemis.

Ici le psalmiste montre comment il mérite la miséricorde en vertu de la prière des saints, eux qui prient pour les miséricordieux.

a) Et il expose la prière pour le miséricordieux se trouvant dans un état de prospérité.

b) Puis pour le miséricordieux se trouvant dans un état d'adversité.

a. Dans l'état de prospérité l'homme manque de deux choses: d'être élevé dans le bien et d'y être conservé; puis d'être délivré des maux.

Or il y a un triple bien: le bien de la nature, le bien de la grâce et le bien de la gloire.

- Le premier, à savoir le bien de la nature, il demande qu'il lui soit conservé; aussi dit-il: Que le Seigneur le conserve, c'est-à-dire dans le bien acquis, à savoir dans le bien de la nature: "Conserve-moi, Seigneur", de peur que le bien de la nature ne soit corrompu par le péché, ou par les tribulations imminentes.

- Il demande que le bien de la grâce lui soit donné, lorsqu'il dit: et qu'il lui donne vie; car par la grâce l'homme acquiert la vie spirituelle. Et cette vie doit être considérée et acquise par une foi formée: "Le juste qui m'appartient vit de la foi." - "Si je vis maintenant dans la chair, j'y vis en la foi du Fils de Dieu." Pareillement, sans cette vie, à savoir de la grâce, la vie naturelle est une mort: "Celle qui vit dans les délices est morte [toute] vivante."

- En parlant du troisième bien, à savoir du bien de la gloire, il dit: et le fasse bienheureux sur la terre. Si on l'entend de la béatitude parfaite, on dit: sur la terre, à savoir sur la terre des vivants: "Je crois que je verrai les biens du Seigneur dans la terre des vivants." - "Bienheureux les doux, parce qu'ils posséderont la terre." Mais si on l'entend de la béatitude de cette vie, dans la mesure où nous goûtons en esprit quelque chose d'éternel, comme le rapporte l'épître aux Philippiens: "Notre vie est dans les cieux", alors on dit: Qu'il le fasse bienheureux sur la terre, à savoir par la participation à cette béatitude.

et qu'il ne le livre point [aux âmes] de ses ennemis. Ici le psalmiste demande qu'il soit délivré des maux. Parmi tous les maux, le mal souverain est de tomber dans les mains de ses ennemis: "Arrache-moi à mes ennemis, ô mon Dieu", parce que les ennemis persécutent et affligent avec haine; aussi dit-il: "de crainte que tu ne le livres aux âmes", c'est-à-dire aux volontés des ennemis, qui consistent à toujours haïr, ce qui n'est rien d'autre que de vouloir le mal. Donc lorsque quelqu'un se soumet aux maux, il se livre à la volonté de l'ennemi. Ou bien: [aux âmes] de ses ennemis, c'est-à-dire au pouvoir du diable, et de ses ministres.

4 Que le Seigneur lui porte secours sur le lit de sa douleur; tu as retourné toute sa couche dans son infirmité. 5 Moi j'ai dit: Seigneur, aie pitié de moi, guéris mon âme, parce que j'ai péché contre toi.

b. Le psalmiste expose ici sa prière pour le miséricordieux se trouvant dans l'adversité.

- Et il demande d'abord le secours divin, ou son aide.

- Puis il allègue la nécessité.

- Ainsi dit-il: Que le Seigneur lui porte secours sur le lit de sa douleur. Il demande pour le miséricordieux, ou tout simplement pour l'homme juste, fils de Coré, que le Seigneur lui donne vie, et qu'il le fasse bienheureux sur la terre. Puis qu'il le conserve, et qu'il ne le livre point aux âmes de ses ennemis. Or, en lisant cela, on pourrait en conclure que le miséricordieux n'est affligé en aucune manière. C'est pourquoi, afin d'écarter cela, il dit que son lit est parfois rempli de ses douleurs, et cela arrive quelquefois au miséricordieux lui-même pour sa correction: "Il châtie parfois par la douleur dans son lit." Ou bien pour son humiliation; par exemple il fut donné à Paul "un aiguillon de chair". Ou bien pour le mettre à l'épreuve; comme ce fut le cas pour Job en toutes choses, ou pour Tobie. Et c'est pourquoi il dit: Que le Seigneur lui porte secours, c'est-à-dire au miséricordieux se trouvant dans la tribulation. sur le lit, c'est-à-dire au sens littéral le lit sur lequel il se trouve, ou bien sur lequel il se repose: "Dieu est fidèle, et il ne souffrira pas que vous soyez tentés au-delà de vos forces." Et que tu lui portes secours, une grande nécessité exige cela: car tu as retourné toute sa couche dans son infirmité. Il parle ici en usant de l'image de celui qui, atteint par la fièvre, ne trouve pas de place sur son lit pour pouvoir se reposer, mais se retourne continuellement. Et c'est pourquoi il dit: tu as retourné, autrement dit: il manque de secours, parce que son infirmité est telle qu'il se retourne continuellement sur son lit. Et tel est le sens littéral; cependant, absolument parlant, toute sa satisfaction dans les choses temporelles se retourne pour lui en amertume: car Dieu a mis l'amertume dans ces choses, de telle sorte qu'en les méprisant il se convertisse à Dieu: "Et lorsque je me suis tourné vers les divers ouvrages qu'avaient faits mes mains, et vers les travaux dans lesquels j'avais sué, j'ai vu dans toutes ces choses vanité et affliction d'esprit, et que rien n'est stable sous le soleil." Et parce que la miséricorde est due au miséricordieux, conscient de sa miséricorde je demande la miséricorde.

· Il demande donc d'abord la miséricorde en général.

· Puis il montre sur quoi repose principalement cette demande.

· Enfin il donne la cause de cette demande.

Ainsi dit-il: 5 Moi j'ai dit: "Seigneur, aie pitié de moi", autrement dit: je ne recours pas à la justice, mais à la miséricorde, parce que le salut n'est pas dans nos propres justices: "Comme un linge souillé est toute notre justice."

· Mais sur quoi repose la demande de sa miséricorde ? Principalement là où il y a de la misère. Et cela est donné, à savoir la miséricorde, là où se trouve la plus haute béatitude: parce que la béatitude n'est pas dans les choses temporelles, car ces choses temporelles sont ordonnées à la béatitude ultime. Donc la misère la plus importante n'est pas dans les choses matérielles, mais dans ce qui porte en soi une disposition qui s'oppose à la béatitude: par exemple dans les adultères, les vols, les homicides, et autres péchés; et celui qui commet de pareilles actions n'obtiendra point le royaume de Dieu, comme le dit l'Apôtre, mais est condamné: "Le péché fait les peuples malheureux." Car le péché a désordonné le corps, et le corps a désordonné l'âme: "Le corps qui se corrompt appesantit l'âme." Et cette guérison est obtenue par Dieu seul: "Ce n'est ni une herbe, ni un émollient, qui les a guéris, mais ta parole, Seigneur, qui guérit toutes choses."

· Et la raison de cette demande est due au fait que j'ai péché contre toi. Mais les péchés méritent-ils la miséricorde ? Non. Ce verset est donc construit de telle manière que ce quia (parce que) désigne la matière de la miséricorde, non le mérite. Il n'est pas question de misère, s'il n'y a pas de place pour la miséricorde. Et par conséquent puisque je suis misérable, je demande la miséricorde. Ou bien, en tant que ce quia (parce que) indique la cause méritoire: et parce que la confession du péché est le mérite de la miséricorde, ainsi dit-il: je demande la miséricorde, parce que je confesse que j'ai péché contre toi: "Celui qui cache ses crimes ne sera pas dirigé; mais celui qui les confesse, et les abandonne, obtiendra miséricorde." Ou bien d'une autre manière: [parce que] j'ai péché contre toi, autrement dit: pourquoi je demande la miséricorde ? Parce que toi seul es celui qui peut guérir: car c'est envers toi que se font l'injure et le péché, aussi est-ce toi que la rémission concerne. Et en tout péché Dieu est offensé. Cette partie du verset se chante en troisième lieu, parce que par la foi et l'opération de la Trinité le péché est remis.

6 Mes ennemis m'ont dit de mauvaises choses: "Quand mourra-t-il, et [quand] périra son nom ?" 7 Et si [quelqu'un d'entre eux] entrait pour [me] voir, il tenait de vains discours: son coeur s'est amassé l'iniquité. Il sortait dehors, et il parlait de même.

- Plus haut le psalmiste a demandé la miséricorde qui guérit; mais ici il expose la nécessité de cette demande, qui est causée par ses ennemis: et selon le sens mystique - car le sens littéral est clair -, ces paroles sont dites ici au sujet de la personne du Christ.

À ce propos, le psalmiste fait trois choses.

· Il expose d'abord le sentiment des méchants voulant son mal.

· Puis l'application de ceux qui dressent des embûches: Et si [quelqu'un d'entre eux] entrait.

· Enfin le conseil de ceux qui discutent: 8 Contre moi: car l'ennemi commence par désirer offenser. Ensuite il dresse des embûches. Puis il pense à la manière de mettre un terme à son dessein.

· Ainsi dit-il: Mes ennemis m'ont dit, dans leur coeur, ou dans leur bouche, de mauvaises choses: "L'homme mauvais tire du mauvais trésor de mauvaises choses"; et ces paroles mauvaises expriment leur désir de la mort du Christ, ou de l'homme juste. Aussi est-il dit: Quand mourra-t-il ? C'est le mode expressif du désir: "Quand viendrai-je, et paraîtrai-je devant la face de Dieu ?" - "Condamnons-le à la mort la plus honteuse." Et ils voulaient la mort du Christ pour que sa renommée, qui était alors célèbre, soit anéantie: "Rayons-le de la terre des vivants, et que son nom ne soit plus rappelé dans la mémoire." Aussi disent-ils: et [quand] périra son nom ?. Mais il arriva le contraire: car par sa mort il fut davantage exalté, et un grand nombre se convertirent après la mort du Christ: "Si le grain de froment, tombant sur la terre, ne meurt pas, il reste seul; mais s'il meurt, il porte beaucoup de fruits", quand bien même les méchants dressent des embûches aux bons, dans le dessein d'anéantir leur nom. Mais, comme le rapporte le livre des Proverbes, "la mémoire du juste sera accompagnée de louanges; mais le nom des impies pourrira".

· Et les pécheurs travaillent à cela en dressant des embûches.

Voilà pourquoi le psalmiste expose d'abord leur manière de dresser des embûches.

Puis il montre l'effet de ces embûches: Il sortait dehors, et il parlait de même.

En parlant d'abord de leur manière de dresser des embûches il fait trois choses.

Car il fait d'abord connaître leur entrée cachant leur fourberie.

Puis leur parole mensongère.

Enfin leur coeur perfide.

Ainsi dit-il: si [quelqu'un d'eux] entrait pour [me] voir. La version iuxta Hebraeos de Jérôme lit: "Ut visitaret (Pour me visiter)", autrement dit: ils ne venaient pas à cause de leur amitié, mais en vue d'espionner. Ainsi les chefs des Juifs venaient pour se saisir de Jésus. Et pareillement, après la mort du Christ, beaucoup sont entrés dans l'Église afin de se saisir des hommes saints et de leur dresser des embûches. C'est ce que l'Apôtre dit dans son épître aux Galates: "La considération de quelques faux frères, qui s'étaient furtivement introduits pour espionner la liberté que nous avons dans le Christ Jésus, et nous réduire en servitude, ne nous fit pas consentir, même un seul instant, à nous soumettre à eux, afin que la vérité de l'Évangile demeurât parmi nous."

En parlant de leur parole mensongère, il dit: il tenait de vains discours, c'est-à-dire le peuple des Juifs disait des choses fausses contre le Christ, parce qu'il simulait dans sa bouche des paroles de douceur: "Maître, nous savons que tu es vrai, que tu enseignes la voie de Dieu dans la vérité, sans souci de personne; car tu ne regardes pas à l'apparence des hommes"; mais intérieurement il machinait sa mort: "Chacun dit à son prochain des paroles vaines; lèvres trompeuses, avec un coeur et un coeur, ils parlent."

En parlant de leur coeur perfide, il dit: son coeur s'est amassé l'iniquité. Le coeur perfide est celui qui rassemble des paroles avec lesquelles il offense l'homme juste. Ceux-ci en effet n'agissent pas comme les abeilles qui rassemblent le miel, mais comme les scarabées qui rassemblent des déchets. Les bons, eux, rassemblent du miel, car ils remplissent les autres de la douceur divine. Et c'est pourquoi il dit: son coeur s'est amassé l'iniquité. Et il dit: s'est, c'est-à-dire contre lui: "Eux aussi à leur propre sang dressent des embûches, et machinent des fraudes contre leurs propres âmes." Ou bien: s'est, c'est-à-dire pour obtenir son désir: car s'ils le surprennent dans quelque malheur, ils s'en réjouissent beaucoup: "Si tu accordes à ton âme ses désirs, elle te rendra la joie de tes ennemis." Ainsi parlaient-ils contre le Christ: "Nous nous sommes rappelé que ce séducteur a dit, lorsqu'il vivait encore: "Après trois jours je ressusciterai.""

Ensuite est montré l'effet de leurs embûches, car en sortant dehors ils dénigraient. Aussi dit-il: Il sortait dehors et il parlait de même. Il sortait dehors, ou par simulation, ou par malice, ou par familiarité, ou par amitié: car auparavant il était un ami et semblait se comporter comme un ami, et ainsi il parlait de même, c'est-à-dire faussement, comme avant et en disant des paroles de fausseté. Ou bien il sortait hors du sein de la vérité, ou de l'amitié qu'il simulait, ou de l'Église, ou de la société du Christ: "Beaucoup de ses disciples se retirèrent." La Glose lit: Egrediebatur (Il sortait). Et puis ce qui suit: in idipsum, etc. (de même, etc.). On lit aussi cela dans une version de Jérôme, mais cela n'a pas de sens.

8 Contre moi murmuraient tous mes ennemis: contre moi ils formaient de mauvais desseins. 9 Ils ont élevé une parole inique contre moi: Est-ce que celui qui dort n'ajoutera pas qu'il ressuscite ?

B. · Ici le psalmiste montre leur mauvais conseil, c'est-à-dire comment ils nuisent:

1) Et il expose d'abord le conseil des ennemis.

2) Puis il montre que quelques amis donnèrent aussi leur assentiment à ce conseil: 10 Car l'homme de ma paix.

1. Et il commence par exposer le déroulement de leur conseil.

a) En montrant qu'ils se rassemblent d'abord pour comploter.

b) Puis qu'ils discutent sur l'objet de leur complot.

c) Enfin qu'ils déterminent ce qu'il faut faire.

Et le psalmiste décrit ces trois choses ici.

a. tous mes ennemis murmuraient contre moi. Le psalmiste dit: murmuraient, c'est-à-dire parlaient silencieusement; et c'est la manière de procéder en particulier chez les conseillers, et principalement à propos des mauvais conseils et des hommes mauvais, qui font cela en cachette: "Tu ne seras point accusateur ni murmurateur parmi le peuple." - "Le murmurateur et l'homme à deux langues est maudit; car il troublera beaucoup de personnes qui vivent en paix." Et il dit: Contre moi: et tels ne sont pas les bons conseils, mais les mauvais: "Il a médité l'iniquité sur son lit."

b. Et c'est pourquoi ils formaient de mauvais desseins. - "Bienheureux l'homme qui n'est pas allé au conseil des impies, etc.."

c. Ils ont élevé une parole inique contre moi, c'est-à-dire une parole injuste. Ils déterminèrent donc cela dans leur conseil: "Il vous est avantageux qu'un seul homme meure pour tout le peuple, et non pas que toute la nation périsse. Dès ce jour donc ils pensèrent à le faire mourir." - "Celui-ci est l'héritier; venez, tuons-le, et nous aurons son héritage." - "Condamnons-le à la mort la plus honteuse." Cette parole est tenue pour inique: "Toi, Seigneur, tu connais tout leur conseil de mal et de la mort contre moi."

Est-ce que celui qui dort n'ajoutera pas qu'il ressuscite ? Ici il expose la raison de leur mauvaise détermination. Cette négation non (ne pas) est superflue, autrement dit: celui qui dort, ne ressuscitera pas. Ou bien: Si nous le tuons, il ne ressuscitera pas: "Il n'est personne qu'on sache être revenu des enfers." Et c'est pourquoi ils croyaient que sa résurrection était une tromperie. Ou bien d'une autre manière: Est-ce que celui qui dort n'ajoutera pas, etc., en tant que cette négation ne pas se construit avec ce verbe ajoutera, et signifie les paroles de l'assemblée qui m'insulte, autrement dit: vous vous êtes décidés à le tuer, mais vous faites cela en vain, parce qu'il ressuscitera; aussi dit-il: Est-ce que celui qui dort n'ajoutera pas qu'il ressuscite ? Et il dit: qui dort, parce que cette expression est aussi employée dans le livre de Daniel: "Beaucoup de ceux qui dormirent dans la poussière de la terre s'éveilleront": car absolument parlant la mort du Christ fut une dormition, puisque lui-même s'offrit à la mort, et ne mourut pas par la violence mais par sa propre volonté. Et c'est pourquoi il a eu le pouvoir de reprendre son âme par la puissance de sa divinité: "Quoiqu'il soit mort selon la faiblesse, il vit cependant par la puissance de Dieu."

10 Car l'homme de ma paix, en qui j'ai espéré, qui mangeait mon pain, m'a tendu un grand piège.

2. Plus haut le psalmiste a exposé en détail le conseil des ennemis machinant la mort du Christ; mais ici il dépeint le conseil des faux amis. Et puisque dans l'évangile de Jean le Christ lui-même reprend cette parole en l'appliquant à Judas, nous la commentons quant à nous en l'appliquant ici au Christ. Le psalmiste fait ici deux choses.

a) Il commence par décrire sa condition.

b) Puis sa faute.

a. La condition de la personne de Judas sera décrite par trois qualités qui aggravent son péché: car il est ami, familier, et bénéficiaire.

- En parlant de sa qualité d'ami il déclare: Car l'homme de ma paix. Il a dit plus haut qu'il dormait, le traître lui fournissant l'occasion d'exprimer cela. Ou bien: Mes ennemis ont élevé une parole inique contre moi. Mais ce n'est pas étonnant, parce que l'homme de ma paix, parce que Judas était compté parmi mes amis. Et cette prophétie s'est réalisée, puisque Judas a trahi le Christ par un baiser, qui est le signe de l'amitié et de la paix. D'où ces paroles du Seigneur dans l'évangile de Luc: "Judas, c'est par un baiser que tu trahis le Fils de l'homme ?" Et il est écrit dans un psaume: "Ne me perds pas avec ceux qui opèrent l'iniquité: qui parlent paix avec leur prochain, et qui ont le mal dans leur coeur." Et dans Jérémie: "J'ai entendu les outrages d'un grand nombre et la terreur tout autour de moi: "Poursuivez-le, et nous le poursuivrons"; j'ai entendu aussi de tous les hommes qui vivaient en paix avec moi, et qui se tenaient à mes côtés: "S'il se laisse séduire, nous prévaudrons contre lui, et nous tirerons vengeance de lui.""

- Semblablement, il était son familier; aussi dit-il: en qui j'espérais. Mais le Christ fut-il trompé dans son espérance ? Non. Et c'est pourquoi il dit: en qui j'espérais, c'est-à-dire en qui je paraissais espérer, mettre ma confiance, car le Christ lui avait confié l'administration de ses biens matériels. Ou bien: en qui j'espérais, c'est-à-dire d'une telle condition: et ainsi je me comportais vis-à-vis de lui parce que je devais espérer en lui. Mais parfois quelqu'un croit espérer en celui qu'il estime être son ami, et en qui il devrait se confier, et cependant il est trompé: "Que chacun se garde de son prochain, et qu'il ne donne sa confiance à aucun de ses frères." - "Ne crois pas à un ami, et ne te confie pas à un guide." Ou bien: en qui j'espérais, c'est-à-dire dans mes membres qui espéraient dans le Christ: "Chaque fois que vous l'avez fait à l'un de ces plus petits d'entre mes frères, c'est à moi que vous l'avez fait."

- En parlant de la troisième qualité il dit: qui mangeait mon pain, parce que le Christ l'a désigné avec le signe du pain: "C'est celui à qui je présenterai du pain trempé." Et bien que Judas ait mangé le pain du Christ, il marcha contre lui: "Il donnera à manger et à boire à des ingrats." Ou bien: mon pain, c'est-à-dire ma doctrine: "Aser, gras est son pain, et il fournira des délices aux rois." Ce pain est le pain du Christ, qui est gras à cause de la douceur de la doctrine: "Que tes paroles sont douces à mon palais."

b. Il m'a tendu un grand piège. Tel est le péché. La version iuxta Hebraeos de Jérôme lit: "Levavit contra me calcaneum suum (Il a levé contre moi son talon)." Et il parle en employant la comparaison de celui qui veut absolument écraser quelqu'un, autrement dit: il a entrepris de me briser totalement. Et il semble qu'une diversité de traductions soit due à cette équivoque: car ce qui est élevé en hauteur est agrandi. Ou bien:11 m'a tendu un grand piège, c'est-à-dire a fait un grand complot contre moi, puisqu'il m'a causé la mort: "Tout frère supplantant supplantera [son frère]." - "Ils ont eu en haine celui qui les reprenait à la porte."

11 Mais toi, Seigneur, aie pitié de moi et ressuscite-moi, et je leur rendrai [ce qu'ils méritent].

II. Le Christ a déjà explicité sa demande d'une manière générale; mais ici il montre sur quoi porte la demande de la miséricorde, autrement dit: eux-mêmes m'ont troublé, mais il me reste le recours à Dieu; et c'est pourquoi le psalmiste dit: Mais toi, Seigneur, aie pitié de moi. La miséricorde doit être là où il y a de la misère; or le Christ a pris part à notre misère non quant à notre faute, mais quant à notre peine; et principalement quant à la peine de la mort. Et c'est pourquoi le psalmiste dit: aie pitié de moi. - "Je ne retirerai pas ma miséricorde de lui." Mais sur quoi porte la demande de sa miséricorde, il le montre lorsqu'il dit: ressuscite-moi, autrement dit: Ceux-là disent: Est-ce que celui qui dort n'ajoutera pas qu'il ressuscite ? mais toi ressuscite-moi.

Mais le Christ ne serait-il pas ressuscité par sa propre puissance, puisqu'il dit: ressuscite-moi ? Il semble au contraire que si, car le psalmiste dit. au nom du Christ: "J'ai dormi et je me suis relevé."

Il faut dire que le Christ en tant qu'homme n'a pas le pouvoir de ressusciter, mais bien selon la puissance de sa divinité, qui est la même dans le Père et dans le Fils. Et c'est pourquoi s'il ressuscita par le pouvoir du Père, il ressuscita par son propre pouvoir. Et il demande au Père en tant qu'homme, puisqu'il avait ce pouvoir en tant que Dieu, afin de montrer que sa résurrection se fit par la puissance de sa divinité.

et je leur rendrai [ce qu'ils méritent]. Ici il expose l'effet [de sa résurrection]. Le Christ eut un double pouvoir après sa résurrection: au ciel et sur la terre; et c'est pourquoi il leur rendit ce qu'ils méritaient, à savoir la captivité temporelle, parce qu'ils ont été dispersés à travers le monde, et il les punira par la damnation au jugement dernier: "Il lui a donné le pouvoir d'exercer le jugement." Une version de Jérôme lit: "Resuscita me et retribuam tibi (Ressuscite-moi et je te rendrai)", autrement dit: ce fruit de ma résurrection, c'est qu'une fois ressuscité j'amènerai des multitudes à la connaissance de ton nom: "Que rendrai-je au Seigneur pour tous les biens qu'il m'a faits ?"

12 J'ai connu que tu m'as voulu, en ce que mon ennemi ne se réjouira pas à mon sujet. 13 Pour moi, à cause de mon innocence tu m'as pris sous ta protection, et tu m'as affermi en ta présence à jamais.

Ici le psalmiste expose sa confiance dans l'exaucement. Et il commence par exposer le fait que Dieu l'a voulu, c'est-à-dire que la volonté paternelle s'est complu en lui; c'est pourquoi il dit: que tu m'as voulu. - "Celui-ci est mon Fils bien-aimé en qui j'ai mis mes complaisances." - "Voici mon serviteur, je le soutiendrai; mon élu, en qui s'est complu mon âme." Semblablement il dit: mon ennemi ne se réjouira pas à mon sujet, c'est-à-dire Judas: et s'il s'était réjoui de ma mort, cependant il ne se réjouira pas à la fin, car il sera contristé à la résurrection: "Ne te réjouis pas sur moi, mon ennemie, parce que je suis tombée; je me relèverai." Et ce verset peut s'ordonner de deux manières. Ou bien, en tant que la première partie est un argument de la seconde; et d'où la signification suivante: en considérant que je suis agréé par toi, J'ai [re] connu que tu m'as voulu. Ou bien, en tant que la seconde partie est la cause de la première; et d'ou la signification suivante: puisque mon ennemi n'aura pas pu se réjouir sur moi, J'ai connu que tu m'as voulu. Mais parce qu'il manquait d'un signe, il dit: J'ai connu, c'est-à-dire j'ai fait connaître, ou bien parce que d'autres ont connu ce signe.

Pour moi, à cause de mon innocence tu m'as pris sous ta protection, et tu m'as affermi en ta présence à jamais. Ici exaucé, le psalmiste rend grâce.

A) Et il commence par proclamer le bienfait reçu.

B) Puis il y ajoute la louange:14 Béni le Seigneur.

A. En parlant du bienfait il proclame tout ce qui a trait à lui.

1) Car il fait d'abord connaître son mérite.

2) Puis il montre le bienfait de sa résurrection.

3) Ensuite il montre la condition de celui qui ressuscite.

4) Enfin son exaltation.

1. À propos de son mérite nous considérons son innocence; aussi dit-il: Pour moi, à cause de mon innocence tu m'as pris sous ta protection. - "Lui qui n'a pas commis de péché." - "Moi j'ai marché dans mon innocence." Et il dit qu'en vertu de ce mérite il a été pris sous sa protection, ou assumé. Il ne dit pas cela en se référant à l'assomption dans l'unité de sa personne, car cette assomption ne fut pas due aux mérites du Christ homme lui-même, mais à la pure grâce; aussi cela se fit-il par l'opération du Saint-Esprit. Mais il dit cela en parlant de sa protection contre les enfers dont il ressuscita: "Mais toi, Seigneur, tu es mon soutien."

2. Et il dit: tu m'as pris sous ta protection, à savoir tu as protégé mon âme des enfers, et ma chair du tombeau.

3. Mais de quelle manière a-t-il été pris sous sa protection ? Était-ce en vue de la vie mortelle, comme Lazare ? Non, mais il a été pris sous sa protection en vue d'un état d'immortalité; aussi dit-il: et tu m'as affermi en ta présence à jamais, c'est-à-dire dans l'état d'immortalité: "Le Christ ressuscité d'entre les morts ne meurt plus."

4. Et plus encore, car il l'a établi en sa présence: "Ce n'est pas dans un sanctuaire fait de main d'homme, image du véritable, que le Christ est entré; mais [il est entré] dans le ciel même afin de paraître maintenant pour nous devant la face de Dieu." Et cela à jamais, c'est-à-dire toujours.

14 Béni le Seigneur Dieu d'Israël, d'un siècle jusqu'à un autre siècle ! Ainsi soit-il, ainsi soit-il.

B. Ici le psalmiste expose la louange, et à cet égard il fait deux choses.

1) Il commence par exposer des choses du côté de celui qui est loué.

2) Puis du côté de celui qui loue.

1. Il expose:

a. Une première chose lorsqu'il dit: Béni. Bénir n'est rien d'autre que dire du bien. Nous, nous bénissons Dieu d'une manière, et Dieu nous bénit d'une autre manière. Nous, nous bénissons Dieu, en reconnaissant sa bonté: "Bénissez le Dieu du ciel, et rendez-lui gloire devant tous les vivants, parce qu'il a exercé sa miséricorde envers vous." - "En bénissant le Seigneur, exaltez-le autant que vous pouvez." Dieu, lui, nous bénit, en causant sa bonté en nous: car chez lui dire équivaut à faire: "Car lui-même a dit, et les choses ont été faites."

b. Il expose une deuxième chose lorsqu'il dit: Seigneur. La puissance de Dieu est considérée selon deux choses.

D'abord selon l'oeuvre de son gouvernement: "Mais toi, dominateur de la puissance, c'est avec tranquillité que tu juges, et avec une grande réserve que tu nous gouvernes"; et puis selon l'oeuvre de sa création. Le psalmiste traite de ces deux choses lorsqu'il dit: Seigneur Dieu: Seigneur, à qui il appartient de gouverner; puis, lorsqu'il dit: Dieu, il fait allusion à son oeuvre de création: c'est qu'en effet tous pensent que Dieu est le premier principe de l'être pour tous; mais son oeuvre de gouvernement implique des serviteurs, tandis qu'il ne peut y avoir aucun intermédiaire dans son oeuvre de création. Aussi l'honneur qui est dû à celui qui gouverne, peut-il être communiqué à d'autres: "Vous m'avez reçu comme un ange de Dieu." Et telle est la dulie. Mais la latrie, qui est due au Créateur, n'est due à personne d'autre. Et c'est pourquoi la Glose commente: "le Seigneur, à qui est due la dulie; et Dieu, à qui est due la latrie." Et il dit: d'Israël, c'est-à-dire de ceux qui voient Dieu; car bien qu'il gouverne toutes choses, cependant seuls les fidèles reçoivent le fruit fécond de son gouvernement, qui est la vie. Et si tous honorent Dieu, cependant seuls les fidèles offrent à Dieu seul un culte de latrie.

c. Il expose une troisième chose lorsqu'il dit: d'un siècle jusqu'à un autre siècle, c'est-à-dire que ta puissance n'est pas matérielle, mais éternelle: "Ton règne est un règne de tous les siècles, et ta domination s'étend à toutes les générations."

2. Du côté de celui qui loue il dit deux choses: la confession de bouche: "On croit de coeur pour la justice, et on confesse de bouche pour le salut." Et il fait cela lorsqu'il dit: Béni le Seigneur Dieu d'Israël, d'un siècle jusqu'à un autre siècle ! Il exprime aussi un sentiment de complaisance: "Réjouissez-vous toujours dans le Seigneur; je le dis encore, réjouissez-vous." Et c'est pourquoi il dit: Ainsi soit-il, ainsi soit-il, autrement dit: il se complaît dans ses bonnes oeuvres: et il réitère cette interjection pour signifier la continuité de cette complaisance: "Seigneur Dieu d'Abraham, d'Isaac et d'Israël, nos pères, garde éternellement cette volonté de leur coeur, et que toujours ce sentiment de vénération pour toi persiste." En hébreu on lit: Amen, amen. Et étant donné que ces mots amen, amen figurent à la fin des livres de l'Écriture, certains croient que le livre des Psaumes est lui-même divisé en plusieurs livres, et que ce dernier psaume constitue précisément la fin d'un livre. Mais cela n'est pas vrai, car ce fiat (ainsi soit-il), ou amen, est mis ici pour signifier la continuité du consentement, et non pas l'achèvement d'un ouvrage.

 

 

COMMENTAIRE DU PSAUME 41

1 Pour la fin, intelligence des fils de Coré.

2 Comme le cerf désire les sources des eaux, ainsi mon âme te désire, ô Dieu. 3 Mon âme a eu soif de Dieu source vive: quand viendrai-je, et paraîtrai-je devant la face de Dieu ?

4 Mes larmes m'ont servi de pains le jour et la nuit: pendant qu'on me dit chaque jour: "Où est ton Dieu ?"

5a Je me suis souvenu de ces choses, et j'ai répandu en moi mon âme; parce que je passerai dans le lieu de la tente admirable, jusqu'à la maison de Dieu;

5b au milieu d'un chant d'exultation et de louange, [pareil] au bruit d'un festin. 6 Pourquoi es-tu triste, mon âme, et pourquoi me troubles-tu ? Espère en Dieu, parce que je le louerai encore; il est le salut de mon visage, 7 et mon Dieu. Mon âme a été troublée sur moi-même; c'est pourquoi je me souviendrai de toi de la terre du Jourdain et d'Hermoniim, de [cette] petite montagne.

8 Un abîme appelle un [autre] abîme, à la voix de tes cataractes. Toutes tes hauteurs et tes flots ont passé sur moi.

9 Pendant le jour, le Seigneur a commandé à sa miséricorde [de m'environner], et pendant la nuit [il m'a donné] son cantique. En moi la prière au Dieu de ma vie; 10 je dirai à Dieu: "Tu es mon soutien. Pourquoi m'as-tu oublié et pourquoi faut-il que je marche tout contristé, tandis qu'un ennemi m'afflige ?" 11 Tandis qu'on brise mes os, mes ennemis, qui me tourmentent, m'ont accablé de reproches, en disant tous les jours: "Où est-il ton Dieu ?" 12 Pourquoi es-tu triste mon âme ? et pourquoi me troubles-tu ? Espère en Dieu, parce que je le louerai encore: il est le salut de mon visage, et mon Dieu.

 

1 Pour la fin, intelligence des fils de Coré. 2 Comme le cerf désire les sources des eaux, ainsi mon âme te désire, ô Dieu. 3 Mon âme a eu soif de Dieu source vive: quand viendrai-je, et paraîtrai-je devant la face de Dieu ?

Ici commence la cinquième décade des cinquante premiers psaumes; et elle est ainsi établie en vue d'implorer le secours divin contre les maux présents. Et c'est une figure des maux temporels qui arrivèrent à David, lui qui a souffert la persécution de la part d'Absalom: et ce fut l'objet de la première décade. Semblablement de la part de Saül: ce fut l'objet de la deuxième décade. Pareillement de la part de tout le peuple: ce fut l'objet de la troisième décade. Également de la part d'une multitude de rivaux: ce fut l'objet de la quatrième décade: "Juge, Seigneur, ceux qui me nuisent." Reste la cinquième décade, dans laquelle le psalmiste parle en particulier de ce qui concerne son royaume. Et dans cette décade il demande le secours divin contre ceux qui combattent le royaume. Et si on réfère cela au mystère, l'homme juste demande le secours divin contre ceux qui combattent le royaume de l'Église.

Cette décade se divise en deux parties:

Dans la première le psalmiste formule une demande à propos de l'état du royaume; dans la seconde, étant donné que le royaume semble être troublé par le péché, il demande pardon pour le péché: "Aie pitié de moi, ô Dieu."

En formulant une demande au sujet de l'état du royaume il fait deux choses: il fait d'abord connaître sa demande contre les ennemis du royaume; puis, exaucé, il rend grâce au sujet de la gloire du royaume: "Mon coeur a émis une bonne parole."

Et parce que toute demande résulte d'un désir, il fait deux choses en faisant connaître sa demande: il commence par faire connaître son désir; puis il y ajoute une prière: "Ô Dieu, nous avons entendu de nos oreilles."

Il fait deux choses en faisant connaître son désir: il montre d'abord le désir qu'il a de Dieu. Puis il demande l'accomplissement de son désir: "Juge-moi, ô Dieu."

Le titre de ce psaume est: In finem intellectus filiis Core (Pour la fin, intelligence des fils de Coré). On a déjà donné une explication de ce titre au psaume précédent; cependant une autre version lit: "In finem intellectu (Pour la fin, par l'intelligence)", c'est-à-dire que ce psaume est attribué aux fils de Coré, "par l'intelligence", c'est-à-dire par l'intelligence qui nous conduit vers la fin. Coré veut dire calvaire. Aussi ceux-là sont appelés fils de Coré qui souffrent de la raillerie à cause de la croix. Et l'on rapporte au quatrième livre des Rois que des enfants se moquaient d'Élisée en disant: "Monte, chauve; monte, chauve; et Élisée [...] les maudit; et deux ours sortirent du bois, et les mangèrent." Ceux-là montent de Bethel - qui autrefois était appelé maison de Dieu - qui se convertissent finalement au Christ parmi les habitants de Juda. Et ceux-ci sont raillés par des enfants, c'est-à-dire par des Juifs ayant une mentalité puérile, puisqu'ils sont encore sous le pédagogue, et outragent la croix du Christ: et ces deux ours les ont dévorés, à savoir Titus et Vespasien.

Ce psaume se divise en deux parties.

I) Dans la première partie le psalmiste expose son désir.

II) Dans la seconde la tristesse qui stimule ce désir: 4 Mes larmes m'ont servi de pains le jour et la nuit.

I. En exposant son désir il fait trois choses.

A) Il fait connaître son désir en usant d'une comparaison.

B) Puis il donne la raison de cette comparaison: 3 Mon âme a eu soif.

C) Enfin il mentionne la réalité désirée: quand viendrai-je ?

A. Il prend la comparaison du cerf qui a notamment cette propriété d'écraser de ses pattes les serpents; et quand il veut éprouver un changement il les mange: et ainsi brûlant de soif sous l'action du venin, il court alors vers l'eau, et s'en trouve restauré. De même que le cerf désire en général les eaux, ainsi le fidèle désire Dieu; cependant cette comparaison s'applique plus spécialement aux catéchumènes et aux hommes parfaits. Car le catéchumène est comme un cerf qui éprouve l'ardeur du venin en lui, parce qu'il a été distillé par la suggestion du serpent. Le péché originel résulte de ce venin: "Le péché est entré dans ce monde par un seul homme." Et ce venin est la souillure de la concupiscence, et la souillure du premier péché. C'est pourquoi le catéchumène doit désirer la source du baptême: "Il y aura une source ouverte à la maison de David pour laver les pêches." - "Je répandrai sur vous une eau pure, et vous serez purifiés de toutes vos souillures, et je vous purifierai de toutes vos idoles." Et l'homme a été affermi comme le cerf établi sur un rocher: "Qui a affermi mes pieds comme ceux des cerfs."

B. Mon âme a eu soif. Celui-ci a déjà mangé, c'est-à-dire détruit le péché:

"Comme à la vue d'un serpent fuis le péché." C'est pourquoi n'ayant rien en ce monde à convoiter, il désire venir à la source de la vie. Et voilà pourquoi, étant donné que cette comparaison convient à ceux-ci, c'est-à-dire aux catéchumènes et aux hommes parfaits, ce psaume est chanté à l'office du baptême le Samedi saint et à la Pentecôte, lorsqu'un baptême solennel est célébré pour les catéchumènes. Semblablement, il est chanté aux obsèques des morts, parce qu'il convient aux hommes parfaits d'aller vers la source de la vie éternelle.

ainsi mon âme te désire, ô Dieu. Ici il applique sa comparaison. Mon âme te désire avec un élan intérieur: "Mon âme t'a désiré pendant la nuit." - "Mon partage est le Seigneur, a dit mon âme; à cause de cela je l'attendrai." Mais n'y a-t-il pas en Dieu une source d'eaux ? Oui, aussi dit-il: "Mon âme a eu soif de Dieu source vive." On appelle source, celle qui fait jaillir et qui produit des eaux vives, et qui laisse échapper des eaux continuellement et indéfiniment. Toute l'eau des grâces émane de cette source, à savoir de Dieu le Père: "Ils m'ont abandonné, moi, la source d'eau vive." Semblablement, elle émane du Fils, en tant qu'il est également Dieu: "En toi est la source de la vie." - "La source de la sagesse est le Verbe de Dieu dans les cieux." Pareillement de l'Esprit-Saint: "L'eau que moi je lui donnerai deviendra en lui source d'eau jaillissant en vie éternelle." Et encore: "Si quelqu'un a soif, qu'il vienne à moi, et qu'il boive, celui qui croit en moi. Comme dit l'Écriture, de son sein couleront des fleuves d'eau vive. Or il disait cela de l'Esprit, que devaient recevoir ceux qui croiraient en lui." Donc, puisque lui-même est la source, mon âme a soif de lui. La soif signifie un désir accompagné d'anxiété. Ainsi cette soif signifie qu'il endure l'anxiété, non seulement à cause du retard de l'objet désiré, mais encore à cause des maux qui affligent ici-bas: "Bienheureux ceux qui ont faim et soif de la justice, parce qu'ils seront rassasiés."

C. Mais à propos de cette source il formule ce désir: quand viendrai-je, et paraîtrai-je devant la face de Dieu ? Ces paroles sont le propre de celui qui désire, et elles expriment le désir du catéchumène de recevoir le baptême; et le sens est le suivant: quand viendrai-je au baptême sacré du Christ ? - "Venez à moi, vous tous qui prenez de la peine et qui êtes chargés, et je vous soulagerai." - "Venez, mes enfants, écoutez-moi: je vous enseignerai la crainte du Seigneur." Comme le dit Augustin, cela convient aux catéchumènes, car depuis le début de leur initiation et jusqu'à ce qu'ils deviennent adultes, ils n'étaient pas admis aux saints mystères, mais pouvaient seulement y participer jusqu'à l'Évangile. Voilà pourquoi le psalmiste dit: quand viendrai-je, et paraîtrai-je, au sens littéral, puisque tu nourris, devant la face de Dieu, c'est-à-dire quand participerai-je aux sacrements du Christ ? De même, cela convient aux hommes parfaits; et en voici le sens: quand viendrai-je et paraîtrai-je ?, c'est-à-dire pour que je te voie face à face, car à présent je suis loin de toi, puisque je te vois par la foi. Mais quand je te verrai par une claire vision, alors je serai proche: "Désirant d'être dissous et d'être avec le Christ, chose bien meilleure [pour moi]." Et il ne dit pas: le Seigneur m'apparaîtra, mais je paraîtrai devant la face du Seigneur: car du fait que je verrai la face du Seigneur, je serai rendu visible aux yeux de tous beaucoup plus que Moïse qui l'a vu en cette vie: "Ce que nous serons n'est pas encore apparu. Car nous savons que lorsqu'il apparaîtra nous serons semblables à lui; parce que nous le verrons tel qu'il est." - "Les souffrances du temps présent ne sont pas dignes de la gloire future qui sera révélée en nous." Autrement dit: Je fais partie de la société de ceux qui voient Dieu; et par conséquent je serai visible et glorieux. Mais l'hypocrite est exclu de cette vision: "Aucun hypocrite ne viendra en sa présence."

4 Mes larmes m'ont servi de pains le jour et la nuit: pendant qu'on me dit chaque jour: Où est ton Dieu ?

II. Ici le psalmiste décrit d'où lui vient ce désir ou cette anxiété.

A) Et il en expose d'abord la cause.

B) Puis il expose le remède qu'il oppose à celle-ci: 5a Je me suis souvenu de ces choses.

A. Et il commence par exposer:

1) La grandeur de sa tristesse;

2) Puis sa cause.

1. En parlant de la tristesse il procède comme suit:

a) Car il exprime d'abord la grandeur de sa tristesse.

b) Puis son effet.

c) Enfin sa persistance.

a. Il montre sa grandeur lorsqu'il dit: Mes larmes m'ont servi de pains le jour et la nuit, ce qui signifie que par celles-ci l'homme fait éclater avec véhémence l'abondance de sa tristesse. Et cette tristesse provient soit des péchés qui font obstacle à l'obtention du bien désiré, soit des vexations d'autrui.

b. Il montre son effet lorsqu'il dit: de pains. Le pain refait; et ainsi les larmes refont pour une double raison.

- Selon une première raison, parce que pour chaque chose est délectable l'action qui lui convient: Aussi à la tristesse est délectable l'action qui convient à celle-ci: et l'action de pleurer est une action de la tristesse.

- Selon l'autre raison, parce que lorsque la chaleur s'évapore, elle diminue; et c'est pourquoi il dit que les larmes lui sont comme un pain, comme si elles le refaisaient. Ou bien comme un pain: car de même que par le pain on est nourri, ainsi lui-même est nourri dans le bien par les larmes.

c. Enfin il montre sa persistance lorsqu'il dit: le jour et la nuit, c'est-à-dire dans la prospérité et l'adversité: "Je pleurerai jour et nuit les morts de la fille de mon peuple."

2. Et sa cause est: pendant qu'on me dit chaque jour: "Où est ton Dieu ?" S'il s'agit de paroles dites par des païens, on les applique aux catéchumènes: autrement dit: Nous, disent les païens, nous avons un dieu que nous voyons: le soleil. Mais où est votre Dieu, celui que vous inventez ? Répondez: Dieu peut être vu, mais non par vous, parce que vous n'êtes pas purs de coeur. Semblablement, si ces paroles sont dites au juif converti par un juif infidèle: Où est ton Dieu ? Que le juif converti à la foi réponde: Où que soit mon Dieu, il apparaît dans votre châtiment, c'est-à-dire celui des juifs, puisque vous avez été dispersés. Pareillement, ce sont les paroles du pécheur adressées à l'homme juste se trouvant dans l'affliction, autrement dit: Où est[-il] ton Dieu ? Pourquoi ne te libère-t-il pas de l'affliction dont tu souffres ? Que le juste réponde: Parce que ces choses temporelles ne sont pas la récompense que Dieu donne à ses serviteurs, mais bien les réalités célestes.

5a Je me suis souvenu de ces choses, et j'ai répandu en moi mon âme; parce que je passerai dans le lieu de la tente admirable, jusqu'à la maison de Dieu.

B. Le psalmiste a exposé plus haut son désir, et la cause de ce désir; mais ici il expose le remède qui s'oppose à cette cause, à savoir la tristesse: et à cet égard il expose ou fait deux choses.

1) Il expose d'abord le remède du côté de sa méditation personnelle.

2) Puis du côté du secours divin: Mon âme a été troublée sur moi-même.

1. Concernant le remède se fondant sur sa méditation personnelle il fait deux choses.

a) Il commence par faire connaître ce remède.

b) Puis il montre par ce remède l'empêchement de céder à la tristesse: 6 Pourquoi es-tu triste, mon âme ?

a. En faisant connaître ce remède,

- il mentionne d'abord sa méditation.

- Puis la délectation de son âme: j'ai répandu en moi mon âme.

- Et il en donne la raison: parce que je passerai.

- Ainsi dit-il: Je me suis souvenu de ces choses, c'est-à-dire des outrages des infidèles disant: Où est[-il] ton Dieu ? - "J'en conserverai toujours la mémoire, et mon âme séchera en moi [de douleur]."

- Et j'ai la consolation de l'âme, parce que j'ai répandu en moi mon âme. Lorsqu'un liquide se répand, il s'étend. Étant donné que la disposition du coeur se rapporte à l'allégresse, qui est comme une délectation, c'est pourquoi dans l'effusion de l'âme est désignée la délectation: "Répandez devant lui vos coeurs: Dieu est notre aide pour l'éternité." Une autre version lit: "Effudi super me animam meam (j`ai répandu sur moi mon âme)." Et d'après cette version on lit d'une autre manière; en voici le sens. Ils disent: Où est ton Dieu ? Et moi je me suis souvenu de ces choses, et j'ai commencé par rechercher dans les créatures sans raison si je trouvais mon Dieu; mais j'ai découvert en elles des traces de Dieu: "Les perfections invisibles [de Dieu], rendues compréhensibles depuis la création du monde par les choses qui ont été faites, sont devenues visibles aussi bien que sa puissance éternelle et sa divinité." Mais j'ai poussé mon enquête plus loin dans le domaine des réalités intellectuelles de l'âme. Et j'ai répandu [sur] moi mon âme, c'est-à-dire j'ai recherché avec un examen attentif ce qui est en elle, comme si je disposais toutes choses devant moi, à la manière de celui qui extrait toutes les choses d'un récipient, afin d'examiner ce qu'il y a à l'intérieur: et cependant mon Dieu n'y est pas.

- Mais il y a encore une démarche plus haute; et je l'ai entreprise: parce que je passerai dans le lieu de la tente admirable, jus qu'à là maison de Dieu, autrement dit, toute la consolation que je pourrais avoir, c'est l'espérance de tendre vers Dieu. Et il dit deux choses: où il tend, et comment: au milieu d'un chant d'exultation et de louange, etc. Où il tend, il faut l'imaginer de la manière suivante. Dans l'Ancien Testament il y avait deux lieux assignés au culte divin, à savoir la tente, dont parle l'Exode. Et par la suite, l'état du peuple s'accroissant ainsi que la religion, on construisit la maison de Dieu, c'est-à-dire le Temple: non point comme une tente, mais comme un édifice stable. David voulut réaliser cela, mais il en fut empêché par Dieu:: "Est-ce que tu ne me bâtiras point une maison pour l'habiter ?" C'est aussi ce que rapporte le premier livre des Chroniques. Mais il lui a promis que son fils construirait la maison de Dieu, aussi lui-même fit-il des économies; et c'est pourquoi il dit: [Ils me disent:] "Où est[-il] ton Dieu ?" Et moi, m'étant souvenu de ces choses, je me suis délecté de l'avoir trouvé; et c'est pourquoi je tendrai vers lui de tout mon coeur. Et je passerai dans le lieu de la tente admirable, autrement dit: Je ne me reposerai pas jusqu'à ce que je le trouve. Et il dit: je passerai, parce que par la tente, qui était mobile, est signifiée la condition de l'Église présente, laquelle n'est ni perpétuelle, ni stable si ce n'est qu'elle durera jusqu'à la fin du siècle, et qu'alors elle sera transférée dans les cieux. C'est ce que rapporte le livre de l'Apocalypse: "Voici la tente de Dieu avec les hommes", c'est-à-dire l'Église présente avec les hommes, à savoir tant que les hommes seront en cette vie. Et de cette tente je passerai à la maison stable de Dieu: "Nous serons remplis des biens de ta maison." - "Il y a beaucoup de demeures dans la maison de mon Père; sinon je vous l'aurais dit, car je vais vous préparer un lieu." Et ainsi il indique le chemin pour aller dans la tente admirable et la maison de Dieu. Et on dit dans la tente admirable à cause des merveilles qu'il fait pour les saints.

5b au milieu d'un chant d'exultation et de louange, [pareil] au bruit d'un festin. 6 Pourquoi es-tu triste, mon âme, et pourquoi me troubles-tu ? Espère en Dieu, parce que je le louerai encore: il est le salut de mon visage, 7 et mon Dieu. Mon âme a été troublée sur moi-même; c'est pourquoi je me souviendrai de toi de la terre du Jourdain et d'Hermoniim, de [cette] petite montagne.

Ici sera décrite la manière de passer à la maison de Dieu. Et il y faut pareillement une certaine imagination. Il y avait en effet une coutume selon laquelle, lorsque certains se rendaient à la tente parmi les foules, ils y allaient avec joie: "Vous chanterez comme [dans] la nuit d'une sainte solennité, et la joie de votre coeur sera comme celui qui marche joyeusement avec la flûte"; et c'est pourquoi il dit: j'irai dans le lieu de la tente admirable, jusqu'à la maison de Dieu. Et avec joie, car il dit: au milieu d'un chant d'exultation et de louange, [pareil] au bruit d'un festin. Une autre version lit: "Sonus epulantis (Du bruit d'un festin)", autrement dit, je marcherai au milieu du bruit d'un festin, car dans les festins on entend résonner la joie, et cela d'autant plus qu'il y a là d'autres motifs d'allégresse. Ainsi nous rapportons cela à l'entrée dans la joie; car il y aura là trois sortes de joie.

Il y aura d'abord l'exultation résultant des biens acquis: "Ils obtiendront la joie et l'allégresse, et la douleur fuira ainsi que le gémissement."

Ensuite la louange pour les bienfaits de la grâce; parce qu'ils reconnaîtront avoir obtenu ces bienfaits par la grâce de Dieu; et c'est pourquoi ils loueront les merveilles de Dieu: d'où leur action de grâce et leur louange.

Enfin la réfection spirituelle: "Mes serviteurs mangeront, et vous, vous aurez faim; voilà que mes serviteurs se réjouiront et vous, vous serez confus; voilà que mes serviteurs chanteront des louanges dans l'exultation de leur coeur, et vous, vous jetterez des cris dans la douleur de votre coeur, etc." - "Bienheureux ceux qui ont faim et soif de la justice, parce qu'ils seront rassasiés"; et c'est pourquoi en ce lieu résonnera le bruit du festin. Pareillement le bruit de la joie d'un jour de fête, c'est-à-dire l'exultation ininterrompue: "Jérusalem, regarde vers l'orient, et vois la joie qui te vient de Dieu." Et parce que toutes ces choses sont imparfaites dans l'Église, il ajoute: Pourquoi es-tu triste, mon âme ?

b. Le psalmiste applique ici le remède contre la cause de la tristesse.

- Et il commence par écarter ce sentiment.

- Puis son effet.

- Ainsi dit-il: Pourquoi es-tu triste, mon âme ?, alors que tu dois te réjouir, puisque tu es dans la tente, et que tu iras à la maison du Seigneur. Pourquoi donc es-tu triste ? Car les petits maux ne doivent pas être considérés au regard des biens éternels: "Chasse la tristesse", à savoir celle du siècle, "loin de toi". - "La tristesse du siècle produit la mort."

- L'effet de la tristesse est le trouble, car à cause du dérèglement de l'appétit sensible la raison elle-même est troublée. Et qui parle ? L'âme selon cette connaissance sensible. L'âme a deux parties: la partie sensitive, qu'il nomme ici âme à cause de son caractère animal; et la raison supérieure, qui se nomme elle-même; car chacun excelle par ce qu'il a de meilleur en lui: et c'est pourquoi la raison supérieure dit à l'inférieure: pourquoi me troubles-tu ? Et quelle en est la cause ? Il montre qu'il ne doit pas être triste, parce qu'il y a l'espérance de la louange future; et c'est pourquoi il dit: Espère [dans le Seigneur], parce que je le louerai encore, autrement dit: Espère en Dieu lui-même, parce que tu viendras encore vers ce que tu désires, à savoir je le louerai encore, c'est-à-dire j'espère encore voir son visage, soit en cette vie, soit dans la Patrie, ce qui constitue la matière principale de la joie: "Quelqu'un de vous est-il triste ? Qu'il prie. Est-il content ? Qu'il chante des cantiques."

le salut de mon visage. Ce mot salut est ici au nominatif selon la Glose, et en voici le sens: Moi je dis que je le louerai. Et ce pronom le s'adresse à qui ? Au Christ, en qui il y a deux natures, à savoir la nature humaine qui est semblable à une mère; et c'est pourquoi il dit: le salut de mon visage, c'est-à-dire portant mon visage: "Mes yeux ont vu ton salut, que tu as préparé à la face de tous les peuples; pour être la lumière qui éclairera les nations, et la gloire d'Israël ton peuple." - "C'est ton salut que j'attendrai, Seigneur." Pareillement la nature divine, et selon celle-ci, il est mon Dieu; aussi dit-il: mon Dieu. - "De qui est sorti, selon la chair, le Christ même qui est au-dessus de toutes choses, Dieu béni dans tous les siècles. Amen." Ou bien selon Jérôme, ce mot salut est à l'accusatif, autrement dit: je le louerai comme salut, c'est-à-dire la rédemption grâce à laquelle il me sauva. Et ce qui suit, mon Dieu, est relié à ce qui précède.

2. Ensuite le psalmiste applique le remède, c'est-à-dire celui du secours divin.

a) Il commence par exposer ce remède.

b) Puis il en donne une explication.

a. Ainsi dit-il: sur moi-même. Une autre version lit: "À me meipso anima mea conturbata (Mon âme a été troublée en moi-même)." La première version est meilleure, autrement dit: Quelle en est la raison, je cherche à savoir: pourquoi me troubles-tu [mon âme] ? Et ce trouble vient parce que, de quelque manière que je me tourne vers moi-même, je rencontre pour moi la tribulation: "Ta perte vient de toi, Israël; c'est seulement en moi qu'est ton secours." Et c'est pourquoi la version iuxta Hebraeos de Jérôme lit: "Deus meus in meipso (Mon Dieu en moi-même)." Selon cette version le sens est le suivant, autrement dit: la cause du trouble vient de moi-même: car si nous nous référons au genre humain, la corruption des sens vient de la raison, c'est-à-dire de la corruption de l'intelligence de nos premiers parents. Semblablement, tout homme en péchant corrompt sa nature; et c'est pourquoi après le péché la sensualité résiste davantage à la raison. Et parce qu'il ne se trouve en moi que la cause du trouble, c'est pourquoi je me souviendrai de toi, c'est-à-dire je recourrai à toi: "Son souvenir sera comme le vin du Liban". Et d'où ? de la terre du Jourdain et d'Hermoniim. Le Jourdain est un fleuve qui coule sur la Terre promise. L'Hermon est une montagne proche du Jourdain. Et selon l'histoire rapportée au livre des Rois, lorsqu'Absalom marcha sur Jérusalem, et tint conseil en vue de poursuivre David qui se tenait en deçà du Jourdain, alors Chusai l'en empêcha; et c'est pourquoi il dit: Si je me trouvais dans une tribulation telle que celle que j'ai endurée alors, je dirais face à celle-ci: je me souviendrai de toi.

Trois éléments figurant dans le baptême sont ici désignés. Par le Jourdain est désignée la descente des grâces dans le baptême: "Toute grâce excellente et tout don parfait vient d'en haut et descend du Père des lumières, en qui il n'y a ni changement, ni ombre de vicissitudes." Et de la terre, parce que par l'influx de la grâce la terre du coeur est fécondée. Hermon veut dire "anathème", et désigne la renonciation que nous faisons au diable et à ses pompes au baptême; car en cette circonstance n'importe qui anathématise, c'est-à-dire se sépare du diable. de [cette] petite montagne, car cette renonciation et la grâce résultent d'un coeur humble, puisque "Dieu donne sa grâce aux humbles." Et le diable "est le roi de tous les fils de l'orgueil."

8 Un abîme appelle un [autre] abîme, à la voix de tes cataractes. Toutes tes hauteurs, et tes flots ont passé sur moi.

b. Il explique le remède quant aux choses qui ont été mentionnées, quant au trouble qu'il a en lui et quant au souvenir qu'il a de Dieu: Pendant le jour, le Seigneur a commandé.

En parlant de son trouble il donne une comparaison et en,fait connaître la cause.

L'abîme dans l'Écriture signifie la multitude des eaux: "Des ténèbres étaient sur la face de l'abîme." Il arrive aussi que les eaux, lorsqu'elles sont engendrées en abondance dans les airs, puissent être appelées abîme. Et dans ces pluies il y a un certain mouvement circulaire: car elles descendent vers la terre, et d'elles s'élèvent des vapeurs qui génèrent d'autres eaux; et dans l'intervalle il y a souvent du tonnerre résultant du mouvement des nuages, lesquels sont engendrés par les vapeurs et les pluies. Il arrive également que des éclairs succèdent au tonnerre: "Il a changé des éclairs en pluie."

Le psalmiste dit donc: Un abîme, c'est-à-dire la multitude des eaux, appelle un [autre] abîme, c'est-à-dire à lui la multitude des autres eaux; et cela, à la voix de tes cataractes, c'est-à-dire qu'il y a des lieux cachés dans lesquels les eaux sont engendrées, et dont elles descendent. C'est pourquoi les cataractes, c'est-à-dire les nuages qui sont comme des cataractes, sont engendrées à partir de ces lieux. Et ces choses dans l'Écriture, à savoir l'abîme et la tempête, causent le mal: "Les abîmes les ont couverts"; d'où un abîme, autrement dit une punition de Dieu appelle un [autre] abîme, c'est-à-dire en amène une autre, autrement dit: le jugement de Dieu qui cause les maux présents, appelle le jugement qui cause les maux futurs: "Tes jugements sont un abîme profond." Et cela de la manière suivante: à la voix de tes cataractes, c'est-à-dire par la voix de tes Écritures, ou de tes prédicateurs. Et cela se réfère à ce qu'il dit: Mon âme a été troublée. Pourquoi ? À cause de l'abîme, en ce sens que d'un seul mal ou d'un seul péché résulte un grand châtiment. Ou bien autrement: c'est pourquoi je me souviendrai de toi, etc., en supposant que par le mot abîme on comprenne la doctrine sacrée; et le sens est alors le suivant: Un abîme, c'est-à-dire l'Ancien Testament en appelle un [autre], c'est-à-dire le Nouveau Testament. Et il introduit ces deux choses ensemble pour que je me [souvienne] de toi, parce que dans l'une et l'autre chose il promet le secours de Dieu à l'homme: et cela, à la voix de tes cataractes, c'est-à-dire à la voix de tes prédicateurs et docteurs. Ou encore autrement: c'est pourquoi je me souviendrai de toi, etc., parce que l'abîme c'est l'homme: "Qui des hommes sait ce qui est dans l'homme, sinon l'esprit de l'homme qui est en lui ?" Selon un autre passage de l'Écriture il est écrit: "Le coeur de l'homme est un abîme et il est inscrutable." Donc un abîme, c'est-à-dire un homme, en appelle un [autre] au Christ. Et cela ne se fait pas par sa propre puissance, mais à la voix de tes cataractes, c'est-à-dire sous l'inspiration de l'Esprit-Saint, d'où la langue du prédicateur reçoit son efficacité. Toutes tes hauteurs. Plus haut le psalmiste a exposé une comparaison relative à sa tribulation, mais ici il explique cette comparaison. Il a dit plus haut: Un abîme appelle un [autre] abîme, et il se réfère à cela pour signifier qu'il a enduré non seulement un châtiment, mais une multitude de châtiments; et à cela fait suite sa comparaison: l'homme est affligé par l'eau, soit descendant de l'air, soit étant dans l'air, ou se trouvant sur la terre. Et ce dernier dit être affligé de l'une et de l'autre manière. Selon la première manière lorsqu'il dit: Toutes tes hauteurs; selon la seconde [manière] lorsqu'il dit: et tes flots ont passé sur moi. Ces hauteurs, ce sont les supplices futurs, et ils concernent le jugement dernier, à l'image de celui qui eut lieu dans la mer quand "[les Égyptiens] se sont enfoncés comme le plomb dans des eaux impétueuses". Les flots sont les châtiments présents qui appellent ce jugement; et c'est pourquoi je suis troublé: "Ils se sont fait un chemin au travers de moi." Selon la Glose: tes flots ont passé, c'est-à-dire se sont éloignés de moi. Et telle est selon ce commentaire la raison de sa consolation, autrement dit: je me souviendrai de toi, parce que Toutes tes hauteurs et tes flots se sont éloignés de moi, autrement dit des châtiments plus grands, qui sont signifiés par les flots, ont passé sur moi, c'est-à-dire semblaient dépasser la mesure de mes forces. Cependant le premier commentaire est meilleur.

9 Pendant le jour, le Seigneur a commandé à sa miséricorde [de m'environner], et pendant la nuit, [il m'a donné] son cantique. En moi la prière au Dieu de ma vie; 10 je dirai à Dieu: "Tu es mon soutien. Pourquoi m'as-tu oublié et pourquoi faut-il que je marche tout contristé, tandis qu'un ennemi m'afflige ?" 11 Tandis qu'on brise mes os, mes ennemis, qui me tourmentent, m'ont accablé de reproches, me disant tous les jours: "Où est ton Dieu ?" 12 Pourquoi es-tu triste, mon âme ? et pourquoi me troubles-tu ? Espère en Dieu, parce que je le louerai encore: il est le salut de mon visage et mon Dieu.

Comme on l'a déjà dit, il a mentionné deux choses: le trouble vis-à-vis de lui-même et sa confiance: c'est pourquoi je me souviendrai de toi. Et il a exposé la cause de son trouble; à présent il explicite la raison pour laquelle il se souvient de Dieu.

- Et il expose d'abord son expérience de la miséricorde divine;

- puis il y ajoute sa prière: En moi la prière.

- Il fait deux choses selon le caractère ambivalent de la miséricorde divine; car la miséricorde de Dieu apporte la paix aussi bien dans la prospérité que dans l'adversité. Et c'est pourquoi en parlant de la prospérité il dit: Pendant le jour, le Seigneur a commandé à sa miséricorde [de m'environner], c'est-à-dire au temps de la prospérité, autrement dit: Tout ce que je possède au temps de la prospérité, je l'attribue à la miséricorde divine: "C'est grâce aux miséricordes du Seigneur que nous n'avons pas été consumés; c'est parce que ses bontés n'ont pas fait défaut." En parlant de l'état d'adversité il dit: et pendant la nuit, c'est-à-dire au temps de l'adversité, il m'a donné son cantique, à savoir l'allégresse, c'est-à-dire que pour moi qui suis dans la tribulation une très grande miséricorde m'est donnée par la miséricorde divine. C'est pourquoi une autre version lit: "In die declaravit (Pendant le jour il a déclaré)", à savoir la miséricorde s'est déclarée, c'est-à-dire s'est manifestée au temps de l'adversité: "Belle est la miséricorde de Dieu au temps de la tribulation, comme la nuée au temps de la sécheresse." - "Selon la multitude de tes bontés, efface mon iniquité, et purifie-moi de mon péché." Cependant selon Jérôme ce verset se lit comme suit: "In die mandavit Dominus misericordiam suam, et nocte canticum ejus apud me (Pendant le jour, le Seigneur a commandé à sa miséricorde [de m'environner], et pendant la nuit son cantique est en moi."

- Et telle est la prière du Seigneur, etc., autrement dit: je reçois la miséricorde de Dieu, etc., pendant le jour naturel, ou au temps de l'adversité; pendant la nuit le cantique de Dieu, et je prie de nouveau au Dieu de ma vie. Cette dernière version est plus claire. Mais nous suivons le commentaire de la Glose et nous disons: "Apud me orataio (En moi la prière)."

Ici le psalmiste explicite sa prière, et il fait trois choses à ce propos.

· Il commence par décrire sa manière de prier.

· Puis le temps de sa prière.

· Enfin l'effet de sa prière.

· À propos de sa prière il dit deux choses. Comment il est disposé pour prier; car parfois l'homme prie, et sa prière n'est pas tournée vers Dieu, lorsqu'il ne prie pas pour soi mais afin d'être vu comme s'il était en public: "Mais toi, quand tu pries, entre dans ta chambre, et, la porte fermée, prie ton Père en secret." Puis comment il se comporte à l'égard de celui qu'il prie, car il dit: au Dieu de ma vie, c'est-à-dire à l'auteur de ma vie naturelle: "C'est le Seigneur qui fait mourir et qui fait vivre." Semblablement, à l'auteur de la vie de la grâce. Lui-même est ta vie: car l'âme vit par la grâce puisqu'elle vit pour Dieu. Également à l'auteur de la vie de la gloire: "En toi est la source de la vie, et dans la lumière nous verrons la lumière."

· Puis il expose sa prière: Et je dirai à Dieu: "Tu es mon soutien, etc." Et il fait deux choses.

Il commence par rendre grâce pour les bienfaits reçus.

Puis il s'interroge sur la raison des maux qu'il endure.

L'homme doit d'abord faire mention des bienfaits qu'il reçoit, parce que s'il n'est pas reconnaissant, il est indigne de les recevoir: "L'espérance de l'ingrat, comme la glace de l'hiver, se fondra; et elle périra entièrement comme une eau inutile." Et c'est pourquoi il dit: Tu es mon soutien. La version iuxta Hebraeos lit: petra mea (mon rocher), c'est-à-dire ma force. Et c'est pourquoi il est appelé soutien pour le défendre: "Mais toi, Seigneur, tu es mon soutien." Ou bien: Tu es mon soutien, c'est-à-dire le soutien de ma nature: "Voici mon serviteur, je le soutiendrai; mon élu, en qui s'est complu mon âme; j'ai répandu mon esprit; il annoncera la justice aux nations." Ou bien: mon soutien au baptême: "Il m'a retiré d'un gouffre d'eaux."

Et si tu es mon soutien, je m'étonne des maux que j'endure.

Et il s'interroge d'abord sur le motif de ses maux;

puis il mentionne certaines choses

qui sont les signes d'un mal et la cause d'un autre mal: tandis qu'un ennemi.

À propos des maux il considère deux choses.

* La première du côté de Dieu, à savoir qu'il l'a oublié.

* L'autre de son côté, puisqu'il était accablé de tristesse.

* Du côté de Dieu, parce qu'il permettait qu'il soit affligé; et c'est pourquoi il dit: Pourquoi m'as-tu oublié, puisque jadis tu m'as ainsi soutenu ? - "Le Seigneur m'a oublié."

* Mais en réalité il n'est pas oublié, celui qui était affligé; aussi dit-il: et pourquoi faut-il que je marche tout contristé ? c'est-à-dire quelle est la raison pour laquelle tu me donnes de la tristesse ?

- "Tout le jour je marchais contristé."

tandis qu'un ennemi m'afflige. Ici il montre la douleur qu'il endure de la part de son adversaire; et il montre l'effet de sa persécution, autrement dit le motif pour lequel je marche tout contristé, c'est que je suis affligé parfois par des ennemis temporels, parfois par des ennemis spirituels: "C'est un homme ennemi qui a fait cela." La cause de la douleur ou son effet, il la montre en disant: Tandis qu'on brise mes os. Les os de l'Église, ce sont les forts, par exemple les dignitaires ou les hommes parfaits. Et ces derniers sont parfois affligés par des adversaires temporels, parfois par des tentations: "Ils ont compté tous mes os." En chaque homme toute vertu est comme un os; et s'il arrive à un homme juste et chaste de tomber dans le péché, ses os se brisent.

m'ont accablé de reproches. Ici il traite de la cause de la tristesse qu'il éprouve par des paroles injurieuses; aussi dit-il: m'ont accablé de reproches, à savoir par des paroles injurieuses: "Je suis devenu un objet de dérision durant tout le jour, [et] tous me raillent." Et cet outrage est très grave. Un outrage est d'autant plus grave qu'il porte sur l'objet de celui qui a confiance d'en tirer gloire. Or celui-ci se glorifiait surtout de Dieu; et c'est pourquoi cet opprobre lui est très grave. C'est la raison pour laquelle mes ennemis [me disent] tous les jours: Où est ton Dieu ? - "De peur que mon ennemi ne dise: "J'ai prévalu contre lui".""

· Pourquoi es-tu triste, mon âme ? et pourquoi me troubles-tu ? Ici il montre l'effet de sa prière. Et sa prière a un double effet. L'un est le bannissement de la tristesse; l'autre est l'accroissement de l'espérance. Le premier effet est que par la prière l'intelligence de l'homme s'élève vers Dieu; et parce que Dieu est souverainement bon, lorsque l'âme adhère à lui, elle éprouve une très grande délectation, et la délectation bannit la tristesse ou la diminue; et c'est pourquoi il dit: Pourquoi es-tu triste, etc. ? c'est la raison pour laquelle j'ai prié. Et cela a été expliqué plus haut. L'autre effet est qu'il croît en espérance: car si un roi admet quelqu'un à son service et à son audience, il donne la confiance de pouvoir demander et d'obtenir. Or dans la prière l'homme s'entretient en particulier avec Dieu: "En lui mon coeur a espéré, et j'ai été secouru"; et c'est pourquoi il ajoute: Espère en Dieu. Et cela a également été expliqué plus haut.

 

 

COMMENTAIRE DU PSAUME 42

1 Juge-moi, ô Dieu, et discerne ma cause d'une nation qui n'est pas sainte; délivre-moi de l'homme inique et trompeur. 2 Car toi tu es ma force, ô Dieu; pourquoi m'as-tu repoussé, et pourquoi dois-je marcher attristé, pendant que l'ennemi m'afflige ?

3 Envoie ta lumière et ta vérité: elles me conduiront et m'amèneront à ta montagne sainte et dans tes tabernacles. 4a Et j'irai à l'autel de Dieu, vers Dieu qui réjouit ma jeunesse. 4b Je te louerai sur la cithare, ô Dieu, mon Dieu. 5 Pourquoi es-tu triste, mon à me, et pourquoi me troubles-tu ? Espère en Dieu, parce que je le louerai encore, lui, le salut de mon visage et mon Dieu.

 

1 Juge-moi, ô Dieu, et discerne ma cause d'une nation qui n'est pas sainte; délivre-moi de l'homme inique et trompeur. 2 Car tu es ma force, ô Dieu; pourquoi m'as-tu repoussé, et pourquoi dois-je marcher attristé, pendant que l'ennemi m'afflige ?

Dans le psaume précédent David a fait connaître son désir, mais ici il a recours à la prière afin d'accomplir son désir.

I) Et à cette fin il expose d'abord sa prière.

Il) Ensuite son effet: 4b Je te louerai.

I. Il commence donc par exposer:

A) Sa prière en général.

B) Puis en particulier: de l'homme inique.

A. Ainsi demande-t-il d'abord le jugement, ensuite l'effet du jugement. Il demande donc en disant: Juge-moi, ô Dieu.

Mais il semble que cette demande soit présomptueuse, car lui-même dit: "N'entre pas en jugement."

On répondra en disant qu'il y a deux sortes de jugement: un jugement de sévérité, et un jugement de miséricorde ou d'équité.

Le premier s'exerce quand on considère uniquement la nature de l'objet et non la condition de la personne: ce jugement doit être craint. Il dit à ce sujet: "N'entre pas en jugement." Car nos justices ne sont rien en présence de Dieu, comme le dit Isaïe. Et ce "jugement est sans miséricorde", selon Jacques.

Le second s'exerce en considérant non seulement la nature du fait condamnable, mais la condition de la personne: "Le Seigneur a compassion de ceux qui le craignent, car il sait de quoi nous sommes faits." Et le psalmiste demande ce jugement-là . Ou bien encore, il y a deux sortes de jugement: un jugement de discussion, lorsque les mérites sont discutés, mais cela il ne le demande pas ici, car la discussion est à craindre: "Je redoute toutes mes oeuvres, sachant que tu ne me tiendras pas pour innocent." L'autre est un jugement de discernement, c'est-à-dire de séparation à l'égard des méchants, et c'est ce jugement qu'il demande; aussi ajoute-t-il: discerne ma cause. Et cela se rapporte à l'état présent; ainsi nous demandons à être séparés des méchants, et si ce n'est pas dans le lieu, au moins dans la cause. En effet, beaucoup de choses sont communes entre eux et nous, parce que le lieu est dû au hasard mais non la cause, car les bons et les méchants usent des mêmes choses de manière différente; car dans l'adversité, les bons brillent par la patience, tandis que les méchants fument d'impatience. Mais si nous nous référons au jugement futur, nous demandons qu'il y ait un discernement: car la cause des méchants sera jugée en vue de leur condamnation, celle des bons en vue de leur salut.

B. Mais il demande en particulier d'être jugé quant à deux choses: quant a sa libération du mal et quant à son progrès dans le bien.

1. Il demande donc d'être libéré du mal, ou présent ou futur, aussi dit-il: délivre-moi de l'homme inique et trompeur. L'homme inique c'est le diable: "C'est un ennemi qui a fait cela." Ou bien un autre homme séducteur, ou n'importe quel injuste. Et on appelle inique celui qui s'applique ouvertement à l'injustice, mais trompeur celui dont la fraude est cachée: "La ruse est dans le coeur de ceux qui méditent le mal." On est donc libéré doublement de ces hommes iniques. D'abord, afin de n'être pas séduit par la ruse cachée. Ensuite, afin de ne pas être opprimé par l'adversité: Car toi tu es ma force, ô Dieu. Ici est donnée la raison de cette libération, et elle est double: la première vient de Dieu qui peut libérer, aussi dit-il: toi tu es ma force. - "Seigneur tu es ma force et ma louange." Et on l'appelle notre force de manière effective parce qu'elle vient de lui-même: "Il donne de la force à celui qui est fatigué, et redouble la vigueur de ceux qui sont défaillants." La seconde raison vient. de l'homme, c'est-à-dire des maux qu'il souffre. Nous endurons certains maux selon notre jugement, car lorsque nous sommes dans les adversités, nous nous voyons rejetés de Dieu; aussi dit-il: pourquoi m'as-tu repoussé ? Mais "le Seigneur ne rejette pas son peuple". Et c'est ainsi que ce mal est seulement envisagé de manière subjective. Mais autre est la vérité, d'où ce qui suit: pourquoi dois-je marcher attristé ? c'est-à-dire triste, de la tristesse du siècle qui opère la mort; et tel est le sens de: pourquoi dois-je marcher attristé ? c'est-à-dire temporellement, pendant que l'ennemi m'afflige, c'est-à-dire l'homme mauvais, temporellement. Ou bien: triste, de la bonne tristesse qui opère la pénitence en vue du salut. Et tel est uniquement le sens de: pourquoi dois-je marcher attristé ? car la joie doit aussi être associée à la pénitence.

3 Envoie ta lumière et ta vérité: elles me conduiront et m'amèneront à ta montagne sainte et dans tes tabernacles. 4a Et j'irai a l'autel de Dieu, vers Dieu qui réjouit ma jeunesse. 4b Je te louerai sur la cithare, ô Dieu, mon Dieu. 5 Pourquoi es-tu triste, mon à me, et pourquoi me troubles-tu ? Espère en Dieu, parce que je le louerai encore, lui, le salut de mon visage et mon Dieu.

2. Ici il expose son progrès dans le bien.

a) Et il commence par demander les biens divins au moyen desquels on progresse.

b) Puis il demande de progresser par ces biens.

a. Il demande deux biens: la lumière et la vérité. On parvient à Dieu par les souffrances de l'âme, et par la connaissance: "L'entrée [dans le repos] est promise à ceux qui croient." Deux choses sont nécessaires à la connaissance: la lumière et l'objet à connaître: "Tout ce qui est manifesté est lumière." Et c'est pourquoi il demande deux choses: la lumière et la vérité, biens auxquels je ne puis accéder par moi-même. Aussi dit-il: Envoie ta lumière et ta vérité. Ici lumière et vérité sont une même chose, car elles sont prises pour le Christ. Envoie ta lumière, c'est-à-dire le Christ: "Il était la lumière, la vraie, qui illumine tout homme venant en ce monde", et [la] vérité. - "Moi je suis le chemin et la vérité", car le Christ est lui-même la vérité et la vie, autrement dit: Dieu le Père envoie le Christ. Ou bien, lumière est pris ici dans le sens de la loi, car "le commandement [du Seigneur] est une lampe, et [sa] loi une lumière." Et la vérité, c'est le Nouveau Testament.

b. Ensuite il expose son progrès dans le bien. Et il commence par donner la direction pour y parvenir: elles me conduiront, c'est-à-dire ta lumière et la vérité me conduiront vers toi. Ou bien: elles me conduiront, c'est-à-dire m'arracheront aux méchants, et m'amèneront à ta montagne sainte et dans tes tabernacles. Cette prière répond au désir exprimé dans le psaume précédent: "Je passerai dans le lieu du tabernacle admirable, jusqu'à la maison de Dieu." Et parce que cela ne suffit pas encore, je demande d'être amené par Dieu à la montagne, etc. Jérusalem était au pied de la montagne du côté de l'Aquilon. Et ainsi ceux qui s'y rendaient parvenaient d'abord à la montagne. Ensuite ils allaient vers l'habitation. Enfin ils s'acheminaient vers le lieu du sacrifice, c'est-à-dire vers l'autel. Et là encore mon esprit ne se repose pas, mais il monte vers Dieu; et c'est pourquoi il dit: m'amèneront à ta montagne sainte et dans tes tabernacles, c'est-à-dire vers ton habitation. Et là encore mon esprit ne se repose pas en cet endroit, mais il va vers la maison de Dieu, c'est-à-dire vers l'autel. Aussi dit-il: j'irai [vers] l'autel de Dieu. Et là encore il ne s'y repose pas de peur de paraître idolâtre, mais il va vers Dieu qui réjouit [sa] jeunesse. Au sens mystique les mots [sur la] montagne et dans [ton] tabernacle désignent l'Église présente, ou bien l'Église céleste; autrement dit: ils me mèneront vers ton Église: "La montagne de la maison du Seigneur sera établie au sommet des montagnes." Et vers tes tabernacles, c'est-à-dire les diversités des saints qui sont "des voyageurs sur la terre". Et cette Église est appelée porte du ciel: "Ce n'est rien moins que la maison de Dieu, et la porte du ciel." Et c'est pourquoi il est également appelé autel de Dieu, c'est-à-dire Dieu lui-même: "Dieu en est le temple"; car tous les sacrifices spirituels doivent être offerts à Dieu, non à une créature humaine. Et là sera la joie: "Vous verrez, et votre coeur se réjouira" - "Entre dans la joie de ton maître." Et voilà pourquoi il dit qui réjouit ma jeunesse, c'est-à-dire là il y aura la rénovation et la jeunesse, car il est écrit: "Tous nous apparaîtrons à l'état d'homme parfait, à la mesure de l'âge et de la plénitude du Christ", et c'est pourquoi il dit: ma jeunesse. - "Ta jeunesse se renouvellera comme celle de l'aigle." Et les prêtres disent ce psaume lorsqu'ils s'avancent vers l'autel; car ces deux choses, c'est-à-dire la joie et la rénovation, sont nécessaires à ceux qui veulent s'approcher de l'autel céleste: "Comment aurais-je pu manger de cette hostie, ou plaire au Seigneur dans ces cérémonies, avec un esprit plein d'affliction ?" De même au ciel il n'y a pas la vétusté du péché: "Je vous écris, jeunes gens." Ou bien tout ce qui est dit se rapporte à la Patrie céleste dans laquelle nous devons fixer notre désir et vers laquelle nous devons nous acheminer avec ardeur; et il désigne cela lorsqu'il dit: à ta montagne sainte. - "Tu les introduiras et tu les établiras, Seigneur, sur la montagne de ton héritage", car là est la stabilité parfaite. Et de même, là se trouve l'assemblée des saints; aussi dit-il: et dans tes tabernacles. - "Que tes tabernacles sont beaux, ô Jacob, et tes tentes, ô Israël !" - "Que tes demeures sont aimables, Seigneur des armées !" Et on les appelle tabernacles, car bien que les hommes soient citoyens des cieux selon la grâce, ils sont cependant là en tant qu'hôtes selon la condition de la nature humaine. Enfin l'autel signifie l'humanité du Christ: "Ils regarderont le roi dans sa beauté." Et le Christ est appelé autel de Dieu: "Nous avons un autel auquel n'ont pas le droit de manger ceux qui restent au service du tabernacle"; car de même que tous les sacrifices charnels étaient offerts sur l'autel, ainsi toutes les prières sont offertes par le Christ. C'est pourquoi toute oraison se termine par: "Per Christum Dominum nostrum (Par le Christ notre Seigneur)." Mais parce que le repos n'est pas dans l'humanité du Seigneur, il se dirige plus loin, vers la divinité; aussi dit-il: vers Dieu. - "Tu feras tes délices du Tout-Puissant, et tu lèveras vers Dieu ton visage."

II. L'effet de la prière est la confession de la louange; aussi dit-il: Je te louerai sur la cithare, ô Dieu, et il dit cela en raison de son sentiment, car il est écrit: "On y trouvera la joie et l'allégresse." Et il dit: sur la cithare, à la différence du psaltérion, car le psaltérion donne un son aigu, tandis que la cithare donne un son grave; d'où, Je te louerai sur la cithare, car nous sommes libérés des maux du monde. Et sur le psaltérion, car nous avons acquis ces joies célestes. Pourquoi es-tu triste, etc. Tout ce qui suit a été commenté plus haut, au psaume précédent.

 

 

COMMENTAIRE DU PSAUME 43

1 Pour la fin, aux fils de Coré pour l'intelligence.

2 Ô Dieu, nous avons entendu de nos oreilles; nos pères nous ont annoncé l'oeuvre que tu as opérée en leurs jours et dans les jours anciens. 3 Ta main a exterminé des nations et tu as planté [nos pères à leur place]; tu as affligé des peuples et tu les as chassés. 4 Car ce n'est point par leur glaive qu'ils se sont mis en possession d'une terre, et ce n'est point leur bras qui les a sauvés; mais ta droite, et ton bras, et la lumière de ton visage, parce que tu t'es complu en eux.

5 C'est toi qui es mon roi et mon Dieu: c'est toi qui décrètes les saluts de Jacob. 6 Avec toi, nous dissiperons nos ennemis avec la corne, et en ton nom, nous mépriserons ceux qui s'élèvent contre nous.

