THOMAS D'AQUIN
COMMENTAIRE SUR
LES 54 PREMIERS PSAUMES
Traduction de Jean-Éric STROOBANT DE SAINT-ÉLOY, osb
Mise à disposition pour le Web par les Éditions du
Cerf, Paris, 1996
Edition
numérique http://docteurangelique.free.fr 2004
Les
œuvres complètes de saint Thomas d'Aquin
PROLOGUE DE SAINT THOMAS D'AQUIN
COMMENTAIRE DU PSAUME 54, 1-16
IMPORTANCE DES COMMENTAIRES DE L'ECRITURES DE SAINT THOMAS
LE PSAUTIER DANS LA VIE DE SAINT THOMAS (1225-1274)
LE COMMENTAIRE SUR LES PSAUMES
"Pour toute son oeuvre, il
donna louange au Saint et au Très-Haut, dans des paroles de gloire." Si 47, 9. Ces paroles s'appliquent à David au sens
littéral, et elles sont utilisées à bon droit pour illustrer la cause du livre
des Psaumes. Ces paroles nous montrent les quatre causes de ce recueil, à
savoir la cause matérielle, modale ou formelle, finale et efficiente.
La matière est universelle. En effet, tandis que chaque livre de
l'Écriture sainte contient des matières particulières, le psautier renferme la
matière générale de toute la théologie; et c'est ce qui fait dire à Denys, dans
son Commentaire de la hiérarchie
céleste, que "comprendre les
chants divins", c'est-à-dire les Psaumes, "c'est chanter toutes les
opérations divines et sacrées". Ainsi la matière est-elle signifiée par
ces mots: "Pour toute son oeuvre", car ce livre traite de toute
l'oeuvre divine.
Or l'oeuvre de Dieu est quadruple.
- L'oeuvre de la création: "Dieu se reposa le septième jour de
toute son oeuvre."
- L'oeuvre du gouvernement: "Mon Père ne s'arrête pas de
travailler."
- L'oeuvre de la rédemption: "Ma nourriture est de faire la
volonté de celui qui m'a envoyé et de mener son oeuvre à bonne fin."
- L'oeuvre de la glorification: "La gloire du Seigneur remplit son
ouvrage."
Et c'est de toutes ces oeuvres dont il est traité d'une manière
complète dans cet enseignement.
- D'abord de l'oeuvre de la création: "Quand je vois tes cieux,
ouvrage de tes doigts."
- Ensuite de l'oeuvre du gouvernement divin, car toutes les histoires
de l'Ancien Testament sont exposées dans ce livre: "J'ouvrirai ma bouche
en paraboles: je dirai des choses cachées dés le commencement; combien de
grandes choses nous avons entendues et vues, et que nos pères nous ont
racontées."
- Puis celle de la rédemption quant à la tête, c'est-à-dire le Christ;
et quant à tous les effets de sa grâce: "Je me suis couché et je me suis
endormi; et je me suis levé, parce que le Seigneur m'a pris." En effet
tout ce qui a trait à la fin de l'Incarnation est clairement exposé dans ce
recueil, de telle sorte qu'il semble être presqu'un évangile, et non une
prophétie.
- Enfin de l'oeuvre de la glorification: "Les saints exultent dans
la gloire; ils se réjouissent sur leurs lits."
Et la raison pour laquelle le psautier est le livre le plus utilisé
dans l'Église, c'est qu'il renferme toute l'Écriture. Ou bien, selon la Glose, pour
nous donner l'espérance de la miséricorde divine: car bien que David eût péché,
il répara cependant par la pénitence.
La matière est donc universelle, parce qu'elle traite de toute l'oeuvre
divine. Et parce que cela se rapporte au Christ: "Car il a plu à Dieu de
faire résider en lui toute la plénitude de la divinité." Voilà pourquoi la
matière de ce livre est le Christ ainsi que ses membres.
Le mode ou la forme se trouve dans l'Écriture sainte sous de multiples
manières.
- Le mode narratif: "Le Seigneur n'a-t-il pas rendu les saints
capables de narrer toutes ses merveilles ? "Et cela se trouve dans les
livres historiques.
- Le mode d'admonestation, d'exhortation, de commandement: "Ainsi
dois-tu parler, exhorter et reprendre avec pleine autorité" Et: "Donne
ces avertissements, prenant le Seigneur à témoin. Évite les disputes de paroles;
car cela ne sert qu'à pervertir ceux qui écoutent." Ce mode se trouve dans
la loi, les prophètes et les livres de Salomon.
- Le mode de discussion: et cela dans Job et l'Apôtre: "Il me
plaît de disputer Dieu."
Le mode de déprécation ou de louange: et c'est le mode qui se trouve
dans ce livre; car tout ce qui est dit dans les autres livres sous les modes
que nous venons de citer, est exposé ici sous le mode de la louange et de la
prière: "Je te louerai Seigneur de tout mon coeur; je raconterai toutes
tes merveilles."
Et c'est pourquoi l'Ecclésiastique dit: "Il donna louange",
car il s'exprime sous forme de louange.
Et ces mots justifient le titre qui est: Ci-commence le livre des
hymnes, ou des soliloques du prophète David au sujet du Christ. Une hymne est
une louange divine accompagnée du chant. Mais le chant est l'exultation de
l'âme possédée par les réalités éternelles, se répandant au-dehors par la voix.
Il convient donc de louer Dieu avec exultation. Le soliloque est la
conversation de l'homme avec Dieu seul à seul, ou avec soi uniquement, car cela
convient à celui qui loue et qui prie.
La finalité du livre des Psaumes est la prière qui est une élévation de
l'esprit vers Dieu. Jean Damascène dit de "la prière" qu'elle "est
une élévation de l'intelligence vers Dieu."
On lit en effet dans un psaume: "Que ma prière soit dirigée comme
l'encens en ta présence: que l'élévation de mes mains soit un sacrifice du
soir." Or l'âme s'élève vers Dieu de quatre manières.
- D'abord pour admirer l'élévation de sa puissance: "Levez vos
yeux en haut et regardez: qui a créé ces choses ?" Et: "Que tes
oeuvres sont admirables Seigneur."
Et telle est l'élévation de la foi.
- Ensuite l'âme s'élève pour tendre à l'excellence de la béatitude
éternelle: "Alors tu lèveras ton front sans tache, tu seras ferme et tu ne
craindras pas. Car alors tu oublieras la peine. Plus brillante que le midi se
dressera l'existence, la nuit sera comme le matin."
Et telle est l'élévation de l'espérance.
- Puis l'âme s'élève afin d'adhérer à la bonté divine et à la sainteté:
"Élève-toi, lève-toi Jérusalem."
Et telle est l'élévation de la charité.
- Enfin l'âme s'élève pour imiter la justice divine dans son action: "Élevons
nos coeurs et nos mains vers Dieu qui est dans les cieux."
Et telle est l'élévation de la justice.
Et ces quatre modes sont suggérés lorsqu'il dit: "Au Saint et au
Très-Haut"; car les deux derniers modes d'élévation se rapportent au mot "Saint",
les deux premiers au mot "Très-Haut".
Et que telle soit la fin de cette Écriture, on le trouve dans les
Psaumes.
D'abord au sujet du mot "Très-Haut": "Du lever du soleil
jusqu'à son coucher, louable est le nom du Seigneur. Il est élevé au-dessus de
toutes les nations, le Seigneur, et au-dessus des cieux est sa gloire."
Ensuite à propos du mot "Saint". - "Qu'on célèbre ton
grand nom, car il est redoutable et saint." C'est pourquoi Grégoire dit,
dans sa première homélie sur Ézéchiel, que la voix qui chante le psaume, si
elle est guidée par l'attention du coeur, prépare au Seigneur tout-puissant un
chemin vers le coeur, de telle sorte qu'il répand sur l'âme attentive soit les
mystères de la prophétie, soit la grâce de la componction.
Donc la finalité du livre des Psaumes, c'est que l'âme soit unie à
Dieu, comme au Saint et au Très-Haut.
Quant à l'auteur de ce recueil, il est signifié par ces mots: "Dans
des paroles de gloire." Il faut noter qu'il en va autrement de l'Écriture
sainte et des autres sciences. Car les autres sciences proviennent de la raison
humaine, tandis que cette Écriture a été écrite par l'impulsion de
l'inspiration divine: "Ce n'est pas par vouloir humain que la prophétie a
jamais été apportée; mais c'est inspirés par l'Esprit-Saint qu'ont parlé les
saints hommes de Dieu." Et c'est pourquoi la langue humaine se comporte à
l'égard de l'Écriture sainte comme la langue d'un enfant qui répète des paroles
données par un autre: "Ma langue est le roseau d'un scribe agile." Et:
"L'Esprit du Seigneur a parlé par moi, et sa parole est sur ma langue."
Et c'est pourquoi l'Ecclésiastique dit: "Dans des paroles" du
Seigneur ou "de gloire", paroles qui sont dites par révélation. D'où
ce qui est écrit au troisième livre des Rois: "Frappe-moi en vertu de la
parole du Seigneur", c'est-à-dire par la révélation divine.
Et cette Écriture peut être dite parole de gloire de quatre manières,
car elle se situe à l'égard de la gloire de quatre manières.
a. Quant à sa
cause originelle, car cette doctrine émane de la parole glorieuse de Dieu: "Quand
cette voix lui est parvenue du sein de la gloire majestueuse: Celui-ci est mon
fils bien-aimé."
b. Quant à son
contenu, car dans ce livre est contenue la gloire de Dieu qu'annonce le
psalmiste: "Annoncez sa gloire parmi les nations."
c. Quant à son
mode d'émanation: car la gloire est la même chose que la clarté; et la
révélation de cette prophétie fut glorieuse parce que claire.
Il y a en effet un triple mode de prophétie.
- Par l'intermédiaire des choses sensibles: "À ce moment apparurent
des doigts de main humaine qui écrivaient (...) et le roi vit le mouvement de
la main qui écrivait."
- Par des représentations imaginaires, comme à propos du songe de
Pharaon et de l'interprétation donnée par Joseph. Ou dans Isaïe: "Je vis
le Seigneur siégeant sur un trône haut et élevé; et ce qui était sous lui
remplissait le temple."
- Par la manifestation de la vérité elle-même. Et ce mode de prophétie
convient à David, qui prophétisa sous l'inspiration du Saint-Esprit sans aucune
aide extérieure. Car les autres prophètes, comme le dit Augustin,
prophétisèrent des faits et des paroles par des images de ces réalités et sous
un langage voilé, c'est-à-dire par des songes et des visions; tandis que David,
lui, fut simplement instruit de la vérité. C'est pourquoi au deuxième livre des
Rois, lorsque David disait: "L'esprit du Seigneur a parlé par moi, et sa
parole par ma langue", aussitôt il ajoute: "Telle la lumière du
matin, quand se lève le soleil, un matin sans nuage, étincelant." Le
soleil est l'Esprit-Saint illuminant les coeurs des prophètes: c'est l'Esprit
qui parfois apparaît sous les nuages quand il luit sur les prophètes parfois
sous les deux modes précédents, et parfois sans nuage, comme c'est le cas ici.
Et à cela on peut appliquer ces paroles du deuxième livre des Rois: "Quelle
gloire aujourd'hui pour le roi d'Israël de s'être découvert aux yeux des
servantes et des serviteurs."
d. Et parce que par elle il nous invite à la
gloire - "Cette gloire est à tous les saints." C'est donc bien à
juste titre qu'il a dit auparavant: "Quelle gloire aujourd'hui, etc."
La matière de ce recueil est donc manifeste, car il s'agit de toute
l'oeuvre du Seigneur; de même le mode, car il se présente sous forme de prières
et de louanges; la fin, car c'est pour qu'élevés nous soyons unis au Très-Haut
et au Saint; l'auteur, car c'est l'Esprit-Saint lui-même qui le révèle.
Avant d'en venir à l'explication littérale de ce livre, il nous faut
considérer trois choses d'ordre général.
a) La première
concerne la traduction du psautier.
b) La deuxième
regarde la manière de le commenter.
c) La troisième
concerne sa division.
a. Les
traductions sont au nombre de trois. La première remonte à l'Église du temps
des Apôtres, et celle-ci avait été altérée au temps de Jérôme à cause des scribes.
Et c'est pourquoi sur la demande instante du pape Damase, Jérôme entreprit la
correction du psautier, et telle est la version qu'on lit en Italie.
Cependant parce que cette traduction différait
du texte grec, Jérôme traduisit de nouveau le psautier, sur la demande instante
de Paula, du grec en latin, et c'est cette version que le pape Damase fit
chanter en France; et elle concorde mot à mot avec le grec. Par la suite, un certain
Sophronius entrant un jour en discussion avec les Juifs - puisque les Juifs
soutenaient que certaines choses ne figuraient pas dans l'hébreu telles qu'il
les avait introduites dans sa deuxième traduction du psautier - demanda à
Jérôme de traduire le psautier de l'hébreu en latin. Jérôme consentit à sa
demande, et sa traduction concorde en tout point avec l'hébreu; mais cette
version n'est chantée dans aucune église, cependant beaucoup la possèdent.
b. Quant à la
manière de commenter, il faut savoir que tant pour le psautier que pour les
autres livres prophétiques qui font l'objet d'un commentaire, nous devons
éviter une erreur condamnée par le cinquième concile. En effet Théodore de
Mopsueste a affirmé que dans l'Écriture sainte et les prophéties, il n'est rien
dit expressément au sujet du Christ, mais d'autres choses qu'on a appliquées au
Christ: par exemple le verset de ce psaume: "Ils se sont partagé mes
vêtements, ils ont tiré au sort ma tunique" ne concerne pas le Christ,
mais se rapporte de manière littérale à David. Or cette manière de commenter a
été condamnée dans ce concile; et quiconque s'exprime ainsi en exposant les
Écritures est hérétique.
Le bienheureux Jérôme nous a donc donné dans son commentaire sur Osée
une règle que nous observerons pour les psaumes: à savoir que les faits doivent
être exposés comme une figure du Christ ou de l'Église. En effet il est écrit: "Toutes
ces choses qui leur arrivaient en figure, furent mises par écrit pour notre
instruction." Car les prophéties sont parfois dites à propos de choses qui
étaient alors contemporaines, cependant elles ne se rapportent pas
principalement à elles, mais en tant qu'elles sont une figure des événements à
venir; et c'est pourquoi l'Esprit-Saint a établi que lorsque de telles
prédictions sont dites, il s'y mêle certaines choses qui dépassent le
conditionnement de tel événement, de sorte que l'esprit s'élève vers ce qui est
figuré. Par exemple dans le livre de Daniel, beaucoup de choses sont dites au
sujet d'Antiochus comme figure de l'Antéchrist. C'est pourquoi on y dit
certaines choses qui ne se sont pas accomplies en celui-ci, mais qui trouveront
leur achèvement dans l'Antéchrist; il en est de même de certaines choses lues à
propos du règne de David et de Salomon, qui ne devaient pas s'accomplir au
cours du règne de ces hommes, mais qui le seront lors du règne du Christ, et
qui ont été dites pour le préfigurer. Par exemple dans le psaume 71: "Dieu
donne ton équité au roi, et ta justice au fils du roi", psaume qui selon
le titre parle du règne de David et de Salomon: et il expose dans son contenu
quelque chose qui dépasse leur pouvoir: "En ces jours la justice fleurira,
et une abondance de paix: jusqu'à ce que la lune disparaisse entièrement".
Et encore: "Et il dominera depuis une mer jusqu'à une autre mer, et depuis
un fleuve jusqu'aux limites de la terre." Ainsi ce psaume est-il exposé à
propos du règne de Salomon en tant qu'il est une figure du règne du Christ, en
qui toutes les choses qui ont été dites trouveront leur achèvement.
c. Une première
division du psautier considère d'abord le fait qu'il y a 150 psaumes; et ceci
convient au mystère, car ce nombre se compose de 70 et de 80. Par le nombre 7, à partir duquel
nous formons le nombre 70, est signifié l'évolution de ce temps qui se déroule
en 7 jours. Par le nombre 8, à partir duquel nous formons celui de 80, est
signifié l'état de la vie future. Car le huitième jour d'après la Glose est
celui des ressuscités, et signifie que dans ce livre il est question des choses
qui regardent le cours de la vie présente et celles de la gloire future.
De même par le nombre 7 est signifié l'Ancien Testament. Car les Pères
de l'Ancien Testament servaient Dieu en septénaire: en effet ils observaient le
septième jour, la septième semaine, le septième mois, et la septième année de
la septième décade qui est appelé "jubilé". Par le nombre 8 est
signifié le Nouveau Testament: car nous célébrons le huitième jour,
c'est-à-dire le jour du dimanche en raison de la solennité du dimanche de la
résurrection. Et dans ce livre sont contenus les mystères de l'Ancien et du
Nouveau Testament.
Une deuxième division se fait d'après ceux qui affirmaient que le
psautier est divisé en cinq livres, par cinq divisions de psaumes qui se
terminent par Fiat,
Fiat; et cela en grec, là où l'hébreu lit Amen, Amen. Selon eux, c'est par
cette formule qu'est indiquée la fin d'un livre. Cela arrive la première fois
au psaume 40: "Bienheureux celui qui comprend les nécessités de l'indigent
et du pauvre." La deuxième fois au psaume 71: "Ô Dieu, donne ton
équité au roi."
Pareillement la troisième fois au psaume 88: "Éternellement je
chanterai les miséricordes du Seigneur." Semblablement la quatrième fois
au psaume 105: "Célébrez le Seigneur, parce qu'il est bon". Et tels
sont les cinq livres. Mais cette division ne se rencontre pas chez les Hébreux,
car pour eux il n'y a qu'un seul livre: "Car il est écrit au livre des
Psaumes: "Que leur demeure... ""
Ainsi donc lorsqu'il est dit Fiat, Fiat, ou Amen, Amen, cela ne se rapporte
pas à la fin d'un livre, car cette expression se retrouve fréquemment dans les
autres livres sans qu'il soit question de la fin d'un livre.
Une troisième division se fait comme suit: les psaumes sont divisés en
trois groupes de cinquante, et cette répartition comprend les trois états du
peuple fidèle.
- L'état de la pénitence auquel est ordonnée la première cinquantaine
qui se termine par: "Miserere mei Deus (Aie pitié de moi, ô Dieu)",
qui est un psaume de pénitence.
- La seconde est ordonnée à la justice qui consiste dans le jugement,
et elle se termine au psaume 100: "Je te chanterai la miséricorde et le
jugement, Seigneur."
- La troisième se conclut sur la louange de la gloire éternelle, et
c'est pourquoi elle se termine par: "Que tout ce qui respire loue le
Seigneur."
Par ailleurs en ce qui concerne l'ordre des psaumes, il faut savoir que
certains d'entre eux sont historiques, mais n'ont pas été établis selon le
déroulement de l'histoire. En effet, "je t'aimerai Seigneur" concerne
l'histoire de Saül, mais "qu'ils sont nombreux ceux qui se lèvent contre
moi" concerne l'histoire d'Absalom, et cette dernière est postérieure;
donc les psaumes signifient quelque chose d'autre que la seule histoire.
Donc la première cinquantaine se rapporte à l'état de la pénitence, et
c'est pourquoi ceux-ci traitent de manière figurative des tribulations et des
luttes de David, ainsi que de sa libération.
Et pour que la distinction se fasse selon la lettre, David au cours de
son règne prie face à une double persécution.
En premier lieu face à la persécution qui sévit contre sa personne,
puis face à celle qui sévit contre tout le peuple de Dieu; et cela dans la
cinquième décade: "Comme le cerf désire les sources des eaux, ainsi mon
âme te désire, ô Dieu."
Or généralement le juste est éprouvé dans sa personne de deux manières:
parfois par ceux qui le persécutent temporellement, parfois par ceux qui vivent
de manière malhonnête: "Ce juste qui vivait au milieu d'eux était, jour
après jour, torturé en son âme de juste au spectacle d'oeuvres iniques."
Et: "L'indignation me saisit à cause des méchants."
Et c'est pourquoi ce livre expose d'abord les psaumes qui concernent la
première persécution de David, en tant que ceux-ci signifient la persécution
contre le Christ et l'Église. Ensuite il expose ceux qui se rapportent à la
seconde tribulation", dans la quatrième décade: "Bienheureux ceux
dont les iniquités ont été remises."
Ainsi David a souffert durant son règne d'une double persécution: car
il fut persécuté par des personnes déterminées et par tout le peuple. Aussi
sont d'abord exposés les psaumes qui concernent la première persécution. Puis
les psaumes dans lesquels il prie face à la seconde persécution, et cela dans
la troisième décade: "Mon Dieu, mon Dieu, regarde-moi: pourquoi m'as-tu
abandonné ?"
Mais David a souffert des persécutions spécialement de la part de deux
personnes: d'Absalom et de Saül. Et cela préfigure la persécution que les
saints endurent ou bien de la part de familiers, ou bien de la part d'étrangers:
comme le Christ a souffert de la part de Judas, et de la part des Juifs.
C'est pourquoi en premier lieu sont exposés les psaumes qui font
mention de la première persécution. Ensuite ceux qui mentionnent la seconde, et
cela dans la deuxième décade: "Sauve-moi, Seigneur, parce qu'il n'y a plus
de saint, parce que les vérités sont diminuées par les enfants des hommes."
À présent donc il nous faut traiter des
psaumes de la première décade, en tête de laquelle est inséré ce psaume: "Bienheureux
l'homme qui n'est pas allé au conseil des impies, etc."
1 Bienheureux l'homme qui n'est pas allé
au conseil des impies, qui ne s'est pas arrêté dans la voie des pécheurs, et
qui ne s'est pas assis dans la chaire de pestilence; 2 mais dont la volonté est
dans la loi du Seigneur et qui méditera en sa loi jour et nuit.
3 Et il sera comme un arbre planté prés
du cours des eaux, qui donnera son fruit en son temps. Et son feuillage ne se
flétrira point.
Et tout ce qu'il fera réussira. 4 Rien
de tel pour les impies, rien de tel; mais ils sont comme la poussière
qu'emporte le vent de la face de la terre. 5 C'est pourquoi les impies ne
ressusciteront pas au jugement, ni les pécheurs à l'assemblée des justes. 6
Parce que le Seigneur connaît la voie des justes, mais la voie des impies
périra.
Ce psaume se distingue par rapport à l'ensemble du psautier, car il n'a
pas de titre mais se présente comme le titre de tout le recueil. Et David qui a
composé les psaumes en priant, ne s'en tient pas à un seul mode de prière mais
se comporte selon les divers états et mouvements de celui qui prie. Ce psaume
exprime donc le sentiment de l'homme qui élève les yeux sur toute la condition
du monde et qui considère comment certains progressent et d'autres dégénèrent.
Or le Christ fut le premier d'entre les bienheureux, et Adam le premier d'entre
les méchants. On notera cependant que tous s'accordent sur une chose mais
diffèrent sur deux points. Ils s'accordent sur la béatitude que tous
recherchent, mais ils diffèrent quant à la voie qui les y mène et quant a
l'issue; car certains y parviennent et d'autres non.
Ce psaume se divise donc en deux parties.
A) La première
partie décrit la marche de chacun vers la béatitude.
B) La seconde,
son aboutissement: Et il sera comme un arbre planté près du cours des eaux.
1Bienheureux
l'homme qui n'est pas allé au conseil des impies, qui ne s'est pas arrêté dans
la voie des pécheurs, et qui ne s'est pas assis dans la chaire de pestilence; 2
mais dont la
volonté est dans la loi du Seigneur et qui méditera en sa loi jour et nuit.
A. Dans la
première partie il est d'abord question de la marche des méchants; ensuite de
celle des bons: mais
dont la volonté est dans la loi du Seigneur.
Concernant la marche des méchants le psalmiste expose:
1) En premier
lieu la délibération à propos du péché, et cela en pensée.
2) Ensuite le
consentement et l'exécution.
3) Enfin
l'introduction des autres en vue de les amener à agir pareillement, ce qui est
pire.
1. Et c'est
pourquoi il fait d'abord mention du conseil des méchants: Bienheureux l'homme, etc. Il
dit aussi:
qui n'est pas allé; car aussi longtemps que l'homme délibère, il est
encore en voie d'agir.
2. Ensuite il
fait mention du consentement et de l'exécution, en disant: dans la voie des pécheurs, c'est-à-dire
en acte: "La voie des impies est ténébreuse; ils ne savent où ils se
précipitent." Qui ne s'est pas arrêté, c'est-à-dire en
consentant et en accomplissant. Il dit d'autre part: des impies, parce que l'impiété
est un péché contre Dieu, et des pécheurs, en tant qu'ils pèchent contre le
prochain.
3. Et dans la chaire. Tel
est le troisième point: inciter les autres à pécher. Dans la chaire, donc à la
manière du maître, et de celui qui enseigne les autres à pécher; et c'est
pourquoi il dit: de
la pestilence, car la pestilence est une maladie infecte: "Les
hommes de la pestilence ruinent la cité."
Celui donc qui marche pareillement n'est pas bienheureux, mais bien
celui qui se conduit d'une manière opposée. En effet la béatitude de l'homme
est en Dieu: "Bienheureux le peuple qui a le Seigneur pour son Dieu."
Or la voie droite qui mène à la béatitude c'est avant tout notre soumission à
Dieu: et cela de deux manières.
a. D'abord par la
volonté, en obéissant à ses commandements; et c'est pourquoi il dit: mais dans la loi
du Seigneur; et cela se rapporte spécialement au Christ: "Je
suis descendu du ciel non pour accomplir ma volonté, mais la volonté de celui
qui m'a envoyé." Ce qui s'applique aussi à chaque juste. Et il dit: dans la loi par
amour, non sous la loi par crainte: "La loi n'est pas établie pour le
juste."
b. Ensuite par
l'intelligence, en méditant sans cesse; et c'est pourquoi il dit: qui méditera en
sa loi jour et nuit, c'est-à-dire continuellement, soit à certaines
heures du jour et de la nuit, soit dans les temps de prospérité et d'adversité.
3 Et
il sera comme un arbre planté près du cours des eaux, qui donnera son fruit en
son temps. Et son feuillage ne se flétrira point.
B. Dans cette
seconde partie le psalmiste décrit l'aboutissement à la félicité: et il
commence par exposer la différence concernant l'aboutissement des deux voies;
puis il en assigne la raison: Parce que le Seigneur connaît, etc.
À propos de la différence relative à
l'aboutissement des deux voies, il expose d'abord le sort des bons, ensuite
celui des méchants: Rien de tel pour les impies, etc.
1. Pour exprimer
le sort obtenu par les bons, il se sert d'une comparaison; et il commence par
l'exposer, puis il l'applique: Et tout ce qu'il fera réussira, etc.
Il prend en effet pour comparaison un arbre à propos duquel trois
aspects sont a considérer: la plantation, la fructification, et la conservation.
a. Or pour la
plantation il est nécessaire que la terre soit humectée par l'eau, autrement la
plante se flétrirait; et c'est pourquoi il dit: qui est planté près du cours des eaux, c'est-à-dire
près de l'écoulement des grâces:" Celui qui croit en moi, des fleuves
d'eau vive couleront de son sein."
b. Et celui qui
aura ses racines près de cette eau, fructifiera en accomplissant des bonnes
oeuvres; et c'est ce qui suit: qui donnera son fruit. - "Le fruit de
l'Esprit est charité, joie, paix, patience, longanimité, bonté, bénignité,
mansuétude, foi, modestie, continence, chasteté." En son temps, c'est-à-dire
seulement lorsque c'est le temps d'accomplir: "Pendant que nous en avons
le temps, faisons le bien à l'égard de tous."
c. Mais il ne se
dessèche pas, au contraire il se maintient. Certains arbres restent en vie tout
en perdant leurs feuilles; d'autres gardent leurs feuilles, ainsi en est-il des
justes. C'est pourquoi il dit: Et son feuillage ne se flétrira point, c'est-à-dire
les justes ne seront pas abandonnés de Dieu dans leurs oeuvres extérieures si
petites soient-elles: "Mais les justes comme la feuille verdoyante
germeront."
Et tout ce qu'il
fait réussira. 4 Rien de tel
pour les impies, rien de tel; mais ils sont comme la poussière qu'emporte le vent
de la face de la terre. 5 C'est pourquoi les impies ne ressusciteront pas au
jugement, ni les pécheurs a l'assemblée des justes. 6 Parce que le
Seigneur connaît la voie des justes, mais la voie des impies périra.
Ensuite lorsqu'il dit: Et tout, il applique la comparaison, car les
bienheureux prospéreront en toutes choses: et ce, quand ils obtiendront la fin
poursuivie (intentum)
quant à tout ce qu'ils désirent, car les justes parviennent à la
béatitude: "Ô Seigneur, sauve-moi, ô Seigneur fais-moi bien prospérer."
2. Le sort des
méchants est opposé à celui des bons, puisqu'il est écrit: Rien de tel, etc. Et à
ce propos le psalmiste expose en premier lieu une comparaison, ensuite il
l'applique.
Mais notons qu'il a mis en tête ces mots: Rien de tel, et à deux reprises
à cause de la grande certitude de ce qui leur adviendra: "Et Si le songe a
été répété à Pharaon deux fois, c'est que la chose est décidée de la part de
Dieu, et que Dieu se hâtera de l'exécuter." Ou bien ils ne font rien de tel au
bout de leur voie: "Souviens-toi que tu as reçu tes biens durant ta vie,
et Lazare pareillement des maux: main tenant il est console ici, et toi tu
souffres." Quant aux méchants, ils sont plus particulièrement comparés à
la poussière, laquelle a trois propriétés opposées à celles qui ont été
relevées en parlant de l'homme juste. Car la poussière n'adhère pas à la terre
mais elle repose sur la surface. L'arbre, lui, est enraciné. Il est aussi
compact. Il est encore humide. Mais la poussière en soi est éparpillée, sèche et
aride. Ce qui signifie que les bons sont unis par la charité comme l'arbre: "Établissez
un jour solennel, ornant tout de branches d'arbres jusqu'à la corne de l'autel."
Les méchants, eux, sont divisés: "Il y a toujours des querelles entre les
superbes." De même les bons adhèrent radicalement aux réalités
spirituelles et aux biens divins, tandis que les méchants se nourrissent de
biens extérieurs. Ils sont aussi privés de l'eau de la grâce: "Tu es
poussière, tu retourneras à la poussière. "Et c'est pourquoi toute leur
malice disparaîtra "comme les feuilles tombent de la vigne et du figuier".
Mais ici il est dit à propos des bons que leur feuillage ne se flétrira point. - "Il
ne se perdra pas un seul cheveu de votre tête." - Tandis qu'au sujet de
ces méchants il est dit que sont totalement emportés de la face, c'est-à-dire à cause
des biens superficiels, ceux que le vent, c'est-à-dire la tribulation, emporte de la
face de la terre. - "Voyez ceux qui travaillent à faire des
injustices, et qui sèment les maux et qui les recueillent; ils sont renversés
par le souffle de Dieu, et sont emportés par le tourbillon de sa colère."
Puis le psalmiste applique sa comparaison: ils ne ressusciteront pas, car ils sont
comme la poussière.
Cependant comment concilier ces ver sets de Paul: "Nous devons
tous comparaître devant le tribunal du Christ", et: "Tous, nous
serons transformés", avec ce verset: ils ne ressusciteront pas?
On répondra à cette objection en disant que ce verset: ils ne
ressusciteront pas peut se lire de deux manières.
a. On dit en
effet de l'homme qu'il ressuscite à proprement parler au jugement, lorsque sa
cause est manifestée par la sentence du juge. Ainsi les impies ne
ressusciteront pas, parce que le jugement ne sera pas rendu en leur faveur mais
contre eux; aussi une autre version lit-elle: "Non stabilientur (Ils n'auront
pas le pied ferme)." Les bons, eux, ressusciteront: car bien qu'ils aient
été affligés par le péché des premiers parents, le jugement sera cependant
rendu en leur faveur.
ni les pécheurs ne seront rassembles à l'assemblée des justes. Car les
bons seront réunis dans la vie éternelle, à laquelle les méchants ne seront pas
admis.
b. Ou bien il
faut dire que cela s'entend du rétablissement de la justice à laquelle les
hommes satisfont par leur propre jugement: "Si nous nous jugions
nous-mêmes, nous ne serions pas jugés par Dieu." Et à ce propos il dit:
ils ne
ressusciteront pas au jugement, c'est-à-dire par leur propre
jugement dont il est écrit: "Lève-toi, toi qui dors, réveille-toi d'entre
les morts, et le Christ t'illuminera." Certains cependant se relèvent
grâce au conseil des bons, mais même de cette manière les méchants ne
ressuscitent pas du péché. Ou bien: les impies, c'est-à-dire les infidèles, ne
ressusciteront pas lors de la discussion et de l'examen qui auront
lieu au jugement, car, selon Grégoire, certains seront condamnés sans être
jugés, c'est le cas des infidèles; certains seront jugés sans être condamnés, à
savoir les Apôtres et les hommes parfaits; d'autres seront jugés et condamnés,
à savoir les fidèles pervertis. Ainsi donc ces fidèles ne ressusciteront pas
lors de la discussion du jugement, afin d'être examinés: "Qui ne croit pas
est déjà jugé." D'autre part les pécheurs ne ressusciteront pas au conseil
des justes, c'est-à-dire afin d'être jugés et non condamnés.
Enfin il donne la raison pour laquelle de telles gens ne ressusciteront
pas au juge ment: Parce que le Seigneur connaît la voie des justes. Et il
parle en termes appropriés: car lorsqu'on apprend qu'une chose est détruite, on
la restaure; mais lorsqu'on l'ignore, cette dernière n'est pas restaurée. Ainsi
les justes sont anéantis par la mort, mais cependant Dieu les connaît - "Le
Seigneur connaît ceux qui sont à lui" c'est-à-dire les reconnaît (notitia
approbationis), et c'est pourquoi ils sont relevés; mais parce qu'il
ne connaît pas la voie des impies pour les avoir éprouvés (notitia probationis), pour
cette raison la voie des impies périra: "J'ai erré comme une brebis perdue:
cherche ton serviteur, car je n'ai pas oublié tes commandements." Et: "Que
leur voie soit ténébreuse et glissante."
1 Pourquoi les nations ont-elles frémi,
et les peuples médité de vains projets? 2 Les rois de la terre se sont levés,
et les princes se sont ligués contre le Seigneur et contre son Christ.
3 Rompons leurs liens, et rejetons loin
de nous leur joug.
4 Celui qui habite dans les cieux se
moquera d'eux, et le Seigneur les tournera en dérision. 5 Alors il leur parlera
dans sa colère, et dans sa fureur il les remplira de trouble.
6 Mais moi, j'ai été établi par lui roi
sur Sion, sa montagne sainte, annonçant son décret.
7 Le Seigneur m'a dit: Tu es mon Fils,
moi, aujourd'hui, je t'ai engendré.
8 Demande-moi, et je te donnerai les
nations en héritage, et pour ta possession les extrémités de la terre.
9 Tu les régiras avec un sceptre de fer,
et comme un vase de potier tu les briseras.
10 Et maintenant, rois, comprenez,
laissez-vous enseigner, vous qui jugez la terre.
11 Servez le Seigneur dans la crainte,
et réjouissez-vous en lui avec tremblement. 12 Embrassez la discipline, de peur
que le Seigneur ne s'irrite, et que vous ne périssiez hors de la voie juste.
13 Lorsque soudain prendra feu sa
colère, bienheureux tous ceux qui se confient en lui.
Dans le psaume précédent le psalmiste a décrit de manière quasiment
universelle la condition et l'évolution du genre humain; dans ce psaume il va
traiter le sujet proprement dit, c'est-à-dire ses propres tribulations qui
signifient celles du Christ.
Et à cet égard, il implore d'abord le secours divin en priant contre
les tribulations menaçantes. Ensuite il rend grâces pour avoir été exaucé, et
cela au psaume 8: "Seigneur, notre Dieu, qu'il est admirable ton nom par
toute la terre."Enfin il montre la confiance qui en découle, et cela au
psaume 10: "Je me confie dans le Seigneur: comment dites-vous à mon âme:
Émigre sur la montagne comme un passereau ?"
Or dans les tribulations l'homme peut demander deux choses.
D'abord qu'il en soit libéré.
Ensuite que ses ennemis soient abattus; et il fait cette demande au
psaume 7: "Seigneur, mon Dieu, c'est en toi que j'espère."
Concernant sa demande de libération, il commence par implorer le
secours contre ceux qui le tourmentent; ensuite contre ceux qui cherchent à le
tromper; et cela au psaume 5: "Prête l'oreille à mes paroles."
En implorant le secours, il rappelle d'abord les machinations de ceux
qui s'insurgent contre lui. Ensuite il implore le secours contre ceux qui se
sont insurgés contre lui; et cela au psaume 3: "Seigneur, pourquoi se
sont-ils multipliés ceux qui me tourmentent?" Enfin, mû par sa confiance
d'avoir été exaucé, il invite les autres à se confier en Dieu; et cela au
psaume 4: "Lorsque je l'invoquais, il m'a exaucé."
Pour ce qui regarde ce psaume, on notera cependant qu'il ne traite
aucune ment dans son ensemble de la prière, mais bien de la malice de ceux qui
se rebellent. D'une manière générale il faut savoir qu'il existe deux opinions
au sujet de ce psaume.
Certains ont affirmé qu'il est la suite du
premier psaume; et ce fut l'opinion de Gamaliel. Et c'est pourquoi ils
affirmaient que tout comme ce psaume 1 commence par: "Bienheureux l'homme,
etc.", ainsi ce psaume se termine comme s'il en était une partie: Bienheureux ceux
qui se confient en lui, etc.; puisque ce verset semble reprendre le début
du psaume 1.
Mais il y a deux objections à faire contre cette affirmation. La première,
c'est que de cette manière il n'y aurait plus cent cinquante psaumes. Mais on
répondra à cela que certaines versions en ajoutent un que l'on trouve dans
plusieurs psautiers; et ce psaume commence ainsi: "Pusillus eram, etc. (étais tout
petit, etc.)." Et la secondé objection à faire, c'est qu'en hébreu les
psaumes sont ordonnés selon l'ordre des lettres; et cela afin de savoir de quel
psaume il s'agit. En effet au psaume premier correspond la lettre Aleph pour
signifier qu'il s'agit du premier; au psaume deuxième correspond la lettre Beth pour
signifier qu'il s'agit du deuxième; au troisième correspond la lettre Gimel, et
ainsi de suite. Donc puisque Beth, lettre qui est la deuxième dans l'ordre
de l'alphabet, figure au début de ce psaume, il est manifeste qu'il s'agit du
psaume deuxième; et c'est ce que soutient Augustin. On doit donc dire que ce
psaume est le deuxième dans l'ordre des psaumes, mais le premier qui a un
titre. Et son titre est: Psaume de David. Le mot "psaume" vient à
proprement parler de psaltérion, qui est un instrument à dix cordes qu'on
touche avec la main - d'où le verbe psallere qui signifie "toucher avec la
main" -, et qu'on touche par le haut. C'est pour quoi on appelle psaume un
cantique que David chantait, ou faisait chanter sur le psaltérion.
Au sens mystique cependant, les dix cordes du psaltérion signifient la
loi de Dieu qui comprend dix préceptes, et il faut qu'il soit touché avec la
main, c'est-à-dire que la loi soit bien accomplie, et touché par le haut, parce
que les préceptes doivent être accomplis en raison de l'espérance des biens
éternels - autrement on le toucherait par le bas. Il s'agit donc d'un psaume de
David qui a été composé par lui, et qui traite de son royaume comme figure du
royaume du Christ. En effet David symbolise bien le Christ, puisqu'il veut dire
"par la main du fort", et que le Christ est "force de Dieu".
On dit aussi de David qu'"il a l'aspect désirable", et du Christ
qu'il est "splendeur de la gloire". Et encore qu'il est celui sur "qui
les anges désirent se pencher".
1 Pourquoi
les nations ont-elles frémi, et les peuples médité de vains projets ?
2 Les rois de
la terre se sont levés, et les princes se sont ligués contre le Seigneur et
contre son Christ.
Ce psaume se divise en deux parties:
I) Dans la première partie est décrite la
machination de ceux qui s'attaquent au royaume de David et du Christ.
Il) Dans la seconde est exposée leur répression: 4 Celui qui habite dans les cieux se moquera
d'eux.
I. Au sujet de ceux qui s'attaquent au royaume
de David et du Christ, il dit trois choses:
A) Il commence
par exposer la rébellion de ceux qui machinent.
B) Ensuite il dit
contre qui ils machinent: contre le Seigneur et contre son Christ.
C) Enfin il
manifeste leur intention: Rompons leurs liens.
A. Or, au sens
littéral, il faut savoir tout d'abord que lorsqu'un peuple prépare une
rébellion, il commencé par murmurer, puis cherche à obtenir un appui auprès des
puissants afin d'arriver à ses fins.
Le psalmiste expose donc en premier lieu la tentative du peuple qui
murmure. Puis le secours des puissants: Les rois de la terre se sont levés, et les princes se
sont ligués.
Ainsi dans le peuple certains agissent moins sous l'empire de la raison:
ce sont les violents; d'autres davantage: ce sont les sages. Les premiers ne
sont pas mus par l'intelligence pour se rebeller, mais plutôt par la violence;
et c'est pourquoi le psalmiste dit de ces derniers qu'ils ont frémi, ce qui est le propre
des bêtes: "La colère du roi est comme le grondement d'un lion." Les
seconds sont mus par le conseil, et c'est pourquoi il dit de ceux-ci: ils ont médité de vains
projets. "Car vaines sont les pensées des hommes." Le
peuple est la multitude des hommes unie par le lien du droit. Et c'est pourquoi
on dit des Juifs qu'ils sont un peuple, parce qu'ils ont et sont sous la loi de
Dieu. Les autres sont appelés nations, parce qu'ils ne sont pas sous la loi de
Dieu. Ou bien au sens littéral, dans le royaume de David il y avait des nations
soumises et des Juifs fidèles; et les uns et les autres ourdissaient contre
lui, aussi dit-il: Pourquoi les nations ont-elles frémi, et les peuples
médité de vains projets ? Il n'interroge pas mais il réprimande, comme
dans le livre de la Sagesse: "À quoi nous a servi l'orgueil, et que nous a
rapporté la jactance des richesses ?"
De même les plus petits n'auraient rien pu faire par eux-mêmes s'ils
n'avaient bénéficié du secours des puissants, aussi nomme-t-il ceux qui prêtent
leur secours: d'abord en les aidant par leur pouvoir; et à ce propos il dit: Les rois de la
terre se sont levés, et les princes se sont ligués contre le Seigneur et contre
son Christ, autrement dit: les uns ont frémi, mais les autres se sont levés, c'est-à-dire
ont prêté assistance à cette malice. De même certains ont offert leur secours
en les conseillant par leur sagesse; et à ce propos il dit: ils se sont ligués, c'est-à-dire
afin de délibérer. La version iuxta Hebraeos de Jérôme lit: "Tractabant
pariter (Ils traitaient ensemble)." - "J'irai donc vers
les grands et je leur parlerai: car eux ils savent la voie du Seigneur, et le
jugement de leur Dieu; et voilà que de plus eux aussi ont brisé le joug, ils
ont rompu les liens."
B. Ensuite,
lorsqu'il dit: contre
le Seigneur et contre son Christ, etc., il fait connaître ceux qui
endurent la rébellion. Il montre en effet contre qui fut dirigée la rébellion,
car ce fut contre le Seigneur, et contre son roi; car les rois sont appelés
Christ, c'est-à-dire "Oints": "Ne touchez pas à mes Oints."
Donc celui qui se rebelle contre le roi établi par Dieu, se rebelle aussi
contre Dieu: "Celui qui s'insurge contre l'autorité se révolte contre
l'ordre établi par Dieu." Et c'est pourquoi il dit: contre le Seigneur et contre son Christ. - "Ce
n'est pas toi qu'ils ont rejeté, mais moi."
Au sens mystique, ces paroles se rapportent au Christ sous la figure de
David: "Seigneur, toi tu as dit par la bouche de notre père David, ton
serviteur: Pourquoi les nations ont-elles frémi, et les peuples médité de vains
projets? Pourquoi les rois de la terre se sont-ils levés, et les princes se
sont-ils ligués contre le Seigneur et contre son Christ? Car Hérode et Ponce
Pilate se sont vraiment ligués dans cette cité avec les nations et les peuples
d'Israël, contre ton saint Fils Jésus que tu as oint, pour faire ce que ton
bras et ton conseil avaient décrété qui serait fait." Et selon ce sens, il
faut comprendre que les nations, c'est-à-dire les soldats, se sont ligués
contre le Christ. Et les peuples, c'est-à-dire les Juifs, ont médité de
vains projets, en croyant le tuer tout à fait, c'est-à-dire en
pensant qu'il ne ressusciterait pas. Et Les rois de la terre, c'est-à-dire Hérode Ier
l'Ascalonite qui tua les enfants, et puis Hérode Antipas, son fils, qui donna
son consentement à Pilate. Et les princes, c'est-à-dire Pilate, en tant
que ce mot est mis au pluriel pour un singulier par synecdoque. Ou bien, les
princes des prêtres se sont ligués, c'est-à-dire avec une volonté
perverse, contre le Seigneur et son Christ.
3 Rompons
leurs liens, et rejetons loin de nous leur joug.
C. Ensuite il
exposé l'intention de ceux qui machinent, aussi dit-il: Rompons leurs liens et rejetons loin de
nous leur joug. Ce qui est dit à bon droit, car le pouvoir du roi
est appelé joug. Dans le premier livre des Rois, on rapporté que l'assemblée
d'Israël demanda à Roboam d'alléger le joug que leur avait imposé Salomon. De
même que les boeufs sont attelés au joug pour le travail, ainsi les hommes le
sont sous le pouvoir d'une royauté. Et on ne peut enlever un joug sans rompre
les attaches. Or dans un royaume ces liens, par exemple les soldats, les camps
et les armes, sont les fondements du pouvoir royal. Il faut donc d'abord
supprimer ces liens, et alors enlever le joug.
Au sens spirituel, dans le Christ le joug est la loi de la charité: "Mon
joug est suave et mon fardeau léger." Les liens sont les vertus:
l'espérance, la foi, la charité: "Appliquez-vous à maintenir l'unité de
l'esprit par le lien de la paix." - "Les liens de la Sagesse sont des
chaînes salutaires." Donc pour que la conscience de l'homme né soit pas
sous le joug de la loi du Christ, cela ne se peut sans qu'auparavant ces liens
soient rompus; ce que font ceux qui disent à Dieu: "Retire-toi de nous, il
ne nous plaît pas de connaître tes voies. Qui est le Tout-Puissant, pour que
nous le servions? et que nous revient-il, si nous le prions?" - "Depuis
longtemps que tu as brisé ton joug, tu as rompu tes liens, et tu as dit: Je ne
servirai pas." Ou bien cela se rapporte au Christ dans la personne de
David parlant à ses serviteurs. Selon la Glose, "c'est comme Si David disait:
Eux-mêmes machinent ainsi; mais le Christ dit: Ô mes disciples, ne consentez
pas à ma mort". Cependant cette interprétation n'entre pas dans notre
propos.
4 Celui
qui habite dans les cieux se moquera d'eux, et le Seigneur les tournera en
dérision. 5 Alors il leur parlera dans sa colère, et dans sa fureur
il les remplira de trouble.
Il. Ensuite lorsqu'il dit: Celui qui habite, il expose la répression de
ceux qui machinent contre le royaume de David. Et à ce propos il montre deux
choses:
A) d'abord
comment ils sont réprimés par le Seigneur.
B) Ensuite
comment ils le sont par son Christ: Mais moi, j'ai été établi par lui roi sur Sion, etc. C'est
contre ces deux, le Seigneur et son Christ, qu'ils ont machiné, comme on l'a
dit.
A. Concernant la
manière dont le Seigneur les réprimé, on notera quatre choses: la raillerie, la
dérision, l'expression de la colère, et le trouble.
Car de même qu'un enfant, dépourvu de force et de puissance, sera
raille par le géant qu'il combat, ainsi quiconque dénué de puissance veut s'en
prendre à celui qui habite dans les cieux, sera raille par lui: "Regarde
en haut le ciel, et vois: et contemple combien la région de l'air est plus
haute que toi. Si tu pèches, en quoi lui nuiras-tu ?"
Et si l'impuissant persévère, alors celui qui est plus puissant le
réprime et le tourne en dérision. Or selon Jérôme, dans la Glose, la raillerie se fait par
la bouche, tandis que la dérision se fait par le plissement du nez,
c'est-à-dire avec une légère indignation: "Moi aussi à votre mort je rirai
et je vous tournerai en dérision, lorsque ce que vous craigniez vous sera
arrivé."
Mais s'il ne se désiste en aucune manière, alors il en vient à la
vengeance; et c'est pourquoi il dit: Alors il leur parlera dans sa colère, c'est-à-dire
proférera une sentence de vengeance contre eux. Cependant Dieu ne cède pas à la
colère, mais parce qu'elle est le propre de la créature, on l'attribue quelquefois
au Créateur, par anthropomorphisme, ce qui relève de "la propassion"
humaine: "Seigneur, ne me reprends pas dans ta fureur, et ne me châtie pas
dans ta colère."
Enfin la sentence passe à l'exécution; et c'est pourquoi il dit: et dans sa
fureur il les remplira de trouble, dans le coeur et dans l'âme par
un châtiment éternel, c'est-à-dire il les punira par sa propre puissance: "Quand
il se remue pour chercher son pain, il sent que le jour des ténèbres est prêt
en sa main. La tribulation l'épouvantera, et l'angoisse l'environnera."
Ces quatre manifestations auront lieu au jugement dernier. Car le Seigneur se
moquera d'eux en les mettant à sa gauche. Il les tournera en dérision, en
disant avec reproche: "J'ai eu faim." - "Il leur parlera dans sa
colère", en proférant cette sentence: "Allez loin de moi, maudits, au
feu éternel, qui a été préparé pour le diable et pour ses anges." - "Il
les remplira de trouble", en exécutant sa sentence: "Ils iront
ceux-ci au supplice éternel, et les justes dans la vie éternelle."
6
Mais moi, j'ai été établi par lui roi sur Sion, sa montagne sainte, annonçant
son décret.
B. Ensuite il
montre comment ils sont réprimés par son Christ: Mais moi. Or le peuple, les
nations et les princes s'insurgèrent contre le Christ David.
1) Il commence
donc par montrer comment le Christ se comporte à l'égard du peuple.
2) Ensuite à
l'égard des nations: Le Seigneur m'a dit.
3) Enfin
vis-à-vis des rois: 10 Et maintenant, rois, comprenez, etc.
1. Ainsi dit-il: Mais moi, j'ai
été établi par lui roi sur Sion, sa montagne sainte, etc. Or
il faut savoir qu'il a été établi par Dieu roi sur Jérusalem, et qu'il a ramené
le peuple à Dieu par son enseignement, autrement dit: ceux-là agissent ainsi,
mais ils ne peuvent avoir sa propre intention, car dit-il: j'ai été établi, c'est-à-dire de
manière stable, roi
sur Sion, c'est-à-dire sur le peuple des Juifs qui était à
Jérusalem, dont la citadelle est à Sion. par lui, c'est-à-dire par Dieu: "Le
Seigneur m'est une aide: je ne craindrai pas ce que peut me faire un homme."
- "Place-moi auprès de toi, et que la main de qui que ce soit combatte
contre moi." - Mais j'ai été établi roi sur Sion sa montagne sainte, non
pour moi, mais afin de régir le peuple selon la loi de Dieu; et c'est pourquoi
il dit: Annonçant
son décret.
Mais au sens mystique il a été établi roi, en vertu de cette parole du
prophète Jérémie: "Un roi régnera, et il sera sage, et il rendra le
jugement et la justice sur la terre." sur Sion, c'est-à-dire sur l'Église des Juifs,
qui est appelée montagne sainte, parce qu'elle a reçu la première les rayons du
soleil: "Je n'ai été envoyé qu'aux brebis perdues de la maison d'Israël."
- "Est-ce que j'ignore que je suis devenu aujourd'hui roi sur Israël ?"
annonçant son
décret, c'est-à-dire l'évangile dans sa totalité, ou bien ce
précepte particulier dont il est dit: "Je vous donne un commandement
nouveau: c'est que vous vous aimiez les uns les autres"; et de même: "Voici
mon commandement, c'est que vous vous aimiez les uns les autres comme je vous
ai aimés." Or ce commandement, il le prêcha personnellement aux Juifs,
c'est-à-dire dans sa propre personne: "Jésus parcourait la Galilée
enseignant dans leurs synagogues, et prêchant l'Évangile du royaume." Et
l'apôtre Paul dit à ce propos: "Je dis que le Christ a été ministre de la
circoncision, pour justifier la véracité de Dieu et confirmer les promesses
faites à nos pères."
7 Le
Seigneur m'a dit: Tu es mon Fils, moi, aujourd'hui, je t'ai engendré.
2. Ensuite
lorsqu'il dit:
Le Seigneur, il montre à partir de la même histoire comment il se
comporte à l'égard des nations. Et à ce propos il relève deux choses:
a) Il commence
par montrer que le pouvoir sur les nations convient au Christ.
b) Ensuite il
expose l'usage de ce pouvoir: Tu les régiras avec un sceptre de fer
a. En traitant de
la convenance du pouvoir que le Christ a sur les nations, le psalmiste montre
d'abord sur quel droit il se fonde. Puis il expose la donation de ce pouvoir: je te donnerai
les nations.
Ainsi dit-il: Le Seigneur m'a dit. Cette
parole ne s'accomplit pas totalement dans la personne de David, et c'est
pourquoi on l'entend du Christ, à qui appartient le pouvoir sur les nations
selon un double droit, c'est-à-dire par héritage: Le Seigneur m'a dit: Tu es mon Fils, etc.; et
par mérite: Demande-moi,
etc.
Le Christ est roi" de toutes choses", comme le dit la lettre
aux Hébreux; et cela en vertu de sa qualité de fils: "S'il est fils, il
est aussi héritier par Dieu", et c'est pourquoi le psalmiste traite de la
génération éternelle du Christ à l'égard de laquelle on notera trois choses:
- D'abord le mode de sa génération.
- Puis le caractère distinctif de sa filiation.
- Enfin l'éternité du fils engendré.
- Le mode de la génération est indiqué dans cette affirmation: Le Seigneur a
dit, c'est-à-dire qu'il a procédé par mode de pensée. Chaque type de
génération se fait selon son mode propre. Le mode de génération de la nature
divine n'est pas charnel mais intellectuel, bien plus il est la pensée même.
Ensuite cette génération est une procession selon l'origine, telle qu'elle se
rencontre dans la réalité intelligible, au sens où la conception du verbe
procède de l'intellect; et cela c'est dire le verbe dans le coeur. Et c'est
pourquoi il dit: Le
Seigneur a dit, comme si dans l'acte de dire il m'engendra. Aussi le
Fils est-il le verbe que le Père a dit, c'est-à-dire a produit en l'engendrant.
- Quant au caractère distinctif de la filiation, il est montré en ce
qu'il dit: mon
Fils, non par adoption, comme ceux dont il est dit: "Il leur a
donné le pouvoir de devenir fils de Dieu; à ceux qui croient en son nom; qui ne
sont point nés du sang, ni de la volonté de la chair, ni de la volonté de
l'homme, mais de Dieu", mais par nature. C'est pourquoi il dit: Tu es mon Fils, par
nature, unique, consubstantiel: "Celui-ci est mon fils bien-aimé."
- L'éternité de sa génération est exposée dans les mots qu'il ajoute: moi,
aujourd'hui, je t'ai engendré, c'est-à-dire éternellement; car cette
génération n'est pas nouvelle mais éternelle. Et c'est pourquoi il dit: aujourd'hui, je
t'ai engendré, car le mot aujourd'hui désigne la présence, et ce qui est
éternel dure toujours. Il dit aussi: je t'ai engendré et non je t'engendre, afin de
signifier la perfection de cette génération: car lorsque la génération se fait
sans mouvement, être engendré et avoir été engendré sont un même acte. Il dit
encore: aujourd'hui,
afin de signifier la présence actuelle et glorieuse qui échoit au
Christ: "Lui qui habite une lumière inaccessible", et qui est
vraiment, en qui rien n'est passé, ou futur, ou obscur, mais en qui tout est
clair.
8
Demande-moi, et je te donnerai les nations en héritage, et pour ta possession
les extrémités de la terre.
Plus haut le psalmiste a exposé le privilège de la génération éternelle
qui confère au Christ le pouvoir de régir les nations en vertu du droit
héréditaire; ici il montre comment il l'a acquis par son mérite.
Il faut à ce propos faire la considération suivante: de même que dans
les réalités naturelles la matière est informée en fonction de sa capacité
dispositive; ainsi dans les réalités spirituelles Dieu dispense gratuitement
ses dons: "Dieu est celui qui opère en nous le vouloir et le faire, selon
sa bonne volonté" et c'est pourquoi il veut que nous recevions ses dons en
demandant et en priant. Et il a voulu nous montrer cet exemple dans le Christ
en lui faisant demander ce qui lui revenait par droit héréditaire. Or cette
demande faite en vue d'appeler les nations, peut se comprendre de deux
manières. D'abord par la prière, car il pria pour elles: "Je ne prie pas
pour eux seulement, mais encore pour ceux qui par leur parole croiront en moi."
Également par sa passion: "Afin que la mort intervenant pour la rédemption
des prévarications qui existaient sous la première alliance, ceux qui sont
appelés reçoivent la promesse de l'héritage éternel"; demande qui
assurément ne fut pas vaine, puisqu'en tout" il a été exaucé pour sa piété".
C'est pourquoi il fait mention de la donation lorsqu'il ajoute: Et je te
donnerai les nations. Il faut noter ici que nul ne vient au Christ
si ce n'est par un don du Père: "Nul ne peut venir à moi, si le Père qui
m'a envoyé ne l'attire." Or la donation des nations est purement un don:
car les Juifs ont été comme restitués, puisqu'ils avaient été donnés auparavant:
"Je dis que le Christ Jésus a été le ministre de la circoncision", et
c'est pourquoi il dit: je te donnerai les nations, c'est-à-dire afin
qu'elles te soient soumises et qu'elles soient ton héritage: "afin qu'au
nom de Jésus, tout genou fléchisse aux cieux, sur terre et dans les enfers".
- "Mon héritage est incomparable pour moi." De plus il ne les possède
pas à la manière des serviteurs, comme Pierre ou Paul, mais en tant que maître:
"Et Moïse, à la vérité, a été fidèle dans toute sa maison comme un
serviteur, pour rendre témoignage de tout ce qu'il devait dire; or le Christ
est comme un fils dans sa maison, et cette maison c'est nous." Et c'est
pourquoi il dit: ta
possession. - "Afin que tu possèdes des héritages dissipés; que
tu dises à ceux qui étaient dans les chaînes: Sortez; et à ceux qui étaient
dans les ténèbres: Venez à la lumière." Il dit ensuite: les extrémités
de la terre, parce que l'Église a été édifiée dans le monde entier.
Mais par la suite des fidèles apostasièrent à cause de l'hérésie de Nicolas et
de Mahomet. Ou bien l'Église est dans l'attente d'être fondée: "C'est peu
que tu me serves à relever les tribus de Jacob, et à convertir les restes
d'Israël. Je t'ai établi pour être la lumière des nations, et mon salut jusqu'à
l'extrémité de la terre." - "Dieu l'a établi héritier de toutes
choses."
9Tu
les régiras avec un sceptre de fer, et comme un vase de potier tu les briseras.
b. Ensuite
lorsqu'il dit:
Tu les régiras, il expose l'exécution de son pouvoir sur les
nations. Et selon le sens historique, il faut savoir que David avait été établi
roi des Juifs; aussi régnait-il sur certaines nations qu'il s'était soumises,
en tant que figure de la souveraineté universelle du Christ. Mais étant donné
qu'autre est la manière dont sont régis les citoyens, c'est-à-dire sous un
régime de miséricorde, et qu'autre est la manière dont sont soumis les ennemis,
c'est-à-dire sous un régime de justice ngoureuse; voilà pourquoi il dit: avec un sceptre
de fer. Mais mieux vaut appliquer ces mots à la souveraineté
spirituelle du Christ. Il est en effet nécessaire que celui qui régit ait un
sceptre: "C'est un sceptre d'équité que le sceptre de ton règne."C'est
afin de détenir le sceptre de la discipline pour punir les délinquants que les
rois sont nécessaires. Et parce que le Christ a été établi roi par Dieu pour
régir le peuple, il dit: Tu les régiras avec un sceptre de fer. Et il
ajoute: de
fer pour signifier la discipline de la justice. Car le sceptre avec
lequel les Juifs étaient soumis ne fut pas de fer, puisqu'ils se donnèrent
souvent des prétextes pour adorer les idoles. Mais le sceptre avec lequel il
régit les nations est de fer, parce que les Juifs ne s'écarteront plus de la
souveraineté du Christ, lorsque la totalité des nations sera entrée dans
l'Église: "Elle enfanta un enfant mâle qui devait gouverner toutes les
nations avec un sceptre de fer."
et comme un vase
de potier tu les briseras. Ce
verset est expliqué dans ce passage du livre de Jérémie: "Je descendis
dans la maison du potier, et voici qu'il travaillait sur sa roue. Et le vase
qu'il faisait de ses mains avec l'argile fut manqué, comme il arrive à l'argile
dans la main du potier; et il se mit à en faire un autre vase", et
l'application qui suit: "Comme l'argile est dans la main du potier, ainsi
vous êtes dans sa main". En effet lorsqu'un vase de potier est neuf, on le
brise facilement si sa forme est mauvaise et on lui en restitue une bonne.
Ainsi les Juifs étaient-ils convertis, aussi ne devaient-ils pas être brisés;
car leur foi est la même que la nôtre. Mais les gentils étaient idolâtres, et
c'est pourquoi ils devaient être brisés afin de recevoir une autre forme,
c'est-à-dire une autre foi, la véritable. Ou bien: Tu les régiras avec un sceptre de fer, c'est-à-dire
les bons, et
comme un vase de potier tu les briseras, c'est-à-dire les méchants
qui finalement doivent être brisés: "Celui-ci a été établi pour la ruine
et la résurrection d'un grand nombre." - "Subitement, tandis qu'on ne
s'y attend pas, viendra son brisement. Et elle sera mise en pièces, comme on
brise d'un brisement très fort un vase de potier, et on ne trouvera pas parmi
ses fragments un têt dans lequel on puisse porter un peu de feu pris d'un
incendie, ou puiser un peu d'eau à une fosse". - "Que celui qui est
juste devienne plus juste encore; que celui qui est souillé se souille encore."
10 Et
maintenant, rois, comprenez, laissez-vous enseigner, vous qui jugez la terre.
3. Ensuite
lorsqu'il dit:
Et maintenant, il montre comment il se comporte à l'égard des rois.
Or il les réprime en les admonestant et en les gagnant au service de Dieu.
a) À cet égard il
commence par exposer son admonestation.
b) Puis il en
assigne la raison: de peur qu'il ne s'irrite.
a. Son
avertissement porte sur trois choses. Sur la vérité de la doctrine, sur
l'humilité de la soumission: Servez, etc., sur l'accueil de la correction:
laissez-vous
enseigner. Les hommes peuvent connaître la vérité de deux manières:
ou bien par des découvertes, et ceux-ci sont qualifiés à bon droit
d'intelligents; ou bien par l'enseignement, et ceux-là sont qualifiés à juste titre
de dociles. De même il y a deux sortes de gouvernants. À certains est confié le
gouvernement universel: ce sont les rois. À d'autres est confié un jugement
particulier: et ce sont les juges. Il exhorte donc les premiers à comprendre:
car "l'homme intelligent apprendra l'art de gouverner". Et les
seconds à se laisser enseigner, c'est-à-dire à recevoir des autres la procédure
([ormam) du
jugement; et c'est pourquoi il dit: Comprenez et laissez-vous enseigner. - "Écoutez
rois et comprenez; instruisez-vous juges des confins de la terre."
11 Servez
le Seigneur dans la crainte, et réjouissez-vous en lui avec tremblement. 12
Embrassez la
discipline, de peur que le Seigneur ne s'irrite, et que vous ne périssiez hors
de la voie juste.
Ensuite lorsqu'il dit: Servez, il montre à bon droit le service,
après avoir parlé de l'intelligence; car le service de Dieu, qui est latrie,
est une profession de foi. Et c'est pourquoi il importe d'abord de croire, et
ensuite de confesser sa foi et de servir: "On croit de coeur pour la
justice, et on confesse de bouche pour le salut." Il dit encore: le Seigneur, car
pour celui qui sert l'homme, il suffit qu'il se soumette à lui par une
obéissance extérieure; tandis que pour celui qui sert Dieu, il faut qu'il se
soumette à lui intérieurement avec un coeur bien disposé: "Maintenant mon
âme sera soumise à Dieu." Il affirme aussi: avec crainte, car celui qui persiste
dans la voie de la sainteté n'est pas pour autant préservé du péché, selon cet
avertissement de l'Écriture: "Que celui qui se croit être ferme prenne
garde de tomber." Et on notera, selon Augustin, que le roi sert Dieu en
tant qu'homme par une vie fidèle, mais en tant que roi, en portant des lois
contre ce qui s'oppose à la justice de Dieu; c'est pourquoi la constitution de l'Église
est préfigurée dans ce psaume. Car dès son origine les rois de la terre
prescrivirent des lois contre le Christ et les chrétiens, mais par la suite ils
édictèrent des lois en faveur du Christ. Et il montre leur première attitude
lorsqu'il dit: se
sont levés; leur seconde attitude ici: Servez le Seigneur. Mais de peur
que ce service ne donne l'impression d'être une peine s'il ajoute: et
réjouissez-vous en lui avec tremblement. Car la crainte du Seigneur
n'est pas faite de peine mais de joie, aussi est-il écrit dans le Lévitique qu'"Aaron
répondit à Moïse": "Comment [peuvent-ils] plaire au Seigneur avec un
esprit chagrin ?" Mais de peur que cette joie ne verse dans la présomption
ou la négligence, il ajoute: avec tremblement, ce qui est l'effet d'une crainte
soudaine: "Opérez votre salut avec crainte et tremblement." Ensuite
il les exhorte à accueillir, lorsqu'il ajoute: Embrassez, pour que personne ne
vive à son gré, mais comme il convient. Et c'est pourquoi il dit: la discipline, c'est-à-dire
les préceptes et les bonnes moeurs, ou une sorte de secours et de défense dans
l'adversité: "Et ta discipline m'a corrigé."
b. Et il expose
la raison de son avertissement en disant: de peur qu'il ne s'irrite. Et cette raison est
double: pour éviter le châtiment et pour obtenir la gloire: bienheureux tous
ceux qui se confient en lui.
Mais il dit: de peur, en raison de la patience de Dieu,
dont les délais se prolongent en ce monde: "Dieu est un juge équitable,
fort et patient: est-ce qu'il s'irrite tous les jours ?" disant: "Si
vous ne vous convertissez", autrement dit: gardez mon admonestation de
peur que ne vienne le temps de la punition.
que vous ne périssiez hors de la voie juste, c'est-à-dire hors de la justice et de la
société des bons, ce qui est un grand châtiment pour ceux qui ont goûté la
douceur de la justice. La version iuxta Hebraeos de Jérôme lit: "Pereatis de via (Que
vous ne périssiez hors de la voie)", mais le mot justa (juste) n'y figure pas. En
effet aussi longtemps que l'homme est dans le monde, il est comme en état de
voie (in via); car s'il
vient à tomber, il peut se relever. On ne dit pas non plus qu'est perdue une
chose qui peut être réparée, tout comme ce qui ne tombe pas hors de la voie
mais sur la voie. Mais hors de la voie, c'est irréparable: "Et parce que
nul ne comprend, ils périront pour toujours." Et voilà pourquoi il dit
ensuite: Lorsque.
13 Lorsque
soudain prendra feu sa colère, bienheureux tous ceux qui se confient en lui.
Il expose ici l'autre raison qui consiste en l'acquisition de la
gloire, autrement dit: Embrassez la discipline, car Lorsque soudain
prendra feu sa colère, bienheureux tous ceux qui se confient en lui. Il
dit à bon droit: Lorsque
soudain prendra feu sa colère, car maintenant il ne brûle pas en
châtiant comme un père, mais au Jugement dernier il les engloutira et les
brûlera, quand il les punira d'un châtiment éternel: "Voici que le nom du
Seigneur vient de loin; sa colère est ardente, et nul n'en peut soutenir
l'effort. Ses lèvres sont pleines d'indignation, et sa langue est comme un feu
dévorant." Il dit aussi: soudain, car il n'examinera pas chaque péché
séparément, mais tous à la fois. C'est pourquoi ce jugement sera bref et ne
durera pas mille ans, comme l'a dit Lactance. L'Écriture dit en effet: "En
un moment, en un clin d'oeil, au son de la dernière trompette", et alors
tous les bons seront changés dans la gloire de l'immortalité; aussi bienheureux
ceux qui se
confient, autrement dit: la vengeance en cet instant n'atteindra pas
ceux qui se confient en Dieu, mais ils seront bienheureux car ils parviendront
au Royaume; béatitude ou gloire qui apparaîtra plus éclatante que le châtiment
des méchants: "Béni l'homme qui se confie dans le Seigneur, et dont le
Seigneur sera l'espérance. Et il sera comme un arbre que l'on transplante sur
le bord des eaux, qui étend ses racines vers l'eau qui l'humecte; il ne
craindra pas la chaleur, lorsqu'elle viendra. Et son feuillage sera vert, et au
temps de la sécheresse il ne sera pas en peine, et jamais il ne cessera de
faire du fruit."
1 Psaume de David lorsqu'il fuyait
devant Absalom son fils. 2 Seigneur, pourquoi se sont-ils multipliés ceux qui
me tourmentent ? Beaucoup se lèvent contre moi. 3 Beaucoup disent à mon âme: Il
n'y a point de salut pour elle en son Dieu.
4 Mais toi, Seigneur, tu es mon soutien,
ma gloire, et tu élèves ma tête.
5 De ma voix j'ai crié vers le Seigneur,
et il m'a exaucé de sa montagne sainte. 6 Moi je me suis couché et je me suis
endormi, et je me suis levé, parce que le Seigneur m'a pris.
7 Je ne craindrai point ces milliers
[d'hommes] de peuple qui m'entourent. Lève-toi, Seigneur, sauve-moi, mon Dieu.
8 Parce que c'est toi qui as frappé tous ceux qui me combattaient sans raison;
tu as brisé les dents des pécheurs.
9 Du Seigneur vient le salut, et sur ton
peuple se répand ta bénédiction.
1 Psaume
de David lorsqu'il fuyait devant Absalom son fils. 2 Seigneur,
pourquoi se sont-ils multipliés ceux qui me tourmentent ? Beaucoup se lèvent
contre moi. 3 Beaucoup disent à mon âme: Il n'y a point de salut pour
elle en son Dieu.
I. Le psaume précédent a montré la tentative des
adversaires; celui-ci implore contre elle le secours divin. Et ce psaume est
rédigé sous la forme d'une prière. Nous pouvons exposer:
A) Son fondement
historique.
B) Ensuite son
sens allégorique.
C) Enfin son sens
moral.
A. Le sens
historique est donné par le titre qui est: Lorsque [David eut fui] devant [la face d']Absalom son
fils. Comme le rapporte le deuxième livre des Rois, Absalom, fils de
David, poursuivait son père cherchant à le tuer; sur quoi David s'enfuit avec
les siens et sortit de Jérusalem nu-pieds. Il comprit que cela lui arrivait à
cause de son péché d'homicide et d'adultère, comme le lui avait prédit le
prophète Nathan: "L'épée ne s'éloignera plus jamais de ta maison, parce
que tu m'as méprisé." Or tandis qu'Absalom poursuivait David, l'armée de
David se retourna contre lui; et voici que son mulet l'entraîna dans sa course
sous la ramure d'un chêne, dont les branches entourant son cou saisirent sa
tête et le laissèrent suspendu. C'est alors que Joab, le chef de l'armée de
David, le tua. Après la mort de ce dernier, David fut rétabli dans son royaume
et régna en paix. C'est donc contre cette persécution que s'élève ce psaume.
B. Et cette
persécution préfigure celle que le Christ souffrit de la part de son fils Judas:
"Mes petits enfants, je ne suis plus que pour peu de temps avec vous."
Et encore: "Les fils de l'époux peuvent-ils s'attrister pendant que
l'époux est avec eux ?" Le Christ a fui Judas lorsque, ce dernier s'étant
séparé de lui, il se retira à l'approche de sa passion sur le mont des Oliviers
avec les autres apôtres. Et de même que David donna la paix à son fils inique,
lorsqu'il commanda au peuple en allant à la guerre: "Épargnez-moi le jeune
Absalom", et que ce dernier étant mort, il s'écria: "Que ne suis-je
mort à ta place, mon fils Absalom, mon fils Absalom ?"; ainsi le Christ à
l'égard du traître Judas, comme on le voit dans le festin et le geste du baiser:
car Absalom signifie bien "paix du père". En effet l'hébreu abba se
traduit en latin pater
[père]. Et shalom, "paix". Or Judas lui-même a
livré le Christ en donnant le baiser de paix. Et Absalom, tout comme Judas,
mourut pendu. Après la mort de Judas, le Christ régna en paix car il ressuscita
dans la gloire. Et cette persécution peut encore préfigurer toutes les
tribulations de l'Église.
C. Au sens moral,
ce sont les tribulations que l'homme souffre des ennemis temporels ou
spirituels. Et c'est pourquoi ce psaume exprime les sentiments de l'homme qui
implore.
À cet égard il manifeste d'abord la tentative de ses adversaires, ou
bien il expose à Dieu son tourment.
Puis il confesse l'assistance du secours divin: Mais toi,
Seigneur, etc.
1. Il expose la
persécution d'abord quant au nombre de ceux qui lui sont hostiles: pourquoi se
sont-ils multipliés ? - à savoir les nations, les peuples, les rois
et les princes. Et non seulement ceux qui lui sont étrangers, mais aussi son
fils: "Ils sont plus nombreux que les cheveux de ma tête."
2. Et il expose
la persécution quant au motif qui les amène à le persécuter, car c'est sans raison. D'où:
pourquoi ? -"
Pourquoi mon Seigneur persécute-t-il son serviteur ? Qu'ai-je fait ? De quel
mal ma main est-elle souillée ?"
3. Enfin il
expose la persécution quant à la diversité du tourment, car ils l'accablent en
le tourmentant de multiples manières ? Aussi le psalmiste dit-il: ceux qui me
tourmentent (tribulant). Le tribule est une plante piquante: "Il
te produira des épines et des tribules". Donc ceux-là tourmentent (tribulant), qui
blessent. Or les méchants blessèrent le Christ en le souffletant, en le
flagellant, en le conspuant, en l'insultant et en le menaçant de mort. Et c'est
bien ce qu'il dit: Beaucoup se lèvent, c'est-à-dire par les
faits. Absalom en effet a voulu tuer David, comme le manifeste le conseil de
Chusai. Et semblablement Judas a livré le Christ à la mort. De même ils
tourmentent David en le trahissant par des paroles, ou en lui exposant des
mensonges: Beaucoup
disent à mon âme, etc. Contre cette attitude perverse,
l'Écriture répond en disant: "Le salut des justes vient du Seigneur."
En effet, Si les impies considéraient cela, ils ne se lèveraient pas facilement
contre les justes; mais parce qu'ils ne croient pas à cela, ou parce qu'ils
méprisent la puissance de Dieu ou la justice de l'homme, ils disent par leurs
paroles et par leurs actions qu'il n'y a point de salut pour lui, etc.,
c'est-à-dire en celui qu'il honore et qu'il prend pour Dieu. Ceux qui
persécutent le Christ disent aussi cela: car s'ils espéraient dans sa
résurrection, Judas ne le livrerait pas et eux ne le tueraient pas. Et tel est
le sens de ces paroles: Il ne le sauvera pas, il n'est pas le fils de Dieu;
aussi disaient-ils: "Si tu es le fils de Dieu, descends de la croix",
et plus loin: "S'il est le roi d'Israël, qu'il descende maintenant de la
croix, et nous croirons en lui !"
4 Mais
toi, Seigneur, tu es mon soutien, ma gloire, et tu élèves ma tête.
II. Avec ce verset commence la seconde partie du
psaume. Le psalmiste montre ici que son secours est préparé par Dieu.
A) À cet égard il
montre d'abord que le secours divin l'assiste spécialement.
B) Puis qu'il
assiste tous les hommes en général: Du Seigneur vient le salut.
A. Et touchant
l'assistance divine à son égard il expose:
1) D'abord le
secours divin.
2) Puis
l'expérience de ce secours: De ma voix.
3) Enfin la sécurité qu'il apporte: Je ne craindrai point.
1. Ainsi dit-il: Mais toi,
Seigneur, autrement dit: ceux-ci se lèvent pour me faire la guerre,
mais toi tu me prends pour me protéger. La version iuxta Hebraeos de Jérôme exprime
encore mieux ce qu'il dit: "Glypeus meus ctrca me (Mon bouclier est autour
de moi)", comme Si le Seigneur me défendait à la manière d'un bouclier. De
même, non seulement il me garde en vie contre ceux qui veulent la détruire,
mais aussi dans la gloire contre ceux qui la décrient; aussi dit-il: ma gloire. -
"Celui qui se glorifie, qu'il se glorifie dans le Seigneur", et: "Que
celui qui se glorifie, se glorifie de cela, de me connaître et de savoir."
Et non seulement tu m'assistes contre ceux qui me décrient, mais tu me fais
aussi triompher de ceux qui m'oppriment; c'est pourquoi il ajoute: tu élèves ma
tête. - "Et maintenant ma tête s'est élevée au-dessus de mes
ennemis." Ces paroles peuvent s'appliquer au Christ qui fut conçu selon la
nature humaine dans l'incarnation, car" le Verbe s'est fait chair". -
"Voici mon serviteur, que je soutiens, mon élu en qui mon âme se complaît."
- "Bienheureux celui que tu as choisi et que tu as pris." - Le Christ
fut aussi glorieux dans sa résurrection: "Père, glorifie-moi." Et il
fut encore exalté dans son ascension: "C'est pourquoi Dieu l'a exalté, et
lui a donné un nom qui est au-dessus de tout nom."
5 De
ma voix j'ai crié vers le Seigneur, et il m'a exaucé de sa montagne sainte. 6 Moi je me suis
couché et je me suis endormi, et je me suis levé, parce que le Seigneur m'a
pris.
2. Ensuite
lorsqu'il dit: De
ma voix, il montre son expérience du secours divin.
a) Et à cet égard
il expose d'abord la prière: De ma voix.
b) Ensuite l'exaucement:
et il m'a
exauce.
c) Enfin en quoi
consiste cet exaucement: Moi je me suis assoupi, etc.
a. Concernant la
prière il fait connaître trois qualités qu'elle doit comporter. Car elle doit
être:
- Attentive. Aussi dit-il: De ma voix, c'est-à-dire la voix du coeur, qui
se fait entendre auprès de Dieu; celle de Moïse qui criait vers le Seigneur par
le coeur et non par la bouche: "Le Seigneur lui dit: Pourquoi cries-tu
vers moi ?" C'est également par ce cri du coeur que Suzanne fut exaucée: "En
pleurant elle regarda vers le ciel, car son coeur avait confiance dans le
Seigneur." De la même façon" Anne parlait en son coeur, ses lèvres
seules étaient en mouvement, et sa voix n'était pas du tout entendue." Et
encore: "Je prierai avec l'intelligence." Et voilà pourquoi il dit: ma voix. Car
lorsque la voix ne procède pas de mon coeur, elle n'est pas la mienne.
- Droite. Elle est droite lorsqu'elle tend où elle doit, et c'est
pourquoi il dit: vers
le Seigneur, où est le secours: "Comme nous ignorons ce que nous
devons faire, il ne nous reste autre chose que de tourner les yeux vers toi."
-"Mon secours viendra du Seigneur."
- Fervente. C'est pourquoi il ajoute: j'ai crié, car on dit que la
prière est accompagnée de cris en raison de la grandeur de l'amour: "Seigneur,
que mon cri parvienne jusqu'à toi." - "Dans les jours de sa chair,
ayant offert avec un grand cri et des larmes, des prières et des supplications
à celui qui pouvait le sauver de la mort, il a été exaucé pour son humble
respect."
b. - Ensuite il
expose l'exaucement lorsqu'il dit: et il m'a exaucé de sa montagne sainte, c'est-à-dire
de la sublimité de la majesté divine qui est inaccessible: "Qui montera à
la montagne du Seigneur ?" c'est-à-dire à sa toute-puissance. Ou bien, de
la hauteur de sa justice, car elle est incompréhensible: "Tes jugements
sont comme le vaste abîme." Ou: de sa montagne sainte, c'est-à-dire de moi qui
étais la montagne sainte, dont il est écrit: "Et il arrivera dans les
derniers jours que la montagne du Seigneur sera établie au sommet des
montagnes."
c. Et le psalmiste poursuit en disant: Moi je me suis
couché. Ici il montre en quoi consiste cet exaucement. Car il dit: je me suis levé.
Or il y a une différence entre celui qui est mort et celui qui dort:
car celui qui est mort ne se relève pas: "Penses-tu que l'homme une fois
mort revive à nouveau ?" tandis que celui qui dort se relève: "Celui
qui dort ne pourra-t-il se lever ?" Ainsi donc, lorsque la tribulation est
telle que l'homme ne revient pas à son premier état, on dit qu'il est mort.
Mais lorsque tourmenté ou tenté, il tombe dans le péché et se relève, on dit
qu'il dort. De même on peut dire que David dormit, puisqu'il fut libéré de son
fils et du péché. Or s'assoupir se dit d'un léger sommeil, tandis que dormir se
dit d'un profond sommeil; c'est pourquoi une autre version lit: Somnum cepi J'ai
pris mon sommeil), c'est-à-dire j'ai dormi profondément. Ainsi on dit que le
Christ a dormi profondément, parce qu'il s'offrit spontanément à la passion; et
parce qu'il s'est endormi, la mort s'ensuivit. C'est pourquoi il passa du
sommeil ordinaire à un sommeil plus profond. Ce sommeil est préfiguré dans
celui d'Adam: "Alors le Seigneur fit tomber un profond sommeil sur
l'homme." Car l'Église fut formée du côté du Christ mort sur la croix. Il
dit donc: et
je me suis levé, c'est-à-dire par ma propre puissance: "J'ai le
pouvoir de déposer mon âme et de la reprendre."Et cela, puisque le Seigneur m'a
pris. Une autre version lit: Sustentavit me (Il m'a nourri). De fait il eut
le pouvoir de la divinité puisqu'il s'est levé: "Si le juste tombe, il ne
sera pas brisé, car le Seigneur le soutient de sa main."
7 Je
ne craindrai point ces milliers d'hommes du peuple qui m'entourent. Lève-toi,
Seigneur, sauve-moi, mon Dieu. 8 Parce que c'est toi qui as frappé tous ceux qui me
combattaient sans raison; tu as brisé les dents des pécheurs.
Ensuite lorsqu'il dit: Je ne craindrai point, il expose
sa ferme assurance, autrement dit: parce que j'ai été exaucé, Je ne craindrai
point. - "Qu'une armée vienne camper contre moi, mon coeur ne
craindra pas." Ce qui signifie que l'Église du Christ ne peut en aucune
manière être abattue. Même la multitude du peuple qui avait entouré le Christ
crucifié n'a pu lui porter atteinte après sa résurrection; car "le Christ
ressuscité des morts ne meurt plus". Et d'où lui vient cette confiance, il
le montre lorsqu'il dit: Lève-toi, c'est-à-dire manifeste ta puissance
en me faisant ressusciter de la mort; et tel est le sens de ce qui suit: sauve-moi, etc. Parce que c'est
toi qui as frappé, etc. Plus haut il avait dit deux choses: que ses
ennemis le tourmentaient: Seigneur, pourquoi se sont-ils multipliés ceux qui me
tourmentent ?, et contre ceux-ci il dit maintenant: Parce que c'est
toi qui as frappé; et aussi qu'ils le décriaient: Il n'y
a point de
salut pour elle, etc., et contre ces derniers il dit: tu as brisé les
dents des pécheurs, c'est-à-dire tu as réduit à néant leurs paroles
de malédiction: "Je brisais les mâchoires de l'injuste, et j'arrachais la
proie de ses dents." La version iuxta Hebraeos de Jérôme lit: Percussisti
molas et dentes (Tu as brisé leurs mâchoires et leurs dents),
autrement dit: tu as frappé si fortement que leurs dents se sont brisées. La
mâchoire fut Absalom, les dents furent ses complices. Aussi, Absalom ayant été
anéanti, les autres furent écrasés.
9 Du
Seigneur vient le salut, et sur ton peuple se répand ta bénédiction.
B. Enfin
lorsqu'il dit: Du
Seigneur, il montre que le secours divin s'adresse à tout le peuple.
Et d'abord quant à la préservation du mal; et c'est pourquoi il dit: Du Seigneur
vient le salut. Et c'est la raison pour laquelle la prière doit être
dirigée vers Dieu.
Ensuite quant à l'accroissement des biens; et c'est pourquoi il dit: sur ton peuple
se répand ta bénédiction, c'est-à-dire sur le peuple qui espère de
toi et en toi, et non dans un autre, ta bénédiction. La bénédiction du Seigneur
entraîne toujours un accroissement de biens: "La bénédiction du Seigneur
rend les hommes riches."
D'après la Glose, ce psaume peut être interprété autrement,
à savoir en tant qu'il s'agit du Christ tout entier, c'est-à-dire de l'Église
et de sa tête fondée au milieu des tempêtes des persécutions. Ou bien au sens
moral, on peut le lire selon qu'il s'agit de la personne de chaque fidèle qui
combat les vices et les mauvais désirs. Et suivant ce sens David représente
alors n'importe quel fidèle, Absalom les vices et les désirs charnels, comme le
rapporte la Glose.
1 Pour la fin. Psaume-cantique de David.
2 Lorsque j'invoquais, le Dieu de ma
justice m'a exaucé. Dans la tribulation tu m'as mis au large. Aie pitié de moi,
et exauce ma prière.
3 Fils des hommes, jusques à quand
aurez-vous le coeur appesanti ? Pourquoi aimez-vous la vanité, et cherchez-vous
le mensonge ?
4 Et sachez que le Seigneur a fait
merveille pour son saint: le Seigneur m'exaucera, lorsque je crierai vers lui.
5 Irritez-vous et ne péchez pas; ce que
vous dites dans vos coeurs, repassez-le avec componction sur vos couches.
6 Offrez un sacrifice de justice, et
espérez dans le Seigneur.
Beaucoup disent: Qui nous montrera les
biens ? 7a La lumière de ton visage a été gravée sur nous, Seigneur.
7b Tu as mis la joie dans mon coeur. 8
Ils se sont multipliés par la récolte de leur froment, de leur vin et de leur
huile.
9 En paix tout à la fois je m'endormirai
et je reposerai. 10 Parce que toi, Seigneur, tu m'as établi tout
particulièrement dans l'espérance.
1 Pour
la fin. Psaume-cantique de David.
Dans le psaume précédent David implorait dans sa prière le secours de
Dieu; se voyant exaucé, il exhorte maintenant les autres à mettre leur
confiance en Dieu. Ce psaume exprime le sentiment de l'homme qui, ayant fait
l'expérience de la miséricorde divine, de ses bienfaits et de sa justice,
exhorte les autres à ne point désespérer. Son titre est: Pour la fin. Psaume-cantique de David. Dans
ce titre, il convient d'examiner deux termes qui se retrouveront tout au long
du psautier, à savoir l'expression psaume-cantique. Puis le terme Pour la fin. Au
sujet de la première expression on notera donc que David, selon ce qui est
écrit au deuxième livre des Rois, composait un psaume et le chantait devant
l'arche en s'accompagnant du psaltérion. On emploie donc le mot psaume, parce
qu'il est chanté avec le psaltérion, et non sans le psaltérion. Pour certains
psaumes cependant il sera intitulé psaume de David, pour signifier qu'il doit
être accompagné du psaltérion. Pour d'autres psaumes on l'intitulera cantique
de David, parce qu'il était chanté sans instrument. Pour d'autres encore, il
sera intitulé psaume-cantique de David, ou vice versa, parce que ce psaume était en même
temps chanté et en même temps joué sur le psaltérion. Cependant pour certains
psaumes, un ou plusieurs chantres débutaient en chantant, et un autre répondait
avec le psaltérion; et ces psaumes sont intitulés cantiques-psaumes. Mais pour
d'autres un seul chantait le psaume avec le psaltérion, et les autres
répondaient sans l'accompagnement du psaltérion: et ces psaumes sont intitulés
psaume-cantique. Et telle est la différence qu'il y a entre ces termes au sens
littéral; mais au sens mystique et selon la Glose, le mot psaume signifie une bonne
action, mais le mot cantique l'exultation de l'âme possédée par les réalités
éternelles. Cependant lorsqu'on rencontre ces deux mots à la fois dans le même
psaume, cela signifie qu'il traite de l'une et de l'autre. Mais quand il dit: Pour la fin, si
l'on considère cette expression en la rapportant à la réalité figurée par le
psaume, il s'agit évidemment du sens ultime, c'est-à-dire du Christ: "La
fin de la loi est le Christ, pour justifier tout croyant." Mais si l'on
considère l'expression Pour la fin selon le sens figuré, on peut
comprendre qu'on chantait pour célébrer la fin de la libération de David qui
fut persécuté par Absalom, autrement dit sa victoire. D'autres intitulent le
psaume: "Au vainqueur", c'est-à-dire à David vainqueur en psaumes,
car il l'emportait sur tous dans l'art de composer des psaumes. Mais il n'est
pas évident que ce soit vrai.
Ce psaume se divise en deux parties.
I) En effet le
psalmiste commence d'abord par une action de grâces pour les bienfaits reçus;
aussi dit-il: Lorsque
j'invoquais, etc.
Il) Ensuite il conclut en exhortant les autres
à se tourner vers Dieu: Fils des hommes, etc.
2 Lorsque
j'invoquais, le Dieu de ma justice m'a exaucé. Dans la tribulation tu m'as mis
au large. Aie pitié de moi, et exauce ma prière.
I. Son action de grâces porte sur deux sortes de
bienfaits.
A) En effet, il
rend grâces d'abord pour les bienfaits passes.
B) Ensuite il
prie pour les bienfaits futurs: Aie pitié de moi, etc.
A. À l'égard des
biens passés, il rend grâces d'abord parce qu'il a été exaucé; puis il montre
comment il a été exaucé:
Dans la tribulation, etc.
Il faut noter que ce verset a une double
version. L'une lit: "Il m'a exaucé"; l'autre porte: "Tu m'as
exaucé"; et une version de Jérôme concorde avec cette dernière. Telle
n'est pas cependant la portée du mot. Ainsi le psalmiste dit-il: Lorsque
j'invoquais, [tu] m'as exaucé, etc. À cet égard quatre choses sont
à prendre en considération.
Le psalmiste expose d'abord la prière et son exaucement; aussi dit-il: [Tu] m'as
exaucé. Mais il ne l'a pas exaucé sans qu'il ne crie; c'est pourquoi
il dit: Lorsque
j'invoquais, ce qui signifie implorer le secours dans la nécessité: "Lorsque
j'étais dans la tribulation, vers le Seigneur, j'ai crié et il m'a exaucé."
Il est aussi requis qu'il soit juste: car s'il exauce les pécheurs, c'est en
vertu de sa miséricorde, non de sa justice; et c'est pourquoi il dit: de ma justice. Selon
la Glose: de
ma justice, c'est-à-dire l'auteur de ma justice ou de ma
justification. - "Les yeux du Seigneur sont sur les justes."
Autrement dit: ce qui est premier, c'est que l'homme attribue sa propre justice
à Dieu et non à lui; et c'est pourquoi il dit: Dieu. C'est contre cette
attitude que Paul s'élève dans son épître aux Romains: "Ignorant la
justice de Dieu, et cherchant à établir la leur, ils ne sont pas soumis à la
justice de Dieu." L'homme doit donc d'abord attribuer son propre bien à
Dieu, ensuite avoir la justice, puis crier, enfin être exaucé.
B. La manière
dont il est exaucé sera décrite lorsqu'il dit: Dans la tribulation. Il dit: m'a exaucé, et:
m'as mis au
large, soit parce que ce psaume a peut-être été composé en vers, ce
qui nécessite un changement dans l'ordre de la construction à cause du mètre,
soit parce que suivant le mode de prière, l'homme change sa manière de
s'exprimer selon ses diverses affections. Mais il dit: Dans la tribulation tu m'as mis au large, car
tu m'as davantage mis au large que libéré, autrement dit: non seulement tu m'as
libéré, mais dans la tribulation elle-même tu m'as accordé la dilatation du
coeur: "Tu as élargi mes pas sous moi, et mes pieds n'ont point défailli."
Ou bien la dilatation de l'âme pour souffrir avec patience, ou bien l'étendue
du pouvoir à propos de laquelle il est écrit dans la Genèse: "Que Dieu
donne de l'espace à Japhet." Ensuite il dit: Aie pitié de moi, c'est-à-dire
en écartant tout ce qui subsiste de l'épreuve passée, et exauce[-moi], moi qui prie
pour les biens futurs.
3 Fils
des hommes, jusques à quand aurez-vous le coeur appesanti ? Pourquoi aimez-vous
la vanité, et cherchez-vous le mensonge ?
II. Ensuite
lorsqu'il dit: Fils
des hommes, etc., il se tourne vers les autres pour les
exhorter; et à cet égard il accomplit deux choses.
A) Il commence
par blâmer les pécheurs.
B) Ensuite il les
exhorte à se corriger:
Et sachez, etc.
A. En blâmant les
pécheurs il rappelle
1) D'abord leur
condition.
2) Ensuite il
reprend leur faute: Pourquoi aimez-vous, etc. ?
1. Il rappelle
leur condition en disant:
Fils des hommes. Ce qui peut se comprendre de deux manières:
a. D'abord en
mal. Ainsi dit-il: Fils des hommes, en tant qu'ils sont
corruptibles et enclins à pécher selon leur nature inférieure: "Mon esprit
ne demeurera pas toujours dans l'homme puisqu'il est chair." Et encore: "Le
sentiment et la pensée de l'homme sont inclinés au mal dès sa jeunesse."
Donc Fils des
hommes pour dire: vous vous montrez fils des hommes, c'est-à-dire
pécheurs, à savoir fils d'Ève et d'Adam: jusques à quand aurez-vous le coeur appesanti ? - "Malheur
à la nation pécheresse, au peuple accablé par l'iniquité, à la race perverse,
aux enfants scélérats; ils ont abandonné le Seigneur, ils ont blasphémé le
Saint d'Israël, ils sont retournés en arrière."
b. Ensuite en
bien. Parce que l'homme en tant qu'homme est l'image de Dieu; aussi dit-il: Fils des hommes,
non des bêtes: "L'homme, lorsqu'il était en honneur, n'a pas
compris: il a été comparé aux animaux sans raison, et il est devenu semblable à
eux." Et: le
coeur appesanti, c'est-à-dire parce que vous devez avoir un coeur
grand et ferme; jusques
à quand vous ne vous convertirez pas à Dieu ? Et c'est bien ce que
lit la version iuxta
Hebraeos de Jérôme: "Filii viri, usquequo inclyti mei ignominiose diligitis
vanitatem, quaerentes mendacium (Fils d'homme, jusques a quand, mes
enfants illustres, aimerez-vous honteusement la vanité, en cherchant le
mensonge ?)."
2. Et ainsi,
comme il sied, le psalmiste blâme leur faute: Pourquoi aimez-vous, etc. ? Or
dans le péché deux choses sont à prendre en considération: la volonté
s'attachant à l'objet, et l'intention déterminée.
Il traite d'abord de l'amour désordonné quand il dit: Pourquoi
aimez-vous la vanité ?, c'est-à-dire ce qui est vain, sans
consistance; c'est qu'en effet les réalités temporelles sont vaines, car elles
n'ont pas de fondement, tandis que le bien se perpétue: "Vanité des
vanités, et tout est vanité." Pourquoi donc aimez-vous la vanité ?,
autrement dit: pourquoi aimez-vous les réalités temporelles ?
Puis il traite de la mauvaise intention lorsqu'il dit: et cherchez-vous
le mensonge ?, c'est-à-dire pourquoi aimez-vous les richesses, afin
d'y trouver votre contentement ? Car "l'avare ne sera pas rassasié par
l'argent". - "J'ai regardé la terre, et voici qu'elle était vide."
Ou bien le
mensonge, c'est-à-dire l'idole "qui n'est rien". Jusques à
quand donc aimerez-vous et chercherez-vous cela, sans vous convertir à Dieu ?
4 Et
sachez que le Seigneur a fait merveille pour son saint: le Seigneur m'exaucera,
lorsque je crierai vers lui.
B. Ensuite
lorsqu'il dit:
Et sachez, il exhorte les pécheurs à se corriger. Et à cet égard il
exprime trois choses.
1) Il rappelle
d'abord les bienfaits prodigués envers lui.
2) Puis il les
exhorte à revenir vers Dieu: Irritez-vous, etc.
3) Enfin il
montre qu'il l'emporte sur eux par les biens: Tu as mis la joie, etc.
1. Ainsi dit-il: Et sachez, etc. Mais
il faut noter que le grec met ici diápsalma, tandis que l'hébreu lit sela, ce
que Jérôme traduit parfeliciter (heureusement), ou semper (toujours).
Diápsalma désigne
donc une division d'un psaume; car lorsque les Hébreux chantaient, ils
faisaient quelques pauses dans un psaume, afin de montrer, selon Augustin, que
la suite traite d'un autre sujet. Mais on objecte que selon cette
interprétation diápsalma
ne se trouve jamais à la fin d'un psaume; tandis que dans le
Psautier de Jérôme il arrive que sela se trouve à la fin d'un psaume. Et c'est
pourquoi sela
tire son nom de shalom, qui veut dire "pacifiquement".
Et cela concorde avec la version de Jérôme qui le traduit par feliciter (heureusement).
Ainsi donc mieux vaut la version pacifice (pacifiquement), que semper (toujours),
et c'est dans ce sens que s'emploie sela.
Quant au bienfait qu'il rappelle, il est doublé, l'un se rapportant au
passé et l'autre au futur: le Seigneur m'exaucera.
a. Concernant le
premier bienfait il dit: Et sachez, etc.; puisque cette conjonction et est
le début de la pensée, elle est rattachée au coeur du prophète, comme au début
du livre d'Ezéchiel: "Et il arriva en la trentième année, etc." Donc sela, qui
se traduit par diapsalma,
est mis ici parce qu'il marque une pause. Ou bien il fait la liaison
avec ce qui précède, autrement dit: n'aimez pas la vanité, Et sachez - Quoi ? - que le Seigneur
a fait merveille. Voici tout le bien qu'il m'a fait: car il a fait
merveille, c'est-à-dire m'a rendu admirable. On peut aussi le
rattacher autrement selon la Glose, comme s'il disait: sachez que ces choses sont
vaines, et sachez
aussi ce que vous poursuivez; que le Seigneur a fait merveille pour son saint, c'est-à-dire
le Christ signifié principalement par une image, le Christ qui est le Saint des
Saints, dont parle Daniel. Dieu l'a rendu admirable en le ressuscitant, et en
le plaçant à sa droite. N'importe quel juste est aussi admirable, car les
oeuvres de la justice sont plus grandes que les miracles extérieurs: "Dieu
est admirable dans ses saints." Mais le Christ est souverainement
admirable: "Et son nom sera appelé Admirable."
b. Concernant le
second bienfait il dit: le Seigneur m'exaucera. - "Avant qu'ils
crient, moi je les exaucerai; eux parlant encore, j'écouterai."
5 Irritez-vous
et ne péchez pas; ce que vous dites dans vos coeurs, repassez-le avec
componction sur vos couches.
2. Puis lorsqu'il
dit: Irritez-vous,
il les exhorte à corriger leur vie; et à ce propos il effectue trois
choses.
a) Il commence
par les exhorter à s'éloigner du mal.
b) Ensuite à
tendre au bien: Offrez
un sacrifice.
c) Enfin il
soulève une question: Beaucoup disent: Qui nous montrera les biens ?
a. Concernant
l'exhortation à s'éloigner du mal, il faut considérer que le péché naît en nous
principalement en vertu de trois causes: par la corruption de l'irascible, de
la raison et du concupiscible.
- Il écarte donc d'abord le péché qui naît de
la corruption de l'irascible; aussi dit-il: Irritez-vous, etc. Et cela s'entend de trois
manières; d'abord de la colère désordonnée, autrement dit: il est permis qu'un
mouvement de colère naisse en nous, mais non de le poursuivre jusqu'à commettre
un péché: "Irritez-vous et ne péchez point; que le soleil ne se couche
point sur votre colère." Ensuite ainsi: Irritez-vous, c'est-à-dire
contre vos péchés: "Mon indignation elle-même m'a secouru." et ne péchez
pas, c'est-à-dire de nouveau, autrement dit: irritez-vous contre les
péchés passés pour que vous n'en commettiez point d'autres. Enfin cela s'entend
de la colère due au zèle, ainsi: Irritez-vous contre les vices d'autrui, mais
cependant ne
péchez pas en les corrigeant de manière désordonnée, car la colère
doit être mesurée par la raison.
- Ensuite il écarte le péché qui naît de la corruption de la raison,
c'est-à-dire la simulation, en disant: ce que vous dites dans vos coeurs; ajoutez:
les pensées qui sont en vous, autrement dit: n'ayez pas dans le coeur une pensée
autre que celle que vous proférez.
- Enfin il écarte le péché qui naît de la
corruption du concupiscible. Soyez touchés de componction, c'est-à-dire à
cause dés péchés que vous avez commis sur vos couches, au sens où Paul le dit: "Comme
durant le jour, marchons honnêtement, non dans les excès de table et les
ivrogneries, non dans les coucheries et les impudicités, etc." Ou bien il
faut dire qu'il traite de deux péchés: de la colère, comme on l'a dit,
c'est-à-dire Irritez-vous
par une colère due au zèle. Puis de la concupiscence: repassez avec
componction ce que vous dites dans vos coeurs, c'est-à-dire ce que
vous pensez de mal, sur vos couches, soit à propos de choses
secrètes, soit en secret. Et cela concorde avec la version iuxta Hebraeos de Jérôme qui lit:
"Loquimini
et tacete (Parlez et taisez-vous)", c'est-à-dire ne dévoilez
pas de manière désordonnée en punissant. Ou bien il s'agit du vice de la colère
que le psalmiste empêche d'aboutir à l'acte, ce qui est pire. Ou bien il s'agit
de la colère contre les péchés.
6 Offrez
un sacrifice de justice, et espérez dans le Seigneur. Beaucoup disent: Qui nous
montrera les biens ? 7a La lumière de ton visage a été gravée sur nous,
Seigneur.
b. Ensuite le
psalmiste les exhorte à accomplir le bien. Et d'abord il les amène vers le
principe du bien, en disant: Offrez un sacrifice de justice, comme s'il
voulait dire: Soyez touchés de componction. Dans le livre du Lévitique il est
prescrit d'offrir un sacrifice pour les péchés. Mais le Seigneur ne se soucie
pas beaucoup des sacrifices de ce genre: "Tu n'as pas voulu de sacrifice
et d'offrande; mais tu m'as parfaitement disposé les oreilles"; c'est
pourquoi vous aussi, Offrez un sacrifice de justice, et espérez dans le
Seigneur Beaucoup disent: Qui nous montrera, etc., c'est-à-dire
un sacrifice de satisfaction et de pénitence: Offrez vos corps en hostie
vivante, sainte, agréable à Dieu. Puis il les amène vers la finalité du bien,
en disant: et
espérez dans le Seigneur, etc., autrement dit: soyez remplis d'espérance dans
le Seigneur, qui vous a donné d'accomplir ces sacrifices.
c. Enfin
lorsqu'il dit: Beaucoup,
il soulève la question qu'ils posent: Beaucoup, c'est-à-dire beaucoup
d'insensés, disent:
Qui nous montrera les biens ? autrement dit: comment pouvons-nous
savoir quels sont ces sacrifices agréables à Dieu ? Et le psalmiste résout
cette question lorsqu'il dit: La lumière de ton visage a été gravée sur nous, Seigneur,
etc.,
autrement dit: la raison naturelle innée nous enseigne à discerner
le bien du mal; et c'est pourquoi il dit: La lumière de ton visage a été gravée sur nous, Seigneur,
etc.
Le visage de Dieu est ce par quoi Dieu est connu, comme l'homme se
connaît par son visage: telle est la vérité de Dieu. À partir de cette vérité
divine la ressemblance de sa lumière brille dans nos âmes. Et c'est comme une
lumière participée, et elle est gravée sur nous, parce qu'elle est supérieure
en nous, et elle est comme un signe sur nos visages, aussi pouvons-nous grâce à
cette lumière connaître le bien: "Ils marcheront à la lumière de ton
visage, et en ton nom "ils tressailliront de joie tout le jour, etc."
En plus de cela nous sommes aussi marqués du sceau de l'Esprit: "Ne
contristez point l'Esprit-Saint en qui vous avez été marqués d'un sceau."
Et en outre par le signe de la croix, dont le sceau a été gravé en nous au
baptême, et que chaque jour nous devons appliquer: "Pose-moi comme un
sceau sur ton coeur."
7b Tu
as mis la joie dans mon coeur. 8 Ils se sont multipliés par la récolte de leur froment, de
leur vin et de leur huile.
3. Enfin
lorsqu'il dit: Tu
as mis, le psalmiste expose la supériorité qu'il a sur ces pécheurs
par les biens, comme s'ils lui disaient: Toi, tu nous exhortes à désirer tes
biens, mais nous, nous avons les nôtres; et c'est pourquoi il compare les biens
temporels aux biens spirituels.
a) Et il expose
en premier lieu les biens spirituels.
b) Ensuite les
temporels: par
la récolte, etc.
c) Enfin la
supériorité des biens spirituels: En paix, etc.
a. Ainsi dit-il:
il est vrai que tous ont la lumière de ton visage qui rayonne sur eux; mais, ô
Seigneur, à tes saints ainsi qu'à moi, Tu as mitsla joie, c'est-à-dire la joie
spirituelle, dans
mon coeur, c'est-à-dire pour que je me réjouisse de toi: "Le
royaume de Dieu n'est pas affaire de nourriture ou de boisson; mais il est
justice, paix et joie dans l'Esprit-Saint." Et tel est le bien spirituel.
b. Les mauvais,
eux, ont les biens temporels en abondance; et c'est pourquoi il dit: Ils se sont
multipliés par la récolte de leur froment, de leur vin et de leur huile, c'est-à-dire
se sont enrichis. Et dans tous ces biens temporels sont compris tous les autres;
car tous se rapportent à la nécessité vitale. Et ainsi le mot froment est
employé pour désigner la nourriture, le vin la boisson, et l'huile le
condiment. Une autre version lit: "À tempore frumenti (Au temps du froment)";
elle indique que ces biens manquent doublement, car le terme temporalia (biens
temporels) tire son nom de tempus (le temps). Il est écrit dans la
Sagesse: "Ce
n'est que le passage d'une ombre, notre temps." Et parce qu'un seul bien
ne leur suffit pas, il faut qu'ils soient nombreux; aussi dit-il: Ils se sont
multipliés.
9 En paix tout à
la fois je m'endormirai et je reposerai. 10 Parce que toi, Seigneur, tu m'as établi tout
particulièrement dans l'espérance.
c. Enfin
lorsqu'il dit: En
paix, il expose la supériorité des biens spirituels, comme s'il
disait: parmi ces biens y en a-t-il qui l'emportent ? Assurément la joie du
coeur. Et cela manifestement pour deux raisons.
D'abord, parce que ce bien sera éternel, tandis que celui-là est
temporel; ensuite parce qu'il est unique et simple, tandis que celui-là est
multiple.
Il continue en disant: Parce que toi, Seigneur, tout
particulièrement, etc. Ainsi déclare-t-i1: En paix tout à la fois [je me couche et
m'endors], autrement dit: les autres dans le temps, mais moi non, au
contraire tout
à la fois.
Remarquez donc que même au cours de la vie présente on peut dire du
juste qu'il se maintient dans le bien pour quatre raisons.
- D'abord parce qu'il n'est pas entravé de l'extérieur; et c'est
pourquoi il dit: En
paix. - "Mon peuple se reposera dans la beauté de la paix, dans
des tentes de confiance, et dans un repos opulent."
- Ensuite par la stabilité des biens acquis, car ce bien demeure
toujours le même; aussi dit-il: tout à la fois. - "Jérusalem qui est
bâtie comme une cité, dont les parties sont unies tout à la fois."
- Puis, parce qu'il est sans inquiétude, d'où: je m'endormirai. - "Moi je
dors, mais mon coeur veille."
- Enfin par le repos acquis par le travail;
c'est pourquoi il dit: et je reposerai. Et cela peut même commencer à
se réaliser ici dans la vie présente; car les saints ont ici-bas quasiment tous
ces biens en Dieu, mais parfaitement dans la Patrie. Et c'est pourquoi je
possède cela, dit David, car je possède le bien unique qui comprend tous les
autres; et c'est ce qu'il dit: Parce que toi, Seigneur, etc., autrement
dit: tout ensemble, en une seule espérance, tu m'as établi, c'est-à-dire dans la vie
éternelle, à propos de laquelle il est écrit au psaume 26: "J'ai demandé
une seule chose au Seigneur, je la rechercherai: c'est d'habiter dans la maison
du Seigneur tous les jours de ma vie." Et cette réponse s'oppose à ce
qu'il a dit: Ils
se sont multipliés. Parce que toi, Seigneur, tu m'as établi tout
particulièrement dans l'espérance, autrement dit: en toi seul
j'espère. Et cela concorde davantage avec la version iuxta Hebraeos de Jérôme qui lit:
"Quia tu
Domine specialiter securum habitare me fecisti (Parce que toi,
Seigneur, tu m'as fait d'une manière spéciale habiter en sécurité)." - "Mieux
vaut se confier", ou espérer, "dans le Seigneur que dans un homme."
1 Pour la fin, pour celle qui obtient
l'héritage.
2 Prête l'oreille à mes paroles,
Seigneur, entends mon cri. 3 Sois attentif à la voix de ma prière, mon roi et
mon Dieu. 4 Parce qu'à toi j'adresserai ma prière, Seigneur.
5 Dès le matin tu entendras ma voix. Dès
le matin je me présenterai à toi, et je verrai que tu n'es pas un Dieu voulant
l'iniquité. 6 Le méchant n'habitera pas près de toi; et les injustes ne
demeureront pas devant tes yeux.
7 Tu hais tous ceux qui opèrent
l'iniquité, tu perdras ceux qui disent le mensonge. Le Seigneur aura en
abomination l'homme sanguinaire et fourbe.
8 Mais moi, dans l'abondance de ta
miséricorde, j'entrerai dans ta maison, j'adorerai en m'approchant de ton
temple saint, [pénétré] de ta crainte.
9 Seigneur, conduis-moi dans ta justice
à cause de mes ennemis; dirige ma voie en ta présence.
10 Parce que la vérité n'est point en
leur bouche, leur coeur est vain. 11a Leur gosier est un sépulcre ouvert, avec
leurs langues ils agissaient trompeusement.
11b Juge-les, ô Dieu. 11c Qu'ils soient
déçus de leurs pensées;
11d à cause de la multitude de leurs
impiétés, chasse-les, parce qu'ils t'ont irrité, Seigneur.
12 Mais qu'ils se réjouissent tous ceux
qui espèrent en toi; éternellement ils exulteront, et tu habiteras en eux. Et
ils se glorifieront en toi, tous ceux qui aiment ton nom.
13 Parce que toi, tu béniras le juste,
Seigneur, tu nous as couronnés de ta bonne volonté comme avec un bouclier.
1 Pour
la fin, pour celle qui obtient l'héritage.
Dans le psaume précédent le psalmiste a exposé publiquement sa prière
contre ses persécuteurs; dans ce psaume il prie contre ceux qui répandent des
fourberies, afin de ne pas être trompé. Et à ce propos il formule deux demandes:
d'abord celle de ne pas être trompé; puis au psaume 6 d'être relevé de sa chute
dans le péché: "Seigneur, ne me reprends pas dans ta fureur."
Ce psaume a un titre qui comprend un aspect nouveau, à savoir: Pour la fin,
pour celle qui obtient l'héritage. Ce titre fait allusion à son sens
littéral et à son sens mystique.
Son sens littéral peut se comprendre de deux manières.
D'abord, suivant l'exposition de la Glose,
l'histoire de la Genèse rapporte que Sara voyant jouer Ismaël avec son fils
Isaac, en fut troublée et dit à Abraham: "Chasse cette servante et son
fils, car le fils de cette servante n'héritera pas avec mon fils Isaac."
À la vérité Sara comprit que ce jeu était une persécution dirigée contre Isaac;
mais Abraham accueillit avec dureté les propos de Sara à l'égard de son propre
fils Ismaël. Cependant Dieu lui dit: "Qu'elle ne te paraisse pas dure
[cette parole] sur l'enfant et sur ta servante: tout ce que Sara te dit, écoute
sa voix; parce que c'est en Isaac que sera ta postérité, etc."; comme s'il
disait: Isaac sera ton héritier, non point Ismaël. D'où ce qui est écrit plus
loin: "Abraham donna tout ce qu'il possédait à Isaac, mais aux fils de ses
autres femmes, il fit des présents, les sépara d'Isaac, son fils, et les
envoya, pendant que lui vivait encore, vers la région orientale." C'est
pourquoi ce psaume peut se référer à cette histoire. Selon le sens littéral, il
s'agit du peuple des Juifs obtenant l'héritage promis à Abraham, dont David
était le chef et le roi, mais selon le sens mystique il s'agit du peuple
chrétien: "Or nous, frères, nous sommes les fils de la promesse selon Isaac."
Donc ce psaume se rapporte à la fin, c'est-à-dire au Christ qu'il loue. pour celle, à
savoir l'Église qui obtient l'héritage, la Synagogue ayant été rejetée. Ou
bien, selon la version iuxta Hebraeos de Jérôme, le titre est: Victori pro
heredibus canticum David (Cantique à David vainqueur pour ceux qui
obtiennent les héritages); et on peut comprendre par là que ce psaume a été
composé pour célébrer la victoire que de fait David a remportée. Et il faut
savoir que David dans sa fuite perdit son héritage à cause d'Absalom, comme on
le rapporte au deuxième livre des Rois. C'est pourquoi de même que le psaume
précédent fut composé pour célébrer la libération et la victoire contre
Absalom, ainsi le psalmiste composa celui-ci pour demander la récupération de
son héritage. Car à la suite de son retour à Jérusalem, les gens de David se
soulevèrent encore avec fourberie et certains d'entre eux contre lui. C'est
pourquoi David demanda de convoquer dans les trois jours tous les hommes de
Juda, afin de pourchasser Shéba fils de Bikri; car le fils de Bikri va nous
affliger davantage qu'Absalom. Il avait en effet passé à travers toutes les
tribus d'Israël jusqu'à Abel, et tous les hommes choisis s'étaient assemblés
auprès de lui, Shéba ayant été décapité, David régna sur tout Israël.
2 Prête
l'oreille à mes paroles, Seigneur, entends mon cri. 3 Sois attentif à
la voix de ma prière, mon roi et mon Dieu. 4 Parce qu'à toi j'adresserai ma prière,
Seigneur.
Selon le sens littéral trois choses sont à considérer dans ce psaume.
I) D'abord la demande du psalmiste en vue d'être
exauce.
II) Ensuite la
manifestation de la confiance qu'il a d'être exaucé: Dès le matin, etc.
III) Enfin
l'objet de sa demande: Seigneur, conduis-moi, etc.
I. Concernant sa demande il expose deux choses:
A) D'abord sa
demande d'être exaucé.
B) Ensuite il
donne une raison à cet exaucement: mon roi.
A. Il faut noter
que celui qui veut solliciter quelque chose de quelqu'un procède de la manière
suivante: Il commence par désirer ce qu'il veut solliciter. Puis il médite les
paroles à exprimer. Enfin il les expose auprès de celui qui exauce.
Mais pour l'auditeur c'est le contraire: Il commence par percevoir les
paroles par l'ouïe. Puis il comprend le sens des paroles par l'intelligence.
Enfin il se dispose à satisfaire le désir de celui qui le sollicite.
C'est donc de cette manière que David s'adresse à Dieu.
Il sollicite d'abord une première chose, c'est-à-dire que Dieu écoute
ses paroles par l'oreille extérieure, lorsqu'il dit: Prête l'oreille à mes paroles, Seigneur.
Ensuite il fait porter sa demande sur le sens, c'est-à-dire
l'intelligence de ses paroles, lorsqu'il dit: [Comprends] mon cri, non point
mon sentiment extérieur mais intérieur: "Mon cri poussé en sa présence est
parvenu à ses oreilles." La version iuxta Hebraeos de Jérôme lit:" Intellige murmur
meum (Comprends mon murmure)" que j'ai pensé faire entendre; et
cette version s'accorde avec cette autre traduction qui dit: Meditationem (méditation).
Enfin il sollicite une troisième chose, c'est-à-dire l'exaucement: Sois attentif à
la voix de ma prière, c'est-à-dire veuille exaucer ma prière: "Dieu,
viens à mon aide."
Cependant on peut se demander Si Dieu accomplit séparément ces actes
successifs: entendre, prêter attention, exaucer.
On répondra que le psalmiste parle de manière métaphorique, en ce sens
que Dieu approuve tous ces actes: paroles extérieures, méditation intérieure,
et ce qu'il expose.
B. Ensuite il
donne une raison à cet exaucement quand il dit: mon roi. Et c'est le début du
verset selon un texte grec: "ho basileús mou." Le psalmiste allègue
trois raisons qui justifient l'exaucement.
Du côté de Dieu:
1. La première de
ces raisons étant: mon roi. Car il appartient au roi de
gouverner. Étant donné donc que cela concerne Dieu, il lui incombe de pourvoir
aux nécessités: "Qui ne te craindra pas, ô roi des nations ?"
2. La deuxième
raison est: Dieu.
Car Dieu est la fin et le gardien de tous nos désirs: "En Dieu
mon coeur a espéré, et j'ai été secouru." Et c'est pourquoi il dit: mon Dieu. -
"Un peuple ne doit-il pas consulter son Dieu, [consulte-t-on] les morts au
sujet des vivants ?"
Du côté de celui qui prie:
3. La troisième
raison est prise du côté de celui qui prie, lorsqu'il dit: Parce qu'à toi j'adresserai ma prière,
Seigneur Autrement dit: cela sied puisque tu as promis l'exaucement
à ceux qui prient: "Quiconque demande, reçoit, et qui cherche trouve, et à
qui frappe, il sera ouvert." Il n'y a pas de différence entre ce que dit
Jérôme: Deprecor
(je prie), et ce qui est dit ici: Orabo (Je prierai), car ce verbe
désigne la continuité de la prière sans interruption, autrement dit: je
prierai, comme j'ai toujours l'habitude de prier, selon l'exhortation du
Seigneur: "Il faut toujours prier sans se lasser."
5 Dès
le matin tu entendras ma voix. Dès le matin je me présenterai à toi, et je
verrai que tu n'es pas un Dieu voulant l'iniquité. 6 Le méchant
n'habitera pas près de toi; et les injustes ne demeureront pas devant tes yeux.
II. Ici commence
la deuxième partie du psaume, dans laquelle le psalmiste montre d'abord la
confiance qu'il a d'être exaucé; ensuite le motif de cette confiance: Dès le matin je
me présenterai à toi, etc.
A. Ainsi dit-il: tu entendras ma
voix dès le matin, c'est-à-dire au sens littéral, rapidement, comme
s'il disait en son temps. En effet nous devons attendre cela de Dieu, puisqu'il
exaucera promptement: "À la voix de ton cri, dès qu'il entendra, il te
répondra." Et encore: "Eux parlant encore, j'écouterai."
B. Il expose le
motif de sa confiance lorsqu'il dit: Dès le matin, etc. Il faut noter que le mot matin s'entend
de quatre manières: Il signifie le jour naturel: "Il y eut un soir et un
matin, premier jour." Semblablement la vie humaine; et c'est ainsi que la
jeunesse est appelée matin: "Que le matin il fleurisse et passe."
Pareillement le jour de la grâce de la première conversion de l'homme à Dieu,
car c'est alors qu'il commença à avoir la lumière de la grâce: "Nous avons
été remplis dès le matin de ta miséricorde." De même l'éternité: "Au
soir [c'est-à-dire dans la vie présente] demeureront les pleurs, et au matin
[c'est-à-dire dans la vie de l'éternité] la joie."
Deux raisons sont attribuées à juste titre à cette confiance:
1. D'abord, parce
qu'il se présente dès le matin, c'est-à-dire adhère à Dieu, et se prépare à
rencontrer Dieu. C'est pourquoi la version iuxta Hebraeos de Jérôme lit: Praeparabor (Je
me préparerai). - "Avant la prière, prépare ton âme, et ne sois pas comme
un homme qui tente Dieu."Donc dès le matin du jour, c'est-à-dire aux heures
du matin, je
me présenterai à toi, c'est-à-dire je me dirigerai vers toi. Et ce,
parce qu'à ce moment-là l'homme est libre de soucis, et a davantage le coeur
libre pour penser à Dieu: "Je méditerai le matin sur toi." - "Mais
et par mon esprit et dans mon coeur, dès le matin je veillerai pour toi."
Et: tu
entendras ma voix, etc. Car Dieu écoute ceux qui s'attachent à lui. Dès le matin, c'est-à-dire
de la grâce, les ténèbres de la faute ayant été chassées, je me présenterai et contemplabor (je
te contemplerai), selon la version iuxta Hebraeos de Jérôme. "Le juste sera
comme la lumière de l'aurore, qui, au soleil levant, le matin, brille sans
nuages, et comme l'herbe qui germe de la terre par les pluies." tu entendras ma
voix, c'est-à-dire en me libérant de la faute et du châtiment. Ou
bien: Dès le
matin, c'est-à-dire au jour de l'éternité: "Où étais-tu lorsque
les astres du matin me louaient tous ensemble, et que tous les fils de Dieu
étaient transportés de joie ?" Et alors l'homme sera totalement entendu.
Ou bien: Dès
le matin, c'est-à-dire depuis la jeunesse, je me présenterai à toi. - "Il
est bon à l'homme de porter un joug dès sa jeunesse", et: "Souviens-toi
de ton Créateur dans les jours de ta jeunesse, avant que vienne le temps de
l'affliction, etc." tu entendras ma voix qui déclare dans les
Proverbes: "J'aime ceux qui m'aiment, et ceux qui dès le matin veillent
pour me chercher me trouveront."
2. La seconde
raison de sa confiance, c'est qu'il verra; aussi dit-il: et je verrai. Et il expose en
premier lieu comment il se présentera, lorsqu'il dit: mais moi, dans l'abondance. Il
dit en premier lieu ce qu'il verra, c'est-à-dire quels sont ceux qui font
obstacle à l'écoute, et quels sont ces empêchements. Et ces hommes sont mauvais;
aussi dit-il: je
verrai, c'est-à-dire que tu n'es pas un Dieu voulant l'iniquité.
À cet égard il faut noter deux choses:
a) D'abord que
les méchants sont écartés.
b) Puis qu'ils
sont conduits vers les maux dus à leurs châtiments: Tu hais tous ceux qui opèrent l'iniquité.
a. À propos de
l'exclusion des méchants, le psalmiste parle de Dieu comme d'un homme qui aime
certains de ses semblables et en hait d'autres. À ce sujet il peut y avoir chez
l'homme une triple attitude: d'abord dans le fait que le péché commis par un
pécheur plaise à quelqu'un; ensuite dans le fait que la personne qui pèche
plaise à quelqu'un; enfin ni l'un ni l'autre, mais la personne verra volontiers
le pécheur et sans indignation.
Or cette attitude ne se trouve pas en Dieu, car le péché ne plaît pas à
Dieu et le pécheur n'entre pas dans sa familiarité. Semblablement il dédaigne
de le voir, et c'est pourquoi le psalmiste dit au sujet du péché: je verrai que tu
n'es pas un Dieu voulant l'iniquité, c'est-à-dire cela ne te plaît
pas.
Ensuite il dit à propos du pécheur: Le méchant n'habitera pas près de toi, c'est-à-dire
tu ne le garderas pas dans ta familiarité: "Il n'habitera pas au milieu de
ma maison." Et encore dans ce même psaume: "Je hais l'assemblée des
méchants."
Enfin, quant au fait qu'il dédaigne de les voir, il dit: les injustes ne
demeureront pas, c'est-à-dire les pécheurs, devant tes yeux, c'est-à-dire
devant ton regard qui ne garde en sa présence que ce qu'il agrée: "Tes
yeux sont purs, afin de ne point voir le mal; tu ne pourras pas regarder
l'iniquité."
7 Tu
hais tous ceux qui opèrent l'iniquité, tu perdras ceux qui disent le mensonge.
Le Seigneur aura en abomination l'homme sanguinaire et fourbe.
b. Le psalmiste
montre ici comment les méchants sont conduits au châtiment, et il expose à ce
sujet une triple gradation. En effet on distingue trois degrés dans la manière
dont quelqu'un hait son prochain. Il commence par lui porter de la haine, en
lui voulant du mal dans son coeur. Ensuite il lui manifeste cette haine en lui
infligeant un mauvais traitement. Enfin, tout en le vengeant, il se réconcilie
avec lui.
- Mais Dieu, lui, commence par haïr; c'est
pourquoi le psalmiste dit: Tu hais tous ceux qui opèrent l'iniquité, etc.
- "Dieu a également en haine l'impie et son impiété."
Cependant le livre de la Sagesse dit: "Tu aimes tout ce qui est,
et tu ne hais rien de tout ce que tu as fait; car ce n'est pas inspiré par la
haine que tu as établi quelque chose, ou que tu l'as fait."
On répondra à cette objection en disant que Dieu ne hait point ce qu'il
a fait, mais bien ce qu'il n'a pas fait, c'est-à-dire le péché. Que si nous
nous obstinons avec entêtement à commettre le péché, alors Dieu hait le pécheur
dans la mesure où il n'arrive pas à le détourner du péché et il rétablit
l'ordre par ses châtiments.
- Ensuite Dieu inflige un châtiment; et c'est pourquoi le psalmiste dit:
Tu perdras
[tous] ceux qui disent le mensonge.
- "Une bouche qui ment tue l'âme." Notons à ce propos qu'il y
a trois sortes de mensonge: le mensonge pernicieux, qui nuit à quelqu'un soit
spirituellement, soit matériellement, par exemple dans le domaine de la
doctrine: et c'est le mensonge le plus grave. Le mensonge joyeux, qui est
proféré pour amuser. Le mensonge officieux que l'on profère en vue d'un
avantage temporel ou spirituel. Et il faut savoir, selon Augustin, qu'aucun
mensonge officieux n'est sans péché, car Si tu mens afin de libérer quelqu'un,
ce n'est pas bien: puisque l'Apôtre dit: "Devons-nous faire le mal pour
qu'il en arrive du bien ?" Du reste tout mal pourrait être accompli en vue
d'un bien; mais le mensonge officieux peut être quelquefois véniel, tandis que
le mensonge joyeux est toujours véniel. Quant au mensonge pernicieux il est
toujours mortel. Et c'est à ce mensonge qu'on fait allusion ici.