7 Car ce n'est pas en mon arc que j'espérerai, et mon glaive ne me sauvera pas. 8 Car tu nous as sauvés de ceux qui nous affligeaient, et tu as confondu ceux qui nous haïssaient.

9 C'est en Dieu que nous serons loués tout le jour; et c'est ton nom que nous confesserons à jamais.

10 Mais maintenant tu nous as repoussés et confondus, et tu ne sortiras pas, ô Dieu, avec nos armées.

11 Tu nous as fait tourner le dos à nos ennemis, et ceux qui nous haïssent pillaient pour eux. 12 Tu nous as livrés comme des brebis que l'on mange, et tu nous as dispersés parmi les nations. 13 Tu as vendu ton peuple sans en recevoir le prix; et il n'y a pas eu une multitude [d'acheteurs] dans leurs échanges.

14 Tu nous as rendus un sujet d'opprobre à nos voisins, un objet de grimace et de dérision pour ceux qui sont autour de nous. 15 Tu nous

as faits la fable des nations et le hochement de tête des peuples.

16 Tout le jour ma honte est devant moi, et la confusion de ma face m'a couvert, 17 à la voix de celui qui m'adresse des reproches et qui m'invective, à la face de mon ennemi et de celui qui me persécute.

18 Tous ces [maux] sont venus sur nous et nous ne t'avons pas oublié, et nous n'avons pas iniquement agi contre ton alliance. 19 Et notre coeur ne s'est pas retiré en arrière; et tu as détourné nos sentiers de ta voie.

20 Parce que tu nous as humiliés dans un lieu d'affliction, et l'ombre de la mort nous a enveloppés. 21 Si nous avons oublié le nom de notre Dieu, et si nous avons étendu nos mains vers un dieu étranger; 22 est-ce que Dieu ne s'en enquerra pas ? car il connaît, lui, les choses cachées du coeur. Puisque, à cause de toi, nous sommes mis à mort tout le jour; nous sommes regardés comme des brebis de tuerie.

23 Lève-toi, pourquoi dors-tu Seigneur ? Lève-toi, et ne nous rejette pas jusqu'à la fin. 24 Pourquoi détournes-tu ta face, oublies-tu notre misère et notre tribulation ? 25 Car notre âme est humiliée dans la poussière, et notre ventre est collé à la terre. 26 Lève-toi, Seigneur, aide-nous, et rachète-nous à cause de ton nom.

 

1 Pour la fin, aux fils de Coré pour l'intelligence.

2 Ô Dieu, nous avons entendu de nos oreilles; nos pères nous ont annoncé l'oeuvre que tu as opérée en leurs jours et dans les jours anciens. 3 Ta main a exterminé des nations et tu as planté [nos pères à leur place]; tu as affligé des peuples et tu les as chassés. 4 Car ce n'est point par leur glaive qu'ils se sont mis en possession d'une terre, et ce n'est point leur bras qui les a sauvés; mais ta droite, et ton bras, et la lumière de ton visage, parce que tu t'es complu en eux.

Plus haut le psalmiste a montré son désir à l'égard de Dieu; mais ici il en vient à prier face à l'affliction de tout le peuple. Ce psaume est intitulé: "In finem, filiis Core ad intellectum (Pour la fin, aux fils de Coré pour l'intelligence)." Les fils de Coré sont les fils de la Passion du Christ; et ces derniers sont à proprement parler des martyrs, parce qu'ils imitent le Christ: "Le Christ a souffert pour nous, vous laissant un exemple, afin que vous suiviez ses traces". Et c'est pourquoi il convient spécialement aux martyrs. Il est vrai que tous les biens, temporels et spirituels, sont donnés par Dieu. Les temporels sont des biens plus modestes, tandis que les spirituels sont plus importants. Un père donne à ses petits enfants des biens modestes, mais aux adultes il donne de grands biens. Et ainsi fait Dieu: car lorsque les hommes étaient dans la condition de petits enfants, il leur donna des biens modestes, c'est-à-dire temporels, comme on le voit dans l'Ancien Testament: "Ils étaient comme des petits enfants sous le pédagogue", c'est-à-dire sous les observances de la Loi. Il est écrit dans Isaïe: "Si vous voulez, et que vous m'écoutiez, vous mangerez les biens de la terre"; mais à ceux qui sont à présent parfaits dans le Nouveau Testament, ce ne sont pas les biens temporels qui sont promis, mais de dures afflictions; et cela dans l'espérance des réalités spirituelles: "Vous serez heureux lorsque les hommes vous haïront, vous éloigneront, vous injurieront, et rejetteront votre nom comme mauvais, à cause du Fils de l'homme." Et ainsi l'intention du psalmiste est-elle de soustraire d'abord les hommes du Nouveau Testament à l'appétit de la prospérité terrestre promise dans l'Ancien Testament.

Ce psaume se divise en trois parties.

I) Dans la première partie il est question de la prospérité passée.

II) Dans la deuxième partie, de l'adversité présente: 10 Mais maintenant tu nous as repoussés.

III) Dans la troisième partie, le secours est demandé face à ces adversités: 23 Lève-toi.

I. En parlant de la prospérité passée il fait deux choses:

A) Il énumère d'abord les bienfaits prodigués aux anciens.

B) Puis il montre qu'il a l'espérance de recevoir des biens plus grands: 5 C'est toi qui es mon roi.

A. En énumérant les bienfaits prodigués aux anciens il fait trois choses:

1) Il commence par parler de l'écoute des bienfaits.

2) Puis du temps: l'oeuvre que tu as opérée en leurs jours.

3) Enfin il expose le bienfait lui-même: Ta main.

1. À propos de l'écoute des bienfaits il fait:

a) D'abord connaître la manière d'entendre.

b) Puis qui ils ont entendu.

a. Il commence par mentionner l'invocation du nom divin, lorsqu'il dit: Ô Dieu. Et ainsi ce psaume débute sous la forme d'une prière, qui est une élévation de l'intelligence vers Dieu. Ou bien le psalmiste traite dans ce psaume de choses relatives à la prospérité et à l'adversité. Dans l'adversité l'homme a recours à Dieu, comme à l'égard d'un défenseur: "Lorsque j'étais dans la tribulation, vers le Seigneur j'ai crié et il m'a exaucé." Dans la prospérité il invoque Dieu avec joie: "Comme celui qui est assoiffé s'avance avec joie vers une fontaine."

nous avons entendu. L'écoute est nécessaire pour acquérir la sagesse: "Si tu aimes à écouter, tu seras sage", et elle est aussi nécessaire au sage: "Le sage, en écoutant, sera plus sage." Semblablement elle est nécessaire à tout homme; car personne n'est capable de penser à tout ce qui concerne la sagesse, et c'est pourquoi personne n'est sage sans être enseigné par autrui: car s'il entend de bonnes choses, il est aidé en les recevant; mais s'il entend de mauvaises choses, il est aidé en reconnaissant les choses meilleures.

de nos oreilles. Il entend de ses propres oreilles, celui qui entend avec les oreilles soumises à la raison. C'est pourquoi on dit de quelqu'un qu'il est homme dans la mesure où il a la raison. Quand les oreilles sont soumises à la raison, elles sont humaines; lorsqu'elles ne sont pas soumises à la raison, elles sont animales: "Que celui qui a des oreilles pour entendre, entende", c'est-à-dire considère.

b. nos pères nous ont annoncé. Ici il montre ce qu'il a entendu de ceux qui ont voulu enseigner la vérité, puisque ce sont nos pères: "Interroge tes pères, et ils te le raconteront; tes ancêtres, et ils te le diront." Pareillement, ce qu'il a entendu de ceux qui ont pu enseigner la vérité, puisque ce sont nos anciens: "Dans les anciens est la sagesse."

2. l'oeuvre que tu as opérée en leurs jours et dans les jours anciens. Ici il expose le temps où il a entendu ces choses. Certains bienfaits sont des bienfaits anciens qu'eux-mêmes ont vus; aussi dit-il: et dans les jours anciens.

3. Ta main.

a) Ici il expose le bienfait lui-même.

b) Puis il expose l'ordonnance de ce bienfait.

a. Dans le bienfait, nous considérons l'oeuvre et le fruit de l'oeuvre. L'oeuvre de la puissance divine, c'est qu'elle chassa devant eux des nations, aussi dit-il: Ta main, c'est-à-dire ton pouvoir. Or, par les membres on désigne en Dieu l'action que nous accomplissons par eux-mêmes. Ta main a exterminé des nations, c'est-à-dire a détruit aussi matériellement celles qui habitaient dans la terre promise: "Disperse-les par ta puissance et fais-les déchoir, ô mon protecteur, ô Seigneur."

Le fruit de l'oeuvre, c'est qu'eux-mêmes leur ont succédé: "Il en brisera une multitude innombrable, et il en plantera d'autres à leur place." Voilà pourquoi il dit: Tu [les] as plantés. - "Tu les introduiras et les planteras sur la montagne de ton héritage, dans ta demeure inébranlable que tu as faite, Seigneur; c'est ton sanctuaire, Seigneur, qu'ont affermi tes mains." Ce qui est planté prend racine afin de produire du fruit: "Il a espéré qu'elle produirait des raisins et elle a produit des grappes sauvages."

b. tu as affligé des peuples. Ici il expose le mode et l'ordonnance du bienfait: Car cette terre ne fut pas aussitôt détruite, autrement elle serait devenue inculte et les bêtes sauvages se seraient multipliées; et c'est pourquoi il les détruisit peu à peu. D'où ce qu'il dit: tu as affligé des peuples, et par des guerres, et par des bêtes, et par des frelons: "J'envoyai devant vous des frelons." - "Tu as envoyé, comme avant-coureurs de ton armée, des guêpes, afin qu'elles les exterminassent peu à peu." et tu les as chassés. - "Il chassa de leur face des nations."

Car ce n'est point par leur glaive qu'ils se sont mis en possession d'une terre. Le psalmiste expose ici la cause du bienfait.

- Et il écarte d'abord une cause conjecturée.

- Puis il expose la véritable cause.

- La cause conjecturée pourrait être la force du peuple, parce qu'il les aurait chassés; et c'est pourquoi en écartant cela il dit: ce n'est point par leur glaive, etc. Double est la force de l'homme: l'une repose sur son expérience des armes; et il écarte celle-ci en disant: ce n'est point par leur glaive qu'ils se sont mis en possession d'une terre. Il est écrit au livre de Judith: "Les enfants d'Israël n'ont pas de confiance dans la lance ni dans la flèche." Et ce qui suit dans ce même livre: "Ils ont vaincu mais sans le glaive." L'autre est sa puissance naturelle; et il écarte celle-ci en disant: ce n'est point leur bras qui les a sauvés, c'est-à-dire leur pouvoir: "Un roi ne se sauve point par sa grande puissance, et un géant ne se sauvera point par la grandeur de sa force." - "De peur qu'ils ne disent: "C'est notre main élevée, et non le Seigneur, qui a fait toutes ces choses.""

- Mais la véritable cause est due à Dieu; aussi dit-il: mais ta droite, etc. Et il expose quatre choses: trois relatives à l'exécution de son action, la quatrième concerne son effet. Si un roi veut aider quelqu'un, il fait trois choses à son égard.

Il lui accorde d'abord sa faveur; puis il lui procure son secours pour oeuvrer. Enfin il lui donne conseil en le dirigeant.

Ainsi Dieu fait-il à leur égard. Car il leur fut d'abord favorable, et il leur donna la prospérité; et celle-ci est signifiée dans le mot droite: "Ta [main] droite, Seigneur, s'est signalée dans sa force; ta droite, Seigneur, a frappé l'ennemi." Semblablement il leur accorda son secours; et cela est signifié dans le mot bras: "Il a déployé la force de son bras." Enfin il les dirigea: et la lumière de ton visage, c'est-à-dire émanant directement de ta providence.

La quatrième chose concerne son effet: parce que tu t'es complu en eux, autrement dit: Pourquoi nous a-t-il prodigué ces bienfaits ? Est-ce à cause de nos mérites ? Non. - "Ne dis point en ton coeur, lorsque le Seigneur ton Dieu les aura détruits en ta présence: "C'est à cause de ma justice que le Seigneur m'a introduit dans cette terre pour la posséder, puisque c'est à cause de leurs impiétés que ces nations ont été détruites."" Mais ce fut à cause de la grâce de Dieu: "Parce que tel a été ton bon plaisir."

5 C'est toi qui es mon roi et mon Dieu: c'est toi qui décrètes les saluts de Jacob. 6 Avec toi, nous dissiperons nos ennemis avec la corne, et en ton nom, nous mépriserons ceux qui s'élèvent contre nous.

B. Ici il expose l'espérance qu'il a d'obtenir un bienfait plus grand, laquelle naît de l'espérance de Dieu lui-même. Et c'est pourquoi il fait trois choses.

1) Il fait d'abord connaître la cause de l'espérance.

2) Puis il expose la confiance: 6 Avec toi, nous dissiperons nos ennemis.

3) Enfin l'action de grâce: 9 C'est en Dieu que nous serons loués tout le jour.

1. En faisant connaître la cause de l'espérance il fait trois choses.

a) Il expose d'abord l'immutabilité de Dieu.

b) Puis son gouvernement.

c) Enfin l'expérience du secours divin.

a. Il montre l'immutabilité de Dieu, car Dieu fit cette oeuvre pour nos pères, et il la renouvela à plusieurs reprises parce que sa puissance ne s'est pas amoindrie; et c'est pourquoi il peut également accomplir des oeuvres plus grandes, aussi dit-il: C'est toi qui es mon roi et mon Dieu, toi qui n'es pas amoindri.

b. Semblablement, comme en ce temps-là, l'attention de l'homme se porte aussi vers toi, aussi dit-il: mon roi, toi qui me défends et me gouvernes, et mon Dieu, toi qui prends soin de moi: "Écoute, Israël: le Seigneur notre Dieu est l'unique Seigneur." Donc j'ai confiance en Dieu comme eux aussi ont eu confiance.

c. Pareillement, l'expérience du secours divin, car toi seul es celui qui sauve, aussi dit-il: qui décrètes les saluts de Jacob. Et il dit cela, parce qu'autrefois il sauvait par des intermédiaires, mais à présent il sauve lui-même: "Voici, c'est notre Dieu, celui-ci; nous l'avons attendu et il nous sauvera."

2. Avec toi, nous dissiperons nos ennemis avec la corne. Ici il expose la confiance qu'il a en Dieu.

a) Et il fait d'abord connaître ce qu'il espère.

b) Puis il montre ce qu'il attribue à Dieu.

c) Enfin il expose la cause de son espérance.

a. Il espère un secours face à ses ennemis, et il en a deux pour s'opposer à ces derniers; le premier est de vaincre l'ennemi; et à ce propos il dit: Avec toi, c'est-à-dire par ta puissance, non par la nôtre, nous dissiperons avec la corne, c'est-à-dire nos ennemis, soit dans le présent, soit dans le futur. Et il dit: avec la corne, en usant d'une comparaison, parce que la force combative du boeuf est dans sa corne. Et il dit: nous dissiperons, parce que sur l'aire les pailles sont séparées du blé, comme au jugement dernier les méchants seront emportés, et les bons resteront. L'autre secours est qu'il ne soit pas vaincu par l'ennemi; et en parlant de cela il dit: en ton nom, nous mépriserons ceux qui s'élèvent contre nous, c'est-à-dire nous mépriserons par ta puissance tous nos ennemis dans le futur, ou dans le présent, parce qu'ils n'ont pu nous nuire en aucune manière.

7 Car ce n'est pas en mon arc que j'espérerai, et mon glaive ne me sauvera pas. 8 Car tu nous as sauvés de ceux qui nous affligeaient, et tu as confondu ceux qui nous haïssaient.

b. Au verset précédent le psalmiste a exposé son espérance du rejet des ennemis; mais ici il montre la raison des paroles qu'il a dites: Avec toi, nous dissiperons nos ennemis. Et c'est pourquoi il montre qu'il n'espère pas en lui-même: Car ce n'est pas en mon arc que j'espérerai. Car il est écrit au livre des Rois: "L'arc des forts a été vaincu, et les faibles ont été ceints de force." De même il n'espère pas non plus dans le glaive, aussi dit-il: et mon glaive ne me sauvera pas. Et dans un autre psaume: "Que leur glaive soit brisé." Car on combat avec ces deux armes: avec l'arc pour ceux qui sont éloignés; d'où par l'arc est signifiée l'astuce avec laquelle l'homme se fait sa propre providence pour l'avenir, autrement dit, je n'espère pas dans ma providence. Avec le glaive on combat ceux qui sont proches: et dans le glaive est signifié le pouvoir, autrement dit, je n'espère pas en mon pouvoir, mais en toi.

c. D'où tiens-tu cette espérance ? De Dieu. Et il le montre par l'expérience: Car tu nous as sauvés de ceux qui nous affligeaient, ou bien dans le présent: car bien qu'ils nous nuisent corporellement, cependant ils ne peuvent pas nous nuire spirituellement; ou bien dans l'avenir. Les saints sont affligés de deux manières: parfois dans les choses corporelles, en paroles ou en actions: "Sa rivale l'affligeait aussi et la tourmentait violemment, au point de lui reprocher que le Seigneur l'avait frappée de stérilité." Parfois ils sont affligés spirituellement, lorsque pèchent ceux qui habitent auprès d'eux. Et ils sont libérés de ces afflictions par Dieu: et tu as confondu ceux qui nous haïssaient, puisqu'ils ne peuvent poursuivre contré nous leur intention: et ils sont confondus ici-bas, et ils seront confondus au jugement dernier: "Voici qu'ils seront confondus et qu'ils rougiront, tous ceux qui combattent contre toi; ils seront comme s'ils n'étaient pas; et ils périront, les hommes qui te contredisent."

9 C'est en Dieu que nous serons loués tout le jour; et c'est ton nom que nous confesserons a jamais.

3. Ici il expose l'action de grâce. Et d'abord la louange dont eux-mêmes seront loués. Puis la louange avec laquelle eux-mêmes loueront: car dans la Patrie ils loueront et seront loués; c'est pourquoi il dit: tout le jour, c'est-à-dire pour l'éternité: et cette louange est sainte, parce qu'elle n'est pas en eux-mêmes mais en Dieu: "Parce que ma louange, c'est toi" - "Louez le Seigneur dans ses saints." De même, elle sera continuelle, car elle durera tout le jour de l'éternité: "Mieux vaut un jour [passé] dans tes parvis, que des milliers [dans d'autres]." Ils seront loués, dis-je, par le Christ: "Quiconque m'aura confessé devant les hommes, moi aussi je le confesserai", c'est-à-dire je le louerai, "devant mon Père qui est dans les cieux". Une version de Jérôme lit: "In Deo laudabunt (C'est en Dieu qu'ils loueront)", car les saints loueront Dieu dans la Patrie en considérant sa bonté, et ils le confesseront en rendant grâce pour ses bienfaits.

10 Mais maintenant tu nous as repoussés et confondus, et tu ne sortiras pas, ô Dieu, avec nos armées.

II. Ici le psalmiste expose l'adversité qu'ont subie les saints du Nouveau Testament.

A) Et il expose d'abord l'adversité qu'ils subissent.

B) Puis il expose leur patience et leur fermeté: Tous ces [maux] sont venus sur nous.

A. Et à propos de l'adversité subie par les saints:

1) il traite d'abord de la cause de l'adversité, à savoir la suppression du secours divin;

2) puis il traite de son enchaînement: 11 Tu nous as fait tourner le dos.

1. L'homme saint a trois choses en Dieu. Son refuge: "Seigneur, tu es devenu un refuge pour nous, de génération en génération." - "C'est une tour très forte que le nom du Seigneur"; le juste court vers Lui et il sera exalté. Ensuite, il a sa gloire en Dieu: "Mais toi, Seigneur, tu es mon soutien, ma gloire, et tu élèves ma tête." Enfin le secours lui-même: "Mon secours vient du Seigneur, qui a fait le ciel et la terre." Mais parfois, dans les choses extérieures, il semble que l'homme n'ait pas un refuge en Dieu; et c'est pourquoi il dit: Mais maintenant tu nous as repoussés, parce qu'autrefois tu étais un refuge, et cela en tant que tu nous as défendus contre celui qui nous fait violence: "Le Seigneur a rejeté son autel, il a maudit sa sanctification; il a livré à la main de l'ennemi les murs de ses tours; ils ont élevé la voix dans la maison du Seigneur"; mais son rejet ne porte pas sur les choses intérieures, "parce que le Seigneur ne rejettera pas son peupeé; et son héritage, il ne l'abandonnera pas". Semblablement, tu n'es pas ma gloire, puisque tu nous as confondus, puisque tu sembles nous confondre dans les choses extérieures, lorsque tu soutiens notre confusion. De même, tu avais coutume de nous conseiller et de nous aider; mais à présent tu ne le fais pas, puisque tu ne sortiras pas, ô Dieu, avec nos armées. Et il s'exprime à la manière d'un chef. Il était habituel dans l'Ancien Testament que, lorsque Dieu secourait son peuple au combat, il sorte au-devant de lui: "Tu es sorti pour le salut de ton peuple, pour le salut avec ton Christ." Mais cela ne signifie pas en Dieu un mouvement local, mais l'action de sa providence à l'égard des choses extérieures. Or maintenant Dieu ne sort pas, tandis qu'il permet que nous tombions sous nos ennemis. Il fait cela afin de nous détourner des biens terrestres, car s'il jouissait toujours de la prospérité dans les choses temporelles, l'homme servirait Dieu en vue de ceux-ci. Et si telle était notre intention, il nous frustrerait de ces biens. Donc, afin que notre amour ne soit pas mercenaire, et que notre intention ne s'applique pas aux choses matérielles, il soustrait cela à ses amis.

11 Tu nous as fait tourner le dos à nos ennemis, et ceux qui nous haïssent pillaient pour eux. 12 Tu nous as livrés comme des brebis que l'on mange, et tu nous as dispersés parmi les nations. 13 Tu as vendu ton peuple sans en recevoir le prix; et il n'y a pas eu une multitude [d'acheteurs] dans leurs échanges.

2. Ici il expose l'enchaînement de l'adversité subie par les hommes saints quant à deux choses: Quant à la consolation qu'ils n'ont pas, et quant à l'affliction qu'ils subissent.

a. Les hommes qui vont à la guerre fuient, prennent, tuent, dispersent, et vendent.

En parlant de la fuite il dit: Tu nous as fait tourner le dos à nos ennemis, c'est-à-dire tu nous as fait fuir: "Que tu sortes par une seule voie contre eux", c'est-à-dire contre les ennemis, "et que ce soit par sept que tu fuies". Cela se rapporte surtout aux saints martyrs, parce que dans la persécution, certains, ne pouvant pas la supporter, se sont détournés de la foi: "Il eût mieux valu pour eux de ne pas connaître la voie de la justice, que de l'avoir connue et de revenir ensuite en arriéré, s'éloignant du saint commandement qui leur avait été donné." D'autres fuyaient: "Lors donc qu'on vous persécutera dans une ville, fuyez dans une autre."

En parlant du pillage il dit: et ceux qui nous haïssent pillaient pour eux. - "C'est pour cela que nous avons été livrés au pillage, et à la captivité, et à la mort, et à la risée et à l'insulte chez toutes les nations parmi lesquelles vous avez été dispersés." - "Mais le peuple lui-même a été pillé et ravagé." Cela arrive même aux saints: car certains ont été dépouillés par le diable, c'est-à-dire ceux qui ont nié la foi; pareillement certains ont été faits prisonniers par des ennemis qui fuyaient.

En parlant de la tuerie il dit: Tu nous as livrés comme des brebis que l'on mange, et cela parce qu'ils nous tuèrent corporellement.

En parlant de la dispersion il dit: et tu nous as dispersés parmi les nations, car c'est ce qui arriva littéralement aux Juifs. Il est écrit: "Tu seras dispersé dans tous les royaumes de la terre." Et encore: "Je les disperserai à tous les vents ces hommes aux tempes rasées, et de tous côtés je ferai venir leur ruine"; et semblablement les saints martyrs ont été dispersés.

En parlant de la vente il dit: Tu as vendu ton peuple sans en recevoir le prix; car les martyrs ont ainsi été tués sans prix, c'est-à-dire sans grand prix. On montre par là qu'ils étaient tenus pour vils: "Pour rien vous avez été vendus, et sans argent vous serez rachetés." Et il n'y a pas eu une multitude d'acheteurs dans leurs échanges. Une version de Jérôme lit: "Non foenerasti (Tu n'as pas prêté à usure)." L'usurier donne peu et reçoit beaucoup, autrement dit: Ils ne sont pas nombreux ceux qui sont gagnés ici, car ils furent plus nombreux à mourir qu'à se convertir. Ou bien: il n'y a pas eu une multitude, [ils ne furent pas nombreux ceux] qui à l'occasion de la mort de ceux-là chantèrent en l'honneur de Dieu: "Les voies de Sion sont en deuil, de ce qu'il n'y a [personne] qui vienne pour une solennité."

14 Tu nous as rendus un sujet d'opprobre à nos voisins, un objet de grimace et de dérision pour ceux qui sont autour de nous. 15 Tu nous as faits la fable des nations et le hochement de tête des peuples.

b. Plus haut le psalmiste a exposé l'oppression des saints; mais ici il exposé leur avilissement.

- Et il expose d'abord l'avilissement qu'ils ont subi extérieurement.

- Puis il montre ce qui en résulte dans leur coeur: 16 Tout le jour ma honte.

- En parlant de l'avilissement subi extérieurement, il expose l'action de cet avilissement du côté du mépris des hommes et du côté de l'objet du mépris.

Du côté du mépris des hommes, il y a d'abord le fait qu'on inflige un opprobre à quelqu'un, en disant par exemple qu'il est un bandit ou un adultère. Puis cet opprobre est subi comme sujet de dérision. Enfin il devient une fable, c'est-à-dire un objet d'infamie.

Du côté des personnes, parce que l'opprobre est dû d'abord à un compagnon; puis il gagne d'autres personnes; et pour finir il est divulgué.

Et le psalmiste dit cela en parlant d'abord de l'opprobre: Tu nous as rendus un sujet d'opprobre à nos voisins, c'est-à-dire à nos frères et à nos parents; car les saints étaient qualifiés de sacrilèges, d'homicides, ou d'autres choses du même genre. Et cette action de se jouer (illusio) se fait par un signe, aussi dit-il: un objet de grimace. Et par la parole, aussi dit-il: et de dérision. Il y a grimace, lorsque quelqu'un tourne son prochain en dérision par un plissement du nez. Il y a dérision lorsqu'on dit avec amusement ou allégresse des choses qui se rapportent à la vitupération: "Je suis devenu un objet de dérision tout le jour, [et] tous me raillent en grimaçant."

À ceux qui sont autour de nous, autrement dit: non seulement nous avons été livrés à nos voisins pour notre vitupération et notre opprobre, mais même aux autres. Ainsi les saints martyrs furent également raillés par tous: "Nous sommes devenus les ordures du monde, et les balayures rejetées de tous."

Enfin les saints sont raillés par la divulgation: car les hommes parlent d'eux afin de le publier, aussi dit-il: Tu nous as faits la fable des nations. Lorsqu'on inflige du mal à quelqu'un, ce mal devient un sujet de fable, et l'on dit: ainsi il t'advient comme à un tel. Et de cette façon celui qui est maltraité est exposé à l'opprobre. Peut-être certains disaient-ils: cela t'arrive de la même manière qu'à Laurent ou à d'autres; et c'est pourquoi il dit: Tu nous as faits la fable des nations, tu nous as donnés en exemple de mal et d'opprobre: "Il m'a rendu comme le brocard du peuple, et je suis un exemple devant eux."

- "Et cette maison sera en exemple; et quiconque passera auprès d'elle sera étonné, sifflera, et dira: "Pourquoi le Seigneur a-t-il fait ainsi à cette terre et à cette maison ?"" Cette moquerie se manifeste également par un acte et par un signe, aussi dit-il: le hochement de tête des peuples.

- "Les passants le blasphémaient, hochant la tête." - "Ils ont parlé des lèvres, et ils ont hoché la tête." Ou bien Tu nous as faits, c'est-à-dire à la ressemblance du Christ, en ce sens que tu nous as fait souffrir cela parce que le Christ a souffert, autrement dit: de même que les nations ont hoché la tête devant le Christ en le blasphémant, ainsi firent-ils à notre égard.

16 Tout le jour ma honte est devant moi, et la confusion de ma face m'a couvert, 17 à la voix de celui qui m'adresse des reproches et qui m'invective, à la face de mon ennemi et de celui qui me persécute.

- Le psalmiste traite ici de ce qui naît dans le coeur de l'opprobre extérieur.

· Et il expose d'abord la honte.

· Puis il y ajoute la cause: à la voix.

· Il commence par exposer la honte, et il dit: Tout le jour ma honte est devant moi, c'est-à-dire en ma présence. Ou bien: contre moi (contra me), c'est-à-dire continuellement contre ce qui m'est dû, à savoir l'honneur qui est dû aux hommes vertueux. La honte, selon le Philosophe, est la crainte de ce qui est honteux. Et il y a deux sortes de sentiments de honte. Le premier est en fonction de la vérité: et c'est le sentiment de honte dû au péché; et cette honte n'arrive pas aux vertueux, parce qu'ils n'ont pas en eux la conscience du péché qui peut leur donner de la honte, mais elle échoit aux mauvais: "Quel fruit avez-vous donc tiré alors des choses dont vous rougissez maintenant ?" L'autre sentiment de honte est relatif à la réputation, à savoir les abjections et les opprobres que l'on subit extérieurement: ce sentiment de honte se trouve aussi chez les hommes parfaits; et c'est à ce propos qu'il dit ici: Tout le jour ma honte est devant moi, etc. Le signe de la honte est la rougeur sur la face. La honte est la crainte de la confusion; et cette passion excite le souffle vital, et c'est pourquoi le sang en est altéré. Si bien que les impudents pâlissent, tandis que les pudiques rougissent. Cependant les timides qui craignent la mort deviennent pâles, mais non point ceux qui craignent l'opprobre. Et la raison est due au fait que la nature se retranche dans un endroit où il y a de la défaillance; aussi lorsque quelqu'un craint pour sa vie, le sang et le souffle se retirent vers le principe de la vie, c'est-à-dire vers le coeur. Mais lorsqu'il craint quelque chose extérieurement, le souffle et le sang se retranchent vers les choses extérieures. Ainsi dit-il: et la confusion de ma face m'a couvert, c'est-à-dire a recouvert mon visage de rougeur. Et il dit: la confusion de ma face, parce qu'elle naît sur la face; mais lorsqu'elle est grande au point qu'elle couvre tout le coeur, elle est causée par le mauvais traitement et l'avilissement.

· En parlant de la cause de la honte il dit: à la voix de celui qui m'adresse des reproches. On parle de reproche lorsqu'on lance un outrage à la face de quelqu'un: "Durant tout le jour mes ennemis me faisaient des reproches." La contradiction est une détraction cachée: "Si un serpent mord dans le silence, celui qui médit en cachette n'a rien de moins que ce serpent." Ainsi arriva-t-il aux saints au temps de la persécution. Par exemple Maximin décréta que l'on arrête des femmes de mauvaise vie, et qu'elles déclarent que les chrétiens commettaient dès abominations avec elles; aussi dit-il: à la voix de celui qui m'adresse des reproches. Ils adressèrent aussi des reproches au Christ, et vis-à-vis de lui-même et vis-à-vis de ses membres. Et c'est pourquoi il dit: à la face de mon ennemi et de celui qui me persécute. de mon ennemi, parce que la haine est la cause de la persécution: "Nous souffrons la persécution", à cause de la justice, "et nous le supportons".

18 Tous ces [maux] sont venus et nous ne t'avons pas oublié, et nous n'avons pas iniquement agi contre ton alliance. 19 Et notre coeur ne s'est pas retiré en arrière; et tu as détourné nos sentiers de ta voie.

B. Ici il montre leur persévérance dans le bien. Et il fait connaître leur stabilité dans deux domaines. L'homme doit persister dans ce qui regarde la foi, et dans la droite opération. Et il dit que malgré tous ces [maux] qui sont venus sur nous, c'est-à-dire malgré toutes les adversités précitées, ils n'ont ni abandonné la loi dans leur coeur (aussi dit-il: nous ne t'avons pas oublié - "Tu as fait passer tous tes flots sur moi" -) ni abandonné le culte divin, d'où ce qui suit: et nous n'avons pas iniquement agi contré ton alliance, c'est-à-dire nous n'avons pas abandonné la connaissance que nous avons de toi par la foi, ni ton alliance. L'alliance de Dieu est le pacte conclu avec lui dans la loi et au baptême; c'est pourquoi celui qui agit contre l'observance du culte divin commet alors l'iniquité contre l'alliance de Dieu. Et cela les martyrs ne le commirent pas. La iuxta Hebraeos de Jérôme lit: "Et non sunt mentiti in te (Et ils ne t'ont pas menti)", c'est-à-dire qu'ils ne l'ont point offensé en parole: "Tiens-toi ferme dans ton alliance [avec Dieu]." Semblablement ils sont stables dans les oeuvres de la justice, qui procèdent d'un coeur droit; et c'est pourquoi il dit: notre coeur ne s'est pas retiré en arrière, par l'abandon de la charité: "Quiconque, ayant mis la main à la charrue, regarde en arrière est impropre au royaume de Dieu." - "Ils ont abandonné le Seigneur, ils ont blasphémé le Saint d'Israël, ils sont retournés en arrière", c'est-à-dire les pécheurs. Mais la charité des martyrs ne s'est aucunement amoindrie quant à leurs propres oeuvres. Et il dit: "Tu n'as pas détourné nos sentiers de ta voie", autrement dit tu n'as pas permis que nos actions se détournent de la voie de ta justice: "Voici la voie, marchez-y; et ne vous détournez ni à droite ni à gauche." Ou bien: tu as détourné, selon une autre version, nos sentiers, c'est-à-dire ceux vers lesquels notre nature propre nous conduit, à savoir notre concupiscence. Et ainsi puisqu'elle conduit vers les voies de notre coeur, voies sur lesquelles il ne faut pas marcher, tu as écarté ces voies de ta propre voie.

20 Parce que tu nous as humiliés dans un lieu d'affliction, et l'ombre de la mort nous a enveloppés. 21 Si nous avons oublié le nom de notre Dieu, et si nous avons étendu nos mains vers un dieu étranger; 22 est-ce que Dieu ne s'en enquerra pas ? car il connaît, lui, les choses cachées du coeur. Puisque, à cause de toi, nous sommes mis à mort tout le jour; nous sommes regardés comme des brebis de tuerie.

Plus haut le psalmiste a exposé les maux que les saints ont subis, ainsi que leur constance; mais ici il donne la raison des choses précitées. Et l'on peut relier ce verset à ce qui précède de deux manières, selon les deux sens susmentionnés. tu as détourné nos sentiers, c'est-à-dire les voies par lesquelles nous cherchons ce qui concerne la chair: et selon ce sens ce verset se relie à ce qui suit de la manière suivante; autrement dit: tu n'as pas permis que nous nous détournions des choses qui concernent la chair, parce que tu nous as humiliés dans un lieu d'affliction. Ou bien: nous ne t'avons pas oublié, parce que tu nous as affligés et humiliés. Et ce sens est meilleur. Il expose deux maux, c'est-à-dire celui de la douleur et de la crainte. En parlant du premier mal il dit: dans un lieu d'affliction, c'est-à-dire en ce monde: "J'ai vu toutes les choses qui se font sous le soleil, et voilà qu'elles sont toutes vanité et affliction de l'esprit." Et en cela Dieu humili les saints de deux manières: par une humiliation mettant à l'épreuve leur vertu: "J'humiliais mon âme par le jeûne, et ma prière revenait dans mon sein"; et par une humiliation de contrainte: "On humilia ses pieds dans des entraves; un fer transperça son âme, jusqu'à ce que s'accomplît sa parole."

En parlant de l'humiliation de contrainte il dit: et l'ombre de la mort nous a enveloppés, c'est-à-dire le signe de la mort future: car l'ombre s'avance; ensuite nous recevons la prédiction de la mort. Ou bien: l'ombre de la mort, c'est-à-dire les pécheurs qui sont dans les ténèbres, et [qui] nous ont soumis à eux et à leur servitude: "Il considère lui-même la fin de toutes choses, et aussi la pierre [cachée] dans l'obscurité et l'ombre de la mort. Un torrent sépare d'un peuple étranger ceux que le pied de l'homme indigent a oubliés, et qui sont hors de la voie."

Si nous avons oublié le nom de notre Dieu, etc. Ici il prouve ce qu'il a dit.

1) Et il commence par faire connaître ces choses.

2) Puis il expose le jugement divin.

3) Enfin il en donne un signe visible.

1. Ainsi dit-il: "J'ai dit: nous ne t'avons pas oublié, etc." Et c'est pourquoi il le fait connaître: Si nous avons oublié le nom de notre Dieu, si, c'est-à-dire non. De même: si nous avons étendu nos mains vers un dieu étranger, c'est-à-dire étranger à la nature de la divinité et au culte des Juifs, autrement dit si nous les prions comme des dieux, ce qui est agir iniquement contre l'alliance de Dieu.

2. Et si nous commettons ces choses, cela exigé le jugement de Dieu. Et le jugement de Dieu est suffisant pour s'enquérir de cela; aussi dit-il: est-ce que Dieu ne s'en enquerra pas ?, autrement dit au contraire, puisqu'il sait toutes choses; d'où ce qui suit: car il connaît, lui, les choses cachées du coeur. - "Le coeur de l'homme est dépravé et inscrutable; qui le connaîtra ?", autrement dit Dieu seul.

3. De même il prouve cela par un signe visible: car s'ils avaient voulu s'écarter de Dieu, les saints n'auraient aucunement souffert en ce monde de maux tels qu'ils les endurent à présent.

a. Et il expose d'abord la cause pour laquelle ils souffrent, car c'est la cause qui fait le martyre; c'est pourquoi il dit: à cause de toi, nous sommes mis à mort tout le jour. - "Mais qu'aucun de vous ne souffre comme homicide, ou voleur, ou médisant, ou avide du bien d'autrui. Et si c'est comme chrétien, qu'il ne rougisse point, mais qu'il glorifie Dieu en ce monde."

b. Puis il expose les maux qu'ils subissent: et il commence par montrer que ces maux sont dus à la gravité de leur châtiment, à sa persistance, et à l'opinion.

- La gravité de leur châtiment: Puisque [...] nous sommes mis à mort.

- La persistance, car c'est tout le jour.

- "Chaque jour, je meurs, par la gloire que je reçois de vous en Jésus-Christ notre Seigneur."

- L'opinion, c'est qu'ils croyaient les tuer non en tant que bienheureux, mais comme mauvais et dignes de mort; et c'est pourquoi il dit: nous sommes regardés comme des brebis de tuerie, pour le bien des hommes, ou pour la patience des martyrs, autrement dit: pourquoi sommes-nous mis à mort tout le jour, et pourquoi sans protestation supportons-nous cela comme des brebis conduites à la tuerie ? Parce qu'il en fut ainsi pareillement pour le Christ.

23 Lève-toi, pourquoi dors-tu Seigneur ? Lève-toi, et ne nous rejette pas jusqu'à la fin. 24 Pourquoi détournes-tu ta face, oublies-tu notre misère et notre tribulation ? 25 Car notre âme est humiliée dans la poussière, et notre ventre est collé à la terre. 26 Lève-toi, Seigneur, aide-nous, et rachète-nous à cause de ton nom.

III. Dans cette troisième partie du psaume, le psalmiste invoque le secours de Dieu.

A) Et il expose d'abord la question de celui qui s'étonne.

B) Puis il formule sa demande du secours divin.

A. Nous nous étonnons donc de ce que Dieu permette à ses saints d'être ainsi affligés. Et cet étonnement peut être dû à un manque de volonté, ou de connaissance de sa part.

Le fait qu'il ne veuille pas est dû à deux choses: ou bien à cause de sa paresse, ou bien à cause de son mépris.

En parlant de la paresse il dit: pourquoi dors-tu Seigneur ? autrement dit: est-ce à cause de la paresse que tu permets que nous soyons affligés ? Et il est dit s'endormir (obdormire) à cause de l'effet: "Vois, il ne s'endormira pas, ni ne dormira, celui qui gardé Israël."

En parlant du mépris il dit: et ne nous rejette pas jusqu'à la fin, c'est-à-dire finalement, bien que tu paraisses nous avoir rejetés pour un temps. Et on dit cela du Christ, afin qu'il soit notre parole, autrement dit: tu t'es caché, et tu n'es pas encore ressuscité dans la foi dès nations. Lève-toi sur eux, et que nous ne soyons pas rejetés loin de celles-ci.

Pourquoi détournes-tu ta face ? Son manque de connaissance est dû à deux choses:

Ou bien parce qu'il ne voit pas, et c'est pourquoi il dit: détournes-tu ? Lorsque Dieu vient en aide, il semble regarder; quand il ne vient pas en aide, il semble se détourner: en regardant, "j'ai vu l'affliction de mon peuple en Égypte, et j'ai entendu sa clameur à cause de la dureté de ceux qui président aux travaux". - "Ne détourne pas ta face de moi; ne te retiré point, dans ta colère, de ton serviteur." Ou bien: Pourquoi détournes-tu ta face ?, de sorte que nous ne te voyons pas: car dans la mesure où nous te verrions, nous ne souffririons d'aucun mal.

Ou bien parce qu'il a oublié; et c'est pourquoi il dit: Pourquoi oublies-tu notre misère et notre tribulation ? Ici il énumère les maux que nous endurons. Et il y a un triple mal: Dans les choses extérieures, dans le corps, et dans l'âme.

En parlant des choses extérieures il dit: oublies-tu notre misère ? car au sens littéral ils étaient pauvres à cause des biens qui leur avaient été enlevés: "Vous avez supporté avec joie l'enlèvement de vos biens, sachant que vous avez une meilleure et durable richesse."

En parlant du corps il dit: notre tribulation, car "nombreuses sont les tribulations des justes".

En parlant de l'âme il dit: Car notre âme est humiliée dans la poussière. Certains sont humiliés dans leur âme, d'autres dans leur corps, d'autres encore dans le tréfonds de leur esprit; et c'est pourquoi il dit: notre ventre est collé à la terre. Et il emploie le mot ventre pour désigner le corps. Ou bien notre âme est humiliée dans la poussière se réfère à l'effet dans les réalités spirituelles: car l'âme, c'est-à-dire la pensée de l'âme, pense à des choses terrestres: "C'est [du sein] de la terre que tu parleras, et de la poussière que sera entendue ta parole." Et le ventre, c'est-à-dire la sensualité, adhère totalement à la terre. Ou bien autrement: Car notre âme est humiliée dans la poussière, etc., c'est-à-dire les plus parfaits d'entre nous sont humiliés par la poussière, c'est-à-dire par le pécheur: "Ils sont comme la poussière qu'emporte le vent de la face de la terre." Semblablement, notre ventre, c'est-à-dire ceux qui parmi nous sont faibles, ont adhéré aux hommes terrestres, car ils se sont écartés de la foi.

B. Face à l'oubli il dit: aide-nous. Face à l'endormissement il dit: Lève-toi. Et face aux maux il dit: et rachète-nous à cause de ton nom.

 

 

COMMENTAIRE DU PSAUME 44

1 Pour la fin, pour ceux qui seront changés, des fils de Coré, pour l'intelligence, cantique pour le bien-aimé.

2 Mon coeur a émis une bonne parole; moi je dis mes oeuvres au roi. Ma langue est une plume de scribe écrivant rapidement.

3 Admirable en beauté par-dessus les enfants des hommes, la grâce est répandue sur tes lèvres; c'est pourquoi Dieu t'a béni pour l'éternité.

4 Ceins ton glaive sur ta cuisse, ô très puissant, dans ton aspect et ta beauté.

5 Sois attentif, avance avec prospérité et règne. Pour la vérité et la mansuétude; et ta droite te conduira admirablement. 6 Tes flèches sont acérées, des peuples tomberont à tes pieds, [elles pénétreront] aux coeurs des ennemis du roi.

7 Ton trône, ô Dieu, [est établi] dans les siècles des siècles; [c'est un] sceptre de droiture [que] le sceptre de ton règne. 8 Tu as aimé la justice et haï l'iniquité; c'est pour cela que Dieu, ton Dieu, t'a oint d'une huile d'allégresse de préférence à tes compagnons.

9 La myrrhe, la goutte et la casse [s'exhalent de] tes vêtements, [et] de tes palais d'ivoire, dont t'ont délecté 10a des filles de roi en ton honneur.

10b La reine s'est tenue debout à ta droite, dans un vêtement orné d'or, environnée d'ornements divers.

11 Écoute ma fille, et vois, et incline ton oreille; et oublie ton peuple, et la maison de ton père. 12 Et le roi désirera ta beauté; parce que lui-même est le Seigneur ton Dieu et ils l'adoreront. 13 Et les filles de Tyr [viendront] avec des présents; tous les riches du peuple imploreront ton visage.

14 Toute la gloire de la fille du roi est à l'intérieur, avec des franges d'or, 15a elle est enveloppée d'ornements variés.

15b Des vierges seront amenées au roi après elle; ses proches te seront présentées. 16 Elles te seront présentées dans l'allégresse et l'exultation, elles seront conduites dans le temple du roi.

17 À la place de tes pères des fils te sont nés; tu les établiras princes sur toute la terre. 18 Ils se souviendront de ton nom, Seigneur, dans toute la suite des générations. C'est pour cela que les peuples te confesseront éternellement, et dans les siècles des siècles.

 

Plus haut le psalmiste a exposé sa prière à cause de l'opposition au royaume et au roi; ici il semble exposer la gloire du royaume et du roi en mentionnant le bienfait divin.

Il commence par exposer ce bienfait divin; ensuite il invite par cet exemple les autres nations à servir Dieu: "Toutes les nations, battez des mains."

À propos du bienfait divin il fait deux choses. Il expose en premier lieu la gloire du roi et la magnificence du royaume; ensuite il expose la paix du royaume: "Dieu est notre refuge et notre force."

Ce psaume est appelé épithalame. En effet, il était habituel de chanter au cours des noces quelques chants à la louange de l'époux et de l'épouse, et ces chants sont appelés épithalamiques. La matière de ce psaume traite donc des épousailles du Christ et de l'Église, qui furent entamées tout d'abord lorsque le Fils de Dieu s'unit à la nature humaine dans le sein virginal: "En lui comme un époux qui sort de la chambre nuptiale." C'est pourquoi la matière de ce psaume et celle du livre appelé le Cantique des Cantiques est la même.

1 Pour la fin, pour ceux qui seront changés, des fils de Coré, pour l'intelligence, cantique pour le bien-aimé.

2 Mon coeur a émis une bonne parole; moi je dis mes oeuvres au roi. Ma langue est une plume de scribe écrivant rapidement.

Ce psaume est intitulé: Pour la fin, pour ceux qui seront changés, des fils de Coré, pour l'intelligence, cantique pour le bien-aimé. Cela peut s'entendre de deux manières. Selon une manière, comme complément au psaume, afin d'expliquer son sens. Ce psaume, en nous conduisant au Christ comme fin, s'adresse à ceux qui seront changés, c'est-à-dire à ceux qui passeront de l'état d'infidélité au Christ. Aussi dit-il: À la place de tes pères des fils te sont nés. De même, ce psaume convient à la Passion du Christ, c'est-à-dire à ceux qui croient dans le Christ qui a souffert; et cela afin de comprendre le mystère du Christ et de l'Église. Et il ne s'agit pas seulement d'un psaume, mais aussi d'un cantique pour le bien-aimé, c'est-à-dire pour le Christ: "Celui-ci est mon fils bien-aimé en qui j'ai mis mes complaisances." Une version de Jérôme lit ainsi: "Victoria pro liliis filiorum Core, canticum pro dilectissimo (Victoire pour les lis des fils de Coré, cantique pour le très bien-aimé." En disant: "pour les lis", il montre que ce psaume traite des délices de l'époux et de l'épouse. Et cela est signifié par les fleurs, les roses et les lis: "Soutenez-moi avec des fleurs, fortifiez-moi avec des pommes, parce que je languis d'amour" Ceci s'applique aux vierges qui sont comme des lis.

Ce psaume se divise en trois parties.

I) Le psalmiste commence par exposer le préambule à ce cantique.

II) Puis il fait l'éloge de l'époux: 3 Admirable en beauté.

III) Enfin il fait l'éloge de l'épouse: 11 Écoute ma fille.

I. En exposant le préambule à ce cantique il fait trois choses.

A) Il expose d'abord la publication du psaume.

B) Ensuite il fait connaître son destinataire: moi je dis mes oeuvres au roi.

C) Enfin il désigne son auteur: Ma langue est une plume.

A. La publication de ce psaume est désignée par ces mots: Mon coeur a émis (eructavit) une bonne parole. L'éructation est due à une trop grande abondance, ou rassasiement: ce qui signifie qu'il parle ici avec une dévotion et une sagesse abondantes: "C'est de l'abondance du coeur que la bouche parle." Il faut noter que la publication de ce psaume est attribuée au coeur qui l'a composé avec une grande dévotion; car David n'est pas de ceux dont il est dit: "Ce peuple m'honore des lèvres, mais son coeur est loin de moi"; mais il proclame avec le coeur les louanges du Christ: "Je chanterai d'esprit des cantiques, mais je les chanterai aussi avec l'intelligence." ce coeur a émis une parole, c'est-à-dire de ce psaume: parole qui est bonne, parce qu'elle apporte la consolation; en effet elle exprime les mystères du Christ et de l'Église: "Elle est sûre cette parole", et aucune parole n'est meilleure que celle-là. - "Le Seigneur répondit à l'ange qui parlait en moi de bonnes paroles, des paroles de consolation."

B. moi je dis, c'est-à-dire j'annonce, mes oeuvres au roi, c'est-à-dire en l'honneur du Christ roi: "Voici que dans la justice régnera un roi", autrement dit: je chante ce psaume pour honorer le Christ auquel nous devons dédier toutes nos oeuvres: "Quoi que vous fassiez en parole ou en oeuvre, faites tout au nom du Seigneur Jésus-Christ, en rendant grâces par lui à Dieu et Père."

C. Ma langue est une plume de scribe. Ici il expose l'auteur du psaume, qui est une langue, autrement dit: il ne faut pas comprendre que j'ai écrit ce psaume de moi-même, mais avec le secours de l'Esprit-Saint, qui se sert de ma langue comme le scribe se sert de sa plume. Et c'est pourquoi l'auteur principal de ce psaume est l'Esprit-Saint: "L'Esprit du Seigneur a parlé par moi", comme par un instrument: "Ce n'est pas par la volonté des hommes que la sagesse a jamais été apportée; mais c'est inspirés par l'Esprit-Saint qu'ont parlé les saints hommes de Dieu." Et de qui est la plume ? D'un scribe écrivant rapidement, du Saint-Esprit qui écrit rapidement dans le coeur de l'homme. Car ceux qui cherchent la sagesse par l'étude étudient pendant longtemps; mais ceux qui l'obtiennent de l'Esprit-Saint, l'acquièrent rapidement: "Tout à coup il y eut un bruit comme le souffle d'un violent coup de vent, et il remplit toute la maison où ils se tenaient." Ceux qui acquièrent la science par la révélation divine, sont subitement remplis de sagesse, comme le sont ceux qui sont remplis de l'Esprit-Saint: "Aussitôt court sa parole." - "Il est facile aux yeux du Seigneur d'enrichir soudain le pauvre." Ou bien c'est la plume de celui qui oeuvre rapidement, car "il a dit, et les choses ont été faites." Mais la langue peut se rapporter à une autre chose, car non seulement elle a voulu dire, mais elle a d'abord pensé dans le coeur, puis elle a exprimé par la bouche, et enfin elle a écrit, autrement dit non seulement elle fut utile à ceux qui sont présents, mais aussi aux générations futures: "Prends-toi un grand livre et écris sur celui-ci en style d'homme." - "Écris la vision, et expose-la sur des tablettes." Tel est donc le sens littéral de cette exposition. Mais certains affirment que ces paroles sont dites pour louer le Christ selon sa divinité, comme si ces paroles étaient de Dieu le Père. Mais Augustin et Jérôme n'approuvent pas cette exposition; il faut toutefois noter que Denys se réfère à cette exposition dans son livre des Noms divins, là où il commente cette parole: mon coeur a émis (eructavit).

Selon cette exposition le Christ est loué par le Père de trois manières.

1) On décrira d'abord son émanation.

2) Puis sa puissance: moi je dis.

3) Enfin son opération: Ma langue.

1. À propos de son émanation du Père il expose quatre choses:

a. D'abord sa procession naturelle, lorsqu'il dit: a émis: ce qui est une émanation de la plénitude; aussi la procession du Fils par rapport au Père est-elle une émission (eructatio) divine, puisqu'il procède de la plénitude la nature divine: "Le Père aime le Fils et il a tout remis dans sa main."

b. Puis il expose le mode de son émanation, car ce n'est pas d'une manière corporelle ni d'une autre nature, mais par mode spirituel. Mon coeur, non pas comme si c'était de rien, ni venant d'une autre essence, mais de mon coeur: "De mon sein avant l'étoile du matin je t'ai engendré."

c. Ensuite il expose la propriété de celui qui procède, car il est le Verbe: "Dans le principe était le Verbe."

d. Enfin il expose la perfection de celui qui procède, car il est bon, comme ayant toute la bonté de la divinité: "Nul n'est bon si ce n'est Dieu seul."

2. Il montre sa puissance lorsqu'il dit: moi je dis, c'est-à-dire j'agis par le verbe, toutes mes oeuvres au roi, c'est-à-dire en l'honneur du roi, à savoir du Fils, qui est un seul Dieu avec moi: "Toutes choses ont été faites par lui."

3. Son opération propre est désignée lorsqu'il dit: Ma langue est une plume de scribe, autrement dit, puisque lui-même est ma langue, il est aussi une plume de scribe. Dans l'Écriture sainte les opérations sont désignées de manière métaphorique par les instruments ou par les membres, qui sont les principes des opérations; et ainsi par la langue et la plume est désignée l'opération de Dieu qui convient à la langue et à la plume. L'opération de la langue est de répandre par elle la sagesse du coeur chez les autres; tandis que celle de la plume est de traduire en matière sensible, c'est-à-dire sur un parchemin, la sagesse qui est dans le coeur. Or Dieu parle et écrit. Il parle lorsqu'il répand sa sagesse dans les âmes raisonnables: "J'écouterai ce que dira au-dedans de moi le Seigneur Dieu." Et cette opération est appelée Verbe, parce que par lui-même se fait toute illumination: "Et la vie était la lumière des hommes." Il écrit, parce qu'il imprime les jugements de sa sagesse dans les créatures raisonnables: "Ses perfections invisibles, rendues compréhensibles depuis la création du monde par les choses qui ont été faites, sont devenues visibles aussi bien que sa puissance éternelle et sa divinité." - "[Dieu] a répandu sa [sagesse] sur toutes ses oeuvres et sur toute chair, selon le don qu'il en a fait; or, il l'a donnée à ceux qui l'aiment." Car de même que celui qui regarde un livre reconnaît la sagesse de l'écrivain, ainsi lorsque nous, nous considérons les créatures, nous reconnaissons la sagesse de Dieu. La plume est donc le Verbe de Dieu.

3 Admirable en beauté par-dessus les enfants des hommes, la grâce est répandue sur tes lèvres; c'est pourquoi Dieu t'a béni pour l'éternité.

II. Après avoir exposé le prologue en lui conférant un premier sens, ou bien selon un autre sens en le référant au Christ selon sa divinité, le psalmiste loue ici le Christ selon son humanité. Et en disant: moi je dis mes oeuvres au roi, il loue le Christ sous la représentation d'un roi, c'est-à-dire du roi David, en considérant quatre choses: sa gracieuseté, sa force à la guerre, son pouvoir judiciaire, la multitude de ses délices. La deuxième considération se rapporte à: 4 Ceins ton glaive. La troisième à: 7 Ton trône. La quatrième à: 9 La myrrhe.

A. En parlant de sa gracieuseté il fait deux choses.

1) Il commence par décrire la gracieuseté du roi.

2) Ensuite la cause ou l'effet de sa gracieuseté: c'est pourquoi.

1. Notons qu'il y a deux sens qui exercent principalement leur puissance dans l'homme: ce sont la vue et l'ouïe. Et ces deux sens font apparaître la beauté de quelqu'un: la beauté à la vue; la parole gracieuse à l'ouïe. Or ces deux qualités furent avant tout dans le Christ; d'où ces paroles du Cantique: "Montre-moi ta face, que ta voix retentisse à mes oreilles; car ta voix est douce et ta face gracieuse." Car le Christ fut beau, et il fut éloquent dans les choses qui illustrent son éloquence. Concernant la première qualité il dit: "beau dans sa forme".

Et il faut noter qu'il y a dans le Christ quatre sortes de beauté.

La première est selon sa forme divine: "[Le Christ Jésus] qui, étant dans la forme de Dieu, n'a pas cru que ce fut une usurpation de se faire égal à Dieu." Et selon celle-ci il fut beau par-dessus les enfants des hommes: car tous ont seulement la grâce par dérivation et participation, tandis que lui l'a de lui-même et en plénitude: "En lui toute la plénitude de la divinité habite corporellement." - "Lui qui, étant la splendeur de sa gloire et l'empreinte de sa substance, et soutenant toutes choses par la substance de sa parole, après avoir opéré la purification des péchés, est assis à la droite de la majesté, au plus haut des cieux." - "Il est l'éclat de la lumière éternelle, le miroir sans tache de la majesté de Dieu."

La deuxième est la beauté de la justice et de la vérité: "Que le Seigneur te bénisse, beauté de justice, montagne sainte." - "Le Verbe s'est fait chair, et il a habité parmi nous et nous avons vu sa gloire comme la gloire qu'un Fils unique reçoit de son Père, plein de grâce et de vérité."

La troisième est la beauté de la conduite honnête, et il est écrit à ce propos: "Faites-vous le modèle (forma) du troupeau." Et selon ce modèle (forma) il fut beau par-dessus les enfants des hommes, car sa conduite fut plus honnête et vertueuse que quiconque: "Lui qui n'a pas commis de péché, et en la bouche de qui n'a pas été trouvée la tromperie." Augustin commente ce passage en disant: "Pour nous qui le contemplons il est toujours beau: beau dans les bras de ses parents, beau dans ses miracles, beau sous les coups de fouet, beau lorsqu'il dépose son âme, beau au gibet, beau sur la croix, beau dans le ciel."

La quatrième sorte de beauté est la beauté du corps: et cette dernière fut aussi inhérente au Christ: "Vois que toi, tu es beau, mon bien-aimé, et plein de grâce."

Mais, selon cette beauté, fut-il beau pardessus les enfants des hommes ? Il semble que non, car il est écrit dans Isaïe: "Nous l'avons vu, et il n'avait en lui ni éclat ni beauté." De même on prouve par un argument de raison que le Christ a voulu avoir la pauvreté, et non jouir des richesses, afin de nous enseigner à mépriser celles-ci. Mais tout comme ces richesses sont méprisables, ainsi en est-il de la beauté corporelle: "Trompeuse est la grâce, et vaine est la beauté."

Réponse: la beauté, la santé, et autres choses du même genre sont dites en quelque sorte en considération de quelque chose: car un certain mélange d'humeurs qui donne la santé à l'enfant ne la donne pas au vieillard; car ce qui fait la santé du lion engendre la mort pour l'homme. C'est pourquoi la santé consiste dans une proportion équilibrée des humeurs en fonction de telle ou telle nature. Et semblablement la beauté consiste dans le rapport harmonieux des membres et des couleurs. Et c'est pourquoi différente est la beauté de l'un, différente celle de l'autre: et ainsi le Christ eut-il cette beauté corporelle selon qu'elle convenait à l'état et au rapport de sa condition. Il ne faut donc pas comprendre que le Christ eut des cheveux blonds, ou bien qu'il aurait été roux, parce que cela ne lui aurait pas convenu; mais qu'il eut cette beauté corporelle par excellence, celle qui convenait à l'état, au respect et au charme de son aspect: il rayonnait sur son visage quelque chose de tellement divin que tous le révéraient, comme le dit Augustin.

En résumé, pour répondre à la première objection, il faut dire que le prophète Isaïe veut exprimer le mépris [dont le] Christ [fut l'objet] dans sa Passion, au cours de laquelle la forme de son corps fut déformée à cause d'une multitude de tourments. Pour répondre à l'autre objection, il faut dire que doivent être méprisées ces richesses et ces beautés dont nous faisons mauvais usage.

Le Christ fut aussi gracieux dans sa parole, aussi le psalmiste dit-il: la grâce est répandue sur tes lèvres. - "La langue gracieuse produit dans l'homme de bien des fruits abondants." Et sa parole est gracieuse. Une parole de quelqu'un est considérée comme gracieuse en trois circonstances: Lorsqu'il dit des choses qui plaisent et sont utiles; ainsi la parole du Christ fut gracieuse, parce qu'elle imposait des choses faciles et promettait le repos: "Venez à moi, vous tous qui prenez de la peine et qui êtes chargés, et je vous soulagerai." - "Seigneur, à qui irions-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle." Semblablement on dit de quelqu'un qu'il a la parole gracieuse à cause de sa manière ordonnée et chaleureuse de s'exprimer; ainsi le Christ s'exprima-t-il d'une manière ordonnée et chaleureuse: "Ta parole a été très éprouvée par le feu et ton serviteur l'a aimée." De même on dit de quelqu'un qu'il a la parole gracieuse à cause de son efficacité à persuader; pareillement le Christ s'exprima de cette manière: "Il les instruisait [dans le Temple] comme ayant autorité, et non comme leurs scribes et les pharisiens." Et c'est pourquoi Luc dit que "tout le peuple venait de grand matin vers lui au Temple pour l'écouter." Et Jean écrit: "Jamais homme n'a parlé comme cet homme."

2. c'est pourquoi Dieu t'a béni pour l'éternité. Ici le psalmiste expose la cause ou l'effet de sa beauté. Comme on l'a déjà dit, quand Dieu bénit, cela signifie l'effet de sa bonté, ou qu'il fait le bien en la prodiguant. Ainsi donc Dieu donna au Christ un double bienfait. Le bienfait de la gloire ou du royaume: et c'est la récompense des mérites du Christ: "C'est pourquoi Dieu l'a exalté et lui a donné un nom qui est au-dessus de tout nom." Et ainsi ce mot c'est pourquoi indique une cause méritoire, autrement dit, parce que tu es beau dans ta forme, gracieux dans ton enseignement, c'est pourquoi Dieu t'a béni pour l'éternité, de la bénédiction spirituelle du royaume: "En ta postérité toutes les nations de la terre seront bénies." L'autre bienfait est celui de la grâce; et en voici le sens: c'est pourquoi Dieu t'a béni pour l'éternité, étant donné que toi tu étais beau, et que la grâce s'était répandue sur tes lèvres.

4 Ceins ton glaive sur ta cuisse, ô très puissant, dans ton aspect et ta beauté.

B. Ici le psalmiste le décrit puissant dans sa force.

1) Et d'abord sa force dans la guerre.

2) Puis sa marche au combat: Sois attentif

3) Enfin son effet: ta droite te conduira.

1. Sa force dans la guerre consiste dans sa force naturelle et dans la préparation des armes.

Il présente ainsi d'abord le fort armé lorsqu'il dit: Ceins ton glaive. Selon une autre version il dit: "Super femur tuum potentissime (Sur ta cuisse, ô très puissant)", et ici est signifiée la force des armes: "Chacun a son glaive sur sa cuisse." Mais selon la Glose, autre chose est d'être ceint (accingi) être attaché par une ceinture), parce que ceux qui sont ceints de cette manière se préparent à la guerre, à savoir les soldats: "Ceignez-vous, et soyez des fils puissants, et soyez prêts pour le matin [...]; parce que mieux vaut pour nous de mourir dans le combat, que de voir les maux de notre nation et des choses saintes." Autre chose est d'être ceint (praecingi, être entouré d'une ceinture), car sont ceints de cette manière ceux qui se préparent à servir: "Il se ceindra, et les fera mettre à table, et passant de l'un à l'autre, il les servira." Autre chose est d'être ceint par-dessous (succingi); parce que sont court-vêtus ceux qui se préparent à marcher: "Le voleur ayant retroussé son vêtement par la ceinture (succinctus) erre de cité en cité." Autre chose est d'ôter sa ceinture (discingi), parce qu'ôtent leur ceinture ceux qui vont se reposer: "Que celui qui a mis sa ceinture (accinctus) ne se glorifie point comme celui qui a ôté sa ceinture (discinctus)." Ton glaive. Le glaive du Christ est sa doctrine. À propos de ce glaive, il est écrit dans les Éphésiens: "Le glaive de l'Esprit est la parole de Dieu." Par ce glaive le Christ a mis la division dans ce monde, afin que le bien soit discerné du mal: "Je ne suis pas venu apporter la paix, mais le glaive." Ce glaive est "à deux tranchants", comme l'atteste l'Apocalypse, car le Christ enseigne au sujet des réalités éternelles et temporelles. Et sur ta cuisse, parce que par l'instrument de son humanité il s'est servi de la parole de sa doctrine: "Moi-même qui parlais, me voici présent."

ô très puissant. Le psalmiste montre ici sa force ou sa puissance naturelle: "Il n'est pas de fort comme notre Dieu." - "Si j'ai recours à la force, il est très puissant." Selon Jérôme et les versions hébraïques, dans ton aspect est relié à ô très puissant, et le tout ne fait qu'un seul verset; et c'est de cette manière qu'on le lit dans la Glose; et si on relie ainsi ce mot avec ô très puissant, en voici le sens: toi, ô Christ, tu es très puissant, dans ton aspect, c'est-à-dire celui de ton humanité, selon laquelle tu es aussi très grand en force: "Son aspect est comme celui du Liban." et [dans] ta beauté, c'est-à-dire celle de ta divinité: "Si, ravis de leur beauté, ils les ont crus des dieux, qu'ils sachent combien est plus beau leur dominateur; car c'est l'auteur de la beauté qui a établi toutes ces choses." Ou bien, tu es très puissant dans ton aspect, c'est-à-dire dans ta beauté éclatante. C'est pourquoi une version de Jérôme lit: laude tua (dans ta louange), car tu es louable et glorieux, parce que tu es armé et fort.

5 Sois attentif, avance avec prospérité et règne. Pour la vérité et la mansuétude et la justice; et ta droite te conduira admirablement 6 Tes flèches sont acérées, des peuples tomberont à tes pieds, [elles pénétreront] aux coeurs des ennemis du roi.

2. Plus haut le psalmiste a loué le Christ en exposant sa force et sa magnificence royale, mais ici il traite de la marche du roi; et à ce propos il fait deux choses.

a) Il parle d'abord de la marche du roi.

b) Puis il en donne la cause.

a. À propos de la marche du roi, il faut savoir qu'à la place des trois choses qui sont mentionnées ici: Sois attentif avance avec prospérité et règne, dans la iuxta Hebraeos de Jérôme on lit seulement: "Prospere ascende (Monte avec prospérité)." Dans l'ascension est signifiée la marche: "Comme un lion, il montera de l'orgueil du Jourdain vers une beauté puissante."

Il est donc manifeste que ces trois choses se rapportent à une certaine perfection et élévation.

Dans l'escalade de celui qui guerroie il y a trois choses: le début, le milieu et la fin.

Le début doit être une considération attentive et accompagnée de discernement: "Parce que c'est avec réflexion que s'entreprend une guerre." Et dans Luc il est écrit: "Quel est le roi qui, devant aller faire la guerre à un autre roi, ne s'assied pas auparavant, et ne songe pas en lui-même, s'il peut, avec dix mille hommes, aller à la rencontre de celui qui vient contre lui avec vingt mille ?" C'est pourquoi Sois attentif, c'est-à-dire considère avec attention. Et dans le Christ être attentif (intendere) signifie l'économie de sa miséricorde avec laquelle il se rend attentif au salut du genre humain: "Sois attentif à venir à mon aide."

Le milieu est la marche prospère. Quant à la marche du Christ, elle s'entend de deux manières. Ou bien, en tant qu'il procéda du sein de la Vierge dans sa nativité: "Comme un époux sortant de sa chambre nuptiale." Et cela fut une procession prospère, car il naquit sans péché et n'enleva pas la virginité à sa mère ni ne lui causa de la douleur. Ou bien, en tant qu'il procéda de l'homme pour convertir l'homme, un tel et un tel. Et en cela sa marche fut prospère, puisqu'il parvint finalement à la conversion du monde entier: "[Ma parole] fera tout ce que j'ai voulu, et elle réussira dans toutes les choses pour lesquelles je l'aurai envoyée." - "Ô Seigneur, fais-moi bien prospérer." Le mot Sois attentif peut être relié à dans ton aspect, autrement dit: Sois donc attentif dans la force éclatante de ton humanité, etc., et dans la beauté de ta divinité.

Sa fin, c'est son règne: "Dieu régnera sur [toutes] les nations." Sa fin, c'est qu'il règne par la foi dans tous les coeurs: "Et il régnera éternellement sur la maison de Jacob." Et c'est pourquoi il dit: et règne.

b. La cause de sa marche est la vérité. Et c'est une cause ou dispositive ou finale. Si ce propter (pour) est mentionné en tant que cause dispositive, suivant cette version de Jérôme: "Propter verbum veritatis et mansuetudinem justitiae (À cause de la parole de la vérité et de la mansuétude de la justice)", il faut noter que deux choses sont nécessaires pour qu'un roi agisse avec prospérité. D'abord, qu'on lui donne la confiance; car si on ne lui donne aucune confiance et que lui-même accorde sa confiance aux autres, il ne pourrait rien faire de plus qu'un homme: "Les paroles graves ne conviennent pas à un." Puis qu'il soit aimé, car s'il n'est pas aimé il ne peut prospérer dans son règne ni dans ses affaires; et la mansuétude et la clémence du roi suscitent cet amour: "Mon fils, accomplis tes oeuvres avec mansuétude, et tu seras encore plus aimé que glorifié par les hommes." Et ainsi ces deux choses contribuent à la prospérité du roi: "La miséricorde et la vérité gardent le roi." - "Les hommes doux hériteront de la terre, et ils jouiront d'une abondance de paix." Mais d'après notre version, pour qu'un roi puisse prospérer dans ses affaires, il doit avoir trois choses: la vérité, la mansuétude, et la justice. Et ces trois choses firent prospérer le Christ: car il fut vrai dans son enseignement, doux dans sa souffrance, juste dans ses actes.

Au sujet de sa véracité dans son enseignement, il est écrit dans Matthieu: "Nous savons que tu es vrai, que tu enseignes la voie de Dieu dans la vérité, et que tu n'as égard à qui que ce soit; car tu ne considères point la face des hommes."

Au sujet de sa douceur dans sa souffrance il est écrit: "Lui qui, maltraité, ne menaçait point." - "Et moi, j'ai été comme un agneau plein de douceur que l'on porte pour [en faire] une victime."

Au sujet de sa justice dans ses actes, il est écrit qu'en aucun cas il ne s'est départi de la justice: "Le Seigneur est fidèle dans toutes ses paroles."

Mais si ce mot Pour (propter) indique la cause finale, en voici le sens: Sois attentif, avance avec prospérité et règne, c'est-à-dire afin que tu fasses la vérité. Or le Christ fit la vérité de deux manières: en accomplissant les promesses, et en réalisant les figures: "Je dis que le Christ Jésus a été le ministre de la circoncision pour [justifier] la vérité de Dieu et confirmer les promesses faites à nos pères." - "Toutes les promesses de Dieu ont en effet leur oui en lui." Et d'autre part pour faire descendre sa mansuétude sur ses disciples: "Apprenez de moi que je suis doux et humble de coeur, et vous trouverez du repos pour vos âmes." Et de même: règne, à cause de la justice: "Le Père a remis tout jugement au Fils."

3. et ta droite te conduira admirablement. Ces mots signifient avec précision la manière de s'avancer. avance avec prospérité. Et comment ? ta droite te conduira. Et il parle à la manière de celui qui guerroie, lequel, s'il se trouve face à un ennemi, se dit: il faut que ta main te prépare la voie, et ainsi en faisant la guerre tu passeras, autrement dit, avance, si ta main droite te prépare la voie. Et cela de manière admirable, car tous seront dans l'admiration. La version iuxta Hebraeos de Jérôme lit: "Docebit te dextera tua (Ta droite t'enseignera)", c'est-à-dire tandis que tu feras des exploits, ta main te montrera admirable. Cependant dans un autre psaume on lit: "Manus tua deducet te (Ta main te conduira)." Mais il faut dire que cette version ne s'oppose pas à celle de ce psaume, car le Christ est Dieu et homme. Et c'est pourquoi en tant qu'il est Dieu, sa droite et celle du Père sont la même. Et sa droite a conduit le Christ admirablement dans l'attaque des ennemis: "Ta droite, Seigneur, s'est signalée dans sa force; ta droite, Seigneur, a frappé l'ennemi." Et dans l'accomplissement des miracles par la puissance de sa divinité. C'est pourquoi il s'est préparé une voie dans le coeur des hommes: "La droite du Seigneur a exercé sa puissance, la droite du Seigneur m'a exalté, la droite du Seigneur a exercé sa puissance." Et si nous considérons sa voie, il est admirable: "Seigneur, tu es très admirable, et ta face est pleine de grâces." Semblablement si nous considérons ses paroles: "Admirables sont tes oeuvres, mon âme le reconnaît parfaitement."

Tes flèches sont acérées, autrement dit: je te préparerai une voie, parce que tes flèches sont acérées. Et il expose ici la force des armes et leur effet. Les armes du Christ sont les flèches, qui sont les paroles du Christ, et elles sont appelées flèches pour trois raisons.

a. D'abord, parce que la flèche par son acuité pénètre jusqu'au coeur: "Je la conduirai dans la solitude, et je parlerai à son coeur"; ainsi en est-il des paroles du Christ: "La parole de Dieu est vivante, efficace, et plus pénétrante que tout glaive à deux tranchants."

b. Semblablement la flèche se déplace rapidement: "Comme une flèche lancée vers un but; l'air qu'elle sépare se réunit aussitôt, en sorte qu'on ignore son passage." Ainsi la parole du Christ la soudain rempli toute la terre, puisque, avant la destruction de Jérusalem, la parole du Christ fut presque répandue à travers le monde entier: "C'est lui qui envoie sa parole à la terre. Avec vitesse court sa parole."

c. Semblablement la flèche atteint des objectifs éloignés; ainsi en est-il aussi de la parole du Christ: "Leur bruit s'est répandu dans toute la terre, et leurs paroles jusqu'aux confins du globe de la terre." Et ainsi la parole de Dieu est un glaive, en tant qu'elle a blessé les Juifs, lesquels se sont convertis au Christ qui était proche; voilà pourquoi il est dit: Ceins ton glaive; et elle est aussi une flèche en tant qu'elle parvint aux nations éloignées, et elles se sont converties au Christ: "Il a annoncé la paix et à vous qui étiez loin, et la paix à ceux qui étaient près."

des peuples tomberont à tes pieds. Ici le psalmiste expose l'effet de la parole divine, qui est la conversion du peuple à Dieu; aussi dit-il: des peuples tomberont à tes pieds, c'est-à-dire tous courent vers toi: "Qu'au nom de Jésus, tout genou fléchisse dans le ciel, sur la terre et dans les enfers, et que toute langue confesse que le Seigneur Jésus-Christ est dans la gloire de Dieu le Père." Mais pourquoi ajoute-t-il: aux coeurs des ennemis du roi ? Cela peut se comprendre de deux manières. Ou bien en tant que ces mots sont reliés à la première partie de ce verset, et que: des peuples tomberont à tes pieds est une intercalation; et en voici le sens: tes flèches acérées entrent dans le coeur des ennemis du roi. Tes paroles sont comme des flèches qui pénètrent les coeurs, etc. Et à cause de cela des peuplés tomberont à tes pieds. Ou bien en tant que cette fin du verset est reliée à des peuples tomberont à tes pieds, c'est-à-dire [dans les] coeurs, ou bien aux coeurs des ennemis du roi, c'est-à-dire de toi qui es roi. Car certaines choses se soumettent avec violence, c'est le cas de la soumission d'ennemis. Et il dit qu'il ne parle pas de cette soumission-là, mais bien de la soumission volontaire; et c'est pourquoi il dit [dans les] coeurs, autrement dit, en tant que ces coeurs se soumettent, d'ennemis du Christ qu'ils étaient: "Je t'offrirai volontairement un sacrifice." Ou bien autrement: Tes flèches sont acérées, des peuples tomberont sous tes pieds aux coeurs des ennemis du roi. Des peuples, dis-je, qui étaient ennemis du roi, c'est-à-dire du Christ, autrement dit: ceux qui étaient contre le roi, c'est-à-dire le Christ, se sont soumis à lui. Et littéralement parlant cela eut lieu de cette manière: car les nations païennes qui se sont efforcées de détruire la foi du Christ, servent à présent le Christ: "Voilà que tu appelleras une nation que tu ne connaissais pas; et les nations qui ne t'ont pas connu accourront vers toi, à cause du Seigneur, ton Dieu, et du saint d'Israël qui t'a glorifié." - "Leur peuple que je n'ai pas connu m'a servi."

7 Ton trône, ô Dieu, [est établi] dans les siècles des siècles; [c'est un] sceptre de droiture [que] le sceptre de ton règne. 8 Tu as aimé la justice et haï l'iniquité; c'est pour cela que Dieu, ton Dieu, t'a oint d'une huile d'allégresse de préférence à tes compagnons.

C. Plus haut le psalmiste a loué le Christ pour sa gracieuseté et sa force dans la guerre; ici il le loue pour son pouvoir judiciaire.

a) Et il décrit d'abord son pouvoir judiciaire.

b) Puis l'exécution de son pouvoir: sceptre de droiture.

c) Enfin la raison: c'est pour cela que Dieu, ton Dieu, t'a oint.

a. Ainsi dit-il: Ton trône, ô Dieu. Le mot "trône" signifie dans l'Écriture le pouvoir judiciaire: "Là ont été établis des trônes pour le jugement." Or le pouvoir judiciaire convient ou s'applique au Christ: "Le Père a remis tout jugement au Fils"; et c'est pourquoi par le trône on entend son pouvoir: "Lorsque à la régénération le Fils de l'homme sera assis sur le trône de sa gloire, vous aussi vous serez assis sur douze trônes, jugeant les douze tribus d'Israël." Mais les prélats et les rois jouissent aussi de ce pouvoir judiciaire, mais en vérité en tant que ministres: "Parce qu'étant ministres de son royaume, vous n'avez pas jugé équitablement, vous n'avez pas gardé la loi de la justice, et vous n'avez pas marché selon la volonté de Dieu." Le Christ, quant à lui, jouit de ce pouvoir en tant que juge principal, et comme vrai Dieu; et c'est pourquoi il dit: Ton trône, ô Dieu. Car la vengeance appartient au Seigneur; et le psalmiste parle ici expressément du Christ, parce que sa parole vise le Christ. L'Apocalypse dit à ce sujet: "Celui qui aura vaincu, je le ferai asseoir avec moi sur mon trône; comme moi j'ai vaincu aussi, et me suis assis avec mon Père sur son trône." - "J'ai vu le Seigneur assis sur un trône haut et élevé."

De même, autre est le pouvoir judiciaire temporel, autre le perpétuel, et tel est le pouvoir du Fils de Dieu; aussi dit-il: dans les siècles des siècles, parce que son jugement porte sur les réalités éternelles: "Son pouvoir [est] un pouvoir éternel, qui ne [lui] sera pas enlevé." C'est ainsi que le psalmiste décrit donc le pouvoir de Dieu, sa dignité et son éternité.

b. Il traite ensuite de l'exécution de ce pouvoir, lorsqu'il dit: sceptre de droiture.

- Et il expose d'abord l'exécution de son pouvoir.

- Puis il en donne l'explication.

- Il est en effet nécessaire qu'un roi réprouve des délits: car, comme le dit le Philosophe, si les êtres humains étaient ordonnés à Dieu au point d'obéir à sa monition paternelle, les rois et les juges ne seraient pas nécessaires; aussi, pour que les semeurs de trouble soient corrigés, les rois sont-ils nécessaires, d'où la possession de leur sceptre: "La folie est liée au coeur de l'enfant, et la verge de la discipline la fera fuir." D'autre part il a une verge pour châtier les ennemis: "Tu les gouverneras avec une verge de fer, et tu les briseras comme un vase de potier." Pareillement, pour gouverner ses sujets: "Seigneur, pais avec ta verge ton peuple, le troupeau de ton héritage, qui demeure seul dans la forêt, au milieu du Carmel"; et c'est pourquoi le psalmiste dit: [c'est un] sceptre de droiture que le sceptre de ton règne, c'est-à-dire pour conduire le peuple sur la voie droite, car telle est la fin de la loi comme du gouvernement, non point de meurtrir les hommes, mais de les rendre vertueux; telle est aussi la fin de la politique, et cela convient au Christ: "Dirige-moi dans ta vérité, et instruis-moi; parce que c'est toi qui es mon Sauveur, et que j'ai attendu avec constance durant tout le jour." Mais cette direction consiste en ce que l'homme délaisse le mal et adhère au bien: "Voici la voie, marchez-y; et ne vous détournez ni à droite ni à gauche", c'est-à-dire ni par excès ni par manquement. - Et c'est pourquoi il dit: Tu as aimé la justice. Semblablement il doit haïr l'iniquité, car s'il n'aime pas la justice, il ne conduit pas au bien: et le Christ réalisa parfaitement cela, car "le Seigneur est juste et il aime la justice." Semblablement, s'ils ne haïssent pas l'iniquité, ils ne punissent pas: et parce que le Christ hait principalement l'iniquité, il punit les méchants.

c. c'est pour cela que Dieu, ton Dieu, t'a oint. Ici le psalmiste expose la cause, ou finale, ou efficiente, de son pouvoir; autrement dit: tu as opéré la justice afin que Dieu t'oigne. Mais le Christ a-t-il mérité cette onction ? Non, mais il a mérité la manifestation de cette onction. Et dans l'Écriture on dit que Dieu fait quelque chose quand il se fait connaître. Le Christ par sa Passion a mérité son exaltation dans la foi de tous les peuples. Et ainsi, au sens littéral, c'est pour cela que désigne la cause finale. Mais s'il s'agit de la cause efficiente, on le comprend de la manière suivante: puisque ton trône, ô Dieu, est établi dans les siècles des siècles, puisque ton sceptre est un sceptre de droiture, etc., voilà pourquoi Dieu t'a oint. Dans l'Ancien Testament, les prêtres et les rois étaient oints, comme on le voit pour David et Salomon. Les prophètes aussi étaient oints, comme on le voit à propos d'Élisée, qui fut oint par Élie; et ces onctions conviennent au Christ, qui fut roi: "Il régnera éternellement sur la maison de Jacob." Semblablement il fut prêtre, lui qui s'offrit lui-même en sacrifice à Dieu. Il fut également prophète, lui qui annonça la voie du salut: "Le Seigneur ton Dieu te suscitera un prophète d'entre les fils d'Israël. Mais comment oignit-il ? Non avec de l'huile visible, car son "royaume n'est pas de ce monde." De même il ne s'est pas acquitté du sacerdoce matériel, et c'est pourquoi il fut oint non d'une huile matérielle, mais de l'huile de l'Esprit-Saint; et c'est pourquoi il dit: d'une huile d'allégresse. Et l'Esprit-Saint est appelé huile; car de même que l'huile émerge au-dessus de tous les liquides, ainsi en est-il de l'Esprit-Saint au-dessus de toutes les créatures: "L'Esprit de Dieu était porté sur les eaux", c'est-à-dire qu'il doit être au-dessus de toutes choses dans les coeurs des hommes, d'abord parce qu'il est l'amour de Dieu, puis à cause de sa suavité. La miséricorde et toute suavité de l'âme viennent de l'Esprit-Saint: "Montrons-nous, en toutes choses, comme des ministres de Dieu" par la mansuétude, "par la suavité, par l'Esprit-Saint, par une charité sans feinte." Enfin, de même que l'huile se répand, ainsi l'Esprit-Saint se communique: "Que la communication du Saint-Esprit soit avec vous tous. Amen." - "La charité de Dieu a été répandue dans nos coeurs par l'Esprit-Saint qui nous a été donné." Pareillement, l'huile alimente le feu et la chaleur, et l'Esprit-Saint réchauffe et nourrit la chaleur en nous: "Ses lampes sont des lampes de feu et de flammes." Semblablement l'huile éclaire, et ainsi en est-il de l'Esprit-Saint: "L'Esprit est dans les hommes, et l'inspiration du Tout-Puissant donne l'intelligence." Mais il dit: Dieu, ton Dieu. Ce mot Dieu est ou au nominatif, ou au vocatif; et c'est pourquoi en latin il y a un doute; tandis qu'en grec ce n'est pas le cas, car l'un est au nominatif et l'autre au vocatif, puisqu'il dit: "Theé, ho Theôs sou élaion charâs (O Deus, Deus tuus unxit te oleo laetitiae - O Dieu, ton Dieu t'a oint d'une huile d'allégresse)." Il nous est donné de comprendre par là que le psalmiste parle du Christ qui est Dieu, et qui ne peut être oint en tant que Dieu, car en tant que Dieu il ne peut être élevé; et c'est pourquoi il faut que le Christ assume quelque chose qu'il n'a pas en tant que Dieu et qui fasse l'objet d'une onction: et c'est sa nature humaine. Selon cette nature il a l'onction divine, car en tant que Dieu il ne l'a pas.

Enfin cette huile est appelée huile d'allégresse, parce qu'au temps de l'allégresse les Orientaux s'oignaient d'huile: "Pour disposer et donner à ceux qui pleurent dans Sion une couronne au lieu de cendre, de l'huile de joie au lieu de deuil." L'Esprit-Saint est cause de la joie: "Le royaume de Dieu n'est ni le manger ni le boire; mais il est justice, paix et joie dans l'Esprit-Saint." - "Les fruits de l'Esprit-Saint sont: la charité, la joie, la paix, la patience, la douceur, la bonté, la longanimité, la mansuétude, la foi, la modestie, la continence, la chasteté. Contre de pareilles choses, il n'y a point de loi"; car l'Esprit-Saint ne peut être en quelqu'un sans qu'il ne se réjouisse du bien et de l'espérance du bien futur; aussi dit-il: de préférence à tes compagnons, car le Christ fut oint de préférence à tous les autres saints: "Nous avons vu sa gloire comme la gloire qu'un Fils unique reçoit de son Père, plein de grâce et de vérité." Ses compagnons sont dits être oints, car tout ce qui vient de cette huile, c'est-à-dire de la grâce de l'Esprit-Saint, découle de la surabondance du Christ: "Nous avons tous reçu de sa plénitude, et grâce pour grâce." - "C'est comme un parfum [répandu] sur la tète, qui descend sur la barbe, la barbe d'Aaron."

9 La myrrhe, la goutte et la casse [s'exhalent de] tes vêtements, et de tes palais d'ivoire, dont t'ont délecté 10a des filles de roi en ton honneur.

D. Ici il traite des délices du roi, et il décrit ces délices de quatre manières: par son vêtement, sa demeure, son service et son union nuptiale.

1. En parlant de son vêtement il dit: La myrrhe, la goutte et la casse [s'exhalent de] tes vêtements. Les vêtements du Christ peuvent être de deux sortes. Son corps: "Pourquoi donc rouge est ta robe, et tes vêtements comme le vêtement de ceux qui foulent dans un pressoir ?" Semblablement, le vêtement du Christ, ce sont tous les saints: "Je vis, moi, dit le Seigneur: de tous ceux-ci, comme d'un vêtement, tu seras revêtue, et t'en pareras comme une épouse." Et de ceux-ci émane une odeur de myrrhe, de goutte et de casse, soit du vêtement qui est son corps, soit des saints. La myrrhe contient de l'amertume; et si on la met en relation avec le corps du Christ, elle signifie l'amertume de sa Passion: "Ses doigts", fixés à la croix, "étaient pleins de la myrrhe la plus pure". Mais si l'on met la myrrhe en relation avec les saints, elle signifie la pénitence: "Comme la myrrhe de choix j'ai exhalé une odeur suave." Là où en latin nous lisons le mot gutta (goutte), le grec lit: alôf (aloès), et les hébreux lisent: "stactes (le stacte)". La goutte est une liqueur extraite d'une herbe ayant la vertu de chauffer, elle est un remède contre les enflures et signifie l'humilité qui fut surtout dans le Christ: "Apprenez de moi que je suis doux et humble de coeur, et vous trouverez du repos pour vos âmes." Semblablement elle fut aussi dans les saints: "Vers qui porterai-je mes regards, sinon vers le pauvre et celui qui a l'esprit contrit, et qui tremble à mes paroles ?" L'aloès est le suc d'une herbe, mais ce n'est pas dans ce sens qu'il est pris ici, mais bien au sens d'un arbuste, et on l'appelle aloès, parce qu'il est odoriférant. Le stacte est la gomme de la myrrhe, et il est plus beau que la myrrhe. Il y a trois sortes de casses. L'une se présente comme de la canne aromatique; et cette dernière est la même que la myrrhe quant à son odeur; une autre est le fruit d'un arbre, et ce n'est pas d'elle qu'il est question ici, parce qu'elle n'est pas aromatique; mais il existe une tige de casse qui est aromatique, et c'est a cette troisième sorte de casse que se réfère ce qui est dit ici. Ou bien, selon la Glose, il s'agit d'un arbuste qui pousse dans les marécages; et par cela est signifiée l'eau des larmes, ou bien l'eau du baptême, autrement dit: l'odeur de tous ces derniers émane des saints et de ton corps: "Nous sommes pour Dieu la bonne odeur du Christ à l'égard de ceux qui se sauvent."

2. En parlant de sa demeure il dit: de tes palais d'ivoire, autrement dit il s'exhale aussi de tes palais d'ivoire l'odeur que les aromates exhalent. Dans l'Antiquité les murs étaient recouverts de bois, chez nous ils sont recouverts de marbre. Et chez les Hébreux et les Orientaux, les murs étaient recouverts d'ivoire: "Les maisons d'ivoire périront." La maison signifie les fidèles: "Soyez vous-mêmes posés sur lui, comme pierres vivantes, maison spirituelle, sacerdoce saint, pour offrir des hosties spirituelles à Dieu par Jésus-Christ." Ces maisons d'ivoire sont froides en raison de la chasteté: "Son ventre est d'ivoire." Elles sont aussi blanches à cause de la pureté, rouges à cause de la chasteté: "Ses Nazaréens étaient plus blancs que la neige, plus éclatants que le lait, plus vermeils que l'ivoire antique; plus beaux que le saphir."

3. En parlant de son service il dit: dont t'ont délecté 10a des filles de roi en ton honneur, autrement dit: il est si délicieux qu'il a des filles de roi à son service, c'est-à-dire tes vêtements ont préparé des filles de roi qui te servent. Au sens littéral, des filles des rois de ce monde nous délectent pour l'honneur du Christ, car elles se consacrèrent au Christ et moururent pour le Christ, et cela en ton honneur, c'est-à-dire pour ton honneur, autrement dit: non seulement des filles de roi servent un roi, mais bien plus le Christ. Ou bien autrement: les rois sont les Apôtres, leurs filles sont les âmes fidèles. Ou bien les rois sont les docteurs: "Vous avez fait de nous un royaume et des prêtres pour notre Dieu; et nous régnerons sur la terre." Leurs filles sont le peuple chrétien et fidèle: "C'est moi qui par l'Évangile vous ai engendrés en Jésus-Christ." Celles-ci sont des filles en l'honneur du Christ, non en l'honneur des rois, à savoir de Pierre et de Paul, mais du Christ: "Nous, nous prêchons le Christ crucifié." Celles-ci se sont délectées de ses aromates.

10b La reine s'est tenue debout à ta droite, dans un vêtement orné d'or, environnée d'ornements divers.

4. Plus haut le psalmiste a loué le Christ pour sa gracieuseté, sa force à la guerre, et ses délices; mais ici il le loue lui-même par son épouse qu'il décrit de quatre manières: quant à la présence de l'époux, quant à sa dignité, quant à sa gloire, et quant à sa parure.

L'épouse du Christ est l'Église, et les épouses du roi sont appelées reines: telle Esther qui fut établie reine. Et cette reine est l'Église: "Je vous ai fiancés à un époux unique, au Christ, pour vous présenter à lui comme à une vierge pure."

Sa dignité est d'être reine. Celle-ci se tient toujours attachée à Dieu et unie à lui, c'est pourquoi les anges qui ne sont pas envoyés sont qualifiés d'assistants de Dieu: "Des milliers de milliers [d'anges] assistaient devant lui." - "Dès le matin je me présenterai devant toi." Selon Grégoire, "on voit par la foi, on s'élève par l'espérance, on s'unit par la charité".

La gloire de cette reine est la prérogative qu'elle a, car elle s'est tenue debout à ta droite, c'est-à-dire dans les biens supérieurs. Par conséquent le Fils aussi, en tant qu'il est dans les biens supérieurs du Père, selon qu'il est homme, est dit être à sa droite: "Le Seigneur Jésus, après leur avoir parlé, fut enlevé au ciel, et il s'assit à la droite de Dieu." Et ces biens sont les meilleurs; mais si les biens spirituels sont comparés aux biens temporels, les biens spirituels sont supérieurs. Cette reine s'est tenue debout dans les biens spirituels: "La longueur des jours est dans sa droite; et dans sa gauche sont les richesses et la gloire." De même, si par la droite sont signifiées les bonnes oeuvres, celles-ci l'emportent sur les péchés: "Les voies qui sont à ta droite, le Seigneur les connaît: mais perverses sont celles qui sont à ta gauche." Et cette reine s'est tenue debout dans ces bonnes oeuvres.

Sa parure est décrite lorsqu'il dit: dans un vêtement orné d'or. Ni Jérôme dans le Psautier romain, ni les versions hébraïques ne lisent "revêtue d'habits brodés"; en revanche Jérôme, dans la iuxta Hebraeos, lit: "in diademate deaurato (Avec un diadème d'or)". En hébreu on lit: "avec une masse d'or". Et selon notre version l'Église est revêtue d'un double vêtement. Le premier est la doctrine des deux Testaments: "Toutes les personnes de sa maison ont un double vêtement." Et ce vêtement n'est pas seulement d'or, mais il est orné d'or, parce qu'il est un reflet de la sagesse divine, dont cette doctrine est remplie. Cependant elle est environnée d'ornements divers. Et cela peut se rapporter aux divers genres de langues, ou à un mode plus profond de la sagesse. L'autre vêtement est l'acte vertueux: "Je revêtirai ses prêtres de salut." Et par l'or est signifiée la charité: "L'or de cette terre est excellent." Car la charité est lumineuse et vermeille. Et c'est pourquoi ce vêtement est dit orné d'or, parce qu'il est informé par la charité: "Que toutes vos oeuvres se fassent dans la charité." Ou bien: environnée d'ornements divers, c'est-à-dire des divers actes des vertus; car les uns furent revêtus d'or par le martyre, les autres furent revêtus de vermeil par le gémissement de la pénitence: "Revêtez-vous donc, comme élus de Dieu, saints et bien aimés, d'entrailles de miséricorde, de bonté, d'humilité, de modestie, de patience." Et tout cela peut être exposé à propos de la Vierge bienheureuse, qui est la reine et la mère du roi, qui se tient debout au-dessus de tous les choeurs avec un vêtement orné d'or, c'est-à-dire orné de l'or de la divinité: non en tant que Dieu, mais parce qu'elle est mère de Dieu.

11 Écoute ma fille, et vois, et incline ton oreille; et oublie ton peuple, et la maison de ton père. 12 Et le roi désirera ta beauté; parce que lui-même est le Seigneur ton Dieu et ils l'adoreront. 13 Et les filles de Tyr [viendront avec des présents; tous les riches du peuple imploreront ton visage.

III. Ici l'épouse est louée de quatre manières. Pour sa beauté, pour l'excellence de sa gloire: Toute la gloire de la fille du roi est à l'intérieur Pour sa compagnie: 15b Des vierges seront amenées. Et pour sa descendance: 17 À la place de tes pères.

A. En parlant de sa beauté il fait deux choses.

1) Il expose d'abord comment elle acquiert sa beauté ou sa gracieuseté.

2) Ensuite il traite de la gracieuseté proprement dite: Et le roi désirera ta beauté.

1. Elle est ainsi d'abord rendue attentive à l'admonition; aussi dit-il: Écoute ma fille. Il appelle l'Église future fille pour une double raison.

Selon une première raison, comme si David parlait en son nom, car dans la mesure où nous adhérons au Christ fils d'Abraham, nous sommes fils d'Abraham; et pareillement nous sommes fils de David dont le Christ est le fils.

Ou bien il parle au nom des Apôtres, grâce auxquels nous sommes enfantés dans le Christ Jésus par l'Évangile. Aussi dit-il: Écoute ma fille. - "Que tout homme soit prompt à écouter", c'est-à-dire l'Évangile, ou la parole du Christ: "Bienheureux ceux qui écoutent la parole de Dieu et qui la gardent." Ou bien les écrits des prophètes, afin de croire au Christ: "Qui a cru à ce qu'il a entendu de nous ?" et vois, ici-bas par la foi, mais dans la vie future tu verras face à face: "Nous voyons maintenant à travers un miroir en énigme; mais alors nous verrons face à face." Ou bien vois le Christ né: "Après cela, il a été vu sur la terre, et il a demeuré avec les hommes." - "Le Verbe s'est fait chair, et il a habité parmi nous et nous avons vu sa gloire comme la gloire qu'un Fils unique reçoit de son Père, plein de grâce et de vérité."

et incline ton oreille, c'est-à-dire par humilité, afin que tu obéisses: "Si tu prêtes l'oreille, tu recevras la doctrine; et si tu aimes à écouter, tu seras sage."

oublie ton peuple. Avertissement allégorique, puisque cette reine viendra à David ou à Salomon depuis un peuple étranger. Et c'est pourquoi elle est avertie de se souvenir de lui. Cela s'applique à l'Église, qui est appelée au Christ depuis un peuple étranger, soit des Juifs, soit des païens, parce que, selon Augustin, personne ne peut venir à la vie nouvelle du Christ, s'il ne se repent de sa vie ancienne, c'est-à-dire du péché. Et c'est pourquoi il dit: oublie ton peuple. - "Et ils passèrent de nation en nation, et d'un royaume à un autre peuple." et la maison de ton père, c'est-à-dire la maison du diable: "Vous, vous êtes issus du diable, votre père, et voulez accomplir les désirs de votre père." - "Ton père [était] Amorrhéen." Ou bien la maison du péché, ou de l'affection charnelle: "Dieu m'a fait oublier toutes mes peines, et la maison de mon père." Et le Deutéronome indique cela à propos de la fille des captifs, qui doit être rasée et qui doit pleurer son père et sa mère comme on pleure un mort.

2. et le roi désirera ta beauté. Ici il promet à l'épouse elle-même la gracieuseté du roi.

a) D'abord du roi, et cela relève de l'amour.

b) Puis du peuple, et cela relève de l'honneur: imploreront ton visage.

a. Il promet donc l'amour du roi et il montre sa dignité. Ainsi dit-il: Si tu oublies ton peuple et la maison de ton père, alors tu acquerras la beauté spirituelle: "Seigneur, j'ai aime la beauté de ta maison." Et cette beauté est désirée par l'époux spirituel, voilà pourquoi il dit: Et le roi désirera ta beauté. Et ici, la beauté est celle de la justice: "Que le Seigneur te bénisse, beauté de justice." désirera, c'est-à-dire se délectera en elle: "Parce que le Seigneur s'est complu en toi." Et cette beauté doit être désirée, parce que ce roi est grand dans son pouvoir, dans sa nature, dans son honneur.

Il a le pouvoir parce qu'il est roi, aussi est-il Seigneur: "Sachez que le Seigneur est Dieu."

Puis il a la nature, parce que lui-même est Dieu: "Parce que le Seigneur est le grand Dieu."

Enfin, parce qu'ils l'adoreront, à savoir ceux qui sont éloignés, et tous les peuples du monde entier: "Toutes les nations que tu as faites viendront, et adoreront devant toi, Seigneur." - Tous "les hommes l'adoreront, [chacun] en son lieu, [ainsi que] toutes les îles des nations". Pareillement les proches l'adoreront, parce que les filles de Tyr [viendront avec des présents, c'est-à-dire parce que Tyr est à proximité de la Terre promise.

b. C'est pourquoi les filles, c'est-à-dire les habitants de cette terre, imploreront ton visage, c'est-à-dire te seront soumises avec des présents: car cela s'est accompli quand une femme cananéenne, sortie du territoire de Tyr, vint à Jésus. Ou bien, tous les riches du peuple imploreront ton visage, c'est-à-dire les hommes qui sont dans Tyr. Tyr veut dire "angoisse"; aussi tous ceux qui sont dans l'angoisse te supplieront. Au sens littéral, tous venaient au Christ: "Lorsque le soleil fut couché, tous ceux qui avaient des infirmes atteints de diverses maladies les lui amenaient." - "Seigneur, dans l'angoisse ils t'ont recherché, dans la tribulation du murmure ta doctrine [était] avec eux." Et ils offriront des présents, c'est-à-dire eux-mêmes, ou des aumônes: "Ils voueront des voeux et ils les acquitteront."

14 Toute la gloire de la fille du roi est à l'intérieur, avec des franges d'or, 15a elle est enveloppée d'ornements variés.

B. Plus haut le psalmiste a loué l'épouse pour sa beauté; mais ici il la loue pour sa gloire et intérieure et extérieure.

1. Il fait mention de la gloire intérieure lorsqu'il dit: Toute [sa] gloire. Ce pronom possessif ejus (sa) est superflu; aussi est-il mis comme un explicatif: de la fille du roi est à l'intérieur; et cela de trois manières.

a. D'abord, parce qu'elle est dans la conscience intérieure, non dans la réputation extérieure des hommes, comme il en est de la réputation des pécheurs: "Notre gloire, la voici: c'est ce témoignage de notre conscience que nous nous sommes conduits dans ce monde, et plus particulièrement envers vous, avec simplicité et sincérité devant Dieu, non avec une sagesse charnelle, mais avec la grâce de Dieu."

b. Puis parce qu'elle est dans la justice intérieure, non dans l'observance extérieure, comme dans l'Ancien Testament: "La circoncision est celle du coeur", non de la chair, "en esprit et non selon la lettre; et [ce juif] tire sa louange non des hommes, mais de Dieu".

c. Enfin, parce qu'il s'agit de la gloire qui est dans l'espérance éternelle, laquelle est intérieure; non dans l'espérance des choses temporelles, laquelle est à l'extérieur: "Prenez garde à ne pas faire votre justice devant les hommes, pour être vus d'eux; autrement vous n'aurez point de récompense de votre Père qui est dans les cieux. Lors donc que tu fais l'aumône, ne sonne pas de la trompette devant toi, comme font les hypocrites dans les synagogues et dans les rues, afin d'être honorés des hommes."

2. Il fait mention de la gloire extérieure lorsqu'il dit: avec des franges d'or. Par ces franges, on entend la doctrine de l'Église.

Dans le livre de l'Exode, le Seigneur prescrit que des sonnettes soient attachées sur les franges du vêtement du prêtre, afin que le son en soit entendu. Ainsi par le son est désignée la doctrine. Donc, dans la doctrine de la sagesse divine, qui est désignée par l'or, se trouve une grande gloire; et cependant elle est enveloppée d'ornements variés, c'est-à-dire ornée et vêtue d'autres langues, c'est-à-dire de diverses manières d'enseigner, mais qui font entendre la même vérité: "Les Apôtres disaient les merveilles de Dieu en diverses langues." Ou bien autrement: avec des franges d'or, et cela se réfère à la pureté intérieure et à l'ornement des vertus; elle est enveloppée, a l'extérieur, autrement dit: toute sa gloire vient de l'intérieur; et ces deux choses se trouvent principalement sur les franges d'or. C'est la raison pour laquelle on entend par là la fin de la vie, soit en relation avec l'Église entière, soit en relation avec tout le genre humain, car les franges sont les extrémités d'un vêtement; et il ne dit pas qu'elles sont ornées d'or mais qu'elles sont d'or. La Glose dit en effet, a propos de ceux qui seront trouvés à la fin du monde, qu'ils seront parfaits et saints. De même l'homme, aussi longtemps qu'il progresse, est comme orné d'or; mais quand il sera parvenu à la fin de sa vie, alors il sera totalement rempli de la clarté divine: "Mais le sentier des justes s'avance comme une lumière éclatante, et croît jusqu'au jour parfait." Et il dit: enveloppée[s] d'ornements variés, à l'extérieur, c'est-à-dire des nations diverses, ou des grâces diverses et des vertus.

15b Des vierges seront amenées au roi après elle; ses proches te seront présentées. 16 Elles te seront présentées dans l'allégresse et l'exultation, elles seront conduites dans le temple du roi.

C. Ici l'épouse est louée pour sa compagnie; et à cet égard il fait trois choses.

1) Car il commence par décrire sa compagnie.

2) Puis comment on arrive en sa compagnie: seront amenées.

3) Enfin quand commence cette compagnie, et où elle s'achemine: elles seront conduites.

1. La version iuxta Hebraeos de Jérôme lit autrement: "Omnis gloria filiae regis a peifasciis aureis vestita (Toute la gloire de la fille du roi est revêtue de bandes d'étoffe d'or)." Et ici il y a un point, autrement dit: Elle a un vêtement avec des bandes d'étoffe d'or. Et après: "in varietate, etc., adducentur, etc. (d'ornements variés, etc., elles seront conduites, etc.)". En hébreu on lit autrement: "de vêtements incrustés d'or", c'est-à-dire enveloppée. Et puis ce qui suit: "Insuper cum subtilibus quae sunt plumariae; quae eam attingunt adducentur sic indutae (Parées d'étoffes fines au plumetis; celles qui l'accompagnent seront amenées ainsi revêtues)." Et il énumère deux choses, les vierges et les proches. À propos des vierges il dit: seront amenées, parce qu'elles se convertiront au Christ plus facilement. À propos des proches il dit: seront présentées, parce qu'elles sont attirées plus difficilement: "Insiste à temps et à contretemps." Si l'on considère que ce sont les mêmes, en voici le sens: les vierges intérieurement, c'est-à-dire les âmes fidèles non corrompues par le péché, seront amenées au roi, c'est-à-dire au Christ qui est le Roi des rois. Elles seront amenées, dis-je, parce qu'elles n'y parviendront pas d'elles-mêmes: "Personne ne peut venir à moi, si le Père qui m'a envoyé ne l'attire." Et c'est pourquoi l'épouse du Cantique dit: "Entraîne-moi; après toi nous courrons à l'odeur de tes parfums."

2. Mais elles seront amenées après elle, c'est-à-dire après l'Église universelle, car nul ne viendra ni ne sera amené au Christ sans qu'il ne suive la doctrine de l'Église. Ou bien après elle, c'est-à-dire après la Vierge bienheureuse, parce qu'à son exemple les vierges seront amenées au Christ pour garder la chasteté et pour pratiquer d'autres vertus. Et ces vierges sont ses proches, c'est-à-dire soit de l'Église, soit de la Vierge bienheureuse, et ces dernières seront présentées. Mais si l'on considère qu'elles sont différentes, alors par les vierges on entend ceux qui sont parfaits; et ces derniers sont amenés comme s'ils pouvaient y aller d'eux-mêmes: "Il fit sortir son peuple dans l'exultation, et ses élus dans l'allégresse"; parce qu'elles seront présentées dans l'allégresse, intérieure, et dans l'exultation, extérieure. Car elles s'offrirent volontairement au Christ: "Je t'offrirai volontairement un sacrifice." Ou bien elles seront présentées par les anges du ciel: "Or il arriva que le mendiant mourut, et fut porté par les anges dans le sein d'Abraham."

3. Et où seront-elles conduites ? dans le temple du roi. Il est clair qu'il parle ici du Christ roi et Dieu, puisqu'il dit: temple, autrement dit, pour qu'eux-mêmes soient le temple du roi: "Le temple de Dieu est saint, et vous êtes ce temple." Ou bien, afin qu'elles contemplent dans le temple de Dieu, c'est-à-dire vaquent à la contemplation de Dieu; car c'est en vue de cela que l'assemblée des vierges a été établie, c'est-à-dire afin de vaquer à Dieu: "La femme qui est mariée pense aux choses du monde: comment elle plaira à son mari; mais celle qui n'est pas mariée et la vierge pensent comment plaire à Dieu."

17 À la place de tes pères des fils te sont nés; tu les établiras princes sur toute la terre. 18 Ils se souviendront de ton nom, Seigneur, dans toute la suite des générations. C'est pour cela que les peuples te confesseront éternellement, et dans les siècles des siècles.

D. Ici le psalmiste loue l'épouse pour sa descendance. Et à ce propos il expose quatre choses: l'origine de sa descendance, sa dignité, son ministère et son fruit.

1. Ainsi dit-il: À la place de tes pères des fils te sont nés. Les fils de l'Église primitive sont les Apôtres et leurs successeurs. Des fils sont dits être nés de l'Église par la doctrine du Christ son époux, d'autres par la doctrine des Apôtres, d'autres encore par la doctrine d'autres prédicateurs. Et c'est pourquoi il n'est pas inconvenant de dire que les fils et les pères sont les mêmes: car les Apôtres eux-mêmes sont les pères de ceux qu'ils ont convertis: "C'est moi qui, par l'Évangile, vous ai engendrés en Jésus-Christ." D'autres sont aussi pères et fils. Ces derniers sont donc les fils nés de l'Église. Ce sont les Apôtres, et les autres hommes saints et les docteurs. Ou bien les bons pères furent les prophètes: "Louons les hommes glorieux dans leur génération, et [qui sont] nos pères." Et à leur place sont nés les fils de l'Église qui se sont acquittés de leur dignité; et telle est manifestement la descendance et l'origine de l'épouse.

2. Il expose ensuite la dignité de sa descendance: tu les établiras princes sur toute la terre, c'est-à-dire que tu prendras ceux qui les premiers ont le pouvoir. Ces derniers sont donc appelés princes, parce qu'ils ont reçu les premiers les dons de l'Esprit-Saint: "Non seulement [toutes les créatures], mais aussi nous-mêmes avons [reçu] les prémices de l'Esprit", les premiers dans le temps, et plus abondamment que les autres, dit la Glose. C'est pourquoi, de même qu'aucune femme n'est comparée à la Vierge bienheureuse, ainsi aucun saint ne peut être comparé ou égalé aux Apôtres. De même, ils sont appelés princes, parce qu'ils furent et sont ceux qui gouvernent les Églises. Pareillement, parce qu'ils furent les premiers à être nos docteurs après le Christ: "Des princes joints à des joueurs de psaltérion ont précédé, au milieu de jeunes filles battant du tambour." Ces princes doivent être aimés: "Votre coeur aime les princes d'Israël." Tu établiras princes ceux qui ne sont pas établis par eux-mêmes, mais par le Christ: "Ce n'est pas vous qui m'avez choisi, mais c'est moi qui vous ai choisis et vous ai établis." Semblablement, les autres dignitaires de l'Église sont établis par le souverain pontife: "Nul ne s'attribue à lui-même cet honneur, sinon celui qui est appelé de Dieu, comme Aaron." Et non dans une partie du monde, mais sur toute la terre: "Leur bruit s'est répandu dans toute la terre, et leurs paroles jusques aux confins du globe de la terre." - "Mais pour moi, ô Dieu, tes amis sont extrêmement honorables." Et cela convient spécialement à Pierre et à Paul; car Pierre obtint la primauté universelle de l'Église: "Pais mes brebis." Paul obtint la primauté sur le monde entier quant aux nations païennes: "Voici que je t'ai établi lumière des nations, afin que tu sois mon salut jusqu'à l'extrémité de la terre." Et Paul dit lui-même cela, comme le rapporte le livre des Actes des Apôtres.

3. Ils se souviendront de ton nom, Seigneur, dans toute la suite des générations. Ici il expose le ministère des Apôtres, qui est de prêcher le nom de Dieu: "Allez dans le monde entier, et prêchez l'Évangile à toute créature"; et c'est pourquoi il dit: Ils se souviendront, c'est-à-dire feront en sorte de garder la mémoire, de ton nom dans la suite des générations, quant au lieu, car c'est dans toutes les parties du monde; des générations, quant au temps, car "le ciel et la terre passeront, mais mes paroles ne passeront point"; - "Voici que je suis avec vous tous les jours, jusqu'à la consommation du siècle."

4. C'est pour cela que les peuples te confesseront éternellement, et dans les siècles des siècles. Ici le psalmiste expose le fruit de la descendance de l'épouse, qui consiste en ce que tous les peuples te confesseront, ô Christ; et il dit: [des] peuples, parce qu'il ne s'agit pas seulement d'un seul peuple, mais de tous les peuples: "Que les peuples te confessent, ô Dieu, que tous les peuples te louent." - "Que toute langue confesse que le Seigneur Jésus-Christ est dans la gloire de Dieu le Père." Ceux-ci te confesseront éternellement. En grec eis aiôna (in aeternum, éternellement) a le même sens que ho aiôn (saeculum, siècle) ou ê aidiôtês (aevum, l'éternité); c'est pourquoi la Glose commente: in aeternum (éternellement), à savoir le siècle présent, et in saeculum saeculi (dans les siècles des siècles), c'est-à-dire dans le futur. Et ce souvenir durera éternellement: "Ils obtiendront la joie et l'allégresse, et la douleur fuira ainsi que le gémissement." Une autre version lit: "Memor ero nominis tui, etc. Je me souviendrai de ton nom)." Et cette version est meilleure: elle s'applique alors au fruit des Apôtres, et elle sera la voix du peuple converti, autrement dit: je dis que tu les établiras princes; et moi, peuple chrétien, je me souviendrai de ton nom, etc. En cela est signifiée la foi qui est dans le coeur; et ensuite la louange qui vient après la foi.

Ce psaume se chante en la fête de la Nativité du Seigneur à cause de la louange de l'époux. Il se chante aussi aux fêtes de la Vierge, en raison de sa louange. En relation avec la fête de la Nativité du Seigneur il dit: beauté. Et en relation avec les fêtes de la Vierge il dit: La reine s'est tenue debout. Il se chante pareillement aux fêtes des vierges, car elles seront amenées au roi. Semblablement aux fêtes des Apôtres, car il dit: À la place de tes pères.

 

 

COMMENTAIRE DU PSAUME 45

1 Pour la fin, des fils de Coré, pour les secrets, psaume.

2 Dieu est notre refuge et notre force, notre aide dans les tribulations qui nous ont par trop assaillis. 3 C'est pour cela que nous ne craindrons pas, tandis que la terre sera bouleversée, et que les montagnes seront transportées au coeur de la mer.

4 Leurs eaux ont retenti et ont été agitées; les montagnes ont été ébranlées par sa force.

5 L'impétuosité d'un fleuve réjouit la cité de Dieu; le Très-Haut a sanctifié son tabernacle.

6 Dieu est au milieu d'elle, elle ne sera pas ébranlée; Dieu la secourra des le matin, au point du jour.

7 Des nations ont été troublées et des royaumes ont chancelé; il a fait entendre sa voix, [et] la terre a été ébranlée.

8 Le Seigneur des armées est avec nous: notre soutien est le Dieu de Jacob.

9 Venez et voyez les oeuvres du Seigneur, les prodiges qu'il a opérés sur la terre, 10 en faisant cesser les guerres jusqu'à l'extrémité de la terre. Il brisera l'arc et mettra les armes en pièces; et il brûlera les boucliers au feu.

11 Vaquez au repos et voyez que je suis Dieu, je serai exalté dans les nations et je serai exalté sur la terre. 12 Le Seigneur des armées est avec nous: notre soutien est le Dieu de Jacob.

 

1 Pour la fin, des fils de Coré, pour les secrets, psaume.

2 Dieu est notre refuge et notre force, notre aide dans les tribulations qui nous ont par trop assaillis. 3 C'est pour cela que nous ne craindrons pas, tandis que la terre sera bouleversée, et que les montagnes seront transportées au coeur de la mer.

Le psalmiste, après avoir demandé le secours divin face aux adversités qu'il endure de la part de ses ennemis, en disant: "Ô Dieu, nous avons entendu de nos oreilles I" ) et montré, comme s'il avait déjà été exaucé, la gloire du roi, en disant: "Mon coeur a émis une bonne parole"; maintenant qu'il a été exaucé en faveur du peuple, montre le bienfait donné au peuple. Et de même que dans le psaume précédent est signifiée la gloire du Christ, ainsi dans ce psaume sont signifiés les bienfaits attribués aux fidèles du Christ. D'où la même signification contenue dans le titre de ce psaume, lequel comporte une double version.

"In finem Psalmus David pro arcanis (Pour la fin, psaume de David, pour les secrets)." Les secrets, qui sont dans le principe, sont cachés, à savoir que le Fils de Dieu s'est fait homme, que le Fils de Dieu est mort, que les nations païennes se sont converties au Christ. Ces vérités furent très secrètes: "Mon secret est pour moi." - "Mystère [du Christ] qui, dans les autres générations, n'a pas été découvert aux enfants des hommes." Et ces vérités ont été révélées par le Christ: "Je dirai des choses cachées depuis la fondation du monde." - "Il a produit à la lumière des choses cachées." Donc ce psaume tend à la fin, c'est-à-dire au Christ. Il est de David, pour les secrets, c'est-à-dire en vue de la manifestation des secrets. L'autre version lit: "Pro filiis Core (Pour les fils de Coré)." Par Coré, qui veut dire calvaire, on entend la croix du Christ. Donc ce psaume est attribué aux fidèles de la croix du Christ pour la révélation des secrets. La iuxta Hebraeos de Jérôme lit: "Pro viventibus (Pour les vivants)." Car le psalmiste traite ici de la tribulation et de la conservation de la vie en eux. Il est donc destiné aux vivants, c'est-à-dire à ceux qui sont conservés en vie; et ceux qui sont gardés par le secours de Dieu, sont dits être dans le secret: "Tu les cacheras dans le secret de ta face, contre la persécution des hommes."

Ce psaume se divise en deux parties.

I) Le psalmiste traite d'abord du secours divin contre les tribulations.

II) Puis de la paix accordée après ces tribulations: 9 Venez et voyez.

I. En traitant du secours divin contre les tribulations il fait deux choses.

A) Il commence par parler de la cause de ces bienfaits.

B) Puis il fait connaître les maux et les bienfaits donnés contre les maux: 4 Leurs eaux ont retenti.

A. En faisant connaître la cause de ces bienfaits il fait deux choses.

1) Il expose d'abord le secours de Dieu contre les tribulations passées.

2) Puis il expose sa confiance conçue a propos des [tribulations] futures: 3 C'est pour cela que nous ne craindrons pas.

1. En exposant d'abord le secours de Dieu contre les tribulations passées il fait deux choses.

a) Il traite en premier lieu du secours de Dieu.

b) Puis de la tribulation contre laquelle le secours divin est donné.

a. Si quelqu'un veut secourir un affligé, il fait cela de trois manières. D'abord, en accueillant le fuyard lui-même: et cela est peu de chose; ensuite, en l'assistant dans la tribulation où il se trouve; enfin, en lui offrant son secours extérieurement.

Et Dieu, qui est un refuge, accomplit ces trois choses; c'est pourquoi le psalmiste dit: Dieu est notre refuge.- "C'est une tour très forte que le nom du Seigneur."

De même, il aide et fortifie ceux qui combattent et sont affligés; c'est pourquoi il dit: notre force.- "[C'est lui] qui donne la force à [l'homme] las."

Semblablement, il aide extérieurement de lui-même et par les autres; aussi dit-il: notre aide.- "Et le Seigneur s'est fait le refuge du pauvre, son aide dans les nécessités, dans les tribulations."

b. Ce secours est nécessaire dans les tribulations qui nous ont par trop assaillis. Ces tribulations sont et spirituelles et corporelles. Les tribulations spirituelles sont les péchés: et celles-ci arrivent beaucoup aux hommes, car la douleur de la pénitence est la plus grande de toutes les douleurs: "J'ai été affligé et j'ai été humilié à l'excès." Et dans cette tribulation le Christ est un refuge: car dans celle-ci l'homme est consolé, et fortifié par lui, ainsi qu'aidé. Les tribulations corporelles furent réservées aux saints dans l'Église primitive: "Le poids [de la tribulation] a été excessif et au-dessus de notre force, au point que nous étions las de vivre." Et c'est pourquoi il dit: par trop. La version iuxta Hebraeos de Jérôme lit: "Auxilium inventum est in tribulationibus validum (Le secours a été trouvé efficace dans les tribulations)." Et ainsi ce mot nimis (par trop) se rapporte à l'aide divine.

2. C'est pour cela que nous ne craindrons pas. - "Le Seigneur est ma lumière et mon salut: qui craindrai-je ?" Autrement dit: Je ne craindrai nullement. Et à juste titre, parce que lui-même est Dieu, notre refuge et notre force, notre aide dans les tribulations qui nous ont par trop assaillis.

Il montre ensuite ce qui doit être craint. Or deux choses sont à craindre: la tribulation générale, et l'oppression des grands. Il y a tribulation générale lorsque tous sont massacrés. L'autre a lieu lorsque les princes sont pris. Dans ces deux cas la crainte se produit. Mais moi je ne craindrai pas tandis que la terre sera bouleversée, c'est-à-dire si tout le peuple est dans la tribulation, et que des montagnes seront transportées au coeur de la mer. Je rie craindrai même pas si des grands sont pris. Mais au sens mystique, par la terre qui est ferme, on entend la Judée, qui fut ferme dans la connaissance du Dieu unique, et elle était bien établie et entourée de nations païennes, comme la terre est entourée par la mer et ceinturée par les eaux: "Votre terre est déserte", et elle signifie ainsi la persécution que les fidèles ont soufferte de la part des Juifs, autrement dit: je ne craindrai pas tandis que la Judée sera bouleversée par la prédication du Christ: "Ayant appris cela, le roi Hérode se troubla, et tout Jérusalem avec lui." Et je ne craindrai pas, parce que les montagnes, c'est-à-dire les Apôtres, se transporteront vers les nations païennes: "Voilà que nous nous tournons vers les nations païennes." au coeur de la mer, c'est-à-dire dans l'étendue des nations païennes, car elles tinrent les Apôtres en grand respect. Ou bien, au coeur de la mer, c'est-à-dire jusqu'aux profondeurs et aux extrémités de la terre: "Je t'enverrai bien loin vers les nations."

4 Leurs eaux ont retenti et ont été agitées; les montagnes ont été ébranlées par sa force.

B. Leurs eaux ont retenti et ont été agitées.

1. Ici le psalmiste montre quelles sont ces tribulations.

a) Et il les fait d'abord connaître par une métaphore.

b) Puis il en donne l'explication.

a. Ainsi dit-il: Leurs eaux ont retenti et ont été agitées. Selon une version de Jérôme on lit: "aquae ejus (ses eaux)". Et cette version est meilleure. En voici le sens: ses eaux, c'est-à-dire de la mer, "seront transportées au coeur de la mer", c'est-à-dire les peuples "ont retenti", à cause de leur colère contre nous: "Sur moi s'est appesantie ta fureur, et tu as fait passer tous tes flots sur moi." Mais les montagnes, c'est-à-dire les princes comme Néron et d'autres, ont été ébranlées par sa force, c'est-à-dire de Dieu, car en vertu de cette force les montagnes aussi ont été ébranlées. L'hébreu lit: "par son orgueil".

b. Au sens mystique il s'exprime ainsi: les montagnes [...] ont retenti, c'est-à-dire les Apôtres qui sont appelés montagnes. [Les] eaux [...] ont été agitées, c'est-à-dire les peuples des nations païennes, ont été agités au bruit des montagnes, c'est-à-dire à la prédication des Apôtres. Les eaux signifient la sagesse, autrement dit les eaux, c'est-à-dire les prophéties des nations païennes, ont été agitées: "Je perdrai la sagesse des sages, et, la prudence des prudents, je la réprouverai." Ou bien les montagnes, c'est-à-dire les Apôtres, ont été ébranlées, à savoir extérieurement par les tribulations, par [la] force de la mer.

Mais il semble qu'il dit le contraire ailleurs: "Le juste ne sera pas troublé."

Il faut dire que c'est vrai intérieurement, parce que la tribulation n'affligera pas le juste, quoi qu'il lui arrive.

5 L'impétuosité d'un fleuve réjouit la cité de Dieu; le Très-Haut a sanctifié son tabernacle.

2. Le psalmiste a exposé par une similitude les tribulations que les saints ont endurées; mais ici il recourt à une autre similitude pour faire connaître la consolation divine à l'égard de deux choses: quant à l'abondance de la grâce divine, et quant à l'assistance de la présence divine: 6 Dieu est au milieu d'elle.

De même que la tribulation est exprimée par la similitude des eaux qui mugissent et qui s'agitent, ainsi la consolation est exprimée par la similitude d'un fleuve, parce qu'il signifie la grâce en raison de l'abondance de l'eau, puisque dans la grâce est contenue l'abondance des dons: "Le fleuve de Dieu a été rempli d'eaux, tu as par là préparé la nourriture des hommes." Et puisque le fleuve dérive de son principe, c'est-à-dire de sa source, mais non point la source du fleuve, car la source est dans son principe, ainsi l'Esprit-Saint est du Père et du Fils: "Il me montra aussi un fleuve d'eau vive, brillant comme du cristal, sortant du trône de Dieu et de l'Agneau." Semblablement, puisqu'un fleuve déplace du sable et des pierres, ainsi l'Esprit-Saint meut le coeur en vue d'agir: "Celui qui croit en moi, de son sein, comme dit l'Écriture, couleront des fleuves d'eau vive." Mais il y a des fleuves qui ont un débit lent; ce n'est pas le cas de celui-ci; puisqu'il est rapide; aussi dit-il: L'impétuosité d'un fleuve. Et cela se rapporte à deux choses. D'abord au fait que l'Esprit-Saint envahit soudainement le coeur de sa grâce: "Il se fit soudain un bruit du ciel, comme celui d'un vent impétueux qui arrive, et il remplit toute la maison où ils demeuraient." Ou bien autrement: l'Esprit-Saint meut le coeur par un élan d'amour: "Lorsqu'il viendra comme un fleuve impétueux." - "Ceux qui sont conduits par l'Esprit de Dieu sont fils de Dieu." - "Source de jardin, puits d'eaux vives, qui coulent avec impétuosité du Liban." La version iuxta Hebraeos de Jérôme lit: "fluminis divisiones (les canaux du fleuve)". Et ces canaux sont les grâces du Saint-Esprit; car "à la vérité, il y a des grâces diverses, mais c'est le même Esprit". L'effet est double.

a. Le premier est celui de la joie; et le psalmiste désigne cela lorsqu'il dit: réjouit la cité de Dieu. Et ceci est manifesté par l'autorité de l'Écriture disant: "Le royaume de Dieu n'est ni le manger ni le boire; mais il est justice, paix et joie dans l'Esprit-Saint." - "Les fruits de l'Esprit sont: la charité, la joie, la paix, la patience, la douceur, la bonté, la longanimité, la mansuétude, la foi, la modestie, la continence, la chasteté."

Et puis cela se rapporte au fait que l'Esprit-Saint fait aimer Dieu. Et dans cet amour il y a toujours de la joie, car n'importe qui jouit de la présence de l'aimé; et celui qui aime Dieu, garde Dieu présent: "Qui demeure dans la charité demeure en Dieu, et Dieu en lui." Cette cité est l'Église: "Des choses glorieuses ont été dites de toi, cité de Dieu." Il y a trois choses dans cette cité qui relèvent de son organisation. Il y a d'abord le fait qu'il y a là une multitude de citoyens de condition libre, car s'il n'y en a qu'un seul ou peu, il n'y a pas de cité; et semblablement s'ils sont esclaves. Et cela se rencontre surtout dans l'Église: "Nous ne sommes pas les fils de la servante, mais de la femme libre." Puis il y a le fait qu'elle se suffit à elle-même. Car dans un village on ne trouve pas toutes les choses nécessaires à la vie humaine, pour les bien-portants et pour les malades; tandis que dans une ville il convient de trouver tout ce qui est nécessaire à la vie. Et cette capacité se rencontre dans l'Église; car on trouve en elle tout ce qui est nécessaire à la vie spirituelle: "Nous serons remplis des biens de ta maison." La troisième chose est l'unité des citoyens; car c'est d'elle, c'est-à-dire de l'unité des citoyens, que la cité reçoit sa dénomination; car le mot cité équivaut à unité de citoyens. Et cette unité est dans l'Église: "Afin qu'ils soient un [en nous,] comme nous sommes un." Donc cette cité se réjouit par la grâce de l'Esprit-Saint descendant sur elle.

b. Le deuxième effet est celui de la sainteté, aussi dit-il: le Très-Haut [y] a sanctifié son tabernacle. Ce tabernacle est d'une certaine manière la cité elle-même. Dans la cité habitent ceux qui se reposent; dans le tabernacle est l'Église militante, qui jouit ici-bas de la paix, à savoir de celle qui vient de Dieu; et cependant elle souffre de l'agitation du monde: "Je vous ai dit ces choses, afin que vous ayez la paix en moi. Dans le monde vous aurez des tribulations; mais prenez confiance, moi j'ai vaincu le monde." Et c'est pourquoi, en raison de la première chose, l'Église est appelée cité; en raison de la deuxième chose elle est appelée tabernacle. Donc le Très-Haut a sanctifié ce tabernacle par son propre sang: "C'est pourquoi Jésus lui-même, pour sanctifier le peuple par son sang, a souffert hors de la porte." Semblablement, il a sanctifié ce tabernacle par les sacrements dans lesquels opère la vertu du sang du Christ: "Mais vous avez été lavés, mais vous avez été sanctifiés, mais vous avez été justifiés au nom de Notre-Seigneur Jésus-Christ et par l'Esprit de notre Dieu." Ou bien d'une autre manière: dans la cité et dans l'armée se trouve la tente principale du roi ou du chef; ainsi dans cette cité, à savoir dans l'Église, le tabernacle principal est le corps du Christ. Et le corps est appelé tabernacle: "Certain que bientôt se fera l'enlèvement de ma tente (tabernaculum)." Et ainsi le corps du Christ est le tabernacle, parce qu'en lui réside toute la plénitude de la divinité. Le Très-Haut a sanctifié ce tabernacle: non point en ce sens qu'il n'aurait pas été saint autrefois, mais parce que dans sa conception proprement dite lui-même l'a formé saint: sainteté qui fut à un degré unique dans le Christ.

6 Dieu est au milieu d'elle, elle ne sera pas ébranlée; Dieu la secourra dès le matin, au point du jour.

3. Ici le psalmiste expose la consolation de la présence divine.

a) Et il expose d'abord le bienfait de cette présence.

b) Puis son effet: elle ne sera pas ébranlée.

a. Ainsi dit-il: Dieu est au milieu d'elle, c'est-à-dire de l'Église: "Il publiera que Dieu est vraiment au milieu de vous." Et il dit: au milieu, afin de montrer qu'il ne fait pas acception des personnes, comme le rapportent les Actes des Apôtres et l'épître aux Éphésiens. Or on appelle milieu ce qui est à distance égale des extrémités. Et Dieu en tant que tel se comporte avec équité vis-à-vis de tous: "Jésus se tint debout au milieu" de ses disciples. - "L'arbre de vie [était] au milieu du paradis." Ou bien il dit: au milieu, parce qu'on dit que le coeur est au milieu de l'homme. Donc, puisque Dieu habite dans nos coeurs, il est dit être au milieu.

b. L'effet est double: la stabilité contre les maux, et la fermeté en vue des biens.

Ainsi il est dit que Dieu est au milieu d'elle, c'est-à-dire de cette cité; elle ne sera pas ébranlée, c'est-à-dire qu'elle est rendue ferme et stable: "Ceux qui se confient dans le Seigneur sont comme la montagne de Sion: il ne sera jamais ébranlé, celui qui habite dans Jérusalem." - "Les portes de l'enfer ne prévaudront point contre elle."

À propos de la fermeté en vue des biens il dit: Dieu la secourra, parce que non seulement il faut que la stabilité lui soit donnée contre les maux, mais aussi le secours pour accomplir les biens. Ainsi dit-il: Dieu la secourra, c'est-à-dire l'Église, au point du jour. Par le matin on entend le principe d'une bonne oeuvre. Certains disent que le principe du bien résulte d'un principe naturel, mais sa fin et son achèvement résultent de Dieu. Mais c'est le contraire, puisqu'il dit ici: le matin, c'est-à-dire dès le début d'une bonne oeuvre. Il y a un commencement d'une bonne oeuvre qui se fonde sur l'intelligence, autrement dit sur la pensée, et un autre commencement qui se fonde sur la volonté: et ces deux choses appartiennent à Dieu, car "nous ne sommes pas suffisants pour donner une pensée par nous-mêmes, comme [venant] de nous", ainsi que l'écrit l'apôtre Paul dans sa seconde épître aux Corinthiens, "mais notre suffisance vient de Dieu". Et de même, "c'est [Dieu] lui-même qui opère en vous et le vouloir et le faire", comme l'écrit encore l'Apôtre dans son épître aux Philippiens. Et par le fait que le psalmiste ajoute: au point du jour, il signifie que l'Église est aidée par l'illumination spirituelle de l'Esprit-Saint: "Lève-toi, reçois la lumière, Jérusalem, parce que ta lumière est venue, et que la gloire du Seigneur sur toi s'est levée." Une autre version lit: "vultu suo (par son visage)", et cela se réfère à la condition présente; et ainsi ce mot signifie la présence de son secours, comme s'il lui venait en aide en tant qu'agent principal, selon ce verset du psaume 79: "Montre[-nous, Seigneur,] ta face, et nous serons sauvés." Ou bien cela se réfère à la condition présente, autrement dit: à présent il est au milieu d'elle, et il permet qu'elle soit ébranlée, mais dans le futur il lui offrira son secours par la vue de son visage: "Tu le rempliras de joie par [la vue de] ton visage." On lit cette version en hébreu. Et ainsi mane (dès le matin) et diluculo (au point du jour) ont le même sens, à savoir le sens d'observation du point du jour, car l'heure matinale est la meilleure pour contempler: "Dès le matin je me présenterai devant toi, et je verrai que tu n'es pas un Dieu qui veut l'iniquité." Et de même: "Je méditerai les matins sur toi, parce que tu as été mon aide", autrement dit: "Dieu la secourra par son visage", c'est-à-dire par la contemplation de sa hauteur. Et ces paroles peuvent être rapportées à la Vierge bienheureuse, car elle est elle-même la cité, et dans cette cité habita l'impétuosité du fleuve, c'est-à-dire l'Esprit-Saint, qui réjouit le Christ, et le sanctifia dans le sein de sa mère, après que son corps fut formé et son âme créée. Dès ce moment-là la gloire du Seigneur commença à couvrir la tente (tabernaculum) du Seigneur, comme on le rapporte dans l'Exode. Mais autre est la sanctification de la Vierge bienheureuse et celle des saints; car ces derniers furent sanctifiés de telle sorte qu'ils n'ont jamais péché mortellement, mais bien véniellement: "Si nous disons que nous n'avons pas de péché, nous nous trompons nous-mêmes, et la vérité n'est pas en nous." Mais la Vierge, elle, n'a jamais péché, ni mortellement, ni véniellement: "Tu es toute belle, mon amie, et aucune tache n'est en toi." Et c'est pourquoi il dit: elle ne sera pas ébranlée, pas même par le péché véniel. Aussi dit-il: Dieu la secourra dès le matin, au point du jour, c'est-à-dire tandis qu'elle est encore dans le sein. Et c'est ce qu'il dit, puisque le Seigneur lui porta secours dans sa propre naissance matutinale.

7 Des nations ont été troublées et des royaumes ont chancelé; il a fait entendre sa voix, [et] la terre a été ébranlée.

4. Plus haut le psalmiste a exposé l'affliction des autres ainsi que sa propre consolation par une similitude; mais ici il explique:

a) D'abord ce qu'il a dit à propos de l'affliction.

b) Puis ce qu'il a dit à propos de la consolation: 8 Le Seigneur des armées; et il explique toutes ces choses avec ordre.

a. En parlant plus haut de la tribulation il a dit: Leurs eaux ont retenti et ont été agitées; il y traitait de son trouble et de sa cause: par sa force. Semblablement, de l'agitation de l'eau; et il explique cela lorsqu'il dit: Des nations ont été troublées. - "Les eaux que tu as vues, et où la prostituée est assise, sont des peuples, des nations et des langues." Ils ont été troublés, dans le mal, parce qu'ils ont agi en insensés contre le Christ. Ou dans le bien: car celui qui se tourne vers le bien éprouve de l'affliction à l'égard de son habitude passée. Semblablement, les montagnes ont été ébranlées. Et il dit: des royaumes ont chancelé, c'est-à-dire les rois de la terre se sont humiliés en se tournant vers la foi au Christ: "La face contre terre, ils se prosterneront devant toi, et ils lécheront la poussière de tes pieds."

Et il explique la cause de la tribulation lorsqu'il dit: il a fait entendre sa voix. Il a dit plus haut: par sa force; ainsi dans l'Ancien Testament il dit: il a fait entendre sa voix, mais par les prophètes; ensuite cependant par lui-même: "Et le Seigneur a tonné du ciel, et le Très-Haut a fait entendre sa voix; [et il est tombé] de la grêle et des charbons de feu." - "Que ta voix retentisse à mes oreilles." À cette voix, la terre a été ébranlée, d'abord la terre de Judée, ensuite toute la terre de manière universelle: "Par l'ébranlement sera ébranlée la terre." Mais certains ont été ébranlés pour le mal par la voix du Christ: par exemple les pharisiens et beaucoup d'autres. D'autres ont été ébranlés en vue du bien, comme les Apôtres et ceux qui se sont convertis à la foi.

8 Le Seigneur des armées est avec nous: notre soutien est le Dieu de Jacob.

b. Ici il explique ce qu'il dit de la consolation: Dieu est au milieu d'elle. Et il décrit Dieu aidant, et sa présence et son secours.

Il décrit Dieu de deux manières: car il est le Seigneur des armées, parce qu'il ne domine pas seulement sur les créatures inférieures, mais aussi sur les puissances célestes. Il ne suffisait pas à l'homme que des anges lui soient envoyés - ces anges que Dieu envoya pour donner l'Ancienne Alliance -, mais il fallait que lui-même vînt, pour faire connaître que l'âme de l'homme est d'une excellence telle qu'elle ne peut être béatifiée, si ce n'est dans le Dieu des armées: "Dieu des armées, reviens, regarde du haut du ciel et vois, et visite cette vigne."

Et il est avec nous d'abord par la ressemblance de la chair: "Il s'est anéanti lui-même, prenant la forme d'esclave, ayant été fait semblable aux hommes, pour son aspect." De même il est avec nous par sa conversation familière: "Après cela, il a été vu sur la terre, et il a conversé avec les hommes." De même, il habite en nous par sa grâce: "Que le Christ habite par la foi dans vos coeurs, et qu'enracinés et fondés dans la charité, vous puissiez comprendre avec tous les saints quelle est la largeur et la longueur, la hauteur et la profondeur, et connaître aussi la charité du Christ, qui surpasse toute science, afin que vous soyez remplis de toute la plénitude de Dieu." Et c'est pourquoi on dit Emmanuel, c'est-à-dire "Dieu avec nous".

notre soutien est le Dieu de Jacob. Il montre ici le secours qu'il obtient de Dieu, car lui-même est notre soutien, lui qui nous accueille dans sa sollicitude: "Mais toi, Seigneur, tu es mon soutien, ma gloire, et tu élèves ma tête." Ou bien il montre comment il est avec nous, puisqu'il assume notre nature: "Nulle part il ne prend les anges, mais c'est la race d'Abraham qu'il prend." Voilà pourquoi il est appelé Dieu de Jacob. Il est appelé [Dieu] des armées à cause des nations païennes, de crainte qu'elles ne croient que nous n'avons pas un autre Dieu qu'eux-mêmes: "Il ne rougit pas de les appeler frères, disant: "J'annoncerai ton nom à mes frères; je te louerai au milieu de l'assemblée.""

9 Venez et voyez les oeuvres du Seigneur, les prodiges qu'il a opérés sur la terre, 10 en faisant cesser les guerres jus qu'à l'extrémité de la terre. Il brisera l'arc et mettra les armes en pièces; et il brûlera les boucliers au feu.

II. Le psalmiste exprime ici la tranquillité qui résulte de la présence et de l'aide divines; et il fait trois choses.

A) Il commence par éveiller l'attention.

B) Puis il expose ce qu'est la tranquillité.

C) Enfin il introduit une conclusion.

A. Il commence donc par amener à la considération des oeuvres divines; et c'est pourquoi il dit: Venez par la foi: "C'est par la foi que nous marchons, et non par une claire vision." et voyez, par le zèle et l'attention aimante: "Venez à moi, vous tous qui prenez de la peine et qui êtes chargés, et je vous soulagerai." et voyez, c'est-à-dire considérez, les oeuvres du Seigneur. - "L'oeuvre du Seigneur, vous n'y avez pas égard, et les ouvrages de ses mains, vous ne les considérez pas." Cela s'adresse aux pécheurs. - "Merveilleuses sont tes oeuvres, mon âme le reconnaît parfaitement."

les prodiges qu'il a opérés sur la terre. Ces oeuvres sont des prodiges qui annoncent un événement à venir. Et ce sont des merveilles qui eurent lieu au temps du Christ, soit autour de sa mort, soit celles qu'il accomplit au cours de sa vie: toutes choses qui furent des signes d'un événement futur. Et ils ont lieu sur la terre, c'est-à-dire sur toute puissance naturelle.

Et quelles sont ces oeuvres, il le montre en disant: en faisant cesser les guerres.

1) Ce fut d'abord une oeuvre de paix.

2) Puis il montre la grandeur de cette oeuvre.

3) Enfin son utilité.

1. Il fit cesser les guerres, parce qu'au temps de la nativité du Christ la paix se fit dans le monde entier: "Dans ses jours s'élèvera la justice, et une abondance de paix: jusqu'à ce que la lune disparaisse entièrement." - "Là il a brisé la puissance des arcs, le bouclier, le glaive et la guerre." Et ces oeuvres signifiaient la paix que le Christ vint établir entre Dieu et la nature humaine.

2. La grandeur de la paix est montrée quant au lieu, car il dit: jusqu'à l'extrémité de la terre, puisque ce fut comme une paix universelle. Au sens littéral, cela eut lieu au temps de la nativité du Christ, car, les guerres civiles ayant alors cessé, Octave dominait sur le monde entier. Et cette paix annonçait que la paix du Christ devait descendre sur tous les hommes: "Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et sur la terre, paix aux hommes de bonne volonté." Puis la grandeur de la paix est montrée quant au temps, car elle est de longue durée. Et il décrit cette longue durée, car si l'homme craint la guerre, il conserve les armes; et c'est pourquoi il dit: Il brisera l'arc et mettra les armes en pièces, autrement dit, aussi longtemps que durera la paix, que tous livrent leurs armes à l'oubli; car cette paix durera longtemps: "De leurs glaives ils forgeront des socs de charrue, et de leurs lances des faux." Et il décrit les armes de combat qui frappent à distance, aussi dit-il: il brisera l'arc. - "Je briserai l'arc d'Israël dans la vallée de Jezrahel." Et il décrit les armes qui frappent parfois de près: tels le glaive et la lance. Semblablement il décrit les armes de défense, car il brûlera les boucliers au feu. Et ces oeuvres signifiaient la perpétuité de la paix qui doit être réalisée par le Christ: "Son empire s'accroîtra et la paix n'aura pas de fin." Il brisera l'arc, c'est-à-dire les machinations trompeuses: "Que leur arc soit brisé." Et il mettra les armes en pièces, c'est-à-dire les embûches manifestes: "Lorsque le fort armé garde l'entrée de sa maison, ce qu'il possède est en sûreté." et il brûlera les boucliers au feu, c'est-à-dire les défenses des esprits obstinés, au moyen desquelles ils s'efforcent de résister à la volonté divine: "Son corps est comme des boucliers jetés en fonte et couverts d'écailles épaisses et serrées." Et il brûlera ces armes avec le feu de l'Esprit-Saint, qui dissout la dureté des coeurs: "Je suis venu jeter un feu sur la terre; et que veux-je, sinon qu'il soit allumé ?"

11 Vaquez au repos et voyez que je suis Dieu, je serai exalté dans les nations et je serai exalté sur la terre. 12 Le Seigneur des armées est avec nous: notre soutien est le Dieu de Jacob.

B. Vaquez au repos et voyez. Telle est la fin de la paix. La fin de la paix temporelle, selon le Philosophe, est la contemplation de la vérité. C'est pourquoi la paix est la fin utile de la vie active, et la paix est ordonnée à la contemplation. Et, selon Augustin, le Christ a ménagé la paix à l'Empire romain afin que les Apôtres parcourent le monde entier. Et c'est pourquoi il dit en quoi consiste une si grande paix: Vaquez au repos et voyez. Il est donc manifeste que Dieu donne la paix afin qu'ils ne vaquent pas aux oeuvres mauvaises, mais à la contemplation de la vérité: "Que le mari rende à la femme ce qu'il lui doit, et pareillement la femme à son mari [...] Ne vous refusez point l'un à l'autre ce devoir, si ce n'est de concert, pour un temps, afin que vous vaquiez à la prière." - "Le sage vaquera à l'étude des prophètes." voyez. Il dit deux choses:

1) D'abord que le Christ est le vrai Dieu.

2) Puis que sa foi doit être répandue à travers le monde entier.

1. Il dit d'abord qu'il est Dieu: "Voyez que moi je suis seul, et qu'il n'y a point d'autre Dieu que moi."

2. Quant à l'extension de la foi, il dit: je serai exalté dans les nations, je me révélerai pleinement dans la foi des nations: "Depuis le lever du soleil jusqu'à son coucher, grand est mon nom parmi les nations; et en tout lieu l'on sacrifie, et une oblation pure est offerte à mon nom, parce que grand est mon nom parmi les nations, dit le Seigneur des armées." Et il expose cela une seconde fois: je serai exalté sur la terre, c'est-à-dire sur la terre des Juifs, qui est appelée terre à cause de sa stabilité: "Une partie d'Israël est tombée dans l'aveuglement, jusqu'à ce que la plénitude des nations soit entrée; et qu'ainsi tout Israël soit sauvé."

C. En mentionnant ces choses il montre la grandeur de Dieu, lorsqu'il dit: Le Seigneur des armées est avec nous, autrement dit, par ces grandes oeuvres de Dieu alors manifestées, nous pouvons dire que le Seigneur des armées est avec nous. Ce verset a été commenté plus haut.

 

 

COMMENTAIRE DU PSAUME 46

1 Pour la fin. Des fils de Coré. Psaume.

2 Toutes les nations, battez des mains, jubilez à Dieu avec une voix d'exultation.

3 Parce que le Seigneur est très élevé et terrible, grand roi sur toute la terre. 4 Il nous a soumis des peuples, et [il a mis] des nations païennes sous nos pieds.

5 Il nous a choisis pour son héritage; c'est la beauté de Jacob qu'il a aimée. 6 Dieu est monté avec jubilation, et le Seigneur à la voix de la trompette. 7 Chantez en l'honneur de notre Dieu, chantez: chantez en l'honneur de notre roi, chantez.

8 Parce que Dieu est le roi de toute la terre, chantez avec sagesse. 9 Dieu régnera sur les nations: Dieu est assis sur son trône saint. 10 Les princes des peuples se sont réunis avec le Dieu d'Abraham; parce que les dieux puissants de la terre ont été souverainement élevés.

 

1 Pour la fin. Des fils de Coré. Psaume.

2 Toutes les nations, battez des mains, jubilez à Dieu avec une voix d'exultation.

Dans les psaumes précédents, le psalmiste a exposé la gloire du roi et du royaume; mais ici il exhorte les nations étrangères à se convenir à Dieu. Et il exhorte d'abord à la louange divine. Puis à mettre leur espérance en Dieu: "Écoutez ces choses, [vous] toutes, nations." Enfin il leur enseigne le culte divin: "Le Dieu des dieux, le Seigneur a parlé, et il a appelé la terre."

Le titre de ce psaume est déjà connu, puisqu'il a été commenté plus haut: Pour la fin. Des fils de Coré. Psaume de David. Au sujet de la première exhortation il fait deux choses. Il exhorte d'abord toutes les nations à la louange de Dieu. Puis il expose la matière de cette louange: "Le Seigneur est grand."

En exhortant toutes les nations à la louange de Dieu il fait trois choses.

I. Car il expose d'abord son invitation à la louange de Dieu.

II. Puis sa cause: 3 Parce que le Seigneur est très élevé.

III. Enfin il manifeste cette cause: 6 Dieu est monté.

I. La louange de Dieu doit procéder de la joie du coeur, et il en est de même dans la Patrie: "On y trouvera la joie et l'allégresse, l'action de grâce et la voix de la louange." Cette allégresse du coeur est manifestée par un signe extérieurement, c'est-à-dire par celui d'une action ou d'une parole.

A) Le psalmiste introduit donc à la louange d'abord par des actions.

B) Puis par des paroles.

A. Ainsi dit-il: Toutes les nations, autrement dit: Dieu a fait tant de bien à notre égard, donc louez-le en action: battez des mains. Le battement des mains se fait en signe d'exultation: "Les prêtres battaient des mains", autrement dit: applaudissez, c'est-à-dire montrez l'exultation du coeur par le battement des mains. Et cela a lieu lorsque l'homme se met extérieurement au service de Dieu avec joie: "Servez le Seigneur avec allégresse. Entrez en sa présence avec exultation." - "Tous les arbres du pays battront des mains", c'est-à-dire tous les peuples applaudiront.

B. Semblablement, louez-le par la parole; aussi dit-il: jubilez à Dieu avec une voix d'exultation, c'est-à-dire en montrant par la voix extérieure le sentiment intérieur. Selon la Glose, la jubilation est une joie ineffable qui ne peut être tue, mais qui ne peut être exprimée, parce qu'elle dépasse la compréhension. Et telle est la bonté de Dieu qui ne peut pas être exprimée; et si elle est exprimée, elle est cependant imparfaitement exprimée. Et c'est pourquoi Jérémie disait: "A, a, a, Seigneur Dieu; vois, je ne sais point parler, parce que moi, je suis un enfant." Et l'Église signifie cette jubilation, lorsque sur un même mot elle multiplie des notes musicales: "Jubilate Deo, Jubilez à Dieu, toute la terre, dites un psaume à son nom; donnez gloire à sa louange."

3 Parce que le Seigneur est très élevé et terrible, grand roi sur toute la terre. 4 Il nous a soumis des peuples, et [il a mis] des nations païennes sous nos pieds.

II. Ici le psalmiste expose la cause de la louange, et les biens qui proviennent de la grandeur de Dieu.

A) Il expose d'abord la grandeur de Dieu.

B) Puis le signe de sa grandeur.

A. La grandeur de Dieu est manifestée de deux manières.

1) D'abord par la hauteur de sa puissance.

2) Puis par la majesté de sa domination.

1. Ainsi dit-il: Dieu doit être loué à cause de la hauteur de sa nature, car le Seigneur est très élevé - "Il est élevé au-dessus de toutes les nations, le Seigneur, et au-dessus des cieux est sa gloire." Et parce que les choses élevées nous sont éloignées, on pourrait croire que Dieu ne doit pas être craint, et qu'il n'exerce pas sa providence sur nous, comme certains insensés l'ont prétendu, et au nom desquels le livre de Job rapporte: "Il parcourt les pôles du ciel, il ne s'occupe pas de ce qui nous regarde." Et c'est pourquoi il disait: dans la mesure où cela dépend de toi, tu as aboli la crainte. Mais il n'en est pas ainsi. Celui-ci est très élevé, parce qu'il est terrible, parce qu'il voit toutes choses, punit toutes choses.

2. Semblablement il doit être craint à cause de sa domination, car il est grand roi sur toute la terre. - "Au Seigneur est la terre et toute sa plénitude; le globe du monde et tous ceux qui l'habitent." Il est grand par l'universalité de sa domination, car "son règne est un règne de tous les siècles". Pareillement par sa durée, car il est éternel. De même par son autorité, parce qu'il est le roi de tous les rois.

B. Le signe de la grandeur de ce roi se fonde sur ce qu'il a fait envers nous, et ce sont les bienfaits de Dieu.

1) D'abord dans la soumission des autres.

2) Puis dans le don des bienfaits.

1. Ainsi dit-il: Il nous a soumis des peuples. Ce sont les paroles de l'Église, à laquelle même ses ennemis se sont soumis temporellement. Selon Augustin d'après la Glose, combien à présent qui, sans être encore chrétiens, accourent vers l'Église, demandent son assistance, veulent être secourus temporellement, bien qu'ils refusent encore de régner éternellement avec nous." Ce sont aussi les paroles des Apôtres: Il nous a soumis des peuples, c'est-à-dire des Juifs, et des païens, c'est-à-dire des nations, sous nos pieds. Il est écrit dans Isaïe: "Qu'ils sont beaux sur les montagnes, les pieds de celui qui annonce et qui prêche la paix." Et encore: "Afin d'assujettir devant sa face les nations." Certains se sont convertis à la foi, et ceux-ci se sont soumis par leur propre volonté. D'autres ne se sont pas convertis, mais vivent à la façon des païens; mais ceux-ci ont été soumis sous nos pieds, parce que finalement ils seront écrasés sous notre pouvoir judiciaire.

5 Il nous a choisis pour son héritage; c'est la beauté de Jacob qu'il a aimée. "Dieu est monté avec jubilation, et le Seigneur à la voix de la trompette. 7 Chantez en l'honneur de notre Dieu, chantez: chantez en l'honneur de notre roi, chantez.

2. Ici le psalmiste expose l'autre bienfait du don des biens. Il faut noter à ce propos que le choix implique une acceptation de l'un envers l'autre. Or le choix de Dieu peut être accueilli selon un double point de vue.

a. D'abord, en considérant les biens qui sont conférés; et dans ce cas il faut faire la distinction suivante: car certains d'entre ces biens sont temporels, d'autres spirituels. Les pécheurs impies, eux, reçoivent en partage les biens temporels qui leur échoient: "Tel est notre partage et notre sort." Mais les justes reçoivent en partage Dieu lui-même: "Le Seigneur est la part de mon héritage et de mon calice." Tandis que Dieu s'est choisi des biens spirituels, c'est-à-dire nous a fait choisir des biens spirituels. Il nous a choisis pour son héritage, autrement dit: alors qu'il y a diverses parts de biens, il a choisi de nous donner son héritage.

b. Puis le choix de Dieu est considéré du côté de ceux à qui l'héritage est donné; et ainsi a lieu le partage, car tous les damnés sont dans le péché originel, cependant certains sont sauvés par le choix de Dieu. Et c'est pourquoi il dit: Il nous a choisis, etc. Et quel est cet héritage, il le montre en disant: c'est la beauté de Jacob qu'il a aimée. Une version de Jérôme lit: "gloriam, vel superbiam Jacob (c'est la gloire, ou l'orgueil de Jacob)." Et ici le mot superbia (orgueil) a le sens d'excellence: "Je ferai de toi l'orgueil", c'est-à-dire l'excellence, "des siècles". De même avec le mot "gloire", c'est-à-dire avec l'aspect ou la beauté; car dans ce même héritage éternel ils seront excellents, glorieux et beaux: "Que le Seigneur te bénisse, beauté de justice, montagne sainte." qu'il a aimée, ou bien que Jacob aima, autrement dit: cet héritage est la gloire de Jacob, c'est-à-dire du fidèle; cette gloire que Dieu a aimée, parce que "le Seigneur a aimé les portes de Sion plus que toutes les tentes de Jacob". Ou bien: l'aspect de Jacob, c'est-à-dire ce qui est représenté par Jacob; car lui ont été représentés des biens spirituels, pour lesquels nous avons été choisis; ainsi en est-il de l'échelle qu'il a vue, et d'autres choses semblables. Mais la première lecture est meilleure.

III. Dieu est monté avec jubilation. Ici le psalmiste manifeste la cause et l'ordre de la louange divine. Il dit qu'il est très élevé et qu'il est un grand roi: et pour cette raison il doit être loué. Mais est-il vraiment très élevé ? Oui vraiment.

A) Et il commence par montrer son excellence.

B) Puis il montre l'étendue de son règne: 8 Parce que Dieu.

A. En montrant son excellence il fait deux choses.

1) Il expose d'abord son excellence.

2) Puis il conclut sur une exhortation: 7 chantez.

1. Ainsi je dis qu'il est très élevé, parce qu'il monte. Mais s'il est très élevé, comment est-il monté ? Parce qu'il est descendu: "Que signifie: "Il est monté", sinon qu'il était descendu d'abord dans les régions inférieures de la terre ? Celui qui est descendu est celui-là même qui est monté au-dessus de tous les cieux, afin de tout remplir." Mais comment est-il monté ? avec jubilation. La jubilation est une joie immense, et cette jubilation signifie la connaissance imparfaite. Il y eut deux genres de chants dans l'Ascension du Christ: celui des Apôtres et celui des Anges. Les Apôtres, eux, ont une connaissance imparfaite des réalités divines; et c'est pourquoi la jubilation exprimant la joie de l'Ascension du Christ en gloire leur convient. Semblablement il y eut les Anges qui, eux, eurent une connaissance claire; mais à ces derniers ne convient pas la jubilation, mais l'annonce manifeste; et c'est pourquoi le psalmiste dit: et le Seigneur à la voix de la trompette. D'où ces paroles des Anges: "Hommes de Galilée, pourquoi vous tenez-vous là, regardant au ciel ? Ce Jésus, qui au milieu de vous a été enlevé au ciel, viendra de la même manière que vous l'avez vu s'en aller au ciel."

2. Donc, s'il est très élevé, chantez en l'honneur de notre Dieu, de bouche, chantez en l'honneur de notre roi, de coeur: "Je chanterai d'esprit des cantiques, mais je les chanterai aussi avec l'intelligence."

8 Parce que Dieu est le roi de toute la terre, chantez avec sagesse. 9 Dieu régnera sur les nations: Dieu est assis sur son trône saint. 10 Les princes des peuples se sont réunis avec le Dieu d'Abraham; parce que les dieux puissants de la terre ont été souverainement élevés.

B. Ensuite le psalmiste montre qu'il est un grand roi; et il montre cela dans un ordre inverse.

1) Car il les amène d'abord à chanter en l'honneur du roi.

2) Puis il en assigne la cause.

3) Enfin il la manifeste.

1. Ainsi je dis: Chantez en l'honneur de Dieu, et de nouveau: chantez en l'honneur [du] roi, car il est grand. Et il dit deux fois: chantez, chantez, parce que dans ce même honneur nous honorons l'humanité et la divinité dans le Christ, et que ce même honneur est signifié dans ce verset de l'évangile de Jean: "Afin que tous honorent le Fils comme ils honorent le Père: qui n'honore point le Fils n'honore point le Père qui l'a envoyé."

2. Et qu'on doive chanter en son honneur, il le montre, puisque 8 Dieu est le roi de toute la terre. Et c'est pourquoi vous, habitants de la terre, chantez en son honneur. Et il dit: de toute la terre, non seulement de la Judée, ou de la Grèce, mais du monde entier. Mais chantez avec sagesse, c'est-à-dire avec discernement. Et chantez non seulement de bouche, mais de coeur, renouvelés intérieurement: car "la louange n'est pas belle dans la bouche du pécheur", comme le dit l'Ecclésiastique. Semblablement, ne chantez pas avec un esprit troublé: "Quelqu'un de vous est-il triste ? qu'il prie. Est-il content ? qu'il chante des cantiques." De même, chantez de manière continue: "Chante bien, réitère souvent ton chant."

3. Ensuite il manifeste comment il est roi de toute la terre.

a) Et il prédit d'abord que le règne du Christ s'étendra sur toutes les nations.

b) Puis sur tous les princes des nations.

a. Autrement dit: je dis qu'il est roi de toute la terre; car même si à présent il règne seulement sur la Judée, il régnera cependant sur toutes les nations, puisque toutes les nations se convertiront à Dieu: "Toutes les nations louez le Seigneur, louez-le tous les peuples." Et cela se justifie par le fait que le Christ est Dieu, et qu'il est déjà monté à la droite du Père: il est assis sur son trône saint, c'est-à-dire à la droite de Dieu; et ainsi il ne lui reste plus rien à accomplir si ce n'est que tous lui soient soumis: "On lui donnera le royaume, et l'honneur, et l'empire."

b. Non seulement les nations lui sont soumises, mais aussi les princes; aussi dit-il: Les princes des peuples, c'est-à-dire de tous les peuples, se sont réunis, par la foi et l'amour, avec le Dieu d'Abraham. Et il dit Abraham parce que lui-même fut le fondement de la foi et au Père et au Fils: "Dieu peut de ces pierres mêmes susciter des enfants à Abraham." - "Les rois d'Arabie et de Saba lui apporteront des dons, et tous les rois de la terre l'adoreront; toutes les nations le serviront." Et la raison pour laquelle ils se sont réunis, c'est parce que les dieux puissants de la terre ont été souverainement élevés. Et cela peut se comprendre de deux manières. Selon une première manière en l'appliquant aux Juifs: car eux-mêmes furent des dieux, puisqu'ils furent instruits par Dieu: "[votre] loi appelle dieux ceux à qui la parole de Dieu a été adressée". De même ils furent puissants, parce que constants dans la foi au Dieu unique, mais de la terre, parce que leurs yeux et leurs affections étaient tournés vers la terre. Ceux-ci ont été élevés, par leur orgueil, souverainement, en tant qu'ils ont refusé la doctrine du Christ. Et c'est pourquoi les Apôtres allèrent vers les nations. Selon une autre manière de comprendre, les dieux puissants, ce sont les Apôtres. Et ils sont appelés dieux à cause de leur pouvoir judiciaire. Les juges aussi étaient appelés dieux dans l'Ancien Testament: "Tu ne parleras point mal des dieux." Et: "Sois conduit aux dieux", c'est-à-dire aux juges. Et ils sont appelés puissants à cause de leur constance dans la souffrance: "Qui donc nous séparera de l'amour du Christ ?" de la terre, c'est-à-dire vivant encore dans les choses terrestres: "Nous avons ce trésor en des vases d'argile." Et ils ont été élevés souverainement par la prédication: "Et eux, étant partis, prêchèrent partout, le Seigneur coopérant avec eux, et confirmant leur parole par des signes qui l'accompagnaient." Semblablement, par l'accomplissement des miracles. Pareillement par l'acquisition de la gloire. Une version de Jérôme lit: "Quoniam dii scuta terrae (Parce que les dieux boucliers de la terre)", car les Apôtres furent les protecteurs de tous les peuples.

 

 

COMMENTAIRE DU PSAUME 47

1 Psaume du Cantique des fils de Coré pour le deuxième jour de la semaine. 2 Grand est le Seigneur et louable hautement, dans la cité de notre Dieu, et sur sa montagne sainte.

3 La montagne de Sion est fondée pour l'exultation de toute la terre, le côté de l'aquilon, la cité du grand roi. 4 Dieu sera connu dans ses demeures, quand il en prendra la défense.

5 Car voilà que les rois de la terre se sont réunis, ils se sont assemblés dans l'unité. 6 Eux-mêmes, voyant, furent ainsi dans l'étonnement, ils furent troublés, ils ont été émus, 7 un tremblement les a saisis. Là [ils ont ressenti] comme les douleurs de celle qui enfante; 8 par un vent véhément tu briseras les vaisseaux de Tharsis.

9 Comme nous l'avons entendu, de même nous l'avons vu dans la cité du Seigneur des armées, dans la cité de notre Dieu: Dieu l'a fondée pour l'éternité.

10 Nous avons reçu, ô Dieu, ta miséricorde, au milieu de ton temple. 11 Selon ton nom, ô Dieu, ainsi ta louange s'étend jusqu'aux extrémités de la terre. Ta droite est pleine de justice. 12 Que la montagne de Sion se réjouisse, et que les filles de Juda tressaillent d'allégresse, à cause de tes jugements, Seigneur.

13 Entourez Sion, et embrassez-la; racontez sur ses tours. 14 Appliquez vos coeurs sur sa force, et distribuez ses demeures, afin que vous [le] racontiez à l'autre génération. 15 Parce que tel est Dieu, notre Dieu pour l'éternité, et dans les siècles des siècles: lui-même nous conduira dans les siècles.

 

1 Psaume du Cantique des fils de Coré pour le deuxième jour de la semaine. 2 Grand est le Seigneur et louable hautement, dans la cité de notre Dieu, et sur sa montagne sainte.

Plus haut le psalmiste a invité les nations à chanter en l'honneur de Dieu pour ses bienfaits; mais ici il décrit la grande exultation du peuple ou de la cité.

Ce psaume est intitulé: Psaume louange du Cantique des fils de Coré pour le deuxième jour de la semaine. Chez les Juifs le sabbat était regardé comme un jour très solennel: et ils nommaient tous les jours de la semaine à partir du jour du sabbat, de telle sorte que le jour du Seigneur était appelé premier jour de la semaine; le jour de la lune était appelé deuxième jour de la semaine; et ainsi en était-il pour les autres jours.

Il dit: pour le deuxième jour de la semaine, car il est écrit dans le récit de la création de la Genèse que le premier jour Dieu a dit: "Que la lumière soit"; le deuxième jour il a dit: "Qu'il y ait un firmament." Par la lumière on entend le Christ; par le firmament est désignée l'Église. Donc parce qu'il traite ici de la grandeur de l'Église, il sied de dire pour le deuxième jour de la semaine. Cependant la mention pour le deuxième jour de la semaine ne figure ni dans l'hébreu, ni dans la iuxta Hebraeos de Jérôme.

Ce psaume se divise en deux parties.

I) Car le psalmiste décrit d'abord la grandeur de la cité.

II) Puis il ajoute l'action de grâce: 10 Nous avons reçu, ô Dieu, ta miséricorde.

I. En décrivant la grandeur de la cité il fait deux choses.

A) Il commence par la décrire.

B) Puis il introduit un témoignage: 5 Car voilà que les rois de la terre.

A. La dignité de la cité dépend de son Seigneur.

1) Et c'est pourquoi il fait d'abord l'éloge du Seigneur.

2) Puis de la cité: 3 est fondée.

1. Il décrit le Seigneur par sa propre dignité, et par ses oeuvres.

Par sa dignité, car grand est le Seigneur. - "Quel dieu est grand comme notre Dieu ?" Et sa grandeur est l'immensité de sa bonté. Selon Augustin, dans les réalités qui ne sont point grandes par leur masse, être grand c'est être bon.

Par ses oeuvres, car il est louable hautement. La louange concerne en particulier les oeuvres. Et il dit: hautement, car quelle que soit la mesure de ta louange envers lui, elle restera encore insuffisante: "Glorifiez le Seigneur autant que vous pourrez, il sera encore au-dessus [de vos louanges]." Et cette réalité, bien qu'elle soit manifeste en toute créature, apparaît cependant plus spécialement dans les bienfaits de la grâce pour lesquels l'Église a été établie. Et c'est pourquoi il dit: dans la cité de notre Dieu, c'est-à-dire de l'Église: "Je vis descendre du ciel, d'auprès de Dieu, la cité sainte, la Jérusalem céleste, vêtue comme une nouvelle mariée pour son époux." Et cette cité, c'est-à-dire l'Église, est fondée sur sa montagne sainte. Cette montagne est le Christ: "La montagne de la maison du Seigneur sera établie au sommet des montagnes." À propos de cette cité il est écrit dans Matthieu: "Une cité située au sommet d'une montagne ne peut être cachée."