- Enfin Dieu hait en tant qu'il inflige des châtiments à celui qui ne
se réconcilie pas; aussi le psalmiste ajoute-t-il: Le Seigneur aura en abomination l'homme
sanguinaire et fourbe. Nous avons en abomination tout ce que nous ne
supportons pas dans notre connaissance. On appelle hommes sanguinaires ceux qui
sont enclins par la passion à répandre le sang: "Leurs pieds courent au
mal, et ils se hâtent afin de verser le sang." - "Sors, homme de
sang." Est fourbe celui dont le langage use de fourberie. Par ailleurs, il
faut considérer le fait que le psalmiste procède selon un ordre: car il dit
d'abord que l'homme pratique le mal tout simplement en pensée; et Dieu a ces
pécheurs en haine. Cependant lorsqu'ils ajoutent la malice en exécutant leurs
desseins, alors ils provoquent Dieu à les punir. Mais lorsqu'ils persévèrent,
alors Dieu les a en abomination: "C'est une abomination pour le Seigneur
que la voie de l'impie."
8 Mais
moi, dans l'abondance de ta miséricorde, j'entrerai dans ta maison, j'adorerai
en m'approchant de ton temple saint, pénétré de ta crainte.
C. Ensuite
lorsqu'il dit: moi,
le psalmiste montre comment il se présente au Seigneur. Et à cet
égard il effectue deux choses.
1. Il expose
d'abord comment il s'approche de Dieu.
2. Ensuite quelle
prière il lui adresse: j'adorerai. Mais on dira alors: toi, tu dis
que le méchant
n'habitera pas près de toi. Serait-ce que toi, tu n'es pas pécheur ?
Comment donc oses-tu te présenter ? Et voilà pourquoi le psalmiste dit: ce
n'est pas à cause de mes mérites que j'entrerai dans ta maison, c'est-à-dire que je
m'approcherai de toi, mais à cause de l'abondance de ta miséricorde. Le mot temple est
pris ici ou bien au sens littéral, ou bien il désigne l'assemblée des fidèles: "Je
t'écris ces choses, quoique j'espère aller bientôt te voir, afin que, si je
tarde, tu saches comment te conduire dans la maison de Dieu, qui est l'Église
du Dieu vivant, la colonne et le fondement de la vérité." - "Car ce
n'est pas en vue de notre justice que, prosternés, nous répandons nos prières
devant ta face, mais en vue de tes miséricordes abondantes."Mais toi,
puisque tu es pécheur, c'est-à-dire un homme sanguinaire, comment approches-tu
ou adores-tu ? En vérité, pénétré de ta crainte. - "Celui qui est
sans crainte ne pourra être justifié"; c'est pourquoi il dit: Pénétré de ta
crainte, c'est-à-dire avec révérence.
9
Seigneur, conduis-moi dans ta justice à cause de mes ennemis; dirige ma voie en
ta présence.
III. Plus haut le psalmiste a demandé que sa
prière soit exaucée; ici il la formule. Et il prie d'abord pour lui, ensuite
pour les autres.
A. En priant pour
lui,
1) il commence
par exposer sa prière,
2) puis il en
donne les motifs: Parce que la vérité n'est point, etc.
1. Il demande
deux choses: d'être conduit et dirigé. Et pourquoi ? Parce que l'homme en ce
monde est comme sur une voie: "Voici la voie, marchez-y. "Or ceux qui
marchent sur la voie ont besoin de deux secours. Car si la voie n'est pas sûre,
ils ont besoin d'une conduite, ou bien de direction, si elle est douteuse. En
ce monde les ennemis sont partout: "Dans cette voie où je marchais, ils
m'ont caché un piège." Semblablement si la voie est inconnue: "Pourquoi
la vie a-t-elle été donnée [...] à un homme dont la voie est cachée et que Dieu
entoure de ténèbres ?" Et c'est pourquoi il demande d'abord: Seigneur,
conduis-moi dans ta justice, selon ta justice, ou bien que je marche
dans ta justice, et cela à cause de mes ennemis. - "Ton esprit qui est bon me
conduira dans une terre droite; à cause de ton nom, Seigneur, tu me rendras la
vie dans ton équité."
dirige ma voie en
ta présence. Une autre
version lit: "Dirige in conspectu meo viam tuam (Dirige ta
voie en ma présence)." La première version concorde avec celle de Jérôme,
la seconde avec le grec; mais le sens est cependant le même. Autrement dit:
Seigneur, je suis dans une voie cachée: "Il est une voie qui paraît droite
à l'homme, mais ses issues conduisent à la mort", et c est pourquoi le psalmiste
dit: dirige-moi
en ta présence, c'est-à-dire selon ta providence, car rien ne t'est
caché. Ou bien: en
ta présence, c'est-à-dire pour que je sois toujours agréable. Ou
encore: "Ta voie en ma présence", c'est-à-dire qu'elle soit toujours
dans mon coeur pour que je puisse toujours te suivre.
10
Parce que la vérité n'est point en leur bouche, leur coeur est vain. 11a
Leur gosier
est un sépulcre ouvert, avec leurs langues ils agissaient trompeusement.
2. Ensuite
lorsque le psalmiste ajoute: Parce que, il assigne le motif de sa demande,
et il décrit les ennemis ainsi que le danger imminent.
a) D'abord en
raison de l'absence du bien.
b) Ensuite à
cause de l'abondance du mal, car leur coeur est vain, etc.
a. Il y a
assurément absence de bien, car s'ils conservaient la paix, je pourrais faire
la paix avec eux et marcher en sécurité. Mais la vérité n'est [pas dans] leur bouche; car
autre est la vérité qu'ils ont dans leur bouche, et autre est celle qu'ils ont
dans leur coeur: "Il n'y a pas de vérité", et c'est pourquoi je ne
puis marcher en sécurité.
b. De même, à
cause de l'abondance du mal. Et d'abord quant à leur méditation, lorsqu'il dit:
leur coeur
est vain, c'est-à-dire ils méditent des choses vaines qu'ils ne
peuvent atteindre, par exemple tromper les pauvres qui sont sous ta garde: "Nombreux
sont les pièges du trompeur."Ensuite quant à leur avidité, car leur gosier est
un sépulcre ouvert, en effet de même qu'un sépulcre est un lieu qui
renferme des morts, et qu'il émane de lui une mauvaise odeur, ainsi en est-il
de leurs paroles qui mortifient les autres, soit spirituellement, soit
matériellement: "Les mauvais entretiens corrompent les bonnes moeurs."
De même leurs paroles répandent de mauvaises odeurs, car ils tiennent
des propos répugnants: "Il sort une haleine corrompue de l'estomac gâté."
Dans un sens on peut interpréter ce mot "gosier"en le rapportant à la
nourriture et à l'avidité; et on peut prendre cela ou bien au sens littéral
comme suit: Ils sont un sépulcre ouvert, parce qu'ils sont voraces.
Et dans le but d'assouvir leur voracité, ils flattent et font le mal. Ou bien
au sens figuré: car de même qu'un sépulcre en soi est destiné à recevoir des
morts, ainsi ces ennemis sont toujours prêts à tromper: "Son carquois est
comme un sépulcre ouvert."
Enfin quant à leur oppression: avec leurs
langues, etc., autrement dit: par leurs paroles séduisantes
ils mènent à la mort: "Par de douces paroles et avec flatterie ils
séduisent les coeurs innocents." - "C'est une flèche blessante que
leur langue; elle a proféré la tromperie; chacun en sa bouche parle de paix
avec son ami, et en cachette il lui tend des pièges." Telle peut être la
prière du juste et de l'Église.
11b Juge-les,
ô Dieu. 11c Qu'ils soient déçus de leurs pensées; 11d à cause de la
multitude de leurs impiétés, chasse-les, parce qu'ils t'ont irrité, Seigneur.
B. Ensuite
lorsque le psalmiste dit: Juge, il prie pour les autres. Et d'abord
contre les méchants. Ensuite pour les bons: Mais qu'ils se réjouissent.
En priant contre les méchants, il expose trois choses.
1) Il demande
d'abord leur jugement.
2) Puis il
précise la procédure de leur jugement: Qu'ils soient déçus, etc.
3) Enfin il donne
le motif de ce jugement: parce qu'ils t'ont irrité, Seigneur.
1. Ainsi dit-il: Juge-les, parce
qu'ils sont mauvais. Mais il faut noter qu'il y a deux sortes de jugement: un
jugement de discernement que subissent même les bons: "Juge-moi, ô Dieu,
et discerne ma cause." Et un jugement de condamnation: "Qui ne croit
pas est déjà jugé."Le psalmiste parle ici du jugement de condamnation que
les méchants subiront au jugement dernier. D'où cette version de Jérôme: "Condemna eos
Deus (Condamne-les, ô Dieu)."
Mais on objectera ces paroles de Matthieu: "Priez pour ceux qui
vous persécutent et vous calomnient."
On répondra en disant que les prophètes dans leur prophétie ne
parlaient pas par leur propre volonté: "Car ce n'est pas par la volonté
des hommes que la prophétie a jamais été apportée; mais c'est inspirés par
l'Esprit-Saint, qu'ont parlé les saints hommes de Dieu." Et c'est pourquoi
ce qu'ils proféraient, ils le disaient selon l'intelligence de la justice
divine. Et c'est ainsi que ces paroles étaient davantage des prédictions
portant sur l'avenir que leurs propres prières; aussi dit-il: Juge, c'est-à-dire
je sais que tu jugeras.
2. Il expose
ensuite la double procédure du jugement.
a) La première,
afin qu'ils renoncent à leur dessein.
b) La deuxième,
afin qu'ils soient écartés du lieu saint.
a. La première
procédure met un obstacle aux maux qu'ils projettent, et c'est pourquoi il dit:
Qu'ils soient
déçus de leurs pensées, c'est-à-dire de leurs conseils: "C'est
Lui qui surprend les sages dans leur finesse, et dissipe le conseil des
pervers." Ou bien: Qu'ils soient déçus, c'est-à-dire punis à
cause de leurs pensées: "Leurs pensées s'accusant et se défendant l'une
l'autre."
b. Mais la
seconde procédure les chasse de la compagnie des bons; d'où ce qui suit: à cause de la
multitude, etc. Ce jugement aura lieu lorsque le Seigneur
dira: "Allez loin de moi, maudits, au feu éternel, qui a été préparé pour
le diable et ses anges." - "Il le chassera de la lumière dans les
ténèbres." Et il dit: à cause de la multitude de leurs impiétés, car
en raison de ces dernières aura lieu la procédure de condamnation:" C'est
selon la mesure du péché que sera la mesure des coups."
3. Le psalmiste
expose le motif de ce jugement en disant: parce qu'ils t'ont irrité, c'est-à-dire
provoqué à la colère. Ce verbe ne désigne pas en Dieu la colère, mais bien la
volonté de punir. Une autre version lit: amancaverunt (ils t'ont rendu amer), toi qui
es doux, en péchant avec obstination contre toi. Les pécheurs commencent par
pécher, puis ils aggravent leur péché par leur obstination, et alors Dieu ne
les épargne pas mais il s'irrite, c'est-à-dire est amené à punir: "Ignores-tu
que la bonté de Dieu t'invite à la pénitence ? Cependant, par ta dureté et ton
coeur impénitent, tu t'amasses un trésor de colère pour le jour de la colère et
de la manifestation du juste jugement de Dieu, qui rendra à chacun selon ses
oeuvres." - "Eux-mêmes m'ont provoqué par ce qui n'était pas Dieu."
12 Mais
qu'ils se réjouissent tous ceux qui espèrent en toi; éternellement ils
exulteront, et tu habiteras en eux. Et ils se glorifieront en toi, tous ceux
qui aiment ton nom.
C. Ensuite
lorsqu'il dit: Mais
qu'ils se réjouissent, le psalmiste expose sa demande.
1) Et il commence
par la formuler.
2) Ensuite il
ajoute cette précision: éternellement.
1. En formulant
sa demande il expose deux choses:
a. Il expose d'abord l'objet de sa demande, c'est-à-dire
la joie; c'est pourquoi il dit: qu'ils se réjouissent. Telle est en effet la
fin de tous les biens: "Que les justes soient comme dans un festin, qu'ils
exultent en la présence de Dieu et qu'ils se plaisent dans la joie."
b. Ensuite, pour
qui il demande: pour ceux qui espèrent; d'où ce qu'il dit: qui espèrent en toi. Par
conséquent, quand il dit: éternellement ils exulteront, il l'expose
d'abord, et il dit: qu'ils se réjouissent. Puis, qui espèrent, quand
il dit: Parce
que toi, tu béniras le juste.
2. La joie des
saints dans la Patrie est sempiternelle, et c'est pourquoi il dit:
éternellement; et elle est sûre, aussi il ajoute: et tu habiteras en eux; elle est
plénière, en raison de ce qu'il mentionne ensuite: Et ils [seront glorifiés].
Cette joie est en vérité sempiternelle, non temporelle:" Une
allégresse éternelle couronnera leurs têtes, ils posséderont la joie et
l'allégresse; la douleur fuira ainsi que le gémissement."
Elle est sûre, sans trouble: "Mon peuple se reposera dans la
beauté de la paix, et dans les tentes de la confiance"; et c'est pourquoi
il dit: tu
habiteras en eux, comme leur protecteur. D'où cette version de
Jérôme: "Et
proteges eos (Et tu les protégeras)." -" Voici le
tabernacle de Dieu parmi les hommes, et il habitera avec eux."
Cette joie est aussi plénière. Et cette plénitude se manifeste de
quatre manières.
a. D'abord par la
gloire qui en découle; d'où ce qu'il dit: ils [seront glorifiés]", car on ne se
glorifie de quelque chose que dans la mesure où on la possède excellemment. Or
les saints possèdent Dieu de la manière la plus excellente qui soit; c'est
pourquoi le psalmiste dit: ils [seront glorifiés].
b. Ensuite par la
matière, car ils sont glorifiés au sujet d'un bien souverain, et à propos de
tout bien: "Jusqu'ici vous n'avez rien demandé en mon nom: Demandez et
vous recevrez, afin que votre joie soit complète." - "Je vous ai dit
ces choses, afin que ma joie soit en vous."
c. Puis par la
compagnie, car l'homme seul ne peut jouir avec satisfaction d'un bien, mais
lorsqu'il a à ses côtés des amis qui prennent part à ce bien; et c'est pourquoi
il dit: tous.
- "Ainsi tous ceux qui se réjouissent trouvent leur demeure en
toi."
d. Enfin par la perfection: qui aiment. Car il appartient à des amis de se
réjouir du bien d'un ami, et l'homme ne délaisse pas facilement ce qu'il aime.
13 Parce
que toi, tu béniras le juste. Seigneur, tu nous as couronnés de ta bonne
volonté comme avec un bouclier.
D. Lorsque le
psalmiste dit ensuite: Parce que, il montre pourquoi ils espèrent.
1) D'abord à cause
du don de la grâce.
2) Ensuite à
cause de sa miséricordieuse prédestination, etc.
1. À cause du don
de la grâce; aussi dit-il: Parce que toi, tu [as béni] le juste,
c'est-à-dire en lui donnant une grâce particulière: "Il nous a bénis de
toute bénédiction spirituelle aux cieux."
2. Et à cause de
sa miséricordieuse prédestination: "Nous avons été prédestinés selon le
dessein de sa volonté, qui opère toutes choses en tous." Et c'est ce qu'il
dit: "avec le bouclier de ta bonne volonté", c'est-à-dire par la
volonté éternelle de sa miséricorde, qui de toute éternité a préparé le salut: "Il
nous a choisis avant la création du monde, afin que nous soyons saints et
immaculés." Et lorsqu'il dit: comme avec un bouclier, il précise que la
volonté même de Dieu est bonne comme un bouclier qui protège contre tous les
maux: "Le Seigneur est mon rocher, et ma force, et mon Sauveur. Dieu est
mon fort, j'espérerai en lui; il est mon bouclier, la corne de mon salut; c'est
lui qui m'élève, et qui est mon refuge." Ou bien le Seigneur est ici-bas
comme un bouclier protecteur, mais dans la Patrie il est un bouclier qui
couronne. Ce fut en effet un usage chez les Romains de l'Antiquité d'utiliser
des boucliers ronds, et ils mettaient en ceux-ci l'espoir de la victoire; et
lorsqu'ils triomphaient, ils se servaient de ce même bouclier comme d'une
couronne. Et de là vient que les saints sont représentés dans la peinture avec
un bouclier rond sur la tête, car, ayant remportés la victoire sur leurs
ennemis, ils portent comme les Romains un bouclier rond sur la tête, qui leur
tient lieu de couronne. Ainsi le psalmiste dit-il: tu nous as couronnés de ta bonne volonté
comme avec un bouclier, autrement dit: pour bouclier de notre
couronnement nous avons ta bonne volonté, qui nous défend ici-bas, et qui nous
couronne dans la Patrie.
1 Pour la fin, Psaumes de David pour
l'octave.
2 Seigneur, ne me reprends pas dans ta
fureur, et ne me corrige pas dans ta colère.
3 Aie pitié de moi, Seigneur, parce que
je suis infirme. Guéris-moi, Seigneur, parce que mes os sont ébranlés. 4 Et mon
âme est troublée à l'excès; mais toi, Seigneur, jusques à quand ?
5 Reviens, Seigneur, délivre mon âme;
sauve-moi à cause de ta miséricorde
6 Parce que nul dans la mort ne se
souvient de toi: et dans l'enfer qui te confessera ?
7 J'ai peiné dans mon gémissement, je
laverai chaque nuit mon lit; j'arroserai ma couche de mes larmes.
8 Mon oeil a été troublé par la fureur;
j'ai vieilli au milieu de tous mes ennemis.
9 Retirez-vous de moi vous tous qui
pratiquez l'iniquité, parce que le Seigneur a exaucé la voix de mes pleurs. 10
Le Seigneur a exaucé ma déprécation, le Seigneur a accueilli ma prière.
11 Qu'ils rougissent et qu'ils soient
remplis de trouble tous mes ennemis; qu'ils se retournent et qu'ils rougissent
très promptement.
Au psaume 5, David a demandé d'être amené sur la voie de la justice à
cause de ses ennemis; mais ici il demande que sa chute soit réparée. Et ce
psaume semble exprimer les sentiments de l'homme qui, châtié pour ses péchés et
livré aux mains de ses ennemis, obtint sa libération après avoir accompli une
pénitence; et c'est pourquoi ce psaume 6 est le premier des sept psaumes
pénitentiels. Ils sont sept en raison des sept dons du Saint-Esprit, grâce
auquel l'homme fait pénitence. Et tous commencent par l'affliction et se
terminent dans la joie; car c'est par l'affliction de la pénitence que l'on
parvient au Royaume de la gloire: "Bienheureux ceux qui pleurent, car ils
seront consolés."
1
Pour la fin, Psaumes de David pour l'octave.
Son titre est: Pour la fin, Psaumes de David pour l'octave. Ce
que Jérôme traduit par: "Victori in Psalmis super octava canticum David (À
David vainqueur en Psaumes, cantique pour l'octave)." À propos de ce
titre, les autres mots ayant été expliqués, il reste à voir pourquoi il a voulu
que ce psaume soit dit pour l'octave. Or il faut savoir que les titres ont été
composés par Esdras, en partie suivant des faits dont il s'agissait alors, et
en partie selon les faits auxquels ils se rapportaient. Ainsi on rapporte dans
l'histoire du livre du Lévitique qu'au septième mois les Juifs célébraient la
fête des Tentes durant sept jours, et que le huitième jour était de tous le
plus solennel. Car c'était le jour de la réunion et de l'assemblée, qui se
tenaient pour satisfaire au culte divin et à l'intention des pauvres. Et il est
probable que David composa ce psaume à l'occasion de cette solennité, et qu'il
était dit le huitième jour. Or cette fête a une signification cachée (mysterium);
car par le nombre huit est signifiée la résurrection, c'est-à-dire ce temps où
tous les élus seront rassemblés des quatre points de l'horizon, de l'extrémité
de la terre à l'extrémité du ciel. Ou bien on dit octave à cause de la fausse
opinion de ceux qui affirmaient qu'au terme de sept mille ans aurait lieu la
résurrection future, le Seigneur venant pour le jugement dernier. Mais personne
n'a connaissance de ce temps: "Ce n'est pas à vous de connaître les temps
ou les moments que le Père a réservés en sa puissance." - "Quant à ce
jour-là et à cette heure-là, nul n'en sait rien, pas même les anges des cieux;
il n'y a que le Père qui le sache, Lui seul."
C'est pourquoi il y a une autre raison qui explique pourquoi par octave est
désignée la résurrection. C'est que dans le monde présent il y a deux sortes de
vie. L'une dans laquelle l'homme s'adonne aux choses temporelles, l'autre aux
réalités spirituelles.
La première vie est signifiée par le nombre quatre, parce que c'est le
nombre des corps, comme le dit aussi Platon, car par ce nombre même sont
signifiées les dimensions. Or dans les corps solides le premier nombre matériel
est une pyramide, comme l'enseigne Boèce dans son Arithmétique. C'est pourquoi,
étant donné que cette pyramide est première, qu'un triangle depuis la base
s'élève vers le haut, il s'ensuit que quatre est le premier nombre d'un corps
solide. Ainsi donc, si en vertu de ce qu'il dit, le triangle ayant été établi,
on élève des lignes à partir des trois angles et que leurs extrémités se
rejoignent en un point central, on obtient une pyramide; pyramide dont la base
est un triangle, et les côtés de véritables triangles.
Mais la seconde vie, celle qui est spirituelle, est signifiée par le
nombre trois. Car dans les figures planes, trois est le premier nombre
superficiel (relatif aux surfaces). Et tel est ce que Boèce dit dans ce même
ouvrage. En effet la base de la pyramide est d'abord constituée d'une surface
triangulaire sans aucune épaisseur. Au nombre sept, qui s'obtient par
l'addition des nombres quatre et trois, succède le nombre huit, c'est-à-dire la
résurrection des corps et des âmes. Mais dans la Glose on trouve une autre
explication selon laquelle on affirme que le nombre quatre est en affinité avec
le corps, parce qu'il est fait de quatre éléments, et doué de quatre qualités:
la sécheresse et l'humidité, la chaleur et la froidure; et ces quatre qualités
lui sont assurées aux quatre saisons: au printemps, en été, en automne, et en
hiver. Mais le nombre trois est en affinité avec l'âme à cause de ses trois
facultés: le rationnel, l'irascible et le concupiscible. Or ces deux vies
achevées, c'est-à-dire la vie corporelle et spirituelle, le nombre sept ayant
été atteint, vient le jour du jugement et justice est rendue à chacun selon ses
mérites.
Ou bien, par octave est signifiée la résurrection, parce
qu'elle aura lieu au huitième âge. Car le premier âge va d'Adam jusqu'à Noé. Le
deuxième de Noé jusqu'à Abraham. Le troisième d'Abraham jusqu'à David. Le
quatrième de David jusqu'à la déportation à Babylone. Le cinquième de la
déportation à Babylone jusqu'au Christ. Le sixième du Christ jusqu'à la fin du
monde. Le sixième et le septième âge vont de pair, car c'est l'âge de ceux qui
se reposent et de ceux qui travaillent; et au terme de ces derniers aura lieu
le huitième âge des ressuscités.
Ce psaume se divise en trois parties.
I) Il est d'abord question de la pénitence.
Il) Puis du gémissement de la pénitence: J'ai peiné, etc.
III) Enfin de
leur fruit respectif: Retirez-vous, etc.
I. Mais l'homme qui est en état de péché souffre
de trois maux dont il demande d'être libéré. Le premier mal est la perversité
de son action; le deuxième est la blessure de la nature et sa faiblesse; le
troisième est la culpabilité due à un châtiment imminent.
A) Le psalmiste
demande donc d'être libéré du premier mal, et c'est pourquoi il dit: Seigneur, ne me
reprends pas dans ta fureur, etc.
B) Ensuite du
deuxième, et c'est pourquoi il ajoute en priant: Aie pitié de moi, etc.
C) Enfin du
troisième, et c'est pourquoi il ajoute: mais toi, Seigneur, etc.
2 Seigneur,
ne me reprends pas dans ta fureur, et ne me corrige pas dans ta colère.
A. Ainsi le
psalmiste dit:
Seigneur, ne me reprends pas dans ta fureur. On affranchit quelqu'un
de ses actions mauvaises en le reprenant en paroles, et en le corrigeant par
des punitions. Or Dieu fait l'un et l'autre. Mais il reprend parfois pour
corriger, et c'est le propre de sa miséricorde: "Le juste me reprendra
dans sa miséricorde, et il me corrigera; mais l'huile du pécheur ne parfumera
pas ma tête." Parfois pour condamner, et cela relève de sa colère. Et
c'est pourquoi il dit: Seigneur, reprends-moi, mais non dans ta fureur, car
c'est le propre de la vengeance, et cela s'accomplira au jugement, lorsqu'il
dira: "Retirez-vous loin de moi maudits, au feu éternel, qui a été préparé
pour le diable et ses anges; car j'ai eu faim, et vous ne m'avez point donné à
manger, etc." - "Ardente est sa fureur et lourde à porter; ses lèvres
sont pleines d'indignation, sa langue est comme un feu dévorant." C'est
ainsi qu'il reprend, mais non dans la fureur; car il reprend afin de corriger,
et non pour condamner. Et ce dernier demande cette correction lorsqu'il dit: ne me [châtie]
pas dans ta colère, autrement dit: corrige-moi, cependant point dans
la colère ou dans la fureur, mais par des châtiments temporels: "Ici-bas
brûle, ici-bas retranche, ici-bas n'épargne guère, afin d'épargner pour
l'éternité." - "Corrige-moi, mais cependant dans ta justice."
3 Aie
pitié de moi, Seigneur, parce que je suis infirme. Guéris-moi, parce que mes os
sont ébranlés. 4 Et mon âme est troublée à l'excès; mais toi, Seigneur,
jusques à quand ? 5 Reviens, Seigneur, délivre mon âme; sauve-moi à cause de
ta miséricorde.
B. Ensuite
lorsqu'il dit:
Aie pitié, il demande d'être libéré du deuxième mal, c'est-à-dire de
la blessure de la nature et de sa faiblesse. Et le psalmiste commence par
exposer son infirmité en général; puis en particulier: Guéris-moi, etc.
Ainsi dit-il: Aie pitié de moi, Seigneur, parce que je suis infirme. Le
péché est une infirmité spirituelle. De même que l'infirmité corporelle se
produit à la suite de la rupture du fonctionnement harmonieux des humeurs,
ainsi lorsque les passions de l'âme ne conservent plus un rapport raisonnable
entre elles, il y a maladie spirituelle; et c'est pourquoi il dit: je suis infirme.
- "Je suis infirme par nature et par vice, dit la Glose, si bien que je ne puis
souffrir ta justice." - "Moi je suis ton serviteur, et le fils de ta
servante." - "Je suis un homme faible et de vie éphémère, peu apte à
comprendre la justice et les lois."
Ensuite lorsqu'il dit: Guéris-moi, etc., il
expose d'une manière précise en quoi consiste son infirmité, et cela
doublement.
1) D'abord, parce
qu'il a perdu sa force.
2) Ensuite, parce
qu'il a perdu le discernement: Et mon âme est troublée, etc.
1. Ainsi dit-il: Guéris-moi,
Seigneur. - "Guéris-moi, Seigneur, et je serai guéri." Car
si l'homme est affranchi du péché, il est capable de conserver la grâce et les
vertus, qui sont la force de l'homme; et c'est pourquoi le psalmiste dit: Guéris-moi,
Seigneur. Et je fais cette prière parce que mes os, c'est-à-dire
ma force, à savoir la puissance et la force de mon âme, sont ébranlés.
2. De même le
discernement est troublé, dans la mesure où le pécheur croit agir avec droiture
lorsqu'il pèche; et c'est pourquoi le psalmiste dit: Et mon âme est troublée à l'excès, car
elle a un jugement mauvais sur ses actes, c'est-à-dire qu'elle juge bon ce qui
est mal, et réciproquement.
C. Ensuite quand
il dit: mais
toi, Seigneur, il prie afin de se préserver du péché qui entraîne la
damnation. À cet égard il expose trois choses.
1) En effet il
montre d'abord l'imminence du danger.
2) Ensuite il
demande le secours de la grâce: Reviens.
3) Enfin il
explicite ce danger imminent: Parce que nul dans la mort, etc.
1. Ainsi dit-il: je suis infirme,
je ne puis me lever par moi-même, mais toi, Seigneur, qui le peux,
jusques à
quand ne m'exauceras-tu pas ? - "Jusques à quand, Seigneur,
m'oublieras-tu pour toujours ?" Ce qui lui semblerait dangereux, c'était
le fait de n'être pas converti: "Ne tarde pas à te convertir au Seigneur,
et ne diffère pas de jour en jour; car subitement viendra sa colère, et au
temps de la vengeance il te perdra entièrement." - "Jusques à quand,
Seigneur, crierai-je sans que tu m'exauces, jusques à quand élèverai-je ma voix
avec force vers toi, souffrant violence, sans que tu me sauves ?" comme
s'il disait: aussi longtemps que je serai dans le péché, ne m'accorderas-tu pas
ton secours afin que je ressuscite ?
2. Et c'est
pourquoi il demande son secours en disant: Reviens, etc. Et il traite de trois choses:
de la conversion, de la libération, et du salut.
a. De la
conversion:
L'oeil de l'homme n'est éclairé par le soleil que s'il se trouve dans
la direction opposée à celui-ci; de même l'âme, si elle doit recevoir la
lumière divine, doit se mettre directement sous le regard de Dieu, et de cette
manière le regard droit est toujours disposé par Dieu; mais l'homme se
détourne, et il faut que Dieu le convertisse, dans la mesure où il se tourne
d'abord vers nous en nous convertissant à lui; et c'est pourquoi le psalmiste
dit: Reviens.
- "Convertis-nous à toi, Seigneur, et nous serons convertis;
renouvelle nos jours comme au commencement."
b. De la
libération:
Quand un prisonnier est conduit à la potence, et qu'il aperçoit un
confident, il le supplie avec attention et lui dit: délivre-moi. C'est de cette
manière que le psalmiste prie en disant: délivre mon âme, autrement dit: délivre-moi,
moi qui suis entraîné par le péché, conduit à la mort: "Arrache ceux qui
sont conduits à la mort." - "Retire-moi de la fange, afin que je n'y
demeure pas enfoncé. Délivre-moi de ceux qui me haïssent, et du fond des eaux"
- "Il nous a arrachés à la puissance des ténèbres."
c. Du salut:
De même: sauve-moi.
Après m'avoir libéré des maux, conduis-moi vers le salut: "En
[lui] est mon salut"; et cela non par mes mérites, mais à cause de ta
miséricorde. - "Ce n'est point par les oeuvres de justice que
nous avons faites qu'il nous a sauvés, mais selon sa miséricorde."
6 Parce
que nul dans la mort ne se souvient de toi: et dans l'enfer qui te confessera ?
3. Puis lorsqu'il
dit: Parce
que, il montre l'imminence du danger.
a) Et d'abord le
danger de la mort présente, c'est-à-dire naturelle.
b) Ensuite celui
de la damnation éternelle, qui est irréversible.
a. L'imminence du
danger de la mort présente: Parce que nul dans la mort, c'est-à-dire après
la mort, ne
se souvient de toi, c'est-à-dire en pensant à ta bonté, s'il ne
s'est pas souvenu d'elle pendant cette vie. Et cela, parce que l'âme raisonnable
ne peut plus modifier son jugement après la mort: "Si l'arbre tombe au
midi ou à l'aquilon, en quelque lieu qu'il tombe, il y sera."
b. L'imminence du
second danger: en enfer on ne rencontre qu'obstination, et il n'y a point là de
confession, c'est-à-dire celle dont l'Apôtre dit: "On confesse de bouche
pour le salut"; c'est pourquoi le psalmiste dit: et dans l'enfer qui te confessera ? Ou
bien selon une autre interprétation: dans la mort, c'est-à-dire du péché, qui se souvient de
toi ?, autrement dit: je t'en supplie, délivre mon âme afin que je
ne consente pas, parce que dans mon péché je ne me souviendrai pas de toi: "Ils
détourneront leurs yeux afin de ne pas voir le ciel, et de ne pas se souvenir
des justes jugements." et dans l'enfer, c'est-à-dire dans l'abîme des
péchés, qui
te confessera ? - "L'impie, lorsqu'il est parvenu dans l'abîme
des péchés, devient méprisant."
7 J'ai
peiné dans mon gémissement, je laverai chaque nuit mon lit; j'arroserai ma
couche de mes larmes.
II. Ensuite lorsqu'il dit: J'ai peiné, il expose le
gémissement de celui qui fait pénitence. À ce propos il semble parler de trois
choses.
A) D'abord de la
tristesse du coeur.
B) Puis de
l'affaiblissement de la raison: a été troublé.
C) Enfin de la
faiblesse de la force: j'ai vieilli.
A. La tristesse
du coeur est indiquée de trois manières.
1) D'abord par le
gémissement et les soupirs.
2) Ensuite par
l'inquiétude du corps.
3) Enfin par les
larmes.
1. À propos du
gémissement et des soupirs il dit: J'ai peiné dans mon gémissement, c'est-à-dire
en soupirant: "Mes gémissements sont nombreux et mon coeur est triste."
- "Je rugissais dans le gémissement de mon coeur." Et il dit: J'ai peiné
(laboravi), car lutter contre soi est un labeur, mais ce labeur
produit un bon fruit: "Le fruit des bons labeurs est glorieux."
2. Quart à
l'inquiétude du corps il dit: je laverai. Il expose ici deux choses: le lit
et la couche; et bien que ces deux mots aient une même acception, cependant
nous cherchons à savoir en quoi ils se distinguent l'un de l'autre. Sont
appelés couche (stratum)
les draps qui sont étendus sur un lit. Mais on appelle lit (lectum) ce
qui est placé au-dessous, et ce mot est dénommé lit (lectum) à cause de l'assemblage
(ab
eligendo), c'est-à-dire des pailles et autres choses du même genre,
dont est fait un lit. En disant donc: je laverai chaque nuit mon lit, le psalmiste
laisse entendre qu'il se levait chaque nuit, et pleurait appuyé contre son lit.
La version iuxta
Hebraeos de Jérôme lit: "Natare faciam lectum meum (je ferai baigner mon
lit)", et il s'agit d'une expression parabolique. Ou bien: "Je ferai
baigner", c'est-à-dire je l'associerai à mon inquiétude à la manière d'un
nageur.
3. Et il dit: j'arroserai ma
couche de mes larmes, parce que même étendu sur son lit il inondait
les draps de sa couche en pleurant, comme s'il répandait un ruisseau de larmes.
Au sens moral, le lit sur lequel l'homme se repose, c'est la conscience;
c'est elle que l'homme purifie par les larmes dans la pénitence: "Purifie
ton coeur de sa malice." Mais par le mot couche sont signifiés les péchés
qui couvrent la conscience; péchés qui doivent être purifiés par les larmes,
car les larmes lavent le péché qu'il est honteux d'avouer: "Mes yeux ont
défailli à force de larmes." chaque nuit, dit-il, c'est-à-dire chaque
péché. Car l'homme doit pleurer chaque péché en faisant pénitence. Et par là il
laisse entendre que celui qui s'adonne à la pénitence répare alternativement
ses péchés; car parmi le bien qu'il faisait, il péchait parfois, et pleurait
chacun de ses péchés. C'est pourquoi il ne dit pas une (unam), mais chaque
(singulas) nuit. Et il dit: j'arroserai, à cause du flot des larmes: "Qui
donnera à ma tête de l'eau, et à mes yeux une fontaine de larmes ?" - "Fais
couler comme un torrent mes larmes pendant le jour et pendant la nuit; ne te
donne pas de repos, et que la prunelle de ton oeil ne se taise pas."
8 Mon
oeil a été troublé par la fureur; j'ai vieilli au milieu de tous mes ennemis.
B. Ensuite
lorsqu'il dit:
troublé, le psalmiste expose l'affaiblissement de la raison. Car la
tristesse est une cause de la colère; et c'est pourquoi celui qui est triste se
met facilement en colère. Mais la colère trouble toujours l'oeil de la raison.
Et ceux qui sont troublés ont moins de prévoyance, aussi dit-il: Mon oeil a été
troublé, c'est-à-dire ma raison, mais à cause de la fureur des
autres; en effet David s'était mis en colère et avait été troublé, lorsqu'il
vit son fils Absalom et ses conseillers se dresser contre lui. Ou bien, à cause
de sa fureur, car il avait été troublé en raison de ses propres péchés. Car il
reconnaissait dans la situation de cette persécution, qu'il était justement
maltraité à cause de ses péchés; et cette colère n'aveugle pas, mais trouble.
Tandis que l'autre colère aveugle. Ou bien, à cause de ta fureur, Seigneur
Dieu, avec laquelle tu me punis, comme si tu avais été provoqué par moi, car je
t'ai troublé: "Mes yeux se sont lassés de regarder en haut." - "Mon
visage s'est enflé par mes pleurs, et mes paupières se sont obscurcies."
C. Enfin il
montre la faiblesse de sa force quand il dit: j'ai vieilli, etc. Lorsqu'un
homme fut victorieux et fort dans sa jeunesse, et que par la suite il souffre
non seulement de la part d'un étranger, mais aussi de la part des siens, on le
regarde comme devenu vieux. Ainsi David qui, au cours de sa jeunesse ayant
vaincu tous ses ennemis, fuyait à présent son propre fils, dit: j'ai vieilli, c'est-à-dire
selon la considération d'autrui, au milieu de tous mes ennemis, c'est-à-dire
déclarés et cachés: "Or ce qui devient ancien et vieilli est près de sa
fin." Ou bien, le pécheur a vieilli en s'éloignant de la nouveauté du
Christ à propos de laquelle l'Apôtre dit: "Que nous marchions dans une
nouveauté de vie."
Et encore: "Afin que nous servions dans
la nouveauté de l'esprit." Selon la Glose: "Nous accomplissons le service des
oeuvres du nouvel homme, c'est-à-dire du Christ, oeuvres auxquelles nous nous
appliquons non pas par nos propres forces ou par la loi, mais par la grâce de
l'Esprit-Saint."
- "Sachant que notre vieil homme a été crucifié avec lui, afin que le
corps du péché soit détruit, et que nous ne soyons plus esclaves du péché."
Par cet esclavage l'homme est amené au vieillissement dû au péché, et devient
membre du vieil homme; c'est pourquoi l'Apôtre avertit et convainc: "Réformez-vous
par le renouvellement de votre sentiment", ou de votre esprit.
Réformez-vous, dit la Glose, vous qui avez été déformés en Adam,
parce que l'image de Dieu a été en partie perdue en lui, réformez-vous par le
renouvellement, en imitant le nouvel homme, c'est-à-dire le Christ. Le prophète
Baruch déplore ce vieillissement et la misère de cette dégradation en disant
sous forme d'interrogation: "D'où vient, Israël, que tu es dans la terre
de tes ennemis ? Tu as vieilli dans une terre étrangère, tu t'es souillé avec
les morts; tu es devenu semblable à ceux qui descendent dans l'enfer. "Et
cela concorde avec ce qui est dit ici: j'ai vieilli au milieu de tous mes ennemis, soit
les démons, soit tous les péchés auxquels j'ai consenti; et ainsi: j'ai vieilli désigne
selon ce sens la matière du gémissement, autrement dit: je laverai, etc., parce
que j'ai
vieilli en imitant le vieil homme, en me livrant à tous les vices.
Et alors ce qu'il a dit: Mon oeil a été troublé, etc., se
rapporte à la condition de celui qui fait pénitence. Ou bien on peut rapporter
ces mots à la matière de la justice, et cela regarde la condition du péché,
autrement dit:
j'ai vieilli, c'est-à-dire j'ai péché, car mon oeil, c'est-à-dire ma chair,
a été troublée par
la fureur, c'est-à-dire par le mouvement violent de la passion: "Un
feu est tombé d'en haut", c'est-à-dire le feu de la concupiscence, selon
une Glose d'Augustin,
"et ils n'ont pas vu le soleil", c'est-à-dire le soleil de justice: "La
concupiscence a perverti ton coeur." Et encore: "Ils brûlèrent de
concupiscence pour Suzanne; et leur sens fut perverti, et ils détournèrent
leurs yeux afin de ne pas voir le ciel, et de ne pas se souvenir des justes
jugements." Or David dit que sous le mouvement violent de la concupiscence
l'oeil de sa raison fut si fortement troublé qu'il ne vit pas le ciel; et ce
fut à cause de sa concupiscence pour Bethsabée qu'il la connut en l'appelant
auprès de lui. Et après avoir appris qu'elle était enceinte, il ajouta le crime
de l'homicide à celui de l'adultère. C'est pourquoi il ordonna traîtreusement
que l'époux de Bethsabée soit tué. C'est à cause de ces péchés très graves que
par un juste jugement de Dieu il souffrit la persécution de la part de son
propre fils.
9
Retirez-vous de moi vous tous qui pratiquez l'iniquité, parce que le Seigneur a
exaucé la voix de mes pleurs. 10 Le Seigneur a exaucé ma déprécation, le Seigneur a
accueilli ma prière.
III. Ici commence la troisième partie principale
du psaume, dans laquelle est exposé le fruit de la pénitence; aussi le
psalmiste montre-t-il ici qu'il a été exaucé, et ensuite en témoigne sa
reconnaissance. Et à ce propos il effectue trois choses:
A) Car il
commence par repousser ses ennemis loin de lui.
B) Ensuite il
confesse qu'il a été exaucé: parce qu'il m'a exaucé.
C) Enfin il
annonce le sort de ses ennemis: 11 Qu'ils rougissent.
A. Ainsi le
psalmiste dit: Retirez-vous,
etc.
Ces mots nous font comprendre qu'après s'être affligé à cause du
péché, on peut à la suite du don de l'indulgence "insulter" ses ennemis,
ou ceux qui nous portent au péché, ou encore ceux qui nous persécutent
physiquement. Au sens littéral, Jérôme dit: "Retirez-vous de moi",
vous qui me portez au péché, car je ne veux pas de votre compagnie. Et
l'Apôtre écrit: "C'est pourquoi séparez-vous, dit le Seigneur, et ne
touchez point à ce qui est impur, et moi je vous recevrai." Ou bien: Retirez-vous de
moi vous tous qui pratiquez l'iniquité, c'est-à-dire vous qui êtes
de mauvais artisans en me persécutant injustement. Retirez-vous, dis-je, de moi, car
"le Seigneur est avec moi comme un guerrier vaillant". D'où ces
paroles du psalmiste: "Si des camps s'établissent contre moi, mon coeur ne
craindra pas." Et dans ce verset, Retirez-vous de moi, etc., est préfigurée la persécution
future et la séparation des méchants et des bons: "Ils sépareront les
méchants du milieu des justes." Et encore dans le même évangile: "Il
les séparera les uns d'avec les autres, comme le pasteur sépare les brebis
d'avec les boucs." Et plus loin dans le même chapitre: "Retirez-vous
loin de moi maudits, au feu éternel, qui a été préparé pour le diable ainsi que
pour ses anges."
B. Ensuite
lorsqu'il dit: parce
qu'i[l m']a exaucé, il confesse qu'il a été exaucé. On remarquera
ici que le psalmiste a parlé plus haut de trois choses: de la prière, en disant: Aie pitié; ensuite
de la déprécation en vue d'être libéré: Reviens; enfin de l'affliction: J'ai peiné, etc. Et
il dit ici que ces trois implorations ont été exaucées, mais dans un ordre
différent.
Et d'abord le gémissement, en disant: le Seigneur a exaucé la voix de mes pleurs.
Le gémissement des saints se fait entendre auprès de Dieu: "Il
ne méprisera pas les prières de l'orphelin, ni la veuve, si elle épanche son
gémissement. Est-ce que les larmes de la veuve ne descendent pas sur la joue,
et son cri sur celui qui les fait couler ?" Car de la joue les larmes
montent jusqu'au ciel, et le Seigneur qui exauce sera manifesté en elles. Aussi
est-il écrit dans la Genèse: "La voix du sang de ton frère crie de la
terre jusqu'à moi." Voilà pourquoi Judith, cette sainte femme, disait: "Réclamons
son indulgence avec des larmes."
Ensuite la déprécation: car celle-ci se
pratique, selon la Glose de Cassiodore, en vue de l'éloignement
des maux: "Ta déprécation a été exaucée." La Glose dit: "Déprécation par
laquelle tu sollicitas la libération du peuple." Donc afin de montrer
qu'il a été libéré des maux contre lesquels il priait en disant: Reviens, etc., il
ajoute ici: Le
Seigneur a exaucé ma déprécation.
Enfin la prière, c'est-à-dire afin d'entrer en sa présence; et tel est
ce qu'il ajoute: le
Seigneur a accueilli ma prière. Et notez que le psalmiste met ici
trois fois le mot Seigneur, afin de montrer qu'il a été exaucé par la Trinité
tout entière: "Qu'il nous bénisse, Dieu, notre Dieu, qu'il nous bénisse,
Dieu."
11 Qu'ils
rougissent et qu'ils soient remplis de trouble tous mes ennemis; qu'ils se
retournent et qu'ils rougissent très promptement.
C. Enfin
lorsqu'il dit:
Qu'ils rougissent, le psalmiste expose le sort des ennemis, comme
s'il était dit: Toi, tu dis à tes ennemis: "Retirez-vous". Mais
qu'arrivera-t-il à ceux qui s'éloignent de toi ? Assurément qu'ils
rougissent, etc. Ces paroles peuvent être interprétées en bien
ou en mal.
Si c'est en bien, alors elles sont dites sous forme de prière. Et à cet
égard il demande quatre choses à leur intention:
1. La honte de
leurs péchés, car tel est le principe de la correction de la vie: "Il y a
une confusion qui amène à la gloire." Aussi dit-il: Qu'ils rougissent.
2. Puis la
douleur des péchés: qu'ils soient remplis de trouble. - "Tu
as ébranlé la terre et tu l'as bouleversée; répare ses brisures, parce qu'elle
a été ébranlée." En effet celui qui fait pénitence doit éprouver la
véhémence de la douleur plus qu'il n'a goûté la délectation dans le péché.
3. Ensuite la
conversion à Dieu; aussi dit-il: qu'ils se retournent. - "Convertissez-vous
à celui dont vous vous êtes radicalement séparés, fils d'Israël."
4. Et enfin la
honte: Qu'ils
rougissent, et qu'ils soient remplis de trouble, etc. La honte
est donc le début et la fin de la correction. Mais on peut donner une autre
explication. À savoir qu'au principe de son iniquité le pécheur fait rougir les
yeux des hommes, et que, souffrant de cela, il évite le mal; mais qu'à la fin
il fait rougir l'oeil de la raison et celui de Dieu. À propos de la honte
initiale, l'Apôtre dit: "Quel fruit avez-vous donc tiré alors de ces
choses dont vous rougissez maintenant ?" Au sujet de la honte salutaire,
Luc dit: "Le publicain, se tenant éloigné, n'osait même pas lever les yeux
au ciel." Et cette conversion doit se faire très promptement, c'est-à-dire
sans tarder: "Ne tarde pas à te convertir au Seigneur, et ne diffère pas
de jour en jour; car subitement viendra sa colère, et au temps de la vengeance
il te perdra entièrement."
Mais si c'est en mal, alors ces paroles doivent être comprises comme un
avertissement, autrement dit: Qu'ils rougissent à cause du dévoilement de
leur péché devant tous: "Vous rougirez des jardins que vous aviez choisis,
lorsque vous serez comme un chêne dont les feuilles tombent et comme un jardin
sans eau";
et qu'ils soient remplis de trouble, c'est-à-dire de crainte et de
tristesse mêlée de stupeur: "Ils seront troublés par une crainte horrible."
Et c'est pourquoi il dit: qu'ils soient remplis de trouble tous mes ennemis, en
reconnaissant leur propre faute et la gloire des saints: "Voici ceux que
nous avons eus autrefois en dérision, et que nous donnions pour exemple de
personnes dignes d'opprobre. Insensés que nous étions !" et qu'ils
rougissent, car cette reconnaissance sera pour eux un objet de
confusion; et cela très promptement. - "Cette iniquité sera
pour vous comme une brèche qui menace ruine, et qui est recherchée dans un mur
élevé, parce que tout à coup, tandis qu'on ne s'y attend pas, vient son
écroulement." - "En un moment ils descendent dans les enfers." -
"Le jour du Seigneur viendra comme un voleur dans la nuit. Car lorsqu'ils
diront paix et sécurité, alors même viendra sur eux une ruine soudaine, comme
la douleur sur une femme enceinte, et ils n'échapperont pas."
1 Pour la fin. Psaume de David qu'il
chanta au Seigneur à propos de Chausaï le Benjaminite/le fils jumeau.
2 Seigneur mon Dieu, en toi j'ai espéré;
sauve-moi de tous ceux qui me persécutent, et libère-moi. 3 De peur que, comme
un lion, il ne ravisse mon âme, tandis qu'il n'y a personne qui me rachète et
qui me sauve.
4 Seigneur, mon Dieu, Si j'ai fait cela,
Si l'iniquité est dans mes mains; 5a Si j'ai rendu le mal à ceux qui m'en ont
fait,
5b que je tombe avec raison sans défense
sous mes ennemis. 6 Que l'ennemi poursuive mon âme, qu'il la saisisse, et qu'il
foule ma vie contre la terre, et qu'il fasse tomber ma gloire dans la
poussière.
7 Lève-toi, Seigneur, dans ta colère, et
élève-toi dans les confins de mes ennemis. Et lève-toi, Seigneur mon Dieu,
selon le précepte que tu as établi, 8 et l'assemblée des peuples t'environnera.
Et à cause d'elle remonte dans les hauteurs.
9 Le Seigneur juge les peuples.
Juge-moi, Seigneur, selon ma justice, et selon l'innocence qui me couvre. 10 La
méchanceté des pécheurs sera consumée, et tu dirigeras le juste, ô Dieu
scrutant les coeurs et les reins. 11 Mon juste secours viendra du Seigneur, qui
sauve les hommes droits de coeur.
12 Dieu est un juste juge, fort et
patient; est-ce qu'il s'irrite tous les jours ?
13 Si vous ne vous convertissez pas, il
fera vibrer son glaive; il a tendu son arc, et il l'a préparé. 14 Et sur lui il
a adapté des objets de mort, il a rendu ses flèches brûlantes.
15 Voici qu'il a enfanté l'injustice, il
a conçu
16 la douleur, et a mis au monde
l'iniquité. Il a ouvert un abîme, et il l'a creusé; et il est tombé dans la
fosse qu'il a faite. 17 Sa douleur retournera sur sa tête, et sur le haut de sa
tête son iniquité descendra.
18 Je louerai le Seigneur selon sa
justice, et je psalmodierai le nom du Seigneur Très-Haut.
1 Pour
la fin. Psaume de David qu'il chanta au Seigneur à propos de Chausaï le Benjaminite/le fils jumeau.
Les psaumes qui précèdent exposent la demande de David d'être libéré de
ses ennemis, tandis que ce psaume expose la demande de leur vengeance. Son
titre est: Pour
la fin. Psaume de David qu'il chanta au Seigneur à propos de Chausaï le
Benjaminite. L'histoire du deuxième livre des Rois rapporte que
David s'enfuit de la face de son fils, et que le très avisé Achitophel
s'attacha à Absalom; mais que Chausaï se lia avec David, qui le renvoya afin de
connaître les desseins d'Achitophel, et de les lui faire connaître. Or tandis
qu'Achitophel donna à Absalom un conseil extrêmement funeste à propos de David
son père, à savoir de l'attaquer aussitôt avant qu'il n'aille se protéger en
quelque lieu, Chausaï signifia secrètement à David de fuir la plaine où il se
trouvait, et de passer le Jourdain afin de se rendre en des lieux très
retranchés. Or David, après avoir appris cette nouvelle de la bouche de
Chausaï, se mit à chanter ce cantique. Et c'est pourquoi il est dit ici qu'il chanta au
Seigneur à propos de Chausaï le Benjaminite/le fils jumeau. Il
est écrit: fils
jumeau, parce qu'il était sans doute de la tribu de Benjamin, ou
bien parce qu'il descendait d'un ancêtre qui portait ce nom. Une version de
Jérôme ne porte pas "In finem (Pour la fin)", ni pour la
victoire, mais bien: "pro ignoratione, vel ignorantibus (Pour
l'ignorance, ou pour les ignorants)." Et elle dit: "Super verbis aethiopis (À
propos des paroles de l'Éthiopien)". Cependant on ignore s'il fut
Éthiopien.
Au sens mystique, ce psaume peut s'appliquer à l'Église et à ses
persécuteurs. Et il dit: à propos de Chausaï, ce qui veut dire silence,
et fils
jumeau, droite, autrement dit: il se fit que par une mystérieuse
disposition de la providence divine, Achitophel, qui veut dire" ruine de
son frère", à savoir Judas Iscariote, conspira par dessein et soutien à la
ruine, c'est-à-dire à la mort de son frère le Christ, qui "n'a pas rougi
d'appeler les hommes du nom de frères". Mais tandis que celui-là causa la
perte d'un seul homme, le Christ fut la cause du salut de tous les hommes,
comme le dit Augustin dans la Glose
Ce psaume comprend trois parties.
I) La première traite de la prière.
Il) La deuxième de l'exaucement: 9 Le Seigneur juge les peuples.
III) La troisième de l'action de grâce: 18 Je louerai le
Seigneur.
2 Seigneur
mon Dieu, en toi j'ai espéré; sauve-moi de tous ceux qui me persécutent, et
libère-moi. 3 De peur que, comme un lion, il ne ravisse mon âme,
tandis qu'il n'y a personne qui me rachète et qui me sauve.
I. La prière du psalmiste a deux objets.
A) Il prie
d'abord afin d'être libéré de ses ennemis.
B) Ensuite pour
que ses ennemis soient humiliés: 7 Lève-toi, Seigneur, dans ta colère.
A. En priant pour
sa libération,
1) Il commence
d'abord par demander la miséricorde.
2) Puis il
allègue son innocence: 4 Seigneur, mon Dieu, si j'ai fait cela.
1. En sollicitant
la miséricorde:
a) Le psalmiste
manifeste d'abord le sentiment de celui qui prie.
b) Puis il expose
sa demande: 2b Sauve-moi.
c) Enfin le motif
de sa demande: 3 Il
ne ravisse.
a. Le sentiment
qui anime sa prière consiste à espérer dans le Seigneur: "Car personne n'a
mis son espérance dans le Seigneur, et n'a été confondu"; aussi dit-il: en toi j'ai
espéré.
b. La demande est
double. En effet il demande d'être sauvé et d'être libéré, selon Denys. Être
libéré, c'est être écarté du mal; être sauvé, c'est être maintenu dans le bien.
Ainsi donc le psalmiste demande d'être sauvé de la corruption des ennemis, et
d'en être libéré. Cela peut s'entendre des ennemis corporels et spirituels,
autrement dit: sauve-moi des ennemis, et des tentations: "Sauve-moi de la
gueule du lion." Et de même: "Libère mon âme de leur malice."
c. Il expose le
motif de sa demande lorsqu'il dit: qu'il ne ravisse, etc., autrement dit: Si tu ne viens
pas à mon secours, Absalom me dévorera comme un lion: "Levez-vous, fuyons
! Autrement nous n'échapperons pas à Absalom." Or, plus haut, il parle au
pluriel en disant: de tous mes persécuteurs; ici au singulier: qu'il
ne ravisse comme
un lion, car tous sont réunis sous une seule tête; les spirituels
sous le diable, les corporels sous Absalom: "Votre adversaire le diable,
comme un lion rugissant, rôde autour de vous, cherchant qui dévorer." - "Il
dresse des embûches dans le secret, comme un lion dans sa caverne. Il dresse
des embûches pour prendre le pauvre; pour prendre le pauvre, tandis qu'il
l'attire." Qu'il ravisse comme par surprise, et rapidement: "Le
loup ravit." Car le diable agit perfidement. Et il agira de la sorte, tandis qu'il n'y
a personne qui me rachète, etc. On est racheté quand on est libéré du mal. Et
cela regarde la libération du châtiment: "De la mort je les rachèterai."
il n'y a
personne qui me rachète, par la libération de la faute: "C'est
lui qui sauvera son peuple de ses péchés." Selon la version iuxta Hebraeos de
Jérôme: "Ne
forte rapiat ut leo animam meam, et laceret; et non sit qui eripiat (De
crainte qu'il ne ravisse mon âme comme un lion, et ne la déchire; et il n'est
personne qui ne l'arrache)."
4 Seigneur,
mon Dieu, si j'ai fait cela, si 5a l'iniquité est dans mes mains; si j'ai
rendu le mal à ceux qui m'en ont fait,
2. Ensuite il
allègue son innocence:
Seigneur, mon
Dieu, Si j'ai fait cela. Et
cela peut se comprendre de deux manières. Soit sous forme de serment, soit sous
forme d'annonce.
Si c'est sous forme de serment, alors il faut
savoir qu'il y a deux sortes de serments: par témoignage, comme dans ce passage
de l'épître aux Romains: "Le Dieu que je sers en mon esprit, dans
l'Évangile de son Fils, m'est témoin que sans cesse je fais mémoire de vous
dans toutes mes prières; demandant que, par la volonté de Dieu, quelque
heureuse voie me soit ouverte pour aller vers vous"; et par imprécation,
en ce sens qu'il est dit: qu'il m'advienne selon ce que j'ai fait: "Me
suis-je réjoui de la ruine de celui qui me haïssait, et ai-je bondi de joie de
ce que le malheur l'avait: atteint ?" - "Pour moi, je prends Dieu à
témoin sur mon âme", autrement dit: Si je ne suis pas innocent, qu'il me
ravisse. Ou bien on peut comprendre ce verset sous forme d'annonce, autrement
dit: si moi je suis dans cet état de faute, tel sera mon châtiment: Que je tombe, etc.
a) Et suivant
cela, il écarte d'abord de lui la faute: Si j'ai fait cela, etc.
b) Puis il
définit son châtiment: que je tombe, etc.
a. Il écarte de
lui la faute, d'abord d'une manière générale, quand il dit: Seigneur, mon
Dieu, Si j'ai fait cela. Que désigne ce mot cela ? Le péché, c'est-à-dire le
péché d'orgueil, selon la Glose, péché qui est universel: "Le
principe de tout péché, c'est l'orgueil." Ou bien: cela, parce que lorsque
quelqu'un souffre tribulation en vertu de sa propre faute, on lui dit: toi, tu
t'es fait cela, autrement dit: toi, tu es la cause de ce qui advient. Et ainsi
il dit: si
j'ai fait cela, c'est-à-dire si moi j'ai été à l'origine de cette
persécution: "David faisait droit et justice à tout son peuple." - "Je
porterai la colère du Seigneur, puisque j'ai péché contre lui, jusqu'à ce qu'il
juge ma cause et qu'il accomplisse mon jugement: il me fera sortir à la
lumière, je verrai sa justice."
Ensuite lorsqu'il dit: si l'iniquité est dans mes mains, il écarte de
lui la faute d'une manière précise; et à ce sujet il fait trois choses.
- En effet il commence par dire qu'il n'a fait injure à personne, aussi
dit-il: si
l'iniquité est dans mes mains. - "Si tu ôtes de toi l'iniquité
qui est en ta main." - "Remarque et vois qu'il n'y a pas de mal en ma
main, ni d'iniquité." Voilà pourquoi lorsqu'un homme n'a fait injure à
personne, il semble injuste qu'il soit affligé.
- Ensuite, qu'il a remis même l'offense; aussi
dit-il: 5a si
j'ai rendu, etc. Et c'est ce qu'on lit au premier livre des
Rois: "Mon oeil t'a épargné, car j'ai dit: je n'étendrai pas ma main sur
mon Seigneur, parce que c'est le Christ du Seigneur." Et ailleurs: "Ne
cherche point la vengeance, tu ne te souviendras pas de l'injure de tes
concitoyens."
- Enfin, qu'il a fait du bien à ses ennemis, et tel est le troisième
acte bon. Aussi la version iuxta Hebraeos de Jérôme lit-elle: "Dimisi hostes
meos vacuos (J'ai laissé mes ennemis libres)." - "Ne te
laisse pas vaincre par le mal, mais triomphe du mal par le bien." - "Si
ton ennemi a faim, donne-lui à manger; s'il a soif, donne-lui de l'eau à boire;
car tu amasseras des charbons ardents sur sa tête; et le Seigneur te le rendra."
- "Faites du bien à ceux qui vous haïssent." - "Élisée ordonna
au roi de Samarie de servir un repas à l'armée du roi de Syrie qui était venu
dans le dessein de le prendre: Il leur fut donc servi un grand repas."
5b que
je tombe avec raison sans défense sous mes ennemis. Que l'ennemi poursuive mon
âme, qu'il la saisisse, et qu'il foule ma vie contre la terre, et qu'il fasse
tomber ma gloire dans la poussière.
b. Puis lorsqu'il
dit: que je
tombe, il définit son châtiment, autrement dit: Si les choses que
j'affirme ne sont pas vraies, que ces maux m ` arrivent.
- Et il expose d'abord la perte de ses biens.
- Puis le tort fait à sa personne.
- Enfin l'atteinte à sa gloire.
- Ainsi dit-il quant à la perte de ses biens: que ce mal m'échoie, que je tombe
avec raison, c'est-à-dire justement, sous mes ennemis, à savoir que
mes biens me soient ôtés: "Si la souillure s'est attachée à mes mains, que
je sème et qu'un autre mange."
- En relation avec le tort fait à sa personne, il expose trois choses
que l'homme souffre en soi: d'abord la persécution, puis la captivité, enfin la
mort. Il fait allusion à la persécution lorsqu'il dit: qu'il poursuive; à
la captivité, en disant: qu'il saisisse; à la mort, en disant: et qu'il foule, soit
en me tuant, soit en me terrassant complètement.
- Quant à l'atteinte à sa gloire il ajoute: qu'il fasse
tomber ma gloire, etc., autrement dit: tout ce qui a fait l'objet de
ma gloire est réduit à la poussière et dispersé.
Au sens mystique, l'ennemi c'est le diable qui persécute en tentant: "Nos
persécuteurs ont été plus rapides que les aigles du ciel." qu'il saisisse, par le
consentement au péché: "Tous ses persécuteurs l'ont saisi dans ses
angoisses." qu'il
foule, par l'habitude et le mépris: "Courbe-toi, afin que nous
passions." On distingue deux sortes de gloire chez l'homme: la gloire
naturelle et spirituelle. À propos de la gloire naturelle, il est écrit dans la
première épître aux Corinthiens: "L'homme [c'est-à-dire l'esprit], ne doit
pas voiler sa tête, parce qu'il est l'image et la gloire de Dieu." À
propos de la gloire spirituelle, il est écrit dans la seconde épître aux
Corinthiens: "Telle est notre gloire: le témoignage de notre conscience."
Or le diable livre à la poussière la gloire de l'homme, car l'image de Dieu est
défigurée, parce qu'elle est souillée: "Ils ont la conscience marquée au
rouge." - "Seigneur, tu réduiras au néant leur image dans ta cité."
7 Lève-toi,
Seigneur, dans ta colère, et élève-toi dans les confins de mes ennemis. Et
lève-toi, Seigneur mon Dieu, selon le précepte que tu as établi, 8 et l'assemblée
des peuples t'environnera. Et à cause d'elle remonte dans les hauteurs.
B. Plus haut le
psalmiste faisait connaître la prière qu'il formulait à son intention, en
demandant d'être libéré et sauvé; ici il formule une prière de demande contre
ses ennemis. Il prie à deux intentions. Il réclame d'abord leur punition.
Ensuite l'efficacité de la punition: Et lève-toi.
1. Lisons d'abord
ce passage de l'Écriture d'après l'histoire telle qu'elle a pu s'appliquer à
David.
Lève-toi. Cela s'adresse à deux genres d'hommes. À celui
qui dort et à celui qui est étendu. Or Dieu, quand il ne punit pas les péchés,
semble dormir comme s'il ne gardait pas la vigilance de la prudence: "Lève-toi,
pourquoi dors-tu, Seigneur ?" Semblablement quand il ne punit pas, il
semble être réduit à l'impuissance; mais il semble précisément se lever,
lorsqu'il manifeste sa puissance en punissant ses adversaires: "Que ta
main s'élève, et qu'ils ne voient pas; qu'ils voient et qu'ils soient confondus
ceux qui sont jaloux de ton peuple, et qu'un feu dévore ton héritage." Il
dit: dans ta
colère, c'est-à-dire par ta punition qui est un effet de ta colère.
Et il expose un triple fruit de la punition.
a. Un premier
fruit concerne Dieu. Que Dieu se lève non en soi, mais dans l'opinion des
hommes, car par cette exaltation il est regardé comme haut et puissant; et
c'est pourquoi il dit: Lève-toi, autrement dit: anéantis mes ennemis,
et par cet acte tu paraîtras élevé: "Car de même qu'en leur présence vous
avez été sanctifiés parmi nous, ainsi en notre présence vous serez glorifiés
parmi elles." Et il dit: dans les confins, afin que Dieu anéantisse
totalement mes ennemis, et que rien ne subsiste en pénétrant dans leurs
confins. Une version de Jérôme lit: "Elevare indignans super hostes (Lève-toi
avec indignation au-dessus de tes ennemis)", autrement dit: mets-toi en
colère, et ainsi lève-toi.
b. Un autre fruit
concerne David, car on lit au premier livre des Rois: "Le Seigneur s'est
cherché un homme selon son coeur, et il lui a ordonné d'être chef sur son
peuple." Et David en personne dit à propos de lui: "Le Seigneur m'a
ordonné d'être chef sur le peuple du Seigneur en Israël." Or ce
commandement semblait être sans fondement pour David humilié par Saül; et c'est
pourquoi il dit: lève-toi
selon le précepte que tu as établi, c'est-à-dire que je sois roi sur
mon royaume. Et c'est pourquoi une version de Jérôme lit: "Exurge ad me in
judicium quod mandasti (Lève-toi vers moi selon le jugement que tu
m'as rendu)."
c. Un troisième
fruit concerne le peuple. Dans l'Ancienne Loi, ce qui concernait tous les chefs
du peuple était administré par des hommes, tandis que pour le chef suprême
c'était Dieu qui s'en occupait uniquement: "Que le Seigneur, Dieu des
esprits de toute chair, choisisse un homme qui soit au-dessus de cette
multitude." - "Lorsque tu seras entré dans la terre que le Seigneur ton
Dieu te donnera, que tu la posséderas, que tu habiteras en elle, et que tu
diras: J'établirai sur moi un roi, comme en ont toutes les nations d'alentour,
tu établiras chef celui que le Seigneur ton Dieu aura choisi." Donc le
peuple dans le souverain principat devait suivre l'ordonnance divine, aussi le
psalmiste ajoute-t-il: et l'assemblée des peuples t'environnera, c'est-à-dire
suivra ton ordonnance afin de revenir vers moi. Et à cause d'elle remonte dans les hauteurs, c'est-à-dire
ta magnificence apparaîtra, autrement dit: non seulement à cause de la
vengeance, mais afin que les hommes reviennent à moi.
2. Mais selon que
l'on rapporte ces versets au Christ, ils postulent le mystère de l'Incarnation,
mystère qui comprend deux fruits. D'abord celui de l'abaissement des démons,
puis celui de la conversion des hommes: Lève-toi, Seigneur.
a. Concernant
l'abaissement des démons il dit: Lève-toi, c'est-à-dire manifeste-toi dans le
monde par ton Incarnation, et cela dans ta colère, c'est-à-dire afin de punir les
démons: "C'est maintenant le jugement du monde." - "Qu'y a-t-il
à nous et à toi, Jésus le Nazarénien ? Es-tu venu pour nous perdre ?" et élève-toi
dans les confins de mes ennemis, en enlevant leur possession: "Lorsqu'un
homme fort et armé garde l'entrée de sa maison, tout ce qu'il possède est en
sûreté. Mais qu'un plus fort que lui survienne, et qu'il le vainque, il emporte
toutes les armes dans lesquelles il se confiait, et il distribue ses
dépouilles." - "Comment quelqu'un peut-il entrer dans la maison d'un
homme fort et emporter ses affaires, si auparavant il ne lie le fort ? Et c'est
alors qu'il pillera sa maison." Ou bien: Lève-toi dans ta colère..., contre
les Juifs, afin que la demande de l'Église des Gentils soit dirigée contre eux.
Et il dit: élève-toi
dans les confins de mes ennemis: les réalités élevées ne subissent
pas de variation; ce qui est élevé pour l'homme apparaît à partir de ce qui est
caché. Par exemple si on est trop élevé dans les hauteurs. Donc de même que ce
qui est caché en profondeur apparaît s'il est élevé: "Il a scruté aussi
les profondeurs des fleuves, et il a amené à la lumière des choses cachées",
ainsi dit-il: élève-toi,
c'est-à-dire manifeste-toi. Et de même que ce qui est trop élevé est
caché, d'où ce qui est écrit: "Il s'éleva, et une nuée le déroba à leurs
yeux", ainsi dit-il: élève-toi, afin d'être caché aux Juifs, afin
qu'ils ne te connaissent pas, qu'ils te mettent en croix et qu'ils soient
rachetés.
b. Concernant le
second fruit il dit: lève-toi, Seigneur mon Dieu, selon le précepte que tu as
établi, pour la conversion des hommes. À ce propos il expose d'abord
le motif de la conversion. Ensuite son accomplissement. Enfin la punition.
Ainsi dit-il: selon le précepte, c'est-à-dire
de la mansuétude et de l'humilité, que tu as établi. - "Apprenez de moi que
je suis doux et humble de coeur." lève-toi donc selon ce précepte, c'est-à-dire apparais
humble tout en étant élevé, autrement dit: ainsi tu accueilles l'humilité afin
de ne pas abandonner la sublimité. Ou bien: lève-toi d'entre les morts, et ainsi l'assemblée des
peuples t'environnera, c'est-à-dire l'assemblée des bienheureux qui
seront récompensés, et celle des méchants qui seront punis: "Ton nom est
une huile répandue: c'est pour cela que les jeunes filles t'ont chéri." - "La
montagne préparée pour la demeure du Seigneur sera établie sur le sommet des
montagnes, et elle sera élevée au-dessus des collines, et toutes les nations y
afflueront." - "Lève les yeux à l'entour; tous ceux-ci se sont
rassemblés, ils sont venus à toi." Et: à cause d'elle remonte dans les hauteurs, c'est-à-dire
afin d'achever l'éducation de cette assemblée, l'assemblée des croyants: "Montant
dans les hauteurs, il a emmené une captivité captive; il a donné des dons aux
hommes." - "Celui qui ouvrira le chemin, montera devant eux." Ou
bien: dans
les hauteurs, tu seras caché aux yeux des Juifs, etc. l'assemblée des
peuples t'environnera, en te méprisant et en te persécutant. En quoi
ils seront principalement punis.
9 Le
Seigneur juge les peuples. Juge-moi, Seigneur, selon ma justice, et selon
l'innocence qui me couvre. 10 La méchanceté des pécheurs sera consumée, et tu dirigeras
le juste, ô Dieu scrutant les coeurs et les reins. 11 Mon juste
secours viendra du Seigneur, qui sauve les hommes droits de coeur.
II. Ici commence la deuxième partie de ce psaume,
dans laquelle il est question de l'exaucement de la demande du psalmiste. Et
parce que l'exaucement de la demande se fait par le jugement de Dieu, il fait
mention du jugement divin.
A) Et il commence
par parler du jugement proprement dit.
B) Ensuite il
traite de son délai: Dieu est un juste juge, fort et patient; est-ce qu'il
s'irrite tous les jours ?
A. En parlant du
jugement il expose trois choses:
1) Il commence
par l'énoncer.
2) Ensuite il
expose son mode: Juge-moi,
Seigneur, etc.
3) Enfin il
montre l'aptitude du juge: ô Dieu scrutant les coeurs et les reins.
1. Ainsi dit-il:
j'ai des ennemis qui me persécutent, aussi je demande d'en être délivré par le
secours divin. Et je mets ma confiance en celui-ci. Car le Seigneur juge les peuples. - "Il
jugera le monde avec équité, et les peuples selon sa vente." - "Le
Seigneur se tient debout pour juger, et il est debout pour juger les peuples."
Et notez qu'après avoir dit: Et à cause d'elle remonte dans les hauteurs, il
poursuit en parlant du jugement; car après l'Ascension il reviendra pour juger:
"Celui que vous avez vu monter au ciel reviendra de la même manière"
pour juger.
2. Le mode du
jugement il l'expose sous forme de prière, car en priant il montre ce qui
arrivera au jugement, en disant: Juge-moi.
a) Et il expose
d'abord la rétribution des bons.
b) Ensuite la
punition des méchants: sera consumée.
Au jugement les deux seront rétribués. Car les biens seront donnés aux
bons, et les maux aux méchants. Donc celui qui est bon, et qui est exempt de
maux, aura l'abondance des biens et la suppression des maux: "Celui qui
m'aura écouté reposera sans terreur et jouira de l'abondance, la crainte des
maux ayant été enlevée".
a. Aussi dit-il
concernant la rétribution des bons: Juge-moi selon ma justice, c'est-à-dire celle
que tu m'as donnée en tant que je suis juste; et cette justice m'a été donnée
afin que les biens me soient impartis: "Bienheureux ceux qui ont faim et
soif de la justice, parce qu'ils seront rassasiés."
b. Concernant la
punition des méchants il dit: selon [mon] innocence. Et cette justice lui
est donnée afin qu'il ne souffre d'aucun mal: "L'innocent sera sauvé à
cause de la pureté de ses mains." Et remarquez que le psalmiste demande ce
jugement selon la justice. Plus haut, dans un psaume pénitentiel, il parle en
invoquant la miséricorde et en ne rappelant aucun mérite, mais à présent, déjà
justifié parce qu'il avait accompli quelques oeuvres bonnes et en vertu
desquelles une récompense lui était due, il demande d'être jugé selon la
justice. Du fait qu'il dit: qui me couvre, il signifie que la justice de
l'homme et son innocence ne lui appartiennent pas, mais lui viennent de Dieu.
Contrairement à ce qu'il demande, à savoir que les biens lui soient donnés et
qu'il ne souffre d'aucun mal, il semble qu'il soit parfois bon et utile d'être
opprimé par les méchants, et même on peut dire qu'en général les bons ont en ce
monde des maux, tandis que les méchants jouissent des biens: "souviens-toi
que pendant ta vie tu as reçu les biens, de même que Lazare les maux; or
maintenant il est consolé, et toi tu es tourmenté." Et l'explication de ce
fait est donnée par le verset qui suit: La méchanceté des pécheurs sera consumée, c'est-à-dire
deviendra réalité à la fin du monde: "Que celui qui est souillé se souille
encore." Remarquez que Dieu retarde parfois un châtiment afin que les
prédestinés se convertissent: "À cause de cela, le Seigneur attend, afin
d'avoir pitié de vous." C'est pourquoi alors la méchanceté des méchants sera consumée, c'est-à-dire
cessera. Parfois Dieu retarde un châtiment afin que les méchants manifestent
davantage leur malice, et que les jugements de Dieu apparaissent justes; et
alors la
méchanceté des pécheurs sera consumée, c'est-à-dire achevée, afin que
la vengeance apparaisse plus juste. C'est en ce sens qu'il est écrit dans la
Genèse: "Sache dès à présent que ta postérité doit être étrangère dans un
pays qui ne sera pas le sien; qu'on les réduira en servitude, et qu'on les
opprimera durant quatre cents ans. Mais la nation à laquelle ils seront
assujettis, c'est moi qui la jugerai; et après ils sortiront avec de grandes
richesses. Pour toi, tu iras en paix vers tes pères, enseveli dans une heureuse
vieillesse. Ainsi, à la quatrième génération, ils reviendront ici; car les
iniquités des Amorrhéens ne sont pas parvenues à leur comble jusqu'au temps
présent." - "Et il ne lui donna là ni héritage, ni même où poser le
pied; mais il promit de lui donner la terre en sa possession et à sa postérité
après lui, lorsqu'il n'avait point encore de fils. Toutefois Dieu lui dit que
sa postérité habiterait en une terre étrangère, où elle serait réduite en
servitude et maltraitée pendant quatre cents ans; mais la nation qui l'aura
tenue en servitude, c'est moi qui la jugerai, dit le Seigneur." Ainsi il
dit: sera
consumée, autrement dit: qu'ils fassent tout ce qu'ils peuvent, car
à la fin la
méchanceté des pécheurs sera consumée. Mais les méchants
n'accableront-ils pas les bons ? Non, car Dieu dirige les justes. Aussi le psalmiste
dit-il: tu
dirigeras le juste. Et il est écrit dans les Proverbes: "La
simplicité des justes les dirigera."
3. Ensuite
lorsqu'il ajoute: scrutant, il montre l'aptitude du juge.
a) Et il expose
d'abord l'aptitude du juge.
b) Puis la
confiance qu'il éprouve à son égard: Mon juste secours.
a. Or deux
qualités sont requises pour l'aptitude d'un juge: qu'il soit sage et qu'il soit
juste. Et ces deux qualités sont en Dieu; et c'est pourquoi il est un juge
compétent: "Un roi qui siège sur le trône de la justice, dissipe tout mal
par son regard." Et il est souverainement sage, connaissant toutes choses,
même les réalités intérieures: "Tout est à nu et à découvert à ses yeux."
Il est aussi souverainement juste: "Mais toi Seigneur Sabaoth, qui juges
avec justice et qui éprouves les reins et les coeurs, que je voie ta vengeance
sur eux; car je t'ai révélé ma cause." Et c'est pourquoi le psalmiste dit:
scrutant les
coeurs. Une version de Jérôme lit: "Probator cordis et renum, Deus justus (Le
Dieu juste examinateur du coeur et des reins)", et puis le verset suivant
dit: "Glypeus
meus in Deo (Mon bouclier est en Dieu)", là où notre version
lit: Mon
juste secours. Ainsi dit-il: scrutant. On distingue trois choses dans
l'homme: une chose visible, à savoir l'oeuvre extérieure, et deux choses qui
sont cachées, à savoir l'intention et la délectation. Ces deux dernières sont
cachées pour nous, mais manifestes pour Dieu. Et puisqu'elles sont connues de
Dieu, tout en étant cachées pour nous, c'est la raison pour laquelle il dit: scrutant les
coeurs, parce qu'il connaît l'intention, et les reins, c'est-à-dire la
délectation, afin de savoir si on se délecte dans la louange de Dieu ou bien
dans celle des hommes. Mais parce que scruter c'est chercher, et que chercher
est le propre de celui qui ignore, il rejette cette application à Dieu. Et afin
de montrer que Dieu sait de toute évidence, quand il dit: sera consumée, etc., il
a déclaré à bon droit: scrutant, car la condition des hommes apparaît
surtout dans la tribulation.
b. Puis il ajoute:
Mon juste
secours viendra du Seigneur. Ce verset expose la confiance éprouvée
à l'égard du juge, sur lequel repose l'espérance du secours. Or le secours de
Dieu est double: celui de la miséricorde, et celui de la justice. Le secours
par lequel on est libéré des maux et des péchés relève de la miséricorde; et ce
n'est pas le propre de la justice, puisque cela n'est pas dû aux mérites. Mais
lorsque quelqu'un est justifié, Dieu le parfait; et cela relève de la justice,
car cette justification répond en quelque manière à un mérite. À propos du
secours qui relève de la miséricorde, il est écrit: "Il est un secours
dans les temps de détresse." Concernant le secours qui relève de la
justice, il est écrit: "Dieu viendra à son secours au lever du matin."
Mais pourquoi ? Parce que Dieu sauve les hommes droits de coeur - "Il
veillera sur le salut des hommes droits." Les hommes droits de coeur, c'est-à-dire
ceux qui tendent vers Dieu par l'intention.
Mais, se demande Cassiodore, pourquoi ne dit-il pas: Qui sauve les
hommes droits quant aux reins, mais les hommes droits de coeur ?
Je réponds: la rectitude est relative à un ordre subordonné à une fin,
et c'est le cas de l'intention; aussi faut-il que l'intention soit droite. Mais
dans les reins siège la jouissance sensible.
12 Dieu
est un juste juge, fort et patient; est-ce qu'il s'irrite tous les jours ?
B. Après avoir
parlé plus haut du jugement divin, le psalmiste traite aussi à présent du délai
de l'événement à venir, c'est-à-dire du châtiment.
1) Et il montre
d'abord la cause du délai.
2) Puis la
disposition préalable à la punition: Si vous ne vous convertissez pas, etc.
1. Or il expose
trois raisons pour lesquelles on peut penser que Dieu ne punit pas les
pécheurs.
a. Une première
raison se fonderait sur le fait qu'il n'est pas juste, puisque sa providence à
l'égard des actes humains est retirée: "L'iniquité de la maison d'Israël
et de Juda est grande, très grande, et le pays est rempli de sang, et la ville
est pleine d'aversion. Car ils disent: Le Seigneur abandonne le pays, et le
Seigneur ne voit pas." - "Il parcourt les pôles du ciel et ne
s'occupe pas de ce qui nous regarde." Mais le psalmiste écarte cette
objection faite à l'égard de Dieu, en disant qu'il est juge et juste: "Voici
que dans la justice régnera un roi et qu'un prince gouvernera selon le droit."
b. Une autre
raison se fonderait sur le fait qu'il n'est pas puissant; mais il écarte cette
objection en disant que Dieu est fort.- "S'agit-il de force, il
est le plus fort."
Quelle en est donc la raison ? C'est que Dieu est patient, aussi le psalmiste
dit-il: est-ce
qu'il s'irrite tous les jours ?, c'est-à-dire il ne punira pas le
premier jour venu, mais il attend quelquefois et dissimule. Il est écrit dans
le livre de la Sagesse: "Il dissimule les péchés des hommes en vue de leur
repentance." Et dans Isaïe: "Le Seigneur vous attend, afin d'avoir
pitié de vous." Et encore: "Il se gardera de le broyer sans cesse."
Une version de Jérôme lit: "Comminatus tota die (Menaçant tout au long de
la journée)", à savoir par l'Écriture sainte.
13 Si
vous ne vous convertissez pas, il fera vibrer son glaive; il a tendu son arc,
et il l'a préparé. 14 Et sur lui il a adapté des objets de mort, il a rendu ses
flèches brûlantes.
2. Ensuite
lorsqu'il dit:
Si vous ne vous convertissez pas, etc., il montre que le Seigneur se
prépare à infliger un châtiment, et s'il le retarde c'est pour une juste cause.
Et le psalmiste expose cette préparation.
a) D'abord du
côté de Dieu qui inflige la punition.
b) Ensuite du
côté de l'homme puni ou qui reçoit la punition: Voici qu'il a enfanté l'injustice, etc.
a. Du côté de
Dieu, la préparation au châtiment sera décrite en fonction de la disposition de
l'homme au démérite ou au péché, car "Dieu hait également l'impie et son
impiété". Et de même que l'homme se prépare par le glaive pour lutter
contre des ennemis tout proches, mais par l'arc pour combattre des ennemis
éloignés; ainsi la punition divine infligée à ceux qui semblent adhérer à lui,
et qui peuvent en comprendre la raison, est appelée glaive contre ceux qui sont
proches, mais arc contre ceux qui sont loin. Et c'est pourquoi Dieu ne te punit
pas aussitôt, mais s'y prépare afin de te laisser le temps de te convertir. Et si vous né vous
convertissez pas, il fera vibrer son glaive, c'est-à-dire vous
infligera sa punition: "Fuyez donc à la face du glaive, car le vengeur des
iniquités c'est le glaive, et sachez qu'il y a un jugement." - "Sa
flèche jaillira comme l'éclair." il fera vibrer pour effrayer, et pour frapper
avec plus de force ceux qui sont proches; il frappe fortement, parce que
l'homme ne se convertit que par les menaces. Valère Maxime écrit en effet: "La
colère divine se manifeste peu à peu jusqu'au châtiment, mais elle compense sa
lenteur par la sévérité du tourment." Une version de Jérôme lit: "Gladium suum
acuet (Il aiguisera son glaive)", c'est-à-dire préparera une
condamnation plus grande: "Quand j'aurai aiguisé mon glaive comme
l'éclair, et que ma main aura saisi un jugement, j'exercerai ma vengeance sur
mes ennemis." - "Car je ne suis pas venu apporter la paix sur la
terre, mais le glaive. Car je suis venu séparer l'homme de son père, la fille
de sa mère et la belle-fille de sa belle-mère." D'après la Glose, le
glaive de Dieu c'est le Christ. L'acte de vibrer est donc la menace de la
géhenne dont sont frappés les impies, comme sous la vengeance de celui-ci: "En
ce jour-là le Seigneur visitera, avec son glaive dur et grand et fort,
Léviathan, serpent levier, Léviathan, serpent tortueux, et il tuera le grand
poisson qui est dans la mer." Il se prépare aussi par l'arc, comme pour
viser ceux qui sont éloignés; c'est pourquoi il dit: il a tendu son arc.
- Et il parle d'abord de la préparation de
l'arc.
- Ensuite des flèches: il [y] a adapté. - Celui qui prépare son arc
commence par le tendre, ensuite il l'ajuste avec la main. Au sujet de la
préparation de l'arc il dit: son arc, c'est-à-dire la punition divine,
comme s'il punissait à l'improviste. Et concernant son ajustement: et il l'a
préparé. - "Car Tophet est préparée depuis hier, par le roi
préparée, profonde et étendue", c'est-à-dire pour punir.
- Puis il traite de la préparation des flèches:
Et il [y] a
adapté, etc.
· Et il fait d'abord mention des flèches elles-mêmes.
· Ensuite il dit comment il fixe sur elles quelque chose de plus
nuisible, par exemple du feu ou du poison.
· Ainsi dit-il: Et sur [celui-ci], c'est-à-dire sur l'arc, il a adapté des
objets, c'est-à-dire des instruments, de mort, c'est-à-dire donnant la
mort: "L'instrument de mort de chacun était dans sa main." il a rendu ses
flèches brûlantes, car il y a là un effet combustible qui symbolise
le châtiment du feu éternel; mais d'après l'hébreu on lit cette version: Il a
préparé ses flèches contre ceux qui me persécutent." Par cet arc, selon
Augustin dans la Glose,
il faut entendre la Sainte Écriture. Il est écrit dans le livre de
Job: "Mon arc reprendra sa vigueur dans sa main." Cet arc est tendu
puisque la rigueur de l'Ancien Testament est tempérée par le Nouveau Testament.
Il est préparé lorsqu'il est déployé. Et il [y] a adapté des [instruments] de mort. Les
instruments de mort peuvent se comprendre de deux manières: ou bien dans un
sens positif, ou bien dans un sens négatif. Dans un sens négatif, ce sont les
hérétiques, qui, en s'appuyant sur la Sainte Écriture, préparent la mort aux
âmes innocentes; et ainsi il dit: il a préparé, c'est-à-dire il a permis que
soient préparés des instruments de mort: "Il les a fait errer dans un lieu
sans chemin frayé, et non dans une voie." il a préparé (effecit), à savoir
il a façonné de l'extérieur (extra fecu), c'est-à-dire il a placé en
évidence ses
fi èches, ses pensées pénétrantes: "Les flèches aiguës de celui
qui est puissant." Ou bien dans un sens positif, les instruments de mort,
c'est ce que l'Apôtre dit à l'égard des désobéissants: "Nous sommes pour
certains une odeur de mort qui conduit à la mort." Et le Seigneur a rendu
ses apôtres aptes à brûler par le feu de la charité: "Élie se leva comme
un feu, et sa parole était enflammée comme un flambeau."
15
Voici qu'il a enfanté l'injustice, il a conçu la douleur, et a mis au monde
l'iniquité. 16 Il a ouvert un abîme, et il l'a creusé; et il est tombé
dans la fosse qu'il a faite. 17 Sa douleur retournera sur sa tête, et sur le haut de sa
tête son iniquité descendra.
b) Ensuite
lorsqu'il dit:
voici, il traite de la préparation du châtiment envisagé du côté de
l'homme qui doit être puni. À cet égard il mentionne deux choses:
- Sa progression vers le péché qui l'expose à la punition.
- Et ensuite l'application du châtiment: Il a ouvert un abîme.
- Trois choses contribuent à la croissance du péché: le mauvais propos,
la tentative et l'effet. Et ainsi les ennemis de David avaient d'abord conçu
leur mauvais dessein, mais ce qui n'était d'abord qu'une tentative, ils le
mirent aussi à exécution par la suite. Or le propos peut être comparé à la
conception, la tentative à la parturition, l'effet à l'accouchement. Et c'est
pourquoi il dit: Voici
qu'il a enfanté, c'est-à-dire s'est efforcé de pratiquer l'injustice, contre
le prochain, il a
conçu la douleur, comme l'écrivent Jérémie: "Ils se sont
fatigués à mal agir", Isaïe: "Ils ont conçu la peine et ils ont
enfanté l'iniquité" et Jacques: "La convoitise, lorsqu'elle a conçu,
enfante le péché." Or il a mis au monde l'iniquité conçue, car Absalom
et Achitophel, ainsi que leurs complices, s'étaient emparés de Jérusalem.
- un
abîme. Il traite ici du châtiment.
· Et il expose d'abord une métaphore.
· Puis il l'explique: Sa douleur retournera, etc.
· Les chasseurs posent des pièges pour capturer les loups dans des
fosses. Les ennemis eux aussi usent de stratagèmes pour capturer des hommes; et
cela se fait par trahison, aussi le châtiment est-il assimilé à une fosse. Chez
les Hébreux le mot "fosse" est désigné sous le vocable de lacus (lac
ou citerne): "Toi aussi par le sang de ton alliance tu as fait sortir tes
prisonniers d'un lac qui est sans eau." Lacus signifie donc une fosse
profonde, et il a
ouvert, c'est-à-dire imaginé une tromperie; il a creusé, en pensant
profondément, et en l'achevant il y tomba, car il pensait tuer et il fut tué: "Ils
ont creusé une fosse devant ma face et ils y sont tombés."
· Et il explique cette métaphore. Pourquoi
dit-il, devant ma face ? Parce que la douleur retournera, etc. Puisqu'ils
ont conçu la douleur, la douleur retournera sur sa tête, c'est-à-dire l'iniquité qu'il
a engendrée descendra
sur le haut de sa tête. - "Son iniquité pèsera sur lui."
18 Je
louerai le Seigneur selon sa justice, et je psalmodierai le nom du Seigneur
Très-Haut.
III. Je louerai. Ici commence la troisième partie
du psaume dans laquelle le psalmiste expose son action de grâce. selon sa
justice, car le mérite a précédé: "Son oeuvre est louange et
magnificence." Et je psalmodierai avec le psaltérion: "Entonnez
un psaume, et faites entendre le tambourin, le psaltérion harmonieux avec la
harpe."
1 Pour la fin. Pour les pressoirs.
Psaume de David pour lui-même.
2 Seigneur, notre Seigneur, que ton nom
est admirable par toute la terre ! Parce que ta magnificence est élevée au-dessus
des cieux.
3 De la bouche des enfants et des
nourrissons, tu as parfait ta louange, à cause de tes ennemis, afin que tu
détruises l'ennemi et le vengeur.
4 Parce que je verrai tes cieux,
ouvrages de tes doigts, la lune et les étoiles que tu as fondées.
5 Qu'est-ce que l'homme, pour que tu te
souviennes de lui, ou le fils de l'homme pour que tu le visites ?
6 Tu l'as abaissé un peu au-dessous des
anges, tu l'as couronné de gloire et d'honneur.
7 Et tu l'as établi sur les ouvrages de
tes mains. 8 Tu as soumis sous ses pieds toutes choses; toutes les brebis et
les boeufs, et en outre les animaux des champs; 9 les oiseaux du ciel, et les
poissons de la mer qui parcourent en tous sens les sentiers de la mer.
10 Seigneur, notre Seigneur, que ton nom
est admirable par toute la terre.
Plus haut le psalmiste a exposé un
psaume dans lequel David priait à cause de sa persécution; ici il expose un
psaume d'action de grâce: et tout au début il a mis un psaume 2 mentionnant les
bienfaits accordés au genre humain tout entier. Puis un autre décrivant les
bien faits accordés à David dans la destruction de ses ennemis, ou d'autres
biens qui lui ont été prodigués. Enfin le psaume précédent exprime son action
de grâce pour les maux qui lui ont été ôtés: "Je te louerai."
1 Pour
la fin. Pour les pressoirs. Psaume de David.
Ainsi donc ce psaume exprime le sentiment de l'homme qui considère les
bienfaits de Dieu accordés au genre humain, et qui en rend grâce. Son titre est:
Pour la fin.
Pour les pressoirs. Psaume de David. Puisque la première partie du
titre a été commentée plus haut, je m'en tiendrai ici uniquement à
l'explication des derniers mots: "Pro torcularibus (Pour les pressoirs).".
À ce propos il faut considérer avec attention ce que rapporte le livre du
Deutéronome. Il y est écrit: "Tu célébreras aussi la solennité des Tentes
pendant sept jours, quand tu auras recueilli de l'aire et du pressoir tes
fruits des champs." Il faut savoir en effet que David avait une piété
particulière à l'égard de la célébration des fêtes, et qu'il faisait quelque
chose de spécial pour louer Dieu. Or la fête des Tentes était la principale. Et
cette fête se célébrait au cours des vendanges, afin de rappeler un bienfait
divin: lorsque le Seigneur fit sortir d'Égypte les fils d'Israël qui vivaient
sous tente, et qu'il les introduisit dans la terre promise, terre qui donnait
du fruit; et c'est pourquoi il fallait qu'ils aient des fruits très beaux, au
moment des vendanges. Aussi dit-il: Pour les pressoirs. Tel est le sens littéral.
Mais au sens spirituel, pressoir signifie l'Église: "Il a planté
une vigne choisie, et il y construisit un pressoir." - "Il planta une
vigne et l'entoura d'une haie, y creusa un pressoir, et bâtit une tour."
Cependant le psalmiste dit: Pour les pressoirs, c'est-à-dire pour les
Églises du monde entier; et l'Église est appelée pressoir, car de même que le
vin est séparé du marc de raisin, ainsi dans l'Église, les bons sont séparés
des méchants par le soin des ministres; et si la séparation ne se fait pas
toujours par un changement de lieu, elle s'opère cependant par la divergence du
sentiment. Pour la même raison, on parle aussi de l'aire; car la séparation du
grain se fait à partir des pailles. De même, on peut dégager de ces paroles
exposées selon le sens littéral leur sens spirituel. On peut dire aussi que les
pressoirs signifient le martyre, au cours duquel se produit la séparation des
corps et des âmes; tandis que les corps des martyrs, qui sont foulés aux pieds
par le tourment et la persécution pour le nom du Christ, demeurent en lambeaux
sur la terre, leurs âmes s'envolent vers le repos dans les demeures célestes.
Ce psaume se divise en deux parties.
I) Le psalmiste admire d'abord l'excellence
divine.
II) Puis sa
clémence: 1 Qu'est-ce
que l'homme, etc.
I. Concernant l'excellence divine le psalmiste
expose deux choses.
A) Il montre
d'abord que la majesté de Dieu est admirable.
B) Ensuite
qu'elle est manifeste: De la bouche des enfants.
2 Seigneur,
notre Seigneur, que ton nom est admirable par toute la terre! Parce que ta
magnificence est élevée au-dessus des cieux.
À En montrant que la majesté de Dieu est admirable il fait deux choses:
1) Il dit d'abord
que celle-ci est admirable.
2) Puis il en
fait connaître la raison: Parce [qu'elle] est élevée.
1. Ainsi dit-il: Seigneur de
toutes choses. "Tu es le Seigneur de toutes choses", mais
particulièrement notre
Seigneur, nous qui t'honorons, qui adhérons à toi. Une version de
Jérôme lit: "Dominator noster (Notre Maître)." - "Je ne
régnerai point sur vous, ni mon fils, mais le Seigneur régnera sur vous."
Que ton nom est admirable, etc., c'est-à-dire ta divinité: "Admirables
sont les soulèvements de la mer; admirable est le Seigneur dans les cieux."
- "Pourquoi cherches-tu à savoir mon nom, qui est admirable ?" Il
s'agit aussi du Christ incarné: "Son nom sera appelé Admirable." Mais
est-ce seulement en Judée comme le disent les Juifs, ou bien en Afrique comme
l'affirment les donatistes ? Non, mais par toute la terre. - "Depuis le lever du
soleil jusqu'à son coucher, grand est mon nom parmi les nations."
2. La raison de
son admiration, le psalmiste l'expose par ce qui suit: Parce que ta magnificence est élevée, car
ta grandeur se manifeste dans les cieux. L'admiration a lieu lorsque quelqu'un
voit l'effet d'une réalité, mais en ignore la cause. Or il y a deux raisons
pour lesquelles une cause est digne d'admiration: ou bien parce qu'elle est
totalement ignorée, ou bien parce qu'elle ne produit pas un effet révélant
parfaitement la cause. Il faut dire avant tout que cela ne se conçoit pas en
Dieu, puisque c'est lui qui produit l'effet: "Les perfections invisibles
de Dieu, rendues compréhensibles depuis la création du monde par les choses qui
ont été faites, sont devenues visibles aussi bien que sa puissance éternelle et
sa divinité." Il produit, dis-je, un effet, mais en ne manifestant pas
parfaitement la cause, et c'est pourquoi son action demeure digne d'admiration;
c'est bien ce que le psalmiste dit: ta magnificence, c'est-à-dire ta louange ou ta
puissance qui peut accomplir de grandes choses, est élevée au-dessus des cieux, c'est-à-dire
dépassant sans proportion la création des cieux. Aussi le psalmiste écarte-t-il
l'erreur de ceux qui disent que Dieu est la forme du ciel, car selon cette
opinion il serait à la dimension des cieux. De même, il exclut l'erreur de ceux
qui affirment qu'il agit sous la contingence de la nature, car il ne
s'étendrait pas au-delà des cieux; alors que de manière illimitée il peut créer
quelque chose de plus grand. Ou bien: au-dessus des cieux, c'est-à-dire des
Écritures, car il est au-delà des éloges des Écritures: "Glorifiez le
Seigneur autant que vous le pouvez, car sa gloire l'emportera encore, et
admirable est sa magnificence." Ou bien: ta magnificence, c'est-à-dire
ton Fils Dieu fait homme, est élevée, dans son ascension, au-dessus des
cieux. - "Celui qui est descendu, c'est le même qui est monté
au-dessus de tous les cieux."
3 De
la bouche des enfants et des nourrissons, tu as parfait ta louange, à cause de
tes ennemis, afin que tu détruises l'ennemi et le vengeur.
B. Ensuite
lorsqu'il dit:
De la bouche, il montre que la majesté de Dieu est tout à fait
manifeste.
1) Et il montre
d'abord sa manifestation.
2) Ensuite il en
donne la raison: Parce
que je verrai
1. Que la majesté
de Dieu est manifeste, le psalmiste le prouve, car il est clair qu'elle est
donnée à tous, aussi simples qu'ils soient, comme émanant d'une connaissance
naturelle. Car il y a deux genres d'hommes qui suivent leur instinct naturel et
droit, ce sont les simples et les sages. Que les sages connaissent Dieu, cela
n'a rien d'extraordinaire, mais pour les simples ce l'est assurément. Il en est
cependant qui pervertissent leur instinct naturel, et ces derniers rejettent la
connaissance de Dieu: "Ils n'ont pas su", c'est-à-dire ils ont voulu
ignorer, "ni compris, ils marchent dans les ténèbres; tous les fondements
de la terre seront ébranlés."
- "Ils dirent à Dieu: Détourne-toi de nous; nous ne voulons pas
connaître tes voies." Or Dieu fait en sorte que par ceux-ci, c'est-à-dire
par les simples qui suivent leur instinct naturel, soient confondus ceux qui
pervertissent leur instinct naturel. Par les enfants sont signifiés les
simples: "Comme des enfants nouveau-nés, désirez ardemment un lait
spirituel et pur, afin que par lui vous croissiez pour le salut." Ainsi
dit-il: admirable
en vérité est ton nom, et à tel point que tu as parfait ta
louange de la bouche des enfants et des nourrissons, toi qui les
incites intérieurement à cela; et ce à cause de tes ennemis, eux qui s'opposent à ta
science et à ta connaissance: "Il en est beaucoup qui se conduisent en
ennemis de la croix du Christ." afin que tu détruises l'ennemi et le vengeur, c'est-à-dire
n'importe quel persécuteur. Ou bien Pharaon qui veut se venger contre celui qui
confesse ton nom: "Ruinant les plans et tout rempart se dressant contre la
science de Dieu." Ou bien un tyran qui combat ton saint nom par les armes:
"Afin qu'en faisant le bien vous réduisiez au silence l'ignorance des
hommes insensés." Le Christ fit cela. En effet, lorsqu'on l'interroge à
propos des enfants des Hébreux, dans Matthieu, le Christ répond qu'une louange
parfaite sortait des paroles de ceux qui le louaient sous l'inspiration du
Saint-Esprit, et cela tout en donnant l'impression qu'ils agissaient d'une
manière puérile. Cela a lieu lorsque les simples reconnaissent Dieu, et que les
autres pervertissent l'amour de la connaissance naturelle, afin de ne pas
connaître Dieu lui-même. Cela a lieu aussi chez les apôtres qui "étaient
sans instruction et du commun." - "Montrez-vous simples comme des
colombes" et "comme des brebis au milieu des loups"; et ils
détruisirent tous les ennemis du Christ: "Ce qu'il y a de fou dans le
monde, Dieu l'a choisi pour confondre les sages, et ce qu'il y a de faible dans
le monde, Dieu l'a choisi pour confondre les forts."
4 Parce
que je verrai tes cieux, ouvrages de tes doigts, la lune et les étoiles que tu
as fondées.
2. Ensuite le
psalmiste ajoute la raison de cette manifestation en disant: Parce que. Cicéron
rapporte dans son ouvrage sur la Nature des dieux - Aristote l'a dit aussi,
bien qu'on ne puisse trouver cette citation dans les ouvrages que nous
possédons de lui - que si un homme entrant dans un palais voit qu'il est bien
arrangé, tout en ne voyant pas comment il a été construit, il ne peut
s'empêcher, à moins d'être fou, de percevoir qu'il a été aménagé par quelqu'un.
Quant à nous, nous entrons dans le monde, et nous ne voyons pas comment il a
été créé; mais par le fait même qu'il a été si bien ordonné, nous devons saisir
qu'il a été créé par quelqu'un. Et l'ordonnance des corps célestes montre
spécialement cela. Certains se sont trompés en attribuant les causes des choses
à la nécessité de la matière; aussi disent-ils que toutes les choses ont été
faites pour le chaud et le froid, le sec et l'humide, selon que les éléments
s'y adaptèrent. Mais si cela peut être vraisemblable pour les autres corps,
cependant ce ne l'est en aucune manière pour les corps célestes; car ils ne
peuvent être attribués à la nécessité de la matière, puisqu'ils sont si
éloignés l'un de l'autre, et qu'ils achèvent leur cours avec un temps aussi
grand. Mais il convient de ramener cela à la cause intelligible. Et c'est
pourquoi l'Écriture, lorsqu'elle veut manifester la puissance de Dieu, nous
ramène à la considération des cieux: "Levez vos yeux là-haut, et regardez:
Qui a créé ces choses ?" Aussi le psalmiste dit-il: Parce que je verrai tes cieux, ouvrages de
tes doigts. Et il dit: ouvrages de tes doigts pour trois raisons:
a. Car ce que
nous faisons avec les doigts, nous l'accomplissons avec attention et avec
précision. Et les observations que l'on doit faire à propos des corps célestes,
ne sont ramenées qu'à une cause intelligible, aussi dit-il: ouvrages de tes
doigts.
- "Il a fait les cieux avec intelligence."
b. Ou bien il
répond à ce qu'il dit: est élevée. Lorsque quelqu'un soulève ce qui
est lourd, il courbe l'épaule, mais quand il soulève ce qui est léger, il se
sert des doigts; aussi dit-il: ouvrages de tes doigts, comme si ce lui était
léger de créer les cieux: "Qui a soutenu de trois doigts la masse de la
terre et pesé les cieux dans la paume de la main ?"
c. Ou bien ce que
nous faisons avec les doigts sont des ouvrages subtils. Donc afin de montrer
que ces ouvrages sont plus subtils que les autres, il dit: ouvrages de tes doigts, etc. Mais
il nomme la lune et non le soleil, à cause des Gentils qui croyaient que cet
astre était le Dieu souverain; et c'est pourquoi il mentionne spécialement la lune et les
étoiles qui manifestement ne causent pas d'erreur: "La beauté
du ciel, c'est l'éclat des astres, le Seigneur illuminant le monde du plus haut
des cieux."
Au sens mystique, les ouvrages de tes doigts, ce sont les apôtres ou
les Écritures. Les trois doigts ce sont les trois personnes, autrement dit: les
oeuvres de la Trinité tout entière ou du Saint-Esprit. la lune, c'est l'Église, les étoiles, les
docteurs. Et c'est Dieu qui les a faits.
5 Qu'est-ce
que l'homme, pour que tu te souviennes de lui, ou le fils de l'homme pour que
tu le visites ?
II. Plus haut le
psalmiste a admiré l'excellence de la majesté divine, et à présent il commémore
deux bienfaits divinement concédés aux hommes. Puis il est amené à conclure ce
psaume sur la louange: 10 Seigneur, notre Seigneur, etc.
En commémorant ces bienfaits divins il expose trois choses.
A) Il montre
d'abord la clémence de Dieu à l'égard des hommes, par rapport aux réalités qui
sont au-dessus des hommes.
B) Ensuite par
rapport au premier homme: tu l'as couronné de gloire et d'honneur.
C) Enfin par
rapport aux réalités qui sont au-dessous de l'homme: Et tu l'as établi sur les oeuvres de tes
mains.
A. Au-dessus de
l'homme il y a deux natures, à savoir la nature divine et la nature angélique.
1) Il expose donc
d'abord les bienfaits reçus en relation avec Dieu.
2) Ensuite en
relation avec les anges: Tu l'as abaissé.
1. En relation
avec Dieu, il expose en premier lieu ce qui concerne les bienfaits naturels,
ensuite les bienfaits gratuits.
Et au sujet des bienfaits naturels, il mentionne encore deux choses.
a) Il expose
d'abord l'attention spéciale de Dieu vis-à-vis de l'homme.
b) Puis sa
familiarité spéciale avec l'homme: ou le fils de l'homme.
a. Il est
étonnant que parmi les grandes créatures quelqu'un s'unisse avec une
familiarité spéciale à une petite créature; et c'est pourquoi le psalmiste
rappelle la petitesse de l'homme dans la création: Qu'est-ce que l'homme, une si
petite chose ? - "L'homme né de la femme." Et plus loin: "L'homme
est pourriture, et le fils de l'homme un vermisseau." Ensuite il rappelle
sa petitesse quant à son origine, car il est aussi méprisable: "Qui peut
concevoir quelque chose de pur à partir d'une semence impure ? N'est-ce pas toi
qui es le seul ?" Et encore: "Ne m'as-tu pas coulé comme du lait ?"
b. Aussi le
psalmiste dit-il: ou le fils de l'homme ? Mais à celui qui est si petit, si
méprisable il dit que Dieu fait deux choses, c'est-à-dire qu'il se souvient de
lui, et qu'il le visite. La première chose concerne la sollicitude. La seconde
concerne la familiarité particulière. Et c'est une manière de parler. C'est
comme un artisan qui aurait fabriqué des ouvrages imposants, et parmi ceux-ci
un ouvrage de moindre importance, par exemple une aiguille, et qu'après avoir
fabriqué cette aiguille, il montre qu'il en a la science. Mais que dans
l'ordonnance de ses ouvrages il se soucie de cette aiguille, ce serait très
étonnant; et c'est pourquoi le psalmiste dit: Qu'est-ce que l'homme, pour que
parmi les grandes créatures tu te souviennes de lui ? - "Ne dis pas:
Je me cacherai de Dieu; et de là-haut qui songera à moi ? En pleine foule je ne
serai pas connu, car qu'est-ce que mon âme dans une telle immensité de
créatures ?" Car dans ta petitesse Dieu ne t'oublie pas.
Mais en quoi cela est-il grand ? Dieu en effet se soucie de tous: "Car
il n'y en a pas d'autre que toi, qui ait le souci de tous."
On répondra à cette objection en disant que Dieu se soucie spécialement
de l'homme, c'est-à-dire que ses actes seront rémunérés au jour du jugement: "Et
tu juges digne d'ouvrir tes yeux sur un tel être et de l'appeler avec toi en
jugement ?"
De même il ne se soucie pas seulement de l'homme, mais il est dans la
familiarité avec lui; et c'est pourquoi le psalmiste dit: pour que tu le visites. Seule la
nature douée de raison est capable de Dieu, en connaissant et en aimant. Donc dans
la mesure où Dieu se rend présent à nous par l'amour ou la connaissance, il
nous visite: "Ta visite a gardé mon souffle." Ainsi donc il y a une
grande clémence de Dieu dans sa relation avec l'homme.
6 Tu
l'as abaissé un peu au-dessous des anges, tu l'as couronné de gloire et
d'honneur,
2. Mais ensuite
le psalmiste traite de ce bienfait divin concédé à l'homme en comparaison avec
les anges, dont il est proche: Tu l'as abaissé un peu au-dessous des anges. Chez
les anges, l'image de Dieu se découvre par un simple regard sur la vérité, sans
le recours à l'investigation; mais chez l'homme cela se fait par le
raisonnement, et c'est pourquoi il y a une petite ressemblance avec l'homme. De
là vient que les hommes sont appelés anges: "Ils chercheront la loi de sa
bouche, car il est l'ange du Seigneur des armées." L'homme est aussi
corruptible, mais pour peu de temps; car l'homme une fois dans la Patrie
connaîtra toutes choses sans avoir recours au raisonnement, et il sera
corporellement incorruptible: "Il faut que ce corps corruptible revête
l'incorruptibilité."
B. Puis il montre
la clémence de Dieu à l'égard de l'homme, en comparaison avec l'homme lui-même:
tu l'as
couronné de gloire et d'honneur, etc. Être couronné équivaut à
recevoir la royauté. Dieu a établi l'homme comme roi des créatures inférieures
et il est gloire, c'est-à-dire clarté de l'image divine; et c'est une couronne
de l'homme: "L'homme est l'image et la gloire de Dieu." - "La
lumière de ton visage a été gravée sur nous, Seigneur." Mais celui-là est
honoré qui n'est soumis à personne. Or l'homme n'est soumis à aucune créature
corporelle naturelle quant à son âme, ni au moment de son entrée dans le monde,
ni au cours de sa vie. Ni au moment de son entrée dans le monde, car son âme
n'est pas créée par une créature, et elle agit librement. Elle ne périt pas non
plus avec son corps, et c'est en cela que consiste l'honneur de l'homme; aussi
est-il écrit: "Ils n'ont pas jugé l'honneur des âmes saintes. Car Dieu a
créé l'homme inexterminable, et c'est à l'image de sa ressemblance qu'il l'a
fait."
- "L'homme, alors qu'il était en honneur, n'a pas compris, il fut
comparé aux bêtes sans raison et fut fait semblable à elles."
7 Et
tu l'as établi sur les ouvrages de tes mains. 8 Tu as soumis sous ses pieds toutes choses;
toutes les brebis et les boeufs, et en outre les animaux des champs; 9 les oiseaux du
ciel, et les poissons de la mer qui parcourent en tous sens les sentiers de la
mer.
C. Ensuite
lorsqu'il dit:
tu l'as établi, il expose la clémence de Dieu à l'égard de l'homme
en relation avec les créatures qui sont au-dessous de l'homme, car Dieu a voulu
que l'homme ait une domination sur ces créatures inférieures. Et à cet égard le
psalmiste expose trois choses.
1) Il expose
d'abord cette domination.
2) Ensuite le
pouvoir de dominer: Tu as soumis toutes choses.
3) Enfin
l'énumération de ceux qui lui sont soumis: les brebis et les boeufs.
1. Ainsi dit-il:
du fait que l'homme est roi, tu lui as donné la domination sur les ouvrages de tes mains. -
"Qu'il exerce son pouvoir sur les poissons de la mer, et sur les oiseaux
du ciel, et sur les bêtes de la terre, et sur le reptile qui rampe sur la
terre." Cette domination, il la tient en vertu de sa raison, parce qu'elle
surpasse tous les animaux, et c'est pourquoi aussitôt après avoir dit: de gloire et
d'honneur, il ajoute: tu l'as établi, c'est-à-dire tu lui as donné
la domination. Mais remarquez que le psalmiste dit que l'homme a l'autorité sur
les ouvrages des mains, non des doigts, parce qu'ils ne sont pas subtils comme
les cieux qui sont les ouvrages des doigts. L'homme ne peut pas se les
soumettre.
2. Et c'est
pourquoi le psalmiste fait connaître ensuite son pouvoir de dominer. Tu as soumis, dit-il,
toutes
choses, afin que l'homme préside et domine par signe. Cela est
attesté dans le livre de la Genèse, ou Dieu amena tous les animaux à Adam. Et
cette soumission fut totale avant le péché; mais certains animaux opposent
maintenant de la résistance à cause du châtiment dû au péché.
3. Enfin
lorsqu'il dit: les
brebis et les boeufs, etc., il énumère les créatures qui lui sont
soumises; et il mentionne les animaux tout en pensant aussi aux plantes. Mais
parmi les animaux certains sont soumis selon toute leur espèce, à savoir les
animaux apprivoisés et domestiques selon leur nature, c'est-à-dire les brebis
et les boeufs. Et le psalmiste dit cela au féminin: "universas (toutes)", car le
bétail est surtout composé de vaches et de brebis. Il y en a d'autres qui ne
sont pas soumis selon toute leur espèce, et certains d'entre eux peuvent
marcher; et à ce propos il dit: et en outre les animaux des champs, etc., c'est-à-dire
les sangliers, les cerfs, et les animaux du même genre. Certains sont
volatiles, c'est-à-dire les oiseaux, et d'autres nagent comme il en est des
poissons. Ces ouvrages peuvent aussi se rapporter aux bienfaits de la grâce, et
alors en ceux-ci sont énumérés tous les mystères du Christ.
a. D'abord celui
de l'Incarnation: Qu'est-ce que l'homme ? Le psalmiste traite de deux choses,
à savoir de la cause de l'Incarnation et de l'Incarnation elle-même.
Et il dit: Qu'est-ce que l'homme ? Dieu semblait en effet
avoir oublié l'homme lorsqu'il le chassa du paradis. Il s'en souvient en
quelque manière lorsqu'on fait appel à lui dans ce verset du psaume 105: "Souviens-toi
de nous, Seigneur, de la bienveillance pour ton peuple, visite-nous en ton
salut."
Et d'où l'Incarnation, car le Seigneur visite
son peuple; et c'est pourquoi le psalmiste dit: ou le fils de l'homme, etc. Car
bien que Dieu ait visité le genre humain tout entier, il visite spécialement
cet homme assumé dans l'union hypostatique. - "Ce n'est pas à des anges
qu'il vient en aide, mais à la postérité d'Abraham."
b. Le deuxième
mystère est celui de la passion: Tu l'as abaissé à cause de la Passion: "Mais
celui qui a été un moment abaissé au-dessous de l'ange, Jésus, nous le voyons,
à cause de la mort qu'il a soufferte, couronné de gloire et d'honneur, ayant
par la grâce de Dieu goûté de la mort pour tous." En hébreu on lit cette
version: Et tu l'abaisseras un peu au-dessous de Dieu", car le Christ est
uni à Dieu dans l'unité de sa personne, mais il est au-dessous de Dieu à cause
de la passibilité qu'il a assumée.
c. Le troisième
mystère est le bienfait de la Résurrection dans l'honneur témoigné aux apôtres,
Résurrection qui est mentionnée dans le prolongement de la Passion: "Afin
qu'au nom de Jésus tout genou fléchisse aux cieux, sur la terre et dans les
enfers, et que toute langue confesse que le Seigneur Jésus-Christ est dans la
gloire de Dieu le Père." - "Afin que tous honorent le Fils comme ils
honorent le Père."
d. Le quatrième mystère est celui de
l'Ascension: tu
l'as établi, etc. - "L'établissant à sa droite au-dessus
de toute principauté et puissance, de toute vertu, de toute domination et de
tout nom qui est nommé non seulement dans ce siècle, mais aussi dans le futur."
e. Le cinquième mystère est sa venue au
Jugement dernier: Tu as soumis toutes choses, etc., c'est-à-dire tu l'as établi
juge sur toutes choses: "À présent nous ne voyons pas encore que toutes
choses lui soient soumises", mais alors toutes choses seront soumises sous
ses pieds, c'est-à-dire sous son humanité, car "la tête du Christ, c'est
Dieu." Et ses pieds représentent son humanité: "Il lui a donné le
pouvoir d'exercer le jugement." Et au jugement certains seront jugés bons;
et parmi eux figurent des sujets représentés par les brebis: "Ceux-ci, qui
sont les brebis, qu'ont-ils fait ?" D'autres sont des dignitaires de
l'Église, et ces derniers sont représentés par les boeufs: "Où abondent
les moissons, on voit la force des boeufs." D'autres seront jugés mauvais,
et ils sont de trois sortes: "Tout ce qui est dans le monde, est ou bien
concupiscence des yeux, ou bien concupiscence de la chair, ou encore orgueil de
la vie."
- Et il mentionne d'abord les voluptueux; et ce sont les brebis et
les boeufs, et en outre les animaux des champs, car ils s'adonnent
aux plaisirs de manière bestiale: "Les bêtes de somme ont pourri dans leur
ordure, les greniers ont été démolis et les granges dévastées, parce que le blé
a fait défaut." Le psalmiste dit cela, parce qu'ils marchent sur une voie
large.
- Ensuite il mentionne les orgueilleux; ce sont les oiseaux: "Une
partie de la semence tomba le long du chemin, et les oiseaux du ciel la
mangèrent."
- "Les oiseaux les dévoreront avec la morsure la plus cruelle."
- Enfin il mentionne les cupides 16 qui parcourent en tous sens les sentiers de la mer, au
sens littéral, ou bien du monde: "Les impies rôdent de toutes parts."
- "J'ai fait le tour de la terre et je l'ai parcourue en tous sens."
10 Seigneur,
notre Seigneur, que ton nom est admirable par toute la terre.
De même que Dieu est admirable par la grandeur de sa majesté, ainsi
l'est-il aussi par sa clémence; et c'est pourquoi le psalmiste conclut sur
l'admiration: Seigneur,
notre Seigneur, que ton nom est admirable par toute la terre. Cependant
il faut savoir que ce psaume est "circulaire", puisqu'il comprend le
même verset au début et à la fin. Certains psaumes sont "semi-circulaires",
puisqu'ils ne répètent pas tout le verset, mais une partie seulement, par
exemple: "Bénis, mon âme, le Seigneur, et que tout ce qui est en moi
bénisse son saint nom", et la conclusion: "Dans tous les lieux de sa
domination, bénis, mon âme, le Seigneur."
1 Pour la fin. Pour les secrets du fils.
Psaume de David.
2 Je te confesserai, Seigneur, de tout
mon coeur; je raconterai toutes tes merveilles.
3 Je me réjouirai et j'exulterai en toi;
je psalmodierai en l'honneur de ton nom, ô Très-Haut.
4 En renversant mon ennemi en arrière,
ils seront affaiblis, et ils périront de devant ta face.
5 Parce que tu as fait tourner à mon
avantage mon jugement et ma cause; tu t'es assis sur ton trône, toi qui juges
selon la justice.
6 Tu as châtié les nations et l'impie a
péri; tu as effacé leur nom pour l'éternité, et pour les siècles des siècles.
7a Les épées de l'ennemi ont perdu leur
force pour toujours, et tu as détruit leurs cités.
7b Leur mémoire a péri avec bruit; 8
mais le Seigneur demeure éternellement. Il a préparé son trône pour le jugement;
9 et lui-même jugera le globe de la terre avec équité, il jugera les peuples
avec justice. 10 Et le Seigneur s'est fait le refuge du pauvre, son aide dans
les nécessités, dans la tribulation.
11 Et qu'ils espèrent en toi ceux qui
connaissent ton nom, puisque tu n'as pas délaissé ceux qui te cherchent,
Seigneur. 12 Psalmodiez un psaume au Seigneur, qui habite dans Sion; annoncez
parmi les nations ses desseins; 13 parce que demandant compte du sang, il s'est
souvenu d'eux; il n'a pas oublié le cri des pauvres.
14 Aie pitié de moi, Seigneur, vois mon
humiliation venant de mes ennemis. 15a Toi qui me relèves des portes de la
mort,
15b afin que j'annonce toutes tes
louanges aux portes de la fille de Sion.
16 J'exulterai dans ton salut; les
nations se sont enfoncées dans la ruine qu'elles ont forgée; dans ce piège
qu'elles ont caché, leur pied a été pris. 17 Le Seigneur sera connu comme
rendant la justice; le pécheur a été pris dans les oeuvres de ses mains.
18 Que les pécheurs soient précipités
dans l'enfer, et toutes les nations qui oublient Dieu. 19 Car le pauvre ne sera
pas oublié pour toujours; la patience des pauvres ne périra pas à jamais.
20 Lève-toi, Seigneur, que l'homme ne se
fortifie point; que les nations soient jugées en ta présence. 21 Établis,
Seigneur, un législateur sur eux, afin que les peuples sachent qu'ils sont des
hommes.
22 Pourquoi, Seigneur, t'es-tu retiré au
loin ? Pourquoi nous dédaignes-tu dans les nécessités, dans la tribulation ? 23
Tandis que s'enorgueillit l'impie, le pauvre est consumé; ils sont pris dans
les desseins qu'ils méditent.
24 Parce que le pécheur est loué dans
les désirs de son âme, et l'injuste est béni. 25 Le pécheur a irrité le
Seigneur, dans l'excès de sa colère il ne se souciera de rien.
26a Dieu n'est point devant ses yeux;
ses voies sont souillées en tout temps.
26b Tes jugements sont ôtés de devant sa
face; il dominera sur tous ses ennemis. 27 Car il a dit en son coeur: Je ne
serai point ébranlé de génération en génération, je serai à l'abri du mal.
28 Sa bouche est pleine de malédiction,
et d'amertume et de fraude; sous sa langue labeur et douleur.
29 Il est assis en embuscade avec les
riches, dans des lieux cachés, afin de tuer l'innocent. 30a Ses yeux regardent
le pauvre; il lui dresse des embûches dans le secret, comme un lion dans sa
caverne.
30b Il dresse des embûches pour prendre
le pauvre; pour prendre le pauvre, tandis qu'il l'attire.
31 Dans son piège il l'humiliera; il
s'inclinera et tombera, lorsqu'il se sera rendu maître des pauvres. 32 Car il a
dit en son coeur: Dieu a oublié, il a détourné sa face pour ne rien voir
jusqu'à la fin.
33 Lève-toi, Seigneur Dieu, que ta main
s'élève: n'oublie pas les pauvres. 34 Pourquoi l'impie a-t-il irrité Dieu ?
C'est qu'il a dit dans son coeur: "Il ne demandera pas de comptes."
35a Tu vois, car toi tu considères le
labeur et la douleur pour les prendre en tes mains.
35b À toi le pauvre est abandonné; c'est
toi qui viendras en aide à l'orphelin. 36 Brise le bras du pécheur et du
méchant; on cherchera son péché, et on ne le trouvera pas. 37 Le Seigneur
régnera éternellement et pour les siècles des siècles; nations, vous
disparaîtrez de sa terre.
38 Le Seigneur a exaucé le désir des
pauvres; ton oreille a entendu la disposition de leur coeur, 39 pour rendre
justice à l'orphelin et à l'humble; que l'homme cesse enfin de se glorifier sur
la terre.
1 Pour
la fin. Pour les secrets du fils. Psaume de David.
Dans le psaume précédent, le psalmiste a rendu
grâce pour les bienfaits accordés au genre humain tout entier, tandis que dans
ce psaume il rend grâce spécialement pour le bienfait qui lui a été prodigué
dans la destruction de ses ennemis; et cela se voit manifestement dans le
contenu du titre que lui donne Jérôme et qui est intitulé: "Victori pro
morte filii canticum David, etc. (À David vainqueur, cantique pour la mort de
son fils)." Et ce titre fait allusion à l'histoire de David qui, après la
mort d'Absalom, rentra en possession de son royaume. Et c'est pour ce bienfait
qu'il a composé ce psaume. Mais dans notre version le titre est plus obscur: Pour la fin.
Pour les secrets du fils. Psaume de David. Les secrets du fils, c'est-à-dire la
mort du fils, car à cause de cette mort il est caché aux yeux de tous.
Au sens mystique, cela s'applique au Christ qui est appelé fils par
antonomase, lui qui est le Fils de Dieu le Père par nature: "Si le Fils
vous libère, vous serez vraiment libres." Il est aussi le fils de David
selon la promesse: "Aie pitié de moi, fils de David." Pour les secrets
du fils, c'est-à-dire du Christ. Quels sont ces secrets ? Il y a
deux avènements du Fils de Dieu. Le premier fut caché quant à sa divinité et à
sa gloire qui étaient voilées sous la faiblesse de la chair: "Vraiment tu
es un Dieu caché." Le second avènement sera manifeste: "Ils verront
le Fils de l'homme venant dans une nuée, avec une grande puissance et une
grande majesté." Il y a aussi deux jugements du Christ. Le premier est
caché; et ce jugement se trouve dans l'ordonnance du monde, en tant que Dieu
permet aux bons de souffrir persécution de la part des méchants: "Tes
jugements sont un abîme profond." L'autre jugement sera manifesté au
jugement dernier: "Jusqu'à ce que vienne le Seigneur, qui éclairera ce qui
est caché dans les ténèbres, et manifestera les pensées secrètes des coeurs."
Il est en effet question d'un jugement caché dans le fait que les bons
subissent l'affliction de la part des méchants: "J'attendais des biens, et
voici des maux; j'espérais la lumière, et des ténèbres se sont répandues."
Tout cela est rappelé implicitement, car le psalmiste rend grâce pour la
libération de ses ennemis.
Ce psaume se divise er deux parties.
I) Dans la première partie, le psalmiste expose
l'action de grâce proprement dite.
II) Dans la
seconde, il expose la matière de l'action de grâce: 4 En [renversant] mon ennemi en arrière, etc.
2 Je
te confesserai, Seigneur, de tout mon coeur; je raconterai toutes tes
merveilles.
I. Le psalmiste rend grâce de trois manières:
par le coeur, par la bouche et par l'action.
A. Par la bouche,
de deux manières: en louant et en prêchant, car il dit: Je te confesserai. Or il y a trois
sortes de confessions:
1. De la foi: "On
confesse de bouche pour le salut." - "J'ai dit: "Je confesserai
contre moi mon injustice au Seigneur", et tu m'as remis l'impiété de mon
péché."
2. Des péchés: "Confessez
vos péchés les uns aux autres."
3. De louange: "Devant
tous les vivants confessez-le, parce qu'il a exercé envers vous sa miséricorde."
Et c'est de cette confession dont il s'agit ici: Ô Seigneur, Je te
confesserai, c'est-à-dire je te rendrai grâce, je te louerai: "Je
louerai le nom de mon Dieu par un cantique, et je le magnifierai par ma
louange." Cette action de grâce est dans le coeur, car "les hommes
voient ce qui paraît, mais le Seigneur regarde le coeur". C'est contre ce
jugement extérieur que s'élèvent Isaïe et Marc: "Ce peuple m'honore des
lèvres, mais leur coeur est loin de moi." Mais il dit: de tout mon
coeur, car "Dieu est plus grand que notre coeur". Et c'est
pourquoi même Si nous le louons de tout notre pouvoir, notre louange n'est pas
à la mesure de ce qu'il est: "Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton
coeur." Donc celui qui ne donne pas totalement son coeur à Dieu, mais veut
quelque chose d'autre en même temps que lui, le perd: "La couche a été
resserrée, de manière que l'un tombera; et la couverture est étroite, et ne
peut couvrir l'un et l'autre" Par conséquent, celui-là le loue de tout son
coeur, qui n'accepte rien qui s'oppose à Dieu, mais rapporte tout à lui dans
ses actes ou dans sa conduite: "Révéler et publier les oeuvres de Dieu",
c'est-à-dire en les annonçant, "c'est une chose honorable".
je raconterai, en prêchant et en annonçant aux autres, car
Dieu accorde des bienfaits qui doivent être communiqués aux autres; et cela se
réalise bien en les faisant connaître aux autres: "Va et annonce tout ce
que Dieu a fait pour toi"; et c'est pourquoi il dit: je raconterai tes merveilles. Mais
il a raison de dire: merveilles, car les oeuvres de Dieu sont dès
qu'il raconte, toutes ces choses-là sont merveilleuses; ou bien: toutes, parce
que l'intention de celui qui raconte ne doit pas s'arrêter sur une
considération, mais progresser dans sa narration autant qu'il peut. Selon
Hilaire, dans son ouvrage Sur la Trinité, "celui qui poursuit
l'infini de sa foi aimante, même s'il n'y parvient jamais, profitera de sa
recherche". Et dans l'Écriture: "Glorifiez Dieu autant que vous le
pouvez, sa gloire l'emportera encore, et admirable est sa majesté." Et: "Le
Seigneur n'a-t-il pas donné à ses saints de raconter toutes ses merveilles ?"
3 Je
me réjouirai et j'exulterai en toi; je psalmodierai en l'honneur de ton nom, ô
Très-Haut.
B. Je me réjouirai.
Ici le psalmiste rend grâce par le coeur. Certains racontent leurs
propres biens aux autres, et trouvent leur joie en eux-mêmes, comme les
pécheurs. C'est l'attitude du Pharisien dans l'évangile selon Luc, qui disait: "Ô
Dieu, je te rends grâce de ce que je ne suis pas comme le reste des hommes, qui
sont voleurs, injustes, adultères; ni même comme ce publicain." Tandis que
celui-ci met toujours sa joie dans le Seigneur: "Dans tout don montre un
visage joyeux, et dans l'exultation sanctifie tes dîmes." Je me réjouirai,
intérieurement dans le coeur, et j'exulterai en toi, faisant éclater ma joie
à l'extérieur: "Mais moi, je me réjouirai dans le Seigneur, et j'exulterai
en Dieu mon Jésus."
C. Je psalmodierai.
Enfin il rend grâce par l'action; car psalmodier est une oeuvre
manuelle, et à travers cette oeuvre est signifiée une bonne oeuvre; car toutes
nos oeuvres doivent aboutir à la gloire de Dieu: "Qu'ainsi donc luise
votre lumière devant les hommes, afin qu'ils voient vos bonnes oeuvres et
qu'ils glorifient votre Père qui est dans les cieux." - "Je
psalmodierai en l'honneur de mon Dieu tant que je vivrai." Mais il ajoute:
en l'honneur
de ton nom, ô Très-Haut, autrement dit: Ô Dieu, tu ne tires aucun
avantage dans le fait que je te confesserai et que je psalmodierai pour toi, car
ton nom est souverain, mais cela nous est profitable: "Ma prière revenait
dans mon sein." - "Si tu as agi justement, que lui donneras-tu, ou
que recevra-t-il de ta main ?" - "Que sert à Dieu que tu sois juste ?
ou quel bien lui fais-tu si ta voie est sans tache ?"
4 En
renversant mon ennemi en arrière, ils seront affaiblis, et ils périront de
devant ta face.
II. En renversant. Ici est exposée la matière de
l'action de grâce.
A) D'abord en
particulier pour le psalmiste.
B) Puis en
général: 18 Que
les pécheurs soient précipités dans l'enfer, etc.
A. Concernant la
matière de l'action de grâce qui le regarde plus particulièrement, le psalmiste
expose trois choses:
1) Il expose en
premier lieu un fait.
2) Puis il loue
l'autorité de celui qui agit: 8 le Seigneur demeure éternellement.
3) Enfin il y
subordonne un fruit: 11 qu'ils espèrent en toi.
1. Il expose deux
choses: un fait, et la justice liée à ce fait. La justice liée à ce fait en
disant: Parce
que tu as fait tourner a mon avantage, etc.
a. Le fait est la
destruction de l'ennemi à propos de laquelle il mentionne trois choses:
- Car si quelqu'un est détruit, il commence par être détourné de son
dessein, et à ce propos le psalmiste dit: En renversant mon ennemi en arrière; ajoutez à
cela: Je
confesserai, c'est-à-dire je rendrai grâce à Dieu. L'ennemi est
alors renversé en arrière, lorsqu'il se détourne de ce qu'il se propose: "Qu'ils
retournent en arrière et qu'ils rougissent, ceux qui songent à des maux pour
moi."
- Ensuite sa force faiblit, et à ce propos il dit: ils seront affaiblis, c'est-à-dire
dans sa puissance: "Le Seigneur est avec moi comme un guerrier vaillant;
c'est pour cela que ceux qui me persécutent tomberont et seront sans force."
- Enfin eux-mêmes périssent, c'est pourquoi il dit: ils périront, ou
bien en cessant leur impiété; et cela de devant ta face, c'est-à-dire privés de ta
connaissance, ou bien par ta condamnation. Ou bien: ils périront sous ta vengeance
et le jugement de leur malice. Ou bien: ils périront de devant ta face, parce qu'ils
ne pourront pas te voir. On lit dans une version d'Isaïe: "Que l'impie
soit supprimé de crainte qu'il ne voie la gloire de Dieu."
5 Parce
que tu as fait tourner à mon avantage mon jugement et ma cause, toi tu t'es assis
sur ton trône, toi qui juges selon la justice.
b. Le psalmiste
expose ici la justice liée au fait.
- Il l'expose d'abord de son côté quand il dit: Parce que tu as fait. Parfois
une personne est dans son droit, mais sans avoir de juge qui lui fasse justice.
Parfois une personne a un juge, mais pas de témoin ou d'avocat; mais celui qui
est dans son droit trouve un juge, et c'est pourquoi il dit: Parce que tu as fait
tourner à mon avantage mon jugement, c'est-à-dire tu me
l'as donné, et
ma cause, c'est-à-dire mon témoin: "C'est moi qui suis témoin
et juge, dit le Seigneur." Car Dieu est à la fois juge et témoin: en tant
que juge, il rend un jugement; en tant que témoin, il défend les causes.
- Ensuite le psalmiste expose la justice liée au fait du côté du juge.
Et il dit à propos de Dieu l'autorité qu'il détient pour juger: toi tu t'es
assis sur ton trône, toi qui es le siège du juge, c'est-à-dire toi
qui as le pouvoir royal pour détruire le mal: "Le roi qui est assis sur le
trône, dissipe tout le mal par son regard." De même, tu as l'amour de la
justice, aussi dit-il: toi qui juges selon la justice. - "Mais
toi, Seigneur Sabaoth, toi qui juges justement."Autrement dit: c'est ton
attribut particulier. - "Le Seigneur est juste et il a aimé la justice."
- "C'est moi qui professe la justice, et qui combats pour sauver."
Ou bien si on applique cela au Christ: Parce que tu as
fait tourner à mon avantage mon jugement, etc. Le Christ fut jugé, et il eut un procès:
"Ta cause a été jugée comme celle d'un impie." Mais sa cause fut à
son avantage, puisqu'elle aboutit à sa propre glorification. Toi tu t'es
assis, à savoir Dieu le Père, sur ton trône, c'est-à-dire l'âme du Christ.
Ou bien il s'agit du Christ qui est assis à la droite de Dieu le Père. Pour la
dernière partie de ce verset, commentez-le en l'adaptant comme vous le voulez.
6 Tu
as châtié les nations et l'impie a péri; tu as effacé leur nom pour l'éternité,
et pour les siècles des siècles.
- Tu
as châtié. Plus haut le psalmiste a montré le jugement exercé de son
côté, car ce jugement a été rendu en sa faveur, et il l'a montré du côté du
juge; ici il fait connaître le jugement ou la justice qui lui a été rendue du
côté de ceux qui sont vengés.
· Et il expose en premier lieu la justice proprement dite.
· Puis il l'explicite: 7 Les épées de l'ennemi ont perdu leur
force, etc.
· En punissant les méchants, le Seigneur accomplit successivement trois
choses à leur égard. Car il ne leur inflige pas aussitôt l'ultime châtiment,
mais il commence par les reprendre; puis, s'ils ne se corrigent pas, il les
punit; enfin il les extermine.
Concernant la correction il dit: Tu as châtié, par les prédicateurs: "Annonce
à mon peuple ses crimes, et à la maison de Jacob ses péchés." - "Reprends,
corrige, exhorte en toute patience et doctrine." Également par les
tribulations: "Il le corrige aussi sur son grabat par la douleur, et il
fait sécher ses os."
Et à propos de la punition il dit: l'impie a péri, c'est-à-dire ou bien Absalom,
ou bien le diable: "Parce que nul n'a l'intelligence, ils périront
éternellement."Tu as châtié les nations, c'est-à-dire les
nations trompées, et l'impie qui excite a péri, parce que toute la multitude s'est
rebellée; mais elle n'a pas été détruite puisqu'elle fut séduite.
Quant à l'extermination, il dit: tu as effacé leur nom, car les impies
cherchent à se conserver, mais ceux-ci ne seront pas trouvés dignes de
l'éternité.
On objectera que le nom de Judas s'est conservé dans la mémoire.
Il faut répondre en disant que les hommes n'ont pas l'intention
d'exalter leur nom dans le mal, mais dans le bien; cependant le nom de Judas
demeure lié au mal: "Le nom des impies pourrira."Jérôme rapporte
qu'un inconnu brûla un temple dans le dessein de perpétuer son souvenir; et
c'est ainsi que le nom des méchants peut demeurer lié au mal.
7a Les
épées de l'ennemi ont perdu leur force pour toujours, et tu as détruit leurs
cités.
· Le psalmiste explique ici comment il périt; et il mentionne deux
choses:
Il donne en premier lieu la raison pour laquelle il périt.
Ensuite il en explicite la manière: Leur mémoire a péri.
La raison pour laquelle il périt vient du fait que sa volonté
déterminée de se faire un nom a été rendue vaine. Parfois, certains se font un
nom par la puissance militaire ou dans l'exploit des guerres, c'est pourquoi il
est écrit dans la Genèse: "Ces hommes sont puissants, fameux dès le temps
ancien." Parfois, en bâtissant une cité: "La fondation d'une cité
assurera un nom, et au-dessus de ces biens, sera estimée une femme sans tache",
comme le nom de Romulus pour Rome; mais le Seigneur a détruit l'une et l'autre.
Les épées, c'est-à-dire
les glaives de l'en
nemi, c'est-à-dire de l'homme, ont perdu leur force pour toujours, - "Là il
a brisé la puissance des arcs." Et tu as détruit leurs cités. - "Votre
terre est déserte, vos cités brûlées par le feu." Cet ennemi, c'est
notamment le diable: "C'est un homme ennemi qui a fait cela." Son épée, ce
sont les tentations. Les cités, ce sont les mauvais desseins dont
il se sert pour pervertir les bons.
7b Leur
mémoire a péri avec bruit; 8 mais le Seigneur demeure éternellement. Il a préparé son
trône pour le jugement; 9 et lui-même jugera le globe de la terre avec équité, il
jugera les peuples avec justice. 10 Et le Seigneur s'est fait le refuge du
pauvre, son aide dans les nécessités, dans la tribulation.
a péri. Le psalmiste expose ici la manière dont leur
mémoire a péri. Cela s'explique de deux façons. À péri, c'est-à-dire leur
mémoire et leur bruit ont péri en même temps. Les méchants font du bruit en
renversant des royaumes, ils détruisent des cités: "Tous ont été livrés à
la mort au fond de la terre, au milieu des fils des hommes, avec ceux qui
descendent dans la fosse." Ou bien: de l'impie, lorsqu'un homme méchant est détruit.
Ce n'est pas sans un grand vacarme, car il faut qu'il endure une tribulation
comme on le voit dans Marc, lorsque le diable sortit de l'homme possédé en
criant et en le déchirant beaucoup. Une version de Jérôme lit: "Periit memoria
cum impiis (Leur mémoire a péri avec les impies)", car ils
n'ont rien fait de bien, aussi leur mémoire ne s'est pas perpétuée avec leur
bien: "En vain il vient, il s'en va dans les ténèbres, et par l'oubli sera
effacé son nom."
2. mais le Seigneur
demeure éternellement. Le psalmiste expose ici l'autorité de celui
qui agit, et il traite de six qualités touchant le jugement de Dieu.
a. Il dit d'abord
que ce jugement n'est pas momentané, mais éternel. L'autorité des autres a une
brève existence, c'est pourquoi il dit: le Seigneur demeure éternellement. Une version
de Jérôme lit: "Sedet quasi ad judicium Dominus (Le Seigneur
est assis comme pour juger)."
b. Il affirme
aussi qu'il est toujours prompt, celui des autres n'est pas ainsi, aussi dit-il:
Il a préparé
son trône pour le jugement, c'est-à-dire il le tient prêt: "Le
Seigneur est debout pour juger, il est debout pour juger les peuples."
c. Il affirme
également qu'il est universel; c'est pourquoi il dit: lui-même jugera le globe de la terre, et
pas seulement les Juifs: "Loin de toi, Seigneur, de perdre le juste avec
l'impie."
d. Il affirme de même qu'il est juste; c'est pourquoi il dît: avec équité, il
jugera les peuples avec justice. Il mentionne deux choses, à savoir
l'équité et la justice. Car la justice implique l'exécution des choses qui sont
objectivement justes en soi, et qui peuvent ne pas l'être dans une circonstance
particulière. Car les règles et le nombre s'appliquent aux réalités
contingentes, et ne peuvent être appliqués à toutes les réalités particulières,
mais on n'en tient pas compte dans certains cas; par exemple il y a certaines
règles, nombres et conclusions, qui dans certains cas et pour une raison
précise ne sont pas observés. Or l'application de ces principes universels aux
faits particuliers relève de l'équité. Urie version de Jérôme lit: "Judicabit
populos in aequitate (Il jugera les peuples avec équité)",
parce que les réalités particulières relèvent de l'équité, qui restreint en
quelque sorte et règle la justice.
e. Il affirme encore qu'il est plein de miséricorde. Cette qualité est
appréciée à partir de la personne à qui l'on fait miséricorde; par exemple si
on fait miséricorde à un pauvre: "Lorsque tu donnes un déjeuner ou un
dîner, n'appelle ni tes amis, ni tes parents, ni de riches voisins, de peur
qu'ils ne t'invitent à leur tour, et qu'ils ne te rendent ce qu'ils ont reçu de
toi." - "Je pleurais autrefois sur celui qui était affligé, et mon
âme était compatissante pour le pauvre." Aussi le psalmiste dit-il: le Seigneur
s'est fait le refuge du pauvre, c'est-à-dire de l'opprimé: "Venez
au secours de l'opprimé, jugez l'orphelin, défendez la veuve." - "Jugez
l'indigent et l'orphelin, faites justice à l'humble et au pauvre"; et cela
est vrai dans la mesure où ils détiennent la justice: "Tu ne jugeras point
injustement. Ne considère point la personne du pauvre, et n'honore point le
visage de l'homme puissant."
f. Il affirme de même que ce jugement se fonde sur le temps, car c'est
lorsqu'ils sont privés du temps favorable que sa miséricorde est accueillie: "Belle
est la miséricorde de Dieu au temps de la tribulation, comme la nuée de la
pluie au temps de la sécheresse." Et c'est pourquoi il dit: son aide dans
les nécessités, et il ajoute: dans la tribulation, car c'est au temps de la
tribulation que les hommes se convertissent à Dieu, et c'est alors qu'il faut
leur prêcher. Et ces qualités peuvent être appliquées au Christ. Le Seigneur
demeure éternellement, car "Jésus-Christ était hier, il est
aujourd'hui".
Il a préparé pour le jugement, car il s'est assis sur son trône pour
juger, et
lui-même jugera le globe de la terre avec équité. - "Il
s'est revêtu de la justice comme d'une cuirasse, et a mis sur sa tête le casque
du salut."
11 Et
qu'ils espèrent en toi ceux qui connaissent ton nom, puisque tu n'as pas
délaissé ceux qui te cherchent, Seigneur 12 Psalmodiez pour le Seigneur, qui habite
dans Sion; annoncez parmi les nations ses desseins; 13 parce que
demandant compte du sang, il s'est souvenu d'eux; il n'a pas oublié le cri des
pauvres.
Et qu'ils espèrent
Plus haut le psalmiste a
exposé le fait pour lequel il a rendu grâce, et l'autorité de celui qui agit;
ici il expose le fruit de ce fait.
a) Et d'abord
chez les autres.
b) Puis chez lui:
Aie pitié de
moi.
a. Il commence
par indiquer un triple fruit chez les autres:
- Le premier est la connaissance, ou la confiance dans le nom de Dieu.
- Le deuxième est spirituel, c'est la joie de ceux qui l'aiment.
- Le troisième est la manifestation de son nom.
Le deuxième fruit est explicité par ces mots: Psalmodiez. Le troisième par ce
mot: annoncez.
Il introduit ces fruits sous forme d'exhortation, et à cet égard il
fait trois choses: il commence par susciter l'espérance; puis il montre pour
qui il convient d'espérer; et enfin pourquoi.
- Ainsi
dit-il: Et
qu'ils espèrent en toi. - "Vous qui craignez le Seigneur,
espérez en lui." Mais d'où vient cette espérance ? C'est parce qu'ils connaissent ton
nom. Or cette espérance est suscitée par deux choses: par le fait
qu'il est puissant; et cela est manifeste, puisque "son nom est le
Seigneur"; et par le fait qu'il est favorable, car il est souverainement
bon: "Personne n'est bon si ce n'est Dieu seul." Et ce nom est
principalement Jésus: "C'est lui qui sauvera son peuple de ses péchés."
- "Qu'au nom de Jésus tout genou fléchisse." Et pourquoi ? Parce que tu n'as pas
délaissé ceux qui te cherchent. - "Il se laisse trouver par
ceux qui ne le tentent pas, et il apparaît à ceux qui ont foi en lui",
c'est-à-dire à ceux qui le cherchent avec une bonne intention, car les méchants
ne le trouvent pas: "Vous me chercherez, et vous ne trouverez pas."
Le psalmiste dit aussi où il est, car "il n'est ni parmi les proches et
les connaissances". - "Il ne se trouve pas sur la terre de ceux qui
vivent dans les délices."
- Puis il introduit le deuxième fruit, à savoir la joie. Psalmodiez pour
le Seigneur, qui habite dans Sion. On dit du Seigneur qu'il habite
dans un lieu non point de manière corporelle: "David a établi l'arche dans
Sion", mais en vérité il habite dans l'Église. Sion veut dire lieu, et dans
l'Église nous scrutons les réalités éternelles; donc nous devons psalmodier à
cette fin, c'est-à-dire nous réjouir par le coeur et par la bouche, et par les
oeuvres, à cause des bienfaits reçus.
- Enfin il introduit le troisième fruit: annoncez. -
"Chacun de vous mettant au service des autres la grâce qu'il a reçue."Et
c'est pourquoi il expose d'abord ce qu'ils doivent annoncer. "Celui-là,
dit Grégoire, recueille des fruits abondants de sa prédication, qui auparavant a
jeté les semences d'une bonne oeuvre." parmi les nations, c'est-à-dire parmi ceux qui
vivent comme les Gentils, c'est-à-dire parmi les pécheurs: "Venant
au-devant de celui qui a soif, portez de l'eau." ses desseins, c'est-à-dire son
souci ou sa sollicitude pour le salut du genre humain: "Moi je pense des
pensées de paix." Ensuite il explicite ces desseins: parce que demandant compte du sang, etc. Ce
que quelqu'un accomplit avec zèle et empressement, il ne peut l'oublier qu'il
ne l'ait accompli; or Dieu recherche avec ardeur le salut des hommes, et c'est
pourquoi il n'oublie pas. Deux choses contribuent à l'oubli: la mort: "J'ai
été mis en oubli comme un mort effacé du coeur." De même la pauvreté: "Les
frères d'un homme pauvre le haïssent." - "Pourquoi ne venges-tu point
notre sang de ceux qui habitent la terre ?" Mais Dieu n'oublie-t-il pas
les morts ? parce
que demandant compte du sang, c'est-à-dire de ceux qui te cherchent;
même s'il arrive qu'ils soient tués, et cela par le jugement. Ou bien [il demande]
compte du sang des saints, en les restaurant dans la résurrection: "Voilà
qu'ils sont comptés parmi les fils de Dieu." Mais il écrit: s'est souvenu, non
point parce qu'il a oublié, mais parce qu'il semble avoir oublié à cause de son
délai. De même Dieu n'oublie pas les pauvres et les petits; d'où ces paroles du
psalmiste: il
n'a pas oublié le cri des pauvres. - "Ce pauvre a crié",
ou bien dans les dangers, ou bien dans la prière: "Leur clameur a pénétré
jusqu'au Seigneur Sabaoth." - "Il n'a pas méprisé, ni dédaigné la
supplication du pauvre." - "En regardant j'ai vu l'affliction de mon
peuple qui est en Égypte, et je suis descendu le libérer."
14 Aie
pitié de moi, Seigneur, vois mon humiliation venant de mes ennemis. 15a
Toi qui me
relèves des portes de la mort.
b. Aie pitié. Il
expose ici son propre fruit.
- Et il rappelle en premier lieu un bienfait.
- Puis il expose ce fruit: afin que
j'annonce, etc.
- Il y a deux sortes de bienfaits: le premier
est futur, l'autre est acquis: Toi qui me relèves, etc. Il fait d'abord deux choses: il
commence par faire mention de la miséricorde. Puis il en expose le motif.
Le bienfait futur est la miséricorde: Aie pitié de moi." La terre
est remplie de la miséricorde du Seigneur."
Son motif est la considération de Dieu. vois, c'est-à-dire considère, mon humiliation.
Cette humiliation n'implique pas la vertu, comme dans ce verset d'un
autre psaume: "Si je n'entretiens pas d'humbles sentiments", mais
elle souligne l'abjection. C'est pourquoi une version de Jérôme lit: "Afflictionem de
inimicis meis (L'affliction venant de mes ennemis)", car ils
affligent. Ou bien autrement: vois mon humiliation, car "aux humbles
Dieu donne la grâce". Mais cette considération ne peut être faite qu'en
regardant les ennemis qui sont orgueilleux et méchants.
Il fait ensuite connaître le bienfait acquis: Toi qui me
relèves, etc., autrement dit: tu m'as arraché à un péril
tel qu'il ne me restait plus qu'à mourir: "La mort est montée par nos
fenêtres; elle est entrée dans nos maisons, pour exterminer nos petits enfants
au dehors." Mais, au sens spirituel, les portes de la mort ce sont les
hérétiques: "Les portes de l'enfer ne prévaudront point contre elle."
Ce sont aussi les sens de l'homme: "La mort s'est introduite par les
fenêtres." La haine de la parole de Dieu: "Leur âme avait eu horreur
de toute nourriture, aussi ils approchèrent jusqu'aux portes de la mort."
Les tentations et les vices: "Tu mènes jusqu'aux portes de l'enfer et en
ramènes." Donc celui qui est libéré de ces choses, qu'il dise: Toi qui me
relèves, c'est-à-dire toi qui m'as libéré des portes de la mort.
15b afin
que j'annonce toutes tes louanges aux portes de la fille de Sion.
- Ensuite lorsqu'il dit: afin que, il expose le fruit, mais dans un
ordre inverse.
· D'abord sous forme d'annonce.
· Puis d'exultation: J'exulterai.
· Enfin de connaissance: Sera connu.
· Je dis que tu es compatissant, aussi je demande que tu aies pitié; et
cela afin que j'annonce tes louanges. Dans l'Antiquité les jugements se
déroulaient aux portes des cités; et c'est pourquoi il dit: aux portes de la
fille de Sion, c'est-à-dire de Jérusalem, parce que cette dernière
était sise sous la forteresse qui était appelée Sion, autrement dit: que dans
la multitude du peuple de Jérusalem j'annonce toutes tes louanges, non point
toutes au sens universel, mais toutes sortes de louanges. Les portes de la
fille de Sion signifient aussi les docteurs de l'Église: "Je
ferai ses portes en pierres ciselées, et tous tes contours en pierres
précieuses; et tous tes fils seront instruits par le Seigneur, et une abondance
de paix est réservée à tes fils."Ce sont aussi les portes de la justice: "Voici
la porte du Seigneur, les justes y entreront", comme on le dit dans un
psaume. Ce sont également les bonnes pensées: "puisqu'il a affermi les
serrures de tes portes". Ainsi donc à ces portes j'annoncerai tes
louanges.
16 J'exulterai
dans ton salut; les nations se sont enfoncées dans la ruine qu'elles ont forgée;
dans ce piège qu'elles ont caché, leur pied a été pris. 17 Le Seigneur sera
connu comme rendant la justice; le pécheur a été pris dans les oeuvres de ses
mains.
· J'exulterai.
Le premier fruit ayant été mentionné, à savoir l'annonce de la
louange divine, il mentionne ici le second, à savoir la joie spirituelle qui
vient de Dieu.
Et il commence par mentionner son exultation.
Puis il indique la circonstance de cette exultation: les nations se
sont enfoncées.
Ainsi dit-il: afin que j'annonce toutes tes louanges. Mais
ces louanges seraient vaines, si elles étaient dans la bouche sans que l'allégresse
n'habite le coeur: "Que la louange soit agréable à notre Dieu"; et
c'est pourquoi il ajoute: J'exulterai dans ton salut. Non point dans le
monde ou dans la chair, mais dans ton salut par lequel tu me relèves. Ou bien
dans le Christ sauveur: "J'exulterai en Dieu mon Jésus." - "Je
me réjouis dans ton salut."
La circonstance de cette exultation est la destruction des ennemis, qui
persécutent les saints. Et ils persécutent les saints de deux manières: d'abord
par la violence. Puis par la fourberie.
Ainsi dit-il concernant la violence: les nations se sont enfoncées. Parce
que les pécheurs ont préparé un meurtre pour les autres, eux-mêmes en sont
morts; et c'est pourquoi il a dit: se sont enfoncées. Ou bien selon une version
de Jérôme: "submersae
(ont été englouties)", car ce qui est enfoncé, est ruiné avec
violence. Et ceux qui semblaient tuer les autres avec violence, sont violemment
opprimés: "Leurs sentiers sont devenus tortueux pour eux." - "Que
leur glaive entre dans leur propre coeur, et que leur arc soit brisé." Ou
bien, au sens spirituel, on est précipité dans la ruine, lorsqu'on commet un
péché; car dès cet instant il conduit au châtiment éternel et l'on se damne. Et
on s'enfonce dans ces oeuvres par l'habitude: "Il a engagé son pied dans
un rets, et il marche dans ses mailles."
Concernant la fourberie il dit: dans ce piège. Les chasseurs d'oiseaux et
d'animaux posent des pièges; ainsi les pécheurs procèdent-ils de manière
insidieuse: "Ils ont préparé un lacs pour mes pieds." Et il dit: ont caché, car
au sens littéral les chasseurs d'oiseaux cacheraient leurs pièges; ainsi les
pécheurs procédent-ils avec fourberie par des paroles de paix qui donnent et
préparent le venin de la séduction: "Sur cette voie dans laquelle je
marchais [les superbes] m'ont caché un lacs."
· Le troisième fruit est la connaissance de la majesté divine: leur pied a été
pris, c'est-à-dire leur mauvais sentiment: "L'iniquité
d'Éphraïm est liée, son péché est caché"; car ils sont uniquement enclins au
mal. Et ceux-ci cachent un piège, mais en vain, car le Seigneur sera connu. Et par
quels moyens ? Car le pécheur a été pris dans [ses] oeuvres. Parfois
certains ne connaissent pas Dieu dans la prospérité, comme Pharaon, mais bien
dans le malheur: "Remplis leurs faces d'ignominie"; et c'est pourquoi
il dit: rendant
la justice. Et pour indiquer quels sont les jugements de Dieu, il
ajoute: dans
les oeuvres. Le propre de la sagesse divine est de disposer "toutes
choses avec douceur". Et il exerce ce jugement à travers les choses qui
selon leurs propres formes tendent vers leur fin propre; ainsi les pécheurs
encourent des châtiments à travers les actes qu'ils méditent: "Qui
surprend les sages dans leur finesse." Aussi le psalmiste dit-il: le pécheur a été
pris dans les oeuvres de ses mains. Il est écrit: "Ses
iniquités saisissent l'impie, et par les liens de ses propres péchés il est
enchaîné." Et encore: "Son conseil le jettera dans un précipice."
Pareillement: Le
Seigneur sera connu, ici-bas par les saints. En fuyant aussi le
piège: "En vain on jette le filet devant les yeux des oiseaux." La Glose dit
à ce propos: "Il évite facilement les pièges de la terre celui qui garde
sans cesse les yeux tournés vers le ciel." Et Jérôme écrit: "Chacun
porte avec lui des cordes, des liens et des tourments, c'est pourquoi il endure
des maux; et par le jugement secret de Dieu les pécheurs sont saisis dans les
pièges qu'ils cachent, tandis que les justes y échappent."
18 Que
les pécheurs soient précipités dans l'enfer, toutes les nations qui oublient
Dieu. 19 Car le pauvre ne sera pas oublié pour toujours; la
patience des pauvres ne périra pas à jamais.
B. Plus haut, le
psalmiste a traité du jugement de Dieu à l'égard de ses propres adversaires;
ici il parle du jugement de Dieu concernant le genre humain tout entier, et
touchant les maux qui sont perpétrés partout par les pécheurs; et à ce propos
il fait deux choses:
1) Il annonce
d'abord le jugement de Dieu contre les méchants sous forme de prière.
2) Ensuite il
expose le progrès des méchants: 22 Pourquoi, Seigneur, t'es-tu retiré au loin ?
1. Concernant le
jugement divin contre les méchants, le psalmiste accomplit deux choses.
a) Il annonce
d'abord le châtiment des pécheurs.
b) Ensuite il
réclame le jugement divin qui punit: 20 Lève-toi, Seigneur.
a. En annonçant
le châtiment des pécheurs il fait trois choses:
- Il annonce d'abord le châtiment à souhaiter.
- Puis il expose la cause de ce châtiment du côté des pécheurs: toutes les
nations.
- Enfin du côté des justes: Car le pauvre ne sera pas oublié pour toujours.
- Ainsi
dit-il:
soient précipités. Cette demande peut être comprise de deux
manières.
Ou bien elle concerne la punition des méchants dans le présent par la
mort. Ou bien dans le futur par le châtiment éternel.
Et il dit: Que les pécheurs soient précipités, c'est-à-dire
soient punis. Mais a-t-on le droit de demander cela ? On répondra que le
prophète dit cela sous forme d'annonce et non de demande, ou bien en se
conformant à la volonté divine: "Ils entreront dans les parties
inférieures de la terre." - "Mais cependant tu seras traîné en enfer",
c'est-à-dire dans l'abîme de l'étang: Ou bien par enfer on entend l'obstination de
l'esprit dans le péché, etc. Aussi le pécheur est-il précipité vivant en enfer,
lorsqu'il s'entête dans son obstination: "Dieu les a livrés à leur sens
réprouve", autrement dit: ils sont abattus en cette vie. Ainsi donc le
châtiment est la précipitation en enfer, comme on l'a dit.
- La cause du châtiment est l'oubli de Dieu;
car celui qui s'éloigne d'une fin, se dispose à tendre vers une autre fin. Or
il y a deux fins pour l'homme: la fruition de Dieu ou la géhenne. Et tel est ce
qu'il dit: qu'ils soient précipités, etc., c'est-à-dire ces pécheurs qui oublient les
commandements de Dieu ainsi que ses bienfaits: "Ils ont oublié ses bienfaits
et les merveilles qu'il leur a montrées." - "Le Dieu qui t'a
engendré, tu l'as abandonné, et tu ne te souviens plus du Seigneur ton
Créateur."
- Du côté des justes il y a une autre cause qui requiert la vengeance
des pécheurs. En effet chez les justes il y a deux choses qui exigent un
châtiment: le mépris des choses temporelles et la vertu spirituelle.
· Concernant le mépris des choses temporelles le psalmiste dit: car le pauvre ne
sera pas oublié pour toujours. Les choses viles sont tenues pour
méprisables, la parole est livrée à l'oubli, mais les justes ne sont pas livrés
ainsi à l'oubli auprès de Dieu: "Dieu a choisi les pauvres en ce monde
pour être riches dans la foi, et héritiers du royaume que Dieu a promis à ceux
qui l'aiment." - "Bienheureux les pauvres en esprit, parce que le
royaume des cieux est a eux." Donc bien qu'ils paraissent être livrés à
l'oubli en cette vie, cependant cela ne sera pas pour toujours, c'est-à-dire au
jugement dernier: "Pour un instant je t'ai un peu délaissé, mais dans mes
grandes miséricordes je te rassemblerai." Et ce qui suit: "Dans une
miséricorde éternelle, j'ai eu compassion de toi." Car lorsqu'il se
souviendra, alors il punira les oppresseurs: "Dieu n'oubliera-t-il pas
d'avoir pitié, ne retirera-t-il pas, dans sa colère, ses miséricordes ?"
· Concernant la vertu spirituelle, il dit: la patience des
pauvres, etc.. Ou bien expectatio (l'attente) selon une version de
Jérôme. Car
lorsqu'ils souffrent avec patience l'oppression et la pauvreté en cette vie,
ils méritent que vengeance leur soit faite grâce à leur patience: "Leur
attente ne périra pas à jamais", car ils obtiendront le bien qu'ils
attendent. Ou bien autrement: pour toujours, car c'est la vie éternelle.
Mais la patience existe-t-elle dans la Patrie ? Il faut dire qu'elle n'existe
pas selon sa nature mais en tant que fruit; différemment de la charité et de la
justice qui demeureront aussi selon leur nature.
20 Lève-toi,
Seigneur, que l'homme ne se fortifie point; que les nations soient jugées en ta
présence. 21 Établis, Seigneur, un législateur sur eux, afin que les
nations sachent qu'ils sont des hommes.
b. Ensuite
lorsqu'il dit:
Lève-toi, il réclame le jugement divin; et à ce propos il fait trois
choses:
- Il fait d'abord appel au juge.
- Puis il implore le jugement.
- Enfin il montre le fruit du jugement.
- Il dit que Dieu n'oublie pas pour toujours les pauvres; aussi
lui-même, comme l'un de ces pauvres, dit: je te demande de ne pas reporter
jusqu'à la fin le moment de les récompenser, mais lève-toi. Et à ce propos il fait
trois choses:
Il commence par rejeter le jugement mauvais, ou humain. En effet,
l'homme selon sa nature humaine opprimant sans raison ne se fortifie point, c'est-à-dire
ne peut pas faire ce qu'il veut: "Lorsque les impies prendront le gouvernement,
le peuple gémira."
- Ensuite il réclame le jugement d'autrui: que les nations soient jugées, non
selon la volonté humaine, mais en ta présence, c'est-à-dire sous ta justice,
comme Si j'en appelais à toi: "Je suis devant le tribunal de César, c'est
là qu'il faut que je sois jugé." - "Juge-moi, Seigneur, parce que moi
j'ai marché dans mon innocence."
Enfin il demande un soutien: Établis un législateur, c'est-à-dire ton Fils:
"Le Seigneur est notre législateur." Ou bien autrement: Établis un
législateur, c'est-à-dire quelqu'un qui punit selon la loi, car
c'est d'après la loi qu'un châtiment est infligé. Une version de Jérôme lit: "Pone eis
terrorem (Établis sur eux la terreur)."Une autre traduction a: "Mitte eis
amaritudinem Jette sur eux l'amertume)."Selon la Glose: que
l'homme ne se fortifie point, c'est-à-dire l'Antéchrist. Qu'ils soient jugés, c'est-à-dire
punis.
- Le fruit du jugement, c'est qu'ils se reconnaissent être des hommes: Que les nations
sachent qu'ils sont des hommes, fragiles, pécheurs et mortels: "Le
tourment donnera l'intelligence à l'ouïe." Ainsi Alexandre, quand il fut
frappé, reconnut qu'il n'était pas le fils de Jupiter, mais un mortel, comme il
le dit lui-même à ses soldats.
22 Pourquoi,
Seigneur, t'es-tu retiré au loin ? Pourquoi nous dédaignes-tu dans les
nécessités, dans la tribulation ? 23 Tandis que s'enorgueillit l'impie, le
pauvre est consumé; ils sont pris dans les desseins qu'ils méditent.
2. Le psalmiste
expose ici le progrès des impies.
a) Et il expose
d'abord la cause de leur malice.
b) Ensuite il
décrit leur malice: 28 Sa bouche est pleine de malédiction.
c) Enfin il
implore le secours divin contre celle-ci: 33 Lève-toi, Seigneur Dieu.
a. La cause de
leur malice est double: une cause relative à la permission et une autre
relative à l'incitation au péché: Parce que le pécheur est loué.
- Concernant la cause relative à la permission, il fait deux choses.
· Il expose d'abord la dissimulation divine qui semble être pour les
méchants un prétexte à mal agir: "Parce que la sentence n'est pas portée
promptement contre les méchants, les fils des hommes, sans aucune crainte,
commettent le mal"; c'est pourquoi il ajoute: Pourquoi, Seigneur, t'es-tu retiré loin de
nous ? Étant donné que tu ne punis pas ceux qui nous affligent, et que par
cette attitude tu sembles nous dédaigner dans les nécessités, c'est-à-dire au moment où
tu devrais nous porter secours. Ou bien: dans les nécessités, c'est-à-dire tu agis de
manière opportune, car les saints usent de cette situation pour mériter la vie
éternelle.
· Ensuite il expose l'effet de la dissimulation: Tandis que l'impie s'enorgueillit. Il
mentionne un double effet de cette dissimulation chez les méchants.
L'orgueil, du fait qu'ils ne sont pas punis aussitôt par Dieu, aussi
dit-il: l'impie
s'enorgueillit, dans ses pouvoirs, le pauvre est consumé, c'est-à-dire
affligé. Ou bien: consume au sens spirituel à la vue de l'orgueil des impies
et de leurs péchés: "Le zèle de ta maison m'a dévoré."
Le second effet - et c'est la troisième chose concernant la cause
relative à la permission - est qu'ils sont pris dans les desseins qu'ils méditent, car
leurs desseins finissent par les détruire: "Ses iniquités saisissent
l'impie, et par les liens de ses propres péchés il est enchaîné."
24 Parce
que le pécheur est loué dans les désirs de son âme, et l'injuste est béni. 25
Le pécheur a
irrité le Seigneur, dans l'excès de sa colère il ne se souciera de rien.
- Ici sont mentionnées trois causes relatives à l'incitation au péché.
La première est la flatterie. La deuxième est le mépris de Dieu: 32 Car il a dit en
son coeur. La troisième est la présomption: Dieu n'est point.
· À propos de la flatterie il fait trois choses. Il expose d'abord sa
flatterie. Ensuite son effet. Enfin la clémence divine.
Or les pécheurs sont loués, selon la Glose, au sujet d'un double
péché: a propos du péché de la concupiscence charnelle, pour ce qui les regarde
eux-mêmes. et à propos du péché d'injustice à l'égard du prochain; c'est
pourquoi ils s'enorgueillissent. Mais selon Jérôme, "c'est "parce que
[le pécheur] est loué, qu'il l'a irrité" dans ses désirs touchant la
concupiscence, "et l'injuste" quant à l'injustice commise contre le
prochain." Une version de Jérôme lit: vir avarus (l'homme avare)." Une autre
version lit: raptor
(celui qui ravit). - "Malheur à vous qui appelez le mal bien,
et le bien mal", car il en est ainsi. Le pécheur a irrité le Seigneur, c'est-à-dire
l'a provoqué à la colère. Jérôme expose tout ceci en un seul verset: "Parce
que le pécheur est loué dans les désirs de son âme, et l'injuste est béni, il a
irrité le Seigneur"; et un autre verset commence comme suit: "Le
pécheur dans l'excès de sa colère ne se souciera de rien." Mais on peut le
lire aussi de la manière suivante: "Dans l'excès de sa colère il ne se
souciera de rien." Ou bien parce qu'il punit au-delà de ce qu'il faudrait,
ou bien parce que sa grande colère ne sévit pas sur le moment, afin de punir
plus rigoureusement dans l'avenir. Ou bien: de sa colère, c'est-à-dire celle du pêcheur,
il ne se
souciera de rien, c'est-à-dire le pécheur ne se soucie pas de Dieu.
26a Dieu
n'est point devant ses yeux; ses voies sont souillées en tout temps.
n'est point. Plus haut le psalmiste a mentionné quelques
causes de la malice des impies: la première d'entre elles était relative à la
permission divine, car Dieu se retirait au loin; la deuxième était relative à
l'incitation au péché, à savoir la langue flatteuse. Ici sont exposées d'autres
causes servant de prétexte, c'est-à-dire les causes intrinsèques qui sont au
nombre de deux, à savoir le mépris de Dieu et la présomption personnelle: Car il a dit en
son coeur.
· Concernant le mépris de Dieu il fait deux choses:
Il expose le fait qu'il ne songe pas à Dieu.
Puis qu'il ne craint pas ses jugements: 26b sont ôtés.
En exposant le fait qu'il ne songe pas à Dieu, il fait deux choses:
Il mentionne en premier lieu l'aversion de Dieu, ou le mépris.
Ensuite l'effet de cette aversion: sont souillées.
Ainsi dit-il: Dieu n'est point devant ses yeux. Une version
de Jérôme lit: "in cogitationibus (dans ses pensées)",
car il ne songe nullement à lui; et elle continue ainsi: le pécheur "non quaeret (ne
se soucie pas)" de Dieu, car "non est in conspectu ejus (il n'est point
devant ses yeux)", c'est-à-dire dans l'intention, ou dans sa pensée. - "Ils
ont dit à Dieu: Retire-toi de nous; nous ne voulons pas connaître tes voies."
L'effet de cette aversion est que ses voies sont souillées, c'est-à-dire sont
méprisables en tout temps. Les voies du pécheur sont les pensées ou les
volontés: "La sagesse n'entrera pas dans une âme malveillante, et elle
n'habitera pas dans un corps assujetti aux péchés." Et elles sont dites
être souillées par le péché, ou être à la ressemblance des péchés du temps
passé. Cela peut se dire au sens allégorique de l'Antéchrist, et au sens moral
des pécheurs: car par le fait même que Dieu n'est pas dans leur intention, ils
se tournent vers les réalités temporelles; à cause d'elles l'âme est souillée,
en tant qu'elle est mêlée à des choses plus corrompues qu'elle-même. Mais l'âme
unie à Dieu, lequel est meilleur que l'âme, n'est pas souillée; au contraire
elle est glorifiée: "Ses souillures [ont paru] sous ses pieds, et elle ne
s'est pas souvenue de sa fin." - "Que leurs voies deviennent ténèbres
et lieu glissant." - "Ils m'ont abandonné, moi, la source d'eau vive,
et ils se sont creusé des citernes lézardées qui ne peuvent retenir les eaux."
Une version de Jérôme lit: "Parturiunt viae ejus (Ses voies engendrent)",
car les pécheurs se proposent d'accomplir divers desseins: "Mon âme, tu as
beaucoup de biens en réserve pour plusieurs années, mange et fais bonne chère.
Mais Dieu dit: Insensé, cette nuit même on te redemandera ton âme." - "Il
a conçu la douleur, et il a mis au monde l'iniquité." En s'attachant aux
réalités temporelles, le pécheur ne se satisfait pas d'une chose, car cela ne
lui suffit pas; et à cause de cela il médite divers desseins.
26b Tes
jugements sont ôtés de devant sa face; il dominera sur tous ses ennemis. 27
Car il a dit
en son coeur: Je ne serai point ébranlé de génération en génération, je serai à
l'abri du mal.
sont ôtés. Le psalmiste montre ici comment ils méprisent
le jugement divin.
Et il expose d'abord la cause.
Ensuite il en montre l'effet: il dominera sur tous ses ennemis.
Tes jugements, c'est-à-dire tes bienfaits, sont ôtés de
devant sa face, c'est-à-dire de son esprit et de sa mémoire; et
ainsi il ne craindra pas car il n'y pense point: "Les hommes méchants ne
pensent pas aux jugements, mais ceux qui recherchent le Seigneur remarquent
tout." - "Ils détournèrent leurs yeux afin de ne pas voir le ciel."
Mais selon une version de Jérôme il faut dire en forçant: "Omnes inimicos
despicit (Il méprise tous ses ennemis)", c'est-à-dire comme
s'il ne croyait pas aux jugements de Dieu.
Et: il
dominera, ajoute: dans son coeur. Ou bien il arrive parfois que par
une permission divine les méchants dominent leurs ennemis. Et telle est la
raison pour laquelle les jugements divins ne sont pas reconnus: "Lui-même
triomphera des rois." Et de même: "L'impie prévaut contre le juste;
c'est pourquoi il en est sorti un jugement injuste."
· Une autre cause est la présomption au sujet de soi-même. Et il
présume deux choses: la stabilité, et c'est ce qu'il dit: il a dit en son coeur: Je ne serai point
ébranlé de génération en génération, c'est-à-dire que mon pouvoir ne
s'étendra pas d'une nation à une autre, mais je ne ferai pas de mal à des
multitudes. Je
ne serai [pas] ébranlé, c'est-à-dire je ne perdrai pas ma prospérité:
"Tu as appesanti ton joug outre mesure. Tu as dit: À jamais je serai
souveraine." Une version de Jérôme lit: "Et dixit: in aeternum ero a generatione
sine malo (Et il a dit: je serai toujours de génération en
génération sans malheur") c'est-à-dire je n'engendre jamais le mal: "Je
trône en reine, et je ne suis pas veuve." Et une Glose de Luc en donne un
commentaire: "Le pécheur qui veut perpétuer son nom, perdra la célébrité
et la réputation." à l'abri du mal, c'est-à-dire je ne ferai pas
le mal. Ou bien: Je
ne serai point ébranlé, c'est-à-dire je ne parviendrai pas à prendre
possession de maisons à l'abri du mal, celui de la violence et de
l'injustice. Et ainsi fera l'Antéchrist selon la Glose. Ou bien, moi l'Antéchrist
je ne serai
point ébranlé, c'est-à-dire je ne serai pas inquiété, de génération en
génération sans malheur, à savoir je serai selon qu'il m'est permis.
28 Sa
bouche est pleine de malédiction, et d'amertume et de fraude; sous sa langue
labeur et douleur.
b. Le psalmiste
expose ici le progrès de la malice.
- Et d'abord dans le coeur dont nous venons de parler.
- Ensuite le progrès de la malice qui sort de la bouche.
- Enfin le progrès de la malice qui se manifeste dans l'action.
- Concernant le progrès de la malice qui sort de la bouche, il expose
deux choses:
· le péché de la bouche qui se commet de trois manières.
Parfois en maudissant Dieu ou le prochain, ce qui est proférer un
blasphème: "Ils ont blasphémé le saint." Parfois ils maudissent à
moitié, lorsqu'ils sont retenus par la crainte.
Parfois en proférant des injures, et c'est pourquoi il dit: Sa bouche est
pleine de malédiction. Selon la Glose: "Avec des paroles amères et
inconvenantes." - "Que toute amertume, indignation, blasphème et
clameur soient bannies de vous, avec toute malice."
Parfois en trompant, aussi dit-il: pleine de fraude. - "Ni les médisants, ni les
rapaces, ne posséderont le royaume de Dieu." - "Veillant à ce que
personne ne manque à la grâce de Dieu, à ce qu'aucune racine de l'amertume,
poussant en haut ses rejetons, n'empêche la germination, et ne souille l'âme
d'un grand nombre."
· Ensuite il expose la racine du coeur: sous sa langue, c'est-à-dire
dans les profondeurs du coeur se cache le labeur; l'iniquité, selon la Glose. Car
le pécheur pense parfaire l'oeuvre d'iniquité à laquelle il s'adonne: "Ils
ont travaillé dans le but d'agir iniquement." - "Car, comme le mal
est doux à sa bouche, il le cachera sous sa langue." Ou bien: labeur, car
il pense infliger aux autres le labeur et la douleur. La douleur, c'est-à-dire la ruine
découlant du labeur: "Les lèvres de l'homme ont parlé le mensonge et votre
langue profère le mensonge et l'iniquité."
29 Il
est assis en embuscade avec les riches, dans des lieux cachés, afin de tuer
l'innocent. 30a Ses yeux regardent le pauvre;
- Le psalmiste montre ici le développement de l'activité des méchants
sur le plan matériel, et à cet égard il fait deux choses.
· Il commence par décrire le développement de leur activité.
· Puis son terme: Dans son piège.
· Dans sa description du développement de leur activité, le psalmiste
fait trois choses:
Il précise d'abord avec qui il est en embuscade: avec les riches.
Ensuite contre qui: afin de tuer l'innocent.
Enfin comment il est en embuscade: il dresse des embûches dans le secret.
Ainsi dit-il: les méchants, ne se contentant point de leurs propos,
s'efforcent de les mettre à exécution; c'est pourquoi il est écrit: Il est assis en
embuscade, en méditant comment nuire aux autres, dans des lieux
cachés, à cause de la simulation: "Nombreux sont les pièges du
trompeur." avec
les riches, c'est-à-dire avec des conseillers: "La proie du
lion dans le désert est l'onagre, de même la pâture des riches ce sont les
pauvres."Une version de Jérôme lit: "iuxta vestibulum (près de son
vestibule)", c'est-à-dire de sa chambre.
Contre qui menace-t-il ? Assurément contre les innocents; aussi dit-il:
afin de tuer
l'innocent, physiquement ou spirituellement: "Tu ne feras point
mourir l'innocent et le juste." Et contre les pauvres, aussi dit-il: Ses yeux
regardent le pauvre. - "Pourquoi foulez-vous aux pieds mon
peuple, et meurtrissez-vous la face des pauvres ?" Selon la Glose, l'Antéchrist
tiendra conseil contre les pauvres en compagnie des riches. Une version de
Jérôme lit: "Oculi ejus in robustos (Ses yeux regardent les hommes
forts)", car les pauvres n'excellent pas dans les réalités temporelles,
mais dans les réalités spirituelles: "Mon ennemi m'a regardé avec des yeux
terribles."
il lui dresse des
embûches dans le secret, comme un lion dans sa caverne. 30b Il dresse des embûches pour prendre le pauvre, tandis
qu'il l'attire.
Il dresse des
embûches. Ici est exposée la
manière de dresser des embûches. Le psalmiste expose en premier lieu une
comparaison: comme
un lion dans sa caverne, c'est-à-dire comme les mauvais princes
oppriment les pauvres: "Comme un lion rugissant, un ours affamé, tel un
prince impie sur un peuple pauvre."
Puis il expose la manière proprement dite de dresser des embûches: Il dresse des
embûches pour prendre. - "Les paroles des impies dressent des
embûches pour le sang." Ou bien: Il dresse des embûches pour prendre le pauvre, c'est-à-dire
les biens aux pauvres par la violence et la fraude. Il ajoute ensuite la
manière de ravir: tandis qu'il l'attire, en séduisant par des promesses, ou
par la violence, ou par la fraude: "Par les flatteries des lèvres il l'a
entraîné dans son filet."
31 Dans
son piège il l'humiliera; il s'inclinera et tombera, lorsqu'il se sera rendu
maître des pauvres. 32 Car il a dit en son coeur: Dieu a oublié, il a détourné
sa face pour ne rien voir jusqu'à la fin.
· Dans
son piège. Ici deux choses sont exposées.
Et d'abord à quoi aboutit sa tentative.
Puis son motif: Car il a dit.
De fait la tentative du pécheur aboutit selon son intention à la ruine
du pauvre; c'est pourquoi il dit: Dans son piège; mais selon le dessein de Dieu
elle aboutira d'abord à l'anéantissement de son pouvoir, aussi dit-il: il s'inclinera. En
effet il arrive quelquefois à des hommes d'être vaillants au début, puis de se
tourner vers les jouissances, et que devenus ainsi efféminés ils soient bannis.
Et c'est pourquoi le Philosophe dit à ceux qui détiennent des biens, de ne pas
élever leurs enfants dans la nonchalance. - "Tu as livré ton corps aux
femmes." Et encore: "Tous se sont détournés."
Puis la tentative du pécheur aboutit à la ruine totale: "Avant la
mine l'esprit s'exalte", car l'exaltation est le signe de la ruine. La Glose applique
cela à l'Antéchrist. Une version de Jérôme lit: "Dum attrahit eum ad laqueum suum, et
confractum subjiciet et irruet viribus suis valenter (Tandis qu'il
l'attire dans son piège, et que l'ayant abattu il le soumettra et se jettera
puissamment sur lui avec ses hommes)." Le lion terrasse d'abord l'animal
qu'il ravit. Ensuite il se le soumet. Enfin il se couche sur lui.
Le motif est en fait la fausse sécurité qu'il conçoit.
Il porte d'abord sur le passé, car Dieu a oublié, c'est-à-dire le pécheur. Il est
écrit au contraire dans l'Ecclésiastique: "Ne dis pas" dans ton coeur:
"je me cacherai de Dieu; et du haut du ciel qui se souviendra de moi ?"
Et de même: "Le Très-Haut ne se souviendra pas de mes fautes, et il ne
comprend pas que son oeil voit toutes choses."
Il porte ensuite sur le futur. Il a détourné sa face pour ne rien voir jusqu'à la fin. -
"Les nuées sont pour lui une retraite et il ne s'occupe pas de ce qui nous
regarde."
33
Lève-toi, Seigneur Dieu, que ta main s'élève: n'oublie pas les pauvres. 34 Pourquoi
l'impie a-t-il irrité Dieu ? C'est qu'il a dit dans son coeur: "Il ne demandera
pas de compte."
c. Lève-toi. Plus
haut, le psalmiste a décrit avec précision le processus de l'iniquité humaine;
ici, poussé comme par zèle et s'écriant, il implore le secours divin contre une
telle malice.
- Et il commence par implorer le secours.
- Ensuite il expose les prières et les exaucements: n'oublie pas.
- Enfin il annonce son exaucement: 36 Brise.
- Il demande une chose, et il en présuppose une autre; il demande qu'il
se lève: Lève-toi.
Lé Seigneur semble dormir lorsqu'il souffre de l'affliction des bons;
il se lève lorsqu'il les libère: "Lève-toi, lève-toi, revêts-toi de ta force,
Sion". Il suppose la puissance divine: que ta main s'élève, avec puissance; et il
s'exprime comme celui qui frappe avec colère, quand voulant frapper un ennemi,
il lève la main: "Lève ta main sur les nations étrangères, afin qu'elles
voient ta puissance." - "Que ta main s'élève, et qu'ils ne voient pas;
qu'ils voient ton zèle pour le peuple, qu'ils soient confondus."
- Il expose les raisons: n'oublie pas. Et remarquez que ce psaume ayant
été composé contre les pécheurs qui persécutent les justes, il expose toujours
d'un côté la malice des pécheurs, et de l'autre l'affliction des justes.
· Il expose donc d'abord les raisons.
· Puis il montre qu'elles sont efficaces:
· Tu vois, car toi tu considères, etc.
· Et il allègue deux raisons:
La première du côté des justes.
Et l'autre du côté des méchants: Pourquoi a-t-il irrité ?
Ainsi dit-il: et que ta main s'élève, sinon le fait que les
méchants disent que tu oublies les pauvres semblera vrai: "Est-ce qu'une
mère peut oublier son enfant, n'avoir pas pitié du fils de son sein ? Mais
quand même elle t'oublierait, moi, je ne t'oublierai point." - "Que
ma langue s'attache à mon palais, si je ne me souviens de toi."
L'autre raison est exposée du côté des méchants qui pèchent plus
gravement s'ils ne sont pas punis: "Et parce que la sentence n'est pas
portée promptement contre les méchants, les fils des hommes, sans aucune
crainte, commettent le mal." Et c'est pourquoi le psalmiste dit: Pourquoi ? autrement
dit: c'est parce qu'en péchant les impies irritent Dieu, car ils ne croient pas
que Dieu les cherche pour les punir: "Il parcourt les pôles du ciel, il ne
s'occupe pas de ce qui nous regarde. Et tu dis: que connaît Dieu ? Car c'est
comme à travers une sombre nuée qu'il juge." - "Dieu a délaissé la
terre."
35a Tu
vois, car toi tu considères le labeur et la douleur pour les prendre en tes
mains.
· Tu
vois. Il appuie ses raisons. D'abord la seconde raison en disant: toi seul
tu vois le
labeur que les méchants infligent aux bons, afin que suite à cela tu
les prennes, c'est-à-dire à l'avenir, en tes mains, c'est-à-dire dé ta justice,
parce que tantôt tu les tiens dans les mains de ta puissance, et tantôt tu
n'exerces pas la justice. Mais les pécheurs ignorent cela, car l'intention de
ta Providence leur est inconnue. Il est écrit au livre de Job: "Voyant
l'iniquité, est-ce que l'impie ne considère point ?" Et de même: "Auprès
de lui sont la force et la sagesse; il connaît celui qui trompe, et celui qui
est trompé. Il amène les conseillers à une fin insensée, et les juges à
l'étourdissement." Et dans l'épître aux Romains: "Que ses jugements
sont incompréhensibles." Ou bien: en tes mains, c'est-à-dire celles de ton Fils:
"Sachant que le Père lui a tout remis entre les mains." Ou bien,
selon Augustin, ce verset est appliqué aux impies, car il a dit [en] son coeur: "Il ne demandera
pas de compte", à savoir Dieu. Et le psalmiste a dit à son tour:
car toi tu
considères le labeur. Un supérieur aperçoit parfois la faute d'un
sujet, et ne punit pas par crainte de la peine (labor), ou aussi du châtiment
éprouvé par celui qui est puni; et c'est pourquoi il dit: l'impie a dit: Ô Dieu, tu ne
punis pas, car le labeur et la douleur ne vont pas de pair avec toi. Mais la
première explication est meilleure.
35b À
toi le pauvre est abandonné; c'est toi qui viendras en aide à l'orphelin.
Ici il confirme la première raison, autrement dit: tu ne dois pas
oublier, car à
toi le pauvre est abandonné, aussi est-ce à toi qu'il revient de
prendre soin de lui: "Réjouis-toi et sois dans l'allégresse, Jérusalem
déserte, parce que le Seigneur a consolé son peuple." Tous ceux qui ne
possèdent rien en ce monde si ce n'est Dieu, attendent de Dieu seul leur
secours: "Comme nous ignorons ce que nous devons faire, il ne nous reste
qu'à diriger nos yeux vers Dieu." Mais il parle expressément: car les
hommes se défendent en ce monde parfois par leurs richesses: "Ceux qui se
confient dans leur puissance, et se glorifient dans l'abondance de leurs
richesses." Parfois par leurs parents, leurs amis et leurs protecteurs;
mais ceux qui n'ont pas ces soutiens sont abandonnés à Dieu, aussi le psalmiste
dit-il: À toi
le pauvre est abandonné. Il est écrit au livre de Job: "Dieu
tirera le pauvre de son angoisse." Et de même: "Je pleurais autrefois
sur celui qui était affligé et mon âme était compatissante pour le pauvre."
Et au livré dès Lamentations: "Nous sommes devenus comme des orphelins
sans père." Enfin dans un psaume: "Je suis devenu comme un homme sans
secours." Et s'il en est ainsi pour le pauvre dans l'indigence, à combien
plus forte raison pour le pauvre en esprit. Et cette explication se rapporte à
la première partie du verset. Dans la seconde il dit: c'est toi qui viendras en aide à
l'orphelin, qui n'a pas de défenseur: "[Les pécheurs] seront
troublés devant sa face, [devant la face] du père des orphelins et du juge des
veuves." Et de même: "Car mon père et ma mère m'ont abandonné, mais
le Seigneur m'a recueilli."
36 Brise
le bras du pécheur et du méchant; on cherchera son péché, et on ne le trouvera
pas. 37 Le Seigneur régnera éternellement et pour les siècles des siècles;
nations, vous disparaîtrez de sa terre.
- Ici le psalmiste annonce son exaucement.
· Et d'abord à l'égard dès pécheurs.
· Puis à l'égard des pauvres: 38 Le Seigneur a exaucé le désir des pauvres.
· Concernant son exaucement à l'égard des pécheurs il fait deux choses:
Il annonce d'abord la cessation du pouvoir des méchants grâce auquel
ils infligeaient des maux.
Ensuite la disparition des méchants eux-mêmes.
Quant à la cessation du pouvoir des méchants il dit: Brise le bras du
pécheur qui pèche contre Dieu: "Le Seigneur a brisé" le
bras ou "le bâton dès impies, la verge de ceux qui frappaient les peuples
d'une plaie incurable". Et du méchant, qui pèche contre le prochain: "Les
bras des impies se sont rompus." Et encore: "Sa lumière sera ôtée aux
impies, et leur bras sera brisé." Mais il arrive parfois qu'un tyran
agisse avec malice, et que tout en étant lui-même réduit à rien, son action
malicieuse perdure. Or il n'en est pas ainsi ici; car on cherchera son péché et on ne le trouvera
pas, c'est-à-dire que l'acte du péché commis passe, mais non son
état de gravité, aussi le châtiment du pécheur demeure-t-il. Ou bien: on cherchera son
péché, et on ne le trouvera pas dans le monde: "Aujourd'hui il
s'élève, et demain on ne le trouvera pas." Parfois Dieu permet que
certains pèchent, parce qu'il a en vue un bien qui va en découler: par exemple,
à la colère du tyran est due la passion ou la patience des martyrs; et c'est
pourquoi ici-bas on trouve le lieu dès méchants, mais alors le péché n'aura
plus de finalité.
Mais comment cela se fera-t-il ? Le royaume de Dieu ne peut être
détruit, c'est pourquoi les impies seront anéantis hors de lui, car le Seigneur
régnera éternellement, puisqu'il embrasse tous les siècles, et pour les
siècles des siècles, c'est-à-dire pour une durée éternelle. Ou bien:
pour les
siècles, parce que l'éternité fait place au siècle présent: "Sa
puissance, une puissance éternelle, qui ne [lui] sera pas enlevée; et son
royaume, [un royaume] qui ne sera pas détruit", et vous les impies vous
disparaîtrez de cette terre dès vivants. - "Comme la poussière qu'emporte
le vent de la face de la terre." - "J'ai vu l'impie exalté bien haut
et élevé comme les cèdres du Liban; et j'ai passé, et voilà qu'il n'était plus:
je l'ai cherché, et son lieu n'a pas été trouvé."
38 Le
Seigneur a exaucé le désir des pauvres; ton oreille a entendu la disposition de
leur coeur, 39 pour rendre justice à l'orphelin et à l'humble; que
l'homme cesse enfin de se glorifier sur la terre.
· le désir. Le psalmiste annonce ici l'exaucement concernant les
pauvres, et il expose trois choses:
D'abord l'exaucement: le désir.
Ensuite sur quoi porte l'exaucement: pour rendre justice.
Enfin quel en est le fruit: que l'homme
cesse, etc.
À propos de l'exaucement il montre que les pauvres sont exaucés
efficacement, parce que Dieu leur donne ce qu'ils désirent: "L'objet de
leur désir sera accordé aux justes." Mais parfois ils sont exaucés dans
leurs désirs particuliers, comme les saints sont exaucés dans les choses qu'ils
désirent davantage. De même: il a exaucé, rapidement, la disposition de leur coeur. - "Avant
qu'ils crient, moi je les exaucerai." - "Il criera vers moi, je
l'exaucerai."
Mais il a exaucé en ce sens qu'il rend justice à l'orphelin, parce qu'il est
orphelin: "Il jugera les pauvres dans la justice, et il se prononcera avec
équité en faveur des doux de la terre", c'est-à-dire en faveur des
humbles. On appelle humble celui qui ne s'appuie pas sur sa forcé: "Il a
fait justice aux pauvres."
Et pour quel fruit ? que l'homme cesse enfin de se glorifier, c'est-à-dire
soit terrifié. Cela n'est pas bon, c'est de l'orgueil: "Si je n'avais pas
d'humbles sentiments, et si j'avais exalté mon âme, comme l'enfant sevré sur le
sein de sa mère, ainsi soit le châtiment pour mon âme." Et de même: "Nous
ferons éclater la puissance de notre langue."
1 Pour la fin Psaume de David.
2 Je me confie dans le Seigneur; comment
dites-vous à mon âme: Émigre sur la montagne comme un passereau ? 3 Parce que
voilà que les pécheurs ont tendu un arc; ils ont préparé leurs flèches dans un
carquois, pour percer dans l'obscurité les [hommes] droits de coeur. 4a Parce
que, ce que tu as établi, ils l'ont détruit;
4b mais le juste, qu'a-t-il fait ? 5a Le
Seigneur est dans son saint temple; le Seigneur, son trône est dans le ciel.
5b Ses yeux observent le pauvre, ses
paupières interrogent les enfants des hommes. 6a Le Seigneur interroge le juste
et l'impie;
6b mais celui qui aime l'iniquité hait
son âme. 7 Il fera pleuvoir sur les pécheurs des pièges; le feu et le soufre,
et le vent des tempêtes sont la part de leur calice. 8 Car le Seigneur est
juste et il aime la justice; son visage a vu l'équité.
1 Pour
la fin. Psaume de David.
Dans les psaumes précédents était exposée l'action de grâce pour la
libération des ennemis; ici le psalmiste montre la confiance qu'il en a conçue.
Et il s'exprime en prenant le rôle de l'homme qui désire les bienfaits de Dieu
et qui reçoit la sécurité. Son titre est: Pour la fin. Psaume de David. Une version de
Jérôme lit: Victor
(Vainqueur). Cette version a été commentée plus haut. Ce psaume peut
être expliqué au sens littéral comme se rapportant à David; au sens mystique
cependant il s'applique au Christ, ou encore au sens allégorique. Mais au sens
moral il concerne l'homme juste, comme l'expose la Glose.
2 Je
me confie dans le Seigneur; comment dites-vous à mon âme: Émigre sur la
montagne comme un passereau ? 3 Parce que voilà que les pécheurs ont tendu un arc; ils
ont préparé leurs flèches dans un carquois, pour percer dans l'obscurité les
[hommes] droits de coeur. 4a Parce que, ce que tu as établi, ils l'ont détruit;
I. David expose donc d'abord sa confiance: Je me confie
dans le Seigneur, comme après avoir été libéré par le juste jugement
de Dieu abaissant les ennemis et élevant les pauvres: "Bienheureux l'homme
qui se confie dans le Seigneur, et dont le Seigneur sera l'espérance." Et:
"Il n'est point de confusion pour ceux qui se confient en toi."
Ensuite il expose l'ardeur de sa confiance,
qui se manifestait en paroles: comment dites-vous, etc. En effet David s'enfuyant,
certains lui conseillaient de s'en aller vers des lieux abrités ou vers les
montagnes; ou bien de s'y cacher comme le fait le passereau. Comment ? voilà que les
pécheurs, etc. Et cela s'explique de deux manières. D'abord,
en tant que ces paroles ne sont pas de David, mais des propos d'autrui,
autrement dit: Émigre
parce qu'ils ont tendu un arc.
Ou bien ce sont les propres paroles de David,
autrement dit: Je
me confie dans le Seigneur, parce qu'ils ont tendu un arc, parce que les
pécheurs ont préparé
leurs flèches, etc. Et il fait trois choses.
A) Il expose en
premier lieu leur mauvaise sollicitude.
B) Puis leur
intention perverse: pour percer.
C) Enfin leur
agissement injuste.
A. Au sens
mystique, ces paroles s'appliquent au Christ de la manière suivante: Moi, le
Christ, je me confie dans le Seigneur: Comment donc vous Pharisiens, dites-vous:
Émigre sur la montagne, c'est-à-dire vers les observances de la Loi
qui ont été données sur le mont Sinaï: "Le Seigneur est venu du Sinaï, et
il s'est levé pour nous de Séri"; et si tu ne fais pas cela, voilà que les
pécheurs ont tendu un arc, c'est-à-dire se sont préparés pour te
tuer, toi ainsi que tes disciples; et cela, parce que, ce que tu as établi, ils l'ont détruit, c'est-à-dire
ils l'ont tué.
Ou bien au sens moral, selon la Glose, il
s'agit du fidèle qui dit aux hérétiques: Je me confie dans le Seigneur, possédant sa
foi: Comment donc
vous, hérétiques, dites-vous: Émigre, vers nous, sur la montagne, c'est-à-dire le
Christ que les hérétiques ont cru posséder ? - "Il arrivera que la
montagne préparée pour la demeure du Seigneur sera établie sur le sommet des
montagnes". Et: "Montagne de Gelboé, que ni pluie, ni rosée ne
viennent sur vous: qu'il n'y ait point de champs de prémices, parce que là a
été jeté le bouclier des forts", c'est-à-dire des Juifs, ou des grands
hérétiques: "Voilà que moi montagne pernicieuse, je viens à toi, dit le
Seigneur, qui corromps toute la terre." Ou bien la montagne, c'est la
profondeur de l'intelligence qu'ils s'imaginent avoir. Mais si je faisais cela,
je serais un passereau léger, non un habitant. Parce que voilà que les pécheurs, c'est-à-dire
les hérétiques, ont
tendu un arc, c'est-à-dire livré l'Écriture sainte entre leurs
propres mains, comme ceux qui tendent un arc. Ils ont préparé leurs flèches, leurs paroles
empoisonnées, dans
un carquois, c'est-à-dire dans la mémoire ou la connaissance: "Son
carquois est un sépulcre béant." Une version de Jérôme lit: "Sagittas suas
super nervam (Leurs flèches sur le nerf)", c'est-à-dire sur la
corde.
B. L'intention
est mauvaise, car ils agissent pour percer les [hommes] droits de coeur, c'est-à-dire
les justes, dans
l'obscurité, c'est-à-dire avec fourberie: "Leur langue est une
flèche meurtrière." Ou bien: dans l'obscurité, c'est-à-dire par les
subtilités de la Sainte Écriture. Une autre version lit, "in obscura luna (dans
la lune obscure)." La lune est l'Église: "Belle comme la lune",
en raison de sa clarté, et en raison de son obscurité. De même que la clarté de
la lune vient du soleil, ainsi la clarté de l'Église vient du Christ: "Il
était la lumière, la vraie, qui illumine tout homme venant en ce monde."
Et de même qu'une moitié du globe lunaire est dans la clarté et l'autre dans
l'obscurité, ainsi dans l'Église certains sont lumineux et d'autres obscurs.
Mais la lune s'obscurcit, selon la Glose, parfois à cause de sa révolution, et
ainsi devient obscure, parfois à cause d'une éclipse, et alors elle se change
en sang, parfois encore en raison de l'interpolation d'un nuage, et alors elle
devient noire. Ainsi l'Église devient obscure dans l'engouement pour la
nouveauté, lorsque les prédicateurs et les docteurs ne sont pas en elle; elle
devient sanguinolente à cause de la persécution des tyrans, noire à cause des
nuages, c'est-à-dire à cause de la séduction des hérétiques; et alors ils
veulent percer de flèches.
C. Enfin en
disant: 4a Parce
que, ce que tu as établi, ils l'ont détruit, il expose présentement
leur action injuste. Une autre version lit: "Quoniam quem perfecisti (Celui
que tu as établi)", mais la première est meilleure. Et selon une version
de Jérôme: "Quoniam
leges quas perfecisti des truxerunt (Parce qu'ils ont détruit les
lois que tu as établies)." "Je sais que prévariquant tu es
prévaricateur, et dès le sein maternel je t'ai appelé transgression." Et: "Depuis
longtemps tu as brisé mon joug, rompu tes liens et tu as dit: Je ne servirai
pas, autrement dit: ils détruiront ta loi, que toi tu as commandé d'observer: "Tu
ne condamneras pas l'innocent et le juste"; mais ceux-ci veulent le tuer:
les hommes iniques "ont renversé ta loi". Et Dieu l'a établie, parce
qu'il l'a donnée: "Il n'a pas fait de même à toute nation." Et: "Je
ne suis pas venu abolir la Loi, mais l'accomplir." Si on dit: ils ont détruit
[celui] que tu as établi, on l'entend alors du Christ: celui que toi
tu as établi.
4b mais
le juste, qu'a-t-il fait ? 5a Le Seigneur est dans son saint temple; le Seigneur, son
trône est dans le ciel.
II. Le psalmiste expose ici le motif de la
confiance.
A) Et il formule
d'abord une question.
B) Ensuite il
donne une solution: Le Seigneur est dans son saint temple.
C) Enfin il fait
connaître la raison de cette solution: Car le Seigneur est juste et il aime la justice.
A. Ainsi dit-il:
ceux-ci agissent de la sorte, mais le Seigneur juste considérant cela avec
autorité, que fait-il ? - "Voici le nom dont on l'appellera: Le Seigneur
notre justice."
B. Il résout la
question, et expose ce que fait ici le juste.
1) Et il expose
d'abord son pouvoir judiciaire, ou ce qui caractérise le juge.
2) Ensuite
l'examen du jugement: Ses yeux.
3) Enfin la
condamnation de ceux qui font violence: mais celui qui aime.
1. Le juge, dans
la mesure où il punit toujours, se montre cruel; s'il épargne toujours, il est
indulgent. Or Dieu fait l'un et l'autre; et c'est pourquoi il occupe le
tribunal de la miséricorde, et c'est le temple: "Approchons avec confiance
du trône de la grâce"; et c'est pourquoi il dit: Le Seigneur est dans son saint temple. - "Ne
savez-vous pas que vous êtes le temple de Dieu, et que l'Esprit-Saint habite en
vous ?" Il occupe aussi le lieu de la justice, d'où il punit, à savoir le
ciel; et cela correspond au verset disant: le Seigneur, son trône est dans le ciel Ici
est mentionnée sa puissance: "Le ciel est mon trône."
Les fidèles sont appelés temple en raison de leur piété, ciel à
cause de leur sagesse. De même on appelle ciel le berceau de l'âme dans lequel
Dieu repose afin de faire de sa création son ciel, c'est-à-dire de l'associer à
la connaissance de ses mystères. L'âme est aussi appelée temple de Dieu, parce
que Dieu est adoré dans le temple. Semblablement dans l'âme du fidèle: "Entre
dans ta chambre", c'est-à-dire dans les secrets de ton âme, "et, la
porte fermée, prie ton Père dans le secret." C'est aussi dans le temple
que sont offerts les sacrifices, et semblablement dans l'âme du fidèle: "Le
sacrifice qui plaît à Dieu c'est un esprit brisé." C'est encore dans le
temple que se répandent les prières qui sont adressées à Dieu, et c'est ainsi
que Dieu opère dans l'âme: "Toutes nos oeuvres, tu les accomplis pour
nous." C'est aussi parce que Dieu la sanctifie qu'il descend en elle comme
dans son temple: "La grâce de Dieu est avec ses saints, et il a souci de
ses élus."
5b Ses
yeux observent le pauvre, ses paupières interrogent les enfants des hommes. 6a
Le Seigneur
interroge le juste et l'impie.
2. Le psalmiste
traite ici de l'examen du jugement.
a) Et il expose
d'abord la perfection de la connaissance divine.
b) Ensuite
l'examen attentif du jugement: ses paupières interrogent les [fils] des hommes.
c) Enfin l'équité
du jugement: Le
Seigneur interroge le juste et l'impie.
a. Concernant la
connaissance divine, personne ne peut en être soustrait, car le Seigneur voit
la disposition du pauvre et de l'impie, du pécheur et du juste: "Les yeux
du Seigneur sont plus lumineux que le soleil, ils regardent toutes les voies
des [hommes], et la profondeur de l'abîme, et ils observent attentivement les
coeurs des hommes." - "Toutes les voies des hommes sont à découvert
devant ses yeux; le Seigneur pèse les esprits", c'est-à-dire les pensées
ou les âmes, selon la Glose; et c'est pourquoi il dit: Ses yeux
observent le pauvre, pour avoir compassion de lui: "Aie pitié
de moi, Seigneur, car je suis dans la détresse." Et aussi: "Le
Seigneur est mon protecteur; en lui mon coeur a espéré." Pour le protéger
même en l'éprouvant: "Les yeux du Seigneur sont sur les justes." Et
aussi: "Sur cette voie où tu marcheras, je fixerai mes yeux sur toi."
b. Et en observant
ainsi, il examine avec soin. Ses paupières interrogent les enfants des hommes. Par
paupières est
signifiée la discrétion; car de même que les paupières de l'oeil dirigent la
vue, ainsi la discrétion modère la sagesse humaine: "Tes paupières se
dirigent devant tes pas." Par conséquent la discrétion même de Dieu
interroge, c'est-à-dire éprouve et examine: "Il y aura une enquête sur les
desseins de l'impie, et la rumeur de ses paroles parviendra à Dieu." Et
comment ? Car tantôt il punit, tantôt il épargne; tantôt il accorde des
bienfaits, tantôt il les enlève: "Les flèches du Seigneur me pénètrent."
Il ferme aussi les paupières et les ouvre: "J'ai pitié de cette foule."
Et encore dans le même évangile: "Le royaume de Dieu vous sera ôté."
Et il est écrit dans un psaume: "Il donne la nourriture au bétail, et aux
petits des corbeaux qui l'invoquent." [Interrogeant] les enfants des hommes, parce
que certains d'entre eux sont devenus meilleurs, d'autres plus mauvais; ou bien
certains d'après l'Écriture sont devenus mauvais, d'autres bons, car certains
la comprennent bien et ne s'en lassent pas, et de plus ils la mettent en
pratique, tandis que les mauvais font le contraire.
c. L'équité du
jugement est exposée, puisque le psalmiste dit: Le Seigneur interroge le juste et l'impie, car
il envoie des fléaux aux justes et aux injustes, et il accorde des biens
temporels aux bons et aux mauvais: "Eux", c'est-à-dire les bons, "tu
les as éprouvés comme un père qui châtie"; mais "ceux-là",
c'est-à-dire les mauvais, "comme un roi sévère tu les as condamnés en leur
faisant subir un interrogatoire". Voilà pourquoi il dit: Le Seigneur
interroge le juste et l'impie, c'est-à-dire éprouve par les
tribulations. Grégoire dit "qu'un châtiment infligé interroge celui qui se
trouve dans les tribulations pour savoir s'il aime Dieu en vérité". Il interroge le
juste, c'est-à-dire le Seigneur examine afin qu'il soit récompense: "Dieu
rendit aux saints la récompense de leurs peines." Mais il interroge
l'impie ou le pécheur afin qu'il soit condamné: "Mains et pieds
liés jetez-le dans les ténèbres extérieures."
6b mais
celui qui aime l'iniquité hait son âme. 7 Il fera pleuvoir sur les pécheurs des
pièges; le feu et le soufre, et le vent des tempêtes sont la part de leur
calice.
3. Le psalmiste
expose ici la condamnation, et à ce propos il fait deux choses:
a) Car il
commence par exposer la faute.
b) Puis le
châtiment: Il
fera pleuvoir sur les pécheurs des pièges.
a. Il montre que
du côté de Dieu il n'est pas question de la perte des mauvais, mais qu'elle se
trouve de notre côté; c'est pourquoi il dit: celui qui aime l'iniquité, c'est-à-dire
le péché: "Quiconque commet le péché, commet aussi l'iniquité, car le
péché est l'iniquité." hait son âme. - "L'homme par la malice
tue son âme."
Mais on se demande comment quelqu'un peut se haïr.
On répondra en disant que le pêcheur se hait lui-même en quelque sorte,
mais que personne ne se hait absolument parlant: "Personne n'a jamais haï
sa chair." Mais parce que les mauvais se haïssent eux-mêmes en quelque façon,
l'Écriture l'expose ainsi. Notre âme a deux faces: l'une est tournée vers Dieu
par la raison, l'autre est tournée vers la chair par la nature sensitive qui ne
perçoit uniquement que les réalités corporelles. Et de même que n'importe
quelle créature a une prédilection pour son propre bien, ainsi l'homme aime
dans la mesure où il estime son âme. Or les pécheurs estiment leur âme en
fonction de ce qu'ils se proposent principalement, car toute réalité constituée
trouve son principe en elle, ainsi la dénomination "royaume" se
dit-elle en fonction du roi. Donc ceux qui regardent la nature sensitive comme
principale ont une prédilection pour elle; mais ceux qui regardent la nature
raisonnable comme principale l'aiment pareillement. Donc personne ne hait son
âme dans ce qu'il estime essentiel. C'est pourquoi les bons haïssent ce qui
regarde la nature sensitive, les mauvais ce qui a trait à la nature
raisonnable.
b. Il expose
ensuite le châtiment. Et nous pouvons expliquer cela en l'appliquant soit au
présent, soit au futur. - Au présent ainsi: et il se sert d'une métaphore. Il a
dit que le Seigneur est dans le ciel, car c'est là que se trouve son trône; or
c'est du ciel que vient la pluie, aussi le châtiment est-il signifié lorsqu'il
dit: Il fera
pleuvoir sur les pécheurs. Et quoi ? des pièges. Et si on expose ce
verset en relation avec le présent, on notera que dans leur péché quatre choses
sont à relever.
· En premier lieu il y a la séduction; aussi dit-il: Il fera pleuvoir
sur les pécheurs des pièges. Comme si par un juste jugement il
permet qu'ils soient enlacés et séduits: "Et beaucoup parmi eux
chancelleront, ils tomberont et se briseront, et ils seront pris au piège et
saisis."
· Ensuite il y a la concupiscence; aussi dit-il: le feu, de la concupiscence: "Un
feu est tombé sur eux", à savoir celui de la concupiscence charnelle, "et
ils n'ont pas vu le soleil".
· Puis la mauvaise odeur de l'infamie, et c'est pourquoi il dit: soufre. De
la même manière le Seigneur fit pleuvoir sur Sodome et Gomorrhe du feu et du
soufre.
· On peut encore ajouter une quatrième chose, à savoir l'agitation de
l'esprit, et c'est pourquoi il dit: vent des tempêtes. - "Le coeur de l'impie est
comme une mer agitée." la part de leur calice. Car le calice est une
mesure, et les pécheurs eux-mêmes reçoivent des châtiments en proportion de
leurs péchés: "Lorsqu'elle sera abattue, tu la jugeras avec mesure contre
mesure."
- Mais si l'on expose ce verset en relation avec le futur, les
agissements des pécheurs seront punis à ce moment-là; car ils seront liés de
telle sorte qu'ils ne puissent échapper aux maux, ni obtenir des biens, aussi
dit-il: Il
fera pleuvoir sur les pécheurs des pièges, c'est-à-dire enchaînant
leur sens: et ainsi le soufre se réfère à l'odorat et le feu au toucher: "Le feu ne
s'éteindra pas." Et: "Ils furent jetés vivants dans l'étang de feu."
De même pour leurs affections, car ils ne se reposent pas, en effet [les vents] des
tempêtes sont la part de leur calice, c'est-à-dire les démons qui
troublent, molestent et affligent.
8 Car
le Seigneur est juste et il aime là justice; son visage a vu l'équité.
C. Car le Seigneur
est juste et il aime la justice, aussi ne faut-il rien attendre de
lui en dehors de la justice: "C'est moi qui fais miséricorde, droit et
justice sur la terre." Et: "Le Seigneur est juste en toutes ses
voies." son
visage a vu l'équité, ou bien sa face, c'est-à-dire que l'équité a
été vue par sa connaissance. Autrement dit: à ceux auxquels il s'est fait
connaître et qu'il aime, il montre l'équité.
1 Pour la fin. Pour l'octave. Psaume de
David.
2 Sauve-moi, Seigneur, parce qu'il n'y a
plus de saint, parce que les vérités sont diminuées par les enfants des hommes.
3 Chacun dit à son prochain des paroles vaines; lèvres trompeuses, avec un coeur
et un coeur ils parlent.
4 Que le Seigneur détruise toutes les
lèvres trompeuses, et la langue orgueilleuse. 5 Ceux qui ont dit: Nous
exalterons notre langue; nos lèvres nous appartiennent, qui est notre maître ?
6 À cause de la misère des indigents et
des gémissements des pauvres, maintenant je me lèverai, dit le Seigneur. Je les
mettrai dans le salut, avec toute confiance j'agirai en cela.
7 Les paroles du Seigneur sont des
paroles pures, [comme] l'argent éprouvé par le feu, s'épurant à la terre, purifié
sept fois.
8 Toi, Seigneur, tu nous préserveras, et
nous garderas de cette génération pour l'éternité. 9 Les impies marchent dans
un cercle; selon ta grandeur tu as multiplié les enfants des hommes.
1 Pour
la fin. Pour l'octave. Psaume de David.
Dans la décade précédente, le psalmiste a traité de la persécution que
lui-même avait soufferte de la part de son fils Absalom, persécution qui
préfigurait celle que le Christ souffrirait de la part de Judas; mais dans
cette seconde décade, comme le montrent certains titres de psaumes, il est
question de la persécution qu'il a soufferte de la part de Saül, persécution
qui préfigurait celle que le Christ souffrirait de la part des princes des
prêtres. Cette décade se divise en deux parties.
Dans la première partie, le psalmiste demande d'être libéré de ses
ennemis.
Dans la seconde, maintenant libéré, il prie pour son relèvement: "Que
le Seigneur t'exauce au jour de la tribulation"; psaume qui fait allusion
à l'histoire de David devenu roi à la mort de Saül; et au mystère du Christ
dont le royaume a été affermi à sa mort: "C'est pourquoi",
c'est-à-dire parce qu'il s'est fait obéissant à son Père jusqu'à la mort, "Dieu
l'a exalté".
En demandant d'être libéré de ses ennemis, le psalmiste fait deux
choses:
Il demande d'abord sa libération.
Ensuite il rend grâces pour sa libération, et cela au psaume 17: "Je
t'aimerai."
Touchant la demande de sa libération il fait trois choses:
Il souligne d'abord la gravité de la malice de ses persécuteurs.
Ensuite il rappelle sa propre justice: "Seigneur, qui habitera ?"
Enfin en raison de sa justice il demande la réalisation de l'exaucement:
"Exauce, Seigneur, ma justice."
En soulignant la gravité de la malice de ses persécuteurs, il fait deux
choses:
Il commence par blâmer la fourberie de ses adversaires.
Ensuite il réfute leur iniquité: "L'insensé a dit en son coeur."
En blâmant la fourberie de ses adversaires, il fait deux choses:
Il rappelle d'abord leur fourberie.
Puis il sollicite la lumière divine afin de ne
pas être séduit par eux: "Jusques à quand, Seigneur, etc." Cela
coïncide assez bien avec l'histoire de David contre lequel Saül marchait avec
fourberie.
Le psalmiste a placé en tête de ce psaume le titre suivant: Pour la fin.
Pour l'octave. Psaume de David. Titre qui a été commenté plus haut.
2 Sauve-moi,
Seigneur, parce qu'il n'y a plus de saint, parce que les vérités sont diminuées
par les enfants des hommes.
En rappelant la fourberie de ses adversaires, le psalmiste fait trois
choses:
A) Il commence
par décrire le rappel de leur fourberie.
B) Ensuite il
réclame leur perte: 4 Que le Seigneur détruise.
C) Enfin il
expose l'exaucement de la prière: 6 À cause de la misère, etc.
A. Dans sa
description du rappel de leur fourberie il fait deux choses:
1) Il décrit en
premier lieu leur défaut.
2) Puis il en
ajoute le signe: 3 Chacun dit à son prochain des paroles vaines.
1. Concernant
leur défaut, il faut savoir que David considérant la malice de son adversaire
s'affermissant contre lui, comme stupéfait, recourt d'abord au secours divin en
disant: Sauve-moi,
Seigneur Et à bon droit, car en dehors de lui il n'y a pas de
sauveur, comme le rapporte Isaïe. Puis il énumère leurs défauts.
Or deux choses préservent l'homme du mal, à savoir la crainte de Dieu: "Celui
qui craint le Seigneur garde ses commandements", et l'amour de la vérité:
car des oeuvres justes sont dites vraies dans la mesure où elles sont conformes
à la loi; que si elles ne sont pas justes, elles mènent à l'infamie. Car
certains malgré la crainte de Dieu n'évitent pas les maux, mais ils s'en
détournent à cause de l'infamie. Mais il arrive que quelqu'un ne craigne pas
l'infamie, aussi est-il écrit dans Luc à son endroit: "Il ne craint pas
Dieu, et ne se soucie pas des hommes." Et le psalmiste exclut ces deux
qualités chez ses adversaires.
D'abord précisément la crainte de Dieu, lorsqu'il dit: parce qu'il n'y
a plus de
saint, car la sainteté repose sur la crainte et le culte de Dieu. parce qu'il n'y
a plus de saint, autrement dit: il ne se trouve pas en
ce monde d'homme qui craigne Dieu: "L'homme saint a disparu de la terre, et il
n'y a
plus de juste parmi les hommes."
Ensuite il exclut l'amour de la vérité lorsqu'il dit: Parce que sont
diminuées.
Mais on doit se demander pourquoi il dit vérités au pluriel. Il est écrit
dans Osée: "Il n'y a pas de vérité de Dieu dans le pays."
Il faut répondre à cela en disant que la vérité primordiale est une,
c'est la vérité qui est dans l'intelligence divine: "Moi je suis le
chemin, la vérité, et la vie." De même que diverses ressemblances d'un
même visage d'homme s'obtiennent à partir de miroirs différents, et
pareillement à partir d'un miroir brisé, ainsi des vérités diverses dérivent
dans les différentes âmes de l'unique vérité divine. Et semblablement dans une
seule âme, parce qu'elle n'atteint pas la simplicité divine, mais est composée
de ce par quoi elle est et de ce qu'elle est, des vérités diverses apparaissent
à partir de cette unique vérité dont l'âme sainte est illuminée; vérités qui
sont diminuées lorsque l'âme s'éloigne de Dieu à cause de ses fautes. Ou bien
il faut répondre qu'il dit vérités en raison de la triple vérité créée
qui est dans les saints: la vérité de la vie dont parle Isaïe: "Souviens-toi
que j'ai marché devant toi dans la vérité." La vérité de la doctrine: "Nous
savons que tu es vrai, et que tu enseignes la voie de Dieu dans la vérité."
Et la vérité de la justice à propos de laquelle il est écrit dans l'Exode: "Choisis
d'entre tout le peuple des hommes capables et craignant Dieu, en qui soit la
vérité et qui haïssent l'avarice." C'est de cette vérité que ce psaume
semble parler, à savoir de la vérité de la justice dont Saül s'est assurément
éloigné lorsqu'il persécuta David lui-même injustement. Il faut donc dire que
ces vérités-là sont diminuées non par elles-mêmes, mais par les enfants des hommes que
leurs fautes ont corrompues. Et précisément la vérité de la vie est diminuée,
quand le bien est regardé comme un mal. La vérité de l'enseignement, lorsque la
lumière est appelée ténèbres. Mais la vérité de la justice l'est quand ce qui
est amer est jugé doux, et inversement: "Malheur à ceux qui appellent le
mal bien et le bien mal, qui changent les ténèbres en lumière et la lumière en
ténèbres, qui changent l'amer en doux et le doux en amer." Mais il dit que
la sainteté disparaît, parce qu'étant donné que la grâce vient de Dieu, un seul
péché mortel la détruit aussitôt. Tandis que la vérité diminue comme
progressivement. Une version de Jérôme lit: "Quoniam defecit misericors (Parce
qu'il n'y a plus de miséricordieux)." Et parce que les fidèles diminuent,
car la miséricorde et la justice sont exigées vis-à-vis du prochain: "Beaucoup
d'hommes sont appelés miséricordieux, mais l'homme fidèle, qui le trouvera ?"
3 Chacun
dit à son
prochain des paroles vaines; lèvres trompeuses, avec un coeur et un coeur, ils
parlent.
2. Ensuite
lorsqu'il dit:
vaines, il expose le signe de la disparition de la sainteté: et il
est double, à savoir la vanité et la tromperie.
Le premier signe de la disparition est la
vanité, et à cet égard il dit: Chacun dit des paroles vaines, etc. Est
vain ce qui n'a pas de substance. Donc vraies sont les choses qui ne cachent
rien de vaniteux, d'où ces paroles de l'apôtre Paul: "La fin du précepte
c'est la charité qui procède d'un coeur pur, d'une bonne conscience, et d'une
foi sans feinte; c'est pourquoi certains dans leur égarement se sont tournés
vers de vaines paroles." Et il est écrit dans le livre de Jérémie: "Que
chacun se tienne en garde contre son prochain." Selon Grégoire: "Une
parole vaine témoigne d'un esprit vaniteux." De même est vain ce qu'on
possède sans avoir recours à l'intelligence, aussi les paroles superflues
sont-elles vaines: "Là où il y a bavardage, là se rencontre fréquemment la
disette." De même est vain ce qui n'est pas stable; et ainsi les paroles
relatives aux choses temporelles sont vaines: "Celui qui est de la terre,
parle de la terre." - "Ta parole murmurera comme venant de la terre."
Mais à qui s'adressent ces paroles vaines ? Au prochain, à qui chacun doit dire
la vérité: "Dites la vérité chacun à son prochain."
Le second signe de la disparition de la sainteté est la tromperie, et à
cet égard il dit: lèvres trompeuses, avec un coeur et un coeur, ils parlent. La
répétition signifie la duplicité du coeur. Ils montrent en effet qu'ils tiennent
un langage dans leur bouche, mais ils en ont un autre dans leur coeur. Ils
montrent qu'ils souffrent, et ils se réjouissent; qu'ils aiment et ils haïssent;
qu'ils compatissent, et ils sont dans la joie: "L'homme double d'esprit
est inconstant dans toutes ses voies." - "Malheur au coeur double et
aux lèvres criminelles."
4 Que
le Seigneur détruise toutes les lèvres trompeuses, et la langue qui se
glorifie. 5 Ceux qui ont dit: Nous exalterons notre langue; nos
lèvres nous appartiennent, qui est notre maître ?
B. Ici le
psalmiste réclame leur destruction.
1) Et il commence
par la réclamer.
2) Ensuite il en
fait connaître la cause: toutes les lèvres trompeuses et la langue orgueilleuse.
1. Disperdat
(Qu'il détruise), comme s'il détruisait deux fois, à savoir dans l'âme et dans
le corps: "Amène sur eux le jour de l'affliction, et brise-les doublement",
Seigneur Dieu.
2. Ensuite il
rapporte la cause de leur malice; et il en expose trois, c'est-à-dire:
a. La fraude, car
il dit: lèvres
trompeuses; or il y a fraude quand quelqu'un agit d'une façon et
feint d'une autre façon. La tromperie se conçoit dans le coeur, mais elle est
cachée par les paroles ou par les faits: "La tromperie est dans le coeur
de ceux qui méditent le mal." Dieu les disperse, car il met à découvert;
alors en effet il n'y a plus de prétexte de tromperie, car la tromperie est une
malice occulte. C'est pourquoi il ne réclame pas leur destruction mais le
dévoilement de leur malice. Ou bien il réclame leur perdition par la grâce: "L'homme
pernicieux ayant été frappé, le sot deviendra plus sage"; c'est pourquoi
il dit: lèvres
trompeuses. Selon la Glose: "La tromperie est comme un
prétexte de demande." Ou bien: il les détruira, comme en les punissant par
leur propre malice, Si bien qu'eux-mêmes y tombent par un juste jugement de
Dieu, comme on le rapporte dans le livre d'Esther à propos d'Aman qui était
contre Mardochée: "L'on pendit Aman au bois qu'il avait préparé pour
Mardochée." Et il est écrit dans Ézéchiel: "J'attacherai ta langue à
ton palais; et tu deviendras muet", comme n'osant plus désormais commettre
de fraudes. Et dans les Proverbes: "L'homme pernicieux ayant été puni, le
simple devient plus sage." Et de même: "La folie est attachée au
coeur de l'enfant; la verge de la discipline l'éloignera de lui."
b. Ensuite il
expose la jactance: et la langue qui se glorifie de soi auprès de
ceux que l'on considère comme grands: "Ils ont posé leur bouche contre le
ciel, et leur langue a passé sur la terre." Or nous avons coutume de
révérer ce qu'il y a de plus grand chez autrui et de ne pas considérer ce qui
est plus petit. Donc, afin de paraître grands et égaux à Dieu, ils méprisent
Dieu, c'est-à-dire les honneurs divins. Ainsi est-il écrit à propos de
l'Antéchrist qui parle contre le Dieu des dieux: "le fils de la perdition,
qui se pose en ennemi et s'élève au-dessus de tout ce qui est appelé Dieu, ou
qui est adoré, jusqu'à s'asseoir dans le temple de Dieu, se faisant passer
lui-même pour Dieu". Et à propos d'Antiochus il est écrit: "Il est
juste de se soumettre à Dieu, et simple mortel de ne pas penser s'égaler à
Dieu." Et au sujet d'Hérode, que "le peuple l'acclamait: "C'est
la voix d'un Dieu et non d'un homme"." Et afin qu'ils ne puissent pas
alléguer l'excuse d'agir sans dessein, il ajoute: Ceux qui ont dit (c'est-à-dire
avec dessein): Nous
exalterons notre langue.
c. Enfin il
expose leur blasphème ou leur orgueil: nos lèvres nous appartiennent. En effet le
premier signe distinctif de l'orgueil, c'est lorsque quelqu'un estime pouvoir
vivre par lui-même: "Ne multipliez pas les paroles hautaines, en vous
glorifiant." - "Nous ne sommes pas capables de penser quelque chose
venant de nous-mêmes; mais notre aptitude vient de Dieu." Le second signe
distinctif de l'orgueil, c'est lorsque quelqu'un veut se glorifier en quelque
chose de préférence aux autres; c'est pourquoi il dit: qui est notre maître ? Il est
écrit dans le livre de Job: "Qui est le Tout-Puissant pour que nous le
servions ?" Et dans Osée: "Ils se tournent afin d'être sans joug, et
ils sont comme un arc trompeur." Et encore dans Job: "L'homme
vaniteux s'est élevé dans l'orgueil, et comme le petit de l'onagre il se croit
né indépendant."
6 À
cause de la misère des indigents et des gémissements des pauvres, maintenant je
me lèverai, dit le Seigneur Je les mettrai dans le salut, avec toute confiance
j'agirai en cela.
7 Les
paroles du Seigneur sont des paroles pures, [comme] l'argent éprouvé par le
feu, s'épurant à la terre, purifié sept fois.
8
Toi, Seigneur, tu nous préserveras, et nous garderas de cette génération pour
l'éternité. 9 Les impies marchent dans un cercle; selon ta grandeur tu
as multiplié les enfants des hommes.
C. Le psalmiste
expose ici l'exaucement de sa prière.
1) Et il le
signifie d'abord à l'avance.
2) Ensuite il
expose sa certitude: Les paroles du Seigneur sont des paroles pures, etc.
3) Enfin il expose sa foi: Toi, Seigneur.
1. Ainsi dit-il: À cause de la
misère, c'est-à-dire à cause du manque considérable, des indigents, c'est-à-dire
de ceux qui sont privés de ressources, et des gémissements, c'est-à-dire du sanglot des pauvres, c'est-à-dire
de ceux qui ont peu de possessions: "À toi s'abandonne le pauvre." - "il
entendit leurs gémissements, et se souvint de son alliance."
maintenant je me
lèverai, dit le Seigneur. maintenant, en temps opportun: "Le Seigneur est devenu son
aide dans les moments opportuns et dans la tribulation." - "Au temps
favorable je t'ai exaucé, et au jour du salut je t'ai secouru." Je les mettrai
dans [ton] salut, c'est-à-dire je les y adjoindrai, avec toute
confiance j'agirai en cela, c'est-à-dire moi je serai en cela: "Sois
sans crainte devant leur visage, car moi je suis avec toi." - "Le
Seigneur l'a décidé, et qui pourrait l'empêcher ? Sa main est étendue, et qui
la détournerait ?" - "Ils feront la guerre contre toi, mais ils ne te
vaincront pas, car je suis avec toi pour te libérer." Et encore: "Ton
âme te sera préservée, car tu as eu confiance en moi, dit le Seigneur."
2. Ensuite le
psalmiste expose la certitude de la promesse: Les paroles du Seigneur sont des paroles
pures, non altérées par le mélange d'une intervention étrangère, ou
épurées de superfluité, ou incorruptibles, car on dit de quelqu'un qu'il est
chaste avant une relation charnelle, mais qu'il est continent lorsqu'il s'en
abstient par la suite. Elles ne sont pas vaines, mais fermes: "Le ciel et
la terre passeront, mais mes paroles ne passeront point." Puis elles sont
pleines de vérité, aussi dit-il: [Comme] l'argent éprouvé par le feu. L'argent
est blanc sans souillure, sonore, sans artifice, odoriférant sans corruption, à
la terre, c'est-à-dire
par la terre; les Grecs n'ont pas l'ablatif. Or il s'agit d'une traduction du grec. purifié sept
fois, c'est-à-dire parfaitement.
3. Et le prophète
répond: Toi
donc, Seigneur, tu nous préserveras du mal. Et tu nous garderas dans
le bien de
cette génération pour l'éternité. Ainsi donc les impies marchent dans un cercle, de
sorte qu'ils n'arrivent jamais au bout de leur démarche, qui consiste à
affliger les autres comme ils le veulent: "Leurs sentiers sont tortueux."
Et pourquoi ? Parce que selon ta grandeur tu as multiplié les enfants des hommes,
car "dans [ma] maison il n'y a pas seulement des vases d'or et
d'argent, mais il y en a aussi de bois et de terre; les uns pour des usages
honorables [...], sanctifiés, propres à toute oeuvre bonne". Ou bien: dans [le] cercle
des vices marchent les impies, n'atteignant pas le juste
milieu de la vertu, etc.
1 Pour la fin. Psaume de David.
Jusques à quand, Seigneur,
m'oublieras-tu en ce qui concerne la fin ? Jusques à quand détourneras-tu ta
face de moi ? 2 Combien de temps tiendrai-je des conseils en mon âme,
sentirai-je la douleur dans mon coeur tout le jour ? 3 jusques à quand mon
ennemi s'élèvera-t-il contre moi ?
4 Regarde et exauce-moi, Seigneur mon
Dieu. Illumine mes yeux afin que je ne m'endorme jamais dans la mort: 5 de peur
que mon ennemi ne dise: j'ai prévalu contre lui. Ceux qui me persécutent se
réjouiront si je suis ébranlé;
6 mais moi en ta miséricorde j'ai
espéré. Mon coeur se réjouira en ton salut. Je chanterai au Seigneur qui m'a
donné des biens, et je psalmodierai le nom du Seigneur Très-Haut.
1
Pour la fin. Psaume de David.
Dans le psaume précédent le psalmiste a exposé les tromperies de ses
adversaires; ici il réclame de Dieu un remède contre eux. Son titre est: Pour la fin.
Psaume de David, et il a été expliqué plus haut.
Ce psaume se divise en trois parties.
I) Dans la première est exposée une plainte.
II) Dans la deuxième une demande: 4 Regarde et
exauce-moi.
III) Dans la troisième l'exaucement: 6 mais moi en ta
miséricorde.
Jusques à quand,
Seigneur, m'oublieras-tu en ce qui concerne la fin ? Jusques à quand
détourneras-tu ta face de moi ?
I. La plainte concerne trois choses.
A) Le psalmiste
s'étonne d'abord de la dissimulation divine.
B) Ensuite il
avoue son propre défaut: 2 Combien de temps tiendrai-je des conseils en mon âme,
sentirai-je la douleur de mon coeur tout le jour ?
C) Enfin il se
plaint de la puissance de ses adversaires: 3 Jusques à quand mon ennemi s'élèvera-t-il contre moi
?
A. Celui qui
dissimule les injures d'autrui fait cela, ou parce qu'il ne s'en souvient pas,
ou parce qu'il ne veut pas y apporter de remède; et c'est pourquoi il dit: Seigneur, moi
je suis accablé par mes adversaires, et tu n'y apportes pas de remède ? Jusques à quand
m'oublieras-tu en ce qui concerne la fin ?, c'est-à-dire à la fin il
semble que tu veuilles te soustraire à moi: "Sion a dit: Le Seigneur m'a
abandonnée, et le Seigneur m'a oubliée." - "Pourquoi ne regardes-tu
pas vers ceux qui agissent de manière injuste, et gardes-tu le silence lorsque
l'impie dévore un plus juste que lui ?" Il détourne la face quand il
n'apporte pas de remède: "Pourquoi détournes-tu ta face,
oublies-tu notre misère, et notre tribulation ?" Cela s'applique à
l'histoire de David qui fut persécuté longtemps par Saül. Au sens allégorique
il désigne les Pères de l'Ancien Testament qui attendaient le Christ d'une
manière continue, et Dieu paraissant les oublier différait le don de son remède;
et ils disent: Jusques
à quand, Seigneur, m'oublieras-tu en ce qui concerne la fin ? Jusques à quand
détourneras-tu ta face de moi ?, c'est-à-dire nous cacheras-tu la
présence de ton Fils. Ou bien il est question de la plainte des justes de notre
temps à propos du délai du second avènement: Jusques à quand, Seigneur, m'oublieras-tu ?
Ce sera jusqu'à ce qui concerne la fin, c'est-à-dire au jour
du jugement, ou bien jusqu'à la mort. Et jusques à quand détourneras-tu ta face de moi ?,
c'est-à-dire la face de ta gloire, pour que je te voie face à face: "Montre-moi
ta face." - "Montre ta face, et nous serons sauvés."
1. On peut donner
beaucoup de raisons pour lesquelles les anciens Pères désiraient tant la venue
du Christ dans la chair.
a. Une première
raison est relative à l'exaltation de la nature humaine, au nom de laquelle les
Lamentations disent: "Vois, Seigneur, combien je suis méprisée"; mais
elle a été exaltée par l'Incarnation: "Tu m'as reçue avec gloire",
c'est-à-dire je suis devenue glorieuse, comme une femme vile est élevée si elle
s'unit à un homme bien né. Il en résulte que n'importe quel péché commis après
la venue du Sauveur est plus grave que celui qui a été commis avant. De même,
si une femme ou un homme bien né commettait une turpitude, il serait plus déshonoré
que si un homme grossier la commettait.
b. Une deuxième
raison se fondé sur le fait que les captifs étaient libérés de la prison de
l'enfer ou des limbes: "Tous mes os descendront-ils au plus profond du
schéol; penses-tu du moins que là se trouvera mon repos ?", autrement dit:
non, mais par le Christ nous sommes libérés de lui: "Pour toi aussi à
cause du sang de ton alliance tu as retiré le captif de la fosse sans eau."
c. Une troisième
raison est relative à l'humiliation du diable: "Tu as humilié l'orgueilleux
comme un blessé", c'est-à-dire tu as amoindri sa puissance.
d. Une quatrième tient au fait que Dieu nous a pacifiés par la venue du
Christ: "Il est la pierre angulaire qui des deux peuples n'en a fait
qu'un."
e. Une cinquième est relative à la jouissance qu'ils espéraient avoir
avec la venue du Christ, en le voyant, en l'écoutant, en conversant avec lui: "Heureux
les yeux qui voient ce que vous voyez! Car, je vous le dis, beaucoup de
prophètes et de rois ont désiré voir ce que vous voyez, et ne l'ont point vu,
entendre ce que vous entendez, et ne l'ont point entendu."
2. Mais les
modernes désirent le second avènement.
a. D'abord parce qu'alors nous serons glorifiés: "Les saints
jugeront les nations et domineront sur les peuples." Et encore dans ce même
livré de la Sagesse: "Ils sont comptés parmi les enfants de Dieu."
b. Ensuite parce
que nous serons affranchis de toute peine: "Le Seigneur essuiera toute
larme de tous les visages", c'est-à-dire la raison de ces larmes, ou bien
la peine.
c. En troisième
lieu, parce que nous serons affranchis de tout péché: "Le Seigneur ôtera
l'opprobre de son peuple de dessus toute la terre."
d. En quatrième lieu, parce qu'alors nous serons arrachés à l'emprise
du diable: "Ils ne feront plus de mal et ne tueront plus sur toute ma
sainte montagne."
e. En cinquième lieu, parce que nous serons libérés de la servitude du
corps: "Tire mon âme de cette prison." - "La création elle-même sera
affranchie de la servitude de la corruption."
f. En sixième lieu, parce que nous verrons Dieu face à face: "Nous
savons que lorsqu'il apparaîtra, nous lui serons semblables, puisque nous le
verrons tel qu'il est." - "Tous me connaîtront du plus petit jusqu'au
plus grand." Ou bien la plainte peut être celle de n'importe quel juste
oppressé par l'adversité, ou par la corruption du péché et de la convoitise.
2 Combien
de temps tiendrai-je des conseils en mon âme, sentirai-je la douleur dans mon
coeur tout le jour ?
B. Le psalmiste
avoue son propre défaut, et à cet égard il fait deux choses:
1) Il expose
d'abord l'inquiétude de son coeur.
2) Puis la
douleur qui en résulte: sentirai-je la douleur dans mon coeur tout le jour ?
1. Au sujet de
l'inquiétude du coeur, le Philosophe dit dans la Rhétorique: "La crainte
pousse [les hommes) à prendre conseil." Il est écrit de même dans Isaïe: "Tenez
un conseil, prenez une décision." Ainsi l'homme délibère parfois dans
l'adversité et la tentation pour savoir comment résister; et c'est pourquoi il
dit: Combien
de temps tiendrai-je des conseils en mon âme, c'est-à-dire combien
de temps me faudra-t-il tenir de nouveaux conseils pour résister aux ennemis ?
Ainsi les Pères de l'Ancien Testament esquissèrent-ils beaucoup de projets (consilia) pour
figurer le Christ.
2. Or quand un
homme reçoit dans un conseil une ligne de conduite, et cependant s'en écarte,
alors il en résulte de la douleur; et c'est pourquoi il est écrit: Combien de
temps, Seigneur, tiendrai-je des conseils dans mon coeur, c'est-à-dire
chaque jour, tandis que je fais continuellement défection: "Ma douleur
m'envahit, en moi mon coeur s'afflige."
3 Jusques
à quand mon ennemi s'élèvera-t-il contre moi ?
C. Ici le
psalmiste se plaint de la prospérité de l'ennemi qui sera exalté, à savoir de
Saül s'élevant contre David, et de l'ennemi qui pousse au consentement du
péché, et de la chair, car ils ont des convoitises: "À cause de cela la
justice ne parvient pas à son terme, car l'impie l'emporte sur le juste."
4 Regarde
et exauce-moi, Seigneur mon Dieu. Illumine mes yeux afin que je ne m'endorme
jamais dans la mort; 5 de peur que mon ennemi ne dise: J'ai prévalu contre lui.
Ceux qui me persécutent se réjouiront si je suis ébranlé;
II. La deuxième
partie de ce psaume expose d'abord une prière ou une demande répondant à la
dissimulation divine. Puis à son propre défaut: Illumine mes yeux, etc. Enfin
à la prospérité de ses ennemis: de peur que mon ennemi ne dise, etc.
A. Il fait
d'abord allusion à la dissimulation divine par l'oubli et l'aversion, autrement
dit: Regarde,
c'est-à-dire retourne-toi, toi qui m'oubliant t'es détourné.
Maintenant exauce-moi.
"Regarde, nous sommes ton peuple."
B. Ensuite est
exposée sa demande correspondant à son propre défaut, résultant pour une part
de ses nombreux conseils, et pour une autre part de ses douleurs. Et étant
donné que je ne suis pas maître de mes conseils, Illumine mes yeux afin que je ne m'endorme
jamais dans la mort, c'est-à-dire enseigne-moi. Pareillement il est
écrit dans Luc: "Pour illuminer ceux qui sont assis dans les ténèbres."
Cela s'applique de manière littérale à David qui fuyait devant Saül, et dont il
devait se garder plus souvent, de crainte qu'il ne mette un jour la main sur
lui et ne le tue. De même, aussi longtemps qu'un homme se préoccupe de résister
au péché, il ne tombe pas dans la mort, mais s'il vient à dormir, il est tué.
Ainsi il est écrit au deuxième livre des Rois qu'Isboseth fut tué, alors qu'il
dormait, et qu'une servante nettoyait du blé: "Éveille-toi, toi qui dors."
C. Enfin est
exposée sa demande contre l'adversaire: de peur que mon ennemi ne dise. Et il expose
deux choses.
1) D'abord sa
demande.
2) Puis la raison
de sa demande:
Ceux qui me persécutent.
1. Sa demande: illumine mes
yeux, de peur que mon ennemi ne dise, en exultant: J'ai prévalu
contre lui. Or le diable exulte lorsqu'il tente et entraîné au
péché. Il est écrit semblablement: "Lève-toi, Seigneur, que l'homme ne
prévale pas."
2. Et la raison
de cette demande est que son ennemi ne se réjouisse pas, car ils se réjouiront si
je suis ébranlé, Si j'abandonnais l'état de la justice et tombais
dans le péché: "Ne te laisse pas aller à tes convoitises, et détourne-toi
de tes désirs. Si tu procures à ton âme la satisfaction de ses convoitises,
elle fera de toi la risée de tes ennemis." - "À cause de toi-même, ô
Dieu, incline ton oreille et écoute; ouvre tes yeux et vois notre désolation,
et la cité sur laquelle ton nom a été invoqué."
6 Mais
moi en ta miséricorde j'ai espéré. Mon coeur se réjouira en ton salut. Je
chanterai au Seigneur qui m'a donné des biens, et je psalmodierai le nom du Seigneur
Très-Haut.
III. Ici est indiqué l'exaucement de sa prière; et
à cet égard il fait trois choses.
A) Il commence
par exposer l'espérance de l'exaucement.
B) Ensuite la
joie due à cet exaucement: Et mon coeur se réjouira.
C) Enfin il rend
grâces: Je
chanterai.
A. Ainsi dit-il: en ta
miséricorde j'ai espéré, non dans le monde: "Nombreuses sont
les miséricordes du Seigneur, parce que nous ne sommes pas anéantis." Non
dans mon pouvoir, car il n'en est aucun contre le diable: "Il n'y a sur la
terre de pouvoir qui ne l'égale." Et il expose ici trois remèdes par
lesquels l'homme est aidé dans sa lutte contre le diable: par la joie
spirituelle, par la prière fervente, par les bonnes oeuvres.
1. Concernant la
joie spirituelle il dit: Mon coeur se réjouira dans ton salut, non dans
les choses temporelles ou dans les vanités, comme le font les pécheurs à propos
desquels Job déclare: "Ils se divertissent au son du chalumeau, et passent
leurs jours dans le bonheur, et ils descendent en un instant dans le schéol."
Et Osée écrit: "Ne te livre pas à la joie, Israël, à l'allégresse, comme
les peuples", c'est-à-dire dans le Christ qui est précisément venu pour
nous sauver: "Car lui-même sauvera son peuple de ses péchés." Et
cette joie arme l'homme contre le diable: "Un coeur joyeux est un bain de
jouvence, un esprit abattu dessèche les os."
2. Il est ensuite
question de la prière ou de la louange de Dieu; c'est pourquoi il ajoute: "Je
chanterai au Seigneur", c'est-à-dire je le louerai: "Vous qui
craignez le Seigneur, louez-le." Car la louange de Dieu est puissante pour
combattre le diable: "Ce genre de démons n'est chassé que par la prière et
le jeûne." - "Et moi je me réjouirai dans le Seigneur, et j'exulterai
en Dieu mon Sauveur." Et cela en raison des biens prodigués; aussi
continue-t-il: qui
m'a donné des biens, c'est-à-dire parce qu'il accorde des biens: "Tout
don excellent, toute grâce parfaite, descend d'en-haut, du Père des lumières."
Et il dit: des
biens, parce qu'il y a des biens temporels que le Seigneur a
accordés: "Il leur remit ses biens. À l'un il donna cinq talents, à un
autre deux, à un autre un, à chacun selon sa capacité, et il partit aussitôt."
De même: des
biens spirituels, qui sont les biens de la grâce et les vertus: "Il
y a des grâces diverses, mais c'est le même Esprit. Il y a diversité de
ministères, mais c'est le même Seigneur; et il y a des opérations diverses,
mais c'est le même Dieu qui opère tout en tous; or à chacun est donnée la
manifestation de l'Esprit pour l'utilité. Car à l'un est donnée par l'Esprit la
parole de sagesse; à un autre la parole de science, selon le même Esprit; à un
autre la foi, par le même Esprit; à un autre la grâce de guérir, par le même
Esprit; à un autre, la vertu d'opérer des miracles; à un autre, la prophétie; à
un autre, le discernement des esprits; à un autre, le don des langues diverses;
à un autre, l'interprétation des discours. Or, tous ces dons, c'est le seul et
même Esprit qui les opère, les distribuant à chacun comme il veut." - "Si
nous accueillons le bonheur de la main de Dieu, pourquoi n'accepterions-nous
pas aussi le malheur ?" De même, les biens de la gloire: "Je crois
voir les biens du Seigneur dans la terre des vivants." Le Seigneur accorde
tous ces biens, et par conséquent c'est à bon droit qu'il faut le louer: "À
celui qui m'a donné la sagesse je donnerai la gloire."
3. Il est enfin
question des bonnes oeuvres à propos desquelles il ajoute: je psalmodierai, c'est-à-dire
j'oeuvrerai.
Psallere (psalmodier), c'est toucher le psaltérion avec la main. Jérôme
dit: "Accomplis toujours quelque oeuvre bonne afin que le diable te trouve
occupé." Et Matthieu écrit: "Lorsque l'esprit impur est sorti d'un
homme, il s'en va en des lieux arides, cherchant du repos, et il n'en trouve
point."
le nom du
Seigneur, c'est-à-dire à la louange du nom du Seigneur Très-Haut. - "Gloire
à Dieu au plus haut des cieux." - "Qu'ainsi votre lumière brille
devant les hommes, afin qu'ils voient vos bonnes oeuvres et qu'ils glorifient
votre Père qui est dans les cieux."
1 Pour la fin. Psaume de David.
L'insensé a dit en son coeur: "Il
n'est pas de Dieu." Ils sont corrompus et sont devenus abominables par
leurs oeuvres; il n'en est aucun qui fasse le bien, il n'en est pas un seul.
2 Le Seigneur, du haut du ciel, a regardé
les fils des hommes, afin de voir s'il en est un d'intelligent ou qui cherche
Dieu. 3a Tous se sont détournés, ensemble ils sont devenus inutiles. Il n'en
est pas un qui fasse le bien. Il n'en est pas un seul.
3b Leur gosier est un sépulcre ouvert;
de leurs langues ils agissaient avec tromperie, le venin des aspics sous leurs
lèvres.
3c Leur bouche est pleine de malédiction
et d'amertume; leurs pieds sont prompts â verser le sang.
3d L'affliction et le malheur sont dans
leurs voies, et ils n'ont pas connu la voie de la paix; la crainte de Dieu
n'est pas devant leurs yeux.
4 Est-ce qu'ils ne connaîtront point
tous ceux qui commettent l'iniquité, qui dévorent mon peuple comme on se
nourrit de pain ? 5 Ils n'ont pas invoqué le Seigneur, là ils ont tremblé de
crainte, là où il n'y avait pas de crainte. 6 Parce que le Seigneur est au
milieu de la génération juste, vous avez confondu le dessein de l'indigent;
parce que le Seigneur est son espérance.
7 Qui donnera de Sion le salut d'Israël
? Lorsque le Seigneur aura détourné la captivité de son peuple, Jacob exultera, et Israël se réjouira.
1 Pour
la fin. Psaume de David.
Plus haut le psalmiste a blâmé la tromperie des ennemis; ici il expose
leur malice. Le titre de ce psaume est: Pour la fin. Psaume de David. Et à ce propos
il fait deux choses.
I. Il commence par manifester leur malice.
II. Puis il
expose l'espérance d'être libéré des ennemis: Est-ce qu'ils ne connaîtront point, etc.
I. Concernant la manifestation de leur malice il
fait deux choses:
A) Il fait d'abord
connaître leur malice.
B) Ensuite il
assure que cette malice se trouve en eux: du haut du ciel le Seigneur a regardé, etc.
A. En faisant
connaître leur malice il mentionne deux choses:
1) Il indique
d'abord la racine de leur malice.
2) Puis le progrès
de leur malice: Ils
sont corrompus.
L'insensé a dit en
son coeur: "Il n'est pas de Dieu."
1. À propos de la
racine de la malice il est écrit dans l'Ecclésiastique: "Le commencement
de tout péché, c'est l'orgueil, et le commencement de l'orgueil de l'homme,
c'est quand il s'éloigne de Dieu." Donc le fait que l'homme ne garde pas
Dieu dans son coeur, c'est le principe de la malice; et c'est pourquoi le
psalmiste dit: L'insensé
a dit en son coeur: "Il n'est pas de Dieu." - "La
sagesse n'entrera pas dans une âme qui a fait le mal, elle n'habitera pas dans
un corps soumis aux péchés."
Mais peut-on le dire ? Dire dans le coeur c'est penser. Mais peut-on
penser que Dieu n'est pas ? Anselme affirme que personne ne le peut. De même
Jean Damascène: "La connaissance de Dieu est donnée naturellement à tous;
[s'agissant] d'une connaissance naturelle inculquée, personne ne peut penser
qu'Il n'est pas." Mais il faut savoir que l'on peut parler de deux
manières de la connaissance de Dieu, c'est-à-dire en soi et par rapport à nous.
Si c'est selon la première manière, alors on ne peut pas penser qu'il
n'est pas. En effet, aucune proposition ne peut être regardée comme fausse
selon sa nature, proposition dont le prédicat est inclus dans la définition du
sujet. Or il faut noter qu'en Dieu l'être est autre que dans les créatures, car
l'être de Dieu est sa substance. Donc celui qui dit Dieu en soi, dit son être
même; et c'est pourquoi en soi il ne peut être pensé ne pas être. Et le
raisonnement de Jean Damascène est expliqué: car ce qui est donné naturellement
est connu de manière indéterminée, c'est-à-dire que Dieu est, cependant non
comme Dieu connaît; au contraire, cette connaissance s'obtient par la foi. Dieu
se dit en grec Theós
et vient de théein, ce qui veut dire "pourvoir"
et "s'occuper avec sollicitude" de toutes choses; ou bien de aithein, qui
signifie "brûler" (car notre Dieu est un feu consumant toute malice
). Ainsi donc quelqu'un dit que Dieu n'est pas, lorsqu'il pense qu'il n'est pas
tout-puissant, et qu'il ne s'occupe pas des réalités humaines: "Qui est le
Tout-Puissant pour que nous le servions ?" On peut appliquer cela aux
Juifs disant que le Christ n'est qu'un simple homme et non Dieu: "Toi,
étant homme, tu te fais Dieu." Certains Juifs, ne croyant pas que lui-même
est celui qui était annoncé dans la Loi, disent: "Il n'est pas Dieu",
c'est-à-dire celui qui nous prêche n'est pas Dieu. Et l'insensé a dit cela, parce
qu'ils ont refusé d'accueillir la sagesse de Dieu en gardant les yeux du coeur
enténébrés: "Ils n'ont pas su et ils n'ont pas compris." - "Car
leur malice les a aveuglés." Ou bien c'est le pécheur qui est blâmé ici.
D'abord quant au péché commis dans le coeur par le consentement: L'insensé a dit.
Ensuite quant au péché commis en acte: Ils sont corrompus.
Enfin quant au péché commis par habitude: et sont devenus abominables.
Le psalmiste appelle d'abord le pécheur insensé, parce qu'il n'a pas la
sagesse, comme il le dit. Également, parce que les réalités spirituelles ne
sont pas sensées pour lui: "L'homme charnel n'accueille pas ce qui est de
l'Esprit de Dieu."
Ils sont corrompus
et sont devenus abominables par leurs oeuvres; il n'en est aucun qui fasse le
bien, il n'en est pas un seul.
2. Ensuite il
expose le progrès de leur malice: Ils sont corrompus et sont devenus abominables. De
même que les deux parties de la justice sont de faire le bien et d'éviter le
mal, ainsi les deux parties de l'injustice sont de faire le mal et d'éviter le
bien.
a) Et il expose
en premier lieu la première partie.
b) Puis la seconde.
a. Dans la
première il manifeste:
- La corruption des vices.
- Ensuite leur abomination.
- Dans les corps, il en résulte une corruption par l'exhalaison de la
chaleur naturelle chassée par la chaleur extérieure. Or la chaleur naturelle de
l'âme c'est l'amour de Dieu. Donc lorsque l'amour étranger de la convoitise
entre, ainsi que d'autres péchés, Dieu s'éloigne. Et c'est pourquoi lorsque le
psalmiste a dit: Il
n'est pas de Dieu, il ajoute aussitôt: Ils sont corrompus. - "Ils
ont renié le Seigneur et dit: "Ce n'est pas lui"", c'est-à-dire
celui qui réprouve les pécheurs, celui qui rémunère les justes: "Le coeur
du sot", c'est-à-dire du pécheur," est comme un vase brisé".
Corrompus sont donc les pécheurs à cause de leur action mauvaise: "Mais
leurs oeuvres étaient mauvaises", car après avoir perdu les biens gratuits
par leur consentement au mal, les réalités naturelles sont corrompues en eux;
et c'est pourquoi un châtiment leur échoit: "Le feu marchera devant lui,
et brûlera à l'entour de ses ennemis."
- De même, lorsqu'un corps pourrit, il devient abominable. Ainsi l'âme
humaine, aussi longtemps que l'amour de Dieu demeure en elle, est agréable à
Dieu; mais lorsqu'elle est corrompue par le péché, elle devient abominable.
Elle est abominable parce que la passion humaine l'en écarte; aussi dit-il: et ils sont
devenus abominables, c'est-à-dire les pécheurs sont devenus
abominables à Dieu et aux hommes par leur habitude de pécher: "Comme tu es
devenue vile, qu'il t'en coûte un peu de changer tes voies !" - "Ils
se sont égarés dans la confusion et sont devenus abominables comme l'objet de
leur amour." Et il a dit: par leurs oeuvres, car c'est par elles qu'ils
deviennent abominables. Ou bien, ils agissent avec application, selon Jérôme.
Car Dieu a davantage en abomination une volonté qui s'applique à pécher, que le
péché lui-même: "Ils se sont éloignés de lui comme de propos délibéré, et
ils ont refusé de connaître ses voies." Une autre version lit: "Corrumpunt et
abominati sunt studium (Ils sont corrompus et sont devenus
abominable par leur étude)", c'est-à-dire de la sagesse et de la science: "Parce
qu'ils ont haï la science, et qu'ils n'ont pas désiré la crainte de Dieu."