3 La montagne dé Sion est fondée pour l'exultation de toute la terre, le côté de l'aquilon, la cité du grand roi. 4 Dieu sera connu dans ses demeures, quand il en prendra la défense.

2. Ici le psalmiste fait l'éloge de la cité de trois manières.

a) D'abord par son étendue ou par sa joie.

b) Puis par sa disposition.

c) Enfin par la sagesse de ses citoyens.

a. Ainsi dit-il: fondée pour l'exultation de toute la terre, autrement dit, elle est fondée sur la montagne, c'est-à-dire sur le Christ. Mais cette fondation concerne-t-elle une terre seulement ? Non, mais elle déborde pour la joie de la terre entière, car tous recueillent la joie de cette fondation: "Jubilez à Dieu toute la terre, dites un psaume en l'honneur de son nom: rendez gloire à sa louange." - "Ils viendront à Sion avec des chants de joie." - "Est-ce là, disaient-ils, cette ville d'une beauté parfaite, la joie de toute la terre ?" Une autre version lit: fundator (fondateur), autrement dit: grand est le Seigneur. Et je dis: le Seigneur, lui qui est le fondateur de cette cité. Et cela pour l'exultation.

b. La montagne de Sion [...] le côté de l'aquilon, c'est-à-dire établie sur le côté de la montagne de Sion vers l'aquilon. Sion signifie les Juifs, mais l'aquilon signifie les nations idolâtres. Donc cette cité est composée de Juifs et de païens. La version iuxta Hebraeos de Jérôme lit autrement, et cela convient au mystère de l'épouse: "Germinet gaudio universae terrae montis Sion, inlateribus aquilonis civitaculae regis magni (Qu'elle fructifie pour la joie de la terre entière, de la montagne de Sion, sur les côtés de l'aquilon, de la petite cité du grand roi)." On explique cela selon le mystère. Cette cité est louée pour l'ordre civil qu'elle cultive, et pour l'humanité du Christ qu'elle a assumée. Je dis qu'elle est grande; et cela à cause de son admirable croissance elle-même, c'est-à-dire à cause du Christ. Et telle est la joie de toute la terre. En hébreu on lit: "superbe d'exultation" , à savoir le Christ, et cela sur la montagne de Sion.

c. Dieu sera connu dans ses demeures. Ici le psalmiste fait l'éloge de la cité à cause de la sagesse des citoyens, car la vraie sagesse consiste en la connaissance de Dieu: "Que celui qui se glorifie se glorifie en ceci: d'avoir de l'intelligence et de me connaître." Et il fait l'éloge de cette cité, parce que Dieu est connu dans celle-ci, et il dit: Dieu sera connu dans ses demeures. Or il y a une triple connaissance de Dieu: car cela peut s'appliquer à l'état de la cité de Jérusalem, à l'Église, et à la gloire future.

- Ainsi la première connaissance de Dieu est figurée et obscure; cette connaissance eut lieu dans l'Ancien Testament: et une telle connaissance fut dans cette cité, à savoir dans Jérusalem, et dans le peuple juif: "Dieu est connu en Judée, dans Israël son nom est grand." Et selon cela il est dit: Dieu sera connu dans ses demeures. La version iuxta Hebraeos de Jérôme lit: "Deus in domibus eius agnitus est (Dieu s'est fait connaître dans ses demeures)", à savoir non point en un seul lieu, mais dans toutes les demeures et les cités. Et il dit: dans ses demeures, car Dieu était connu chez les Athéniens: "C'est en lui que nous avons la vie, le mouvement et l'être." - "Les perfections invisibles [de Dieu], son éternelle puissance et sa divinité sont, depuis la création du monde, rendues visibles à l'intelligence par le moyen de ses oeuvres." Mais en réalité, dans les demeures, il n'était pas connu, sauf pour quelques-uns dans les écoles; en revanche dans cette nation tous connaissaient Dieu.

- Autre est la connaissance réelle, mais obscure et imparfaite; et telle est la connaissance par laquelle Dieu est connu par la foi: "Maintenant nous voyons dans un miroir, d'une manière obscure, mais alors [nous verrons) face à face", et ainsi Dieu est connu dans ses demeures par une connaissance réelle, celle de la foi: "Pour nous tous, le visage découvert, réfléchissant comme dans un miroir la gloire du Seigneur." Et il dit: dans ses demeures, parce que toute l'Église universelle renferme en elle de nombreuses Églises et de nombreuses communautés, dont chaque demeure est dite avoir la connaissance de Dieu: "Ils me connaîtront tous, depuis le plus petit jusqu'au plus grand."

- Autre est la connaissance réelle, qui est parfaite et claire: "Alors je connaîtrai comme je suis connu", dans les demeures de la Jérusalem céleste. Et on dit qu'il y a plusieurs demeures à cause des divers ordres de saints, à savoir des Apôtres, des martyrs, des confesseurs et des vierges, etc.: "Il y a beaucoup de demeures dans la maison de mon Père." Et selon cela il est écrit dans le Psautier romain: "Deus in gradibus ejus cognoscetur (Dieu sera connu dans ses degrés)"; car tous ne le connaîtront pas également, mais il y aura divers degrés de connaissance selon certains: "Une étoile diffère en éclat d'une autre étoile." Mais cela aura lieu, quand il en prendra la défense, pour lui donner son aide, car lui-même est notre défenseur et notre secours. Une autre version de Jérôme lit: in auxiliando (en aidant).

5 Car voilà que les rois de la terre se sont réunis, ils se sont assemblés dans l'unité. 6 Eux-mêmes, voyant, furent ainsi dans l'étonnement, ils furent troublés, ils ont été émus, 7 un tremblement les a saisis. Là [ils ont ressenti] comme les douleurs de celle qui enfante; 8 par un vent véhément tu briseras les vaisseaux de Tharsis.

B. Ici le psalmiste prouve la dignité de la cité par un témoignage.

1) Et il commence par présenter les témoins.

2) Puis il expose leur probité.

3) Enfin leur confession.

1. Pour qu'un témoignage soit crédible, trois choses sont nécessaires: la dignité des témoins, en tant qu'ils sont les témoins de l'autorité; car s'ils sont légers, leur témoignage ne doit pas être approuvé. Semblablement il faut qu'il y ait un grand nombre de témoins, et la concordance de leurs témoignages; et ces trois choses sont chez ces témoins.

Car ils sont d'une grande dignité, puisqu'il est écrit: les rois de la terre. L'un fut Constantin, un autre fut Justinien, ou encore Charlemagne, lesquels affermirent l'Église par leurs privilèges.

De même ils furent nombreux, puisqu'ils se sont réunis [venant] de nations diverses et à des moments divers. Par les rois on peut aussi entendre les sages et les justes, qui rendirent témoignage à l'Église en se convertissant à la foi: "les princes des peuples".

Pareillement, ils sont concordants, car ils se sont assemblés dans l'unité, à savoir pour donner leur témoignage et prononcer leur sentence: "En y rassemblant dans l'unité les peuples et les rois pour qu'ils servent le Seigneur."

On peut encore donner une autre explication; cependant le premier commentaire est littéral, puisqu'on lit dans une version de Jérôme: testati sunt (ont attesté).En grec on lit: "ils la prendront", c'est-à-dire pour la défendre. Et c'est nécessaire, car voilà que les rois de la terre se sont réunis, ils se sont assemblés dans l'unité, à savoir contre l'Église. Et ceux qui enfin rendent témoignage furent autrefois contre l'Église, la persécutèrent, et par la suite l'affermirent.

2. Eux-mêmes. Ici le psalmiste décrit leur probité; et à ce propos il y a sept choses à considérer.

a. D'abord la vision, c'est-à-dire la connaissance de la foi, aussi dit-il: Eux-mêmes, c'est-à-dire reconnaissant par la foi des miracles que le Christ et les Apôtres accomplissaient: "Les nations verront ta justice et tous les rois ta gloire."

b. La deuxième chose est l'étonnement dû à ce qu'ils voient, car cela dépasse le sens et la raison humaine: "Tu verras et tu seras dans l'abondance, et ton coeur s'étonnera et se dilatera." - "Étonnantes sont tes oeuvres, mon âme le reconnaît parfaitement."

c. La troisième chose est le trouble dû aux péchés. Concernant l'étonnement il dit: furent dans l'étonnement. Et à propos du trouble il dit: ils furent troublés. - "Tu as ébranlé la terre, et tu l'as troublée."

d. Là quatrième chose est l'émotion. Il arrive que quelqu'un soit troublé à cause de son péché et tombe dans le désespoir, ou bien persiste dans le mal; mais ceux-ci sont émus jusqu'au repentir: "La terre sera ébranlée par des secousses."

e. La cinquième chose est que cette émotion doit être accompagnée de la crainte de Dieu, afin de ne pas s'attribuer le fait d'être mû par soi vers le bien, mais à Dieu; et il dit: un tremblement les a saisis. - "Servez le Seigneur dans la crainte."

f. Cette douleur et ce tremblement sont fructueux, aussi dit-il: Là [ils ont ressenti] comme les douleurs de celle qui enfante, douleurs qui se changent en joie à cause de l'espérance de la descendance et du fruit: "En te craignant, Seigneur, nous avons conçu et nous avons enfanté un esprit de salut." Telle est la sixième chose.

g. La septième chose est: par un vent véhément tu briseras les vaisseaux de Tharsis, c'est-à-dire la mer au sens universel, et ainsi tu briseras les vaisseaux de la mer.

Ou bien il faut dire que désigne une province, qui est appelée Cilicie, et que Tharse en est la métropole. En ce lieu naquit Paul, et cette cité de Tharse donna son nom à toute la région, et il y a là beaucoup de navires; ou bien, comme les premiers navigateurs en mer Méditerranée édifièrent Carthage, ainsi se battant avec les gens de Tyr, ils l'emportèrent. Et c'est pourquoi Tharsis désigne toute la mer du monde. Par les vaisseaux, qui s'en vont faire du commerce, est signifiée la cupidité, et c'est l'abondance des biens du monde. Et comme les vaisseaux flottent sur la mer, ainsi les riches nagent dans les biens du monde. Mais quand l'homme se convertit en faisant pénitence, alors les vaisseaux, c'est-à-dire les cupidités de ce monde, seront brisés; mais par un vent véhément, c'est-à-dire par l'Esprit-Saint: "Proche est le jour du Seigneur pour toutes les nations." - "Hurlez, vaisseaux de la mer, car le lieu d'où les navires avaient coutume de venir a été détruit." Mais, selon Cassiodore, dans ce qui vient d'être dit est signifié tout le temps de l'incarnation du Christ. Dieu sera connu dans ses demeures, quand il en prendra la défense, c'est-à-dire la nature humaine assumée dans l'unité de sa personne: "C'est pourquoi mon peuple connaîtra mon nom en ce jour-là, car moi qui parlais, me voici." Et pourquoi ? Car voilà que les rois de la terre se sont réunis, ils se sont assemblés dans l'unité. Les rois, c'est-à-dire les princes des Juifs et des scribes du peuple se sont réunis à la demande d'Hérode, afin de s'enquérir auprès d'eux du lieu où était né le Christ. "Et ils se firent unanimes" pour dire qu'il était né à Bethléem. Et voyant bien cela, comme l'ont dit les prophètes, ils furent ainsi dans l'étonnement, et en ont été émus; car "Hérode en fut troublé et tout Jérusalem avec lui". Et ils ont été émus, pour certains jusqu'à la foi. La peur fut Si grande que le corps fut saisi de tremblement: un tremblement les a saisis; et Là [ils ont ressenti] comme les douleurs de celle qui enfante, à cause du meurtre des enfants tués par Hérode; et par un vent véhément, parce que dans sa fureur il envoya tuer tous les enfants depuis l'âge de deux ans et au-dessous. Et dans sa fureur il fit brûler tous les vaisseaux de Tharsis, c'est-à-dire dans la cité de Tharse de Cilicie, vaisseaux qu'il croyait avoir été emportés par les mages, quand ils s'en étaient retournés par un autre chemin vers leur patrie. Voilà pourquoi il dit: par un vent véhément.

9 Comme nous l'avons entendu, de même nous l'avons vu dans la cité du Seigneur des armées, dans la cité de notre Dieu: Dieu l'a fondée pour l'éternité.

3. Ici le psalmiste expose la confession et le témoignage des témoins. Ils confessent d'abord la vérité de ce qu'ils ont entendu: Comme nous l'avons entendu, par la prédication des Apôtres, de même nous l'avons vu, c'est-à-dire nous avons perçu que c'était vrai. Ils dirent cela après s'être convertis au Christ. Ou bien en tant qu'il s'agit de la conversion des Juifs. Nous, nous avons entendu par les prophètes, et voici que déjà nous avons vu. Mais il arrive parfois que quelqu'un entende quelque chose de grand, et qu'il n'y croie pas jusqu'à ce qu'il en fasse l'expérience: et Jacob dit cela dans la Genèse: "Vraiment ce lieu est saint, et je ne le savais pas." On rapporte dans le premier livre des Rois que la reine de Saba vint constater ce qu'elle avait appris, mais elle ne croyait pas que la sagesse de Salomon fût aussi grande; et elle vit un grand nombre de choses incroyables touchant ce qu'elle avait appris. Tels sont ceux qui voient plus de choses qu'ils n'en entendent, avant d'en venir à la foi. Et où voyons-nous cela ? dans la cité du Seigneur des armées, c'est-à-dire dans la cité des cieux. Là il montre qu'il peut t'y conduire. Et pour qu'on ne croie pas qu'il est élevé de manière à ce que toi tu ne puisses aller vers lui, il dit: dans la cité de notre Dieu, autrement dit: le Dieu des armées est tel qu'il est cependant notre Dieu. Celui-ci l'a fondée, à savoir cette cité, non pour un temps mais pour l'éternité: "Comme des fondations éternelles sur un rocher solide, ainsi sont les préceptes divins dans le coeur d'une sainte femme."

10 Nous avons reçu, ô Dieu, ta miséricorde, au milieu de ton temple. 11 Selon ton nom, ô Dieu, ainsi ta louange s'étend jus qu'aux extrémités de la terre. Ta droite est pleine de justice. 12 Que la montagne de Sion se réjouisse, et que les filles de Juda tressaillent d'allégresse, à cause de tes jugements, Seigneur.

II. Le psalmiste a exposé plus haut la grandeur de la cité; mais ici il expose l'action de grâce: et à cet égard il fait deux choses.

A) Il commence par exposer l'action de grâce.

B) Puis les hommes sont invités à considérer encore les grandeurs de cette cité: 13 Entourez.

A. Puisqu'il est écrit ailleurs: "Toutes les voies du Seigneur sont miséricorde et vérité",

1) c'est pourquoi l'action de grâce concerne d'abord les effets de la miséricorde divine;

2) puis elle concerne les effets de la justice divine: Ta droite est pleine de justice.

1. En parlant des effets de la miséricorde divine il fait deux choses.

a) Il fait connaître d'abord la perfection de la miséricorde divine.

b) Puis l'effet de cette perfection: Selon ton nom.

a. Selon une lecture superficielle, cela se lit non point dans la personne des Juifs, mais de celles qui s'étonnent et qui disent: Comme nous l'avons entendu [...]. Nous avons reçu, ô Dieu, ta miséricorde. Cependant cela peut aussi être lu dans la personne des Juifs. Mais le psalmiste dit: Nous avons reçu, ô Dieu, ta miséricorde, etc. La miséricorde du Seigneur a deux interprétations:

- C'est l'effet de la grâce, effet qui est conféré dans les sacrements: "Il nous a sauvés, non à cause des oeuvres de justice que nous faisions, mais selon sa miséricorde, par le bain de la régénération et en nous renouvelant par le Saint-Esprit." Et dans l'Église tous reçoivent en général la miséricorde: mais les bons avec les sacrements reçoivent la miséricorde, c'est-à-dire la grâce, et l'effet du sacrement; tandis que les mauvais reçoivent seulement le sacrement. Ainsi les bons disent: Nous avons reçu ta miséricorde, c'est-à-dire ta grâce, au milieu de ton temple. Dans le temple, à l'extrémité duquel sont les pécheurs, et au milieu duquel sont les vertueux et les justes.

- Selon une autre interprétation, la miséricorde est le Christ lui-même, qui nous a été donné par la miséricorde de Dieu: "Car il est temps d'avoir pitié d'elle, car le temps est venu." On peut exposer ces paroles à propos d'un double temple, et d'une double réception. Du temple corporel, et ce sont alors les paroles de Siméon le juste: ô Dieu, nous avons reçu ta miséricorde, c'est-à-dire le Christ, dans nos bras, au milieu de ton temple, matériel. De même, à propos de la réception de la foi; et en voici le sens: ô Dieu, nous avons reçu le Christ miséricordieusement donné par la foi: "Recevez avec mansuétude la parole qui a été entée en vous, et qui peut sauver vos âmes." au milieu de ton temple, c'est-à-dire avec le consentement de l'Église: car ceux qui ne reçoivent pas la doctrine commune de l'Église, ne reçoivent pas cette miséricorde: "[La sagesse] lui ouvrira la bouche au milieu de l'assemblée."

b. Selon ton nom. Le psalmiste expose ici les effets de cette réception, autrement dit: par le fait que nous, nous avons reçu ton nom, ta louange a été répandue à travers toute la terre. Et cela, selon ton nom, ô Dieu, qui est essentiellement bon. Et quiconque connaît Dieu selon cette mesure le loue selon qu'il le connaît; c'est pourquoi il dit: Selon ton nom, ô Dieu, c'est-à-dire selon la connaissance qu'il a de toi, ainsi ta louange. Et parce qu'il est connu en tout lieu, il dit: jusqu'aux extrémités de la terre. - "Du lever du soleil à son coucher, grand est mon nom parmi les nations." Ou bien: jusqu'aux extrémités de la terre, dans toute l'Église, qui a été répandue en tout lieu. Ou bien, parce que ta louange véritable ne se trouve que dans les saints qui te louent en vérité, parce qu'ils te connaissent en vérité: "Moi, je le connais."

2. Ta droite est pleine de justice. Ici le psalmiste fait l'éloge de la justice.

a) Et il en fait d'abord l'éloge.

b) Puis il expose son effet.

a. Ainsi je dis que nous avons reçu ta miséricorde, et cela non point sans la justi ce; au contraire, ta droite est pleine de justice. La main de Dieu est appelée sa puissance opérative. Et Dieu a deux mains: la droite avec laquelle il rémunère les bons, et la gauche avec laquelle il punit les mauvais: "Il mettra les brebis à sa droite, et les boucs à sa gauche." Dans l'une et l'autre main est la justice; mais dans sa gauche la justice n'est pas pleine, parce qu'elle punit en deçà du mérite; tandis que dans sa droite la justice est pleine, parce qu'elle rémunère abondamment: "On versera dans votre sein une bonne mesure, pressée, secouée et débordante, car on se servira, pour vous rendre, de la même mesure avec laquelle vous aurez mesure." - "J'estime que les souffrances du temps présent sont sans proportion avec la gloire à venir qui sera manifestée en nous." Ta droite, c'est-à-dire la gloire future, est pleine de justice, car nul ne s'y trouve à moins qu'il ne soit juste: "Ton peuple rien que des justes."

b. Que la montagne de Sion se réjouisse. Ici le psalmiste expose les effets de la justice que sa gauche a accomplis, et c'est un gémissement; tandis que les effets de la justice que sa droite a accomplis, sont une allégresse: "Les justices du Seigneur sont droites, réjouissant les coeurs." Plus haut il a dit que l'effet de la miséricorde s'étend jusqu'aux extrémités de la terre; mais ici il attribue l'effet de la justice à la montagne de Sion et aux filles de Juda. L'Apôtre dit aussi cela: "J'affirme que le Christ a été ministre de la circoncision pour montrer la véracité de Dieu, afin d'accomplir les promesses faites aux patriarches." Car il fut donc promis à la fille de Sion: "Exulte d'une grande joie, fille de Sion, pousse des acclamations, fille de Jérusalem: voici que ton roi vient a toi." Que la montagne de Sion se réjouisse, car c'est le propre de la justice que de lui garder sa promesse. Mais parce que la promesse ne fut pas faite aux nations, la miséricorde le fut, puisqu'elle était donnée. On peut dire cependant que la montagne de Sion est appelée Jérusalem prise dans sa totalité. et que les filles de Juda, c'est-à-dire de la confession, exultent, c'est-à-dire tout le peuple des Juifs. Et ils feront cela à cause de tes jugements, Seigneur, car ils sont droits.

13 Entourez Sion, et embrassez-la; racontez 14 sur ses tours. Appliquez vos coeurs sur sa force, et distribuez ses maisons afin que vous [le] racontiez à l'autre génération. 15 Parce que tel est Dieu, notre Dieu pour l'éternité, et dans les siècles des siècles: lui-même nous gouvernera dans les siècles.

B. Ici le psalmiste amène les hommes à une considération plus attentive, c'est-à-dire afin de comprendre que les rois ont déjà vu autrefois de grandes choses; mais David invite cependant tous les hommes à approfondir leur considération.

1) Et il invite d'abord à cette fin.

2) Puis il ajoute la cause de cette invitation.

1. Il dit donc: Entourez Sion, c'est-à-dire l'Église militante ou triomphante avec un oeil contemplatif: "Je me lèverai, et je parcourrai la ville." Certains entourent l'Église avec un oeil inique pour la combattre, mais nous, nous l'entourons pour l'aimer; et c'est pourquoi il dit: embrassez-la, c'est-à-dire en l'aimant: "Seigneur, j'ai aimé la beauté de ta demeure." La version iuxta Hebraeos de Jérôme lit: circuite (parcourez), autrement dit: allez à l'extérieur, et parcourez les villages, et racontez sur ses tours. Ici le psalmiste amène les hommes à une considération plus spirituelle. Dans une cité il y a trois choses remarquables: les tours, les murs et les places.

À propos des tours il dit: racontez sur ses tours. Une version de Jérôme lit: "Mirate turres ejus (Admirez ses tours)." Il y a des tours pour voir au loin. Ainsi les tours de l'Église sont les chefs de l'Église, et ce furent les Apôtres, autrement dit: admirez les Apôtres et les chefs de l'Église. Ou bien: racontez, c'est-à-dire vous les docteurs, en vous conformant à la doctrine des Apôtres et des docteurs.

Concernant les murs il dit: Appliquez vos coeurs sur sa force. La version iuxta Hebraeos de Jérôme lit: "Ponite cor vestrum in moenibus ejus (Appliquez votre coeur sur ses remparts)." Telle est la force de l'Esprit-Saint qui protège la cité: "Demeurez dans la cité jusqu'à ce que vous soyez revêtus de la force d'en haut." Cette force est l'amour: "L'amour est fort comme la mort."

À propos des places il dit: et distribuez ses demeures. Une version de Jérôme lit: "Separate domos ejus, distinguite palatia ejus (Séparez ses maisons, distinguez ses palais)." Distinguez, c'est-à-dire avec un jugement droit. Car il en est qui veulent condamner l'Église à cause de quelques méchants. Il dit donc: distribuez, c'est-à-dire vous ne devez pas condamner les bons à cause des méchants: "Loin de toi, Seigneur, de perdre le juste avec l'impie !" Ou bien: distribuez ses maisons, c'est-à-dire en faisant administrer les diverses Églises par différents ministres, afin qu'il n'y ait pas de confusion dans l'Église: comme Paul fut l'Apôtre des Gentils, et Pierre fut le ministre de la circoncision, c'est-à-dire l'Apôtre des Juifs. Une autre version lit: gradus ejus (ses degrés), c'est-à-dire ses différents ordres; les uns étant sous-diacres, d'autres diacres, d'autres prêtres: "C'est lui aussi qui a fait les uns apôtres, d'autres évangélistes, d'autres pasteurs et docteurs, en vue du perfectionnement des saints, pour l'oeuvre du ministère, pour l'édification du corps du Christ."

2. La finalité de cette considération est la louange de Dieu.

a) Et il expose d'abord à qui est annoncée la louange de Dieu.

b) Puis pourquoi elle est annoncée.

a. Il dit donc: afin que vous racontiez, à savoir ce que vous avez entendu: "Ce que j'ai entendu du Seigneur des armées, du Dieu d'Israël, je vous l'ai annonce"; car ce que l'un a reçu, il doit le communiquer aux autres. à l'autre génération, c'est-à-dire aux pécheurs. Ou bien: à l'autre, c'est-à-dire à la génération future. Et que raconterez-vous ? Deux choses: que toute prédication doit être ordonnée à deux choses; à montrer la magnificence de Dieu, comme lorsqu'on prêche la foi, ou bien à annoncer les bienfaits de Dieu, afin que la charité s'enflamme dans leur coeur.

b. En parlant du premier objet de la prédication il dit: Parce que tel est Dieu, notre Dieu. - "Après cela, il a été vu sur la terre et il a conversé avec les hommes." - "Jésus-Christ est le même hier et aujourd'hui; et il le sera éternellement."

En parlant du second objet de la prédication, il dit: lui-même nous conduira dans les siècles. - "Voici que moi je suis avec vous tous les jours jusqu'à la fin du monde." - "Le Seigneur me conduit, et rien ne me manquera."

 

 

COMMENTAIRE DU PSAUME 48

1 Pour la fin. Pour les fils de Coré. Psaume.

2 Écoutez ces choses, toutes les nations; percevez de vos oreilles, vous tous qui habitez l'univers; 3 gens de la terre et fils des hommes, ensemble et de concert, le riche aussi bien que le pauvre.

4 Ma bouche proférera la sagesse, et la méditation de mon coeur la prudence. 5 J'inclinerai mon oreille à une parabole, je découvrirai mon propos sur le psaltérion.

6 Pourquoi craindrai-je au jour mauvais ? L'iniquité de mon talon m'environnera. 7 Ceux qui se confient en leur propre force, et se glorifient dans la multitude de leurs richesses. 8 Le frère ne rachète point, un homme rachètera-t-il ? Il ne donnera pas à Dieu sa rançon; 9 ni le prix du rachat de son âme, et il peinera éternellement, 10 et vivra encore jusqu'à la fin.

11 Il ne verra pas la mort, lorsqu'il aura vu les sages mourir. L'insensé et le sot périront également.

12 Et ils laisseront à des étrangers leurs richesses, et leurs sépulcres [seront] leurs demeures pour toujours. Leurs tentes [subsisteront] de génération en génération, ils invoqueront leurs noms dans leurs terres.

13 Et l'homme, lorsqu'il était en honneur, n'a pas compris; il fut comparé aux bêtes sans raison, et il est devenu semblable à elles.

14 Telle est leur voie, [qui] leur est [une occasion de] scandale; et après cela ils se complairont dans leurs discours.

15 Comme des brebis ils ont été mis dans l'enfer, la mort les fera paître. Et les justes domineront sur eux dès le matin; et leur secours vieillira dans l'enfer après leur gloire. 16 Mais Dieu rachètera mon âme de l'enfer, lorsqu'il m'aura pris.

17 Ne crains pas lorsqu'un homme sera devenu riche, et que la gloire de sa maison se sera accrue. 18 Parce que, lorsqu'il sera mort, il ne prendra pas tous ces [biens], et sa gloire ne descendra pas avec lui.

19 Car son âme, pendant sa vie, sera bénie: il te confessera lorsque tu lui auras fait du bien. 20 Il ira rejoindre les générations de ses pères, et jusque dans l'éternité, il ne verra pas la lumière. 21 L'homme, lorsqu'il était en honneur, n'a pas compris; il fut comparé aux bêtes sans raison, et il est devenu semblable à elles.

 

1 Pour la fin. Pour les fils de Coré. Psaume.

2 Ecoutez ces choses, toutes les nations; percevez de vos oreilles, vous tous qui habitez l'univers; 3 gens de la terre et fils des hommes, ensemble et de concert, le riche aussi bien que le pauvre.

Plus haut le psalmiste a invité les nations à la joie et à l'action de grâce pour les bienfaits donnés au peuple de Dieu; mais ici il les exhorte à mettre leur confiance en Dieu, et à ce propos il fait deux choses.

1) Il éveille d'abord leur attention.

II) Puis il poursuit son propos.

I. Le titre n'est pas nouveau. Mais selon ce titre l'homme est rendu doublement attentif. Ou bien on dit de quelqu'un qu'il est rendu attentif en considérant les auditeurs; ou bien en considérant ce qui doit être dit, lorsqu'il promet qu'il dira de grandes choses: "Ecoutez[-moi], car je vais parler de grandes choses, et mes lèvres s'ouvriront pour annoncer ce qui est droit." Et c'est de cette manière qu'il parle ici.

A) Il les rend donc d'abord attentifs en considérant ceux à qui il s'adressait.

B) Puis en considérant les choses à dire: 4 Ma bouche.

A. Il dit donc que ces paroles s'appliquent à chaque catégorie d'hommes et à tous les hommes; ce qu'il va développer. Et il traite de quatre différences chez les hommes. La première différence consiste en la diversité des peuples; car autre était le peuple des Juifs, et autre celui des païens. Une autre différence est due aux lieux. Une autre vient de l'origine. Car certains étaient nobles et distingués, d'autres non.

1. Il expose la première différence lorsqu'il dit: Ecoutez ces choses, toutes les nations, non seulement des Juifs, car il appartient à tous d'écouter ces choses; et c'est nécessaire: "En écoutant le sage deviendra plus sage, et celui qui est intelligent acquerra l'art de gouverner."

2. Il expose la deuxième lorsqu'il dit: percevez de vos oreilles, vous tous qui habitez l'univers, c'est-à-dire en toute partie de l'univers; et il dit: percevez de vos oreilles, car il faut écouter et percevoir: "Que celui qui a des oreilles écoute", c'est-à-dire soit attentif La version iuxta Hebraeos de Jérôme lit: "Auribus percipite universi habitatores Occidentis (Percevez de vos oreilles tous les habitants de l'Occident)." Comme si c'était une prophétie: car la foi au Christ prospère surtout chez les peuples d'Occident; car dans le Nord il y a encore beaucoup de païens, et en Orient beaucoup de schismatiques et d'infidèles. Ou bien: Ecoutez ces choses, toutes les nations, se réfère aux méchants; et vous tous qui habitez l'univers se réfère aux bons qui dominent la terre.

3. Il expose la troisième différence lorsqu'il dit: gens de la terre, c'est-à-dire de basse origine, et fils des hommes, c'est-à-dire nobles. La version iuxta Hebraeos de Jérôme lit: "Tam filii Adam quam filii singulorum (Tant fils d'Adam que fils de chaque [homme])", car certains n'ont rien reçu d'extraordinaire de leurs parents. Au sens mystique, les gens de la terre, ce sont les pécheurs qui adhèrent à la terre par leur passion; aussi sont-ils comparés au serpent: "Pour le serpent", c'est-à-dire pour les mondains, "la poussière [sera] son pain". Les fils des hommes sont appelés bons, eux qui possèdent l'image de Dieu et du Christ, qui est le fils de l'homme.

4. Il expose la quatrième différence lorsqu'il dit: ensemble et de concert, le riche aussi bien que le pauvre, autrement dit: écoutez tous ces instructions, car elles sont utiles pour tous. Et quelles sont-elles ? "Bienheureux les pauvres en esprit, car le royaume des cieux est a eux." - "Bienheureux le riche qui a été trouvé sans tache, et qui n'a pas couru après l'or, et qui n'a pas mis son espérance dans l'argent et dans les trésors." Cependant un tel est riche en acte, mais non par attachement, et celui-ci peut être saint, comme Abraham et Louis roi de France. Un autre est riche en acte et en attachement; et celui-là n'est pas saint. Il est écrit à ce propos: "Il est plus facile à un chameau d'entrer par le trou d'une aiguille, qu'à un riche d'entrer dans le royaume des cieux", car de même qu'il est contre nature qu'un chameau entre par le trou d'une aiguille, ainsi l'entrée d'un riche dans le royaume des cieux s'oppose à la justice divine. Et tels sont les gens de la terre, mais les premiers sont les fils des hommes.

4 Ma bouche proférera la sagesse, et la méditation de mon coeur la prudence. 5 J'inclinerai mon oreille à une parabole, je découvrirai mon propos sur le psaltérion.

B. Ici il les rend attentifs à la promesse des choses à dire. Quiconque enseigne, enseigne ou bien des choses, ou bien des paroles. Lorsque nous prêchons la foi et les moeurs, nous enseignons, des choses; lorsque nous expliquons l'Ecriture, nous enseignons des paroles.

1) Il parle donc d'abord du premier enseignement.

2) Puis du second: J'inclinerai mon oreille.

1. Quant à la connaissance des choses, elle est nécessaire pour deux raisons: pour la connaissance de la vérité, et pour la pratique des oeuvres. Donc toute connaissance de la vérité, qui nous est nécessaire pour d'autres choses, doit se référer à la connaissance de la vérité des réalités divines. C'est pourquoi Augustin dit: "Celui qui scrute ces choses sans se référer aux réalités éternelles est oiseux." Par conséquent toute connaissance de la vérité appartient à la sagesse, et d'où ces paroles: Ma bouche proférera la sagesse. - "C'est de sagesse que nous parlons parmi les parfaits, mais non d'une sagesse de ce monde ni des princes, voués à la destruction." Or ce qui est nécessaire à la pratique des oeuvres appartient à la prudence, par laquelle est donnée la direction des choses humaines; et c'est pourquoi il dit: et la méditation de mon coeur la prudence, c'est-à-dire énoncera: "La sagesse est la prudence pour l'homme", car la sagesse comparée aux choses humaines et matérielles est la prudence.

2. J'inclinerai mon oreille. Ici le psalmiste traite du deuxième enseignement, à savoir des paroles obscures; et il y a à cet égard deux choses nécessaires:

a) D'abord, que l'homme s'applique à les comprendre.

b) Puis qu'il s'applique à les expliquer aux autres.

a. En parlant de la compréhension il dit: J'inclinerai mon oreille à une parabole. La parabole est une sentence, lorsqu'elle a une similitude obscure, autrement dit, je mettrai mon application à comprendre les paroles des autres: "Il appliquera son esprit aux proverbes et à leur interprétation; aux paroles des sages et à leurs énigmes." Ou bien: J'inclinerai mon oreille à une parabole que Dieu dit, car il parle d'une manière énigmatique, autrement dit, j'inclinerai mon intelligence à la voix du Seigneur, qui parle en parabole.

b. je découvrirai mon propos sur le psaltérion. Le propos se dit de deux manières. Ou bien, c'est ce que je souhaite de préférence aux autres choses, et c'est ce que je désire davantage; ce que je découvrirai sur le psaltérion, c'est-à-dire dans mes oeuvres, parce que c'est le meilleur moyen de découvrir son propos: car si toi tu te proposes d'entrer dans la vie éternelle, tu ne manifestes pas ton propos si tu n'as pas une oeuvre bonne. Ou bien, le propos est une parole soit obscure, soit présentée comme une épreuve; ainsi Samson dans le livre des Juges proposa-t-il une énigme en disant: "Si vous n'aviez pas labouré avec une génisse, vous n'auriez pas trouvé mon énigme", et c'est dans ce sens que se comprend ici le mot propos. Et voilà pourquoi Jérôme dit que c'est une parole obscure. Les versions hébraïques lisent: "ma prophétie", ce qui veut dire la même chose.

6 Pourquoi craindrai-je au jour mauvais ? L'iniquité de mon talon m'environnera. 7 Ceux qui se confient en leur propre force, et se glorifient dans la multitude de leurs richesses. 8 Le frère ne rachète point, un homme rachètera-t-il ? il ne donnera pas à Dieu sa rançon; 9 ni le prix du rachat de son âme, et il peinera éternellement, 10 et vivra encore jusqu'à la fin.

II. Après avoir exposé le préambule du psaume dans lequel le psalmiste a suscité l'attention du peuple, il aborde ici le propos principal qui est d'amener les hommes à ne pas craindre les maux présents, pour qu'ils ne mettent pas leur confiance dans les biens présents; mais que leur crainte et leur confiance soient en Dieu seul: et à cet égard le psalmiste fait deux choses.

A) Il montre d'abord sur quoi doit porter la crainte.

B) Puis il montre sur quoi ils ne doivent pas la porter: 17 Ne crains pas.

A. En montrant sur quoi doit porter la crainte il fait deux choses.

1) Il manifeste d'abord son intention.

2) Puis il prouve son propos: Ceux qui se confient.

1. En manifestant son intention il fait deux choses.

a) Il pose d'abord une question.

b) Puis il établit une conclusion.

a. La question est: Pourquoi craindrai-je au jour mauvais ? Ici il faut voir d'abord quels sont ces jours mauvais, car tous les jours sont créés par Dieu. Mais ils sont dits mauvais à cause des maux qui surviennent en eux: "Rachetez le temps, car les jours sont mauvais." On peut donc parler de jour mauvais quand un danger y survient, et surtout quand menace le danger de la damnation éternelle, et tel est le jour du jugement: "Le bruit du jour du Seigneur est amer; là le fort sera dans la tribulation." Donc, pourquoi craindrai-je au jour mauvais ? c'est-à-dire qu'est-ce qui me fera craindre en ce jour-là ?

b. Et il répond: L'iniquité de mon talon m'environnera. En effet, il ne faut rien craindre excepté le péché: car aucune adversité ne nuira, dans la mesure où ne règne aucune iniquité: "L'impie prend la fuite sans que personne le poursuive." - "Celui qui craint le Seigneur ne redoutera rien, et il n'aura point peur, parce que lui-même est son espérance"; et c'est pourquoi il dit: L'iniquité de mon talon. Par talon on peut comprendre trois choses. - D'abord, qu'il s'agit de l'extrême partie du corps. Et c'est pourquoi L'iniquité de mon talon, c'est l'iniquité qui persévère jusqu'à la fin de la vie; et le mot talon se comprend alors de cette manière: "Elle-même", c'est-à-dire la femme, "te brisera la tête", à savoir la raison supérieure brisera la tête du serpent, "et toi tu lui dresseras des embûches au talon", c'est-à-dire tu lui dresseras des embûches jusqu'à la fin de la vie.

- De même, par talon on peut comprendre l'infirmité de la chair: car lorsque l'homme tombe en faiblesse, son talon glisse. Et ainsi L'iniquité [du] talon, c'est-à-dire le péché procédant de l'infirmité de la chair, m'environnera.

- Enfin la persécution injuste que quelqu'un mène contre un autre, selon ces paroles de Jean: "Celui qui mange le pain avec moi, a levé le talon contre moi." Et ainsi L'iniquité [du] talon, c'est-à-dire la persécution injuste, se retourne contre celui qui persécute: "L'impie est pris dans ses iniquités, et il est lié par les chaînes de ses péchés."

2. Ceux qui se confient en leur propre force. Le psalmiste expose ici la raison pour laquelle il faut craindre; car c'est à cause du péché. Et il y a deux raisons pour lesquelles le péché doit être craint.

D'abord, à cause de l'impossibilité d'échapper au châtiment du péché: "Pour eux point de refuge, et ce que l'âme a eu en abomination, voilà leur espérance."

L'autre raison est due aux maux qui menacent les méchants.

a) Il expose donc d'abord l'impossibilité d'échapper à la peine.

b) Puis il montre les maux qui menacent les méchants: 11 Il ne verra pas.

a. Quelqu'un échappe à des châtiments: d'abord par un secours extérieur, puis par sa propre sollicitude, enfin par absence de sujet, comme lorsqu'il meurt.

Et il montre qu'il n'y échappe par aucun de ces moyens.

- En premier lieu, ni par un secours.

- Ensuite, ni par un remède venant de lui.

- Enfin, ni par absence de sujet.

- Celui qui veut être libéré par un secours est parfois libéré par la puissance de son armée: "Si mon royaume était de ce monde, mes serviteurs auraient combattu pour que je ne fusse pas livré aux Juifs." Parfois par ses richesses: "Il donnera tout le bien de sa maison", et se libérera. Parfois par ses amis. Et il montre qu'aucun de ces secours ne peut le libérer de la peine du péché. Et bien que la lecture de la Glose soit différente, cependant celle des Hébreux est la suivante: parce que Dieu libère ceux qui se confient en lui, Le frère ne rachètera point, autrement dit, le frère ne rachètera point ceux qui se confient en lui. C'est pourquoi le psalmiste montre d'abord que par le secours des amis il n'est pas aidé pour échapper à la peine du péché, car la force des amis est insignifiante. Et par conséquent il ne faut pas se confier dans la force matérielle des amis. Aussi dit-il: Ceux qui se confient en leur propre force, c'est-à-dire en leurs amis, ou bien en leur propre force spirituelle; car "telle voie paraît droite à un homme, mais son issue c'est la voie de la mort".

Semblablement ceux qui se confient dans la force de leurs richesses ne sont pas libérés par tous ces biens de la peine du péché, parce que "ceux qui se confient dans leurs richesses se flétriront". Car il ne faut pas se confier dans les richesses matérielles ou spirituelles; mais que l'homme cherche son salut comme il peut: "Que le sage ne se glorifie pas dans sa sagesse; que le fort ne se glorifie pas dans sa force; que le riche ne se glorifie pas dans ses richesses."

Et aucune personne unie à lui n'est en mesure de le racheter, c'est-à-dire de le libérer du péché, ou de la peine: "Si ces trois hommes, Noé, Daniel et Job, se trouvent au milieu de lui, ils délivreront leurs âmes par leur justice." Mais puisqu'un frère ne peut racheter malgré sa proximité, un homme rachètera-t-il ? Non, parce qu'un homme ne peut délivrer quiconque de la main de Dieu, mais seul Dieu ainsi que l'homme, c'est-à-dire le Christ, les rachètera; lui qui est un homme, en tant que prix, c'est-à-dire en qui la mort peut avoir place, et qui est Dieu ayant la puissance de racheter. Ou bien autrement: Le frère, c'est-à-dire le Christ, qui est notre véritable frère: "Je raconterai ton nom à mes frères; je te louerai au milieu de l'assemblée." - "Qui me donnera de t'avoir pour frère, suçant les mamelles de ma mère, afin que je te trouve dehors, que je t'embrasse, et que désormais personne ne me méprise ?" Si celui-ci ne rachète pas, qui d'autre rachètera ? Autrement dit: personne.

- il ne donnera pas à Dieu sa rançon. Ici le psalmiste montre qu'ils n'échappent pas à la peine en raison de ce qu'ils accomplissent en état de péché: car les pécheurs ont besoin d'un double remède à cause d'un double mal qu'ils encourent, c'est-à-dire l'offense à Dieu et l'obligation à la peine. Et c'est pourquoi ils ont besoin d'apaiser Dieu: ce qu'eux-mêmes ne peuvent faire, puisqu'ils ne plaisent pas à Dieu, sont ses ennemis, et qu'il n'agrée pas leurs présents; aussi dit-il: Il ne donnera pas à Dieu sa rançon, car les choses extérieures ne plaisent pas à Dieu, à moins qu'il ne s'agisse d'une grâce intérieure, ce que l'homme comme tel ne peut donner. Semblablement ils ont besoin d'être absous de la peine, et cela aussi l'homme ne peut l'accomplir, aussi dit-il: ni le prix du rachat de son âme, c'est-à-dire que l'homme comme tel ne peut pas le donner et que par conséquent il ne peut pas libérer de la peine: "Quel est l'homme qui vivra et ne verra pas la mort ? [qui] retirera son âme de la main de l'enfer ?" Mais le Christ, qui est Dieu et homme, a donné sa rançon à Dieu pour nous: "Si, lorsque nous étions ennemis, nous avons été réconciliés avec Dieu par la mort de son Fils, à plus forte raison, étant réconciliés, serons-nous sauvés par sa vie." De même, il a donné l'unique prix de la rédemption: "Vous avez été affranchis de la vaine conduite héritée de vos pères, mais par un sang précieux, comme d'un agneau sans reproche et sans tache, le Christ." Ou bien, Il ne donnera pas, c'est-à-dire ne se souciera pas de donner sa rançon, ni le prix du rachat de son âme, à savoir celui qui se confie dans les richesses. Et selon cela une autre interprétation peut y être ajoutée: Le frère, c'est-à-dire le Christ, ne rachète[ra] point, parce que ceux-là ne se soucient pas d'apaiser Dieu par la pénitence, parce que le Christ n'aide pas ceux qui refusent de s'aider.

- et il peinera éternellement. Ici le psalmiste montre qu'il n'y échappe pas par sa propre absence, car il est toujours puni; aussi dit-il: il peinera éternellement, c'est-à-dire sera puni par un supplice éternel: "Ceux-ci iront au supplice éternel", car ils ont refusé de peiner ici-bas, "mais les justes à la vie éternelle." - "Ils ne seront pas sujets à la peine des hommes, et avec les [autres] hommes ils ne seront pas frappés." Et pour autant qu'il se peut, ils péchèrent éternellement, car ils préférèrent le péché à la loi de Dieu; c'est pourquoi ils ne craignent pas la peine; mais voudraient toujours commettre le péché. et vivra encore jusqu'à la fin, c'est-à-dire sa vie ne cessera pas dans les peines: "Il expiera tout ce qu'il a fait, et cependant il ne sera pas consumé."

11 Il ne verra pas la mort, lorsqu'il aura vu les sages mourir. L'insensé et le sot périront également.

b. Plus haut le psalmiste a montré qu'il faut craindre à cause du péché. Car il n'y a aucun remède pour échapper à la peine; mais ici il traite des malheurs qui les menacent à cause de leur imprévoyance: et à ce propos il fait trois choses.

- Il rappelle d'abord leur imprévoyance à propos des maux futurs.

- Puis il rappelle les maux qui les menacent: 12 ils laisseront à des étrangers leurs richesses.

- Enfin il expose l'espérance en Dieu grâce à laquelle il espère être libéré de ces maux: 16 Mais Dieu rachètera mon âme.

- En rappelant leur imprévoyance il fait deux choses.

· Il commence par montrer leur imprévoyance.

· Puis la cause de l'ignorance: lorsqu'il aura vu.

· Ainsi dit-il: tel est celui que tant de maux menacent: Il ne verra pas, c'est-à-dire ne considérera pas sa perte, à savoir sa damnation. Car il appartient aux justes de se souvenir de la fin. Mais à propos de ceux-ci il est écrit dans le Deutéronome: "Le peuple est dénué de sens, et il n'a aucune prudence."

· Et pourquoi les hommes injustes n'ont-ils pas de prévoyance vis-à-vis d'eux-mêmes ? La raison en est donnée par ce verset de l'Ecclésiastique: "C'est là ce qu'il y a de pire parmi tout ce qui se fait sous le soleil: les mêmes choses arrivent à tous." Et c'est pourquoi ils ne considèrent pas ce qui peut leur arriver dans le futur. Aussi le psalmiste dit-il: lorsqu'il aura vu [même] les sages mourir; mais voyant la mort corporelle des justes, ils ne considèrent pas leur gloire: "Ils verront la fin du sage et ne comprendront pas ce que Dieu a décidé à son sujet, et en vue de quoi il l'a mis en sécurité."

Il y a une différence entre l'insensé et le sot. L'insensé est celui qui possède la connaissance humaine, mais qui ne considère pas les réalités éternelles; le sot est celui qui ne prend même pas en considération les réalités présentes. Ou bien, l'insensé est celui qui ne fait pas attention aux maux présents, mais aux maux futurs; le sot est celui qui y fait attention, mais ne les évite pas; aussi dit-il: L'insensé et le sot périront également. Selon Jérôme, double est la cause du mépris des hommes injustes: la longévité de la vie, et le fait qu'ils voient les sages et les insensés mourir également.

12 Et ils laisseront à des étrangers leurs richesses, et leurs sépulcres [seront] leurs demeures pour toujours. Leurs tentes [subsisteront] de génération en génération, ils invoqueront leurs noms dans leurs terres.

- Ici le psalmiste expose les maux qui arrivent aux pécheurs.

· Et il expose d'abord les maux qui arrivent dans le présent.

· Puis il expose les maux qui arriveront dans le futur: 15 Comme des brebis.

· À propos des maux qui arrivent dans le présent il fait deux choses:

Il expose d'abord les maux qui arrivent dans le présent quant aux biens extérieurs.

Puis quant aux biens intérieurs: 13 Et l'homme, lorsqu'il était en honneur.

Il montre d'abord ce que le méchant perd par la mort. Il dit qu'il perd les richesses; aussi déclare-t-il: Et ils laisseront a des étrangers leurs richesses.- "Celui qui amasse des richesses, mais d'une façon injuste, au milieu de ses jours il les quittera." Et il dit: leurs, comme si elles étaient possédées par eux; ou bien parce qu'ils n'en ont pas usé pour le bien des autres: "Tous cherchent leurs intérêts personnels." Il dit aussi: à des étrangers, parce que souvent des étrangers, c'est-à-dire des étrangers à la famille selon la chair, reçoivent leurs propres richesses: "Il thésaurise, et il ignore pour qui il les aura amassés." Que si parfois ils laissent leurs richesses à leurs fils, ils sont cependant étrangers, comme le dit Luc: le prochain est "celui qui a exercé la miséricorde" ? Et il arrive que les fils et les neveux ne fassent rien de bon à l'égard des morts; au contraire il leur reste deux choses des biens du monde: le tombeau et la réputation des hommes. En parlant de la seconde chose, c'est-à-dire de la réputation des hommes, il dit: Leurs tentes.

En parlant de la première chose, des biens du monde il dit: ils ont eu des maisons, et des vignes et des chars, et beaucoup de biens précieux. Mais qu'auront-ils dans la mort ? Pour palais ils auront un tombeau, et cela éternellement, c'est-à-dire que jusqu'au jour du jugement ils habiteront dans des tombeaux. Ou bien du fait qu'ils se bâtissent des tombeaux recherchés, ils croient y habiter éternellement; mais ils se font illusion, car leurs tombeaux seront aussi détruits. Aussi, bien que dans leur idée ces tombeaux soient leurs demeures éternellement, il n'en est cependant pas ainsi. La version iuxta Hebraeos de Jérôme lit autrement: "Interiora eorum domus illorum in aeternum (Leurs intérieurs [seront] leurs demeures pour toujours)", car l'homme a une double demeure: extérieure, et cette dernière ne subsiste pas pour toujours: "Mets ordre à ta demeure, car tu vas mourir, et tu ne vivras plus"; et intérieure, à savoir la conscience, et celle-ci subsiste toujours, soit bonne, soit mauvaise.

Leurs tentes. Ici le psalmiste montre que la réputation, ou ce qui rappelle la mémoire de l'homme après sa mort, ne subsiste pas. Les faits mémorables de l'homme sont ses grands édifices; c'est pourquoi il dit: Leurs tentes [subsisteront] de génération en génération, autrement dit: elles sont construites comme si elles allaient durer jusqu'à la fin; mais ils se font illusion, car elles seront détruites: "Où est la maison d'un prince, et où sont les tentes des impies ?" - "Vois-tu tous ces grands édifices ? Il n'en restera pas pierre sur pierre qui ne soit renversée." Et il dit: Leurs tentes, parce qu'elles ne subsistent pas longtemps en leur possession. ils invoqueront leurs noms dans leurs terres, autrement dit, l'intention de cette édification, c'est qu'ils soient invoqués dans leurs terres: "Venez, bâtissons-nous une cité et une tour dont le sommet touche le ciel; et rendons notre nom célèbre avant que nous ne nous dispersions en toute la terre." - "Des enfants et la fondation d'une cité perpétuent le nom"; voilà pourquoi ils appellent les cités de leur nom, et il dit: leurs (suis), car le nom d'un homme ne s'étend pas au-delà de sa propre terre. Et c'est pourquoi il est insensé pour l'homme de glorifier son nom sur des terres. Ou bien: ils invoqueront leurs noms, c'est-à-dire celui des défunts, sur leurs terres, en apportant de la nourriture à leurs tombeaux.

13 Et l'homme, lorsqu'il était en honneur, n'a pas compris; il fut comparé aux bêtes sans raison, et il est devenu semblable à elles.

Plus haut le psalmiste a mentionné les maux qui menacent les méchants, quant à la perte des biens extérieurs; mais ici il expose ce qui les menace à cause de la corruption des biens intérieurs: et à cet égard il fait deux choses.

Il mentionne d'abord le mal de la corruption intérieure.

Puis il montre ce qui résulte de ce mal: 14 Telle est leur voie.

Or il faut savoir que l'homme est composé d'une nature raisonnable et sensitive. Selon la nature raisonnable, l'homme a une ressemblance avec Dieu et les anges: "Faisons l'homme à notre image, selon notre ressemblance." - "Tu l'as abaissé un peu au-dessous des anges, tu l'as couronné de gloire et d'honneur." Mais selon la nature sensitive il a quelque chose de commun avec les bêtes. Il expose donc d'abord l'honneur de l'homme en tant qu'il a une ressemblance avec les anges; c'est pourquoi il dit: L'homme, lorsqu'il était en honneur. Selon le Philosophe, l'honneur est quelque chose de plus excellent que la louange: car la louange est ordonnée à une autre chose; tandis que l'honneur se suffit par lui-même et en lui-même. Il dit: était, c'est-à-dire semblable à Dieu. Et parce qu'il a ces ressemblances, il mentionne d'abord trois choses: il mentionne en premier lieu ce que l'homme ne prend pas en considération, à savoir qu'il est semblable à Dieu. Puis, qu'il se tourne vers l'ignorance et l'abjection bestiale.

En parlant de la première chose il dit: n'a pas compris, à savoir qu'il est fait à l'image de Dieu et qu'il était apte à posséder les réalités célestes: "Ils n'ont point espéré la récompense de la justice, et ils n'ont point cru à l'honneur des âmes saintes."

En parlant de la deuxième chose il dit: il fut comparé aux bêtes sans raison. Les animaux sans raison agissent sous la passion; et cela est manifeste, car le chien, dès qu'il se met en colère, aboie; le cheval, lorsqu'il exprime son désir, hennit; mais on ne leur impute pas cela, parce qu'ils sont privés de raison. Donc si l'homme, dès qu'il convoite, se met à suivre sa passion, et frappe sous le coup de la colère, il est comparé dans son action aux bêtes sans raison: "Ne devenez point comme un cheval et un mulet, qui n'ont point d'intelligence."

En parlant de la troisième chose il dit: "Il est devenu semblable à elles"; car lorsque la nature des bêtes sans raison se tourne vers quelque chose, elle agit ainsi sous la passion, et l'habitude retourne vers la nature. Donc lorsque l'homme a l'habitude de vivre selon la passion, il retourne vers la nature; aussi le psalmiste dit-il qu'il est devenu semblable à elles, par le poids acquis des oeuvres mauvaises: "Ils sont devenus comme des chevaux emportés par l'amour"; et c'est pourquoi le Philosophe dit qu'un homme mauvais est pire qu'une bête mauvaise, parce qu'avec la malice il possède l'intelligence pour inventer encore des maux divers.

14 Telle est leur voie, [qui] leur est [une occasion] de scandale; et après cela ils se complairont dans leurs discours.

Ici il montre ce qui résulte de ce mal qu'ils encourent, à savoir qu'ils sont devenus semblables aux bêtes: car on pourrait dire qu'il n'en résulte rien de mal. Mais il n'en est pas ainsi. Au contraire il en résulte un autre effet.

* Et il montre d'abord ce qui résulte pour eux-mêmes.

* Puis pour les autres.

* Pour eux-mêmes il dit: Telle est leur voie, car il en résulte des passions, [qui] leur [sont] [une occasion de] scandale, parce qu'ils sont troublés intérieurement: "Que leur table soit devant eux une occasion de scandale." De même extérieurement ils sont aussi troublés, parce qu'ils sont punis et déshonorés. Selon le Philosophe, les dépravés sont remplis de regret.

* Pour les autres il en résulte qu'après cela ils se complairont dans leurs discours. Et il explique cela de deux manières.

Selon une première manière comme suit: après avoir scandalisé intérieurement et accompli le mal, ils veulent que les autres les imitent. Et c'est pourquoi ils s'appliquent à plaire aux autres, afin de les entraîner à pécher: "Si les pécheurs t'attirent par leurs caresses, ne te laisse pas gagner par eux."

Selon une seconde manière il blâme ainsi la simulation, autrement dit: après avoir ainsi troublé et poursuivi le mal, ils se complairont dans leurs discours, c'est-à-dire s'appliqueront à dire des choses saintes et flatteuses: "Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites, parce que vous ressemblez à des sépulcres blanchis, qui au-dehors paraissent beaux, mais au-dedans sont pleins d'ossements de morts et de toute sorte de pourriture. Ainsi vous, au-dehors, vous paraissez justes aux hommes, mais au-dedans vous êtes pleins d'hypocrisie et d'iniquité" Selon la Glose, ceux qui simulent sont pires que ceux qui sont ouvertement mauvais.

Mais cela est-il vrai ? Il semble que non: "Ils ont publié leur péché comme Sodome, et ils ne l'ont point caché." Selon une Glose de Jérôme, la seconde planche après le naufrage est de pécher en cachette.

Il faut dire qu'une chose est de ne pas publier un péché, et une autre est de simuler l'innocence. Car publier un péché, c'est un mal parce qu'il scandalise les autres; mais simuler l'innocence afin d'entraîner les autres au péché est un mal plus grand. Et c'est de cela qu'il parle ici. Une autre version lit: "Et in ore suo benedicent Deum (Ils béniront Dieu dans leurs discours)"; et on explique cela comme suit: bien qu'intérieurement ils soient des bêtes, cependant extérieurement ils béniront Dieu de leurs lèvres: "Ce peuple m'honore de ses lèvres, tandis que son coeur est éloigné de moi." Ou bien autrement: ils béniront Dieu pour les maux qu'ils ont accomplis. La version iuxta Hebraeos de Jérôme lit: "Post eos justitiae eorum current (Leurs justices courront après eux)", autrement dit, il n'a pas compris, et il est devenu semblable aux bêtes, et pour cette raison ils scandalisent; et cela a lieu, parce qu'ils ont voulu être des bêtes. C'est pourquoi après [eux], c'est-à-dire à la fin ils seront mangés par les bêtes, c'est-à-dire par les démons, autrement dit: ils courront à la suite des démons en enfer.

15 Comme des brebis ils ont été mis dans l'enfer, la mort les fera paître. Et les justes domineront sur eux dès le matin; et leur secours vieillira dans l'enfer après leur gloire. 16 Mais Dieu rachètera mon âme de la main de l'enfer, lorsqu'il m'aura pris.

Ici le psalmiste expose les maux qui arrivent aux pécheurs après cette vie. Et puisqu'il a déjà mentionné deux maux, à savoir qu'ils sont semblables aux bêtes et qu'ils méprisent la sagesse, le troisième mal est qu'ils mettent leur confiance dans la force.

Pour s'opposer au premier mal il dit: puisque ceux-ci sont comme des bêtes, il est juste qu'ils soient punis comme des bêtes; d'où ces paroles: Comme des brebis ils ont été mis dans l'enfer. Les brebis ne sont pas pourvues de secours par la nature pour se défendre, et c'est pourquoi elles sont exposées au massacre: "Nous sommes regardés comme des brebis de tuerie." Donc, puisque les méchants en enfer sont tout à fait exposés aux peines, ils sont comme des brebis: "Rassemble-les comme un troupeau pour la boucherie, et prépare-les pour le jour du carnage." Semblablement les brebis sont tondues, et une fois tondues elles sont tuées; ainsi les méchants sont d'abord tondus de leur laine, ils sont privés ou dépouillés de leurs biens extérieurs, et ensuite ils sont tués en enfer.

la mort les fera paître.- "Leur lot sera l'étang de feu et de soufre, c'est-à-dire la seconde mort." Là elle les fera paître; et il dit: fera paître, car bien que la mort implique une peine, cependant elle ne l'efface pas totalement; mais elle se maintient toujours comme une peine. Ou bien, la mort, c'est-à-dire le diable: "Et je vis paraître un cheval de couleur pâle. Celui qui le montait se nommait la Mort, et l'Enfer le suivait." Elle les fera paître, c'est-à-dire les mènera des pâturages vers d'autres pâturages, c'est-à-dire des peines vers d'autres peines: "Qu'il passe des eaux des neiges à une excessive chaleur, et que jusques aux enfers son péché la conduise." Une autre version lit: "Mors pastor eorum erit (La mort sera leur pasteur)", autrement dit, en cette vie ils sont comme des brebis destinées à l'enfer, et le diable est leur pasteur.

Et [ils] domineront. Ceci s'oppose à ce qu'il a dit plus haut, à savoir que les sages semblent mourir en même temps que les insensés. Il dit ici que les justes domineront sur eux, c'est-à-dire sur les méchants. Ou bien les sages, qui sont appelés justes, domineront sur eux dès le matin, c'est-à-dire au jour du jugement, lorsqu'ils recevront le pouvoir judiciaire: "Vous foulerez les impies, lorsqu'ils seront comme de la cendre sous la planté de vos pieds, en ce jour où j'agirai, dit le Seigneur des armées."

et leur secours. Tel est ce qu'il a dit: et se glorifient dans la multitude de leurs richesses, autrement dit, leur secours, qui venait de leurs amis et de leurs richesses, vieillira, c'est-à-dire périra en enfer: "Vers qui fuiriez-vous pour avoir du secours ?" - "Voici que je n'ai pas de secours en moi." après leur gloire, c'est-à-dire proportionnellement à leur gloire: "Autant elle s'est glorifiée, autant donnez-lui de tourment et de deuil."

- 16 Mais Dieu rachètera mon âme, autrement dit: les méchants ont ces tourments, mais je serai libéré de ceux-ci. Et par quoi ? Par l'effusion du sang du Christ. Mais Dieu rachètera de la main de l'enfer, c'est-à-dire de la main du diable, sous laquelle les hommes étaient avant la venue du Christ: "Je les rachèterai de la mort." lorsqu'il m'aura pris, c'est-à-dire lorsqu'il aura pris mon âme: "Ce n'est certes pas à des anges qu'il vient en aide, mais c'est à la postérité d'Abraham."

17 Ne crains pas lorsqu'un homme sera devenu riche, et que la gloire de sa maison se sera accrue. 18 Parce que, lorsqu'il sera mort, il ne prendra pas tous ces [biens], et sa gloire ne descendra pas avec lui.

B. Plus haut le psalmiste a montré ce qui est à craindre dans le monde pour l'homme; ici il montre ce qu'il ne doit pas craindre, à savoir la prospérité des impies.

1) Et il exhorte d'abord à ne pas craindre la prospérité des méchants.

2) Ensuite il en donne la raison: Parce que, lorsqu'il sera mort.

1. La prospérité des méchants comprend deux choses: l'abondance des richesses, et la sublimité de la gloire.

a) En parlant de l'abondance des richesses il dit: Ne crains pas lorsqu'un homme sera devenu riche.

b) En parlant de la sublimité de la gloire il dit: et que la gloire de sa maison se sera accrue.

a. Et il dit: l'homme. L'homme est composé d'une double nature: animale et raisonnable. Et parfois il est considéré selon l'une, parfois selon l'autre. Ici il est considéré selon sa nature animale, autrement dit: ne crains pas si l'homme animal devient riche, car ces derniers s'enrichissent souvent: "Pourquoi les impies vivent-ils, sont-ils élevés et affermis dans leurs richesses ?" Et de même: "Les tentes du voleur sont dans l'abondance"; ainsi lorsque tu verras ces choses, ne crains pas. La cause de la crainte peut être double: l'une est de les voir déchaîner leur fureur sur les hommes; l'autre est que les bons en soient scandalisés, et qu'ils faiblissent dans leur espérance, selon ce verset d'un psaume: "Mais mes pieds ont presque chancelé, et mes pas ont presque dévié [...] Et j'ai dit: "C'est donc sans cause que j'ai gardé mon coeur pur"", autrement dit, par le fait que Dieu fait tant de bien aux méchants, il semblé qu'il ne se soucié pas de nous, selon ce verset de Malachie: "C'est en vain que l'on sert Dieu; qu'avons-nous à garder ses préceptes, et à marcher avec tristesse devant le Seigneur des armées ?"

b. En parlant de la sublimité de la gloire il dit: et que la gloire de sa maison se sera accrue.- "N'envie pas la gloire et les richesses du pécheur; car tu ne sais pas quelle sera sa ruine." - "J'ai vu l'impie exalté et élevé comme les cèdes du Liban; et j'ai passé, et voici qu'il n'était plus, et je l'ai cherché et sa place ne s'est plus trouvée."

2. 18 Parce que, lorsqu'il sera mort. Ici le psalmiste donne la raison pour laquelle ils ne doivent pas craindre si les méchants deviennent riches.

a) D'abord, parce qu'un jour ils seront privés de tous les biens extérieurs.

b) Puis qu'ils manqueront aussi de tous les biens intérieurs: Car son âme, pendant sa vie, sera bénie.

a. C'est pourquoi il dit: ils ne doivent pas craindre, parce que Dieu te réserve de plus grands biens. Et ces biens qui leur sont donnés sont transitoires.

Et il montre d'abord que les richesses sont transitoires en disant: Parce que, lorsqu'il sera mort, à savoir le riche, il ne prendra pas tous ces `biens], c'est-à-dire ne pourra rien avoir de tout ce qu'il possède: "Le riche, lorsqu'il s'endormira, n'emportera rien avec lui." - "Nous n'avons rien apporté dans ce monde, et sans aucun doute nous n'en pouvons rien emporter."

Puis il montre la privation de la gloire de l'homme pécheur: et sa gloire ne descendra pas avec lui; car alors sa gloire cesse en même temps que périt sa chair, et l'ignominie lui est réservée en enfer: "Je changerai leur gloire en ignominie." - "Autant elle s'est procuré de gloire et de délices, autant donnez-lui de tourment et de deuil."

19 Car son âme, pendant sa vie, sera bénie: il te confessera lorsque tu lui auras fait du bien. 20 Il ira rejoindre les générations de ses pères, et jusque dans l'éternité, il ne verra pas la lumière. 21 L'homme, lorsqu'il était en honneur, n'a pas compris: il fut comparé aux bêtes sans raison, et il est devenu semblable à elles.

b. Ici le psalmiste expose:

- D'abord la privation des biens intérieurs relatifs au corps.

- Puis la privation des biens intérieurs relatifs à l'âme: Il ira rejoindre.

- Il montre donc:

D'abord qu'après cette vie le bien du corps leur fera défaut.

· Puis que le bien de la vertu cessera, si tant il est vrai qu'ils l'ont eu.

· Il dit donc: Car son âme. De même que l'homme est considéré tantôt selon sa nature animale, tantôt selon sa nature raisonnable, ainsi l'âme est-elle considérée de deux manières: parfois selon la vie raisonnable, comme le dit ce verset du Deutéronome: "Tu aimeras le Seigneur ton Dieu, de tout ton coeur, de toute ton âme et de toute ta force." Parfois selon la vie animale: "Mon âme, tu as de grands biens en réserve pour beaucoup d'années; repose-toi, mange, bois, fais bonne chère." Suivant cela il dit donc: Car son âme, c'est-à-dire sa vie animale, pendant sa vie sera bénie, autrement dit: tout ce qu'il a de richesses et de gloire, c'est tout son bien en cette vie; et au terme de cette vie cessera sa gloire; et c'est pourquoi il ne peut bénir sa vie sinon pendant sa vie terrestre.

· De même il arrive que des pécheurs louent Dieu, ou accomplissent des oeuvres qui portent sur une catégorie de biens; mais si l'adversité menace, leur louange cesse, ou leur bonne oeuvre. Et c'est pourquoi il se tourne vers Dieu en disant: "Ô Dieu", c'est-à-dire tel ce pécheur ou quelqu'un se trouvant dans la prospérité te confessera, c'est-à-dire te louera, lorsque tu lui auras fait du bien, à savoir lorsque tu lui auras donné les biens temporels qu'il aime: "La bénédiction du Seigneur enrichit, et l'affliction n'y sera pas mêlée."

Selon la version iuxta Hebraeos de Jérôme on lit: "Laudabunt te cum bene tibi fuerit (Ils te loueront lorsque cela ira bien pour toi)", c'est-à-dire les hommes louent et se servent des riches, aussi longtemps qu'ils sont dans l'abondance et qu'ils prospèrent dans les richesses; mais si leur fortune vient à changer, ils changent, ne louent plus, et deviennent au contraire détracteurs.

- 20 Il ira rejoindre. Ici le psalmiste expose la privation des biens spirituels.

· Et il montre d'abord leur privation.

· Ensuite il expose l'ordre suivant lequel on aboutit à cette privation: 21 L'homme.

· Et il expose:

D'abord la privation due à la faute.

Puis la privation due à la peine.

En parlant de la privation due à la fauté il dit: ira rejoindre, à savoir ce pécheur riche en quelque sorte, et que tous louent, tandis que tout va bien pour lui; ira rejoindre, dis-je, les générations de ses pères, c'est-à-dire par imitation, tandis que tous les maux que toute sa propre génération a commis, lui-même les accomplit: "Et vous, comblez la mesure de vos pères." - "Ils sont retournés aux anciennes iniquités de leurs pères, qui n'ont pas voulu écouter mes paroles." Ou bien: il ira rejoindre, etc., car ses propres pères impies sont en enfer, et celui-ci y ira.

En parlant de la privation due à la peine il dit: et jusque dans l'éternité, il ne verra pas la lumière, car de même qu'ici-bas dans sa propre éternité, c'est-à-dire durant sa vie, il a refusé de suivre la lumière de la raison, ainsi jusque dans l'éternité, il ne verra pas la lumière.- "Il ne croit pas qu'il puisse revenir des ténèbres à la lumière."

- "Quant à ce serviteur inutile, jetez-le dans les ténèbres extérieures; là il y aura des pleurs et des grincements de dents."

· Et suivant quel ordre aboutit-il à cette privation ? Etant donné que lorsqu'il jouissait de la lumière de la raison, comme l'homme établi en honneur, il a refusé d'être dirigé par cette lumière, il fut comparé aux bêtes sans raison; et c'est pourquoi il agit comme les bêtes sans raison, et doit être voué à la tuerie.

 

 

COMMENTAIRE DU PSAUME 49

1 Psaume d'Asaph.

Le Dieu des dieux, le Seigneur a parlé, et il a appelé la terre. 2 Depuis le lever du soleil jusqu'à son coucher, de Sion se manifestera l'éclat de sa gloire.

3 Dieu viendra manifestement: notre Dieu, et il ne gardera pas le silence. Un feu s'allumera en sa présence, et autour de lui [s'élèvera] une tempête violente.

4 Il a appelé le ciel d'en haut et la terre pour faire le discernement de son peuple. 5 Rassemblez-lui ses saints, qui exécutent son alliance sur les sacrifices. 6 Et les cieux annonceront sa justice, parce que Dieu est juge.

7 Écoute, mon peuple, et je parlerai; Israël, et je te prendrai à témoin: Dieu, ton Dieu, [c'est] moi [qui] le suis.

8 Je ne te reprendrai pas pour tes sacrifices; car tes holocaustes sont en ma présence toujours. 9 Je ne prendrai pas les veaux de ta maison, ni les boucs de tes troupeaux. 10 Car sont miennes toutes les bêtes sauvages des forêts, [ainsi que] les animaux sur les montagnes et les boeufs. 11 Je connais tous les volatiles du ciel, et la beauté des champs est avec moi. 12 Si j'ai faim, je ne te le dirai pas; car à moi est le globe de la terre et sa plénitude.

13 Est-ce que je mangerai des chairs de taureaux ? Ou boirai-je du sang des boucs ? 14 Immole à Dieu un sacrifice de louange, et rends au Très-Haut tes voeux.

15 Et invoque-moi au jour de la tribulation: je te délivrerai et tu m'honoreras.

16 Mais au pécheur Dieu a dit: "Pourquoi racontes-tu mes justices, et prends-tu mon alliance en ta bouche ?" 17 Mais toi, tu as haï la discipline, et tu as rejeté mes paroles derrière toi. 18 Si tu voyais un voleur, tu courais avec lui, et avec les adultères tu mettais ta part.

19 Ta bouche a abondé en malice, et ta louange ajustait des tromperies. 20 Assis, tu parlais contre ton frère, et contre le fils de ta mère tu posais une pierre d'achoppement. 21 Voilà ce que tu as fait, et je me suis tu. Tu as estimé injustement que je serai semblable à toi; je te reprendrai, et mettrai [tout] devant ta face.

22 Comprenez ces choses, vous qui oubliez Dieu; de peur qu'il n'enlève, et qu'il n'y ait personne qui [vous] délivre. 23 Le sacrifice de louange m'honorera, et là est le chemin par lequel je lui montrerai le salut de Dieu.

 

1 Psaume d'Asaph.

Le Dieu des dieux, le Seigneur a parlé, et il a appelé la terre. 2 Depuis le lever du soleil jus qu'à son coucher, de Sion se manifestera l'éclat de sa gloire.

Plus haut le psalmiste a invité les nations à se confier en Dieu; ici il les instruit à propos du culte de Dieu. Ce psaume est intitulé: Psaume d'Asaph. Asaph fut l'un de ceux qui dirigeaient les chantres des peuples, et de ceux qui chantaient et louaient avec des cymbales, comme le rapporte le premier livre des Chroniques. Il est appelé psaume d'Asaph parce qu'il est chanté au cours du service d'Asaph. Et il convient au mystère, en ce sens qu'Asaph veut dire synagogue, et qu'on le lit en tant qu'il personnifie la synagogue.

Après avoir donné une instruction au sujet des sacrifices, il fait connaître deux choses concernant le culte de Dieu:

I) Celles qui préparent le jugement de Dieu, et c'est la première chose.

II) Puis la discussion de Dieu avec son peuple à propos de son culte: 7 Écoute, mon peuple.

I. Avant le jugement, trois choses auront lieu: la convocation du juge, la venue du juge et les préparatifs du jugement.

A) Le psalmiste mentionne donc d'abord la convocation du juge.

B) Puis sa venue: 3 Dieu viendra manifestement: notre Dieu.

C) Enfin les préparatifs du jugement: Un feu s'allumera en sa présence.

A. En parlant de la convocation du juge il fait trois choses:

1) Il montre d'abord qui est le convocateur.

2) Puis qui sont les convoqués: il a appelé.

3) Enfin dans quel ordre ils sont convoqués: de Sion.

1. Celui qui convoque est grand, parce qu'il est le Dieu de toutes choses, même des dieux; aussi dit-il: Le Dieu des dieux a parlé. Ainsi le convocateur est d'abord loué pour l'excellence de sa nature, car il est le Dieu des dieux et non un Ange. La version iuxta Hebraeos de Jérôme lit: fortis Deus (le Dieu fort). Mais sont-ils une multitude de dieux ? - "Il y a beaucoup de dieux et beaucoup de seigneurs." - Dieu se dit en effet de trois manières

Par nature: et ce dernier est seulement un seul Dieu: "Écoute, Israël: le Seigneur ton Dieu est l'unique Seigneur."

Semblablement, par participation, et ceux-ci sont nombreux: "S'il est des êtres qui sont appelés dieux, soit dans le ciel, soit sur la terre - il y a de la sorte beaucoup de dieux et beaucoup de seigneurs -, pour nous, néanmoins, il n'y a qu'un seul Dieu, le Père, de qui viennent toutes choses et pour qui nous sommes, et un seul Seigneur, Jésus-Christ, par qui sont toutes choses et par qui nous sommes."

De même, par dénomination et renommée, comme les idoles et les astres, par exemple Vénus et Saturne: Tous les dieux des nations sont des démons. 9 Mais certains dieux peuvent être appelés de quatre manières:

Selon une première manière par l'union; et ainsi seul le Christ est appelé Dieu: "Mon Seigneur, et mon Dieu."

D'autres, par la grâce de l'adoption: "Moi j'ai dit: "Vous êtes des dieux, et fils du Très-Haut, tous.""

Certains, par la participation à la puissance divine dans l'accomplissement des miracles: "Je t'ai établi le Dieu du Pharaon; et Aaron ton frère sera ton prophète."

D'autres, par la fonction, comme les juges: "Tu ne médiras pas des dieux."

Semblablement le convocateur est loué pour son gouvernement, lorsqu'il dit: le Seigneur a parlé. Celui-ci a parlé intérieurement par l'inspiration: "J'écouterai ce que dira au-dedans de moi le Seigneur Dieu."

De même pour sa parole extérieure: "Dans ces derniers temps, Dieu nous a parlé par le Fils, qu'il a établi héritier de toutes choses et par lequel il a aussi créé le monde."

2. et il a appelé la terre, à savoir toute la terre, c'est-à-dire les habitants de la terre entière; c'est pourquoi sont convoqués non point seulement quelques-uns choisis au milieu du monde, mais 2 depuis le lever du soleil jusqu'à son coucher. - "Allez par le monde entier, et prêchez l'Évangile à toute créature." - "Les nations viendront à toi des extrémités de la terre et diront: "Nos pères n'ont eu en héritage que le mensonge, des vanités qui ne servent à rien.""

3. L'ordre de l'appel est exposé lorsqu'il dit: de Sion se manifestera l'éclat de sa gloire; autrement dit: cet appel a commencé à Sion: "De Sion sortira la loi, et de Jérusalem la parole du Seigneur", car les Apôtres, lorsqu'ils reçurent l'Esprit-Saint, étaient à Sion, et c'est alors qu'ils sont devenus forts pour aller à travers le monde. De Sion donc, là où étaient les Apôtres, l'éclat de sa gloire commença à se répandre. Le Christ, quant à lui, commença également à se répandre, mais son éclat ne paraissait pas, car il était enveloppé de faiblesse comme l'écrit Isaïe: "Nous l'avons vu; et il n'avait pas d'apparence, et nous l'avons méconnu. Il était méprisé, le dernier des hommes, un homme de douleurs, qui connaît la souffrance; son visage était caché; il était méprisé et nous n'avons fait aucun cas de lui." Mais après sa Passion sa puissance et son pouvoir apparurent.

3 Dieu viendra manifestement: notre Dieu, et il ne gardera pas le silence. Un feu s'allumera en sa présence, et autour de lui [s'élèvera] une tempête violente.

B. Ici le psalmiste traite de la venue du juge; et il dit deux choses à propos de sa seconde venue, en rapport avec deux choses qui eurent lieu lors de sa première venue. Lors de sa première venue Dieu vint caché dans la faiblesse de son humanité: "Je couvrirai le soleil d'une nuée, et la lune ne donnera plus sa lumière." - Et ce verset d'Isaïe: "Toi tu es vraiment un Dieu caché, le Dieu d'Israël, le sauveur"; mais alors il sera manifesté: "Le voici qui vient avec les nuées et tout oeil le verra, même ceux qui l'ont transpercé." - "Alors se découvrira l'impie, que le Seigneur Jésus exterminera par le souffle de sa bouche, et anéantira par l'éclat de son avènement." Semblablement, lors de sa première venue, il montre sa mansuétude: "Comme une brebis qu'on mène à la tuerie, comme un agneau devant celui qui le tond, il a gardé le silence et il n'a pas ouvert la bouche." Voilà pourquoi il n'a rien dit devant les chefs et les prêtres, rien devant Pilate. Mais alors il ne gardera pas le silence, mais parlera: "Toujours je me suis tu, j'ai gardé le silence, je me suis contenu", lorsqu'à mon jugement j'étais jugé, lorsque je supportais les méchants; mais il criera comme la femme qui enfante. Et il dit: notre, autrement dit: ce Dieu qui vient n'est pas autre que le nôtre, et en dehors de celui-ci il n'est point de salut. La version iuxta Hebraeos de Jérôme lit: "Ex Sion perfecta decore Deus apparebit (De Sion Dieu apparaîtra dans sa beauté parfaite)", autrement dit: Dieu apparaîtra de Sion, qui est la beauté parfaite de l'Esprit-Saint. En parlant donc de la première chose il ajoute: Dieu viendra manifestement. En parlant de la seconde chose il dit: Un feu s'allumera en sa présence.

C. Ici le psalmiste expose les préparatifs de celui qui vient. Les princes se font apporter en sa présence leurs insignes et leurs glaives: "Ce n'est pas en vain qu'il porte le glaive, étant ministre de Dieu pour tirer vengeance de celui qui fait le mal", autrement dit: parce qu'ils ont le pouvoir de juger. Ainsi, avant la venue du Christ, précèdent les signes de sa vengeance, ainsi que les ministres du juge.

1) Le psalmiste expose donc d'abord les signes et les instruments de sa vengeance.

2) Puis il montre son pouvoir dans ses ministres: Il a appelé.

1. L'instrument du jugement divin est double. Le premier, le principal, vient du feu qui punit, et l'autre "de la création tout entière qui combat les insensés".

- En parlant du feu qui punit il dit: Un feu s'allumera en sa présence. Au sens littéral le feu le précède, comme on le lit dans l'Exode: "Le Seigneur allait devant eux, le jour dans une colonne de nuée, pour les guider dans leur chemin, et la nuit dans une colonne de feu, pour les éclairer, afin qu'ils pussent marcher le jour et la nuit", parce que le feu brûlera en détruisant, et purifiera la surface de la terre, purifiera si quelque chose doit être purifié chez les bons, et enfin enveloppera les méchants en enfer. Ou bien le feu est celui de la conscience en tourment: "Marchez à la lumière de votre feu."

- En parlant du second instrument du jugement divin, il dit: et autour de lui [s'élèvera] une tempête violente, qui naît de l'ébranlement de tous les éléments avant le jugement: "Il y aura des signes dans le soleil, dans la lune et dans les étoiles, et, sur la terre, les nations seront dans l'angoisse et la consternation, au bruit de la mer et des flots, les hommes séchant de frayeur dans l'attente de ce qui doit arriver à la terre entière; car les puissances des cieux seront ébranlées", et il y aura un tel ébranlement que même les puissances des cieux seront ébranlées. La tempête, c'est-à-dire l'indignation, aura lieu. autour de lui, c'est-à-dire des saints qui seront autour de lui-même: "Le Seigneur s'est levé pour rendre la justice, et il est debout pour punir les pécheurs." - "L'indigence le surprendra comme l'eau." - "Lorsque soudain se précipitera la calamité, et que la ruine fondra comme la tempête; lorsque la tribulation et l'angoisse viendront sur vous."

4 Il a appelé le ciel d'en haut et la terre pour faire le discernement de son peuple. 5 Rassemblez-lui ses saints, qui exécutent son alliance sur les sacrifices. 6 Et les cieux annonceront sa justice, parce que Dieu est juge.

2. Après avoir exposé la venue du juge pour le jugement, et les préparatifs du jugement quant à l'instrument du châtiment, il expose ici les préparatifs du jugement quant aux ministres.

a) Et il traite d'abord de l'assistance des ministres.

b) Puis de la fonction des anges: Rassemblez-lui.

c) Enfin de la fonction des apôtres: annonceront.

a. Dans la première partie, il fait mention du ciel et de la terre. Et on comprend [cela] de deux manières.

- Selon une première manière en tant que, par métonymie, le contenant s'entend pour le contenu, de sorte que par le ciel il désigne les saints qui sont dans les cieux, et par la terre il désigne les hommes qui sont sur la terre; et ces derniers sont tous appelés au jugement. Et c'est un deuxième appel, car il a dit plus haut: et il a appelé la terre, car cet appel est un appel à la foi auquel tous, bons et mauvais, sont appelés: "Le royaume des cieux est semblable à un filet qu'on a jeté dans la mer et qui ramasse des poissons de toutes sortes." Mais ce second appel est destiné à séparer, car "ils choisissent les bons pour les mettre dans des vases, mais rejettent les mauvais"; et c'est pourquoi il dit: pour faire le discernement de son peuple, par la séparation des bons et des méchants: "Il séparera les uns d'avec les autres; comme le pasteur sépare les brebis d'avec les boucs." - "Juge-moi, ô Dieu, et discerne ma cause." Mais autre est l'appel des cieux, et autre celui de la terre; car les hommes célestes sont appelés comme juges: "En vérité je vous le dis, à vous qui m'avez suivi: dans la régénération, quand le Fils de l'homme siégera sur son trône de gloire, vous siégerez vous aussi sur douze trônes, pour juger les douze tribus d'Israël." Les hommes terrestres sont appelés afin d'être jugés: "Je rassemblerai toutes les nations, et je les amènerai dans la vallée de Josaphat." Ou bien: Il a appelé le ciel, c'est-à-dire les hommes célestes, c'est-à-dire les justes pour leur récompense: "Ceux qui ont été savants brilleront comme la splendeur du firmament; et ceux qui en auront instruit plusieurs dans la justice [luiront] comme des étoiles dans les éternités sans fin." et la terre, c'est-à-dire les terrestres, les méchants pour leur châtiment.

- Il peut aussi y avoir un autre sens, en tant que le ciel et la terre sont pris pour les créatures corporelles elles-mêmes: et ainsi sont-elles appelées par mode de témoignage ou de lutte contre les infidèles, car en elles les méchants ont pu sévir du ciel et de la terre: "Les cieux révéleront son iniquité, et la terre s'élèvera contre lui", c'est-à-dire contre le pécheur. Ou bien: Il a appelé le ciel d'en haut, afin qu'il lui donne les âmes saintes qu'il possède, et la terre, afin qu'elle donne les âmes des méchants qu'elle détient dans sa profondeur. Et la version iuxta Hebraeos de Jérôme s'accorde avec cela; elle dit: "Congregate mihi omnes sanctos meos (Rassemblez-moi tous mes saints)", autrement dit: il appelle dans le dessein de faire paraître ses saints.

b. Rassemblez-lui ses saints. C'est la fonction des anges de rassembler les élus au jugement dernier: "Il enverra ses anges avec la trompette retentissante, et ils rassembleront ses élus des quatre vents, depuis une extrémité du ciel jusqu'à l'autre." Ainsi le prophète Daniel parle-t-il des anges envoyés pour l'aider. Car ses saints sont ceux qui exécutent son alliance sur les sacrifices. Ce mot sur s'entend de deux manières.

- Selon une première manière, pour désigner l'ordre de la cause matérielle; le sens est alors le suivant: sur les sacrifices, c'est-à-dire ceux qui font une alliance avec Dieu sur les sacrifices à offrir. Et il fait mention des sacrifices pour deux raisons. D'abord parce que la discussion qui suit portera sur les sacrifices, puis parce qu'elle aura lieu au jugement dernier seulement avec les fidèles qui seront jugés; et ceux-là sont ceux qui ont fait alliance avec Dieu sur les sacrifices.

- Selon une autre manière, en tant que ce mot exprime un dépassement; et alors il faut dire que par le mot "testament" on comprend le Nouveau Testament (alliance), qui les dépasse. D'où ce sens: sur les sacrifices, c'est-à-dire les sacrifices du Nouveau Testament ont prévalu sur les sacrifices de l'Ancien Testament. Ou bien le testament promis par Dieu; et ainsi les mots sur les sacrifices signifient ceux qui regardent les biens promis par Dieu comme plus grands que tous nos mérites: "J'estime que les souffrances du temps présent sont sans proportion avec la gloire à venir qui sera manifestée en nous." Ou bien, par ce mot "testament", on entend l'âme qui fait alliance avec la justice, la miséricorde, la fidélité et autres choses du même genre: "Je te fiancerai à moi dans la fidélité, et tu sauras que je suis le Seigneur." Et ainsi les mots sur les sacrifices signifient ceux qui préfèrent les biens spirituels, et autres choses du même genre, aux sacrifices matériels: "Je veux la miséricorde et non le sacrifice."

Ou bien: qui exécutent son alliance sur les sacrifices, c'est-à-dire que ceux qui montrent leur appartenance à Dieu dans les sacrifices ont du respect pour l'alliance de Dieu: car certains rapportent les biens qu'ils accomplissent à autre chose, pour ils soient rassemblés à cette même fin: "Faites toutes choses pour la gloire de Dieu."

c. les cieux annonceront. La fonction des Apôtres est d'annoncer; et ces derniers sont désignés par les cieux. C'est pourquoi les cieux, c'est-à-dire les Apôtres, annonceront la justice de Dieu. Et on les appelle cieux, parce qu'eux-mêmes surpassent tous les choeurs des saints, et illuminent toute l'Église: "Les cieux racontent la gloire de Dieu." Mais ils annonceront, parce que Dieu est juge, en instruisant par la doctrine: "C'est lui que Dieu a établi juge des vivants et des morts." Ils instruisent donc à propos du jugement futur: "Nous tous, il nous faut comparaître devant le tribunal du Christ." Selon un autre mode ils annonceront par l'autorité du juge, promulguant une sentence contre les méchants, quand ils siégeront sur douze trônes, comme le rapporte Matthieu: "Vous siégerez vous aussi sur douze trônes, et vous jugerez les douze tribus d'Israël."

7 Écoute, mon peuple, et je parlerai; Israël, et je te prendrai à témoin: Dieu, ton Dieu, [c'est] moi [qui] le suis.

II. Ici le psalmiste traite de la discussion du jugement. Dans la discussion d'un jugement, trois choses sont nécessaires.

Une première chose est requise de notre côté; une autre du côté de Dieu; une troisième est la discussion elle-même.

De notre côté est requise non seulement une écoute extérieure matérielle, vis-à-vis des choses qui sont entendues matériellement, mais aussi une écoute intérieure: "Si tu aimes à écouter, tu seras sage." Et c'est pourquoi il dit: Écoute, c'est-à-dire sois aussi attentif intérieurement: "Que celui qui a des oreilles pour écouter, écoute." mon peuple, car celui qui n'est pas de son peuple ne l'écoute pas: "Quiconque s'est mis à l'écoute du Père et à son écoute vient à moi." Et encore: "Si vous, vous n'écoutez pas, c'est que vous n'êtes pas de Dieu."

Du côté de Dieu sont requis la parole et le témoignage. Or il y a un double langage de Dieu. L'un est extérieur et se communique par les prédicateurs: "Dieu parlant jadis à nos pères par les prophètes." L'autre est intérieur et se communique par l'inspiration: "J'écouterai ce que dira au-dedans de moi le Seigneur Dieu."

Le témoignage aussi est double: l'un a lieu par des miracles: "Les oeuvres mêmes que je fais, rendent témoignage de moi." L'autre par des témoins: "Vous êtes mes témoins, dit le Seigneur." - "Vous serez mes témoins à Jérusalem, et dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu'aux extrémités de la terre." Et ainsi ces paroles peuvent être regardées comme des paroles du Christ instruisant son peuple: Écoute, mon peuple, et je parlerai; Israël, et je te prendrai a témoin, par des miracles: "Les oeuvres que le Père m'a données pour que je les accomplisse, ces oeuvres que je fais rendent témoignage de moi." Et encore: "Vous scrutez les Écritures, dans lesquelles vous pensez avoir la vie éternelle; or ce sont elles qui me rendent témoignage." Et c'est pourquoi je parlerai par les miracles et par les Écritures, c'est-à-dire il apparaîtra dans les Écritures que moi je dis la vérité, et que je suis la vérité. Et quel sera mon témoignage ? Dieu, ton Dieu, [c'est] moi [qui] le suis, c'est-à-dire d'une manière unique: "Moi je suis le Seigneur."

Et il dit: [je] suis, à cause de [son] éternité, car il ne décline ni au passé, ni au futur; et il dit: ton Dieu, car il est issu de la descendance d'Abraham "de qui est issu le Christ selon la chair".

8 Je ne te reprendrai pas pour tes sacrifices; car tes holocaustes sont en ma présence toujours. 9 Je ne prendrai pas les veaux de ta maison, ni les boucs de tes troupeaux. 10 Car sont miennes toutes les bêtes sauvages des forêts, [ainsi que] les animaux sur les montagnes et les boeufs. 11 Je connais tous les volatiles du ciel, et la beauté des champs est avec moi. 12 Si j'ai faim, je ne te le dirai pas; car à moi est le globe de la terre et sa plénitude.

Ici le psalmiste traite de la discussion elle-même; et à ce propos il fait trois choses.

A) Il désapprouve d'abord le sacrifice ancien.

B) Puis il fait mention du sacrifice nouveau: 14 Immole à Dieu.

C) Enfin il écarte les méchants de ce sacrifice: 16 Mais au pécheur.

A. Les sacrifices sont des protestations de foi; et parce que son peuple va devoir mettre ces sacrifices devant la face de Dieu, il parle d'abord de la foi au Dieu unique.

1) Et il dévoile d'abord son intention.

2) Puis il en donne la raison.

1. Ainsi dit-il: je viendrai, et je jugerai, et je ne te reprendrai pas pour tes sacrifices, c'est-à-dire pour ceux que tu n'as pas omis.

Mais alors celui qui omettrait un sacrifice, commettrait une erreur; or "pour toute erreur il sera amené en jugement", comme le dit l'Ecclésiaste.

On répondra que l'homme est repris lorsqu'il n'accomplit pas la volonté d'un supérieur: "Car la volonté de Dieu, c'est votre sanctification." Mais ces sacrifices ne contribuent pas à votre sainteté; et c'est pourquoi ils ne sont pas voulus en soi par Dieu, mais ils existent en tant qu'ils sont des signes d'une autre réalité; aussi le Seigneur dit-il dans Osée: "Je veux la miséricorde et non le sacrifice, et la connaissance de Dieu plutôt que des holocaustes"; et ils existent encore en tant qu'ils sont des signes de la vertu intérieure, et c'est pourquoi les hommes sont repris en soi pour les vertus qu'ils n'ont pas pratiquées, non pour les sacrifices.

2. Il manifeste la raison de son intention:

a) D'abord de leur côté.

b) Puis de son propre côté.

a. Ainsi dit-il: tes holocaustes sont en ma présence toujours, autrement dit, je ne te reprendrai pas pour tes sacrifices, car tu es prompt à offrir des sacrifices matériels: car les Juifs offraient volontiers des sacrifices, parce qu'ils prenaient leur plaisir en eux dans des festins: "Voici la joie et l'allégresse, on tue des veaux et on égorge des béliers, on mange de la viande et on boit du vin." Ou bien autrement: Je ne te reprendrai pas pour tes sacrifices, matériels, car tes holocaustes, spirituels, sont en ma présence toujours, c'est-à-dire me plaisent. Et ces holocaustes le sont, comme le dit Grégoire, lorsque l'homme s'offre tout entier à Dieu, c'est-à-dire lorsqu'il s'offre lui-même et tout ce qu'il a, et se dépense ainsi au service de Dieu.

b. Du côté de Dieu il manifeste la raison, lorsqu'il dit: 9 Je ne prendrai pas les veaux de ta maison. La raison pour laquelle je ne te reprendrai pas pour tes sacrifices, c'est que je ne les cherche pas principalement, je ne reprends pas principalement pour ceux-ci. Il y avait deux sacrifices principaux: celui du veau, et celui du bouc. Et ces deux sacrifices, il montre qu'il ne les prend pas, c'est-à-dire ne les accepte pas, de la maison des choses matérielles. ni de tes troupeaux, matériels, je ne prendrai, c'est-à-dire n'accepterai, les boucs. - "Est-ce que le Seigneur peut être apaisé par des milliers de béliers ?"

10 Car sont miennes toutes les bêtes sauvages des forêts. Il prouve ce qu'il a dit, à savoir qu'il n'approuve ni les veaux, ni les boucs; et que s'il en avait besoin, il ne les prendrait pas de sa maison. Nul ne demande quelque chose qui est en son pouvoir; or tous les sacrifices que ceux-ci offraient étaient au pouvoir de Dieu. Trois choses étaient offertes dans l'Ancien Testament: les animaux quadrupèdes, les oiseaux et les fruits, c'est-à-dire les prémices et les pains.

En parlant de la première offrande il dit: toutes les bêtes sauvages des forêts sont miennes. Les quadrupèdes se divisent en deux genres: car certains sont des forêts, et d'autres domestiques, et bien que les quadrupèdes des forêts ne soient pas offerts, il les énumère cependant afin qu'il apparaisse davantage que même les quadrupèdes domestiques sont siens. Mais au sens mystique, par ces animaux divers genres de personnes peuvent être désignés, aussi dit-il: les bêtes sauvages, c'est-à-dire les infidèles, les bêtes de somme, c'est-à-dire les fidèles, les boeufs sur les montagnes, c'est-à-dire les Apôtres; toutes ces bêtes sont miennes.

En parlant de la deuxième offrande il dit: 11 Je connais tous les volatiles du ciel, c'est-à-dire ceux-ci se soumettent à ma providence. Par ces volatiles on entend les saints anges, qui sont leur similitude.

En parlant de la troisième offrande il dit: et la beauté des champs est avec mot, c'est-à-dire tout ce qui est beau en eux me sert. Ou bien: la beauté des champs est avec moi, car je suis en tout lieu. Et le psalmiste dit est, parce que je suis toujours, sans passé, et sans futur.

12 Si j'ai faim, je ne te le dirai pas. Il conclut par l'impossible. Si j'avais besoin d'eux, je ne te le dirais pas, c'est-à-dire je ne l'exigerais pas de toi. Pourquoi ? Parce qu'à moi est le globe de la terre et sa plénitude. - "Au Seigneur est la terre et toute sa plénitude; le globe du monde et tous ceux qui l'habitent."

13 Est-ce que je mangerai des chairs de taureaux ? Ou boirai-je du sang des boucs ?

Plus haut le psalmiste, au nom du Seigneur, a donné la raison pour laquelle le Seigneur ne prendra pas les boucs, même s'il en avait besoin; mais ici il montre qu'il n'en a pas besoin. Et il faut savoir qu'il est prescrit dans la loi que les chairs d'holocaustes devaient être brûlées, et que le sang devait être répandu au pied de l'autel. Et l'on pourrait supposer que Dieu se délecte du sang et des chairs de ces holocaustes. Les païens pensaient aussi que leurs dieux se délectaient des odeurs des chairs et de l'effusion du sang, comme le rapporte Augustin. Et le Seigneur dit qu'il ne se délecte pas dans ce qui ne procure pas de délectation en soi; et c'est pourquoi il déclare: Est-ce que je mangerai des chairs de taureaux ? Ou boirai-je du sang des boucs ? Autrement dit: non, parce que je n'en ai pas besoin, ni ne m'en délecte, car je me délecte dans ce qui de soi est nourriture de Dieu, or la nourriture et la boisson de Dieu sont différentes des chairs et du sang des animaux: car la nourriture de Dieu est ce qui fait la nourriture de tous les saints: "Moi je vous prépare le royaume, comme mon Père me l'a préparé." Et ainsi la réfection des saints et de Dieu est-elle la même. Mais les saints sont refaits par l'amour de Dieu lui-même, tandis que Dieu se refait dans sa propre fruition: "Moi je me nourris d'une nourriture invisible, et d'un breuvage qui ne peut être vu des hommes."

14 Immole à Dieu un sacrifice de louange, et rends au Très-Haut tes voeux.

B. Ici le psalmiste montre en quoi consiste ce sacrifice que Dieu accepte.

1) Et il montre d'abord ce que Dieu accepte de la part de l'homme.

2) Puis ce qu'il rétribue.

1. Dieu requiert deux choses de la part de l'homme.

a. D'abord un sacrifice de louange. Et ce sacrifice est appelé louange, parce qu'il n'est rien d'autre que la protestation de la dévotion intérieure et de la foi: car par ce sacrifice nous reconnaissons Dieu créateur de toutes choses: "Tout est à toi, et ce que nous avons reçu de ta main, nous te l'avons donné." Augustin dit, dans son Traité de la doctrine chrétienne, qu'il n'est aucun signe aussi expressif et signifiant l'intention du coeur que la parole. Et la foi extérieure et la dévotion ne peuvent mieux être expliquées que par l'offrande de la louange: et ainsi la louange est-elle davantage acceptée par Dieu que la tuerie des animaux: "Par lui offrons à Dieu sans cesse une hostie de louange." - "Offrons, au lieu de taureaux, [l'hommage] de nos lèvres."

b. Ensuite le Seigneur requiert qu'il rende ses voeux au Très-Haut. Et c'est pourquoi il dit: et rends au Très-Haut tes voeux. La louange est le sacrifice de Dieu, en tant qu'elle est le signe de la dévotion intérieure; car la louange signifie que l'homme offre son esprit à Dieu, et Dieu veut que cela lui soit rendu; et tel est le voeu, et ainsi est-il un acte de latrie: "Ils l'honoreront par des sacrifices et des oblations; ils feront des voeux au Seigneur, et ils les accompliront." - "Si tu as fait un voeu à Dieu, ne tarde pas à l'accomplir, car la promesse infidèle et insensée lui déplaît; mais tout ce que tu voues, accomplis-le."

15 Et invoque-moi au jour de la tribulation: je te délivrerai et tu m'honoreras.

2. Ici le Seigneur expose ce qu'il rétribue à ceux qui l'honorent.

a) Et il montre d'abord ce que les saints endurent.

b) Puis ce qu'ils font dans les tribulations.

c) Ensuite, ce qu'ils reçoivent de Dieu.

d) Enfin, ce qu'ils donnent en retour à Dieu.

a. Il dit donc que le fait pour une personne de rendre des voeux n'amoindrit pas pour autant son affliction: "Mes ennemis me persécutent injustement." La raison est due au fait que si les justes n'étaient pas affligés en ce monde, beaucoup serviraient Dieu non pour lui-même, mais à cause de la prospérité.

b. Puis il montre ce qu'ils font au temps de la tribulation, car ils doivent invoquer Dieu: Et invoque-moi.

c. Dieu que fera-t-il ? Il le libérera: je te délivrerai. - "Lorsque j'étais dans la tribulation, vers le Seigneur j'ai crié et il m'a exaucé."

d. Et ensuite, après avoir été libéré, il doit honorer Dieu: et tu m'honoreras.

16 Mais au pécheur Dieu a dit: Pourquoi racontes-tu mes justices, et prends-tu mon alliance en ta bouche ? 17 Mais toi, tu as haï la discipline, et tu as rejeté mes paroles derrière toi. 18 Si tu voyais un voleur, tu courais avec lui, et avec les adultères tu mettais ta part.

C. Ici le psalmiste écarte certains, à savoir les pécheurs, du sacrifice de louange; et il expose trois choses.

1) D'abord la perversité humaine.

2) Puis la patience de Dieu.

3) Enfin il menace le pécheur de la sévérité divine.

1. La perversité humaine consiste en ce qu'ils disent du bien et font le mal; et c'est pourquoi il montre comment ils sont indignes de dire du bien.

a. Or il y a un double bien: le premier est l'instruction des moeurs, l'autre est l'action de former à la louange de Dieu. Il dit donc: toi, c'est-à-dire mon peuple, immole à Dieu un sacrifice de louange, etc. Mais au pécheur Dieu a dit, c'est-à-dire il a été établi par une disposition divine qu'il est injuste de dire le bien et de faire le mal. Et il a dit cela parce que cette disposition a été gravée dans l'esprit de tous, même des pécheurs. Et qu'a-t-il dit ? Pourquoi racontes-tu mes justices ? - "Toi qui prêches qu'il ne faut pas voler, tu voles."

Mais celui qui est en état de péché mortel, pèche-t-il mortellement lorsqu'il prêche ou enseigne ? Il faut dire que son péché est ou bien public, ou bien secret: et s'il est secret, il est soit commis avec mépris et sans regret, soit accompagné de regret.

Il faut donc dire que si quelqu'un est en état de péché public, il ne doit pas prêcher publiquement ou enseigner. Et je dis en public, parce que si le péché n'est pas public, il pourrait en secret reprendre avec charité son frère pour un péché plus petit que son propre péché, qui est secret, en se reprenant cependant lui-même. Mais s'il est en état de péché secret, et sans regret, alors il provoque Dieu, parce qu'il simule: "Par sa bouche celui qui feint trompe son ami." Et c'est de ces péchés dont il parle ici, comme le rapporte la Glose d'Augustin: "Que la langue n'ait pas la présomption de louer ce que la conscience contredit."

Mais si le péché est secret et cause de la douleur, il ne pèche pas en prêchant ou en enseignant, même s'il parle publiquement contre le péché: car en détestant ainsi les péchés des autres il déteste aussi le sien.

et prends-tu mon alliance en ta bouche ? La justice se réfère à l'instruction, l'alliance se réfère à la louange de la foi: "La louange n'est pas belle dans la bouche du pêcheur", car le nom de Dieu est très saint; et c'est pourquoi il ne convient pas qu'il soit approprié par les pécheurs comme s'il était usurpé: "De même que le boiteux a en vain de belles jambes, ainsi la sentence est choquante dans la bouche des insensés."

b. 17 Mais toi, tu as haï la discipline. Ici le psalmiste montre les maux que commettent les pécheurs. Et ils commettent deux maux:

Il y a d'abord le fait qu'ils haïssent la correction divine; aussi dit-il: Mais toi, tu as haï la discipline. Cette correction des moeurs se fait par des moyens difficiles: "Toute correction, il est vrai, semble au moment même un sujet non de joie, mais de tristesse." Les mauvais haïssent cette correction: "Si vous êtes exempts de la correction à laquelle tous ont part, vous êtes donc des enfants illégitimes, et non de [vrais] fils." - "Enseigne-moi la bonté, et la discipline et la science, parce que j'ai cru à tes commandements." - "Ils ont haï celui qui les reprenait à la porte, et ils ont cu en abomination celui qui tenait un langage parfait." Toi donc, tu ne veux pas être châtié par les autres alors que chaque jour tu pèches. et tu as rejeté mes paroles derrière toi, grâce auxquelles tu es instruit en vue de bien agir et d'être digne de récompense. De telles paroles doivent être considérées avec respect. Mais ceux-ci, à savoir les pécheurs, ne les accueillent pas, et ne les prennent pas en considération: "Ils écoutent tes paroles, et ne les mettent point en pratique, car ils les changent en chansons pour la bouche." Ou bien: tu as rejeté, c'est-à-dire tu as tenu pour rien, derrière toi, de telle sorte que tu ne les prennes même pas en considération.

18 Si tu voyais un voleur, tu courais avec lui. Ici il fait connaître la malice des pécheurs quant à la pratique du mal. Mais un peu avant il montre leur défaut concernant leur manquement au bien, lorsqu'il dit: Mais toi, tu as haï la discipline, etc.

- Et il expose d'abord leur méchanceté quant au mal opéré.

- Ensuite quant au mal proféré de bouche.

- Ainsi dit-il: Si tu voyais. Il faut savoir ici que ces paroles proférées au nom de Dieu sont adressées au pécheur qui annonce et prêche la justice de Dieu. Et elles s'appliquent surtout aux supérieurs et aux docteurs qui ne tombent pas facilement d'eux-mêmes dans le péché, mais donnent leur consentement aux autres pécheurs, aussi ces paroles sont-elles dirigées contre eux: "Ceux qui font de telles choses sont dignes de mort, non seulement ceux qui les font, mais encore ceux qui approuvent ceux qui les font." Héli fut puni, lui qui ne parvint pas à corriger ses fils. Et c'est pourquoi le Seigneur les reprend. Et il traite de deux choses, a savoir du vol et de l'adultère.

En parlant du vol il dit: Si tu voyais un voleur, pour que tu le défères en justice, tu courais avec lui, sans le corriger: "Tes princes sont infidèles, complices des voleurs."

De même, en parlant de l'adultère, il dit: avec les adultères tu mettais ta part, parce que tu ne corriges pas les adultères, mais tu les flattes, coopères avec eux et les favorises, dès qu'ils parviennent à ta connaissance: "Ils sont tous adultères." Et il y a vol spirituel, lorsque d'après les paroles de l'Écriture sainte le corrupteur vole le véritable sens; et ainsi voyant le véritable sens corrompu et occulte, toi y consentant aussi, tu cours avec lui: "Voici que je viens aux prophètes, dit le Seigneur, qui volent mes paroles chacun à son prochain." L'adultère est spirituel, lorsque les paroles sont détournées vers un autre sens, ou vers une autre finalité; par exemple s'ils les prêchent en vue du lucre ou de la séduction: "Nous ne sommes pas comme la plupart, nous ne frelatons pas la parole de Dieu; mais c'est avec sincérité, mais c'est de par Dieu, c'est face à Dieu, dans le Christ que nous prêchons."

19 Ta bouche a abondé en malice, et ta langue ajustait des tromperies. 20 Assis, tu parlais contre ton frère, et contre le fils de ta mère tu posais une pierre d'achoppement. 21 Voilà ce que tu as fait, et je me suis tu. Tu as estimé injustement que je serai semblable à toi; je te reprendrai, et mettrai [tout] devant ta face.

- Ici il traite du péché de la bouche qui est aggravé de deux manières.

· D'abord par les circonstances.

· Puis par la condition des personnes: Assis.

· Concernant les circonstances il fait deux choses.

Il expose d'abord les circonstances aggravantes, à savoir la fréquence.

Une autre circonstance est la tromperie.

La fréquence: car si quelqu'un commet quelquefois un péché, c'est en quelque façon tolérable. Ou bien, s'il dit quelque chose de désordonné par un abus de langage, on le supporte facilement: "Si quelqu'un n'offense pas en parole, c'est un homme parfait." Mais si quelqu'un emplit sa bouche de malédictions, cela procède alors de sa propre malice, car "c'est de l'abondance du coeur que la bouche parle". - "Leur bouche est pleine de malédiction et d'amertume."

Le péché de la langue est aussi aggravé par la tromperie, ou la fraude: "Leur langue est une flèche qui blesse; elle parle pour tromper"; et c'est pourquoi il dit: et ta langue ajustait des tromperies, c'est-à-dire inventait, et à la manière de celui qui enseigne, elle organisait des tromperies afin que ses paroles soient agréées: "Le témoin précipité se fait une langue de mensonge."

· 20 Assis, tu parlais contre ton frère. Ici il montre comment le péché de la langue est aggravé par la condition des personnes.

Et d'abord par la condition de celui qui parle.

Puis par la condition de celui contre qui il parle.

Enfin par la condition de ceux qui écoutent.

Ainsi dit-il: Assis. Il arrive parfois que quelqu'un dise une parole amère, après avoir été troublé et sous le coup d'une provocation, et cela est en tout cas tolérable. Mais lorsque quelqu'un a le coeur tranquille, non excité, et dit du mal, cela est inique et détestable; et c'est pourquoi il dit: Assis, c'est-à-dire tranquille: "Ceux qui étaient assis à la porte parlaient contre moi."

Le péché est aggravé à cause de la condition de la personne contre laquelle il parle: car s'il parlait contre une personne inique, ce serait avec raison. Mais il dit: contre ton frère. - "Que chacun se garde de son prochain."

et contre le fils de ta mère tu posais une pierre d'achoppement. Ici il montre comment le péché est aggravé par ceux qui s'en scandalisent, c'est-à-dire par la condition de ceux qui écoutent; et c'est pourquoi il dit: tu posais une pierre d'achoppement, c'est-à-dire pour les autres en parlant contre ton frère. Et en disant: le fils de ta mère, il montre que les petits qui tètent sont appelés fils d'une mère, et que les tout-petits se scandalisent des paroles mauvaises qu'il dit.

2. 21 Voilà ce que tu as fait, et je me suis tu. Le psalmiste traite ici de la simulation de Dieu.

- Et il expose d'abord la dissimulation de Dieu.

- Puis l'effet de cette dissimulation sur les méchants: Tu as estime.

- Ainsi dit-il: Voilà ce que tu as fait, à savoir toutes les choses qui ont été mentionnées plus haut: tu as dit du bien, et tu as accompli le mal, comme l'exprime le psalmiste au nom de Dieu, et moi je me suis tu, c'est-à-dire je ne t'ai pratiquement pas corrigé et puni aussitôt; mais par clémence et miséricorde j'ai attendu ta repentance: "Longtemps je me suis tu, j'ai gardé le silence." - "Ignores-tu que la bénignité de Dieu t'amène à la pénitence ?" Mais l'homme mauvais et le pécheur abusent de cette clémence dans leur orgueil: "Par ton endurcissement et ton coeur impénitent, tu t'amasses un trésor de colère pour le jour de la colère et de la manifestation du juste jugement de Dieu, qui rendra à chacun selon ses oeuvres."

- Et c'est pourquoi il dit: Tu as estimé injustement que je serai semblable à toi. Mais on a dit plus haut: Si tu voyais un voleur, etc. Les pécheurs y trouvent leur prétexte et les hommes injustes croient que le péché plaît à Dieu et qu'il ne punit pas, parce qu'il se tait: Voilà ce que tu as fait, et je me suis tu, mais cette estimation est injuste, parce que "sont également odieux à Dieu et l'impie, et son impiété", comme le rapporte la Sagesse; et on lit dans Habacuc: "Tes yeux sont trop purs pour voir le mal, et tu ne peux regarder l'iniquité."

3. Mais je te reprendrai. En disant cela le psalmiste expose la sévérité divine.

a) Et d'abord dans son reproche.

b) Puis dans son effet.

a. Ainsi dit-il: je te reprendrai, c'est-à-dire je te condamnerai: "Seigneur, ne me châtie pas dans ta colère." - Dans la colère est l'effet: et mettrai [tout] devant ta face. Dieu, qui punit, punit non seulement par lui-même, mais aussi par les autres créatures: "L'univers combattra avec lui contre les insensés." Semblablement, l'homme, quant à lui, combat aussi contre lui-même par le remords de la conscience. Et ainsi il combat aussi contre lui-même et se reprend par lui-même; tel est ce qu'il dit: et [je] mettrai [tout] devant ta face, c'est-à-dire toi-même tu te condamneras: "Personne ne t'a condamnée ? Celle-ci dit: Personne, Seigneur. Alors Jésus dit: Moi non plus je ne te condamnerai pas." Ou bien: je mettrai [tout] devant ta face, c'est-à-dire les créatures, comme le dit la Sagesse; soit les créatures raisonnables, c'est-à-dire les Anges et les saints, soit les créatures sans raison, dont on fait mauvais usage dans le péché: "Pourquoi m'as-tu mis en opposition avec toi, et suis-je à charge à moi-même ?", car le pécheur dira contre lui-même: "Nous avons erré hors du chemin de la vérité." - "Je révélerai tes parties honteuses jusqu'à ton visage." - "L'air de leur visage témoigne contre eux." Et ce châtiment est le ver de la conscience.

22 Comprenez ces choses, vous qui oubliez Dieu; de peur qu'il n'enlève, et qu'il n'y ait personne qui [vous] délivre. 23 Le sacrifice de louange m'honorera, et là est le chemin par lequel je lui montrerai le salut de Dieu.

b. Ici il exhorte les pécheurs à une considération.

- Et d'abord à considérer la sévérité de Dieu.

- Puis il montre ce qui est agréé par Dieu dans les sacrifices.

- Le psalmiste les exhorte donc d'abord à comprendre; aussi dit-il: Comprenez ces choses, vous qui oubliez Dieu, c'est-à-dire considérez les choses qui ont été dites. Et cela est nécessaire, parce que vous êtes oublieux de Dieu: "Tu as oublié le Seigneur ton Créateur." Ensuite il montre ce qu'ils comprennent: de peur qu'il n'enlève, c'est-à-dire le diable, et qu'il n'y ait personne qui [vous] délivre, c'est-à-dire de son pouvoir. Lorsque le diable entraîne au châtiment de l'enfer, il n'y a personne qui vous délivre. Parfois il entraîne au péché, et Dieu délivre le pécheur: "Je le délivrerai." Que Dieu ne délivre pas du pouvoir du diable celui qui est entraîné à la damnation n'est pas dû à son impuissance, mais au fait qu'il le veut à cause de sa propre justice.

- 23 Le sacrifice de louange m'honorera. Ici le psalmiste conclut sur ce qui est agréé de Dieu dans les sacrifices.

Et il montre qu'il y a un double fruit en eux. Le premier fruit est du côté de Dieu, afin que son excellence soit manifestée, et cela se fait par le sacrifice de la louange vocale: "Faites tout pour la gloire de Dieu." L'autre fruit est de notre côté, c'est-à-dire le véritable salut; aussi dit-il: et là est le chemin par lequel je lui montrerai le salut de Dieu, c'est-à-dire pour voir Dieu: "Ils ont élevé la voix, ils loueront ensemble." La version iuxta Hebraeos de Jérôme lit: "Et qui ordinate ambulat, ostendam illi salutare Dei (Et [à] celui qui marche de façon ordonnée, je lui montrerai le salut de Dieu)"; autrement dit, deux choses sont nécessaires au salut, c'est-à-dire le sacrifice de la louange, et la marche ordonnée.

 

 

COMMENTAIRE DU PSAUME 50

1 Psaume de David 2 lorsque le prophète Nathan vint le trouver après qu'il fût allé vers Bethsabée.

3 Aie pitié de moi, ô Dieu, selon ta grande miséricorde; et selon la multitude de tes bontés, efface mon iniquité. 4 Lave-moi complètement de mon iniquité, et purifie-moi de mon péché.

5 Parce que moi je reconnais mon iniquité, et mon péché est toujours devant moi. 6 Contre toi seul j'ai péché, et j'ai fait le mal devant toi, de sorte que tu sois reconnu juste dans tes paroles, et que tu sois victorieux lorsque tu es jugé.

7 Car dans les iniquités j'ai été conçu, et ma mère m'a conçu dans les péchés. 8a Car tu as aimé la vérité.

8b Tu m'as manifesté les choses obscures et cachées de ta sagesse. 9 Tu m'aspergeras avec de l'hysope et je serai purifié; tu me laveras, et je deviendrai plus blanc que la neige.

10 Tu me feras entendre une parole de joie et d'allégresse, et mes os humiliés exulteront.

11 Détourne ta face de mes péchés, et efface toutes mes iniquités.

12 Crée en moi un coeur pur, ô Dieu, et renouvelle dans mes entrailles un esprit droit. 13 Ne me rejette pas de devant ta face et ne retire pas de moi ton esprit saint. 14 Rends-moi la joie de ton salut, et par ton esprit souverain confirme-moi.

15 J'enseignerai tes voies aux injustes, et les impies se convertiront à toi. 16 Délivre-moi des sangs, ô Dieu, le Dieu de mon salut; et ma langue célébrera ta justice. 17 Seigneur, tu ouvriras mes lèvres, et ma bouche annoncera ta louange.

19 Parce que si tu avais voulu un sacrifice, je te l'aurais offert; [mais] tu ne prendras pas plaisir aux holocaustes. 19 Le sacrifice [digne] de Dieu, c'est un esprit brisé; d'un coeur contrit et humilié, ô Dieu, tu n'auras point de mépris.

20 En ta bienveillance, Seigneur, fais du bien à Sion, afin que les murs de Jérusalem soient bâtis. 21 Alors tu agréeras un sacrifice de justice, des oblations et des holocaustes; alors on offrira de jeunes taureaux sur ton autel.

 

1 Psaume de David 2 lorsque le prophète Nathan vint le trouver après qu'il fût allé vers Bethsabée.

Tout au long des dix derniers psaumes, le psalmiste semble avoir traité de ce qui concerne l'état du royaume des cieux, il en a décrit la gloire et nous y a conviés; mais ici, dans ce psaume, parce que la gloire de ce Royaume est entravée par le péché, il va traiter de son abolition. Et à ce sujet deux choses sont à prendre en considération. D'abord quant à l'ordre des psaumes. Ce psaume est le cinquantième, nombre jubilaire, comme le dit le Lévitique, et à la faveur duquel toutes les fautes étaient remises. Voilà pourquoi ce nombre convient à ce psaume qui traite de la totale rémission des péchés. Et de même, ce psaume occupe la quatrième place dans l'ordre des psaumes pénitentiels, et à bon droit, car le premier a pour objet la contrition du corps: "Je laverai chaque nuit mon lit, etc." Le deuxième traite de la confession orale: "J'ai dit: "je confesserai contre moi mon injustice au Seigneur, et toi, tu m'as remis l'impiété de mon péché."" Le troisième concerne la satisfaction: "J'ai été affligé et j'ai été humilié à l'excès, je rugissais par suite du gémissement de mon coeur." Et le quatrième dont nous parlons regarde l'effet de la pénitence. Ce psaume nous montre comment la pénitence restaure l'homme dans l'état de perfection; aussi parmi tous les autres psaumes est-il celui qui est le plus répété dans l'Église, car ce dernier imploré uniquement la miséricorde, et obtient ainsi le pardon. Cette démarche est facile et peut convenir à n'importe qui. Tandis que les six autres psaumes pénitentiels proposent des choses difficiles, comme par exemple au psaume 6: "je laverai chaque nuit mon lit; j'arroserai ma couche de mes larmes." Ou au psaume 101: "Je mangeais la cendre comme du pain, et je mêlais mon breuvage avec mes pleurs", ce qui ne peut pas convenir à n'importe qui.

Le titre de ce psaume est: Psaume de David 2 lorsque le prophète Nathan vint le trouver, après qu'il fût allé vers Bethsabée. Cette histoire est clairement racontée dans le deuxième livre des Rois: alors que David était dans la prospérité, il vit une femme qui se lavait, il la désira, commit l'adultère et fit tuer son mari. Cet acte déplut à Dieu qui lui envoya le prophète Nathan, et ce dernier l'amena à prendre son péché en exécration, en prenant l'image de la brebis perdue. Et David de dire: "J'ai péché contre le Seigneur." Et le péché lui fût pardonné. Et telle est la matière de ce psaume, à savoir la rémission des péchés. À propos du titre de ce psaume, il faut savoir que David parle dans les autres psaumes de choses diverses et différentes, comme par exemple au psaume 21: "Mon Dieu, mon Dieu", il parle en annonçant la Passion du Christ; tandis qu'ici il consacre ce psaume à lui-même. Il montre sa faute qui a été rendue manifeste, ainsi que le pardon. Et cela s'est accompli tel que le Seigneur l'a déclaré: "Car tu as agi en secret, mais moi j'accomplirai cette parole en la présence de tout Israël, et en la présence du soleil." Le motif de cette manifestation est la miséricorde divine, car elle est utile aux justes afin qu'ils ne se prévalent pas de leur justice. Car si David, après tant de victoires, malgré le don du Saint-Esprit, malgré une si grande familiarité avec Dieu et malgré le don de prophétie, a péché, à plus forte raison ne devons-nous pas être sur nos gardes, nous qui sommes fragiles et pécheurs - "Que celui qui se flatte d'être debout prenne garde de tomber." Elle est également utile aux pécheurs pour qu'ils ne désespèrent pas: "Si tu t'es laissé abattre, ta vigueur, au jour mauvais ne sera que faiblesse", car David recouvra la grâce de la prophétie après avoir commis l'homicide et l'adultère.

Il faut aussi faire remarquer la manière de s'exprimer dans le titre. En disant: lorsqu'[il] vint, il désigne le pardon dont il est question dans ce psaume, car grâce à cette démarche le Seigneur l'écouta et remit son péché; en revanche lorsqu'il dit: après qu'il fût allé vers Bethsabée, il désigne la faute. Ici deux choses sont soulignées: la première est qu'il nomme la faute en disant: il fût allé, car les paroles du Seigneur sont de chastes paroles. Semblablement l'Écriture n'a nommé que l'adultère alors qu'il avait commis deux péchés: l'adultère et l'homicide. Et cela pour deux raisons: d'abord, afin de nous apprendre à ne pas être prompts à considérer et à divulguer les péchés d'autrui, mais à être très discrets: "Ne tends pas, ô méchant, des embûches à la demeure du juste." Et cela est signifié dans Matthieu, où le Seigneur énumère les mérites des bons et passe sous silence le démérite des méchants. De même, afin de noter que lorsque quelqu'un commet deux péchés et qu'il en commet un pour en accomplir un autre, l'Écriture passe sous silence le premier pour considérer plus spécialement le second: comme, par exemple, celui qui commet un vol dans le but de s'adonner à la débauche est appelé plutôt fornicateur.

3 Aie pitié de moi, ô Dieu, selon ta grande miséricorde; et selon la multitude de tes bontés, efface mon iniquité. 4 Lave-moi complètement de mon iniquité, et purifie-moi de mon péché.

Ce psaume comprend deux parties.

I) Dans la première [David] implore la miséricorde;

II) dans la seconde il promet la correction: 15 J'enseignerai tes voies aux injustes.

I. Dans la première partie il fait deux choses.

A) David demande d'abord le pardon de sa faute;

B) ensuite il demande la restauration de la sainteté et de la grâce: Parce que moi je reconnais mon iniquité.

A. Il demande donc en premier lieu la miséricorde divine en disant: Aie pitié de moi, ô Dieu. Aussi faut-il savoir que de même qu'il est écrit dans les Proverbes: "Le péché est l'opprobre des peuples", et que n'est pas heureux celui qui abonde en richesses, jouit des plaisirs et se signale par les honneurs, ainsi n'est pas misérable celui qui est pauvre, misérable, débile et infirme, mais bien celui qui est pécheur. Et c'est pourquoi le pécheur dit: Aie pitié de moi, ô Dieu, c'est-à-dire "toi qui as pitié de tous, et qui n'as en dégoût rien de ce que tu as fait". Et selon l'Apôtre: "J'aurai pitié de qui j'ai pitié, et je ferai miséricorde à qui je ferai miséricorde." Donc, s'il dépend de ta volonté de prendre en pitié, aie pitié de moi, c'est-à-dire du pécheur. Il ne veut rien prétendre, il ne cherche pas à discuter, mais il prend la voie la plus courte: Aie pitié de moi. De même il n'allègue pas le prétexte de la miséricorde, ni ses services rendus à Dieu, ni les dangers qu'il a encourus pour lui, mais il implore seulement la miséricorde de Dieu, aussi dit-il: selon ta grande miséricorde. - "Ce n'est pas à cause de nos justices que nous déposons devant toi nos supplications, mais à cause de tes grandes miséricordes." Et il faut noter qu'on peut espérer en la miséricorde divine pour une double raison: la première raison vient de la considération de la nature divine, la seconde vient de cette considération et de la multitude de ses effets.

En premier lieu il montre donc qu'il espère en la miséricorde divine en partant de la considération de la nature divine, car le propre de cette dernière est d'être la bonté même. C'est pourquoi Denys dit que Dieu est l'essence même de la bonté. Et semblablement Boèce, dans son De Trinitate. Aussi cette miséricorde divine n'est-elle rien d'autre que la bonté qu'on implore pour écarter la misère. Donc, lorsque je considère que le propre de la bonté est d'écarter la misère et que Dieu est la bonté même, je recours avec confiance à sa miséricorde.

On dit de cette miséricorde qu'elle est grande en raison de l'incompréhensibilité avec laquelle elle accomplit toutes choses: "De la miséricorde du Seigneur la terre est remplie." Elle a sa place en tous: en effet les justes ont gardé l'innocence à cause de la miséricorde de Dieu. Augustin disait: "Seigneur, j'impute à ta grâce les maux que je n'ai pas commis." De même les pécheurs se sont convertis à la justice à cause de la miséricorde de Dieu: "J'ai obtenu miséricorde." De même ceux qui sont en état de péché éprouvent la miséricorde de Dieu: "C'est grâce aux innombrables miséricordes du Seigneur que nous n'avons pas été consumés."

Elle est également grande par sa sublimité, car sa compassion dépasse toutes ses oeuvres; en effet la miséricorde ne désigne pas en Dieu la souffrance de l'âme, mais la bonté pour écarter la misère.

Elle est dite grande pour sa constance: "Dans ma miséricorde éternelle, j'ai eu pitié de toi."

Elle est dite grande pour sa puissance, car Dieu le Père fit Dieu homme, il fit descendre Dieu du ciel sur la terre et il le fit mourir en étant immortel: "Mais Dieu qui est riche en miséricorde."

Semblablement, elle est dite grande quant à son effet, car l'homme peut être relevé de toute misère par la miséricorde: "Ta miséricorde est grande envers moi." - "Tu as remis l'impiété de mon péché." Et c'est pourquoi je demande avec confiance: Aie pitié de moi, ô Dieu.

De même pour une autre raison: c'est qu'en toutes choses on trouve l'effet de ta miséricorde dès l'origine du monde. Et c'est pourquoi il dit: et selon la multitude de tes bontés, effacé mon iniquité, ce qui revient à dire: aie pitié de moi, parce que bien des fois et en diverses circonstances tu as pris tous les hommes en pitié; aussi est-il écrit: "Je me souviendrai des miséricordes du Seigneur." - "Souviens-toi de tes bontés, Seigneur."

efface mon iniquité. Il expose ici l'effet de celui qui fait miséricorde. Nathan dit à David: "Le Seigneur a déjà transféré ton péché; tu ne mourras point." Et ainsi il était sûr de son pardon, mais il voulait que son péché soit totalement extirpé. Car il restait un double effet du péché: l'obligation à la peine et la souillure dans l'âme. Il demande donc en premier lieu que l'obligation à la peine lui soit ôtée, et c'est pourquoi il dit: 4 Lave-moi complètement de mon iniquité. Il faut savoir qu'il est dit dans Jérémie que le péché de Juda fut écrit avec un stylet de feu et avec une pointe de diamant, à la manière du juge écrivant une faute qui reste écrite aussi longtemps qu'il a l'intention de punir, mais s'il renonce à cette intention, alors il ne garde pas ce qui est écrit. Et c'est dans ce sens qu'on dit qu'un péché est écrit avec un stylet à la pointe de diamant, quand il n'est pas effacé. Et tel est ce qu'il dit: efface mon iniquité, c'est-à-dire n'impute pas mon iniquité à châtiment: "C'est moi, c'est moi-même qui efface tes iniquités." Et encore: "J'ai effacé tes transgressions comme une nuée, et comme une vapeur tes iniquités." Complètement. Il demande ici que soit effacée l'impureté de sa faute. L'homme qui a l'esprit bien disposé déteste plus l'impureté de sa faute que la rigueur du châtiment, et c'est pourquoi il dit: Lave-moi complètement, ce qui revient à dire: je demande que tu effaces ma peine, mais je demande plus encore que tu purifies ma souillure. Ou bien: Lave-moi complètement, c'est-à-dire au-delà de la faute que moi je reconnais: "Nous ne savons pas ce que dans nos prières il nous faut demander." - "À celui qui peut faire infiniment plus que tout ce que nous demandons ou concevons." Deux choses sont nécessaires pour effacer la souillure: l'ablution qui précède et la pureté qui en résulte. Cette ablution s'opère sur les corps au moyen de l'eau; et ainsi, selon la Glose, ce psaume préfigurait par l'eau la puissance du baptême par laquelle Dieu allait effacer le péché: "Je répandrai sur vous une eau pure, et vous serez purifiés de toutes vos souillures, et je vous purifierai de toutes vos idoles." - "Il y aura une source ouverte à la maison de David pour le péché et l'impureté." Et bien que le baptême n'ait pas encore été institué, cependant la puissance divine qui lavait était dans ce baptême. D'où ces paroles: Lave-moi complètement de mon iniquité. - "Lave ton coeur de la malice, Jérusalem, afin d'être sauvée." De même je demande que tu me purifies du péché, car nul n'est purifié si ce n'est par toi: "Qui peut rendre pur celui qui a été conçu d'une semence impure ?" - "De l'impur que peut-on tirer de pur ?" Et il dit deux choses: l'iniquité et le péché. L'iniquité est opposée à la justice, tandis que le péché est opposé à la pureté, et c'est l'adultère. Et ainsi pour David l'iniquité fut en tant qu'il offensa son prochain par l'homicide; tandis que son péché fut commis par l'adultère dans lequel il se souilla.

5 Parce que moi je reconnais mon iniquité, et mon péché est toujours devant moi. 6 Contre toi seul j'ai péché, et j'ai fait le mal devant toi, de sorte que tu sois reconnu juste dans tes paroles, et que tu sois victorieux lorsque tu es juge.

B. Il avoue ici sa faute.

1) Et il commence par l'avouer.

2) Ensuite, il montre que cette confession a été acceptée par Dieu.

1. Il confesse donc:

a) D'abord sa faute.

b) Ensuite il en souligne la gravité: Contre toi seul j'ai péché.

c) Enfin il en manifeste l'origine par ces paroles: 7 Car dans les iniquités.

a. Il reconnaît donc sa faute en disant: Parce que moi je reconnais mon iniquité. Il y en a qui ne reconnaissent pas leurs péchés pour trois raisons. Parce que la raison est obscurcie par la gravité du péché: "L'impie, lorsqu'il est descendu au fond des péchés, méprise." - "Mes iniquités m'ont saisi, et je ne puis plus voir." De même, parce qu'ils ne s'en souviennent pas: "Il ne se souvient plus de ses délices." Semblablement, à cause des flatteries des hommes: "L'impie applaudit aux désirs de son âme." Aussi, parce que les autres le louent pour ses péchés, le pécheur ne les reconnaît pas. Mais heureux celui qui reconnaît son péché comme David: "Le coeur connaît le chagrin de son âme et nul étranger ne partagera sa joie." Il dit ensuite: et mon péché est toujours devant moi. Il y en a d'autres qui, s'ils reconnaissent leur péché, ne le détestent cependant pas; tandis que David a toujours son péché devant lui comme une chose hostile, nuisible et détestable. Et il dit: toujours, car il en est qui détestent le péché pour un temps: "À peine s'est-il observé qu'il part." - "Je songerai à toi durant mes années dans l'amertume de mon âme." Dans le psaume dont il est question, on lit: moi je reconnais mon iniquité. Une autre version lit: coram me (devant moi); et ainsi est signifié le fait qu'il reconnaît sa faute et qu'il médite continuellement sur celle-ci. Et ce péché fut exposé devant Dieu par le prophète Nathan sous forme de parabole.

b. 6 Contre toi seul j'ai péché. Plus haut le psalmiste a exposé la reconnaissance de sa propre faute, mais ici il en souligne la gravité. Et à ce propos il fait deux choses.

- Il commence par grossir la faute elle-même.

- Puis il expose ce qui résulte de ce grossissement: de sorte que tu sois reconnu juste.

- Il grossit cette faute par respect à l'égard de Dieu, et cela pour deux raisons, comme le rapporte Jérémie: "Moi je serai le juge et le témoin." Car il semble mépriser le Dieu juge, celui qui ne craint pas de pécher à cause de son jugement. Et semblablement il méprise le Dieu témoin, celui qui pèche devant ses yeux, et c'est pourquoi il dit: Contre toi seul j'ai péché. Mais n'a-t-il pas péché contre Urie qu'il a tué ? Assurément. Mais il dit Contre toi seul, c'est-à-dire Dieu, car lui-même n'est pas soumis à son serviteur, mais à la sentence divine. Car lorsque le maître, qui est au-dessus de l'esclave, pèche, il ne pèche pas contre son serviteur mais contre Dieu: "C'est le Seigneur qui vous a donné le pouvoir et le Très-Haut la souveraineté, c'est lui qui examinera vos oeuvres et scrutera vos pensées." Ou bien: Contre toi seul, c'est-à-dire j'ai péché par rapport à toi seul. Et cela peut se référer soit à Dieu, soit au Christ. On dit en effet pécher contre Dieu par rapport au juste. Et donc Contre toi seul j'ai péché, parce que toi seul es sans péché. De même pour le Christ qui fut absolument sans péché. Ainsi Contre toi seul j'ai péché, en méprisant ton jugement. Et je t'ai également méprisé comme témoin, car j'ai fait le mal devant toi, je l'ai fait sous ton regard et en ta présence: "Schéol et abîme sont devant le Seigneur: combien plus le coeur des enfants des hommes." - "Les yeux du Seigneur sont beaucoup plus lumineux que le soleil."

- Il expose ensuite la conséquence de l'amplification de sa faute. Et cela peut être interprété de deux manières. Mais je dirai surtout ce qui est le plus vraisemblable. Car la conjonction ut peut être prise parfois au sens causal, parfois au sens de conséquence uniquement, et alors son sens est: j'ai fait le mal [à tes yeux] de sorte que toi tu sois reconnu, car personne n'est justifié en raison de son péché, mais il résulte du péché, c'est-à-dire du fait que l'homme pèche, que la justice divine est rendue plus manifeste; car il est évident que Dieu l'a puni à cause de ses péchés. Or cette punition consiste en deux choses. Il commence d'abord par menacer. Ensuite il fait subir un châtiment. Et dans l'une et l'autre chose il est juste.

Au sujet de la menace il dit: dans tes paroles, avec lesquelles tu le menaces d'un châtiment: "Toutes les paroles de ma bouche sont justes."

Ensuite il dit: que tu sois victorieux lorsque tu es jugé, c'est-à-dire que tu sois associé aux autres dans le jugement. Souvent Dieu, afin de manifester sa justice ainsi que la nôtre, veut être jugé par nous-mêmes: "Jugez entre moi et ma vigne." Et en cela Dieu apparaît encore plus juste: "S'il veut disputer avec Dieu, il ne pourra répondre une chose sur mille." Et que ce soit l'intention de ce psaume, ce verset de l'Apôtre aux Romains nous le montre: "Dieu est véridique, tout homme est menteur." Mais, selon la Glose, ces paroles: de sorte que tu sois reconnu juste dans tes paroles, etc. ne dépendent pas de: j'ai fait le mal en ta présence, mais de: Contre toi seul, c'est-à-dire par rapport à toi qui seul es juste, et en tant que toutes tes paroles sont justes. Et donc ce ut est pris au sens causal, ce qui revient à dire: c'est en tant que tu es juste que tu [seras] reconnu juste. Ou bien si on rapporte ces paroles au Christ, en voici le sens: Contre toi seul, c'est-à-dire contre le Christ, j'ai péché, parce que tu es juste, et que tu sois victorieux, sur tous les hommes, lorsque tu es jugé, c'est-à-dire même quand tu es jugé par Pilate. Ou bien autrement: que tu sois reconnu juste, en cela je demande surtout que tu me laves précisément pour que tu sois reconnu juste, c'est-à-dire afin que nos promesses soient parfaitement vraies, à savoir que le Christ naîtrait, lui qui fut promis à David: "Du fruit de tes entrailles je mettrai un fils sur ton trône", et que son péché serait remis: "Le Seigneur aussi a transféré ton péché; tu ne mourras point." que tu soit victorieux lorsque tu es jugé par les hommes, parce que tu n'es pas tenu d'accomplir tes promesses, et que tu n'es pas obligé d'ôter mes péchés.

7 Car dans les iniquités j'ai été conçu, et ma mère m'a conçu dans les péchés. 8a Car tu as aimé la vérité.

c. Il expose ici la racine de la faute. La racine de toute faute actuelle est le péché originel, qui fut contracté par la souillure des premiers parents; cette souillure était dans le père et la mère de David lui-même. Quant à son père il dit: dans les iniquités j'ai été conçu, iniquités non actuelles, car il fut né ou engendré non de l'adultère mais du mariage et de saint Jessé, comme le rapporte le livre de Ruth; mais il fut conçu dans le péché originel, car tous naissent dans ce péché: "De même que par un seul homme le péché est entré dans le monde, et la mort par le péché, ainsi la mort a passé dans tous les hommes par celui en qui tous ont péché." Cependant, étant donné que le péché originel est unique, pourquoi dit-il: dans les iniquités ? Il faut répondre que le péché originel est unique dans son essence, comme on l'a dit, mais qu'il est multiple en puissance, car il donne l'occasion de commettre tous les autres péchés: "Le péché qui est dans ma chair a fait son oeuvre." Et cela diminue la faute, ce qui revient à dire: Quoi d'étonnant si je pèche car j'ai été conçu dans les péchés. Quant à sa mère il déclare: ma mère m'a conçu dans les péchés. Mais les parents de David n'étaient-ils pas purifiés du péché originel par la circoncision ? Il faut dire que le baptême et la circoncision purifient l'âme de la faute originelle, mais que le foyer demeure encore, et que la circoncision s'accomplissait dans la chair, et que l'homme engendre des fils charnels selon la chair; et c'est pourquoi il était nécessaire que le fils nouveau-né soit circoncis comme est baptisé celui qui est né de parents baptisés. Une autre version lit: "Aluit me mater mea (m'a nourri)." Cela se rapporte aux péchés actuels, car on aperçoit aussi des mouvements désordonnés chez les enfants, comme le dit Augustin dans ses Confessions. Une autre version lit: "Peperit me, etc. (m'a enfanté)." Et elle s'exprime ainsi parce que certains sont sanctifiés dans le sein, mais tous sont conçus dans le péché originel, excepté le Christ; et c'est pourquoi il dit qu'il n'a pas été sanctifié dans le sein, mais qu'il est né dans le péché originel. 8a Car tu as aimé la vérité. Celui qui veut satisfaire doit aimer ce que Dieu aime. Or Dieu aime la vérité de la foi: "Quiconque est de la vérité écoute ma voix." Et aussi la justice: "Miséricorde et vérité marchent devant ta face." Cette justice est requise pour celui qui fait pénitence afin de punir en lui son manque. La confession est aussi nécessaire pour avouer ses péchés.

8b Tu m'as manifesté les choses obscures et cachées de ta sagesse. 9 Tu m'aspergeras avec de l'hysope et je serai purifié; tu me laveras, et je deviendrai plus blanc que la neige.

2. Le psalmiste demande ici d'être entièrement relevé.

a) Et il expose d'abord son espérance.

b) Ensuite sa demande.

a. Il commence donc:

- Par exposer le bienfait qu'il a reçu [et] grâce auquel son espérance a été ranimée.

- Ensuite, il expose sa confiance: Tu m'aspergeras.

- Il a fait mémoire du bienfait de sa puissance lorsqu'il dit: les choses obscures et cachées, car le roi a reçu le bienfait de la prophétie: "L'esprit du Seigneur s'est exprimé par moi, sa parole est sur ma langue." Et il expose trois choses: la matière de la prophétie, son mode et sa cause.

Il fait connaître la matière de la prophétie lorsqu'il dit: les choses obscures et cachées. La prophétie traite de ces choses, c'est-à-dire des choses obscures et cachées, qui sont renfermées dans ta sagesse. Il y a en nous une double ignorance par rapport à la connaissance de Dieu. Ou bien nous ignorons quelque chose à cause de notre faiblesse, ou bien à cause de notre limite. Par faiblesse nous ignorons un événement qui doit arriver parce qu'il n'a pas encore de vérité déterminée. Par notre limite nous ignorons les réalités divines qui dépassent notre capacité. Ces deux connaissances furent données à David par l'esprit de prophétie: "En vérité, le Seigneur Dieu né fait rien qu'il n'ait révélé son dessein à ses serviteurs les prophètes." Tu m'as manifesté les choses obscures, c'est-à-dire celles qui sont sujettes au changement par nature, et celles-ci lui furent révélées, comme le dit le psaume. On appelle cachées les choses qui échappent à l'oeil de notre esprit: "La sagesse a une origine secrète." Et: "C'est moi qui ai habité dans les lieux les plus élevés, et mon trône est dans une colonne de nuée." Et ces choses sont le propre de la sagesse de Dieu, ce qui revient à dire: bien que ces choses nous soient cachées, elles sont cependant comprises dans ta sagesse. Et parmi ces choses cachées il rappelle le mystère de l'Incarnation, ce que Tu m'as [aussi] manifesté. La miséricorde divine est également comptée au nombre de celles-ci, car il lui a remis ses péchés. Mais il vaut mieux que le mot occulta (les choses cachées) soit pris au sens universel.

Il expose le mode de la révélation lorsqu'il dit: Tu m'as manifesté. La prophétie comprend deux modes. Le premier révèle la vérité surnaturelle et intelligible sous des similitudes corporelles et imagées; et ainsi il est écrit: "Je vis le Seigneur assis." Le deuxième révèle la vérité surnaturelle et intelligible sans l'ombre de l'imagination irréelle; ou plutôt cette vérité surnaturelle n'est pas encore révélée, mais elle le fut d'une certaine manière à Moïse: "Il vit la forme de Dieu dans l'évidence, non en énigmes." Telle fut également la révélation qui fut faite à David: "Le Dieu d'Israël m'a parlé." Et plus loin: "Comme la lumière du matin au lever du soleil, un matin sans nuages." - 9 Tu m'aspergeras avec de l'hysope. Plus haut le psalmiste a rappelé le bienfait que Dieu lui a donné par la grâce de la prophétie, grâce qui l'élevait dans l'espérance; mais ici il montré ce qu'il espérait obtenir de Dieu. Et il y eut deux choses. Il espère d'abord l'éloignement des maux qu'il encourt par le péché. Puis il espère la restitution des biens qu'il avait perdus: Tu me feras entendre. Car il faut savoir que l'homme encourt par le péché d'abord l'impureté: "Tu es souillée par ton iniquité." Ensuite il encourt la honte; d'où ces paroles des Lamentations: "Leur face est devenue plus noire que des charbons." Et David espère que ces deux choses s'éloigneront de lui: la souillure et la honte spirituelle. L'impureté est due au fait que l'affection de l'homme s'attache aux choses temporelles, auxquelles il s'assimile; c'est pourquoi s'il s'attache aux choses temporelles qui sont viles; comme l'or uni au plomb, il devient vil: "Ils devinrent abominables comme l'objet de leur amour." La honte en revanche est due au fait qu'il s'attache aux choses terrestres; la lumière de sa raison s'en trouve obscurcie puisqu'il dévient semblable aux animaux grossiers: "Mais dans sa splendeur, l'homme ne dure pas, il est semblable aux bêtes qui périssent." Et c'est pourquoi l'âme devient noire ou obscure. Aussi, touchant la pureté, il dit: Tu m'aspergeras avec de l'hysope, et en disant cela il fait allusion au rite de l'Ancien Testament où le troisième jour on aspergeait l'impureté avec de l'eau lustrale, et le septième jour on se lavait ainsi que ses vêtements. Cette purification se faisait avec de l'hysope, c'est pourquoi il dit: Tu m'aspergeras avec de l'hysope. Cette eau était composée de cendres de veaux roux, par laquelle était préfiguré le Christ. Aussi par cette aspersion qu'il demande est signifiée l'aspersion du sang du Christ: "selon la prescience de Dieu le Père, dans la sanctification de l'Esprit, pour obéir et être aspergés du sang de Jésus-Christ". - "Vous vous êtes approchés de la montagne." Et plus loin: "D'une aspersion de sang plus éloquente que celle du sang d'Abel." Cela se faisait avec de l'hysope. L'hysope est une plante qui adhère à la terre et soigne l'enflure, comme on le rapporte dans la Glose; et elle convient à la foi qui possède l'humilité, car l'intelligence est soumise à Dieu par la foi: "Nous faisons toute pensée captive pour l'amener à obéir au Christ." Elle est aussi enracinée sur la pierre, c'est-à-dire sur le Christ: "Sur cette pierre je bâtirai mon Église, et les portes de l'enfer ne prévaudront point contre elle." - "Cette pierre était le Christ." Semblablement elle chasse l'orgueil de l'esprit humain qui habite en ceux qui n'obéissent pas à la foi au Christ: "Si quelqu'un enseigne autre chose et ne reste pas attaché aux saines paroles de notre Seigneur Jésus-Christ", "celui-là ne lui appartient pas". Il dit donc: Seigneur, moi j'ai la ferme espérance que tu m'aspergeras avec l'eau lustrale: "Je répandrai sur vous une eau pure et vous serez purifiés." tu me laveras. Car après la foi le baptême est nécessaire: "Il y aura une source ouverte à la maison de David et aux habitants de Jérusalem, pour laver le pécheur et la femme qui est dans ses mois." - "Lavez-vous, purifiez-vous." Le psalmiste expose l'effet de cette purification en disant: je deviendrai plus blanc que la neige, car la noirceur sera enlevée, et cela parce que l'âme sera plus blanche que la neige: "Quand vos péchés seraient comme l'écarlate, comme neige ils blanchiront." Et il dit: plus que la neige, car la candeur de l'âme sanctifiée surpasse toute beauté corporelle, comme le dit Matthieu à l'occasion de la transfiguration du Christ dont les vêtements devinrent blancs comme de la neige. Tous les justes appartiennent aux vêtements du Christ: "Ils seront eux tous comme une parure dont tu te revêtiras." Et en disant: plus blanc que la neige, il signifie qu'il appartient au vêtement du Christ par le baptême: "Vous qui avez été baptisés dans le Christ, vous avez revêtu le Christ", dit l'Apôtre aux Galates.

10 Tu me feras entendre une parole de joie et d'allégresse, et mes os humiliés exulteront.

b. Il expose ici comment il a l'espérance de recouvrer les biens qu'il avait perdus. Et ils sont deux: le don de prophétie et la joie de la conscience.

- Le don de prophétie est comparé à l'oreille, car le prophète ne voit pas l'essence de Dieu au point de voir en elle des révélations, mais certains signes de la vérité révélée sont donnés à l'âme du prophète, et ces signes se communiquent par mode de locution: "Parle, seigneur, car ton serviteur écoute." Et encore: "Ce que j'ai entendu du Seigneur des armées, Dieu d'Israël, je vous l'ai annoncé." David avait entendu mais son péché l'en avait empêché, aussi espérait-il qu'il recouvrerait ce qu'il avait perdu, et c'est pourquoi il dit: Tu me feras entendre, etc. Ou bien: "à mon oreille", par laquelle j'ai entendu de Nathan que mon péché avait été effacé et d'où j'éprouvai de la joie. Quant à la joie de la conscience il faut savoir que la joie spirituelle comprend trois degrés.

· Le premier consiste en la complaisance du sentiment.

· Le deuxième dans la dilatation du coeur.

· Le troisième dans l'expansion vers l'extérieur.

· La complaisance est signifiée par la joie lorsqu'il dit: Tu me feras entendre, etc., c'est-à-dire parce que j'entends ce que tu dis, ou bien ce qu'a dit Nathan: "Réjouissez-vous toujours dans le Seigneur; je le dis encore, réjouissez-vous."

· Lorsque son sentiment se repose dans l'objet aimé, alors son âme se dilate pour recevoir plus de joie; et cela se manifeste également dans les réalités sensibles: "Notre coeur s'est dilaté", et c'est pourquoi il dit: laetitiam (l'allégresse), qui implique ici la dilatation à la manière de l'allégresse.

· Mais par la suite l'allégresse rejaillit également sur le corps: "Un coeur joyeux rend la santé florissante, une âme triste dessèche les os", et c'est pourquoi dans la vision de la gloire, dans la Patrie après la résurrection, le corps sera glorifié en raison de la joie de l'âme: "Vous verrez et votre coeur se réjouira, et vos os comme l'herbe germeront." Et c'est ce que le psalmiste dit lui-même: mes os humiliés exulteront; et cela à la glorification présente, car par la tristesse de la pénitence le coeur de l'homme est broyé; et c'est pourquoi lorsque les hommes sont joyeux cela signifie que leurs os, qui ont été broyés et brisés, participent à la joie: "La tristesse dans le coeur de l'homme l'humiliera." Et encore: "Il remplira de splendeurs ton âme et il délivrera tes os." Ou bien: mes os exulteront, c'est-à-dire les vertus spirituelles qui grandissent par l'allégresse spirituelle, et parce que par cette allégresse le juste est fortifié.

11 Détourne ta face de mes péchés, et efface toutes mes iniquités. 12 Crée en moi un coeur pur, ô Dieu, et renouvelle dans mes entrailles un esprit droit. 13 Ne me rejette pas de devant ta face et ne retire pas de moi ton esprit-saint. 14 Rends-moi la joie de ton salut, et par ton esprit souverain confirme-moi.

- Il demande ici le recouvrement de son innocence. Et parce qu'il considère qu'il y a en lui le mal de la faute et le bien de la grâce:

· Il demande d'abord que le mal ou le péché soit écarté.

· Ensuite il demande que l'effet du péché soit ôté: Crée en moi, ô Dieu, un coeur pur.

· Car le péché n'est pas effacé au point qu'il n'ait pas existé, mais le péché commis qui encourt un châtiment ne lui est pas imputé, selon ce verset d'un psaume: "Bienheureux l'homme à qui le Seigneur n'impute pas le péché." Il parlé à la manière d'un juge punissant qui évalue la grandeur de la faute et qui ensuite détermine le châtiment; aussi demande-t-il de ne pas considérer son péché, et c'est pourquoi il dit: Détourne ta face de mes péchés. Puis il demande que le châtiment ne lui soit pas infligé, aussi dit-il: efface toutes mes iniquités, ce qui revient à dire: je sais que j'ai accompli le mal à tes yeux et c'est pourquoi je demande que tu détournes ta face de mes péchés, c'est-à-dire que tu ne considères pas mes péchés pour me punir: "Je ne me souviendrai plus de toutes ses iniquités." Semblablement j'ai mérité le châtiment de la damnation, mais je demande que tu l'effaces; car Dieu, bien qu'il soit immuable dans son dessein, modifie cependant sa sentence.

· un coeur pur Plus haut le psalmiste a demandé que le péché soit supprimé; ici il demande que les effets du péché soient supprimés. Il y en a deux: la souillure de l'âme et le désordre de l'affection.

Le premier effet est dû au fait que l'homme s'adonne aux choses terrestres, c'est pourquoi il demande la pureté du coeur: "Bienheureux les coeurs purs, ils verront Dieu"; aussi dit-il: Ô Dieu, crée en moi un coeur pur et renouvelle dans mes entrailles un esprit droit. Dieu seul peut restituer cette pureté du coeur: "Qui peut rendre pur celui qui a été conçu d'un sang impur ? N'est-ce pas toi seul ?" c'est-à-dire toi qui es parfaitement pur. Et il dit: Crée. Quelque chose est créé comme être de nature lorsqu'il est produit comme être à partir de rien: "Au commencement Dieu créa le ciel et la terre." De même lorsque quelque chose est produit comme être de la grâce: "Quand j'aurais le don de prophétie et que je connaîtrais tous les mystères et toute la science; quand j'aurais toute la foi, au point de transporter des montagnes, si je n'ai point la charité, je ne suis rien" dans l'ordre de la grâce. Mais lorsque Dieu, par l'opération de la grâce, opère en celui qui l'a, on dit qu'il le magnifie. Mais quand d'un pécheur il fait un juste, on dit alors qu'il crée à proprement parler: "Nous sommes son ouvrage, créés dans le Christ Jésus en vue des bonnes oeuvres." Et encore: "Afin que nous soyons comme les prémices des créatures de Dieu", c'est-à-dire de ses créatures spirituelles.

Le second effet dû au péché est le désordre de l'esprit qui consiste en l'aversion de la fin à laquelle nous sommes destinés. Comme en se tournant vers quelque bien passager l'âme devient impure, ainsi se détourne-t-elle de sa fin par l'aversion; et à ce désordre s'oppose la rectitude par laquelle l'homme est dirigé vers Dieu: "Ceux qui ont le coeur droit t'aiment", et c'est pourquoi il dit: et renouvelle un esprit droit, c'est-à-dire tu m'accorderas de nouveau ce que j'ai perdu par le péché: "Renouvelez-vous dans l'esprit de votre âme." Et: renouvelle, non extérieurement, mais dans mes entrailles, c'est-à-dire afin que non seulement les lèvres soient droites pour parler mais que le coeur soit droit pour connaître.

- 13 Ne me rejette pas de devant ta face et ne retire pas de moi ton esprit saint. Le psalmiste demande ici la restitution de la grâce.

· Et il demande d'abord la restitution de la grâce proprement dite;

· Ensuite il demande l'effet de la grâce: Rends.

· On dit avoir la grâce de Dieu de deux manières: car on dit avoir la grâce de Dieu et la grâce de l'homme; et dans ce cas il y a une ressemblance entre elles, à savoir lorsqu'on est agréable à l'un comme à l'autre, c'est-à-dire à Dieu et à l'homme. Et cette grâce est appelée grâce gratum faciens (qui rend agréable): "Lui qui nous a prédestinés à l'adoption de ses enfants par Jésus-Christ, selon le dessein de sa volonté; pour la louange de la gloire de sa grâce dont il nous a gratifiés par son bien-aimé Fils." Et selon cela la grâce est appelée bienveillance de Dieu; c'est par cette bienveillance que Dieu aime l'homme en vue de la vie éternelle. Mais elles diffèrent entre elles, car la grâce de l'homme ne le rend pas bon, mais par sa bonté il devient agréable à son prochain; tandis que pour Dieu c'est le contraire: car il résulte de la bienveillance divine que l'homme devient bon. Il y a donc deux choses dans la grâce de Dieu: la bienveillance proprement dite, et son effet dans l'âme. Et David demande l'une et l'autre quand il dit: Ne me rejette pas. Ce qui peut être interprété de deux manières. Celui qui est devant le visage de quelqu'un est vu de lui et il peut également le voir. On dit que David est devant le visage de Dieu selon ces paroles: "Il vit, le Seigneur Dieu d'Israël, devant qui je me tiens." Et encore: "Dieu en présence duquel nos pères ont marché." Et cela parce que les coeurs droits sont faits pour vivre de la vie de Dieu: "J'ai demandé au Seigneur une seule chose: c'est d'habiter dans la maison du Seigneur tous les jours de ma vie." Par le péché on perd l'un et l'autre: car les pécheurs abandonnent Dieu et sont abandonnés de Dieu. Et ils perdent aussi la confiance qu'ils doivent mettre en lui. Il est écrit dans Isaïe: "Vos iniquités ont mis une séparation entre vous et votre Dieu, etc.". Voilà pour ce qui regarde l'abandon. Et ce qui suit: "Vos péchés vous ont caché sa face, afin qu'il ne vous écoutât point." Voilà pour ce qui regarde la perte de la confiance. David est donc rejeté de la face de Dieu par le péché. Et c'est pourquoi il demande de ne pas être finalement rejeté selon l'une et l'autre manière. Semblablement il faut savoir qu'il y a deux choses dans l'homme: la faute à cause de laquelle il mérite un châtiment, et la nature par laquelle il se conforme à la grâce. Aussi demande-t-il que Dieu ne considère pas sa fauté mais sa nature; c'est pourquoi il dit: Ne me rejette pas. De même, le don de la grâce est donné par la charité; et un tel don est accordé par le Saint-Esprit, aussi dit-il: ne retire pas de moi ton esprit saint, dont j'avais été le temple, mais que j'ai perdu par le péché: "L'esprit saint qui nous enseigne fuit la duplicité." Donc ne me l'enlève pas, c'est-à-dire finalement, rends-moi. Car la grâce produit deux effets dans l'homme: l'un a trait aux réalités supérieures, parce qu'il donne la joie; car celui qui a la grâce a la charité, et celui qui a la charité aime Dieu et le possède; et celui qui a ce qu'il aime se réjouit. Donc là où est la charité, là est la joie: "Le règne de Dieu n'est pas affaire de nourriture et de boisson, mais il est joie dans l'Esprit-Saint."

· Cette joie, le psalmiste l'avait perdue; et c'est pourquoi il demande qu'elle lui soit restituée, lorsqu'il dit: Rends-moi la joie, non des choses mondaines, mais de ton salut, c'est-à-dire de ta rédemption. Une autre version lit: "laetitiam Jesu (l'allégresse de Jésus)", c'est-à-dire du Sauveur par qui s'opère la rémission des péchés: "J'exulterai en Dieu mon Jésus." L'autre effet a trait aux réalités inférieures. Et cet effet est la confirmation dans la grâce qui s'opère par le Saint-Esprit. par ton esprit souverain confirme-moi. Or le Saint-Esprit confirme de deux manières. Selon une première manière il affermit contre les maux: "Le Seigneur me tenant de sa main puissante et m'instruisant." Selon une seconde manière il confirme dans le bien: "Ceux qui espèrent dans le Seigneur renouvellent leurs forces." Cette force s'acquiert par le Saint-Esprit: car le corps n'est pas ferme pour se soutenir ni pour agir sans la force spirituelle; de même l'homme n'est pas fort sans l'Esprit-Saint. Mais celui-là ne donne la force que s'il est l'Esprit souverain. Car la puissance inférieure n'est pas suffisante pour accorder son secours contre la puissance supérieure. Et la puissance du diable est considérable: "Il n'est pas sur terre de puissance qui puisse être comparée à lui." Contre le diable l'homme a donc besoin d'être aidé par l'Esprit souverain, c'est-à-dire l'Esprit qui est à la tête et qui domine sur toutes choses. Et l'homme a besoin de cet Esprit contre l'esprit de la chair: "Dieu très fort des esprits de toute chair." De même contre l'esprit du monde: "Nous n'avons point reçu, nous, l'esprit du monde, mais l'Esprit qui vient de Dieu." Semblablement contre l'esprit du diable: "L'esprit malin, envoyé de Dieu, saisit Saül." Il faut noter que dans ce passage il y a trois mentions de l'esprit: car il est appelé esprit droit, esprit saint et esprit souverain. Et selon la Glose, certains prennent le mot esprit essentiellement en tant qu'est esprit tout ce qui n'appartient pas au corps. C'est pourquoi le mot esprit désigne le Père et le Fils et l'Esprit-Saint. Mais il vaut mieux le prendre personnellement. Or l'Esprit-Saint accomplit trois choses dans l'homme. D'abord la rectitude de l'intention: "Ton esprit qui est bon me conduira." De même il nous sanctifie: "selon l'Esprit de sanctification". Semblablement il nous ennoblit et fait de nous des princes: "Et parce que vous êtes fils de Dieu, Dieu a envoyé dans vos coeurs l'Esprit de son Fils."

15 J'enseignerai tes voies aux injustes, et les impies se convertiront a toi. 16 Délivre-moi des sangs, ô Dieu, le Dieu de mon salut; et ma langue célébrera ta justice. 17 Seigneur, tu ouvriras mes lèvres, et ma bouche annoncera ta louange.

II. Plus haut le psalmiste a exposé ses demandes à Dieu; ici il promet une compensation.

A) Et il promet d'abord ce qu'il fera pour Dieu dans le présent.

B) Ensuite ce qu'il fera pour Dieu dans le futur: 20 En ta bienveillance.

A. Concernant sa promesse présente il fait deux choses.

1) Il promet d'abord à Dieu quelques sacrifices spirituels.

2) Ensuite il justifie son abstention de sacrifices charnels: 18 Parce que si tu avais voulu.

1. Il promet à Dieu un double sacrifice spirituel, à savoir un sacrifice d'enseignement par lequel le prochain sera instruit. Puis il promet un sacrifice de louange par lequel Dieu sera loué: Délivre-moi.

Il dit donc: J'enseignerai tes voies aux injustes. Il faut noter ce qu'il a affirmé plus haut dans un autre psaume: "Mais au pécheur Dieu a dit: "Pourquoi racontes-tu mes justices, et prends-tu mon alliance en ta bouche ?"" En disant cela il montre qu'il ne convient pas à un pécheur de répandre l'enseignement divin. Et c'est pourquoi, aussi longtemps qu'il s'estimé pécheur, il ne promet pas de manifester sa doctrine; mais après que Dieu lui a restitué son esprit souverain, il lui convient et de posséder une telle doctrine, et de l'enseigner aux autres: "Je vous pourvoirai de pasteurs selon mon coeur, qui vous nourriront avec intelligence et doctrine." Et au sujet du Christ il est écrit dans les Actes: "Jésus a commencé par faire et [ensuite] enseigner." Cependant le fruit de cette doctrine est non seulement la spéculation de la vérité en vue de la contemplation bienheureuse, mais aussi la considération de sa fin qui est la conversion des pécheurs; et c'est pourquoi il dit: et les impies se convertiront à toi. - "Eux reviendront vers toi, et toi, tu n'auras pas à revenir vers eux !" Et encore: "Toutes les nations se convertiront au Seigneur." Et selon la Glose, il dit que les impies et les injustes sont les mêmes, bien qu'il comprenne que les injustes sont ceux qui pèchent contre Dieu; et c'est pourquoi il dit expressément: J'enseignerai aux injustes, ce qui revient à dire: certains, même s'ils vénèrent Dieu, agissent contre le prochain et commettent des actions injustes; aussi je leur enseignerai tes voies, c'est-à-dire afin qu'ils n'offensent pas le prochain: "Nous avons reçu de Dieu un commandement, que celui qui aime Dieu aime aussi son frère." Délivre-moi des sangs. Il promet ici un sacrifice de louange. Or ce sacrifice comprend deux empêchements. L'un est la culpabilité qui vient du pécheur, l'autre est la faiblesse intérieure. Il demande donc l'éloignement du premier empêchement, ensuite l'éloignement du second: Seigneur, tu ouvriras mes lèvres. Il demande donc l'éloignement du premier empêchement et promet un sacrifice de louange. L'empêchement à la louange divine, comme on l'a dit, est la culpabilité de la faute: "La louange ne sied pas à la bouche du pécheur." Or David était coupable d'une faute grave, et c'est pourquoi il demande d'en être délivré; aussi dit-il: Délivre-moi des sangs. Selon la Glose, ce mot sang n'est pas employé au pluriel, mais le traducteur a voulu l'utiliser pour exprimer la pluralité du péché. Et cela se rapporte à la concupiscence de la chair, qui est la chair et le sang: "Ni la chair ni le sang ne t'ont révélé ceci, mais mon Père qui est dans les cieux", ce qui revient à dire: délivre-moi des péchés commis à cause de la chair et du sang. Ou bien il faut dire que David avait commis un péché d'adultère et d'homicide; et dans l'un et l'autre cas il est question de sang, car dans l'homicide le sang est répandu: "Le Seigneur aura en abomination l'homme de sang et le fourbe." Mais l'adultère est causé par le bouillonnement du sang; et c'est pourquoi il dit: des sangs. - "Le sang s'est mêlé au sang." Ô Dieu, délivre-moi donc des sangs, car toi seul le peux: "C'est moi qui efface tes iniquités, par égard pour moi." Et parce que tu es le Dieu de mon salut, c'est-à-dire qui peux me sauver. et ma langue célébrera, c'est-à-dire avec la délectation et la joie intérieure du coeur je raconterai ta justice. Il est écrit dans Isaïe: "Vous ferez retentir vos cantiques comme la nuit de la fête solennelle." Et encore: "Ils arriveront à Sion en chantant des louanges et une joie éternelle couronnera leur tête." Et dans un psaume: "Au milieu d'un chant d'exultation et de louange." Seigneur, tu ouvriras mes lèvres. Or il faut savoir que parfois l'homme se voit entravé dans son enseignement même à cause d'un empêchement intérieur, et que parfois cela arrive par la faute des auditeurs. Le prophète Ézéchiel écrit: "J'attacherai ta langue à ton palais, et tu seras muet". Et plus bas: "Car c'est une maison qui m'exaspère." Ou bien à cause de son propre péché: "Toute iniquité fermera sa bouche." Donc parce que Dieu seul "rend les langues des petits enfants éloquentes", il demande: Seigneur, écarte les obstacles que j'ai encourus par le péché, par mes lèvres. Et toi, tu ouvriras mes lèvres. - "Afin qu'il me soit donné d'ouvrir la bouche pour parler et annoncer avec assurance le mystère de l'Évangile." Il faut noter que dans l'acte d'ouvrir la bouche est signifiée la profondeur de l'enseignement, et que cette expression se rencontre partout dans les Écritures; par exemple dans Job: "Après cela Job ouvrit la bouche." Ou dans Matthieu: "Jésus ouvrant la bouche", c'est-à-dire en vue de manifester la profondeur de l'Écriture. Et alors ma bouche annoncera ta louange, ce qui revient à dire: ce que j'ai dans le coeur, je le confesserai de bouche.

18 Parce que si tu avait voulu un sacrifice, je te l'aurais offert; [mais] tu ne prendras pas plaisir aux holocaustes. 19 Le sacrifice [digne] de Dieu, c'est un esprit brisé; d'un coeur contrit et humilié, ô Dieu, tu n'auras point de mépris.

2. Ici il se justifie.

a) Et il montre d'abord que le sacrifice n'est pas agréé par Dieu.

b) Ensuite il montre qu'il l'est: Le sacrifice [digne] de Dieu.

a. Ainsi dit-il: moi je te promets l'enseignement et la louange, car ce sacrifice t'honorera; mais le sacrifice charnel tu ne l'acceptes pas; et c'est pourquoi il dit: Si tu avais voulu un sacrifice, c'est-à-dire charnel, je te l'aurais offert, mais tu ne prendras pas plaisir aux holocaustes.