- "Tu verras des abominations encore plus grandes."
b. Puis il parle
de l'évitement du bien: Il n'en est [aucun] qui fasse le bien, car "il
n'y a pas de juste sur terre qui fasse le bien sans pécher". - Il n'y en a
pas jusqu'à un, c'est-à-dire le Christ, parce que lui seul n'a ni contracté, ni
commis de péché. La Bienheureuse Vierge, elle, a contracté le péché originel: "J'ai
trouvé un homme sur mille, mais je n'ai pas trouvé une femme entre toutes."
Ou bien: il
n'en est pas un seul, car il n'en est pas un seul qui accomplisse le
bien parfaitement. C'est vrai en supposant qu'ils ont dit: "Il n'est pas de
Dieu." Ils sont corrompus.
2 Le
Seigneur, du haut du ciel, a regardé les fils des hommes, afin de voir s'il en
est un d'intelligent ou qui cherche Dieu. 3a Tous se sont détournés, ensemble ils sont
devenus inutiles. Il n'en est pas un qui fasse le bien. Il n'en est pas un seul
B. Le psalmiste
commence ici par certifier la faute des ennemis.
- Puis il la fait connaître: 3b Leur gosier est un sépulcre ouvert.
- Le péché est certifié par leur iniquité; et c'est pourquoi il expose
ici l'observation attentive de Dieu, en disant: Vous, vous dites: Il n'est pas
de Dieu, mais c'est faux parce que le Seigneur, du haut du ciel, a regardé les fils des
hommes. - "Toutes les voies de l'homme sont pures à ses yeux."
Ainsi le Seigneur, Père, a regardé du haut du ciel, c'est-à-dire avec la
tendresse de son coeur, en envoyant son Fils: "Le ciel est mon trône." Ou
bien: du haut
du ciel, c'est-à-dire le Christ par qui il jugera les pécheurs. Ou
bien autrement: certains affirment que Dieu ne connaît pas les réalités singulières
et changeantes, parce qu'il est immatériel, simple et éternel. Et ainsi il ne
connaît pas selon le mode des réalités matérielles, mais selon le mode de sa
connaissance.
On répondra: au contraire, car il connaît les réalités matérielles de
manière immatérielle, comme en conclut Denys. Et c'est ainsi que l'intellect
connaît; aussi le psalmiste dit-il: du haut du ciel, c'est-à-dire de la hauteur
de sa dignité et de sa nature, il a regardé les fils des hommes. Et il veut
trouver en nous, en vertu de sa volonté antécédente qui veut que tous soient
sauvés, ce qui a trait au salut, c'est-à-dire que nous connaissions Dieu par
l'intelligence, que nous l'aimions par l'affection et que nous le désirions. Et
c'est pourquoi il dit: afin de voir, c'est-à-dire afin qu'il fasse
voir, car lui-même voit toujours, c'est-à-dire voit, s'il en est un d'intelligent, par
l'intelligence: "S'ils étaient sages, ils le comprendraient, ils
considèreraient la fin qui les attend." ou qui cherche Dieu, par
l'affection. Que trouvera-t-il quand il aura cherché ici-bas ? Le contraire:
car tous se
sont détournés. Et le psalmiste expose trois choses: l'aversion de
Dieu, l'oeuvre inutile, et la cessation du bien.
· Ainsi dit-il: Tous se sont détournés, c'est-à-dire de Dieu: "Je
sais qu'après ma mort vous agirez de manière tout à fait perverse et que vous
vous détournerez de la voie que je vous ai prescrite." - "Il n'y a ni
vérité, ni connaissance, ni miséricorde de Dieu dans le pays." - "Personne
ne parle comme il faut, aucun ne fait pénitence pour son péché."
· De même, par le fait qu'on se détourne de Dieu, on devient inutile:
car une chose est inutile dans la mesure où elle n'atteint pas ce pour quoi
elle a été faite. Or l'homme a été créé pour jouir de Dieu: "La nombreuse
postérité des impies sera sans utilité." Voilà pourquoi il dit: ensemble ils
sont devenus inutiles.
· De même, ils cessent de faire le bien, car il n'en est pas
un qui fasse le bien, etc. Ceci a été commenté.
3b Leur
gosier est un sépulcre ouvert; de leurs langues ils agissaient avec tromperie,
le venin des aspics sous leurs lèvres.
- Jérôme dit que l'Apôtre a utilisé le
témoignage de ces versets: Leur gosier est un sépulcre ouvert, etc. On
trouve aussi ces versets ailleurs dans la Sainte Écriture; dans l'épître aux
Romains , où l'Apôtre dit qu'il a emprunté une partie au livre d'Isaïe, une
autre à différentes parties du psautier et non point à ce psaume seulement,
puisque lui-même était hébreu et qu'il savait que cela ne figurait pas dans le
texte hébreu; cela figure cependant dans une version de la Vulgate qu'utilise
le peuple et qui n'est attribuée à aucune personne déterminée. Du sépulcre
ouvert s'exhale une mauvaise odeur, et c'est pour quoi le psalmiste a certifié
plus haut la malice ou la faute des ennemis; mais ici il la fait connaître, et
à cet égard il fait deux choses:
· Il commence par montrer comment les pécheurs sont inutiles aux
autres.
· Puis comment ils le sont vis-à-vis d'eux-mêmes: L'affliction et le malheur sont dans leurs
voies.
· En
montrant d'abord comment les pécheurs sont inutiles aux autres il indique deux
choses.
D'abord comment ils nuisent aux autres par la parole.
Ensuite comment ils nuisent aux autres par
l'action: leurs
pieds sont prompts, etc.
En disant comment ils nuisent aux autres par la parole il fait deux
choses:
Il expose d'abord la promptitude de leur bouche à nuire.
Puis leur manière de nuire: de leurs langues ils agissaient avec tromperie.
Ainsi dit-il: Leur gosier est un sépulcre ouvert. Or un tel
édifice n'est destiné à aucune autre utilité si ce n'est de recevoir des
cadavres; ainsi sa bouche qui est toujours prête à mortifier par la détraction
est-elle un sépulcre ouvert: "De leurs bouches s'échappaient du feu, de la
fumée et du soufre." Ou bien remarquez leur voracité, car leur gosier sert
aussi à manger.
Mais parfois ils nuisent par la tromperie, parfois par la malice, et
quelquefois par l'injure.
Et il expose d'abord la tromperie qu'ils ont
sur la langue. de
leurs langues, en parlant extérieurement avec flatterie: "Leur
langue est une flèche meurtrière, elle ne profère que la tromperie";
ensuite la tromperie qu'ils ont dans le coeur: le venin des aspics sous leurs lèvres. Un
venin caché cause la mort, mais le venin des aspics est incurable, et ce
serpent ne peut être charmé: "Semblable à un aspic sourd qui bouche ses
oreilles, qui n'écoutera pas la voix des enchanteurs, et du magicien qui charme
habilement", dont le venin tue en hypnotisant: "Il se trouvé dans mon
peuple des impies dressant des pièges comme l'oiseleur, afin de prendre les
hommes." Et de même: "Comme une cage pleine d'oiseaux, ainsi leurs
maisons sont remplies de tromperie." Par leur douce voix ils tendent des
pièges aux oiseaux. Dans ces mots sont signifiés leur cruauté, et leur
entêtement, et leur malice: leur cruauté, parce qu'ils s'efforcent de tuer;
leur entêtement, parce qu'ils ont toujours la haine dans leur coeur, et c'est
pourquoi il dit: le
venin des aspics, etc.
3c Leur
bouche est pleine de malédiction et d'amertume; leurs pieds sont prompts à
verser le sang.
Leur bouche est
pleine de malédiction. Ici le
psalmiste montre comment ils nuisent ouvertement, car c'est par des paroles
médisantes, et
d'amertume, c'est-à-dire par des paroles amères: "Tu ne
maudiras pas le sourd." Ou bien lorsque leur bouche dit contre Dieu des
paroles qui portent à l'injure ou qui incitent à la colère: "Son
rugissement est comme celui du lion."
prompts. Ici il montre comment ils nuisent en action: à verser le
sang. - "Leurs pieds courent au mal, et ils se hâtent pour
répandre le sang."
3d L'affliction
et le malheur sont dans leurs voies, et ils n'ont pas connu la voie de la paix;
la crainte de Dieu n'est pas devant leurs yeux.
· Ici le psalmiste montre comment ils se nuisent à eux-mêmes. Une
personne se nuit à elle-même de deux manières: en perdant le bien qu'elle
possède, et en étant privée de celui qu'elle espère.
Ainsi dit-il: L'affliction [est] dans leurs voies, parce que
le bien qu'ils ont est détérioré, et le malheur, parce qu'ils ne parviennent pas
au bien espéré, c'est-à-dire le bonheur: "La dévastation et la destruction
sont dans leurs routes, et ils n'ont pas connu le chemin de la paix; il n'y a
pas de droiture dans leur voie." Ou bien: L'affliction dans ce monde, le malheur après
la mort, lequel est opposé au bonheur: "Au jour du désastre le méchant est
épargné, et au jour de la colère il est mis à l'abri." Cela tient pour une
part au fait qu'ils s'opposent à l'amour du prochain, car ils n'ont pas connu la voie de la paix, c'est-à-dire
ce qu'elle est. Ou bien: ils n'ont pas connu la voie de la paix, c'est-à-dire
le Christ, car ses voies sont des voies de paix: "Ses voies sont voies de
délices, et tous ses sentiers paisibles." ils n'ont pas connu, car ils ont
tué le Christ lui-même en péchant.
Pour une autre part, cela tient au fait qu'ils s'opposent à l'amour de
Dieu; aussi dit-il: la crainte de Dieu n'est pas devant leurs yeux. Et
à cause de cela ils pèchent, car, selon ce qui est écrit dans les Proverbes: "Par
la crainte du Seigneur tout [homme] s'éloigne du mal." Donc parce qu'ils
n'ont pas cette disposition ils sont un sépulcre ouvert.
4
Est-ce qu'ils ne connaîtront point tous ceux qui commettent l'iniquité, qui
dévorent mon peuple comme on se nourrit de pain ? 5 ils n'ont pas
invoqué le Seigneur, là ils ont tremblé de crainte, là où il n'y avait pas de
crainte." Parce que le Seigneur est au milieu de la génération juste, vous
avez confondu le dessein de l'indigent; parce que le Seigneur est son
espérance.
II. Le psalmiste traite ici de l'espérance de sa
libération.
A) Et il commence
par montrer que les impies n'ont pas l'espérance, car il dit: Est-ce qu'ils ne
connaîtront point ?
B) Ensuite il
montre quelle est cette espérance: Qui donnera de Sion.
A. En montrant
que les impies n'ont pas l'espérance, le psalmiste fait deux choses:
1) Il commence
par montrer qu'ils ne connaissent pas cette espérance.
2) Puis il en
donne une preuve: le dessein de l'indigent.
1. Il pose
d'abord une question, y introduit la faute des impies et s'exprime ainsi: Je
dis qu'ils sont un sépulcre ouvert et que Dieu n'est pas dans leur coeur. Mais
auront-ils connaissance que le Seigneur est au milieu de la génération juste ?
Autrement dit: cela ils doivent en avoir connaissance, et en particulier que le
Seigneur est au milieu d'elle: "Tu es au milieu de nous, Seigneur, et ton
saint nom a été invoqué sur nous." - "Mais toi, tu habites dans le
lieu saint, louange d'Israël." Donc le Seigneur est en lui comme dans son
temple. Et tous
ceux qui commettent l'iniquité, c'est-à-dire à l'égard de Dieu. Et: qui dévorent mon
peuple comme on se nourrit de pain, c'est-à-dire quant au prochain
qu'ils dévorent en ôtant son bien: "Que chacun dévore la chair de son
prochain." - "Ils ont dévoré la chair de mon peuple, et ils lui ont
arraché la peau de dessus le corps." - "Le pain des indigents [c'est
la] vie des pauvres, celui qui l'enlève est un homme de sang." Ils n'ont pas
invoqué [Dieu], c'est-à-dire ils n'ont pas l'espérance divine. Et il
résulte de cela qu'ils n'ont pas la tranquillité, aussi dit-il: là ils ont
tremblé de crainte. - "L'impie s'enfuit sans que personne ne le
poursuive." - "Des bruits de terreur retentissent à ses oreilles, et
au sein de la paix il soupçonne toujours des embûches." Mais ceux qui
invoquent Dieu sont sauvés: "Quiconque invoquera le nom du Seigneur sera
sauvé." - "Le nom du Seigneur est une tour très forte." Donc ils
n'auront pas connaissance de telles choses, parce que le Seigneur est au milieu de la génération
juste.
2. Et il montre
qu'ils n'ont pas l'espérance en donnant une preuve; car vous avez confondu le dessein de
l'indigent, c'est-à-dire
vous l'avez regardé comme étant dans l'erreur, et vous avez blasphémé autant
qu'il vous était possible: et c'est le dessein de l'indigent qu'il sache que le Seigneur
est son espérance. - "Il a espéré dans le Seigneur, qu'il le
délivre, qu'il le sauve, puisqu'il le veut." Lui qui dit: "Si tu veux
être parfait, va, vends ce que tu as, donne-le aux pauvres, et tu auras un
trésor dans le ciel; puis viens et suis-moi." Les riches méprisent
toujours ce conseil: "Vous avez méprisé tous mes conseils, et vous ne
voulez pas de mes réprimandes." Et pourquoi ? parce que le Seigneur est son espérance, car
ils n'ont dans le monde aucune raison d'espérer si ce n'est en Dieu, et c'est
l'espérance des saints.
7 Qui
donnera de Sion le salut d'Israël ? Lorsque le Seigneur aura détourné la
captivité de son peuple, Jacob exultera, et Israël se réjouira.
B. Tous les
anciens attendaient ce salut: "Le sceptre ne sera pas ôté de Juda, ni le
prince de sa postérité, jusqu'à ce que vienne celui qui doit être envoyé, et
lui-même sera l'attente des nations." Mais il était attendu depuis Sion,
c'est-à-dire par les Juifs: "Le salut vient des Juifs." Mais quand ?
Réponse: nous aurons ce salut lorsque le Seigneur aura détourné la captivité de son
peuple, c'est-à-dire ceux qui sont sous la servitude du péché et
dans la prison de l'enfer: "Même à un puissant on enlève le butin et à un
homme fort on arrache la proie." Et alors que Jacob se réjouisse, c'est-à-dire le
peuple de Dieu, intérieurement; et qu'Israël exulte, extérieurement.
1 Psaume de David.
Seigneur, qui habitera dans ta tente,
qui se reposera sur ta sainte montagne ?
2 Celui qui marche sans tache et qui
pratique la justice. 3a Celui qui dit la vérité dans son coeur; 3b qui n'a pas
commis de tromperie par sa langue;
3c qui n'a pas fait de mal à son
prochain, et qui n'a pas accepté l'opprobre contre ses proches.
4a En sa présence le méchant a été
réduit à néant, mais il glorifie ceux qui craignent le Seigneur.
4b Celui qui fait serment à son prochain
et qui ne trompe pas; 5 qui n'a pas donné son argent à usure, et n'a pas
accepté des présents contre l'innocent. Qui accomplit ces choses ne sera pas
ébranlé pour l'éternité.
1
Psaume de David.
Seigneur, qui habitera
dans ta tente, qui se reposera sur ta sainte montagne ?
Plus haut le psalmiste a traité de la malice et de la tromperie de ses
adversaires; ici il traite de sa propre justice.
Et il montre en premier lieu quelle est la justice que Dieu agrée.
Ensuite, comme s'il rendait grâce, il montre quelle est sa propre
justice: "Conserve-moi."
Ce psaume s'intitule: Psaume de David. Dans ce psaume le psalmiste
fait deux choses, car il se comporte comme un prêtre qui consulte Dieu en sa
présence.
I) Il commence par poser une question.
II) Ensuite il donne une réponse: Celui qui marche
sans tache.
I. Il expose donc d'abord une double question:
car double est la condition de l'Eglise présente et future. La première est
celle de ceux qui militent: "Oui, dit l'Esprit, qu'ils se reposent."
Et ces conditions sont signifiées dans l'Ancien Testament. Car ils eurent
d'abord la tente , aussi longtemps qu'ils connurent les guerres et les labeurs:
"Lorsque le Seigneur eut donné à David du repos en le délivrant de tous
ses ennemis, le roi dit à Nathan: Vois donc ! Moi j'habite dans une maison de
cèdre, et l'arche de Dieu a été déposée dans la tente." Par la suite
Salomon éleva le temple, quand David eut obtenu la paix. Par la tente est
signifiée l'Église militante, par le temple érigé sur la montagne la condition
de la vie future; et c'est pourquoi il dit: qui habitera dans ta tente ?, c'est-à-dire
dans l'Église présente, autrement dit: qui est digne d'y habiter ? En effet les
pécheurs y habitent en nombre mais non point à cause de leur mérite. Une
version de Jérôme lit: "Quis peregrinatur ? (Qui séjournera ?)."
- "Dieu qui fait habiter dans une maison ceux qui ont un même esprit".
La seconde question est: qui se reposera sur ta sainte montagne ? Et on
dit montagne sainte, parce qu'il ne s'y trouve rien de souillé: "Que le
Seigneur te bénisse, demeure de la justice, montagne sainte." - "On
l'appellera la voie sainte." - "Tu les amèneras et les planteras sur
la montagne de ton héritage, dans la tente que tu as très solidement établie,
Seigneur."
2 Celui
qui marche sans tache et qui pratique la justice. 3a Celui qui dit la
vérité dans son coeur; 3b qui n'a pas commis de tromperie par sa langue.
II. Il donne ici la réponse, et à ce propos il
fait deux choses.
A) Il commence
par rappeler les mérites de ceux qui habitent en ces lieux, c'est-à-dire dans
la tente et sur la montagne sainte de Dieu.
B) Ensuite il
fait connaître la récompense: Qui accomplit ces choses ne sera pas ébranlé pour
l'éternité.
A. Il expose dix
effets des vertus. Mais l'action de l'homme vertueux est considérée de deux
manières: d'abord par rapport à lui, puis par rapport aux autres.
1) Le psalmiste
expose en premier lieu les actes par lesquels l'homme agit bien en soi.
2) Puis les actes
qui le disposent à bien se comporter vis-à-vis du prochain: qui n'a pas fait de mal à son prochain, etc.
1. En soi, quant
aux choses extérieures, en acte et en parole.
En acte, relativement à deux choses.
D'abord quand il fuit le mal; et c'est pourquoi il dit: il marche, c'est-à-dire
il s'avance dans la voie: "Je passerai dans le lieu du Tabernacle."
De même: "Bienheureux [ceux qui passent] immaculés dans la voie." sans tache, c'est-à-dire
mortelle, car le péché véniel ne laisse pas à proprement parler de tache: "Bienheureux
le riche qui est trouvé sans tache." Mais dans le Christ et dans la Vierge
Marie il n'y eut absolument aucune tache, aussi la tempérance leur est-elle
appropriée, car on se souille en péchant contre la tempérance/
Ensuite quand il fait le bien; et c'est pourquoi le psalmiste continue
en disant: et
qui pratique la justice, c'est-à-dire qui accomplit des actes que la
justice oriente; et ces actes se ramènent à la justice en tant qu'elle est une
vertu spéciale . En parole, d'abord quand il fait le bien: Celui qui dit la vérité, c'est-à-dire
qui accomplit le bien en parole: "Qui de vous pourra habiter auprès des
flammes éternelles ? Celui qui marche dans la justice, et qui dit la vérité."
Et il dit: dans
[le] coeur, contre ceux qui disent la vérité occasionnellement, non
selon l'intention: "Les lèvres véridiques demeureront." - "Ayant
renoncé à tout mensonge et toute tromperie, comme des enfants nouveau-nés."
Puis quand il évite le mal, c'est-à-dire la tromperie: "Leur langue est
une flèche meurtrière, elle a proféré la tromperie." qui n'a pas commis de tromperie par sa
langue. Selon une autre version: "qui non est facilis in lingua sua (qui
n'a pas sa langue diserte)". - "Une ville forcée et sans l'enceinte
de ses murailles, tel est l'homme qui ne peut maîtriser son esprit en parlant."
Selon encore une autre version: "et non est accusatio in lingua ejus (Et qui
n'accuse pas par sa langue)", c'est-à-dire parce qu'il n'est pas
détracteur ou rapporteur, ou bien parce que ses paroles ne sont pas blâmables: "Qu'aucun
discours mauvais ne sorte de votre bouche."
3c qui
n'a pas fait de mal à son prochain, et qui n'a pas accepté l'opprobre contre
ses proches.
2. Plus haut le
psalmiste a traité de l'action vertueuse que Dieu agrée, en énumérant les actes
par lesquels l'homme agit bien en soi; mais ici il énumère les actes qui le
disposent à bien se comporter vis-à-vis du prochain. Et il demande trois choses
à l'égard du prochain:
a) D'abord de ne
pas lui nuire.
b) Puis de ne pas
approuver celui qui nuit: "Ceux qui commettent de telles choses
(n'obtiendront pas le Royaume de Dieu; mais) ils sont dignes de mort, et non
seulement ceux qui les font, mais aussi ceux qui approuvent ceux qui les font."
c) Enfin de ne
pas le tromper.
a. Ainsi, en
demandant d'abord de ne pas nuire au prochain, il dit: qui n'a pas fait de mal à son prochain, ni
physiquement, ni spirituellement: "Ne rendez à personne le mal pour le
mal." - "Tandis que nous en avons le temps, faisons du bien."
b. En demandant
ensuite de ne pas approuver celui qui nuit il dit: et qui n'a pas accepté l'opprobre contre
ses proches. Quelqu'un vient-il à médire de son prochain, il ne faut
pas le soutenir; et c'est pourquoi il dit: qui n'a pas accepté l'opprobre, c'est-à-dire
quand celui qui entend des paroles qui font du tort, et que d'après ces paroles
il déteste celui à qui elles s'adressent, ou même lorsque lui-même les redit
aux autres: "As-tu entendu une parole contre ton prochain ? qu'elle meure
en toi, assuré qu'elle ne te déchirera pas." - "Entoure d'épines tes
oreilles, n'écoute pas la langue méchante." Selon Jérôme: "Celui qui
n'écoute pas n'est pas détracteur." Et Bernard dit: "Dénigrer ou
entendre dénigrer, qu'y a-t-il de plus répréhensible, je ne pourrais le dire
aisément." - "Le vent du nord enfante la pluie, et la langue médisante
un visage irrité"; car, littéralement parlant, celui qui dénigre cesse de
le faire quand, en entendant des paroles médisantes, il s'afflige.
4a En
sa présence le méchant a été réduit à néant, mais il glorifie ceux qui
craignent le Seigneur.
Ici il montre qu'il ne méprise pas. Dans l'homme cohabitent deux choses:
le vice et la vertu. Le vice doit être méprisé, aussi dit-il: le méchant, en
tant que tel, a
été réduit à néant, c'est-à-dire est compté pour rien, et c'est bien:
d'abord pour susciter l'émulation; car il arrive parfois qu'un méchant soit
exalté: "Pourquoi la voie des impies est-elle prospère, et le bonheur
est-il pour tous ceux qui prévariquent, et qui agissent iniquement ?" Mais
de cette façon il ne doit point le considérer comme grand, au contraire il doit
le mépriser: "La gloire de l'homme pécheur est fumier et ver: il s'élève
aujourd'hui et demain on ne le trouvera plus, car il sera retourné dans sa
poussière, et son dessein sera anéanti." Ou bien quelqu'un de grand a
l'intention de nuire; mais du fait qu'il est méchant, tu le méprises: car la
dérogation à de telles dispositions équivaut à l'approbation de notre conduite:
"Quand un camp se tiendrait contre moi, mon coeur ne craindra pas",
c'est-à-dire les pécheurs. Mais considère que l'homme vertueux est grand; voilà
pourquoi le psalmiste dit: mais il glorifie ceux qui craignent le Seigneur. - "Qu'il
est grand celui qui a trouvé la sagesse et la science ! Bien qu'il ne soit pas
au-dessus de celui qui craint le Seigneur." La Glose explique cela
autrement: "En sa présence le méchant a été réduit à néant",
c'est-à-dire "le diable a été vaincu par lui": "Vous avez vaincu
le Malin." Le Seigneur glorifie ceux qui craignent le Seigneur, c'est-à-dire
lui. Mais la première explication est plus littérale.
4b Celui
qui fait serment à son prochain et qui ne trompe pas; 5 qui n'a pas
donné son argent à usure, et n'a pas accepté des présents contre l'innocent.
Qui accomplit ces choses, ne sera pas ébranlé pour l'éternité.
c. Ici le
psalmiste s'oppose à ce que le méchant trompe le prochain. Et ce dernier est
trompé de trois manières:
- Dans les promesses, et cela par serment;
aussi dit-il: qui
fait serment, etc., c'est-à-dire qui affirme pour mieux tromper,
car il ne respecte pas son serment: "N'aimez pas le faux serment." - "Tu
ne jureras point par mon nom, ni ne profaneras le nom de ton Dieu." Jurer
ne relève pas de la vertu, mais bien l'acte d'observer un serment.
- De même dans les contrats, aussi dit-il: qui n'a pas donné son argent à usure -
"Prêtez sans rien espérer en retour." et n'a pas accepté des présents contre
l'innocent. - "L'impie reçoit des présents sous le manteau",
c'est-à-dire de l'Église, "pour pervertir les sentiers de la justice".
Dans le livre du Deutéronome, il est prescrit de ne pas prêter à usure à son
frère, car l'usurier vend ce qui n'est pas, puisqu'il n'en a pas la jouissance.
- De même dans les jugements, lorsqu'il publie une sentence contre les
innocents aussi dit-il: les présents. - "Malheur à ceux qui
justifient l'impie pour des présents." - "Le feu dévorera les tentes
de ceux qui acceptent vénalement des présents."
C. Ensuite le
psalmiste fait connaître la récompense du vertueux: Qui accomplit, c'est-à-dire qui
observe, toutes ces
choses énumérées. Il est écrit dans l'épître de Jacques: "Soyez
les observateurs de la parole." Et dans l'épître de Paul aux Romains: "Ce
ne sont pas les auditeurs de la loi qui sont justes devant Dieu, mais les
observateurs."
ne sera pas
ébranlé pour l'éternité, c'est-à-dire
celui-ci habitera sur ma sainte montagne: "Ceux qui mettent leur confiance
dans le Seigneur sont comme la montagne de Sion; celui qui habite Jérusalem
sera stable pour toujours." - "Il ne livrera pas éternellement le
juste à l'agitation."
1 Inscription du titre. De David
lui-même.
Garde-moi, Seigneur, parce que j'ai
espéré en toi. 2 J'ai dit au Seigneur: Tu es mon Dieu, car tu n'as pas besoin
de mes biens.
3 Pour ses saints qui sont sur sa terre,
il a fait paraître admirablement toutes mes volontés en eux.
4a Leurs infirmités se sont multipliées;
alors ils se sont hâtés.
4b Je ne réunirai point leurs assemblées
de sang, je ne me rappellerai pas leurs noms sur mes lèvres.
5 Le Seigneur est la part de mon
héritage et de ma coupe; c'est toi qui me rendras mon héritage. 6 Les cordes me
sont échues en des lieux de délices; aussi mon héritage est magnifique pour
moi.
7 Je bénirai le Seigneur qui m'a donné
l'intelligence; jusque dans la nuit mes reins m'ont repris. 8 Je prenais soin
d'avoir le Seigneur constamment devant mes yeux, parce qu'il est à ma droite de
peur que je ne sois ébranlé. 9a Pour cela mon coeur s'est réjoui, et ma langue
a exulté de joie.
9b Et de plus ma chair reposera dans
l'espérance. 10 Parce que tu ne délaisseras pas mon âme dans l'enfer; tu ne
permettras pas que ton Saint connaisse la corruption. 11 Tu m'as fait connaître
les voies de la vie; tu me combleras de joie par ton visage, délices à ta
droite pour toujours.
1 Inscription
du titre. De David lui-même.
Dans le psaume précédent le psalmiste a énuméré en détail la justice
que Dieu exige de l'homme; mais ici il montre comment il adhérait à la justice.
Ce psaume s'intitule comme suit: Inscription du titre. De David lui-même. Au
sens littéral, il signifie qu'il a été rédigé spécialement à propos de choses
qui regardent la personne de David. Mais parce que David représentait aussi la
personne du Christ qui devait naître de sa descendance, c'est pourquoi
certaines choses sont ici propres à David, d'autres sont dites au sujet du
Christ. Et c'est la raison pour laquelle lorsque l'apôtre Pierre cite les
versets de ce psaume: "Je voyais le Seigneur constamment en ma présence,
parce qu'il est à ma droite, afin que je ne sois pas ébranlé", il affirme
que ces paroles sont dites à propos de la résurrection du Christ, mais non au
sujet de David. Et suivant cela, il est question dans ce psaume du Nouveau
Testament où, selon les paroles de Jean, Pilate a fait placer ce titre
au-dessus de la tête du Christ mis en croix: "Jésus de Nazareth le roi des
Juifs"; et ce titre se présente comme l'emblème de son royaume. Un titre
est habituellement tracé selon trois manières: tantôt sur la tombe de
quelqu'un, pour signifier que c'est la sépulture de telle personne. Tantôt sur
une maison, pour signifier que c'est la maison d'un tel. Tantôt à l'occasion
d'un triomphe, comme cela se faisait à Rome. Et ce titre du Christ signifie
qu'il a triomphé par la croix: "Dépouillant les principautés et les
puissances, triomphant d'elles manifestement en lui-même." On signifie
donc ici qu'il est plus spécialement question dans ce psaume de la royauté du
Christ. Selon Jérôme le titre de ce psaume est: "Humilis et simplicis psalmus David (Psaume
de David pour les humbles et les simples)." Et l'on veut signifier par là
qu'il est question dans ce psaume de la simplicité et de l'humilité de David en
tant que telles, ou comme préfiguration, à savoir du Christ.
Garde-moi,
Seigneur, parce que j'ai espère en toi. 2 J'ai dit au Seigneur: Tu es mon Dieu, car tu n'as pas
besoin de mes biens.
Ce psaume se divise en deux parties.
I) Dans la première, le psalmiste montre en
parlant soit de lui, soit du Christ, qu'il adhère à Dieu seul.
II) Ensuite il rappelle les bienfaits qu'il a
reçus de Dieu: 7 Je
bénirai le Seigneur.
La première partie concerne la simplicité. La seconde, l'humilité.
I. Dans la première partie, le psalmiste fait
deux choses:
A) Il montre en
premier lieu qu'il adhérait à Dieu seul.
B) Ensuite il en
donne la raison: Le
Seigneur est la part de mon héritage.
A. En montrant
comment il adhère à Dieu seul il fait trois choses: Il montre d'abord comment
il se comporte vis-à-vis de Dieu. Puis comment il se comporte a l'égard des
saints de Dieu: 3 Pour ses saints. Enfin comment il se comporte vis-à-vis des
ennemis de Dieu: 4a Leurs infirmités se sont multipliées.
1. Il se comporte
à l'égard de Dieu en tant qu'il adhère à lui seul; et cela de deux manières,
par l'espérance et la foi: J'ai dit au Seigneur.
a. À propos de
l'espérance il expose deux choses, à savoir la preuve de son espérance et l'espérance
elle-même.
La preuve de son espérance, lorsqu'il dit: Garde-moi, c'est-à-dire en soi,
ou dans ses membres: "Père saint, garde en ton nom ceux que tu m'as
donnés." Et cela, parce que j'ai espéré en toi.
Mais le Christ a-t-il espéré ?
Il faut dire que oui. En vérité il a espéré la vie éternelle pour les
autres, mais pour lui la glorification de son corps. Quant à la glorification
de son âme, il l'a eue dès l'instant de sa conception.
b. J'ai dit, etc. Ici
le psalmiste expose d'abord son acte de foi. Ensuite il en donne la raison: car tu n'as pas
besoin de mes biens.
- L'acte de foi consiste à confesser Dieu,
soit en croyant dans le coeur, ou bien extérieurement en le louant, en
témoignant par des faits: "On croit de coeur pour la justice, et on confesse
pour le salut"; et c'est pourquoi j'ai dit, dans le coeur, par la bouche, et en
action: Tu es
mon Dieu, etc. - "Le Seigneur sera mon Dieu."
- Et la raison: car tu n'as pas besoin de mes biens. Le propre
de Dieu, c'est qu'il est d'une bonté infinie, et que rien ne peut lui être
ajouté, car il est le bien substantiel étendant sa bonté à toutes choses, comme
il en est du soleil et de la lumière, non par participation mais par son être
lui-même illuminant toutes choses. Au contraire, à n'importe quelle autre
créature on peut ajouter, même aux saints, et en raison de cela quelque chose
s'accroît en eux; et c'est ainsi que des biens nous manquent en quelque
manière, tandis que Dieu seul n'a pas besoin de nos biens: "Mais si tu es
juste, que lui donneras-tu ? Ou que recevra-t-il de ta main ?" Une version
de Jérôme lit: "Quoniam bene non est nobis sine te (Il ne nous
est pas bon de vivre sans toi)", autrement dit: puisque toi, tu es mon
Dieu, puisque toi, tu es la bonté, il est manifeste qu'il n'est pas bon pour
moi de vivre sans toi.
3
Pour ses saints qui sont sur sa terre, il a fait paraître admirablement toutes
mes volontés en eux.
2. Il montre ici
comment il se comporte vis-à-vis des saints, et on explique aussi ce verset en
l'appliquant à la personne du Christ. Il faut savoir que la volonté du Christ
est comme la volonté du Père, et qu'en tant qu'homme il accomplit la volonté du
Père: "Il est écrit de moi que je ferai ta volonté; mon Dieu, je l'ai
voulu." - "La volonté de Dieu, c'est votre sanctification." - "Je
suis descendu du ciel, non pour faire ma volonté, mais la volonté de celui qui
m'a envoyé. Or c'est la volonté de celui qui m'a envoyé, que de tout ce qu'Il
m'a donné, je ne perde rien, mais que je le ressuscite au dernier jour."
Or le Christ a voulu beaucoup de choses. Mais qu'a-t-il voulu ? Souffrir,
mourir, afin de nous faire vivre. Ainsi dit-il: Dieu le Père a fait paraître
admirablement toutes mes volontés, c'est-à-dire les a accomplies en eux admirablement.
En qui ? dans les saints qui sont sur sa terre, c'est-à-dire dans l'Église
militante et triomphante. Une version de Jérôme lit: "Sanctis qui sunt in terra et magnificis,
omnis voluntas mea in eis (Dans les saints qui sont sur la terre et
dans les souverains, toute ma volonté paraît en eux." Une autre version
lit: "robustis
(dans les puissants)". Et tout en admettant qu'un mortel mette
son espérance dans la puissance d'une armée robuste, David dit au contraire:
moi j'ai
espéré en toi. - "Qui a espéré dans le Seigneur et a été
confondu ?" Et mes hommes forts sont tes saints qui accomplissent de
grandes choses: "Mes yeux sont tournés vers les fidèles du pays", dit
le Christ, afin qu'ils siègent avec moi. Que le Christ lui-même aime les
saints, c'est manifeste: "Moi j'aime ceux qui m'aiment."
4a Leurs
infirmités se sont multipliées; alors ils se sont hâtés.
3. Ici le
psalmiste montre comment il se comporte à l'égard des adversaires de Dieu, ou
vis-à-vis des pécheurs.
a) Et il expose
d'abord leur conversion.
b) Puis comment
se réalise leur conversion: Je ne réunirai point.
a. Concernant la
conversion proprement dite il fait deux choses:
- Il expose l'état résultant de la faute précédente.
- Puis l'état dû à la grâce subséquente: alors ils se sont hâtés.
- Ainsi
dit-il: Leurs
infirmités se sont multipliées, c'est-à-dire leurs différents
péchés. Ou bien: Leurs
infirmités, c'est-à-dire les punitions dues au péché: "Mes
gémissements sont nombreux."
- Et en conséquence ils se sont hâtés, c'est-à-dire se sont
efforcés de prendre la vie à coeur pour racheter le temps perdu. Et ils font
cela expressément, parce que "là où le péché a abondé, la grâce a
surabondé", comme l'écrit l'Apôtre aux Romains. De même, après des
tribulations, l'homme court vers Dieu: "Dans leur tribulation dès le matin
ils se lèveront vers moi. Venez et retournons au Seigneur." - "Couvre
leurs faces d'ignominie, et ils chercheront ton nom, Seigneur."
4b Je
ne réunirai point leurs assemblées de sang, je ne me rappellerai pas leurs noms
sur mes lèvres.
b. Ici il expose
la manière dont cette conversion s'est réalisée.
- Il montre d'abord à quel rite ils se sont convertis.
- Puis comment ils l'ont fait parfaitement: je ne me
rappellerai pas, etc.
- Ainsi
dit-il: ils
se sont hâtés. Mais comment se sont-ils convertis ? Dans l'ancienne
Loi, ceux qui s'étaient convertis offraient divers sacrifices. Mais moi je les
réunirai de diverses contrées pour les amener vers un pays; mais non pour
qu'ils répandent le sang, car, comme l'écrit l'Apôtre: "Il est impossible
que les péchés soient enlevés par le sang des taureaux et des boucs." Je ne
réunirai point leurs assemblées de sang, c'est-à-dire selon la
pratique de la Loi; mais cette assemblée relève du sang nouveau, c'est-à-dire
du Christ: "Le Christ s'est offert une fois pour enlever les péchés d'un
grand nombre." - "Par une oblation unique, il a rendu parfaits pour
toujours ceux qui ont été sanctifiés." - "Toi aussi par le sang de
ton alliance tu as fait sortir tes prisonniers d'un lac qui est sans eau."
- Mais comment cette assemblée sera-t-elle parfaite ? C'est que je ne me
rappellerai pas leurs noms sur mes lèvres, parce qu'ils étaient en
état de péché, car l'un était dit fornicateur et l'autre bandit. Mais aucun ne
doit être appelé ainsi après sa conversion, parce que de tels noms sont
effacés. Ou bien, je ne me rappellerai pas de leurs péchés en jugement, lorsque
je rassemblerai les justes: "Venez, les bénis de mon Père." Et cela: sur mes lèvres, ou
bien par mes prédicateurs. Mais on dira à ceux qui seront à sa gauche: "Allez
maudits au feu éternel, qui a été préparé pour le diable et pour ses anges."-
"Si tu sépares ce qui est précieux de ce qui est vil, tu seras comme ma
bouche." Une version de Jérôme lit: "Multiplicata sunt idola eorum: post tergum
sequentium non libabo libamina eorum de sanguine, ne que assumam nomina eorum
in labiis meis (Leurs idoles se sont multipliées: derrière le dos de
ceux qui me harcèlent je n'offrirai pas leurs libations de sang, ni ne mettrai
leurs noms sur mes lèvres)", autrement dit: je t'adore, non les idoles.
Mais les idoles de ces derniers sont nombreuses: "J'ai multiplié derrière
ton dos ceux qui s'éloignent de toi." - "Ils m'ont tourné le dos, et non la
face, je ne participerai pas à leurs libations." - "Ils mangeaient la
graisse de leurs victimes, et buvaient leurs libations." Je ne jugerai pas
par ces idoles.
5 Le
Seigneur est la part de mon héritage et de ma coupe; c'est toi qui me rendras
mon héritage. 6 Les cordes me sont échues en des lieux de délices; aussi
mon héritage est magnifique pour moi.
B. Ici le psalmiste
donne la raison de son adhésion à Dieu seul. C'est parce que lui seul est son
héritage, autrement dit: la raison pour laquelle j'adhère uniquement à ce
dernier, c'est qu'il est mon héritage.
1) Il dit d'abord
que Dieu est son héritage.
2) Puis il le fait
valoir parce qu'il en est satisfait: aussi mon héritage est magnifique pour moi.
1. L'héritage
même dont nous jouissons est notre bien. Les hommes en ce monde sont en quête
de possessions ainsi que de leurs jouissances, tandis que (sa)
possession est Dieu; c'est pourquoi il dit: Le Seigneur est la part de mon héritage, incessible,
c'est-à-dire un héritage qui m'est échu en partage. Certains ont pour héritage
les plaisirs de la chair: "C'est là notre part, c'est là notre destinée."
Mais d'autres jouissent de différents plaisirs du monde, tandis que Dieu est ma
part: "Le Seigneur est mon partage, a dit mon âme." Et non seulement
il est mon héritage, mais la part de ma coupe, c'est-à-dire ma coupe qui
m'est échue en partage; car toute ma jouissance et mon breuvage c'est Dieu: "Ma
coupe est enivrante, comme elle est belle." Ou bien il s'agit du Christ
qui a les fidèles en héritage, et de cet héritage, c'est-à-dire des fidèles,
Dieu est la part, comme on l'a dit. Le Seigneur est la part de ma coupe, car
ma passion est ordonnée à Dieu. Lui-même est aussi le donateur de cet héritage:
c'est toi qui
me rendras mon héritage, c'est-à-dire celui de la gloire éternelle.
Et ainsi le Christ s'exprime au nom des siens qui ont perdu cet héritage par le
péché des premiers parents. Ou bien: héritage signifie la clarté du corps que
l'homme a perdue en péchant.
Les cordes me sont
échues en des lieux de délices. Les
riches mesurent la terre au cordeau: "Jacob est la corde de son héritage."
Et c'est pourquoi une part est assimilée à un cordeau, en ce sens que ma part
m'est échue parmi les choses les meilleures, car il n'y a rien de meilleur que
la possession de Dieu lui-même: "Je te donnerai une terre de délices, un
héritage magnifique."
2. Ensuite il
montre qu'il en est satisfait: aussi mon héritage est magnifique pour moi, autrement
dit: non seulement mon héritage est en soi magnifique, mais il est tellement
magnifique pour moi que je ne l'échangerais en aucune manière: "C'est le
lieu de mon repos pour toujours; ici j'habiterai, parce que je l'ai choisi."
7 Je
bénirai le Seigneur qui m'a donné l'intelligence; jusque dans la nuit mes reins
m'ont repris. 8 Je prenais soin d'avoir le Seigneur constamment devant
mes yeux, parce qu'il est à ma droite de peur que je ne sois ébranlé. 5a
Pour cela mon
coeur s'est réjoui et ma langue a exulté de joie.
II. Plus haut le psalmiste a exposé la raison
pour laquelle il adhérait à Dieu seul, c'est-à-dire parce que lui-même est la
part de son héritage; ici il se rappelle ses bienfaits.
A) Et il fait
d'abord connaître les bienfaits reçus.
B) Ensuite les
bienfaits à espérer.
A. Concernant les
bienfaits reçus il fait deux choses.
1) Il rappelle
d'abord les bienfaits reçus.
2) Puis il montre
la joie qu'il en conçoit: Pour cela mon coeur s'est réjoui.
1. Il rappelle un
double bienfait: l'un dans l'acquisition du bien, l'autre dans la préservation
contre les maux.
Au sujet de l'acquisition du bien il dit: Je bénirai le Seigneur qui m'a donné
l'intelligence afin que je comprenne que cet héritage éternel est
magnifique: "Donne-moi l'intelligence, et je scruterai ta loi." - "Je
te donnerai l'intelligence, et je t'enseignerai la voie par laquelle tu
marcheras." - "À celui qui m'a donné la sagesse je rendrai gloire."
Cependant le Seigneur a pourvu l'homme de la raison en vue de la
sagesse, mais il ne lui a pas totalement ôté sa faiblesse, parce que cela aura
lieu dans la gloire.
a) Et il commence
par manifester cette infirmité.
b) Puis il expose
le secours contre elle: Je prenais soin d'avoir le Seigneur constamment devant
mes yeux.
a. Tout homme a
reçu de Dieu avec la raison la lumière de l'intelligence, et il est justifié
par la lumière de la grâce; aussi le psalmiste dit-il: jusque dans la nuit mes reins m'ont repris,
c'est-à-dire mes infirmités, à savoir mes fautes ou mes péchés. Et
cela jusque
dans la nuit, c'est-à-dire jusqu'à la mort, mes reins m'ont repris, c'est-à-dire
ont montré que ma conduite était répréhensible. Au sens littéral, dans les
reins se trouve le siège qui excite la luxure, et il tracasse jusqu'à pousser à
la délectation. L'apôtre Paul écrit: "De crainte que la grandeur des
révélations ne m'élève, il m'a été donné un aiguillon en ma chair, un ange de
Satan pour me donner des soufflets." Mais dans le Christ il n'y a pas
d'infirmités dues à la faute, ou de souillure, car sa chair ne combat point
contre l'esprit; et c'est pourquoi ce verset s'applique uniquement au châtiment:
"Nous n'avons pas un grand prêtre impuissant à compatir à nos infirmités;
pour nous ressembler, il les a toutes", c'est-à-dire les infirmités
corporelles, "éprouvées, hormis le péché". Mais si l'on comprend ce
verset en l'appliquant à nous, il faut dire: Que l'homme qui a reçu le don de
l'intelligence, ou la grâce, dise encore avec l'Apôtre: "Je vois dans mes
membres une autre loi qui lutte contre la loi de la raison." Ou bien: mes reins, c'est-à-dire
les Juifs unis à lui, jusque dans la nuit, c'est-à-dire jusqu'à la
passion, ou jusque dans la passibilité de la chair. Et parce que la chair
redoutait la passion, moi dans cette passion, je prenais soin (providebam) d'avoir le
Seigneur constamment devant mes yeux, les yeux dirigés vers le ciel,
non vers le monde. La providence est la prévision des événements qui doivent se
dérouler dans le futur, mais la vision ou le regard concerne les réalités
présentes.
b. Mais si ces
reins combattent encore, il ne faut pas avoir peur, car le secours de Dieu est
prêt. Et c'est pourquoi le psalmiste expose d'abord le souvenir de ce secours
en disant: Je
prenais soin d'avoir le Seigneur constamment devant mes yeux, c'est-à-dire
lorsque mes
reins m'ont repris. - "Mes yeux sont toujours tournés vers le
Seigneur, car c'est lui qui tirera mes pieds du lacet." Et cela parce qu'il est
à ma
droite de peur que je ne sois ébranlé, non à ma gauche: "Le Seigneur
sera à tes côtés, et il préservera ton pied du piège." - "Proche est
celui qui me justifie: Qui disputera contre moi ? Comparaissons ensemble !"
2. Pour cela mon
coeur s'est réjoui - "Mon coeur a tressailli de joie dans le
Seigneur." - "Le juste se réjouira dans le Seigneur." et ma langue a
exulté de joie, extérieurement, avec une joie extérieure elle a fait
éclater un cri de louange: "Chantez au Seigneur car il a fait de grandes
choses." - "Criez de joie pour Dieu votre force."
9b Et
de plus ma chair aussi reposera dans l'espérance. 10 Parce que tu ne
délaisseras pas mon âme dans l'enfer; tu ne permettras pas que ton saint
connaisse la corruption. 11 Tu m'as fait connaître les voies de la vie; tu me
combleras de joie par ton visage, délices à ta droite pour toujours.
Ici le psalmiste énumère les bienfaits à espérer.
a) D'abord quant
à la résurrection de la chair.
b) Puis quant à
l'âme: Tu
m'as fait connaître.
a. À propos de la
résurrection de la chair, il expose deux choses:
- D'abord l'espérance.
- Ensuite le mode: Parce que tu ne délaisseras pas mon âme dans l'enfer.
- Ainsi
dit-il: tu m'as donné
l'intelligence, et tu te tiens auprès de moi qui suis un homme, mais
de plus ma
chair aussi reposera dans l'espérance de la résurrection: "Moi
je me suis assoupi et j'ai dormi." Et ma chair aura aussi l'espérance dans
la résurrection: "Leur espérance est pleine d'immortalité."
- La raison est due au fait que la résurrection requiert l'union du
corps et de l'âme; et c'est pourquoi l'âme unie à la divinité n'a pas dû
demeurer dans les enfers, mais elle devait s'y tenir jusqu'au moment où la
vérité de son humanité serait prouvée, tout comme la vérité de sa chair; pas
plus qu'elle ne devait être abandonnée dans les enfers, où elle était descendue
pour libérer les saints: "Je pénétrerai toutes les profondeurs de la
terre, je visiterai tous ceux qui dorment, et j'éclairerai tous ceux qui
espèrent dans le Seigneur." Semblablement du côté du corps, car tu ne permettras
pas que ton Saint, c'est-à-dire mon corps sanctifié par toi, connaisse la
corruption, c'est-à-dire de la putréfaction ou de la décomposition
qu'il n'a pas subie; mais il a subi la corruption de la mort.
b. Il rappelle
les bienfaits relatifs à l'âme, lorsqu'il dit: Tu m'as fait connaître. Cela
s'applique au Christ pour ses membres, et ce sont les enseignements et les
préceptes qui sont le chemin conduisant à la béatitude: "Garde mes
préceptes, et tu vivras"; et c'est pourquoi il dit: Tu m'as fait connaître les voies de la vie.
Puis il rappelle le bienfait qui est au terme du chemin: et à ce
propos il mentionne trois choses.
- D'abord la vision plénière de Dieu: tu me combleras de joie par ton visage, c'est-à-dire
je verrai ton visage: "Présentement je connais partiellement",
c'est-à-dire imparfaitement, "mais alors je connaîtrai face à face."
- Ensuite la joie parfaite: "Afin que votre joie soit parfaite."
- Car les délices du souverain bien sont intarissables, puisqu'elles
sont à ta
droite pour toujours. - "Une allégresse éternelle couronnera
leur tête; ils posséderont la joie et l'allégresse, et la douleur et le
gémissement s'enfuiront d'eux." - "Longueur de jours dans sa droite,
et dans sa gauche richesse et gloire."
1 Prière de David.
Exauce, Seigneur, ma justice, sois
attentif à ma supplication. De tes oreilles perçois ma prière qui n'est pas
proférée par des lèvres trompeuses. 2 Que mon jugement sorte de ton visage, que
tes yeux voient l'équité. 3 Tu as éprouvé mon coeur, et tu l'as visité pendant
la nuit; tu m'as examiné par le feu, et l'iniquité ne s'est pas trouvée en moi.
4 Afin que ma bouche ne parle pas des oeuvres des hommes; à cause des paroles
de tes lèvres moi j'ai gardé des voies dures. 5 Rends parfaits mes pas dans tes
sentiers, afin que mes pieds ne soient pas ébranlés.
6 Moi j'ai crié parce que tu m'as
exaucé, ô Dieu; incline ton oreille vers moi et exauce mes paroles.
7 Signale tes miséricordes, toi qui
sauves ceux qui espèrent en toi. 8 De ceux qui résistent à ta droite, garde-moi
comme la prunelle de l'oeil. Sous l'ombre de tes ailes protège-moi, 9a contre
la face des impies qui m'ont affligé.
9b Mes ennemis ont encerclé mon âme, 10
ils sont enfermés dans leur graisse, leur bouche exprime l'orgueil. 11 M'ayant
chassé, maintenant ils m'ont encerclé; ils ont résolu d'abaisser leurs yeux
vers la terre. 12 Ils m'ont saisi comme un lion prêt [à dévorer] sa proie; et
comme le petit d'un lion habitant dans des lieux cachés.
13 Lève-toi, Seigneur, préviens-le et
supplante-le; arrache mon âme à l'impie, 14 ton épée aux ennemis de ta main.
Seigneur, sépare-les dans leur vie du petit nombre; et leur ventre a été rempli
de tes [biens] cachés. Ils ont été rassasiés d'enfants, et ils ont laissé leurs
restes à leurs petits enfants.
15 Mais moi dans la justice
j'apparaîtrai devant toi, je serai rassasié quand apparaîtra ta gloire.
1
Prière de David.
Exauce, Seigneur,
ma justice, sois attentif à ma supplication. De tes oreilles perçois ma prière
qui n'est pas proférée par des lèvres 2 trompeuses. Que mon jugement sorte de ton visage, que tes
yeux voient l'équité. 3 Tu as éprouvé mon coeur, et tu l'as visité pendant la
nuit; tu m'as examiné par le feu, et l'iniquité ne s'est pas trouvée en moi. 4 Afin que ma
bouche ne parle pas des oeuvres dés hommes; à cause des paroles de tes lèvres
moi j'ai gardé des voies dures. 5 Rends parfaits mes pas dans tes sentiers, afin que mes
pieds ne soient pas ébranlés.
Le psalmiste
a décrit plus haut la justice divine et il a montré qu'il l'observait; ici il
expose une prière dans laquelle il demande d'être exaucé à cause de la justice.
Le titre de ce psaume est: Prière de David. Et c'est le premier psaume
qui a pour titre la prière , parce que ce dernier a été composé tout entier
sous la forme d'une prière; et le psalmiste commence par la prière, parce
qu'elle est l'unique refuge au milieu des tribulations: "Au lieu de
m'aimer, ils disaient du mal de moi; mais moi je priais."
Ce psaume se divise en deux parties.
I) Dans la première le psalmiste prie pour sa
propre stabilité;
II) dans la seconde il demande sa délivrance du
mal: Moi j'ai crié.
I. En priant d'abord pour sa propre stabilité il
fait deux choses.
A) Il commence
par demander d'être exaucé.
B) Ensuite il
expose sa demande: Que mon jugement sorte de ton visage.
A. Or il faut
considérer que dans l'exaucement il y a une triple gradation:
1) D'abord celui
à qui s'adresse la demande écoute les paroles.
2) Ensuite il
prête attention à leur sens.
3) Enfin il
satisfait la demande.
1. Ainsi
demande-t-il d'abord d'être exaucé, en disant: Exauce, Seigneur, ma justice. - "Exauce,
Seigneur Dieu, la prière de ton serviteur." Puis dans l'exaucement il
expose le mérite de celui qui demande; et c'est pourquoi il dit: ma justice, autrement
dit: en moi se trouve le mérite, si bien que tu m'exauces. La Glose commente:
"La justice fait entendre sa voix auprès de Dieu, voix qui pénètre le
ciel." - "La supplication fervente du juste a beaucoup de puissance."
- "Dieu n'écoute pas les pécheurs, mais si quelqu'un honore Dieu et fait
sa volonté, c'est celui-là qu'il exauce."
2. Ensuite il
demande d'être attentif au sens de sa prière: sois attentif à ma supplication. La
Glose commente:
"Supplication qui est faite en vue de détourner les maux." Une autre
version lit: "Intende ad canticos meos (Sois attentif à mes
chants)", comme s'il disait: sois attentif à l'intelligence spirituelle:"
Que tes oreilles se fassent attentives à la voix de ma supplication."
3. Enfin il
demande d'écouter les paroles de celui qui prie; et c'est pourquoi il dit: De tes oreilles
perçois ma prière, qui est proférée non par des lèvres trompeuses, mais
par des lèvres innocentes: "Il n'y a pas de fraude dans sa bouche."
Cependant puisque Dieu entend toutes choses, pourquoi dit-on qu'il
écoute certaines choses et d'autres non ?
Il est écrit dans la Sagesse: "L'Esprit-Saint éducateur fuira
l'astuce, et s'éloignera des raisonnements qui sont dépourvus d'intelligence."
On dit de Dieu qu'il écoute en tant que les paroles sont vraies, et non en tant
qu'elles procèdent de lèvres trompeuses; c'est pourquoi il dit: non par des lèvres
trompeuses. - "Lèvres trompeuses, avec un coeur et un coeur,
ils parlent." Et ainsi le mot trompeur a une double acception. Car il
signifie une dissimulation à l'égard de la bouche, et une dissimulation à
l'égard de l'action, puisque l'action ne concorde pas avec la bouche. Le
pharisien qui disait: "Je ne suis pas comme le reste des hommes, qui sont
voleurs, injustes, adultères; ni même comme ce publicain. Je jeûne deux fois la
semaine; je paie la dîme de tout ce que je possède", ne fut pas exaucé;
mais l'autre qui priait non avec des lèvres trompeuses mais avec droiture, fut
exaucé, car il "descendit justifié dans sa maison". La Glose commente:
"Les lèvres trompeuses sont celles qui disent: Seigneur, Seigneur, et qui
ne font pas la volonté de mon Père."
B. de ton visage. Un
juge ne profère une sentence qu'après avoir entendu une plainte et examiné une
cause. Et c'est pourquoi celui-ci (le psalmiste) expose sa demande; et il
demande trois choses:
1) D'abord une
sentence.
2) Ensuite
l'examen de la cause: Tu as éprouvé.
3) Enfin la
qualité de la sentence: Rends parfaits.
1. Au sujet de la
sentence il fait deux choses:
a) Il sollicite
d'abord le jugement.
b) Ensuite il
demande qu'il soit exercé avec une juste mesure: que tes yeux.
a. Ainsi dit-il: Que de ton
visage, c'est-à-dire que de ta connaissance, sorte mon jugement, c'est-à-dire
en ma faveur: "Corrige-moi, Seigneur, mais selon la justice, non dans ta
colère, pour me réduire à néant." Et ce dernier demande que le jugement ne
soit pas exercé avec sévérité: "Toutes vos justices sont souillées comme
un vêtement", mais qu'il soit équitable, proportionné à la souffrance de
la nature humaine.
b. Et c'est
pourquoi il dit: que
tes yeux voient l'équité, c'est-à-dire exercent un jugement
équitable: "Il prononcera avec droiture en faveur des humbles de la terre."
- "Qu'il fasse valoir l'équité contre moi, et mon jugement aboutira à la
victoire"; autrement dit: je ne demande pas de jugement, parce que ma
cause a été examinée devant toi.
2. Que sa cause a
été examinée devant lui, il le montre lorsqu'il dit: Tu as éprouvé, etc.
a) Et il expose
d'abord le déroulement de l'examen.
b) Ensuite il
fait connaître ce qui a été découvert: et l'iniquité ne s'est pas trouvée en moi.
a. Ainsi dit-il: Tu as éprouvé
mon coeur. Il y a une différence entre éprouver et examiner.
Éprouver consiste à chercher le fondement d'un fait, examiner consiste à
chercher le fait lui-même. Or le fondement d'un fait a trait davantage au
coeur, tandis que le fait lui-même concerne davantage le corps. Il dit donc: Tu as éprouvé
mon coeur, c'est-à-dire tu l'as montré éprouvé, car il n'a pas été
troublé à cause des tribulations dont je souffre. Lorsque Dieu examine, il fait
trois choses. Il éprouve, il visite, et il examine. Il éprouve lorsqu'il
discerne s'il a la rectitude du coeur: car s'il ne l'a pas, il ne se met pas en
peine d'examiner; mais s'il l'a, il lui faut examiner s'il a la constance: "C'est
moi, le Seigneur, qui scrute les coeurs et sonde les reins, qui donne à chacun
selon sa voie." Mais cet examen est rigoureux et ferme, au point que nul
n'y résisterait sans être aidé par lui: "Quelle est donc ma force pour que
j'attende, ou quelle est la durée de mes jours, pour que j'aie patience ?"
Et c'est pourquoi il le fait précéder d'une visite: "Je visiterai avec la
verge", ou bien en aidant, ou bien en corrigeant. tu l'as visité pendant la nuit. Mais
cela peut aussi être compris comme à travers la nuit et à travers le feu, parce
qu'il trouble l'âme: "La nuit mes os sont transpercés par les douleurs ~";
et l'incendie agit de la même manière. Ou bien: pendant la nuit, c'est-à-dire à
cause du manque d'intelligence spirituelle. Parfois quelqu'un a le coeur droit,
mais une tentation lui survient et il verse dans l'insouciance; et cela a lieu
pendant la nuit: et le Seigneur le visite pendant cette nuit en l'aidant contre
les tentations, il secoue son insouciance et le réconforte: "Lorsque ma
force sera épuisée, ne m'abandonne pas." Ou bien: pendant la nuit, c'est-à-dire
pendant le repos et le silence, et alors le Seigneur le visite par des
consolations: "Au milieu de la nuit, un cri s'éleva: Voici l'époux qui
vient." tu
as examiné par le feu, c'est-à-dire par la tribulation, car c'est
alors qu'on voit si l'ami est bon, et ne s'éloigne pas: "Tel est ami en
son temps, et ne le restera pas au jour de la tribulation." Or par cet
examen on découvre s'il y a innocence et perfection, car Dieu examine si
l'innocence se trouve en lui. Or il s'avère qu'elle se trouve en lui.
Et il expose d'abord son innocence.
Ensuite sa perfection: l'iniquité ne s'est pas trouvée en moi.
Mais on objectera ces paroles de Jean: "Si nous disons que nous
n'avons pas de péché, nous nous trompons nous-mêmes, et la vérité n'est pas en
nous." Celles des Proverbes: "Qui peut dire: Mon coeur est pur ?"
De l'Ecclésiaste: "Il n'y a pas d'homme juste sur la terre qui fasse le
bien sans pécher." Et la Glose commente: "Pas même l'enfant d'un
jour."
Il faut répondre en disant qu'il parle de l'iniquité du péché à cause
de laquelle il s'éloigne de Dieu dans la tribulation.
b. La perfection
de l'innocence est trouvée en lui, en tant qu'il ne parle pas des oeuvres des
hommes, c'est-à-dire du péché, autrement dit: non seulement
l'iniquité n'est pas dans son coeur, mais elle ne se trouve pas non plus dans
sa bouche: "Vous ne trouverez pas d'iniquité sur ma langue, l'iniquité ne
retentira pas sur mon palais." - "Qu'aucun discours mauvais ne sorte
de votre bouche." Ou bien on peut ponctuer la phrase ainsi: l'iniquité ne
s'est pas trouvée en moi, [pour que] ma bouche ne parle pas, avec ce
qui suit: des
oeuvres des hommes, etc., autrement dit: Toi, tu as vu qu'il n'y a pas
d'iniquité en moi; et cela, parce qu'il ne convient pas que je parle, mais toi
tu as vu cela: "Qu'un autre te glorifie et non ta bouche; un étranger et
non tes lèvres." Une version de Jérôme lit: "Probasti cor meum, visitasti nocte;
conflasti me, et non invenisti cogitationes meas ascendere super os meum (Tu
as éprouvé mon coeur, tu m'as visité la nuit; tu m'as passé au feu, et tu n'as
pas trouvé mes pensées monter sur ma bouche)", autrement dit: le trouble
n'a pas progressé jusqu'à passer du coeur à la bouche par des murmures.
Ensuite il fait connaître par quel feu il a été examiné, lorsqu'il dit:
à cause des
paroles de tes lèvres moi j'ai gardé des voies dures. Les voies
dures sont les adversités; et j'ai supporté cela à cause des paroles de tes lèvres, c'est-à-dire
afin de garder tes paroles, ou de les annoncer: "La parole du Seigneur est
devenue [un objet d']opprobre et de dérision." Une version de Jérôme lit: "vias latronis (les
voies du bandit)". Les bandits cherchent des repaires pour se cacher:
c'est ce que fit David lorsque Saül le poursuivait: "Lui qui a rendu mes
pieds comme ceux des cerfs." Au sens spirituel on l'applique au Christ
puni comme malfaiteur parmi des bandits: "Si ce n'était pas un malfaiteur,
nous ne te l'aurions pas livré." Si tu commences le verset ici: à cause des
oeuvres des hommes j'ai gardé des voies dures, tu diras que ce sont
les voies dures qui sont les oeuvres des hommes: "Je te montrerai la voie
de la sagesse, je te conduirai par les sentiers de la droiture. Dans ta marche,
tes pas ne seront pas à l'étroit."
3. Ensuite il
précise ce qu'il demande: Rends parfaits mes pas dans tes sentiers, c'est-à-dire
ceux de ta justice: "Où est ta force, ta patience, et la perfection de tes
voies ?" Et cela, afin que mes pieds, c'est-à-dire mes sentiments, ne
soient pas ébranlés par tes commandements. Ou bien le Christ demande pour
l'Église que ses pas soient parfaits, et que ses pieds, c'est-à-dire les
sacrements, ne soient pas ébranlés. De même, lorsque par des actes sont
engendrés des habitus, des traces d'actes sont laissées dans la volonté. Ou
bien au sens littéral, David demande qu'il ne soit pas précipité des escarpements
sur lesquels il passait en fuyant Saül. Saül le poursuivait à travers des
rochers très abrupts. Une autre version lit: "Sustenta gressus meos in callibus tuis et
non labentur vestigia mea (Soutiens mes pas dans mes sentiers, et
mes pieds ne glisseront pas)." Ou bien le Christ en tant qu'homme est
parvenu à sa perfection dans la gloire de la divinité sempiternelle: "Glorifie-moi,
Père, auprès de toi, de la gloire que j'avais auprès de toi avant que le monde
fût."
6 Moi
j'ai crié parce que tu m'as exaucé, ô Dieu; incline ton oreille vers moi et
exauce mes paroles.
II. Plus haut le psalmiste a demandé d'être
affermi dans le bien; mais ici il demande d'être délivré du mal, et à cet égard
il fait trois choses:
A) Il commence
par demander d'être exaucé dans sa demande.
B) Puis il
l'expose: 7 Signale
tes miséricordes.
C) Enfin il
manifeste l'exaucement de sa demande: 15 Mais moi dans la justice, etc.
A. En demandant
d'être exaucé dans sa demande il fait deux choses:
1) Il fait
connaître l'espérance qu'il a conçue de Dieu.
2) Ensuite, en
s'appuyant sur cette espérance, il demande d'être exaucé: incline ton oreille.
1. Ainsi dit-il: Moi j'ai crié. Il
semble que l'ordre soit inversé, car il paraît mieux convenir de dire: parce
que j'ai crié, tu m'as exauce. Et c'est pourquoi on explique ces mots de trois
manières.
a. Selon une
première manière, d'après la Glose: "Moi j'ai crié. Par le cri,
l'intention de l'esprit s'exprime avec plus de force, et elle est libre."
Alors donc ils crient ceux qui prient avec une grande piété, et avec liberté de
coeur. Et pourquoi cela ? parce que tu m'as exaucé, c'est-à-dire en
donnant la liberté. Selon Grégoire: "Dieu n'exauce personne sans inspirer
quelqu'un de le prier, c'est-à-dire l'âme par une certaine piété." - "Mon
âme a brûlé du désir de tes commandements en tout temps."
b. Selon une
autre manière, d'après Augustin, dans la Cité de Dieu, ce mot parce que ne désigne pas la
cause mais le signe, autrement dit: le fait que j'ai crié c'est le signe que tu
m'as exaucé.
c. Selon une troisième
manière, lorsque quelqu'un est exaucé une première fois, il demande de nouveau
avec plus de confiance. Et c'est pourquoi il dit: Parce que tu as exaucé, moi
j'ai crié. Une
version de Jérôme lit clairement: quoniam exaudies (parce que tu exauceras). Le
psalmiste unit toujours ces deux choses, le cri et l'exaucement, car celui qui
crie ainsi est exaucé: "Dans ma tribulation j'ai crié vers le Seigneur, et
il m'a exaucé." - "J'ai crié vers toi, j'ai dit: Toi tu es mon
espérance."
2. Ensuite il
demande d'être exaucé. Et celui qui exauce écoute d'abord, c'est pourquoi il
dit: incline.
Si le Seigneur se trouve en un lieu élevé, il faut qu'il incline
l'oreille pour entendre celui qui est en bas. Le Seigneur est assis dans sa
majesté, et s'il veut agir en notre faveur selon la grandeur de sa justice,
nous serons sauvés, car "toutes nos justices sont souillées comme un
vêtement". Et c'est pourquoi il faut qu'il s'incline, et alors il exaucera:
"Incline, Seigneur, ton oreille et écoute."
7 Signale
tes miséricordes, toi qui sauves ceux qui espèrent en toi. 8 De ceux qui
résistent à ta droite, garde-moi comme la prunelle de l'oeil. Sous l'ombre dé
tes ailes protège-moi, 9a contre la face des impies qui m'ont affligé.
B. Le psalmiste
expose ici sa demande. Et elle est double:
1) La première
est relative à sa libération.
2) La seconde au
renversement de ses ennemis.
1. À propos de sa
demande d'être libéré il fait deux choses:
a) Il demande
d'abord sa libération.
b) Puis il en
expose la nécessité: 9b Mes ennemis.
a. En sollicitant
sa libération il fait trois choses:
- Il demande la miséricorde.
- Puis il justifie son salut: toi qui sauves ceux qui espèrent en toi.
- Enfin il fait connaître le mode de sa libération: garde-moi comme
la prunelle de l'oeil.
- Ainsi il dit: Signale. Le fait que quelqu'un soit délivré
d'un adversaire peu important n'est pas une chose étonnante; mais lorsque
quelqu'un est délivré d'un très grand mal, ou d'un ennemi redoutable, voilà qui
est étonnant. Et c'est ce qu'il demande: Signale, c'est-à-dire libère-moi de manière
étonnante. Et ce, non point selon le jugement de l'homme, mais selon ta
miséricorde. - "Renouvelle les prodiges, et reproduis les merveilles;
glorifie ta main et ton bras droit. Excite ta fureur et déverse ta colère,
extermine l'adversaire et renverse l'ennemi."
- Et la raison de cette demande, c'est ton effet et ta propriété: toi qui sauves
ceux qui espèrent en toi. - "Qui a espéré dans le Seigneur, et
a été confondu ?" Et tu sauves. De ceux qui résistent à ta droite. La droite de
Dieu est sa puissance qui opère spirituellement dans les biens: "Longueur
de jours en sa droite, et en sa gauche, richesses et gloire." Sont dits
résister à la droite de Dieu les démons ou les pécheurs qui mettent des
entraves aux réalités spirituelles. Ou bien on appelle droite de Dieu le Christ:
"La droite de Dieu a déployé sa force." Les Juifs lui ont résisté en
s'opposant à sa doctrine: "Comment celui-ci est-il savant alors qu'il n'a
pas étudié ?" et en dénigrant son activité: "Ce n'est pas un homme qui
vient de Dieu, puisqu'il ne garde pas le sabbat." - "C'est par
Béelzébud, prince des démons, qu'il chasse les démons."
Mais il y a une objection à faire contre ce psaume. En effet il est
aussi écrit: "Toi, tu es terrible, et qui te résistera ?" Donc personne
ne peut s'opposer à sa volonté: "Dieu dont rien ne peut résister à sa
colère."
On répondra en disant que nul ne peut efficacement lui résister, mais
on peut avoir la volonté ou l'intention de lui résister.
- Ensuite il expose le mode de sa libération, car elle se fait avec
attention et avec sécurité; c'est pourquoi il dit: garde-moi comme la prunelle de l'oeil. La
prunelle de l'oeil est gardée avec soin, car on ne laisse rien approcher qui
puisse la blesser; et Dieu agit semblablement en gardant son serviteur: "Il
l'a entouré, et il l'a éduqué et il l'a gardé comme la prunelle de son oeil."
- "Qui vous touche, touche à la prunelle de mon oeil." Ou bien, selon
la Glose,
"la prunelle de l'oeil signifie le Christ qui dirige. La vertu se voit
dans la prunelle où nous discernons le bien du mal, et le Christ discerne les
fidèles des infidèles, et les méchants des bons." Pour faire connaître
cette vigilance attentive, le psalmiste se sert d'une double métaphore,
c'est-à-dire de l'ombre et des ailes. Car l'ombre soulage de la chaleur, et la
protection soulage de la même manière en procurant la sécurité. De même que la
poule protège ses petits de ses ailes contre l'oiseau de proie, ainsi aussi
Dieu défend les justes de la rapacité des démons avec ses ailes, qui sont sa
gloire et sa miséricorde: "Combien de fois ai-je voulu vous rassembler
comme une poule rassemble ses petits sous ses ailes, et vous n'avez pas voulu."
Donc Dieu nous élève vers les réalités célestes avec ces ailes: "La
miséricorde et la vérité précéderont ta face; heureux le peuple qui connaît la
jubilation." - "Je t'ai aimée d'un amour éternel, c'est pourquoi je
t'ai attirée, en te faisant miséricorde." Ou bien, la prunelle de l'oeil
signifie l'âme; car de même que la prunelle, qui est au milieu de l'oeil, est
entourée de plusieurs membranes pour sa protection, et que l'homme met sa main
devant elle, ou presque tout ce qu'il a, de crainte de la blesser; ainsi
doit-il agir vis-à-vis de son âme: "Peau pour peau ! L'homme donne ce
qu'il possède pour conserver sa vie", car, comme le dit Marc: "Que
servira-t-il à l'homme de gagner le monde entier, s'il perd son âme ?" Ou
bien: garde-moi,
comme la prunelle de l'oeil, c'est-à-dire comme le Christ. Sous l'ombre de
tes ailes protège-moi, c'est-à-dire sous la garde des anges: "Il
ordonnera pour toi à ses anges de te garder dans toutes tes voies." Ou
bien les deux ailes sont les deux bras du Christ étendus sur la croix: "Il
a déployé ses ailes, et l'a pris, et il l'a porté sur ses épaules."
Ensuite il montre de qui il convient qu'il soit libéré, car il dit: contre la face
des impies qui m'ont affligé, c'est-à-dire du pouvoir et de la
présence des démons, ou des faux frères: "Dans des périls parmi de faux
frères." qui
m'ont affligé, par les tentations et les persécutions: "Les
Égyptiens haïssaient les enfants d'Israël et ils les accablaient en les
outrageant." De même nous, nous devons demander d'être libérés du péché: "Comme
à la vue d'un serpent, fuis les péchés."
9b Mes
ennemis ont encerclé mon âme, 10 ils sont enfermés dans leur graisse, leur bouche exprime
l'orgueil. 11 M'ayant chassé, maintenant ils m'ont encerclé; ils ont
résolu d'abaisser leurs yeux vers la terre. 12 Ils m'ont saisi comme un lion prêt [à
dévorer] sa proie; et comme le petit d'un lion habitant dans les lieux cachés.
b. Ici le
psalmiste expose la nécessité de sa libération, et à ce propos il fait deux
choses.
- Il commence par faire connaître l'affliction dont il souffre.
- Puis il expose une comparaison pour expliquer cette affliction: Ils m'ont saisi.
- En faisant connaître l'affliction dont il souffre il fait deux choses:
· Il mentionne d'abord l'affliction.
· Puis il expose le mode de cette affliction: ils sont enfermés dans leur graisse.
· Ainsi dit-il: Mes ennemis, les démons, ou les péchés
m'affligent au point qu'ils ont encerclé mon âme, c'est-à-dire m'enferment
de tous côtés de telle manière que je ne trouve pas une voie de libération. Et
il dit: mon
âme, car ils ne cherchent rien d'autre que mon âme. Les ennemis
corporels cherchent à ôter la vie, tandis que les ennemis spirituels s'en
prennent à l'âme. Ou bien on peut l'entendre du Christ, dont les Juifs
encerclaient l'âme par leurs malices: "Ils m'ont encerclé comme des
abeilles, et ils se sont enflammés comme un feu dans les épines; et au nom du
Seigneur je me suis vengé sur eux." Et de même: "Des chiens en grand
nombre m'ont encerclé, la réunion des méchants m'a assiégé."
· Puis il expose le mode, aussi dit-il: dans leur graisse. La graisse
dans l'Écriture est parfois comprise dans le sens du bien, parfois dans le sens
du mal. Dans le sens du bien, en tant qu'elle exprime la ferveur de l'âme: "Comme
de moelle et de graisse se rassasie mon âme." Dans le sens du mal: d'abord
en tant qu'elle signifie la méchanceté du coeur. Puis celle de la bouche. Enfin
celle de l'action; et c'est pourquoi il désigne leur malice: "Les hanches
[de l'impie] sont remplies de graisse, et ses os sont humidifiés par la moelle."
Et cette malice du coeur est multiple. Parfois il s'agit de la
délectation du péché qu'ils commettent: "Ceux qui se réjouissent
lorsqu'ils font le mal, et qui exultent dans les pires perversités." De
même l'orgueil et la fausseté: "L'homme vaniteux s'élève dans sa superbe,
et comme le petit de l'onagre il se croit né affranchi." De même la
passion charnelle. Ainsi dit-il: leur graisse, c'est-à-dire leur sens charnel,
ou leur orgueil, ou leur délectation: ils sont enfermés, en eux, afin de ne pas
saisir le sens spirituel. Une version de Jérôme lit: adipe suo (avec leur graisse),
c'est-à-dire avec l'abondance des biens temporels et avec la puissance du
siècle, ils m'ont enfermé.
Puis, en tant que la graisse signifie la malice de la bouche, car leur bouche
exprime l'orgueil. Et cela lorsque les Juifs disaient contre le
Christ: "S'il est le roi d'Israël, qu'il descende maintenant de la croix,
et nous croirons en lui."
Enfin, en tant qu'elle signifie la malice de l'action.
Et il commence par montrer comment elle passe à l'action.
Puis son origine: leurs yeux.
Dans la malice de l'action le psalmiste expose deux choses. D'abord le
défaut; puis la préoccupation de nuire. Et cependant, lorsque quelqu'un
méprise, il ne se préoccupe pas de nuire; aussi dit-il: M'ayant chassé, c'est-à-dire
méprisé: "Il a rejeté les cités, il n'a pas respecté les personnes."
Et les Juifs firent cela au Christ lorsqu'ils le rejetèrent hors de la ville.
Et ils m'ont
encerclé, se rassemblant en spectacle pour se moquer.
Et l'origine de celle-ci tient au fait qu'ils
ne regardent pas Dieu, mais vers les réalités terrestres: "Il n'y a point
de salut pour elle en son dieu." ils ont résolu d'abaisser leurs yeux vers la terre, c'est-à-dire
les pécheurs ont fixé l'attention de leur coeur pour l'incliner avec
délibération et insistance: "Les yeux des insensés", c'est-à-dire des
pécheurs, <(sont à l'extrémité de la terre", et c'est pourquoi ils ne
reçoivent pas la lumière de la grâce: "Le sage a des yeux dans la tête;
l'insensé", c'est-à-dire le pécheur, "marche dans les ténèbres",
c'est-à-dire dans les péchés. - "Ils détournèrent leurs yeux pour ne pas
voir le ciel." Et au sens littéral, ce fut le cas des Juifs, lorsqu'ils
disaient: "Si nous le laissons faire, tous croiront en lui, et les Romains
viendront, et détruiront notre ville et notre nation." Ou bien: vers la terre, c'est-à-dire
vers la chair du Christ, dont ils ne considéraient seulement que la faiblesse,
et non point la divinité, autrement dit: ils ont fixé leurs yeux, etc.
- En parlant de leur activité il expose une comparaison relative à leur
violence, car il dit: comme un lion prêt [à dévorer] sa proie ils m'ont saisi, c'est-à-dire
ou Dieu, ou les soldats de Pilate ~; et relative à leur fourberie, car il dit: comme le petit
d'un lion habitant dans les lieux cachés. Le lion parcourt les
terres à découvert, tandis que son lionceau se tenant dans un lieu caché dévore
sa proie ou s'en empare. Le Christ, quant à lui, fut livré par un baiser, saisi
de nuit, condamné par de faux témoins, et le prince des prêtres déchira ses
vêtements.
13 Lève-toi,
Seigneur, préviens-le et supplante-le; arrache mon âme à l'impie, 14
ton épée aux
ennemis de ta main. Seigneur, sépare-les dans leur vie du petit nombre; et leur
ventre a été rempli de tes [biens] cachés. Ils ont été rassasiés d'enfants, et
ils ont laissé leurs restes à leurs petits enfants.
2. Il expose ici
une autre demande, c'est-à-dire le renversement de ses ennemis; et il énonce
trois choses.
a) D'abord une
demande.
b) Ensuite son
explication: arrache
mon âme, etc.
c) Enfin sa
raison: de
tes [biens] cachés.
a. Concernant sa
demande il fait deux choses:
- Il commence par solliciter le secret de son secours.
- Ensuite la destruction de l'adversaire.
- Ainsi dit-il: Tu sembles dormir alors que tu m'as exposé à
l'affliction, mais Lève-toi, Seigneur, préviens-le, afin de me
secourir plus vite qu'il ne puisse me nuire.
- et
supplante-le, c'est-à-dire déjoue-le comme avec astuce: "Lui
qui prend les sages dans leur astuce." - "La ruse de l'homme
supplante ses pas." supplante-le, de deux manières, c'est-à-dire
par ma propre libération.
b. Et à ce propos
il dit: arrache
mon âme à l'impie, car il me persécute contre la justice, et c'est
pourquoi il est impie: "Délivre-moi de l'homme de fraude et d'iniquité."
c. Et la raison
de cette demande se fonde sur le fait que mon âme est une épée, c'est-à-dire un
glaive acéré à deux tranchants grâce auquel le diable est anéanti. Et cela
s'applique en particulier à l'âme du Christ: "En ce jour-là le Seigneur
visitera de son épée dure, grande et forte, Léviathan." Il dit: ton épée aux
ennemis de ta main, ajoute: arrache. - "Sois attentif à mon âme, et
délivre-la." Ou bien: arrache ton épée aux ennemis, c'est-à-dire ôte
le glaive et la puissance qu'ils détiennent de toi: "Le pouvoir vous a été
donné par Dieu."
Et la volonté qu'ils ont d'eux-mêmes: "Épée, réveille-toi contre ton
pasteur." Ou bien: supplante-les dans leur tromperie, et arrache mon
âme aux ennemis de ta main, c'est-à-dire du Christ ton Fils; car le
Fils est appelé la main du Père: "Je lèverai ma main", c'est-à-dire
mon Fils, "vers le ciel." Seigneur, sépare-les dans leur vie du petit nombre, car
la raison pour laquelle ils me persécutent, c'est afin de consolider leur
propre royaume. Il y a deux versions. Dans le Psautier romain, on lit ceci: "O Domine,
dispartire eos in vita eorum (Ô Seigneur, disperse-les dans leur
vie)", autrement dit: Eux-mêmes ont les yeux tournés vers la terre, et
c'est pourquoi ils commettent le mal; mais toi, chasse-les de la terre que tu
leur as donnée. Mais comment ? Ne vont-ils pas en un lieu unique ? Non, mais
disperse-les dans le monde entier. Une autre version lit: "Domine, a paucis
de terra divide eos (Seigneur, sépare-les de la terre à l'écart du
petit nombre)", autrement dit: Sépare-les de la terre, et du petit nombre,
c'est-à-dire de la société des élus, dans leur vie, c'est-à-dire
tandis qu'ils vivent. Ou bien on rapporte qu'ayant été avertis par un ange
d'une destruction imminente, les fidèles s'étaient éloignés et avaient gagné le
royaume d'Agrippa. Et c'est pourquoi il dit: sépare-les du petit nombre, c'est-à-dire
des chrétiens qui sont préservés. leur ventre a été rempli de tes [biens] cachés, c'est-à-dire
des péchés non confessés: "Celui qui cache ses forfaits ne sera pas guidé."
- "Si j'ai, comme le fait l'homme, dissimulé mon péché, et ai caché en mon
sein mon iniquité." Ou bien la raison de sa demande est exposée ici, et
cette raison est double: car on peut la référer aux péchés, ou aux bienfaits
vis-à-vis desquels ils se montrent ingrats.
Si on l'entend selon la première manière, alors il expose d'abord
l'abondance des péchés. Si on l'entend selon la seconde manière, il montre
comment les bienfaits de Dieu s'étaient répandus sur leurs enfants.
- Ainsi dit-il selon le premier sens: leur ventre a
été [rassasié] de tes [biens] cachés, c'est-à-dire des péchés qui
sont cachés à ses yeux, non pour qu'il ne les voie pas, mais parce qu'il ne
veut pas les voir: "Tes yeux sont purs, Seigneur, pour ne pas voir le mal,
et ils ne peuvent pas regarder l'iniquité." leur ventre a été rempli, c'est-à-dire
la conscience, ou la mémoire, ou la convoitise charnelle, ou la sensualité. Ils ont été
rassasiés d'enfants, c'est-à-dire de péchés, ou bien d'oeuvres
mauvaises. On appelle oeuvres mauvaises les enfants de parents mauvais, comme
on qualifie de bonnes oeuvres les enfants de parents vertueux. Une autre
version lit: "Saturati sunt porcina (Ils se sont rassasiés
de chair de porc)",
c'est-à-dire de l'immondice des péchés; et c'est une explication de ce qu'il
dit: de tes
[biens] cachés. [...] et ils ont laissé leurs restes à leurs petits enfants, autrement
dit: leurs
restes se sont répandus sur leurs enfants, qui ont imité leurs
péchés: "Tous les enfants qui sont nés de sommeils illégaux, sont témoins
de la méchanceté contre leurs parents lors de leur jugement." Ou bien: Ils ont été
rassasiés d'enfants, c'est-à-dire pour le bien de leurs enfants , et ils ont
laissé leurs restes à leurs petits enfants, car ils les ont liés au
péché, autant qu'il fut en eux: "Que son sang soit sur nous et nos
enfants." Ou bien: Ils ont été rassasiés d'enfants, c'est-à-dire
pour leurs enfants, autrement dit: ils sont à ce point remplis de péchés, qu'il
y en a assez pour eux et pour leurs enfants, c'est-à-dire que leurs restes, les
péchés qu'ils n'ont pas commis eux-mêmes, ils ont laissé à leurs enfants le
soin de les commettre.
- Si on l'entend selon la seconde manière, ils reçurent alors deux
bienfaits.
· D'abord les biens spirituels, car ils ont reçu la loi. Aussi dit-il:
des [biens]
cachés, de ta sagesse, leur ventre a été rempli, c'est-à-dire leur
sens charnel:
"Il n'a pas fait de même pour toute nation."
· Ensuite les biens temporels, car ils ont été
rassasiés d'enfants, et qui plus est, ils les laissèrent à eux. Une
version de Jérôme lit ici: "Eripe animam meam ab impio, qui sit gladius tuus (Arrache
mon âme à l'impie, qui - à savoir l'impie - est ton glaive)." - Il est
écrit dans Isaïe: "Malheur à Assur, verge de ma colère." - "À viris manus
tuae, qui sunt mortui, quorum pars est in vita (Des hommes de ta
main, qui sont morts dans l'abîme, dont la part est dans la vie)",
autrement dit: arrache
mon âme à l'impie, c'est-à-dire à Saül, "et des hommes de ta
main", qui s'opposent à ta main, "qui sont morts dans l'abîme",
c'est-à-dire dans le péché, "dont la part est dans la vie",
c'est-à-dire dans cette vie, "et dont tu as rempli le ventre de tes
[biens] cachés, etc." Saül, selon la Glose, symbolise la mort; et de même qu'à la
mort de Saül David régna dans la paix, ainsi le Christ à la suite de sa
résurrection, après avoir vaincu la mort.
15 Mais
moi dans la justice j'apparaîtrai en ta présence, je serai rassasié quand
apparaîtra ta gloire.
C. Ici le
psalmiste montre l'espérance de son exaucement; et il expose deux choses, à
savoir la justice qu'il a et la vision de Dieu. Et elles s'enchaînent, car par
la justice on parvient à la vision de Dieu: "Seigneur, qui habitera dans
ta tente ? Qui se reposera sur ta sainte montagne ? Celui qui marche sans tache
et qui pratique la justice." Une autre version lit: "Ego autem in
justitia videbo faciem tuam (Mais moi dans la justice je verrai ton
visage)", et c'est pourquoi j'apparaîtrai en ta présence",
c'est-à-dire je viendrai pour te voir; et je serai rassasié quand apparaîtra ta gloire, c'est-à-dire
lorsque je te verrai, je te remplirai de tous tes biens: "C'est lui qui
comble de biens ton désir", c'est-à-dire de ta gloire dans laquelle sont
tous les biens. Tandis que "ceux-là se rassasient de chair de porc",
comme le dit la Septante. - "Que l'impie soit supprimé afin de ne pas voir
la gloire de Dieu." Mais moi je serai rassasié "Lorsqu'il apparaîtra,
nous serons semblables à lui."
1 Pour la fin. Par le serviteur du
Seigneur, David, qui a prononcé [à la gloire du] Seigneur les paroles de ce
cantique, au jour où le Seigneur l'arracha à la main de tous ses ennemis, et à
la main de Saül. Et il dit: 2 Je t'aimerai, Seigneur, ma force: 3a Le Seigneur
est mon ferme appui, mon refuge, et mon libérateur.
3b Mon Dieu est mon aide, et j'espérerai
en lui. Il est mon protecteur, et la corne de mon salut, et mon soutien. 4 En
le louant, j'invoquerai le Seigneur, et je serai sauvé de mes ennemis.
5 Les douleurs de la mort m'ont
environné, et les torrents de l'iniquité m'ont troublé.
6 Les douleurs de l'enfer m'ont
environné; les pièges de la mort sont tombés sur moi. 7 Dans ma tribulation
j'ai invoqué le Seigneur, et j'ai crié vers mon Dieu; et de son temple saint il
a exaucé ma voix; et mon cri en sa présence est parvenu à ses oreilles.
8 La terre a été ébranlée et a tremblé;
les fondements des montagnes ont été bouleversés et ébranlés, parce qu'il s'est
irrité contre eux.
9 La fumée a monté dans sa colère et un
feu ardent a jailli de sa face; des charbons en ont été embrasés.
10 Il a incliné les cieux, et il est
descendu; et une sombre nuée est sous ses pieds. 11a Et il est monté sur des
Chérubins.
11b Et il s'est envolé: il s'est envolé
sur les ailes des vents. 12 Et il a fait des ténèbres son lieu de retraite, sa
tente autour de lui, une eau ténébreuse est dans les nuées de l'air. 13À
l'éclat qui jaillit de sa présence, les nuées se sont dissipées: [il en est
sorti] de la grêle et des charbons de feu.
14 Et le Seigneur a tonné du ciel, et le
Très-Haut a fait entendre sa voix; grêle et charbon de feu.
15 Et il a lancé ses flèches, et il les
a dispersées. Il a multiplié ses éclairs, et il les a troublés.
16 Alors ont paru les sources des eaux,
et les fondements du globe de la terre ont été mis à nu. À ta menace, Seigneur,
au souffle du vent de ta colère.
17 Il a envoyé d'en haut, et il m'a
pris, et il m'a retiré des grandes eaux.
18 Il m'a arraché à mes ennemis très
puissants, et à ceux qui m'ont haï, parce qu'ils étaient devenus plus forts que
moi. 19 Ils m'ont prévenu au jour de mon affliction, et le Seigneur s'est fait
mon protecteur. 20 Et il m'a mis au large; il m'a sauvé, parce qu'il m'a voulu.
21 Et le Seigneur me rétribuera selon ma justice, et il me rétribuera selon la
pureté de mes mains. 22 Parce que j'ai gardé les voies du Seigneur, et que je
n'ai pas agi avec impiété en m'éloignant de mon Dieu. 23 Puisque tous ses
jugements sont devant moi, et que je n'ai point éloigné de moi ses justices.
24 Et je serai sans tache avec lui, et
je me tiendrai en garde contre mon iniquité. 25 Et le Seigneur me rétribuera
selon ma justice, et selon la pureté de mes mains devant ses yeux.
26 Avec le saint, tu seras saint, et
avec l'homme innocent, tu seras innocent. 27 Et avec l'élu, tu seras l'élu, et
avec le pervers, tu seras pervers. 28 Parce que c'est toi qui sauveras le
peuple humble, et qui humilieras les yeux des superbes.
29 Parce que c'est toi, Seigneur, qui
fais luire ma lampe; mon Dieu, illumine mes ténèbres.
30 Parce qu'en toi je serai délivré de
la tentation, et en mon Dieu je franchirai le mur.
31 Mon Dieu, sa voie est sans souillure;
les paroles du Seigneur sont éprouvées par le feu; il est le protecteur de tous
ceux qui espèrent en lui. 32 Car qui est Dieu, excepté le Seigneur, ou qui est
Dieu, excepté notre Dieu?
33 Le Dieu qui m'a ceint de la force et
qui a rendu ma voie sans tache.
34 Qui a disposé mes pieds comme ceux
des cerfs, et m'a établi sur les lieux élevés. 35 Qui a instruit mes mains au
combat; et tu as rendu mes bras comme un arc d'airain.
36 Et tu m'as donné la protection de ton
salut, et ta droite m'a pris. Et ta discipline m'a corrigé jusqu'à la fin; et
ta discipline elle-même m'instruira. 37 Tu as élargi mes pas au-dessous de moi,
et mes pieds n'ont pas été affaiblis.
38 Je poursuivrai mes ennemis, et je les
atteindrai; et je ne reviendrai point jusqu'à ce qu'ils soient défaits.
39 Je les briserai, ils ne pourront se
soutenir; ils tomberont sous mes pieds.
40 Et tu m'as ceint de force pour la
guerre; et ceux qui s'insurgeaient contre moi, tu les as renversés sous moi. 41
Et tu m'as livré mes ennemis par-derrière; et ceux qui me haïssaient tu les as
exterminés. 42 Ils ont crié, et il n'y avait personne qui les sauvât; [ils ont
crié] vers le Seigneur, et il ne les a pas exaucés.
43 Et je les broierai comme de la
poussière à la face du vent; et je les ferai disparaître comme la boue des
rues.
44 Tu me délivreras des contradictions
du peuple, tu m'établiras à la tête des nations. 45 Un peuple que je ne
connaissais pas m'a servi; dès que son oreille a entendu, il m'a obéi.
46 Des fils étrangers m'ont menti, des
fils étrangers ont vieilli, et ils ont boité [en sortant de] leurs voies.
47 Le Seigneur vit ! et béni soit mon
Dieu ! Et que le Dieu de mon salut soit exalté !
48 Toi, le Dieu qui me donnes des
vengeances et qui me soumets des peuples, qui me délivres de mes ennemis
furieux. 49 Et tu m'élèveras au-dessus de ceux qui s'insurgent contre moi; tu
m'arracheras à l'homme inique. 50 À cause de cela, je te confesserai parmi les
nations, Seigneur, et je dirai un psaume à [la gloire de] ton nom. 51 Toi qui
magnifies les saluts de son roi, et qui fais miséricorde à son christ David, et
à sa postérité pour toujours.
1 Pour
la fin. Par le serviteur du Seigneur, David, qui a prononcé [à la gloire du]
Seigneur les paroles de ce cantique, au jour où le Seigneur l'arracha à la main
de tous ses ennemis, et à la main de Saül.
Dans le psaume précédent, le psalmiste a demandé en priant d'être
libéré de ses ennemis; mais ici maintenant, libéré, il rend grâce.
Et il commence par rendre grâce pour le bienfait de sa libération.
Ensuite il se répand en louanges a l'égard de son libérateur: "Les
cieux racontent la gloire de Dieu."
Son titre est: Pour la fin. Par le serviteur du Seigneur, David, qui a
prononcé [à la gloire du] Seigneur les paroles de ce cantique, au jour où le
Seigneur l'arracha à la main de tous ses ennemis, et à la main de Saül. Et
ce psaume se retrouve mot à mot au deuxième livre des Rois. Sa signification
historique est fondée sur le premier livre des Rois, où l'on rapporte comment
Saül cherchait à le tuer, et sur le deuxième livre des Rois, où il est écrit
que ce dernier étant mort, Abner et son fils s'opposèrent à leur tour à David.
Mais finalement David remporta la victoire contre eux. C'est pourquoi il
composa ce psaume. Et Jérôme dit la même chose. Et parce que par David est
symbolisé le Christ, tous ces faits peuvent être rapportés au Christ, soit en
tant que tête, soit en tant que corps, c'est-à-dire l'Église, car elle a été
libérée de Saül, c'est-à-dire de la mort; en effet Saül veut dire "demande",
car il fut donné comme roi sur la demande du peuple, et même il y fut plutôt
contraint. C'est pourquoi il ne fut pas donné pour demeurer. Ainsi le Christ
souffre d'abord la mort, puis demeure dans la paix, selon la Glose.
Il est aussi libéré de tous ses ennemis, des Juifs et des démons, et quant à
son corps, c'est-à-dire l'Église.
Les premiers versets de ce psaume se divisent en trois parties.
I) Dans la première partie, le psalmiste
rappelle le bienfait de sa libération.
II) Dans la deuxième partie, il montre la
puissance de celui qui libère: 8 La terre a été ébranlée et a tremblé.
III) Dans la
troisième partie, il précise le mode de sa libération: 17 Il a envoyé d'en haut, etc.
Et il dit: 2 Je t'aimerai, Seigneur, ma force: 3a Le Seigneur est
mon ferme appui, mon refuge, et mon libérateur.
I. En rappelant le bienfait de sa libération il
fait deux choses.
A) Il rappelle
d'abord le sentiment qu'il a conçu du bienfait précité.
B) Puis il montre
l'effet qui en découle: 4 En le louant.
A. Un double
sentiment naquit en lui à la suite d'un tel bienfait, à savoir l'amour et l'espérance.
1) Et il
mentionne d'abord le premier.
2) Puis le second:
Mon Dieu.
1. Il expose:
a. En premier
lieu son amour pour Dieu.
b. Puis il en
donne la raison: Ma
force.
a. Ainsi dit-il:
Ô Seigneur, toi
qui m'as libéré, moi Je t'aimerai toujours, parce que je demeurerai
en toi: "Demeurez dans mon amour de charité." - "Car je suis
certain que ni vie, ni mort, ni anges, ni aucune autre créature ne pourra nous
séparer de la charité du Christ." Car aimer d'un amour de charité (diligere) est
le propre des êtres raisonnables, tandis qu'aimer (amare) est universel: "Que
ceux qui t'aiment resplendissent comme le soleil brille à son lever."
b. Quant à la
raison de l'amour de charité d'une personne, elle est relative à son propre
bien. C'est pourquoi lorsque quelqu'un considère son propre bien comme
dépendant d'un autre, telle est la raison qui fait dire qu'il l'aime. David
considérait que tout son bien dépendait de Dieu, c'est pourquoi il dit: Je t'aimerai, parce
que tu es ma
force. La force a pour objet d'affermir l'âme, de crainte qu'elle ne
s'éloigne du bien à cause de difficultés imminentes.
Mais comment Dieu est sa force, il le montre. L'homme a besoin de la
force dans deux situations. D'abord dans les biens, afin de garder sa stabilité
en eux; et c'est pourquoi il dit: mon ferme appui, c'est-à-dire un fondement
solide: "Le Seigneur est mon rocher." - "Quiconque écoute mes
paroles et les met en pratique, est semblable à un homme bâtissant sa maison
sur le rocher." De même dans les maux, et cela dans deux circonstances.
Dans une première circonstance, afin de fuir avant que les maux n'arrivent;
c'est pourquoi il dit: mon refuge. - "Le nom du Seigneur est une
tour très forte." - "Le rocher est un refuge pour les hérissons."
Dans une autre circonstance, afin de se libérer après qu'ils soient survenus;
c'est pourquoi il dit: et mon libérateur
3b Mon
Dieu est mon aide, et j'espérerai en lui. 3c Il est mon protecteur, et la corne de mon
salut, et mon soutien. 4 En le louant, j'invoquerai le Seigneur, et je serai sauvé
de mes ennemis.
2. Le psalmiste
expose ici le sentiment de l'espérance: et il y a une différence entre
l'espérance et l'amour; car l'amour est une vertu unitive. En effet nous aimons
quelque chose dans la mesure où nous la considérons comme nôtre, et c'est
pourquoi il dit que Dieu lui-même est sa propre force: "Le Seigneur est ma
force et ma louange, et il s'est fait mon salut." L'espérance introduit
une défense par rapport à ce qui vient de l'extérieur; et Dieu accomplit l'un
et l'autre. Ou bien selon une autre explication: l'objet de l'espérance est un
bien ardu, futur, possible à acquérir. Donc de même que quelqu'un aime à cause
d'un bien déjà donné, ainsi il espère un bien futur en raison de sa confiance
née de l'amour, et en raison d'autres choses semblables, dans la mesure où il
pense pouvoir les recevoir dans le futur. Et c'est pourquoi le psalmiste fait
ici trois considérations.
a) Il espère
d'abord le refuge et le ferme appui parce qu'il est dans les biens.
b) Puis il
demande une protection, parce qu'il est dans les maux qui sont déjà survenus.
a. Ainsi dit-il
d'abord: Mon
Dieu est mon aide. - "Si le Seigneur ne me venait en aide,
bientôt mon âme habiterait dans l'enfer." Et c'est pourquoi j'espérerai en
lui: "Vous qui craignez le Seigneur, espérez en lui, et sa miséricorde
viendra à vous pour votre joie."
b. Puis nous
espérons être libérés des maux auxquels nous ne sommes pas encore soumis, car
Dieu nous défend:
- D'abord afin que nous ne soyons pas blessés.
- Puis pour que nous les vainquions.
- Et enfin il nous couronne pour cette victoire.
- En relation avec le premier point il dit: mon protecteur. La version iuxta Hebraeos de
Jérôme lit: "scutum (bouclier)", parce qu'il protège pour qu'il ne
puisse pas être transpercé par les maux; ainsi Dieu fait-il: "Tu m'as
protégé, ô Dieu, contre l'assemblée des méchants."
- En relation avec le deuxième point il dit: et la corne de mon salut, car
les animaux frappent avec la corne; ainsi la force de Dieu résiste à ses
adversaires, car elle combat afin de vaincre les maux temporels et spirituels: "Par
toi nous frappons de la corne nos ennemis; et en ton nom nous mépriserons ceux
qui se lèvent contre nous." - "Mon coeur a tressailli de joie dans le
Seigneur, et ma corne a été élevée par mon Dieu", c'est-à-dire ma force.
- En relation avec le troisième point il dit: et mon soutien. Lorsque
quelqu'un remporte une victoire, il est reçu en triomphe; ainsi Dieu fait-il
aussi: "Je reviendrai, et je vous prendrai avec moi, afin que là où je
suis, vous y soyez aussi." - "Tu m'as soutenu avec gloire." On
trouve le même texte dans le deuxième livre des Rois.
B. Ensuite il
expose l'effet qui en découle, à savoir la louange. La louange est une parole
qui met en lumière la grandeur d'une vertu, ou qui en résulte du moins.
1) Le psalmiste
expose donc d'abord la louange.
2) Puis son
efficacité.
1. Ainsi dit-il: En le louant,
j'invoquerai le Seigneur, autrement dit: en agissant ainsi je ne
fais pas valoir ma propre louange, mais je cherche la tienne, car c'est toi qui
as agi: "Je me souviendrai des miséricordes du Seigneur, [je chanterai] la
louange du Seigneur pour tout ce qu'il m'a donné."
2. Et je [t']invoquerai, en
toute sécurité, avec efficacité, car en t'invoquant ainsi, je serai sauvé de mes ennemis. -
"Quiconque invoquera le nom du Seigneur, sera sauvé."
5 Les
douleurs de la mort m'ont environné, et les torrents de l'iniquité m'ont
troublé.
Ici le psalmiste expose la nécessité de sa libération.
a) Et il montre
d'abord la grandeur de sa libération.
b) Ensuite la
prière qu'il profère à Dieu: 7 Dans ma tribulation.
c) Enfin il
expose son exaucement: il a exaucé.
a. Notez que ces
trois choses sont ainsi établies dans un ordre successif: l'iniquité, la mort
et l'enfer; c'est par iniquité que l'homme est amené vers la mort; et par la
mort il est conduit en enfer. Et de même que la première chose est un chemin
qui conduit à la deuxième chose, ainsi la deuxième à l'égard de la troisième.
Et c'est pourquoi il parle d'abord de la première gradation. Puis de la
deuxième, car ils vont de la mort à l'enfer: Les douleurs de l'enfer, etc.
Concernant la première gradation, il fait deux choses:
- Il commence par exposer son mode.
- Puis le chemin qui mène à celle-ci, c'est-à-dire à l'iniquité: les torrents de
l'iniquité.
- La douleur de la mort est très grande: "Est-ce ainsi donc que la
mort amère sépare ?" - "Ô mort, que ton souvenir est amer !"
C'est pourquoi lorsque quelqu'un ne peut la fuir, alors les douleurs
l'entourent; et d'autant plus qu'elles sont inévitables.
- Le chemin, c'est l'iniquité, autrement dit: je la crains parce que les torrents de
l'iniquité m'ont troublé. Le torrent, c'est l'écoulement de l'eau
dévalant avec impétuosité: "Comme un torrent qui passe avec violence dans
les vallées." Donc la violence soudaine de l'iniquité intérieure, par
exemple celle de la tentation soudaine et grave, est un torrent qui incite au
péché. Ou bien il s'agit de l'iniquité extérieure, comme l'assaut d'un ennemi.
Et ceux-ci m'ont
troublé.
6 Les
douleurs de l'enfer m'ont environné; les pièges de la mort sont tombés sur moi.
7
Dans ma tribulation j'ai invoqué le Seigneur, et j'ai crié vers mon Dieu; et de
son temple saint il a exaucé ma voix; et mon cri en sa présence est parvenu à
ses oreilles.
Le psalmiste continue ici en suivant l'enchaînement précité; et c'est
pourquoi il dit:
Les douleurs de l'enfer, c'est-à-dire semblables aux douleurs
infernales: "Je descendrai dans le deuil en enfer." Ou bien il s'agit
des douleurs qui sont conçues par crainte de l'enfer. Et celles-ci encerclent
quand elles sont inévitables. Et ces douleurs viennent, car les pièges de la
mort sont tombés sur moi. Quelle mort? "Celui qui amasse des
trésors par une langue de mensonge est vain et insensé, et il tombera dans les
pièges de la mort." Et c'est inéluctable.
b. Mais il y
applique le remède de la prière. La prière est d'abord exposée; et c'est
pourquoi il dit: Dans
ma tribulation j'ai invoqué le Seigneur. - "Dans leur
tribulation, dès le matin, ils se dresseront vers moi." - "Et
maintenant, Seigneur tout-puissant, Dieu d'Israël, une âme dans les angoisses,
et un esprit inquiet crie vers toi." - "Cherchez le Seigneur, pendant
qu'on peut le trouver, invoquez-le tandis qu'il est proche." - "Invoque-moi
au jour de la tribulation; je te délivrerai." - "J'ai invoqué, et
l'esprit de sagesse est venu en moi." Ensuite est exposée la piété de
l'orant, car il dit: j'ai crié vers mon Dieu, c'est-à-dire avec la
force de la piété de l'orant: "Vers le Seigneur, lorsque j'étais dans la
tribulation, j'ai crié; et il m'a exaucé." - "Dans les jours de sa
chair, ayant offert avec larmes et un grand cri des prières et des
supplications à celui qui pouvait le sauver de la mort, il a été exaucé pour
son humble respect; et il dit: j'ai crié vers mon Dieu, non vers un dieu
étranger: "Tu adoreras le Seigneur ton Dieu et tu le serviras, lui seul."
c. Enfin
l'exaucement: il
a exaucé. Il avait dit deux choses: avoir invoqué et crié. Et c'est
pourquoi il parle de voix exaucée et de cri. D'où? de son temple saint il a exaucé ma voix. Le
temple de Dieu est l'excellence même de sa sainteté, car le Seigneur est son
temple: "Je ne vis point de temple en elle, parce que le Seigneur
tout-puissant et l'Agneau en sont le temple." Le temple, c'est aussi le
Christ lui-même: "Mais lui parlait du temple de son corps", dans
lequel Dieu est présent par la grâce: "Car le temple de Dieu est saint, et
vous êtes ce temple." C'est également la Bienheureuse Vierge: "J'adorerai
en m'approchant de ton temple saint" en qui, c'est-à-dire par qui, Dieu
nous a exaucés: "Il m'a exaucé, et il m'a délivré de toutes mes
tribulations." C'est encore l'Église: "Le Seigneur est dans son
temple." Et il a exaucé depuis ce temple où qu'il soit: "Si un homme
reconnaît la plaie de son coeur et étend ses mains vers cette maison, toi tu
l'exauceras du lieu de ta demeure." Et non seulement il dit que sa prière
a été exaucée, mais aussi son cri; et c'est pourquoi il dit: et mon cri en sa
présence est parvenu à ses oreilles. Et il précise: en sa présence, c'est-à-dire
devant ses yeux, car il voit toutes choses: "J'ai bien vu l'affliction de
mon peuple qui est en Égypte; et j'ai entendu son cri à cause de la dureté de
ceux qui président à ses labeurs." Ou bien: en sa présence, c'est-à-dire
selon son bon plaisir; ou bien dans le coeur, où lui seul voit: "L'homme
ne voit que l'apparence, mais le Seigneur regarde le coeur." Et il est parvenu à
ses oreilles, par son agrément: "Leur clameur est parvenue aux
oreilles du Seigneur"; ou bien: à ses oreilles, c'est-à-dire à sa clémence: "La
prière de l'humble pénétrera les nues."
8 La
terre a été ébranlée et a tremblé; les fondements des montagnes ont été
bouleversés et ébranlés, parce qu'il s'est irrité contre eux.
II. Plus haut le psalmiste a traité du sentiment
qu'il a conçu à la suite des bienfaits de sa libération; ici il traite de la
puissance du libérateur.
La puissance de celui qui agit se manifeste dans l'effet de son action;
quant aux choses qui sont rapportées ici, elles peuvent être relatives à un
double effet de l'action divine: à l'effet qui se manifeste dans les réalités
matérielles, et à l'effet de la rédemption. Mais c'est sans doute plus vrai
pour chacun des deux. Car les choses qui sont dites ici sous la figure des
réalités matérielles, sont achevées au sens spirituel par l'effet de la rédemption.
Or l'effet de la puissance divine se manifeste surtout dans les réalités
matérielles, parce que les réalités spirituelles nous sont moins connues; et
principalement dans celles que les hommes regardent avec étonnement; et ce sont
les ébranlements des éléments du monde, c'est-à-dire de la terre, de l'air, de
l'eau et du feu.
Ce passage du psaume se divise ainsi en trois parties:
A) Le psalmiste
montre d'abord la puissance de Dieu dans les effets relatifs à la terre.
B) Ensuite dans
les perturbations de l'air: 10 Il a incliné les cieux.
C) Enfin dans les
perturbations des eaux: 16 Alors ont paru les sources des eaux.
Mais si on réfère ces effets à leur signification cachée (mysterium), ce
passage se divise en deux parties:
A) Lé psalmiste
montre d'abord le fruit de la rédemption divine réalisée par le Christ.
B) Puis son mode:
Il a incliné
les cieux.
A. Le premier
point se subdivise en deux:
1) Dans la
première partie de la subdivision, il traite d'abord de l'effet de la terre,
qui est en profondeur.
2) Ensuite de
l'effet qui s'élève depuis la hauteur.
Si on l'entend au sens mystique, un double effet de la rédemption est
ainsi manifesté, à savoir la pénitence des pécheurs et la piété des justes: il
est monté.
1. Mais selon
qu'on rapporte cela à l'effet matériel, qui est dans la profondeur de la terre,
l'effet principalement étonnant c'est le tremblement de terre, etc. À cet
égard, le psalmiste mentionne trois choses:
a) D'abord
l'ébranlement proprement dit.
b) Puis ce qui le
rend étonnant.
c) Enfin sa
cause.
a. Ainsi dit-il: La terre a été
ébranlée et a tremblé. Une chose se meut de deux manières. Ou bien
elle se meut d'un lieu vers un autre lieu; et ce n'est pas de cette manière que
la terre est ébranlée.
b. Ou bien par un
tremblement, et ainsi l'ébranlement des montagnes fait d'un tremblement de
terre un fait étonnant: car si une terre meuble est ébranlée, ce n'est pas un
fait étonnant, mais lorsque des montagnes sont ébranlées, alors c'est un fait
qui provoque l'étonnement; et c'est pourquoi il dit: les fondements ont été bouleversés, car
ils semblent avoir perdu leur stabilité.
c. La cause
première est la volonté divine; et il exprime cela par une métaphore lorsqu'il
dit: parce
qu'il s'est irrité contre eux, c'est-à-dire Dieu. De même que
lorsque le Seigneur s'emporte, ceux qui l'assistent tremblent, ainsi sous
l'irritation de Dieu toutes choses se troublent.
Au sens mystique, on entend par là le mouvement des hommes vers la
pénitence. Certains d'entre eux sont des petits pécheurs, et ces derniers sont
signifiés par la terre; c'est pourquoi il dit: La terre a été ébranlée et a tremblé, c'est-à-dire
ceux qui auparavant étaient pécheurs et terrestres: "Tu as jeté ton corps
sur le sol, et en as fait comme un chemin pour les passants." Cet
ébranlement est dû à la conversion de l'attachement des choses terrestres aux
réalités célestes, et cela en raison de la crainte que le pécheur a conçue à
l'égard des châtiments: par ta crainte "nous avons conçu, et c'est comme
si nous avions souffert et enfanté du vent". D'autres sont de grands
pécheurs; et ces derniers sont appelés montagnes, c'est-à-dire ceux qui
s'enorgueillissent dans le siècle. Ils sont ébranlés par la venue du Christ. les fondements
des montagnes sont ceux sur lesquels ils prennent appui, à savoir
les richesses, les pouvoirs et les honneurs: "Les montagnes seront
transportées au coeur de l'océan." Ainsi se troublent-ils lorsque
surviennent des adversités, et après cela ils sont totalement ébranlés: "Le
Seigneur des armées a décidé cela afin d'enlever l'orgueil de toute gloire et
de conduire à l'ignominie tous les grands de la terre." Tous les royaumes
et les pouvoirs qu'ils détiennent au début, ils en verront le déclin, et cela parce qu'il
s'est irrité contré eux.
Cela peut se comprendre de deux manières. Si on l'applique aux
méchants, il n'est pas douteux que par la vengeance de Dieu, qui est appelée
colère, ils soient morts; si on l'applique aux bons, c'est pour que, la colère
de Dieu se manifestant à eux, ils se convertissent. Car Dieu s'est fait
connaître par elle: "La colère de Dieu se manifeste du haut du ciel contre
toute impiété et injustice de ces hommes qui retiennent la vérité de Dieu dans
l'injustice."
9 La
fumée a monté dans sa colère et un feu ardent a jailli de sa face; des charbons
en ont été embrasés.
2. Ici le
psalmiste expose la puissance de Dieu au sens matériel dans l'effet de la terre
qui vient d'en haut. Or l'effet de la terre vient d'en haut, lorsque la terre
est brûlée par un feu céleste dans une de ses parties; et à cet égard il
mentionne deux choses:
a) D'abord la
matière elle-même.
b) Puis
l'ascension du feu et sa combustion.
a. Sa matière est
une fumée sèche qui se dissipe en montant jusqu'à ce qu'elle soit enflammée; et
c'est pourquoi il dit: La fumée a monté dans sa colère, c'est-à-dire
dans sa volonté, c'est-à-dire celle de Dieu qui punit ainsi. de sa face, c'est-à-dire
de sa puissance, un
feu ardent a jailli, c'est-à-dire s'est allumé; et des charbons, c'est-à-dire
la matière combustible s'est enflammée.
Au sens mystique, deux choses sont signifiées par cela, à savoir la
force de la prière et l'embrasement de la charité.
b. a monté:
et à partir de cela est considérée la colère de Dieu contre les pécheurs. Ou
bien: La
fumée a monté, c'est-à-dire la fumée de la prière fervente: "La
fumée des parfums monta", c'est-à-dire le feu de la charité. de sa face, c'est-à-dire
du Christ, a
jailli. - "Je suis venu jeter un feu sur la terre."
des charbons
en ont été embrasés, c'est-à-dire sont susceptibles d'embrasement.
Le charbon a connu autrefois le feu, comme l'homme a connu dès le commencement
la charité; mais le charbon s'était éteint, tandis que les hommes ont été
embrasés par le Christ. De même que des charbons non humides s'enflamment, et
non point les humides, ainsi en est-il des hommes rendus humides par le flot
des désirs charnels: "Les flèches du puissant sont aiguisées avec des
charbons désolateurs."
8 La
terre a été ébranlée et a tremblé; les fondements des montagnes ont été
bouleversés et ébranlés, parce qu'il s'est irrité contre eux.
On dit de Dieu qu'il se met en colère, parce qu'il se comporte à la
manière de celui qui est irrité, non en lui-même mais quant à l'effet. Or un
maître irrité fait trembler son esclave, et un lion son petit. Il faut savoir à
cet égard que la puissance maîtrisant les membres se relâche extérieurement
vers l'intérieur, comme si elle se retranchait vers le coeur et cédait au mal
suggéré; ou bien face à une puissance se dressant contre elle, à laquelle elle
ne peut résister, et les membres tremblent, comme un mur lorsque sa fondation
est ébranlée. Or l'âme contient le corps, et elle en est le fondement; et une
partie de l'âme est une partie du corps. C'est pourquoi, le fondement ayant été
ébranlé, le mur est ébranlé; et, une puissance ayant été ébranlée, un membre
est ébranlé. Ainsi donc l'effet de la colère dans l'animal se traduit par la
crainte. Or on dit d'un animal qu'il tremble, quand tout en demeurant au même
endroit une partie de lui-même est ébranlée; et c'est pareillement ce qui
arrivé dans un tremblement de terre, la terre étant dite trembler par
comparaison avec les animaux. Or on dit de Dieu qu'il s'irrite contre la terre
dans un tremblement de terre.
Ou bien selon l'explication suivante: on distingue dans l'homme quatre
choses: la raison, les puissances sensitives, les facultés naturelles et le
corps. Mais dans le monde se trouvent Dieu, les anges, les animaux, les plantes
et les éléments. Or nous voyons que par rapport au mal imaginé, auquel le corps
ne peut résister, ce dernier tremble aussitôt non à cause de la connaissance,
mais à cause d'un certain enchaînement naturel ou naturellement, dans la mesure
où la puissance du mal imaginé est plus forte. Et semblablement Dieu, quand il
dirige sa puissance sur la terre, bien qu'il ne connaisse pas la colère, on dit
qu'il tremble naturellement parlant.
Les fondements,
c'est-à-dire les cavités ou les anfractuosités de la terre, qui,
ébranlées, secouent les montagnes.
parce qu'il s'est
irrité contre eux. La cause
première est la volonté de Dieu ou sa puissance voulant agir en eux; mais il
fait cela par l'intermédiaire des causes secondes, de telle sorte que toutes
les causes secondes sont comparées à la terre comme un mal imaginé ébranlant
les membres.
La fumée a monté. Il faut noter ici, selon le Philosophe, que de la terre humide se
dissipe sous l'influence de la chaleur du soleil une vapeur chaude et humide,
tandis que de la terre sèche monte une vapeur sèche et chaude, qui
naturellement monte plus haut que la première. Or celle-ci est comparée au feu,
celle-là à l'air; et le psalmiste appelle fumée cette vapeur, qui est chaude et
sèche. Mais le Philosophe l'appelle combustible, c'est-à-dire matière à
embrasement. Or cette vapeur en s'élevant prend de la largeur sous l'effet
d'une légère augmentation de la chaleur, et elle s'enflamme par le mouvement
circulaire. Et cependant ce combustible ou cette fumée sèche, si elle a
longueur et largeur, après s'être embrasée, on l'appelle flamme. Car la flamme,
selon le Philosophe, c'est l'incandescence d'un souffle sec. Si elle a longueur seulement, on
parle de torches ou bien de tisons, et de boucliers ou de chèvres, et d'étoiles
filantes. De torches, lorsque cette matière à combustion est longue, continue,
sans étincelle. On l'appelle chèvre lorsqu'elle se compose d'étincelles,
c'est-à-dire quand elle semble sauter et courir de tous côtés. Étoiles filantes
lorsqu'elle est faite de matière discontinue, et qu'elle semble voler comme les
étoiles filantes; et ce genre d'étoiles contient très peu de matière. Il y a
aussi un autre genre d'étoiles filantes, lequel est froid et chasse le chaud;
et de telles étoilés ne semblent pas voler, mais être projetées, comme le dit
le Philosophe;
et elles sont engendrées non par une fumée tout à fait sèche, mais
par une exhalaison plus humide et chaude, qui selon sa nature propre ne monte
pas autant que l'exhalaison sèche, ainsi qu'on l'a dit. Et du fait qu'une
exhalaison est sèche, elle pâtit du froid, est repoussée et se trouve projetée
vers le bas. Et cela se produit de jour et dans la clarté, autrement elle
serait éteinte par la densité et l'humidité de l'air. Et parce qu'elle se voit
de jour, c'est un signe qu'elle est proche de la terre. Mais elle s'enflamme de
deux manières: soit de manière continue, comme une flamme supérieure allume un
petit flambeau, soit par le mouvement du froid et sa contraction, ou par
l'accumulation de la chaleur. Ainsi donc il dit: La fumée a monté, c'est-à-dire
une exhalaison sèche: dans sa colère, c'est-à-dire par la volonté de
celui qui veut agir en elle. et un feu, c'est-à-dire cette fumée qui est
aussi appelée feu par le Philosophe au début des Météorologiques, comme si cela
était dû au fait qu'elle n'a pas de nom propre, comme l'exhalaison humide qu'on
appelle vapeur; mais cette fumée est appelée feu parce qu'elle est disposée à
monter, et parce qu'elle est chaude et sèche comme le feu. Ce feu ardent, dit-il,
a jailli, c'est-à-dire
a été allumé, à savoir par Dieu comme venant de la cause première. Et ce feu
allumé est précisément appelé torche, bouclier, flamme et étoiles filantes;
étoiles filantes engendrées selon la première manière rapportée plus haut. des charbons en
ont été embrasés, c'est-à-dire des étoiles filantes ont été
engendrées selon la seconde manière.
Ou bien ainsi: La terre a été ébranlée, etc. Une
vapeur sèche élevée de terre sous l'action de la chaleur du soleil est
quelquefois légère; et alors elle s'élève plus haut et prend de l'extension,
ainsi qu'on l'a dit plus haut. Parfois cantonnée sur la surface du sol elle est
un peu plus épaisse, c'est pourquoi, refoulée par le froid, elle ne monte pas
autant, et elle est un souffle; parfois une vapeur sèche plus épaisse s'élève
vers la surface du sol, et celle-ci à cause de son épaisseur, de la fermeté de
la terre et de sa profondeur, ne s'échappe pas au-dehors, mais reste enfermée
dans le sol, et s'amasse dans une cavité de la terre qui lui est adaptée; elle
est pressée par un corps étranger à sa nature spécifique. Il y a alors
perturbation dans les entrailles de la terre, et elle en est ainsi ébranlée.
Chose qui n'est pas surprenante, puisque nous voyons le vent former des vagues
comme des montagnes sur la mer, et sur la terre arracher des arbres et faire
tomber des édifices, et dans l'air produire de très grandes tempêtes. Mais Si
le vent est la cause d'un tremblement de terre, c'est le signe qu'avant un
tremblement de terre il y a habituellement absence de vent, tandis qu'après il
apparaît. Quant à la matière du tremblement de terre, affaiblie par la chaleur
du soleil, elle sort de la terre; et ainsi cesse le tremblement de terre et
naît le vent.
La cause d'un tremblement de terre est le heurt des vents; et c'est
pourquoi cela ne peut se produire sur toute la terre en même temps, mais ne
peut s'étendre que jusqu'à deux cents milles au plus, comme le dit Sénèque. Et
il rapporte qu'un tremblement de terre sépara la Sicile de la Calabre, et
l'Espagne de l'Afrique. Et il dure quelquefois quarante jours, quelquefois une
année. Notez aussi qu'un sol ferme à partir duquel une vapeur ne peut
s'échapper extérieurement est exposé à être vite ébranlé: en effet, ce qui est
de nature pierreuse n'est pas ébranlé légèrement et est secoué. Il faut
cependant qu'il soit poreux en quelque endroit, par où la vapeur entrera;
qu'elle entre par ces endroits poreux, et qu'elle soit retenue par la dureté du
sol. Mais si on dit que par l'endroit où elle est entrée, elle ne peut s'en
échapper, il faut répondre qu'il ne peut pas en être toujours ainsi, car
parfois l'arrivée de la vapeur et son élévation vers ce lieu se produisent sans
interruption. Et d'autre part, parce que la vapeur chaude ne va pas plus bas,
le flot de la mer en fermant les endroits poreux et en l'enfermant plus bas à
cause du froid, contribue à produire un ébranlement. Voilà pourquoi les
anfractuosités au fond de la mer provoquent souvent un tremblement de terre.
Remarquez aussi que cette vapeur sort continuellement de la terre d'une
certaine manière, et c'est ce qui explique qu'au moment des tremblements de
terre les animaux ayant la tête au niveau du sol sont souvent contaminés par
cette vapeur toxique sortant de la terre.
10 Il
a incliné les cieux, et il est descendu; et une sombre nuée est sous ses pieds.
11a Et
il est monté sur des Chérubins.
B. Le psalmiste
traite ici des vents. Remarquez que la matière du vent est une vapeur ou une
exhalaison sèche chauffée fortement, mais non légère au point de pouvoir monter
vers le lieu le plus élevé, ni suffisamment chauffée; c'est pourquoi elle est
arrêtée par le froid, s'épaissit et est repoussée vers le bas: et celle-ci
étant repoussée agite l'air. Elle a cependant assez de chaleur pour ne pas être
dominée par le froid, de telle sorte qu'elle retourne vers la terre; et il est
dit: sombre
nuée, et aussi: sous ses pieds, parce qu'elle n'est pas élevée
comme celle qui monte dans une flamme. Cependant, parfois, elle n'est pas
aussitôt repoussée, mais chasse les nuages car elle n'est pas totalement
dominée, et ne retourne pas directement plus bas vers la terre; et en raison de
ce mouvement sinueux, elle s'efforce quasiment de prendre de la hauteur, mais
elle ne le peut à cause de son refoulement; et tel est ce qu'il dit:
11b Et
il s'est envolé: il s'est envolé sur les ailes des vents. 12 Et il a fait des
ténèbres son lieu de retraite, sa tente autour de lui, une eau ténébreuse est
dans les nuées de l'air. 13 À l'éclat qui jaillit de sa présence, les nuées se sont
dispersées; il en est sorti de la grêle et des charbons de feu.
Ici le psalmiste traite des perturbations de l'air selon leurs effets
matériels; et on distingue une triple perturbation: elle se situe dans les
vents, dans les nuages et dans les tonnerres. Et il traite de chacune d'elle.
1. À propos de la
perturbation dans les vents il expose trois choses:
a) D'abord la
cause effective de toutes ces perturbations.
b) Ensuite la
matière.
c) Enfin le mode.
a. Quant à la
cause effective de toutes ces perturbations, elle est due à un corps céleste,
qui par son mouvement provoque ces altérations de l'air; et c'est pourquoi il
dit: Il a
incliné les cieux, c'est-à-dire a ordonné la puissance des corps
célestes à la réalisation de ces effets; car ils détiennent leur puissance de
Dieu.
et il est
descendu. Bien que Dieu
accomplisse toutes choses en demeurant immobile, on dit cependant qu'il se meut
à travers l'effet, en tant qu'il crée des effets mobiles: "La sagesse est
plus agile que tout mouvement"; et selon ce point de vue, il est dit
descendre, en tant qu'il fait descendre la puissance des cieux.
b. La matière des
vents, c'est une sombre nuée ou une fumée sèche. Elle n'est pas légère au point
de monter jusqu'à devenir du feu, mais elle se maintient; et c'est pourquoi il
dit: sous ses
pieds, c'est-à-dire sous son pouvoir; et tout est de Dieu.
c. Le mode: il est monté sur
des Chérubins. Remarquez: de même que dans la pensée des Juifs un
roi a un char, ainsi Dieu en a-t-il un aussi, qui est un Chérubin; et ils se
représentent Dieu comme un être corporel et semblable à un Chérubin. Et c'est
pourquoi dans une version de Jérôme il est écrit mot à mot: "Equitavit super
Cherubim (Il chevaucha un Chérubin)." Et ces derniers ont une
fausse représentation, car les choses qui sont exprimées en image dans
l'Écriture sont des signes de la vérité spirituelle. Or la sagesse divine est
dite être mue, en tant qu'elle cause un mouvement dans les réalités mobiles.
Cependant tout ce que Dieu cause dans les réalités inférieures, il les cause
avec le secours de la créature spirituelle; c'est pourquoi Augustin dit que "Dieu
meut la créature corporelle par l'intermédiaire de la créature spirituelle",
mais la créature spirituelle n'agit pas de sa propre force, mais sous le
gouvernement de Dieu. Et au sens spirituel on dit que Dieu fait cela en montant
sur des Chérubins, parce qu'ils représentent la plénitude de la connaissance,
et Dieu accomplit toutes choses par sa propre connaissance. Et on dit qu'il est
sur des
Chérubins, parce que la connaissance de Dieu est supérieure à celle
des anges. Et c'est pourquoi Dieu accomplit cela en volant, c'est-à-dire en
faisant voler. Et par des Chérubins, c'est-à-dire par sa propre connaissance,
et sur eux, lui
qui les dépasse; et il a dit: il s'est envolé: il s'est envolé, parce que le
mouvement du vent n'est pas uniforme. Et: sur les ailes des vents, à cause de la
rapidité de leurs mouvements.
Au sens mystique, le mystère de l'Incarnation est ici exposé.
1') Et d'abord l'Incarnation du Christ, par laquelle il sortit du Père
et vint dans le monde.
2') Ensuite son Ascension, parce qu'il alla vers le Père: Il est monté
sur des Chérubins.
3') Enfin les événements qui eurent lieu dans
l'Église après l'Ascension du Christ: 12 Et il a fait des ténèbres son lieu de retraite, etc.
1'. Ainsi dit-il: Il a incliné les cieux, et il est
descendu, etc. Si une personne de condition élevée accomplit
un acte d'humilité vis-à-vis d'une personne d'humble condition habitant la
campagne, on dit qu'elle fait une injure et cause une humiliation à toute la
contrée qu'elle gouverne. Ainsi dit-on du Fils de Dieu qu'il s'humilie et
incline les cieux, car il a voulu venir à nous dans l'humilité. et il est
descendu, c'est-à-dire s'est rendu visible: "Après cela il a
apparu sur la terre, et il a conversé avec les hommes." - "Ce que
nous avons vu et ce que nous avons entendu et ce que nos mains ont palpé du
Verbe de vie." Il est donc descendu par l'humilité en prenant la chair
humaine, en mourant et en enseignant l'humilité. Ou bien: Il a incliné les cieux, c'est-à-dire
les prédicateurs, et il est descendu en leur faisant dire aux hommes des
choses capables d'être saisies. et une sombré nuée, c'est-à-dire le diable et
tous les méchants, est sous ses pieds, c'est-à-dire ceux du
Christ: "Je ferai de tes ennemis l'escabeau de tes pieds."
2'. À propos de l'Ascension il dit: il est monté sur des Chérubins. - "Celui
qui est descendu est le même qui est monté au-dessus de tous les cieux, afin
qu'il remplît toutes choses." sur des Chérubins, c'est-à-dire au-dessus de
l'ordre des anges: "L'établissant à sa droite dans les cieux, au-dessus de
toute principauté, de toute puissance, de toute vertu, de toute domination et
de tout nom qui est donné non seulement dans ce siècle, mais aussi dans le
futur. Il a mis toutes choses sous ses pieds, et il l'a établi chef sur toute
l'Église, qui est son corps." - "Dieu très fort, grand, puissant, ton
nom est Seigneur des armées, grand en conseil et insaisissable dans la pensée."
Et il dit au sens spirituel: sur les Chérubins, car il n'est pas monté
seulement en tant qu'il leur est précisément supérieur, mais parce qu'il leur
est insaisissable: il s'est envolé: il s'est envolé. On entend
par là un double vol.
D'abord en tant qu'à la suite de son
Ascension, sa renommée s'est étendue au monde entier dans un bref délai; c'est
pourquoi il dit: sur
les ailes des vents, c'est-à-dire plus vite que des plumes
dispersées sous l'impulsion des vents; car ce fut en peu de temps, en moins de
trois années: "Leur bruit s'est répandu à travers toute la terre, et leurs
paroles jusqu'aux limites du globe de la terre", car cela se réalisa avant
la destruction de Jérusalem. Ou bien: il s'est envolé, etc., en montant au ciel il devint
invisible, et il
s'est envolé de notre présence: "Une nuée le déroba à leurs
yeux." Et encore: il s'est envolé sur les ailes des vents, c'est-à-dire
au-dessus de la connaissance des anges: "Qui fais de tes anges des vents,
et de tes ministres un feu brûlant." C'est pourquoi il est écrit, dans le Livre des
causes, que la cause première est supérieure à toute description;
aussi les langues ne peuvent-elles pas la décrire, parce qu'elles ne peuvent
décrire son être, car il est au-delà de toute cause. Et le Commentateur affirme
qu'on n'en a ni jugement ni connaissance.
Et il a fait des ténèbres, etc. Comme on l'a dit, les choses qui sont
présentées ici pour montrer la puissance divine, grâce à laquelle David a été
libéré, peuvent être rapportées aux effets matériels en figure, et aux effets
spirituels selon le mystère.
2. Ainsi le
psalmiste présente d'abord l'excellence de la puissance divine dans l'air
exposée sous le rapport des effets matériels; et cela de trois manières: quant
aux vents, quant aux pluies et aux nuages, et quant aux éclairs.
Et puisque nous avons parlé plus haut des vents, il faut parler
maintenant des pluies dans l'air. Ainsi donc, selon qu'il s'agit des nuages et
des pluies, nous rencontrons une double perturbation dans l'air: l'une part
d'un ciel serein et se dirige vers un ciel obscur, l'autre a son point de
départ dans les nuages et se dirige vers un ciel serein.
a) Le psalmiste
expose donc la première perturbation.
b) Puis la
seconde: 13 À
l'éclat.
a. En parlant de
cette première perturbation il fait trois choses:
- Il montre d'abord l'obscurité du temps nuageux.
- Puis il emploie une comparaison.
- Enfin il expose la cause de l'obscurité.
- Ainsi dit-il à propos de l'obscurité du temps nuageux: il a fait des
ténèbres sa retraite. On dit de Dieu qu'il habite dans le ciel.
Voilà pourquoi, lorsque les nuages obscurcissent le ciel, il semble que Dieu
habite dans un lieu caché: "Je couvrirai le ciel d'une nuée."
- Et il a exposé une comparaison à propos de la tente; aussi dit-il: sa tente autour
de lui. Or une tente est fixée et déplacée comme des nuages.
- Et que les nuages sont la tente de Dieu, il le dit: une eau
ténébreuse est dans les nuées de l'air.
b. Il traite
ensuite de la deuxième perturbation: 13 À l'éclat, etc., et il emploie cette
comparaison: lorsque vient la lumière, les ténèbres sont repoussées, et de même
lorsque Dieu montre sa lumière, l'obscurité des nuées se retire. Et c'est
pourquoi il dit: À
l'éclat qui jaillit de sa présence, les nuées se sont dissipées, à
l'éclat de la lumière qui jaillit de sa face les nuées se sont dissipées, comme
sous l'éclat ou la clarté du soleil les nuées se retirent et disparaissent,
ainsi qu'on le rapporte dans le livre des Météorologiques. Brandons ou tisons se forment
dans le mouvement des nuages; car la grêle et la foudre, ou le feu, ont une
même cause de formation. Mais les Anciens disent qu'ils sont engendrés dans un
lieu très élevé, parce qu'ils font remarquer qu'une congélation plus forte est
causée par un froid plus intense. C'est pourquoi la neige requiert plus de
froid que l'eau de pluie, et la grêle davantage que la neige. Mais le froid
peut être si intense qu'il se condense aussitôt en grêle; parfois d'abord en
eau, et ensuite en grêle. Et ils disent que les exhalaisons qui s'élèvent plus
haut gèlent très fort, et c'est pourquoi d'épaisses grêles se forment. Mais le
Philosophe dit au contraire que d'après cela elles sont plus importantes sur
les montagnes et en hiver. Or c'est le contraire que nous observons, car elles
sont plus denses dans les vallées, se produisent au printemps et à l'automne,
et se forment dans un lieu proche. De même, selon le Philosophe, les grêlons
arrivent quelquefois sous forme anguleuse, et c'est le signe qu'ils viennent de
près: en effet les grêlons anguleux fondent plus vite. Aussi faut-il savoir
qu'il est naturel à un contraire d'agir plus fortement sur son contraire. Or il
est évident que dans les nuées le froid se mêle au chaud; donc lorsque la
chaleur de l'air environnant réprime le froid qu'elle ne peut dissiper, elle le
chasse alors dans un circuit intérieur hors de la chaleur. Quant aux tisons qui
tombent, ils ont une double cause de formation: l'une est due à la fumée
montant plus haut jusqu'à un lieu apte à l'inflammation, et cette dernière
s'enflamme; et ainsi suivant l'inflammation elle descend jusqu'à ce qu'elle
trouve une matière combustible. Et le psalmiste a traité de cela quand il a dit:
des charbons
en ont été embrasés. Mais ici il traite de l'autre mode de formation,
ce dernier se fondant sur une résistance contraire. Ainsi dans une nuée, il y a
quelquefois du chaud, et cet air chaud est réprimé intérieurement sous la
pression du froid extérieur, et se multiplie, de telle sorte qu'il brûle une
matière épaisse et tombe; et c'est pourquoi les charbons, le feu et la grêle
ont une même origine de formation, c'est-à-dire la condensation du froid ou du
chaud, comme on l'a dit. Ainsi dit-il: À l'éclat qui jaillit de sa présence, etc. Et
ces éclairs se sont dissipés en même temps que le charbon et la grêle, qui sont
formés à partir des nuées, comme on l'a dit.
14 Et
le Seigneur a tonné du ciel, et le Très-Haut a fait entendre sa voix; grêle et
charbon de feu.
3. Et le
psalmiste traite ici de la troisième perturbation. Et d'abord du tonnerre. Puis
des éclairs: il
a lancé ses flèches.
Il faut savoir que le psalmiste s'exprime ici selon cette comparaison
établissant que tout ce qui se fait au ciel est attribué à Dieu. C'est pourquoi
il perçoit un bruit entendu dans le ciel comme si c'était la voix de Dieu. Or
il y a deux sortes de bruits dans le ciel: l'un se fait entendre dans le
tonnerre; et ici, bien que certains disent du tonnerre que c'est l'extinction
du feu dans la nuée, le psalmiste réprouve cette explication, et dit qu'il se
produit par la rencontre des vents; ainsi en est-il aussi pour les nuages. Et
d'où ces paroles du psalmiste: le Seigneur a tonné du ciel. De même il y a
parfois des nuées épaisses à partir desquelles des grêles se forment, et avec
bruit dans certains cas: aussi le Philosophe dit que quelquefois, avant une
grêle, il se produit une déflagration dans les nuées, quelquefois non. Car de
même qu'une exhalaison chaude et sèche chassée par le froid fait du bruit en
fendant une nuée, comme cela apparaît pour l'éclair, ainsi une exhalaison
humide congelée en grêle et chassée par le chaud, fend de la même manière une
nuée et provoque du bruit. Et c'est pourquoi le psalmiste dit: le Très-Haut a
fait entendre sa voix, c'est-à-dire a manifesté sa puissance. Et ce
qui suit: grêle
et charbons de feu, qui ont été formés à partir des nuées, ainsi
qu'on l'a indiqué.
Ou bien ces mots: il a tonné du ciel, s'expliquent comme suit.
Remarquez que parfois une exhalaison humide monte vers un lieu supérieur; et
parce qu'elle est de la même nature que l'eau, ils se créent à partir d'elles
des concentrations humides, qui sont le nuage, la rosée, le brouillard, la
pluie, la grêle et la neige, et d'autres choses du même genre. Mais ces
phénomènes se diversifient parfois en raison de la différence de la légèreté ou
de l'épaisseur de la chaleur et du froid. Mais parfois une exhalaison sèche
s'élève, et si elle s'élève seule elle engendre des vents; cependant si cette
vapeur sèche est saisie dans une exhalaison humide, alors, lorsque l'exhalaison
humide s'élève vers le haut, et commence à s'épaissir à cause du froid,
l'exhalaison sèche renfermée dans cette vapeur humide provoque une grande
perturbation et s'enflamme: car une telle exhalaison s'enflamme rapidement,
comme il en est du gaz qui sort des entrailles de l'homme; et cet embrasement
est la cause de la foudre et de la lueur de l'éclair. Mais l'exhalaison sèche
agitée à l'intérieur des nuages provoque un bruit varié. De même, si embrasée
de la sorte elle heurte les côtés d'un nuage sans le déchirer, alors elle ne
brille pas clairement; comme si quelqu'un regardait un fait éclatant à travers
une étoffe: car le nuage étant un peu ouvert, elle se laisse entrevoir.
Cependant elle rend un son comme le bruit d'une flamme au milieu d'un incendie.
Il arrive aussi qu'il n'y ait pas d'embrasement, et par conséquent le bruit se
fait sans éclair, comme faisant du vacarme; et cela se produit lorsqu'elle
frappe, sans être enflammée, les côtés d'un nuage. Mais si elle frappe les
côtés et les fend, cependant avec une certaine difficulté, et ce dans la partie
la plus épaisse du nuage, il en résulte alors un bruit effrayant, comme si
quelqu'un déchirait une étoffe d'une immense largeur, et alors la vision de la
foudre ou de la lueur de l'éclair est incurvée; car elle ne sort pas
directement du nuage, ainsi qu'on l'a dit. Parfois elle fend un nuage avec
grande force, comme soudainement, et toute l'exhalaison sort en même temps; et
alors elle fait un bruit comme une vessie enflammée, ou comme si une outre gonflée
éclatait au-dessus de la tête de quelqu'un; et elle frappe l'air avec une très
forte percussion. Parfois cette exhalaison sèche s'élève sous l'action d'un
gonflement, et cherchant un espace plus étendu dissipe subitement un nuage, et
fait un bruit comme du bois vert crépitant dans le feu, ou surtout à la manière
des oeufs; et cela se voit principalement dans les châtaignes qui sont jetées
au feu; lorsque l'humidité commence à se résorber et à chercher un espace plus
grand, elle brise la coque résistante et sort avec impétuosité et grand bruit.
Parfois, ne pouvant même pas sortir, elle s'éteint, et fait un bruit comme du
fer incandescent éteint dans l'eau; bruit que le Philosophe appelle sifflement
ou grincement. Parfois également cette exhalaison fait diverses ouvertures aux
endroits moins denses d'un nuage, et alors elle fait comme un bruit sifflant,
comme le vent lorsqu'il s'échappe par des ouvertures. Parfois, avant qu'elle ne
s'embrase, elle sort avec impétuosité du nuage, et fait alors un bruit comme
des soufflets de forgeron quand ils soufflent.
15 Et
il a lancé ses flèches, et il les a dispersés. Il a multiplié ses éclairs, et
il les a troublés.
Le psalmiste décrit ici le mouvement des
éclairs, et il les compare à une flèche à cause de la violence du vent qui les
meut. et il
les a dispersés, c'est-à-dire les pécheurs, car ils sont parfois mus
par eux; en effet à la diversité des vents correspond la diversité du mouvement
de l'éclair. Car de même qu'en traitant plus haut du mouvement des vents il
disait: il
s'est envolé: il s'est envolé, etc., afin de montrer le mouvement
divers des vents, ainsi dit-il ici: Il a multiplié ses éclairs, afin de montrer le
mouvement des éclairs. Il dit: il les a troublés, car Pline affirme que les
présages se fondent sur les éclairs; car parfois il s'agit d'un signe
bénéfique, c'est-à-dire lorsqu'ils jaillissent de l'Orient; parfois non, et
c'est pourquoi les hommes qui exercent les fonctions d'augure se troublent en
raison des présages futurs.
16 Alors
ont paru les sources des eaux, et les fondements du globe de la terre ont été
mis a nu, à ta menace, Seigneur, au souffle du vent de ta colère.
C. Le psalmiste
traite ici de la formation des eaux, qui émanent d'origines qu'on appelle
sources, et à partir desquelles existe toute formation d'eaux. Or celles-ci
sont formées de deux manières. Parfois à la suite d'une cause ordinaire et
naturelle; comme lorsque les exhalaisons sont élevées au-dessus de la terre, et
en vertu de cette élévation elles se refroidissent dans la hauteur, et
descendent et se transforment en pluie. Ainsi à cause de la chaleur intérieure
de la terre, et lorsque les exhalaisons ne sortent pas, elles se rassemblent et
se dissolvent en eau, et donnent naissance aux sources des eaux. De même que
les pluies sont formées dans l'air, ainsi les sources sur la terre; et c'est
pourquoi le long des montagnes où les exhalaisons ne sortent pas, apparaissent
les sources. Et c'est ce qu'il dit: ont paru les sources des eaux. Parfois les
sources se forment à la suite du bouleversement de la terre issu d'un séisme;
de cette secousse naissent des veines d'eau dans la profondeur de la terre
submergée; et c'est pourquoi il dit: et les fondements du globe de la terre. Selon
le Philosophe, ce bouleversement est dû au vent enfermé à l'intérieur de la
terre, comme le vent dans l'air agite l'air. Mais lorsque le vent est retenu,
il se produit un tremblement de terre; et ces deux vents symbolisent la colère
de Dieu. Et c'est pourquoi il dit qu'elle se manifeste sur la terre comme un tremblement
de terre.
3'. Au sens mystique, on peut appliquer cela aux effets spirituels; et
de même qu'on a montré plus haut le mystère de l'Incarnation en annonçant
l'Incarnation proprement dite dans laquelle le Christ descendit, tout comme son
Ascension, ici sont signifiés les événements qui se déroulèrent par la suite.
1) Ainsi le
psalmiste montre d'abord sa disparition.
2) Puis le
rassemblement de l'Église: sa tente autour de lui.
3) Enfin la
prédication des Apôtres: une eau ténébreuse.
1. Concernant la disparition
du Christ il dit: 12 il a fait des ténèbres. À ce propos la Glose distingue
quatre sortes de ténèbres.
a. D'abord son
humanité: "Je couvrirai le soleil par une nuée." - "En vérité,
tu es un Dieu caché."
b. Ensuite les
matières sacramentelles, comme l'eau du baptême et les autres matières des
sacrements, dans lesquelles la puissance divine agit secrètement.
c. Puis il s'est
caché dans la foi des croyants: "Pendant que nous sommes dans ce corps,
nous voyageons loin du Seigneur."
d. Enfin il réalise quelque chose de manière cachée à travers les
méchants, qui sont les ténèbres: "La lumière brille dans les ténèbres, et
les ténèbres ne l'ont pas étreinte."
2. Parfois il est
permis aux méchants de faire du mal aux saints; mais dans ces ténèbres, sa tente, c'est-à-dire
l'Église, est autour
de lui. - "Le Très-Haut a sanctifié sa tente." - "Voici
la tente de Dieu avec les hommes, et il demeurera avec eux", par la foi et
la charité, dans la mesure où ils adhèrent à lui comme à leur milieu, lui qui
s'intéresse également à eux, comme le commente la Glose.
3. eau ténébreuse dans les nuées de l'air.
Ici le psalmiste traite de la
prédication des Apôtres.
a) Et il expose
d'abord la qualité de leur prédication.
b) Ensuite la
circonstance dans laquelle ils prêchent: les nuées.
c) Enfin l'effet
de leur prédication: les sources des eaux ont paru.
a. Ainsi dit-il: une eau
ténébreuse, c'est-à-dire l'enseignement, est dans les nuées, c'est-à-dire
dans les prophètes et les prédicateurs. Il les appelle nuées, parce qu'en s'élevant
des choses terrestres vers les nuées ils ont accompli la parole de Dieu: "Qui
sont ceux-là qui volent comme des nuées ?" Et: "Cieux, répandez d'en
haut votre rosée, et que les nuées fassent pleuvoir la justice." Ou bien
il dit: dans
les nuées de l'air, c'est-à-dire dans les Apôtres ayant été élevés
de terre: "Je commanderai aux nuées de ne plus laisser tomber la pluie sur
elle." Et les Apôtres sont appelés eau ténébreuse par rapport à l'éclair,
c'est-à-dire par rapport au Christ, qui apparaîtra à ceux qui le voient: "Maintenant
nous voyons dans un miroir d'une manière obscure, mais alors nous verrons face
à face." Ou bien autrement, en ponctuant ainsi: eau ténébreuse dans les nuées de l'air: À
l'éclat qui jaillit de sa présence, les nuées se sont dissipées. Puis
ce qui suit: grêle
et charbons de feu, etc. Et on distingue une double doctrine: celle
des prophètes, et elle est obscure, car elle porte un voile, comme le dît
l'Apôtre Paul: "Car jusqu'à ce jour le même voile demeure sans être levé,
lorsqu'ils lisent l'Ancien Testament, parce que c'est dans le Christ qu'il
s'est levé." C'est pourquoi il dit: eau ténébreuse dans les prophètes,
c'est-à-dire dans leur doctrine. Mais la doctrine du Nouveau Testament est
claire, et c'est pourquoi il dit: À l'éclat; plénière est cette doctrine unique,
c'est-à-dire lumineuse, car il est écrit dans les Éphésiens: "Mystère qui,
dans les autres générations, n'a pas été découvert aux enfants des hommes."
Et dans un psaume: "Il n'a pas fait de même à toute nation."
b. Ensuite il
traite des docteurs eux-mêmes, et ils sont comparés aux nuées, aux flèches et
aux éclairs.
- Aux nuées comme prédicateurs. Et le psalmiste mentionne trois choses.
· D'abord leur passage: nuées.
· Puis la qualité de leur prédication: grêle et charbons de feu.
· Enfin l'autorité de celui qui doit prêcher: a tonné.
· les
nuées, c'est-à-dire les Apôtres qui ont passé des Juifs aux nations:
"Les nuées répandent leur lumière et disséminent leur lueur." - "C'était
à vous qu'il fallait d'abord annoncer la parole de Dieu; mais puisque vous la
rejetez, et que vous vous jugez indignes de la vie éternelle, voilà que nous
nous tournons vers les nations."
· La grêle nuit beaucoup aux fruits et aux fleurs, et leur prédication
fut comme une grêle menaçante. et charbons de feu, c'est-à-dire leurs paroles
enflammées.
· Et leur autorité, car le Seigneur parlait à travers eux. C'est
pourquoi le
Seigneur a tonné du ciel, c'est-à-dire par les Apôtres eux-mêmes il
a tonné des paroles menaçantes: "Ce n'est pas vous qui parlez, mais
l'Esprit de votre Père qui parle en vous." et le Très-Haut a fait entendre sa voix, c'est-à-dire
en brûlant de mansuétude: "Recevez avec mansuétude la parole entée en
vous, qui peut sauver vos âmes." Et d'abord le mot grêle, et puis charbons de
feu.
Ou bien autrement: il a tonné, sur le Christ: "Une voix vint du
ciel disant: je l'ai glorifié et je le glorifierai encore. La foule qui avait
entendu disait que c'était le tonnerre." et le Très-Haut a fait entendre sa voix, à
la transfiguration: "Celui-ci est mon fils bien-aimé."
- Et
il a lancé ses flèches. Ces docteurs sont comparés ici aux flèches à
cause de la ferveur de l'Esprit-Saint en eux: "Il m'a disposé comme une
flèche choisie." Et: "Ceux qui sortent avec élan de Jacob rempliront
la face du globe de semence." et il les a dispersés, car ils furent "pour
les uns une odeur de vie pour la vie, aux autres une odeur de mort pour la mort".
- Il dit ces choses à cause de l'éclat des miracles: "Lanceras-tu
des éclairs et iront-ils; et revenant, te diront-ils: nous voici ?" et il les a
troublés, c'est-à-dire il les frappa de stupeur. On rapporte dans
les Actes au sujet du miracle de Pierre que tous "furent remplis de
stupeur et hors d'eux-mêmes de ce qui lui était arrivé".
c. les sources des
eaux ont paru. Le psalmiste expose ici l'effet de la prédication.
- Et il expose d'abord l'effet.
- Puis son origine: À ta menace.
- Or il y a un double effet. Le premier est montré quand il dit: les sources des
eaux ont paru, c'est-à-dire les enseignements de la sagesse: "Je
ferai jaillir des fleuves sur les sommets dénudés, et des sources au milieu des
vallées; je changerai le désert en étang, et la terre sans chemin en courants
d'eaux." - "Vous puiserez avec joie des eaux des sources du Sauveur."
Ou bien les dons de l'Esprit-Saint: "Il y aura une source ouverte à la
maison de David et aux habitants de Jérusalem, pour laver le pécheur et la
femme qui est dans ses mois." L'autre effet est exposé lorsqu'il dit: les fondements
du globe ont été mis à nu, à savoir les saints Patriarches sur
lesquels notre foi a été fondée, car ce qui a été dit ou accompli le fut en
figure, mais révélé par les Apôtres.
- Quant à l'origine de ces effets, ce fut lorsque le Christ commença à
menacer: "Faites pénitence, car le royaume des cieux approche." - "Si
vous ne faites pas pénitence, vous périrez tous de la même manière."
au souffle du vent
de ta colère, c'est-à-dire
lorsqu'il souffla pour que tous nous soyons confus au regard de nos péchés.
17 Il
a envoyé d'en haut, et il m'a pris, et il m'a retiré des grandes eaux.
III. Plus haut le psalmiste a traité de la
puissance de celui qui libère; ici il expose successivement le bienfait de sa
libération: et à cet égard il fait deux choses.
A) Il commence
par rendre grâces pour sa libération à propos des choses passées.
B) Ensuite au
sujet des choses futures qu'il espère: Et je serai sans tache avec lui.
A. Au sujet des
choses passées il expose trois choses:
1) Il raconte
d'abord de quoi il a été libéré.
2) Puis sa
libération: et
le Seigneur s'est fait mon protecteur.
3) Enfin la cause
de sa libération: il m'a sauvé.
1. En disant de
quoi il a été libéré, il fait mention de deux choses:
a) Il montre
d'abord qu'il a été libéré de grandes tribulations.
b) Ensuite il
explique comment ces tribulations sont grandes: 18 Il m'a arraché.
a. La Glose dit
au sens littéral: Il a envoyé d'en haut, autrement dit: Dieu est puissant,
parce qu'il réalise tous les événements prédits: ébranler, etc.
Il a
tonné du ciel, détenant le pouvoir par excellence; et cela d'en haut, c'est-à-dire
par son pouvoir, il
m'a pris, en m'arrachant; et il m'a retiré, c'est-à-dire de nombreuses
tribulations: "Nombreuses sont les tribulations des justes, mais le
Seigneur les délivrera de toutes ces peines." - "Tu m'as libéré des
mains de ceux qui recherchaient mon âme, et des portes des tribulations qui
m'ont environné, de la suffocation du feu qui m'a entouré."
Au sens mystique, Dieu a envoyé son propre Fils d'en haut, c'est-à-dire
du ciel: "Je suis descendu du ciel, non pour faire ma volonté, mais la
volonté de celui qui m'a envoyé." C'est ce que le psalmiste demandait: "Envoie
ta main d'en haut." Et il m'a libéré des grandes eaux. - "À l'extrémité du ciel est
sa sortie; et le terme de sa course à l'autre extrémité." Ou bien il a
envoyé l'Esprit-Saint: d'en haut il a envoyé un feu. et il m'a pris, infirme
que je suis, pour me guérir.
et il m'a retiré
des grandes eaux, à savoir du
baptême, ou de la multitude des péchés. Ou bien: il a envoyé d'en haut, c'est-à-dire
sa grâce aux hommes justes: "Tout don excellent et tout don parfait vient
d'en haut et descend du Père des lumières, en qui il n'y a ni changement, ni
ombre de vicissitudes." et il m'a pris, en vue du repentir: "Comme
un pasteur fera paître son troupeau, et avec son bras il rassemblera les
agneaux, et il les prendra dans son sein, il portera lui-même les brebis
pleines." - "Moi, comme le père nourricier d'Ephraïm, je les porterai
dans mes bras." Ou bien: des grandes eaux, c'est-à-dire des peuples,
car les fidèles sont retirés de la multitude des nations.
18 Il
m'a arraché à mes ennemis très puissants, et à ceux qui m'ont haï, parce qu'ils
sont devenus plus forts que moi. 19 Ils m'ont prévenu au jour de mon
affliction, et le Seigneur s'est fait mon protecteur. 20 Et il m'a mis au
large; il m'a sauvé, parce qu'il m'a voulu. 21 Et le Seigneur me rétribuera selon ma
justice, et il me rétribuera selon la pureté de mes mains. 22 Parce que j'ai
gardé les voies du Seigneur, et que je n'ai pas agi avec impiété en m'éloignant
de mon Dieu. 23 Puisque tous ses jugements sont devant moi, et que je
n'ai point éloigné de moi ses justices.
b. Le psalmiste
examine ici comment ses tribulations sont nombreuses.
- Et d'abord à partir de la condition de ses ennemis.
- Ensuite à partir de leur persécution: parce qu'ils sont devenus plus forts.
- La condition de ses ennemis est très nuisible, car ils sont puissants
et haineux; c'est pourquoi il dit: Il m'a arraché à mes ennemis très puissants, et à ceux qui
m'ont haï.
Au sens mystique, les ennemis puissants sont les péchés charnels: "Si
tu accordes à ton âme la satisfaction de ses convoitises, elle fera de toi la
risée de tes ennemis." - "Arrache-t-on au puissant sa proie ?"
Les ennemis haineux sont les démons: "Les Égyptiens haïssaient les enfants
d'Israël." - "Je briserai devant sa face ses ennemis."
- Ensuite est exposée la persécution. Quelqu'un peut être libéré de ses
ennemis de deux manières. Ou bien parce qu'il ne consent pas à être vaincu, ou
bien parce qu'il prend la fuite. Mais le psalmiste écarte de lui ces deux
possibilités. D'abord parce que ceux qui étaient forts et très forts,
c'est-à-dire en grand nombre, l'ont vaincu, et il n'a pu s'enfuir; et c'est ce
qu'il dit: Ils
m'ont prévenu, en barrant justement le chemin pour prendre la fuite:
"Ceux qui nous poursuivaient ont été plus rapides que les aigles du ciel,
ils nous ont pourchassés sur les montagnes"; et cela, au jour de
l'affliction, car l'homme est alors plus faible quand il est affligé: "Tous
ses persécuteurs l'ont saisi dans ses angoisses."
2. Il expose le
secours de son libérateur dans une double intention. D'abord contre ses ennemis
puissants, aussi dit-il: et le Seigneur s'est fait mon protecteur, pour
qu'ils ne me nuisent pas: "Tu m'as protégé contre l'assemblée des
méchants, et contre la multitude de ceux qui commettent l'iniquité." Puis
contre ceux qui agissent de propos délibéré; d'où ce qui suit: il m'a mis au
large, en me tirant de l'embarras dans lequel j'étais ne sachant que
faire, et me montrant la voie a suivre. Ou bien: au large de la charité: "Ton
commandement est étendu sans limite."
3. La cause de la libération est double, c'est-à-dire la
grâce divine et le mérite humain. C'est pourquoi il dit: il m'a sauvé, parce qu'il m'a voulu. La cause
la plus importante de sa libération, c'est sa propre volonté: "Lui qui
fait toutes choses suivant le conseil de sa volonté." Mais ensuite le
mérite humain y a aussi une certaine part: "La grâce n'a pas été stérile
en moi." Et c'est pourquoi il ajoute: le Seigneur me rétribuera, etc. Il
fait ici trois choses:
a) Il mentionne
d'abord le mérite.
b) Ensuite il dit
en quoi il consiste: Parce que j'ai gardé les voies du Seigneur.
c) Enfin il fait
connaître la voie qui mène au mérite: Puisque tous ses jugements sont devant mes yeux.
a. Le mérite de
l'homme consiste en deux choses, c'est-à-dire dans l'accomplissement du bien,
et dans la fuite du mal: "Détourne-toi du mal et fais le bien." Aussi
dit-il à propos de l'accomplissement du bien: le Seigneur me rétribuera selon ma justice,
justice que lui-même a réalisée en moi: "Les âmes des justes
sont dans la main de Dieu, et le tourment du malheur ne les atteindra pas."
- "Pour celui qui sème la justice il y a une récompense assurée."
Concernant la fuite du mal il dit: il me rétribuera selon la pureté de mes mains, c'est-à-dire
selon mon innocence: "L'innocent sera sauvé, mais il sera sauvé à cause de
la pureté de ses mains." - "Le Seigneur ne privera pas de biens ceux
qui marchent dans l'innocence."
b. Mais cette
justice consiste en l'observation des voies de Dieu: "J'ai couru dans la
voie de tes commandements." Et c'est pourquoi il dit: Parce que j'ai gardé les voies du Seigneur.
- "Mon pied a suivi ses traces; j'ai gardé sa voie, et je ne
m'en suis pas détourne." - Et parce que je n'ai pas agi avec impiété, en
m'éloignant de Dieu, car l'homme s'éloigne de Dieu par le péché, et
il se souille: "Notre coeur ne s'est pas retiré en arrière."
c. Comment
parvenir à cette disposition? Puisque tous ses jugements sont devant [mes yeux]. Il
vaut mieux penser aux jugements divins pour accomplir le bien et éviter le mal:
"Fuyez devant la face du glaive, parce qu'il y a un glaive vengeur des
iniquités." Et j'ai gardé cela, car je n'ai point éloigné de moi ses justices, en
péchant de propos délibéré: "Ils ont dit à Dieu: Retire-toi de nous",
et en conséquence, "un déluge leur surviendra". Celui qui pèche par
faiblesse ou par ignorance obtient facilement le pardon.
24 Et
je serai sans tache avec lui, et je me tiendrai en garde contre mon iniquité. 25
Et le
Seigneur me rétribuera selon ma justice et selon la pureté de mes mains devant
ses yeux.
B. Plus haut, le
psalmiste a rappelé le bienfait de sa libération concernant le passé; ici il le
fait en relation avec le futur quant à l'espérance.
1) Et il commence
par rappeler les bienfaits en général.
2) Puis en
particulier, ceux qu'il a reçus et ceux qu'il espère: 31 Mon Dieu, sa voie est sans souillure.
3) Enfin il exalte la justice divine.
1. En rappelant
les bienfaits en général il fait deux choses.
a) Il expose
d'abord sa prière à Dieu.
b) Ensuite il
fait valoir l'espérance de son exaucement: Parce que c'est toi, Seigneur, qui fais luire ma lampe.
a. Il attire
l'attention sur trois choses:
- D'abord sur le dessein de persévérer dans l'innocence.
- Puis sur le mérite de la rétribution: il me rétribuera.
- Enfin il en assigne la raison: Avec le saint tu seras saint.
- Ainsi
dit-il: Et je
serai sans taché avec lui, c'est-à-dire j'adhérerai à Dieu, parce
qu'il parle au nom de sa propre personne et au nom des autres, certains d'entre
eux étant innocents; et c'est pourquoi il dit: Et je serai, c'est-à-dire je me
tiendrai et je persévérerai dans l'innocence: "Bienheureux l'homme qui a
été trouvé sans tache"; ou bien: je serai sans tache avec lui, c'est-à-dire
j'adhérerai à Dieu: "Celui qui s'unit à Dieu est un seul esprit avec lui",
me préservant de toute tache: "Jusqu'à ce que je défaille, je ne me
désisterai pas de mon innocence." Certains sont des pénitents, et ce
verset concerne ces derniers, pour qu'ils ne tombent pas de nouveau dans le
péché (aussi dit-il: et je me tiendrai en garde contre mon iniquité), comme
le chien qui "est retourné à son vomissement, et le pourceau lavé vautré
dans la boue". - "Par deux choses a été contristé mon coeur, et par
la troisième le courroux m'est venu: Un homme de guerre périssant par
l'indigence, et un homme sensé méprisé, et celui qui passe de la justice au
péché, Dieu l'a réservé pour l'épée à deux tranchants."
- Ensuite il expose l'espérance de la rétribution lorsqu'il dit: Et le Seigneur
me rétribuera selon ma justice. Et il y a deux sortes de
rétribution. L'une qui est accordée pour les biens accomplis, aussi dit-il: le Seigneur me
rétribuera selon ma justice. Selon Anselme, "la justice est une
rectitude de la volonté gardée pour elle-même". Ou bien il lui rend selon
les oeuvres de l'homme: "Il rendra à chacun selon ses oeuvres." Il
dit: je me
tiendrai en garde, et il rétribuera, car si l'homme fut parfois
juste et a accompli les oeuvres de la justice, il ne s'est pas tenu en garde
contre ses péchés, ou bien il ne s'est pas maintenu dans les oeuvres de la
justice, aussi encourt-il la mort et ne mérite-t-il pas de rétribution: "Toutes
ses oeuvres de justice seront oubliées." L'autre rétribution est celle qui
est accordée pour les bienfaits; c'est pourquoi il dit: il me rétribuera selon la pureté de mes
mains devant ses yeux. Parfois les oeuvres accomplies ne se limitent
extérieurement qu'aux mains, c'est-à-dire qu'il s'agit simplement d'oeuvres, et
Dieu ne rétribue pas celles-ci; mais lorsqu'ils forment dans leur coeur des
opérations droites, alors il les rétribue. Et tel est le sens de devant ses yeux,
non point ces biens qui sont devant nous, mais devant Dieu: "L'oeil
n'a pas vu, ô Dieu, toi excepté." Et que rétribuera-t-il? La joie
ineffable et l'accroissement de la grâce qui résultent de l'observation des
commandements de Dieu: "En les gardant, ton serviteur trouve une grande
rétribution." et il rétribuera selon la pureté de mes mains, c'est-à-dire
des oeuvres. Mais on dit d'une oeuvre qu'elle est impure en raison de la
passion charnelle: "Vos mains sont pleines de sang." Également en
raison de la vaine gloire: "Prenez garde à ne pas faire votre justice
devant les hommes pour être vus d'eux; autrement vous n'aurez point de
récompense." Selon Grégoire, "c'est une folie de [voir l'impie]
s'adonner à de grandes tâches et n'aspirer qu'à la louange; alors qu'il
pourrait acquérir le ciel, il recherche une parole vaine et éphémère".
26 Avec
le saint, tu seras saint, et avec l'homme innocent, tu seras innocent. 27
Et avec
l'élu, tu seras l'élu, et avec le pervers, tu seras pervers. 28 Parce que c'est
toi qui sauveras un peuple humble, et qui humilieras les yeux des superbes.
- Ensuite
le psalmiste expose la raison de la rétribution; et c'est pourquoi il continue:
Avec le
saint. À cet égard il fait deux choses:
· Il expose d'abord la raison de la rétribution.
· Puis il l'explique: Parce que c'est toi qui sauveras un peuple humble.
· Les
deux premiers versets peuvent être interprétés de deux manières. Soit en tant
que le psalmiste s'adresse à Dieu, et c'est le sens littéral, autrement dit:
Toi, Seigneur, Avec
le saint, tu seras saint. Et ainsi il dit deux choses: que Dieu est
le rémunérateur et l'approbateur des bons; puis comment il est le réprobateur
des méchants; d'où ce qui suit: et avec l'homme innocent, tu seras innocent [...], et
avec le pervers, tu seras pervers. Mais il faut attirer l'attention
sur le fait qu'il donne précisément le nom de saint, d'innocent, et d'élu. Or
le mot élu peut
s'entendre de deux manières. Ou bien du côté de Dieu; et c'est un vocable
commun à tous les saints: "Dieu nous a élus en lui avant la fondation du
monde, afin que nous fussions saints et sans tache en sa présence dans la
charité." Ou bien on appelle élu celui qui a l'excellence de l'innocence
et de la sainteté: "Mon bien-aimé est blanc et vermeil, élu entre mille."
Si le mot élu est pris selon la première manière, alors en second
lieu il expose ce qui nous concerne, et en troisième lieu ce qui concerne Dieu.
Si on l'entend selon la seconde manière, il propose deux choses qui nous
concernent.
Il y a d'abord l'accomplissement du bien qui se fait en raison de Dieu;
et c'est à proprement parler le fondement de la sainteté, car toutes les choses
qui sont ordonnées à Dieu sont appelées saintes; et c'est ce qu'il dit:
Seigneur, tu
seras saint avec le saint, en étant la cause de la sainteté en lui: "Moi
je suis le Seigneur, qui vous sanctifie." Ou bien ainsi: tu seras saint effectivement,
c'est-à-dire en montrant que tu aimes et approuves la sainteté; or Dieu ne le
montre que par ses oeuvres, car nous ne voyons pas sa substance. Le saint ne se
comporte pas autrement avec le saint, Si ce n'est en montrant la sainteté; car
actuellement il ne nous est pas visible, pour qu'on puisse dire que ses
mouvements extérieurs sont conformes à la sainteté. Ainsi en est-il de l'homme
qui se conforme de différentes manières aux diverses circonstances, surtout à
l'égard de ses amis; car tout animal aime son semblable, et celui qui aime
récompense. D'où en montrant que tu es saint, quand récompenseras-tu, dit-il,
les oeuvres de la sainteté? et avec l'homme innocent, tu seras innocent, effectivement
et en récompensant. Et avec l'élu, celui que tu aimes, tu seras l'élu, parce
que tu feras en sorte que lui-même te choisisse: "Ce n'est pas vous qui
m'avez choisi, mais c'est moi qui vous ai choisis" dès le commencement. - "Il
a aimé tes pères, il a choisi leur postérité après eux." Et encore: "Tu
as choisi aujourd'hui le Seigneur, afin qu'il soit ton Dieu, afin que tu
marches dans ses voies et que tu gardes ses cérémonies, ses commandements et
ses ordonnances, et que tu obéisses à son ordre. Et le Seigneur t'a choisi
aujourd'hui, afin que tu sois son peuple particulier, comme il l'a dit, et que
tu gardes tous ses préceptes, et qu'il t'élève au-dessus de toutes les nations
qu'il a créées pour sa louange, son nom et sa gloire: afin que tu sois le
peuple saint du Seigneur ton Dieu, comme il a dit." Ou bien: élu, c'est-à-dire
séparé de manière éminente. et avec le pervers, tu seras pervers, c'est-à-dire
tu permettras qu'il soit pervers. Ou bien, sont pervers ceux qui ne suivent pas
ceux qu'ils doivent suivre. Donc celui qui ne suit pas la volonté de Dieu
semble pervers. Par conséquent, toi, tu agis contre la volonté de Dieu, et Dieu
contre ta volonté, autrement dit: toi, tu veux obtenir la béatitude et Dieu te
donnera le malheur: "Si vous marchez en opposition avec moi, et que vous
ne vouliez pas m'écouter, j'augmenterai vos plaies d'un septuple à cause de vos
péchés; [...): moi aussi, je marcherai contre vous, et je vous frapperai sept
fois à cause de vos péchés." Et c'est pourquoi il dit: avec le pervers,
tu seras pervers, c'est-à-dire agissant contre la volonté des
pervers.
Le mot élu
peut s'entendre d'une autre manière, c'est-à-dire en le rapportant à
un homme; et ainsi on lira: Ô homme, tu seras saint avec l'homme saint, ou tu
seras saint avec le Christ, car tu n'apprendras rien de Dieu Si ce n'est la
sainteté: "Avec un homme irréligieux, traite de choses saintes", et: avec l'homme
innocent, tu seras innocent, car les moeurs se forment d'après les
relations: "Les mauvais entretiens corrompent les bonnes moeurs." et avec
le pervers tu seras pervers. - "Qui touche à la poix se souille, et qui
se lie avec l'orgueilleux lui devient semblable."
· Ensuite le psalmiste explique ce qui a été dit selon la première
interprétation. Pourquoi, Seigneur, seras-tu saint avec le saint? Parce que c'est
toi qui sauveras un peuple humble, c'est-à-dire dans le fait que tu
sauveras l'homme, tu montreras que toi tu es saint avec le saint: "Il
donne sa grâce aux humbles." - "Laissez les petits enfants venir à
moi, et ne les empêchez point; car à de tels appartient le royaume des cieux."
- "Il est élevé au-dessus de toutes les nations, le Seigneur, et au-dessus
des cieux est sa gloire. Qui est comme le Seigneur notre Dieu, qui habite dans
les lieux les plus élevés, et regarde les choses humbles dans le ciel et sur la
terre ?" Pourquoi seras-tu pervers avec le pervers ? Parce que tu humilieras les
yeux des superbes. - "Quiconque s'exalte sera humilié." - "Les
yeux altiers de l'homme du peuple ont été humiliés, et la fierté des hommes de
condition sera abaissée." Et il dit: les yeux, car l'orgueil consiste en ce que
l'homme élève son regard vers des choses qui dépassent sa mesure: "Son
orgueil et son arrogance, et sa fureur, sont plus grands que sa puissance."
Et c'est pourquoi le psalmiste confesse: "Seigneur, mon coeur ne s'est pas
exalté, et mes yeux ne se sont pas élevés."
29 Parce
que c'est toi, Seigneur, qui fais luire ma lampe; mon Dieu, illumine mes
ténèbres.
b. Le psalmiste
se tourne ici vers la prière, autrement dit: ainsi tu es juste, Parce que c'est
toi qui fait luire ma lampe. Et il fait deux choses:
- Il expose d'abord son action de grâces pour le bienfait reçu.
- Puis il formule une demande fondée sur ce bienfait reçu: mon Dieu,
illumine mes ténèbres.
- Ainsi
dit-il: c'est
toi qui fais luire ma lampe. Tout ce verset peut être expliqué de
deux manières au sens littéral:
· Selon que par le mot lampe on entend la prospérité, et que par le
mot ténèbres on
comprend l'adversité. Par exemple, lorsqu'un homme est joyeux, toutes choses
lui semblent claires, quand il est triste, toutes choses lui paraissent
obscures. Tel est donc ce qu'il dit: Parce que c'est toi, Seigneur, qui fais luire ma lampe, car
toi tu m'as donné la prospérité et tu la donnes continuellement: illumine mes
ténèbres, c'est-à-dire: si quelque sentiment d'adversité demeurait
en moi, chasse-le et éloigne-le de moi.
· Ou bien, on peut interpréter ce verset au sens moral, selon que par
le mot lampe on
entend l'esprit ou l'âme de l'homme: "Le souffle de l'homme est une lampe
du Seigneur." Donc l'esprit de l'homme est comme une lampe de Dieu allumée
par la lumière divine: "La lumière de ton visage a été gravée sur nous,
Seigneur." Aussi longtemps que nous sommes sans péché, notre lampe est
allumée, c'est-à-dire que notre âme resplendit de la lumière de la grâce, mais
lorsqu'il subsiste quelque chose de la ténèbre de la chair corruptible, notre
lampe s'éteint: "Ainsi donc moi-même, par l'esprit, je suis l'esclave de
la loi de Dieu, et par la chair l'esclave de la loi du péché." Et c'est ce
qu'il dit: Parce
que c'est toi qui fais luire ma lampe, c'est-à-dire parce que mon
âme est éclairée par la lumière de la grâce.
-
illumine mes ténèbres, c'est-à-dire écarte de moi les fautes et les
corruptions, à cause desquelles l'homme tombe dans les ténèbres.
Ou bien ce verset peut être lu au sens allégorique, selon que ces
paroles sont dites comme si elles venaient de la personne du Christ, ou de
n'importe quel juste. Dans l'Église il y a beaucoup de lampes ardentes, comme
les fidèles et les saints: "Soyez sans reproche au milieu d'une nation
dépravée et perverse, parmi laquelle vous brillez comme des astres dans le
monde, gardant la parole de vie pour ma gloire au jour du Christ, parce que ce
n'est pas en vain que j'ai couru, ni en vain que j'ai travaillé." De même
il y a beaucoup de gens obscurs, comme les infidèles et les pécheurs: "Autrefois
vous étiez ténèbres, mais maintenant vous êtes lumière dans le Seigneur."
Donc, l'homme priant pour l'Église ou l'Église priant pour lui, dit: Parce que c'est
toi qui fais luire ma lampe, c'est-à-dire les fidèles qui luisent,
et: illumine les
ténèbres, c'est-à-dire
les pécheurs.
30 Parce
qu'avec toi je serai délivré de la tentation, et avec mon Dieu je franchirai le
mur.
Il expose l'espérance de l'exaucement lorsqu'il dit: Parce que. Le
psalmiste fait ici deux choses.
- Il traite d'abord de la libération du mal.
- Puis de la victoire sur le mal.
- Ainsi dit-il: je prie parce que j'espère, avec toi, c'est-à-dire avec ta
puissance. je
serai délivré de la tentation, c'est-à-dire de n'importe quelle
tribulation ou de toute attaque: "Dieu est fidèle, et il ne souffrira pas
que vous soyez tentés au-delà de ce que vous pouvez."
- et
avec mon Dieu je franchirai le mur, c'est-à-dire j'obtiendrai la
victoire sur le péché par la puissance de Dieu. Car l'ennemi remporte la
victoire sur une cité, lorsqu'il en franchit la muraille. Ce mur, c'est
n'importe quelle difficulté qui nous fait obstacle à bien oeuvrer, ou bien les
péchés qui nous provoquent à faire le mal. Une version de Jérôme lit: "Frangam murum (Je
briserai le mur)", car nous ne pouvons être en ce monde sans commettre le
péché: "Si nous disons que nous n'avons pas de péché, nous nous trompons
nous-mêmes, et la vérité n'est pas en nous." Mais nous passons outre, car
nous nous élevons au-dessus de tout cela, lorsque nous ne consentons pas à ses
convoitises.
31 Mon
Dieu, sa voie est sans souillure; les paroles du Seigneur sont éprouvées par le
feu; il est le protecteur de tous ceux qui espèrent en lui. 32 Car qui est
Dieu, excepté le Seigneur? Ou qui est Dieu, excepté notre Dieu ?
2. Le psalmiste
poursuit en disant: Dieu. Plus haut il a fait mémoire de manière
générale des bienfaits qu'il attend de Dieu dans le futur, car il disait: [avec] toi je
serai délivré de la tentation; ici il les décrit en particulier. Et
il faut considérer qu'il parle à la manière de celui qui souffre l'adversité et
qui a des adversaires, dont il espère remporter la victoire. Victoire dans
laquelle il y a une triple gradation.
a) D'abord, en
tant qu'il poursuit ses adversaires en fuite, et qu'il les abat comme des
captifs.
b) Puis, en tant
qu'il règne sur eux: 40 tu m'as ceint.
c) Enfin, en tant
qu'il est exalté: 44 Tu me délivreras.
a. Concernant la
poursuite de ses adversaires, il fait trois choses.
- Il commence par louer son secours, c'est-à-dire Dieu.
- Ensuite il montre comment certaines choses lui ont déjà été données
par Dieu, grâce auxquelles il est apte à les poursuivre: 33 Le Dieu qui m'a
ceint.
- En traitant de la louange du secours divin, le psalmiste commence par
louer Dieu;
· puis il montre la vraisemblance de sa
louange: Car
qui est Dieu, etc. ?
· enfin il traite de leur poursuite: 38 Je poursuivrai.
· Ainsi loue-t-il Dieu pour trois raisons: parce qu'il est juste en
action, vrai en parole, et miséricordieux dans son secours.
Il dit: je
serai délivré de la tentation, tandis que je considère la pureté de
la justice divine, car Mon Dieu, sa voie est sans souillure. Et
encore, tandis que je considère sa disposition, car il n'y a rien d'injuste en
lui: "Est-ce ma voie qui n'est pas juste, et ne sont-ce pas plutôt vos
voies qui sont corrompues ?" Ou bien la voie de Dieu, par laquelle Dieu va
vers l'âme, est sans souillure. Et c'est la charité: "Je vais vous montrer
une voie plus excellente encore", c'est-à-dire afin que vous soyez en
sécurité. Cette voie est sans souillure, parce que la charité n'agit pas mal à
propos, c'est-à-dire faussement. Ou bien la voie de Dieu, c'est le Christ
lui-même, qui n'a pas commis de péché: "Elle sera appelée la voie sainte,
et l'impur n'y passera pas; et ce sera pour vous une voie droite, en sorte que
l'ignorant ne s'y égarera pas." Ou bien la voie du Christ est la Vierge
bienheureuse: "La mer fut ton chemin." Celle-ci est sans souillure: "Tu
es toute belle, mon amie, et il n'y a pas de tache en toi" - "Élargis
l'espace de ta tente".
Il dit: les
paroles du Seigneur. Et il s'exprime en les comparant à l'or ou à
l'argent qui, pour être pur, est éprouvé au feu. Aussi, de même que l'or
purifié par le feu ne contient rien d'impur, ainsi les paroles du Seigneur
sont-elles pures: "Tous mes discours sont justes, et il n'y a rien en eux
de dépravé ni de pervers." éprouvées par le feu. - "Les paroles du Seigneur
sont des paroles pures, comme l'argent éprouvé par le feu, s'épurant à la
terre, purifié sept fois." Et elles sont dites éprouvées par le feu, c'est-à-dire
par le feu de l'Esprit-Saint: "Est-ce que l'oreille ne discerne pas les
paroles, et le palais de celui qui mange, la saveur des aliments ?" Nul ne
peut éprouver des paroles à moins qu'il n'ait le feu de l'Esprit-Saint: "L'homme
naturel ne perçoit pas ce qui est de l'Esprit de Dieu." Aussi est-ce parce
qu'il est véridique, qu'il accomplira ce qu'il a promis. Et c'est pour cette
raison qu'il dit: il est le protecteur de tous ceux qui espèrent en lui.. - "Nul
n'a espéré dans le Seigneur, et n'a été confondu."
· Puis il montre la vraisemblance de sa louange: car le fait qu'il soit
juste, vrai, et miséricordieux, ce sont là des propriétés. Donc si ces
propriétés conviennent à mon Dieu, tu ne chercheras pas d'autre Dieu. Mais il
n'est aucun autre Dieu en dehors de lui. Et c'est pourquoi le psalmiste dit: qui est Dieu,
excepté le Seigneur? Autrement dit: aucun: "Moi je suis le
Seigneur, c'est là mon nom." - "Écoute Israël: Le Seigneur notre Dieu
est l'unique Seigneur." En cela les Juifs différaient des autres nations.
Car les autres nations rendaient un culte aux éléments du monde, ou aux hommes
ou aux anges, et ces derniers étaient appelés leurs créateurs; mais les Juifs
honoraient le Dieu véritable comme leur Créateur. Le psalmiste affirme donc que
celui-là même est le Dieu de toute la création. Ensuite, que ce dernier était
spécialement honoré par les Juifs.
Ainsi dit-il en parlant du Dieu créateur: qui est Dieu, excepté le Seigneur, c'est-à-dire
l'artisan de toute la création? - "Que toute ta création te serve." - ou qui est
Dieu, excepté notre Dieu? Lui uniquement. - "Nul n'est saint
comme le Seigneur, car il n'y a pas d'autre Dieu que toi, et il n'est pas de
fort comme notre Dieu." - "Dieu s'est fait connaître en Juda."
On dit de celui-ci qu'il est notre Dieu spécialement en raison de sa bonté,
et de son culte, de l'unité de sa nature, de son acte d'assumer la chair, et de
sa rédemption. En cela sont confondus les manichéens; parce que celui-ci est le
Dieu et le Seigneur des réalités visibles, et que le Dieu de l'Ancien Testament
est le Dieu véritable, car il n'est aucun Dieu en dehors de lui.
33 Le
Dieu qui m'a ceint de la forcé, et qui a rendu ma voie sans tache.
- Le psalmiste montre ici comment il reçoit de Dieu l'aptitude à
vaincre, car Dieu donne parfois à quelqu'un la force pour agir selon le bien;
cependant cela ne suffit pas Si Dieu ne le protège pas extérieurement.
·· Il montre donc d'abord comment Dieu donne la force intérieurement.
·· Puis comment il aide extérieurement: 36 Tu m'as donné la protection.
·· Trois choses sont nécessaires à l'homme pour vaincre: qu'il soit
fort: "La force et la beauté sont son vêtement." - "L'homme fort
armé garde l'entrée de sa maison." Qu'il soit agile et formé à la guerre;
et le psalmiste dit qu'il possède ces trois qualités. Il mentionne la deuxième
en disant: Qui
a disposé mes pieds. La troisième en disant: "Qui enseigne mes mains au
combat.
Au sujet de la première qualité il fait deux choses:
Il confesse d'abord que la force lui a été donnée par Dieu.
Puis l'usage du don de force.
Ainsi dit-il: Le Dieu qui m'a ceint de la force, etc. Les
soldats sont ceints d'armes et d'une épée, afin d'être équipés et prêts pour le
combat: "Judas Macchabée revêtit la cuirasse comme un géant, et il se
ceignit de ses armes guerrières dans les combats." Telle est cette force,
c'est-à-dire la puissance qui m'a été donnée par Dieu, non seulement dans les
luttes corporelles, mais aussi dans les luttes spirituelles, que je ne puis
remporter sans la puissance de Dieu. Et c'est pourquoi il dit: Le Dieu qui m'a
ceint de la force. - "Fortifiez-vous dans le Seigneur et dans
la puissance de sa vertu." - "Il donne de la force à celui qui est
fatigué et redouble la vigueur de celui qui est défaillant." Ou bien: il m'a ceint à
la manière de celui qui court sans être empêché par le flottement des
vêtements. Ainsi la force de Dieu maintient-elle la passion pour qu'elle ne
verse pas dans les choses terrestres.
Et d'où ce qui suit: et qui a rendu ma voie sans tache. "Béni
soit Dieu qui a gardé son serviteur du mal." - "Bienheureux ceux qui
sont sans tache dans leur voie." Ou bien cette voie est la voie de la
charité qui n'agit pas mal à propos, comme on l'a dit plus haut.
34 Qui
a disposé mes pieds comme ceux des cerfs, et m'a établi sur des lieux élevés; 35
qui a
instruit mes mains au combat; et tu as rendu mes bras comme un arc d'airain.
Ici est exposée l'agilité qui est nécessaire pour le combat. On raconte
au premier livre des Rois que Saül était sorti à la recherche de David sur des
rochers très abrupts, qui ne sont accessibles qu'aux cervidés, autrement dit:
Dieu m'a donné une telle agilité que je circulais à travers les montagnes comme
un cerf. Et il m'a
établi sur des lieux élevés. Sur les versants des montagnes les
pieds de l'homme n'adhèrent pas, mais Dieu lui a donné une grâce telle qu'il ne
glisse pas sur eux. Au sens mystique on lit ce verset de la manière suivante:
de même que le cerf traverse les buissons épineux et les forêts sans se
blesser, ainsi le désir spirituel passe à travers les convoitises du monde sans
être blessé et infecté par le mal: "Nephtali est un cerf en liberté, qui
donne des paroles pleines de beauté." - "Alors le boiteux bondira
comme le cerf." et m'a établi sur des lieux élevés, c'est-à-dire
a fixé mon esprit sur les réalités célestes: "Vainqueur il me conduira sur
mes hauteurs."
Ensuite est exposé l'enseignement militaire; c'est pourquoi il dit: qui [enseigne]
mes mains au combat. L'enseignement militaire s'acquiert par la
science et sa perfection par la pratique.
Il recherche donc d'abord la science ou
l'enseignement, parce que cet enseignement est nécessaire aux soldats: "C'est
avec réflexion que s'entreprend une guerre." Mais ce dernier, instruit par
Dieu, dit au sujet de la seconde qualité: tu as rendu mes bras comme un arc d'airain, c'est-à-dire
tu as fait que mes bras deviennent comme infatigables au combat. Ou bien: Qui
enseigne, etc., c'est-à-dire contre les vices et les démons; il nous enseigne à
vaincre les ennemis qui s'efforcent de nous fermer les portes du ciel. Puis en
changeant de personne il dit: tu as rendu, etc. Une autre version lit: "Gonfregisti
arcum aereum (Tu as brisé l'arc d'airain)", c'est-à-dire mon
bras: "Béni le Seigneur mon Dieu, qui instruit mes mains au combat." Remarquez
que l'excellence de l'agilité et de la force se trouve chez les lions, qui à
cause d'un excès de sécheresse n'ont pas de moelle dans les os; et cela tient à
une grande disproportion du mélange des éléments, et c'est pourquoi ils vivent
peu de temps; mais ceci ne convient pas à l'homme en raison de ses oeuvres,
aussi sont-elles appelées de cette façon à cause d'un don spécial prodigué à
David, comme le dit l'Ecclésiastique: "Il joua avec les lions comme avec
des agneaux; et de même, avec les ours comme avec de jeunes agneaux." Et de
même au sens mystique, l'enseignement du combat lui a été donné en vertu d'une
grâce de la part de Dieu. Il nous faut être instruits pour le combat spirituel:
"Nombreux sont les pièges du trompeur" que nous ne pouvons éviter à
moins que nous n'ayons et l'enseignement et le secours divin: "La gloire
de ses naseaux", c'est-à-dire du démon, "est la terreur. Il creuse de
son sabot la terre, il s'élance avec audace; il court au-devant des hommes
armés; il méprise la peur, il ne cède pas au glaive". - "Bien qu'en
nous l'homme extérieur se détruise, cependant l'homme intérieur se renouvelle
de jour en jour."
36 Et
tu m'as donné la protection de ton salut, et ta droite m'a pris; et ta
discipline m'a corrigé jusqu'à la fin, et ta discipline elle-même m'instruira. 37
Tu as élargi
mes pas sous moi, et mes pieds n'ont pas été affaiblis.
·· Ici le psalmiste montre comment ses propres dons précités sont
conservés par Dieu extérieurement; c'est pourquoi il dit: Il m'a ceint de
force, et cependant il m'a protégé. Et tu m'as donné la protection de ton
salut, c'est-à-dire tu m'as protégé en vue du salut, car les dons
précités ne suffisent pas sans l'assistance de la protection divine: "Tu
m'as protégé, ô Dieu, contre l'assemblée des méchants". et ta droite m'a
pris, c'est-à-dire la faveur de ta grâce m'a fortifié dans la
guerre. À propos de cette guerre il est écrit: "La main du Seigneur était
avec moi me fortifiant." Ou bien: ta droite, c'est-à-dire ton fils, m'a pris, c'est-à-dire
ma nature. Ou bien: moi qui suis faible pour me soigner. Et ta discipline m'a corrigé jusqu'à la
fin, c'est-à-dire finalement et parfaitement: "Le Seigneur
châtie celui qu'il aime, et il se complaît en lui comme un père en son fils";
c'est pourquoi il dit: ta discipline m'a corrigé jusqu'à la fin.
En parlant du deuxième don il dit: ta discipline elle-même m'instruira. Il arrive
parfois à une personne d'hésiter, parfois de s'égarer. Mais celui-là,
c'est-à-dire Dieu, corrige les erreurs; aussi ta discipline m'a corrigé jusqu'à la fin, comme
on l'a dit plus haut. Dieu redresse également les choses douteuses: et ta discipline
elle-même m'instruira. - "Enseigne-moi la bonté, et la
discipline, et la science."
En parlant du troisième don, il dit: Tu as élargi mes pas sous moi, comme
si tu donnais l'agilité, et avec celle-ci tu protèges ceux qui ont les pas
élargis quand ils sont resserrés.
Ou bien au sens spirituel, lorsque le coeur est prompt à accomplir le
bien par la charité: "J'ai couru dans la voie de tes commandements,
lorsque tu as dilaté mon coeur." et mes pieds n'ont pas été affaiblis, parce
qu'ils n'ont pas chancelé. Ou bien: les pieds, c'est-à-dire les traces des pieds qui
sont laissées sur le chemin.
38 Je
poursuivrai mes ennemis, et je les atteindrai, et je ne reviendrai point
jusqu'à ce qu'ils soient défaits.
· Plus
haut le psalmiste a exposé son aptitude à vaincre; mais ici il traite de la
victoire, en disant comment il a poursuivi ceux qui prennent la fuite; et à cet
égard il fait deux choses:
Il expose d'abord sa manière de poursuivre ses ennemis.
Ensuite il montre leur impuissance à résister: Je les briserai, ils ne pourront se
soutenir.
En parlant de sa manière de poursuivre, il montre trois choses:
D'abord que sa poursuite est juste.
Puis qu'elle est efficace.
Enfin qu'elle est persévérante.
Juste, quand il dit: Je poursuivrai mes ennemis, non mes amis, mais
mes ennemis: "Judas poursuivit les ennemis, les cherchant de toutes parts;
ceux qui troublaient son peuple, il les livra aux flammes."
Cependant il ne semble pas qu'il soit permis à des hommes bons de
persécuter quiconque: "Comme alors celui qui était ne selon la chair
persécutait celui qui l'était selon l'esprit, de même encore aujourd'hui."
Donc livrer persécution relève des réalités corporelles, souffrir persécution
relève des réalités spirituelles.
Mais on répondra à cette objection en disant que la disposition du
persécuteur se distingue de la manière de persécuter. Car certains persécutent
par amour et par zèle: "Le zèle de ta maison m'a dévoré"; et ils
agissent de la sorte afin de conduire au bien ou au salut, ou bien afin
d'empêcher le mal: "Celui qui en secret disait du mal de son prochain, je
le poursuivais"; et c'est ainsi que les bons persécutent les méchants ou
les pécheurs. D'autres persécutent par haine, en suscitant le mal et en
empêchant le bien; et c'est ainsi que les méchants ou les hommes charnels
persécutent les justes: "Poursuivez-le, saisissez-le, parce qu'il n'est
personne qui le délivre." Ou bien: Je poursuivrai mes ennemis, c'est-à-dire les
passions charnelles. je les atteindrai, c'est-à-dire ceux-là ne
m'atteindront pas, selon la Glose.
Et il montre comment elle est efficace pour poursuivre ses ennemis;
c'est pourquoi il dit: et je les atteindrai. Elle se révèle efficace
quand il parvient finalement à s'emparer d'eux: "Monterai-je contre les
Philistins, et les mettras-tu en ma main? Et le Seigneur dit à David: Monte,
parce que les livrant, je mettrai les Philistins en ta main." Et plus haut:
"Il allait, avançant croissant; et le Seigneur Dieu des armées était avec
lui."
Il montre aussi comment elle est persévérante, car il dit: je ne reviendrai
point, c'est-à-dire de la persécution des hommes iniques, jusqu'à ce
qu'ils soient défaits, c'est-à-dire jusqu'à ce qu'ils soient
anéantis: "La flèche de Jonathan n'est jamais retournée en arrière."
Au sens moral, nos ennemis ce sont les mouvements de la convoitise qui
sont en nous, et qui soulèvent des luttes continuelles: "Je vois dans mes
membres une autre loi qui combat la loi de mon esprit, et me captive sous la
loi du péché, laquelle est dans mes membres." Nous devons poursuivre,
atteindre et enchaîner, dominer et réfréner ces mouvements de la convoitise. et je ne
reviendrai [pas], c'est-à-dire je ne cesserai pas de les poursuivre,
jusqu'à ce
qu'ils soient défaits, par la révolte: "David battit les
Philistins et les humilia." Mais ces luttes ne cessent pas en cette vie,
car bien qu'elles soient toujours en état de répression, elles ne sont
cependant jamais totalement supprimées: "Je tirerai mon glaive, ma main
les tuera."
Au sens allégorique, cela s'applique au Christ qui poursuit nos ennemis
juifs, ainsi que d'autres pécheurs, en les punissant corporellement et
spirituellement.
39 Je
les briserai, et ils ne pourront se soutenir; ils tomberont sous mes pieds.
Le psalmiste empêche ici leur pouvoir de résister, autrement dit:
qu'ils ne me résistent pas, parce que Je les briserai, c'est-à-dire j'affaiblirai
leurs forces de telle sorte qu'ils ne pourront se soutenir. - "Ils
sont tombés tous ceux qui pratiquent l'iniquité, ils ont été chassés et n'ont
pu se soutenir." - "Leur bras élevé sera brisé", c'est-à-dire
ils ne subsisteront pas contre moi, ou ils ne pourront résister: "Vous
poursuivrez vos ennemis, et ils tomberont devant vous." Et cela, parce
qu'ils viendront sous mon pouvoir; et c'est ce qu'il dit: ils tomberont sous mes pieds. Quant
à nous, nous devons aussi faire cela à l'égard des mauvais mouvements et des
péchés, ou des démons: "Vous foulerez aux pieds les impies, lorsqu'ils
seront de la cendre sous la plante de vos pieds." - "Voici que je
vous ai donné le pouvoir de fouler aux pieds les serpents et les scorpions, et
toute la puissance de l'ennemi; et rien ne vous nuira." - "Son désir se
tournera vers toi, et tu la domineras."
40 Et
tu m'as ceint de force pour la guerre; et ceux qui s'insurgeaient contre moi,
tu les as renversés sous moi. 41 Et tu m'as livré mes ennemis par-derrière; et ceux qui me
haïssaient tu les as exterminés. 42 ils ont crié, et il n'y avait personne qui
les sauvât; [ils ont crié] vers le Seigneur, et il ne les a pas exaucés.
b. Et tout cela
est dû au fait qu'il dit: Et tu m'as ceint de force. Il traite ici de
leur total délaissement. Et il rappelle deux choses:
- D'abord le bienfait divin.
- Puis l'extermination totale des ennemis: Et je les broierai.
- Et puisque les faits qu'il a rapportés concernent sa propre gloire,
c'est pourquoi il les attribue à Dieu.
· Et il commence par exclure le fait que ce soit sa propre force.
· Ensuite il montre le renversement des ennemis: tu les as renversés.
· Enfin leur privation de secours: ils ont crié.
· Ainsi dit-il: Ô Seigneur, toi tu as fait cela pour moi: Et tu m'as ceint
de force pour la guerre, c'est-à-dire toute la force que j'ai pour
la guerre, elle vient de toi et non de moi: "C'est lui qui donne la force
à l'homme fatigué, et pour ceux qui ne le sont pas, il augmente la vigueur et
l'énergie."
· et
ceux qui s'insurgeaient contre moi, tu les as renversés sous moi. Il
expose le renversement des ennemis à propos duquel il a indiqué trois choses:
leur fuite: tu
m'as livré mes ennemis par-derrière; leur écrasement: Je les briserai;
et leur chute, car ils tomberont; et le psalmiste attribue cela à
Dieu, mais non suivant cet ordre.
Il commence par exposer la chute de ses ennemis, autrement dit: mes
ennemis tomberont sous moi. - "Les enfants se fatigueront et
s'épuiseront, et les jeunes gens tomberont par l'affaiblissement"; mais
toi tu as fait cela: et ceux qui s'insurgeaient contre moi, tu les as
renversés sous moi, c'est-à-dire tu leur as ôté la force pour qu'ils
ne puissent pas me résister: "Cinq des vôtres poursuivront cent étrangers."
Ensuite il expose la fuite de ses ennemis: Et tu m'as livré mes ennemis par-derrière. -
"Voici ce que dit le Seigneur à mon christ, Cyrus, que j'ai pris par la
droite, afin d'assujettir devant sa face les nations, et de mettre en fuite les
rois."
Enfin il traite de leur écrasement: et ceux qui me haïssaient tu les as exterminés, parmi
les nations qui ne t'ont pas connu.
· Ils
ont crié. Il montre ici qu'ils sont tout à fait désolés; aussi
dit-il: ils
ont crié, et il n'y avait personne qui les sauvât, car ils
n'avaient ni le secours des hommes, ni même celui des dieux qu'ils appelaient
eux-mêmes les créateurs des choses: "Où sont tes dieux que tu t'es faits?
Qu'ils se lèvent, et qu'ils te délivrent au jour de ton affliction"; d'où
ce qui suit: [ils
ont crié] vers le Seigneur, et il ne les a pas exaucés. - "Lorsque
vous multiplierez la prière, je n'exaucerai pas."
Cependant il est écrit: "Avant qu'ils crient, moi je les exaucerai."
Et aussi: "Il criera vers moi, et je l'exaucerai."
On répondra à cette objection en disant que lorsque quelqu'un crie, ou
prie, avec une intention droite, alors il est exaucé; et Dieu approuve et
exauce sa prière: "Si quelqu'un honore Dieu", c'est-à-dire avec une
intention droite, "c'est celui-là qu'il exauce"; mais lorsqu'il crie
vers Dieu avec une prière simulée et mensongère, il ne l'exauce pas: "Vous
demandez et ne recevez point, parce que vous demandez mal", c'est-à-dire
avec une intention mauvaise, ou une requête injuste: "Alors ils
m'invoqueront, et je ne les exaucerai pas; dès le matin ils se lèveront et ils
ne me trouveront pas."
43 Et
je les broierai comme de la poussière à la face du vent; et je les ferai
disparaître comme la boue des rues.
- Ensuite le psalmiste montre leur destruction totale; aussi dit-il: Et je les
broierai. Lorsque la poussière est emportée, il n'en reste aucune
trace, car le vent la disperse; ainsi lorsque les méchants sont détruits, ils
ne demeurent en aucune manière. Et c'est pourquoi il dit: Et je les broierai comme de la poussière à
la face du vent. - "Les impies sont comme la poussière
qu'emporte le vent de la face de la terre", c'est-à-dire qu'ils sont
dispersés: "Leur mémoire a péri avec bruit: et le Seigneur demeure
éternellement." Mais parce que certains sont parfois détruits de manière
honorable, il montre que les méchants ou les pécheurs sont anéantis dans le
mépris et de manière déshonorante; aussi dit-il: je les ferai disparaître comme la boue des
rues. - "Si son orgueil s'élève jusqu'au ciel",
c'est-à-dire celui du pécheur, "et que sa tête touche les nues, il périra
à la fin comme le fumier". - "Qu'ils soient effacés du livre des
vivants." - "Il sera emporté comme la poussière des montagnes à la
face du vent" (c'est-à-dire le pécheur), "et comme un tourbillon
devant la tempête". - "Vos têtes seront réduites en boue."
44 Tu
me délivreras des contradictions du peuple, tu m'établiras à la tête des
nations. 45 Un peuple que je ne connaissais pas m'a servi; dès que son
oreille m'a entendu, il m'a obéi.
c. Plus haut le
psalmiste a rappelé la persécution des ennemis et leur totale destruction; mais
ici il rappelle son exaltation, puisqu'il s'est fait roi. À cet égard il expose
deux choses:
- D'abord son exaltation.
- Puis son action de grâce: 47 Le Seigneur vit !
- À propos de son exaltation: précise d'abord qu'elle se fait au-dessus
des Juifs.
· Puis il expose la soumission des nations: Un peuple que je
ne connaissais pas m'a servi, etc.
· Enfin l'effronterie des Juifs: 46 Des fils étrangers.
· Au sens spirituel, cela convient davantage au Christ qu'à David.
Et c'est pourquoi il montre deux choses à ce sujet:
D'abord comment il est délivré de la contradiction des Juifs.
Puis comment le pouvoir lui est donné contre les nations.
Ainsi dit-il: non seulement tu as exterminé ceux qui me haïssaient, mais Tu me délivreras
des contradictions du peuple. Si on comprend cela en l'appliquant à
David, les Juifs s'opposèrent beaucoup à lui: "Nous n'avons point de part
avec David, ni d'héritage avec le fils d'Isaïe: Retourne en tes tentes, ô
Israël." Et de même ils s'opposèrent au Christ, comme on le voit
manifestement dans l'Évangile: "Pensez à celui qui a supporté une telle
contradiction de la part des pécheurs soulevés contre lui, afin que vous ne
vous lassiez point, et que vous ne soyez défaillants en vos âmes." Et
David fut délivré de cette contradiction tout comme le Christ.
tu m'établiras à
la tête des nations, autrement
dit: les Juifs ne veulent pas que moi je domine sur eux; mais toi tu m'as
constitué Seigneur et des Juifs et des nations. Et cela convient surtout au
Christ, comme on le dit dans l'épître aux Éphésiens: "Il l'a établi chef
sur toute l'Église, qui est son corps."
· Ensuite est exposée la soumission sans réserve des nations: Un peuple que je
ne connaissais pas m'a servi, un peuple, c'est-à-dire un peuple
étranger, par exemple celui des Ismaélites et des Moabites qui, ainsi qu'on le
lit au deuxième livre des Rois, furent assujettis à David, lui payant tribut.
Il en est de même pour le Christ, car tous ceux qu'il ne connaissait pas en les
visitant personnellement, le servirent et lui obéirent: "Je n'ai été
envoyé qu'aux brebis perdues de la maison d'Israël", c'est-à-dire les
visiter personnellement. Ou bien: que je ne connaissais pas, c'est-à-dire que
j'ai agréé en lui donnant la loi et les prophètes: "Voilà que tu
appelleras une nation que tu ne connaissais pas, et des nations qui ne t'ont
pas connu accourront vers toi." dès que son oreille [m']a entendu, il m'a obéi, car
bien que ces gens ne me voient pas, ils m'ont obéi à la seule audition de la
foi transmise par les Apôtres: "Ils m'ont trouvé, ceux qui ne m'ont pas
cherché." - "La foi vient par l'audition." Ou bien: Dès que son
oreille [m']a entendu, il m'a obéi, car aussitôt qu'ils entendirent,
comme on le rapporte dans Matthieu, ayant tout laissé, ils le suivirent.
46 Des
fils étrangers m'ont menti, des fils étrangers ont vieilli, ils ont boité [en
sortant] de leurs voies.
· Ici
le psalmiste expose l'effronterie des Juifs, et il les appelle fils étrangers,
parce qu'autrefois ils furent des fils engendrés par Dieu par la grâce et
l'enseignement de la Loi: "Israël est mon premier-né." Mais cependant
ils sont devenus des étrangers: "J'ai nourri des fils et je les ai élevés."
Et ce qui suit: "Ils sont redevenus étrangers." Et ils sont étrangers
pour une triple raison: parce qu'ils m'ont menti, parce qu'ils ont vieilli, parce qu'ils ont boité.
Quelqu'un se rend étranger à Dieu lorsqu'il n'observe pas la fidélité;
et c'est ce qu'il dit: ils m'ont menti, c'est-à-dire ils ont brisé
l'Alliance.
De même lorsqu'ils ne suivent pas les traces des pères qui ont été
fidèles; c'est pourquoi le psalmiste dit: ils ont vieilli. Une chose est dite
vieillie à cause de sa ruine. Ceux-ci furent nouveaux dès le début, puisqu'ils
disent: "Nous sommes à toi, ô David, et avec toi, ô fils d'Isaïe";
mais peu à peu ils devinrent tièdes.
C'est une autre chose quand on s'éloigne totalement; aussi dit-il: ils ont boité
[en sortant de] leurs voies, comme s'ils étaient faibles d'un pied,
observant mal l'ancienne Alliance, et rejetant la nouvelle. Ou bien, si on
rapporte ce verset au Christ, les fils étrangers m'ont menti, parce qu'ils ont
conclu une alliance avec Dieu: "Tout ce que Dieu a dit, nous le ferons",
et par la suite ils la brisèrent: "À la vue de la grandeur de ta
puissance, tes ennemis te mentiront." De même, la puissance qui fut dans
les pères ne se trouve pas dans les fils; c'est pourquoi ils ont vieilli. -
"D'où vient, Israël, que tu es dans la terre de tes ennemis et que tu as
vieilli dans une terre étrangère ?" De même: ils ont boité [en sortant de] leurs voies, c'est-à-dire
hors des préceptes de la loi, car ils marchent sur un pied, c'est-à-dire au
sens littéral, non point au sens spirituel. ils ont boité également au sens littéral, car
ils suivaient seulement les traditions des Pharisiens: "Jusques à quand
boiterez-vous des deux côtés? Si le Seigneur est Dieu, suivez-le."
47 Le
Seigneur vit ! et béni soit mon Dieu ! Et que le Dieu de mon salut soit exalté.
3. Le psalmiste expose ici l'action de grâce; et à cet
égard il fait trois choses:
a) Il commence
par la mentionner.
b) Puis il expose
sa matière: 48 Toi,
le Dieu, qui me donnes, etc.
c) Enfin il se
répand en louanges divines: À cause de cela, je te confesserai parmi les nations,
Seigneur.
a) Et il parle
comme s'il s'agissait d'un roi. Dans l'Antiquité, la manière de saluer un roi
fut: "Que vive le roi !" Cela convient à Dieu, car lui-même est la
vie éternelle: "En toi est la source de la vie." Aussi dit-il: Le Seigneur vit
! -
"Je vis, moi, dit le Seigneur Dieu." Lui-même est en effet
le donateur de la vie aux hommes: "Ce qui a été fait en lui était la vie." De
même, aux autres on souhaite la bénédiction, tandis que lui-même est la
bénédiction: béni
soit mon Dieu ! mon Dieu désigne le Fils, selon qu'il est écrit: "Un
fils nous a été donné." - "Que Dieu, notre Dieu, nous bénisse, que
Dieu nous bénisse." - "Tu es béni, Seigneur, Dieu de nos Pères, et
louable, et glorieux, et souverainement exalté dans les siècles, et béni est le
nom saint de ta gloire, et louable et souverainement exalté dans tous les
siècles";
ainsi il est lui-même la bénédiction et il nous remplit de
bénédictions. Enfin le psalmiste souhaite son exaltation: Et que le Dieu de mon salut soit exalté, c'est-à-dire
l'auteur et le donateur du salut, de la grâce dans le présent, et de la gloire
dans le futur: "C'est toi qui es mon roi et mon Dieu, c'est toi qui
ordonnes le salut de Jacob." Et de même: "Il a opéré le salut au
milieu de la terre." Il ne demande pas que Dieu soit exalté
en soi, car il est le Très-Haut: "Le Très-Haut a fondé [Sion]"; mais
qu'il soit exalté dans notre connaissance. Et il dit: de mon salut, c'est-à-dire qui
me sauve: "Un Dieu juste et qui sauve; il n'y en a pas d'autre excepté
moi." - "Nul autre nom n'a été donné sous le ciel aux hommes par
lequel nous devions être sauvés." Ou bien: le Dieu qui me sauve, qu'il
soit exalté à cause de son effet, qu'il me sauve non seulement dans les choses
infimes mais aussi dans les choses élevées: "Béni soit celui qui vient au
nom du Seigneur ! Hosanna au plus haut des cieux !" - "Exaltez-le
autant que vous pouvez, car il l'emporte sur toute louange." - "Exaltez
le Seigneur notre Dieu, et adorez l'escabeau de ses pieds, parce qu'il est
saint."
48 Toi,
le Dieu qui me donnes des vengeances et qui me soumets des peuples, qui me
libères de mes ennemis furieux. 49 Et tu m'élèveras au-dessus de ceux qui
s'insurgent contre moi; tu m'arracheras à l'homme inique. 50 À cause de cela,
je te confesserai parmi les nations, Seigneur, et je dirai un psaume à la
gloire de ton nom. 51 Toi qui magnifies le salut de son roi, et qui fais
miséricorde à son christ David, et à sa postérité pour toujours.
b) Ici est
exposée la matière de son action de grâce: et pour le bienfait de sa libération
du mal, et pour celui de son progrès vers le bien; aussi dit-il: Toi, le Dieu, etc. Et
on peut dire cela au nom de l'Église; car ceux qui la persécutent se la
soumettent: "Ils viendront courbés vers toi, les fils de ceux qui t'ont
humiliée, et ils adoreront les traces de tes pieds." Puisque Paul qui
condamna Étienne fut terrassé, par conséquent juste est la punition du rebelle
quand il se soumet et s'humilie; aussi toi tu es mon libérateur. - "Si
donc le fils vous libère, vous serez vraiment libres." de mes ennemis, non point de
n'importe lesquels, mais de mes ennemis furieux. - "La colère n'a
point de miséricorde." Aussi est-ce une "gloire plus grande d'être
libéré de maux ardents". Et au-dessus de ceux qui s'insurgent contre moi -
"Des témoins iniques se sont levés contre moi" - tu m'élèveras. Il dit cela afin
de montrer la providence de Dieu, c'est-à-dire que là où ils croient l'abaisser
il est exalté: "C'est pourquoi Dieu l'a exalté." - "Les eaux
s'accrurent et élevèrent l'arche de la terre dans les airs." tu m'arracheras
à l'homme inique, c'est-à-dire à l'homme de fraude: "Arrache-moi,
Seigneur, à l'homme méchant, à l'homme inique arrache-moi."
c) Le psalmiste
poursuit en concluant par une action de grâce due aux motifs précités. À cause de cela,
je te confesserai parmi les nations, Seigneur, c'est-à-dire en
présence de tout le peuple je te louerai: "Bénissez le Dieu du ciel, et
rendez-lui gloire devant tous les vivants." et je dirai un psaume à la gloire de ton
nom. Par le mot psaume on entend une oeuvre bonne; car tout ce
que nous faisons de bien, nous devons l'accomplir pour la gloire du nom de
Dieu.
Toi qui magnifies
les saluts de son roi. La
version iuxta
Hebraeos de Jérôme lit de la manière suivante: "Magnificanti et
facienti tibi", c'est-à-dire "à toi qui magnifies et qui
fais", soit, selon notre interprétation, le Dieu qui me donnes des vengeances. Il
est Dieu en tant qu'il magnifie. Et le psalmiste expose deux choses. La
première concerne l'état du royaume, l'autre la personne du roi, car il a
magnifié l'un et l'autre. Concernant l'état du royaume il dit: Toi qui
magnifies les saluts de son roi, car tu m'as élevé à la royauté. Ou
bien: du roi,
c'est-à-dire du Christ, par le nom duquel tous sont sauvés: "Nul
autre nom n'a été donné sous le ciel aux hommes par lequel nous devions être
sauvés." Concernant la personne il dit: et qui fais miséricorde à son christ David,
et à sa postérité pour toujours, car il a multiplié sa postérité
comme il l'a promis.
1 Pour la fin. Par le serviteur du
Seigneur, David, qui a prononcé [à la gloire du] Seigneur les paroles de ce
cantique, au jour où le Seigneur l'arracha à la main de tous ses ennemis, et à
la main de Saül. Et il dit: 2 Je t'aimerai, Seigneur, ma force: 3a Le Seigneur
est mon ferme appui, mon refuge, et mon libérateur.
3b Mon Dieu est mon aide, et j'espérerai
en lui. Il est mon protecteur, et la corne de mon salut, et mon soutien. 4 En
le louant, j'invoquerai le Seigneur, et je serai sauvé de mes ennemis.
5 Les douleurs de la mort m'ont
environné, et les torrents de l'iniquité m'ont troublé.
6 Les douleurs de l'enfer m'ont
environné; les pièges de la mort sont tombés sur moi. 7 Dans ma tribulation
j'ai invoqué le Seigneur, et j'ai crié vers mon Dieu; et de son temple saint il
a exaucé ma voix; et mon cri en sa présence est parvenu à ses oreilles.
8 La terre a été ébranlée et a tremblé;
les fondements des montagnes ont été bouleversés et ébranlés, parce qu'il s'est
irrité contre eux.
9 La fumée a monté dans sa colère et un
feu ardent a jailli de sa face; des charbons en ont été embrasés.
10 Il a incliné les cieux, et il est
descendu; et une sombre nuée est sous ses pieds. 11a Et il est monté sur des
Chérubins.
11b Et il s'est envolé: il s'est envolé
sur les ailes des vents. 12 Et il a fait des ténèbres son lieu de retraite, sa
tente autour de lui, une eau ténébreuse est dans les nuées de l'air. 13À
l'éclat qui jaillit de sa présence, les nuées se sont dissipées: [il en est
sorti] de la grêle et des charbons de feu.
14 Et le Seigneur a tonné du ciel, et le
Très-Haut a fait entendre sa voix; grêle et charbon de feu.
15 Et il a lancé ses flèches, et il les
a dispersées. Il a multiplié ses éclairs, et il les a troublés.
16 Alors ont paru les sources des eaux,
et les fondements du globe de la terre ont été mis à nu. À ta menace, Seigneur,
au souffle du vent de ta colère.
17 Il a envoyé d'en haut, et il m'a
pris, et il m'a retiré des grandes eaux.
18 Il m'a arraché à mes ennemis très
puissants, et à ceux qui m'ont haï, parce qu'ils étaient devenus plus forts que
moi. 19 Ils m'ont prévenu au jour de mon affliction, et le Seigneur s'est fait
mon protecteur. 20 Et il m'a mis au large; il m'a sauvé, parce qu'il m'a voulu.
21 Et le Seigneur me rétribuera selon ma justice, et il me rétribuera selon la
pureté de mes mains. 22 Parce que j'ai gardé les voies du Seigneur, et que je
n'ai pas agi avec impiété en m'éloignant de mon Dieu. 23 Puisque tous ses
jugements sont devant moi, et que je n'ai point éloigné de moi ses justices.
24 Et je serai sans tache avec lui, et
je me tiendrai en garde contre mon iniquité. 25 Et le Seigneur me rétribuera
selon ma justice, et selon la pureté de mes mains devant ses yeux.
26 Avec le saint, tu seras saint, et
avec l'homme innocent, tu seras innocent. 27 Et avec l'élu, tu seras l'élu, et
avec le pervers, tu seras pervers. 28 Parce que c'est toi qui sauveras le
peuple humble, et qui humilieras les yeux des superbes.
29 Parce que c'est toi, Seigneur, qui
fais luire ma lampe; mon Dieu, illumine mes ténèbres.
30 Parce qu'en toi je serai délivré de
la tentation, et en mon Dieu je franchirai le mur.
31 Mon Dieu, sa voie est sans souillure;
les paroles du Seigneur sont éprouvées par le feu; il est le protecteur de tous
ceux qui espèrent en lui. 32 Car qui est Dieu, excepté le Seigneur, ou qui est
Dieu, excepté notre Dieu?
33 Le Dieu qui m'a ceint de la force et
qui a rendu ma voie sans tache.
34 Qui a disposé mes pieds comme ceux
des cerfs, et m'a établi sur les lieux élevés. 35 Qui a instruit mes mains au
combat; et tu as rendu mes bras comme un arc d'airain.
36 Et tu m'as donné la protection de ton
salut, et ta droite m'a pris. Et ta discipline m'a corrigé jusqu'à la fin; et
ta discipline elle-même m'instruira. 37 Tu as élargi mes pas au-dessous de moi,
et mes pieds n'ont pas été affaiblis.
38 Je poursuivrai mes ennemis, et je les
atteindrai; et je ne reviendrai point jusqu'à ce qu'ils soient défaits.
39 Je les briserai, ils ne pourront se
soutenir; ils tomberont sous mes pieds.
40 Et tu m'as ceint de force pour la
guerre; et ceux qui s'insurgeaient contre moi, tu les as renversés sous moi. 41
Et tu m'as livré mes ennemis par-derrière; et ceux qui me haïssaient tu les as
exterminés. 42 Ils ont crié, et il n'y avait personne qui les sauvât; [ils ont
crié] vers le Seigneur, et il ne les a pas exaucés.
43 Et je les broierai comme de la
poussière à la face du vent; et je les ferai disparaître comme la boue des
rues.
44 Tu me délivreras des contradictions
du peuple, tu m'établiras à la tête des nations. 45 Un peuple que je ne
connaissais pas m'a servi; dès que son oreille a entendu, il m'a obéi.
46 Des fils étrangers m'ont menti, des
fils étrangers ont vieilli, et ils ont boité [en sortant de] leurs voies.
47 Le Seigneur vit ! et béni soit mon
Dieu ! Et que le Dieu de mon salut soit exalté !
48 Toi, le Dieu qui me donnes des
vengeances et qui me soumets des peuples, qui me délivres de mes ennemis
furieux. 49 Et tu m'élèveras au-dessus de ceux qui s'insurgent contre moi; tu
m'arracheras à l'homme inique. 50 À cause de cela, je te confesserai parmi les
nations, Seigneur, et je dirai un psaume à [la gloire de] ton nom. 51 Toi qui
magnifies les saluts de son roi, et qui fais miséricorde à son christ David, et
à sa postérité pour toujours.
1 Pour
la fin. Par le serviteur du Seigneur, David, qui a prononcé [à la gloire du]
Seigneur les paroles de ce cantique, au jour où le Seigneur l'arracha à la main
de tous ses ennemis, et à la main de Saül.
Dans le psaume précédent, le psalmiste a demandé en priant d'être
libéré de ses ennemis; mais ici maintenant, libéré, il rend grâce.
Et il commence par rendre grâce pour le bienfait de sa libération.
Ensuite il se répand en louanges a l'égard de son libérateur: "Les
cieux racontent la gloire de Dieu."
Son titre est: Pour la fin. Par le serviteur du Seigneur, David, qui a
prononcé [à la gloire du] Seigneur les paroles de ce cantique, au jour où le
Seigneur l'arracha à la main de tous ses ennemis, et à la main de Saül. Et
ce psaume se retrouve mot à mot au deuxième livre des Rois. Sa signification
historique est fondée sur le premier livre des Rois, où l'on rapporte comment
Saül cherchait à le tuer, et sur le deuxième livre des Rois, où il est écrit
que ce dernier étant mort, Abner et son fils s'opposèrent à leur tour à David.
Mais finalement David remporta la victoire contre eux. C'est pourquoi il
composa ce psaume. Et Jérôme dit la même chose. Et parce que par David est
symbolisé le Christ, tous ces faits peuvent être rapportés au Christ, soit en
tant que tête, soit en tant que corps, c'est-à-dire l'Église, car elle a été
libérée de Saül, c'est-à-dire de la mort; en effet Saül veut dire "demande",
car il fut donné comme roi sur la demande du peuple, et même il y fut plutôt
contraint. C'est pourquoi il ne fut pas donné pour demeurer. Ainsi le Christ
souffre d'abord la mort, puis demeure dans la paix, selon la Glose.
Il est aussi libéré de tous ses ennemis, des Juifs et des démons, et quant à
son corps, c'est-à-dire l'Église.
Les premiers versets de ce psaume se divisent en trois parties.
I) Dans la première partie, le psalmiste
rappelle le bienfait de sa libération.
II) Dans la deuxième partie, il montre la
puissance de celui qui libère: 8 La terre a été ébranlée et a tremblé.
III) Dans la
troisième partie, il précise le mode de sa libération: 17 Il a envoyé d'en haut, etc.
Et il dit: 2 Je t'aimerai, Seigneur, ma force: 3a Le Seigneur est
mon ferme appui, mon refuge, et mon libérateur.
I. En rappelant le bienfait de sa libération il
fait deux choses.
A) Il rappelle
d'abord le sentiment qu'il a conçu du bienfait précité.
B) Puis il montre
l'effet qui en découle: 4 En le louant.
A. Un double
sentiment naquit en lui à la suite d'un tel bienfait, à savoir l'amour et
l'espérance.
1) Et il
mentionne d'abord le premier.
2) Puis le second:
Mon Dieu.
1. Il expose:
a. En premier
lieu son amour pour Dieu.
b. Puis il en
donne la raison: Ma
force.
a. Ainsi dit-il:
Ô Seigneur, toi
qui m'as libéré, moi Je t'aimerai toujours, parce que je demeurerai
en toi: "Demeurez dans mon amour de charité." - "Car je suis
certain que ni vie, ni mort, ni anges, ni aucune autre créature ne pourra nous
séparer de la charité du Christ." Car aimer d'un amour de charité (diligere) est
le propre des êtres raisonnables, tandis qu'aimer (amare) est universel: "Que
ceux qui t'aiment resplendissent comme le soleil brille à son lever."
b. Quant à la
raison de l'amour de charité d'une personne, elle est relative à son propre
bien. C'est pourquoi lorsque quelqu'un considère son propre bien comme
dépendant d'un autre, telle est la raison qui fait dire qu'il l'aime. David
considérait que tout son bien dépendait de Dieu, c'est pourquoi il dit: Je t'aimerai, parce
que tu es ma
force. La force a pour objet d'affermir l'âme, de crainte qu'elle ne
s'éloigne du bien à cause de difficultés imminentes.
Mais comment Dieu est sa force, il le montre. L'homme a besoin de la
force dans deux situations. D'abord dans les biens, afin de garder sa stabilité
en eux; et c'est pourquoi il dit: mon ferme appui, c'est-à-dire un fondement solide:
"Le Seigneur est mon rocher." - "Quiconque écoute mes paroles et
les met en pratique, est semblable à un homme bâtissant sa maison sur le
rocher." De même dans les maux, et cela dans deux circonstances. Dans une
première circonstance, afin de fuir avant que les maux n'arrivent; c'est
pourquoi il dit: mon
refuge. - "Le nom du Seigneur est une tour très forte." - "Le
rocher est un refuge pour les hérissons." Dans une autre circonstance,
afin de se libérer après qu'ils soient survenus; c'est pourquoi il dit: et mon
libérateur
3b Mon
Dieu est mon aide, et j'espérerai en lui. 3c Il est mon protecteur, et la corne de mon
salut, et mon soutien. 4 En le louant, j'invoquerai le Seigneur, et je serai sauvé
de mes ennemis.
2. Le psalmiste
expose ici le sentiment de l'espérance: et il y a une différence entre
l'espérance et l'amour; car l'amour est une vertu unitive. En effet nous aimons
quelque chose dans la mesure où nous la considérons comme nôtre, et c'est
pourquoi il dit que Dieu lui-même est sa propre force: "Le Seigneur est ma
force et ma louange, et il s'est fait mon salut." L'espérance introduit
une défense par rapport à ce qui vient de l'extérieur; et Dieu accomplit l'un
et l'autre. Ou bien selon une autre explication: l'objet de l'espérance est un
bien ardu, futur, possible à acquérir. Donc de même que quelqu'un aime à cause
d'un bien déjà donné, ainsi il espère un bien futur en raison de sa confiance
née de l'amour, et en raison d'autres choses semblables, dans la mesure où il
pense pouvoir les recevoir dans le futur. Et c'est pourquoi le psalmiste fait
ici trois considérations.
a) Il espère
d'abord le refuge et le ferme appui parce qu'il est dans les biens.
b) Puis il
demande une protection, parce qu'il est dans les maux qui sont déjà survenus.
a. Ainsi dit-il
d'abord: Mon
Dieu est mon aide. - "Si le Seigneur ne me venait en aide,
bientôt mon âme habiterait dans l'enfer." Et c'est pourquoi j'espérerai en
lui: "Vous qui craignez le Seigneur, espérez en lui, et sa miséricorde
viendra à vous pour votre joie."
b. Puis nous
espérons être libérés des maux auxquels nous ne sommes pas encore soumis, car
Dieu nous défend:
- D'abord afin que nous ne soyons pas blessés.
- Puis pour que nous les vainquions.
- Et enfin il nous couronne pour cette victoire.
- En relation avec le premier point il dit: mon protecteur. La version iuxta Hebraeos de
Jérôme lit: "scutum (bouclier)", parce qu'il protège pour qu'il ne
puisse pas être transpercé par les maux; ainsi Dieu fait-il: "Tu m'as
protégé, ô Dieu, contre l'assemblée des méchants."
- En relation avec le deuxième point il dit: et la corne de mon salut, car
les animaux frappent avec la corne; ainsi la force de Dieu résiste à ses
adversaires, car elle combat afin de vaincre les maux temporels et spirituels: "Par
toi nous frappons de la corne nos ennemis; et en ton nom nous mépriserons ceux
qui se lèvent contre nous." - "Mon coeur a tressailli de joie dans le
Seigneur, et ma corne a été élevée par mon Dieu", c'est-à-dire ma force.
- En relation avec le troisième point il dit: et mon soutien. Lorsque
quelqu'un remporte une victoire, il est reçu en triomphe; ainsi Dieu fait-il
aussi: "Je reviendrai, et je vous prendrai avec moi, afin que là où je
suis, vous y soyez aussi." - "Tu m'as soutenu avec gloire." On
trouve le même texte dans le deuxième livre des Rois.
B. Ensuite il
expose l'effet qui en découle, à savoir la louange. La louange est une parole
qui met en lumière la grandeur d'une vertu, ou qui en résulte du moins.
1) Le psalmiste
expose donc d'abord la louange.
2) Puis son efficacité.
1. Ainsi dit-il: En le louant,
j'invoquerai le Seigneur, autrement dit: en agissant ainsi je ne
fais pas valoir ma propre louange, mais je cherche la tienne, car c'est toi qui
as agi: "Je me souviendrai des miséricordes du Seigneur, [je chanterai] la
louange du Seigneur pour tout ce qu'il m'a donné."
2. Et je [t']invoquerai, en
toute sécurité, avec efficacité, car en t'invoquant ainsi, je serai sauvé de mes ennemis. -
"Quiconque invoquera le nom du Seigneur, sera sauvé."
5 Les
douleurs de la mort m'ont environné, et les torrents de l'iniquité m'ont
troublé.
Ici le psalmiste expose la nécessité de sa libération.
a) Et il montre
d'abord la grandeur de sa libération.
b) Ensuite la
prière qu'il profère à Dieu: 7 Dans ma tribulation.
c) Enfin il expose
son exaucement: il a exaucé.
a. Notez que ces
trois choses sont ainsi établies dans un ordre successif: l'iniquité, la mort
et l'enfer; c'est par iniquité que l'homme est amené vers la mort; et par la
mort il est conduit en enfer. Et de même que la première chose est un chemin
qui conduit à la deuxième chose, ainsi la deuxième à l'égard de la troisième.
Et c'est pourquoi il parle d'abord de la première gradation. Puis de la
deuxième, car ils vont de la mort à l'enfer: Les douleurs de l'enfer, etc.
Concernant la première gradation, il fait deux choses:
- Il commence par exposer son mode.
- Puis le chemin qui mène à celle-ci, c'est-à-dire à l'iniquité: les torrents de
l'iniquité.
- La douleur de la mort est très grande: "Est-ce ainsi donc que la
mort amère sépare ?" - "Ô mort, que ton souvenir est amer !"
C'est pourquoi lorsque quelqu'un ne peut la fuir, alors les douleurs
l'entourent; et d'autant plus qu'elles sont inévitables.
- Le chemin, c'est l'iniquité, autrement dit: je la crains parce que les torrents de
l'iniquité m'ont troublé. Le torrent, c'est l'écoulement de l'eau
dévalant avec impétuosité: "Comme un torrent qui passe avec violence dans
les vallées." Donc la violence soudaine de l'iniquité intérieure, par
exemple celle de la tentation soudaine et grave, est un torrent qui incite au
péché. Ou bien il s'agit de l'iniquité extérieure, comme l'assaut d'un ennemi.
Et ceux-ci m'ont
troublé.
6 Les
douleurs de l'enfer m'ont environné; les pièges de la mort sont tombés sur moi.
7
Dans ma tribulation j'ai invoqué le Seigneur, et j'ai crié vers mon Dieu; et de
son temple saint il a exaucé ma voix; et mon cri en sa présence est parvenu à
ses oreilles.
Le psalmiste continue ici en suivant l'enchaînement précité; et c'est
pourquoi il dit:
Les douleurs de l'enfer, c'est-à-dire semblables aux douleurs
infernales: "Je descendrai dans le deuil en enfer." Ou bien il s'agit
des douleurs qui sont conçues par crainte de l'enfer. Et celles-ci encerclent
quand elles sont inévitables. Et ces douleurs viennent, car les pièges de la
mort sont tombés sur moi. Quelle mort? "Celui qui amasse des
trésors par une langue de mensonge est vain et insensé, et il tombera dans les
pièges de la mort." Et c'est inéluctable.
b. Mais il y
applique le remède de la prière. La prière est d'abord exposée; et c'est
pourquoi il dit: Dans
ma tribulation j'ai invoqué le Seigneur. - "Dans leur
tribulation, dès le matin, ils se dresseront vers moi." - "Et
maintenant, Seigneur tout-puissant, Dieu d'Israël, une âme dans les angoisses,
et un esprit inquiet crie vers toi." - "Cherchez le Seigneur, pendant
qu'on peut le trouver, invoquez-le tandis qu'il est proche." - "Invoque-moi
au jour de la tribulation; je te délivrerai." - "J'ai invoqué, et
l'esprit de sagesse est venu en moi." Ensuite est exposée la piété de
l'orant, car il dit: j'ai crié vers mon Dieu, c'est-à-dire avec la
force de la piété de l'orant: "Vers le Seigneur, lorsque j'étais dans la
tribulation, j'ai crié; et il m'a exaucé." - "Dans les jours de sa
chair, ayant offert avec larmes et un grand cri des prières et des
supplications à celui qui pouvait le sauver de la mort, il a été exaucé pour
son humble respect; et il dit: j'ai crié vers mon Dieu, non vers un dieu
étranger: "Tu adoreras le Seigneur ton Dieu et tu le serviras, lui seul."
c. Enfin
l'exaucement: il
a exaucé. Il avait dit deux choses: avoir invoqué et crié. Et c'est
pourquoi il parle de voix exaucée et de cri. D'où? de son temple saint il a exaucé ma voix. Le
temple de Dieu est l'excellence même de sa sainteté, car le Seigneur est son
temple: "Je ne vis point de temple en elle, parce que le Seigneur
tout-puissant et l'Agneau en sont le temple." Le temple, c'est aussi le
Christ lui-même: "Mais lui parlait du temple de son corps", dans
lequel Dieu est présent par la grâce: "Car le temple de Dieu est saint, et
vous êtes ce temple." C'est également la Bienheureuse Vierge: "J'adorerai
en m'approchant de ton temple saint" en qui, c'est-à-dire par qui, Dieu
nous a exaucés: "Il m'a exaucé, et il m'a délivré de toutes mes
tribulations." C'est encore l'Église: "Le Seigneur est dans son
temple." Et il a exaucé depuis ce temple où qu'il soit: "Si un homme
reconnaît la plaie de son coeur et étend ses mains vers cette maison, toi tu
l'exauceras du lieu de ta demeure." Et non seulement il dit que sa prière
a été exaucée, mais aussi son cri; et c'est pourquoi il dit: et mon cri en sa
présence est parvenu à ses oreilles. Et il précise: en sa présence, c'est-à-dire
devant ses yeux, car il voit toutes choses: "J'ai bien vu l'affliction de
mon peuple qui est en Égypte; et j'ai entendu son cri à cause de la dureté de
ceux qui président à ses labeurs." Ou bien: en sa présence, c'est-à-dire
selon son bon plaisir; ou bien dans le coeur, où lui seul voit: "L'homme
ne voit que l'apparence, mais le Seigneur regarde le coeur." Et il est parvenu à
ses oreilles, par son agrément: "Leur clameur est parvenue aux
oreilles du Seigneur"; ou bien: à ses oreilles, c'est-à-dire à sa clémence: "La
prière de l'humble pénétrera les nues."
8 La
terre a été ébranlée et a tremblé; les fondements des montagnes ont été
bouleversés et ébranlés, parce qu'il s'est irrité contre eux.
II. Plus haut le psalmiste a traité du sentiment
qu'il a conçu à la suite des bienfaits de sa libération; ici il traite de la
puissance du libérateur.
La puissance de celui qui agit se manifeste dans l'effet de son action;
quant aux choses qui sont rapportées ici, elles peuvent être relatives à un
double effet de l'action divine: à l'effet qui se manifeste dans les réalités
matérielles, et à l'effet de la rédemption. Mais c'est sans doute plus vrai
pour chacun des deux. Car les choses qui sont dites ici sous la figure des
réalités matérielles, sont achevées au sens spirituel par l'effet de la
rédemption. Or l'effet de la puissance divine se manifeste surtout dans les
réalités matérielles, parce que les réalités spirituelles nous sont moins
connues; et principalement dans celles que les hommes regardent avec étonnement;
et ce sont les ébranlements des éléments du monde, c'est-à-dire de la terre, de
l'air, de l'eau et du feu.
Ce passage du psaume se divise ainsi en trois parties:
A) Le psalmiste
montre d'abord la puissance de Dieu dans les effets relatifs à la terre.
B) Ensuite dans
les perturbations de l'air: 10 Il a incliné les cieux.
C) Enfin dans les
perturbations des eaux: 16 Alors ont paru les sources des eaux.
Mais si on réfère ces effets à leur signification cachée (mysterium), ce
passage se divise en deux parties:
A) Lé psalmiste
montre d'abord le fruit de la rédemption divine réalisée par le Christ.
B) Puis son mode:
Il a incliné
les cieux.
A. Le premier
point se subdivise en deux:
1) Dans la
première partie de la subdivision, il traite d'abord de l'effet de la terre,
qui est en profondeur.
2) Ensuite de
l'effet qui s'élève depuis la hauteur.
Si on l'entend au sens mystique, un double effet de la rédemption est
ainsi manifesté, à savoir la pénitence des pécheurs et la piété des justes: il
est monté.
1. Mais selon
qu'on rapporte cela à l'effet matériel, qui est dans la profondeur de la terre,
l'effet principalement étonnant c'est le tremblement de terre, etc. À cet
égard, le psalmiste mentionne trois choses:
a) D'abord
l'ébranlement proprement dit.
b) Puis ce qui le
rend étonnant.
c) Enfin sa
cause.
a. Ainsi dit-il: La terre a été
ébranlée et a tremblé. Une chose se meut de deux manières. Ou bien
elle se meut d'un lieu vers un autre lieu; et ce n'est pas de cette manière que
la terre est ébranlée.
b. Ou bien par un
tremblement, et ainsi l'ébranlement des montagnes fait d'un tremblement de
terre un fait étonnant: car si une terre meuble est ébranlée, ce n'est pas un
fait étonnant, mais lorsque des montagnes sont ébranlées, alors c'est un fait
qui provoque l'étonnement; et c'est pourquoi il dit: les fondements ont été bouleversés, car
ils semblent avoir perdu leur stabilité.
c. La cause
première est la volonté divine; et il exprime cela par une métaphore lorsqu'il
dit: parce
qu'il s'est irrité contre eux, c'est-à-dire Dieu. De même que
lorsque le Seigneur s'emporte, ceux qui l'assistent tremblent, ainsi sous l'irritation
de Dieu toutes choses se troublent.
Au sens mystique, on entend par là le mouvement des hommes vers la
pénitence. Certains d'entre eux sont des petits pécheurs, et ces derniers sont
signifiés par la terre; c'est pourquoi il dit: La terre a été ébranlée et a tremblé, c'est-à-dire
ceux qui auparavant étaient pécheurs et terrestres: "Tu as jeté ton corps
sur le sol, et en as fait comme un chemin pour les passants." Cet
ébranlement est dû à la conversion de l'attachement des choses terrestres aux
réalités célestes, et cela en raison de la crainte que le pécheur a conçue à
l'égard des châtiments: par ta crainte "nous avons conçu, et c'est comme
si nous avions souffert et enfanté du vent". D'autres sont de grands
pécheurs; et ces derniers sont appelés montagnes, c'est-à-dire ceux qui
s'enorgueillissent dans le siècle. Ils sont ébranlés par la venue du Christ. les fondements
des montagnes sont ceux sur lesquels ils prennent appui, à savoir
les richesses, les pouvoirs et les honneurs: "Les montagnes seront transportées
au coeur de l'océan." Ainsi se troublent-ils lorsque surviennent des
adversités, et après cela ils sont totalement ébranlés: "Le Seigneur des
armées a décidé cela afin d'enlever l'orgueil de toute gloire et de conduire à
l'ignominie tous les grands de la terre." Tous les royaumes et les
pouvoirs qu'ils détiennent au début, ils en verront le déclin, et cela parce qu'il
s'est irrité contré eux.
Cela peut se comprendre de deux manières. Si on l'applique aux
méchants, il n'est pas douteux que par la vengeance de Dieu, qui est appelée
colère, ils soient morts; si on l'applique aux bons, c'est pour que, la colère
de Dieu se manifestant à eux, ils se convertissent. Car Dieu s'est fait
connaître par elle: "La colère de Dieu se manifeste du haut du ciel contre
toute impiété et injustice de ces hommes qui retiennent la vérité de Dieu dans
l'injustice."
9 La
fumée a monté dans sa colère et un feu ardent a jailli de sa face; des charbons
en ont été embrasés.
2. Ici le
psalmiste expose la puissance de Dieu au sens matériel dans l'effet de la terre
qui vient d'en haut. Or l'effet de la terre vient d'en haut, lorsque la terre
est brûlée par un feu céleste dans une de ses parties; et à cet égard il
mentionne deux choses:
a) D'abord la
matière elle-même.
b) Puis l'ascension
du feu et sa combustion.
a. Sa matière est
une fumée sèche qui se dissipe en montant jusqu'à ce qu'elle soit enflammée; et
c'est pourquoi il dit: La fumée a monté dans sa colère, c'est-à-dire
dans sa volonté, c'est-à-dire celle de Dieu qui punit ainsi. de sa face, c'est-à-dire
de sa puissance, un
feu ardent a jailli, c'est-à-dire s'est allumé; et des charbons, c'est-à-dire
la matière combustible s'est enflammée.
Au sens mystique, deux choses sont signifiées par cela, à savoir la
force de la prière et l'embrasement de la charité.
b. a monté:
et à partir de cela est considérée la colère de Dieu contre les pécheurs. Ou
bien: La
fumée a monté, c'est-à-dire la fumée de la prière fervente: "La
fumée des parfums monta", c'est-à-dire le feu de la charité. de sa face, c'est-à-dire
du Christ, a
jailli. - "Je suis venu jeter un feu sur la terre."
des charbons
en ont été embrasés, c'est-à-dire sont susceptibles d'embrasement.
Le charbon a connu autrefois le feu, comme l'homme a connu dès le commencement
la charité; mais le charbon s'était éteint, tandis que les hommes ont été
embrasés par le Christ. De même que des charbons non humides s'enflamment, et
non point les humides, ainsi en est-il des hommes rendus humides par le flot
des désirs charnels: "Les flèches du puissant sont aiguisées avec des
charbons désolateurs."
8 La
terre a été ébranlée et a tremblé; les fondements des montagnes ont été
bouleversés et ébranlés, parce qu'il s'est irrité contre eux.
On dit de Dieu qu'il se met en colère, parce qu'il se comporte à la
manière de celui qui est irrité, non en lui-même mais quant à l'effet. Or un
maître irrité fait trembler son esclave, et un lion son petit. Il faut savoir à
cet égard que la puissance maîtrisant les membres se relâche extérieurement
vers l'intérieur, comme si elle se retranchait vers le coeur et cédait au mal
suggéré; ou bien face à une puissance se dressant contre elle, à laquelle elle
ne peut résister, et les membres tremblent, comme un mur lorsque sa fondation
est ébranlée. Or l'âme contient le corps, et elle en est le fondement; et une
partie de l'âme est une partie du corps. C'est pourquoi, le fondement ayant été
ébranlé, le mur est ébranlé; et, une puissance ayant été ébranlée, un membre
est ébranlé. Ainsi donc l'effet de la colère dans l'animal se traduit par la
crainte. Or on dit d'un animal qu'il tremble, quand tout en demeurant au même
endroit une partie de lui-même est ébranlée; et c'est pareillement ce qui
arrivé dans un tremblement de terre, la terre étant dite trembler par
comparaison avec les animaux. Or on dit de Dieu qu'il s'irrite contre la terre
dans un tremblement de terre.
Ou bien selon l'explication suivante: on distingue dans l'homme quatre
choses: la raison, les puissances sensitives, les facultés naturelles et le
corps. Mais dans le monde se trouvent Dieu, les anges, les animaux, les plantes
et les éléments. Or nous voyons que par rapport au mal imaginé, auquel le corps
ne peut résister, ce dernier tremble aussitôt non à cause de la connaissance,
mais à cause d'un certain enchaînement naturel ou naturellement, dans la mesure
où la puissance du mal imaginé est plus forte. Et semblablement Dieu, quand il
dirige sa puissance sur la terre, bien qu'il ne connaisse pas la colère, on dit
qu'il tremble naturellement parlant.
Les fondements,
c'est-à-dire les cavités ou les anfractuosités de la terre, qui,
ébranlées, secouent les montagnes.
parce qu'il s'est
irrité contre eux. La cause
première est la volonté de Dieu ou sa puissance voulant agir en eux; mais il
fait cela par l'intermédiaire des causes secondes, de telle sorte que toutes
les causes secondes sont comparées à la terre comme un mal imaginé ébranlant
les membres.
La fumée a monté. Il faut noter ici, selon le Philosophe, que de la terre humide se
dissipe sous l'influence de la chaleur du soleil une vapeur chaude et humide,
tandis que de la terre sèche monte une vapeur sèche et chaude, qui
naturellement monte plus haut que la première. Or celle-ci est comparée au feu,
celle-là à l'air; et le psalmiste appelle fumée cette vapeur, qui est chaude et
sèche. Mais le Philosophe l'appelle combustible, c'est-à-dire matière à
embrasement. Or cette vapeur en s'élevant prend de la largeur sous l'effet
d'une légère augmentation de la chaleur, et elle s'enflamme par le mouvement
circulaire. Et cependant ce combustible ou cette fumée sèche, si elle a
longueur et largeur, après s'être embrasée, on l'appelle flamme. Car la flamme,
selon le Philosophe, c'est l'incandescence d'un souffle sec. Si elle a longueur seulement, on
parle de torches ou bien de tisons, et de boucliers ou de chèvres, et d'étoiles
filantes. De torches, lorsque cette matière à combustion est longue, continue,
sans étincelle. On l'appelle chèvre lorsqu'elle se compose d'étincelles,
c'est-à-dire quand elle semble sauter et courir de tous côtés. Étoiles filantes
lorsqu'elle est faite de matière discontinue, et qu'elle semble voler comme les
étoiles filantes; et ce genre d'étoiles contient très peu de matière. Il y a
aussi un autre genre d'étoiles filantes, lequel est froid et chasse le chaud;
et de telles étoilés ne semblent pas voler, mais être projetées, comme le dit
le Philosophe;
et elles sont engendrées non par une fumée tout à fait sèche, mais
par une exhalaison plus humide et chaude, qui selon sa nature propre ne monte
pas autant que l'exhalaison sèche, ainsi qu'on l'a dit. Et du fait qu'une
exhalaison est sèche, elle pâtit du froid, est repoussée et se trouve projetée
vers le bas. Et cela se produit de jour et dans la clarté, autrement elle
serait éteinte par la densité et l'humidité de l'air. Et parce qu'elle se voit
de jour, c'est un signe qu'elle est proche de la terre. Mais elle s'enflamme de
deux manières: soit de manière continue, comme une flamme supérieure allume un
petit flambeau, soit par le mouvement du froid et sa contraction, ou par
l'accumulation de la chaleur. Ainsi donc il dit: La fumée a monté, c'est-à-dire
une exhalaison sèche: dans sa colère, c'est-à-dire par la volonté de
celui qui veut agir en elle. et un feu, c'est-à-dire cette fumée qui est
aussi appelée feu par le Philosophe au début des Météorologiques, comme si cela
était dû au fait qu'elle n'a pas de nom propre, comme l'exhalaison humide qu'on
appelle vapeur; mais cette fumée est appelée feu parce qu'elle est disposée à
monter, et parce qu'elle est chaude et sèche comme le feu. Ce feu ardent, dit-il,
a jailli, c'est-à-dire
a été allumé, à savoir par Dieu comme venant de la cause première. Et ce feu
allumé est précisément appelé torche, bouclier, flamme et étoiles filantes;
étoiles filantes engendrées selon la première manière rapportée plus haut. des charbons en
ont été embrasés, c'est-à-dire des étoiles filantes ont été
engendrées selon la seconde manière.
Ou bien ainsi: La terre a été ébranlée, etc. Une
vapeur sèche élevée de terre sous l'action de la chaleur du soleil est
quelquefois légère; et alors elle s'élève plus haut et prend de l'extension,
ainsi qu'on l'a dit plus haut. Parfois cantonnée sur la surface du sol elle est
un peu plus épaisse, c'est pourquoi, refoulée par le froid, elle ne monte pas
autant, et elle est un souffle; parfois une vapeur sèche plus épaisse s'élève
vers la surface du sol, et celle-ci à cause de son épaisseur, de la fermeté de
la terre et de sa profondeur, ne s'échappe pas au-dehors, mais reste enfermée
dans le sol, et s'amasse dans une cavité de la terre qui lui est adaptée; elle
est pressée par un corps étranger à sa nature spécifique. Il y a alors
perturbation dans les entrailles de la terre, et elle en est ainsi ébranlée.
Chose qui n'est pas surprenante, puisque nous voyons le vent former des vagues
comme des montagnes sur la mer, et sur la terre arracher des arbres et faire
tomber des édifices, et dans l'air produire de très grandes tempêtes. Mais Si
le vent est la cause d'un tremblement de terre, c'est le signe qu'avant un
tremblement de terre il y a habituellement absence de vent, tandis qu'après il
apparaît. Quant à la matière du tremblement de terre, affaiblie par la chaleur
du soleil, elle sort de la terre; et ainsi cesse le tremblement de terre et
naît le vent.
La cause d'un tremblement de terre est le heurt des vents; et c'est
pourquoi cela ne peut se produire sur toute la terre en même temps, mais ne
peut s'étendre que jusqu'à deux cents milles au plus, comme le dit Sénèque. Et
il rapporte qu'un tremblement de terre sépara la Sicile de la Calabre, et
l'Espagne de l'Afrique. Et il dure quelquefois quarante jours, quelquefois une
année. Notez aussi qu'un sol ferme à partir duquel une vapeur ne peut
s'échapper extérieurement est exposé à être vite ébranlé: en effet, ce qui est
de nature pierreuse n'est pas ébranlé légèrement et est secoué. Il faut
cependant qu'il soit poreux en quelque endroit, par où la vapeur entrera;
qu'elle entre par ces endroits poreux, et qu'elle soit retenue par la dureté du
sol. Mais si on dit que par l'endroit où elle est entrée, elle ne peut s'en
échapper, il faut répondre qu'il ne peut pas en être toujours ainsi, car
parfois l'arrivée de la vapeur et son élévation vers ce lieu se produisent sans
interruption. Et d'autre part, parce que la vapeur chaude ne va pas plus bas,
le flot de la mer en fermant les endroits poreux et en l'enfermant plus bas à
cause du froid, contribue à produire un ébranlement. Voilà pourquoi les
anfractuosités au fond de la mer provoquent souvent un tremblement de terre.
Remarquez aussi que cette vapeur sort continuellement de la terre d'une
certaine manière, et c'est ce qui explique qu'au moment des tremblements de
terre les animaux ayant la tête au niveau du sol sont souvent contaminés par
cette vapeur toxique sortant de la terre.
10 Il
a incliné les cieux, et il est descendu; et une sombre nuée est sous ses pieds.
11a Et
il est monté sur des Chérubins.
B. Le psalmiste
traite ici des vents. Remarquez que la matière du vent est une vapeur ou une
exhalaison sèche chauffée fortement, mais non légère au point de pouvoir monter
vers le lieu le plus élevé, ni suffisamment chauffée; c'est pourquoi elle est
arrêtée par le froid, s'épaissit et est repoussée vers le bas: et celle-ci
étant repoussée agite l'air. Elle a cependant assez de chaleur pour ne pas être
dominée par le froid, de telle sorte qu'elle retourne vers la terre; et il est
dit: sombre
nuée, et aussi: sous ses pieds, parce qu'elle n'est pas élevée
comme celle qui monte dans une flamme. Cependant, parfois, elle n'est pas
aussitôt repoussée, mais chasse les nuages car elle n'est pas totalement
dominée, et ne retourne pas directement plus bas vers la terre; et en raison de
ce mouvement sinueux, elle s'efforce quasiment de prendre de la hauteur, mais
elle ne le peut à cause de son refoulement; et tel est ce qu'il dit:
11b Et
il s'est envolé: il s'est envolé sur les ailes des vents. 12 Et il a fait des
ténèbres son lieu de retraite, sa tente autour de lui, une eau ténébreuse est
dans les nuées de l'air. 13 À l'éclat qui jaillit de sa présence, les nuées se sont
dispersées; il en est sorti de la grêle et des charbons de feu.
Ici le psalmiste traite des perturbations de l'air selon leurs effets
matériels; et on distingue une triple perturbation: elle se situe dans les
vents, dans les nuages et dans les tonnerres. Et il traite de chacune d'elle.
1. À propos de la
perturbation dans les vents il expose trois choses:
a) D'abord la
cause effective de toutes ces perturbations.
b) Ensuite la
matière.
c) Enfin le mode.
a. Quant à la cause
effective de toutes ces perturbations, elle est due à un corps céleste, qui par
son mouvement provoque ces altérations de l'air; et c'est pourquoi il dit: Il a incliné les
cieux, c'est-à-dire a ordonné la puissance des corps célestes à la
réalisation de ces effets; car ils détiennent leur puissance de Dieu.
et il est
descendu. Bien que Dieu
accomplisse toutes choses en demeurant immobile, on dit cependant qu'il se meut
à travers l'effet, en tant qu'il crée des effets mobiles: "La sagesse est
plus agile que tout mouvement"; et selon ce point de vue, il est dit
descendre, en tant qu'il fait descendre la puissance des cieux.
b. La matière des
vents, c'est une sombre nuée ou une fumée sèche. Elle n'est pas légère au point
de monter jusqu'à devenir du feu, mais elle se maintient; et c'est pourquoi il
dit: sous ses
pieds, c'est-à-dire sous son pouvoir; et tout est de Dieu.
c. Le mode: il est monté sur
des Chérubins. Remarquez: de même que dans la pensée des Juifs un
roi a un char, ainsi Dieu en a-t-il un aussi, qui est un Chérubin; et ils se
représentent Dieu comme un être corporel et semblable à un Chérubin. Et c'est
pourquoi dans une version de Jérôme il est écrit mot à mot: "Equitavit super
Cherubim (Il chevaucha un Chérubin)." Et ces derniers ont une
fausse représentation, car les choses qui sont exprimées en image dans
l'Écriture sont des signes de la vérité spirituelle. Or la sagesse divine est
dite être mue, en tant qu'elle cause un mouvement dans les réalités mobiles.
Cependant tout ce que Dieu cause dans les réalités inférieures, il les cause
avec le secours de la créature spirituelle; c'est pourquoi Augustin dit que "Dieu
meut la créature corporelle par l'intermédiaire de la créature spirituelle",
mais la créature spirituelle n'agit pas de sa propre force, mais sous le
gouvernement de Dieu. Et au sens spirituel on dit que Dieu fait cela en montant
sur des Chérubins, parce qu'ils représentent la plénitude de la connaissance,
et Dieu accomplit toutes choses par sa propre connaissance. Et on dit qu'il est
sur des
Chérubins, parce que la connaissance de Dieu est supérieure à celle
des anges. Et c'est pourquoi Dieu accomplit cela en volant, c'est-à-dire en
faisant voler. Et par des Chérubins, c'est-à-dire par sa propre connaissance,
et sur eux, lui
qui les dépasse; et il a dit: il s'est envolé: il s'est envolé, parce que le
mouvement du vent n'est pas uniforme. Et: sur les ailes des vents, à cause de la
rapidité de leurs mouvements.
Au sens mystique, le mystère de l'Incarnation est ici exposé.
1') Et d'abord l'Incarnation du Christ, par laquelle il sortit du Père
et vint dans le monde.
2') Ensuite son Ascension, parce qu'il alla vers le Père: Il est monté
sur des Chérubins.
3') Enfin les événements qui eurent lieu dans
l'Église après l'Ascension du Christ: 12 Et il a fait des ténèbres son lieu de retraite, etc.