En sens contraire: Dieu ne veut-il pas des sacrifices charnels ? Si Dieu n'approuve pas ces sacrifices, pourquoi a-t-il donc ordonné de les offrir dans l'ancienne Loi ?

Réponse: il n'a pas ordonné de les offrir pour lui, mais parce qu'ils étaient une figure du vrai sacrifice intérieur par lequel le Christ s'est offert, et qu'ils sont des signes du sacrifice intérieur, en tant que l'homme offre son âme à Dieu. Et d'autre part, que ces sacrifices furent établis pour des esprits grossiers qui n'avaient pas la connaissance de Dieu; aussi convenait-il qu'ils honorent et connaissent Dieu dans les réalités matérielles, afin qu'ils n'immolent pas de sacrifices aux idoles vers lesquelles ils étaient portés. Mais parce que David savait par l'Esprit-Saint que le sacrifice du coeur était agréé par Dieu, il ne lui offrit pas alors de sacrifices matériels. Cependant, parmi tous les sacrifices, les holocaustes plaisaient davantage à Dieu. Mais ces holocaustes n'étaient pas agréés par Dieu en sa faveur, c'est pourquoi il dit: tu ne prendras pas plaisir aux holocaustes, car s'ils avaient été agréés je te les aurais offerts tout simplement. Et si l'on objecte qu'ils étaient une odeur très suave pour le Seigneur, on répondra que c'était en tant que sacrifice figuratif, et en signe d'un sacrifice intérieur, ce qui plaît à Dieu.

b. Aussi ajoute-t-il: Le sacrifice [digne] de Dieu, c'est-à-dire agréé par lui, c'est un esprit brisé. Selon Augustin, "tout sacrifice qui est offert extérieurement est le signe d'un sacrifice intérieur dans lequel on offre son âme à Dieu". Mais il faut savoir que l'âme de l'homme est entraînée au péché d'abord par une joie vaine: "Le rire, je l'ai regardé comme une erreur; et à la joie, j'ai dit: Pourquoi me séduiras-tu en vain ?" c'est-à-dire pourquoi me conduiras-tu au péché ? Ensuite, l'âme s'endurcit contre les réalités spirituelles par le péché: "Le coeur dur sera malheureux à la fin." Et encore: "Par ta dureté et ton coeur impénitent, tu t'amasses un trésor de colère pour le jour de la colère et de la manifestation du juste jugement de Dieu, qui rendra à chacun selon ses oeuvres." Enfin, l'âme est entraînée au péché parce qu'elle trouve son contentement dans les choses matérielles et qu'elle ne se soucie pas des réalités spirituelles; alors elle s'enorgueillit, ce qui est "le commencement de tout péché". Il faut donc que le pénitent qui offre son coeur en sacrifice à Dieu accomplisse des actes opposés à toutes ces dispositions. Et il doit d'abord accomplir un acte opposé à la joie vaine en assumant la tristesse de la pénitence, et c'est pourquoi le psalmiste ajoute: Le sacrifice [digne] de Dieu, c'est un esprit brisé, c'est-à-dire qu'il s'attriste de tous les péchés à la fois et non d'un seul uniquement: "La tristesse selon Dieu, dit l'Apôtre, produit pour le salut une pénitence stable." Et il est écrit dans Baruch: "L'âme qui est triste à cause de la grandeur du mal, et qui s'avance courbée, infirme et les yeux défaillants, et l'âme affamée, voilà ce qui te rend gloire et justice, Seigneur." Contre l'endurcissement il oppose la contrition, aussi dit-il: d'un coeur contrit. Notons ici la différence qu'il y a entre confracta (choses brisées) et contrita (choses broyées): car sont brisées les choses qui sont divisées en de grands fragments, tandis que sont broyées les choses qui sont divisées en de très petits fragments. Donc, aussi longtemps qu'on garde le coeur endurci, on le garde alors quasi tout entier dans la malice, mais lorsqu'on abandonne totalement le péché en s'adonnant aux réalités spirituelles, on dit alors qu'on est contrit: "Moi, autrefois puissant", c'est-à-dire dans les biens temporels, "j'ai été soudain contrit". Contre la troisième disposition il oppose l'humilité, aussi dit-il: d'un coeur humilié, ô Dieu, tu n'auras point de mépris, car "Dieu résiste aux orgueilleux, mais il donne sa grâce aux humbles". Et il faut noter qu'il fait mention du coeur et de l'esprit. De l'esprit qui est en rapport avec l'animosité et donc avec l'irascible: "La colère des puissants est comme une tempête qui vient fondre contre une muraille." Du coeur qui est en rapport avec le concupiscible; et ainsi faut-il entendre par là que tout ce qui est dans la puissance appétitive doit être offert en sacrifice à Dieu.

20 En ta bienveillance, Seigneur, fais du bien à Sion, afin que les murs de Jérusalem soient bâtis. 21 Alors tu agréeras un sacrifice de justice, des oblations et des holocaustes; alors on offrira de jeunes taureaux sur ton autel.

B. Ici il promet ce qu'il doit accomplir dans l'avenir.

1) Il commence par demander ce qui doit être accompli par Dieu.

2) Ensuite il le proclame: Alors tu agréeras.

1. L'oeil de David considérait deux choses: la première était proche, parce qu'elle était visuelle; l'autre était éloignée, parce qu'elle revêtait un sens figuré.

La première, parce qu'on lit que David construisit les murs de la cité de Jérusalem, mais qu'il ne les avait pas achevés, et que ces murs une fois achevés, le temple devait être construit; et c'est pourquoi il dit: En ta bienveillance, Seigneur, fais du bien à Sion, afin que les murs de Jérusalem soient bâti. Et les murs une fois bâtis, le temple sera construit. Et alors tu agréeras un sacrifice, etc. Tout cela concernait l'aspect matériel.

Mais si nous nous référons au sens figuré, alors il faut dire qu'il y a deux Jérusalem; la céleste: "La Jérusalem d'en haut est libre, c'est elle qui est notre mère." L'autre est l'Église présente à l'image de celle-ci: "Et je vis la Cité sainte, la Jérusalem nouvelle." Et chacune a ses propres murs. Les murs de la Jérusalem céleste sont les défenses de l'éternité et de l'immortalité que les saints ont obtenues grâce au Christ: "Celui qui a ressuscité le Christ Jésus donnera aussi la vie à vos corps mortels." Les murs de la Jérusalem présente, c'est-à-dire de l'Église, sont les sacrements de la grâce et les docteurs: "Vous n'êtes pas montés aux brèches, vous n'avez pas construit une enceinte pour la maison d'Israël, pour tenir ferme dans le combat." David avait prévu la construction de ces murs par l'esprit de prophétie. Donc pour que ces murs soient bâtis, toi, Seigneur, fais du bien, c'est-à-dire montre cette bénignité dont l'Apôtre dit qu'elle s'est répandue: "La bénignité et l'humanité de Dieu notre Sauveur sont apparues." Et cela non à cause de nos mérites mais en raison de ta bonne volonté: "Que votre jugement vous fasse discerner quelle est la volonté de Dieu, ce qui est bon, ce qui lui plaît, ce qui est parfait." Et encore: "Voici quelle est la volonté de Dieu: c'est votre sanctification." Et que tu fasses cela afin que les murs de Jérusalem soient bâtis, c'est-à-dire les murs de la Jérusalem militante ou triomphante. Mais qu'adviendra-t-il alors ? Alors tu agréeras un sacrifice de justice. Or il y a trois manières d'interpréter ce sacrifice de justice. Les deux premières se rapportent à l'Église présente.

La première manière consiste à rapporter cela au sacrifice - non à celui où l'on tue du bétail - mais à celui où des hommes sont tués pour le Christ; et ici il faut noter deux degrés: car le sacrifice du Christ occupé la première place: "Il m'a aimé, et il s'est livré lui-même pour moi."

2. C'est pourquoi le psalmiste dit: Alors, c'est-à-dire lors de l'édification des murs de Jérusalem, de l'Église, tu agréeras [le] sacrifice de justice par lequel le Christ s'offrit, lui qui est juste: "Qui d'entre vous me convaincra de péché ?" Et sa puissance est telle qu'il satisfait pour l'homme, de telle sorte qu'il le justifie. Les autres saints occupent la seconde place, eux qui se sont offerts en sacrifice à Dieu; c'est pourquoi il dit: des oblations, c'est-à-dire les confesseurs qui, en confessant le Christ, s'offrirent à la mort, bien qu'ils n'aient pas été mis à mort: "Vous qui des enfants d'Israël avez librement offert vos âmes au péril, bénissez le Seigneur." et des holocaustes. Ce sont les martyrs: "Il n'est pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis." Et alors tu agréeras, quand ainsi les saints eux-mêmes s'offriront comme de jeunes taureaux sur ton autel, à savoir sur ta confession et sur le Christ, c'est-à-dire s'exposeront comme de jeunes taureaux à cause du Christ et pour offrir en sacrifice leur confession au Christ.

La deuxième manière consiste à rapporter le mot sacrifice de justice aux oeuvres des justes; et en voici le sens: tu agréeras la justice comme un sacrifice, car les oeuvres de justice et de miséricorde sont comme un sacrifice: "N'oubliez ni la bienfaisance ni la solidarité, car c'est en pareils sacrifices que Dieu se complaît." Et alors tu accepteras les oblations. Selon Grégoire, le mot holocauste veut dire "brûler totalement", et il désigne les hommes parfaits qui se donnent totalement à Dieu. Les oblations représentent ceux qui offrent quelque chose et qui se réservent quelque chose. alors on offrira de jeunes taureaux sur ton autel. Et alors les prêtres offriront de jeunes taureaux, c'est-à-dire des nouveaux convertis, sur ton autel, c'est-à-dire sur la confession du Christ. Ou bien: alors les hauts dignitaires de l'Église offriront des prédicateurs qui retentiront par la doctrine de la foi, sur ton autel, c'est-à-dire sur la confession de la foi.

La troisième interprétation traite de la Jérusalem céleste, et en voici le sens: alors, c'est-à-dire lorsque les murs de la Jérusalem céleste seront bâtis, tu agréeras un sacrifice de justice. Ici-bas, il s'agit parfois d'un sacrifice de pénitence, mais là-haut il est uniquement question d'un sacrifice de louange: "Quant à ton peuple, tous seront justes, et ils posséderont la terre à jamais." Et tel est ce sacrifice de louange dont il est dit: "Bienheureux ceux qui habitent dans ta maison, ils te loueront dans les siècles des siècles." Et alors tu agréeras des oblations, c'est-à-dire les saints les plus humbles (minores), et des holocaustes, c'est-à-dire les plus grands saints. Et ce sera l'offrande des Anges, dont il est dit dans Matthieu: "Amassez le froment dans mon grenier." Et ces anges offriront les saints sur ton autel, c'est-à-dire dans la gloire céleste: "On lui donna beaucoup d'encens pour qu'il fît une offrande des prières de tous les saints sur l'autel d'or." Et encore: "Et cela plaira plus à Dieu qu'un jeune taureau poussant cornes et sabots."

 

 

COMMENTAIRE DU PSAUME 51

1 Pour la fin. Intelligence de David. 2 Lorsque Doëg l'Iduméen vint annoncer à Saül que David était venu dans la maison d'Abimelech.

3 Pourquoi te glorifies-tu en ta malice, toi qui es puissant en iniquité ? 4 Tout le jour, ta langue a médité l'injustice: comme un rasoir aiguisé, tu as trompe.

5 Tu as aimé la malice plus que la bénignité, et un langage d'iniquité plutôt que d'équité. 6 Tu as aimé toutes les paroles de perdition, ô langue trompeuse.

7 C'est pour cela que Dieu te détruira pour toujours, et t'enlèvera, et te fera sortir de ta tente, et ta racine de la terre des vivants.

8 Les justes verront cela et ils craindront, et ils se riront de lui et ils diront: "9 Voici un homme qui n'a pas pris Dieu pour son aide, mais qui a espéré dans la multitude de ses richesses, et qui s'est prévalu de sa vanité."

10 Pour moi, comme un olivier verdoyant dans la maison de Dieu, j'ai espéré dans la miséricorde de Dieu pour l'éternité, et pour les siècles des siècles. 11 Je te louerai à jamais, car tu as agi; et j'espérerai ton nom, parce qu'il est bon, en présence de tes saints.

 

Ici commence la deuxième division de cinquante psaumes. Et comme on l'a dit au début de ce livre, la première division de cinquante psaumes est ordonnée aux pénitents, tandis que cette deuxième division est ordonnée aux progressants. En relation avec ces derniers il y a successivement trois choses à considérer: en effet le premier degré des progressants est la justification. Le deuxième degré est l'exercice des bonnes oeuvres. Le troisième est la considération des oeuvres divines.

Et ainsi cette division de cinquante psaumes comprend trois parties. La première traite des choses qui concernent la justification. La deuxième traite des choses qui sont relatives à l'accomplissement des bonnes oeuvres: "O Dieu, donne ton jugement au roi." La troisième traite des choses qui ont trait à la considération des oeuvres divines: "Dieu se tient en l'assemblée des dieux."

Deux choses sont nécessaires à la justification: l'aversion du péché et la conversion à Dieu. Et de même, il y a deux choses dans le péché qui sont en opposition. Il expose donc d'abord les psaumes qui sont ordonnés à l'aversion et à la détestation du péché; ensuite ceux qui sont ordonnés à la pratique ou au maintien de la soumission à Dieu: "Est-ce que mon âme ne sera pas soumise à Dieu ?"

Touchant l'aversion et la détestation du péché, il montre deux choses: d'abord la malice des pécheurs; ensuite les maux qui sont perpétrés par les pécheurs.

Le péché est aggravé par deux choses: par l'attachement de celui qui le commet et par le mépris de Dieu. Donc le péché aggrave en premier lieu la malice des pécheurs par leur attachement, ensuite il aggrave leur malice par le mépris de Dieu: "L'insensé a dit dans son coeur: "Il n'est pas de Dieu.""

1 Pour la fin. Intelligence de David. 2 Lorsque Doëg l'Iduméen vint annoncer à Saül que David était venu dans la maison d'Abimelech.

Le titre de ce psaume est: Pour la fin. Intelligence de David. Lorsque Doëg l'Iduméen vint annoncer à Saül que David était venu dans la maison d'Abimelech. Cette histoire est rapportée par le premier livre des Rois. Lorsque David fuyant Saül se rendit à Nob où se trouvaient les prêtres, et prit le glaive de Goliath ainsi que les pains de proposition. Et Doëg l'Iduméen était présent, lui qui était le premier parmi les gardiens de Saül; et Saül se plaignant de ce que personne ne combattait pour lui contre David, ce Doëg raconta comment le prêtre Abimelech avait reçu David, et lui avait donné le glaive de Goliath ainsi que les pains de proposition. Alors Saül irrité ordonna de tuer tous les prêtres. Il y a cependant une différence entre le titre du psaume et l'histoire, car le prince des prêtres est appelé Abimelech dans l'histoire, et dans le titre on lui donne le nom d'Abimelech. La Glose dit que cela est dû à une faute de scribe, ou bien que c'est en raison d'une signification cachée, car par David est signifié le Christ: tantôt parce qu'il usa de la fonction de la dignité royale, tantôt aussi parce qu'il usa de la fonction de la dignité sacerdotale en mangeant les pains de proposition. Doëg veut dire" mouvement"; Iduméen "terrestre"; Saül "demande"; Abimelech "royaume de mon père". Donc Doëg qui fut mû par les choses terrestres, lorsque David vint, c'est-à-dire le Christ, chez Abimelech, c'est-à-dire chez les Juifs, qui sont le royaume de mon Père, [Doëg annonça) à Saül, c'est-à-dire à la mort, que les impies l'ont appréhendé et accusé, et l'ont tué. Ou bien Doëg, c'est-à-dire l'Antéchrist qui ébranlera les hommes à la fin du monde. Quand le Christ vint dans son Église, il annonça au diable qu'il serait persécuteur de l'Église. Aussi tout ce psaume s'entend principalement des méchants qui persécutent le Christ, ou en lui-même, ou dans ses membres.

3 Pourquoi te glorifies-tu en ta malice, toi qui es puissant en iniquité ? 4 Tout le jour, ta langue a médité l'injustice: comme un rasoir aiguisé, tu as trompé.

Ce psaume se divise en deux parties.

I) Dans la première partie il traite de la malice du pécheur, qui participe à l'iniquité.

Il) Puis il traite de la justice des saints: 10 Pour moi, comme un olivier.

I. En traitant de la malice du pécheur il fait deux choses.

A) Il traite d'abord de la faute des méchants.

B) Ensuite de leur châtiment: 7 C'est pour cela que Dieu te détruira.

A. Il faut savoir que dans l'homme qui s'adonne au péché, trois choses se succèdent selon un ordre. Il y a d'abord la jouissance du péché. Puis la pensée du péché, car nous portons notre pensée sur ce que nous aimons. Enfin l'exaltation résultant du péché commis. N'importe qui se réjouit naturellement quand il accomplit ce qu'il aime. Ainsi donc le psalmiste procède-t-il à partir de la fin.

1) Il commence par mentionner l'exaltation des méchants résultant de l'acte du péché.

2) Ensuite il mentionne la pensée du péché: Tout le jour.

3) Enfin l'amour du péché: Tu as aimé.

1. Concernant l'exaltation des méchants résultant de l'acte du péché il fait deux choses.

a) Il expose d'abord la puissance de certains à accomplir le mal.

b) Puis il montre que certains se glorifient de leur oeuvre mauvaise.

a. Certains sont donc prompts et forts pour accomplir des actes mauvais, mais faibles quand il s'agit d'actes bons. Il dit donc: toi, pécheur, qui es puissant en iniquité. - "Tu as fait le mal, et tu as prévalu." - "Malheur à vous qui êtes puissants à boire le vin, et des hommes vaillants à mêler des boissons enivrantes; qui justifiez l'impie pour des présents, et ravissez au juste sa propre justice !"

b. Donc toi qui es tellement puissant, quid, c'est-à-dire quare, pourquoi te glorifies-tu en ta malice ? En conséquence tu dois avoir honte, être rempli de confusion, et être attristé: "Ils se réjouissent lorsqu'ils ont mal fait, et ils tressaillent de joie dans les choses les plus mauvaises."

2. Tout le jour, ta langue a médité l'injustice, etc. Le psalmiste montre ici la deuxième chose qu'il avait mentionnée plus haut: que non seulement ils se glorifient dans leurs maux, mais qu'ils méditent comment accomplir le mal. Et il expose d'abord l'assiduité ininterrompue de leur pensée, aussi dit-il: Tout le jour, ta langue a médité l'injustice. On dit de manière impropre que la langue médite, parce que l'acte de penser relève du coeur, et c'est pourquoi cela peut se comprendre de deux manières: ta langue, c'est-à-dire ton coeur, car il se manifeste dans la langue: "Dans la bouche des insensés est leur coeur"; car il ne fait qu'un avec la langue, c'est-à-dire que le coeur est prêt à parler. Ou bien: ta langue a médité l'injustice, en tant qu'elle exprime les choses méditées tout le jour. Et spécialement parce que le coeur enseigne à pécher par la langue. Puis il accomplit efficacement ce qu'il médite, aussi dit-il: comme un rasoir aiguisé, tu as trompé. Et c'est une similitude pour trois raisons.

a. D'abord, parce qu'un couteau aiguisé, c'est-à-dire un rasoir, coupe efficacement et rapidement, car aucun poil ne lui résiste; ainsi Doëg n'a ni respecté la dignité sacerdotale, ni manifesté de la crainte envers David, ni envers quoi que ce soit, mais il tua tous les prêtres: "À la lumière du matin ils accomplissent le mal", c'est-à-dire aussitôt.

b. Ou bien: comme un rasoir aiguisé, etc., car de même qu'un rasoir rase les poils, ainsi les méchants aiguisent leur ruse contre les justes, c'est-à-dire envoient des persécuteurs; mais à vrai dire ils font cela à la manière d'un rasoir qui rase les poils superflus, car les pécheurs n'enlèvent rien aux saints Si ce n'est des choses superflues, c'est-à-dire temporelles, mais jamais des biens spirituels.

c. Ou bien: comme un rasoir, etc., car il promet seulement la purification; mais de même que des barbiers inexpérimentés entaillent la chair, ainsi font les méchants, eux qui par leur machination entaillent la chair des justes, c'est-à-dire s'appliquent à détruire leur réputation par leur langue inique: "Ils parlent de paix avec leur prochain." Une version de Jérôme lit: "Quid gloriaris in malitia ? potens misericordia Dei tota die (Pourquoi te glorifies-tu en ta malice ? Puissante est la miséricorde de Dieu tout le jour)." Et en voici le sens: autrement dit, toi qui es puissant dans le mal, pourquoi te glorifies-tu en ta malice ? La miséricorde est prête pour que tu puisses te convertir.

5 Tu as aimé la malice plus que la bénignité, et un langage d'iniquité plutôt que l'équité. 6 Tu as aimé toutes les paroles de perdition, ô langue trompeuse.

3. Le psalmiste traite ici de la disposition du méchant, ou du pécheur, à nuire au prochain, et cette disposition porte sur deux domaines: sur le domaine des choses extérieures et des choses intérieures.

a. Il montre d'abord qu'il se soustrait à la justice dans les choses extérieures. Il dit donc: Tu as aimé la malice plus que la bénignité. La bénignité, c'est-à-dire le bon feu: et ainsi fait-elle fondre l'âme de l'homme pour lui communiquer des biens; la malice au contraire provoque l'emportement de l'homme en vue de nuire. Et ces méchants ou pécheurs ont aimé la malice plus que la bonté, c'est-à-dire la bénignité, car ils sont davantage disposés au mal qu'au bien, du fait qu'ils sont sans coeur et relâchés: "Comme le mal est doux à sa bouche, il le cachera sous sa langue." Quant au fait de se soustraire à la justice il dit: Tu as aimé le langage d'iniquité plutôt que [le langage de] l'équité. - "Celui qui aime l'iniquité hait son âme."

b. À propos des choses intérieures il dit: Tu as aimé toutes les paroles de perdition, en entraînant les autres vers la mort, comme Doëg; et souvent vers le mal du péché: "Les mauvaises compagnies corrompent les bonnes moeurs." Ou bien, en t'y précipitant toi-même; et c'est pourquoi il dit: langue trompeuse. Et toi qui es bavard et trompeur, ou toi qui fais cela avec une langue trompeuse: "C'est une flèche blessante que leur langue, elle parle pour tromper."

7 C'est pour cela que Dieu te détruira pour toujours, et t'enlèvera, et te fera sortir de ta tente, et ta racine de la terre des vivants.

B. Le psalmiste a traité plus haut de la malice des pécheurs, mais ici il traite de leur châtiment.

1. Et à cet égard il fait deux choses.

a) Il expose d'abord le châtiment de ces méchants.

b) Puis le moyen pour parvenir à cette destruction: il t'enlèvera.

a. Ainsi dit-il: C'est pour cela, c'est-à-dire parce que tu as aimé la malice, etc., et que tu as aimé les paroles qui entraînent la perte des autres, Dieu te détruira jusqu'à la fin, c'est-à-dire pour toujours: "Tu les détruiras, et tu ne les rétabliras pas." Et il est écrit à juste titre: "Précipite-les, Seigneur, divise leurs langues."

b. Le moyen, car il t'enlèvera. Il faut noter ici que cette destruction est d'abord exposée quant au moyen proprement dit. Ensuite, quant à la perte des biens futurs.

- Quant au moyen proprement dit, deux choses sont à considérer. En effet il arrive parfois aux hommes de s'appuyer en quelque façon sur leur prospérité, par exemple sur leurs amis et leurs richesses, ou autres choses semblables, et c'est pourquoi il dit: il t'enlèvera, de toutes ces choses sur lesquelles et par lesquelles tu es enraciné dans la prospérité: "Il m'a ôté l'espérance comme à un arbre arraché."

- "Voilà aujourd'hui je t'ai établi sur les nations et sur les royaumes, afin que tu arraches et que tu détruises, et que tu perdes et que tu dissipes, et que tu édifies et que tu plantes." Puis il émigre à la suite de sa première perte, c'est-à-dire se déplace entièrement; d'où ces mots: il te fera sortir, c'est-à-dire te fera quitter ta tente, c'est-à-dire ta demeure, ta condition et ta dignité: "Je te chasserai de ton rang." - "L'oeil qui l'avait vu ne le verra pas." Une autre version lit: "de tabernaculo suo (de sa tente)", c'est-à-dire l'Église: "Voici la tente de Dieu avec les hommes." À présent les bons sont mêlés aux mauvais, mais à la fin du monde ces derniers seront exclus de l'Église où ils sont maintenant par le nombre, non par le mérite.

- Quant à la perte des biens futurs il dit: et ta racine de la terre des vivants, c'est-à-dire t'enlèvera. Par racine on entend cette charité qui est la racine de tous les biens: "Qu'enracinés et fondés dans la charité, vous puissiez comprendre avec tous les saints quelle est la largeur et la longueur, la hauteur et la profondeur, et connaître aussi la charité du Christ, qui surpasse toute science, afin que vous soyez remplis de toute la plénitude de Dieu." Dieu enlève cette racine de la terre des vivants, parce qu'il t'enlève le don de la charité qu'il t'a donné. Semblablement la cupidité, qui peut être signifiée par la racine, est ôtée aux bons: "La racine de tous les maux est la cupidité." Dieu enlève celle-ci aux hommes spirituels, parce que ceux qui s'adonnent aux choses temporelles ne peuvent parvenir à la terre des vivants: "Car ceux qui veulent devenir riches tombent dans la tentation." Dans ces cupidités sont enracinés les méchants, c'est-à-dire l'Antéchrist, et le diable: "J'ai vu l'insensé", c'est-à-dire le pécheur, "avec une forte racine, et j'ai maudit sa beauté aussitôt".

8 Les justes verront cela et ils craindront, et ils se riront de lui et ils diront: "9 Voici un homme qui n'a pas pris Dieu pour son aidé, mais qui a espéré dans la multitude de ses richesses, et qui s'est prévalu de sa vanité."

2. Le psalmiste expose ici le fruit du châtiment: car Dieu punit ici-bas et il annonce des châtiments pour le bien des justes.

D'abord pour susciter la crainte du châtiment: et ils craindront. Et cela peut être appliqué à la vie présente, au cours de laquelle les justes craignent en ayant du respect à l'égard de Dieu, et périssent dans la condition où ils sont: "Ne cherche pas à t'élever, mais crains." Mais ceux qui sont dans la Patrie ne craignent pas de déchoir de leur condition, puisqu'ils sont confirmés dans la perfection de la grâce, car ils n'en sont pas séparés mais craignent avec une crainte filiale: "La crainte du Seigneur est sainte, elle subsiste dans les siècles des siècles; les jugements du Seigneur sont vrais, ils se justifient par eux-mêmes." Et ils révéreront la justice de Dieu. Cependant ils craignent plus spécialement dans la vie présente.

Puis pour susciter le mépris du péché et de la prospérité d'ici-bas.

a) Et il expose d'abord la moquerie.

b) Puis la cause de la moquerie: Voici un homme.

a. En parlant de la moquerie il dit: de lui, c'est-à-dire contre lui, entendez le pécheur, ils se riront, c'est-à-dire mépriseront sa confiance et sa prospérité. Et cela aura lieu plus particulièrement au jugement dernier: "Le juste se réjouira, lorsqu'il aura vu la vengeance."

b. "Les justes verront et ils se réjouiront", et ils se riront de l'orgueil des pécheurs; puis de leur vaine présomption et de leur gloire éphémère:

De leur orgueil, parce qu'ils n'espéraient pas en Dieu mais se confiaient en eux-mêmes: et ils diront, les justes: 9 Voici un homme qui n'a pas pris Dieu pour son aide, c'est-à-dire qui n'a pas admis qu'il avait besoin du secours de Dieu: "Nos lèvres sont à nous, qui est notre maître ?" - "Il a abandonné son créateur."

De leur vaine présomption, c'est pourquoi il dit: mais qui a espéré dans la multitude de ses richesses. Il est écrit dans les Proverbes: "Celui qui se confie dans ses richesses tombera précipitamment." Et dans la première épître de Paul à Timothée: "Ordonne aux riches de ce siècle de ne point s'élever d'orgueil, de ne point se confier en des richesses incertaines, mais dans le Dieu vivant (qui nous donne abondamment toutes choses pour en jouir); de faire le bien, de devenir riches en bonnes oeuvres, de donner de bon coeur, de partager, de se faire un trésor qui soit un bon fondement pour l'avenir, afin d'acquérir la véritable vie."

De leur vaine gloire, car ils se sont prévalus de faire le mal et d'agir comme avec le consentement de Dieu; aussi dit-il: et qui s'est prévalu de sa vanité. Et les justes se riront de cela: "Le Seigneur sait que les pensées des hommes sont vaines." Ou bien: il s'est prévalu, etc., en tant qu'on applique cela à l'avare qui par son avarice l'emporte sur tous les autres pécheurs: "Rien n'est plus criminel que l'avare." Et du fait qu'il est entraîné à l'avarice, il tombe facilement dans d'autres péchés. Ou bien on peut appliquer cela à l'Antéchrist, parce qu'il l'emporte sur tous les autres pécheurs.

10 Pour moi, comme un olivier verdoyant dans la maison de Dieu, j'ai espéré dans la miséricorde de Dieu pour l'éternité, et pour les siècles des siècles. 11 Je te louerai à jamais, car tu as agi; et j'espérerai ton nom, parce qu'il est bon, en présence de tes saints.

II. Ici le psalmiste traite de la sainteté des bons.

A) Et il montre d'abord ce qu'ils font dans le temps présent.

B) Puis ce qu'ils promettent: Je te louerai.

A. Les saints accomplissent un double bien dans l'Église présente.

1. D'abord, dans le fait qu'ils se comportent bien vis-à-vis du prochain, en produisant du fruit à leur égard. Et c'est pourquoi le juste est comparé à un olivier, ce qui revient à dire: ainsi le pécheur est anéanti sans fruit, mais moi, je suis comme un olivier verdoyant dans la maison de Dieu. Et il est comparé à un olivier à cause de sa fertilité, car l'olivier a toujours un fruit onctueux: "Les arbres allèrent pour oindre et [établir] sur eux un roi, et ils dirent à l'olivier: "Commande-nous." L'olivier leur répondit: "Est-ce que je peux abandonner mon huile dont les dieux et les hommes se servent, et venir pour être promu, parmi les arbres ?"" - "Olivier fertile, beau, chargé de fruits, superbe, le Seigneur t'a appelé de ce nom." Ici cependant il est comparé à l'olivier spécialement à cause de son fruit, car on extrait l'huile des oliviers, ce qui signifie la miséricorde, dont les justes usent envers les autres et grâce à la quelle ils produisent du fruit dans l'Église: "Je vous ai établis pour que vous alliez, et rapportiez du fruit." Et j'ai produit ce fruit, dans la maison de Dieu, non dans le monde: "J'ai choisi d'être méprisé dans la maison de Dieu."

2. De même, à l'égard de Dieu, les justes accomplissent en ce monde un autre bien, à savoir en espérant en lui, aussi dit-il: j'ai espéré dans la miséricorde de Dieu, non dans mes mérites mais en sa miséricorde: "Il nous a sauvés non en vertu d'oeuvres que nous aurions accomplies nous-mêmes dans la justice, mais en vertu de sa miséricorde." Et cette miséricorde est pour l'éternité. Et l'on peut expliquer cela de deux manières.

Selon une première manière, en tant que ce mot signifie l'éternité, et ainsi l'éternité peut être appliquée à l'essence de la miséricorde divine, qui est éternelle: "Je t'ai aimé d'un amour d'éternité, aussi est-ce par miséricorde que je t'attire à moi."

Selon une autre manière, en tant qu'on l'applique à l'effet de la miséricorde. Les biens éternels sont parfois accordés par la miséricorde de Dieu, et ainsi dit-il: pour les siècles des siècles, c'est-à-dire pour tous les siècles.

B. Je te louerai. Il promet ici ce qu'il fera, et il promet deux choses.

1. La première se rapporte aux choses passées, et c'est l'action de grâce pour les bienfaits reçus. Voilà pourquoi il dit: Je te louerai à jamais, c'est-à-dire c'est à toi que je rapporterai les louanges, et cela parce que toi tu as agi, parce que j'étais un olivier verdoyant dans la maison du Seigneur, et parce que j'espère dans la miséricorde de Dieu.

2. L'autre se rapporte aux choses futures: j'espérerai ton nom, parce qu'il est bon. Il espère que le nom de Jésus soit son salut. Et cela se réalise spécialement pour ceux qui sont dans la Patrie, c'est pourquoi il dit: parce qu'il est bon, en présence de tes saints, qui voient l'essence même de ta bonté, aussi ne peuvent-ils qu'aimer Dieu.

 

 

COMMENTAIRE DU PSAUME 52

1 Pour la fin. Pour Amalech. Intelligence de David. L'insensé a dit dans son coeur: "Il n'est pas de Dieu".

2 Ils sont corrompus, et sont devenus abominables par leurs iniquités; il n'en est pas un qui fasse le bien.

3 Le Seigneur, du haut du ciel, a jeté un regard sur les fils des hommes, afin de voir s'il en est un d'intelligent ou qui cherche Dieu.

4 Tous se sont détournés, ensemble ils sont devenus inutiles. Il n'en est pas un qui fasse le bien. Il n'en est pas même un seul.

5 Est-ce qu'ils ne connaîtront point, tous ceux qui opèrent l'iniquité, qui dévorent mon peuple comme la nourriture du pain ?

6 Ils n'ont pas invoqué Dieu, là ils ont tremblé de crainte, là où il n'y avait pas de crainte. Parce que Dieu a dispersé les os de ceux qui plaisent aux hommes; ils ont été confondus, parce que le Seigneur les a méprisés.

7 Qui donnera de Sion le salut d'Israël ? Lorsque le Seigneur aura détourné la captivité de son peuple, Jacob exultera, et Israël se réjouira.

 

1 Pour la fin. Pour Amalech. Intelligence de David.

L'insensé a dit dans son coeur: "Il n'est pas de Dieu."

Plus haut le psalmiste a examiné la méchanceté des pécheurs dans leur attachement au péché; mais ici il examine leur méchanceté dans leur mépris de Dieu. Le titre de ce psaume est: Pour Amalech. Intelligence de David. Cette histoire est décrite au premier livre des Rois, lorsque David, s'enfuyant, vint vers Achis, roi des Philistins, qui lui donna la cité de Siceleg. Et il arriva que les Amalécites, en son absence, incendièrent la cité; David enfin les poursuivit et recouvra le butin.

Au sens mystique, par David est signifié le Christ; et comme on le dit dans la Glose, les Amalécites sont un peuple qui suce le sang, et ils signifient l'Antéchrist et ses satellites qui sucent avec passion les choses charnelles. - "Ni la chair ni le sang ne t'ont révélé ceci, mais mon Père qui est dans les cieux." Donc on l'entend de leur malice, et à partir de cette dernière ils sont amenés au Christ.

Augustin dit: "Pour Maheleffi", ce qui veut dire "celui qui souffre et qui enfante", et signifie l'Église au sujet de laquelle Jean écrit: "La femme, lorsqu'elle enfante, a de la tristesse, parce que son heure est venue." Et ainsi ce psaume exprime les tribulations que l'Église endure de la part des méchants de ce monde. Il a été composé par Coré, qui fut l'un des principaux chantres; et c'est ainsi que ce psaume fut chanté au cours de sa fonction.

De même il faut savoir que ce psaume a été commenté plus haut; il ne s'agit cependant pas purement et simplement d'un même psaume, ni de tous les mêmes versets, car là le psalmiste décrit le premier avènement du Christ; tandis qu'ici il décrit l'avènement du Christ au jugement dernier. Et à ce propos il fait deux choses.

I) Il expose d'abord la malice des pécheurs.

II) Puis il décrit le jugement divin: 3 Le Seigneur, du haut du ciel.

I. Concernant la malice des pécheurs il fait deux choses.

A) Il commence par exposer la racine du mal, c'est-à-dire le mépris.

B) Puis il montre ce qui résulte d'une telle racine: 2 Ils sont corrompus.

A. Il faut savoir que la sagesse, si on la considère à proprement parler, diffère de la science, parce que la sagesse concerne la connaissance des choses divines, tandis que la science concerne la connaissance des choses humaines. L'homme insensé méprise la connaissance des choses divines: "Retire-toi de nous; nous ne voulons pas connaître tes voies." - "Ils se sont perdus dans leurs pensées, et leur coeur insensé a été obscurci; ainsi en disant qu'ils étaient sages ils sont devenus fous." A l'encontre de cette affirmation, Anselme dit que nul ne peut penser que Dieu n'est pas. Il faut dire qu'une chose peut être ignorée en nous de deux manières. D'abord en soi; puis en nous.

En soi sont ignorées de nous les choses qui portent d'abord sur l'être, comme la contingence, la matière première, le mouvement et le temps. Puis sont ignorées en nous les choses qui surpassent notre connaissance.

Je dis donc que si nous considérons Dieu en lui-même, alors on ne peut penser qu'il n'est pas, et aucune proposition n'est plus connue que celle dont le prédicat est inclus dans le sujet. L'être de Dieu est son essence, et c'est pourquoi cette proposition: "Dieu est", signifie qu'il est parfaitement connu par lui-même; cependant par rapport à nous l'essence de Dieu ne nous est pas connue, mais elle se fait connaître à travers ses effets, par exemple la providence des hommes bons et mauvais, et de toutes choses universellement, et les miracles de Dieu; et celui qui dit qu'il n'est pas tout-puissant nie Dieu. Et le psalmiste dit: dans son coeur, parce que le fait que Dieu est dans le coeur de tous vient de Dieu lui-même, et que celui qui en vérité refuse cela, est considéré comme insensé, étant donné qu'il dit que Dieu n'est pas. Ou bien: L'insensé, c'est-à-dire le Juif: "Comprenez, insensés", parce qu'il a dit que le Christ n'est pas Dieu. - "Parce que toi, étant homme, tu te fais Dieu."

2 Ils sont corrompus, et sont devenus abominables par leurs iniquités; il n'en est pas un qui fasse le bien.

B. Il est question ici de l'effet de leur malice. De même que la crainte, la connaissance et l'amour de Dieu sont le principe de toute bonne oeuvre, ainsi la suppression de la connaissance et de l'amour de Dieu entraîne la disparition de toute vie droite.

1) Et le psalmiste montre d'abord ce qui résulte de l'accomplissement du mal.

2) Puis de la perte du bien.

1. Il y a deux maux qui en résultent. Le premier est qu'ils sont corrompus. Un corps est corrompu par l'exhalaison de la chaleur naturelle et par la perte de la chaleur actuelle extérieure. La chaleur naturelle de l'âme humaine est Dieu lui-même; et c'est pourquoi, aussi longtemps que dans l'âme se trouve la connaissance de Dieu, l'âme contient sa propre forme que Dieu a imprimée en elle, c'est-à-dire l'innocence et l'image divine, mais lorsque cette chaleur s'exhale, la chaleur actuelle disparaît, à savoir la chaleur du désir ardent et de la crainte, l'âme s'en trouve alors corrompue et il en résulte que beaucoup rejettent loin d'eux la crainte, l'amour et la connaissance de Dieu, et se corrompent dans les impuretés; et c'est pourquoi ils sont devenus abominables par leurs iniquités. - "Ils sont devenus abominables comme les choses qu'ils ont aimées." Et il dit: par leurs iniquités, c'est-à-dire à cause de leurs iniquités,

2. et ils perdent aussi le bien: Il n'en est pas un qui fasse le bien. - "Ils sont intelligents pour faire le mal, mais faire le bien, ils ne le savent pas."

3 Le Seigneur, du haut du ciel, a jeté un regard sur les fils des hommes, afin de voir s'il en est un d'intelligent ou qui cherche Dieu.

II. Du haut du ciel [il] a jeté un regard. Le psalmiste expose ici le jugement de Dieu contre les méchants.

A) Et il introduit d'abord l'examen du jugement.

B) Puis il montre ce que le juge découvre, car 4 tous se sont détournés.

C) Enfin il ajoute sa sentence: 5 Est-ce qu'ils ne connaîtront point ?

A. Le motif pour lequel ils nient que Dieu est, c'est qu'ils croient qu'en raison de sa sublimité Dieu ne considère pas les choses les plus lointaines: "Ne songes-tu pas que Dieu est plus élevé que le ciel, et qu'il est au-dessus du sommet des étoiles ? Et tu dis: "Mais que connaît Dieu ?" car c'est comme à travers une profonde obscurité qu'il juge. Des nuées le cachent; il parcourt les pôles du ciel et ne s'occupe pas de ce qui nous regarde." Mais cela concerne la perfection de sa sagesse parce qu'il est attentif à toutes choses: "Qui est comme notre Dieu, qui habite dans les lieux les plus élevés, et regarde les choses basses dans le ciel et sur la terre ?" Et c'est pourquoi il dit que le Seigneur a jeté un regard du haut du ciel, c'est-à-dire considère les fils des hommes depuis sa hauteur: "Qu'est mon âme dans une création si immense ?" - "Toutes les voies de l'homme sont ouvertes à ses yeux." - Le Seigneur a jeté un regard du haut du ciel sur la terre. Ou bien du ciel, c'est-à-dire le regard du Christ. Ou bien celui de l'âme du juste. Il cherche parmi les fils des hommes afin de voir s'il en est un d'intelligent, ou qui cherche Dieu. Il y a une différence entre Dieu et les hommes, car les juges de la terre enquêtent sur les actes extérieurs, tandis que Dieu considère le coeur: "Ô Dieu qui sonde les coeurs et les reins." Il y a deux dispositions qu'il faut avoir à l'égard de Dieu: que l'intelligence se fixe intérieurement dans la connaissance de Dieu et que l'affection tende vers Dieu comme vers sa fin. Aussi dit-il: [il] a jeté un regard afin de voir s'il en est un d'intelligent. Et si on le comprend en l'appliquant au juste, il convainc dans sa douceur; mais si on le comprend en l'appliquant au méchant, comme on le dit à son sujet: "Il n'a pas voulu acquérir l'intelligence pour qu'il fît le bien", alors il cherche, c'est-à-dire ce qu'il fera pour qu'il parvienne à lui: "Cherchez le Seigneur et votre âme vivra." Mais le Seigneur regarde, c'est-à-dire afin de voir s'il trouve une malice abondante.

4 Tous se sont détournés, ensemble ils sont devenus inutiles. Il n'en est pas un qui fasse le bien. Il n'en est pas même un seul.

B. Le psalmiste

1) traite d'abord de l'éloignement des pécheurs par la racine du mal;

2) puis il dit ce qui en résulte. Et voici son explication:

1. A propos de leur éloignement il dit donc que le Seigneur recherche, mais trouve que tous se sont détournés, qu'ensemble ils sont devenus inutiles; et d'autre part qu'il n'en est pas un qui fasse le bien. Tous se sont détournés de l'intelligence et de la recherche de Dieu: "Chacun s'est détourné vers sa voie."

2. Il en résulte qu'ils sont inutiles et à eux-mêmes et aux autres. Car ceux qui ne possèdent pas l'amour de Dieu ne possèdent pas la vraie foi; quelles que soient les bonnes oeuvres qu'ils accomplissent, elles leur sont inutiles en vue de la récompense de la vie éternelle. C'est pourquoi il dit: ensemble ils sont devenus inutiles, c'est-à-dire qu'ils font des oeuvres inutiles: "Quand je distribuerais tout mon bien pour la nourriture des pauvres et que je livrerais mon corps pour être brûlé, si je n'ai point la charité, cela ne sert de rien." - "Tu as été jeté loin de ton sépulcre; comme un tronc inutile [et] souillé."

Et il explique comment ils sont inutiles: c'est parce qu'il n'en est pas un qui fasse le bien, car les actions qui sont accomplies sans la vertu de foi et qui ne sont pas informées par l'amour de Dieu ne sont pas bonnes absolument parlant: "Ce qui ne procède pas de la foi est mort." Et le fait qu'ils se sont détournés, il le montre lorsqu'il dit: Il n'en est pas un qui fasse le bien, c'est-à-dire il ne s'en trouve pas un qui soit bon. Mais n'y a-t-il pas quelqu'un de bon dans l'univers ? Il faut dire selon une première manière que si on applique cela à la société des méchants, alors nul n'est bon. Selon une autre manière, si on l'applique au sens universel: Il n'en est pas un qui fasse le bien signifie il n'en est pas un qui soit bon par sa propre vertu jusqu'au Christ: "C'est Dieu qui opère en nous."

5 Est-ce qu'ils ne connaîtront point, tous ceux qui opèrent l'iniquité, qui dévorent mon peuple comme la nourriture du pain ?

C. Plus haut le psalmiste a présenté le juge regardant l'iniquité et l'inutilité. Ici il traite de la sentence du juge.

1) Et d'abord quant à la condamnation des méchants.

2) Puis quant au salut des bons: 7 Qui donnera de Sion, etc.

1. En parlant de la condamnation des méchants il fait deux choses.

a) Il pose d'abord une question.

b) Puis il fait connaître l'intention liée à cette question: Parce que Dieu a dispersé.

a. En posant cette question il fait deux choses.

Il s'interroge d'abord sur le manquement au repentir.

Puis il justifie le mérite du châtiment: qui opèrent.

- Concernant l'absence elle-même de repentir on fera la remarque suivante: il arrive fréquemment aux hommes qui jouissent de la prospérité de ne pas reconnaître Dieu, mais grâce aux châtiments infligés par Dieu ils se souviennent que Dieu est, autrement dit: c'est nécessaire en raison de leur faute: "Le Seigneur s'est fait connaître en exerçant ses jugements." Et nous en avons un exemple dans l'attitude de Pharaon: "Je ne connais pas le Seigneur." Et après les châtiments infligés, les Égyptiens dirent: "Fuyons devant Israël, car le Seigneur combat pour eux contre nous." Et parce qu'il a déclaré plus haut: L'insensé a dit: "Il n'est pas de Dieu", voilà pourquoi il dit maintenant: Est-ce que tous ceux qui opèrent l'iniquité ne connaîtront point, au moins par les châtiments, que Dieu est ? Autrement dit: au contraire ils sauront que nul ne peut infliger des châtiments si ce n'est Dieu.

- Et cela est très nécessaire à cause de la faute qu'ils ont commise. Et ils ont commis une double faute, c'est-à-dire en acte et dans leur disposition. La faute est l'acte de l'iniquité; et c'est pourquoi il dit: qui opèrent l'iniquité. L'iniquité est à proprement parler le péché contre le prochain, parce qu'elle s'oppose à l'équité. Il souligne cette faute lorsqu'il dit: qui dévorent mon peuple comme la nourriture du pain. La nourriture du pain est régulière et agréable, autrement dit: ceux-ci persévèrent agréablement dans leurs méchancetés et se plaisent à causer des injustices: "Ils ont dévoré la chair de mon peuple ainsi que leurs cadavres, et ont emporté leurs biens." - "C'est un troupeau dispersé qu'Israël; des lions l'ont chassé; le premier qui l'a mangé est le roi d'Assur."

6 Ils n'ont pas invoqué Dieu, la ils ont tremblé de crainte, là où il n'y avait pas de crainte. Parce que Dieu a dispersé les os de ceux qui plaisent aux hommes; ils ont été confondus, parce que le Seigneur les a méprisés.

Les pécheurs sont désordonnés dans leur affection de deux manières.

· D'abord par leur mépris de Dieu.

· Puis par leur amour désordonné à l'égard des biens temporels.

· Concernant leur mépris de Dieu il dit: Ils n'ont pas invoqué Dieu, pour deux raisons.

D'abord, parce qu'ils ne croient pas en Dieu: "Comment invoqueront-ils celui en qui ils n'ont pas cru ?"

Puis parce qu'ils croient se suffire à eux-mêmes: "Nos lèvres sont à nous."

· Concernant leur amour désordonné des biens temporels il dit: là ils ont tremblé de crainte, là où il n'y avait pas de crainte, autrement dît: parce qu'ils ont craint là où il ne fallait pas craindre. Par le mot illic (là) il ne désigne pas le lieu mais la cause. Voilà pourquoi Augustin dit que la crainte est causée par l'amour. Ceux-ci, c'est-à-dire les méchants, ou les pécheurs, n'ont d'amour que celui des biens temporels; et c'est pourquoi ils craignent seulement les dommages temporels, c'est-à-dire pour un motif sans fondement, à savoir un motif pour lequel il ne faut pas craindre: "Ne craignez pas ceux qui tuent le corps, et ne peuvent tuer l'âme"; et c'est pourquoi il ne faut pas craindre la perte des biens temporels, car en ceux-ci ne réside pas à proprement parler notre vrai bien, et il est certain que si nous adhérons à Dieu, cela aussi nous sera donné: "Cherchez d'abord le royaume de Dieu et sa justice, et tout cela vous sera donné par surcroît."

b. Parce que Dieu a dispersé. Ici le psalmiste répond clairement à sa question qui portait sur la manière dont se fait la correction, c'est-à-dire à propos du châtiment. Et il décrit un double châtiment, intérieur et extérieur.

- Il montre le premier lorsqu'il dit: Dieu a dispersé les os de ceux qui plaisent aux hommes, c'est-à-dire ceux qui désirent finalement plaire aux hommes. Par os on entend la force. Or toute force est ou bien corporelle, et cette dernière est anéantie par Dieu; ou bien spirituelle, et celle-ci est anéantie par le péché. Ces os sont les vertus des hommes bons, voilà pourquoi les os du Christ n'ont pas été brisés sur la croix, mais bien les os des bandits.

Mais il dit: de ceux qui plaisent aux hommes. Est-ce une chose mauvaise de plaire aux hommes ? Il semble que non: "Ne soyez une occasion de scandale ni pour les Juifs, ni pour les païens, ni pour l'Église de Dieu." De même: "Je complais à tous en toutes choses", dit l'Apôtre.

Il faut répondre à cette objection en disant que si quelqu'un veut plaire à autrui en vue de la vaine gloire, ou d'obtenir une gloire humaine, c'est une chose mauvaise pour ceux qui mettent leur fin en cela, car ceux-ci pèchent résolument en secret pourvu seulement qu'ils plaisent. Mais parfois quelqu'un veut plaire aux autres en vue de les attirer à Dieu; et alors une telle complaisance est méritoire et bonne; et c'est dans ce sens que l'Apôtre voulait que nous plaisions aux autres, et c'est ainsi qu'il plaisait lui-même.

- Par opposition le psalmiste expose le châtiment extérieur, aussi dit-il: ils ont été confondus, c'est-à-dire sont confondus, parce que leurs péchés ont été dévoilés: "Les cieux révéleront son iniquité", parce qu'ils ont trompé, et parce qu'ils perdront les biens temporels grâce auxquels ils croyaient obtenir la félicité: "Ils seront confondus grandement." - "Qu'ils soient confondus ceux qui me persécutent." Et ils souffraient cela parce que [Dieu] les a méprisés. Sont honorables ceux que Dieu aime: "Tes amis, ô Dieu, sont devenus extrêmement honorables"; tandis que ceux que Dieu a méprisés ont été confondus.

7 Qui donnera de Sion le salut d'Israël ? Lorsque le Seigneur aura détourné la captivité de son peuple, Jacob exultera, et Israël se réjouira.

2. Ici le psalmiste traite des bons.

a) Et il formule d'abord une question.

b) Puis il donne la réponse.

a. La question est celle-ci: qui venant de Sion sauvera Israël ? Qui ?

b. Le Christ, parce que "le salut vient des Juifs": donc de Sion, c'est-à-dire des Juifs, et de David, et du cénacle de Sion où les Apôtres ont reçu l'Esprit-Saint, sont venus les prédicateurs du salut. Et cela nul ne le donnera si ce n'est Dieu. Et comment ? Lorsqu'[il] aura détourné la captivité de son peuple. Car le peuple fidèle était en captivité, c'est-à-dire était retenu dans la prison du diable que Dieu détourna lorsqu'il l'ouvrit: "Fais revenir, Seigneur, notre captivité, comme le torrent au midi."

Et que résultera-t-il de cela ? La joie et l'allégresse: "Quand le Seigneur a fait revenir la captivité de Sion, nous fûmes comme des consolés." Mais on distingue une double condition parmi les fidèles, c'est-à-dire celle de l'affliction et du couronnement, du mérite et de la récompense; et dans l'un et l'autre cas il y a la joie. Et la première est la joie due à la participation de la grâce: "Le Royaume de Dieu n'est pas affaire de nourriture et de boisson, mais il est justice, paix et joie dans l'Esprit-Saint." Et c'est pourquoi il dit: Jacob exultera. - "Mon âme a exulté dans le Seigneur." Dans la récompense se trouve la joie, commente la Glose. - "Une allégresse éternelle sera sur leur tête; ils obtiendront la joie et l'allégresse, et la douleur fuira ainsi que le gémissement." Et c'est pourquoi le psalmiste dit: Israël se réjouira.

 

 

COMMENTAIRE DU PSAUME 53

1 Pour la fin, intelligence de David, dans les cantiques.

2 Lorsque les habitants de Ziph furent venus et eurent dit à Saül: "Est-ce que David n'est pas chez nous ?" 3 Dieu, sauve-moi par ton nom, et juge-moi par ta puissance.

4 Dieu, exauce ma prière, prête l'oreille aux paroles de ma bouche.

5 Parce que des étrangers se sont élevés contre moi, et [des ennemis] puissants ont cherché mon âme; et ils n'ont pas mis Dieu devant leurs yeux.

6 Mais voilà que Dieu vient à mon aide; et le Seigneur est le soutien de mon âme.

7 Détourne les maux contre mes ennemis; et par ta force extermine-les.

8 Je t'offrirai volontairement un sacrifice, et je louerai ton nom, Seigneur, parce qu'il est bon.

9 Parce que tu m'as retiré de toute tribulation, et que sur mes ennemis mon oeil a jeté un regard de mépris.

 

1 Pour la fin, intelligence de David, dans les cantiques. 2 Lorsque les habitants de Ziph furent venus et eurent dit à Saül: "Est-ce que David n'est pas chez nous ?" 3 Dieu, sauve-moi par ton nom, et juge-moi par ta puissance.

Plus haut, dans les autres psaumes, le psalmiste a souligné l'iniquité des pécheurs quant à leur disposition peccamineuse et à leur mépris de Dieu; ici il expose la persécution qu'il endure de leur part.

Le titre de ce psaume est: Pour la fin, intelligence de David, dans les cantiques. La première partie du titre est claire. La seconde traite de l'histoire qui est décrite au premier livre des Rois: quand David parvint au désert des environs de la cité de Ziph, les hommes de cette cité accusèrent David auprès de Saül, et Saül le poursuivit, mais il ne put s'emparer de lui; aussi cette accusation n'a pas nui à David en qui il est signifié que les Ziphéens, c'est-à-dire ceux qui s'épanouissent en ce monde. - "La gloire du monde est comme la fleur du champ" - accusent les saints mais ne peuvent leur nuire, parce que le saint est caché aux Ziphéens, parce que le saint ne s'épanouit pas parmi les pécheurs, mais sa floraison se fait en secret, c'est-à-dire les fleurs de l'honnêteté: "Votre vie est cachée avec le Christ."

David traite donc dans ce psaume des bons qui sont cachés parmi les méchants et de la persécution qu'ils endurent de leur part.

Ce psaume se divise en trois parties.

I) Le psalmiste parle d'abord de la prière.

II) Puis il montre la nécessité de prier: 5 Parce que des étrangers.

III) Enfin il fait valoir sa compensation: 8 Je t'offrirai volontairement.

I. En parlant de la prière il fait deux choses.

A) Il expose d'abord sa demande.

B) Puis son exaucement: 4 Dieu, exauce ma prière.

A. Sa demande consiste en deux choses.

1) Car il demande d'abord pour lui.

2) Puis pour ses ennemis.

1. Pour lui, il demande d'être sauvé non à cause de ses mérites, mais en raison de l'amour du nom divin. C'est pourquoi il dit: Dieu, par ton nom, sauve-moi. - "Nul autre nom n'a été donné sous le ciel aux hommes par lequel nous devions être sauvés." - "Le nom du Seigneur est une tour très forte."

2. Pour ses adversaires il demande le jugement, lequel peut se comprendre de trois manières.

a. Selon une première manière, on peut l'entendre d'un jugement de discernement, c'est-à-dire pour que sa cause soit séparée d'eux: "Juge-moi, ô Dieu, et discerne ma cause."

b. Selon une autre manière, on peut l'entendre d'un jugement de poursuite, c'est-à-dire pour qu'il le juge selon sa propre justice, en le libérant des méchants: "Il jugera les pauvres avec justice."

c. Enfin, on peut l'entendre d'un jugement de condamnation. Et il ne demande pas cela par désir de vengeance, mais en se conformant à la justice divine. Ou bien il dit cela en prévoyant le jugement des méchants. Et c'est bien ce qu'il dit: et juge-moi par ta puissance.

4 Dieu, exauce ma prière, prête l'oreille aux paroles de ma bouche.

B. Le psalmiste expose ici sa prière. Dans la prière on distingue deux choses: ce qui est demandé, et la demande.

Car parfois Dieu exauce ce qui est demandé, et non point la demande elle-même, parce que ce qui est demandé on l'obtient par la grâce et par la miséricorde; et ces choses sont données par Dieu. Et c'est pourquoi il demande, c'est-à-dire afin que sa prière ou sa demande soit satisfaite, lorsqu'il dit: Dieu, exauce ma prière, et aussi qu'il prête l'oreille à ses paroles: prête l'oreille aux paroles de ma bouche; ce qui se réalise lorsque Dieu agrée et approuve ses propres paroles: "Prête l'oreille à mes paroles, Seigneur, entends mon cri."

5 Parce que des étrangers se sont élevés contre moi, et des ennemis puissants ont cherché mon âme; et ils n'ont pas mis Dieu devant leurs yeux.

II. Le psalmiste expose ici la nécessité de prier.

A. Et il souligne l'importance de la persécution des ennemis:

1) D'abord par leur sentiment.

2) Puis par leur puissance.

3) Enfin par leur mépris de Dieu.

1. D'abord par leur sentiment, car lorsque quelqu'un persécute un autre, qui lui est totalement étranger, c'est dangereux, parce qu'il s'élève contre lui sans miséricorde; et c'est pourquoi il dit: Parce que des étrangers, c'est-à-dire les démons ou les pécheurs. Si on l'applique à n'importe quel juste, on dira qu'ils se sont élevés contre moi sans aucune compassion ou miséricorde. Mais on peut appeler étrangers ceux qui se comportent autrement que des amis, comme Saül était étranger à David, et comme les Ziphéens qui l'accusèrent auprès de Saül: "Mes proches, comme des étrangers, se sont retirés de moi."

2. Par leur puissance, car lorsqu'une personne faible attaque, on peut se défendre, mais ceux-ci sont puissants, car [des ennemis] puissants ont cherché mon âme. - "Saül choisit trois mille hommes en vue de le poursuivre." Ou bien: [Les] [ennemis] puissants, ce sont les démons: "Lorsque l'homme fort armé", c'est-à-dire le diable, "garde l'entrée de sa maison, ce qu'il possède est en sécurité".

3. Par leur mépris de Dieu, car parfois une personne renonce à la persécution dans la mesure où elle se maintient dans l'amour de Dieu. Mais ceux-ci n'y renoncent pas pour cette raison, aussi dit-il: ils n'ont pas mis Dieu devant leurs yeux. - "Car il a dit dans son coeur: Il ne demandera pas de comptes."

6 Mais voilà que Dieu vient à mon aide; et le Seigneur est le soutien de mon âme.

B. Le psalmiste montre ici qu'il a été exaucé dans sa prière.

1) Et d'abord qu'il a été exaucé à propos d'une chose.

2) Puis il mentionne qu'il a été exaucé à propos d'autres choses: Détourne les maux.

1. On a dit plus haut que sa prière était adressée en sa faveur, lorsqu'il disait: sauve-moi, et contre ses ennemis, quand il disait: par ta puissance.

Ainsi dit-il qu'il a été exaucé en sa faveur parce qu'il déclare avoir été sauvé; et ensuite il l'a dit à propos des ennemis qui se sont élevés contre lui et qui cherchaient son âme; et il a été sauvé dans l'un et l'autre cas, puisque contre l'insulte des ennemis il dit: voilà que Dieu vient à mon aide, c'est-à-dire me prête son secours: "Le Seigneur Dieu est mon aide; c'est pour cela que je n'ai pas été confondu." Contre le fait qu'ils cherchent son âme il dit: le Seigneur est le soutien de mon âme, autrement dit, le Seigneur m'a sauvé en me prenant sous sa tutelle: "Les âmes des justes sont dans la main de Dieu." - "Mais toi, Seigneur, tu es mon soutien, ma gloire, et tu élèves ma tête."

7 Détourne les maux contre mes ennemis; et par ta force extermine-les.

2. Ici il demande d'être exaucé au sujet de ses ennemis. Et il demande deux choses en échange de deux choses qu'ils faisaient à son égard: car ils le persécutaient, et ils cherchaient à le tuer; et c'est pourquoi il demande qu'eux-mêmes endurent la persécution et qu'ils soient tués.

En parlant de la persécution il dit: Détourne, c'est-à-dire de moi, les maux contre mes ennemis, qui cherchent à me les infliger, autrement dit: détourne ces maux contre ceux qui veulent me les infliger.

En parlant de leur intention de tuer il dit: extermine-les, c'est-à-dire fais qu'ils soient exterminés, autrement dit: qu'ils soient tués; et cela par ta force. Ou bien par ta force, c'est-à-dire en raison de ta puissance.

Mais cette attitude semble être en contradiction avec la parole du Christ qui dit: "Priez pour ceux qui vous persécutent."

Il faut répondre à cette objection en disant que toutes les imprécations qu'on lit dans les prophètes peuvent se comprendre de trois manières.

Ou bien, sous forme d'annonce, car ils parlaient sous l'esprit de Dieu et prédisaient l'avenir. Sous forme de prière, autrement dit: Détourne, etc., c'est-à-dire tu détourneras. D'où le présent en hébreu: "Tu détournes".

Ou bien, en conformité avec la justice divine.

Enfin, selon une signification spirituelle. Les pécheurs, lorsqu'ils cessent de pécher, meurent alors et cessent d'être pécheurs. Et cela doit faire l'objet d'une supplication incessante.

8 Je t'offrirai volontairement un sacrifice, et je louerai ton nom, Seigneur, parce qu'il est bon. 9 Parce que tu m'as retiré de toute tribulation, et que sur mes ennemis mon oeil a jeté un regard de mépris

III. Le psalmiste expose ici sa compensation.

A) Et d'abord sa compensation.

B) Puis la raison de sa compensation.

A. Il a l'intention de compenser en recourant à deux choses: au sacrifice et à la louange.

En parlant du sacrifice il dit: Je t'offrirai volontairement.

Dans un sens opposé il a dit plus haut: "Si tu avais voulu un sacrifice, je te l'aurais donné."

Il faut répondre à cette objection en disant que celui-ci parle du sacrifice qui a été agréé par Dieu, parce que c'est un sacrifice d'un esprit brisé et d'un corps mortifié: "Je châtie mon corps, et le réduis en servitude." - "Je vous en conjure donc, frères, par la miséricorde de Dieu, d'offrir vos corps en hostie vivante, sainte, agréable à Dieu, pour que votre culte soit raisonnable." Le troisième sacrifice porte sur les choses les meilleures: "N'oubliez point la charité et la communication de vos biens, car c'est par de telles hosties qu'on se concilie Dieu", c'est-à-dire qu'on l'apaise. Je t'offrirai donc ce triple sacrifice volontairement, parce qu'avec joie: "Et après cela fut offert l'holocauste perpétuel, tant dans les calendes que dans toutes les solennités du Seigneur, qui lui étaient consacrées, et dans toutes celles dans lesquelles on offrait volontairement un présent au Seigneur." - "Dieu aime celui qui donne avec joie."

En parlant de la louange il dit: je louerai ton nom, Seigneur, parce qu'il est bon, c'est-à-dire par l'action de grâce: "Bénissez le Dieu du ciel", c'est-à-dire rendez lui grâces. Et pourquoi ? Non en raison des biens temporels, comme le font les pécheurs, dont il est dit: "Je te louerai lorsque tu lui feras du bien", mais à cause de la bonté de Dieu et de sa bénignité, ainsi que pour les bienfaits reçus, parce que je suis exaucé dans mes demandes.

B. Ainsi dit-il qu'il a été exaucé lorsqu'il déclare: Parce que tu m'as retiré de toute tribulation. Et il dit: j'offrirai pour toi, par rapport à ses ennemis, parce que sur mes ennemis mon oeil a jeté un regard de mépris, puisqu'ils n'ont pu me nuire. Ou bien: mon oeil a jeté un regard de mépris sur mes ennemis, parce qu'il a méprisé leur bonheur et leur prospérité: "En présence [du juste] le méchant est regardé comme un néant."

 

 

COMMENTAIRE DU PSAUME 54, 1-16

 

1 Pour la fin. Dans les cantiques. Intelligence de David.

2 Exauce, ô Dieu, ma prière, et ne méprise pas ma supplication.

3 Prête attention à moi, et exauce-moi. J'ai été contristé dans mon exercice: et j'ai été troublé 4 à la voix de l'ennemi, et à cause de la tribulation du pécheur. Parce qu'ils ont détourné sur moi des iniquités; et dans leur colère ils me tourmentaient.

5 Mon coeur a été troublé au-dedans de moi; et la frayeur de la mort est tombée sur moi. 6 Crainte et tremblement sont venus sur moi; et les ténèbres m'ont couvert.

7 Et j'ai dit: "Qui me donnera des ailes comme [les ailes] d'une colombe, et je m'envolerai, et je me reposerai."

8 Voilà que je me suis éloigné en fuyant: et je suis demeuré dans la solitude.

9 J'attendais celui qui m'a sauvé de la pusillanimité de [mon] esprit et de la tempête.

10 Précipite-les, Seigneur, divise leurs langues; parce que j'ai vu l'iniquité et la discorde dans la cité.

11 Jour et nuit l'iniquité l'entourera sur ses murs: le travail est au milieu d'elle, 12 ainsi que l'injustice. L'usure n'a pas fait défaut dans ses places publiques, ni la fraude.

13 Car si c'eût été mon ennemi qui m'eût maudit, je l'aurais supporté certainement. Et si celui qui me haïssait avait parlé contre moi avec hauteur, je me serais sans doute caché de lui.

14 Mais c'est toi, homme qui vivais avec moi dans un même esprit, mon guide et mon familier, 15 qui partageais avec moi les doux mets [de ma table]; nous avons marché dans la maison du Seigneur avec un parfait accord.

16 Que vienne la mort sur eux; et qu'ils descendent dans l'enfer tout vivants, parce que la méchanceté est dans leurs demeures, au milieu d'eux.

 

1 Pour la fin. Dans les cantiques. Intelligence de David.

2 Exauce, ô Dieu, ma prière, et ne méprise pas ma supplication.

Plus haut le psalmiste a montré l'insulte de ses ennemis à son égard. Ici il expose sa libération d'entre eux. Et il commence par demander d'être libéré de tous ses ennemis en général. Puis il demande d'être libéré plus spécialement de certains d'entre eux: "Arrache-moi à mes ennemis."

Concernant sa demande en général il fait deux choses. Il implore d'abord le secours de Dieu contre les maux qu'il souffre de la part de ses ennemis. Puis il rend grâce de ce qu'il a été exaucé: "Aie pitié de moi, ô Dieu, aie pitié de moi."

En implorant de Dieu son secours il fait deux choses. Il souligne d'abord la gravité des maux dont il souffre, quant à la tristesse. Puis quant à la constance de la tribulation: "Aie pitié de moi, ô Dieu, parce que l'homme m'a foulé aux pieds."

Dans ce psaume, selon la Glose, le psalmiste parle en son nom en exprimant les tribulations elles-mêmes dont il souffrait. Il peut aussi être appliqué à la personne de l'Église ou d'un homme juste, ou du Christ en tant qu'il préfigure notre faiblesse.

Ce psaume s'intitule: Pour la fin. Dans les cantiques. Intelligence de David. Et le sens de intellectus David c'est: ce psaume est intelligence de David, Dans les cantiques. Et il est intitulé de l'intelligence, pour que celui qui est dans la tribulation sache reconnaître les maux qu'il souffre, ainsi que les biens qu'il attend, selon ce verset des Proverbes: "[Quant] au coeur qui connaît l'amertume de son âme, un étranger ne se mêlera pas dans sa joie."

Ce psaume se divise en trois parties.

I) Car le psalmiste expose d'abord la tribulation qu'il souffrait.

II) Puis la malice de ses ennemis: 10 Précipite-les.

III) Enfin, il rappelle le secours de Dieu qui lui est offert: 17 Mais moi vers Dieu.

I. En exposant sa tribulation il fait deux choses.

A) Il formule d'abord sa prière de demande, afin d'être exauce.

B) Ensuite il fait connaître sa tribulation: J'ai été contristé.

A. Ainsi dit-il: Exauce, ô Dieu, ma prière; cela signifie que lorsqu'un homme affirme ce qu'il demande, ce dernier répète sa prière; et ce n'est pas superflu, car la répétition de la prière excite le désir: "La prière assidue du juste peut beaucoup." Parfois on obtient ce qu'on demande, bien que la prière ne soit pas acceptée par Dieu, comme lorsque le pécheur demande, mais l'objet même de sa demande mérite l'indignation: "Il leur accorda leur demande, et il leur envoya le rassasiement de leurs âmes." - Mais "leurs nourritures étaient encore dans leur bouche, quand la colère de Dieu tomba sur eux". Souvent celui qui est en colère accorde ce qu'il refuse dans sa bienveillance. Et c'est pourquoi il dit: et ne méprise pas ma supplication.

La prière de quelqu'un est méprisée pour deux raisons. Ou bien lorsqu'il ne demande pas à bon droit, ou bien parce qu'il demande non avec piété mais avec orgueil: "Il a été attentif à la prière des humbles, et il n'a point méprisé leur demande." La prière du Pharisien fut rejetée, parce qu'il demanda avec orgueil. Mais différente est la demande du psalmiste: "Que ma prière soit dirigée comme l'encens en ta présence."

3 Prête attention à moi, et exauce-moi. J'ai été contristé dans mon exercice: et j'ai été troublé 4 à la voix d'un ennemi, et à cause de la tribulation du pécheur. Parce qu'ils ont détourné sur moi des iniquités; et dans leur colère ils me tourmentaient.

Ici le psalmiste décrit l'ordre suivant lequel Dieu agrée une prière, c'est-à-dire quand il tient pour acceptée une prière ou une demande, car celui qui demande n'est pas agréé par sa prière, mais la prière de ceux qui doivent être agréés est acceptée par la demande. D'où ce qui est écrit dans la Genèse: "Le Seigneur a regardé Abel [d'abord,] et [puis] ses présents." Prête attention à moi, c'est-à-dire accepte-moi. Ou bien prête attention à mon affliction: "J'ai vu l'affliction de mon peuple en Égypte, et j'ai entendu sa clameur à cause de la dureté de ceux qui président aux travaux." et exauce-moi. - "Exauce, ô Dieu, ma prière lorsque je supplie."

B. J'ai été contristé. Le psalmiste fait connaître ici ses tribulations.

1) Et il expose d'abord la cause de sa tribulation.

2) Puis sa gravité.

3) Enfin son remède.

1. La cause de sa tribulation fut la tribulation qu'il souffrait. Cela convient aussi au Christ: "Mon âme est triste jusqu'à la mort." Or cette tribulation peut être considérée quant à son fruit, son mode et son motif.

Le fruit de la tribulation des saints est leur exercice de la justice, comme dans l'apprentissage des armes; et c'est pourquoi il dit: dans mon exercice, c'est-à-dire dans la tribulation que tu envoies pour mon exercice.

Cependant il est écrit dans les Proverbes: "Rien ne contristera le juste quoiqu'il lui arrive."

On répondra à cette objection en disant que le juste n'est pas contristé par la tristesse du siècle qui tend à la mort, mais par la tristesse de la pénitence qui est selon Dieu. Ou bien il faut dire qu'il y a une tristesse qui est une passion; et cette dernière imite matériellement la passion, mais elle ne s'abat point sur l'homme sage. Il y en a une autre appelée propassion, laquelle est un mouvement subit: et cette tristesse-là fut dans le Christ. Et il y a un double exercice dans la justice. L'un est assumé: "Exerce-toi à la piété." L'autre exercice est infligé, comme c'est le cas ici.

Le mode de la tribulation est double. Le premier est dans les paroles, c'est-à-dire en menaçant. L'autre, lorsque la tribulation est causée par des actes, c'est-à-dire en persécutant.

En parlant du premier mode il dit: j'ai été troublé à la voix [de l']ennemi. Quelqu'un est troublé lorsque la tranquillité du coeur s'éloigne totalement. à la voix [de l']ennemi menaçant et blasphémant: "Mon héritage est devenu pour moi comme un lion dans la forêt."

En parlant du second mode il dit: à cause de la tribulation du pécheur, c'est-à-dire qu'il m'a infligée: "Nombreux sont ceux qui me persécutent."

Le motif de cette tribulation est double. Parfois ils souffrent tribulation à cause d'une certaine malice; parfois à cause de la passion.

A propos de la malice il dit: Parce qu'ils ont détourné sur moi des iniquités, c'est-à-dire ont exécuté sur moi l'iniquité qu'ils avaient pensé perpétrer.

A propos de la passion il dit: et dans leur colère ils me tourmentaient. - "Maudite leur fureur, parce qu'elle est opiniâtre, et leur indignation, parce qu'elle est implacable."

3 Mon coeur a été troublé au-dedans de moi; et la frayeur de la mort est tombée sur moi. 6 Crainte et tremblement sont venus sur moi; et les ténèbres m'ont couvert.

2. Le psalmiste expose ici la gravité de la tribulation selon trois points de vue. Car elle est proche, grande et agissante.

Lorsque quelqu'un veut souligner la gravité de sa douleur, il dit qu'il a été touché jusqu'au coeur. Et c'est pourquoi il dit: Mon coeur a été troublé au-dedans de moi, autrement dit, il est blessé non extérieurement mais jusque dans son coeur: "Mes entrailles sont pleines de douleur."

Grande est aussi la tribulation, parce qu'il n'est pas de mal plus grand parmi les réalités du monde que la mort. Aussi dit-il: la frayeur de la mort, c'est-à-dire la crainte de la mort, est tombée sur moi, parce que Saül voulait le tuer.

La tribulation est également agissante, car la crainte lorsqu'elle est forte produit un double effet: l'un sur le corps, c'est-à-dire le tremblement; l'autre sur l'âme, à savoir le trouble. Et c'est pourquoi il dit: 6 Crainte et tremblement de mort sont venus sur moi, c'est-à-dire sur les forces de mon âme, et les ténèbres m'ont couvert, c'est-à-dire la stupeur m'a enveloppée. Ou bien: les ténèbres, c'est-à-dire du mal: "Elles m'ont environné comme des abeilles."

7 Et j'ai dit: "Qui me donnera des ailes comme [les ailes] d'une colombe, et je m'envolerai, et je me reposerai."

3. Plus haut le psalmiste a exposé l'affliction du coeur qu'il a endurée; maintenant il expose le remède qu'il a utilisé; et ce remède consiste principalement à s'adonner à la contemplation, précisément parce qu'il est souvent accablé par les oeuvres de la vie active. Selon Grégoire, les maux qui nous oppriment ici-bas nous contraignent à marcher vers Dieu. Et à ce propos le psalmiste fait trois choses.

a) Il fait d'abord connaître son désir de vie contemplative.

b) Puis il montre ce qu'il a fait en s'y disposant: s Voilà que je me suis éloigné en fuyant.

c) Enfin ce qu'il attend pour être parfait par Dieu: 9 J'attendais.

a. Dans la contemplation trois choses sont requises: la facilité de contempler, l'acte de la contemplation, et son effet.

- La facilité est signifiée par les ailes. D'où ces paroles, tandis qu'il était accablé par la vie active: J'ai dit: "Qui me donnera des ailes comme [les ailes] d'une colombe", considérant qu'il n'a pas de moyen pour échapper à cette affliction si ce n'est par la contemplation, et qu'il n'a pas la facilité de s'échapper parce qu'il n'a pas d'ailes pour pouvoir voler.

Il y a trois sortes d'ailes selon trois exigences que réclame la contemplation.

En effet elle requiert d'abord la régulation dans les affections vicieuses, régulation qui est une certaine disposition à la contemplation; et celle-ci s'acquiert par les vertus morales. Aussi les ailes sont-elles les vertus morales, comme la patience, l'humilité, etc.: "La guérison sera dans ses ailes."

Une autre sorte d'aile est la charité, qui suscite surtout l'envol vers la contemplation: "Et les ailes de l'un étaient jointes à celles de l'autre."

Une autre sorte d'aile est la sagesse; et par les ailes de la sagesse la vérité est contemplée, car sans ces ailes on glisse facilement vers des erreurs lorsque les réalités divines sont contemplées. A propos de ces ailes il est écrit dans Isaïe: "Ils prendront des ailes comme des aigles", lesquels signifient la sagesse par leur vol élevé. Ces exigences que réclame la contemplation sont appelées ailes, parce qu'elles ne sont pas entièrement possédées et qu'elles sont données comme étant pour ainsi dire absolument possédées. Et toutes ces choses sont données par Dieu. Parfois elles sont données à certains qui, tout en étant en possession de ces ailes, sont entravés dans leur usage, et c'est par exemple le cas des prélats quand ils reçoivent leur siège. Et il dit: des ailes comme [les ailes] d'une colombe, non d'un corbeau. Car le corbeau n'est pas revenu vers l'arche, tandis que la colombe y est retournée portant un rameau d'olivier verdoyant. Ils volent comme des corbeaux, ceux qui ne reviennent pas vers l'arche par la disposition de la sainteté, car ils ne pensent à rien si ce n'est qu'à eux-mêmes, c'est-à-dire comment rechercher la vérité, à la manière des Philosophes; mais ils volent comme des colombes ceux qui et contemplent, et reviennent vers le prochain pour lui enseigner les réalités contemplées, ceux qui portent dans leur bouche le rameau de l'olivier verdoyant, dispensant au prochain l'huile de la miséricorde. Comme la colombe est un animal pur, aimable, gémissant, ainsi les saints se montrent aimables à l'égard de leur prochain et ont de la compassion pour lui. Semblablement la colombe est un animal simple; et les saints aussi ont la simplicité: "Soyez simples comme des colombes."

- L'acte de la contemplation est signifié par le vol: je m'envolerai. Dans l'Écriture sainte la progression des bonnes oeuvres est désignée par un triple mouvement animal, c'est-à-dire par la marche: "Marchez tant que vous avez la lumière." Par la course: "J'ai couru dans la voie de tes commandements lorsque tu as dilaté mon coeur." Et par le vol: "Ils voleront et ne défailliront pas." La marche est désignée par les vertus morales, grâce auxquelles l'homme vit avec humanité. La course par la charité. Le vol par la contemplation.

Selon Richard de Saint Victor, la contemplation se diversifie comme le vol chez les oiseaux. Tantôt les oiseaux volent haut, tantôt ils volent bas, tantôt à droite, tantôt à gauche, tantôt en avant et en arrière, tantôt en cercle. Tantôt certains tournent sur place, ou avancent ou reculent. Ainsi pareillement dans la contemplation, monter c'est considérer les causes sublimes, descendre c'est considérer les effets infimes. De même, aller en avant c'est considérer davantage les contraires, lesquels contiennent des effets multiples; aller en arrière c'est considérer les particuliers. Semblablement aller à droite et à gauche c'est considérer certaines circonstances. On procède de manière circulaire quand on considère le côté accidentel des choses; mais lorsque le point de vue individuel est signifié alors on est en état de repos.

- L'effet est signifié lorsqu'il dit: et je me reposerai, c'est-à-dire dans la considération. Ce repos est acquis après cette vie: "Entrant dans ma maison, je reposerai avec elle." Et dans la Patrie: "En paix tout à la fois je m'endormirai et je reposerai."

8 Voilà que je me suis éloigné en fuyant: et je suis demeuré dans la solitude.

b. Ici le psalmiste expose sa disposition à contempler.

- Et il montre d'abord ce qu'il a évité.

- Puis ce qu'il a observé.

- Il a évité les obstacles de la contemplation, qui sont principalement au nombre de deux: la préoccupation des affaires de ce monde et le péché. Et ces deux choses doivent être évitées, à savoir avec rapidité et énergie.

Avec rapidité, de telle sorte qu'il ne tarde pas; et c'est pourquoi cela doit être fait aussitôt. Aussi dit-il: en fuyant. - "Comme à l'aspect d'un serpent fuis le péché." - "Ah ! ah ! fuyez de la terre de l'aquilon."

Avec énergie, de telle sorte que non seulement les actes peccamineux mais aussi ses occasions soient évités. Et c'est pourquoi il dit: je me suis éloigné, autrement dit, j'ai quitté toutes les occasions du péché: "Ne t'arrête point dans toutes les régions d'alentour."

- Parfois quelqu'un demeure dans un lieu de solitude, parce qu'il y demeure corporellement, parfois par l'âme, car au milieu des troubles il pense aussi aux réalités selon Dieu: "Je l'amènerai dans la solitude." - "Il s'assiéra solitaire." Et ces versets, selon la Glose, sont commentés différemment selon qu'on les applique au Christ, qui a des ailes à cause de sa charité, qui s'envola de chez les Juifs et se reposa parmi les nations païennes, qui s'est éloigné des Juifs et demeura dans la foi des nations païennes, qui était une solitude.

9 J'attendais celui qui m'a sauvé de la pusillanimité de [mon] esprit et de la tempête.

c. Ici il montre ce qu'il attend de Dieu, à savoir le secours divin qui est l'achèvement de son désir: J'attendais celui qui m'a sauvé de la pusillanimité de [mon] esprit et de la tempête. Ainsi dit-il: celui qui m'a sauve. Et pourquoi ? Parce que lui seul est Sauveur. Et de quoi sauve-t-il ? De deux choses à cause desquelles il semblait être troublé: la première est de se servir de ses ailes, à savoir de sa possibilité, parce qu'il souffrait au milieu des hommes. Une autre est la tristesse du coeur, parce qu'il croit trouver ici-bas le repos. Aussi dit-il: de la pusillanimité de [mon] esprit. Est trop audacieux celui qui cherche à obtenir le repos au milieu des troubles: "Dites aux pusillanimes: Prenez courage." et de la tempête, c'est-à-dire de la tribulation des hommes sauve-moi, aussi bien de la temporelle que de la spirituelle.

10 Précipite-les, Seigneur, divise leurs langues; parce que j'ai vu l'iniquité et la discorde dans la cité.

II. Dans la partie précédente le psalmiste a exposé l'affliction qu'il a endurée de la part des méchants; ici il traite de leur malice. Et en décrivant la malice des pécheurs,

A) il demande d'abord d'en être préservé;

B) puis il demande qu'elle soit punie d'un châtiment: 16 Que la mort vienne sur eux.

A. À propos de la description de la malice des péchés il fait deux choses.

1) Il demande d'abord d'être préservé de leur malice.

2) Puis il la décrit: parce que j'ai vu l'iniquité.

1. Les méchants ont doublement le pouvoir et la puissance de nuire, c'est-à-dire en raison de leur condition élevée, et de l'unanimité de leur consentement sur un seul dessein. Cette situation est dangereuse, et c'est pourquoi un double remède doit être utilisé contre cela.

Un premier remède consiste à les faire déchoir de leur condition. Un autre remède consiste à établir une division entre eux.