1'. Ainsi dit-il: Il a incliné les cieux, et il est
descendu, etc. Si une personne de condition élevée accomplit
un acte d'humilité vis-à-vis d'une personne d'humble condition habitant la
campagne, on dit qu'elle fait une injure et cause une humiliation à toute la
contrée qu'elle gouverne. Ainsi dit-on du Fils de Dieu qu'il s'humilie et
incline les cieux, car il a voulu venir à nous dans l'humilité. et il est
descendu, c'est-à-dire s'est rendu visible: "Après cela il a
apparu sur la terre, et il a conversé avec les hommes." - "Ce que
nous avons vu et ce que nous avons entendu et ce que nos mains ont palpé du
Verbe de vie." Il est donc descendu par l'humilité en prenant la chair
humaine, en mourant et en enseignant l'humilité. Ou bien: Il a incliné les cieux, c'est-à-dire
les prédicateurs, et il est descendu en leur faisant dire aux hommes des
choses capables d'être saisies. et une sombré nuée, c'est-à-dire le diable et
tous les méchants, est sous ses pieds, c'est-à-dire ceux du
Christ: "Je ferai de tes ennemis l'escabeau de tes pieds."
2'. À propos de l'Ascension il dit: il est monté sur des Chérubins. - "Celui
qui est descendu est le même qui est monté au-dessus de tous les cieux, afin
qu'il remplît toutes choses." sur des Chérubins, c'est-à-dire au-dessus de
l'ordre des anges: "L'établissant à sa droite dans les cieux, au-dessus de
toute principauté, de toute puissance, de toute vertu, de toute domination et
de tout nom qui est donné non seulement dans ce siècle, mais aussi dans le
futur. Il a mis toutes choses sous ses pieds, et il l'a établi chef sur toute
l'Église, qui est son corps." - "Dieu très fort, grand, puissant, ton
nom est Seigneur des armées, grand en conseil et insaisissable dans la pensée."
Et il dit au sens spirituel: sur les Chérubins, car il n'est pas monté
seulement en tant qu'il leur est précisément supérieur, mais parce qu'il leur
est insaisissable: il s'est envolé: il s'est envolé. On entend
par là un double vol.
D'abord en tant qu'à la suite de son
Ascension, sa renommée s'est étendue au monde entier dans un bref délai; c'est
pourquoi il dit: sur
les ailes des vents, c'est-à-dire plus vite que des plumes
dispersées sous l'impulsion des vents; car ce fut en peu de temps, en moins de
trois années: "Leur bruit s'est répandu à travers toute la terre, et leurs
paroles jusqu'aux limites du globe de la terre", car cela se réalisa avant
la destruction de Jérusalem. Ou bien: il s'est envolé, etc., en montant au ciel il devint
invisible, et il
s'est envolé de notre présence: "Une nuée le déroba à leurs
yeux." Et encore: il s'est envolé sur les ailes des vents, c'est-à-dire
au-dessus de la connaissance des anges: "Qui fais de tes anges des vents,
et de tes ministres un feu brûlant." C'est pourquoi il est écrit, dans le Livre des
causes, que la cause première est supérieure à toute description;
aussi les langues ne peuvent-elles pas la décrire, parce qu'elles ne peuvent
décrire son être, car il est au-delà de toute cause. Et le Commentateur affirme
qu'on n'en a ni jugement ni connaissance.
Et il a fait des ténèbres, etc. Comme on l'a dit, les choses qui sont
présentées ici pour montrer la puissance divine, grâce à laquelle David a été
libéré, peuvent être rapportées aux effets matériels en figure, et aux effets
spirituels selon le mystère.
2. Ainsi le
psalmiste présente d'abord l'excellence de la puissance divine dans l'air
exposée sous le rapport des effets matériels; et cela de trois manières: quant
aux vents, quant aux pluies et aux nuages, et quant aux éclairs.
Et puisque nous avons parlé plus haut des vents, il faut parler
maintenant des pluies dans l'air. Ainsi donc, selon qu'il s'agit des nuages et
des pluies, nous rencontrons une double perturbation dans l'air: l'une part
d'un ciel serein et se dirige vers un ciel obscur, l'autre a son point de
départ dans les nuages et se dirige vers un ciel serein.
a) Le psalmiste
expose donc la première perturbation.
b) Puis la
seconde: 13 À
l'éclat.
a. En parlant de
cette première perturbation il fait trois choses:
- Il montre d'abord l'obscurité du temps nuageux.
- Puis il emploie une comparaison.
- Enfin il expose la cause de l'obscurité.
- Ainsi dit-il à propos de l'obscurité du temps nuageux: il a fait des
ténèbres sa retraite. On dit de Dieu qu'il habite dans le ciel.
Voilà pourquoi, lorsque les nuages obscurcissent le ciel, il semble que Dieu
habite dans un lieu caché: "Je couvrirai le ciel d'une nuée."
- Et il a exposé une comparaison à propos de la tente; aussi dit-il: sa tente autour
de lui. Or une tente est fixée et déplacée comme des nuages.
- Et que les nuages sont la tente de Dieu, il le dit: une eau
ténébreuse est dans les nuées de l'air.
b. Il traite
ensuite de la deuxième perturbation: 13 À l'éclat, etc., et il emploie cette
comparaison: lorsque vient la lumière, les ténèbres sont repoussées, et de même
lorsque Dieu montre sa lumière, l'obscurité des nuées se retire. Et c'est
pourquoi il dit: À
l'éclat qui jaillit de sa présence, les nuées se sont dissipées, à
l'éclat de la lumière qui jaillit de sa face les nuées se sont dissipées, comme
sous l'éclat ou la clarté du soleil les nuées se retirent et disparaissent,
ainsi qu'on le rapporte dans le livre des Météorologiques. Brandons ou tisons se forment
dans le mouvement des nuages; car la grêle et la foudre, ou le feu, ont une
même cause de formation. Mais les Anciens disent qu'ils sont engendrés dans un
lieu très élevé, parce qu'ils font remarquer qu'une congélation plus forte est
causée par un froid plus intense. C'est pourquoi la neige requiert plus de
froid que l'eau de pluie, et la grêle davantage que la neige. Mais le froid
peut être si intense qu'il se condense aussitôt en grêle; parfois d'abord en
eau, et ensuite en grêle. Et ils disent que les exhalaisons qui s'élèvent plus
haut gèlent très fort, et c'est pourquoi d'épaisses grêles se forment. Mais le
Philosophe dit au contraire que d'après cela elles sont plus importantes sur
les montagnes et en hiver. Or c'est le contraire que nous observons, car elles
sont plus denses dans les vallées, se produisent au printemps et à l'automne,
et se forment dans un lieu proche. De même, selon le Philosophe, les grêlons
arrivent quelquefois sous forme anguleuse, et c'est le signe qu'ils viennent de
près: en effet les grêlons anguleux fondent plus vite. Aussi faut-il savoir
qu'il est naturel à un contraire d'agir plus fortement sur son contraire. Or il
est évident que dans les nuées le froid se mêle au chaud; donc lorsque la
chaleur de l'air environnant réprime le froid qu'elle ne peut dissiper, elle le
chasse alors dans un circuit intérieur hors de la chaleur. Quant aux tisons qui
tombent, ils ont une double cause de formation: l'une est due à la fumée
montant plus haut jusqu'à un lieu apte à l'inflammation, et cette dernière
s'enflamme; et ainsi suivant l'inflammation elle descend jusqu'à ce qu'elle
trouve une matière combustible. Et le psalmiste a traité de cela quand il a dit:
des charbons
en ont été embrasés. Mais ici il traite de l'autre mode de
formation, ce dernier se fondant sur une résistance contraire. Ainsi dans une
nuée, il y a quelquefois du chaud, et cet air chaud est réprimé intérieurement
sous la pression du froid extérieur, et se multiplie, de telle sorte qu'il
brûle une matière épaisse et tombe; et c'est pourquoi les charbons, le feu et
la grêle ont une même origine de formation, c'est-à-dire la condensation du
froid ou du chaud, comme on l'a dit. Ainsi dit-il: À l'éclat qui jaillit de sa présence, etc. Et
ces éclairs se sont dissipés en même temps que le charbon et la grêle, qui sont
formés à partir des nuées, comme on l'a dit.
14 Et
le Seigneur a tonné du ciel, et le Très-Haut a fait entendre sa voix; grêle et
charbon de feu.
3. Et le
psalmiste traite ici de la troisième perturbation. Et d'abord du tonnerre. Puis
des éclairs: il
a lancé ses flèches.
Il faut savoir que le psalmiste s'exprime ici selon cette comparaison
établissant que tout ce qui se fait au ciel est attribué à Dieu. C'est pourquoi
il perçoit un bruit entendu dans le ciel comme si c'était la voix de Dieu. Or
il y a deux sortes de bruits dans le ciel: l'un se fait entendre dans le
tonnerre; et ici, bien que certains disent du tonnerre que c'est l'extinction
du feu dans la nuée, le psalmiste réprouve cette explication, et dit qu'il se
produit par la rencontre des vents; ainsi en est-il aussi pour les nuages. Et
d'où ces paroles du psalmiste: le Seigneur a tonné du ciel. De même il y a
parfois des nuées épaisses à partir desquelles des grêles se forment, et avec
bruit dans certains cas: aussi le Philosophe dit que quelquefois, avant une grêle,
il se produit une déflagration dans les nuées, quelquefois non. Car de même
qu'une exhalaison chaude et sèche chassée par le froid fait du bruit en fendant
une nuée, comme cela apparaît pour l'éclair, ainsi une exhalaison humide
congelée en grêle et chassée par le chaud, fend de la même manière une nuée et
provoque du bruit. Et c'est pourquoi le psalmiste dit: le Très-Haut a fait entendre sa voix, c'est-à-dire
a manifesté sa puissance. Et ce qui suit: grêle et charbons de feu, qui ont été formés à
partir des nuées, ainsi qu'on l'a indiqué.
Ou bien ces mots: il a tonné du ciel, s'expliquent comme suit.
Remarquez que parfois une exhalaison humide monte vers un lieu supérieur; et
parce qu'elle est de la même nature que l'eau, ils se créent à partir d'elles des
concentrations humides, qui sont le nuage, la rosée, le brouillard, la pluie,
la grêle et la neige, et d'autres choses du même genre. Mais ces phénomènes se
diversifient parfois en raison de la différence de la légèreté ou de
l'épaisseur de la chaleur et du froid. Mais parfois une exhalaison sèche
s'élève, et si elle s'élève seule elle engendre des vents; cependant si cette
vapeur sèche est saisie dans une exhalaison humide, alors, lorsque l'exhalaison
humide s'élève vers le haut, et commence à s'épaissir à cause du froid,
l'exhalaison sèche renfermée dans cette vapeur humide provoque une grande
perturbation et s'enflamme: car une telle exhalaison s'enflamme rapidement,
comme il en est du gaz qui sort des entrailles de l'homme; et cet embrasement
est la cause de la foudre et de la lueur de l'éclair. Mais l'exhalaison sèche
agitée à l'intérieur des nuages provoque un bruit varié. De même, si embrasée
de la sorte elle heurte les côtés d'un nuage sans le déchirer, alors elle ne
brille pas clairement; comme si quelqu'un regardait un fait éclatant à travers
une étoffe: car le nuage étant un peu ouvert, elle se laisse entrevoir.
Cependant elle rend un son comme le bruit d'une flamme au milieu d'un incendie.
Il arrive aussi qu'il n'y ait pas d'embrasement, et par conséquent le bruit se
fait sans éclair, comme faisant du vacarme; et cela se produit lorsqu'elle
frappe, sans être enflammée, les côtés d'un nuage. Mais si elle frappe les
côtés et les fend, cependant avec une certaine difficulté, et ce dans la partie
la plus épaisse du nuage, il en résulte alors un bruit effrayant, comme si
quelqu'un déchirait une étoffe d'une immense largeur, et alors la vision de la
foudre ou de la lueur de l'éclair est incurvée; car elle ne sort pas
directement du nuage, ainsi qu'on l'a dit. Parfois elle fend un nuage avec
grande force, comme soudainement, et toute l'exhalaison sort en même temps; et
alors elle fait un bruit comme une vessie enflammée, ou comme si une outre
gonflée éclatait au-dessus de la tête de quelqu'un; et elle frappe l'air avec
une très forte percussion. Parfois cette exhalaison sèche s'élève sous l'action
d'un gonflement, et cherchant un espace plus étendu dissipe subitement un
nuage, et fait un bruit comme du bois vert crépitant dans le feu, ou surtout à
la manière des oeufs; et cela se voit principalement dans les châtaignes qui
sont jetées au feu; lorsque l'humidité commence à se résorber et à chercher un
espace plus grand, elle brise la coque résistante et sort avec impétuosité et
grand bruit. Parfois, ne pouvant même pas sortir, elle s'éteint, et fait un
bruit comme du fer incandescent éteint dans l'eau; bruit que le Philosophe
appelle sifflement ou grincement. Parfois également cette exhalaison fait
diverses ouvertures aux endroits moins denses d'un nuage, et alors elle fait
comme un bruit sifflant, comme le vent lorsqu'il s'échappe par des ouvertures.
Parfois, avant qu'elle ne s'embrase, elle sort avec impétuosité du nuage, et
fait alors un bruit comme des soufflets de forgeron quand ils soufflent.
15 Et
il a lancé ses flèches, et il les a dispersés. Il a multiplié ses éclairs, et
il les a troublés.
Le psalmiste décrit ici le mouvement des
éclairs, et il les compare à une flèche à cause de la violence du vent qui les
meut. et il
les a dispersés, c'est-à-dire les pécheurs, car ils sont parfois mus
par eux; en effet à la diversité des vents correspond la diversité du mouvement
de l'éclair. Car de même qu'en traitant plus haut du mouvement des vents il
disait: il
s'est envolé: il s'est envolé, etc., afin de montrer le mouvement
divers des vents, ainsi dit-il ici: Il a multiplié ses éclairs, afin de montrer le
mouvement des éclairs. Il dit: il les a troublés, car Pline affirme que les
présages se fondent sur les éclairs; car parfois il s'agit d'un signe
bénéfique, c'est-à-dire lorsqu'ils jaillissent de l'Orient; parfois non, et
c'est pourquoi les hommes qui exercent les fonctions d'augure se troublent en
raison des présages futurs.
16 Alors
ont paru les sources des eaux, et les fondements du globe de la terre ont été
mis a nu, à ta menace, Seigneur, au souffle du vent de ta colère.
C. Le psalmiste
traite ici de la formation des eaux, qui émanent d'origines qu'on appelle
sources, et à partir desquelles existe toute formation d'eaux. Or celles-ci
sont formées de deux manières. Parfois à la suite d'une cause ordinaire et
naturelle; comme lorsque les exhalaisons sont élevées au-dessus de la terre, et
en vertu de cette élévation elles se refroidissent dans la hauteur, et
descendent et se transforment en pluie. Ainsi à cause de la chaleur intérieure
de la terre, et lorsque les exhalaisons ne sortent pas, elles se rassemblent et
se dissolvent en eau, et donnent naissance aux sources des eaux. De même que
les pluies sont formées dans l'air, ainsi les sources sur la terre; et c'est
pourquoi le long des montagnes où les exhalaisons ne sortent pas, apparaissent
les sources. Et c'est ce qu'il dit: ont paru les sources des eaux. Parfois les
sources se forment à la suite du bouleversement de la terre issu d'un séisme;
de cette secousse naissent des veines d'eau dans la profondeur de la terre
submergée; et c'est pourquoi il dit: et les fondements du globe de la terre. Selon
le Philosophe, ce bouleversement est dû au vent enfermé à l'intérieur de la
terre, comme le vent dans l'air agite l'air. Mais lorsque le vent est retenu,
il se produit un tremblement de terre; et ces deux vents symbolisent la colère
de Dieu. Et c'est pourquoi il dit qu'elle se manifeste sur la terre comme un
tremblement de terre.
3'. Au sens mystique, on peut appliquer cela aux effets spirituels; et
de même qu'on a montré plus haut le mystère de l'Incarnation en annonçant
l'Incarnation proprement dite dans laquelle le Christ descendit, tout comme son
Ascension, ici sont signifiés les événements qui se déroulèrent par la suite.
1) Ainsi le
psalmiste montre d'abord sa disparition.
2) Puis le
rassemblement de l'Église: sa tente autour de lui.
3) Enfin la
prédication des Apôtres: une eau ténébreuse.
1. Concernant la
disparition du Christ il dit: 12 il a fait des ténèbres. À ce propos la Glose distingue
quatre sortes de ténèbres.
a. D'abord son
humanité: "Je couvrirai le soleil par une nuée." - "En vérité,
tu es un Dieu caché."
b. Ensuite les
matières sacramentelles, comme l'eau du baptême et les autres matières des
sacrements, dans lesquelles la puissance divine agit secrètement.
c. Puis il s'est
caché dans la foi des croyants: "Pendant que nous sommes dans ce corps,
nous voyageons loin du Seigneur."
d. Enfin il réalise quelque chose de manière cachée à travers les
méchants, qui sont les ténèbres: "La lumière brille dans les ténèbres, et
les ténèbres ne l'ont pas étreinte."
2. Parfois il est
permis aux méchants de faire du mal aux saints; mais dans ces ténèbres, sa tente, c'est-à-dire
l'Église, est autour
de lui. - "Le Très-Haut a sanctifié sa tente." - "Voici
la tente de Dieu avec les hommes, et il demeurera avec eux", par la foi et
la charité, dans la mesure où ils adhèrent à lui comme à leur milieu, lui qui
s'intéresse également à eux, comme le commente la Glose.
3. eau ténébreuse dans les nuées de l'air.
Ici le psalmiste traite de la
prédication des Apôtres.
a) Et il expose
d'abord la qualité de leur prédication.
b) Ensuite la
circonstance dans laquelle ils prêchent: les nuées.
c) Enfin l'effet
de leur prédication: les sources des eaux ont paru.
a. Ainsi dit-il: une eau
ténébreuse, c'est-à-dire l'enseignement, est dans les nuées, c'est-à-dire
dans les prophètes et les prédicateurs. Il les appelle nuées, parce qu'en
s'élevant des choses terrestres vers les nuées ils ont accompli la parole de
Dieu: "Qui sont ceux-là qui volent comme des nuées ?" Et: "Cieux,
répandez d'en haut votre rosée, et que les nuées fassent pleuvoir la justice."
Ou bien il dit: dans
les nuées de l'air, c'est-à-dire dans les Apôtres ayant été élevés
de terre: "Je commanderai aux nuées de ne plus laisser tomber la pluie sur
elle." Et les Apôtres sont appelés eau ténébreuse par rapport à l'éclair,
c'est-à-dire par rapport au Christ, qui apparaîtra à ceux qui le voient: "Maintenant
nous voyons dans un miroir d'une manière obscure, mais alors nous verrons face
à face." Ou bien autrement, en ponctuant ainsi: eau ténébreuse dans les nuées de l'air: À
l'éclat qui jaillit de sa présence, les nuées se sont dissipées. Puis
ce qui suit: grêle
et charbons de feu, etc. Et on distingue une double doctrine: celle
des prophètes, et elle est obscure, car elle porte un voile, comme le dît
l'Apôtre Paul: "Car jusqu'à ce jour le même voile demeure sans être levé,
lorsqu'ils lisent l'Ancien Testament, parce que c'est dans le Christ qu'il
s'est levé." C'est pourquoi il dit: eau ténébreuse dans les prophètes,
c'est-à-dire dans leur doctrine. Mais la doctrine du Nouveau Testament est
claire, et c'est pourquoi il dit: À l'éclat; plénière est cette doctrine unique,
c'est-à-dire lumineuse, car il est écrit dans les Éphésiens: "Mystère qui,
dans les autres générations, n'a pas été découvert aux enfants des hommes."
Et dans un psaume: "Il n'a pas fait de même à toute nation."
b. Ensuite il
traite des docteurs eux-mêmes, et ils sont comparés aux nuées, aux flèches et
aux éclairs.
- Aux nuées comme prédicateurs. Et le psalmiste mentionne trois choses.
· D'abord leur passage: nuées.
· Puis la qualité de leur prédication: grêle et charbons de feu.
· Enfin l'autorité de celui qui doit prêcher: a tonné.
· les
nuées, c'est-à-dire les Apôtres qui ont passé des Juifs aux nations:
"Les nuées répandent leur lumière et disséminent leur lueur." - "C'était
à vous qu'il fallait d'abord annoncer la parole de Dieu; mais puisque vous la
rejetez, et que vous vous jugez indignes de la vie éternelle, voilà que nous
nous tournons vers les nations."
· La grêle nuit beaucoup aux fruits et aux fleurs, et leur prédication
fut comme une grêle menaçante. et charbons de feu, c'est-à-dire leurs paroles
enflammées.
· Et leur autorité, car le Seigneur parlait à travers eux. C'est
pourquoi le
Seigneur a tonné du ciel, c'est-à-dire par les Apôtres eux-mêmes il
a tonné des paroles menaçantes: "Ce n'est pas vous qui parlez, mais
l'Esprit de votre Père qui parle en vous." et le Très-Haut a fait entendre sa voix, c'est-à-dire
en brûlant de mansuétude: "Recevez avec mansuétude la parole entée en
vous, qui peut sauver vos âmes." Et d'abord le mot grêle, et puis charbons de
feu.
Ou bien autrement: il a tonné, sur le Christ: "Une voix vint du
ciel disant: je l'ai glorifié et je le glorifierai encore. La foule qui avait
entendu disait que c'était le tonnerre." et le Très-Haut a fait entendre sa voix, à
la transfiguration: "Celui-ci est mon fils bien-aimé."
- Et
il a lancé ses flèches. Ces docteurs sont comparés ici aux flèches à
cause de la ferveur de l'Esprit-Saint en eux: "Il m'a disposé comme une
flèche choisie." Et: "Ceux qui sortent avec élan de Jacob rempliront
la face du globe de semence." et il les a dispersés, car ils furent "pour
les uns une odeur de vie pour la vie, aux autres une odeur de mort pour la mort".
- Il dit ces choses à cause de l'éclat des miracles: "Lanceras-tu
des éclairs et iront-ils; et revenant, te diront-ils: nous voici ?" et il les a
troublés, c'est-à-dire il les frappa de stupeur. On rapporte dans
les Actes au sujet du miracle de Pierre que tous "furent remplis de
stupeur et hors d'eux-mêmes de ce qui lui était arrivé".
c. les sources des
eaux ont paru. Le psalmiste expose ici l'effet de la prédication.
- Et il expose d'abord l'effet.
- Puis son origine: À ta menace.
- Or il y a un double effet. Le premier est montré quand il dit: les sources des
eaux ont paru, c'est-à-dire les enseignements de la sagesse: "Je
ferai jaillir des fleuves sur les sommets dénudés, et des sources au milieu des
vallées; je changerai le désert en étang, et la terre sans chemin en courants
d'eaux." - "Vous puiserez avec joie des eaux des sources du Sauveur."
Ou bien les dons de l'Esprit-Saint: "Il y aura une source ouverte à la maison
de David et aux habitants de Jérusalem, pour laver le pécheur et la femme qui
est dans ses mois." L'autre effet est exposé lorsqu'il dit: les fondements
du globe ont été mis à nu, à savoir les saints Patriarches sur
lesquels notre foi a été fondée, car ce qui a été dit ou accompli le fut en
figure, mais révélé par les Apôtres.
- Quant à l'origine de ces effets, ce fut lorsque le Christ commença à
menacer: "Faites pénitence, car le royaume des cieux approche." - "Si
vous ne faites pas pénitence, vous périrez tous de la même manière."
au souffle du vent
de ta colère, c'est-à-dire
lorsqu'il souffla pour que tous nous soyons confus au regard de nos péchés.
17 Il
a envoyé d'en haut, et il m'a pris, et il m'a retiré des grandes eaux.
III. Plus haut le psalmiste a traité de la
puissance de celui qui libère; ici il expose successivement le bienfait de sa
libération: et à cet égard il fait deux choses.
A) Il commence
par rendre grâces pour sa libération à propos des choses passées.
B) Ensuite au
sujet des choses futures qu'il espère: Et je serai sans tache avec lui.
A. Au sujet des
choses passées il expose trois choses:
1) Il raconte
d'abord de quoi il a été libéré.
2) Puis sa
libération: et
le Seigneur s'est fait mon protecteur.
3) Enfin la cause
de sa libération: il m'a sauvé.
1. En disant de
quoi il a été libéré, il fait mention de deux choses:
a) Il montre
d'abord qu'il a été libéré de grandes tribulations.
b) Ensuite il
explique comment ces tribulations sont grandes: 18 Il m'a arraché.
a. La Glose dit
au sens littéral: Il a envoyé d'en haut, autrement dit: Dieu est puissant,
parce qu'il réalise tous les événements prédits: ébranler, etc.
Il a
tonné du ciel, détenant le pouvoir par excellence; et cela d'en haut, c'est-à-dire
par son pouvoir, il
m'a pris, en m'arrachant; et il m'a retiré, c'est-à-dire de nombreuses
tribulations: "Nombreuses sont les tribulations des justes, mais le
Seigneur les délivrera de toutes ces peines." - "Tu m'as libéré des
mains de ceux qui recherchaient mon âme, et des portes des tribulations qui
m'ont environné, de la suffocation du feu qui m'a entouré."
Au sens mystique, Dieu a envoyé son propre Fils d'en haut, c'est-à-dire
du ciel: "Je suis descendu du ciel, non pour faire ma volonté, mais la
volonté de celui qui m'a envoyé." C'est ce que le psalmiste demandait: "Envoie
ta main d'en haut." Et il m'a libéré des grandes eaux. - "À l'extrémité du ciel est
sa sortie; et le terme de sa course à l'autre extrémité." Ou bien il a
envoyé l'Esprit-Saint: d'en haut il a envoyé un feu. et il m'a pris, infirme
que je suis, pour me guérir.
et il m'a retiré
des grandes eaux, à savoir du
baptême, ou de la multitude des péchés. Ou bien: il a envoyé d'en haut, c'est-à-dire
sa grâce aux hommes justes: "Tout don excellent et tout don parfait vient
d'en haut et descend du Père des lumières, en qui il n'y a ni changement, ni
ombre de vicissitudes." et il m'a pris, en vue du repentir: "Comme
un pasteur fera paître son troupeau, et avec son bras il rassemblera les
agneaux, et il les prendra dans son sein, il portera lui-même les brebis
pleines." - "Moi, comme le père nourricier d'Ephraïm, je les porterai
dans mes bras." Ou bien: des grandes eaux, c'est-à-dire des peuples,
car les fidèles sont retirés de la multitude des nations.
18 Il
m'a arraché à mes ennemis très puissants, et à ceux qui m'ont haï, parce qu'ils
sont devenus plus forts que moi. 19 Ils m'ont prévenu au jour de mon
affliction, et le Seigneur s'est fait mon protecteur. 20 Et il m'a mis au
large; il m'a sauvé, parce qu'il m'a voulu. 21 Et le Seigneur me rétribuera selon ma
justice, et il me rétribuera selon la pureté de mes mains. 22 Parce que j'ai
gardé les voies du Seigneur, et que je n'ai pas agi avec impiété en m'éloignant
de mon Dieu. 23 Puisque tous ses jugements sont devant moi, et que je
n'ai point éloigné de moi ses justices.
b. Le psalmiste
examine ici comment ses tribulations sont nombreuses.
- Et d'abord à partir de la condition de ses ennemis.
- Ensuite à partir de leur persécution: parce qu'ils sont devenus plus forts.
- La condition de ses ennemis est très nuisible, car ils sont puissants
et haineux; c'est pourquoi il dit: Il m'a arraché à mes ennemis très puissants, et à ceux qui
m'ont haï.
Au sens mystique, les ennemis puissants sont les péchés charnels: "Si
tu accordes à ton âme la satisfaction de ses convoitises, elle fera de toi la
risée de tes ennemis." - "Arrache-t-on au puissant sa proie ?"
Les ennemis haineux sont les démons: "Les Égyptiens haïssaient les enfants
d'Israël." - "Je briserai devant sa face ses ennemis."
- Ensuite est exposée la persécution. Quelqu'un peut être libéré de ses
ennemis de deux manières. Ou bien parce qu'il ne consent pas à être vaincu, ou
bien parce qu'il prend la fuite. Mais le psalmiste écarte de lui ces deux
possibilités. D'abord parce que ceux qui étaient forts et très forts,
c'est-à-dire en grand nombre, l'ont vaincu, et il n'a pu s'enfuir; et c'est ce
qu'il dit: Ils
m'ont prévenu, en barrant justement le chemin pour prendre la fuite:
"Ceux qui nous poursuivaient ont été plus rapides que les aigles du ciel,
ils nous ont pourchassés sur les montagnes"; et cela, au jour de
l'affliction, car l'homme est alors plus faible quand il est affligé: "Tous
ses persécuteurs l'ont saisi dans ses angoisses."
2. Il expose le
secours de son libérateur dans une double intention. D'abord contre ses ennemis
puissants, aussi dit-il: et le Seigneur s'est fait mon protecteur, pour
qu'ils ne me nuisent pas: "Tu m'as protégé contre l'assemblée des
méchants, et contre la multitude de ceux qui commettent l'iniquité." Puis
contre ceux qui agissent de propos délibéré; d'où ce qui suit: il m'a mis au
large, en me tirant de l'embarras dans lequel j'étais ne sachant que
faire, et me montrant la voie a suivre. Ou bien: au large de la charité: "Ton
commandement est étendu sans limite."
3. La cause de la libération est double, c'est-à-dire la
grâce divine et le mérite humain. C'est pourquoi il dit: il m'a sauvé, parce qu'il m'a voulu. La cause
la plus importante de sa libération, c'est sa propre volonté: "Lui qui
fait toutes choses suivant le conseil de sa volonté." Mais ensuite le
mérite humain y a aussi une certaine part: "La grâce n'a pas été stérile
en moi." Et c'est pourquoi il ajoute: le Seigneur me rétribuera, etc. Il
fait ici trois choses:
a) Il mentionne
d'abord le mérite.
b) Ensuite il dit
en quoi il consiste: Parce que j'ai gardé les voies du Seigneur.
c) Enfin il fait
connaître la voie qui mène au mérite: Puisque tous ses jugements sont devant mes yeux.
a. Le mérite de
l'homme consiste en deux choses, c'est-à-dire dans l'accomplissement du bien,
et dans la fuite du mal: "Détourne-toi du mal et fais le bien." Aussi
dit-il à propos de l'accomplissement du bien: le Seigneur me rétribuera selon ma justice,
justice que lui-même a réalisée en moi: "Les âmes des justes
sont dans la main de Dieu, et le tourment du malheur ne les atteindra pas."
- "Pour celui qui sème la justice il y a une récompense assurée."
Concernant la fuite du mal il dit: il me rétribuera selon la pureté de mes mains, c'est-à-dire
selon mon innocence: "L'innocent sera sauvé, mais il sera sauvé à cause de
la pureté de ses mains." - "Le Seigneur ne privera pas de biens ceux
qui marchent dans l'innocence."
b. Mais cette
justice consiste en l'observation des voies de Dieu: "J'ai couru dans la
voie de tes commandements." Et c'est pourquoi il dit: Parce que j'ai gardé les voies du Seigneur.
- "Mon pied a suivi ses traces; j'ai gardé sa voie, et je ne
m'en suis pas détourne." - Et parce que je n'ai pas agi avec impiété, en
m'éloignant de Dieu, car l'homme s'éloigne de Dieu par le péché, et
il se souille: "Notre coeur ne s'est pas retiré en arrière."
c. Comment
parvenir à cette disposition? Puisque tous ses jugements sont devant [mes yeux]. Il
vaut mieux penser aux jugements divins pour accomplir le bien et éviter le mal:
"Fuyez devant la face du glaive, parce qu'il y a un glaive vengeur des
iniquités." Et j'ai gardé cela, car je n'ai point éloigné de moi ses justices, en
péchant de propos délibéré: "Ils ont dit à Dieu: Retire-toi de nous",
et en conséquence, "un déluge leur surviendra". Celui qui pèche par
faiblesse ou par ignorance obtient facilement le pardon.
24 Et
je serai sans tache avec lui, et je me tiendrai en garde contre mon iniquité. 25
Et le
Seigneur me rétribuera selon ma justice et selon la pureté de mes mains devant
ses yeux.
B. Plus haut, le
psalmiste a rappelé le bienfait de sa libération concernant le passé; ici il le
fait en relation avec le futur quant à l'espérance.
1) Et il commence
par rappeler les bienfaits en général.
2) Puis en
particulier, ceux qu'il a reçus et ceux qu'il espère: 31 Mon Dieu, sa voie est sans souillure.
3) Enfin il exalte la justice divine.
1. En rappelant
les bienfaits en général il fait deux choses.
a) Il expose
d'abord sa prière à Dieu.
b) Ensuite il
fait valoir l'espérance de son exaucement: Parce que c'est toi, Seigneur, qui fais luire ma lampe.
a. Il attire
l'attention sur trois choses:
- D'abord sur le dessein de persévérer dans l'innocence.
- Puis sur le mérite de la rétribution: il me rétribuera.
- Enfin il en assigne la raison: Avec le saint tu seras saint.
- Ainsi
dit-il: Et je
serai sans taché avec lui, c'est-à-dire j'adhérerai à Dieu, parce
qu'il parle au nom de sa propre personne et au nom des autres, certains d'entre
eux étant innocents; et c'est pourquoi il dit: Et je serai, c'est-à-dire je me
tiendrai et je persévérerai dans l'innocence: "Bienheureux l'homme qui a
été trouvé sans tache"; ou bien: je serai sans tache avec lui, c'est-à-dire
j'adhérerai à Dieu: "Celui qui s'unit à Dieu est un seul esprit avec lui",
me préservant de toute tache: "Jusqu'à ce que je défaille, je ne me
désisterai pas de mon innocence." Certains sont des pénitents, et ce
verset concerne ces derniers, pour qu'ils ne tombent pas de nouveau dans le
péché (aussi dit-il: et je me tiendrai en garde contre mon iniquité), comme
le chien qui "est retourné à son vomissement, et le pourceau lavé vautré
dans la boue". - "Par deux choses a été contristé mon coeur, et par
la troisième le courroux m'est venu: Un homme de guerre périssant par
l'indigence, et un homme sensé méprisé, et celui qui passe de la justice au
péché, Dieu l'a réservé pour l'épée à deux tranchants."
- Ensuite il expose l'espérance de la rétribution lorsqu'il dit: Et le Seigneur
me rétribuera selon ma justice. Et il y a deux sortes de rétribution.
L'une qui est accordée pour les biens accomplis, aussi dit-il: le Seigneur me
rétribuera selon ma justice. Selon Anselme, "la justice est une
rectitude de la volonté gardée pour elle-même". Ou bien il lui rend selon
les oeuvres de l'homme: "Il rendra à chacun selon ses oeuvres." Il
dit: je me
tiendrai en garde, et il rétribuera, car si l'homme fut parfois
juste et a accompli les oeuvres de la justice, il ne s'est pas tenu en garde
contre ses péchés, ou bien il ne s'est pas maintenu dans les oeuvres de la
justice, aussi encourt-il la mort et ne mérite-t-il pas de rétribution: "Toutes
ses oeuvres de justice seront oubliées." L'autre rétribution est celle qui
est accordée pour les bienfaits; c'est pourquoi il dit: il me rétribuera selon la pureté de mes
mains devant ses yeux. Parfois les oeuvres accomplies ne se limitent
extérieurement qu'aux mains, c'est-à-dire qu'il s'agit simplement d'oeuvres, et
Dieu ne rétribue pas celles-ci; mais lorsqu'ils forment dans leur coeur des
opérations droites, alors il les rétribue. Et tel est le sens de devant ses yeux,
non point ces biens qui sont devant nous, mais devant Dieu: "L'oeil
n'a pas vu, ô Dieu, toi excepté." Et que rétribuera-t-il? La joie
ineffable et l'accroissement de la grâce qui résultent de l'observation des
commandements de Dieu: "En les gardant, ton serviteur trouve une grande
rétribution." et il rétribuera selon la pureté de mes mains, c'est-à-dire
des oeuvres. Mais on dit d'une oeuvre qu'elle est impure en raison de la
passion charnelle: "Vos mains sont pleines de sang." Également en
raison de la vaine gloire: "Prenez garde à ne pas faire votre justice
devant les hommes pour être vus d'eux; autrement vous n'aurez point de
récompense." Selon Grégoire, "c'est une folie de [voir l'impie]
s'adonner à de grandes tâches et n'aspirer qu'à la louange; alors qu'il
pourrait acquérir le ciel, il recherche une parole vaine et éphémère".
26 Avec
le saint, tu seras saint, et avec l'homme innocent, tu seras innocent. 27
Et avec
l'élu, tu seras l'élu, et avec le pervers, tu seras pervers. 28 Parce que c'est
toi qui sauveras un peuple humble, et qui humilieras les yeux des superbes.
- Ensuite
le psalmiste expose la raison de la rétribution; et c'est pourquoi il continue:
Avec le
saint. À cet égard il fait deux choses:
· Il expose d'abord la raison de la rétribution.
· Puis il l'explique: Parce que c'est toi qui sauveras un peuple humble.
· Les
deux premiers versets peuvent être interprétés de deux manières. Soit en tant
que le psalmiste s'adresse à Dieu, et c'est le sens littéral, autrement dit:
Toi, Seigneur, Avec
le saint, tu seras saint. Et ainsi il dit deux choses: que Dieu est
le rémunérateur et l'approbateur des bons; puis comment il est le réprobateur
des méchants; d'où ce qui suit: et avec l'homme innocent, tu seras innocent [...], et
avec le pervers, tu seras pervers. Mais il faut attirer l'attention
sur le fait qu'il donne précisément le nom de saint, d'innocent, et d'élu. Or
le mot élu peut
s'entendre de deux manières. Ou bien du côté de Dieu; et c'est un vocable
commun à tous les saints: "Dieu nous a élus en lui avant la fondation du
monde, afin que nous fussions saints et sans tache en sa présence dans la
charité." Ou bien on appelle élu celui qui a l'excellence de l'innocence
et de la sainteté: "Mon bien-aimé est blanc et vermeil, élu entre mille."
Si le mot élu est pris selon la première manière, alors en second
lieu il expose ce qui nous concerne, et en troisième lieu ce qui concerne Dieu.
Si on l'entend selon la seconde manière, il propose deux choses qui nous
concernent.
Il y a d'abord l'accomplissement du bien qui se fait en raison de Dieu;
et c'est à proprement parler le fondement de la sainteté, car toutes les choses
qui sont ordonnées à Dieu sont appelées saintes; et c'est ce qu'il dit:
Seigneur, tu
seras saint avec le saint, en étant la cause de la sainteté en lui: "Moi
je suis le Seigneur, qui vous sanctifie." Ou bien ainsi: tu seras saint effectivement,
c'est-à-dire en montrant que tu aimes et approuves la sainteté; or Dieu ne le
montre que par ses oeuvres, car nous ne voyons pas sa substance. Le saint ne se
comporte pas autrement avec le saint, Si ce n'est en montrant la sainteté; car
actuellement il ne nous est pas visible, pour qu'on puisse dire que ses
mouvements extérieurs sont conformes à la sainteté. Ainsi en est-il de l'homme
qui se conforme de différentes manières aux diverses circonstances, surtout à
l'égard de ses amis; car tout animal aime son semblable, et celui qui aime
récompense. D'où en montrant que tu es saint, quand récompenseras-tu, dit-il,
les oeuvres de la sainteté? et avec l'homme innocent, tu seras innocent, effectivement
et en récompensant. Et avec l'élu, celui que tu aimes, tu seras l'élu, parce
que tu feras en sorte que lui-même te choisisse: "Ce n'est pas vous qui
m'avez choisi, mais c'est moi qui vous ai choisis" dès le commencement. - "Il
a aimé tes pères, il a choisi leur postérité après eux." Et encore: "Tu
as choisi aujourd'hui le Seigneur, afin qu'il soit ton Dieu, afin que tu
marches dans ses voies et que tu gardes ses cérémonies, ses commandements et
ses ordonnances, et que tu obéisses à son ordre. Et le Seigneur t'a choisi
aujourd'hui, afin que tu sois son peuple particulier, comme il l'a dit, et que
tu gardes tous ses préceptes, et qu'il t'élève au-dessus de toutes les nations
qu'il a créées pour sa louange, son nom et sa gloire: afin que tu sois le
peuple saint du Seigneur ton Dieu, comme il a dit." Ou bien: élu, c'est-à-dire
séparé de manière éminente. et avec le pervers, tu seras pervers, c'est-à-dire
tu permettras qu'il soit pervers. Ou bien, sont pervers ceux qui ne suivent pas
ceux qu'ils doivent suivre. Donc celui qui ne suit pas la volonté de Dieu
semble pervers. Par conséquent, toi, tu agis contre la volonté de Dieu, et Dieu
contre ta volonté, autrement dit: toi, tu veux obtenir la béatitude et Dieu te
donnera le malheur: "Si vous marchez en opposition avec moi, et que vous
ne vouliez pas m'écouter, j'augmenterai vos plaies d'un septuple à cause de vos
péchés; [...): moi aussi, je marcherai contre vous, et je vous frapperai sept
fois à cause de vos péchés." Et c'est pourquoi il dit: avec le pervers,
tu seras pervers, c'est-à-dire agissant contre la volonté des
pervers.
Le mot élu
peut s'entendre d'une autre manière, c'est-à-dire en le rapportant à
un homme; et ainsi on lira: Ô homme, tu seras saint avec l'homme saint, ou tu
seras saint avec le Christ, car tu n'apprendras rien de Dieu Si ce n'est la
sainteté: "Avec un homme irréligieux, traite de choses saintes", et: avec l'homme
innocent, tu seras innocent, car les moeurs se forment d'après les
relations: "Les mauvais entretiens corrompent les bonnes moeurs." et avec
le pervers tu seras pervers. - "Qui touche à la poix se souille, et qui
se lie avec l'orgueilleux lui devient semblable."
· Ensuite le psalmiste explique ce qui a été dit selon la première
interprétation. Pourquoi, Seigneur, seras-tu saint avec le saint? Parce que c'est
toi qui sauveras un peuple humble, c'est-à-dire dans le fait que tu
sauveras l'homme, tu montreras que toi tu es saint avec le saint: "Il
donne sa grâce aux humbles." - "Laissez les petits enfants venir à
moi, et ne les empêchez point; car à de tels appartient le royaume des cieux."
- "Il est élevé au-dessus de toutes les nations, le Seigneur, et au-dessus
des cieux est sa gloire. Qui est comme le Seigneur notre Dieu, qui habite dans
les lieux les plus élevés, et regarde les choses humbles dans le ciel et sur la
terre ?" Pourquoi seras-tu pervers avec le pervers ? Parce que tu humilieras les
yeux des superbes. - "Quiconque s'exalte sera humilié." - "Les
yeux altiers de l'homme du peuple ont été humiliés, et la fierté des hommes de
condition sera abaissée." Et il dit: les yeux, car l'orgueil consiste en ce que
l'homme élève son regard vers des choses qui dépassent sa mesure: "Son
orgueil et son arrogance, et sa fureur, sont plus grands que sa puissance."
Et c'est pourquoi le psalmiste confesse: "Seigneur, mon coeur ne s'est pas
exalté, et mes yeux ne se sont pas élevés."
29 Parce
que c'est toi, Seigneur, qui fais luire ma lampe; mon Dieu, illumine mes
ténèbres.
b. Le psalmiste
se tourne ici vers la prière, autrement dit: ainsi tu es juste, Parce que c'est
toi qui fait luire ma lampe. Et il fait deux choses:
- Il expose d'abord son action de grâces pour le bienfait reçu.
- Puis il formule une demande fondée sur ce bienfait reçu: mon Dieu,
illumine mes ténèbres.
- Ainsi
dit-il: c'est
toi qui fais luire ma lampe. Tout ce verset peut être expliqué de
deux manières au sens littéral:
· Selon que par le mot lampe on entend la prospérité, et que par le
mot ténèbres on
comprend l'adversité. Par exemple, lorsqu'un homme est joyeux, toutes choses
lui semblent claires, quand il est triste, toutes choses lui paraissent
obscures. Tel est donc ce qu'il dit: Parce que c'est toi, Seigneur, qui fais luire ma lampe, car
toi tu m'as donné la prospérité et tu la donnes continuellement: illumine mes
ténèbres, c'est-à-dire: si quelque sentiment d'adversité demeurait
en moi, chasse-le et éloigne-le de moi.
· Ou bien, on peut interpréter ce verset au sens moral, selon que par
le mot lampe on
entend l'esprit ou l'âme de l'homme: "Le souffle de l'homme est une lampe
du Seigneur." Donc l'esprit de l'homme est comme une lampe de Dieu allumée
par la lumière divine: "La lumière de ton visage a été gravée sur nous,
Seigneur." Aussi longtemps que nous sommes sans péché, notre lampe est
allumée, c'est-à-dire que notre âme resplendit de la lumière de la grâce, mais
lorsqu'il subsiste quelque chose de la ténèbre de la chair corruptible, notre
lampe s'éteint: "Ainsi donc moi-même, par l'esprit, je suis l'esclave de
la loi de Dieu, et par la chair l'esclave de la loi du péché." Et c'est ce
qu'il dit: Parce
que c'est toi qui fais luire ma lampe, c'est-à-dire parce que mon
âme est éclairée par la lumière de la grâce.
-
illumine mes ténèbres, c'est-à-dire écarte de moi les fautes et les
corruptions, à cause desquelles l'homme tombe dans les ténèbres.
Ou bien ce verset peut être lu au sens allégorique, selon que ces
paroles sont dites comme si elles venaient de la personne du Christ, ou de
n'importe quel juste. Dans l'Église il y a beaucoup de lampes ardentes, comme
les fidèles et les saints: "Soyez sans reproche au milieu d'une nation
dépravée et perverse, parmi laquelle vous brillez comme des astres dans le
monde, gardant la parole de vie pour ma gloire au jour du Christ, parce que ce
n'est pas en vain que j'ai couru, ni en vain que j'ai travaillé." De même
il y a beaucoup de gens obscurs, comme les infidèles et les pécheurs: "Autrefois
vous étiez ténèbres, mais maintenant vous êtes lumière dans le Seigneur."
Donc, l'homme priant pour l'Église ou l'Église priant pour lui, dit: Parce que c'est
toi qui fais luire ma lampe, c'est-à-dire les fidèles qui luisent,
et: illumine les
ténèbres, c'est-à-dire
les pécheurs.
30 Parce
qu'avec toi je serai délivré de la tentation, et avec mon Dieu je franchirai le
mur.
Il expose l'espérance de l'exaucement lorsqu'il dit: Parce que. Le
psalmiste fait ici deux choses.
- Il traite d'abord de la libération du mal.
- Puis de la victoire sur le mal.
- Ainsi dit-il: je prie parce que j'espère, avec toi, c'est-à-dire avec ta
puissance. je
serai délivré de la tentation, c'est-à-dire de n'importe quelle
tribulation ou de toute attaque: "Dieu est fidèle, et il ne souffrira pas
que vous soyez tentés au-delà de ce que vous pouvez."
- et
avec mon Dieu je franchirai le mur, c'est-à-dire j'obtiendrai la
victoire sur le péché par la puissance de Dieu. Car l'ennemi remporte la
victoire sur une cité, lorsqu'il en franchit la muraille. Ce mur, c'est
n'importe quelle difficulté qui nous fait obstacle à bien oeuvrer, ou bien les
péchés qui nous provoquent à faire le mal. Une version de Jérôme lit: "Frangam murum (Je
briserai le mur)", car nous ne pouvons être en ce monde sans commettre le
péché: "Si nous disons que nous n'avons pas de péché, nous nous trompons
nous-mêmes, et la vérité n'est pas en nous." Mais nous passons outre, car
nous nous élevons au-dessus de tout cela, lorsque nous ne consentons pas à ses
convoitises.
31 Mon
Dieu, sa voie est sans souillure; les paroles du Seigneur sont éprouvées par le
feu; il est le protecteur de tous ceux qui espèrent en lui. 32 Car qui est
Dieu, excepté le Seigneur? Ou qui est Dieu, excepté notre Dieu ?
2. Le psalmiste
poursuit en disant: Dieu. Plus haut il a fait mémoire de manière
générale des bienfaits qu'il attend de Dieu dans le futur, car il disait: [avec] toi je
serai délivré de la tentation; ici il les décrit en particulier. Et
il faut considérer qu'il parle à la manière de celui qui souffre l'adversité et
qui a des adversaires, dont il espère remporter la victoire. Victoire dans
laquelle il y a une triple gradation.
a) D'abord, en
tant qu'il poursuit ses adversaires en fuite, et qu'il les abat comme des
captifs.
b) Puis, en tant
qu'il règne sur eux: 40 tu m'as ceint.
c) Enfin, en tant
qu'il est exalté: 44 Tu me délivreras.
a. Concernant la
poursuite de ses adversaires, il fait trois choses.
- Il commence par louer son secours, c'est-à-dire Dieu.
- Ensuite il montre comment certaines choses lui ont déjà été données
par Dieu, grâce auxquelles il est apte à les poursuivre: 33 Le Dieu qui m'a
ceint.
- En traitant de la louange du secours divin, le psalmiste commence par
louer Dieu;
· puis il montre la vraisemblance de sa
louange: Car
qui est Dieu, etc. ?
· enfin il traite de leur poursuite: 38 Je poursuivrai.
· Ainsi loue-t-il Dieu pour trois raisons: parce qu'il est juste en
action, vrai en parole, et miséricordieux dans son secours.
Il dit: je
serai délivré de la tentation, tandis que je considère la pureté de
la justice divine, car Mon Dieu, sa voie est sans souillure. Et
encore, tandis que je considère sa disposition, car il n'y a rien d'injuste en
lui: "Est-ce ma voie qui n'est pas juste, et ne sont-ce pas plutôt vos
voies qui sont corrompues ?" Ou bien la voie de Dieu, par laquelle Dieu va
vers l'âme, est sans souillure. Et c'est la charité: "Je vais vous montrer
une voie plus excellente encore", c'est-à-dire afin que vous soyez en
sécurité. Cette voie est sans souillure, parce que la charité n'agit pas mal à
propos, c'est-à-dire faussement. Ou bien la voie de Dieu, c'est le Christ
lui-même, qui n'a pas commis de péché: "Elle sera appelée la voie sainte,
et l'impur n'y passera pas; et ce sera pour vous une voie droite, en sorte que
l'ignorant ne s'y égarera pas." Ou bien la voie du Christ est la Vierge
bienheureuse: "La mer fut ton chemin." Celle-ci est sans souillure: "Tu
es toute belle, mon amie, et il n'y a pas de tache en toi" - "Élargis
l'espace de ta tente".
Il dit: les
paroles du Seigneur. Et il s'exprime en les comparant à l'or ou à
l'argent qui, pour être pur, est éprouvé au feu. Aussi, de même que l'or
purifié par le feu ne contient rien d'impur, ainsi les paroles du Seigneur
sont-elles pures: "Tous mes discours sont justes, et il n'y a rien en eux
de dépravé ni de pervers." éprouvées par le feu. - "Les paroles du Seigneur
sont des paroles pures, comme l'argent éprouvé par le feu, s'épurant à la
terre, purifié sept fois." Et elles sont dites éprouvées par le feu, c'est-à-dire
par le feu de l'Esprit Saint: "Est-ce que l'oreille ne discerne pas les
paroles, et le palais de celui qui mange, la saveur des aliments ?" Nul ne
peut éprouver des paroles à moins qu'il n'ait le feu de l'Esprit Saint: "L'homme
naturel ne perçoit pas ce qui est de l'Esprit de Dieu." Aussi est-ce parce
qu'il est véridique, qu'il accomplira ce qu'il a promis. Et c'est pour cette
raison qu'il dit: il est le protecteur de tous ceux qui espèrent en lui.. - "Nul
n'a espéré dans le Seigneur, et n'a été confondu."
· Puis il montre la vraisemblance de sa louange: car le fait qu'il soit
juste, vrai, et miséricordieux, ce sont là des propriétés. Donc si ces
propriétés conviennent à mon Dieu, tu ne chercheras pas d'autre Dieu. Mais il
n'est aucun autre Dieu en dehors de lui. Et c'est pourquoi le psalmiste dit: qui est Dieu,
excepté le Seigneur? Autrement dit: aucun: "Moi je suis le
Seigneur, c'est là mon nom." - "Écoute Israël: Le Seigneur notre Dieu
est l'unique Seigneur." En cela les Juifs différaient des autres nations.
Car les autres nations rendaient un culte aux éléments du monde, ou aux hommes
ou aux anges, et ces derniers étaient appelés leurs créateurs; mais les Juifs
honoraient le Dieu véritable comme leur Créateur. Le psalmiste affirme donc que
celui-là même est le Dieu de toute la création. Ensuite, que ce dernier était
spécialement honoré par les Juifs.
Ainsi dit-il en parlant du Dieu créateur: qui est Dieu, excepté le Seigneur, c'est-à-dire
l'artisan de toute la création? - "Que toute ta création te serve." - ou qui est
Dieu, excepté notre Dieu? Lui uniquement. - "Nul n'est saint
comme le Seigneur, car il n'y a pas d'autre Dieu que toi, et il n'est pas de
fort comme notre Dieu." - "Dieu s'est fait connaître en Juda."
On dit de celui-ci qu'il est notre Dieu spécialement en raison de sa bonté,
et de son culte, de l'unité de sa nature, de son acte d'assumer la chair, et de
sa rédemption. En cela sont confondus les manichéens; parce que celui-ci est le
Dieu et le Seigneur des réalités visibles, et que le Dieu de l'Ancien Testament
est le Dieu véritable, car il n'est aucun Dieu en dehors de lui.
33 Le
Dieu qui m'a ceint de la forcé, et qui a rendu ma voie sans tache.
- Le psalmiste montre ici comment il reçoit de Dieu l'aptitude à
vaincre, car Dieu donne parfois à quelqu'un la force pour agir selon le bien;
cependant cela ne suffit pas Si Dieu ne le protège pas extérieurement.
·· Il montre donc d'abord comment Dieu donne la force intérieurement.
·· Puis comment il aide extérieurement: 36 Tu m'as donné la protection.
·· Trois choses sont nécessaires à l'homme pour vaincre: qu'il soit
fort: "La force et la beauté sont son vêtement." - "L'homme fort
armé garde l'entrée de sa maison." Qu'il soit agile et formé à la guerre;
et le psalmiste dit qu'il possède ces trois qualités. Il mentionne la deuxième
en disant: Qui
a disposé mes pieds. La troisième en disant: "Qui enseigne mes mains au
combat.
Au sujet de la première qualité il fait deux choses:
Il confesse d'abord que la force lui a été donnée par Dieu.
Puis l'usage du don de force.
Ainsi dit-il: Le Dieu qui m'a ceint de la force, etc. Les
soldats sont ceints d'armes et d'une épée, afin d'être équipés et prêts pour le
combat: "Judas Macchabée revêtit la cuirasse comme un géant, et il se
ceignit de ses armes guerrières dans les combats." Telle est cette force,
c'est-à-dire la puissance qui m'a été donnée par Dieu, non seulement dans les
luttes corporelles, mais aussi dans les luttes spirituelles, que je ne puis
remporter sans la puissance de Dieu. Et c'est pourquoi il dit: Le Dieu qui m'a
ceint de la force. - "Fortifiez-vous dans le Seigneur et dans
la puissance de sa vertu." - "Il donne de la force à celui qui est
fatigué et redouble la vigueur de celui qui est défaillant." Ou bien: il m'a ceint à
la manière de celui qui court sans être empêché par le flottement des
vêtements. Ainsi la force de Dieu maintient-elle la passion pour qu'elle ne
verse pas dans les choses terrestres.
Et d'où ce qui suit: et qui a rendu ma voie sans tache. "Béni
soit Dieu qui a gardé son serviteur du mal." - "Bienheureux ceux qui
sont sans tache dans leur voie." Ou bien cette voie est la voie de la
charité qui n'agit pas mal à propos, comme on l'a dit plus haut.
34 Qui
a disposé mes pieds comme ceux des cerfs, et m'a établi sur des lieux élevés; 35
qui a
instruit mes mains au combat; et tu as rendu mes bras comme un arc d'airain.
Ici est exposée l'agilité qui est nécessaire pour le combat. On raconte
au premier livre des Rois que Saül était sorti à la recherche de David sur des
rochers très abrupts, qui ne sont accessibles qu'aux cervidés, autrement dit:
Dieu m'a donné une telle agilité que je circulais à travers les montagnes comme
un cerf. Et il m'a
établi sur des lieux élevés. Sur les versants des montagnes les
pieds de l'homme n'adhèrent pas, mais Dieu lui a donné une grâce telle qu'il ne
glisse pas sur eux. Au sens mystique on lit ce verset de la manière suivante:
de même que le cerf traverse les buissons épineux et les forêts sans se
blesser, ainsi le désir spirituel passe à travers les convoitises du monde sans
être blessé et infecté par le mal: "Nephtali est un cerf en liberté, qui
donne des paroles pleines de beauté." - "Alors le boiteux bondira
comme le cerf." et m'a établi sur des lieux élevés, c'est-à-dire
a fixé mon esprit sur les réalités célestes: "Vainqueur il me conduira sur
mes hauteurs."
Ensuite est exposé l'enseignement militaire; c'est pourquoi il dit: qui [enseigne]
mes mains au combat. L'enseignement militaire s'acquiert par la
science et sa perfection par la pratique.
Il recherche donc d'abord la science ou
l'enseignement, parce que cet enseignement est nécessaire aux soldats: "C'est
avec réflexion que s'entreprend une guerre." Mais ce dernier, instruit par
Dieu, dit au sujet de la seconde qualité: tu as rendu mes bras comme un arc d'airain, c'est-à-dire
tu as fait que mes bras deviennent comme infatigables au combat. Ou bien: Qui
enseigne, etc., c'est-à-dire contre les vices et les démons; il nous enseigne à
vaincre les ennemis qui s'efforcent de nous fermer les portes du ciel. Puis en
changeant de personne il dit: tu as rendu, etc. Une autre version lit: "Gonfregisti
arcum aereum (Tu as brisé l'arc d'airain)", c'est-à-dire mon
bras: "Béni le Seigneur mon Dieu, qui instruit mes mains au combat." Remarquez
que l'excellence de l'agilité et de la force se trouve chez les lions, qui à
cause d'un excès de sécheresse n'ont pas de moelle dans les os; et cela tient à
une grande disproportion du mélange des éléments, et c'est pourquoi ils vivent
peu de temps; mais ceci ne convient pas à l'homme en raison de ses oeuvres,
aussi sont-elles appelées de cette façon à cause d'un don spécial prodigué à
David, comme le dit l'Ecclésiastique: "Il joua avec les lions comme avec
des agneaux; et de même, avec les ours comme avec de jeunes agneaux." Et
de même au sens mystique, l'enseignement du combat lui a été donné en vertu
d'une grâce de la part de Dieu. Il nous faut être instruits pour le combat
spirituel: "Nombreux sont les pièges du trompeur" que nous ne pouvons
éviter à moins que nous n'ayons et l'enseignement et le secours divin: "La
gloire de ses naseaux", c'est-à-dire du démon, "est la terreur. Il
creuse de son sabot la terre, il s'élance avec audace; il court au-devant des
hommes armés; il méprise la peur, il ne cède pas au glaive". - "Bien
qu'en nous l'homme extérieur se détruise, cependant l'homme intérieur se
renouvelle de jour en jour."
36 Et
tu m'as donné la protection de ton salut, et ta droite m'a pris; et ta
discipline m'a corrigé jusqu'à la fin, et ta discipline elle-même m'instruira. 37
Tu as élargi
mes pas sous moi, et mes pieds n'ont pas été affaiblis.
·· Ici le psalmiste montre comment ses propres dons précités sont
conservés par Dieu extérieurement; c'est pourquoi il dit: Il m'a ceint de
force, et cependant il m'a protégé. Et tu m'as donné la protection de ton
salut, c'est-à-dire tu m'as protégé en vue du salut, car les dons
précités ne suffisent pas sans l'assistance de la protection divine: "Tu
m'as protégé, ô Dieu, contre l'assemblée des méchants". et ta droite m'a
pris, c'est-à-dire la faveur de ta grâce m'a fortifié dans la
guerre. À propos de cette guerre il est écrit: "La main du Seigneur était
avec moi me fortifiant." Ou bien: ta droite, c'est-à-dire ton fils, m'a pris, c'est-à-dire
ma nature. Ou bien: moi qui suis faible pour me soigner. Et ta discipline m'a corrigé jusqu'à la
fin, c'est-à-dire finalement et parfaitement: "Le Seigneur
châtie celui qu'il aime, et il se complaît en lui comme un père en son fils";
c'est pourquoi il dit: ta discipline m'a corrigé jusqu'à la fin.
En parlant du deuxième don il dit: ta discipline elle-même m'instruira. Il arrive
parfois à une personne d'hésiter, parfois de s'égarer. Mais celui-là,
c'est-à-dire Dieu, corrige les erreurs; aussi ta discipline m'a corrigé jusqu'à la fin, comme
on l'a dit plus haut. Dieu redresse également les choses douteuses: et ta discipline
elle-même m'instruira. - "Enseigne-moi la bonté, et la
discipline, et la science."
En parlant du troisième don, il dit: Tu as élargi mes pas sous moi, comme
si tu donnais l'agilité, et avec celle-ci tu protèges ceux qui ont les pas
élargis quand ils sont resserrés.
Ou bien au sens spirituel, lorsque le coeur est prompt à accomplir le
bien par la charité: "J'ai couru dans la voie de tes commandements,
lorsque tu as dilaté mon coeur." et mes pieds n'ont pas été affaiblis, parce
qu'ils n'ont pas chancelé. Ou bien: les pieds, c'est-à-dire les traces des pieds qui
sont laissées sur le chemin.
38 Je
poursuivrai mes ennemis, et je les atteindrai, et je ne reviendrai point
jusqu'à ce qu'ils soient défaits.
· Plus
haut le psalmiste a exposé son aptitude à vaincre; mais ici il traite de la
victoire, en disant comment il a poursuivi ceux qui prennent la fuite; et à cet
égard il fait deux choses:
Il expose d'abord sa manière de poursuivre ses ennemis.
Ensuite il montre leur impuissance à résister: Je les briserai, ils ne pourront se
soutenir.
En parlant de sa manière de poursuivre, il montre trois choses:
D'abord que sa poursuite est juste.
Puis qu'elle est efficace.
Enfin qu'elle est persévérante.
Juste, quand il dit: Je poursuivrai mes ennemis, non mes amis, mais
mes ennemis: "Judas poursuivit les ennemis, les cherchant de toutes parts;
ceux qui troublaient son peuple, il les livra aux flammes."
Cependant il ne semble pas qu'il soit permis à des hommes bons de
persécuter quiconque: "Comme alors celui qui était ne selon la chair
persécutait celui qui l'était selon l'esprit, de même encore aujourd'hui."
Donc livrer persécution relève des réalités corporelles, souffrir persécution
relève des réalités spirituelles.
Mais on répondra à cette objection en disant que la disposition du
persécuteur se distingue de la manière de persécuter. Car certains persécutent
par amour et par zèle: "Le zèle de ta maison m'a dévoré"; et ils
agissent de la sorte afin de conduire au bien ou au salut, ou bien afin
d'empêcher le mal: "Celui qui en secret disait du mal de son prochain, je
le poursuivais"; et c'est ainsi que les bons persécutent les méchants ou
les pécheurs. D'autres persécutent par haine, en suscitant le mal et en
empêchant le bien; et c'est ainsi que les méchants ou les hommes charnels
persécutent les justes: "Poursuivez-le, saisissez-le, parce qu'il n'est
personne qui le délivre." Ou bien: Je poursuivrai mes ennemis, c'est-à-dire les
passions charnelles. je les atteindrai, c'est-à-dire ceux-là ne
m'atteindront pas, selon la Glose.
Et il montre comment elle est efficace pour poursuivre ses ennemis;
c'est pourquoi il dit: et je les atteindrai. Elle se révèle efficace
quand il parvient finalement à s'emparer d'eux: "Monterai-je contre les
Philistins, et les mettras-tu en ma main? Et le Seigneur dit à David: Monte,
parce que les livrant, je mettrai les Philistins en ta main." Et plus haut:
"Il allait, avançant croissant; et le Seigneur Dieu des armées était avec
lui."
Il montre aussi comment elle est persévérante, car il dit: je ne reviendrai
point, c'est-à-dire de la persécution des hommes iniques, jusqu'à ce
qu'ils soient défaits, c'est-à-dire jusqu'à ce qu'ils soient
anéantis: "La flèche de Jonathan n'est jamais retournée en arrière."
Au sens moral, nos ennemis ce sont les mouvements de la convoitise qui
sont en nous, et qui soulèvent des luttes continuelles: "Je vois dans mes
membres une autre loi qui combat la loi de mon esprit, et me captive sous la
loi du péché, laquelle est dans mes membres." Nous devons poursuivre,
atteindre et enchaîner, dominer et réfréner ces mouvements de la convoitise. et je ne
reviendrai [pas], c'est-à-dire je ne cesserai pas de les poursuivre,
jusqu'à ce
qu'ils soient défaits, par la révolte: "David battit les
Philistins et les humilia." Mais ces luttes ne cessent pas en cette vie,
car bien qu'elles soient toujours en état de répression, elles ne sont
cependant jamais totalement supprimées: "Je tirerai mon glaive, ma main
les tuera."
Au sens allégorique, cela s'applique au Christ qui poursuit nos ennemis
juifs, ainsi que d'autres pécheurs, en les punissant corporellement et
spirituellement.
39 Je
les briserai, et ils ne pourront se soutenir; ils tomberont sous mes pieds.
Le psalmiste empêche ici leur pouvoir de résister, autrement dit: qu'ils
ne me résistent pas, parce que Je les briserai, c'est-à-dire j'affaiblirai
leurs forces de telle sorte qu'ils ne pourront se soutenir. - "Ils
sont tombés tous ceux qui pratiquent l'iniquité, ils ont été chassés et n'ont
pu se soutenir." - "Leur bras élevé sera brisé", c'est-à-dire
ils ne subsisteront pas contre moi, ou ils ne pourront résister: "Vous
poursuivrez vos ennemis, et ils tomberont devant vous." Et cela, parce
qu'ils viendront sous mon pouvoir; et c'est ce qu'il dit: ils tomberont sous mes pieds. Quant
à nous, nous devons aussi faire cela à l'égard des mauvais mouvements et des
péchés, ou des démons: "Vous foulerez aux pieds les impies, lorsqu'ils
seront de la cendre sous la plante de vos pieds." - "Voici que je
vous ai donné le pouvoir de fouler aux pieds les serpents et les scorpions, et
toute la puissance de l'ennemi; et rien ne vous nuira." - "Son désir se
tournera vers toi, et tu la domineras."
40 Et
tu m'as ceint de force pour la guerre; et ceux qui s'insurgeaient contre moi,
tu les as renversés sous moi. 41 Et tu m'as livré mes ennemis par-derrière; et ceux qui me
haïssaient tu les as exterminés. 42 ils ont crié, et il n'y avait personne qui
les sauvât; [ils ont crié] vers le Seigneur, et il ne les a pas exaucés.
b. Et tout cela
est dû au fait qu'il dit: Et tu m'as ceint de force. Il traite ici de
leur total délaissement. Et il rappelle deux choses:
- D'abord le bienfait divin.
- Puis l'extermination totale des ennemis: Et je les broierai.
- Et puisque les faits qu'il a rapportés concernent sa propre gloire,
c'est pourquoi il les attribue à Dieu.
· Et il commence par exclure le fait que ce soit sa propre force.
· Ensuite il montre le renversement des ennemis: tu les as renversés.
· Enfin leur privation de secours: ils ont crié.
· Ainsi dit-il: Ô Seigneur, toi tu as fait cela pour moi: Et tu m'as ceint
de force pour la guerre, c'est-à-dire toute la force que j'ai pour
la guerre, elle vient de toi et non de moi: "C'est lui qui donne la force
à l'homme fatigué, et pour ceux qui ne le sont pas, il augmente la vigueur et
l'énergie."
· et
ceux qui s'insurgeaient contre moi, tu les as renversés sous moi. Il
expose le renversement des ennemis à propos duquel il a indiqué trois choses:
leur fuite: tu
m'as livré mes ennemis par-derrière; leur écrasement: Je les briserai;
et leur chute, car ils tomberont; et le psalmiste attribue cela à
Dieu, mais non suivant cet ordre.
Il commence par exposer la chute de ses ennemis, autrement dit: mes
ennemis tomberont sous moi. - "Les enfants se fatigueront et s'épuiseront,
et les jeunes gens tomberont par l'affaiblissement"; mais toi tu as fait
cela: et ceux
qui s'insurgeaient contre moi, tu les as renversés sous moi, c'est-à-dire
tu leur as ôté la force pour qu'ils ne puissent pas me résister: "Cinq des
vôtres poursuivront cent étrangers."
Ensuite il expose la fuite de ses ennemis: Et tu m'as livré mes ennemis par-derrière. -
"Voici ce que dit le Seigneur à mon christ, Cyrus, que j'ai pris par la
droite, afin d'assujettir devant sa face les nations, et de mettre en fuite les
rois."
Enfin il traite de leur écrasement: et ceux qui me haïssaient tu les as exterminés, parmi
les nations qui ne t'ont pas connu.
· Ils
ont crié. Il montre ici qu'ils sont tout à fait désolés; aussi
dit-il: ils
ont crié, et il n'y avait personne qui les sauvât, car ils
n'avaient ni le secours des hommes, ni même celui des dieux qu'ils appelaient
eux-mêmes les créateurs des choses: "Où sont tes dieux que tu t'es faits?
Qu'ils se lèvent, et qu'ils te délivrent au jour de ton affliction"; d'où
ce qui suit: [ils
ont crié] vers le Seigneur, et il ne les a pas exaucés. - "Lorsque
vous multiplierez la prière, je n'exaucerai pas."
Cependant il est écrit: "Avant qu'ils crient, moi je les
exaucerai." Et aussi: "Il criera vers moi, et je l'exaucerai."
On répondra à cette objection en disant que lorsque quelqu'un crie, ou
prie, avec une intention droite, alors il est exaucé; et Dieu approuve et
exauce sa prière: "Si quelqu'un honore Dieu", c'est-à-dire avec une
intention droite, "c'est celui-là qu'il exauce"; mais lorsqu'il crie
vers Dieu avec une prière simulée et mensongère, il ne l'exauce pas: "Vous
demandez et ne recevez point, parce que vous demandez mal", c'est-à-dire
avec une intention mauvaise, ou une requête injuste: "Alors ils
m'invoqueront, et je ne les exaucerai pas; dès le matin ils se lèveront et ils
ne me trouveront pas."
43 Et
je les broierai comme de la poussière à la face du vent; et je les ferai
disparaître comme la boue des rues.
- Ensuite le psalmiste montre leur destruction totale; aussi dit-il: Et je les
broierai. Lorsque la poussière est emportée, il n'en reste aucune
trace, car le vent la disperse; ainsi lorsque les méchants sont détruits, ils
ne demeurent en aucune manière. Et c'est pourquoi il dit: Et je les broierai comme de la poussière à
la face du vent. - "Les impies sont comme la poussière
qu'emporte le vent de la face de la terre", c'est-à-dire qu'ils sont
dispersés: "Leur mémoire a péri avec bruit: et le Seigneur demeure
éternellement." Mais parce que certains sont parfois détruits de manière
honorable, il montre que les méchants ou les pécheurs sont anéantis dans le
mépris et de manière déshonorante; aussi dit-il: je les ferai disparaître comme la boue des
rues. - "Si son orgueil s'élève jusqu'au ciel",
c'est-à-dire celui du pécheur, "et que sa tête touche les nues, il périra
à la fin comme le fumier". - "Qu'ils soient effacés du livre des
vivants." - "Il sera emporté comme la poussière des montagnes à la
face du vent" (c'est-à-dire le pécheur), "et comme un tourbillon
devant la tempête". - "Vos têtes seront réduites en boue."
44 Tu
me délivreras des contradictions du peuple, tu m'établiras à la tête des
nations. 45 Un peuple que je ne connaissais pas m'a servi; dès que
son oreille m'a entendu, il m'a obéi.
c. Plus haut le
psalmiste a rappelé la persécution des ennemis et leur totale destruction; mais
ici il rappelle son exaltation, puisqu'il s'est fait roi. À cet égard il expose
deux choses:
- D'abord son exaltation.
- Puis son action de grâce: 47 Le Seigneur vit !
- À propos de son exaltation: précise d'abord qu'elle se fait au-dessus
des Juifs.
· Puis il expose la soumission des nations: Un peuple que je
ne connaissais pas m'a servi, etc.
· Enfin l'effronterie des Juifs: 46 Des fils étrangers.
· Au sens spirituel, cela convient davantage au Christ qu'à David.
Et c'est pourquoi il montre deux choses à ce sujet:
D'abord comment il est délivré de la contradiction des Juifs.
Puis comment le pouvoir lui est donné contre les nations.
Ainsi dit-il: non seulement tu as exterminé ceux qui me haïssaient, mais Tu me délivreras
des contradictions du peuple. Si on comprend cela en l'appliquant à
David, les Juifs s'opposèrent beaucoup à lui: "Nous n'avons point de part
avec David, ni d'héritage avec le fils d'Isaïe: Retourne en tes tentes, ô Israël."
Et de même ils s'opposèrent au Christ, comme on le voit manifestement dans
l'Évangile: "Pensez à celui qui a supporté une telle contradiction de la
part des pécheurs soulevés contre lui, afin que vous ne vous lassiez point, et
que vous ne soyez défaillants en vos âmes." Et David fut délivré de cette
contradiction tout comme le Christ.
tu m'établiras à
la tête des nations, autrement
dit: les Juifs ne veulent pas que moi je domine sur eux; mais toi tu m'as
constitué Seigneur et des Juifs et des nations. Et cela convient surtout au
Christ, comme on le dit dans l'épître aux Éphésiens: "Il l'a établi chef
sur toute l'Église, qui est son corps."
· Ensuite est exposée la soumission sans réserve des nations: Un peuple que je
ne connaissais pas m'a servi, un peuple, c'est-à-dire un peuple
étranger, par exemple celui des Ismaélites et des Moabites qui, ainsi qu'on le
lit au deuxième livre des Rois, furent assujettis à David, lui payant tribut.
Il en est de même pour le Christ, car tous ceux qu'il ne connaissait pas en les
visitant personnellement, le servirent et lui obéirent: "Je n'ai été
envoyé qu'aux brebis perdues de la maison d'Israël", c'est-à-dire les
visiter personnellement. Ou bien: que je ne connaissais pas, c'est-à-dire que
j'ai agréé en lui donnant la loi et les prophètes: "Voilà que tu
appelleras une nation que tu ne connaissais pas, et des nations qui ne t'ont
pas connu accourront vers toi." dès que son oreille [m']a entendu, il m'a obéi, car
bien que ces gens ne me voient pas, ils m'ont obéi à la seule audition de la
foi transmise par les Apôtres: "Ils m'ont trouvé, ceux qui ne m'ont pas
cherché." - "La foi vient par l'audition." Ou bien: Dès que son
oreille [m']a entendu, il m'a obéi, car aussitôt qu'ils entendirent,
comme on le rapporte dans Matthieu, ayant tout laissé, ils le suivirent.
46 Des
fils étrangers m'ont menti, des fils étrangers ont vieilli, ils ont boité [en
sortant] de leurs voies.
· Ici
le psalmiste expose l'effronterie des Juifs, et il les appelle fils étrangers,
parce qu'autrefois ils furent des fils engendrés par Dieu par la grâce et
l'enseignement de la Loi: "Israël est mon premier-né." Mais cependant
ils sont devenus des étrangers: "J'ai nourri des fils et je les ai élevés."
Et ce qui suit: "Ils sont redevenus étrangers." Et ils sont étrangers
pour une triple raison: parce qu'ils m'ont menti, parce qu'ils ont vieilli, parce qu'ils ont boité.
Quelqu'un se rend étranger à Dieu lorsqu'il n'observe pas la fidélité;
et c'est ce qu'il dit: ils m'ont menti, c'est-à-dire ils ont brisé l'Alliance.
De même lorsqu'ils ne suivent pas les traces des pères qui ont été
fidèles; c'est pourquoi le psalmiste dit: ils ont vieilli. Une chose est dite
vieillie à cause de sa ruine. Ceux-ci furent nouveaux dès le début, puisqu'ils
disent: "Nous sommes à toi, ô David, et avec toi, ô fils d'Isaïe";
mais peu à peu ils devinrent tièdes.
C'est une autre chose quand on s'éloigne totalement; aussi dit-il: ils ont boité
[en sortant de] leurs voies, comme s'ils étaient faibles d'un pied,
observant mal l'ancienne Alliance, et rejetant la nouvelle. Ou bien, si on
rapporte ce verset au Christ, les fils étrangers m'ont menti, parce qu'ils ont
conclu une alliance avec Dieu: "Tout ce que Dieu a dit, nous le ferons",
et par la suite ils la brisèrent: "À la vue de la grandeur de ta
puissance, tes ennemis te mentiront." De même, la puissance qui fut dans
les pères ne se trouve pas dans les fils; c'est pourquoi ils ont vieilli. -
"D'où vient, Israël, que tu es dans la terre de tes ennemis et que tu as
vieilli dans une terre étrangère ?" De même: ils ont boité [en sortant de] leurs voies, c'est-à-dire
hors des préceptes de la loi, car ils marchent sur un pied, c'est-à-dire au
sens littéral, non point au sens spirituel. ils ont boité également au sens littéral, car
ils suivaient seulement les traditions des Pharisiens: "Jusques à quand
boiterez-vous des deux côtés? Si le Seigneur est Dieu, suivez-le."
47 Le
Seigneur vit ! et béni soit mon Dieu ! Et que le Dieu de mon salut soit exalté.
3. Le psalmiste expose ici l'action de grâce; et à cet
égard il fait trois choses:
a) Il commence
par la mentionner.
b) Puis il expose
sa matière: 48 Toi,
le Dieu, qui me donnes, etc.
c) Enfin il se
répand en louanges divines: À cause de cela, je te confesserai parmi les nations,
Seigneur.
a) Et il parle
comme s'il s'agissait d'un roi. Dans l'Antiquité, la manière de saluer un roi
fut: "Que vive le roi !" Cela convient à Dieu, car lui-même est la
vie éternelle: "En toi est la source de la vie." Aussi dit-il: Le Seigneur vit
! -
"Je vis, moi, dit le Seigneur Dieu." Lui-même est en effet
le donateur de la vie aux hommes: "Ce qui a été fait en lui était la vie." De
même, aux autres on souhaite la bénédiction, tandis que lui-même est la
bénédiction: béni
soit mon Dieu ! mon Dieu désigne le Fils, selon qu'il est écrit: "Un
fils nous a été donné." - "Que Dieu, notre Dieu, nous bénisse, que
Dieu nous bénisse." - "Tu es béni, Seigneur, Dieu de nos Pères, et
louable, et glorieux, et souverainement exalté dans les siècles, et béni est le
nom saint de ta gloire, et louable et souverainement exalté dans tous les
siècles";
ainsi il est lui-même la bénédiction et il nous remplit de
bénédictions. Enfin le psalmiste souhaite son exaltation: Et que le Dieu de mon salut soit exalté, c'est-à-dire
l'auteur et le donateur du salut, de la grâce dans le présent, et de la gloire
dans le futur: "C'est toi qui es mon roi et mon Dieu, c'est toi qui
ordonnes le salut de Jacob." Et de même: "Il a opéré le salut au
milieu de la terre." Il ne demande pas que Dieu soit exalté
en soi, car il est le Très-Haut: "Le Très-Haut a fondé [Sion]"; mais
qu'il soit exalté dans notre connaissance. Et il dit: de mon salut, c'est-à-dire qui
me sauve: "Un Dieu juste et qui sauve; il n'y en a pas d'autre excepté
moi." - "Nul autre nom n'a été donné sous le ciel aux hommes par
lequel nous devions être sauvés." Ou bien: le Dieu qui me sauve, qu'il
soit exalté à cause de son effet, qu'il me sauve non seulement dans les choses
infimes mais aussi dans les choses élevées: "Béni soit celui qui vient au
nom du Seigneur ! Hosanna au plus haut des cieux !" - "Exaltez-le
autant que vous pouvez, car il l'emporte sur toute louange." - "Exaltez
le Seigneur notre Dieu, et adorez l'escabeau de ses pieds, parce qu'il est
saint."
48 Toi,
le Dieu qui me donnes des vengeances et qui me soumets des peuples, qui me
libères de mes ennemis furieux. 49 Et tu m'élèveras au-dessus de ceux qui
s'insurgent contre moi; tu m'arracheras à l'homme inique. 50 À cause de cela,
je te confesserai parmi les nations, Seigneur, et je dirai un psaume à la
gloire de ton nom. 51 Toi qui magnifies le salut de son roi, et qui fais
miséricorde à son christ David, et à sa postérité pour toujours.
b) Ici est
exposée la matière de son action de grâce: et pour le bienfait de sa libération
du mal, et pour celui de son progrès vers le bien; aussi dit-il: Toi, le Dieu, etc. Et
on peut dire cela au nom de l'Église; car ceux qui la persécutent se la
soumettent: "Ils viendront courbés vers toi, les fils de ceux qui t'ont
humiliée, et ils adoreront les traces de tes pieds." Puisque Paul qui
condamna Étienne fut terrassé, par conséquent juste est la punition du rebelle
quand il se soumet et s'humilie; aussi toi tu es mon libérateur. - "Si
donc le fils vous libère, vous serez vraiment libres." de mes ennemis, non point de
n'importe lesquels, mais de mes ennemis furieux. - "La colère n'a
point de miséricorde." Aussi est-ce une "gloire plus grande d'être
libéré de maux ardents". Et au-dessus de ceux qui s'insurgent contre moi -
"Des témoins iniques se sont levés contre moi" - tu m'élèveras. Il dit cela afin
de montrer la providence de Dieu, c'est-à-dire que là où ils croient l'abaisser
il est exalté: "C'est pourquoi Dieu l'a exalté." - "Les eaux
s'accrurent et élevèrent l'arche de la terre dans les airs." tu m'arracheras
à l'homme inique, c'est-à-dire à l'homme de fraude: "Arrache-moi,
Seigneur, à l'homme méchant, à l'homme inique arrache-moi."
c) Le psalmiste
poursuit en concluant par une action de grâce due aux motifs précités. À cause de cela,
je te confesserai parmi les nations, Seigneur, c'est-à-dire en
présence de tout le peuple je te louerai: "Bénissez le Dieu du ciel, et
rendez-lui gloire devant tous les vivants." et je dirai un psaume à la gloire de ton
nom. Par le mot psaume on entend une oeuvre bonne; car tout ce
que nous faisons de bien, nous devons l'accomplir pour la gloire du nom de
Dieu.
Toi qui magnifies
les saluts de son roi. La
version iuxta
Hebraeos de Jérôme lit de la manière suivante: "Magnificanti et
facienti tibi", c'est-à-dire "à toi qui magnifies et qui
fais", soit, selon notre interprétation, le Dieu qui me donnes des vengeances. Il
est Dieu en tant qu'il magnifie. Et le psalmiste expose deux choses. La
première concerne l'état du royaume, l'autre la personne du roi, car il a
magnifié l'un et l'autre. Concernant l'état du royaume il dit: Toi qui
magnifies les saluts de son roi, car tu m'as élevé à la royauté. Ou
bien: du roi,
c'est-à-dire du Christ, par le nom duquel tous sont sauvés: "Nul
autre nom n'a été donné sous le ciel aux hommes par lequel nous devions être
sauvés." Concernant la personne il dit: et qui fais miséricorde à son christ David,
et à sa postérité pour toujours, car il a multiplié sa postérité
comme il l'a promis.
1 Pour la fin. Psaume de David.
2 Que le Seigneur t'exauce au jour de la
tribulation; que le nom du Dieu de Jacob te
protège. 3 Qu'il t'envoie du secours du sanctuaire; et que de Sion il te
défende. 4 Qu'il se souvienne de tout ton sacrifice et que ton holocauste
devienne gras.
5 Qu'il te rende selon ton coeur, et
qu'il confirme tout ton dessein.
6 Nous nous réjouirons dans ton salut,
et dans le nom de notre Dieu nous serons glorifiés.
7a Que le Seigneur accomplisse toutes
tes demandes; maintenant j'ai reconnu que le Seigneur a sauvé son Christ. Il
t'exaucera du ciel, son sanctuaire.
7b Dans ses pouvoirs est le salut de sa
droite.
8 Ceux-ci sont sur des chars, et ceux-là
sur des chevaux; mais nous, nous nous exalterons dans le nom du Seigneur notre
Dieu.
9 Eux se sont trouvés liés et ils sont tombés;
alors que nous, nous nous sommes relevés et nous nous sommes dressés.
10 Seigneur, sauve le roi, et
exauce-nous au jour où nous t'aurons invoqué.
Au cours des psaumes précédents, le psalmiste avait traité de sa
libération de la persécution, et il a rendu grâce pour cette libération; ici,
étant libéré, ou se trouvant dans l'espérance de sa libération, il demande
d'être élevé à des biens supérieurs.
Ce psaume se divise en deux parties.
I. Dans la première partie il expose une demande
d'exaltation.
II. Dans la deuxième est énoncée la promesse:
((Seigneur, le roi se réjouira dans ta force."
I. En demandant son exaltation il fait trois
choses.
A) Car il
commence par exposer sa demande.
B) Puis
l'espérance de son exaucement: maintenant j'ai reconnu, etc.
C) Enfin il
expose la conclusion du psaume: 10 Seigneur, sauve le roi.
A. En exposant sa
demande il fait deux choses.
1) Il formule
d'abord une demande à l'égard des maux.
2) Ensuite pour
son progrès dans le bien: 5 Qu'il te rende.
1. Ce psaume
procède d'une autre manière que les précédents. Car dans les autres psaumes
David est présenté comme formulant une prière de demande pour lui-même, tandis
qu'ici il est présenté comme formulant la prière d'autrui pour lui-même. Et
bien que les choses rapportées ici selon le sens littéral s'appliquent en
quelque manière à David, cependant elles concernent le Christ en particulier et
selon la vérité. Mais selon le sens mystique ces choses concernent l'Église et
l'homme juste. Et elles s'entendent de quelque manière que ce soit.
1 Pour
la fin. Psaume de David.
2 Que
le Seigneur t'exauce au jour de la tribulation; que le nom du Dieu de Jacob te protège. 3
Qu'il
t'envoie du secours du sanctuaire; et que de Sion il te défende. 4 Qu'il se
souvienne de tout ton sacrifice et que ton holocauste devienne gras.
Touchant cette première partie, le psaume expose deux choses:
a) D'abord
l'exaucement de celui qui supplie.
b) Puis le motif
de l'exaucement: qu'il protège.
a. Ainsi dit-il:
Ô David, ou bien ô Christ, Que le Seigneur t'exauce. - "Qu'il exauce
vos prières, et qu'il se réconcilie avec vous et qu'il ne vous abandonne point
au temps mauvais." Que le Seigneur t'exauce. David a souffert des
tribulations et le Christ semblablement dans sa passion; et c'est pourquoi il
dit: au jour
de la tribulation. - "Jour de tribulation, et de reproche, et
le jour de blasphème." Et en ce jour le Christ a été exaucé pour lui et
pour les autres: "Dans les jours de sa chair, ayant offert avec larmes et
grands cris des prières et des supplications à celui qui pouvait le sauver de
la mort, il a été exaucé pour son humble respect." Et l'homme juste dit: "Lorsque
j'étais dans la tribulation, j'ai crié vers le Seigneur et il m'a exaucé."
b. Il y a
précisément trois raisons pour lesquelles une prière est digne d'être exaucée.
- La première est la bonté divine.
- La deuxième, les suffrages des saints.
- La troisième, le mérite personnel, car il est écrit dans l'évangile
de Jean: "Dieu n'exauce pas les pécheurs; mais si quelqu'un honore Dieu,
c'est celui-là qu'il exauce."
La raison de l'exaucement est exposée lorsqu'il dit: que le nom du
Dieu de Jacob te protège.
- La première raison, c'est à cause de son nom, à cause de sa bonté,
qu'il te
protège; cette protection se réfère alors au Christ. Mais si elle
concerne autrui, on l'expose ainsi: que le nom du Dieu de Jacob te protège toi
qui pries, c'est-à-dire le Dieu que lui-même adora quand il lui apparut à
Béthel. Le Dieu de Jacob qui conduit les choses terrestres vers les cieux, et
qui des cieux vient au secours des choses terrestres. Que celui-ci donc te protège. -
"Le nom du Seigneur est une tour très forte."
- "Tu les protégeras dans ta tente contre les attaques des
langues." Ce nom est tout-puissant: "Le Seigneur est comme un
combattant, le Tout-Puissant est son nom." Il est aussi celui de la
miséricorde: "Saint", c'est-à-dire miséricordieux, "est son nom".
- "Ton nom est une huile répandue." Ainsi donc nous sommes protégés
par la puissance et la miséricorde de Dieu: "À l'ombre de sa main il m'a
protégé." - "Sous l'ombre de tes ailes, protège-moi."
- La deuxième raison: Qu'il t'envoie du secours du sanctuaire, c'est-à-dire
de la communauté des saints. Et il y a une double communauté des saints. L'une
se compose de ceux qui règnent avec Dieu dans la gloire; l'autre de ceux qui
militent sur la terre. Et nous sommes aidés par les uns et les autres, car les
anges intercèdent pour nous: "Nous avons un avocat", c'est-à-dire la
société des anges: "La fumée des parfums composée des prières des saints
monta de la main de l'ange devant Dieu." La fumée est faite de vapeur et
de chaleur. De même le Christ, qui est leur roi, nous assiste: "S'approchant
de Dieu par son intermédiaire, afin qu'il intercède pour nous." Et c'est
pourquoi il dit: Qu'il
t'envoie du secours du sanctuaire, c'est-à-dire du Fils incarné, qui
selon le sens anagogique est appelé saint: "L'être saint qui naîtra de
toi, sera appelé Fils de Dieu." - "Et que soit oint le saint des
saints." Ou bien: du sanctuaire, c'est-à-dire du Christ qui a
souffert, car dans sa Passion il s'est sanctifié pour nous: "Pour eux je
me sanctifie moi-même, afin qu'eux aussi soient sanctifiés en vérité." - "Demain,
le salut sera pour vous, lorsque le soleil sera devenu chaud." Ou bien: Qu'il t'envoie
[son] secours du sanctuaire, c'est-à-dire de la société des
bienheureux: "Pour toi, tu habites dans le lieu saint." et que de Sion
il te défende. Sion, c'est-à-dire le lieu d'observation ,
c'est-à-dire depuis la citadelle de David, où se trouvait l'arche et où Dieu
était honoré. Autrement dit: par les prières de ceux qui en ce monde
contemplent les réalités célestes. Qu'il te défende, c'est-à-dire qu'il fasse que
tu sois en sécurité. Ou bien le contraire: du sanctuaire, c'est-à-dire de la société de
ceux qui sont dans le monde. Et que de Sion, c'est-à-dire de ceux qui sont
dans la gloire, il
te défende. Ou bien: du sanctuaire, pour ceux qui sont dans la vie
active. Et de
Sion, pour ceux qui sont dans la vie contemplative, c'est-à-dire
qu'il te défende
grâce à toutes leurs prières.
- La troisième raison est que toutes ses oeuvres plaisent à Dieu, c'est
pourquoi il dit:
Qu'il se souvienne de tout ton sacrifice. Toute oeuvre bonne est
comme un sacrifice, car toutes choses doivent être offertes à Dieu: "Faites
tout pour la gloire de Dieu." Donc toutes nos actions sont en quelque
manière un sacrifice; soit l'aumône: "N'oubliez pas la bienfaisance et la
communication de vos biens, car c'est par de telles hosties qu'on se concilie
Dieu"; soit le jeûne: "Je vous conjure donc, mes frères, par la
miséricorde de Dieu, d'offrir vos corps en hostie vivante, sainte, agréable à
Dieu, pour que votre culte soit raisonnable." Dans l'ancienne Loi, on
accomplissait certains sacrifices qui n'étaient pas totalement consumés, mais
une partie de ceux-ci revenait à l'usage de ceux qui les offraient, ainsi en
était-il des victimes pacifiques; d'autres sacrifices qui étaient consumés
totalement, étaient dits très saints et on les appelait holocauste, du grec ólon, qui
signifie "tout", et kaúma, signifiant "chaleur ardente".
Et c'est pourquoi il y a deux genres de bonnes oeuvres. Certaines sont appelées
sacrifice lorsque quelqu'un consacre ses biens à Dieu, par exemple si quelqu'un
de marié garde la continence à certains moments: "Il y a un temps pour
embrasser, et un temps pour s'abstenir d'embrassements." Mais lorsque
quelqu'un donne tout, ne se réservant rien, ou bien s'il garde totalement la
continence, on appelle cela holocauste. C'est pourquoi il dit: Qu'il se
souvienne de tout ton sacrifice.
- "Le sacrifice qui plaît à Dieu c'est un esprit contrit." Et que ton
holocauste devienne gras, c'est-à-dire agréé par Dieu: "L'oblation
du juste engraisse l'autel, et c'est une odeur de suavité en présence du
Seigneur." Et il dit: gras, parce que l'holocauste était brûlé et
répandait une odeur, car les matières grasses dégagent plus d'odeur; et c'est
pourquoi celui qui offre un sacrifice avec plus de piété est davantage agréé,
quel que soit ce sacrifice. Ces choses peuvent s'appliquer au sacrifice du
Christ, qui s'offrit tout entier sur l'autel de la croix. Et ainsi: Qu'il se
souvienne, c'est-à-dire qu'il fasse que nous nous souvenions de sa
passion et de sa mort: "Souviens-toi de ma misère et de mon angoisse,
absinthe et fiel." Ou bien: Qu'il se souvienne de toutes nos bonnes oeuvres
que nous lui avons sacrifiées.
5 Qu'il
te rende selon ton coeur, et qu'il confirme tout ton dessein.
2. Plus haut le
psalmiste a demandé en priant son progrès dans le bien, ce qui est un bien
désiré extérieurement; ici il demande ce bien qui est sollicité intérieurement.
À cet égard il fait deux choses.
a) Il commence
par demander que s'accomplisse l'objet de sa requête.
b) Ensuite il en
donne le motif: Nous
nous réjouirons dans ton salut.
a. En demandant
la réalisation de l'objet de sa requête, il fait deux choses.
- Il demande d'abord ce qui est dans le mouvement intérieur de l'âme,
selon la volonté voulant la fin.
- Puis il demande que soit accompli son dessein touchant ces choses qui
se rapportent à la fin: Et qu'il confirme tout ton dessein.
- Ainsi dit-il: Qu'il te rende selon ton coeur, c'est-à-dire
selon la volonté ordonnée à la fin, autrement dit: qu'il te conduise à la fin
que tu te proposes, qui doit être Dieu: "Aux justes sera accordé leur
désir."
- et
qu'il confirme tout ton dessein, c'est-à-dire ce qui regarde la fin.
En effet tous nos desseins sont faibles, car nous ne pouvons pourvoir à toutes
choses: "Les pensées des mortels sont timides, et incertaines nos
prévisions." Mais Dieu est celui qui confirme, en dirigeant notre dessein
qui doit se fonder sur la recherche des réalités éternelles: "Demandez
pour que votre joie soit complète", et en donnant l'efficacité à nos
desseins qui doivent être accomplis. Mais "il dissipe le dessein des
pervers."
6 Nous
nous réjouirons dans ton salut, et dans le nom de notre Dieu nous serons
glorifiés.
b. Ici est exposé
le motif de l'exaucement; Dieu accorde volontiers des biens à ceux qui les
communiquent aux autres: "Mettant au service les uns des autres cette
grâce." Et c'est pourquoi il y a un motif d'exaucement lorsqu'on donne aux
autres le bien qu'on est prié de communiquer. Et cela se fait d'abord pour la
joie d'une multitude, autrement dit: nous, ayant été exaltés, Nous nous
réjouirons dans ton salut, non en nous. Selon Grégoire, "il est
juste que connaisse toujours la tristesse en lui-même, celui qui ayant
abandonné Dieu cherchait la joie en lui-même". et dans le nom de notre Dieu nous serons
glorifiés, par l'invocation de celui qui t'a exalté: "En toutes
choses tu as glorifié ton peuple, tu l'as honoré, et tu ne l'as pas dédaigné,
en tout lieu et en tout temps te tenant près de lui." Et c'est pourquoi il
dit: nous
serons glorifiés, etc., c'est-à-dire nous serons grands.
7a Que
le Seigneur accomplisse toutes tes demandes; maintenant j'ai reconnu que le Seigneur
a sauvé son Christ. il l'exaucera du ciel, son sanctuaire.
Le psalmiste traite ici des demandes extérieures, qui trouvent leur
accomplissement lorsque Dieu exauce ce que nous demandons, puisque le Christ a
fait de nombreuses demandes pour nous.
B. maintenant j'ai
reconnu. Ici est exposée l'espérance de l'exaucement, et il dit:
considérant qu'ils seront enrichis de tout bien, maintenant j'ai reconnu que le Seigneur a
sauvé son Christ; ce qui s'entend soit du Christ, par lequel
beaucoup ont été élevés, soit de David, que le Seigneur sauva selon la
prédestination. maintenant,
autrement dit: dès maintenant avant que cela ne se réalise: "C'est
ce salut qu'ont recherché [...] les prophètes [...] indiquant les souffrances
réservées au Christ et les gloires qui devaient les suivre." Et il n'y a
pas seulement le fait que le Seigneur a sauvé le Christ Jésus en le
ressuscitant des morts: "Tu ne permettras pas que ton saint connaisse la
corruption", et ainsi la tête ayant été sauvée, les membres seront sauvés;
mais Il
l'exaucera, c'est-à-dire le Christ, priant pour ses membres: "Pour
moi je savais que tu m'exauces toujours." Ou bien, il s'agit de David. Et il l'exaucera aussi
du ciel son
sanctuaire. - "Tu l'exauceras de ta tente dans le ciel."
7b Dans
ses pouvoirs est le salut de sa droite.
8 Ceux-ci
sont sur des chars, et ceux-là sur des chevaux; mais nous, nous nous exalterons
dans le nom du Seigneur notre Dieu.
Ici le psalmiste fait valoir la puissance de celui qui exauce.
1) Et il commence
par exposer cette puissance.
2) Ensuite il
montre l'expérience qu'il fait de cette puissance: Ceux-ci sont sur des chars.
1. Le mot pouvoir désigne
l'étendue de la puissance ou de la force. Le pouvoir est l'oeuvre puissante de
celui qui domine, et on peut l'appliquer aux hommes; le sens est alors: le salut de ta
droite, par laquelle tu sauves le Christ et nous à travers lui,
apparaît dans
ses pouvoirs, c'est-à-dire en tout lieu, qui en nous est principe de
force et de puissance. Ou bien on peut l'appliquer à Dieu; le sens est alors: le salut de ta
droite est dans [tes] pouvoirs, c'est-à-dire dans la grandeur de ta
puissance: "Lui qui fait sortir par sa puissance les prisonniers." Et
il dit: de ta
droite, car double est le salut de Dieu. L'un procède de sa gauche,
par laquelle il sauve dans les choses temporelles, en donnant largement tous
les biens temporels: "Tu sauveras, Seigneur, les hommes et les animaux."
L'autre est le salut de sa droite, qui relève des réalités éternelles, par
laquelle il sauve les justes en accordant des biens: "Dieu a rendu à ses
saints la récompense de leurs travaux."
2. Ensuite il
expose l'expérience qu'il fait de cette puissance.
a) Et il traite
d'abord de la diversité de confiance et de gloire chez les hommes.
b) Puis de ce qui
en résulte pour les uns et les autres: Eux se sont trouvés liés.
a. Il y a deux
genres d'hommes. Certains en effet mettent leur espérance dans le pouvoir
séculier; contre ces derniers il est écrit dans Jérémie: "Maudit l'homme
qui se confie dans l'homme." - "les justes le verront, et ils
craindront; et ils riront de lui, et diront: "Voilà un homme qui n'a pas
pris Dieu pour son aide, mais qui a espéré dans la multitude de ses
richesses."" D'autres mettent leur espérance en Dieu: "Il est
bon d'espérer dans le Seigneur." Et c'est pourquoi il dit: Ceux-ci sont sur
des chars, et ceux-là sur des chevaux, ce qui revient à dire:
certains mettent leur confiance dans le pouvoir séculier; à propos de ces
derniers il est dit: Ceux-ci sont sur des chars, etc. Ou
bien cela se réfère au combat, ou aux triomphes, car certains combattent sur
des chars, d'autres sur des chevaux: "Pharaon est entré à cheval dans la
mer avec ses chars et ses cavaliers." Ou bien aux triomphes, et alors ils
ne se confient pas mais ils se glorifient, car selon la Glose il y avait dans
l'Antiquité deux genres de triomphes: l'un était plus solennel, l'autre plus
modeste. Le premier était dit orné de lauriers, parce que le vainqueur était
couronné de lauriers; et cela se faisait sur un char. Le second était dit
ovation, et cela se faisait sur un cheval. Certains mettent leur gloire dans
des choses importantes, d'autres dans des petites choses, c'est-à-dire dans les
chevaux, comme c'est le cas dans l'ovation. Le verbe ovare a le même sens que laetari (se
réjouir); et le vainqueur est tiré par des enfants qui se réjouissent quand on
leur donne un oeuf. Guillaume Le Breton enseignait cela. Mais nous, nous nous
exalterons, c'est-à-dire nous nous glorifions, dans le nom du Seigneur. Le mot triumphus (triomphe)
vient de tris,
qui veut dire "trois", et de phonos, qui veut dire "acclamation";
car on faisait retentir une triple acclamation pour ceux qui revenaient
vainqueurs. En effet c'était d'abord tout le peuple qui allait à sa rencontre.
Puis tous les prisonniers suivaient son char les mains liées. Enfin lui-même
revêtu de la tunique de Jupiter était assis sur un char que tiraient quatre
chevaux blancs, et il était conduit au Capitole. Mais sur le char était placé à
ses côtés un esclave qui le souffletait en disant: "Gnôthi seautón, c'est-à-dire "connais-toi
toi-même." Breton s'exprime ainsi, parce qu'en ce jour n'importe qui
disait à l'adresse du triomphateur tout ce qu'il voulait de manière outrageuse
et licencieuse.
9 Eux
se sont trouvés liés et ils sont tombés; alors que nous, nous nous sommes
relevés et nous nous sommes dressés.
b. Ici le
psalmiste expose ce qui résulte de cette diversité; parce qu'il y a une
conséquence de la conduite des méchants. Une version de Jérôme lit: incurvati (ils
se sont courbés), et alors le sens est clair, car l'action de se courber est
une voie menant à la chute, et ainsi la puissance du monde s'affaiblit peu à
peu. Ou bien: se
sont trouvés liés, parce que les biens temporels lient, et surtout
les pécheurs: "Les créatures de Dieu lui sont devenues un objet de haine,
et un piège pour les pas des insensés", c'est-à-dire des pécheurs. C'est
pourquoi il dit: et
ils sont tombés, parce qu'à la fin ils se briseront: "Ils
tomberont, et ils seront brisés, et ils s'embarrasseront dans des filets, et
ils seront pris." De même il expose la conséquence de la conduite des
bons, lorsqu'il dit: alors que nous, nous nous sommes relevés, peu
à peu: "Je suis tombée, je me relèverai lorsque je serai assise dans les
ténèbres, le Seigneur est ma lumière." et nous nous sommes dressés. De même que
l'action de se courber mène à la chute, ainsi l'action de se dresser est la
voie qui mène à un état de droiture, et cela correspond à la sainteté.
10 Seigneur,
sauve le roi, et exauce-nous au jour où nous t'aurons invoqué.
C. Le psalmiste
expose enfin la conclusion. Tout ce psaume semble avoir une double intention.
Car ou bien il demande pour le Christ réellement, ou bien pour le Christ de
manière figurée. Dans le premier cas il dit: Seigneur, sauve le roi, c'est-à-dire
le Christ. Ou bien pour David. Et alors, il implore pour ceux-là même qui le
prient: exauce-nous
au jour où nous t'aurons invoqué. - "Au jour où je
t'invoquerai, exauce-moi."
1 Pour la fin. Psaume de David.
2 Seigneur, dans ta force le roi se réjouira,
et à cause de ton salut, il tressaillira d'allégresse grandement.
3 Tu lui as donné le désir de son coeur;
et tu ne l'as pas frustré de la volonté de ses lèvres.
4 Puisque tu l'as prévenu des plus
douces bénédictions; tu as mis sur sa tête une couronne de pierres précieuses.
5 Il t'a demandé la vie et tu lui as accordé une longueur de jours jusqu'à un
siècle et jusqu'à un siècle de siècles.
6 Grande est sa gloire en ton salut; tu
le couvriras de gloire et de grande beauté. 7 Car tu en feras un objet de
bénédiction pour les siècles des siècles: tu le rempliras de joie avec ton
visage.
8 Parce que le roi espère dans le
Seigneur et dans la miséricorde du Très-Haut il ne sera pas ébranlé.
9 Que ta main se trouve sur tous tes
ennemis; que ta droite trouve tous ceux qui te haïssent.
10 Tu les rendras comme une fournaise de
feu, au temps de ton visage; le Seigneur dans sa colère les remplira de
trouble, et un feu les dévorera.
11 Tu feras disparaître leur fruit de la
terre et leur semence d'entre les fils des hommes.
12 Parce qu'ils ont fait tomber des maux
sur toi; ils ont conçu des desseins qu'ils n'ont pu rendre fermes. 13 Parce que
tu leur feras tourner le dos; tu prépareras leur visage avec ce qui te reste.
14 Èlève-toi, Seigneur, dans ta
puissance; nous chanterons et nous célébrerons tes hauts faits.
1 Pour
la fin. Psaume de David.
2 Seigneur,
dans ta force le roi se réjouira, et à cause de ton salut, il tressaillira
grandement.
Plus haut, dans le psaume précédent, une demande du psalmiste a été
faite en vue de l'exaltation du roi, mais ici, comme s'il était déjà exaucé, il
l'annonce. Son titre est: Pour la fin. Psaume de David. Ce psaume se
divise en deux parties.
I. Dans la première, le psalmiste annonce à
l'avance l'exaltation du roi.
II. Dans la seconde l'abaissement des ennemis.
I. En parlant de l'exaltation du roi il fait
trois choses.
A) Il annonce
d'abord à l'avance la joie du roi.
B) Ensuite il
expose la cause de cette joie.
C) Enfin le
mérite de cette cause.
A. On commente ce
psaume en l'appliquant au Christ qui est roi, et à David qui en est sa figure;
et c'est pourquoi on peut l'appliquer en le rapportant aux deux: au Christ
selon la vérité, à David selon la figure.
Il y a donc une double joie: l'une vient de Dieu, l'autre du bienfait
de Dieu.
1. Concernant
celle qui vient de Dieu il dit: Seigneur, Dieu père, le roi, c'est-à-dire le Christ, se réjouira dans
ta force, c'est-à-dire de ta divinité: "Dieu, donne ta justice
au roi." Et il s'est alors réjoui quand il vainquit le diable, et la mort
par sa propre mort, et lorsqu'il fit des miracles et qu'il monta au ciel: "Dieu
est monté dans la jubilation." - "Un roi régnera et il sera sage, et
il rendra le jugement et la justice sur la terre." - "Le Christ est
vertu de Dieu et sagesse de Dieu." Semblablement si on l'applique à David:
Seigneur Dieu
le roi, c'est-à-dire
David et les autres saints, se réjouiront dans ta force.
- "Nous exulterons et nous tressaillirons d'allégresse en toi,
nous souvenant de tes mamelles."
2. À propos de la
joie qui vient du bienfait de Dieu il dit: et à cause de ton salut, etc., c'est-à-dire
à cause de l'acquisition du salut fait par toi. Le Christ exultera
principalement parce que par lui, Seigneur, tu sauves le genre humain: "C'est
lui qui sauvera son peuple."
3 Tu
lui as donné le désir de son coeur; et tu ne l'as pas frustré de la volonté de
ses lèvres.
B. Le psalmiste
expose ici la cause de cette joie qui est l'accomplissement du désir: "Un
désir, s'il s'accomplit, réjouit l'âme." Comme le désir se comporte
vis-à-vis de la joie, ainsi en est-il du mouvement à l'égard du repos, auquel
on parvient par le mouvement. Aussi expose-t-il d'abord l'accomplissement du
désir. Puis il dit en quoi il a accompli ce désir: Puisque tu l'as prévenu.
Il y a deux sortes de désirs. L'un qui est seulement dans le coeur,
l'autre qui s'exprime par la bouche; et l'un et l'autre est accompli, parce que
Dieu, avant qu'on ne le prie, exauce.
Concernant le désir du coeur il dit: Tu lui as donné le désir de son coeur. - "J'ai
désiré d'un grand désir de manger cette pâque avec vous"; et cela
s'applique à n'importe quel homme juste.
Concernant le désir qui s'exprime par la bouche il dit: et de la
volonté de ses lèvres, c'est-à-dire qu'il a exprimée par les lèvres,
tu ne l'as
pas frustré, parce que tu l'as exaucé: "Il a été exaucé pour
son humble respect." - "Ma résolution sera inébranlable, et toute ma
volonté s'exécutera."
4 Puisque
tu l'as prévenu des plus douces bénédictions; tu as mis sur sa tête une
couronne de pierres précieuses. 5 Il t'a demandé la vie et tu lui as donné
une longueur de jours jusqu'à un siècle et jusqu'à un siècle de siècles.
1) Le psalmiste
expose ici en quoi le désir est accompli.
a) Et il parle
d'abord de l'accomplissement du désir du coeur.
b) Puis de
l'accomplissement du désir de la prière, qui est le même que le désir des
lèvres.
a. Et c'est
pourquoi il expose en premier lieu le bienfait spirituel intérieurement: c'est
le bienfait de la grâce. Et à ce propos il dit: Puisque tu l'as prévenu des plus douces
bénédictions. Bénir, c'est dire du bien; et dire du bien de Dieu,
c'est le faire sien. C'est pourquoi dans la bénédiction de Dieu on comprend
l'effusion de sa bonté: "Je te bénirai et je multiplierai ta descendance
comme les étoiles du ciel, et comme le sable qui est sur le rivage de la mer;
ta postérité possédera les portes de ses ennemis, et seront bénies en ta
postérité toutes les nations de la terre, parce que tu as obéi à ma voix."
- "Je le bénirai, et je le multiplierai et je le ferai croître grandement."
Cette bénédiction est donc douce: "Qu'il est bon et doux ton esprit en
nous." Donc, des plus douces bénédictions, c'est-à-dire des biens de la
grâce, et de la préservation des péchés, tu l'as prévenu, c'est-à-dire le Christ, au
moment de son incarnation, car dès le début de sa conception il fut rempli de
toute grâce: "Nous l'avons vu plein de grâce et de vérité, comme un Fils
unique reçoit de son Père", car aussitôt qu'il fut conçu, il fut uni à la
nature divine, et il fut aussitôt rempli de la grâce. De même: tu l'as prévenu,
par la grandeur, car il a reçu la grâce de préférence à tous les
autres, et non avec mesure. Les saints aussi sont dits être prévenus: "Ce
n'est pas nous qui avons aimé Dieu, mais c'est lui qui nous a aimés le premier."
- "Elle prévient ceux qui la désirent." Et ainsi dans la figure du
Christ, David est prévenu d'une grâce spéciale, car il fut oint comme roi alors
qu'il était encore enfant, avant que lui-même ne songeât au royaume.
Il montre le bienfait extérieurement en disant: tu as mis sur
sa tête une couronne de pierres précieuses. Si on applique ces
choses au Christ, alors en voici le sens: tu as mis sur sa tête une couronne de pierres, etc., c'est-à-dire
tu l'as établi. Or la couronne est le signe de la dignité royale, car, ainsi
que le dit Isale: "Ils verront un roi dans sa beauté." - "Sortez
filles de Sion, et voyez le roi avec le diadème dont le couronna sa mère",
c'est-à-dire la divinité. À cause de cela il dit: de pierres précieuses, c'est-à-dire
de la divinité, car "son Royaume n'est pas de ce monde". La version iuxta Hebraeos de
Jérôme lit: "De
auro obrizo (De l'or éprouvé au creuset)", c'est-à-dire très
pur: "Une couronne lui fut donnée." Ou bien: une couronne de pierres précieuses, c'est-à-dire
les Apôtres qui sont appelés pierres précieuses à cause du prix de leur
enseignement: sur
sa tête, c'est-à-dire du Christ, "une couronne de douze étoiles".
- "La couronne des vieillards est une grande expérience." C'est
pourquoi l'assemblée des Apôtres est comme une couronne du Christ. Ou bien: tu as [posé]
sur sa tête une couronne, c'est-à-dire l'Eglise: "Une femme",
c'est-à-dire l'Eglise, "est une couronne pour son mari", c'est-à-dire
pour le Christ. Ou bien cela peut se dire de n'importe quel saint; car la
couronne, ou la récompense, c'est Dieu lui-même: "En ce jour-là le
Seigneur sera une couronne de gloire." De pierres, à cause de sa solidité,
précieuses, car
David au sens littéral a été couronné par Dieu lui-même.
b. Ensuite il
montre comment s'accomplit la demande de ses lèvres; c'est pourquoi il dit: il t'a demandé la
vie, lorsqu'il t'a demandé la résurrection: "Mais toi,
Seigneur, aie pitié de moi et ressuscite-moi." Et cela lui a été donné: "Demande-moi
et je te donnerai les nations en héritage." - "Quiconque demande,
reçoit." Semblablement aussi n'importe quel saint demande cela,
c'est-à-dire la vie et surtout la vie éternelle: "J'ai demandé une seule
chose au Seigneur, je la rechercherai: c'est d'habiter dans la maison du
Seigneur tous les jours de ma vie; c'est de contempler les délices du Seigneur
et de visiter son temple." Et David demande également cela. Puis on montre
comment s'accomplit la demande par rapport aux autres; c'est pourquoi il dit: tu lui as
accordé, etc. Il a demandé que son corps, c'est-à-dire
l'Eglise, soit gardé pour une longueur de jours. Et Dieu le lui a
accordé: "Voici que moi je suis avec vous jusqu'à la consommation du
siècle." David demandait aussi cela: "En outre il a parlé aussi de la
maison de son serviteur pour les temps lointains."
6 Grande
est sa gloire en ton salut, tu imposeras sur lui gloire et grande beauté. 7
Car tu en
feras un objet de bénédiction pour les siècles des siècles: tu le rempliras de
joie avec ton visage.
2) Le psalmiste
expose ici l'accomplissement des biens. Et à ce propos il fait deux choses.
a) Il expose
d'abord l'exaltation de ce roi prévenu de grâces, en qui la bénédiction est
commencée.
b) Puis il expose
sa grandeur.
a. Je dis que tu l'as prévenu,
etc.,
mais plus encore, car sa gloire, c'est-à-dire du Christ et de
l'homme, est
grande en ton salut, c'est-à-dire dans le Verbe auquel la nature
humaine est unie. Ou bien: Grande est sa gloire, auprès des hommes; et
cela, en ton
salut, car tu l'as ressuscité: "Dans les jours de sa chair,
ayant offert avec larmes et grands cris des prières et des supplications."
Ou bien: Grande
est sa gloire en ton salut, c'est-à-dire dans ton secours, dans
lequel il a été établi afin qu'il ait une grande gloire; et il fait connaître
cette dernière quant à trois choses.
- D'abord par rapport à lui-même, et c'est pourquoi il dit: tu imposeras sur
lui gloire et grande beauté; en vérité la beauté a recouvert le
Christ dans sa résurrection, et la gloire dans l'admiration des autres. Ou bien
en tant qu'il en est revêtu pour lui-même: tu imposeras sur lui gloire et grande beauté.
- "Environne-toi de beauté, et élève-toi dans les airs, et sois glorieux."
- Ensuite par rapport aux autres, c'est pourquoi il dit: Car tu en feras
un objet de bénédiction pour les siècles, car à travers lui-même la
bénédiction est descendue sur tous les autres: "Dans ta postérité seront
bénies toutes les nations."
- Enfin par rapport à Dieu, c'est pourquoi il dit: tu le rempliras de joie avec ton visage, c'est-à-dire
Dieu réjouit le Christ homme de la joie éternelle. Et: avec ton visage, c'est-à-dire
dans la vision de ton visage: "Tu me rempliras de joie par ton visage."
Ou bien il a imposé la gloire sur lui, lorsqu'il a donné à ses saints le
pouvoir de faire des miracles; et cela "sur le Christ", parce que
tout se fait à la gloire du Christ, c'est-à-dire qu'il les a bénis, et qu'il
les a conduits à sa propre vision: "Vous verrez et votre coeur se
réjouira." - "Personne ne vous ravira votre joie."
8 Parce
que le roi espère dans le Seigneur et dans la miséricorde du Très-Haut il ne
sera pas ébranlé.
C. Plus haut le
psalmiste a annoncé l'exaltation du Christ roi, mais ici il est question du
mérite, car le Christ en tant qu'homme, et tout homme juste, ne met son
espérance qu'en Dieu: "Bienheureux l'homme qui espère dans le Seigneur, et
dont le Seigneur sera l'espérance." Et c'est pourquoi, parce qu'il a
espéré dans le Seigneur, il ne sera pas ébranlé. - "Ceux qui se
confient dans le Seigneur sont comme la montagne de Sion." Car l'espérance
en Dieu est un soutien: "Tous ceux qui espèrent en lui ne s'affaiblissent
point." C'est pourquoi cette espérance est comparée à une ancre. Mais il
faut noter qu'il y a trois raisons qui doivent susciter l'espérance dans le
Seigneur.
1. D'abord la
providence divine. L'homme n'a pas l'habitude d'espérer dans les choses vers
lesquelles son attention ne le porte pas. Mais notre attention s'applique à
Dieu, c'est pourquoi il dit: il espère dans le Seigneur, dont le propre est de
gouverner.
2. Ensuite c'est
la miséricorde: "Sa miséricorde s'étend d'âge en âge."
3. Enfin c'est la
puissance, et c'est pourquoi il dit du Très-Haut: "Celui qui habite dans
le secours du Très-Haut."
9 Que
ta main se trouve sur tous tes ennemis; que ta droite trouve tous ceux qui te
haïssent.
II. Plus haut le psalmiste a annoncé à l'avance
l'exaltation du roi, mais ici il traite de l'abaissement des ennemis. Et à cet
égard il fait deux choses.
A) Il expose
d'abord l'abaissement des ennemis.
B) Puis il
conclut: Élève-toi.
A. En traitant de
l'abaissement des ennemis il fait deux choses:
1) Il fait
d'abord connaître le châtiment des ennemis.
2) Puis leur
faute.
1. En faisant
connaître leur châtiment il fait deux choses:
a) Il expose en
premier lieu l'infliction du châtiment.
b) Puis le
châtiment proprement dit: Tu les rendras comme une fournaise, etc.
a. Celui qui
inflige le châtiment, c'est la main de Dieu, c'est pourquoi il dit: Que ta main se
trouve sur tous tes ennemis. Une version de Jérôme lit: "Inveniat manus
dexterae Dei inimicos odiens (Que la main de la droite de Dieu
trouve [tes] ennemis, etc.)"; mais cela semble être une répétition du
psalmiste, car la main et la droite de Dieu sont une même chose, tout comme
l'ennemi et celui qui hait. Et cela est habituel dans les psaumes. Ou bien, si
l'on introduit une distinction, toute sa droite est la main, mais ce n'est pas
toute la main qui est la droite. Donc, par la main de Dieu, on entend la
puissance opérative de Dieu, et cette main est une droite avec laquelle il
exalte les bons dans les biens spirituels: "La longueur des jours est dans
sa droite." Elle est appelée gauche, parce qu'elle punit les méchants, ou
dispense des biens temporels: "Dans sa gauche sont les richesses." Il
dit donc: Que
ta main, c'est-à-dire ta puissance, trouve, c'est-à-dire livre à
souhait, tous
tes ennemis. - "Avec toutes ces choses sa fureur n'a pas été
détournée, mais sa main est encore étendue." Et que ta droite, car le fait que
Dieu punisse les méchants concerne sa droite, en tant qu'une telle punition est
ordonnée au salut des élus. Ainsi donc en tant qu'il punit les méchants, on
parle de la main, et en tant qu'il l'ordonne au bien des justes, on parle de la
droite. Ou bien, il est la droite, le Christ est la main, c'est pourquoi il est
écrit: Que ta
main, c'est-à-dire le Christ, trouve, c'est-à-dire reconnaisse dans le bien ceux
qui sont tes amis, à savoir les nations: "Ils m'ont trouvé ceux qui ne
m'ont pas cherché." Ou bien dans le mal: trouve, etc., c'est-à-dire
reconnaisse, tes
ennemis, c'est-à-dire les Juifs au jugement, lorsqu'il viendra pour
le jugement: "Ils verront le Fils au jugement", lorsqu'il viendra
pour le jugement: "Ils verront le Fils de l'homme venant dans une nuée,
avec une grande puissance et une grande majesté." Et que ta droite, c'est-à-dire ton
fils, trouve,
c'est-à-dire punisse, tous ceux qui te haïssent.
10 Tu
les rendras comme une fournaise de feu, au temps de ton visage; le Seigneur
dans sa colère les remplira de trouble, et un feu les dévorera.
b. Le psalmiste
expose ici le châtiment des ennemis.
- Et d'abord quant aux maux qui leur sont infligés.
- Ensuite quant aux biens qui leur sont ôtés: leur fruit.
- Il expose successivement trois choses concernant leur châtiment: et
si on applique cela au sens mystique, l'évidence apparaît, car au jugement
dernier trois choses auront lieu.
Il y aura d'abord un feu embrasant la surface du monde: "Il
embrasera tout autour ses ennemis", c'est pourquoi il dit: Tu les rendras
comme une fournaise de feu, c'est-à-dire au temps de ton visage, c'est-à-dire
du Christ, au temps où il apparaîtra pour le jugement: "Que de ton visage
émane mon jugement; que tes yeux voient l'équité." Et il dit: comme une
fournaise, comme s'ils étaient oppressés par le feu: "Comme
l'herbe qui est aujourd'hui et qui demain sera jetée dans le four." Ou
bien: comme
une fournaise, contenant en soi du feu; et à travers cela on
comprend le feu dont les méchants souffrent intérieurement à cause de leur
mauvais désir et de leur irritation. La bonne affection est un bon feu: "D'en
haut il a envoyé un feu dans mes os, et il m'a châtiée; il a tendu un filet à
mes pieds, et il m'a fait tomber en arrière; il m'a rendue désolée, accablée de
chagrin tout le jour." La mauvaise affection est un mauvais feu: "Un
feu est tombé sur eux, et ils n'ont pas vu le soleil", c'est-à-dire qu'ils
brûlent toujours dans la conscience de leur impiété: "Tous sont adultères,
semblables à un feu allumé par le boulanger." Ils sont tous adultères la
plupart de ceux qui s'allient à Dieu de manière désordonnée. Le diable est un
boulanger rôtisseur qui fournit de mauvaises pensées, comme le boulanger
s'occupe de son bois à brûler: "Notre peau comme un four a été brûlée par
les ardeurs de la faim." Et cela, au temps de ton visage, c'est-à-dire au temps
de ta manifestation au jugement.
Ensuite est exposée la sentence du jugement au cours de laquelle il
reprochera aux impies leurs péchés, et proférera la sentence de damnation, soit
de manière vocale, soit de manière mentale. Et c'est pourquoi le Seigneur dans
sa colère les remplira de trouble, c'est-à-dire jettera le trouble
de sa tristesse sur les maux perpétrés, et sur les biens enlevés.
Enfin ils seront enveloppés par le feu, c'est
pourquoi il dit: et
un feu les dévorera. - "Un feu qui ne s'allume point les
dévorera", c'est-à-dire non par un souffle humain, mais il sera allumé par
la puissance divine; c'est pourquoi une version de Jérôme lit: "Deiiciet eos (Il
les précipitera)."
Toutes ces choses peuvent assez bien convenir à David.
11 Tu
feras disparaître leur fruit de la terre et leur semence d'entre les fils des
hommes.
- Le psalmiste expose ici la privation des
biens. Parmi les biens que les hommes possèdent en ce monde, il en est certains
dont ils désirent jouir en cette vie, et d'autres qu'ils désirent laisser après
eux; or ils perdront les uns et les autres.
Aussi dit-il à propos des premiers biens: Tu feras disparaître leur fruit de la
terre, fruit dont ils recherchaient la jouissance: "Vaine est
leur espérance, leurs travaux sont sans fruit et leurs oeuvres inutiles."
- "Quel fruit avez-vous donc tiré alors des choses dont vous rougissez
maintenant ? Car leur fin, c'est la mort."
Au sujet des seconds biens il dit: leur semence, c'est-à-dire périra, d'entre les fils
des hommes, c'est-à-dire de la société des saints: "Je perdrai
le nom de Babylone, et les restes et le germe, et la race, dit le Seigneur."
- "Toute oeuvre corruptible à la fin disparaîtra." - "Car la fin
d'une nation inique est cruelle."
12 Parce
qu'ils ont fait tomber des maux sur toi; ils ont conçu des desseins qu'ils
n'ont pu rendre fermes. 13 Parce que tu leur feras tourner le dos; tu prépareras
leur visage avec ce qui te reste.
2. Le psalmiste
exposé ici la faute des pécheurs, et cette faute sera décrite à propos de deux
choses.
a. D'abord quant
à l'effort de leur entreprise; et à ce sujet il dit ici: Parce qu'ils ont fait tomber, etc., car
bien qu'ils ne puissent pas le faire, ils s'efforcent cependant, autant qu'ils
le peuvent, de causer des maux: "Ils me rendaient le mal pour le bien."
Ou bien: ils
ont fait tomber, car les maux qui les menacent, ils veulent les
causer aux autres. Or un double mal menaçait les Juifs, à savoir le mal du
châtiment; et ils se sont efforcés de faire retomber cela sur le Christ,
lorsque de crainte que les Romains n'enlèvent leur pouvoir, ils tuèrent le
Christ. Puis le mal de la faute les menaçait: "Vous, vous êtes issus du
diable votre père", et ils fulminaient cela contre le Christ lorsqu'ils
disaient: "Ne disons-nous pas avec raison que tu es un Samaritain, et que
tu as un démon ?" Eux-mêmes étaient démoniaques, et ils chargeaient le
Christ de péché.
b. Ensuite la
faute sera décrite quant à l'effort de leur dessein, c'est pourquoi il dit: ils ont conçu
des desseins, etc., c'est-à-dire ils ont pensé qu'ils
détruiraient sa foi: "Ils ont formé contre moi des conseils, disant:
"Mettons du bois dans son pain, rayons-le de la terre des vivants, et que
son nom ne soit plus rappelé dans la mémoire."" À propos de ce bois
il est écrit: "Béni est le bois par lequel est faite la justice";
mais ils n'ont pas rendu ferme, c'est-à-dire n'ont pu accomplir leur dessein: "Formez
un dessein, et il sera dissipé; dites une parole, et elle ne sera pas exécutée,
parce qu'avec nous est Dieu." Pourquoi ? Parce qu'"il n'y a pas de
dessein contre le Seigneur". Et il donne une raison à ce qui vient d'être
dit, à savoir pourquoi les contradicteurs n'ont pas rendu ferme leur dessein: Parce que tu
leur feras tourner le dos. La version iuxta Hebraeos de Jérôme est
plus claire: "Quoniam pones eos humerum, fines tuos firmabis contra
facies eorum (Tu leur feras tourner l'épaule, tu affermiras tes
limites contre leur visage)." Il arrive de deux manières que des ennemis
ne rendent pas fermes leurs desseins contre quelqu'un. Selon une première
manière, s'ils sont vaincus par lui. Selon une autre manière, si les limites
des ennemis ne sont pas fermes; et c'est pourquoi il dit: ils n'ont pu rendre ferme leur
conseil. Parce
que tu leur feras tourner le dos, c'est-à-dire ils fuiront devant
toi. De même ces mots de la version iuxta Hebraeos: "Tu affermiras tes
limites contre leur visage", se comprennent au sens spirituel en
l'appliquant au Christ, dont personne ne peut violer les limites: "Nul ne
les ravira de ma main." Et dans notre version on lit: "In reliquiis
tuis praeparabis vultum eorum (Tu prépareras leur visage avec ce qui
te reste)", c'est-à-dire contre leur visage, selon la Glose.
Plus haut le psalmiste a exposé le châtiment futur des méchants, mais
ici il expose leur châtiment présent. Il y a un double châtiment spirituel qui
est dans l'âme, c'est-à-dire quant à sa séparation de Dieu, et son attachement
au mal.
Concernant sa séparation de Dieu il dit: toi, selon ta providence, tu leur feras
tourner le dos.
Concernant son attachement au mal il dit: tu prépareras leur visage avec ce qui te
reste. Et cela s'explique de différentes manières, selon la Glose. Selon
une première manière, à propos des choses que le Christ a abandonnées, à savoir
les biens temporels qu'il méprisa: "Mon royaume n'est pas de ce monde",
car tu abandonneras leur visage au désir des choses temporelles, c'est-à-dire
tu prépareras leur intention de telle sorte que pour ce motif ils tuent le
Christ, comme lorsqu'ils dirent: "Les Romains viendront et ruineront notre
pays et notre nation." Ou bien: avec ce qui te reste, c'est-à-dire avec les
nations que tu laisses à convertir: "C'est en lui que les nations mettront
leur espérance." tu prépareras leur visage, c'est-à-dire ta
connaissance, qui leur appartient, à savoir aux Juifs, et qui leur a été
promise. On appelle restes du Christ les derniers moments de sa vie, c'est-à-dire
sa Passion et sa mort, et en ces restes leur intention mauvaise fut préparée en
vue de sa Passion. Ou bien, il s'agit de la préparation de leur visage dans le
bien, c'est-à-dire dans les restes des Juifs qui se convertiront: "Le
reste sera sauvé." Et bien qu'ils te tournent le dos, cependant les restes
se convertiront et te connaîtront.
14 Élève-toi,
Seigneur, dans ta puissance; nous chanterons et nous célébrerons tes hauts
faits.
B. Le psalmiste
expose ici la conclusion.
1) Et il demande
d'abord ce qui relève de Dieu.
2) Puis il promet
ce qui relève de notre côté.
1. Ainsi dit-il: Élève-toi,
Seigneur, dans ta puissance, c'est-à-dire afin qu'en elle le roi se
réjouisse: "Que ta main s'élève, et qu'ils ne voient pas; qu'ils voient et
qu'ils soient confondus, ceux qui sont jaloux de ton peuple, et qu'un feu
dévore tes ennemis." Mais selon le sens mystique: Elève-toi, ô Christ dans ta
résurrection, qui se fera dans ta puissance. - "J'ai le pouvoir de
déposer mon âme, et pouvoir de la reprendre", par la résurrection et
l'ascension. Elève-toi,
ce qui se fera dans ta puissance. - "Marchant dans la
grandeur de sa puissance."
2. Et nous, nous chanterons,
c'est-à-dire intérieurement, et nous célébrerons, extérieurement, tes hauts faits.
Ou bien: nous chanterons, c'est-à-dire nous prêcherons
et nous annoncerons l'excellence de ton pouvoir: "Afin que vous annonciez
les hauts faits de celui qui des ténèbres vous a appelés à son admirable
lumière."
1 Pour la fin. Pour l'assomption.
2 Dieu, mon Dieu, tourne-toi vers moi:
pourquoi m'as-tu abandonné ? Loin de mon
salut [sont] les paroles de mes fautes.
3 Mon Dieu, je crierai pendant le jour,
et tu ne m'exauceras pas: et pendant la nuit, et ce n'est pas une folie pour
moi.
4 Mais toi, tu habites dans un
sanctuaire, [au milieu de] la louange d'Israël.
5 En toi ont espéré nos pères: ils ont
espéré, et tu les as libérés. 6 Vers toi ils ont crié, et ils ont été sauvés:
en toi ils ont espéré, et ils n'ont point été confondus.
7 Mais moi, je suis un ver et non un
homme; l'opprobre des hommes et l'abjection du peuple. 8 Tous ceux qui m'ont vu
m'ont tourné en dérision: ils ont parlé de leurs lèvres, et ils ont hoché la
tète.
9 Il a espéré dans le Seigneur, qu'il le
délivre; qu'il le sauve, puisqu'il l'aime.
10 Car c'est toi qui m'as tiré du ventre
[de ma mère, tu es] mon espérance dès les
11a mamelles de ma mère, sur toi j'ai
été déposé dès le sein [maternel].
11b Depuis le ventre de ma mère, tu es
mon Dieu; 12a ne t'éloigne pas de moi.
12b Parce que la tribulation est proche,
parce qu'il n'y a personne qui me porte secours.
13 De jeunes taureaux en grand nombre
m'ont environné; des taureaux gras m'ont assiégé. 14 Ils ont ouvert sur moi
leur gueule comme un lion ravisseur et rugissant.
15 Je me suis épanché comme de l'eau, et
tous mes os ont été disloqués. Mon coeur est devenu comme une cire fondant au
milieu de mon ventre.
16 Ma force s'est desséchée comme un
tesson, et ma langue s'est attachée à mon palais; et tu m'as conduit à la
poussière de la mort.
17 Parce que des chiens nombreux m'ont
environné; le conseil des méchants m'a assiégé. Ils ont percé mes mains et mes
pieds; 18a ils ont compté tous mes os.
18b Mais ils m'ont eux-mêmes considéré
et regardé attentivement. 19 Ils se sont partagé mes vêtements, et sur ma robe
ils ont jeté le sort.
20 Mais toi, Seigneur, n'éloigne pas ton
secours de moi, prends soin de ma défense.
21 Arrache, ô Dieu, mon âme à l'épée à
double tranchant; et mon unique à la griffe du chien.
22 Sauve-moi de la gueule du lion, et ma
faiblesse des cornes de licornes.
23 Je raconterai ton nom à mes frères;
je te louerai au milieu de l'assemblée.
24 Vous qui craignez le Seigneur,
louez-le, race entière de Jacob, glorifiez-le.
25a Que toute la race d'Israël le craigne.
25b Parce qu'il n'a pas méprisé ni
dédaigné la supplication du pauvre; et qu'il n'a point détourné sa face de moi,
et que, lorsque je criais vers lui, il m'a exaucé.
26 Devant toi sera ma louange dans la
grande assemblée; j'accomplirai mes voeux en présence de ceux qui le craignent.
27 Les pauvres mangeront et seront
rassasiés; et ils loueront le Seigneur, ceux qui le recherchent; leurs coeurs
vivront dans les siècles des siècles.
23. Ils se souviendront et se
convertiront au Seigneur tous les confins de la terre; et toutes les familles
des nations adoreront en sa présence.
29 Farce que la royauté est au Seigneur;
et lui-même dominera sur les nations.
30 Tous les riches de la terre ont mangé
et ont adoré; en sa présence tomberont tous ceux qui descendent dans la terre.
31 Et mon âme vivra pour lui; et ma
postérité le servira.
32 La génération qui doit venir sera
annoncée au Seigneur; et les cieux annonceront sa justice au peuple qui naîtra,
[et] que le Seigneur a fait.
1 Pour
la fin. Au vainqueur pour le réconfort matinal.
2 Dieu,
mon Dieu, tourne-toi vers moi: pourquoi m'as-tu abandonné ? Loin de mon salut
[sont] les paroles de mes fautes.
Dans les psaumes précédents, il semble qu'il soit d'abord question de
la tribulation que David eut à souffrir de la part de son fils et de Saül; ici
maintenant, dans cette troisième décade, il s'agit de la persécution qu'il eut
à subir de la part du peuple tout entier, qui le rejeta sur l'ordre de Saül.
Cette troisième décade se divise en trois parties.
Dans la première partie, le psalmiste raconte sa tribulation; dans la
deuxième, il expose sa prière à Dieu pour sa libération; dans la troisième, il
exprime l'action de grâce.
La deuxième partie débute avec le psaume 24: "Vers toi, Seigneur,
j'élève mon âme"; la troisième avec le psaume 28: "Rapportez au
Seigneur."
Dans la première partie de cette troisième décade le psalmiste fait
deux choses: il commence par exposer sa tribulation; puis il montre comment il
obtient le secours de Dieu dans sa tribulation: "Le Seigneur me conduit."
Ainsi qu'on l'a dit plus haut, il en va ici comme dans les autres
prophéties: il s'agit de certains personnages alors présents, mais qui étaient
des figures du Christ, et de certains faits relevant de la prophétie elle-même.
Et il arrive donc parfois que l'on présente certaines choses concernant le
Christ, qui échappent aux limites de l'histoire. Et parmi elles, il y a ce
psaume-ci, qui traite d'une manière spéciale de la Passion du Christ. Et tel
est justement son sens littéral. C'est spécialement ce psaume que le Christ a
dit lors de sa Passion, lorsqu'il s'écria: "Eli, Eli, lema sabaqthani", ce
qui veut dire: "Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ?",
selon les premiers mots du même psaume. Aussi, bien que ce psaume, au sens
figuré, soit dit de David, il doit spécialement être référé au Christ, au sens
littéral. Au synode de Tolède, un certain Théodore de Mopsueste, qui
interprétait ce psaume littéralement en le référant à David, a été condamné, à
cause de cette erreur et de beaucoup d'autres. C'est donc en référence au
Christ qu'il faut l'exposer.
On doit donc faire remarquer ici que cinq psaumes traitent de la
Passion du Christ de façon très développée: ce psaume-ci en est le premier, les
autres n'en donnent que de brèves allusions. Le deuxième est celui-ci: "Juge,
Seigneur, ceux qui me font du mal"; le troisième: "Exauce, ô Dieu, ma
prière, et ne méprise pas ma supplication"; le quatrième: "Sauve-moi,
ô Dieu, parce que les eaux sont entrées dans mon âme"; le cinquième: "Dieu,
ne tais pas ma louange." Et cela, au sens mystique, à cause des cinq
blessures du Christ, ou encore des cinq effusions de sang. Et dans tous ces
psaumes, la manière de procéder est la même: ils commencent par une plainte et
finissent avec le salut des peuples; car c'est à partir de la Passion du Christ
que s'est opéré le salut pour tous les hommes.
Le titre de ce psaume est, selon Jérôme: "Victori pro cervo matutino (Au
vainqueur pour le cerf matinal)"; selon notre version: "Victori pro
assumptione vel cerva matutina (Au vainqueur pour le réconfort
matinal ou pour la biche de l'aurore)." Dans ce psaume, il est question
principalement de la Passion du Christ, et secondairement de la résurrection -
mais le titre se réfère à la résurrection - parce que c'est par elle que l'on
comprend la Passion, et la Passion est elle-même ordonnée à la résurrection. Un
peu comme si je dis: cet homme-là est affranchi, indiquant du même coup qu'il a
été esclave. Ainsi donc ce psaume, en se référant à David, se réfère en même
temps au Christ. Et il est destiné à l'assomption, c'est-à-dire à la
résurrection, qui a lieu le matin. "Pour la biche", c'est-à-dire pour
la nature humaine; ou bien "pour le cerf matinal", c'est-à-dire pour
le Christ: "Que j'éveille l'aurore." Ce titre fait allusion au temps
où David allait errant et se cachait dans les déserts comme un cerf; c'est
pourquoi il est dit plus haut: "Il a disposé mes pieds comme ceux des
cerfs." C'est donc en raison de cette tribulation, qui figurait la passion
du Christ, que l'on a donné un tel titre à ce psaume. On comprend encore mieux
cette référence au Christ si l'on pense que le cerf signifie la nature humaine
dans le Christ; de même que le cerf traverse les buissons d'épines sans se
blesser les pieds, ainsi le Christ a traversé cette vie présente sans aucune
souillure. Pareillement, le cerf sait très bien sauter; ainsi le Christ est
monté de la fosse de la mort à la gloire de la résurrection. C'est pourquoi il
a été appelé cerf, et "cerf matinal" parce qu'il ressuscita le matin.
Ce psaume se divise en trois parties:
I) La première rapporte la plainte.
II) La deuxième fait le récit de la Passion: 7 Mais moi, je
suis un ver;
III) La troisième expose la demande de libération:
20 Mais toi,
Seigneur, n'éloigne pas ton secours de moi.
I. La première
partie contient trois considérations: la première concerne la plainte ou la
question; la deuxième en est l'exposition: Loin de mon salut; la troisième en explique la
raison: 4 Mais
toi, tu habites dans un sanctuaire, etc. La version que nous utilisons
est celle des Septante. Mais dans le texte grec et le texte hébraïque, on ne
trouve pas les mots: Tourne-toi vers moi; on lit seulement: "Dieu,
mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ?", car le Christ a prononcé ces
paroles sur la croix. Mais entre ces mots on a intercalé: respice (regarde).
Le psalmiste expose donc la demande lorsqu'il dit: Dieu, mon Dieu. S'il répète deux
fois Dieu, c'est
pour marquer une plus grande certitude: "Et si le songe [de Pharaon] s'est
renouvelé deux fois, c'est que la chose est bien décidée de la part de Dieu."
tourne-toi
vers moi, c'est-à-dire aie pitié de moi: "Tourne-toi vers moi,
aie pitié de moi, parce que moi je suis solitaire et pauvre." pourquoi m'as-tu
abandonné ? Ce furent les paroles du Christ en croix. Ces mots ont
été pour Arius une occasion d'erreur, à savoir que dans la mort du Christ la
divinité a été séparée de l'humanité. Selon lui, c'est de cela que se plaint le
Seigneur lorsqu'il dit: "Pourquoi m'as-tu abandonné ?" Mais cela est
faux. Il faut savoir, en effet, que l'on dit de quelqu'un qu'il est abandonné
par Dieu lorsque Dieu ne lui est pas présent, tout comme il paraît être présent
quand il le protège et exauce ses demandes: "Mais mon Seigneur est avec
moi comme un guerrier puissant; mes adversaires vont trébucher, vaincus."
En vérité, le Christ ne fut pas exempt de souffrance corporelle lors de sa
Passion, et de cette manière on peut dire qu'il fut pour un instant abandonné,
c'est-à-dire exposé à la passion: "Dieu qui n'a pas épargné même son
propre Fils, mais qui l'a livré pour nous tous, comment ne nous aurait-il pas
donné toutes choses avec lui ?" De même, cette demande: "Père, s'il
est possible, que cette coupe s'éloigne de moi", comme on le rapporte en
Matthieu, ne semble pas avoir été exaucée, parce qu'elle venait de la partie
charnelle: "Un court instant, je t'avais délaissée", c'est-à-dire je
t'ai exposé à la passion, "mais, ému d'une immense pitié, je te
rassemblerai" c'est-à-dire dans la résurrection. Ainsi donc il dit: pourquoi m'as-tu
abandonné ?, c'est-à-dire pourquoi m'as-tu exposé à la passion ?
A. Loin de mon
salut [sont] les paroles de mes fautes. Ici commence l'exposition de
la plainte ou question; et d'abord en général, puis en détail: Mon Dieu, je
crierai.
Il a dit: tu m'as abandonné, et cela parce que les paroles de
mes fautes sont loin de mon salut, de moi vrai homme de par la
nature humaine que je possède: "Il est loin des impies le salut." Ces
expressions: tu m'as abandonné, loin, et pourquoi, ne semblent pas
convenir à l'homme juste ou à l'homme de justice; elles paraissent être plutôt les paroles de
mes fautes, c'est-à-dire de l'homme pécheur, et elles montrent que
je ne suis pas un juste, mais un pécheur. Ainsi donc le Christ a proféré ces
mots en personnifiant le pécheur, ou encore l'Église. Et c'est là une des
règles posées plus haut au début du psautier: les choses qui concernent les
membres, le Christ les dit de lui-même, pour cette raison que le Christ et
l'Église forment comme un seul corps mystique; conséquemment, ils parlent comme
une même personne: le Christ se transforme (transformat se) en Église et l'Église en
Christ: "Ainsi nous, à plusieurs, nous ne formons qu'un seul corps dans le
Christ." Or dans les membres du Christ, c'est-à-dire dans l'Église, on
trouve des fautes ou des péchés; mais dans la Tête, c'est-à-dire dans le
Christ, il n'y a aucune faute, sinon seulement une similitude (un semblant) de
péché: "Dieu a envoyé son Fils avec une chair semblable à celle du péché,
et en vue du péché, a condamné le péché dans la chair." - "Celui qui
n'avait pas connu le péché, il l'a fait péché pour nous, afin qu'en lui nous
devenions justice de Dieu." Au cours de sa Passion, le Christ a fait cette
prière à son Père: "Père, s'il est possible, que ce calice passe loin de
moi; toutefois, non ma volonté, mais la tienne." Mais ces paroles du
Christ en prière peuvent s'expliquer d'une double manière. D'abord, en ce sens
que le Christ les a proférées comme s'il avait tenu la place des membres
faibles de l'Église: il devait arriver en effet que certains de ces faibles
membres, devant l'imminence des souffrances à supporter, seraient saisis d'une
grande peur. D'une autre manière, en ce sens qu'il proféra cette demande au nom
de la faiblesse charnelle dans le Christ, laquelle, tout naturellement, craint
et fuit la mort. On peut donc dire que s'il a demandé d'être délivré, ce fut en
des mots qui provenaient, soit des membres dans lesquels la faute peut exister,
soit de la chair du Christ dans laquelle se trouve une similitude (un semblant)
de faute ou de péché, et c'est pourquoi il dit: les paroles, avec lesquelles
j'ai demandé d'être libéré, sont celles de mes fautes, c'est-à-dire les fidèles dont
les péchés sont la raison de ma Passion; ou encore, ces paroles sont celles de
la faible chair du Christ dans laquelle il existe une similitude (un semblant)
de faute, et elles sont loin du salut corporel, car le calice, ou la Passion,
n'est pas passé loin de moi comme je l'ai demandé. Autrement dit: je
n'obtiendrai pas le salut que je cherche à accomplir, si ma prière de demande
est exaucée: "Père, que ce calice passe loin de moi." Ainsi
s'explique la version qu'en donne Jérôme: "Longe a salute mea verba gemitus mei (Loin
de me sauver les paroles de mon gémissement)."
Augustin expose différemment ce passage, dans son livre De gratia novi
Testa-menti: "Ces paroles, par lesquelles je demande d'être
libéré de la passion et qui expriment ma plainte de me trouver livré à la
passion, elles sont loin de me sauver et de produire l'oeuvre de salut que je
me dois d'accomplir en ma qualité de Dieu." - "C'est lui qui sauvera
son peuple de ses péchés." Et il donne la raison pour laquelle il est
abandonné. Il y a en effet deux sortes de salut: l'un, corporel, commun aux
hommes et aux bêtes: "Tu sauveras, Seigneur, les hommes et les animaux";
l'autre, spirituel et éternel, qui est propre au Christ. S'il dit ainsi: mon salut, c'est
parce que le salut du Nouveau Testament a été opéré par le Christ: "Israël
a été sauvé par le Seigneur d'un salut éternel." Et ces deux types de
salut diffèrent en ceci que le premier était attendu dans l'Ancien Testament,
tandis que le second est recherché dans le Nouveau. Pourquoi alors a-t-il été
abandonné, exposé à la passion ? c'est qu'il est venu dans le Nouveau Testament;
et les paroles qu'il profère maintenant sont loin de mon salut, spirituel,
parce qu'elles visent le salut corporel.
Sont loin. Le Christ parle en la personne des pécheurs,
qui parfois à cause de leurs fautes sont délaissés par Dieu; c'est pourquoi il
dit: les
paroles de mes fautes, c'est-à-dire des pécheurs, sont loin du
salut, spirituel, car la raison pour laquelle les pécheurs ne sont
pas sauvés, c'est qu'ils sont pécheurs: "Dieu n'exauce pas les pécheurs."
Ou encore, selon Augustin, les mots loin de mon salut signifieraient: "En me
délaissant, tu m'as éloigné de mon salut, corporel; et ces paroles sont celles
de mes fautes."
3 Mon
Dieu, je crierai pendant le jour, et tu ne m'exauceras pas: et pendant la nuit,
et ce n'est point une folie pour moi.
B. Ici, le
psalmiste expose sa plainte en détail. Les mots jour et nuit peuvent être interprétés de
deux manières. Au sens littéral, ils signifient le jour et la nuit temporels;
et ainsi crier veut dire: crier assidûment; c'est pourquoi il dit: tu ne
m'exauceras pas, autrement dit: bien que je crie continuellement, je
ne suis pas exaucé. Une version de Jérôme lit comme suit: "Et nocte et non
est silentium mihi (Et de nuit et il n'y a pas pour moi de silence)";
autrement dit: je ne cesse de prier et le jour et la nuit. Dans un autre sens,
on peut entendre par le jour la prospérité, et par la nuit l'adversité. Et
selon Augustin, les paroles (prières) qui sont dites en vue du salut corporel
sont proférées (faites) le jour, c'est-à-dire pour des prospérités, et la nuit
pour que cesse le malheur. Ainsi le Christ crie le jour quand il est dans la
prospérité, et il n'est pas exaucé, parce qu'il demande alors de ne point
perdre sa prospérité; et il crie la nuit, afin que disparaisse l'adversité et
elle ne disparaît pas.
Cependant il est dit du Christ qu'"il a été exaucé pour son humble
respect."
Il faut considérer ici que la prière est un acte de la raison, et alors
toute prière du Christ procédant du jugement de la raison est exaucée. Il en va
autrement de la prière exprimant la faiblesse de la nature passible et le
mouvement de ses membres; et dans ce cas, lui-même (le Christ) n'a pas voulu
que sa prière soit exaucée: "Maintenant, mon âme est troublée, et que
dirai-je ? Père, sauve-moi de cette heure. Mais c'est pour cela que je suis
venu en cette heure." Et pourquoi il ne fut exaucé ni dans les moments
favorables, ni dans les malheurs, il le montre lorsqu'il dit: et ce n'est
point une folie pour moi. En effet, cette prière ne vise pas le
salut du Nouveau Testament, que moi je cherche à obtenir et qui est le salut
éternel, mais elle concerne le salut de l'Ancien Testament. Donc pour que tu
apprennes cette sagesse, sache bien que le salut temporel n'appartient pas au
Nouveau Testament, mais à l'Ancien. Voilà la sagesse, qui est folie aux yeux
des hommes: "Nous, nous sommes fous à cause du Christ." Et encore: "N'a-t-il
pas frappé de folie la sagesse de ce monde ?"
4
Mais toi, tu habites dans un sanctuaire, [au milieu] de la louange d'Israël.
C. Plus haut, le
psalmiste a exposé la question du Christ s'interrogeant sur la cause de sa
Passion; ici il montre qu'une telle question est raisonnable, et qu'il est
raisonnable qu'il ait été délaissé.
1) Il dit d'abord
que cela est étonnant de la part de Dieu.
2) Puis il montre
cela en s'appuyant sur une expérience ancienne: En toi ont espéré.
1. Ces mots se
réfèrent à ce qui précède selon trois explications.
a. La première,
c'est qu'il est loin du salut temporel, et c'est ainsi qu'a lieu cette
séparation. En conséquence, cela s'avère étonnant de la part de Dieu pour deux
raisons.
- D'abord, puisque Dieu habite dans un sanctuaire et qu'il ne nous
défend pas: "Si le Seigneur est avec nous, pourquoi tous ces maux nous
sont-ils arrivés ? Où sont ses merveilles que nous ont racontées nos pères ?"
Et c'est pourquoi il dit: Mais toi, tu habites dans un sanctuaire. - "Toi,
tu es au milieu de nous, Seigneur", mais il habite spécialement dans le
Christ.
- L'autre raison est que tout ce que nous avons de bien, tout cela
contribue à la louange de Dieu. Et c'est pourquoi si c'est bien pour nous, Dieu
est davantage loué par nous. Et d'où ce qui suit: louange d'Israël. - "Guéris-moi,
Seigneur, et je serai guéri; sauve-moi, et je serai sauvé, parce que ma
louange, c'est toi."
b. Selon une
autre explication: pourquoi m'as-tu abandonné ? C'est parce que les paroles de
mes fautes sont loin de mon salut, au sens spirituel; mais moi je
crie en vue du bien temporel, tandis que toi tu habites dans un sanctuaire,
puisque tu es la
louange d'Israël, et tu n'exauceras pas, car tu n'exauces que si
l'on crie en vue du salut éternel.
c. Ou bien, selon
une troisième explication, en tant que le Christ parle dans la personne du
pécheur, autrement dit: Tu es loin de mon salut, parce que tu n'habites pas
dans les pécheurs, mais dans [le] sanctuaire.
5 En
toi ont espéré nos pères; ils ont espéré, et tu les as libérés. 6Vers toi ils ont
crié, et ils ont été sauvés: en toi ils ont espéré, et ils n'ont point été
confondus.
2. Ici le
psalmiste expose une autre raison qui se fonde sur une coutume ancienne et sur
l'expérience grâce à laquelle les saints pères étaient libérés des tribulations
en invoquant Dieu; comme on le voit dans l'Exode, puisqu'ils ont été libérés de
la persécution des Égyptiens; et aussi à propos de Suzanne qui fut libérée de
l'injuste sentence des vieillards ~ et de Daniel qui fut libéré de la gueule ou
de la fosse des lions. Comment donc suis-je abandonné par toi, et ne suis-je
pas libéré de la Passion ? Le psalmiste fait donc mention de deux choses à ce
propos:
a) D'abord du mal
de l'affliction corporelle.
b) Puis du mal de
la confusion.
a. En ce qui
concerne le premier mal, les pères faisaient deux choses.
- Ils espéraient d'abord en lui; c'est pourquoi il dit: En toi, non
dans le monde, ont
espéré nos pères. - "Tu as espéré dans le Seigneur durant les
siècles éternels, dans le Seigneur puissant à jamais." et tu les as
libérés; et tel est le fruit de l'espérance, car tu les as libérés.
- Puis ils criaient, aussi dit-il: Vers toi ils ont crié, avec un grand élan du
coeur, et ils
ont été sauvés. - "Vers le Seigneur j'ai crié, et il m'a
exaucé."
b. En ce qui
concerne le second mal il dit: en toi ils ont espéré, et ils n'ont point été confondus.
Cependant il est écrit: "Il n'est point de confusion pour ceux qui
se confient en toi." Et encore: "L'espérance ne confond point."
On répondra en disant que les pères avaient en vue l'Ancien Testament
dans lequel on donnait des biens temporels; c'est pourquoi, afin de montrer que
la Providence divine dispense aussi les biens temporels, il les libère
également temporellement. Mais le Christ promet et donne des biens spirituels;
et afin de montrer que les biens temporels doivent être méprisés et les biens
éternels espérés, il a refusé la libération temporelle selon sa sagesse: et
cependant dans le Nouveau Testament certains ont été libérés temporellement, et
dans l'Ancien Testament certains ont été instruits par des peines spirituelles,
afin de montrer que Dieu est l'auteur des deux Alliances.
7 Mais
moi je suis un ver et non un homme; l'opprobre des hommes et l'abjection du
peuple. 8 Tous ceux qui m'ont vu m'ont tourné en dérision: ils ont
parlé de leurs lèvres, et ils ont hoché la tête.
II. Ici il expose la Passion.
A) Et il fait
d'abord mention de la confusion dont il a souffert.
B) Puis il
l'expose: Tous
ceux qui m'ont vu.
C) Enfin il en
donne la cause: Car
c'est toi qui m'as tiré, etc.
A. On peut lire
la première partie de deux manières.
1. Selon une
première manière, en tant qu'il fait d'abord mention d'un semblant de
confusion. Ensuite, en tant qu'il expose son opprobre.
Ainsi dit-il: ceux-là sont libérés, mais moi je ne suis pas délivré de
la confusion; mais je suis broyé avec mépris comme si j'étais un ver et non un
homme: "L'homme n'est que pourriture, le fils de l'homme un ver." - "Je
suis devenu la raillerie de tout mon peuple, leur chanson durant tout le jour."
Et comment, il l'explicite en disant: l'opprobre des hommes et l'abjection du peuple. - "Les
passants le blasphémaient, branlant la tête, et disant: "Ah ! toi qui
détruis le temple de Dieu et le rebâtis en trois jours, sauve-toi toi
même." Et ceux qui avaient été crucifiés avec lui, l'outrageaient de même.
"Il en a sauvé d'autres, et il ne peut se sauver lui-même."" - "Ayant
tressé une couronne d'épines, ils la mirent sur sa tête, et le couvrirent d'un
vêtement de pourpre." Et c'est pourquoi je suis devenu l'opprobre des
hommes, dans leurs paroles, ainsi qu'on l'a dit, et l'abjection
du peuple, parce qu'ils l'ont méprisé, et que l'ayant rejeté ils
demandèrent Barabbas. - "Tu as fait de moi un rebut parmi les peuples."
2. Selon une
seconde manière, en tant que cela regarde la dignité du Christ; car le ver
n'est pas engendré par un accouplement, mais de la terre à la faveur de la
seule chaleur du soleil: "C'est lui qui, comme le ver le plus tendre du
bois, tua huit cents hommes en une seule fois", selon les paroles du
deuxième livre des Rois. Ainsi le Christ fut-il engendré par la seule opération
du Saint-Esprit: "Le Seigneur accordera sa bonté, et notre terre donnera
son fruit." C'est pourquoi il dit: Mais je suis un ver et non un homme, à savoir
uniquement, mais aussi Dieu. Ou bien, selon cette interprétation d'Augustin:
Par homme, on
entend le vieil homme, c'est-à-dire Adam, qui fut homme sans être fils de
l'homme. Par ver
on entend le Christ, qui fut homme aussi bien que fils de l'homme,
c'est-à-dire de la Vierge; aussi dit-il: je suis un ver et non un homme, c'est-à-dire
se réjouissant des choses temporelles, mais bien fils de l'homme se réjouissant
des réalités spirituelles. l'abjection du peuple. Ceci ne varie pas dans
son explication.
B. Ensuite il
expose la moquerie:
1) Et il montre
d'abord comment elle est universelle.
2) Ensuite
comment elle est considérable.
1. Qu'elle est
universelle, il le montre en disant: Tous ceux qui m'ont vu m'ont tourné en dérision. -
"Durant tout le jour tous se moquaient de moi", c'est-à-dire les
peuples et les princes; et cet emploi du mot Tous s'entend pour tout le
peuple, c'est-à-dire pour figurer le mal.
2. Que la
raillerie a été considérable, il le montre, car ce fut en paroles, aussi dit-il:
ils ont parlé
de leurs lèvres. - "Les passants l'outrageaient." - "De
qui vous moquez-vous ? Contre qui ouvrez-vous la bouche et tirez-vous la langue
?" - "S'il est véritablement fils de Dieu, il l'assistera." De
même, ce fut en actions: et ils ont hoché la tête. - "Hochant la
tête et disant (c'est-à-dire en signe de dérision): "Il en a sauvé
d'autres, et il ne peut se sauver lui-même: s'il est le roi d'Israël, qu'il
descende maintenant de la croix, et nous croirons en lui.""
9 Il
a espéré dans le Seigneur, qu'il le délivre; qu'il le sauve, puisqu'il l'aime.
Il montre que ce sont ces paroles qu'ils prononçaient au milieu de sa
confusion: car ils lui reprochaient d'abord l'espérance qu'il mettait en Dieu;
aussi dit-il: Il
a espéré dans le Seigneur, qu'il le délivre. - "Il se confie en
Dieu, qu'il le délivre s'il le veut." Autrement dit: s'il avait espéré
dans le Seigneur, il l'aurait délivré, car plus haut il est dit aussitôt: En toi ont
espéré nos pères, [...] et tu les as libérés. Mais ils se sont
trompés, car il ne s'agissait pas du salut ou de la délivrance temporelle.
Ensuite ils outrageaient le Christ en disant qu'il n'était pas agréable à Dieu;
aussi dit-il: qu'il
le sauve, puisqu'il l'aime. - "Il se nomme Fils de Dieu."
10 Car
c'est toi qui m'as tiré du ventre [de ma mère, tu es] mon espérance, dès les
11a mamelles
de ma mère, sur toi j'ai été déposé dès le sein [maternel].
C. Il expose
ensuite la cause de sa confusion; et à cet égard il fait deux choses.
1) Il expose
d'abord la cause.
2) Puis il se
répand en prière: ne t'éloigne pas de moi.
1. La cause de la
moquerie relève habituellement de la sottise. Ainsi les mondains tiennent-ils
les hommes bons pour des sots, parce qu'ils ne mettent pas leur confiance dans
le monde: "Vous avez confondu le dessein du pauvre, parce que le Seigneur
est son espérance." En exposant cette cause il fait deux choses.
a) Il expose
d'abord le bienfait divin qui meut l'espérance.
b) Ensuite
l'espérance elle-même: mon espérance, autrement dit: ils se moquent de
moi, parce que mon espérance est en toi; et c'est pourquoi il dit: Car c'est toi
qui m'as tiré du ventre [de ma mère].
a. Il fait
d'abord mention de ce qui concerne la tête. Tous les êtres qui naissent
naturellement et universellement du sein d'une mère sont créés par l'action
divine, et elle est elle-même cause de toutes choses: "Lui qui m'a mis a
part dès le sein de ma mère, et m'a appelé par sa grâce." Mais il souligne
spécialement que le Christ a été tiré du sein de sa mère, car il a été conçu de
manière extraordinaire, et né sans semence, la virginité de la mère ayant été
préservée: tel est le bienfait, et il en résulte l'espérance.
b. À ce propos il
expose trois choses:
- D'abord l'espérance elle-même.
- Puis sa perfection.
- Enfin sa raison.
- Ainsi dit-il: mon espérance dès les mamelles de ma mère, c'est-à-dire
toi tu es mon
espérance, grâce à laquelle je suis homme et j'ai sucé les mamelles de
ma mère; car lorsque le Verbe était auprès de Dieu, il ne lui
convenait pas d'espérer: "Mon espérance depuis ma jeunesse."
Cependant, le Christ a joui de son libre arbitre au premier instant de sa
conception, donc il a espéré dès ce moment. Il faut répondre en disant que les mamelles, c'est-à-dire
le lait des mamelles fut préparé au moment même où il fut conçu, aussi les mamelles se
réfèrent-elles à sa conception proprement dite.
sur toi j'ai été
déposé dès le sein [maternel].
Cependant, si après être sorti du sein maternel il a été déposé sur Dieu, alors
avant de sortir du sein, il ne fut pas déposé sur Dieu.
- On répondra que celui-ci a reposé dans l'un et l'autre cas, car il ne
s'appuie pas sur lui-même, mais sur Dieu: "Rejetant sur lui toute votre
sollicitude"; ainsi j'ai été déposé dès le sein, parce que je
m'appuie sur toi seul. Et voilà pour la description de la perfection de
l'espérance.
11b Depuis
que j'étais dans le ventre de ma mère, tu es mon Dieu; 12a ne t'éloigne pas de moi.
- Le psalmiste expose ici la raison de l'espérance, autrement dit: en
toi j'ai espéré, car je t'ai toujours regardé comme Dieu: "Mon coeur a
espéré en Dieu, et j'ai été secouru"; et c'est pourquoi il dit: tu es mon Dieu
depuis le ventre de ma mère, c'est-à-dire que depuis celui-ci je
suis devenu homme, car auparavant le Fils de Dieu n'était pas homme. Mais si on
explique cela à propos des membres du Christ, l'acte de déposer ou de tirer se
fait de l'un à l'autre selon la chair; tandis que le Christ tendait toujours
vers Dieu. Mais le psalmiste parle des membres qui selon la chair sont toujours
dans le ventre charnel, c'est-à-dire dans les convoitises du monde; cependant,
par l'intermédiaire de Dieu ils sont arrachés à de telles convoitises, et sont
déposés sur Dieu, pour qu'ils n'espèrent et ne cherchent rien d'autre que Dieu.
2. Ensuite il
conclut par une prière lorsqu'il dit: ne t'éloigne pas de moi, c'est-à-dire en
défendant ou ma personne, ou mes membres quant aux réalités spirituelles,
autrement dit: tu
m'as abandonné, en m'exposant par ton secours spirituel.
12b Parce
que la tribulation est proche, parce qu'il n'y a personne qui me porte secours.
Ce mot parce que, selon Jérôme, marque le début du
verset suivant; et c'est pourquoi il peut, comme on l'a dit, être lu en le
reliant aux versets précédents, tout comme avec les suivants. Et comme le dit
Jérôme, on lit ce verset d'une manière plus juste en le reliant avec les
suivants; car ce psaume, en personnifiant le Seigneur et en exposant sa
Passion, mentionne d'abord sa prière, puis le déroulement de sa passion: De jeunes
taureaux en grand nombre m'ont environné, etc.
Touchant sa prière il fait deux choses:
a) Il commence
par la formuler.
b) Puis il montre
la nécessité de prier: Parce que la tribulation.
a. Ainsi dit-il: tu es mon Dieu
dès le ventre de ma mère, et c'est pourquoi je prie pour que tu ne t'éloignes
pas, car la tribulation est proche. Ces paroles en
effet doivent être interprétées dans le sens où le Christ parle dans la
personne de ses membres, afin que Dieu ne les abandonne pas dans leur
tribulation: "Dieu est fidèle, et il ne souffrira pas que vous soyez
tentés au-delà de vos forces." - "Ne me rejette pas au temps de ma
vieillesse; lorsque ma force me manquera, ne m'abandonne pas. Parce que mes
ennemis ont parlé de moi, et ceux qui observaient mon âme ont tenu conseil
ensemble, disant: "Dieu l'a délaissé, poursuivez-le, saisissez-le: parce
qu'il n'est personne qui le délivre.""
b. Mais il ne dit
pas cela pour soi. En effet la nécessité est double: la tribulation qui est
imminente, et le secours qui fait défaut; c'est pourquoi il dit: la tribulation
est proche, c'est-à-dire dans le temps: "Voici que l'heure
approche, et le Fils de l'homme sera livré aux mains des pécheurs."
Mais on objectera que puisque ces paroles sont
proférées par le Christ déjà en croix, comment dit-il: Parce que la tribulation est proche, etc. ?
Nous pouvons dire que David change les temps. Augustin, lui, a résolu
cela autrement. Parfois, dit-il, la tribulation est proche, parfois elle est
éloignée; le corps est proche de l'âme, tandis que les biens extérieurs sont
éloignés. Donc, lorsqu'un malheur s'abat dans les choses extérieures, la
tribulation n'est pas proche; mais lorsqu'il atteint le corps lui-même, alors
elle est proche et toute proche, et il est impossible que l'homme ne la
ressente pas. Le Christ, lui, était affligé dans son propre corps: "J'ai
trouvé l'affliction et la douleur." De même le secours fit défaut: "Car
il n'y a personne qui me porte secours". Et c'est pourquoi il faut
s'appliquer sans relâche à la prière: "J'ai regardé autour de moi, et il
n'y avait personne pour m'aider; j'ai cherché, et je n'ai pas trouvé de secours",
car les apôtres, l'ayant aussi abandonné, s'enfuirent.
13 De
jeunes taureaux en grand nombre m'ont environné; des taureaux gras m'ont
assiégé. 14
Ils ont
ouvert sur moi leur gueule comme un lion ravisseur et rugissant.
II' Plus haut le psalmiste a montré dans la personne du Christ que sa
plainte ou son reproche était justifié, aussi bien du côté de Dieu que du côté
de l'usage ou de l'expérience des anciens; mais ici il poursuit en exposant le
déroulement de la Passion quant à l'affliction de la chair.
A) Et il
mentionne d'abord les persécuteurs.
B) Puis il expose
l'effet de la persécution: comme de l'eau.
C) Enfin le
déroulement de la persécution: des chiens nombreux m'ont environné.
A. Les
persécuteurs sont donc d'abord mis en scène en train de faire irruption;
certains d'entre eux sont de moindre importance, comme le peuple et les
serviteurs; et il dit à leur sujet: De jeunes taureaux en grand nombre m'ont environné.
- "Infini est le nombre des insensés." Ils m'ont environné,
car ils firent irruption de tous côtés: "Elles m'ont environné
comme des abeilles." D'autres sont plus importants, aussi dit-il: "Ne
t'élève pas dans ta pensée comme un taureau", qui par sa graisse et sa
force n'est pas asservi au joug, engendre beaucoup et s'enorgueillit. On dit
que le taureau est un animal obstiné (melancholicum), et qu'en vertu de son
obstination il contient pendant longtemps sa colère. Et de même que les plus
petits ont de l'audace en raison de leur nombre, ainsi en est-il des plus
grands en raison de leurs richesses. Et c'est pourquoi il dit: gras. -
"Il s'est armé d'un cou épais." m'ont assiégé. "Ils ont assiégé ma tente
tout autour."
Puis il montre les persécuteurs s'insurgeant par la bouche, aussi
dit-il: Ils
ont ouvert sur moi leur gueule. Et précisément de multiples
manières, en le tentant: "Hypocrites, pourquoi me tentez-vous ?" En
l'accusant, en l'enviant, en revendiquant sa mort, en disant: "Crucifie-le."
- "Mes ennemis ont ouvert leur bouche contre moi." Le
psalmiste use ensuite d'une comparaison: comme un lion ravisseur et rugissant, à qui
les persécuteurs sont comparés à cause de leur cruauté: "Mon héritage est
devenu pour moi comme un lion dans la forêt; il a poussé des cris contre moi."
C'est le propre du lion de rugir une fois sa proie ravie: "Est-ce que le
petit d'un lion fera entendre sa voix de sa tanière, s'il n'a rien saisi ?"
Et il dit: ravisseur,
en épiant, et rugissant, en recherchant manifestement la
mort avec avidité: "Comme un lion rugissant et ravissant une proie, ils
ont dévoré les âmes."
15 Je
me suis épanché comme de l'eau, et tous mes os ont été disloqués. Mon coeur
est devenu comme une cire fondant au milieu de mon ventre.
B. Le psalmiste
expose ensuite l'effet de la persécution.
1) Et il commence
par exposer cet effet.
2) Puis il
l'explique: disloqués.
1. Ainsi dit-il:
Ils me persécutent, et me nuisent, car ils l'ont emporté totalement sur la vie
corporelle; et c'est pourquoi il dit: Je me suis épanché comme de l'eau. Si de
l'huile se répand, il en reste quelque chose dans le récipient; si du vin se
répand, il en subsiste au moins l'odeur dans le récipient; mais pour l'eau il
n'en reste rien, autrement dit: Je me suis totalement épanché selon leur
opinion: "Nous nous écoulons comme des eaux qui ne reviennent point sur la
terre." De même que l'eau est facilement répandue et projetée, ainsi moi
je me suis épanché. Tout comme les Juifs se sont efforcés non seulement de
détruire le Christ sur terre, mais ils ont aussi voulu ruiner sa renommée. Ou
bien le Christ est assimilé à l'eau, parce que l'eau lave; ainsi en est-il de
la Passion du Christ pour tous les péchés, et elle lave toutes les souillures: "Il
nous a aimés et nous a lavés de nos péchés dans son sang." De même l'eau
irrigue et fait fructifier, ainsi en est-il de la Passion du Christ: "J'ai
dit: J'arroserai mon jardin de plantations, et j'enivrerai le fruit de ma
prairie." Et elle donne le fruit de la vie éternelle: "Mes fleurs
(c'est-à-dire de ma Passion) sont des fruits d'honneur et de richesse."
L'eau rend aussi le chemin glissant, ainsi la Passion du Christ dispose-t-elle
les Juifs à la chute: "Et nous, nous prêchons le Christ crucifié; pour les
Juifs, il est vrai scandale, et pour les païens folie; mais pour ceux qui sont
appelés, Juifs et Grecs, c'est le Christ puissance de Dieu et sagesse de Dieu."
2. Ensuite il
explique cet effet; et c'est pourquoi il dit: ont été disloqués, etc., autrement
dit: tout ce qui semblait être fort en moi, a été anéanti, tout ce qui semblait
beau, s'est fané. Et c'est pourquoi il dit: ont été disloqués, etc. Il y a deux sortes de force
dans l'homme. La première est la force corporelle, et elle est faite d'os et de
nerfs; et à cet égard il dit: tous mes os ont été disloqués, autrement dit:
toute ma force corporelle est tombée en défaillance. Cependant on applique cela
spirituellement au Christ, car les Apôtres, qui sont les os du Christ, ont été
dispersés: "Je frapperai le pasteur, et les brebis du troupeau seront
dispersées." La seconde est la force de l'âme qui se trouve dans le coeur,
aussi dit-il: Mon
coeur est devenu comme une cire. Augustin s'interroge sur la vérité
de ce verset appliqué au Christ tête; car cet effet semble provenir d'une
crainte excessive qu'on ne doit pas attribuer au Christ; car bien qu'il y ait
eu en lui une crainte naturelle, elle ne fut pas telle qu'elle fasse fondre le
coeur. Aussi faut-il l'entendre du Christ non quant à lui-même mais dans ses
membres, qui sont véritablement le coeur du Christ, et qu'il aime avec
prédilection: "Parce que je sens dans mon coeur que, soit dans mes liens,
soit dans la défense et l'affermissement de l'Évangile, vous êtes tous
participants de ma joie." Et la suite: "Dieu m'est témoin combien je
soupire après vous dans les entrailles de Jésus-Christ." Ceux-ci ont été
les Apôtres qui furent les os pour nourrir les faibles dans l'Église, à la
manière dont les os nourrissent les chairs: "Nous devons, nous qui sommes
plus forts, supporter la débilité des faibles." Et ils furent leur coeur
comme la cire fondante. D'abord par une mauvaise fonte à cause de la crainte,
comme dans la fuite des disciples: "Alors tous, l'abandonnant,
s'enfuirent." Et aussi dans la négation de Pierre: "Et celui-là nia,
en disant: "Homme, je ne sais ce que tu dis."" Ensuite par une
bonne fonte, comme dans la conversion des disciples, ainsi qu'on le voit chez
Pierre et André. Ou bien il faut dire que la fonte est aussi due à l'amour: "Mon
âme se fondit." Une chose, avant qu'elle ne fonde, est dure et contractée
en elle-même; dès qu'elle fond, elle se répand et tend d'elle-même vers
l'extérieur. De même la crainte durcit, dans la mesure où elle n'est pas
importante, et ainsi en est-il aussi de l'amour, car lorsque l'amour survient,
alors l'homme s'ouvre à l'extérieur, puisqu'auparavant il était enfermé en
lui-même. Et l'on peut aussi appliquer cette fonte au Christ en tant qu'il est
la tête: par ailleurs l'acte de fondre, c'est aussi l'oeuvre de l'Esprit-Saint,
et cela se fait au milieu du ventre, c'est-à-dire au siège des passions. Ou
bien par le coeur du Christ on entend la Sainte Écriture qui révèle son coeur.
Mais ce coeur était fermé avant la Passion, parce que l'Écriture était obscure;
mais elle est ouverte après la Passion, puisque ceux qui la comprennent à
présent considèrent et discernent de quelle manière les prophéties doivent être
interprétées.
16 Ma
force s'est desséchée comme un tesson, et ma langue s'est attachée à mon palais;
et tu m'as conduit à la poussière de la mort.
Le psalmiste
montre ici que tout ce qui fut beau dans le Christ a disparu. Trois choses
semblaient être florissantes dans le Christ avant sa Passion: l'accomplissement
des miracles, l'éloquence de la doctrine, la renommée et l'honneur donnés par
les foules.
Au sujet de l'accomplissement des miracles d'abord: "Une grande
multitude le suivait, parce qu'ils voyaient les miracles qu'il faisait sur ceux
qui étaient malades." Et ce pouvoir se dessécha au moment de la passion,
selon leur opinion; aussi criaient-ils: "Il en a sauvé d'autres, et il ne
peut se sauver lui-même." s'est desséchée, c'est-à-dire est devenue
méprisable, comme
un tesson. Ou bien: un tesson, lorsqu'il se dessèche, il durcit;
ainsi dans la Passion la puissance du Christ se rétracta pour endurer ses
souffrances: "La fournaise éprouve les vases du potier, et l'atteinte de
la tribulation les hommes justes."
À propos de l'éloquence de la doctrine: "Il les instruisait comme
ayant autorité"; mais dans sa Passion: ma langue s'est attachée à mon palais, à
cause de son silence: "Je ferai que ta langue s'attachera à ton palais, et
tu seras muet." Et cela eut lieu dans sa Passion car il ne répondait pas à
Hérode: "Il l'interrogeait avec force paroles, mais lui ne lui répondait
rien."
Au sujet de la renommée et de l'honneur: "La plus grande partie du
peuple étendit ses vêtements le long du chemin. D'autres coupaient des branches
d'arbres et en jonchaient le chemin. Or la foule qui précédait et celle qui
suivait criaient, disant: "Hosanna au fils de David: béni soit celui qui
vient au nom du Seigneur ! Hosanna au plus haut des cieux !"" Alors
s'accomplit ce que David avait prophétisé touchant le Christ, en disant: "Ô
Seigneur, sauve-moi, ô Seigneur, fais-moi bien prospérer. Béni soit celui qui
vient au nom du Seigneur ! Nous vous avons béni de la maison du Seigneur. Le
Seigneur est Dieu, et il a fait luire sa lumière sur nous."
Mais il a été avili dans sa Passion, aussi
dit-il: tu
m'as conduit à la poussière de la mort, c'est-à-dire tu m'as fait
endurer une mort déshonorante: "Condamnons-le à la mort la plus honteuse."
Ou bien, si l'on réfère cela aux membres: tu m'as conduit à la poussière de la
mort, c'est-à-dire mes membres qui ont été réduits en cendres, mais non ceux du
Christ. Ou bien: à
la poussière, etc., c'est-à-dire tu m'as livré au pouvoir des
Juifs qui sont comme la poussière, etc.
17 Parce
que des chiens nombreux m'ont environné; le conseil des méchants m'a assiégé.
Ils ont percé mes mains et mes pieds; 18a ils ont compté tous mes os.
C. Le psalmiste
expose ici le déroulement de la Passion.
1) Et il
mentionne d'abord ce qui eut lieu avant la crucifixion.
2) Ensuite ce qui
eut lieu au cours de la crucifixion elle-même.
3) Enfin ce qui
eut lieu après la crucifixion.
1. Avant la
crucifixion, deux événements eurent lieu.
a. D'abord, il
fut pris, et à cet égard il dit: des chiens nombreux m'ont environné.
- "Gardez-vous des chiens, gardez-vous des mauvais ouvriers."
- "Ces chiens d'une impudence extrême n'ont pas connu le rassasiement."
b. De même, il
dit ensuite comment il fut outragé, d'où ces paroles: le conseil des méchants m'a assiégé.
2. Ensuite il
mentionne les faits qui eurent lieu au cours de la crucifixion proprement dite.
a. Et d'abord
l'acte de planter les clous: Ils ont percé mes mains et mes pieds, en les
fixant avec de gros clous au bois de la croix: "Que sont ces plaies au
milieu de tes mains ?"
b. De même quant
à l'extension il dit: Ils ont compté tous mes os, c'est-à-dire ils
firent en sorte qu'on puisse les compter.
18b Mais
ils m'ont eux-mêmes considéré et regardé attentivement. 19 Ils se sont partagé mes vêtements, et sur
ma robe ils ont jeté le sort.
3. Ici sont
exposés les faits qui eurent lieu après la passion; aussi dit-il: Mais ils m'ont
eux-mêmes considéré, se réunissant en spectacle pour l'outrager: "Les
soldats aussi l'insultaient, lui présentant du vinaigre, et disant: "Si tu
es le roi des Juifs.""Ils ont regardé attentivement, à savoir ce qui
m'arriverait. Ils
se sont partagé mes vêtements, qui étaient nombreux et partageables.
et sur ma
robe, sans couture, ils ont jeté le sort, et ils firent cela par
cupidité, ou bien en vertu d'une certaine dérision. À travers ces vêtements
partagés sont signifiés les sacrements de l'Église, mais par la robe qui n'est
pas déchirée, est signifiée l'unité de l'Église que quiconque croit détenir;
mais il n'en existe pas à l'exception d'une seule, car unique est l'unité de
l'Église: "Unique est ma colombe, ma parfaite."
20 Mais
toi, Seigneur, n'éloigne pas ton secours de moi, prends soin de ma défense.
III. Après avoir décrit la Passion, le psalmiste
poursuit en parlant de la prière; et à ce propos il sollicite deux choses.
A) Il demande
d'abord le secours divin.
B) Puis il
demande le fruit du secours accordé: 23 Je raconterai ton nom, etc.
A. En sollicitant
le secours divin il fait deux choses.
1) Il demande
d'abord le secours divin d'une manière générale.
2) Puis en
particulier pour lui-même: 21 Arrache, ô Dieu, mon âme à l'épée à double tranchant.
1. Concernant le
secours divin en général il fait deux choses:
a) Il demande
d'abord la rapidité du secours.
b) Puis il en
montre la nécessité.
a. Quant à la
rapidité du secours il dit donc: ainsi firent-ils: Ils ont percé mes mains et mes pieds, etc.,
Mais toi,
Seigneur, n'éloigne pas ton secours de moi, c'est-à-dire ne retarde
pas de m'accorder, à moi qui suis le Christ homme, le secours de la divinité,
autrement dit: cela se réalisera, puisqu'il fut libéré de la mort par la gloire
de la résurrection, qui n'a guère tardé puisqu'il ressuscita après trois jours.
Et le Christ ressuscita: "Le Christ est ressuscité d'entre les morts,
comme prémices de ceux qui se sont endormis." - "Je me lèverai au
point du jour."
b. prends soin de
ma défense, autrement dit: Ton secours m'est nécessaire en vue de
cela, c'est-à-dire pour ma défense: "À l'ombre de tes ailes protège-moi."
Défends-moi, c'est-à-dire contre ceux qui me persécutent à mort, et contre les
démons afin qu'ils ne me détiennent pas captif dans les limbes. Ainsi donc
demanda-t-il que son corps ne soit pas réduit en cendres, et que son âme ne
soit pas retenue captive en enfer: "Ayant été délivré des douleurs de
l'enfer, car il était impossible qu'il y fût retenu." - "Ne
m'abandonne pas, Seigneur mon Dieu; ne t'éloigne pas de moi."
21 Arrache,
ô Dieu, mon âme à l'épée à double tranchant; et mon unique à la griffe du
chien.
2. Le psalmiste
fait ici connaître en particulier contre quoi il demande d'être défendu.
a) Et d'abord
contre la mort.
b) Puis contre
l'épreuve de la mort: à la griffe du chien.
a. Ainsi dit-il: prends soin de
ma défense, et: ô Dieu, arrache mon âme, qu'eux-mêmes
cherchent, à
l'épée à double tranchant, c'est-à-dire au glaive qui est brandi
avec frémissement.
Et cependant le Christ ne fut pas tué par un glaive, mais par une
lance, et même il fut frappé de la lance après sa mort.
Mais il faut dire que le glaive divise par son côté tranchant: "Plus
acérée que tout glaive à deux tranchants, allant jusqu'à séparer l'âme et
l'esprit, les jointures et les moelles"; et ainsi parce que la mort sépare
l'âme du corps, et le père du fils et réciproquement, et le frère de son frère,
on l'appelle glaive: "Ô épée à deux tranchants", c'est-à-dire la
mort," réveille-toi contre mon pasteur"; et il en fut délivré à la
résurrection. Ou bien: l'épée à [deux] tranchants, c'est la langue
des adversaires: "Leur langue est un glaive acéré." Ou bien le Christ
parle au nom de ses membres, dont plusieurs furent mis à mort par le glaive: "Il
fit mourir par le glaive Jacques, frère de Jean."
b. Et à la griffe du
chien. Il prie ici contre les tentateurs, et il les décrit de trois
manières:
- Comme dépourvus de raison, et il le fait en usant de la comparaison
du chien, qui se met à aboyer avant de voir contre qui il doit aboyer, et ce,
en raison de sa colère soudaine. Ainsi les Juifs, avant de savoir pourquoi ils
invectivaient le Christ, criaient: "Gardez-vous des chiens, gardez-vous
des mauvais ouvriers"; et plus haut: des chiens nombreux m'ont environné. Cela
concernait surtout les Juifs qui, en invectivant le Christ, "criaient:
"Crucifie-le, crucifie-le.""
22 Sauve-moi
de la gueule du lion, et ma faiblesse des cornes des licornes.
- Ici il les décrit cruels, en usant de la comparaison du lion qui est
un animal cruel; et cela se réfère à Pilate qui exerce son pouvoir comme un
lion, c'est-à-dire son pouvoir de gouverneur, et que l'Apôtre qualifie de lion:
"J'ai été délivré de la gueule du lion." Ou bien cela se réfère au diable: "Comme
un lion rugissant, il rôde autour de vous cherchant qui dévorer."
- et
ma faiblesse des cornes des licornes. Ici il les décrit orgueilleux;
et cela se réfère aux princes des prêtres et aux scribes, qui sont comparés à
la licorne signifiant l'orgueil; et il signifie cela parce que la licorne a une
corne sur la tête, et qu'elle a un tel orgueil qu'elle ne souffre en aucune
manière la soumission, mais qu'aussitôt prise, elle se laisse mourir: "Est-ce
qu'un rhinocéros", c'est-à-dire une licorne, "voudra te servir, ou
demeurera-t-il à ton étable ? Est-ce que tu lieras un rhinocéros à tes traits,
pour qu'il laboure ? ou rompra-t-il les glèbes des vallons après toi ? Est-ce que
tu auras confiance en sa grande force, et lui laisseras-tu tes travaux ? Est-ce
que tu croiras qu'il te rendra tes semailles, et qu'il remplira ton aire ?"
Et à travers cela sont signifiés les chefs des Juifs qui se glorifiaient
particulièrement de leur connaissance de Dieu. Or quiconque s'élève en se
singularisant est semblable au Pharisien qui disait: "Je ne suis pas comme
le reste des hommes." - "N'élevez pas en haut votre corne." Le
psalmiste dit cela expressément. En effet les licornes ne se scandalisaient pas
du Christ à l'exception de son humilité, puisqu'ils le voyaient extérieurement
déshonoré, mais d'autre part ils étaient scandalisés parce qu'ils le voyaient
dire et accomplir de grandes choses: "Il s'est humilié lui-même, s'étant
fait obéissant jusqu'à la mort, et la mort de la croix." Et il décrit
expressément ceux qui s'adonnèrent avec cruauté à la mort du Christ, tel ce
chien de peuple juif, tel ce lion de Pilate, telles ces licornes de princes.
23 Je
raconterai ton nom à mes frères; je te louerai au milieu de l'assemblée.
B. Le psalmiste
montre ensuite le fruit du secours divin.
1) Et d'abord
quant au Christ lui-même.
2) Ensuite quant
aux autres: 27 Les
pauvres mangeront.
1. Au sujet du
Christ il fait deux choses.
a) Il expose
d'abord un double fruit.
b) Puis il
explique l'un et l'autre: Vous qui craignez [Dieu].
a. Il commence
donc par exposer le double fruit résultant de la libération du Christ.
- Le premier fruit de la libération du Christ
fut la prédication à travers le monde entier. Il dit donc: Sauve-moi de la gueule du lion, etc., car
il fut sauvé et libéré de leurs gueules. Je raconterai ton nom à mes frères, c'est-à-dire
aux Apôtres: et il fit cela après la résurrection. Or les Apôtres sont ses
frères, et par la nature assumée, et par la grâce de la vocation à l'apostolat:
"Ceux qu'il a connus par sa prescience, il les a aussi prédestinés à être
conformes à l'image de son Fils, afin qu'il fût lui-même le premier-né entre
beaucoup de frères. Et ceux qu'il a prédestinés, il les a appelés."
Mais le Christ n'a-t-il pas fait connaître le nom de Dieu avant sa
Passion ? Puisqu'il le dit lui-même: "J'ai manifesté ton nom aux hommes
que tu m'as donnés; ils étaient à toi, tu me les as donnés, et ils ont gardé ta
parole."
Il faut répondre que oui, mais davantage après sa passion et sa
résurrection. D'abord en vérité il l'a fait connaître à ses disciples de sa
propre bouche, lorsqu'il leur ouvrit l'esprit pour qu'ils comprennent les
Écritures. Puis
en leur donnant l'Esprit Paraclet: "Quand le Paraclet, et l'Esprit de
vérité, sera venu, il vous enseignera toute vérité." Et: "Lorsque
sera venu le Paraclet, l'Esprit-Saint que mon Père enverra en mon nom, celui-là
vous enseignera toutes choses." Mais il le fera connaître plus
parfaitement lorsqu'il manifestera sa divinité au jugement dernier: "Je me
manifesterai à lui." - "Alors ils verront le Fils de l'homme venant
avec une grande puissance et une grande majesté." C'est alors qu'ils
connaîtront le Père dans le Fils: "En ce jour-là, vous connaîtrez que moi
je suis dans le Père, que le Père est en moi, et moi en vous." Et cela ne
convient qu'au Fils lui seul: "Nul ne connaît le Père, si ce n'est le
Fils."
- Le second fruit de la libération du Christ fut la louange divine,
aussi dit-il: je
te louerai au milieu de l'assemblée. - "Sa louange aux
extrémités de la terre." Mais il dit: au milieu de l'assemblée. Ce qu'Augustin
commente de la manière suivante en disant d'abord: nous disons d'une chose
qu'elle est au milieu, parce qu'elle est en évidence. Dans l'Ancien Testament
Dieu est loué de manière cachée, c'est-à-dire dans ses mystères; mais dans le
Nouveau il est loué publiquement, parce qu'il est dévoilé dans sa pleine vérité:
"Pour nous, contemplant à visage découvert la gloire du Seigneur",
grâce à l'enlèvement du voile. Quelquefois nous disons que se trouve au milieu
ce qui est intime. Dans l'Église les intimes sont les hommes parfaits qui
louent Dieu spécialement dans leur coeur: je te louerai au milieu de l'assemblée, c'est-à-dire
parmi les docteurs et les hommes parfaits.
24
Vous qui craignez le Seigneur, louez-le, race entière de Jacob, glorifiez-le.
25a Que toute
la race d'Israël le craigne.
b. Il traite à
présent de l'un et l'autre fruit.
- Et d'abord du premier.
- Puis du second: Devant toi.
- Concernant le premier fruit il expose toute la prédication du Nouveau
Testament, comment on fait connaître le nom du Seigneur. Et il commence par
montrer vers quoi sont amenés les hommes dans le Nouveau Testament. Puis ce
qu'on leur fait connaître: Parce qu'il n'a pas méprisé.
Les hommes sont amenés à trois choses dans le Nouveau Testament: à la
confession de la bouche, à rechercher la gloire de Dieu, et à le craindre.
· Touchant la confession de la bouche il dit: Vous qui craignez [Dieu], louez-le. Or
il y a deux sortes de crainte: l'une est filiale, celle qui craint d'offenser
Dieu et d'en être séparé, et elle lui manifeste du respect; et cette dernière
procède de la charité. Mais l'autre est la crainte servile, celle qui craint le
châtiment; et cette dernière ne procède pas de la charité: "La charité
[parfaite] chasse la crainte." La Loi ancienne est une loi de crainte,
tandis que la nouvelle est une loi d'amour. Vous donc qui craignez le Seigneur, c'est-à-dire qui
accomplissez la loi avec crainte, louez-le, car celui qui ne loue pas, c'est
qu'il n'aime pas, autrement dit: louez-le avec amour: "Louez le Seigneur,
parce qu'il est bon, parce qu'éternelle est sa miséricorde."
· Touchant la gloire de Dieu il dit: race entière de Jacob, glorifiez-le. -
"Soit que vous mangiez, soit que vous buviez, ou quoi que vous fassiez,
faites tout pour la gloire de Dieu." Et il dit: race entière de Jacob, car
c'est aux fils de Jacob, c'est-à-dire aux Juifs que la Loi de l'Ancien
Testament fut donnée, dans laquelle est promise la gloire humaine; mais dans le
Nouveau Testament est promise la gloire de Dieu. Et il dit: toute, afin
d'inclure les fils de la promesse qui sont comptés dans la race, comme on le
dit dans les Galates, c'est-à-dire les païens.
· Enfin touchant la crainte, il dit: Que toute la
race d'Israël le craigne, d'une crainte révérentielle accompagnée de
dilection: "Et maintenant, Israël, que demande de toi le Seigneur ton
Dieu, si ce n'est que tu le craignes, et marches en ses voies ?" Israël
veut dire la même chose que Jacob.
25b Parce
qu'il n'a pas méprisé ni dédaigné la supplication du pauvre; et qu'il n'a point
détourné sa face de moi, et que, lorsque je criais vers lui, il m'a exaucé.
Le psalmiste montre ici ce qui leur est annoncé, c'est-à-dire la
puissance du Christ, en tant qu'il parle dans la personne du Christ priant. Car
parfois quelqu'un refuse d'exaucer des prières, c'est-à-dire lorsqu'il ne veut
pas prendre en considération l'objet proprement dit de la demande, ou bien
lorsqu'il ne veut pas prendre en considération celui qui demande; et parfois,
s'il veut bien prendre en considération celui qui demande, il ne veut cependant
pas exaucer sa demande.
Il écarte le premier refus lorsqu'il dit: il n'a pas méprisé, comme en
négligeant, ni
dédaigné la supplication du pauvre, c'est-à-dire l'humilité de celui
qui ne met pas son espérance dans les choses temporelles, à savoir du Christ.
Il montre ensuite qu'il prend en considération celui qui demande: il n'a point
détourné sa face de moi, comme s'il n'acceptait pas: "Ne détourne
pas ta face de ton serviteur; parce que je suis dans la tribulation, exauce-moi
promptement."
Enfin il montre qu'il exauce la demande lorsqu'il dit: et que, lorsque
je criais vers lui, il m'a exaucé, car le juge a admis ce que j'ai
demandé pour moi et pour les miens: "Si vous demandez quelque chose au
Père en mon nom, il vous le donnera."
- "J'ai crié vers le Seigneur au milieu
de la tribulation, et il m'a exaucé; du sein de l'enfer j'ai crié, et tu as
entendu ma voix." Et remarquez qu'avant la Passion il dit avoir souffert
de trois choses. Il dit en effet avoir été rejeté: 7 Mais moi, je suis un ver, etc. Abandonne:
pourquoi
m'as-tu abandonné ? De même il dit qu'il n'a pas été exaucé: 3 je crierai
pendant le jour, et tu ne m'exauceras pas; et pourquoi ? Parce
qu'alors il disait les paroles de [ses] fautes, c'est-à-dire des
paroles relatives à la faiblesse de la chair, selon laquelle on recherche
plutôt les choses temporelles; mais à présent, puisque par sa résurrection il a
amené la nature humaine à rechercher les réalités spirituelles, il dit le
contraire. Car plus haut il a dit: moi je suis un ver, etc., et ici il dit: il n'a pas
méprisé, etc. Plus haut il a dit: je crierai pendant le jour, et
ici il dit: lorsque
je criais vers lui, il m'a exaucé.
26 Devant
toi sera ma louange dans la grande assemblée; j'accomplirai mes voeux en présence de
ceux qui le craignent.
- Plus haut le psalmiste, en personnifiant le Christ, a promis qu'il
parlerait de deux choses: de la manifestation du nom divin et de la louange de
Dieu. Il a déjà parlé de la manifestation du nom divin, aussi traite-t-il ici
de la seconde chose, c'est-à-dire de la louange divine. À cet égard il fait
deux choses:
· Il montre d'abord en quoi consiste la louange de Dieu.
· Puis comment l'action se joint à la louange:
j'accomplirai
mes voeux, etc.
· En montrant en quoi consiste la louange de Dieu il dit: Devant toi sera
ma louange. Et cela peut se comprendre de deux manières. Selon une
première manière comme suit: la louange dont moi je suis loué est devant toi,
non devant les hommes dont je ne reçois pas la louange, mais elle vient de toi:
"Ce n'est pas celui qui se recommande lui-même qui est un homme éprouvé;
c'est celui que le Seigneur recommande." Selon une autre manière comme
suit: ma
louange, c'est-à-dire celle dont je te loue, est devant toi, non
devant les yeux des hommes: "Il a loué Dieu de tout son coeur, et il a
aimé le Seigneur", et cela, dans la grande assemblée, rassemblée par moi
et en mon nom. grande
en puissance: "Sur cette pierre j'édifierai mon Église, et les
portes de l'enfer ne prévaudront point contre elle. Et je te donnerai les clefs
du royaume des cieux; et tout ce que tu lieras sur la terre sera lié aussi dans
les cieux; et tout ce que tu délieras sur la terre sera aussi délié dans les
cieux." En dignité: "Les rois de la terre y apporteront leur gloire
et leur honneur."
· j'accomplirai
mes voeux en présence de ceux qui le craignent. Le psalmiste montre
ici comment il joint l'action à la louange. Le voeu du Christ fut de se donner
pour le salut des croyants: et lui-même voulut cela en tant qu'homme: "Que
j'accomplisse ta volonté. Mon Dieu, je l'ai voulu." En vérité la volonté
de Dieu, c'est notre sanctification. - "Je suis descendu du ciel, non pour
faire ma volonté, mais la volonté de celui qui m'a envoyé." Le Christ
s'est acquitté de ces voeux en se donnant à la passion, et une nouvelle fois
lorsqu'il donna son corps en nourriture pour ses fidèles; aussi dit-il: voeux, c'est-à-dire
sacrifices. je
[les] accomplirai, sur l'autel de la croix et en sacrifice pour les
fidèles; et je ferai cela en présence de ceux qui le craignent. - "Celui
qui craint le Seigneur honore ses parents."
27
Les pauvres mangeront et seront rassasiés; ils loueront le Seigneur, ceux qui
le recherchent; leurs coeurs vivront dans les siècles des siècles.
2. Ici le
psalmiste expose ensuite l'effet de la Passion qui est endurée pour les autres:
a) Et il
mentionne d'abord les divers effets de la Passion.
b) Puis il montre
qu'ils ont trait à l'avenir: La génération qui doit venir sera annoncée.
a. À propos des
effets variés de la passion il fait deux choses:
- Il mentionne d'abord les effets qui concernent les Apôtres.
- Puis il montre que ces effets sont communiqués aux autres par les
Apôtres: Ils
se souviendront.
- Aux Apôtres revient le ministère du saint sacrifice, lequel est
signifié lorsqu'il dit: Les pauvres mangeront, c'est-à-dire les
humbles et ceux qui méprisent les réalités du monde: "Bienheureux les
pauvres en esprit, car c'est à eux qu'appartient le royaume des cieux."
Ceux-ci mangeront le sacrifice, c'est-à-dire le sacrement du corps et du sang,
sacramentellement et spirituellement. Et il en résulte un triple effet: le
rassasiement spirituel, la louange et la vie.
· Au sujet du premier effet il dit: Et ils seront rassasiés, car leur
désir se reposera dans la plénitude des grâces qu'ils auront acquises par ce
sacrement: "Mon âme est rassasiée comme de moelle et de graisse."
· Au sujet du deuxième effet il dit: Et ils loueront le Seigneur, ceux qui le
recherchent. Il n'est pas étonnant que la louange résulte de
l'allégresse: "Ils viendront à Sion chantant des louanges; une allégresse
éternelle couronnera leurs têtes." Mais le rassasiement du désir engendre
le plaisir: "Votre âme se délectera en s'engraissant", a savoir de
graisse spirituelle: "Parmi les chants d'allégresse et de louange
[pareils) au bruit d'un festin." Mais ce n'est pas le premier venu qui
loue Dieu, mais bien ceux qui le recherchent, c'est-à-dire ceux qui
ne recherchent rien d'autre que le Christ ou Dieu: "Cherchez le Seigneur
tandis qu'on peut le trouver, invoquez-le tandis qu'il est proche."
Au sujet du troisième il dit: leurs coeurs vivront dans les siècles des siècles. -
"Si quelqu'un mange de ce pain, il vivra éternellement." Et c'est pourquoi
il dit: vivra,
autrement dit: bien qu'ils meurent dans leur corps en imitant la
passion du Seigneur, cependant leurs âmes vivront: "Cherchez Dieu et votre
âme vivra."
28 Ils
se souviendront et se convertiront au Seigneur tous les confins de la terre; et
toutes les familles des nations adoreront en sa présence.
- Le psalmiste montre ici que ces effets sont communiqués aux autres.
· Et d'abord à tous en général.
· Puis aux hommes charnels: ils ont mangé.
· Enfin aux spirituels: Et mon âme.
· Or il y a un triple effet:
Le premier est la connaissance divine à laquelle les nations accèdent
par les Apôtres.
Le deuxième consiste en la conversion au Christ.
Le troisième effet est manifesté à travers l'achèvement de l'oeuvre.
Au sujet du premier effet il dit: Ils se souviendront. Une certaine connaissance
de Dieu a été naturellement inculquée aux hommes; mais ils oublient le Seigneur
à cause du péché: "Tu as oublié le Seigneur, ton Créateur." Les
nations avaient eu une certaine connaissance de Dieu, mais ils l'avaient oublié
à cause de leurs péchés; cependant par les Apôtres ils furent ramenés au
souvenir de la connaissance naturelle: "Souvenez-vous de loin du Seigneur."
Touchant le deuxième effet il dit: se convertiront au Seigneur, c'est-à-dire par
l'amour. Et cela, les Juifs ne furent pas les seuls à le faire, mais aussi tous les confins
de la terre. - "Si vous cherchez, cherchez; convertissez-vous,
venez"; et ces deux effets sont également en relation avec le sacrement de
l'autel, qui est un mémorial de la Passion du Seigneur, comme le dit l'Apôtre
dans la première épître aux Corinthiens. C'est pourquoi il dit: Ils se
souviendront, car la conversion de l'âme à Dieu est un effet du
sacrement de l'autel: "Il m'a amené près d'une eau fortifiante."
L'adorant non point dans des cérémonies, mais en Sa présence, c'est-à-dire par
un culte spirituel: "Les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et
en vérité." et
toutes les familles des nations. - "Les hommes l'adoreront en
leur lieu, ainsi que toutes les îles des nations"; ce qui signifie que les
nations païennes ont adoré le Dieu d'Israël, et aussi que les prosélytes,
allant habiter avec les Juifs, s'éloignèrent de leur lieu.
29 Parce
que la royauté est au Seigneur; et lui-même dominera sur les nations.
La puissance spirituelle du monde entier appartient au Christ: "Et
il lui donnera la puissance, et l'honneur et le royaume." Et non point
seulement aux Juifs, selon ce qui est écrit: "Sur le trône de David il
s'assiéra"; et de plus lui-même dominera sur les nations. - "Demande-moi,
et je te donnerai les nations en héritage."
30 Tous
les riches de la terre ont mangé et ont adoré; en Sa présence tomberont tous
ceux qui descendent dans la terre.
· Le psalmiste expose ici l'effet obtenu chez les hommes charnels; et
il expose deux choses.
D'abord leur bien.
Ensuite leur faute: en Sa présence tomberont, les charnels.
Et ces derniers ont reçu un double bien: la participation au sacrement
et l'adoration de Dieu dans le culte. Au sujet du premier bien il dit: ils ont mangé, bien
qu'indignement, puisqu'ils sont charnels: "Ni la chair ni le sang ne
peuvent posséder le royaume de Dieu." À propos des bons il a dit plus haut
qu'ils seront rassasiés, qu'ils loueront le Seigneur, et qu'ils vivront, parce
qu'ils ont vénéré le sacrement de la foi qu'ils ont.
Mais ces hommes charnels, parce qu'ils sont les riches de la terre,
c'est-à-dire attachés aux choses terrestres, non élevés vers les réalités
spirituelles, tomberont
en Sa présence, c'est-à-dire celle de Dieu: "J'enivrerai l'âme
des prêtres de graisse, et mon peuple sera rempli de mes biens." Ceux-ci
sont signifiés par" les vaches grasses". - "Le bien-aimé s'est
engraissé, et a regimbé", car "celui qui mange et boit indignement,
mange et boit son propre jugement", comme le rapporte la première épître
aux Corinthiens. Et il dit bien: tous ceux qui descendent, c'est-à-dire dans la
mesure où ils s'enfoncent par la passion dans les choses terrestres, car
quoique ces derniers semblent se tenir debout en présence des hommes, cependant
ils tomberont en présence de Dieu: "Le plus grand nombre d'entre eux se
heurteront et tomberont." Ou bien: tomberont en Sa présence, c'est-à-dire même
ses ennemis s'étendront à ses pieds, tous ceux qui descendent dans la terre, c'est-à-dire
dans la corruption du péché: "Qu'au nom de Jésus, tout genou fléchisse."
31 Et
mon âme vivra pour lui; et ma postérité le servira.
· Le psalmiste expose ici l'effet relatif aux spirituels. L'âme du
Christ, ce sont ceux en qui repose l'Esprit-Saint, c'est-à-dire les spirituels,
qui se comportent de deux manières vis-à-vis de Dieu.
D'abord quant à leur coeur, parce que ceux-là vivent pour Dieu ou pour
le Christ: "Moi je vis, non plus moi, mais le Christ vit en moi." - "Ceux
qui vivent ne vivent plus pour eux, mais pour celui qui est mort pour eux."
Puis quant à leurs actions: et ma postérité. La bonne postérité sont les
fils du royaume, autrement dit: les fils du royaume que moi j'ai engendrés, ont
servi Dieu seul; car toutes les oeuvres qu'ils accomplirent, ils les
rapportèrent à sa gloire.
32 La
génération qui doit venir sera annoncée au Seigneur, et les cieux annonceront
Sa justice
au peuple qui naîtra, [et] que le Seigneur a fait.
b. Ici le
psalmiste explique quand cela aura lieu, car ce ne sera pas en son temps, mais
dans les temps à venir; et il expose trois choses.
- D'abord, il annonce à l'avance la proclamation de la foi.
- Puis il dit par qui elle doit être prêchée.
- Enfin à qui elle est prêchée.
- Au sujet de l'annonce de la proclamation de la foi il dit: La génération
qui doit venir sera annoncée au Seigneur; et cela peut être expliqué
de deux manières. Selon une première manière avec Jérôme; autrement dit: La génération
qui doit venir sera annoncée, c'est-à-dire sera évangélisée. Et ce,
afin qu'ils se convertissent au Seigneur, ou même sera annoncée passivement,
autrement dit:
- par la prédication des Apôtres cette génération sera amenée au
Seigneur: "Des pauvres sont évangélisés." Ou bien, de la manière
suivante: le bien de la génération sera annoncé à Dieu lui-même par les anges;
non point qu'il l'ignore ou qu'il en ait besoin, mais c'est afin que l'ordre
établi soit observé, comme le dit Denys, et comme on le rapporte dans le livre
de Tobie: "Moi je suis l'ange Raphaël, l'un des sept qui nous tenons
devant le Seigneur." et les cieux annonceront, c'est-à-dire les
Apôtres célestes: "Notre cité est dans les cieux." Sa justice, non
une justice humaine mais celle de Dieu, que les Juifs repoussent: "Ignorant
la justice de Dieu, et cherchant à établir la leur, ils ne se sont pas soumis à
la justice de Dieu."
- À qui sera-t-elle annoncée ? au peuple qui naîtra, d'une génération
spirituelle: "Si quelqu'un ne renaît de l'eau et de l'Esprit-Saint, il ne
peut entrer dans le royaume de Dieu." Ce peuple ne renaît pas par une
intervention humaine, mais divine: "Qui ne sont pas nés du sang, ni d'un
vouloir de chair, ni d'un vouloir d'homme, mais de Dieu", et c'est
pourquoi il dit: que
le Seigneur a fait. - "C'est lui-même qui nous a faits, et non
pas nous-mêmes; son peuple et les brebis de son pâturage."
1 Le Seigneur me conduit, et rien ne me
manquera; 2 c'est dans un lieu de pâturages qu'il m'a établi. Vers l'eau du
repos il m'a conduit, 3 il a converti mon âme. Il m'a conduit dans les sentiers
de la justice, à cause de son nom.
4 Car quand je marcherais au milieu de
l'ombre de la mort, je ne craindrais point les maux, parce que tu es avec moi.
Ta houlette et ton bâton m'ont consolé. 5 Tu as préparé devant moi une table,
en face de ceux qui me tourmentent. Tu as oint ma tête d'huile, et ma coupe
enivrante, qu'elle est magnifique !
6 Et ta miséricorde me suivra tous les
jours de ma vie, pour que j'habite dans la maison du Seigneur durant de longs
jours.
1 Le
Seigneur me conduit, et rien ne me manquera; 2 c'est dans un lieu de pâturages qu'il m'a
établi. Vers l'eau du repos il m'a conduit, 3 il a converti mon âme. Il m'a conduit dans
les sentiers de la justice, à cause de son nom.
Plus haut le psalmiste a dit au nom du Christ beaucoup de choses à
propos de sa propre tribulation; mais ici il parle du remède grâce auquel il
est soutenu à travers elle.
Et il rappelle d'abord les bienfaits grâce auxquels il est soutenu.
Puis la puissance de ce soutien: "Au Seigneur est la terre."
Ce psaume ne porte pas de nouveau titre, mais il semble décrire ceux
qui marchent dans la Voie; c'est pourquoi il peut signifier le retour du peuple
de Babylone, et il annonce le retour du Christ du monde vers le ciel.
En rappelant les bienfaits grâce auxquels il est soutenu, il fait deux
choses:
1) Il rappelle
d'abord les bienfaits passes.
II) Puis il rappelle les bienfaits futurs: Et ta
miséricorde.
I. Concernant les bienfaits passés il expose
deux choses:
A) Il rappelle
d'abord les bienfaits qui consistent dans les biens consolateurs.
B) Puis ceux qui
consistent en l'aide contre les maux: Car quand je marcherais.
A. En parlant des
biens consolateurs il traite de trois choses:
1) Il rappelle
d'abord la suffisance de la promesse divine.
2) Puis son
abondance: dans
un lieu de pâturages.
3) Enfin son
effet: il a
converti mon âme.
1. Il commence
donc par exposer la prévoyance divine, aussi dit-il: Le Seigneur me conduit. La iuxta Hebraeos de
Jérôme lit: "Dominus pascit me (Le Seigneur m'a fait paître)." Et
c'est la même chose, car celui qui fait paître conduit. Et si on comprend cela
dans la personne de l'Église, on le dit en l'appliquant au Christ qui est notre
pasteur: "Moi, je suis le bon pasteur." - "Regardez les oiseaux
du ciel; ils ne sèment ni ne moissonnent, ni n'amassent dans des greniers, et
votre Père céleste les nourrit; n'êtes-vous pas beaucoup plus qu'eux ?"
Car Dieu est appelé notre pasteur, et lui-même nourrit aussi les oiseaux du
ciel, comme on vient de le dire.
- "Pais avec ta verge ton peuple, le troupeau de ton héritage."
- "Lui qui s'élèvera pour gouverner les nations."
2. Et il les
nourrit en abondance, c'est pourquoi il dit: rien ne me manquera, c'est-à-dire
de ce qui est nécessaire au salut et pour les biens temporels: "Quand je
vous ai envoyés sans sac, sans bourse et sans chaussures, quelque chose vous
a-t-il manqué ?" - "Cherchez d'abord le royaume de Dieu et sa
justice, et toutes ces choses vous seront données par surcroît." Alors
dans la vie future nous aurons tout ce qu'il nous faut, car rien ne nous
manquera puisque nous posséderons Dieu. Il indique toute cette abondance de
manière métaphorique par l'abondance de la nourriture et de la boisson. Car
s'il nourrit, il se comporte vis-à-vis de nous comme un pasteur à l'égard de
ses brebis, lesquelles sont nourries de deux façons, c'est-à-dire par les
herbes et par l'eau.
a. Quant aux
herbes il dit: c'est
dans un lieu de pâturages qu'il m'a établi, c'est-à-dire dans un
lieu propre au pâturage, où il y a de l'herbe en abondance. Cette abondance, ce
sont les enseignements sacrés de l'Écriture Sainte et celle des réalités
spirituelles: "Elles se reposeront sur des herbes verdoyantes, et elles
paîtront dans des pâturages gras." Et il dit: m'a établi, car la parole divine
accomplit deux choses: elle instruit les commençants et elle affermit les
progressants. En rapport avec les premiers il dit: dans un lieu de pâturages. En
rapport avec les seconds il dit: qu'il m'a établi.
b. Quant à l'eau
il dit: vers
l'eau du repos il m'a conduit. C'est l'eau du baptême: "Je
répandrai sur vous une eau pure, et vous serez purifiés de toutes vos
souillures, et je vous purifierai de toutes vos idoles." Ou bien, il
s'agit de l'eau de la sagesse de la doctrine sacrée, qui est aussi en vérité
une nourriture, parce qu'elle fortifie; et une eau parce qu'elle rafraîchit: "Elle
l'abreuvera de l'eau de la sagesse qui donne le salut."
3. il a converti mon âme. Tel est l'effet du pâturage, qu'il a converti
mon âme. Ou bien il dit quels sont ces pâturages; car il s'agit de
la conversion de l'âme. Or la doctrine spirituelle comprend deux effets. Le
premier est intérieur, il consiste en la conversion de l'âme à Dieu,
lorsqu'elle se retranche totalement des choses du monde: "La loi du
Seigneur est sans tache, elle convertit les âmes; le témoignage du Seigneur est
fidèle, il donne la sagesse aux tout-petits." Et cette conversion se fait
par la puissance de Dieu: "Convertis-nous à toi, Seigneur." L'autre
effet est extérieur, il consiste en l'accomplissement d'oeuvres extérieures,
aussi dit-il: Il
m'a conduit dans les sentiers de là justice; et ce sont les bonnes
oeuvres: "Rendez droits les sentiers de notre Dieu." Ou bien, les
sentiers ce sont les conseils: "Je te conduirai par les sentiers de
l'équité", et cela, à cause de [ton] nom, c'est-à-dire pour la
gloire de ton nom: "Pour la gloire de ton nom, Seigneur, délivre-nous."
4 Car
quand je marcherais au milieu de l'ombre de la mort, je ne craindrais point les
maux, parce que tu es avec moi. Ta houlette et ton bâton m'ont consolé. 5 Tu as préparé
devant moi une table, en face de ceux qui me tourmentent. Tu as oint ma tête
d'huile, et ma coupe enivrante, qu'elle est magnifique !
B. Le psalmiste
expose ici les bienfaits contre les maux.
1) Et d'abord en
général.
2) Puis en
particulier: Ta
houlette.
1. Il parle en
usant de la comparaison de l'homme marchant à travers des endroits dangereux,
et à qui la sécurité est nécessaire; et ces bienfaits il les expose ici: Car quand je
marcherais au milieu de l'ombre de la mort, je ne craindrais point les maux,
parce que tu es avec moi, comme chef et protecteur; et ainsi je
serai en sécurité. On appelle l'ombre de la mort la tribulation présente;
car l'ombre est le signe de la proximité d'un corps: "La loi n'ayant que
l'ombre des biens futurs." Et encore: "Que personne donc ne vous juge
sur le manger ou sur le boire, ou à cause des jours de fête, ou des néoménies,
ou des sabbats; choses qui ne sont que l'ombre des réalités futures, tandis que
le Christ en est le corps." Ainsi la tribulation est-elle comme un signe
de la mort. au
milieu, c'est-à-dire au plus profond ou dans l'intensité de la
tribulation: "Si je marche au milieu de la tribulation, tu me donneras la
vie." Mais l'ombre de la mort désigne la vie présente à cause des ténèbres
obscures des péchés: "Que des ténèbres et une ombre de mort
l'obscurcissent." Ou bien, "sont appelés ombre de la mort les actes
des hérétiques qui portent en eux l'image du diable". - "Il
considère, jusqu'au fond des abîmes, la pierre cachée dans les ténèbres et
l'ombre de la mort." Enfin on appelle ombre de la mort ce qui ne cause pas le mal en
présence de Dieu: "Délivre-moi, Seigneur, et place-moi auprès de toi;
après cela, que la main de qui que ce soit combatte contre moi."
- "Lorsque tu passeras à travers les eaux, je serai avec toi, et
les fleuves ne te submergeront pas; lorsque tu marcheras dans le feu, tu ne
seras pas brûlé." Mais outre la sécurité mentionnée, le psalmiste expose
trois bienfaits que Dieu lui apporte:
2. D'abord, il
soutient, aussi dit-il: Ta houlette et ton bâton. Et cela peut se
comprendre de deux manières. Selon une première manière, en tant que par houlette nous
comprenons la direction du chemin: "C'est un sceptre de droiture que le
sceptre de ton règne." Par bâton nous comprenons le soutien: "Le
bâton de notre vieillesse." Une version de Jérôme lit: fulcimentum (soutien),
autrement dit: l'indication et le soutien m'ont consolé, c'est-à-dire m'ont donné la
consolation en chemin: "Le Dieu de toute consolation, qui nous console."
Selon une autre manière, en tant qu'on explique cela en relation avec la
correction, car on inflige une correction avec un bâton: "Celui qui
épargne la verge hait son fils." Et ton bâton, c'est-à-dire d'une plus saine
discipline, autrement dit: ta correction douce et dure m'a donné la consolation:
"Il châtie celui qu'il aime, et il se complaît en lui comme un père en son
fils."
Concernant le deuxième bienfait il dit: Tu as préparé devant moi une table, c'est-à-dire
la table d'une double doctrine: "Elle a dressé la table, elle a envoyé ses
servantes pour appeler [ses conviés) à la forteresse", là où se trouvent
les diverses nourritures, c'est-à-dire les diverses doctrines spirituelles. Et
cela devant
moi, car "il méditera en sa loi jour et nuit". Ou bien il
s'agit de la table sacramentelle, c'est-à-dire de l'autel. On lit dans la
Sainte Écriture qu'il y a une triple table.
a. La première
est la table de l'ancienne Loi: "Tu feras une table de bois de Setim,
ayant deux coudées de longueur, et en largeur une coudée et demie. [...] Et sur
la table tu placeras toujours des pains de proposition en ma présence."
b. La deuxième
est celle du Nouveau Testament: "Vous ne pouvez pas avoir part à la table
du Seigneur et à la table des démons"; et cette table fut une réalité et
une figure.
c. La troisième
table est dans la Patrie: "Moi, je vous prépare le royaume, comme mon Père
me l'a préparé; afin que vous mangiez et buviez à ma table dans mon royaume."
Et grâce à l'une et l'autre table nous combattons contre nos ennemis; aussi
dit-il: en
face de ceux qui me tourmentent, car par la table qui est l'Écriture
Sainte, nous repoussons les tentations: "Prenant sur vous le bouclier de
la foi, grâce auquel vous puissiez éteindre tous les traits enflammés du malin."
De même le corps du Christ protège des ennemis, comme le dit Jean Chrysostome
dans son Commentaire
de saint Jean. Tu as oint d'huile, c'est-à-dire de joie, ma tête. Et
cela est signifié par deux choses, c'est-à-dire par l'huile ointe et par le vin
enivrant. Et il dit cela en usant de la comparaison des anciens d'Orient, qui à
l'occasion des fêtes oignaient leur tête d'huile: "Pour leur donner une
couronne au lieu de cendre, de l'huile de joie au lieu de deuil." Ma tête, c'est-à-dire
le Christ, tu
l'as ointe, c'est-à-dire tu l'as remplie très abondamment, d'huile, de
la grâce spirituelle, afin que de lui la grâce se répande sur nous: "Il
n'y a qu'un seul Seigneur, Jésus-Christ, par qui toutes choses sont, et nous
aussi par lui." - "C'est pourquoi Dieu, ton Dieu t'a oint d'une huile
d'allégresse de préférence à tes compagnons." Ou bien: la tête, c'est-à-dire
mon esprit: "Pour toi, quand tu jeûnes, oins ta tête", c'est-à-dire
ton esprit d'huile, avec une piété intérieure. Et [ta] coupe, ou ma coupe, c'est-à-dire
qui m'a été donnée, ou [ta] coupe, c'est-à-dire donnée par toi. Cette
coupe est le don de l'amour divin qui enivre: car celui qui est ivre n'est pas
maître de lui-même, ne s'exprime pas selon lui-même, mais sous l'empire du vin;
de même celui qui est rempli de l'amour divin, parle selon Dieu, car il est en
extase: "Mangez mes amis, et enivrez-vous." - "De même que la
pluie et la neige descendent du ciel et n'y retournent plus, mais qu'elles
abreuvent la terre, la pénètrent, la font germer, et qu'elles donnent la
semence au semeur, et le pain à celui qui le mange; ainsi sera ma parole qui
sortira de ma bouche; elle ne reviendra pas à moi sans effet; mais elle fera
tout ce que j'ai voulu, et elle réussira dans toutes les choses pour lesquelles
je l'aurai envoyée." - "Je suis devenu comme un homme ivre, comme un
homme rempli de vin, en présence du Seigneur." Ou bien, on appelle coupe
le sang du Christ, parce qu'il doit enivrer. Et cette coupe, qu'elle est
magnifique, c'est-à-dire très éclatante.
6 Et
ta miséricorde me suivra tous les jours de ma vie, pour que j'habite dans la maison
du Seigneur durant de longs jours.
II. Le psalmiste expose ici les bienfaits futurs.
A) Et d'abord
quant à la participation aux dons divins.
B) Puis quant à
la fruition de Dieu lui-même.
A. Ainsi dit-il:
tout ce qui a été mentionné, tu me l'as fait, mais je demande que ta miséricorde
me [suive]. Auparavant, il a demandé qu'elle le prévienne, ici
qu'elle le suive; et l'une et l'autre sont nécessaires: la miséricorde
prévenante est nécessaire parce qu'elle inspire l'âme, et la miséricorde
subséquente aide à la réalisation.
B. pour que
j'habite dans la maison du Seigneur, c'est-à-dire dans l'Église, durant de longs
jours, c'est-à-dire toujours par la grâce, et au ciel par la gloire:
"J'ai demandé une seule chose au Seigneur, je la rechercherai: c'est
d'habiter dans la maison du Seigneur tous les jours de ma vie." - "Vous
vous réjouirez, vous exulterez à jamais."
1 Le premier de la semaine.
Au Seigneur est la terre et sa plénitude;
le globe du monde et tous ceux qui l'habitent.
2 Parce que c'est lui-même qui l'a
fondée au-dessus des mers, et qui l'a disposée au-dessus des fleuves.
3 Qui montera sur la montagne du
Seigneur ? Ou qui se tiendra dans son lieu saint ?
4 Celui dont les mains sont innocentes
et le coeur pur; qui n'a pas reçu son âme en vain, ni fait de serment trompeur
à son prochain.
5 Celui-là recevra la
bénédiction du Seigneur, et la miséricorde de Dieu, son salut. 6 Telle est la
génération de ceux qui le cherchent, de ceux qui cherchent la face du Dieu de Jacob.
7 Élevez vos portes, ô princes; et vous,
élevez-vous, portes éternelles, et le roi de gloire entrera. 8 Qui est ce roi
de gloire ? Le Seigneur fort et puissant, le Seigneur puissant au combat. 9
Élevez vos portes, ô princes; et vous, élevez-vous, portes éternelles, et le
roi de gloire entrera. 10 Qui est ce roi de gloire ? Le Seigneur des armées,
c'est lui le roi de gloire.
1 Le
premier de la semaine. Au Seigneur est la terre et sa plénitude; le globe du
monde et tous ceux qui l'habitent. 2 Parce que c'est lui-même qui l'a fondée
au-dessus des mers, et qui l'a disposée au-dessus des fleuves.
Après avoir parlé de la tribulation et du secours divin, le psalmiste
fait valoir ici la puissance de celui qui vient en aide. Il n'y a pas de
nouveau titre en hébreu, mais on en a ajouté un en latin: "In prima Sabbati
(Le premier de la semaine)." Il faut savoir à ce propos, comme
on le rapporte dans le livre de l'Exode: "Souviens-toi de sanctifier le
jour du sabbat", qu'il s'agit du troisième commandement. Car Dieu fit le
ciel et la terre et tout ce qu'ils contiennent en six jours, et il se reposa le
septième; de même nous aussi, nous devons nous reposer le septième jour par
respect religieux. C'est pourquoi tous les jours de la semaine sont appelés
sabbat, comme le jour du dimanche est appelé prima Sabbati (premier de la
semaine, ou le lendemain du sabbat): "Or la nuit du sabbat, le premier
jour de la semaine commençant à luire, Marie-Madeleine et l'autre Marie vinrent
pour voir le sépulcre." Ensuite toute la semaine est appelée sabbat: "Je
jeûne deux fois la semaine (Jejuno bis in sabbato)." C'est pourquoi
ce psaume, dont le titre est In prima Sabbati, rappelle les événements
concernant le premier jour de la semaine, c'est-à-dire le dimanche. En ce jour
trois événements eurent lieu: la création du monde, la production de la
lumière, et la résurrection du Christ, comme on le rapporte dans l'évangile de
Matthieu. Le psalmiste traite donc de ces choses, c'est-à-dire de la puissance
du Créateur et de la gloire de celui qui ressuscite; et ce psaume était
probablement chanté le premier jour de la semaine, mais cette hypothèse semble
être contredite. Il faut savoir qu'au temps de David, Dieu était honoré en
Judée; et David considérant que Dieu est le Dieu de toute la terre, et voyant
dans son esprit prophétique que dans le futur il serait honoré dans le monde
entier, il composa ce psaume; et c'est de cela qu'il traite ici.
Ce psaume se divise en trois parties.
I) Dans la première partie le psalmiste expose
la domination universelle de Dieu.
II) Dans la
deuxième, il expose ou montre de quelle manière les hommes parviennent à Dieu:
3 Qui
montera, etc. ?
III) Dans la
troisième, il annonce le culte futur de Dieu à travers le monde entier: 7 Élevez vos
portes, etc.
I. En exposant sa domination universelle il fait
deux choses: il montre d'abord que la domination de Dieu est universelle.
Ensuite il en expose le signe ou la cause: car lui-même l'a fondée au-dessus des mers.
Ou bien ainsi: dans ce psaume, le psalmiste traite de trois choses:
A) D'abord de la
création.
B) Ensuite de
l'illumination: 3 Qui montera, etc. ?
C) Enfin de la
résurrection: Élevez,
ou bien de la glorification de celui qui ressuscite.
A. En traitant de
la création il expose deux choses:
1) Il expose
d'abord la puissance du créateur.
2) Puis il y
ajoute la raison: car lui même l'a fondée au-dessus des mers.
1. Il faut savoir
que la terre peut être considérée de deux manières: ou bien en tant qu'elle est
un seul élément, ou bien en tant qu'elle est la demeure des hommes; mais l'une
et l'autre manière sont sous la domination divine.
a. En ce qui
concerne la première manière, certains ont prétendu que la providence divine ne
s'étend pas aux choses corruptibles, mais aux cieux uniquement: "Les nuées
sont sa retraite; il se promène d'un pôle à l'autre, et il ne s'occupe pas de
ce qui nous regarde." - "Il a délaissé la terre, le Seigneur ne la
voit pas." Le psaume dit qu'au Seigneur est la terre, c'est-à-dire l'élément
lui-même sur lequel il a sa domination; ou bien: la terre, c'est-à-dire l'Église,
qui est une bonne terre produisant du fruit en abondance: "Qui a soutenu
de trois doigts la masse de la terre, et a équilibré les montagnes au poids, et
les collines dans la balance ?" mais il ajoute: et sa plénitude. - "La
terre était informe et vide, et les ténèbres étaient sur la face de l'abîme, et
l'Esprit de Dieu était porté sur les eaux", car elle n'était pas remplie
d'arbres et d'autres choses qui contribuent à son ornementation, comme les
plantes et les herbes. Ou bien: la plénitude de la terre,, c'est-à-dire la
plénitude des grâces de l'Église. Et c'est le Christ qui a apporté en lui toute
la plénitude des grâces: "Ta face est pleine de grâces." - "Nous
avons tous reçu de sa plénitude."
b. En ce qui
concerne la seconde manière, on dit aussi que le globe de la terre appartient à
Dieu, c'est-à-dire notre terre. et tous ceux qui l'habitent, c'est-à-dire tous
ses habitants: "Il jugera le globe de la terre avec équité, et les peuples
avec justice." - "Ce n'est pas en vain qu'il l'a créée (à savoir la
terre); c'est afin qu'elle soit habitée qu'il l'a formée." Le centre est
le lieu le plus bas du monde, lieu vers lequel la terre converge par sa propre
gravité et toutes les autres choses lui cèdent; et le psaume 103 dit: "Tu
as fondé la terre sur sa base", car par la gravité elle y tend: et tu l'as
fondée sur rien, car elle ne s'appuie sur rien; et il est écrit dans Isaïe: "Qui
a soutenu de trois doigts la masse de la terre", par le froid et la
cohésion de ses parties. Mais parce que la terre est un élément, il se fait
aussi un mélange d'elle avec les autres éléments; d'autre part la terre est
sèche et froide, d'où une partie d'elle ne tire sa cohésion ni du mouvement, ni
du flux, mais elle a besoin d'une autre humeur qui la contienne et lui donne sa
cohésion, et ainsi elle est établie ou affermie sur les eaux; et puisque dans
n'importe quelle partie de la terre il y a production d'eaux, on peut presque
dire que toute la terre est fondée sur l'eau; c'est la raison pour laquelle le
psalmiste dit: c'est
lui-même qui l'a fondée au-dessus des mers. Ou bien, de même que le
fondement soutient l'édifice, ainsi l'eau contient la terre, afin qu'elle ne se
disloque pas. Semblablement, la discontinuité de la terre fait que l'eau, qui
est liquide et lourde, coule pour ainsi dire par toute la terre. De même par le
mot globe sont
signifiés l'Église et tous ceux qui l'habitent, c'est-à-dire les fidèles; et
tous nous appartenons au Christ: Mais, comme le dit l'Apôtre, "soit que
nous vivions, soit que nous mourions, nous sommes au Seigneur".
2. Ensuite il
donne la raison des choses susdites, à savoir que c'est lui-même qui l'a fondée au-dessus
des mers, autrement dit: il appartient à l'artisan d'exercer son
métier d'artisan. Mais Dieu a fait la terre et ce qui existe sur la terre. Donc
la terre et sa plénitude lui appartiennent. Cependant certains affirment que
les choses terrestres ne relèvent pas de la providence divine. Mais au
contraire, c'est le signe d'une grande providence que l'ordonnance des eaux par
rapport à la terre, car les éléments légers doivent se trouver au-dessus des
éléments plus lourds. Et semblablement, de même que l'air entoure l'eau, ainsi
l'eau entoure-t-elle la terre. Et les philosophes assignent beaucoup de causes
à cela. Mais la cause c'est la providence divine, étant donné que s'y trouve
l'habitation des hommes et des animaux; c'est pourquoi Moïse dans la Genèse,
lorsqu'il exposa la création des choses, a présenté la terre d'abord informe,
et c'est pourquoi il disait que" la terre était vide", c'est-à-dire
informe, et sans arbre; et c'est la raison pour laquelle il l'a présentée
entourée ou recouverte d'eau, "et les ténèbres", c'est-à-dire les
eaux, "étaient sur la face de l'abîme", c'est-à-dire la terre; "et
l'Esprit du Seigneur", c'est-à-dire l'air, "se mouvait au-dessus des
eaux". Ou bien, la terre était vide, c'est-à-dire invisible à cause des
eaux; d'où ce qui suit: "Que les eaux qui sont sous le ciel se rassemblent
en un seul lieu, et que le sec paraisse." Autrement dit: puisque la terre
est première dans l'ordre des éléments, il se fait que par la providence divine
elle est fondée sur les eaux pour que les hommes et les animaux puissent y
vivre; et de la même façon les eaux occupent la terre tant que subsistent les
mers, c'est pourquoi il dit: c'est lui-même qui l'a fondée au-dessus des mers, c'est-à-dire
à côté, comme il le dit en un autre endroit: "sur les fleuves de Babylone",
c'est-à-dire à côté du fleuve de Babylone: "là nous nous sommes assis, et
nous avons pleuré, en nous souvenant de Sion". l'a fondée, c'est-à-dire l'a
établie pour que la mer ne l'occupe pas: "Je lui ai mis des barrières et
des portes; et j'ai dit: Tu viendras jusqu'ici, et tu ne passeras pas plus
loin, et tu briseras là l'orgueil de tes flots." - "Lui qui a donné
le sable pour borne à la mer, précepte éternel, qu'elle ne transgressera pas."
et qui l'a
disposée au-dessus des fleuves, c'est-à-dire à côté des fleuves; et
il dit: qui
l'a disposée, non fondée, parce que pour sa préparation il est
requis qu'elle soit irriguée par le fleuve: "Le fleuve de Dieu a été
rempli d'eaux, tu as par là préparé leur nourriture, c'est ainsi qu'on prépare
[la terre]. Enivrez ses ruisseaux, multipliez ses productions: dans les pluies
douces elle se réjouira en produisant." Ou bien, l'Église est fondée au-dessus
des mers, c'est-à-dire au-dessus des tribulations: "Les
soulèvements de la mer sont admirables." Et au-dessus des fleuves, c'est-à-dire
des persécutions auxquelles l'Église est préparée en vue des couronnes des
martyrs. Ou bien: au-dessus des mers, c'est-à-dire des amertumes, et
cependant elle a préparé sa consolation à côté des fleuves de consolations: "L'impétuosité
d'un fleuve réjouit la cité de Dieu."
3 Qui
montera sur la montagne du Seigneur ? Ou qui se tiendra dans son lieu saint ?
Il. Qui
montera ? Autrement dit: Il est grand, et comment parvient-on à lui
?
- "Qu'est-ce que l'homme, pour qu'il puisse suivre le roi son
Créateur ?" Et c'est pourquoi il enseigne le moyen d'y parvenir; et à cet
égard il fait deux choses:
A) Il pose
d'abord une question.
B) Ensuite il
donne la réponse: 4 Celui dont les mains sont innocentes.
A. Dans la
question il s'enquiert de deux choses: de la voie ou du mouvement: Qui montera ? Et
de l'aboutissement: Ou qui se tiendra ? La montagne signifie ici la
hauteur de la justice divine ou de sa majesté: "Ta justice est comme les
montagnes de Dieu." La montagne est donc la hauteur de la majesté divine
ou la sublimité du Christ, qui est appelé montagne: "Il arrivera dans les
derniers jours que la montagne préparée pour la demeure du Seigneur sera
établie sur le sommet des montagnes, et elle sera élevée au-dessus des
collines, et tous les peuples y afflueront." Qui donc montera au point
qu'il arrive au Christ ou à Dieu ? Les hommes saints qui disposent dans leur
coeur des degrés pour s'élever monteront, comme le dit le psalmiste. De même,
qui pourra s'y tenir, là où c'est lui-même qui est le lieu saint, le lieu de la
gloire ? - "Le lieu de notre sanctification, c'est l'attente d'Israël."
- "Le lieu dans lequel tu es est une terre sainte", autrement dit:
qui s'y fixera ? Mais ailleurs le psalmiste parle de manière affirmative: "Nos
pieds se tenaient dans tes parvis, ô Jérusalem."
B. D'où l'exposé
de la réponse qui suit.
4 Celui
dont les mains sont innocentes et le coeur pur; qui n'a pas reçu son âme en
vain, ni fait de serment trompeur à son prochain.
1) Et il montre
d'abord cela en général.
2) Puis en
particulier: Telle
est la géné ration, etc.
1. En montrant
cela en général il fait deux choses.
a) Il expose d'abord
le mérite.
b) Puis la
récompense: Celui-là
recevra.
a. Pour le mérite
il y a une chose qui concerne l'innocence de l'action, aussi dit-il: dont les mains
sont innocentes. - "L'innocent sera sauvé, mais il sera sauvé à
cause de la pureté de ses mains." - "Moi j'ai marché dans mon
innocence." Une autre chose concerne la pureté du coeur, et à ce propos il
suppose que le coeur pur soit préservé des convoitises intérieures, aussi
dit-il: "Bienheureux ceux qui ont le coeur pur, parce qu'ils verront Dieu."
Semblablement, qu'il soit préservé de toute cupidité des choses temporelles: qui n'a pas reçu
son âme en vain, c'est-à-dire qui ne l'a pas dissipée dans les
vanités, ou qui ne s'est pas glorifié de ses qualités, ou qui n'a pas laissé sa
sensualité parvenir au consentement du péché. Une version de Jérôme lit: "Qui non
extollant in vanum (Qui ne s'exaltent pas en vain)", car
certains s'enorgueillissent de la pureté de leur coeur: "Seigneur, mon
coeur ne s'est pas exalté." De même une autre chose concerne la vérité de
la bouche; d'où ce qui suit: Ni fait de serment trompeur à son prochain. - "N'aimez
pas le serment mensonger."
5
Celui-là recevra la bénédiction du Seigneur, et la miséricorde de Dieu, son
salut.
6 Telle est la génération de ceux qui le cherchent, de ceux
qui cherchent la face du Dieu de Jacob.
b. Le psalmiste
expose ici la récompense. Or cette récompense consiste en deux choses: en
l'obtention de biens: Celui-là recevra la bénédiction, c'est-à-dire
des biens de Dieu: "La bénédiction du Seigneur est sur la tête du juste."
- "C'est à cela que vous avez été appelés, afin de posséder la bénédiction
en héritage." De même en la libération des maux, aussi dit-il: et la
miséricorde de Dieu, son salut, lui qui libère de la détresse. Ou
bien autrement: celui dont les mains sont innocentes peut y accéder; car il
peut être innocent, c'est pourquoi il recevra la bénédiction du Seigneur, et la miséricorde, parce
qu'il évite les péchés: "Cela ne dépend donc ni de celui qui veut, ni de
celui qui court, mais de Dieu qui fait miséricorde."
2. Ensuite il
montre en particulier ce moyen de parvenir à Dieu: Telle est la génération de ceux qui
cherchent le Seigneur; autrement dit: en général la plupart sont
tels, tandis que ceux-ci sont toute la génération de ceux qui cherchent Dieu,
et dont les mains sont innocentes, etc. Aussi l'Écriture parle-t-elle des bons
comme d'une seule génération: "Cette génération ne passera point jusqu'à
ce que toutes choses s'accomplissent", c'est-à-dire des bons, etc. Et il
la décrit de deux manières: par son zèle, car elle ne cherche rien si ce n'est
Dieu, aussi dit-il: de ceux qui cherchent Dieu, même en cette vie:
"Cherchez le Seigneur, tandis qu'on peut le trouver." Dans quel but ?
Afin de parvenir à sa vision, d'où ce qui suit: de ceux qui cherchent la face du Dieu de Jacob. - "J'ai
vu Dieu face à face, et mon âme a été sauvée."
7 Élevez
vos portes, ô princes; et vous, élevez-vous, portes éternelles, et le
roi de gloire entrera. 8 Qui est ce roi de gloire ? Le Seigneur fort et puissant,
le Seigneur puissant au combat. 9 Élevez vos portes, ô princes; et vous, élevez-vous,
portes éternelles, et le roi de gloire entrera. 10 Qui est ce roi
de gloire ? Le Seigneur des armées, c'est lui le roi de gloire.
III. Ici commence la troisième partie du psaume,
dans laquelle le psalmiste annonce comment il arriverait que Dieu soit honoré
dans le monde entier, et il l'explique selon le sens littéral. On dit de Dieu
qu'il habite par la foi: "Que le Christ habite par la foi dans vos coeurs",
et par la charité: "Qui demeure dans la charité demeure en Dieu, et Dieu
en lui." De même, on dit entrer pour celui qui commence à se trouver à un
endroit où il n'était pas auparavant. Ainsi Dieu entre en nous, lorsque nous
commençons à avoir foi en lui. Jadis le monde entier n'avait pas la foi en Dieu:
et cela était dû à un double obstacle: en vertu des décrets des princes et de
l'usage de l'Antiquité. Cela était dû d'abord au fait que chaque cité édictait
des lois au sujet de l'idolâtrie, et instituait des dieux particuliers, aussi
ce culte était-il comme invétéré, et même les démons s'occupaient de cela.
Semblablement, les anges étaient honorés, ceux qu'ils appelaient la milice du
ciel; et ces obstacles étaient des portes ou des accès dont la fermeture
empêche l'entrée de la maison. Et le psalmiste fait trois choses.
A) Il annonce
d'abord ce qui relève de l'avenir.
B) Puis il pose
une question.
C) Enfin il donne
la réponse.
A. Ainsi dit-il:
ô princes, c'est-à-dire
ô hommes mauvais, ou bien ô démons, Élevez vos portes, c'est-à-dire levez les
obstacles que vous avez mis pour que les hommes ne parviennent pas à Dieu. Une
version de Jérôme lit: elevate (levez), autrement dit: retirez, etc.
- "Toi qui me relèves des portes de la mort, afin que je publie toutes tes
louanges aux portes de la fille de Sion." et vous, portes éternelles, c'est-à-dire
l'éternel et ancien obstacle, élevez-vous, c'est-à-dire écartez-vous: "Toi
tu lances des clartés merveilleuses des montagnes éternelles", autrement
dit: Vous, obstacles anciens, vous, éloignez-vous des coeurs des hommes, et
alors celui qui est le roi de gloire entrera dans le monde par la
foi et la charité, et par le culte. Ou bien, on peut dire qu'il y a deux sortes
de portes. Il y en a qui sont mauvaises, qui ferment l'accès à la vie; d'autres
sont bonnes, grâce auxquelles s'ouvre le chemin de la vie: "Ouvrez les
portes de la vie, c'est-à-dire de la justice, etc. Les portes mauvaises
représentent les péchés, tandis que les bonnes représentent les vertus. Ainsi
dit-il: ô
princes,
élevez vos portes, c'est-à-dire ouvrez, et écartez vos péchés; et
possédez les éternelles,
c'est-à-dire les dons éternels du Dieu éternel, élevez-vous dans vos coeurs, et le roi de
gloire entrera. Il parle de manière prophétique, car au commencement
tous n'ont pas cru aussitôt, mais ont hésité, autrement dit: à qui voulons-nous
croire et à qui voulons-nous obéir ? Est-ce au Dieu des Juifs ? - "Je ne
connais point le Seigneur, et je ne laisserai pas aller Israël."
B. Et il montre
cela lorsqu'il dit: Qui est ce roi de gloire ?
C. Et il répond: Le Seigneur fort
et puissant. Un roi se montre glorieux de trois manières.
1. D'abord parce
qu'il acquiert de grandes possessions par la force, aussi dit-il: fort. - "La
main des forts dominera."
- "Si j'ai recours à la force, il est très puissant."
2. Ensuite à
cause de son pouvoir; et il montre cela quand il dit: le Seigneur puissant, car il est
très puissant pour dominer: "Dieu ne rejette point les puissants." - "Sa
puissance est une puissance éternelle."
3. Enfin parce
qu'il est bon combattant, aussi dit-il: le Seigneur puissant au combat, combat dans
lequel en toutes choses il remporte la victoire contre la mort et le diable: "Voici
le lion de la tribu de Juda, la racine de David, qui a obtenu par sa victoire
d'ouvrir le livre et d'en délier les sept sceaux." Ou bien il est fort par
sa nature, puissant par sa juridiction sur les siens, et puissant au combat
contre ses adversaires. Le fait qu'il dit donc une seconde fois: élevez-vous, etc., peut
être considéré comme une répétition: et c'est afin que ceux qui entendent que
celui-ci est puissant ne diffèrent pas l'exécution de l'ordre intimé. Ou bien
la première référence aux princes désigne les démons, tandis que ce qu'il dit
ici se réfère aux bons anges qui devaient aussi être l'objet d'un culte par les
hommes, qui le leur rendaient, avant tout à cause de leur dignité, non à cause
de leur zèle: "Ils se prosternèrent devant toute l'armée du ciel",
autrement dit: Écartez les obstacles en raison desquels les hommes vous
honorent. Et c'est pourquoi celui-ci déclare: Le Seigneur des armées, c'est lui le roi de
gloire. Mais dans la Glose on trouve un autre commentaire. Le
Christ est descendu aux enfers et est monté au ciel; et il annonce ces deux
choses ici. Il commence par exhorter les princes infernaux pour qu'ils ouvrent,
aussi dit-il: Élevez,
etc.
Ô princes infernaux, ouvrez vos portes: et vous, élevez-vous, portes éternelles, et
le roi de gloire entrera. Mais lorsque les démons demandaient: Qui est ce roi
de gloire ? il répond: Celui qui fut fort et puissant au combat contre
toi. Ensuite il exhorte les citoyens qui habitent au-dessus de nous: Ouvrez les
portes, du
paradis. Aussi le Christ répondant comme avec la voix du héraut, et tenant son
rôle, dit en dirigeant sa voix vers le ciel: ô princes, célestes, Élevez, c'est-à-dire
ouvrez vos
portes, etc., et le roi de gloire entrera. Et à ceux qui
l'interrogent, il dit: Le Seigneur des armées, c'est lui le roi de gloire. Mais
à ce propos il faut savoir, comme le dit Denys, qu'il ne s'agit pas de
l'interprétation selon laquelle les anges seraient dans l'ignorance du mystère
de l'Incarnation, mais que dans leur émerveillement ils dirent: Qui est ce roi
de gloire ?, car la gloire du Christ dépasse toute connaissance.
C'est que parfois le Christ en personne donne un enseignement sur lui-même par
l'Écriture, comme on le lit dans Isaïe: "C'est moi qui parle avec justice,
et qui viens pour défendre et pour sauver." Mais ici ce n'est pas
lui-même, mais les autres qui donnent un enseignement sur lui, c'est-à-dire les
anges répondant: Le
Seigneur des armées, c'est lui le roi de gloire; car certains anges
reçoivent immédiatement de Dieu l'illumination, comme l'écrit Isaïe: "Je
vis le Seigneur assis sur un trône haut et élevé; et ce qui était sous lui
remplissait le temple. Des séraphins étaient au-dessus du trône: l'un avait six
ailes, et l'autre six ailes; avec deux ils voilaient leur face, et avec deux
ils voilaient leurs pieds, et avec deux ils volaient. Et ils se criaient l'un à
l'autre, et ils disaient: "Saint, saint, saint est le Seigneur Dieu des
armées, toute la terre est pleine de sa gloire."" D'autres anges sont
instruits par ces derniers, comme les anges des hiérarchies moyennes et
inférieures; et ici la réponse leur est donnée par d'autres anges.
1 Pour la fin.
Vers toi, Seigneur, j'ai élevé mon âme;
2 mon Dieu, en toi je me confie, je n'en rougirai pas. 3a Et que mes ennemis ne
se rient pas de moi.
3b Car tous ceux qui t'attendent ne
seront pas confondus.
4a Qu'ils soient confondus, tous ceux
qui commettent l'iniquité sans raison.
4b Seigneur, montre-moi tes voies, et
enseigne-moi tes sentiers. 5 Dirige-moi dans ta vérité, et instruis-moi, parce
que toi ru es mon sauveur, et je t'ai attendu durant tout le jour.
6 Souviens-toi de tes bontés, Seigneur,
et de tes miséricordes qui sont de toujours.
7 Des fautes de ma jeunesse, et de mes
ignorances ne t'en souviens pas. Selon ta miséricorde, souviens-toi de moi, à
cause de ta bonté, Seigneur.
8a Il est doux et droit, le Seigneur;
8b c'est pour cela qu'il donnera sa loi
à ceux qui s'égarent dans la voie. 9 Il conduira ceux qui sont dociles dans la
justice, il enseignera ses voies à ceux qui sont doux. 10Toutes les voies du
Seigneur sont miséricorde et vérité. Pour ceux qui recherchent son testament et
ses témoignages.
11 À cause de ton nom, Seigneur, tu
seras propice à mon péché, car il est grand.
12 Quel est l'homme qui craint le
Seigneur ? Il a établi pour lui une loi dans la voie qu'il a choisie. 13 Son
âme demeurera dans les biens, et sa race aura la terre en héritage. 14 Le
Seigneur est un ferme appui pour ceux qui le craignent; et son testament [est
destiné] à leur être manifesté.
15 Mes yeux sont toujours tournés vers
le Seigneur, parce que c'est lui qui tirera mes pieds du lacet. 16 Tourne-toi
vers moi et aie pitié de moi, parce que je suis unique et pauvre.
17 Les tribulations de mon coeur se sont
multipliées; arrache-moi à mes contraintes. 18 Vois mon humiliation et ma
peine, et remets-moi toutes mes fautes.
19 Regarde combien mes ennemis se sont
multipliés, et comme ils m'ont haï d'une haine inique.
20 Garde mon âme, et délivre-moi; que je
ne rougisse point, parce que j'ai espéré en toi. 21 Les [hommes] innocents et
droits se sont attachés à moi, parce que je t'ai attendu.
22 Ô Dieu, libère Israël de toutes ses
tribulations.
1 Pour
la fin.
Vers toi,
Seigneur, j'ai élevé mon âme;
2 mon Dieu,
en toi je me confie, je n'en rougirai pas. 3a Et que mes ennemis ne se rient pas de moi.
Plus haut le psalmiste a exposé la tribulation du Christ et le secours
divin; ici il y ajoute la prière. Et à ce propos il expose deux choses.
D'abord la prière elle-même.
Puis les mérites de celui qui prie: "Juge-moi, Seigneur."
Touchant la prière, il fait trois choses:
I) Il commence par la faire connaître.
II) Puis il montre la confiance qui en découle: 8
Il est doux
et droit.
III) Enfin il
montre que sa prière est assidue: 15 Mes yeux, etc.
I. En faisant connaître sa prière il sollicite
trois choses.
A) Il commence
par demander la libération de ses ennemis.
B) Puis il
demande d'être conduit vers les biens de la justice: 4b tes voies.
C) Enfin il
demande que ses péchés soient remis: 6 Souviens-toi.
A. En demandant
la libération de ses ennemis il expose trois choses:
1) La préparation
à la prière, selon ce verset de l'Ecclésiastique: "Avant la prière,
prépare ton âme, et ne sois pas comme un homme qui tente Dieu."
2) La formulation
de la demande: je
n'en rougirai pas.
3) Enfin la
raison de la demande: Car tous ceux, etc.
1. On se prépare
à la prière de deux manières: ou bien par l'élévation de son esprit vers Dieu,
comme le dit Damascène: "La prière est une élévation de l'intelligence
vers Dieu." Ou bien par la confiance qu'on a en Dieu.
a. Concernant la
première manière il dit: ô Seigneur, moi j'ai élevé mon âme vers toi, par la
contemplation, en considérant ta bonté, et par amour: "Élevons nos coeurs
avec nos mains vers le Seigneur."
b. Concernant la
seconde manière il dit: nul n'obtient s'il ne prie avec confiance: "Qu'il
demande avec foi, sans aucun doute." - "Approchons avec confiance du
trône de la [gloire, ou de sa] grâce." - "Une telle confiance, nous
l'avons en Dieu par le Christ; non que nous soyons suffisants pour former
aucune pensée par nous-mêmes."
2. Ensuite il
formule la demande: et il expose deux choses. La première qui est relative à
lui-même en soi, la seconde qui est relative à lui-même par rapport aux
ennemis.
a. À propos de la
première il dit: je
n'en rougirai
pas. On rougit de honte pour trois raisons. Ou bien lorsqu'on est opprimé
par un ennemi, ou bien lorsqu'on est déçu dans son espérance, ou encore
lorsqu'on repasse en son esprit les péchés que l'on a commis. À ce propos
l'Apôtre déclare: "Quel fruit avez-vous donc tiré alors des choses dont
vous rougissez maintenant ?" Au sujet de la deuxième raison, l'Apôtre dit
aussi: "L'espérance ne confond point, car la charité de Dieu a été
répandue en nos coeurs par l'Esprit-Saint qui nous a été donné"; c'est
pourquoi le psalmiste dit: Et que mes ennemis ne se rient pas de moi, c'est-à-dire
n'aient pas le pouvoir de se rire de moi, ce à quoi ils se préparent: "Voici
ceux que nous avons eus autrefois en dérision, et en proverbes outrageants."
- "La simplicité du juste est raillée en dérision."
3b Car
tous ceux qui t'attendent ne seront pas confondus.
b. À propos de la
seconde il dit: Car
tous ceux.
3. Il expose ici
la raison de la demande, et elle est double, autrement dit: je demande de ne
point rougir, et de ne pas être tourné en dérision.
a) Et il montre
d'abord à qui la confusion ne doit pas être causée.
b) Puis à qui
elle doit être causée: Qu'ils soient confondus.
a. Ainsi dit-il
d'abord: Car
tous ceux qui t'[espèrent] ne seront pas confondus. Ceux-là
l'espèrent qui l'attendent avec longanimité: "S'il met un certain délai,
attends-le; car il va venir." - "Nul n'a espéré dans le Seigneur, et
n'a été confondu."
4a Qu'ils
soient confondus, tous ceux qui commettent l'iniquité sans raison.
b. Ici il montre
à qui la confusion ou la honte doit être causée, car il dit: tous ceux qui
commettent l'iniquité sans raison. Et il y a deux sortes de
confusion: une bonne et une mauvaise. - "Il y a une confusion qui amène le
péché, et il y a une confusion qui amène la gloire et la grâce."
- Au sujet de la première il est écrit: "Ils ont été confus parce
qu'ils ont commis l'abomination." Cette confusion est due à la peine et au
châtiment éternel.
- Mais le psalmiste poursuit en parlant de la
bonne confusion. Ils ne sont pas confondus à propos de la bonne confusion, et
c'est pourquoi on traite ici de l'une et l'autre confusion. Car si on l'entend
de la mauvaise confusion, alors il ne la souhaite pas mais il l'annonce, ce qui
revient à dire: Qu'ils
soient confondus, tous ceux qui commettent le mal, c'est-à-dire "qui
me persécutent". sans raison, parce qu'ils ne peuvent point
parvenir à leur fin en me persécutant: "Ils combattent contre toi, et ne
prévaudront point." De même, tous ceux qui commettent l'iniquité, c'est-à-dire
que les pécheurs soient confondus par leur propre damnation, sans raison, c'est-à-dire
ceux qui commettent l'iniquité, car par l'acte même de leur péché ils
s'éloignent de Dieu, et sont empêchés d'atteindre la fin, c'est-à-dire la
béatitude: "Leurs travaux sont sans fruit", ou impropres.
Semblablement on peut l'entendre de la bonne confusion, et ainsi il dit: Qu'ils soient
confondus, etc., en souhaitant qu'ils reviennent à la
pénitence.
4b Seigneur,
montre-moi tes voies, et enseigne-moi tes sentiers. 5 Dirige-moi dans
ta vérité,
et instruis-moi, parce que toi tu es mon sauveur, et je t'ai attendu durant
tout le jour.
B. Ensuite il
demande d'être élevé vers les biens.
1) Et il expose
d'abord sa demande.
2) Puis il en
donne la raison: parce
que toi tu es mon sauveur
1. Or il y a deux
sortes de biens: le bien de la vie active et celui de la vie contemplative.
a) Il commence
par mentionner le bien de la vie active.
b) Puis celui de
la vie contemplative: Dirige-moi.
a. Dans la vie
active il y a deux manières de progresser: la première est générale et se fait
par le précepte, la seconde est particulière et se fait par les conseils.