Concernant le premier remède il dit: Précipite-les, Seigneur, c'est-à-dire en les éloignant de leur condition, autrement dit: fais-les déchoir en les humiliant.

Concernant le second remède il dit: et divise leurs langues, parce que leur malice est d'abord dans leur langue avec laquelle ils parlent orgueilleusement: "Ne multipliez point des paroles hautaines", et parce qu'en parlant avec leur langue ils consentent au mal. Et l'exemple d'une telle division est décrite dans l'Ancien Testament, là où il est question de la division des langues des nations.

2. parce que j'ai vu l'iniquité. Ici le psalmiste décrit leur malice.

a) Et il décrit d'abord la malice commune de la multitude en général.

b) Puis en particulier: 11 Jour et nuit.

a. Dans la multitude il y a un double désordre. L'un vient de la part des princes. L'autre de la part du peuple.

Car la cité est ordonnée lorsque les princes gouvernent avec justice et que le peuple obéît; autrement elle n'est pas bien ordonnée. Et cette cité représente le monde dans lequel les princes ne gouvernent pas avec justice, et dans lequel le peuple n'obéit pas. Mais la cité de Dieu est bien ordonnée. Donc dans la cité du monde j'ai vu l'iniquité et la discorde. J'ai vu l'iniquité de la part des princes et des juges: "Vos assemblées sont iniques." De même j'ai vu la discorde chez les dignitaires: "Ton peuple est comme la boue qu'on foule."

11 Jour et nuit l'iniquité l'entourera sur ses murs: le travail est au milieu d'elle, 12 ainsi que l'injustice. L'usure n'a pas fait défaut dans ses places publiques, ni la fraude.

b. Jour et nuit. Ici il le montre en particulier. Or dans toute cité il y a trois choses, à savoir les murs qui l'entourent, l'habitation au milieu, et les places. Et le Philosophe distingue trois genres d'hommes. Par murs on entend les chefs et les notables de la cité qui protègent le peuple comme les murs protègent la cité: "Comme une ville ouverte, et sans enceinte de murailles; ainsi est l'homme qui ne peut, en parlant, retenir son esprit." - "Sur tes murs, Jérusalem, j'ai établi des gardes", c'est-à-dire des chefs et des dirigeants: "Tes princes sont infidèles." Et jour, en mettant la malice à exécution, et nuit, en la méditant. Ou bien Jour, dans la prospérité, et nuit, dans l'adversité. Aussi dit-il: l'iniquité [les] entourera sur ses murs, c'est-à-dire l'injustice des chefs entourera la cité du monde, comme les murs entourent une cité. Le centre de cette cité c'est le peuple au milieu duquel est le travail, ainsi que l'injustice, à savoir quant au mal qu'ils font; et ainsi leur ardeur à commettre le mal est soulignée lorsqu'il dit le travail, imposé: "Ils ont travaillé à agir iniquement." - "Nous nous sommes lassés dans la voie de l'iniquité."

Et la forme elle-même du mal est mentionnée, lorsqu'il dit: ainsi que l'injustice. Et cela s'entend au sens passif de l'injustice dont ils souffrent de la part des supérieurs, ainsi que du travail imposé. Les places sont les lieux publics, et elles représentent ceux qui exercent des charges publiques, comme les négociants en qui est manifestée l'injustice, par exemple dans les usures: "Celui qui n'a point donné son argent à usure." Et c'est pourquoi il dit: L'usure n'a pas fait défaut dans ses places publiques. Il en est de même pour les choses occultes, aussi dit-il: ni la fraude.

13 Car si c'eut été mon ennemi qui m'eut maudit, je l'aurais supporté certainement. Et si celui qui me haïssait avait parlé contre moi avec hauteur, je me serais sans doute caché de lui.

Ici il décrit la malice d'une personne en particulier et chef parmi la multitude.

Et peut-être cela se réfère-t-il ou bien à Saül, ou bien à Doëg l'Iduméen.

- Et il expose d'abord ce qui peut être toléré d'une certaine manière.

- Puis il expose ce qui n'est pas tolérable.

- Est tolérable d'une certaine manière le fait que l'homme endure la persécution de la part de ses ennemis. Et c'est pourquoi il décrit d'abord la persécution des ennemis.

· Et en premier lieu du côté de l'ennemi qui persécute.

· Puis du côté de l'ami persécuteur.

· Enfin du côté de celui qui endure la persécution.

· On dit quelquefois d'un ennemi qu'il persécute, c'est-à-dire quand il manifeste son inimitié extérieurement: "Ne te fie jamais à ton ennemi." Quelquefois quand il manifeste son inimitié à l'égard d'un ennemi en gardant de la haine dans son coeur: "Ne hais point ton frère dans ton coeur."

· Mais du côté du persécuteur il y a une différence, car parfois celui qui persécute dit expressément du mal de celui qu'il persécute, soit en médisant, soit en injuriant. Et ce genre de persécution est appelée malédiction. C'est pourquoi il dit: Si c'eût été mon ennemi qui m'eût maudit. - "Leur bouche est pleine de malédiction et d'amertume; leurs pieds sont prompts à verser le sang." Parfois il ne dit pas expressément du mal, mais il garde une mesure en l'exprimant, parce qu'il parle avec mépris.

· Du côté de celui qui subit il y a aussi une diversité, car parfois il écoute les opprobres et les supporte avec patience: "Vous avez appris la patience de Job." C'est pourquoi il dit: je l'aurais supporté certainement. Parfois il se cache loin de la face de son ennemi. Aussi dit-il: je me serais sans doute caché de lui. - "Ne résiste pas en face de ton ennemi." - "Jésus se cacha."

Ainsi, en parlant de la diversité des persécuteurs, il dit: divise leurs langues, etc., car non seulement je souffre de l'ennemi, mais aussi de l'ami.

En parlant de l'ami il dit: Si celui qui me haïssait avait parlé contre moi avec hauteur, je me serais sans doute caché de lui. Mais c'est toi, homme qui vivais avec moi dans un même esprit.

14 Mais c'est toi, homme qui vivais avec moi dans un même esprit, mon guide et mon familier, 15 qui partageais avec moi les doux mets [de ma table]; nous avons marché dans la maison du Seigneur avec un parfait accord.

- Ici le psalmiste expose le mal qui n'est pas tolérable, c'est-à-dire le fait qu'il souffre l'injustice de la part de ses amis, car il n'est pas de peste plus agissante pour nuire que l'ennemi familier.

· Et il décrit l'inimitié d'abord en parlant des choses intérieures.

· Puis en parlant de la familiarité extérieure: qui partageais avec moi.

· En parlant des choses intérieures il décrit le mal selon trois choses.

D'abord selon la concorde de la voix: "Gardez l'unité d'un même." Et c'est pourquoi il dit: Mais c'est toi, homme qui vivais avec moi, autrement dit, tu as médit de moi; et c'est pourquoi c'est intolérable. Suivant cela on peut parler de Saül, dont il était familier. Mais la Glose commente ce passage au sens mystique de trois manières.

Selon une première manière, en tant que cela convient au fidèle.

Selon une autre manière, en tant que cela convient au Christ à l'égard des Juifs.

Selon une troisième manière, en tant que cela convient au Christ à l'égard de Judas.

Ainsi donc selon une première manière, n'importe quel fidèle peut dire cela lorsqu'il souffre persécution de la part d'un autre fidèle.

Selon une deuxième manière, le Christ peut le dire à propos des Juifs qui furent unanimes, parce qu'ils se lièrent à ses commandements: "Tout ce que le Seigneur nous a commandé, nous le ferons, et nous serons obéissants."

Enfin le Christ peut le dire en parlant de Judas qui s'était lié à ses conseils.

Et quand il dit: mon guide, on expose cela également de trois manières.

D'abord, en tant que quelqu'un peut être appelé guide, parce qu'il donne un bon conseil ainsi que son aide, et puis soulève une persécution: "Ne vous fiez pas à un guide."

Puis, on peut l'appliquer au Christ vis-à-vis des Juifs, lui qui est mon guide sans me conduire, mais qui a été établi par moi guide des nations: "Tu te flattes d'être le guide."

Ou bien cela peut s'appliquer aux prêtres qui sont les guides dans le peuple. Le Christ dit à l'apôtre Judas: toi, tu as été constitué guide par moi, tout d'abord parce que tu es un guide du peuple chrétien aux côtés des autres qui doivent guider: "Les princes de Juda, leurs chefs." Ou bien il est appelé guide, parce qu'il a été établi par le Christ avec ceux qui le précédaient partout où lui-même devait aller.

Un fidèle peut dire à un autre fidèle: mon familier, 15 qui partageais avec moi les doux mets [de ma table], parce qu'ils vivent ensemble dans l'Église.

De même le Juif qui vivait selon la parole de Dieu fut familier du Christ

Et il en était de même pour Judas, puisque le Christ a connu par avance sa malice: "L'un de vous est un démon."

· Ensuite l'amitié consiste en la familiarité extérieure. Et cela se manifeste dans deux domaines, c'est-à-dire d'abord dans les choses matérielles et humaines. Puis dans les réalités divines.

Dans les choses matérielles et humaines, ceux-là témoignent mutuellement de l'amitié qui partagent ensemble la table. Et si on entend cela du Christ parlant à Judas, comme le rapporte la Glose, il partageait avec le Christ les mets matériels à sa table: "Celui qui mangeait mon pain, a fait éclater sur moi sa trahison." Et il dit: doux, car les mets de ceux qui mangent ensemble donnent habituellement une disposition de douceur d'âme: "L'ami est le compagnon de la table." Au sens matériel, on peut aussi appliquer cela à n'importe quel familier.

Il y a également des mets spirituels que Judas avait pris avec le Christ, à savoir la parole de Dieu: "Elle le nourrira du pain de vie et d'intelligence." Dieu les appelle mets, parce que les paroles de Dieu sont plus suaves que n'importe quel mets matériel: "Que tes oracles sont doux à mon palais, plus que le miel à ma bouche."

Dans la deuxième partie du verset il dit donc: nous avons marché avec un parfait accord. Jérôme, dans son commentaire sur Matthieu, dit qu'il n'est pas de chose qui contribue autant à l'incrédulité que la diversité de la foi et du culte divin. Et cela a lieu surtout au temps de la persécution, lorsque les pères persécutent leurs fils, et vice versa. Et ainsi l'unité de la foi et de la religion est surtout un lien d'amour; et c'est pourquoi c'est une très grande malice que de persécuter ceux qui pratiquent un même culte. Et il arrive de deux façons que certains appartiennent à des cultes différents.

Dans un premier cas, parce que l'un n'appartient pas totalement au culte d'un autre, par exemple lorsque l'un est chrétien, et l'autre est juif ou païen; et ceux-là ne sont pas ensemble dans la maison de Dieu. Parfois les uns et les autres appartiennent à la même religion, cependant ils ne sont pas dans un parfait accord, par exemple le catholique et l'hérétique; et il exclut ces deux formes de dissensions lorsqu'il dit: nous avons marché avec un parfait accord dans la maison du Seigneur, c'est-à-dire dans l'Église, qui est la maison de Dieu.

Dans le second cas, lorsqu'il dit: avec un parfait accord. - "N'ayez tous qu'un même langage."

Mais si nous appliquons cela aux Juifs, alors dans la maison, cela signifie dans Jérusalem. Et le Christ y fut pareillement avec Judas, parce qu'il n'a pas rejeté le lien avec la Loi ancienne: "Je ne suis pas venu abolir la Loi et les prophètes, mais les accomplir."

16 Que vienne la mort sur eux; et qu'ils descendent dans l'enfer tout vivants, parce que la méchanceté est dans leurs demeures, au milieu d'eux.

B. Ici le psalmiste demande que leur soit appliqué un juste châtiment.

1) Et il demande qu'un châtiment soit infligé.

2) Puis il montre leur faute.

1. A propos de l'infliction d'un juste châtiment, il faut savoir qu'on expose ici l'histoire que rapporte le livre des Nombres, lorsque Dathan et Abiron se révoltèrent. Moïse fit s'éloigner les autres d'eux, et dit que le Seigneur ferait une chose inouïe si la terre s'ouvrait, etc.; et aussitôt la terre s'ouvrit et les engloutit. Ainsi le psalmiste dit en faisant allusion à cette histoire: Que vienne sur eux la mort, autrement dit, qu'un châtiment vienne sur eux parce qu'ils commettent une nouvelle faute en persécutant l'ami, c'est-à-dire le Christ; et doublement. D'abord en tant que la première demande détermine l'autre, autrement dit: Que vienne la mort, telle qu'ils descendent en enfer. Ou bien, en tant qu'il y a deux châtiments: l'un étant un châtiment de mort et l'autre étant la descente en enfer. Car en cette circonstance Dathan et Abiron, qui étaient des princes, ont été punis autrement, puisqu'ils furent engloutis; tandis que les autres furent tués par l'incendie qui eut lieu dans le camp.

En s'adressant à ceux qui sont inférieurs il dit: Que vienne la mort sur eux. En s'adressant aux plus grands il dit: et qu'ils descendent dans l'enfer. Dans ces derniers est signifié un double châtiment que le psalmiste ne souhaite pas, mais qu'il proclame. L'un qu'ils obtiendront en enfer après cette vie; l'autre qu'ils subissent ici en cette vie. Après cette vie ils subiront la mort de la damnation éternelle: "La solde payée par le péché, [c'est] la mort." - "La mort du pécheur est affreuse." Mais en cette vie ils descendent en enfer, c'est-à-dire dans le gouffre des vices: "L'impie, lorsqu'il est descendu au fond de l'abîme du péché, se moque, mais la honte et l'opprobre le suivent." Ou bien: qu'ils descendent tout vivants après cette vie, c'est-à-dire qu'ils descendent avec la disposition qu'ils ont, qui est leur vie, dans l'enfer.

Ou bien si on le dit sous forme de souhait, alors on l'expose de la manière suivante: la mort, c'est-à-dire de la justice par laquelle on meurt intérieurement au péché: "Vous êtes morts, et votre vie est cachée avec le Christ en Dieu."

qu'ils descendent tout vivants, de la vie de la justice, dans l'enfer, en le considérant, selon ce verset d'Isaïe: "Au milieu de mes jours j'irai aux portes de l'enfer." Et ceux qui prennent les châtiments en considération pour y échapper, descendent dans l'enfer tout vivants, et n'y descendront pas mourants: "Rappelle-toi tes fins dernières, et jamais tu ne pécheras."

2. parce que la méchanceté est dans leurs demeures, au milieu d'eux. Le psalmiste expose ici la justification du châtiment.

a) Il expose d'abord leur faute cachée.

b) Puis leur faute visible.

a. Il fait allusion à cette histoire que rapporte le livre des Nombres: "Moïse se leva, alla vers Dathan et Abiron, et, les anciens d'Israël le suivant, il dit à la multitude: "Retirez-vous des tentes de ces hommes impies, et ne touchez pas ce qui leur appartient, de peur que vous ne soyez enveloppés dans leurs péchés."" On appelle méchanceté les péchés occultes: "Marchons honnêtement, comme en plein jour, ne nous laissant point aller aux excès de la table et du vin, à la luxure et a l'impudicité, aux querelles et aux jalousies." Aussi dit-il: dans leurs demeures, c'est-à-dire en secret.

b. En disant: au milieu, c'est-à-dire en public, il expose leur faute visible: "Comme Sodome, ils publient leur péché." - "Si tu ôtes de toi l'iniquité qui est dans ta main, et que l'injustice ne demeure point dans ta tente, alors, étant sans tache, tu pourras lever ta face." Il y a deux genres de fautes: elles sont parfois dues à une brusque action subreptice, parfois à la malice. Le premier péché qui est dû à une brusque action subreptice est comme extérieur à l'homme. Au deuxième livre des Rois, Nathan fait allusion sous forme de parabole à un étranger, c'est-à-dire à la concupiscence qui entra brusquement en David. Aussi une autre version ne lit-elle pas: in tabernaculis (dans leurs tentes), mais in hospitiis (dans leurs hôtelleries), qui sont comme des lieux de passage selon la Glose. Le sens est que le péché est comme naturel, parce qu'il est au milieu d'eux, c'est-à-dire au milieu du coeur.

Deo gratias.

 

 

 

IMPORTANCE DES COMMENTAIRES DE L'ECRITURES DE SAINT THOMAS

 

Les commentaires scripturaires de saint Thomas d'Aquin constituent une part importante de son enseignement, alors que paradoxalement on s'est contenté jusqu'à notre temps d'exposer dans les écoles de théologie sa Somme théologique, qu'il n'a lui-même vraisemblablement jamais enseignée. Les maîtres en théologie de l'époque de saint Thomas commentaient la Sainte Écriture, chapitre par chapitre et section par section. Ce commentaire faisait l'objet ordinaire d'un cours ou lectio (leçon). Sans se désintéresser pour autant des questions exégétiques, les commentaires de l'Écriture sont au XIIIe siècle avant tout des ouvrages théologiques, lesquels sont toujours ordonnés à la lectio divina. La fonction éminemment contemplative du théologien consistait à méditer et à prier la parole de Dieu pour ensuite l'interpréter et tâcher d'en faire saisir tous ses sens.

Ces commentaires scripturaires se fondent sur la doctrine des quatre sens: sens littéral, allégorique, moral et anagogique. Déjà esquissée chez les Pères du désert, cette doctrine du quadruple sens, telle qu'elle parviendra à saint Thomas, va se préciser chez les Pères de l'Église, surtout à partir de saint Grégoire le Grand qui en sera l'un des principaux initiateurs. Elle deviendra la quadriformis ratio, c'est-à-dire les quatre formes d'interprétation traditionnelle des livres sacrés. Cette doctrine du quadruple sens de l'Écriture a fourni un cadre de pensée et de prière à de nombreuses générations de chrétiens, mais elle a été peu à peu rejetée sous l'influence du rationalisme des siècles derniers, dont une partie de l'exégèse d'aujourd'hui reste encore tributaire. Cependant la remise en valeur de cette doctrine des quatre sens grâce à des publications de valeur, tel l'ouvrage sur l'exégèse médiévale du père Henri de Lubac, réhabilite cette doctrine qui, confrontée avec tous les résultats positifs des méthodes exégétiques de notre temps, contribue à un nouvel enrichissement de l'intelligence spirituelle de l'Écriture.

"Saint Thomas, écrit le père de Lubac, sans vouloir innover en rien, s'est contenté de dégager en termes sobres et nets, qui en dessinent vigoureusement les traits majeurs, une doctrine de douze siècles, dans laquelle s'affirme l'originalité de l'allégorie chrétienne. Belle illustration de cette vérité, que le génie est, au plus beau sens du mot, simplificateur. Grâce à ses ordinaires qualités de simplicité robuste, de justesse et de précision, saint Thomas résume l'enseignement commun avec bonheur. Hormis quelques expressions plus récentes, qui sont celles de tout son siècle et qui s'imposeront désormais, les mots dont il use dans ses exposés sont les mots les plus habituels. Chaque fois il fait ressortir le nerf essentiel de la théorie, de telle sorte qu'on soit forcé de reconnaître combien cette dialectique des quatre sens, qui fournit un axe à toute la synthèse chrétienne, est vraiment de necessitate Scripturae."

Dans ses commentaires scripturaires, saint Thomas distingue donc de manière constante un sens littéral et un sens mystique ou spirituel, mais on rencontre aussi la division suivante: Litteraliter, allegorice, moraliter, c'est-à-dire au sens littéral, allégorique et moral. Et parfois même s'y ajoute encore le sens anagogique.

Selon saint Thomas, le sens littéral ou historique est "celui que l'auteur a en vue. Or l'auteur de l'Écriture sainte est Dieu, qui comprend toutes choses simultanément dans son intelligence". Et lorsque ces premières réalités historiques sont elles-mêmes l'objet d'autres significations, il est alors question de sens mystique ou spirituel. Ce sens spirituel qui "se fonde sur le sens littéral et procède de lui" se subdivise encore en trois autres sens: - le sens allégorique suivant lequel "ce qui est de l'Ancienne Loi signifie ce qui est de la Loi nouvelle"; - le sens moral suivant lequel ce qui a été réalisé dans le Christ est signe de ce que nous devons accomplir; - le sens anagogique selon lequel est signifié ce qui est dans la gloire éternelle. Par exemple, en commentant le psaume 3, rédigé sous forme de prière, saint Thomas expose successivement son sens historique ou littéral, son sens allégorique, et enfin son sens moral: "Le sens historique de ce psaume est exprimé dans son titre: "Lorsque David eut fui Absalom."" Son sens allégorique est la persécution de David en tant que préfiguration de celle que le Christ endurera de la part de son fils Judas. Cette persécution peut encore préfigurer toutes les persécutions de l'Église. "Son sens moral est le combat de chaque fidèle contre les vices et les mauvais désirs; David représentant alors tout fidèle et Absalom les vices et les désirs charnels."

Parmi les livres de l'Écriture que saint Thomas a commentés, celui des Psaumes est resté jusqu'à ces derniers temps le plus méconnu. Sans doute est-ce dû pour une large part au fait qu'il n'a pas été achevé et qu'il ne semble pas faire preuve d'innovation. Ce jugement hâtif a été remis en question, notamment par le père James A. Weisheipl, op, dans son ouvrage: Friar Thomas d'Aquino. His Life, Thought, and Works. Dans les pages qui sont consacrées au Super Psalmos de saint Thomas, l'auteur qualifie au contraire cette oeuvre de "remarquable" en ce sens que "les Psaumes sont regardés dans leur rapport avec le Christ et son Église". Par ailleurs, étant donné que ce commentaire se situe tout à la fin de la vie de saint Thomas (1272-1273), on peut aussi le considérer comme un fruit de sa longue pratique du psautier.

 

LE PSAUTIER DANS LA VIE DE SAINT THOMAS (1225-1274)

 

Son récit hagiographique, écrit par Guillaume de Tocco, confirme effectivement, comme nous allons le voir, le retentissement que la récitation du psautier eut sur la vie spirituelle de saint Thomas.

Sur sa vie spirituelle

Vers l'âge de cinq ans, nous rapporte son biographe, Thomas fut confié par ses parents aux moines bénédictins du Mont Cassin, afin d'y recevoir, comme oblat, sa première éducation. C'est donc à l'école de Saint-Benoît qu'il va se familiariser avec le langage des psaumes et s'initier à cette grande prière de l'Église. Si, en relatant sa vie de frère prêcheur, Guillaume de Tocco ne souligne pas la dévotion que frère Thomas avait pour le psautier, les quelques brefs passages qui y font allusion sont cependant riches d'enseignement et montrent à quel point il était nourri, façonné, habité par les psaumes. On raconte que sa préoccupation constante de chercher la vérité et de la garder lui faisait répéter avec larmes ce verset du psaume: "Seigneur, sauve-moi, car les vérités ont été diminuées par les enfants des hommes (Ps 11, 2). "Ou encore que" lorsqu'on chantait ce verset des complies pendant le temps du carême: "Ne me rejette pas au temps de la vieillesse; quand ma force sera épuisée, ne m'abandonne pas" (Ps 70, 9), on le voyait fréquemment, comme ravi et absorbé dans la dévotion, répandre d'abondantes larmes qu'il semblait tirer des yeux de son âme pieuse." Enfin, Guillaume de Tocco nous apprend qu'au cours de son ultime voyage qui devait le mener au concile de Lyon, frère Thomas, sentant ses forces décliner, se retire au monastère cistercien de Fossa Nova, et qu'à peine entré, il déclare en citant un psaume: "C'est ici le lieu de mon repos pour toujours; j'y habiterai car je l'ai désiré" (Ps 132, 14).

Sur sa vie intellectuelle

Le fait le plus marquant et qui pourrait à lui seul témoigner du profond retentissement que les psaumes ont eu sur la vie intellectuelle de frère Thomas, est sa leçon inaugurale (Principium "Rigans montes de superioribus suis") donnée à l'occasion de la prise de possession de son titre de maître en théologie à l'université de Paris. En commentant de manière métaphorique le verset suivant du psaume 103: "Arrosant les montagnes depuis ses hauteurs: du fruit de tes oeuvres la terre sera rassasiée", il expose en quoi consistent la doctrine sacrée et la fonction des docteurs.

La doctrine sacrée, dit-il, est haute en vertu de son origine céleste, de la subtilité de sa matière, et de sa fin qui est la vie éternelle.

La fonction des docteurs est de prêcher (praedicare), d'enseigner (legere), et de réfuter les erreurs (disputare): "Les docteurs sont signifiés par les montagnes à travers ces mots: "Arrosant les montagnes." Et cette comparaison se justifie pour trois raisons. À cause de la hauteur des montagnes. [...] Puis à cause de leur splendeur. [...] Enfin à cause de leur défense. [...] Donc tous les docteurs de la Sainte Écriture doivent être élevés par l'éminence de leur vie, afin d'être capables de prêcher avec efficacité [...]. Ils doivent être éclairés afin de remplir leur mission enseignante avec compétence [...]. Ils doivent être prémunis afin de réfuter les erreurs dans les controverses."

En parlant d'un de ses écrits de controverse, le Contra impugnantes Dei cultum et religionem (1256), Guillaume de Tocco fait remarquer que frère Thomas commence son apologie de la vie mendiante par une citation d'un psaume: "Seigneur, voici tes adversaires en tumulte, tes ennemis relèvent la tête. Contre ton peuple ils ourdissent un complot, ils conspirent contre tes fidèles" (Ps 82, 3).

Au témoignage du récit hagiographique de Thomas, on peut encore ajouter la liste impressionnante des citations du psautier qui abondent dans ses écrits. La fréquence de ces citations manifeste aussi l'étendue de la connaissance que Thomas avait des psaumes, et montre à quel point ils lui étaient devenus familiers.

 

LE COMMENTAIRE SUR LES PSAUMES

 

"La seule oeuvre académique de Thomas qui puisse être attribuée avec certitude à sa période napolitaine (1272-1273)", écrit le père James A. Weisheipl, "est sa série de leçons sur les psaumes 1 à 54. Le catalogue de Barthélemy de Capoue, inséré dans le procès de canonisation, fait simplement référence à cette oeuvre en l'intitulant: Sur quatre nocturnes du psautier, reporté par frère Raynald (de Piperno). Nicolas Trevet met cette oeuvre au nombre des reportations faites par Raynald et l'appelle: Sur trois nocturnes du psautier. Selon Bernard Gui, "on dit que frère Raynald, son socius, a reporté une postille (postilla) sur trois nocturnes du psautier, pendant que Thomas donnait ses leçons". Le commentaire sur les psaumes 1 à 51 figure dans toutes les éditions imprimées des oeuvres de Thomas; le commentaire sur les psaumes 52 à 54 fut découvert par Uccelli et publié à Rome en 1880.

"Les psaumes 1 à 51 comprennent les nocturnes de l'ancien office des matines: dimanche (psaumes 1 à 20, à l'exception des psaumes 4 et 5), lundi (psaumes 26 à 37, à l'exception des psaumes 21 à 25, lesquels sont chantés aux laudes), mardi (psaumes 38 à 51, à l'exception des psaumes 42 et 50), et mercredi (psaumes 52 à 67, excepté les 62, 64 et 66). C'est pourquoi l'usage médiéval mentionnait l'oeuvre de Thomas comme une postille (postilla) sur les trois premiers nocturnes du psautier. Barthélemy de Capoue cependant a eu connaissance, directement ou indirectement, du commentaire sur les trois premiers psaumes du mercredi (psaumes 52 à 54), et il le mentionnait comme une postille sur les "quatre" premiers "nocturnes du psautier".

"Si la description de cette oeuvre comme une postille sur un nombre déterminé de nocturnes s'explique d'elle-même pour un historien de la liturgie, elle ne rendrait pas compte de l'oeuvre si Thomas avait vécu jusqu'à l'achèvement de son commentaire. Il serait préférable de l'intituler Super Psalmos ou Super Psalterium, étant donné que le commentaire de Thomas suit exclusivement l'ordre de la Vulgate, et non celui de l'office divin comme tel.

"Dès les tout premiers siècles du christianisme, le psautier fut intégré au culte chrétien comme le chant liturgique officiel de l'Église. Vers le IIe siècle l'ensemble des cent cinquante psaumes du psautier était récité une fois par semaine par les clercs astreints à la célébration du culte liturgique, et par les moines, qui par leur profession étaient tenus à l'office divin au choeur. Au temps de saint Benoît, la coutume existait depuis longtemps de chanter le psautier en son entier chaque semaine. Dans sa Règle, saint Benoît a précisé que la distribution des psaumes peut être modifiée par le moine qui en a la charge, pourvu que "chaque semaine les cent cinquante psaumes soient chantés" (RB 18, 23). Au temps de Charlemagne, l'ensemble du psautier fut divisé en deux parties: les psaumes 1 à 108, avec quelques exceptions, formaient l'office nocturne des matines, et les psaumes 109 à 150, à l'exception du psaume 118, formaient l'office diurne de vêpres. Au XIIe siècle, les ordres religieux, les Dominicains y compris, ont adopté cette répartition fondamentale, mais précisèrent, suivant l'usage ancien, que certains psaumes pouvaient être omis à matines et chantés à laudes et aux petites heures. Le commentaire de Thomas ne suit pas strictement l'ordre des psaumes chantés au choeur ou récités dans le bréviaire, mais l'ordre des psaumes dans la Vulgate. D'autre part, si Thomas avait complété son commentaire, il aurait inclus l'office du jour aussi bien que celui de la nuit. C'est pourquoi la désignation la plus appropriée pour le commentaire serait simplement Super Psalmos (inachevé).

"Dans le Prologue à son commentaire des psaumes, Thomas note qu'il existe "trois traductions" latines des psaumes, reconnues de tous. Aux temps apostoliques il existait une ancienne traduction latine (Vetus Latina) qui avait été "corrompue par les scribes" à l'époque de saint Jérôme. C'est pourquoi, à la demande du pape Damase, Jérôme "corrigea le psautier, et cette version est utilisée en Italie". Cette "version corrigée", nous le savons, fut faite par Jérôme en 383, et devint connue sous le nom de "Psautier romain", à cause de son usage en Italie. Thomas poursuit en disant: "Étant donné que cette traduction ne concordait pas avec le texte grec, Jérôme traduisit à nouveau le psautier du grec en latin, à la demande de Paula, et le pape Damase ordonna que cette version soit chantée en France; elle concorde mot à mot avec le texte grec." En fait cette traduction fut faite à Bethléem en 392 à partir des Septante et à l'aide des Hexaples d'Origène. Elle fut adoptée au VIe siècle à Tours et fut connue sous le nom de Psautier gallican; plus tard cette deuxième traduction de Jérôme fut adoptée par l'ensemble de la Chrétienté latine et devint le texte de référence qu'est la Vulgate. Thomas raconte l'origine de la troisième version comme suit: "Par la suite, un certain Sophronius, entrant un jour en discussion avec les Juifs - qui soutenaient que certaines choses ne figuraient pas en hébreu telles qu'il les avait introduites dans sa deuxième traduction du psautier -, demanda à Jérôme de traduire le psautier de l'hébreu en latin. Jérôme consentit à sa demande, et sa traduction concorde en tout point avec l'hébreu; mais cette version n'est chantée dans aucune Église, cependant beaucoup la possèdent."

"Thomas n'a pas précisé sur quelle version il s'est fondé pour ses leçons. Cependant la comparaison entre le Psautier romain et gallican (PL 29, 119-398) montre clairement que son texte de base fut le Psautier gallican, tandis que le Psautier romain est mentionné comme l'alia littera.

"La liturgie dominicaine fut repriser du rite alors en usage dans les basiliques romaines au XIIIe siècle. Leur distribution des psaumes était identique, mais les Dominicains adoptèrent le texte du Psautier gallican. Les Franciscains suivirent le rite de la curie romaine, mais eux aussi adoptèrent le Psautier gallican. Plus tard le rite liturgique franciscain fut repris par la curie romaine pour son propre usage. Dans l'uniformisation des rites liturgiques sous le pape Pie V, tous les ordres religieux et les diocèses ne possédant pas un rite propre dont l'usage régulier remontait à plus d'une centaine d'années, durent se conformer au rite de la curie romaine; celui-ci devint "le rite romain" communément en usage après le concile de Trente, rite distinct du "rite dominicain", qui avait été adopté par beaucoup d'autres ordres, congrégations, ainsi que par des diocèses de pays scandinaves. Seuls des fragments de l'ancien Psautier romain subsistèrent dans l'usage liturgique, du XIIIe siècle jusqu'à la première moitié du XXe siècle, par exemple dans les répons, les graduels et les invitatoires. Le texte de la Vulgate était celui du Psautier gallican. Il n'est donc pas du tout surprenant que Thomas ait donné ses leçons à Naples, au cours des années 1272-1273, en se fondant sur le Psautier gallican [...].

"En suivant la majorité des savants contemporains, nous devons dire que Thomas a donné à Naples (1272-1273) un enseignement scripturaire portant exclusivement sur les psaumes. [...] Il se termine brusquement au psaume 54, sans aucun doute à cause de l'extraordinaire expérience du 6 décembre 1273, lorsque Thomas fut contraint d'interrompre tout travail. L'unique manuscrit de la partie du commentaire sur les psaumes 52 à 54, qui fut découvert par Uccelli dans les Grandes Archives de Naples (Regio Archivio 25), se termine par le colophon suivant: "Ici s'achève la postille sur une partie du psautier selon frère Thomas d'Aquin de l'ordre des Prêcheurs, parce qu'on ne trouve rien de plus dans l'exemplaire de frère Raynald de Piperno, qui fut le socius (compagnon) de frère Thomas jusqu'à sa mort, et qui avait tous ses écrits.""

Dans son admirable Prologue bâti sur les quatre causes d'Aristote - les causes matérielle, modale ou formelle, finale et efficiente -, saint Thomas nous donne une clef de lecture du psautier et de l'Écriture sainte tout entière. "La matière du psautier, dit-il, est universelle, parce qu'il renferme toute l'Écriture, la matière générale de toute la théologie, qu'il traite de toute l'oeuvre divine, c'est-à-dire de la création, du gouvernement, de la rédemption et de la glorification, et qu'il se rapporte au Christ et à ses membres. Et c'est la raison pour laquelle le livre des psaumes est le plus utilisé dans l'Église. [...] Le mode du psautier est la louange et la prière. Sa finalité est l'union de l'âme à Dieu. Son auteur, c'est l'Esprit-Saint lui-même qui le révèle."

Dans son commentaire proprement dit, on portera son attention principalement sur trois choses: sur l'importance des plans qui introduisent chaque psaume commenté; sur ses sources et ses références; sur son caractère particulièrement christologique et ecclésiologique.

Les plans que saint Thomas donne au début de ses leçons scripturaires, et en l'occurrence de son commentaire sur le psautier, méritent qu'on s'y attarde pour en percevoir tout l'intérêt. Sous un procédé déroutant pour nous qui sommes habitués aux analyses de l'exégèse contemporaine, et qui pourrait ne paraître qu'artificiel, nous sommes amenés en réalité à devoir prendre en considération la portée objective des mots du texte inspiré et à les saisir dans le contexte de la logique spirituelle. Saint Thomas n'est jamais prisonnier de ses structures, au contraire elles servent de support à sa pensée, lui permettent de pousser plus loin ses analyses et d'exprimer son génie. Ainsi, dans son commentaire sur le psautier, sa recherche d'un fil conducteur dans le groupement des psaumes répond à quelque chose de juste et de suggestif.

Les principales sources et références du Super Psalmos de saint Thomas sont en tout premier lieu l'Écriture sainte, avec dans l'Ancien Testament une préférence accordée au livre des psaumes, au livre d'Isaïe et au livre de Job; dans le Nouveau Testament, aux évangiles de saint Matthieu et de saint Jean, ainsi qu'à l'épître de saint Paul aux Romains. Puis ce sont les traductions du psautier faites par saint Jérôme, c'est-à-dire, pour résumer ce qui a été dit plus haut, le Psautier gallican qui est son texte de base, et sa version d'après l'hébreu, la iuxta Hebraeos. Nombreuses sont aussi les références aux ouvrages d'Aristote (Ethique, Métaphysique, Météorologiques, Politique, Rhétorique, De la génération et de la corruption, Histoire des animaux), de Sénèque (Questions naturelles), de Cicéron (De natura deorum), de Pline l'Ancien (Histoire naturelle), etc. Étendus sont enfin ses emprunts aux Pères de l'Église, et surtout à Augustin (Enarrationes in Psalmos), à divers ouvrages de Jérôme, de Grégoire le Grand, de Denys l'Aréopagite, de Jean Damascène, d'Origène (Homélies sur les Psaumes), de Boèce, ainsi qu'à d'autres auteurs, sans oublier bien entendu les Gloses sur les psaumes, avec au premier rang celle de Pierre Lombard.

Le lecteur s'étonnera peut-être de l'importance que saint Thomas accorde à la cosmologie dans le Super Psalmos, par exemple quand il commente le psaume 17. Il faut savoir à ce propos que tout en donnant ses leçons sur le psautier, saint Thomas se penchait aussi sur le De caelo et mundo d'Aristote. S'il est vrai que ces enseignements sont les plus marqués par le temps, ils témoignent cependant de son souci de réalisme et de la place de l'homme dans le cosmos à l'intérieur du plan divin. Mais la matière fondamentale traitée par saint Thomas dans son commentaire sur le psautier est le Christ et ses membres, ou le Christ et l'Église. Il s'oppose en cela à l'exégèse littérale de Théodore de Mopsueste, et suit la règle donnée par saint Jérôme dans son commentaire sur Ézéchiel, selon laquelle les prophéties sont comme une figure des événements à venir. Cette règle, dit-il, nous devons l'appliquer pour les psaumes, dont les faits doivent être exposés comme une figure du Christ ou de l'Église (Prologue). Dans la quadruple oeuvre divine dont parlent les psaumes, il y a notamment celle de la rédemption de l'homme opérée par le Christ: "Tout ce qui a trait à la fin de l'Incarnation est clairement exposé dans ce recueil, de telle sorte qu'il semble être presque un évangile et non une prophétie" (Prologue). Cette vue christocentrique du Super Psalmos de saint Thomas est à mettre en parallèle avec sa rédaction de la troisième partie de la Somme théologique, qui date de la même époque et qui aborde aussi le mystère de l'Incarnation (S. Th. 3a, Q. 1-59). Saint Thomas n'a pas rédigé de traité sur l'Église, mais on peut dégager son ecclésiologie en recueillant dans l'ensemble de ses ouvrages les citations qui la concernent. Et son commentaire sur le psautier renferme à cet égard une richesse doctrinale qui mérite d'être mise en valeur. En voici deux passages remarquables: "Les choses qui concernent les membres, le Christ les dit de lui-même, pour cette raison que le Christ et l'Église forment un seul corps mystique; conséquemment, ils parlent comme une seule personne: le Christ se transformant en Église et l'Église en Christ (Ps 21, 2)." - "Le Christ et l'Église sont une seule personne (Ps 30, 1)." Ce lien inséparable entre le Christ, l'Église et ses membres que saint Thomas souligne avec constance tout au long du Super Psalmos traduit bien son expérience vécue de la liturgie. Sa spiritualité ecclésiale nous invite à entrer dans une prière plus profonde des psaumes qu'il considérait "presque comme un évangile", et à faciliter l'actualisation de leur pratique.

Moustier-en-Fagne

ce 18 mai 1993.

 

 

TABLE ANALYTIQUE

 

Action de grâce.

Le psalmiste rend grâce de trois manières: par le coeur, par la bouche et par l'action (Ps 9, 2-3).

Âge.

Le premier âge va d'Adam jusqu'à Noé.

Le deuxième de Noé jusqu'à Abraham.

Le troisième d'Abraham jusqu'à David.

Le quatrième de David jusqu'à la déportation à Babylone.

Le cinquième de la déportation à Babylone jusqu'au Christ.

Le sixième du Christ jusqu'à la fin du monde. Le sixième et le septième âge vont de pair, car c'est l'âge de ceux qui se reposent et de ceux qui travaillent; et au terme de ces derniers aura lieu le huitième âge des ressuscités (Ps 6, 1).

Âme.

L'âme est une substance subsistante par elle-même, non par la matière. Elle est créée ou formée par Dieu (Ps 32, 15).

L'âme a deux parties: la partie sensitive et la raison supérieure (Ps 41, 6).

L'âme contient le corps, et elle en est le fondement; et une partie de l'âme est une partie du corps (Ps 17, 9).

L'âme n'est pas créée par une créature, et elle agit librement. Elle ne périt pas non plus avec son corps (Ps 8, 6).

Notre âme a deux faces: l'une est tournée vers Dieu par la raison, l'autre est tournée vers la chair par la nature sensitive qui ne perçoit uniquement que les réalités corporelles (Ps 10, 6b).

La candeur de l'âme sanctifiée surpasse toute beauté corporelle (Ps 50, 9).

L'âme raisonnable ne peut plus modifier son jugement après la mort (Ps 6, 6).

L'âme unie à Dieu n'est pas souillée, au contraire elle est glorifiée (Ps 9, 26a).

L'âme s'élève vers Dieu de quatre manières: pour admirer l'élévation de sa puissance. C'est l'élévation de la foi; pour tendre à l'excellence de la béatitude éternelle. C'est l'élévation de l'espérance; pour adhérer à la bonté divine et à la sainteté. C'est l'élévation de la charité; pour imiter la justice divine dans son action. C'est l'élévation de la justice (Prologue).

L'âme est aussi appelée temple de Dieu, parce que Dieu est adoré dans le temple et dans l'âme du fidèle (Ps 10, 5a).

Amour.

Aimer d'un amour de charité (diligere) est le propre des êtres raisonnables, tandis qu'aimer (amare) est universel (Ps 17, 2).

La charité la plus petite est l'amour le plus grand (Ps 37, 18).

La force de l'amour augmente l'ardeur de la recherche (Ps 26, 4).

Le propre de celui qui aime est de rechercher souvent la chose aimée (Ps 26, 8).

Ange.

Chez les anges, l'image de Dieu se découvre par un simple regard sur la vérité, sans le recours à l'investigation (Ps 8, 6).

Certains anges reçoivent immédiatement de Dieu l'illumination. D'autres anges sont instruits par ces derniers, comme les "anges des hiérarchies" moyennes et inférieures (Ps 23, 10).

Les anges qui ne sont pas envoyés sont qualifiés d'assistants de Dieu (Ps 44, 10b).

Les anges sont appelés les armes de Dieu, dont il se sert pour combattre les méchants (Ps 34, 2).

Apôtre.

Par cieux on comprend les Apôtres, dans lesquels Dieu habite comme dans les cieux (Ps 18, 2). Et on les appelle "cieux", parce qu'eux-mêmes surpassent tous les choeurs des saints, et illuminent toute l'Église (Ps 49, 6).

Ils sont aussi étoilés en raison de l'abondance de leurs venus (Ps 18, 2).

Ils sont lumineux par la doctrine et par l'exemple (Ps 18, 2).

Ils sont "empressés" dans l'obéissance et volubiles dans le discours de leur prédication (Ps 18, 2).

L'Apôtre, dans la mesure où il est "la nuit", c'est-à-dire vivant dans la chair et mortel, condescend à l'infirmité et à l'ignorance des gens incultes (Ps 18, 3).

Selon la vérité, les Apôtres sont appelés "jour", parce qu'ils profèrent la parole de la sagesse divine "au jour", c'est-à-dire aux parfaits (Ps 18, 3).

Les Apôtres sont appelés pierres précieuses à cause du prix de leur enseignement (Ps 20, 4).

Au sens mystique, les béliers ce sont les chefs du troupeau, c'est-à-dire les Apôtres (Ps 28, 2a).

Les fils de l'Église primitive sont les Apôtres et leurs successeurs (Ps 44, 17).

Ils sont appelés princes, parce qu'ils ont reçu les premiers les dons de l'Esprit-Saint, parce qu'ils furent et sont ceux qui gouvernent les Églises, parce qu'ils furent les premiers à être nos docteurs après le Christ (Ps 44, 17).

Les Apôtres sont appelés montagnes (Ps 45, 4).

Les Apôtres sont appelés "dieux" à cause de leur pouvoir judiciaire, et "puissants" à cause de leur constance dans la souffrance (Ps 46, 10).

Ils furent les protecteurs de tous les peuples (Ps 46, 10).

Apôtre Pierre.

Pierre obtint la primauté universelle de l'Église (Ps 44, 17).

Apôtre Paul

Paul obtint la primauté sur le monde entier quant aux nations païennes (Ps 44, 17).

Ministère des Apôtres.

Le ministère des Apôtres est de prêcher le nom de Dieu (Ps 44, 18).

Autel.

L'autel est dans le temple, et de même qu'il y a trois sortes de temples, il y a aussi trois sortes d'autels. Le premier est l'homme juste. L'autel de ce, temple est le coeur. L'autre temple est l'Église, et l'autel de ce temple est le Christ. Le troisième temple c'est Dieu lui-même, et l'autel de ce temple c'est la miséricorde de Dieu (Ps 25, 6).

L'autel signifie l'humanité du Christ (Ps 42, 4).

Voir aussi: Temple.

Avènement.

Désir du premier avènement.

Les raisons chez les anciens Pères:

une première raison est relative à l'exaltation de la nature humaine;

une deuxième raison se fonde sur le fait que les captifs étaient libérés de la prison de l'enfer ou des limbes;

une troisième raison est relative à l'humiliation du diable;

une quatrième tient au fait que Dieu nous a pacifiés par la venue du Christ;

une cinquième est relative à la jouissance qu'ils espéraient avoir avec la venue du Christ, en le voyant, en l'écoutant, en conversant avec lui.

Désir du second avènement.

Les raisons chez les modernes:

parce qu'alors nous serons glorifiés;

parce que nous serons affranchis de toute peine;

parce que nous serons affranchis de tout péché;

parce que nous serons arrachés à l'emprise du diable;

parce que nous serons libérés de la servitude du corps;

parce que nous verrons Dieu face à face (Ps 12, 1).

Baptême.

Fonction.

Le baptême et la circoncision purifient l'âme de la faute originelle, mais le foyer demeure toujours (Ps 50, 7).

Éléments.

"Je me souviendrai de la terre du Jourdain et d'Hermoniim, de cette petite montagne." Trois éléments figurant dans le baptême sont ici désignés. Par le Jourdain est désignée la descente des grâces dans le baptême. "Et de la terre", parce que par l'influx de la grâce la terre du coeur est fécondée. Hermon veut dire anathème, et signifie la renonciation que nous faisons au diable et à ses pompes au baptême (Ps 41, 7).

Voir aussi: Eau, Catéchumène, Psaume.

Béatitude.

Tous recherchent la béatitude mais diffèrent quant à la voie qui les y mène et quant à l'issue; car certains y parviennent et d'autres non (Ps 1, p. 40).

Tous désirent tendre à la béatitude, à laquelle seuls les justes parviennent, parce qu'ils l'obtiendront en plénitude dans le futur, mais à présent de manière inchoative et en espérance (Ps 32, 12).

La béatitude de l'homme est en Dieu (Ps 1, 1).

La béatitude ne se trouve qu'en ceux qui ont l'espérance dans le Seigneur (Ps 39, 5).

La béatitude consiste en la vision plénière de Dieu, en la joie parfaite, dans les délices intarissables (Ps 15, 11).

La béatitude de l'homme c'est d'adhérer à Dieu. Ici-bas elle est imparfaite (Ps 32, 12).

Quelle en est la cause ? Est-ce la nature, le hasard, ou la puissance propre ? Non, mais c'est l'élection divine (Ps 32, 12).

La voie droite qui mène à la béatitude, c'est avant tout notre soumission à Dieu: par la volonté, en obéissant à ses commandements. Par l'intelligence, en méditant sans cesse (Ps 1, 2).

Les enseignements et les préceptes du Christ sont le chemin conduisant à la béatitude (Ps 15, 11).

Bienheureux est le chrétien dans la mesure où il est fils de la croix du Christ par la méditation (Ps 40, 2).

Par l'acte même de leur péché les pécheurs s'éloignent de Dieu et sont empêchés d'atteindre la fin, c'est-à-dire la béatitude (Ps 24, 4a).

Les opinions sur la béatitude sont diverses. Certains établirent la béatitude dans les biens matériels, tel Épicure. Certains dans les oeuvres de la vie active, comme les stoïciens. D'autres dans la contemplation de la vérité, comme les péripatéticiens (Ps 32, 12).

Beauté.

La beauté suprême est en Dieu lui-même, car la beauté est faite d'une force harmonieuse; or Dieu est la forme elle-même informant toutes choses (Ps 26, 4).

Voir aussi: Christ, Homme.

Bénédiction.

Bénir, c'est dire du bien; et dire du bien de Dieu, c'est le faire sien. C'est pourquoi dans la bénédiction de Dieu on comprend l'effusion de sa bonté (Ps 20, 4).

Pour Dieu, nous bénir, c'est causer sa bonté en nous. Pour nous, bénir, c'est reconnaître sa bonté qui nous fait du bien; mais notre bénédiction ne lui ajoute rien. Cependant, nous devons le bénir pour les bienfaits reçus (Ps 27, 6; Ps 40, 14; Ps 44, 3).

Bénir le Seigneur (benedicere Domino), c'est célébrer la louange de Dieu; mais bénir le Seigneur (benedicere Dominum), c'est faire du bien "en tout temps", c'est-à-dire dans le temps de l'adversité et de la prospérité (Ps 33, 2).

Biens.

Il y a un triple bien: le bien de la nature, le bien de la grâce et le bien de la gloire (Ps 40, 3).

Les biens spirituels sont au nombre de trois: confiance, réfection spirituelle, et connaissance intelligible (Ps 35, 8b).

Supériorité des biens spirituels.

Celui qui l'emporte, c'est le bien de la joie du coeur. Pour deux raisons: parce qu'il sera éternel, et parce qu'il est unique et simple (Ps 4, 9).

Les biens matériels.

Les biens du monde ne sont bons que dans la mesure où ils servent matériellement à la vertu (Ps 36, 16).

Bons, justes.

Les bons adhèrent radicalement aux réalités spirituelles et aux biens divins (Ps 1, 4).

Le juste est affermi surtout par Dieu, parfois dans les réalités temporelles, dans la mesure où elles sont utiles pour son salut, mais toujours dans les réalités spirituelles, et cela par la grâce intérieure. Semblablement par de bonnes paroles et de bons exemples comme celui de la croix (Ps 36, 17).

Quatre dispositions conviennent aux bons. D'abord, qu'ils préfèrent le salut de Dieu, qui est le Christ. Ensuite, qu'ils cherchent des actes de charité. Puis, qu'ils se réjouissent d'avoir trouvé le bien-aimé. Enfin l'action de grâce et la louange (Ps 39, 17).

Les bons haïssent ce qui regarde la nature sensitive (Ps 10, 6b).

Les justes ont l'intelligence du bien, en ce sens qu'ils possèdent seulement les biens qui sont utiles à la fin et non en vue d'autre chose (Ps 36, 16).

Le jeûne est cause d'humilité dans le juste (Ps 34, 13).

Le juste qui prie pour un autre n'obtient pas toujours pour lui. Et il est exaucé pour lui-même lorsque sa prière est méritoire (Ps 34, 13).

Celui qui est bon, et qui est exempt de maux, aura l'abondance des biens et la suppression des maux (Ps 7, 9).

Le sort des bons est comparé à la plantation d'un arbre, à sa fructification et à sa conservation (Ps 1, 3).

Les justes souffrent du péché des pécheurs par compassion (Ps 34, 14).

Le juste se maintient dans le bien pour quatre raisons: parce qu'il n'est pas entravé de l'extérieur; par la stabilité des biens acquis; parce qu'il est sans inquiétude; par le repos acquis par le travail (Ps 4, 9-10).

Catéchumène.

"Quand viendrai-je, et paraîtrai-je devant la face de Dieu ?" Ces paroles sont le propre de celui qui désire, et elles expriment le désir du catéchumène de recevoir le baptême (Ps 41, 3).

Châtiment.

Il y a un double châtiment. L'un est infligé en vue de l'extermination, et il est relatif à l'enfer (Ps 37, 2; Ps 9, 18). L'autre est infligé en vue de la correction (Ps 37, 2).

La cause de l'aversion est la colère de Dieu dans le châtiment du péché, et c'est le plus grand des châtiments (Ps 26, 9a).

La cause du châtiment est l'oubli de Dieu (Ps 9, 18).

Un châtiment infligé interroge celui qui se trouve dans les tribulations pour savoir s'il aime Dieu en vérité (Ps 10, 6a).

Le châtiment extérieur est très utile dans la mesure où on le supporte avec patience, mais lorsqu'il n'est pas patiemment supporté, l'homme s'affaiblit et se désespère, et le châtiment est alors nuisible (Ps 38, 11).

Dieu retarde parfois un châtiment afin que les prédestinés se convertissent, que les méchants manifestent davantage leur malice, et que ses jugements apparaissent justes (Ps 7, 9).

Dieu ne punit pas aussitôt les pécheurs, non point parce qu'il n'est pas juste ou puissant, mais parce qu'il est patient (Ps 7, 12).

Christ.

Le Christ est né du Père ayant la nature la plus élevée (Ps 18, 7).

Il est consubstantiel au Père, le même dans son essence (Ps 18, 7).

La marche du Christ s'entend de deux manières. Ou bien en tant qu'il procéda du sein de la Vierge dans sa nativité, ou bien en tant qu'il procéda de l'homme pour convertir l'homme, un tel et puis un tel (Ps 44, 5).

Il y a deux natures dans le Christ: la nature humaine qui est semblable à une mère, et la nature divine (Ps 41, 6).

Le glaive de Dieu c'est le Christ (Ps 7, 13).

Le nom du Seigneur c'est le Christ incarné (Ps 8, 2).

Le Christ est appelé fils par antonomase (Ps 9, 1).

Il est le fils de David selon la promesse (Ps 9, 1).

Le Christ est la montagne (Ps 10, 2; Ps 47, 2).

Le Christ est appelé droite de Dieu (Ps 16, 8).

La pupille de l'oeil signifie le Christ qui dirige (Ps 16, 8).

L'âme du Christ est un glaive acéré à deux tranchants grâce auquel le diable est anéanti (Ps 16, 14).

Le temple de Dieu c'est le Christ lui-même (Ps 17, 7).

Par soleil on entend le Christ (Ps 18, 6).

Le Christ est roi des anges (Ps 19, 3).

Le Christ est la main de Dieu (Ps 20, 9).

Le Christ a été appelé cerf. Le cerf signifie la nature humaine dans le Christ; de même que le cerf traverse les buissons d'épines sans se blesser les pieds, ainsi le Christ a traversé cette vie présente sans aucune souillure. Pareillement le cerf sait très bien sauter; ainsi le Christ est monté de la fosse de la mort à la gloire de la résurrection (Ps 21, 1).

L'âme du Christ, ce sont ceux en qui repose l'Esprit-Saint, c'est-à-dire les spirituels (Ps 21, 31).

Le rocher veut dire le Christ (Ps 26, 6a).

Par l'agneau c'était le Christ qui était surtout et plus expressément figuré (Ps 28, 2a).

Le Christ est "un petit de licornes", parce que selon la génération temporelle il fut un fils sans père (Ps 28, 6).

Le Christ est Tête et Corps de l'Église (Ps 29, 1).

Le Christ est lumière de la lumière et source de la vie (Ps 35, 10b).

"En tête du livre." Le livre c'est le Christ. Le livre, c'est l'instrument dans lequel sont écrits les projets du coeur; mais dans le Christ sont les projets de l'intelligence divine (Ps 39, 8).

Le Christ est lumière et vérité (Ps 42, 3; Ps 47, 1).

Le Christ est appelé autel de Dieu (Ps 42, 4). Le Christ est le Verbe de Dieu et sa plume (Ps 44, 2).

Le Christ fut roi, prêtre et prophète (Ps 44, 8).

Le Christ est le roi des rois (Ps 44, 15b).

Le Christ est notre véritable frère (Ps 48, 8).

Le Christ préfigure notre faiblesse (Ps 54).

Le nom de Jésus est la vraie espérance, parce que le salut est en lui-même (Ps 39, 5).

Le Christ fut engendré par la seule opération du Saint-Esprit (Ps 21, 7).

Le Christ a été tiré du sein de sa mère, car il a été conçu de manière extraordinaire, et né sans semence, la virginité de la mère ayant été préservée (Ps 21, 10).

Dans le Christ la chair a refleuri par sa résurrection, car il fut conçu de l'Esprit-Saint sans péché (Ps 27, 7).

Il n'y eut dans le Christ absolument aucune tache (Ps 14, 2).

On dit du Christ qu'il porte un cilice, parce qu'il s'est revêtu d'une chair non point pécheresse mais d'une chair semblable à celle du péché (Ps 34, 13).

Par sa nativité le Christ vint établir la paix entre Dieu et la nature humaine (Ps 45, 10).

Le Christ fut oint de l'huile de l'Esprit-Saint comme roi et comme prêtre. Il fut d'abord oint de l'onction de la grâce, ensuite de la gloire (Ps 26, 1).

Le Christ fut oint non avec de l'huile visible, matérielle, mais avec l'huile de l'Esprit-Saint (Ps 44, 8).

Il y a dans le Christ quatre sortes de beauté. La première est selon sa forme divine. La deuxième est la beauté de la justice et de la vérité. La troisième est la beauté de la conduite honnête. La quatrième sorte de beauté est la beauté du corps (Ps 44, 3).

L'âme du Christ a été retirée de l'enfer par Dieu (Ps 29, 4).

L'âme du Christ fut séparée de son corps dans la mort, bien qu'elle n'ait pas été séparée de la divinité (Ps 34, 17).

La volonté du Christ est comme la volonté du Père, et en tant qu'homme il accomplit la volonté du Père (Ps 15, 3).

Il accomplit ses volontés dans les saints qui sont sur sa terre, c'est-à-dire dans l'Église militante et triomphante (Ps 15, 3).

Le voeu du Christ fut de se donner pour le salut des croyants: et lui-même voulut cela en tant qu'homme (Ps 21, 26).

Le Christ s'est acquitté de ces voeux en se donnant à la Passion, et une nouvelle fois lorsqu'il donna son corps en nourriture pour ses fidèles (Ps 21, 26).

La tristesse appelée propassion, qui est un mouvement subit, fut dans le Christ (Ps 54, 3).

Bien qu'il y eût dans le Christ une crainte naturelle, elle ne fut pas telle qu'elle fasse fondre le coeur. Aussi faut-il l'entendre du Christ non quant à lui-même mais dans ses membres, qui sont véritablement le coeur du Christ, et qu'il aime avec prédilection (Ps 21, 15).

Le Christ a-t-il espéré ? Oui. Il a espéré la vie éternelle pour les autres, mais pour lui la glorification de son corps (Ps 15, 1).

Le Christ a joui de son libre arbitre au premier instant de sa conception, donc il a espéré dès ce moment (Ps 21, 10).

L'espérance du Christ n'a pas porté sur la béatitude éternelle en tant que bien futur et non acquis. En revanche il attendait la gloire de l'immortalité, la conversion des hommes, etc. Et par rapport à cela il espérait, bien que la vertu d'espérance ne lui ait pas été nécessaire (Ps 30, 2a).

Le corps du Christ n'a pas connu la corruption de la putréfaction ou de la décomposition, mais il a subi la corruption de la mort (Ps 15, 10).

Le Christ a placé sa tente, c'est-à-dire son corps dans le soleil, à savoir dans la Vierge Marie, qui n'a aucune obscurité de péché. Ou bien il a placé son corps dans le soleil, c'est-à-dire dans la clarté, car puisqu'il était invisible, il est devenu visible en ayant pris un corps; parce qu'il a assumé un corps passible, parce qu'il s'est soumis au changement (Ps 18, 6).

Dans le Christ il n'y a pas d'infirmités dues a la faute, ou de souillure, car sa chair ne combat point contre l'esprit, mais il a éprouvé les infirmités corporelles, hormis le péché, pour nous ressembler (Ps 15, 7).

On ne trouve dans le Christ que l'infirmité corporelle à cause de sa passibilité (Ps 29, 3).

Le sommeil du Christ est préfiguré dans celui d'Adam (Ps 3, 6).

Le Christ a dormi profondément, parce qu'il s'offrit spontanément à la Passion (Ps 3, 6).

On parle du jeûne corporel du Christ dans saint Matthieu 4. On peut aussi parler du jeûne spirituel du Christ en tant qu'il désirait le salut des hommes. C'est le sens de sa parole prononcée sur la croix: "J'ai soif" (Ps 34, 13).

Sur le corps du Christ on construit continuellement; et par la conversion des fidèles il sera consacré, lorsqu'il sera dans la gloire (Ps 29, 1).

Dans l'Église, le tabernacle principal est le corps du Christ. Il est le tabernacle, parce qu'en lui réside toute la plénitude de la divinité (Ps 45, 5).

La Glose distingue quatre sortes de ténèbres relatives au Christ: de son humanité;des matières sacramentelles, dans lesquelles la puissance divine agit secrètement; le fait qu'il se cache dans la foi des croyants; qu'il réalise quelque chose de manière cachée par les méchants, qui sont les ténèbres (Ps 17, 16).

Il n'y eut pas de tristesse sensible dans la partie supérieure de l'âme du Christ; cependant elle souffrait tout entière dans sa constitution naturelle, mais non en tant qu'elle était tournée vers Dieu (Ps 18, 6).

Avant sa Passion le Christ a souffert de trois choses: il a été rejeté, abandonné, et n'a pas été exaucé (Ps 21, 25).

Le Christ souffrira comme modèle de l'écrasement, afin de donner aux autres l'exemple de souffrir (Ps 28, 6).

Le Christ face à ses persécuteurs s'est comporté à la manière de celui qui ignore, c'est-à-dire en se taisant (Ps 34, 15).

Le Christ par sa Passion a mérité son exaltation dans la foi de tous les peuples (Ps 44, 8).

Effets de sa Passion:

Concernant les Apôtres.

Les Apôtres mangeront le sacrifice, c'est-à-dire le sacrement du corps et du sang du Christ, sacramentellement et spirituellement. Et il en résulte un triple effet: le rassasiement spirituel, la louange et la vie (Ps 21, 27).

Concernant les autres.

Il y a un triple effet: le premier est la connaissance divine à laquelle les nations accèdent par les Apôtres; le deuxième consiste en la conversion au Christ. le troisième effet est manifesté à travers l'achèvement de l'oeuvre (Ps 21, 28).

Le verset: "Je bénirai le Seigneur en tout temps: toujours sa louange sera dans ma bouche" est chanté à sexte, lorsque le Christ a souffert et dont la Passion est pour nous cause de louange (Ps 33, 2).

Par la mort du Christ les pécheurs ont gagné deux biens: celui de la confession de leurs péchés et la confession de la vérité de la foi (Ps 29, 10).

La mort du Christ fut une dormition, puisque lui-même s'offrit à la mort, et ne mourut pas par la violence, mais par sa propre volonté (Ps 40, 9).

Utilité de son sang.

Son sang fut d'une souveraine utilité. Mais si le Christ n'était pas ressuscité aussitôt, et que sa résurrection eût été reportée jusqu'à la fin du monde, il n'aurait eu aucune utilité en lui, et il en aurait été de même si son corps avait été totalement corrompu (Ps 29, 10).

Bien que le Christ soit descendu en enfer, il n'y est pas descendu en tant que livré à la damnation, mais afin de délivrer ceux qui étaient dans la fosse (Ps 29, 4).

Le Christ en tant qu'homme n'a pas le pouvoir de ressusciter, mais bien selon la puissance de sa divinité, qui est la même dans le Père et dans le Fils (Ps 40, 11).

Si la résurrection du Christ n'avait pas eu lieu, c'est-à-dire s'il n'était pas ressuscité, et aussitôt, sa divinité n'aurait pas été crue; et ainsi les hommes n'en auraient pas obtenu le bien salutaire (Ps 29, 10).

Le fruit de la résurrection du Christ c'est l'instruction de l'Église, et la foi avec laquelle l'Église confesse Dieu (Ps 34, 18).

En montant dans son ascension le Christ envoie l'Esprit-Saint aux disciples (Ps 18, 7).

Dans le royaume du Christ le joug est la loi de la charité et les liens sont les vertus (Ps 2, 3).

Le pouvoir appartient au Christ selon un double droit: par héritage et par mérite (Ps 2, 7).

Il régit le peuple avec un sceptre de fer, et cela pour signifier la discipline de la justice (Ps 2, 9).

Il y a deux jugements du Christ. Le premier est caché et se trouve dans l'ordonnance, en tant que Dieu permet aux bons de souffrir persécution de la part des méchants. L'autre sera manifesté au jugement dernier (Ps 9, 1).

La parole du Christ fut gracieuse, parce qu'elle imposait des choses faciles et promettait le repos; parce qu'il s'exprimait d'une manière ordonnée et chaleureuse; parce qu'il persuadait avec efficacité (Ps 44, 3).

Les paroles du Christ sont appelées flèches pour trois raisons. À cause de leur acuité, de leur vélocité et de leur capacité à atteindre des objectifs éloignés (Ps 44, 6).

Par le coeur du Christ on entend la Sainte Écriture qui révèle son coeur. Mais ce coeur était fermé avant la Passion, parce que l'Écriture était obscure; mais elle est ouverte après la Passion, puisque ceux qui la comprennent a présent considèrent et discernent de quelle manière les prophéties doivent être interprétées (Ps 21, 15).

Sens de ce verset du Psaume 21, 2: "Dieu, mon Dieu [...] pourquoi m'as-tu abandonné ? Loin de mon salut sont les paroles de mes fautes", et de ce verset de l'Évangile de saint Matthieu 26, 39: "Père, s'il est possible, que ce calice passe loin de moi...": Ces paroles du Christ en prière peuvent s'expliquer d'une double manière. D'abord, en ce sens que le Christ les a proférées comme s'il avait tenu la place des membres faibles de l'Église [...]. D'une autre manière, en ce sens qu'il proféra cette demande au nom de la faiblesse charnelle dans le Christ, laquelle, tout naturellement, craint et fuit la mort. On peut donc dire que s'il a demandé d'être délivré, ce fut en des mots qui provenaient, soit des membres dans lesquels la faute peut exister, soit de la chair du Christ dans laquelle se trouve une similitude de faute ou de péché (Ps 21, 2).

Le Christ a crié, bien qu'en tant que Dieu il soit celui qui exauce (Ps 29, 3).

Le Christ priait pour ceux qui étaient dans son sein, c'est-à-dire dans le secret de Dieu. Il priait pour les prédestinés (Ps 34, 13).

La sainteté fut à un degré unique dans le Christ (Ps 45, 5).

Le Christ fut le premier d'entre les bienheureux, et Adam le premier d'entre les méchants (Ps 1, p. 40).

Le Christ est avec nous d'abord par la ressemblance de la chair. Semblablement par sa conversation familière. De même, il habite en nous par sa grâce (Ps 45, 8).

Tous les hommes ont seulement la grâce par dérivation et participation, tandis que le Christ l'a de lui-même et en plénitude (Ps 44, 3).

Les vêtements du Christ peuvent être de deux sortes: son corps et tous les saints (Ps 44, 9).

Le Christ est la Tête de l'Église fondée au milieu des tempêtes des persécutions (Ps 3, 9).

La voie du Christ est la Vierge bienheureuse (Ps 17, 31).

Le Christ, l'Église et ses membres.

Relations:

Les choses qui concernent les membres, le Christ les dit de lui-même, pour cette raison que le Christ et l'Église forment un seul corps mystique; conséquemment, ils parlent comme une seule personne: le Christ se transforme (transformat se) en Église et l'Église en Christ (Ps 21, 2).

Dans les membres du Christ, c'est-à-dire dans l'Église, on trouve des fautes et des péchés; mais dans la Tête, c'est-à-dire dans le

Christ, il n'y a aucune faute, sinon seulement une similitude de péché (Ps 21, 2).

Le Christ et l'Église sont une seule personne (Ps 30, 1).

Ciel, cieux.

Les cieux matériels sont conçus pour nous faire découvrir la gloire de Dieu (Ps 18, 2) .

On appelle ciel le berceau de l'âme dans lequel Dieu repose afin de faire de sa création son ciel (Ps 10, 5a).

Confession.

Il y a trois sortes de confessions: de la foi, des péchés, de louange (Ps 9, 2).

L'efficacité de la confession est telle que non seulement quelqu'un obtient la rémission de ses péchés lorsqu'il se confesse en acte, mais encore lorsqu'il a le propos de se confesser. Donc la faute lui est remise avant qu'il ne se confesse. Mais si l'acte du propos cesse, son effet cesse également (Ps 31, 5).

Connaissance.

La connaissance de Dieu est donnée naturellement à tous (Ps 13, 1).

Si l'on parle de la connaissance de Dieu en soi, alors on ne peut pas penser qu'il n'est pas. Mais on peut dire qu'il n'est pas par rapport à nous, si on pense qu'il n'est pas tout-puissant, et qu'il ne s'occupe pas des réalités humaines (Ps 13, 1).

Deux choses sont nécessaires à la connaissance: la lumière et l'objet à connaître (Ps 42, 3).

Il y a une triple connaissance de Dieu: car cela peut s'appliquer à l'état de la cité de Jérusalem, à l'Église et à la gloire future. La première connaissance de Dieu est figurée et obscure; et cette connaissance eut lieu dans l'Ancien Testament. Autre est la connaissance réelle, mais obscure et imparfaite; et telle est la connaissance par laquelle Dieu est connu par la foi. Enfin, autre est la connaissance réelle, qui est parfaite et claire (Ps 47, 4).

Toute connaissance de la vérité, qui nous est nécessaire pour d'autres choses, doit se référer à la connaissance de la vérité des réalités divines (Ps 48, 4).

Contemplation.

Trois choses sont requises dans la contemplation. La facilité de contempler qui est signifiée par les ailes de la colombe, l'acte de la contemplation qui est signifié par le vol, et son effet qui consiste en la considération (Ps 54, 7).

Les obstacles à la contemplation sont principalement au nombre de deux: la préoccupation des affaires de ce monde et le péché (Ps 54, 8).

Conversion.

La conversion de l'âme à Dieu est un effet du sacrement de l'autel (Ps 21, 28).

Dieu se tourne d'abord vers nous en nous convertissant à lui (Ps 6, 5).

L'homme ne se convertit que par les menaces (Ps 7, 13) et au temps de la tribulation (Ps 9, 10).

Il faut d'abord que l'homme voie ce à quoi il doit se convertir; puis celui à qui il doit se convertir; enfin, il y a l'espérance (Ps 39, 4b).

Cosmologie.

Perturbations de l'air.

On distingue une triple perturbation: elle se situe dans les vents, dans les nuages et dans les tonnerres.La perturbation dans les vents: leur cause effective, leur matière et leur mode (Ps 17, 11b);la perturbation dans les nuages (Ps 17, 12-13); la perturbation dans le tonnerre (Ps 17, 14).

Pluies (Ps 17, 12, etc.).

Tremblements de terre.

Leur cause, leur matière et leur durée (Ps 17, 9).

Vapeurs, exhalaisons, fumée, feu (Ps 17, 9).

Vents (Ps 17, 10-11a).

Crainte.

Il y a deux sortes de craintes: une crainte sainte qui est engendrée par un amour saint; une crainte non sainte qui est engendrée par un amour non saint (Ps 18, 10).la crainte sainte fait trois choses. Elle craint d'abord d'offenser Dieu. Ensuite elle se refuse à être séparée de lui. Enfin elle se soumet à Dieu par respect. Cette crainte est appelée chaste et filiale (Ps 18, 10);la crainte non sainte est double: la crainte servile, qui est issue d'un amour de soi, et la crainte mondaine qui procède de l'amour du monde (Ps 18, 10).

La crainte mondaine ne subsiste pas si ce n'est avec le monde; la crainte servile subsiste chez les méchants pour l'éternité, mais la sainte crainte ou crainte filiale subsiste chez les bons de deux manières: dans la Patrie et selon un acte qui lui est propre (Ps 18, 10).

Il y a deux sortes de craintes: l'une est filiale, celle qui craint d'offenser Dieu et d'en être séparé, et elle lui manifeste du respect; et cette dernière procède de la charité. Mais l'autre est la crainte servile, celle qui craint le châtiment; et cette dernière ne procède pas de la charité (Ps 21, 24).

Il y a une double cause intrinsèque à la crainte: l'ignorance et la faiblesse. La cause extrinsèque à la crainte est l'opposition de l'homme (Ps 26, 1).

Remèdes à ces causes.

Aux causes intrinsèques il y a la lumière et le salut donnés par Dieu; à la cause extrinsèque il y a le bouclier protecteur de Dieu (Ps 26, 1)

La cause de la crainte se trouve dans les yeux, du fait qu'ils ne considèrent pas le jugement de Dieu (Ps 35, 2).

La crainte initiale et chaste est spécialement appelée révérence et elle nous introduit au salut (Ps 34, 26).

La crainte nous conduit à l'observation des préceptes (Ps 18, 10).

La crainte est une garde à l'orgueil (Ps 33, 10).

Non seulement la crainte est plus nécessaire pour ceux qui montent vers la sainteté, mais aussi pour ceux qui demeurent en elle (Ps 33, 10).

Dieu doit être craint à cause de sa domination (Ps 46, 3).

Il ne faut rien craindre excepté le péché: car aucune adversité ne nuira dans la mesure où ne règne aucune iniquité (Ps 48, 6).

Il y a deux raisons pour lesquelles le péché doit être craint. D'abord, à cause de l'impossibilité d'échapper au châtiment du péché; l'autre raison est due aux maux qui menacent les méchants (Ps 48, 7).

La crainte, lorsqu'elle est forte, produit un double effet: l'un sur le corps, c'est-à-dire le tremblement; l'autre sur l'âme, à savoir le trouble (Ps 54, 6).

Créature.

Créature raisonnable. Ses privilèges:

La créature raisonnable a deux privilèges: le premier consiste en ce qu'elle voit dans la lumière de Dieu, et que les autres animaux ne voient pas dans la lumière de Dieu. L'autre privilège consiste dans le fait que seule la créature raisonnable voit cette lumière (Ps 35, 10b).

Créature sans raison.

Traces de Dieu en elle:

J'ai commencé par rechercher dans les créatures sans raison si je trouvais mon Dieu, mais j'ai découvert en elles des traces de Dieu (Ps 41, 5a).

Croix.

Nous sommes marqués par le signe de la croix, dont le sceau a été gravé en nous au baptême, et que chaque jour nous devons appliquer (Ps 4, 7a).

Culte.

Culte de dulie.

L'honneur qui est dû à celui qui gouverne peut être communiqué à d'autres: telle est la dulie (Ps 40, 14).

Culte de latrie.

La latrie, qui est due au Créateur, n'est due à personne d'autre. Tous honorent Dieu, cependant seuls les fidèles offrent à Dieu un culte de latrie (Ps 40, 14).

David.

Désir de David.

David a un désir très profond, inquiet et juste, persévérant, de rechercher la face divine (Ps 26, 8).

David figure du Christ

Voir Ps 2, 2; Ps 2, 3.

Louange de David.

David proclame avec le coeur les louanges du Christ (Ps 44, 2).

Onction de David.

David fut oint comme roi à trois reprises. D'abord par Samuel. Puis à Hébron. Enfin, lorsque Isboseth, fils de Saül, fut tué, David régna sur tout Israël (Ps 26, 1).

Patience de David.

Le motif de la patience de David est triple. Du côté de Dieu, le motif de sa patience est dû au fait que toute sa cause est abandonnée à Dieu (Ps 37, 16). Du côté de ses ennemis, le motif de sa patience consiste à ne pas tomber dans leurs mains (Ps 37, 17). De son côté, il consiste en sa disposition à recevoir des châtiments (Ps 37, 18).

Persécution de David.

Au sens allégorique, la persécution de David préfigure celle que le Christ souffrit de la part de son fils Judas, ainsi que toutes les tribulations de l'Église (Ps 3, 1).

Au sens moral, ce sont les tribulations que l'homme souffre des ennemis temporels et spirituels (Ps 3, 1).

Prière de David.

Au cours de son règne David prie face à une double persécution: contre sa personne et contre tout le peuple de Dieu (Prologue, p. 39).

David a composé les psaumes en priant (Ps 1, p. 40).

David prie contre les tribulations menaçantes en implorant le secours divin (Ps 2, p. 44).

Sa prière est tournée vers Dieu, auteur de sa vie naturelle et de la vie de la gloire (Ps 41, 9).

Effet de sa prière.

Sa prière a un double effet. L'un est le bannissement de la tristesse. L'autre est l'accroissement de l'espérance (Ps 41, 12).

Voir aussi: Psalmiste.

Délectation.

Différence entre les délectations corporelles et spirituelles.

Les délectations corporelles consistent dans le devenir et le mouvement. Or le mouvement est quelque chose d'imparfait, et il implique quelque chose de futur et de passé, car on n'obtient pas tout à la fois (Ps 18, 11).

Les délectations spirituelles ne sont pas dans le mouvement, car elles consistent dans l'acte d'aimer et de saisir le bien, qui ne se trouve pas dans le mouvement (Ps 18, 11).

Les délectations spirituelles sont-elles plus délectables ?

Oui, et pour une triple raison.

La première raison se fonde sur le bien dont on se délecte, lequel est un bien préféré, et sur la cause de la délectation, qui est un plus grand bien, donc plus délectable.

La deuxième raison se fonde sur le pouvoir de celui qui procure la délectation, parce que la puissance intellective est plus forte que la sensitive.

La troisième raison se fonde sur le mode des délectations (Ps 18, 11).

Désir.

Il y a deux sortes de désir. L'un qui est seulement dans le coeur, l'autre qui s'exprime par la bouche (Ps 20, 3).

La qualité du désir consiste en deux choses: en l'unité et en la sollicitude; et l'un et l'autre relèvent de la perfection du désir (Ps 26, 4).

La perfection du désir dépend de la perfection de sa cause, c'est-à-dire de l'amour qui, lorsqu'il est parfait, rassemble toutes les forces dans l'unité et les meut vers l'objet aimé (Ps 26, 4).

Nous devons fixer notre désir dans la Patrie céleste et nous acheminer avec ardeur vers elle (Ps 42, 4).

Détraction.

Il y a une triple détraction: la première de celles-ci, c'est lorsqu'un homme dénigre son prochain à propos de son péché. La deuxième est plus mauvaise, c'est lorsqu'il dénigre faussement. La pire, c'est lorsqu'il dénigre non pas le prochain en tant que tel, mais sa vertu (Ps 37, 21).

Dévotion.

La dévotion est la cause qui suscite l'écoute de Dieu. Elle est le cri du coeur qui incite Dieu à écouter (Ps 26, 7).

La dévotion de celui qui prie consiste en deux choses: dans les dispositions du coeur et dans les oeuvres extérieures (Ps 27, 2).

Diable, démon.

Le diable est un boulanger rôtisseur qui fournit de mauvaises pensées, comme le boulanger s'occupe de son bois à brûler (Ps 20, 10).

Le glaive du diable tue des multitudes par la langue de l'homme (Ps 36, 14).

Le diable "est le roi de tous les fils de l'orgueil" (Ps 41, 7).

Le démon tente pour faire pécher (Ps 34, 6).

Lorsque nous commençons à prier, le diable nous tente (Ps 37, 23).

Le diable est persécuteur de l'Église (Ps 51, 2). L'homme est aidé dans sa lutte contre le diable par trois remèdes: la joie spirituelle, la prière fervente, les bonnes oeuvres (Ps 12, 6).

Celui qui a l'Écriture sainte et la loi de Dieu dans son coeur n'est pas trompé par le diable (Ps 36, 31).

Dieu.

Personne ne peut dire que Dieu n'est pas, parce que sa connaissance est donnée naturellement à tous (Ps 13, 1).

Dieu se dit de trois manières. Par nature: et ce dernier est seulement un seul Dieu. Semblablement par participation, et [ces dieux] sont nombreux. De même par dénomination et renommée, comme les idoles et les astres, par exemple Vénus et Saturne (Ps 49, 1).

Le propre de Dieu, c'est qu'il est d'une bonté infinie, et que rien ne peut lui être ajouté, car il est le bien substantiel étendant sa bonté à toutes choses (Ps 15, 2).

Il est l'être de la bonté (Ps 24, 7; Ps 50, 3).

En Dieu on considère la bonté, c'est-à-dire la communication des biens dans les créatures, car le bien est diffusif de soi (Ps 24, 7).

La bonté de Dieu est telle qu'elle corrige ceux qui s'égarent (Ps 24, 8b).

La bonté substantielle de Dieu est appelée douceur divine (Ps 30, 20).

La connaissance expérimentale de la bonté divine est appelée gustation (Ps 33, 9).

La puissance divine se manifeste surtout dans les réalités matérielles, parce que les réalités spirituelles nous sont moins connues; et principalement dans celles que les hommes regardent avec étonnement; et ce sont les ébranlements des éléments du monde, c'est-à-dire de la terre, de l'air, de l'eau et du feu (Ps 17, 8).

Par la main de Dieu on entend la puissance d'agir de Dieu, et cette main est une droite avec laquelle il exalte les bons dans les biens spirituels. Elle est appelée gauche, parce qu'elle punit les méchants, ou dispense des biens temporels (Ps 20, 9).

La main de Dieu est appelée sa puissance d'agir. Et Dieu a deux mains: la droite avec laquelle il rémunère les bons, et la gauche avec laquelle il punit les mauvais. Dans l'une et l'autre main est la justice; mais dans sa gauche la justice n'est pas pleine, parce qu'elle punit en deçà du mérite; tandis que dans sa droite la justice est pleine, parce qu'elle rémunère abondamment (Ps 47, 11).

Dieu possède toutes choses par sa seigneurie, mais seuls les justes lui sont soumis par la volonté: d'où il les a choisis pour son héritage, c'est-à-dire pour avoir une justice éternelle (Ps 32, 12).

La miséricorde divine désigne une profusion particulière de sa bonté pour écarter le malheur (Ps 24, 7).

Dieu donne la paix afin que les hommes vaquent à la contemplation de la vérité (Ps 45, 11).

L'amour divin fait tendre l'homme tout entier vers Dieu sans vaciller (Ps 26, 4).

L'amour divin n'a de cesse d'être sans fruit; il meut lui-même pour opérer, etc. (Ps 32, 6).

Dieu aime la vérité de la foi et la justice (Ps 50, 8a).

On appelle douceur de Dieu son dessein suivant lequel "il veut que tous les hommes soient sauvés" (Ps 30, 20).

Dieu est lumière (Ps 33, 6).

La vérité de Dieu consiste en ce qu'il donne ce qu'il promet, car il n'a pas d'autre dette envers nous que sa promesse (Ps 39, 11).

Aux autres on souhaite la bénédiction, tandis que Dieu lui-même est la bénédiction (Ps 17, 47).

Dieu est un torrent de délices (Ps 35, 9).

La réfection des saints et de Dieu est la même, mais les saints sont refaits par l'amour de Dieu lui-même, tandis que Dieu se refait dans sa propre jouissance (Ps 49, 13).

Dieu connaît les réalités matérielles de manière immatérielle (Ps 13, 2).

La connaissance de Dieu est supérieure à celle des anges et elle leur est insaisissable (Ps 17, 11b).

Dieu est parfaitement connu par lui-même, cependant par rapport à nous l'essence de Dieu ne nous est pas connue, mais elle se fait connaître par ses effets (Ps 52, 1).

Dieu connaît l'oeuvre extérieure de l'homme, son intention et sa délectation. Ces deux dernières choses sont cachées pour nous, mais manifestes pour Dieu (Ps 7, 10).

Personne ne peut être soustrait à la connaissance divine, car le Seigneur voit la disposition du pauvre et de l'impie, du pécheur et du juste (Ps 10, 5b).

La volonté même de Dieu est bonne comme un bouclier qui protège contre tous les maux, qui nous défend ici-bas, et qui nous couronne dans la Patrie (Ps 5, 13).

En vertu de sa volonté antécédente Dieu veut que tous les hommes soient sauvés (Ps 13, 2).

Dieu veut trouver en nous ce qui a trait au salut, c'est-à-dire que nous le connaissions par l'intelligence, que nous l'aimions par l'affection, et que nous le désirions (Ps 13, 2).

L'oreille de Dieu est sa volonté d'exaucer (Ps 30, 3).

Le temple de Dieu est l'excellence même de sa sainteté, car le Seigneur est son temple (Ps 17, 7).

Dieu habite dans un sanctuaire et spécialement dans le Christ (Ps 21, 4).

Dieu n'est pas loin de nous, ni en dehors de nous, mais en nous (Ps 33, 9). "Dieu est au milieu de la cité", c'est-à-dire de l'Église. Ou bien "au milieu", parce qu'on dit que le coeur est au milieu de l'homme. Donc puisque Dieu habite dans nos coeurs, il est dit être au milieu (Ps 45, 6).

Dieu est l'auteur et le donateur du salut, de la grâce dans le présent et de la gloire dans le futur (Ps 17, 47).

Dieu est l'auteur des deux Alliances (Ps 21, 6).

L'oeuvre de Dieu est quadruple: la création, le gouvernement, la rédemption et la glorification (Prologue, p. 33).

Il y a un double regard de Dieu. Le premier est un regard de miséricorde sur les justes en vue de leur salut. L'autre se porte sur les méchants pour les punir (Ps 34, 17).

Le regard de Dieu est notre secours (Ps 39, 14).

La discrétion de Dieu interroge, c'est-à-dire éprouve et examine (Ps 10, 5b).

Lorsque Dieu examine, il fait trois choses. Il éprouve, il visite, et il examine (Ps 16, 3).

La parole de Dieu est un glaive, en tant qu'elle a blessé les Juifs, lesquels se sont convertis au Christ qui était proche; elle est aussi une flèche en tant qu'elle parvint aux nations éloignées (Ps 44, 6).

Dieu parle et écrit: il parle, lorsqu'il répand sa sagesse dans les âmes raisonnables. Il écrit, parce qu'il imprime les jugements de sa sagesse dans les créatures raisonnables (Ps 44, 2).

Dieu recherche la vérité: la vérité de la justice et la vérité de la doctrine (Ps 30, 24).

Si l'homme se comporte en homme, Dieu le traite comme un homme avec des avertissements et des enseignements; mais quand il s'éloigne de sa dignité d'homme, il le traite comme un animal sans raison qui est réprimé par des corrections et par la violence (Ps 31, 9b).

Tout ce que Dieu fait en nous est dû ou bien à sa justice, ou bien à sa miséricorde, ou bien à sa vérité (Ps 35, 6).

La voie de Dieu, par laquelle Dieu va vers l'âme, est sans souillure. Et c'est la charité. Ou bien la voie de Dieu, c'est le Christ lui-même, qui n'a pas commis de péché (Ps 17, 31).

Deux choses sont nécessaires pour que l'homme soit aidé par Dieu: d'abord, que son coeur tende totalement vers Dieu. Ensuite, qu'il soit contempteur des choses mondaines (Ps 24, 16).

Le secours de Dieu est double: celui de la miséricorde, et celui de la justice (Ps 7, 11).

Dieu vient à notre secours de deux manières: par sa miséricorde, en tant qu'il nous protège des bienfaits qu'il n'a même pas promis; et par sa vérité afin que nous ayons confiance (Ps 39, 12).

Dieu dirige les pas de l'homme dans la voie de la vérité à connaître afin qu'il ne tombe pas dans l'erreur, et il le dirige aussi dans la voie de la justice afin qu'il se détourne du mal et fasse le bien (Ps 36, 23).

Parfois Dieu guérit la plaie due à la blessure du péché par la satisfaction et l'exercice des bonnes oeuvres (Ps 37, 6).

Dieu humilie les saints de deux manières: par une humiliation mettant à l'épreuve leur venu et par une humiliation de contrainte (Ps 43, 20).

La force de Dieu résiste à ses adversaires, car elle combat afin de vaincre les maux temporels et spirituels (Ps 17, 3c).

Dieu est à la fois juge et témoin: en tant que juge, il rend un jugement; en tant que témoin, il défend les causes (Ps 9, 5).

Les qualités du jugement de Dieu.

Il y en a six: le jugement de Dieu n'est pas momentané, mais éternel;il est toujours prompt; il est universel; il est juste; il est plein de miséricorde; il se fonde sur le temps (Ps 9, 8-10).

Ses délais se prolongent en ce monde (Ps 2, 12).

Dieu retarde parfois un châtiment afin que les prédestinés se convertissent, que les méchants manifestent davantage leur malice, et que ses jugements apparaissent justes (Ps 7, 9).

Parfois Dieu permet que certains pèchent, parce qu'il a en vue un bien qui va en découler (Ps 9, 36).

Dieu permet la persécution des bons en vue de la purification de leur désir charnel (Ps 26, 2).

Dieu, quand il ne punit pas les péchés, semble dormir comme s'il ne gardait pas la vigilance de la prudence (Ps 7, 7).

On dit de Dieu qu'il dort, lorsque l'homme se trouve dans les tribulations et n'éprouve point le secours divin (Ps 34, 2).

Les blessures de Dieu sont les châtiments corporels extérieurs et intérieurs. Extérieurs, ce sont les châtiments et autres adversités que l'homme endure pour ses péchés. Intérieurs, ce sont les blessures spirituelles, comme le remords de la conscience (Ps 38, 11).

Dieu ne hait pas ce qu'il a fait, mais bien ce qu'il n'a pas fait, c'est-à-dire le péché (Ps 5, 7).

Dieu hait le pécheur dans la mesure où il n'arrive pas à le détourner du péché; en tant qu'il inflige des châtiments à celui qui ne se réconcilie pas (Ps 5, 7).

Lorsque Dieu détourne sa face, ce n'est pas seulement de l'aversion ou de la colère dans le châtiment du péché, mais cela peut aussi être un acte de sa miséricorde ou de sa providence (Ps 26, 9a).

On dit de Dieu qu'il se met en colère, parce qu'il se comporte à la manière de celui qui est irrité, non en lui-même mais quant à l'effet (Ps 17, 9).

Il manifeste sa colère par l'intermédiaire des causes secondes (Ps 17, 9).

Elle se manifeste sur la terre comme un tremblement de terre (Ps 17, 16).

La colère de Dieu est comprise comme effet de la colère, c'est-à-dire au sens de châtiment (Ps 29, 6; Ps 37, 2).

Dieu punit quelquefois les pécheurs par les bons anges (Ps 34, 5).

Discrétion.

La discrétion modère la sagesse humaine (Ps 10, 5b).

Doctrine.

On distingue une double doctrine: celle des prophètes, et elle est obscure, car elle porte un voile. Celle du Nouveau Testament qui est claire, plénière et unique (Ps 17, 16).

Parfois, la doctrine est empêchée lorsqu'elle ne peut être apprise à cause du temps, parfois en raison de la variété des langues, parfois à cause de la diversité des lieux et à leur éloignement (Ps 18, 3-5).

La doctrine spirituelle comprend deux effets. Le premier est intérieur, il consiste en la conversion de l'âme à Dieu, lorsqu'elle se retranche totalement des choses du monde. L'autre effet est extérieur, il consiste en l'accomplissement d'oeuvres extérieures (Ps 22, 3).

Le fruit de la doctrine divine est non seulement la spéculation de la vérité en vue de la contemplation bienheureuse, mais aussi la considération de sa fin qui est la conversion des pécheurs (Ps 50, 15).

Doctrine divine et humaine.

Leur différence: la doctrine divine possède la vérité, tandis que la doctrine humaine est fausse (Ps 18, 8).

Dulie.

Voir: Culte.

Écriture sainte.

Dans l'Écriture sainte, on trouve le mode narratif, d'admonestation, d'exhortation, de commandement, de discussion, de dépréciation ou de louange (Prologue).

L'arc symbolise la Sainte Écriture (Ps 7, 14).

Les choses qui sont exprimées en image dans l'Écriture sont des signes de la vérité spirituelle (Ps 17, 11b).

Voir aussi: Doctrine.

Eau.

"Des grandes eaux", c'est-à-dire du baptême, ou de la multitude des péchés (Ps 17, 1).

"L'eau du repos", c'est l'eau du baptême. Ou bien il s'agit de l'eau de la sagesse, la doctrine sacrée (Ps 22, 2).

"Voix du Seigneur sur les eaux." Les hommes sont comparés aux eaux qui s'écoulent et ne reviennent point. Ou bien ce sont les eaux du baptême (Ps 28, 5).

"Le Seigneur fait habiter le déluge." Le Seigneur fait habiter le déluge, c'est-à-dire les eaux baptismales, que lui-même habite par l'effet de sa grâce (Ps 28, 10).

"Les sources des eaux." L'eau des grâces émane de la source qui est Dieu le Père.

Elle émane aussi du Fils, en tant qu'il est également Dieu. Et pareillement de l'Esprit-Saint (Ps 41, 2).

Voir aussi: Baptême, Péché.

Église.

La constitution de l'Église est préfigurée dans le psaume 2. Car dès son origine les rois de la terre prescrivirent des lois contre le Christ et les chrétiens, mais par la suite ils édictèrent des lois en faveur du Christ (Ps 2, 11).

L'Église fut formée du côté du Christ mort sur la croix (Ps 3, 6).

L'Église devait être édifiée par la Passion du Christ (Ps 27, 2).

Au sens spirituel, pressoir signifie l'Église (Ps 8, 1).

Au sens spirituel, la lune c'est l'Église (Ps 8, 4; Ps 10, 3).

Par la tente ou le tabernacle est signifiée l'Église militante (Ps 14, 1; Ps 18, 6).

Le temple de Dieu c'est l'Église (Ps 17, 7).

La terre, c'est l'Église qui est une bonne terre produisant du fruit en abondance (Ps 23, 1).

Le globe signifie l'Église et tous ceux qui l'habitent (Ps 23, 1).

Au sens mystique, par tabernacle ou tente est signifiée la Sainte Église (Ps 28, 1; Ps 29, 1; Ps 41, 5a).

Si l'on recourt à cette tente ou à ce tabernacle, et aux mystères de sa foi, on y trouve une défense sûre contre le blasphème, les fausses doctrines, "contre la contradiction des langues" (Ps 30, 21).

L'Église est une cité fortifiée (Ps 30, 22).

L'Église est comparée à une outre à cause de son unité (Ps 32, 7).

Le royaume de Dieu est l'Église (Ps 33, 1).

La maison de Dieu c'est l'Église (Ps 35, 9).

La grande assemblée, c'est l'Église catholique, qui est grande par son pouvoir, sa fermeté et sa diffusion (Ps 39, 10).

Les os de l'Église ce sont les forts, par exemple les dignitaires ou les hommes parfaits (Ps 41, 11).

La montagne et le tabernacle désignent l'Église présente ou bien l'Église céleste (Ps 42, 3).

L'Église est appelée porte du ciel (Ps 42, 3).

L'Église est l'épouse du Christ, dont la dignité est d'être reine, dont la gloire est la prérogative qu'elle a de se tenir à sa droite, dont la parure est d'or (Ps 44, 10b).

La cité de Dieu est l'Église (Ps 45, 5).

Par le firmament est désignée l'Église (Ps 47, 1).

Par la robe du Christ qui n'est pas déchirée est signifiée l'unité de l'Église que quiconque croit détenir; mais il n'en existe pas à l'exception d'une seule, car unique est l'unité de l'Église (Ps 21, 19).

L'Église "est fondée au-dessus des mers", c'est-à-dire au-dessus des tribulations, et "au-dessus des fleuves", c'est-à-dire des persécutions auxquelles elle est préparée en vue des couronnes des martyrs. Ou bien "au-dessus des mers", c'est-à-dire au-dessus des amertumes (Ps 23, 2).

L'Église est fondée sur le Christ (Ps 47, 2).

L'Église a été établie pour dispenser les bienfaits de la grâce (Ps 47, 2).

L'Église du Christ ne peut en aucune manière être abattue, même après sa résurrection (Ps 3, 7).

La clarté de la lune vient du soleil, la clarté de l'Église vient du Christ (Ps 10, 3).

L'Église devient obscure dans l'engouement pour la nouveauté, lorsque les prédicateurs et les docteurs ne sont pas en elle; elle devient sanguinolente à cause de la persécution des tyrans, noire à cause des nuages, c'est-à-dire à cause de la séduction des hérétiques (Ps 10, 3).

L'homme se sépare de l'Église par le péché, par l'excommunication, et par le schisme ou par l'hérésie (Ps 26, 4).

Par les vêtements du Christ sont signifiés les sacrements de l'Église (Ps 21, 19).

L'Église est revêtue d'un double vêtement: le premier est la doctrine des deux Testaments, l'autre vêtement est l'acte vertueux (Ps 44, 10b).

Il y a trois choses dans l'Église qui relèvent de son organisation: on y trouve une multitude de citoyens de condition libre; tout ce qui est nécessaire à la vie; et enfin l'unité (Ps 45, 5).

Dans l'Église il y a beaucoup de lampes ardentes, comme les fidèles et les saints.

Il y a aussi beaucoup de gens obscurs, comme les infidèles et les pécheurs (Ps 17, 29).

Dans l'Église les intimes sont les hommes parfaits qui louent Dieu spécialement dans leur coeur (Ps 21, 23).

Les proches de l'Église sont ceux qui ne sont pas encore convertis, mais qui ont le propos de se convertir (Ps 30, 12).

Dans l'Église il y a des pécheurs et des gens de mauvaise vie, si bien qu'en raison d'eux l'Église est tenue pour méprisable auprès de ceux qui devraient s'en approcher (Ps 30, 12).

Celui qui habite dans l'Église jusqu'à la fin habite en elle pour toujours (Ps 26, 4). La maison appartient à ceux qui se reposent; ainsi l'Église attend-elle le repos de la Patrie (Ps 29, 1).

L'Église dit le verset: "Sois attentif à me secourir" au début de toutes les heures, parce qu'il a un pouvoir contre les tentations (Ps 37, 23).

Éloignement.

De Dieu: par le fait qu'on se détourne de Dieu, on devient inutile (Ps 13, 3).

Enfer.

L'enfer est l'obstination de l'esprit dans le péché, et sa cause est l'oubli de Dieu (Ps 9, 18).

Envie.

L'envie est une tristesse éprouvée à propos de la prospérité des bons (Ps 36, 1).

Espérance.

Objet de.

L'objet de l'espérance est un bien ardu, futur, possible à acquérir (Ps 17, 3b).

Différence entre espérance et amour.

L'amour est une vertu unitive. Nous aimons quelque chose dans la mesure où nous la considérons comme nôtre. L'espérance introduit une défense par rapport à ce qui vient de l'extérieur (Ps 17, 3b).

Raisons d'espérer dans le Seigneur.

Il y a trois raisons qui doivent susciter l'espérance dans le Seigneur: d'abord la providence divine; ensuite la miséricorde; enfin la puissance (Ps 20, 8).

Droiture de.

L'espérance ne peut être droite dans l'homme, mais en Dieu (Ps 30, 2a).

Effet de.

L'effet de l'espérance est la joie spirituelle (Ps 30, 7b).

Esprit-Saint.

L'Esprit-Saint est un feu qui brûle tout ce qu'il y a de charnel dans les jouissances, et de vain dans la pensée (Ps 25, 2), et qui dissout la dureté des coeurs (Ps 45, 10).

L'Esprit-Saint est répandu partout, et demande d'être reçu par tous les hommes, à moins qu'on ne s'en cache par malice (Ps 18, 7).

L'Esprit-Saint est un scribe qui écrit rapidement dans le coeur de l'homme (Ps 44, 2).

L'Esprit-Saint est appelé huile (Ps 44, 8).

Il est l'amour de Dieu (Ps 44, 8).

L'Esprit-Saint est cause de la joie (Ps 44, 8).

L'Esprit-Saint est du Père et du Fils (Ps 45, 5).

L'Esprit-Saint est un "vent véhément" (Ps 47, 8).

L'Esprit-Saint réchauffe (Ps 18, 7) et nourrit la chaleur de l'amour en nous (Ps 44, 8).

L'acte de fondre le coeur est aussi l'oeuvre du Saint-Esprit (Ps 21, 15).

L'amour de l'Esprit-Saint fait irruption dans l'âme à la manière d'un torrent (Ps 35, 9).

Il envahit soudainement le coeur de sa grâce (Ps 45, 5).

L'Esprit-Saint se communique comme l'huile qui se répand (Ps 44, 8).

L'Esprit-Saint éclaire comme l'huile (Ps 44, 8).

L'Esprit-Saint meut le coeur par un élan d'amour (Ps 45, 5).

L'Esprit-Saint meut le coeur en vue d'agir (Ps 45, 5).

L'Esprit-Saint fait aimer Dieu (Ps 45, 5).

L'Esprit-Saint aide l'Église par son illumination spirituelle (Ps 45, 6).

L'Esprit-Saint habita la Vierge bienheureuse, réjouit et sanctifia le Christ dans le sein de sa mère, après que son corps fut formé et son âme créée (Ps 45, 6).

L'Esprit-Saint confirme de deux manières: en affermissant contre les maux et en confirmant dans le bien (Ps 50, 14).

L'Esprit-Saint accomplit trois choses dans l'homme. D'abord la rectitude de l'intention. De même il les sanctifie. Semblablement il les ennoblit et fait d'eux des princes (Ps 50, 14).

Dons.

Le contenu du psaume 28 se rapporte aux dons du Saint-Esprit. Voir en particulier le commentaire des versets 5 à 9.

Sceau.

Nous sommes marqués du sceau de l'Esprit (Ps 4, 7a).

État de grâce.

L'état de grâce est un commencement de gloire (Ps 30, 20).

Exultation.

L'exultation est la joie qui se répand au-dehors par des signes extérieurs. Elle exprime la grandeur de la joie (Ps 30, 8a).

Voir aussi: Homme (Exultation).

Famine.

"Dans les jours de famine." Au sens littéral il s'agit de la famine temporelle que Dieu prévoit parfois pour éprouver. Au sens spirituel il s'agit de la famine de la parole de Dieu ou encore de la famine qui aura lieu dans la vie future, là où les injustes auront faim (Ps 36, 19).

Fils de Dieu.

Le Fils est la main du Père (Ps 16, 14).

Il y a deux avènements du Fils de Dieu. Le premier fut caché quant à sa divinité et à sa gloire qui étaient cachées sous la faiblesse de la chair. Le second avènement sera manifeste (Ps 9, 1).

On dit du Fils de Dieu qu'il s'humilie et incline les cieux, car il a voulu venir à nous dans l'humilité (Ps 17, 11b).

Voir aussi: Christ.

Foi.

L'acte de foi consiste à confesser Dieu, soit en croyant dans le coeur, ou bien extérieurement en le louant, en témoignant par des faits (Ps 15, 2).

Force.

La force a pour objet d'affermir l'âme, de crainte qu'elle ne s'éloigne du bien à cause de difficultés imminentes (Ps 17, 2).

Gloire.

On distingue deux sortes de gloire chez l'homme: la gloire naturelle et spirituelle (Ps 7, 6).

Deux choses sont requises pour celui qui veut parvenir à la gloire qui est promise: la première c'est l'humilité, la seconde c'est la prière par laquelle on parvient à Dieu (Ps 36, 6-7a).

Grâce.

La grâce protège intérieurement sans supprimer les faiblesses extérieurement (Ps 32, 7).

La grâce de l'Esprit-Saint [...] découle de la surabondance du Christ (Ps 44, 8).

La grâce de l'Esprit réjouit l'Église en descendant en elle (Ps 45, 5).

La grâce qui rend agréable à Dieu est appelée gratum faciens (Ps 50, 13).

La grâce produit deux effets dans l'homme: l'un a trait aux réalités supérieures, parce qu'il donne la joie. L'autre effet a trait aux réalités inférieures. Et cet effet est la confirmation dans la grâce qui s'opère par le Saint-Esprit (Ps 50, 14).

Graisse.

La graisse dans l'Écriture est parfois comprise dans le sens du bien, parfois dans le sens du mal. Dans le sens du bien, en tant qu'elle exprime la ferveur de l'âme. Dans le sens du mal: d'abord en tant qu'elle signifie la méchanceté du coeur. Puis celle de la bouche. Enfin celle de l'action (Ps 16, 10).

Il y a dans l'homme deux sortes de graisse au sens spirituel. L'une, mauvaise, est due aux jouissances corporelles; l'autre, la bonne, est la graisse de la dévotion (Ps 38, 12).

Haine.

Il y a deux sortes de haine. La première haine est bonne, c'est lorsqu'on hait le péché ou le pécheur à cause de la faute. Semblablement il y a une haine inique, c'est lorsqu'on hait la nature ou la justice (Ps 24, 19).

Héritage.

Sens du mot.

Pour les mondains, il s'agit des possessions matérielles ainsi que de leurs jouissances. Pour les spirituels, il s'agit de la possession de Dieu.

Ou bien pour le Christ, l'héritage ce sont les fidèles, et de cet héritage Dieu est la part.

Ou bien le mot héritage signifie la clarté du corps que l'homme a perdue en péchant (Ps 15, 5).

Homme.

L'homme a été créé pour jouir de Dieu (Ps 13, 3).

L'homme a été fait pour voir Dieu par la foi et par l'espérance, à présent par la foi dans la lumière, c'est-à-dire la vérité créée ou incréée; dans la Patrie face à face (Ps 35, lob).

L'homme a été créé de telle sorte que s'il n'avait jamais péché, il ne serait pas mort, et ainsi ses jours n'auraient pas été mesurables (Ps 38, 6a).

On distingue dans l'homme quatre choses: la raison, les puissances sensitives, les facultés naturelles et le corps (Ps 17, 9).

Il y a principalement deux choses dans l'homme: la volonté et l'intelligence. La volonté de l'homme doit être soumise à la volonté divine, et l'intelligence doit être dirigée selon la loi de Dieu (Ps 39, 9).

L'homme a une double demeure: extérieure, et cette dernière ne subsiste pas toujours; et intérieure, à savoir la conscience, et celle-ci subsiste, soit bonne, soit mauvaise (Ps 48, 12).

Il y a deux sortes de force dans l'homme. La première est la force corporelle, et elle est faite d'os et de nerfs. La seconde est la force de l'âme qui se trouve dans le coeur (Ps 21, 15).

Il y a deux genres d'hommes. Certains mettent leur espérance dans le pouvoir séculier. D'autres mettent leur espérance en Dieu (Ps 19, 8).

L'homme est corruptible, mais pour peu de temps (Ps 8, 6).

Une fois dans la Patrie, l'homme connaîtra toutes choses sans avoir recours au raisonnement, et il sera corporellement incorruptible (Ps 8, 6).

L'honneur de l'homme consiste en ce que son âme ne périt pas non plus avec son corps (Ps 8, 6).

La beauté de l'homme en cette vie n'est qu'une prospérité temporelle, c'est pourquoi elle est comparée à la fleur. Et cette beauté, de par sa nature propre, n'a pas la capacité de la mesure. Mais d'où tient-elle sa force, sa stabilité et sa constance ? Assurément, "de la volonté de Dieu" (Ps 29, 8).

La beauté spirituelle de l'homme, de par sa nature propre, n'est pas forte elle non plus, car l'homme possède cette beauté "dans un vase d'argile", et il a besoin "d'être revêtu de la force d'en haut et de l'éclat de la puissance par la volonté divine" (Ps 29, 8).

L'homme adhère à Dieu de deux manières: en le contemplant et en le connaissant par l'intelligence, et en l'aimant par l'affection (Ps 32, 12).

On parvient à Dieu par les souffrances de l'âme et par la connaissance (Ps 42, 3).

L'homme doit avoir deux dispositions à l'égard de Dieu: que son intelligence se fixe intérieurement dans la connaissance de Dieu et que son affection tende vers Dieu comme vers sa fin (Ps 52, 3).

Plus l'homme s'approche de Dieu, plus il s'aperçoit qu'il est petit (Ps 30, 23a).

L'image de Dieu se découvre chez l'homme par le raisonnement (Ps 8, 6).

Tout homme aime le beau: les charnels aiment le beau charnel, les spirituels aiment le beau spirituel, et c'est la beauté de la maison de Dieu (Ps 25, 8).

Tout homme passe comme une image, car ou bien il représente en lui par ses oeuvres l'image de l'homme céleste, ou bien par ses oeuvres mauvaises l'image du terrestre (Ps 38, 7).

Deux choses préservent l'homme du mal: la crainte de Dieu et l'amour de la vérité (Ps 11, 2).

L'homme doit se garder avec un soin attentif de tout péché, et principalement du péché de la langue, car il se laisse entraîner facilement à ces péchés (Ps 38, 2).

Les hommes se comportent de trois manières dans les tribulations. Il y a ceux qui maudissent ceux qui les persécutent; d'autres qui les bénissent; d'autres qui ont un comportement intermédiaire, et ce sont ceux qui parviennent au moins à se taire (Ps 38, 4).

L'homme a recours à Dieu dans l'adversité, comme à l'égard d'un défenseur; dans la prospérité il invoque Dieu avec joie (Ps 43, 2).

L'homme saint a trois choses en Dieu: son refuge, sa gloire, le secours lui-même (Ps 43, 10).

L'homme doit exulter pour deux raisons: pour les biens de la grâce reçus, et pour les biens de la gloire attendus (Ps 32, 3).

L'homme doit être miséricordieux à la manière de Dieu, qui n'attend pas qu'on lui demande toujours (Ps 40, 2).

L'homme doit persister dans ce qui regarde la foi, et dans la droite opération (Ps 43, 18).

Nous sommes d'abord oints de l'onction sacerdotale en préfiguration du royaume futur: car nous sommes rois et libres. Et parce que nous souffrons encore de nos ennemis, nous serons ensuite oints d'une double gloire actuelle: avec la parure de gloire de l'âme et du corps (Ps 26, 1).

L'homme a été établi par Dieu comme roi des créatures inférieures (Ps 8, 6).

L'homme est gloire, c'est-à-dire clarté de l'image divine (Ps 8, 6).

La jeunesse de l'homme est comparée à une fleur: car de même qu'une fleur annonce du fruit, ainsi la jeunesse de l'homme la vie future (Ps 27, 7).

Les hommes sont appelés anges parce qu'ils ont une petite ressemblance avec eux (Ps 8, 6).

Il y a en nous une double ignorance par rapport à la connaissance de Dieu. Ou bien nous ignorons quelque chose à cause de notre faiblesse, ou bien à cause de notre limite. Par faiblesse, nous ignorons un événement qui doit arriver parce qu'il n'a pas encore de vérité déterminée. Par notre limite nous ignorons les réalités divines qui dépassent notre capacité (Ps 50, 8b).

Une chose peut être ignorée en nous de deux manières. D'abord en soi, puis en nous. En soi, sont ignorées de nous les choses qui portent d'abord sur l'être, comme la contingence, la matière première, le mouvement et le temps. Puis, sont ignorées en nous les choses qui surpassent notre connaissance (Ps 52, 1).

Honte.

Il y a deux sortes de sentiment de honte: le premier est en fonction de la vérité: et c'est le sentiment de honte dû au péché. L'autre sentiment de honte est relatif à la réputation, à savoir les abjections et les opprobres que l'on subit extérieurement (Ps 43, 16).

On rougit de honte pour trois raisons. Ou bien lorsqu'on est opprimé par un ennemi, ou bien lorsqu'on est déçu dans son espérance, ou encore lorsqu'on repasse en son esprit les péchés que l'on a commis (Ps 24, 2).

Humilité.

L'humilité fait tenir debout (Ps 35, 13).

L'humilité fait courber le corps, et cet acte doit durer toute la vie (Ps 37, 7).

Hymne.

Une hymne est une louange divine accompagnée du chant (Prologue, p. 34).

Imprécation.

Sens du mot dans les Prophètes.

Toutes les imprécations qu'on lit dans les Prophètes peuvent se comprendre de trois manières. Ou bien, sous forme d'annonce, car ils parlaient sous l'esprit de Dieu et prédisaient l'avenir. Sous forme de prière, autrement dit: "Détourne, etc.", c'est-à-dire tu détourneras. Ou bien, en conformité avec la justice divine. Enfin, selon une signification spirituelle. Les pécheurs, lorsqu'ils cessent de pécher, meurent alors et cessent d'être pécheurs. Et cela doit faire l'objet d'une supplication incessante (Ps 53, 7).

Incarnation.

Fruits du mystère.

Le mystère de l'Incarnation comprend deux fruits: d'abord celui de l'abaissement des démons, puis celui de la conversion des hommes (Ps 7, 7).

Incrédulité.

La diversité de la foi et du culte divin contribue surtout à l'incrédulité (Ps 54, 15).

Indignation.

L'indignation est une tristesse éprouvée à propos des biens qui échoient à ceux qui en sont indignes (Ps 36, 1).

Innocence.

Allégation.

L'allégation de l'innocence peut parfois provenir de l'orgueil, c'est-à-dire lorsque quelqu'un l'attribue à soi, et c'est un mal; parfois elle vient de la miséricorde divine, et c'est un bien (Ps 25, 2).

Insulte.

Cause et origine.

La cause et l'origine d'une insulte est triple. Elle émane du coeur, des actes et de la bouche (Ps 34, 19).

Intelligence.

Voir: Raison.

Jalousie.

Il y a jalousie à proprement parler, lorsque quelqu'un s'afflige du bien d'autrui du fait que lui-même n'est pas en possession de ce bien (Ps 36, 1).

Joie.

La joie exprime la dilatation intérieure du coeur (Ps 30, 8a).

Il y aura dans la maison de Dieu trois sortes de joie. L'exultation résultant des biens acquis; la louange pour les bienfaits de la grâce; la réfection spirituelle (Ps 41, 5b).

La vision du visage de Dieu, soit en cette vie en espérance, soit dans la Patrie, constitue la matière principale de la joie (Ps 41, 6).

Il faut savoir que la joie spirituelle comprend trois degrés. Le premier consiste en la complaisance du sentiment. Le deuxième dans la dilatation du coeur. Le troisième dans l'expansion vers l'extérieur (Ps 50, 10).

On peut donner trois raisons pour lesquelles la joie est inhérente au matin.

La première vient de la disposition extérieure: car le matin est le commencement de la lumière qui réjouit. La deuxième vient de la disposition intérieure: car le matin est le moment du sang, où l'homme est disposé à joie. La troisième provient de la nature du sommeil. Car le sommeil est le repos des animaux; c'est pourquoi la tristesse s'apaise par le sommeil.

Au sens mystique, "au matin", à cause de l'annonce de la résurrection du Christ, ce fut la joie. Ou bien "au matin", lorsque la lumière spirituelle brille de nouveau dans l'homme, alors c'est la joie (Ps 29, 6).

La joie doit aussi être associée à la pénitence (Ps 42, 2).

Jour.

Sens du mot.

"Le jour", c'est-à-dire Gabriel, "profère la parole au jour", c'est-à-dire à la Vierge Marie la parole du Sauveur (Ps 18, 3).

"Les jours" peuvent se comprendre de trois manières. Il s'agit d'abord des jours de la vie présente. D'autres jours sont les oeuvres vertueuses. D'autres sont les jours de l'éternité et de la justice (Ps 36, 18).

On peut parler de jour mauvais quand un danger y survient, et surtout quand menace le danger de la damnation éternelle, et tel est le jour du jugement (Ps 48, 6).

Juge.

Aptitude.

Deux qualités sont requises pour l'aptitude d'un juge: qu'il soit sage et juste (Ps 7, 10).

Jugement.

Il y a un double jugement: de discussion ou d'examen, et de condamnation (Ps 1, 5; Ps 5, 11b).

Il y a un triple jugement: de condamnation, de purification, de discernement (Ps 34, 1).

Il y a deux sortes de jugement: un jugement de sévérité, et un jugement de miséricorde ou d'équité; ou bien un jugement de discussion et de discernement (Ps 42, 1).

Trois choses sont requises dans un jugement: d'abord que le juge assume sa charge pour juger, puis qu'il considère les mérites de la cause, enfin qu'il profère une sentence juste (Ps 34, 23-24a).

Dans la discussion d'un jugement trois choses sont nécessaires. Une première chose est requise de notre côté; une autre du côté de Dieu; une troisième est la discussion elle-même. De notre côté est requise non seulement une écoute extérieure matérielle, mais aussi une écoute intérieure. Du côté de Dieu sont requis la parole et le témoignage (Ps 49, 7-16).

La procédure du jugement est double: la première met un obstacle aux maux que les ennemis projettent (Ps 5, 11c). La seconde les chasse de la compagnie des bons (Ps 5, 11d).

Jugement dernier.

Au jugement dernier trois choses auront lieu. Il y aura d'abord un feu embrasant la surface du monde. Puis la sentence du jugement au cours de laquelle Dieu reprochera aux impies leurs péchés, et proférera la sentence de damnation, soit de manière vocale, soit de manière mentale. Enfin les impies seront enveloppés par le feu (Ps 20, 10).

Au jour du jugement un feu se divisera par la puissance divine, car il y aura une chaleur extrême sans lumière par un feu enveloppant les réprouvés; et il y aura un feu resplendissant sans chaleur pour la gloire des élus (Ps 28, 7).

Justice.

Les deux parties de la justice sont de faire le bien et d'éviter le mal (Ps 13, 1; Ps 33, 15; Ps 36, 27).

Notre justice vient de Dieu (Ps 34, 24).

Les hommes satisfont à la justice par leur propre jugement (Ps 1, 5).

Justification.

Deux choses sont nécessaires à la justification: l'aversion du péché et la conversion à Dieu (Ps 51).

Latrie.

Voir: Culte.

Loi.

La loi humaine régit les choses qui relèvent de cette vie seulement, tandis que la loi divine ordonne en vue de la vie future (Ps 18, 8).

Dans la loi humaine les choses illicites sont permises, comme l'usure et la prostitution, car elle ne peut corriger toutes choses. Telle n'est pas la loi du Seigneur, car elle est "sans tache", c'est-à-dire excluant tous les maux (Ps 18, 8).

La loi ancienne accomplissait imparfaitement, la loi nouvelle parfaitement; car la loi ancienne réprime par des peines temporelles, qui châtient la main, mais la loi nouvelle réprime par des peines éternelles, qui châtient le coeur (Ps 18, 8).

Trois choses sont contenues dans la loi: les témoignages, les jugements et les préceptes (Ps 18, 8).

Louange.

La louange est une parole qui met en lumière la grandeur d'une vertu, ou qui en résulte du moins (Ps 17, 4).

La louange est le sacrifice de Dieu, en tant qu'elle est le signe de la dévotion intérieure; car la louange signifie que l'homme offre son esprit à Dieu, et Dieu veut que cela lui soit rendu (Ps 49, 14).

La louange de Dieu doit procéder de la joie du coeur (Ps 46, 2).

Dieu doit être loué à cause de la hauteur de sa nature (Ps 46, 2).

Maison.

On distingue deux sortes de maisons spirituelles du seigneur, et la troisième est matérielle, c'est l'Église, demeure qui apporte le salut. La maison spirituelle de Dieu, c'est l'Église militante. L'autre c'est l'Église triomphante (Ps 26, 4).

On habite dans la maison du Seigneur par la foi et la charité, et par la conformité des bonnes oeuvres (Ps 26, 4).

Voir aussi: Église.

Mal, maux, malice.

Le fait que l'homme ne garde pas Dieu dans son coeur constitue le principe de la malice (Ps 13, 1).

La malice du coeur est multiple. Parfois il s'agit de la délectation du péché que les méchants commettent. De même il s'agit de l'orgueil et de la fausseté. Ou encore de la passion charnelle (Ps 16, 10).

Il y a trois sortes de maux qui correspondent à trois péchés. Ou bien il y a le péché contre Dieu, ou contre le prochain, ou contre soi (Ps 25, 4-5).

Se détourner du mal est méritoire à la seule condition qu'une telle volonté soit informée par la charité, c'est-à-dire que le but de se détourner du mal soit en vue de Dieu (Ps 33, 15).

Selon Grégoire, les maux qui nous oppriment ici-bas nous contraignent à marcher vers Dieu (Ps 54, 7).

Deux choses préservent l'homme du mal: la crainte de Dieu et l'amour de la vérité (Ps 11, 2).

Mansuétude.

La mansuétude est une vertu qui apaise la colère (Ps 24, 9).

Matin.

Sens du mot

Le mot matin s'entend de quatre manières: il signifie le jour naturel; la vie humaine; le jour de la grâce de la première conversion de l'homme à Dieu; l'éternité (Ps 5, 5).

Ou bien, par matin, on entend le principe d'une bonne oeuvre (Ps 45, 6).

Méchants, mauvais, injustes.

Les méchants nient que Dieu est en raison de sa sublimité (Ps 52, 3).

Il en est qui pervertissent leur instinct naturel, et ces derniers rejettent la connaissance de Dieu (Ps 8, 3).

Selon Aristote, un homme mauvais est pire qu'une bête mauvaise, parce qu'avec la malice il possède l'intelligence afin d'inventer encore des maux divers (Ps 48, 13).

Il est au pouvoir de l'homme injuste de se proposer de pécher, et cela ne dépend pas du destin lié aux étoiles (Ps 35, 2).

Les méchants se haïssent eux-mêmes en quelque façon. Ils haïssent ce qui a trait à la nature raisonnable (Ps 10, 6b).

Le méchant trompe le prochain de trois manières: dans les promesses, et cela par serment, dans les contrats, dans les jugements (Ps 14, 5).

Les méchants se nourrissent de biens extérieurs (Ps 1, 4).

Leur sort

En bien: ce sort entraîne la honte de leurs péchés, la douleur de leurs péchés, la conversion à Dieu, la honte (Ps 6, 11).

En mal: le sort des méchants est comparé à poussière qui est sans consistance, éparpillée, sèche et aride (Ps 1, 4). Aussi ne ressusciteront-ils pas (Ps 1, 5).

Ils rougiront à cause du dévoilement de leur péché devant tous, et la reconnaissance de leur péché sera pour eux un objet de confusion (Ps 6, 11).

Mensonge.

Il y a trois sortes de mensonges: le mensonge pernicieux qui nuit à quelqu'un, soit spirituellement, soit matériellement; le mensonge joyeux qui est proféré pour amuser; le mensonge officieux qui est proféré en vue d'un avantage temporel ou spirituel (Ps 5, 7).

Le mensonge pernicieux est le plus grave. Il est toujours mortel. Le mensonge officieux peut être quelquefois véniel. Le mensonge joyeux est toujours véniel (Ps 5, 7).

Miséricorde.

La miséricorde est une tristesse éprouvée à propos du malheur des bons (Ps 36, 1).

La miséricorde de Dieu a deux sens: c'est l'effet de la grâce, effet qui est conféré dans les sacrements. Selon une autre interprétation, la miséricorde est le Christ lui-même, qui nous a été donné par la miséricorde de Dieu (Ps 47, 10).

On dit de la miséricorde divine qu'elle est grande en raison de l'incompréhensibilité avec laquelle elle accomplit toutes choses, à cause de sa sublimité, pour sa constance, pour sa puissance, quant à son effet (Ps 50, 3).

Au ciel il n'y a aucune misère, et c'est pourquoi la miséricorde n'est plus nécessaire; tandis que la terre, sur laquelle l'homme est saturé de multiples misères, a besoin de la plénitude de la miséricorde (Ps 32, 5; Ps 37, 3).

La miséricorde prévenante et la miséricorde subséquente sont nécessaires: la miséricorde prévenante est nécessaire parce qu'elle inspire l'âme, et la miséricorde subséquente aide à la réalisation (Ps 22, 6).

La miséricorde se manifeste dans l'homme lorsqu'il compatit aux malheurs d'autrui. Mais en Dieu ce n'est pas selon ce mode, car Dieu est impassible et "ne compatit pas". Il y a miséricorde en Dieu lorsqu'il éloigne l'adversité en toute chose, de telle sorte que les adversités sont largement assumées à la place de ce défaut (Ps 24, 10).

La miséricorde divine est utile aux justes afin qu'ils ne se prévalent pas de leur justice (Ps 50, 1-2).

La miséricorde de Dieu apporte la paix aussi bien dans la prospérité que dans l'adversité (Ps 41, 9).

On peut espérer en la miséricorde divine pour une double raison: la première raison vient de la considération de la nature divine, la seconde vient de cette considération et de la multitude de ses effets (Ps 50, 3).

Dans l'Église tous reçoivent en général la miséricorde: mais les bons avec les sacrements reçoivent la miséricorde, c'est-à-dire la grâce, et l'effet du sacrement; tandis que les mauvais reçoivent seulement le sacrement.

Ceux qui ne reçoivent pas la doctrine commune de l'Église ne reçoivent pas cette miséricorde (Ps 47, 10).

Par la miséricorde l'homme satisfait pour ses péchés (Ps 40, 2).

La miséricorde abonde toujours avec la tentation (Ps 25, 3).

Monde.

Dans le monde se trouvent Dieu, les anges, les animaux, les plantes et les éléments (Ps 17, 9).

Ce monde est le lieu des voyageurs, non de ceux qui habitent en un lieu déterminé, car ils sont dans un mouvement continuel (Ps 18, 6).

Musique.

La musique doit être simple, afin qu'en se consacrant aux choses divines les hommes soient détournés des choses matérielles (Ps 32, 3).

Harmonies musicales.

Dans tous les cultes on a pratiqué des harmonies musicales dans le but d'inciter l'âme humaine à se tourner vers Dieu (Ps 32, 2).

Les hommes se sont habitués à la pratique de cette harmonie musicale de deux manières: parfois en recourant aux instruments de musique, mais parfois aux chants (Ps 32, 2).

Le sentiment de l'homme par les instruments et les harmonies musicaux se dispose à trois choses: il s'établit parfois dans une rectitude et fermeté d'âme, parfois il est ravi vers la hauteur, parfois il repose dans la douceur et la joie (Ps 32, 2).

Chants.

Trois genres de chant ont été institués. Le premier genre comprend le chant dorien, qui correspond au premier et au deuxième ton. Le deuxième genre comprend le chant phrygien, qui correspond au troisième ton. Le troisième genre est le chant hippolydien, qui correspond aux cinquième et sixième tons. Les autres ont été découverts par la suite (Ps 32, 2).

Il y eut deux genres de chant dans l'ascension du Christ: celui des Apôtres et celui des Anges. Les Apôtres, eux, ont une connaissance imparfaite des réalités divines; et c'est pourquoi la jubilation exprimant la joie de l'ascension du christ en gloire leur convient. Semblablement il y eut les Anges, qui eux eurent une connaissance claire; mais à ces derniers ne convient pas la jubilation, mais l'annonce manifeste (Ps 46, 6).

Instruments.

Certains instruments donnent le premier ton, comme la flûte et la trompette; d'autres donnent le deuxième ton, comme l'orgue; d'autres le troisième, comme le psaltérion et la cithare (Ps 32, 2).

"Je te louerai sur la cithare." Sur la cithare, à différence du psaltérion, car le psaltérion donne un son aigu et signifie que nous avons acquis les joies célestes. La cithare donne un son grave et signifie que nous sommes libérés des maux du monde (Ps 42, 4).

Au sens mystique les dix cordes du psaltérion signifient la loi de Dieu qui comprend dix préceptes (Ps 2, p. 45).

Le psaltérion donne le son le plus haut, et signifie la louange qui a trait aux biens célestes (Ps 32, 2).

Nature.

Seule la nature douée de raison est capable de Dieu, en connaissant et en aimant (Ps 8, 5).

Nombre.

Signification.

Huit: par le nombre huit est signifiée la résurrection (Ps 6, 1).

Quatre: par le nombre quatre est signifiée la première vie, parce que c'est le nombre des corps (Ps 6, 1).

Trois: par le nombre trois est signifiée la seconde vie, laquelle est spirituelle (Ps 6, 1).

Sept: les deux vies achevées, c'est-à-dire la vie corporelle signifiée par le nombre quatre, et la vie spirituelle signifiée par le nombre trois, le nombre sept ayant été atteint, vient alors la joie du jugement et justice est rendue à chacun selon ses mérites (Ps 6, 1).

Nuit.

Le temps de la nuit est le temps propre à la méditation à cause du repos; et c'est pourquoi dans le repos de la nuit l'homme médite et découvre une multitude de choses qui lui procurent la science; et c'est pourquoi c'est le temps consacré à la connaissance (Ps 18, 3).

Oeuvre(s).

Toutes nos oeuvres doivent aboutir à la gloire de Dieu (Ps 9, 3).

La crainte, la connaissance et l'amour de Dieu, sont le principe de toute bonne oeuvre (Ps 52, 2).

Il y a deux genres de bonnes oeuvres. Certaines sont appelées sacrifice lorsque quelqu'un consacre ses biens à Dieu. Mais lorsque quelqu'un donne tout [...], ne se réservant rien, on appelle cela holocauste (Ps 19, 4).

On dit d'une oeuvre qu'elle est impure en raison de la passion charnelle et de la vaine gloire (Ps 17, 25).

Onction.

Voir: Christ, David et Homme.

Orgueil.

Le premier signe distinctif de l'orgueil, c'est lorsque quelqu'un estime pouvoir vivre par lui-même. Le second signe distinctif de l'orgueil, c'est lorsque quelqu'un veut se glorifier en quelque chose de préférence aux autres (Ps 11, 5).

Paix.

La fin de la paix temporelle, selon Aristote, est la contemplation de la vérité. C'est pourquoi la paix est la fin utile de la vie active, et la paix est ordonnée à la contemplation (Ps 45, 11).

Pardon.

Celui qui pèche par faiblesse ou par ignorance obtient facilement le pardon (Ps 17, 23).

Péché.

Le péché est une infirmité spirituelle (Ps 6, 3).

Le péché est le mal souverain (Ps 37, 9).

Les péchés sont les taches de l'âme (Ps 31, 1).

Dans le péché H y a une double difformité ou tache. L'une vient de la suppression de la grâce dont le pécheur est privé: et celle-ci est totalement enlevée, et non couverte, parce que la grâce lui est donnée. L'autre tache est due à un acte peccamineux passé: et celle-ci n'est pas détruite, non qu'on ne lui attribue pas ce qu'il n'a pas fait, mais parce que cet acte ne lui est pas imputé comme faute: et cette tache-là est couverte (Ps 31, 1).

Dans le péché on distingue d'abord l'offense à Dieu, puis la tache, enfin l'obligation à la peine (Ps 31, 1).

Il y a deux genres de péchés: l'un est un péché de transgression, et l'autre d'omission. Et ces derniers, c'est-à-dire les péchés d'omission, sont appelés fautes (Ps 24, 7).

Le péché est double: de transgression, et cela se discerne plus facilement, car l'homme sait qu'il a commis un acte mauvais. D'omission, et cela se voit difficilement, parce que ces actes n'obligent pas sans cesse, mais ils ont lieu en une circonstance déterminée et à un moment donné (Ps 18, 13).

Le péché naît en nous principalement en vertu de trois causes: par la corruption de l'irascible, de la raison et du concupiscible (Ps 4, 5).

Le péché qui est dû à l'orgueil est plus important que celui qui se commet par l'ignorance, ou par la faiblesse: car l'orgueil est le principe et la cause de tout péché (Ps 18, 14b).

Le péché de l'homme est dû au fait qu'il ne se maintient pas sous la règle de la loi divine (Ps 35, 13).

Les causes de l'incitation au péché sont la flatterie, le mépris de Dieu et la présomption (Ps 9, 24-27).

Le premier genre de péché prend son origine en nous, et c'est principalement le péché originel, et ces péchés viennent de la corruption du foyer, c'est le cas des péchés charnels. Parfois ils tirent leur origine d'autrui (Ps 18, 13).

Le péché originel est la racine de toute faute actuelle. Il est unique dans son essence, mais multiple en puissance (Ps 50, 7).

Il y a divers péchés d'origine, mais tous se réduisent à un unique péché (Ps 31, 2).

Quelqu'un commet un péché en acte de deux manières: par une injustice manifeste, et par la fraude (Ps 27, 3).

Le péché commis après la venue du Seigneur est plus grave que celui qui a été commis avant (Ps 12, 1).

Il n'est pas de plus grand péché que de se détourner de Dieu, et cela se fait par l'orgueil (Ps 18, 14b).

Les péchés véniels, quels qu'ils soient ou de quelque manière qu'ils soient commis, ne font pas un péché mortel mais y disposent (Ps 39, 13).

Plus un homme est doué de qualités intellectuelles, et occupe une haute situation, plus la gravité de son péché augmente en lui (Ps 24, 7).

L'iniquité, la fraude et la cruauté aggravent la faute (Ps 34, 7).

Lorsqu'il s'agit d'une ignorance simulée, alors le péché est grave (Ps 35, 4).

Il y a trois choses qui aggravent les péchés: leur multitude, leur gravité et leur réitération (Ps 37, 5).

Le péché de la bouche est aggravé par trois circonstances: à cause de la personne contre laquelle s'adresse l'iniquité, à cause de ce qui est dit, à cause de la racine de ce qui est dit (Ps 30, 1 9b); ou encore par la fréquence et la tromperie (Ps 49, 19).

Le péché est aggravé par deux choses: par l'attachement de celui qui le commet et par le mépris de Dieu (Ps 51).

Trois choses contribuent à la croissance du péché: le mauvais propos, la tentative, et l'effet (Ps 7, 15).

Il y a péché contre l'Esprit-Saint quand on pèche avec une certaine malice, et cela se réalise quand l'obstacle, c'est-à-dire la crainte, est écarté (Ps 35, 2).

Le péché de la bouche se commet de trois manières: parfois en maudissant Dieu ou le prochain, ce qui est proférer un blasphème; parfois en proférant des injures; parfois en trompant (Ps 9, 28).

Ou bien il se commet de deux manières: soit par une malice manifeste, et c'est le mensonge; soit par une fraude cachée, et c'est la ruse (Ps 35, 4).

Le péché du coeur se commet de deux manières: par mépris du bien, et par zèle pour le mal (Ps 35, 4).

Les deux effets du péché sont la souillure de l'âme et le désordre de l'affection (Ps 50, 12).

L'effet de l'état peccamineux est la distraction du coeur (Ps 39, 13).

Tout homme en péchant corrompt sa nature, et c'est pourquoi après le péché la sensualité résiste davantage à la raison (Ps 41, 7).

Le péché a désordonné le corps, et le corps a désordonné l'âme (Ps 40, 5).

Par l'esclavage du péché l'homme est amène au vieillissement, et devient membre du vieil homme (Ps 6, 8).

La douleur du péché est plus grande que toute douleur; non en vérité d'après le sentiment, mais selon la vérité objective (Ps 37, 18).

Les péchés doivent être purifiés par les larmes, car les larmes lavent le péché qu'il est honteux d'avouer (Ps 6, 7).

On obtient la rémission des péchés de trois manières: par les tribulations qui opèrent la rémission des péchés, si on les supporte avec patience. De même par l'humilité. Semblablement par la peine (Ps 24, 18).

Par la confession proprement dite des péchés, et par l'absolution en vertu du pouvoir des clés, la peine est remise, et en raison du sentiment de honte une grâce plus abondante est conférée au pénitent, et il obtient de nombreux biens (Ps 31, 5).

Il y en a qui ne reconnaissent pas leurs péchés pour trois raisons. Parce que la raison est obscurcie par la gravité du péché. Parce que les autres les louent pour leurs péchés. Ou encore, s'ils reconnaissent leur péché, ils ne le détestent cependant pas (Ps 50, 5).

David a toujours son péché devant lui comme une chose hostile, nuisible et détestable. Il reconnaît sa faute et médite continuellement sur celle-ci (Ps 50, 5).

Pécheur.

Les pécheurs sont à proprement parler ceux qui pèchent par habitude, ou qui ont le propos de pécher en acte et qui le mettent à exécution (Ps 27, 3).

Les pécheurs méprisent Dieu pour deux raisons. D'abord, parce qu'ils ne croient pas en Dieu. Puis parce qu'ils croient se suffire à eux-mêmes (Ps 52, 6).

Les pécheurs sont désordonnés dans leur affection de deux manières. D'abord par leur mépris de Dieu. Puis par leur amour désordonné à l'égard des biens temporels (Ps 52, 6).

Les pécheurs ont besoin d'un double remède â cause d'un double mal qu'ils encourent, c'est-à-dire l'offense à Dieu et l'obligation à la peine. Et c'est pourquoi ils ont besoin d'apaiser Dieu et d'être absous de la peine, ce qu'ils ne peuvent faire eux-mêmes (Ps 48, 8).

Les voies du pécheur sont les pensées ou les volontés (Ps 9, 26a).

L'homme se comporte de trois manières dans le péché. Parfois il est en état de concupiscence, et son esprit résiste; et alors il n'atteint pas sa tête. Parfois il consent, mais sous la contrainte de la passion, et alors bien qu'il parvienne à la tête, il ne la dépasse cependant pas. Mais lorsqu'"ils se réjouissent d'avoir mal fait, et tressaillent de joie dans les choses les plus mauvaises", alors les iniquités s'élèvent au-dessus de leur tête (Ps 37, 5).

La tentative du pécheur aboutit selon son intention à la ruine du pauvre, mais selon le dessein de Dieu elle aboutira à l'anéantissement de son pouvoir, et à sa ruine totale (Ps 9, 31).

L'homme qui est en état de péché souffre de trois maux: de la perversité de son action, de la blessure de la nature et de sa faiblesse, de la culpabilité due à un châtiment imminent (Ps 6, 1).

Les pécheurs sont morts dans leurs péchés et n'éprouvent point leurs maux (Ps 34, 14).

Les pécheurs sont inutiles aux autres et vis-à-vis d'eux-mêmes. Aux autres par la parole et l'action (Ps 13, 3b et c). Vis-à-vis d'eux-mêmes en perdant le bien qu'ils possèdent et en étant privés du bien qu'ils espèrent, c'est-à-dire le bonheur (Ps 13, 3d).

Les pécheurs reçoivent en proportion de leurs péchés (Ps 10, 7).

La mort des pécheurs est très funeste, parce qu'ils meurent dans leur corps et dans leur âme (Ps 33, 22).

Peine.

Il y a deux sortes de peines. L'une est infligée par nécessité. L'autre est assumée par la volonté (Ps 24, 17).

Les peines infligées font deux choses: elles affligent le coeur et contraignent extérieurement le corps (Ps 24, 17).

Pénitence.

Les trois parties de la pénitence, contrition, confession et satisfaction, sont mentionnées au psaume 37, 18-19.

Père.

Le Père loue le Christ de trois manières: pour son émanation, sa vertu et son opération (Ps 44, 2).

Peuple.

Le peuple est la multitude des hommes unie par le lien du droit. On dit des Juifs qu'ils sont un peuple, parce qu'ils ont et sont sous la loi de Dieu (Ps 2, 1).

Précepte(s).

On appelle précepte ce qui est pour ainsi dire conçu avec précision, c'est-à-dire en vue de son accomplissement, autrement dit, ce que nous sommes tenus d'accomplir avec précision (Ps 18, 9).

On distingue les préceptes cérémoniels, lesquels sont dus à la seule autorité divine; les préceptes moraux qui se fondent sur l'obligation résultant de toute vertu; les préceptes judiciaires se fondant sur l'obligation qui lie les hommes entre eux par un contrat (Ps 18, 9).

Prédication.

La prédication doit être ordonnée à deux choses: à montrer la magnificence de Dieu, comme lorsqu'on prêche la foi, ou bien à annoncer les bienfaits de Dieu, afin que la charité s'enflamme dans leur coeur (Ps 47, 14).

Prière.

La prière est un acte de la raison (Ps 21, 3).

La prière est une élévation de l'esprit vers Dieu, ou, selon Jean Damascène, une élévation de l'intelligence vers Dieu (Prologue, p. 34).

Dans la prière l'homme s'entretient en particulier avec Dieu (Ps 41, 12).

La prière est l'interprète de l'espérance, et c'est pourquoi elle suit l'espérance (Ps 32, 22).

La prière est l'unique refuge au milieu des tribulations (Ps 16, 1; Ps 34, 13).

La prière doit comprendre trois qualités: elle doit être attentive, droite et fervente (Ps 3, 5).

Il faut s'appliquer sans relâche à la prière (Ps 21, 12b).

La répétition de la prière excite le désir (Ps 54, 2).

Il faut prier "au temps favorable", c'est-à-dire celui de la grâce et de la vie présente (Ps 31, 6a).

N'importe quelle affaire doit toujours commencer par la prière (Ps 36, 5).

On se prépare à la prière de deux manières: ou bien par l'élévation de son esprit vers Dieu, ou bien par la confiance qu'on a en Dieu (Ps 24, 1-2).

Tout saint doit prier (Ps 31, 6a).

Il faut prier afin de recevoir la rémission de nos péchés (Ps 31, 6a).

La prière est inutile si elle ne s'appuie pas sur l'espérance (Ps 30, 15).

L'homme doit d'abord attribuer son propre bien à Dieu, ensuite avoir la justice, puis crier, enfin être exaucé (Ps 4, 2).

Il y a trois raisons pour lesquelles une prière est digne d'être exaucée: la première est la bonté divine; la deuxième les suffrages des saints; la troisième le mérite personnel (Ps 19, 2).

Lorsque la demande procède d'un très profond désir, alors elle est acceptée par Dieu, et dans ce cas, ce n'est pas seulement la bouche qui demande, mais bien plutôt le coeur (Ps 26, 8).

Lorsqu'un homme prie Dieu et n'est pas exaucé, c'est parce que lui-même n'écoute pas celui qui le commande; mais celui qui obéit à Dieu et à sa loi, celui-là est alors exaucé (Ps 37, 16).

Parfois Dieu exauce ce qui est demandé, et non point la demande elle-même, parce que ce qui est demandé, on l'obtient par la grâce et la miséricorde (Ps 53, 4).

Dieu exauce et approuve la prière de celui qui crie ou prie avec une intention droite, mais lorsqu'il crie vers Dieu avec une prière simulée et mensongère, il ne l'exauce pas (Ps 17, 42).

La prière de quelqu'un est méprisée pour deux raisons. Ou bien lorsqu'il ne demande pas à bon droit, ou bien parce qu'il demande non avec piété mais avec orgueil (Ps 54, 2).

Les effets de la prière sont le don de la grâce divine, et en particulier le don d'intelligence, de l'instruction et de la protection de Dieu (Ps 31, 8).

Par la prière l'intelligence de l'homme monte vers Dieu (Ps 41, 12).

L'effet de la prière est la confession de la louange (Ps 42, 4).

Prophétie.

La prophétie traite des choses obscures et cachées qui sont renfermées dans la sagesse divine (Ps 50, 8b).

Il y a un triple mode de prophétie. Par l'intermédiaire des choses sensibles. Par des représentations imaginaires. Par la manifestation de la vérité elle-même. Ce dernier convenant à David (Prologue, p. 36).

Ou bien la prophétie comprend deux modes. Le premier révèle la vérité surnaturelle et intelligible sous des similitudes corporelles et imagées. Le deuxième révèle la vérité surnaturelle et intelligible sans l'ombre de l'imagination irréelle (Ps 50, 8b).

Providence.

La providence est la prévision des événements qui doivent se dérouler dans le futur (Ps 15, 7).

La providence est la cause de l'ordonnance de la création (Ps 23, 2).

Psalmodie.

Psalmodier est une oeuvre manuelle, et par cette oeuvre est signifiée une bonne action (Ps 9, 3; Ps 17, 50).

Nous devons psalmodier, c'est-à-dire nous réjouir par le coeur et par la bouche, et par les oeuvres, à cause des bienfaits reçus (Ps 9, 12).

Psaume(s).

On appelle psaume un cantique que David chantait ou faisait chanter sur le psaltérion (Ps 2, 0).

Le mot psaume vient à proprement parler de psaltérion, qui est un instrument à dix cordes qu'on touche avec la main (Ps 2, 0).

Certains psaumes sont historiques, mais n'ont pas été établis selon le déroulement de l'histoire. Ils ont une signification qui transcende donc leur contexte historique (Prologue, p. 38-39).

En hébreu les psaumes sont ordonnés selon l'ordre des lettres de l'alphabet (Ps 2, p. 45).

Matière.

Le psaume 1 décrit de manière quasi universelle la condition et l'évolution du genre humain.

Le psaume 2 traite des tribulations du psalmiste qui signifient celles du Christ.

Le psaume 3 implore le secours divin contre la tentative des adversaires du psalmiste et il est rédigé sous forme de prière.

Le psaume 4 est une exhortation du psalmiste qui, après avoir fait l'expérience de la miséricorde divine, encourage les autres à ne point désespérer.

Au psaume 5 David demande d'être amené sur la voie de la justice à cause de ses ennemis.

Au psaume 6 David demande que sa chute soit réparée.

Au psaume 7 David demande que ses ennemis soient vengés.

Au psaume 8 le psalmiste rend grâce pour les bienfaits accordés au genre humain tout entier.

Au psaume 9 il rend grâce spécialement pour le bienfait qui lui a été prodigué dans la destruction de ses ennemis.

Au psaume 10 le psalmiste montre la confiance qu'il a conçue à la suite de la libération de ses ennemis.

Dans cette première décade le psalmiste traite de la persécution que lui-même avait soufferte de la part de son fils Absalom, persécution qui préfigurait celle que le Christ souffrirait de la part de Judas.

Dans la deuxième décade il est question de la persécution qu'il a soufferte de la part de Saül, persécution qui préfigurait celle que le Christ souffrirait de la part des princes des prêtres.

Au psaume 11 le psalmiste expose les tromperies de ses adversaires.

Au psaume 12 le psalmiste blâme la tromperie de ses ennemis et il réclame de Dieu un remède contre eux.

Au psaume 13 il expose la malice de ses ennemis.

Au psaume 14 le psalmiste énumère en détail la justice que Dieu exige de l'homme.

Au psaume 15 il montre comment il adhérait lui-même à la justice.

Au psaume 16 le psalmiste demande en priant d'être libéré de ses ennemis.

Au psaume 17 il rend grâce d'avoir été libéré.

Au psaume 18 le psalmiste loue Dieu en tant que bienfaiteur de tout ce qui lui a été accordé.

Au psaume 19 il demande d'être élevé à des biens supérieurs.

Au psaume 20, comme s'il était déjà exaucé, il annonce son exaltation.

Dans la troisième décade il s'agit de la persécution que David eut à souffrir de la part du peuple tout entier, qui le rejeta sur l'ordre de Saül.

Le psaume 21 traite de la tribulation de David et préfigure d'une manière spéciale la Passion du Christ.

Au psaume 22 le psalmiste parle du remède grâce auquel il est soutenu dans sa propre tribulation.

Au psaume 23 le psalmiste fait valoir la puissance de celui qui lui vient en aide.

Au psaume 24 il expose sa prière contre ses tribulations.

Au psaume 25 il expose sa justice pour que sa prière soit agréée.

Au psaume 26 il exprime la confiance en Dieu qu'il a conçue de sa prière.

Au psaume 27, pour ne pas défaillir dans sa confiance, le psalmiste ajoute encore un psaume de prière.

Au psaume 28 le prophète exhorte les autres à l'action de grâce.

Au psaume 29 lui-même rend grâce.

Au psaume 30 le psalmiste expose tout le déroulement de sa libération.

Dans la quatrième décade il est question de la tribulation que les bons endurent de la part des pécheurs.

Le psaume 31 est le deuxième psaume pénitentiel. Dans le premier psaume pénitentiel, c'est-à-dire au psaume 6, le psalmiste traite de la contrition du coeur, tandis que dans celui-ci il traite de la confession.

Au psaume 32 le psalmiste traite de la dignité des justes.

Au psaume 33 il invite les autres à la louange de Dieu.

Au psaume 34 le psalmiste implore le secours divin contre les tribulations des impies.

Au psaume 35 il décrit le mal des pécheurs.

Au psaume 36 le psalmiste enseigne le devoir de mépriser le bonheur des impies.

Au psaume 37 il confesse qu'il est affligé à cause de ses propres péchés.

Au psaume 38 il promet sa prudence pour l'avenir.

Au psaume 39 le psalmiste traite de la confiance dans le secours divin.

Au psaume 40, de Dieu il demande sa miséricorde constante.

La cinquième décade est établie en vue d'implorer le secours divin contre les maux présents. Et elle est une figure des maux temporels qui arrivèrent à David. Au sens mystique il s'agit de l'homme juste demandant le secours divin contre ceux qui combattent le royaume de l'Église.

Au psaume 41 le psalmiste fait connaître le désir qu'il a de Dieu.

Au psaume 42 il a recours à la prière afin d'accomplir son désir.

Au psaume 43 il prie face à l'affliction de tout le peuple.

Au psaume 44 il expose la gloire du royaume et du roi en mentionnant les bienfaits divins. Il traite des épousailles du Christ et de l'Église, qui furent entamées tout d'abord lorsque le Fils de Dieu s'unit à la nature humaine dans le sein virginal.

Au psaume 45 le psalmiste après avoir été exaucé en faveur du peuple, montre le bienfait donné au peuple.

Au psaume 46 il exhorte les nations étrangères à se convertir à Dieu.

Au psaume 47 il décrit la grande exultation du peuple ou de la cité.

Au psaume 48 il exhorte les nations à mettre leur confiance en Dieu.

Au psaume 49 il instruit les nations à propos du culte de Dieu.

Au psaume 50 il traite de la totale rémission des péchés.

Ici se termine la première division des cinquante psaumes qui est ordonnée aux pénitents. La deuxième division est ordonnée aux progressants (voir Prologue, p. 38).

Au psaume 51 le psalmiste examine la méchanceté des pécheurs dans leur attachement au péché. Ce psaume s'entend principalement des méchants qui persécutent le Christ, ou en lui-même, ou dans ses membres (Ps 51, 2).

Au psaume 52 le psalmiste examine la méchanceté des pécheurs dans leur mépris de Dieu.

Au psaume 53 il expose la persécution qu'il endure de la part des pécheurs.

Au psaume 54 il expose sa libération des ennemis.

Psaumes pénitentiels.

Les psaumes de pénitence commencent dans la douleur et se terminent dans la joie (Ps 31, 11).

Usage liturgique.

Le psaume 41 est chanté à l'office du baptême, le Samedi saint et à la Pentecôte, lorsqu'un baptême solennel est célébré pour les catéchumènes. Il est aussi chanté aux obsèques des morts, parce qu'il convient aux hommes parfaits d'aller vers la source éternelle (Ps 41, 2).

Le psaume 44 se chante en la fête de la Nativité du Seigneur à cause de la louange de l'époux. Il se chante aussi aux fêtes de la Vierge, en raison de sa louange: "La reine s'est tenue debout." Il se chante pareillement aux fêtes des vierges, car "elles seront amenées au roi" (Ps 44, 1 5b). Et semblablement aux fêtes des Apôtres, car le psalmiste dit: "A la place de tes pères" (Ps 44, 18).

Le psaume 50 est le plus répété dans l'Église, parce qu'il implore la miséricorde, et obtient ainsi le pardon (Ps 50, 1).

Psautier.

C'est l'Esprit-Saint lui-même qui révèle le psautier.

La matière de ce livre est le Christ et ses membres.

Sa matière est universelle.

Le psautier renferme la matière générale de toute la théologie et traite de toute l'oeuvre divine.

Son mode ou sa forme est la déprécation ou la louange.

Le psautier peut être dit parole de gloire de quatre manières: quant à sa cause originelle, quant à son contenu, quant à son mode d'émanation, quant à son invitation à la gloire.

Sa finalité est la prière qui est une élévation de l'esprit vers Dieu, et l'union de l'âme au Dieu très-haut et saint.

Il y a trois divisions du Psautier: une première division considère le nombre des 150 psaumes et leur mystère; une deuxième division se fait d'après cinq livres, chacun de ces livres se terminant par un psaume ayant Fiat, Fiat comme conclusion; une troisième division comprend trois groupes de cinquante psaumes. Chacun de ces groupes représente un état du peuple fidèle. À la première cinquantaine est ordonné l'état de la pénitence. À la deuxième cinquantaine est ordonné l'état de la justice. La troisième cinquantaine se conclut sur la louange de la gloire éternelle.

Le psautier est le livre le plus utilisé dans l'Église, parce qu'il renferme toute l'Écriture; parce qu'il nous donne l'espérance de la miséricorde divine.

Les faits du psautier doivent être exposés comme une figure du Christ ou de l'Église.

Les traductions du Psautier sont au nombre de trois:la première (la Vetus Latina) remonte au temps des Apôtres et fut corrigée par saint Jérôme à cause de son altération par les scribes. C'est la version qu'on lit en Italie "et qui est connue sous le nom de Psautier romain";la deuxième fut la version latine que saint Jérôme réalisa d'après le grec, "et qui devint connue sous le nom de Psautier gallican. Cette version devint le texte de base de la Vulgate";la troisième traduction est la version faite par saint Jérôme d'après l'hébreu: "c'est le Psautier iuxta Hebraeos" (Prologue, p. 34-37).

Raison.

L'intelligence naturelle de l'homme n'est rien d'autre que le resplendissement de la clarté divine dans l'âme (Ps 35, 10b).

La lumière de la raison n'est rien d'autre qu'une participation à la lumière divine (Ps 30, 17).

La raison naturelle innée nous enseigne à discerner le bien du mal (Ps 4, 7a).

Le Seigneur a pourvu l'homme de la raison en vue de la sagesse (Ps 15, 7).

Rétribution.

Il y a une quadruple rétribution. La première est celle qui rétribue le bien pour le bien; une autre rétribue le mal pour le mal; une autre rétribue les biens pour les maux; la quatrième est celle qui rétribue le mal pour le bien (Ps 37, 21).

Sacrifice.

Il y a deux sortes de sacrifices: le sacrifice intérieur par lequel l'homme donne son âme à Dieu. Et tout sacrifice extérieur qui est ordonné à la représentation de ce sacrifice intérieur (Ps 26, 6b).

Les sacrifices ne sont pas voulus en soi par Dieu, mais ils existent en tant qu'ils sont des signes d'une autre réalité, ou encore en tant qu'ils sont des signes de la vertu intérieure, et c'est pourquoi les hommes sont repris en soi pour les vertus qu'ils n'ont pas pratiquées, non pour les sacrifices (Ps 49, 8).

On accomplissait dans l'Ancien Testament un triple sacrifice. Le premier était appelé très digne, parce qu'on lui donnait le nom d'holocauste. Le deuxième était le sacrifice pour le péché. Le troisième s'appelait sacrifice d'immolation, ou de paix (Ps 39, 7).

Parmi les sacrifices, celui de la louange semble avoir la prééminence (Ps 26, 6b). Ce dernier n'est rien d'autre que la protestation de la dévotion intérieure et de la foi (Ps 49, 14).

Le sacrifice matériel s'accomplissait avec trois sortes d'animaux: avec des boeufs, des chèvres et des béliers; et par-dessus les autres animaux c'était surtout un agneau qu'on offrait habituellement (Ps 28, 2a).

Le Seigneur a voulu que les sacrifices lui soient offerts non pour lui, mais afin que nous le reconnaissions comme le principe de tous nos biens, et la fin vers laquelle toutes choses doivent être rapportées (Ps 28, 2b).

Le sacrifice de louange comprend deux empêchements. L'un est la culpabilité qui vient du pécheur. L'autre est la faiblesse intérieure (Ps 50, 16).

Sagesse.

La vraie sagesse consiste en la connaissance de Dieu (Ps 47, 4).

Saint-Esprit.

Voir: Esprit-Saint.

Sainteté.

La sainteté repose sur la crainte et le culte de Dieu (Ps 11, 2).

La sainteté consiste en trois choses: en la macération de la chair, l'esprit de dévotion et la bonté du sentiment (Ps 34, 13).

Un seul péché mortel détruit aussitôt la sainteté (Ps 11, 2).

Il n'est rien qui détruise autant la sainteté que l'orgueil (Ps 33, 10).

Le signe de la disparition de la sainteté est double: la vanité et la tromperie (Ps 11, 3).

Saints.

Il y a une double communauté des saints. L'une se compose de ceux qui règnent avec Dieu dans la gloire; l'autre de ceux qui militent sur la terre (Ps 19, 3).

Les saints voient l'essence même de la bonté divine dans la Patrie (Ps 51, 11). Les saints qui sont dans la Patrie dirigent leur contemplation vers Dieu lui-même (Ps 26, 4).

La joie des saints dans la Patrie est éternelle, sûre et plénière (Ps 5, 12).

Les saints loueront Dieu dans la Patrie en considérant sa bonté, et ils le confesseront en rendant grâce pour ses bienfaits (Ps 43, 9).

La réfection des saints et de Dieu est la même. Mais les saints sont refaits par l'amour de Dieu lui-même, tandis que Dieu se refait dans sa propre jouissance (Ps 49, 13).

Les saints gardent-ils la mémoire des impies ? Ils gardent des impies une mémoire, non en bien, mais de compassion et de commisération, et ils ne prient pas pour eux (Ps 33, 17).

Les saints aiment la vérité (Ps 30, 24).

Les saints ne peuvent qu'aimer Dieu (Ps 51, 11).

Les saints n'ont dans le monde aucune raison d'espérer si ce n'est en Dieu (Ps 13, 6).

La prière des saints est une voix forte à cause de la grandeur de leur amour et de leur demande, car ils demandent les réalités éternelles (Ps 33, 18).

De même que les cerfs rejettent ce qui est vénéneux, ainsi les saints rejettent tout péché; et de même que les cerfs s'avancent à travers les épines sans blessure, ainsi les saints traversent la vanité de ce monde sans en jouir (Ps 28, 9).

Les saints sont représentés dans la peinture antique avec un bouclier rond sur la tête, qui leur tient lieu de couronne (Ps 5, 13).

La dignité des saints est souveraine, parce qu'eux seuls parviennent à la fin que tous les hommes désirent naturellement (Ps 32, 12).

Salut.

Il y a deux sortes de salut: l'un, corporel, commun aux hommes et aux bêtes: "Tu sauveras, Seigneur, les hommes et les animaux" (Ps 35, 7); l'autre spirituel et éternel, qui est propre au Christ. Si le psalmiste dit ainsi: "Mon salut", c'est parce que le salut du Nouveau Testament a été opéré par le Christ: "Israël a été sauvé par le Seigneur d'un salut éternel" (Is 45, 17] (Ps 21, 2).

Le salut humain consiste principalement dans la connaissance de la vérité (Ps 24, 5).

Trois choses sont requises pour parvenir au salut: le don de la grâce, la direction, et le progrès spirituel (Ps 27, 9).

Il y a un triple bien divin par lequel il semble que l'on puisse obtenir le salut. Le premier est la puissance. Le deuxième bien est la constance. Le troisième est la bonne disposition du corps et la vigueur (Ps 32, 17).

Par la confession de la vérité le salut parvient à l'homme (Ps 39, 11).

Le pouvoir séculier, c'est-à-dire la multitude des sujets, la force corporelle, les richesses extérieures, ne peut mener au salut (Ps 32, 15-16).

Sang.

On distingue trois sortes de sang. La première qui est produite par la nourriture et la boisson, c'est pourquoi la nourriture et la boisson sont appelées sang des pauvres. La deuxième, c'est le sang de l'homme, et l'homicide le répand. La troisième, c'est le sang de la semence en vue de la conservation de l'espèce, et le fornicateur le répand, car il n'agit pas en vue d'engendrer (Ps 25, 9).

Serment.

Il y a deux sortes de serment: par témoignage et par imprécation (Ps 7, 4).

Similitude.

Il y a une double similitude. L'une qui fait que les choses sont semblables parfaitement, c'est-à-dire lorsque les deux choses participent à la même forme d'un seul concept (ratio). Mais il y a une similitude dans la dissemblance, c'est-à-dire lorsque la forme se trouve en une chose véritablement, et dans une autre par participation éloignée (Ps 34, 10).

Soliloque.

Le soliloque est la conversation de l'homme avec Dieu seul à seul, ou avec soi uniquement (Prologue, p. 34).

Sort.

Le sort n'est rien d'autre qu'un signe recherché de la volonté divine (Ps 30, 1 6a). Il y a trois sortes de sorts: des sorts consultatifs, des sorts divinatoires, et des sorts distributifs (Ps 30, 16a).

Le sort en soi n'exprime pas quelque chose de mal, mais il devient mauvais de deux manières. D'abord, lorsqu'on recherche le signe de la volonté divine par un moyen indu, comme par l'intermédiaire du démon. Puis, si l'on recherche ce signe dans des choses sans qu'il y ait nécessité (Ps 30, 16a).

Tabernacle ou tente.

Au sens littéral, le tabernacle (la tente) était le lieu dans lequel ceux qui priaient étaient protégés par le secours divin, et surtout dans le Saint des saints où était le propitiatoire, et ainsi ils appelaient tabernacle (tente) la défense proprement dite de Dieu (Ps 26, 5).

Au sens mystique, le tabernacle (la tente) peut être appelé l'humanité assumée, ou la chair du Christ dans laquelle il nous cache par la foi et l'espérance. Ou bien autrement, le tabernacle (la tente) est appelé l'ordonnance de l'Église (Ps 26, 5).

Table.

"Tu as préparé devant moi une table..." Il s'agit de la table d'une double doctrine, là où se trouvent les diverses nourritures, c'est-à-dire les diverses doctrines spirituelles. Ou bien il s'agit de la table sacramentelle, c'est-à-dire de l'autel (Ps 22, 5).

On lit dans la Sainte Écriture qu'il y a une triple table. La première est la table de l'Ancienne Loi. La deuxième est celle du Nouveau Testament. La troisième table est dans la Patrie (Ps 22, 5).

Témoignage(s).

Les témoignages sont toutes les promesses de Dieu. Ou bien le mot "témoignage" désigne l'Ancien Testament qui est le témoignage du Nouveau. Ou bien on dit témoignage lorsqu'une vérité est attestée. Ou encore, on appelle témoignage l'attestation de la loi de l'esprit selon les juristes. Ou bien, selon Papias, on appelle témoignage tout ce qui est emprunté à une réalité extérieure pour engendrer la foi (Ps 24, 10).

Pour qu'un témoignage soit crédible, trois choses sont nécessaires: la dignité des témoins, un grand nombre de témoins, et la concordance de leurs témoignages (Ps 47, 5).

Tentation.

L'homme est très éprouvé par la tentation qui est une mise à l'épreuve: la tentation est l'acceptation de la mise à l'épreuve à propos de ce qu'on ignore, tandis que l'épreuve relève de ce qu'on sait par la manifestation de la vertu (Ps 25, 2).

Voir aussi: Diable.

Terre.

Au sens spirituel il y a quatre sortes de terre: la terre des vivants qui est une terre de gloire; la terre de l'âme qu'on habite toujours par un retour à la conscience; la troisième terre est l'Église militante qu'on habite par la confession de la foi; la quatrième terre est celle de notre propre chair qu'on habite en y extirpant les vices et en y semant les vertus (Ps 36, 3).

Testament.

Le testament est en général tout pacte de Dieu. Ou bien le mot "testament" est pris au sens de Nouveau Testament, dans lequel toutes les promesses sont accomplies. [...] L'attestation peut être appelée manifestation, ou confirmation, ou certitude. Car les témoins manifestent et certifient, et c'est dans ce sens que le testament est pour ainsi dire appelé une manifestation ou une certification de l'esprit divin, ou ce que Dieu veut. Ou bien, selon Papias, on appelle testament dans la Sainte-Écriture le pacte ou l'accord (Ps 24, 10).

Triomphe.

Il y avait dans l'Antiquité deux genres de triomphe: l'un était plus solennel, l'autre plus modeste. Le premier était dit orné de lauriers, parce que le vainqueur était couronné de lauriers; et cela se faisait sur un char. Le second était dit ovation, et cela se faisait sur un cheval (Ps 19, 8).

Tristesse, infélicité.

La bonne tristesse contriste face à la délectation du péché, et elle doit être continuelle. Cette tristesse de repentir est accompagnée de l'espérance et de l'exercice des bonnes oeuvres. La mauvaise tristesse préoccupe et mène au désespoir; elle accable et c'est la paresse spirituelle (Ps 37, 7). La bonne tristesse opère la pénitence en vue du salut (Ps 42, 2).

Il n'est de sorte d'infélicité plus grande que celle d'avoir goûté la félicité (Ps 37, 9).

Il y a la tristesse du siècle qui tend à la mort, et la tristesse de la pénitence qui est selon Dieu. Ou bien, il faut dire qu'il y a une tristesse qui est une passion; et cette dernière imite matériellement la passion, mais elle ne s'abat point sur l'homme sage. Il y en a une autre appelée propassion, laquelle est un mouvement subit (Ps 54, 3).

On peut donner trois raisons pour lesquelles la tristesse est inhérente au soir: la première vient de la disposition extérieure: car le soir est le commencement des ténèbres qui rendent tristes. La deuxième vient de la disposition intérieure, le soir étant le moment de la bile (melancholiae), où l'homme est disposé à la tristesse. La troisième provient de la nature du sommeil. Car le sommeil est le repos des animaux; c'est pourquoi la tristesse s'apaise par le sommeil (Ps 29, 6).

Au sens mystique, "au soir" de l'ensevelissement du Seigneur ce fut la tristesse, parce que les fidèles pleuraient la mort du Christ. Ou bien, "au soir", c'est-à-dire lors du péché des premiers parents, ce fut la tristesse (Ps 29, 6).

Tromperie.

Ce mot a une double acception. Car il signifie une dissimulation de la bouche, et une dissimulation à l'égard de l'action, puisque l'action ne concorde pas avec la bouche (Ps 16, 1).

Vérité(s).

La vérité primordiale est une, c'est la vérité qui est dans l'intelligence divine (Ps 11, 2).

Il y a une triple vérité créée dans les saints: la vérité de la vie dont parle Moïse: "Souviens-toi que j'ai marché devant toi dans la vérité (Is 38, 3)"; la vérité de la doctrine: "Nous savons que tu es vrai, et que tu enseignes la voie de Dieu dans la vérité" (Mt 22, 16); la vérité de la justice à propos de laquelle il est écrit dans l'Exode: "Choisis d'entre tout le peuple des hommes capables et craignant Dieu, en qui soit la vérité et qui haïssent l'avarice" (Ex 18, 21a). C'est de cette vérité que ce psaume semble parler (Ps 11, 2).

"Dans ta lumière nous verrons la lumière." Cette lumière est ou bien la vérité créée, c'est-à-dire le Christ en tant qu'homme, ou bien la vérité incréée par laquelle nous connaissons des choses vraies. En effet, la lumière spirituelle est la vérité (Ps 35, 10b).

La loi, car "le commandement [du Seigneur] est une lampe, [et] sa loi une lumière" (Ps 6, 23). Et "ta vérité", c'est le Nouveau Testament (Ps 42, 3).

Il y a une triple vérité créée chez lés saints: la vérité de la vie, la vérité de l'enseignement et la vérité de la justice (Ps 11, 2).

Des vérités diverses dérivent dans les différentes âmes de l'unique vérité divine (Ps 11, 2).

Ces vérités diverses sont diminuées lorsque l'âme s'éloigne de Dieu à cause de ses fautes (Ps 11, 2).

Vierge (bienheureuse).

Le temple de Dieu est la bienheureuse Vierge (Ps 17, 7).

Le Christ a placé son corps dans le soleil, c'est-à-dire dans la Vierge Marie (Ps 18, 6).

La Vierge bienheureuse est la reine et la mère du roi, elle se tient debout au-dessus de tous les choeurs avec un vêtement orné d'or, c'est-à-dire orné de l'or de la divinité, parce qu'elle est la Mère de Dieu (Ps 44, 10b).

La bienheureuse Vierge a contracté le péché originel (Ps 13, 1).

La Vierge n'a jamais péché, ni mortellement, ni véniellement (Ps 45, 6).

Il n'y eut dans la Vierge Marie absolument aucune tache (Ps 14, 2).

Aucune femme `n'est comparée à la Vierge bienheureuse (Ps 44, 17).

Voeu.

Le voeu est un acte de latrie (Ps 49, 14).

Voir aussi: Culte.