- À propos de la première manière il dit: Seigneur, montre-moi tes voies. Les
voies du Seigneur par lesquelles on parvient à Dieu sont les préceptes: "Si
tu veux entrer dans la vie, garde les commandements." - "S'il marche
dans mes préceptes, et les accomplit, celui-là est juste; il vivra de la vie,
dit le Seigneur Dieu."Car à travers ces voies le Seigneur vient à nous, en
particulier par le précepte de la charité: "Si vous m'aimez, gardez mes
commandements." Moi je ne connais pas ces voies, et c'est pourquoi
montre-les moi, et quant à l'intelligence et quant à la pratique.
Touchant l'intelligence il est écrit: "Tes yeux verront ton
maître, et tu entendras la voix de celui qui, derrière toi, t'avertira."
Touchant la pratique il dit: et enseigne-moi tes sentiers. La voie est
publique et commune, tandis que le sentier est étroit et n'est pas commun, il
est au contraire une réduction de la voie commune.
- Semblablement les conseils sont une voie qui mène à Dieu, mais plus
étroite et plus courte: "Tenez-vous sur les voies", c'est-à-dire
observez les préceptes, "et demandez touchant les sentiers",
c'est-à-dire gardez les conseils: "Rendez droits les sentiers de notre
Dieu."
b. Mais les deux,
à savoir les préceptes et les conseils, concernent la vie contemplative.
D'abord, dans le but de bien se servir des choses connues pour rechercher
soigneusement les autres, et ensuite, dans le but d'apprendre les choses
inconnues.
- En relation avec le premier but il dit: Dirige-moi dans ta vérité, c'est-à-dire
selon ta vérité, ce qui revient à dire: que ta vérité dirige: "Envoie ta
lumière et ta vérité."
- En relation avec le second but il dit: et enseigne-moi, non seulement
par l'Écriture et les créatures, mais aussi intérieurement: "Quiconque
s'est mis à l'écoute du Père et à son école vient à moi."
2. parce que toi, Dieu,
tu es mon
sauveur. Le psalmiste expose ici la raison de la demande mentionnée.
L'une s'appuie sur Dieu. L'autre s'appuie sur celui qui demande.
a. Elle s'appuie
sur Dieu, parce qu'il est lui-même le sauveur et le créateur du salut humain,
qui consiste principalement dans la connaissance de la vérité: "Lui qui
veut que tous les hommes soient sauvés, et viennent à la connaissance de la
vérité. Car il n'y a qu'un Dieu et qu'un médiateur entre Dieu et les hommes, le
Christ Jésus" vrai sauveur: "Un Dieu juste et qui sauve: il n'y en a
pas excepté moi."
b. Semblablement
elle s'appuie sur celui qui demandé, car je n'attends d'enseignement de
personne excepté de toi. Lui que j'ai attendu durant tout le jour.
- Il est écrit dans un psaume: "Ceux qui attendent avec constance
le Seigneur, ceux-là même hériteront de la terre." Et de même dans un
autre psaume: "Que ton coeur se fortifie, et attends avec constance le
Seigneur."
6 Souviens-toi
de tes bontés, et de tes miséricordes qui sont de toujours.
C. Le psalmiste
demande ici la rémission de ses péchés, etc. Il fait deux choses.
1) Il expose
d'abord sa demande en général.
2) Puis il
l'explique en particulier: 7 Des fautes.
1. D'une manière
générale il demande la miséricorde. Elle concerne ici en particulier la misère.
Et sa plus grande misère est sa faute. Or la misère s'oppose à la félicité qui
consiste principalement en un acte de vertu parfaite. Puis dans les biens
extérieurs. Ensuite dans les détriments et dans les choses extérieures: "Le
péché rend les peuples malheureux." Et c'est pourquoi il demande la
miséricorde face aux péchés. Ainsi dans cette miséricorde on distingue deux
choses: l'usage ou l'effet de la miséricorde qu'on appelle miseratio. Puis la miséricorde
elle-même qui est ainsi appelée en tant qu'elle est une vertu. Donc lorsque
Dieu a pitié en acte, on dit alors qu'il est miséricordieux; mais il semble
oublier quand il n'a pas pitié en acte, c'est pourquoi il dit: Souviens-toi de
tes bontés. - "Dieu oubliera-t-il d'avoir pitié ?"
Cependant c'est en vue de nos biens qu'il diffère son acte de pitié, bien qu'il
semble oublieux selon l'opinion humaine, quand il n'a pas pitié en acte; c'est
pourquoi il dit: Souviens-toi,
de crainte que tu ne paraisses oublieux vis-à-vis des méchants. et de tes
miséricordes. Il dit cela à cause des multiples effets de la
miséricorde divine à l'égard de la nature humaine. qui sont de toujours, c'est-à-dire
depuis le commencement de la création: "Sa miséricorde s'étend d'âge en
âge."
7 Des
fautes de ma jeunesse, et de mes ignorances ne t'en souviens pas. Selon ta
miséricorde, souviens-toi de moi, a cause de ta bonté, Seigneur.
2. Ici le
psalmiste explique pourquoi il a besoin de la miséricorde, ce qui revient à
dire: je demande maintenant la miséricorde, car j'ai commis des pêchés, qui,
ainsi qu'il le dit, appellent la miséricorde. Et il expose trois choses qui
contribuent à la rémission du péché.
a. D'abord le
genre du péché, et il y en a deux: l'un est un péché de transgression, et
l'autre d'omission. Et ces derniers, c'est-à-dire les péchés d'omission, sont
appelés fautes, comme s'ils étaient moins graves, en quelque façon assez
susceptibles de pardon, car il est difficile à l'homme de se garder totalement
d'une faute, et c'est pourquoi le psalmiste dit: Des fautes. - "Si un homme
est tombé par surprise en quelque faute, vous qui êtes spirituels,
instruisez-le en esprit de douceur."
b. Puis la
condition de celui qui pèche: car plus un homme est doué de qualités
intellectuelles, et occupe une haute situation, plus la gravité de son péché
augmente en lui. Et c'est pourquoi les péchés qui se commettent au cours de la
jeunesse sont tenus pour moindres que ceux qui se commettent au cours de la
vieillesse: "Le pécheur de cent ans sera maudit." Et c'est pourquoi
il dit: Des
fautes de ma jeunesse. Au sens littéral, il prie pour ceux qui se
sont rendus coupables de fautes dès leur jeunesse, selon qu'il est écrit dans
la Genèse: "Les sentiments de l'homme sont inclinés vers le mal",
c'est-à-dire vers le péché, "dès sa jeunesse".
- "L'adolescence et la volupté sont choses vaines." Ou bien: de ma jeunesse, c'est-à-dire
dès la naissance, car l'homme naît fils de la colère. Et aussi longtemps que
l'homme est jeune, il habite dans la maison de son père; de même aussi
longtemps que l'homme est pécheur, il habite dans la maison du diable, qui est
une demeure en ruine: "Un vent s'est élevé du côté du désert et a ébranlé
les quatre coins de la maison, qui, s'écroulant, a écrasé tes enfants, et ils
sont morts; et j'ai fui, moi seul, pour te l'annoncer." Ou bien: de ma jeunesse, c'est-à-dire
des péchés commis par orgueil. Car les jeunes gens sont naturellement
orgueilleux et présomptueux.
c. Enfin la
motivation qui amène à commettre le péché, car les péchés qui se commettent par
ignorance sont de moindre gravité, aussi dit-il: et de mes ignorances ne t'en souviens pas.
- "J'ai obtenu miséricorde, parce que j'ai agi par ignorance,
dans l'incrédulité." - "Ne te souviens pas de nos iniquités
anciennes, mais souviens-toi de ta miséricorde."
Le psalmiste poursuit en exposant la raison de sa demande. Il ne
demande pas que ses péchés lui soient remis en raison de ses mérites, parce que
la miséricorde n'est pas due au mérite. Et c'est pourquoi il allègue deux
choses du côté de Dieu, c'est-à-dire la miséricorde et la bonté, qui sont en
Dieu comme dans leur sujet, mais diffèrent dans leur objet. Ainsi en Dieu on
considère la bonté, c'est-à-dire la communication des biens dans les créatures,
car le bien est diffusif de soi. Tandis que la miséricorde désigné une
profusion particulière de sa bonté pour écarter le malheur; et c'est pourquoi
il dit: Selon
ta miséricorde, souviens-toi de moi, non de mes péchés: "Nous
répandons nos prières devant ta face, non en vue de notre justice, mais en vue
de tes miséricordes abondantes." - "Que promptement nous préviennent
tes miséricordes", parce que "nous sommes devenus pauvres à l'excès".
Ne te souviens pas seulement de moi à cause de ta miséricorde, grâce à laquelle
tu m'épargnes des malheurs, mais aussi à cause de ta bonté, grâce à laquelle tu fais
toutes choses bonnes; et tel est Dieu lui-même, puisqu'il est l'être de la
bonté.
8a Il est
doux et droit, le Seigneur;
II. Plus haut le psalmiste a demandé que ses
péchés soient remis par la miséricorde divine, mais ici il expose la confiance
qui découle de la miséricorde divine; et à ce propos il fait deux choses.
A) Il expose
d'abord la cause de cette confiance.
B) Puis cette foi
fiduciale qui en découle: 11 À cause de ton nom.
A. À propos de la
cause de cette confiance il mentionne deux choses.
1) Il explicite
d'abord la cause de la confiance envers la bonté divine.
2) Puis il expose
l'effet de la bonté divine: 8b c'est pour cela qu'il donnera sa loi, etc.
1. Il faut noter
qu'à propos de la bonté divine il mentionne deux choses: la douceur et la
rectitude, car Il
est doux et droit. La douceur est à proprement parler dans les
réalités matérielles, mais au sens métaphorique elle se trouve dans les
réalités spirituelles. C'est pourquoi il faut que dans les réalités
spirituelles la douceur emprunte sa similitude à la douceur corporelle. Or la
douceur corporelle a les propriétés suivantes: elle refait le goût corporel,
elle repose et procure la délectation; semblablement aussi la douceur
spirituelle repose et refait, et apporte la délectation au goût spirituel. Mais
en Dieu est la douceur par essence: "Cette nourriture qui venait de toi
montrait la douceur que tu as pour tes enfants." Mais chez les hommes on
appelle douceur la satisfaction qu'ils se donnent à eux-mêmes ou bien aux
autres, en s'adonnant au mal ou au péché; mais en Dieu il n'y a de douceur que
dans les biens, et c'est pourquoi le psalmiste ajoute: et droit, le Seigneur. - "Tu
es juste, Seigneur, et droit est ton jugement", de telle sorte que la
douceur se réfère à la miséricorde, la rectitude à la justice.
8b c'est
pour cela qu'il donnera sa loi à ceux qui s'égarent dans la voie. 9 Il conduira
ceux qui sont dociles dans la justice, il enseignera ses voies à ceux qui sont
doux. 10 Toutes les voies du Seigneur sont miséricorde et vente.
Pour ceux qui recherchent son testament et ses témoignages.
2. Ici le
psalmiste expose l'effet de la bonté divine. Or il y a trois catégories
d'hommes chez qui se trouve la justice de la bonté divine.
a) La première
catégorie est celle des pécheurs.
b) La deuxième
est celle des pénitents.
c) La troisième
est celle des justes.
a. À l'égard des
pécheurs, Dieu manifeste sa bonté en les corrigeant, aussi dit-il: c'est pour cela,
c'est-à-dire à cause de sa douceur et de sa rectitude, qu'il donnera sa
loi à ceux qui s'égarent dans la voie.
- "La loi a été établie à cause des transgressions." Et c'est
pourquoi la bonté de Dieu est telle qu'elle corrige ceux qui s'égarent. Et il
dit: à ceux
qui s'égarent, parce que selon ce verset de la première épître à
Timothée: "La loi n'est pas établie pour le juste." De même il dit: dans la voie, parce
que dans la voie se trouve l'état du mérite ou du péché. Ou bien, dans la voie, c'est-à-dire
de la foi, car elle est appelée la voie par laquelle on va à Dieu: "Il
faut que celui qui s'approche de Dieu croie qu'il est." Donc, même si l'on
s'égare dans la foi on est ramené vers Dieu par la correction. Ou bien, il
donnera la loi de la charité: "L'amour est la plénitude de la loi",
afin que par la charité ils aient la rémission des péchés. - "La charité
couvre toutes les fautes." Ou bien, à ceux qui s'égarent dans la voie de la
justice en les corrigeant: "Ils n'ont pas connu la voie de la sagesse",
et pour ces derniers il établit la loi.
b. Le deuxième
effet, c'est qu'il conduit les pénitents, aussi dit-il: "Il conduira ceux
qui sont dociles dans la justice." Or une bête devient docile lorsqu'après
avoir abandonné sa férocité, elle se soumet à l'homme; de même les hommes,
lorsqu'ils renoncent à leurs péchés, sont soumis à Dieu, et c'est pourquoi il
dit: dans la
justice, c'est-à-dire de la correction, parce que par la justice
correctionnelle ils progressent vers les biens les meilleurs, et ils
progresseront davantage au jugement dernier, au cours duquel les pénitents
parviendront à l'héritage de la vie éternelle et entendront la sentence en leur
faveur: "C'est à l'homme de préparer son âme, et au Seigneur de gouverner
sa langue." La mansuétude est une vertu qui apaise la colère, colère qui
entrave fortement la connaissance, et elle se manifeste surtout dans les
soulèvements des mers. Et cette vertu doit être particulièrement recherchée;
c'est ce qui explique pourquoi Denys, dans sa lettre à Dèmophile, dit que Moïse
fut digne d'être favorisé de l'apparition de Dieu à cause de sa grande
mansuétude.
c. Le troisième
effet est qu'il instruit les justes, c'est pourquoi il dit: il enseignera
ses voies à
ceux qui sont doux. On appelle mansuetus (doux) celui qui de l'état sauvage
est amené à la bonté, ou à l'humilité; mais sont appelés mites (doux) ceux qui le furent
toujours. Ces derniers sont pris en pitié par Dieu, car la doctrine du Seigneur
s'acquiert par l'homme en tant qu'homme et non en tant que bête: "Qui nous
donne plus d'instruction qu'aux bêtes de la terre ?" Le propre de l'homme,
c'est-à-dire sa raison, est corrompu par la passion de l'irascible et du
concupiscible; et la mansuétude tempère la passion de l'irascible, mais la
tempérance la passion du concupiscible. Et c'est pourquoi ceux qui sont appelés
doux, méritent de recevoir la doctrine du Seigneur: "À qui enseignera-t-il
la science ? et à qui fera-t-il comprendre ce qui aura été entendu ? À des
enfants qu'on vient de sevrer, d'arracher aux mamelles."
Il explicite ensuite les voies qu'il enseigne, aussi dit-il: Toutes les voies
du Seigneur. Les voies du Seigneur sont ses démarches en toute
oeuvre, ce qui revient à dire: moi j'ai trouvé cette voie. Les démarches du
Seigneur dans ses oeuvres se réfèrent à deux choses: à la miséricorde et à la
justice, car si l'on dit quelque chose à propos de Dieu et à propos de l'homme,
on le comprendra pour chacun selon son mode particulier. Ainsi lorsqu'on parle
de la miséricorde au sujet de Dieu, on le comprend sous le mode divin, et pour
l'homme selon le mode humain. La miséricorde se manifeste dans l'homme
lorsqu'il compatit aux malheurs d'autrui, et la justice lorsqu'il rend à chacun
ce qui lui est dû. Mais en Dieu ce n'est pas selon ce mode, car Dieu est
impassible et ne compatit pas; car la compassion c'est l'acte de souffrir avec
autrui, la souffrance née d'une tribulation étrangère ayant été assumée en soi.
De même Dieu ne doit rien à personne. Il y a donc miséricorde en Dieu lorsqu'il
éloigne l'adversité en toute chose, de telle sorte que les adversités sont
largement assumées à la place de ce défaut. Il y a justice en Dieu lorsqu'il
donne à chacun selon sa mesure. Et nous trouvons ces deux choses dans toutes
les oeuvres de Dieu, car dans la première création de ces oeuvres on ne trouve
pas la règle de la justice, mais celle de la miséricorde, car il ne doit rien
au néant; mais par la suite, quand les choses furent créées, il accorda tout ce
qui est approprié à ces choses selon leur mesure, et en cela s'est manifestée
la justice divine. Et ainsi fait-il aussi dans les effets de la grâce: car la
première justification du pécheur relève de la miséricorde; et après avoir été
justifié il donne les récompenses, parce qu'il donne selon sa mesure. Et ainsi
la miséricorde précède, et puis vient la justice; et c'est pourquoi il dit: Toutes les voies
du Seigneur sont miséricorde et vérité.
- "Toutes tes voies sont miséricorde et vérité." - "Ses
commisérations s'étendent sur toutes ses oeuvres." - "Ta vérité
demeure de génération en génération: tu as fondé la terre, et elle demeure
stable." Mais à qui les voies du Seigneur semblent-elles miséricorde et
justice ? Non aux impies et aux pécheurs, au contraire il semble qu'elles leur
soient cruelles et injustes, ainsi qu'on l'a dit: "La voie du Seigneur
n'est pas juste", disent les pécheurs; mais pour les bons et les justes
les voies du Seigneur semblent telles qu'on l'a dit: "Que Dieu est bon
pour Israël, pour ceux qui ont le coeur droit." Et il dit pour qui les
voies du Seigneur sont miséricorde et vérité, car c'est pour ceux qui recherchent son testament et
ses témoignages. Une version de Jérôme lit: custodientibus (pour ceux qui
gardent). Mais qu'entend-t-on par son testament et ses témoignages ? Le
testament est en général tout pacte de Dieu, tandis que les témoignages sont
toutes les promesses de Dieu. Or Dieu promet son secours, et il recourt en
outre aux miracles. Ou bien le mot testament est pris au sens de Nouveau
Testament, dans lequel toutes les promesses sont accomplies; le mot témoignage désigne
l'Ancien Testament qui est le témoignage du Nouveau: "C'est à lui que tous
les prophètes rendent ce témoignage." Ou bien on dit témoignage lorsqu'une vérité est
attestée: "Il a gardé le serment qu'il a juré à vos pères." Ou
encore, on appelle témoignage l'attestation de la loi de l'esprit selon les
juristes; et l'attestation peut être appelée manifestation, ou confirmation, ou
certitude. Car les témoins manifestent et certifient, et c'est dans ce sens que
le testament est pour ainsi dire appelé une manifestation et une certification
de l'esprit divin, ou ce que Dieu veut. Ou bien, selon Papias, on appelle "testament"
dans la Sainte Écriture le pacte ou l'accord; et on appelle "témoignage"
tout ce qui est emprunté à une réalité extérieure pour engendrer la foi.
11 À
cause de ton nom, Seigneur, tu seras propice à mon péché, car il est grand.
B. Le psalmiste
expose ici la confiance
conçue de la miséricorde divine et de la justice, et à cet égard il
fait deux choses.
1) Il expose
d'abord la confiance qu'il a vis-à-vis de lui-même.
2) Puis il invite
les autres à avoir confiance: 12 Quel est l'homme ?
1. En parlant de
lui-même il fait deux choses:
a) Il expose
d'abord sa propre confiance.
b) Puis il en
donn la raison.
a. Il dit que le
Seigneur donnera sa loi, etc., et cela regarde sa bonté; et c'est pourquoi il
ajoute: moi j'ai confiance qu'il sera propice à mon péché, c'est-à-dire qu'il
remettra mon péché: "Qui est celui-ci, qui remet même les péchés ?"
Et il fera cela non point à cause de nos mérites, car ces péchés méritent un
châtiment, mais à
cause de ton nom. Le nom de Dieu est entendu ici non seulement en
tant que tel, mais il s'agit aussi de la réalité signifiée par ce nom, qui est
la bonté divine; autrement dit: à cause de sa bonté il me remettra mon péché: "Sauve-moi
à cause de ton nom", c'est-à-dire afin que ton nom soit glorifié. Et cela
convient surtout au nom de Jésus-Christ qui est un nom qui porte le salut,
comme on le lit dans Matthieu.
b. Et pourquoi ? À cause de ton
nom, car mon péché est si grand qu'avec raison il ne mérite pas de
rémission, aussi dit-il: car il est [considérable], c'est-à-dire grand
et grave, par son ampleur et sa multiplicité: "Nous faisons tous beaucoup
de fautes", au moins véniellement: "Le juste tombera sept fois"
par jour "et se relèvera". Ou bien considérable, par la gravité: "Mes
iniquités se sont élevées au-dessus de ma tête; et comme un fardeau pesant,
elles se sont appesanties sur moi." Ou bien ce verset est prononcé contre
les novatiens qui se disaient cathares, c'est-à-dire purs. Le prêtre Novatien
vécut au temps de Dèce, et ce dernier disait que nul ne pouvait revenir à la
pénitence après avoir failli à la suite du baptême. Mais si cela avait été
vrai, le psalmiste aurait dit en vain: tu seras propice à mon péché.
12 Quel
est l'homme qui craint le Seigneur ? Il a établi pour lui une loi dans la voie
qu'il a
choisie. 13 Son âme demeurera dans les biens, et sa
race aura la terre en héritage. 14 Le Seigneur est un ferme appui pour ceux
qui le
craignent; et son testament [est destiné] à leur être manifesté.
2. Le psalmiste
invite ici les autres à avoir confiance.
a) Et il expose
d'abord ce qui est nécessaire de notre côté.
b) Puis ce qu'il
faut espérer en Dieu.
a. De notre côté,
il est requis que nous nous soumettions, autrement c'est en vain que nous
aurions confiance. Donc la première soumission se fait par la crainte: "Le
commencement de la sagesse est la crainte du Seigneur", aussi dit-il: Quel est l'homme
qui craint le Seigneur ? - "Vous qui craignez le Seigneur,
croyez en lui, et votre récompense ne sera pas anéantie."
b. Du côté de
Dieu, trois choses sont à espérer, en ce sens qu'il y a trois facultés dans
l'homme: l'intellect, la volonté, et la puissance d'agir (virtus operativa) opérative.
Ainsi Dieu instruit l'intellect, satisfait à la volonté, et fortifie la
puissance.
- Au sujet de l'intellect il dit: Il a établi pour lui une loi dans la voie qu'il a
choisie, c'est-à-dire que l'homme qui craint le Seigneur a choisi la
voie, à savoir servir Dieu: "Servez le Seigneur dans la crainte."
Voici la voie, marchez-y. Et dans cette voie il enseigne comment l'homme
progresse. Une version de Jérôme lit: "Docebat eum (Il l'enseignait)", et il
fait cela en établissant une loi.
- Quant à la volonté de l'homme, elle se réfère à deux choses en ce
monde:
· D'abord à la possession des biens.
· Puis au legs de ces biens à ses enfants, et dans ce domaine Dieu
satisfait aussi temporellement ceux qui le craignent.
· C'est pourquoi au sujet de la possession des biens il dit: Son âme
demeurera dans les biens. Mais il vaut mieux comprendre cela au sens
spirituel. Et ici il semble mentionner deux choses: l'affluence des biens: Son âme
demeurera dans les biens, en tant qu'il s'agit de la volonté dont
l'objet est le bien. Ainsi donc l'homme demeure dans les biens, lorsqu'il se
rassasie des choses spirituelles: "C'est lui qui remplit de biens ton
désir", c'est-à-dire des biens de la vie présente, autrement dit des
puissances spirituelles, et des biens de la gloire dans l'avenir.
· Ensuite il mentionne la stabilité: et sa race aura la terre en héritage. et sa
race, c'est-à-dire les oeuvres de l'homme spirituel, oeuvres qui
sont nos enfants. Et celui-ci aura la terre en héritage, c'est-à-dire
lorsque cet héritage sera donné, à savoir la terre des vivants: "Je crois
que je verrai les biens du Seigneur dans la terré des vivants." Ou bien: sa race,
c'est-à-dire notre corps glorifié, aura cette terre en héritage, à cause des bonnes oeuvres.
- Quant à la puissance d'agir de l'homme, il dit: Le Seigneur est un ferme appui pour ceux
qui le craignent.
· Et il expose d'abord l'affermissement de sa puissance opérative.
· Puis il expose la finalité du testament du Seigneur: et son
testament.
· Ainsi dit-il: les autres hommes sont affaiblis par la crainte du
monde, car ils hésitent, mais la crainte de Dieu les rend forts, car il est
écrit: "Celui qui craint le Seigneur ne s'alarmera de rien, et il n'aura
pas peur, parce que le Seigneur lui-même est son espérance." Et c'est
pourquoi il ajoute: son espérance est un ferme appui; et celui-ci est affermi en vue
du moment où le Seigneur lui manifeste son testament, c'est-à-dire sa promesse.
· Tel est donc le testament, ou la promesse qu'il fait au sujet de la
venue du Christ, lui qui par sa venue s'est manifesté à Siméon craignant Dieu;
ou bien il s'agit de la promesse au sujet de la vie éternelle: "Moi je
l'aimerai, et je me manifesterai à lui." Une version de Jérôme lit ainsi: "Secretum Domini
timentibus eum, foedus illius manifestabitur illis (Le secret
du Seigneur [est) pour ceux qui le craignent, son alliance leur sera
manifestée)." En effet la promesse de la vie éternelle se fait dans le
secret, comme on le dit dans Isaïe: "L'oeil n'a pas vu, ô Dieu, toi
excepté, ce que tu as préparé pour ceux qui t, aiment." Et cela est donné
à ceux qui le
craignent. - "Qu'elle est grande, Seigneur, l'abondance de ta
douceur que tu as réservée en secret à ceux qui te craignent." Et ce
secret est l'alliance qu'il a promise à ceux qui le craignent: "Il se
lèvera pour vous qui craignez mon nom, un Soleil de justice."
15 Mes
yeux sont toujours tournés vers le Seigneur, parce que c'est lui qui tirera mes
pieds du lacet. 16 Tourne-toi vers moi et aie pitié de moi, parce que je
suis unique et pauvre.
III. Plus haut le psalmiste a exposé la confiance
qu'il a conçue de la miséricorde divine, et il a également invité les autres à
cette confiance; mais ici, pour la seconde fois il ajoute la prière à la
confiance qu'il a conçue. Et à ce propos il fait deux choses.
Il fait d'abord mention de la préparation en vue de la prière: "Avant
la prière, prépare ton âme."
Ensuite il expose la prière elle-même: Tourne-toi vers moi.
Concernant la prière proprement dite il fait deux choses:
A) Il expose
d'abord la prière dans laquelle il prie pour lui-même.
B) Ensuite celle
qui concerne ses ennemis: 19 Regarde combien mes ennemis.
A. En priant pour
lui-même il fait deux choses:
1) Il demande
d'abord la miséricorde.
2) Ensuite il
donne la raison pour laquelle il fait miséricorde: Les tribulations.
La préparation de la prière consiste en l'élévation de l'âme vers Dieu,
c'est pourquoi il dit: Mes yeux, c'est-à-dire du coeur: "Qu'il
éclaire les yeux de votre coeur." Ces yeux, c'est-à-dire ceux de
l'intelligence et de la foi, sont dits être spécialement tournés vers le
Seigneur: "J'ai levé mes yeux vers toi, qui habites dans les cieux."
Et cela en raison de la confiance conçue: parce que c'est lui qui tirera mes pieds du lacet.
- "L'homme ne connaît pas sa fin: et comme les poissons sont pris à
l'hameçon, et comme les oiseaux sont retenus par le lacs, ainsi sont pris les
hommes", par le diable, "au temps du malheur". Ces maux sont des
occasions de péché. Et quand l'homme tombe dans le péché, alors il est lié par
le lacet de sa passion, qu'on appelle péché de l'homme. Dieu seul libère de ce
lacet: "Le filet s'est rompu, et nous avons été délivrés." Et comment
? "Notre secours est dans le nom du Seigneur."
1. Ensuite il
demande la miséricorde, et c'est pourquoi il dit: Tourne-toi vers moi et aie pitié de moi, etc. Le
Seigneur semble détourner ses yeux lorsqu'il n'exerce pas sa miséricorde, mais
tourne son regard quand il l'exerce; voilà pourquoi Pierre pleura à la vue du
Christ. Ainsi dit-il: Tourne-toi vers moi, etc. - "Sa miséricorde est pour
ses saints." Il poursuit en exposant la raison pour laquelle il a besoin
de miséricorde; c'est, dit-il, parce qu'il est unique. Cela se comprend ainsi
selon un premier sens, car celui qui ne trouve pas de secours en lui, il faut
qu'il se tourne vers Dieu: "Mon secours vient du Seigneur." Or les
hommes jouissent d'un double secours en ce monde: le premier vient des amis,
l'autre des moyens; mais dans le cas présent il ne jouit ni de l'un ni de
l'autre: car il n'a pas celui des amis, aussi dit-il: parce que je suis unique, c'est-à-dire
solitaire, sans secours des proches et des amis: "Je tournais mes regards
vers le secours des hommes, et il n'en était point." De même ni celui des
moyens, car il est pauvre. - "Je suis un pauvre, moi, et
dans les travaux depuis ma jeunesse." Ou bien, selon un autre sens. Deux
choses sont nécessaires pour que l'homme soit aidé par Dieu: d'abord, que son
coeur tende totalement vers Dieu: "Je demanderai une seule chose au
Seigneur, je la rechercherai: c'est d'habiter dans la maison du Seigneur tous
les jours de ma vie." - "Une seule chose est nécessaire." Et tel
est ce qu'il dit: parce que je suis unique, c'est-à-dire parce que je tends à
l'unique. Ensuite, qu'il soit contempteur des choses mondaines, autrement il
n'est pas unique et ne plaira pas à Dieu seul. C'est pourquoi il dit: parce que je
suis pauvre, c'est-à-dire parce que je méprise toutes choses à cause
de toi.
17 Les
tribulations de mon coeur se sont multipliées; arrache-moi à mes contraintes. 18
Vois mes
humiliations et ma peine, et remets-moi toutes mes fautes.
2. Ici il expose
trois choses relatives à son adversité: deux choses concernant sa peine, et la
troisième touchant sa faute.
a. Or il y a deux
sortes de peine. L'une est infligée par nécessité. L'autre est assumée par la
volonté. Les peines infligées font deux choses: elles affligent intérieurement
le coeur, et contraignent extérieurement le corps.
- En relation avec l'affliction du coeur il dit: Les tribulations de mon coeur se sont
multipliées, c'est-à-dire par divers événements, et en raison des
nombreuses tribulations qui arrivent, celles-ci pénètrent jusqu'au coeur, comme
des tribules piquants: "Mes gémissements sont nombreux, et mon coeur est
triste."
- En relation avec l'affliction du corps il dit: arrache-moi à mes contraintes. Les
tribulations appellent des contraintes, en tant que les tribulations sont
utiles, selon ce qui est écrit dans l'épître aux Romains: "La tribulation
produit la patience; la patience, l'épreuve; et l'épreuve l'espérance; or
l'espérance ne confond point."
- "La patience rend les oeuvres
parfaites." Selon la Glose: "La patience n'est pas vaincue, le
parfait est éprouvé." Et c'est pourquoi elles sont utiles en tant qu'elles
humilient: "Bien plus nous nous glorifions même dans les tribulations,
sachant que la tribulation produit la patience, etc." Ou bien, on appelle
tribulations les pénuries: "Il t'a affligé par la disette." De même
il est écrit dans l'épître aux Romains: "Subvenant aux contraintes des
saints." Ou bien, elles sont appelées tribulations à cause de la violence
qui est une contrainte. Mais l'affliction assumée intérieurement est une
humilité d'esprit devant Dieu, c'est pourquoi il dit: Vois, c'est-à-dire considère mon
humilité: "Il a tourné son regard vers l'humilité de sa servante." De
même l'affliction, qui est une peine, est aussi une humilité manifestée
extérieurement, aussi dit-il: et ma peine. - "Ils ne seront pas sujets
à la peine des hommes, et avec les autres [hommes) ils ne seront pas frappés."
À propos des hommes de bien il est écrit dans la Sagesse: "Le fruit des
bons labeurs est glorieux."
b. Au sujet de la
faute il dit:
remets-moi toutes mes fautes. - "Tes péchés seront remis quand
tu le demanderas." Et notez qu'on obtient la rémission des péchés de trois
manières:
- Par les tribulations qui opèrent la rémission des péchés, si on les
supporte avec patience: "Au temps de la tribulation tu remets les péchés à
ceux qui t'invoquent. [ après la tempête tu fais le calme et après les larmes
et les soupirs tu répands la joie."
- De même par l'humilité: "Puisque Achab s'est humilié devant moi,
je n'amènerai pas le malheur en ses jours."
- "D'un coeur contrit et humilié, ô Dieu, tu n'auras point de
mépris."
- Semblablement par la peine: "Il regarda notre humiliation, notre
peine et nos angoisses, et il nous retira de l'Égypte par une main forte."
Et c'est pourquoi il dit: remets-moi toutes mes fautes.
19 Regarde
combien mes ennemis se sont multipliés, et comme ils m'ont haï d'une haine
inique.
B. Ici le
psalmiste prie en demandant du secours contre ses adversaires.
1) Et il amène
d'abord Dieu à considérer ses ennemis.
2) Puis il
demande du secours contre eux: Garde mon âme.
3) Enfin il en
donne la raison: que
je ne rougisse point.
1. Ainsi dit-il: Regarde, avec
l'oeil de la miséricorde, combien mes ennemis, afin de les prendre en
pitié et de les convertir: "Priez pour ceux qui vous persécutent et vous
calomnient." - "Lorsque sa voie plaira à Dieu, il réduira à la paix
ses ennemis eux-mêmes." Et je demande cela en priant, car c'est alors que j'obtiendrai
la paix. combien
[ils] se sont multipliés. - "Nombreux sont ceux qui me
persécutent et qui me tourmentent." et ils m'ont haï d'une haine inique. Il y a
deux sortes de haines. La première haine est bonne, c'est lorsqu'on hait le
péché ou le pécheur à cause de la faute: "Je les haïssais d'une haine
parfaite." Semblablement il y a une haine inique, c'est lorsqu'on hait la
nature ou la justice, c'est pourquoi il dit: ils m'ont haï d'une haine inique, c'est-à-dire
injuste et sans raison: "C'est afin que s'accomplisse la parole qui est
écrite dans la Loi: Ils m'ont haï sans raison."
20 Garde
mon âme, et délivre-moi; que je ne rougisse point, parce que j'ai espéré en
toi.
21 Les
[hommes] innocents et droits se sont attachés à moi, parce que je t'ai attendu.
2. Le psalmiste
demande ici du secours contre ses ennemis, car ils sont nombreux et iniques, et
c'est pourquoi il sollicite un double secours.
a. Il demande
d'abord que Dieu le garde dans les persécutions de crainte qu'elles ne
l'emportent sur lui temporellement ou spirituellement, ou bien qu'il le garde
afin qu'il ne tombe pas dans le péché.
b. Puis, qu'il le
délivre des maux, c'est pourquoi il dit: et délivre-moi, c'est-à-dire totalement des
maux, afin de jouir de l'abondance dans la Patrie.
3. Il donne la
première raison quand il dit: que je ne rougisse point, car si tu ne me
délivres et ne me gardes, je tomberai dans la confusion. Et cela ne doit pas
arriver, parce
que j'ai espéré en toi. - "Il n'est point de confusion pour
ceux qui se confient en toi." L'autre raison, c'est que tes amis
s'appuient sur moi. Parfois Dieu libère quelqu'un non à cause de ses propres
mérites, mais de crainte que les amis de Dieu ne périssent avec celui sur
lequel ils s'appuient, c'est pourquoi il dit: Les [hommes] innocents et droits se sont
attachés à moi. Sont appelés innocents ceux qui s'écartent du mal,
droits ceux qui accomplissent le bien: "Tout animal aime son semblable."
Et pourquoi ? parce
que je t'ai attendu, c'est-à-dire parce que j'ai espéré en toi: "Que
ton coeur se fortifié, et attends le Seigneur." Une version de Jérôme lit:
"Simplicitas
et veritas (Simplicité et vérité)."
22 Ô
Dieu, libère Israël de toutes ses tribulations.
Ici le psalmiste expose sa demande en faveur de tout le peuple, aussi
dit-il: Ô Dieu,
libère Israël, c'est-à-dire ce peuple, ou bien ceux que tu as
prédestinés à voir Dieu. de toutes ses tribulations. Et cela aura lieu
dans la Patrie, lorsque s'accomplira ce que rapporte l'Apocalypse: "Dieu
essuiera toute larme de leurs yeux, et il n'y aura plus ni mort, ni deuil, ni
cri."
Pour la fin. Psaume de David.
1 Juge-moi, Seigneur, parce que moi j'ai
marché dans mon innocence; et espérant dans le Seigneur, je ne serai pas
affaibli.
2 Éprouve-moi, Seigneur, et sonde-moi;
brûle mes reins et mon coeur.
3 Parce que ta miséricorde est devant
mes yeux, et je me suis complu dans ta vérité.
4 Je n'ai pas siégé dans un conseil de
vanité, et je n'entrerai pas avec les artisans d'iniquité. 5 J'ai haï
l'assemblée des méchants, et je ne siégerai pas avec des impies.
6 Je laverai mes mains parmi les
innocents, et je me tiendrai autour de ton autel, Seigneur. 7 Afin que
j'entende la voix de ta louange, et que je raconte toutes tes merveilles.
8 Seigneur, j'ai aimé la beauté de ta
maison, et le lieu où habite ta gloire.
9 Ne perds pas, ô Dieu, mon âme avec les
impies, ni ma vie avec les hommes de sang; 10 dans les mains desquels sont des
iniquités, leur droite est pleine de présents. 11 Mais moi, j'ai marché dans
mon innocence, rachète-moi et aie pitié de moi.
12 Mon pied s'est tenu dans le droit
chemin; dans les assemblées, je te bénirai, Seigneur.
Pour la fin.
Psaume de David.
1 Juge-moi,
Seigneur, parce que moi j'ai marché dans mon innocence; et espérant dans le
Seigneur, je ne serai pas affaibli.
2 Éprouve-moi,
Seigneur, et sonde-moi; brûle mes reins et mon coeur
Plus haut le psalmiste a exposé sa prière contre les tribulations, mais
ici pour que sa prière soit agréée, il expose sa justice. Le titre de ce psaume
est clair, car il n'est pas nouveau. Le psalmiste fait deux choses dans ce
psaume.
I) Il commence par exprimer d'une manière
générale toute son intention.
II) Puis il l'expose en particulier: 4 Je n'ai pas
siégé dans un conseil de vanité.
I. En exprimant d'une manière générale toute son
intention, il fait trois choses.
A) Il demande
d'abord le jugement.
B) Puis il
allègue sa justice: parce que moi.
C) Il justifie sa
présomption: 3 Parce
que ta miséricorde.
A. David se
voyant dans sa propre personne ou dans celle du juste, mêlé à la condition des
pécheurs sans l'avoir mérité, demande d'en être séparé, aussi dit-il: Seigneur,
juge-moi, c'est-à-dire sépare-moi de ceux-ci.
Cependant il est écrit: "N'entre pas en jugement avec ton
serviteur; car en ta présence nul homme vivant ne sera justifié."
On répondra en disant qu'il y a deux sortes de jugement: un jugement
sévère et rigoureux, et ce n'est pas ce jugement qu'il demande, car nul ne peut
le porter; l'autre est un jugement de miséricorde et de discernement, et tel
est celui qu'il sollicite: "Corrige-moi, Seigneur, mais cependant dans ta
justice, et non dans ta fureur", c'est-à-dire non dans ta sévérité.
B. Et il expose
son innocence, aussi dit-il: parce que j'ai marché dans mon innocence, c'est-à-dire
j'ai progressé dans mon innocence, ou j'ai marché, parce que notre vie est une
marche en avant: "Je te conduirai par les sentiers de l'équité, lorsque tu
y seras entré, tes pas ne seront pas gênés; et si tu cours, tu ne trouveras pas
de pierre d'achoppement." Et cela dans mon innocence que j'ai la ferme
intention de garder: "L'innocent sera sauvé, mais il sera sauvé à cause de
la pureté de ses mains." je ne serai pas affaibli. Une version de
Jérôme lit: "Non deficiam (je ne défaillirai pas)", c'est-à-dire
dans cette innocence à garder: "Jusqu'à ce que je défaille, je ne me
désisterai pas de mon innocence"; et je ferai cela non par mes propres
forces, mais par ma confiance dans le secours divin, parce que espérant dans le
Seigneur, je ne serai pas affaibli. - "Tous ceux qui espèrent
en Dieu ne s'affaiblissent point."
Cependant, cela semble une présomption, car il est écrit: "Si je
veux me justifier, ma propre bouche me condamnera."
On répondra en disant que l'allégation de l'innocence peut parfois
provenir de l'orgueil, c'est-à-dire lorsque quelqu'un l'attribue à soi, et
c'est un mal; parfois elle vient de la miséricorde divine, et c'est un bien,
aussi ajoute-t-il: Parce que ta miséricorde. Mais d'où sais-tu
que toi tu es innocent ? Toi, Seigneur, éprouve cela. Et il expose trois
choses: l'épreuve, la tribulation et la tentation. La deuxième chose découle de
la première, la troisième de la deuxième.
Ainsi dit-il: Éprouve-moi, Seigneur, non pour que tu saches
quelque chose à mon sujet par cette épreuve, mais afin que tu le montres aux
autres. L'homme est très éprouvé par la tentation qui est une mise à l'épreuve:
la tentation est l'acceptation de la mise à l'épreuve à propos de ce qu'on
ignore, tandis que l'épreuve relève de ce qu'on sait par la manifestation de la
vertu. Et c'est pourquoi il dit: Tente-moi, c'est-à-dire pour que j'apparaisse
éprouvé à mes yeux et aux yeux des autres, car Dieu ne tente pas en vue du mal:
"Car Dieu est incapable de tenter et de pousser au mal." Mais on dit
que Dieu tente lorsque certaines dispositions se révèlent à partir d'une très
grande difficulté. Et cette tentation survient à travers le feu, comme on le
dit dans la Sagesse: "Il les a éprouvés comme l'or dans la fournaise."
Et c'est pourquoi il dit: brûle mes reins et mon coeur, c'est-à-dire
envoie des tribulations à travers lesquelles se manifeste ce qu'il y a dans mon
coeur et dans mes reins. Au coeur est attribué la pensée, aux reins la
jouissance sensible. Et cela se manifeste à travers les tribulations, car ceux
qui jouissent des biens terrestres sont beaucoup plus ébranlés lorsqu'ils les
perdent, mais non ceux qui n'en jouissent pas. Ou bien on peut appliquer cela
au feu du Saint-Esprit: "Je suis venu jeter un feu sur la terre",
autrement dit: montre ton secours, envoie ton feu qui brûle tout ce qu'il y a
de charnel dans mes jouissances, et de vain dans ma pensée.
3 Parce
que ta miséricorde est devant mes yeux, et je me suis complu dans ta vérité.
C. Ici le
psalmiste se justifie de deux manières à propos de sa demande d'être tenté. La
première émane de sa pensée, car il pense à la miséricorde de Dieu, quand il
dit: Parce
que ta miséricorde est devant mes yeux, autrement dit: je demande
d'être tenté parce que je me confie dans ta miséricorde, qui abonde toujours
avec la tentation: "Je me souviendrai des miséricordes du Seigneur, je
louerai le seigneur pour tout ce qu'il m'a fait." Semblablement la
deuxième manière vient de son amour de la justice. et je me suis complu dans ta vérité, c'est-à-dire
si tu me punis à cause de mes péchés, cela me plaît; si je suis tenté, je sais
que tu me rémunéreras.
4 Je
n'ai pas siégé dans un conseil de vanité, et je n'entrerai pas avec les
artisans d'iniquité. 5 J'ai haï l'assemblée des méchants, et je ne siégerai pas
avec des impies.
II. Ici il explique son intention en particulier.
A) Et il expose
d'abord sa propre innocence.
B) Ensuite il
sollicite une demande: 9 Ne perds pas, ô Dieu, mon âme avec les impies.
A. Il montre donc
sa propre innocence.
1) Et d'abord par
l'éloignement du mal.
2) Ensuite par
l'accès au bien: 6 Je laverai.
1. Il y a trois
sortes de maux qui correspondent à trois péchés. Ou bien il y a le péché contre
Dieu, ou contre le prochain, ou contre soi.
a. Contre soi, ce
sont les péchés de vanité par lesquels l'homme jouit vainement des biens
terrestres; et à propos de ces derniers il dit: Je n'ai pas siégé dans un conseil de
vanité, autrement dit: je ne dis pas en vérité que je n'aurais
jamais été avec eux en quelque circonstance, car il peut parfois arriver à
l'homme de jouir des biens terrestres, mais il dit: Je n'ai pas siégé. - "Jamais
je ne me suis mêlé à ceux qui se divertissent, et je ne me suis pas lié avec
ceux qui se conduisent avec légèreté."
b. Les péchés qui
se commettent contre le prochain sont ceux qui sont engendrés par les actes,
c'est pourquoi il dit: et je n'entrerai pas avec les artisans d'iniquité, c'est-à-dire
non seulement je n'ai pas siégé, etc., mais je ne suis pas entré, c'est-à-dire
en aucune manière je ne me suis mêlé à eux: "Mon fils, si des pécheurs
veulent te séduire, n'y acquiesce pas. Mon fils, ne marche pas avec eux, écarte
ton pied de leurs sentiers." Il y a aussi les péchés prémédités dans le
coeur, c'est pourquoi il dit: J'ai haï l'assemblée des méchants, c'est-à-dire
la réunion des méchants: "J'ai eu en haine les hommes iniques",
c'est-à-dire la faute et l'iniquité.
c. Enfin il
expose le péché contre Dieu, et c'est l'impiété; c'est pourquoi il dit: et avec
les impies, c'est-à-dire
avec les hérétiques et les schismatiques, je ne siégerai pas, c'est-à-dire je ne
partagerai pas leurs doctrines: "Ne vous laissez point emporter par des
doctrines diverses et étrangères."
6 Je
laverai mes mains parmi les innocents, et je me tiendrai autour de ton autel,
Seigneur. 7 Afin que j'entende la voix de ta louange, et que je
raconte toutes tes merveilles.
2. Plus haut le
psalmiste a montré sa propre innocence en se séparant du mal, mais ici il la
montre en s'appliquant aux biens. Et parce que les biens, dont l'application
nous rend justes, sont les biens divins, c'est pourquoi il dit qu'il se consacre
en personne à ceux-ci. À cet égard il fait deux choses:
a) Il expose
d'abord son application.
b) Ensuite il
mentionne son effet: Seigneur, j'ai aimé la beauté de ta maison.
a. En exposant
son application il fait trois choses:
- Il fait connaître sa disposition à l'égard du culte divin.
- Ensuite il expose le culte divin proprement dit: je me tiendrai autour de ton autel.
- Enfin
son fruit:
Afin que j'entende la voix de ta louange.
- Sa disposition est faite de pureté et d'innocence: "Seigneur,
qui habitera dans ta tente, et qui reposera sur ta montagne sainte ?" - "Celui
dont les mains sont innocentes et le coeur pur." Et c'est pourquoi, afin
d'approcher avec une disposition pure, il traite de la pureté. Il dit donc: Je laverai mes
mains parmi les innocents, c'est-à-dire mes oeuvres qui sont
principalement lavées par Dieu, à travers la grâce qu'il répand: "Lave-moi
complètement de mon iniquité, et purifie-moi de mon péché." Elles sont
aussi lavées par nous à travers la pénitence: "Lavez-vous, purifiez-vous,
ôtez le mal de vos pensées de devant mes yeux; cessez d'agir avec perversité;
apprenez à bien faire, cherchez la justice, venez au secours de l'opprimé,
jugez l'orphelin, défendez la veuve." Je laverai, c'est-à-dire je m'appliquerai à la
pénitence afin qu'elles soient lavées. Et cela, parmi les innocents, parce que
les moeurs se forment à partir de la vie commune: "Avec l'innocent, tu
seras innocent; et avec l'élu, tu seras l'élu, et avec le pervers, tu agiras
selon sa perversité." Et ainsi purifié je m'approcherai du culte divin.
- et
je me tiendrai autour de ton autel, Seigneur, car ou bien il prie,
ou bien il se tient debout près de l'autel. Il est écrit dans l'Ecclésiastique
à propos de Simon le grand prêtre: "Il se tenait lui-même debout près de
l'autel."
Et c'est pourquoi le prêtre, lorsqu'il va commencer la célébration du
Sacrement, dit: Je
laverai. Ou bien, on peut l'entendre de l'autel spirituel. L'autel
est dans le temple, et de même qu'il y a trois sortes de temples, il y a aussi
trois sortes d'autels. Le premier est l'homme juste: "Ne savez-vous pas
que vos membres sont le temple de l'Esprit-Saint ?" L'autel de ce temple
est le coeur: "Le feu", c'est-à-dire de la charité, "brûlera
toujours sur l'autel", c'est-à-dire dans le coeur. Nous devons entourer
cet autel, ou nous tenir près de lui, c'est-à-dire l'orner, en revenant
toujours au Christ: "Garde ton coeur en toute vigilance, parce que c'est
de lui que la vie procède." L'autre temple est l'Église, et l'autel de ce
temple est le Christ: "Nous avons un autel dont n'ont pas le droit de
manger ceux qui servent dans le tabernacle." Ou bien il s'agit de la foi.
Et nous devons entourer cet autel, afin d'être de tout notre coeur autour de
lui. Le troisième temple, c'est Dieu lui-même: "Je ne vis point de temple
dans la cité, parce que le Seigneur tout-puissant et l'Agneau en sont le temple",
et l'autel de ce temple c'est la miséricorde de Dieu. Et nous devons entourer
cet autel par le désir de notre coeur: "Le Seigneur est doux pour tous, et
ses commisérations s'étendent sur toutes ses oeuvres."
- Enfin il en montre le fruit. Et il y a deux sortes de fruits:
entendre et raconter, aussi dit-il: Afin que j'entende la voix de ta louange. Et
il dit cela au sens littéral à propos de l'autel matériel, parce que ce
sacrifice est tout à fait accepté par Dieu: "C'est un sacrifice de louange
qui m'honorera." Il s'agit aussi de la louange que l'Esprit-Saint fait
retentir en nous: "J'écouterai ce que dira au-dedans de moi le Seigneur
Dieu." Et semblablement de la louange dans le ciel: "Ils obtiendront
la joie et l'allégresse, et la douleur fuira ainsi que le gémissement." Ou
bien: J'écouterai la voix de ta louange, c'est-à-dire du Christ me louant; et
cela aura lieu au jugement dernier lorsqu'il dira: "J'ai eu faim, et vous
m'avez donné à manger; j'ai eu soif, et vous m'avez donné à boire: j'étais sans
asile, et vous m'avez recueilli; nu et vous m'avez vêtu, malade et vous m'avez
visité; en prison, et vous êtes venus a moi." Mais dans l'Apocalypse il
est écrit: "Que celui qui entend dise: Viens." Aussi entendons-nous
dans le but de le dire aux autres: "Ce que j'ai appris du Seigneur des
armées, Dieu d'Israël, je vous l'ai annoncé." Et c'est pourquoi il ajoute:
"Le Seigneur n'a-t-il pas fait publier par ses saints toutes ses
merveilles, qu'il a confirmées, lui, le Seigneur tout-puissant, pour qu'elles
soient stables dans sa gloire ?" Et il dit: toutes tes merveilles quant à
son effet ou son effort, non quant à l'effet selon Dieu, car il est lui-même
plus grand que toute louange.
8 Seigneur,
j'ai aimé la beauté de ta maison, et le lieu ou habite ta gloire.
b. Ici il montre
la disposition qu'il a à l'égard du culte divin, qui, comme il sied, doit être
un sentiment d'amour. Voilà pourquoi il dit: Seigneur, j'ai aimé la beauté de ta maison.
Selon Denys, "le bien et le beau sont un objet d'amour pour
tous les êtres". C'est pourquoi tout homme aime le beau: les charnels
aiment le beau charnel, les spirituels aiment le beau spirituel, et c'est la
beauté de la maison de Dieu: "Que tes tabernacles sont beaux, ô Jacob, et
tes tentes, ô Israël ! Elles sont comme des vallées bien boisées, comme des
jardins arrosés d'eau le long des fleuves, comme des tabernacles qu'a dressés
le Seigneur." Or cette beauté est faite de bonnes oeuvres, ou de dons
divins, ou des saints eux-mêmes, car toutes choses sont comme une beauté de la
maison de Dieu. Or toutes ces choses, moi je les ai aimées, afin qu'elles me
rendent apte à orner la maison de Dieu. Ainsi donc est manifestée sa
disposition, qui est faite d'amour, de beauté et de grâce. Mais il faut savoir
que cette beauté est due à l'habitation de Dieu, comme une maison n'est belle
que dans la mesure où elle est habitée; aussi moi je l'ai aimée afin que tu
habites en moi, ou bien j'ai aimé la Patrie afin d'y habiter, ou de tendre vers
elle. Et c'est pourquoi il dit: et le lieu où habite ta gloire. Et toutes ces
choses, c'est-à-dire les bonnes oeuvres, les dons de Dieu, et les saints
eux-mêmes, sont la beauté de la maison de Dieu, en tant que brille sur eux la
grâce divine qui embellit comme la lumière, ainsi que le dit Ambroise, parce
que sans lumière toutes les choses sont laides: "La majesté du Seigneur
entra dans le temple par la porte qui regardait l'Orient."
9 Ne
perds pas, ô Dieu, mon âme avec les impies, ni ma vie avec les hommes
de sang; 10 dans les mains desquels sont des iniquités, leur droite
est pleine de présents. 11 Mais moi, j'ai marché dans mon innocence, rachète-moi et
aie pitié de moi.
B. Ici le
psalmiste explique la demande du jugement qu'il sollicite; et il explicite quel
jugement il sollicite, et demande deux choses.
1) Il demande
d'abord d'être séparé des maux qui peuvent arriver dans l'avenir.
2) Ensuite des
maux dont il souffre dans le présent: rachète-moi.
1. Il expose donc
d'abord sa demande. Il faut savoir ici que le châtiment de Dieu est réservé à
deux genres d'hommes: a ceux qui sont impies ou qui pèchent contre Dieu: "L'impiété
de l'impie sera sur lui." Et c'est pourquoi il dit: Ne perds pas, ô Dieu, etc., autrement
dit: Si ici-bas je suis affligé et si je souffre de maux terrestres avec les
impies, cependant ne perds pas mon âme avec eux. Semblablement le châtiment est
réservé aux impies qui pèchent contre le prochain, c'est pourquoi il dit: ni ma vie avec
les hommes de sang. - "Les hommes de sang et trompeurs."
Dans cette catégorie entrent tous ceux qui offensent le prochain en quelque
manière. Et on distingue trois sortes de sang:
a. La première,
qui est produite par la nourriture et la boisson, c'est pourquoi la nourriture
et la boisson sont appelés sang des pauvres: "Le pain des indigents est la
vie des pauvres; celui qui le leur ôte est un homme de sang."
b. La deuxième,
c'est le sang de l'homme, et l'homicide le répand.
c. La troisième,
c'est le sang de la semence en vue de la conservation de l'espèce, et le
fornicateur le répand, car il n'agit pas en vue d'engendrer.
dans les mains
desquels sont les iniquités, autrement
dit: je demande cela, à savoir que je sois alors séparé de ces derniers,
puisqu'à présent je suis séparé d'eux par ma conversion et ma vie, puisque dans
leurs mains sont des iniquités, c'est-à-dire qu'ils sont très enclins au mal: "Leurs
pieds courent au mal, et ils se hâtent afin de verser le sang." - "Une
oeuvre d'iniquité est dans leurs mains." Semblablement il est question de
l'inclination de leurs passions vers les choses terrestres, aussi dit-il: leur droite est
pleine de présents.
- "Un feu dévorera les tentes de ceux qui reçoivent volontiers des
présents." Ou bien: leur droite est pleine de présents, autrement
dît: bien qu'ils soient eux-mêmes iniques, cependant tu leur donnes des biens
temporels, et en ceux-ci consiste leur récompense: "Ils ont reçu leur
récompense." Puis il se décrit en disant: Mais moi, j'ai marché dans mon innocence, autrement
dit: je demande cela afin que, tout comme tu leur prépares des maux, tu me
prépares des biens, selon ce qui est écrit au psaume 83: "Il ne privera
pas de biens ceux qui marchent dans l'innocence."
2. Ensuite il
demande d'être libéré des maux présents. Les maux qui appartiennent à l'homme
peuvent être de deux sortes: ou bien ce sont des maux extérieurs, et il demande
d'en être libéré, aussi dit-il: rachète-moi, en tant qu'esclave des maux qui
m'accablent. Et il fait aussi allusion à la Rédemption du genre humain. Ou bien
ce sont des maux intérieurs, et il demande d'en être libéré, aussi dit-il: Aie pitié de
moi, car l'adversité regarde spécialement le mal intérieur: "Le
péché rend les peuples malheureux."
12 Mon
pied s'est tenu dans le droit chemin; dans les assemblées, je te bénirai,
Seigneur.
Ici le psalmiste expose la raison pour laquelle il demande cela, et
elle est double. L'une se fonde sur le passé: c est la rectitude de sa vie,
aussi dit-il: Mon
pied, c'est-à-dire mon coeur, ou ma marche, s'est tenu dans le droit chemin. De
même, l'autre se fonde sur le futur: je me propose de toujours te servir, aussi
dit-il: dans
les assemblées, je te bénirai, Seigneur, c'est-à-dire en présence de
la multitude: "J'ai annoncé ta justice dans une grande assemblée." Et
il dit cela au pluriel à cause du grand nombre des Églises particulières, comme
le dit l'Apocalypse.
Pour la fin.
1 Psaume de David,
avant qu'il fût oint. Le Seigneur est ma lumière et mon salut, qui craindrai-je
? Le Seigneur est le protecteur de ma vie; par qui serai-je intimidé ?
2 Tandis que des
méchants s'apprêtent à fondre sur moi, pour manger mes chairs, mes ennemis qui
me tourmentent ont été eux-mêmes affaiblis et sont tombés.
3 Si des camps
s'établissent contre moi, mon coeur ne craindra pas. Si un combat est livré
contre moi, j'y mettrai mon espérance.
4 J'ai demandé une
seule chose au Seigneur, je la rechercherai: c'est d'habiter dans la maison du
Seigneur tous les jours de ma vie; c'est de voir les délices du Seigneur et de
visiter son temple.
5 Car il m'a caché
dans son tabernacle; au jour des malheurs il m'a protégé dans le secret de son
tabernacle.
6a Il m'a élevé
sur un rocher; et maintenant il a élevé ma tête au-dessus de mes ennemis.
6b J'ai tourné
autour [de son autel], et j'ai immolé dans son tabernacle une hostie [avec] des
cris de joie; je chanterai, et dirai un psaume au Seigneur.
7 Exauce,
Seigneur, ma voix par laquelle j'ai crié vers toi: aie pitié de moi, et
exauce-moi.
8 Mon coeur t'a
parlé, ma face t'a recherché; ta face, Seigneur, je la rechercherai.
9a Ne détourne pas
ta face de moi: ne te retire point, dans ta colère, de ton serviteur.
9b Sois mon aide;
ne m'abandonne pas, ne me méprise pas, ô Dieu, mon sauveur. 10 Parce que mon
père et ma mère m'ont abandonné; mais le Seigneur m'a recueilli.
11 Prescris-moi,
Seigneur, une loi [à suivre] dans ta voie; et dirige-moi dans une voie droite à
cause de mes ennemis.
12 Ne me livre pas
aux âmes de ceux qui m'affligent; parce que se sont élevés contre moi des
témoins iniques, et que l'iniquité a menti contre elle-même.
13 Je crois que je
verrai les biens du Seigneur dans la terre des vivants.
14 Attends le
Seigneur, agis virilement; et que ton coeur se fortifie, et patiente avec le
Seigneur.
1Psaume
de David, avant qu'il fût oint. Le Seigneur est ma lumière et mon salut, qui
craindrai-je ? Le Seigneur est le protecteur de ma vie; par qui serai-je
intimidé ? 2 Tandis que des méchants s'apprêtent a fondre sur moi,
pour manger mes chairs, mes ennemis qui me tourmentent ont été eux-mêmes
affaiblis et sont tombés.
Après avoir d'abord parlé de sa prière, le psalmiste poursuit en
exprimant ici la confiance qu'il en a conçue; et à cet égard il fait deux
choses.
Il expose d'abord la confiance conçue.
Puis il prie de nouveau, afin de ne pas faillir dans sa confiance: "Vers
toi, Seigneur, je crierai."
Le titre de ce psaume est: Pour la fin. Psaume de David, avant qu`il fût oint. Il
faut noter, comme la Glose le rapporte au sens large, que David fut
oint comme roi à trois reprises.
D'abord, par Samuel. Et à ce moment-là il ne fut pas roi, mais reçut
l'insigne de la royauté: "Samuel prit la corne d'huile, et l'oignit au
milieu de ses frères: et l'Esprit du Seigneur descendit sur David en ce jour-là
et dans la suite" car depuis ce moment-là il fut prophète, selon Jérôme et
Flavius Josèphe.
Puis, à Hébron: "Vinrent les hommes de Juda, et ils oignirent
David comme roi sur la maison de Juda."
Enfin, lorsque Isboseth, fils de Saül, fut tué, David régna sur tout
Israël. Ces deux onctions étaient regardées comme une seule, car l'une et
l'autre durent être acquises en vue de la dignité actuelle du royaume. A
l'occasion de la première onction, David souffrit la persécution de la part de
Saül, mais après la deuxième et la troisième onction il régna en paix.
Mais on peut faire une objection à propos d'Absalom.
On répondra en disant qu'il n'a pas souffert la persécution de la part
des étrangers, mais d'Absalom et de Séba, et c'est pourquoi il composa ce
psaume avant la deuxième onction. Mais il semble préférable de référer les deux
onctions au Christ dans le Nouveau Testament, c'est-à-dire comme roi et prêtre.
Et le Christ fut oint de l'huile de l'Esprit-Saint: "Ton Dieu t'a plus
excellemment oint d'une huile de joie que ceux qui participent à l'onction avec
toi", comme roi et comme prêtre. Et cette onction descend jusqu'à nous: "Comme
le parfum répandu sur la tête, qui descend sur la barbe d'Aaron." - "Nous
avons tous reçu de sa plénitude." Nous sommes donc d'abord oints de
l'onction sacerdotale en préfiguration du royaume futur: car nous sommes rois
et libres. Et parce que nous souffrons encore de nos ennemis, nous serons
ensuite oints d'une double gloire actuelle: avec la parure de gloire de l'âme
et du corps. Le Christ, lui, fut d'abord oint de l'onction de la grâce, ensuite
de la gloire.
Ce psaume se divise en trois parties.
I) Dans la première partie, le psalmiste expose
la confiance qui lui vient de Dieu.
II) Dans la deuxième il montre le désir né de la
confiance: 4
J'ai demandé une seule chose au Seigneur
III) Enfin il
expose l'accomplissement du désir: 7 Exauce, Seigneur, etc.
I. En exposant sa confiance conçue de Dieu, le
psalmiste fait trois choses:
A) Il rappelle
d'abord les bienfaits qui lui ont été accordés par Dieu, voilà pourquoi il ne
craint pas, mais est en sécurité.
B) Ensuite il
rappelle les obstacles disposés par Dieu contre les ennemis: Tandis que des
méchants s'apprêtent à fondre sur moi.
C) Enfin il
montre la confiance qui lui vient de Dieu: Si des camps s'établissent contre moi.
A. Il faut noter
qu'on est parfois provoqué à la crainte par une cause intérieure, parfois par
une cause extérieure. Aussi le psalmiste commence-t-il par exposer le secours
contre la première cause. Puis contre la seconde: Le Seigneur est le protecteur
1. Il y a en
effet une double cause intrinsèque à la crainte: l'ignorance et la faiblesse;
c'est pourquoi on craint davantage dans les ténèbres. La seconde cause de la
crainte est la faiblesse; et contre ces causes il y a un remède donné par Dieu.
Contre la première il y a la lumière, aussi dit-il: Le Seigneur est ma lumière. - "Lorsque
je serai assise dans les ténèbres, le Seigneur est ma lumière." Contre la
seconde il y a le salut, d'où ce qui suit. et mon salut. - "En Dieu est mon salut et
ma gloire, il est le Dieu de mon secours, et mon espérance est en Dieu."
Et c'est pourquoi il montre sa confiance: qui craindrai-je, ainsi éclairé ? - "Qui
es-tu pour craindre un homme mortel, et le fils d'un homme, qui comme l'herbe
séchera ?" - "C'est Dieu qui justifie, quel est celui qui
condamnerait ?" Et: "Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous ?"
2. La cause
extrinsèque est l'homme qui s'oppose; mais il ne faut pas davantage le
craindre, car le Seigneur s'oppose à lui comme un bouclier; aussi dit-il: Le Seigneur est
le protecteur de ma vie. - "Moi je suis ton protecteur et ta
récompense sera grande à l'infini." Et c'est pourquoi il dit: par qui
serais-je intimidé ? Par qui, si on le prend au masculin, en voici
le sens: par qui, c'est-à-dire par quel homme. Si on le prend au neutre, le
sens est: par quelle chose. Et ainsi il ne faut rien craindre, ni l'homme, ni
aucune chose.
2 Tandis
que des méchants s'apprêtent à fondre sur moi, pour manger mes chairs, mes ennemis qui
me tourmentent ont été eux-mêmes affaiblis et sont tombés.
B. Tandis que des
méchants s'apprêtent à fondre sur moi. Et parce qu'on pourrait dire
que Dieu est aussi celui qui éclaire les ennemis, il écarte cela en disant que
Dieu leur résiste.
1) Et le
psalmiste mentionne d'abord leur tentative.
2) Puis il expose
l'empêchement qui leur survient: ils ont été eux-mêmes affaiblis, etc.
1. En mentionnant
d'abord leur tentative il fait trois choses: a) Il fait d'abord mention de leur
outrage présomptueux.
b) Puis de leur
action perverse.
c) Enfin de la
conséquence mauvaise de leur dessein.
a. A propos de
leur outrage présomptueux il dit: Tandis que des méchants s'apprêtent à fondre sur moi, c'est-à-dire
ayant une volonté de nuire. sur moi, c'est-à-dire voulant me surpasser: "Ses
ennemis sont devenus maîtres, ses adversaires se sont enrichis, parce que le
Seigneur a parlé contre elle à cause de la multitude de ses iniquités: ses
petits enfants ont été emmenés en captivité devant la face de l'oppresseur."
b. A propos de
leur action perverse, leur but est d'opprimer gravement: pour manger mes chairs, c'est-à-dire
ma vie corporelle: "Comme l'enfer, engloutissons-le vivant et entier."
- "Ils ont mangé la chair de mon peuple, et ont arraché leur peau."
Ou bien si ce ut
(pour) est pris comme conséquence, alors en voici le sens: pour manger mes
chairs, c'est-à-dire mes désirs charnels: car lorsque des méchants
persécutent les bons, ces méchants, ou ces persécuteurs eux-mêmes, n'ont
d'autre intention que l'oppression corporelle; et ceci correspond à la première
explication; Dieu a une autre intention en permettant cela, celle de la
purification de tout désir charnel; et ceci correspond à la seconde
explication. C'est en ce sens que l'Apôtre dit: "Ceux qui sont au Christ
ont crucifié leur chair avec ses vices et ses convoitises."
c. A propos de la
conséquence mauvaise de leur dessein il dit: mes ennemis qui me tourmentent. -
"Ceux qui me tourmentent tressailliront de joie, si je suis ébranlé."
- ont été
eux-mêmes affaiblis, parce qu'ils n'ont pas pu accomplir leur
dessein, et sont
tombés, parce qu'ils se sont élevés et ont été engloutis: "Le
Seigneur est avec moi comme un guerrier vaillant; c'est pour cela que ceux qui
me persécutent tomberont et seront sans force."
3 Si
des camps s'établissent contre moi, mon coeur ne craindra pas. Si un combat est
livré contre moi, j'y mettrai mon espérance.
C. L'homme doit
trouver sa sécurité en ces deux circonstances:
1) D'abord au
milieu de la machination de ses ennemis.
2) Ensuite au
milieu de leurs coups endurés: Si un combat est livré contre moi.
1. Il dit: Le Seigneur est ainsi
ma lumière, parce
que mes ennemis tombent devant moi. Donc si des camps s'établissent contre moi, les
camps sont là où sont établis les soldats, mon coeur ne craindra pas. Aussi longtemps que
l'homme est dans le camp, il ne combat pas, mais se dispose et projette de
combattre. Par camps
on entend les desseins et les conjurations des méchants contre
quelqu'un: "Un ange du Seigneur frappa le camp des Assyriens." - "La
veille du matin étant venue, et voici que le Seigneur, jetant un regard sur le
camp "des Assyriens", vit tous les corps des morts et, se retirant,
il s'en alla." - mon coeur ne craindra pas, car le Seigneur est
avec moi: "Place-moi auprès de toi, et que la main de qui que ce soit
combatte contre moi."
2. Mais si un combat est
livré contre moi, c'est-à-dire s'ils m'attaquent, et combattent
contre moi, bien qu'ils soient nombreux, j'y mettrai mon espérance, car selon ces
paroles: "La victoire à la guerre ne dépend pas d'une armée nombreuse,
mais c'est du Ciel que la force vient." En effet, il est habituel à des
amis de s'entraider lorsqu'ils sont combattus par des ennemis: "Tes
consolations ont réjoui mon âme."
4 J'ai
demandé une seule chose au Seigneur, je la rechercherai: c'est d'habiter dans
la maison du Seigneur tous les jours de ma vie; c `est de voir les délices du
Seigneur et de visiter son temple.
II. Plus haut le psalmiste a exposé la confiance
conçue de sa prière; mais ici il expose son désir, qui naît de cette confiance;
et à ce propos il fait deux choses.
A) Il explicite
d'abord son désir.
B) Ensuite il
attribue une cause à son désir: Car il m'a caché.
A. En explicitant
d'abord son désir il fait trois choses:
1) décrit d'abord
la qualité du désir.
2) Puis l'objet
même de son désir: c'est d'habiter.
3) Enfin son
intention ultime: c'est de voir les délices.
1. La qualité du
désir consiste en deux choses: en l'unité et en la sollicitude; et l'une et
l'autre relèvent de la perfection du désir. Car la perfection du désir dépend
de la perfection de sa cause, c'est-à-dire de l'amour qui, lorsqu'il est
parfait, rassemble toutes les forces dans l'unité, et les meut vers l'objet
aimé. Car il y a, selon Augustin, le poids de celui qui aime. Or une chose
pesante tend sans vaciller vers son lieu, mais il n'en est pas ainsi pour une
chose qui ne pèse pas; ainsi l'amour divin fait tendre l'homme tout entier vers
Dieu sans vaciller: "Car qu'y a-t-il pour moi dans le ciel, et hors de toi
qu'ai-je voulu sur la terre ?" Selon Grégoire, la force de l'amour
augmente l'ardeur de la recherche. Anne, la prophétesse, fit cela, elle qui ne
s'éloignait pas du temple, servant Dieu nuit et jour dans les jeûnes et dans la
prière. Et
c'est pourquoi il est écrit: "Une seule chose est nécessaire"; aussi
le psalmiste dit-il: J'ai demandé une seule chose, c'est-à-dire une
chose unique, ou une unique requête: "Moi je n'ai qu'une petite prière à
te faire; ne couvre pas ma face de confusion." Puis il sollicite, puisque
l'amour est comme un aiguillon et un feu: "Ses lampes sont des lampes de
feu." - "La charité de Dieu nous presse." Voilà pourquoi il dit:
je la
rechercherai. - "Si vous cherchez, cherchez." - "Cherchez
et vous trouverez."
2. Ensuite il
expose la chose demandée, aussi dit-il: c'est d'habiter dans la maison du Seigneur. On
distingue deux sortes de maisons spirituelles du Seigneur, et la troisième est
matérielle, c'est l'Église, demeure qui apporte le salut: "Ce n'est autre
chose que la maison de Dieu et la porte du ciel", car en elle l'âme de
l'homme est incitée à la piété. La maison spirituelle de Dieu, c'est l'Église
militante: "Afin que tu saches comment te conduire dans la maison de Dieu,
qui est l'Église du Dieu vivant, la colonne et le fondement de la vérité."
L'autre, c'est l'Église triomphante: "Si cette maison de terre que nous
habitons se détruit, nous avons une maison construite par Dieu, non par la main
des hommes, et éternelle dans les cieux." Or cela peut s'entendre de l'une
comme de l'autre, car cette maison est la voie qui y mène ainsi que sa porte: "Voici
la porte du Seigneur, les justes y entreront." Et c'est pourquoi il faut
désirer habiter dans cette maison, c'est-à-dire l'Église. Et cela tous les jours
de ma vie, c'est-à-dire jusqu'à la fin: "C'est pour toujours le
lieu de mon repos, j'y habiterai, puisque je l'ai choisie." Et on habite
dans la maison de Dieu par la foi et la charité, et par la conformité des
bonnes oeuvres: "Lui qui fait habiter dans sa maison ceux qui sont d'un
même esprit." On est digne de louange parce qu'on habite toujours en elle
et qu'on ne s'en sépare pas. Mais l'homme se sépare de l'Église par le péché,
par l'excommunication, et par le schisme ou par l'hérésie. Donc celui qui
habite en elle jusqu'à la fin, c'est-à-dire dans cette Église, habite en
celle-ci pour toujours: "Bienheureux ceux qui habitent dans ta maison,
Seigneur."
3. Le psalmiste
poursuit en exposant enfin son intention, qui est de voir, etc. Et
il expose deux choses: voir les délices du Seigneur, et visiter son temple. Une
autre version lit: "Ut contempler habitationem (C'est de
contempler l'habitation)." Une version de Jérôme lit: "Ut videam
pulchritudinem Domini (De voir la beauté du Seigneur)." "Ut est tota
merces (C'est toute [notre] récompense)", selon Augustin. Dans
cette vision sont à désirer trois choses que l'homme désire voir naturellement.
a. D'abord, les
choses qui sont belles. La beauté suprême est en Dieu lui-même, car la beauté
est faite d'une forme harmonieuse; or Dieu est la forme elle-même informant
toutes choses; c'est pourquoi il est écrit dans une version: "Ut videam
delectationes Domini (De voir les délectations du Seigneur)." -
"Si, en se délectant de leur beauté, il les ont cru des dieux, qu'ils
sachent combien est plus beau leur dominateur; car c'est l'auteur de la beauté
qui a établi toutes ces choses."
b. Puis désirer
les choses délectables et fuir la tristesse; et c'est pourquoi une autre
version lit: "Ut contemplem delectationes Domini (De
contempler les délectations du Seigneur)", c'est-à-dire la bonté de Dieu
dans laquelle se trouve la délectation suprême: "Des délectations sont à
ta droite pour toujours."
c. Enfin désirer
l'ordonnance des choses. D'où il est très délectable d'avoir la connaissance de
toutes les choses qui sont en ce monde; et c'est pourquoi voir l'ordonnance de
la providence divine est souverainement délectable. Et voilà pourquoi il dit: "De
voir la volonté du Seigneur", c'est-à-dire le dessein voulu par Dieu et
son ordonnance: "Afin que vous connaissiez combien la volonté de Dieu est
bonne, agréable et parfaite." Or nous possédons ces choses en cette vie de
manière imparfaite et par la foi; mais nous en aurons une parfaite possession
dans la maison future, là où les saints contemplent Dieu face à face: "Pour
nous tous, contemplant à face découverte la gloire du Seigneur, nous sommes
transformés en la même image de clarté en clarté, comme par l'Esprit du
Seigneur." Donc les saints qui sont dans la Patrie dirigent leur
contemplation vers Dieu lui-même; et c'est pourquoi le psalmiste dit: de visiter son
temple, c'est-à-dire de voir souvent son temple, à savoir l'humanité
du Christ: "Mais il parlait du temple de son corps." Ou bien, de visiter, ou
de voir l'ordonnance elle-même de l'Église: "Le temple de Dieu est saint,
et vous êtes ce temple." Ou aussi de voir l'ordonnance du monde entier;
c'est pourquoi on lit dans la version hébraïque de ce psaume: "Et au point
du jour", c'est-à-dire que j'y demeure au point du jour: "Dès le
matin je me présenterai devant toi."
5 Car
il m'a caché dans son tabernacle; au jour des malheurs il m'a protégé dans le
secret de son tabernacle.
B. Il donne ici
la raison de son désir d'habiter dans la maison de Dieu, autrement dit:
Pourquoi demandes-tu à habiter uniquement dans la maison de Dieu ? La raison
est due aux bienfaits reçus; et à ce propos il fait deux choses.
1) Car il
commence par exposer les bienfaits eux-mêmes.
2) Puis il ajoute
la compensation: J'ai
tourné autour [de son autel].
1. En parlant des
bienfaits eux-mêmes
il fait deux choses: a) Il expose d'abord le bienfait de
la protection contre le mal.
b) Puis le
bienfait du progrès dans le bien: Il m'a élevé sur un rocher.
a. Au sujet de la
protection contre le mal il fait deux choses:
- Il mentionne d'abord ce bienfait.
- Puis il en montre sa nécessité: au jour des malheurs.
- Ainsi dit-il: Pourquoi demandes-tu d'habiter
dans la maison du Seigneur ? C'est parce qu'il m'a caché dans son tabernacle. Et
selon le sens littéral, c'est lorsque David s'enfuit vers les lieux plus sûrs
d'Engaddi et s'y cache. Voilà pourquoi le psalmiste parle dans la personne de
celui qui fuit et qui se cache en un lieu. Au sens littéral, le tabernacle
était le lieu dans lequel ceux qui priaient étaient protégés par le secours
divin, et surtout dans le Saint des Saints où était le propitiatoire, et ainsi
appelaient-ils tabernacle la défense proprement dite de Dieu, selon qu'il est
écrit dans un psaume: "Il te mettra à l'ombre sous ses épaules, et sous
ses ailes tu espéreras. Sa vérité t'environnera de son bouclier. Tu n'auras pas
à craindre d'une terreur nocturne, d'une flèche volant dans le jour, d'une
affaire qui marche dans des ténèbres, et de l'attaque d'un démon du midi",
et dans le Deutéronome: "Il a étendu ses ailes, et l'a pris, et l'a porté
sur ses épaules." Mais au sens mystique, le tabernacle peut être appelé
l'humanité assumée, ou la chair du Christ dans laquelle il nous cache par la
foi et l'espérance: "Votre vie est cachée avec le Christ en Dieu." Ou
bien autrement, le tabernacle est appelé l'ordonnance de l'Église; et dans l'un
comme dans l'autre se cache l'homme juste, car dans ce tabernacle certaines
réalités sont cachées sous des apparences visibles: les réalités cachées sont
invisibles et spirituelles, c'est là que demeurent les bons. Les méchants, eux,
demeurent dans les choses extérieures: "Il y aura une tente pour ombrage
dans le jour contre la chaleur."
- Mais qu'apporta cette retraite ? Au contraire elle m'était nécessaire
au jour des
malheurs, ou de tous ces malheurs qui étaient alors imminents. Et
semblablement, car lorsque les ennemis ou la tribulation approchent, ceux-là
seuls seront sauvés, qui seront trouvés dans la cité: ainsi dans la tribulation
périssent ceux qui mettent leur affection dans les choses extérieures; car la
tribulation survenant ils s'agitent pour ces choses-là. Donc Dieu lui-même se
cache, ou le Christ, ou l'âme du juste: "Ton Père, qui voit dans le
secret, te le rendra."
6a Il m'a
élevé sur un rocher; et maintenant il a élevé ma tête au-dessus de mes
ennemis.
b. Il expose ici
l'autre bienfait du progrès dans le bien; et il est double.
- Le premier est celui de son propre élèvement.
- Le second est celui de son élèvement par rapport à ses ennemis: maintenant il a
élevé ma tête.
- Ainsi dit-il: Il m'a élevé sur un rocher. Au sens littéral
il fait allusion à des faits qui le concernent; car lorsqu'il endurait la
persécution, il parcourait des lieux écartés. Mais lorsqu'il s'échappa, alors
le Seigneur exalta son coeur sur ses ennemis. Mais au sens mystique, Il m'a élevé sur
un rocher veut dire sur le Christ: "Or ce rocher était le
Christ." Ou bien: sur un rocher, c'est-à-dire sur Dieu: "Le
Seigneur est mon rocher." - "Tandis que mon coeur était dans
l'anxiété, tu m'as élevé sur un rocher."
- Et à présent il m'a élevé, autrement dit: J'ai fait cela dans
l'espérance, mais maintenant en réalité: il a élevé ma tête, c'est-à-dire mon esprit, au-dessus de mes
ennemis, c'est-à-dire au-dessus de toutes mes convoitises: "La
concupiscence qui t'entraîne vers lui sera sur toi."
6b J'ai
tourné autour [de son autel], et j'ai immolé dans son tabernacle une hostie
[avec] des cris de joie; je chanterai, et dirai un psaume au Seigneur.
2. Le psalmiste
expose ici la compensation du bienfait, et il mentionne deux choses.
a) D'abord le
sacrifice: et
j'ai immolé.
b) Puis le chant.
a. Selon Jérôme, immolavi (j'ai
immolé) est relié à ce qui précède: "Super inimicos qui sunt in circuitu meo (Au-dessus
de mes ennemis qui sont autour de moi)." J'ai tourné [autour de son autel], c'est-à-dire
je me suis tenu autour en offrant des prières ferventes pour eux: "Au lieu
de m'aimer" (comme ils devraient), "ils disaient du mal de moi."
- "Il se tenait lui-même debout à l'autel." De même il
appartient au soldat vaillant d'entourer et de protéger le camp, comme on le
rapporte à propos de Judas Maccabée: "Il protégeait le camp de son glaive",
d'où l'expression: J'ai tourné, c'est-à-dire j'ai protégé. Ou
bien, ce mouvement circulaire s'applique à la contemplation. Le cercle a parmi
les autres figures deux propriétés. La première est celle d'être plus vaste que
les autres. L'autre est celle d'être un tout uniforme sans angle, et elle
convient à la contemplation. D'abord quant à la capacité, car l'on dit alors
tourner autour en contemplant, lorsqu'on contemple toutes les choses qui
doivent être considérées; c'est pourquoi il dit: J'ai tourné autour, c'est-à-dire
j'ai considéré tous tes dons, et les bienfaits de ton Église. Le Bienheureux
Denys a exposé un triple mouvement: circulaire, rectiligne et oblique. Par le
mouvement rectiligne une chose se meut toujours imparfaitement, parce qu'elle a
toujours une distance diverse; et c'est pourquoi dans l'acte de contempler, le
mouvement est rectiligne, lorsqu'on est mû de l'un à l'autre en considérant la
progression des choses. Par le mouvement circulaire on est mû en contemplant,
lorsque la conception de l'âme est uniforme: et on le dit circulaire, quand il
détourne l'âme des choses. Et elle commence par se ramasser en elle-même, puis
s'unit aux réalités spirituelles, et enfin s'élève vers la contemplation du
Dieu unique. Le mouvement oblique est composé de l'un et de l'autre: lorsqu'on
procède à partir de la considération des créatures, mais qu'on ordonne celle-ci
à la considération de Dieu. Et c'est pourquoi il dit: J'ai tourné autour, quant à
l'uniformité: "Tel était l'aspect de la splendeur tout autour."
Et il y a deux sortes de sacrifices: le sacrifice intérieur par lequel
l'homme donne son âme à Dieu: "Le sacrifice à Dieu" (c'est-à-dire
accepté par Dieu) "c'est un esprit brisé". Et tout sacrifice
extérieur est ordonné à la représentation de ce sacrifice intérieur; c'est
pourquoi Augustin dit que lorsque tu offres ce sacrifice extérieur, c'est afin
de rendre présente ton âme à Dieu.
b. Mais parce que
toute représentation se fait à travers des signes, parmi lesquels les paroles
tiennent la première place, c'est pourquoi parmi les sacrifices, celui de la
louange semble avoir la prééminence: "C'est un sacrifice de louange qui
m'honorera"; aussi dit-il: j'ai immolé dans son tabernacle une hostie, non
du bétail mais plutôt une hostie [avec] des cris de joie, c'est-à-dire
de la louange divine. Et avec ces cris de joie, je [te] chanterai, à savoir un
chant exprimant et la joie de mon âme et la rectitude de ma conduite: "Servez
le Seigneur avec joie."
7 Exauce,
Seigneur, ma voix par laquelle j'ai crié vers toi: aie pitié de moi, et
exauce-moi.
III. Plus haut le psalmiste a exposé son désir;
ici il s'exprime avec vivacité pour demander la chose désirée; et à ce propos
il fait trois choses:
A) Il demande
d'abord d'être exaucé.
B) Ensuite il
fait connaître sa demande: mon coeur t'a parlé.
C) Enfin il
montre la confiance qu'il a dans son exaucement: Je crois que je verrai les biens du
Seigneur.
A. Pour qu'il
soit exaucé il avance deux raisons: 1) La première se fonde sur sa dévotion
personnelle.
2) L'autre sur sa
propre détresse.
1. La dévotion
est la cause qui suscite l'écoute de Dieu. La dévotion est le cri du coeur qui
incite Dieu à écouter. Et c'est pourquoi il dit: Exauce, parce que j'ai crié non
extérieurement, mais intérieurement: "Leur clameur a pénétré jusqu'aux
oreilles du Seigneur Sabaoth."
2. De même notre
détresse provoque l'exaucement: "J'ai vu l'affliction de mon peuple en
Égypte, et j'ai entendu sa clameur à cause de la dureté de ceux qui président
aux travaux. Et sachant sa douleur, je suis descendu pour le délivrer";
voilà pourquoi il dit: aie pitié de moi, et exauce-moi, autrement dit:
je me reconnais pauvre et je reconnais ma détresse, aussi t'appartient-il
d'avoir pitié: "Exauce-moi pauvre suppliante."
8 Mon
coeur t'a parlé, ma face t'a recherché; ta face, Seigneur, je la rechercherai.
B. Ici il expose
ses demandes.
1) Et il commence
par demander la recherche de la face divine.
2) Puis le
secours divin: 9b Sois mon aide.
3) Enfin la
direction de sa voie: 11 Prescris-moi, Seigneur, une loi.
1. En commençant
par demander la recherche de la face divine, il montre qu'à propos de la chose
demandée il en a un grand désir, un désir très profond, inquiet et persévérant.
a. Très profond,
car Mon coeur
t'a parlé. Parfois l'homme formule une demande de sa bouche, mais
son coeur se tourne vers d'autres choses: "Ce ne sont pas tous ceux qui me
disent: Seigneur, Seigneur, qui entreront dans le royaume des cieux; mais celui
qui fait la volonté de mon Père qui est aux cieux, celui-là entrera dans le
royaume des cieux." - "Ce peuple me glorifie par ses lèvres, mais son
coeur est loin de moi." Mais lorsque la demande procède d'un très profond
désir du coeur, alors elle est acceptée par Dieu, et dans ce cas, ce n'est pas
seulement la bouche qui demande, mais bien plutôt le coeur: "Ton serviteur
a trouvé son coeur pour t'adresser cette prière." - "J'ai crié de
tout mon coeur."
b. Il dit avoir
un désir inquiet et juste quand il déclare: ma face t'a recherché, etc. Il
arrive parfois qu'un désir soit profond et tranquille, mais que la recherche
soit faible; mais lorsqu'il est anxieux, alors il recherche vraiment; c'est
pourquoi il dit: t'a
recherché, c'est-à-dire a cherché souvent et avec empressement. Il
montre aussi que ce désir est juste, car il n'y a d'image parfaite que dans la
mesure où elle se conforme à son modèle; aussi dit-il: ma face t'a recherché. La face
intérieure de l'homme, c'est sa vision intérieure, c'est-à-dire son âme, ou son
intelligence rationnelle, et cette dernière, c'est-à-dire ma face qui a été créée
à ton image, t'a recherché. C'est pourquoi elle ne peut être transformée et
rendue parfaite sans être unie à toi, Seigneur. Aussi, de même que toute chose
recherche sa perfection, notre intelligence recherche Dieu.
c. Et il montre
que ce désir est persévérant, car il dît: je rechercherai, c'est-à-dire je rechercherai
encore et encore: "Si vous cherchez, cherchez." - "Cherchez, et
vous trouverez." Le propre de celui qui aime est de rechercher souvent la
chose aimée. Et ce qu'il cherche, il le montre lorsqu'il dit: "Je te
montrerai toute sorte de biens." - "Heureux les yeux qui voient ce
que vous voyez." Et c'est pourquoi David n'était pas en dehors de
l'espérance, mais il cherchait encore; aussi dit-il en un autre endroit: "Montre
ta face, et nous serons sauvés." - "Il priera Dieu, et Dieu se
laissera apaiser en sa faveur; et il verra sa face avec jubilation."
9a Ne
détourne pas ta face de moi: ne te retire point, dans ta colère, de ton
serviteur.
Le psalmiste expose ici une triple demande.
1') Il commence par demander de ne pas être trompé à propos de la chose
désirée.
2') Puis que la cause par laquelle il pourrait être trompé lui soit
ôtée.
3') Enfin il demande d'être dirigé dans la voie: Prescris-moi, Seigneur, une loi.
1'. Ainsi dit-il: ta face, Seigneur, je la rechercherai. Et
je demande: Ne
détourne pas ta face de moi, autrement dit: ainsi l'homme détourne
sa face de son prochain lorsqu'il ne veut pas écouter. Mais cela se passe
autrement en Dieu que dans l'homme. Car Dieu, lui, est immobile; et on dit
qu'il détourne sa face, en tant que nous, nous nous détournons et changeons, et
par le fait que dans notre coeur il y a un voile qui nous rend inaptes à voir
sa face. Et c'est pourquoi une version de Jérôme lit: Ne abscondas (Ne me cache pas)."
- "J'attendrai le Seigneur qui cache sa face à la maison de Jacob."
2'. Mais la cause de l'aversion est la colère de Dieu dans le châtiment
du péché. Et cette aversion est le plus grand des châtiments; et tel est ce
qu'il dit: et ne
te retire point, dans ta colère, de ton serviteur, ne t'irrite pas
contre moi en détournant ta face de moi. Et il dit: dans ta colère, car parfois il
se détourne dans sa miséricorde, c'est-à-dire quand il ne regarde pas les
péchés: "Détourne ta face de mes péchés." Parfois il se détourne dans
sa providence, c'est-à-dire lorsqu'il permet que quelqu'un tombe en vue de le
relever plus fort, car" tout coopère au bien pour ceux qui aiment Dieu".
9b Sois
mon aide; ne m'abandonne pas, ne me méprise pas, ô Dieu, mon
sauveur. Parce que mon père et ma mère m'ont abandonné; mais le Seigneur m'a recueilli.
2. Ici le
psalmiste demande le secours divin pour ce qu'il doit accomplir avant de
parvenir devant sa face, c'est-à-dire de crainte d'être empêché d'accéder à la
vision de sa face.
a) Et il commence
par exposer sa demande.
b) Puis il expose
la raison de ses paroles: Parce que mon père.
a. Il demande le
secours divin en disant: Je demande de voir ta face, mais je ne puis pas y
parvenir par moi-même; donc, toi sois mon aide, pour que j'y parvienne: "Mon
secours vient du Seigneur." Mais du point de vue de la forme il ne semble
pas que cette version soit juste, car il semble qu'il vaille mieux dire: "Adjutor meus es
tu (Toi tu es mon aide)", et ainsi lit-on dans le texte
hébraïque: "Tu fus mon secours." Et selon cette version il rappelle
un bienfait, autrement dit: Tu fus une aide. Donc, à l'avenir, ne m'abandonne
pas. Et il demande que soient écartées de lui deux choses, à savoir
l'abandon de sa personne et le mépris intérieur: car si l'homme est abandonné à
lui-même il périt: "Ta perte vient de toi, Israël." Or on abandonne
quelqu'un parce qu'on le méprise. Et Dieu nous méprise, parce que nous sommés
faibles par nature, et corrompus par le péché, et c'est pourquoi il dit: ne me méprise
pas, ô Dieu. Et pourquoi cela ? Parce que toi tu m'as créé, et tu
es mon
sauveur, c'est-à-dire toi tu m'as sauvé. Or nul ne méprise ses
oeuvres: "Ne méprise pas les ouvrages de tes mains."
b. Puis il expose
la raison de ses paroles; d'où ce qui suit: Parce que mon père et ma mère m'ont abandonné; mais le
Seigneur m'a recueilli, autrement dit parce que j'ai trouvé en toi
une aide dans tout ce qui m'a fait défaut, ne me méprise pas. Et ainsi, il expose d'abord
le manque de secours humain. Puis il expose le secours divin. Ce passage se lit
de deux manières. Ou bien on l'applique littéralement à David, comme on le
rapporte dans l'histoire du premier livre des Rois: lorsque David fut oint,
Isai présenta ses fils aînés, mais le Seigneur choisit David, car Samuel le lui
demanda. Ou bien on peut le lire dans la personne de l'homme juste, car au sens
littéral, pour celui qui espère dans le Seigneur, tout secours humain fait
défaut: "Mes proches m'ont abandonné, et ceux qui me connaissaient m'ont
oublié." - "Je tournais mes regards vers le secours des hommes, et il
n'en était point." Mais le Seigneur l'a pris sur lui et se charge de sa
préoccupation, ce qui est préférable: "Bienheureux celui que tu as choisi
et pris [à ton service]." Mais au sens mystique, mon père, c'est-à-dire le
diable, car mon père fut en état de péché, [m'a] abandonné, car il n'a pas de pouvoir sur
moi; ma mère,
Babylone, [m'a] abandonné, c'est-à-dire m'a méprisé. Et
cela parce que le
Seigneur m'a recueilli.
11 Prescris-moi,
Seigneur, une loi [à suivre] dans ta voie; et dirige-moi dans une voie droite à
cause de mes ennemis.
3/3'. Plus haut le psalmiste a exposé deux demandes: la première fut à
propos de la vision de la face divine, la seconde fut à propos de la protection
divine; mais ici il expose une autre demande à propos de la direction de sa
voie; et à cet égard il fait deux choses:
a) Il commence
par exposer sa demande.
b) Puis il en
montre la nécessité: à cause de mes ennemis.
a. En exposant sa
demande il fait deux choses:
- Il expose d'abord la demande d'une loi.
- Puis il demande d'être dirigé dans ce qui relève de la loi: dirige-moi.
- Il avait dit plus haut: J'ai demandé une seule chose au Seigneur, etc., et
il a expliqué en quoi consiste cette demande, c'est-à-dire de voir ta face. Et
parce qu'on parvient à cette vision, difficile à atteindre, par une voie ardue
que nul ne parcourt sans le secours de Dieu, il demande que cela lui soit
accordé: "Bienheureux l'homme dont le secours vient de toi; il a disposé
dans son coeur des degrés pour s'élever, dans la vallée de larmes, dans le lieu
qu'il a fixé. Car le législateur donnera sa bénédiction; ils iront de vertu en
vertu; il sera vu le Dieu des dieux dans Sion." Puisqu'en vérité celui qui
parcourt une voie inconnue a besoin d'un guide, il le demande en disant. Prescris-moi,
Seigneur, une loi [à suivre] dans ta voie, autrement dit: Je dois
gravir une voie, pour laquelle je te demande de me prescrire une loi. La loi
est une règle d'action. Dans cette voie on progresse par des actes vertueux; et
c'est pourquoi une loi, qui est la règle des actes humains, est nécessaire,
autrement dit: donne-moi une règle pour m'indiquer comment marcher. Une version
de Jérôme lit comme suit: illuxit mihi Dominus viam (Le Seigneur m'a
éclairé sur la voie [à suivre])." - "Le commandement est un flambeau,
et la loi, une lumière." Donner une loi, c'est donner la lumière. Mais
parfois on sait en général ce qu'on doit faire, mais on ne le sait pas en
particulier, surtout à cause des séducteurs.
- Et pour se prémunir contre cela il demande en disant: dirige-moi dans
une voie droite. - "Le sentier du juste est droit, droit est le
chemin où le juste doit marcher."
b. Et cela, à cause de mes
ennemis. C'est la raison pour laquelle je demande d'être dirigé sur
un chemin droit. Car celui qui connaît la voie, et la voie est droite, s'avance
en sécurité s'il ne rencontre pas d'adversaire; mais lorsqu'il rencontre un
ennemi ou son adversaire, il a besoin de direction et de protection: "Dans
cette voie dans laquelle je marchais, ils m'ont caché un piège." Nos
ennemis, ce sont les convoitises de la chair, les mauvais désirs, les démons,
les hommes dépravés, ou les pécheurs, qui font obstacle sur la voie de celui
qui doit aller à Dieu.
12 Ne
me livre pas aux âmes de ceux qui m'affligent; parce que se sont élevés contre
moi des témoins iniques, et que l'iniquité a menti contre elle-même.
Le psalmiste explique ici ce qu'il vient de dire; et il dit deux
choses.
- Il commence par demander d'être libéré du danger des ennemis.
- Puis il montre qu'il a des ennemis: parce que se sont élevés contre moi.
- Ainsi dit-il: Ne me livre pas aux âmes de ceux qui m'affligent, autrement
dit: ainsi je demande d'être dirigé dans la voie, parce qu'alors je ne tomberai
pas au pouvoir des ennemis. Et il ne dit pas aux mains, mais aux âmes,
c'est-à-dire à leurs volontés. Mais il arrive que les saints soient livrés aux
mains des ennemis, car "la terre a été livrée aux mains de l'impie",
comme on le dit au livre de Job, mais non aux âmes, car leur volonté est
d'entraîner au mal, et Dieu ne permet pas cela: "Si tu accordes à ton âme
ses désirs, elle te rendra la joie de tes ennemis."
- parce
que se sont élevés. Ici il montre qu'il a des ennemis.
· Et il montre d'abord leur tentative.
· Puis leur défaut.
· Je dis: à cause [des] ennemis, et cela, parce que des témoins iniques se sont
élevés contre moi. Ces paroles peuvent être expliquées de trois
manières: au sens historique, allégorique et moral.
Historique, parce qu'au sens littéral des témoins méchants parlèrent
faussement contre David, c'est-à-dire Doeg l'Iduméen qui accusa le prêtre, et
David, ainsi que d'autres.
Allégorique, en l'appliquant au Christ, contre qui des témoins iniques
s'élevèrent en l'accusant: "En dernier lieu, vinrent deux faux témoins, et
ils dirent: "Celui-ci a dit: je puis détruire le temple de Dieu, et, après
trois jours, le rebâtir"."
Moral, car contre n'importe quel juste, de faux témoins sont parfois de
faux docteurs essayant par leur doctrine de faire dévier les autres de la voie
droite: "Malheur à vous qui appelez le mal bien, et le bien mal." De
même les adulateurs sont appelés de faux témoins: "Mon peuple, ceux qui te
disent heureux, ceux-là mêmes te trompent." - "Un faux témoin ne sera
pas impuni."
· et
que l'iniquité a menti contre elle-même. Il expose ici leur défaut.
Ces paroles telles qu'elles sont exposées ici peuvent être interprétées de
trois manières.
Selon une première manière comme suit: On dit de quelqu'un qu'il se
parle à lui-même, lorsqu'il est seul à comprendre ses propres paroles; mais
quand il s'adresse aux autres, ils ne comprennent pas: "Celui qui parle en
langues ne parle pas aux hommes, mais à Dieu; personne en effet ne comprend";
et tel est le sens de ces paroles: Il y a de faux témoins, et ils profèrent le
mensonge et persuadent, mais leur iniquité a menti contre elle-même, autrement
dit: non pas contre moi, car je ne leur donne pas mon consentement. Ou bien: l'iniquité a
menti contre elle-même, c'est-à-dire pour sa perte; en effet à cause
du mensonge qu'ils se proposaient de proférer, eux-mêmes ont encouru le mal: "Qui
tend un piège aux autres y périra." Ou bien: l'iniquité a menti contre elle-même, car
ils ne sont pas parvenus à accomplir ce qu'ils se sont proposé de me faire
ainsi qu'aux autres hommes justes: "Il dissipe le conseil des pervers."
Une version de Jérôme lit: "Apertum mendacium (Leur mensonge est
manifeste)", c'est-à-dire qu'ils parlent ouvertement contre moi.
13 Je
crois que je verrai les biens du Seigneur dans la terre des vivants.
C. Le psalmiste
expose ici son espérance concernant son exaucement.
1) Et il expose
d'abord l'espérance qu'il a lui-même.
2) Puis il
exhorte les autres à cette même espérance: Attends le Seigneur
1. Sa demande
était de voir Dieu, et c'est pourquoi il dit: Je crois, c'est-à-dire j'ai la
ferme confiance, que
je verrai les biens du Seigneur, c'est-à-dire que je verrai Dieu
face à face: "Je sais que mon Rédempteur est vivant, et qu'au dernier jour
je ressusciterai de la terre; et que de nouveau je serai environné de ma peau,
et que dans ma chair je verrai mon Dieu"; aussi ne dit-il pas: voir le
Seigneur, mais les
biens du Seigneur; ce qui peut s'entendre de deux manières. Soit: les biens du
Seigneur, c'est-à-dire qui sont donnés par le Seigneur, mais ce
n'est pas dans ce sens que ces mots sont pris ici. Soit: les biens, c'est-à-dire ceux qui
sont dans le Seigneur; et c'est dans ce sens que ces mots sont pris ici: car
tous ces biens sont en lui comme en leur source première, et ils sont
identiques à lui-même: "Or tous ces biens me sont venus ensemble avec la
sagesse, et des richesses innombrables par ses mains, et je me suis réjoui en
toutes choses, parce que marchait devant moi cette sagesse, et j'ignorais
qu'elle était la mère de tous ces biens." Et où ? dans la terre des vivants. La
vision de Dieu est la vie éternelle, comme le rapporte Jean. Cette terre est
celle des vivants: car de même que la terre souffre dans l'attente d'être
fécondée par le ciel, ainsi la vie des bienheureux reçoit-elle immédiatement sa
perfection de Dieu.
14 Attends
le Seigneur, agis virilement; et que ton coeur se fortifie, et patiente avec le
Seigneur
2. Le psalmiste
amène les autres à attendre, lorsqu'il dit: Attends le Seigneur. - "Bienheureux tous
ceux qui l'attendent." Et tandis que tu l'attends, tu auras confiance dans
ton action; c'est pourquoi il dit: agis virilement, c'est-à-dire intérieurement
et extérieurement: "Fortifiez les mains languissantes." Et il dit
cela d'abord, parce que "celui qui aura persévéré jusqu'à la fin, celui-là
sera sauvé." D'où, patiente avec le Seigneur, c'est-à-dire en
accomplissant tout le bien possible, même s'il y a de l'adversité: "Malheur
à ceux qui ont perdu la patience, et qui ont abandonné les voies droites, et se
sont détournés dans des voies mauvaises." Ou bien, patiente avec le Seigneur, c'est-à-dire
attends le Seigneur. Et il répète alors pour exprimer une plus grande
certitude.
Psaume par David
lui-même.
1 Vers toi,
Seigneur, je crierai; mon Dieu, ne garde pas le silence en t'éloignant de moi,
de peur que si tu te tais, en t'éloignant de moi, je ne devienne semblable à
ceux qui descendent dans la fosse.
2 Exauce,
Seigneur, la voix de ma supplication, lorsque je te prie, lorsque j'élève mes
mains vers ton temple saint.
3 Ne m'entraîne
pas en compagnie des pécheurs, et ne me perds pas avec ceux qui opèrent
l'iniquité qui parlent de paix avec leur prochain, et qui ont le mal dans leurs
coeurs.
4 Donne-leur,
selon leurs oeuvres et selon la méchanceté de leurs intentions: accorde-leur,
selon les oeuvres de leurs mains; rends-leur leur salaire.
5 Parce qu'ils
n'ont pas compris les oeuvres du Seigneur, l'ouvrage de ses mains, tu les
détruiras et tu ne les rétabliras pas.
6 Que le Seigneur
soit béni, parce qu'il a exaucé la voix de ma supplication.
7 Le Seigneur est
mon aide et mon protecteur, en lui a espéré mon coeur, et j'ai été aidé. Et ma
chair a refleuri, et de toute mon âme je lui rendrai grâce.
8 Le Seigneur est
la force de son peuple, et le protecteur des saluts de son oint.
9 Sauve ton
peuple, Seigneur, et bénis ton héritage; dirige-les et élève-les jusque dans
l'éternité.
Psaume par David
lui-même.
1 Vers
toi, Seigneur, je crierai; mon Dieu, ne garde pas le silence en t'éloignant de
moi, de
peur que si tu te tais, en t'éloignant de moi, je ne devienne semblable à ceux
qui descendent dans la fosse.
Dans le psaume précédent le psalmiste montre la confiance qui lui vient
de Dieu; mais ici, afin de ne pas défaillir dans sa confiance, il ajoute un
psaume de prière. Son titre est: Psaume par David lui-même. Au sens littéral on
dit que certains psaumes concernaient la personne de David, entre autres ce
dernier qui semble concerner David lui-même. Ou bien, par David, parce qu'il l'avait
composé lui-même, et qu'il l'avait chanté en personne ainsi que d'autres
psaumes. Au sens mystique ce psaume n'est pas intitulé par David lui-même de manière
figurée, mais bien par le vrai David, c'est-à-dire par le Christ. Or, au sens
mystique, il est question dans ce psaume de la prière du Christ au Père en tant
qu'il est libéré de ses mauvais traitements.
Le psalmiste traite de trois choses dans ce psaume.
I) Il commence par demander d'être exaucé.
II) Ensuite il expose sa demande 3 Ne m'entraîne
pas.
III) Enfin il expose son action de grâces: 6 Que le Seigneur
soit béni.
I. Il demande d'être exaucé pour deux raisons
A) D'abord en
raison d'un danger imminent.
B) Puis en raison
de sa dévotion Exauce,
Seigneur.
A. À propos du
danger imminent il fait trois choses:
1) Il montre
d'abord que son intention de prier est incessante.
2) Ensuite il
demande d'être exaucé Ne garde pas le silence.
3) Enfin il
expose le péril imminent: de peur que si tu te tais.
1. Il montre la
première chose lorsqu'il dit: Vers toi, Seigneur, je crierai, non une fois
pour toutes, mais continuellement: "Il faut toujours prier." - "Priez
sans cesse."
2. Ensuite il
demande d'être exaucé: mon Dieu, ne garde pas le silence. On a
coutume de dire que lorsque quelqu'un exauce celui qui prie, il lui répond.
Ainsi donc Dieu semble répondre lorsqu'il satisfait au voeu de celui qui prie: "Tu
m'appelleras, et moi je te répondrai." Donc ne garde pas le silence, c'est-à-dire
ne me retire pas ta réponse: "Ma justice répondra demain pour toi."
3. Il montre
enfin le péril imminent de peur que si tu te tais, en t'éloignant de moi. L'homme
parfait, s'il est laissé à lui-même, s'affaiblit: "Ta perte vient de toi,
Israël c'est seulement en moi qu'est ton secours." Car si parfois tu te
tais en ne m'exauçant pas, je deviens semblable à ceux qui descendent dans la fosse, c'est-à-dire
en enfer: "Mais cependant tu seras traîné dans l'enfer, au profond de la
fosse." - "Ma vie est tombée dans la fosse". "Une version
de Jérôme lit: "Ne te tacente assimiler (De peur que si tu te
tais je ne sois semblable)." Mais au sens mystique, selon la Glose, il
parle dans la personne du Christ qui, en tant qu'homme, crie afin de ne pas
être délaissé dans sa divinité; et il dit: ne garde pas le silence, c'est-à-dire ne me
délaisse pas dans la passion. Sans quoi je deviendrais semblable aux autres
hommes qui descendent dans la fosse, comme le pensent mes ennemis: "J'ai
été regardé comme ceux qui descendent dans une fosse."
2 Exauce,
Seigneur, la voix de ma supplication, lorsque je te prie, lorsque j'élève mes
mains vers ton temple saint.
B. L'autre raison
est que la dévotion de celui qui prie demande d'être exaucée. Or cette dévotion
consiste en deux choses: dans les dispositions intérieures du coeur, et dans
les oeuvres extérieures.
1. Dans les
dispositions intérieures car Dieu est esprit, et ceux qui l'adorent doivent
être spirituels: "Les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et en
vérité"; et c'est pourquoi il dit: Exauce ma supplication, lorsque je te prie.
2. Mais nous
devons être révérencieux aussi dans nos actes et nos signes extérieurs, aussi
dit-il: lorsque
j'élève mes mains vers son temple saint. Ce qui se lit de deux
manières. Ou bien au sens littéral, d'après la Glose, il était prescrit aux
Juifs que partout où ils étaient, ils prieraient du côté où ils savaient que se
trouvait Jérusalem. Ou bien, lorsque j'élève, c'est-à-dire lorsque je lève,
mes mains
vers ton temple, c'est-à-dire vers le ciel: "Le Seigneur est
dans son saint temple; le Seigneur, son trône est dans le ciel." Donc je
prierai non seulement avec la dévotion du coeur, mais je prierai aussi vers le
ciel avec des signes extérieurs, et je manifesterai de la dévotion. Ou bien, lorsque j'élève,
c'est-à-dire dirige vers Dieu, mes mains, c'est-à-dire mes oeuvres: "Que
ma prière soit dirigée", c'est-à-dire mes oeuvres, "comme l'encens en
ta présence: que l'élévation de mes mains soit un sacrifice du soir !"
Mais on peut l'appliquer au Christ: car il leva ses mains vers le temple, parce
qu'il ne le condamna pas, mais en approuvant son culte il chassa les vendeurs
et les acheteurs installés dans ce dernier. Ou bien, il éleva les mains sur la
croix: "J'ai étendu mes mains tout le jour à un peuple incrédule",
qui s'opposait à moi. vers ton temple, c'est-à-dire l'Église qui
devait être édifiée par sa Passion.
3 Ne
m'entraîne pas en compagnie des pécheurs, et ne me perds pas avec ceux qui
opèrent l'iniquité qui parlent de paix avec leur prochain, et qui ont le mal
dans leurs coeurs.
II. Ici le psalmiste expose sa demande afin de
n'être pas ébranlé par la même punition que les impies; et à cet égard il fait
deux choses:
A) Il décrit
d'abord la faute.
B) Ensuite il
expose le châtiment Donne-leur.
A. Il montre en
premier lieu leur faute, en mentionnant leurs péchés, c'est-à-dire le mal
projeté et le mal accompli. Je dis: Exauce [ma] voix, etc., ce qui signifie que c'est lorsque je prie que
je suis libéré de la perdition des pécheurs; car bien qu'en cette vie les
justes vivent en compagnie des pécheurs, au jugement dernier cependant ils ne
seront plus ensemble: "Il séparera les bons des méchants." - "Discerne
ma cause d'une nation qui n'est pas sainte; délivre-moi de l'homme inique et
trompeur." - "Est-ce que tu perdras le juste avec l'impie ?" Et
c'est pourquoi je demande Ne m'entraîne pas, à la damnation,
c'est-à-dire en
compagnie des pécheurs. Les pécheurs sont à proprement parler ceux
qui pèchent par habitude, ou qui ont le propos de pécher en acte et qui le
mettent à exécution. Quelqu'un commet un péché en acte de deux manières: par
une injustice manifeste, et par la fraude. Et tel est celui qui parle de paix
avec les autres.
À propos de l'injustice manifeste il dit ne me perds pas avec ceux qui opèrent
l'iniquité. Ceux-là sont dits commettre l'iniquité, qui pratiquent
manifestement l'injustice. Cependant tout péché ne se commet pas par
l'injustice; il se commet cependant en particulier en tant que le pécheur ne
rend pas l'obéissance due à Dieu.
À propos de la fraude il dit: qui parlent de paix avec leur prochain. Et il
mentionne deux choses: les douces paroles qu'ils ont sur leur bouche: "Par
de douces paroles et des flatteries, ils séduisent les âmes simples." - "L'homme
qui parle à son ami en des ternies flatteurs et déguisés tend un filet à ses
pieds." Cependant ils ont autre chose dans le coeur; d'où ce qui suit: et qui ont le
mal dans leurs coeurs, c'est-à-dire ce qu'ils préparent pour leurs
propres ennemis: Chacun "en sa bouche parle de paix avec son ami, et en
cachette il lui tend des pièges."
Toutes ces choses peuvent être appliquées au Christ, qui sur la croix "a
été compté parmi les scélérats", comme l'écrit Isaïe. Mais il demande de
ne pas être entraîné en même temps, c'est-à-dire pour la même cause, à savoir
de ne pas être crucifié avec eux; car leur passion ou condamnation eut lieu à
cause de leur propre péché, tandis que la Passion du Christ eut lieu à cause de
notre iniquité. De même, Ne m'entraîne pas dans la même fin que les
pécheurs impies, c'est-à-dire dans leur propos d'effacer le nom du Christ. Et
tels sont ceux qui parlent de paix avec leur prochain, et à l'égard du Christ
lorsqu'ils tentaient de le surprendre dans sa parole; mais ils ont le mal dans
leurs coeurs, c'est-à-dire l'intention mauvaise: car c'est afin de
surprendre, c'est-à-dire dans le but de pouvoir le saisir.
4 Donne-leur,
selon leurs oeuvres et selon la méchanceté de leurs inventions: accorde-leur,
selon les oeuvres de leurs mains; rends-leur leur salaire.
B. Il est ici
question de leur malheur et de leur châtiment.
1) Et il traite
d'abord du châtiment proprement dit.
2) Puis de
l'équité du châtiment: selon leurs oeuvres.
3) Enfin de sa
perpétuité: Parce
qu'ils n'ont pas compris.
1. Une double
faute est mentionnée. L'une est extérieure et vient de la bouche, l'autre est
intérieure et vient du coeur.
a. Et c'est
pourquoi il dit à propos de la faute extérieure: Donne-leur, selon leurs oeuvres.
- "Tu rendras à chacun selon ses oeuvres." Donne, pris sous forme
d'annonce, signifie: Tu donneras; ou bien, Donne en se conformant à la justice divine: "Le
juste se réjouira, lorsqu'il aura vu la vengeance." Ou bien, si on
applique cela au Christ: Toi, Seigneur Père, Donne-leur, selon leurs oeuvres, autrement
dit: de ma Passion découle le bien; mais toi, Donne-leur, c'est-à-dire aux
pécheurs non selon leur fruit, mais selon leur intention qui fut mauvaise: "Car
leurs oeuvres étaient mauvaises."
b. À propos de la
faute intérieure il dit: "Et selon la méchanceté de leurs inventions."
Les inventions sont des procédés imaginés pour nuire et pécher. Et ces derniers
sont punis plus gravement par Dieu, mais un châtiment pareil leur est dû. Ici
il procède ainsi à la lettre, aussi dit-il: "Accorde-leur, selon les
oeuvres de leurs mains", car ce n'est pas sous l'effet de la contrainte
qu'ils ont péché, mais en vertu de leur mauvaise volonté. C'est pourquoi leurs
oeuvres sont les oeuvres de leurs mains.
2. Si on
l'applique au Christ, il dit: selon les oeuvres de leurs mains; rends-leur leur
salaire, car les Juifs, quoiqu'ils n'aient pas crucifié le Christ de
leurs mains, ont cependant accompli ce crime avec leur langue et leurs mains,
parce qu'il eut lieu sous leur pouvoir; c'est pourquoi le psalmiste dit: rends-leur leur
salaire, c'est-à-dire de même qu'ils ont accompli ce crime avec une
intention mauvaise, ainsi, toi, rétribue-les suivant leurs oeuvres mauvaises: "selon
la mesure avec laquelle vous aurez mesuré, mesure vous sera faite."
5
Parce qu'ils n'ont pas compris les oeuvres du Seigneur, l'ouvrage de ses mains,
tu les détruiras et tu ne les rétabliras pas.
3. Plus haut, le
psalmiste a parlé d'abord du châtiment dû aux méchants ainsi que de son équité;
ici il expose ensuite la perpétuité de son châtiment; et il fait deux choses
dans ce verset.
a) Il traite
d'abord du caractère irréparable du châtiment.
b) Puis de sa
cause.
a. Il faut savoir
que l'homme pèche fréquemment, et que de fait il est passible d'un châtiment,
mais puisqu'en vertu des nombreuses oeuvres de la justice divine l'homme est
incité à la crainte, et que par les oeuvres de miséricorde, il est incité à
l'espérance, il revient parfois à la repentance et guérit; mais si par habitude
il s'endurcit dans le péché, et perd l'intelligence, il n'y a pas d'espérance
de salut "Parce que nul n'a l'intelligence, ils périront éternellement."
- "Aveugle le coeur de ce peuple, et rends ses oreilles sourdes, et ferme
ses yeux; de peur qu'il ne voie de ses yeux, et qu'il n'entende de ses
oreilles, et que de son coeur il ne comprenne, et qu'il ne se convertisse et
que je ne le guérisse."
b. Et c'est
pourquoi comme cause du caractère irréparable du châtiment il mentionne d'abord
la perte de l'intelligence. Il faut savoir que toute oeuvre n'est pas appelée
oeuvre des mains, mais seulement les oeuvres extérieures; il y en a aussi
d'autres qui sont des oeuvres intérieures. Ainsi en Dieu certaines oeuvres sont
spirituelles, ce sont celles qu'il opère en nous: "Seigneur, tu as opéré
toutes nos oeuvres en nous." D'autres sont matérielles, comme les cieux.
Semblablement pour le Christ, ses oeuvres spirituelles sont le salut des
fidèles, tandis que ses oeuvres matérielles sont ses miracles: "Ces
oeuvres que je fais moi-même, rendent témoignage de moi." Et c'est
pourquoi il dit: Parce
qu'ils n'ont pas compris les oeuvres du Seigneur, c'est-à-dire les
spirituelles, et
l'ouvrage de ses mains, c'est-à-dire les matérielles, tu les
détruiras, et ainsi tu détruiras ce que tu ne rétabliras pas. Et cela se
rapporte à une double instruction: spirituelle, car ils sont détruits par la
perte de la foi mais non par la perte de la connaissance de Dieu: "Disperse-les
par ta puissance et fais-les déchoir." Mais cependant ceux qui sont ainsi
détruits, sont parfois rétablis, comme Pierre; et ainsi les Juifs sont aussi
rétablis, ou seront rétablis jusqu'à la fin du monde: "Une partie d'Israël
est tombée dans l'aveuglement, jusqu'à ce que la plénitude des païens soit
entrée; et qu'ainsi tout Israël soit sauvé." Ou bien cela se rapporte à la
destruction matérielle: car détruits par les Romains, ils n'ont jamais été
rétablis, ni ne seront jamais rétablis; ou bien ils ont été détruits par les
Babyloniens et relevés par les Perses; ou bien détruits par Antiochus et
relevés par les Romains; mais enfin détruits par les Romains de telle manière
qu'ils n'ont jamais été reconstruits.
6 Que
le Seigneur soit béni, parce qu'il a exaucé la voix de ma supplication.
III. Ici le psalmiste rend grâce comme s'il était déjà
exaucé.
A) Et d'abord
pour les bienfaits qui lui ont été donnés.
B) Puis il rend
grâce pour les bienfaits donnés à tout le peuple: Le Seigneur est la force.
A. Concernant ses
propres bienfaits il fait deux choses:
1) Il rend
d'abord grâce pour son exaucement.
2) Puis il montre
en quoi il fut exaucé: Le Seigneur est mon aide.
1. Ainsi dit-il:
Moi j'ai demandé, et j'ai été exaucé dans ma demande, d'où ces paroles: Que le Seigneur
soit béni. Pour Dieu, nous bénir, c'est causer sa bonté en nous, car
"il a dit, et les choses ont été faites". Pour nous, bénir c'est
reconnaître sa bonté qui nous fait du bien mais notre bénédiction ne lui ajoute
rien. Cependant nous devons le bénir pour tous les bienfaits reçus: "Béni
le Dieu et Père de notre Seigneur Jésus-Christ, le Père des miséricordes et le
Dieu de toute consolation, qui nous console dans toutes nos afflictions, afin
que nous puissions nous-mêmes, par l'encouragement que Dieu nous donne,
consoler aussi ceux qui sont sous le poids de toute sorte de maux !" - "Bénissez
le Dieu du ciel, et rendez-lui gloire devant tous les vivants, parce qu'il a
exercé envers nous sa miséricorde." Et c'est pourquoi il dit: parce qu'il a
exaucé la voix de ma supplication, c'est-à-dire la dévotion de ma
prière: "La supplication du juste peut beaucoup."
7 Le
Seigneur est mon aide et mon protecteur; en lui a espéré mon coeur, et j'ai été
aidé. Et ma chair a refleuri, et de toute mon âme je lui rendrai grâce.
2. Ici le
psalmiste montre en quoi il est exaucé, c'est-à-dire qu'il a obtenu le secours
de Dieu; et à ce propos il fait trois choses.
a) Il expose
d'abord le bienfait du secours divin.
b) Puis le mérite
du bienfait: et en
lui a espéré mon coeur.
c) Enfin l'effet
du bienfait: et a
refleuri.
a. L'homme a
besoin du secours divin pour deux raisons: pour bien agir, et parce qu'il est
libéré du mal et porté au bien.
- Touchant la première raison il dit: Le Seigneur est mon aide. - "Sans
moi vous ne pouvez rien faire." - "Le Seigneur Dieu est mon aide."
- Touchant la deuxième raison, il dit: et mon protecteur, et il est
protecteur contre les maux, à la manière d'un bouclier protégeant l'homme des
traits extérieurs: "À l'ombre de sa main il m'a protégé, et il m'a disposé
comme une flèche choisie; il m'a caché dans son carquois; et il m'a dit Mon
serviteur, c'est toi, Israël, parce qu'en toi je me glorifierai." - "Tu
m'as protégé, ô Dieu, contre l'assemblée des méchants."
b. Mais pour quel
mérite me défends-tu ? Est-ce dû à mon mérite ? Non. Mais ce n'est pas dû à un
autre, si ce n'est que mon coeur a espéré en lui, autrement dit: Je
me suis confié en lui avec un attachement profond: "En toi je me confie,
je n'en rougirai pas." Et c'est pourquoi il dit: j'ai été aidé. - "Ceux qui
espèrent dans le Seigneur reprendront leur force." Et toutes ces choses
peuvent être appliquées au Christ en tant qu'homme: car en tant que Dieu,
lui-même aide tous les hommes et les protège avec le Père; en tant qu'homme il
est aidé et protégé par le Père. Et d'où ce qui suit: en lui.
c. Il expose ici
l'effet par rapport à deux choses.
- D'abord quant à la chair.
- Puis quant à l'âme, aussi dit-il: et a refleuri.
- La jeunesse de l'homme est comparée à une fleur: car de même qu'une
fleur annonce un fruit, ainsi la jeunesse de l'homme la vie future: "Qu'il
passe le matin comme l'herbe." Ainsi donc la chair refleurit, lorsque
vieillie elle rajeunit; car l'homme semble vieillir dans la tristesse, et
rajeunir dans la joie; mais cependant la chair du Christ s'épanouit avec la
fleur de l'honnêteté et de l'incorruptibilité. Dans le premier homme sa chair a
fleuri par la pureté de l'innocence, mais en péchant elle a été souillée. Mais
dans le Christ elle a refleuri par sa résurrection; car il fut conçu de
l'Esprit-Saint sans péché: "Une fleur s'élèvera de sa racine." De
même, dans son premier état, la nature a fleuri, car elle était incorruptible,
mais par le péché elle est soumise à la corruption: "Le corps est mort à
cause du péché." Mais le Christ a refleuri dans la résurrection: "Notre
lit est couvert de fleurs."
- Quant à l'âme il dit: et de toute mon âme je lui rendrai grâce. L'âme,
aussi longtemps qu'elle est dans le péché, garde sa volonté détournée de Dieu,
et tournée vers les choses temporelles, mais lorsqu'elle se rétablit par la
conversion, alors sa volonté se tourne vers Dieu et elle rend grâce à Dieu en
le louant. Ou bien si on dit cela du Christ, on l'applique à ses membres,
c'est-à-dire aux fidèles: "Je t'offrirai volontairement un sacrifice; et
je rendrai grâce à ton nom, parce qu'il est bon."
8 Le
Seigneur est la force de son peuple, et le protecteur des saluts de son oint..
B. Ici le
psalmiste rend grâce pour les bienfaits du peuple.
1) Et il commence
par exposer les bienfaits déjà manifestés.
2) Puis il
demande qu'ils aient une continuité: Sauve ton peuple, Seigneur.
1. Ces mêmes
bienfaits qui lui ont été donnés quand il disait: Le Seigneur est mon aide, etc.; il
dit à présent qu'ils sont prodigués à tout le peuple: Le Seigneur est la force [du] peuple des
Juifs libérés par moi des Philistins. Et le Christ est la force de son peuple
libéré par lui du péché: "Ma force et ma louange c'est le Seigneur, et il
est devenu mon salut." - "Il est mon protecteur, et en lui j'ai
espéré." Et celui-ci est le protecteur des saluts, c'est-à-dire
celui-ci protège ceux qui sont sauves par le Christ: "Nul autre nom n'a
donné sous le ciel aux hommes par lequel nous devions être sauvés." Le
Christ donc nous protège dans le siècle présent, afin que nous ne tombions pas
dans le péché; et c'est pourquoi il dit: des saluts, c'est-à-dire des prédestinés au
salut; et il nous protégera dans le futur en nous libérant de tout mal: "Ils
n'auront plus ni faim ni soif; et le soleil, ni aucune chaleur ne tombera sur
eux; parce que l'Agneau qui est au milieu du trône sera leur pasteur; il les
conduira à des fontaines d'eau vive, et Dieu essuiera de leurs yeux toute
larme."
9 Sauve
ton peuple, Seigneur, et bénis ton héritage; dirige-les et élève-les jusque
dans l'éternité.
2. Ici le
psalmiste montre la continuité des bienfaits ou du salut.
a) Et il expose
d'abord le salut.
b) Puis le moyen
d'y parvenir.
a. Ainsi dit-il: Seigneur, toi
qui es mon protecteur, sauve ton peuple, c'est-à-dire je demande que
tu les conduises vers le salut: "Je ne demande point que tu les ôtes du
monde, mais que tu les gardes du mal." - "Israël a été sauvé par le
Seigneur d'un salut éternel."
b. Ensuite il
expose le moyen de parvenir au salut. Afin d'y parvenir, trois choses sont
requises: le don de la grâce, la direction, et le progrès spirituel.
- Touchant le don de la grâce il dit: et bénis ton héritage, c'est-à-dire
confirme ses dons: "La bénédiction du Seigneur est sur la tête du juste."
Et il dit: héritage,
parce que les élus sont son héritage: "Bienheureuse la nation
dont le Seigneur est le Dieu ! le peuple qu'il a choisi pour son héritage."
- Touchant la direction il dit: et dirige-les, car avec la grâce la direction est
aussi nécessaire: "Où il n'y a point de gouvernement, le peuple croulera."
- Touchant le progrès spirituel il dit: et élève-les, c'est-à-dire
fais-les avancer par le progrès, jusque dans l'éternité. Cela peut se
comprendre de deux manières.
· D'abord, au niveau de l'intelligence, lorsqu'elle est élevée à la
connaissance manifeste de la vérité: "Voici que mon serviteur aura
l'intelligence, il sera exalté."
· Ensuite, au niveau de l'affection, lorsqu'elle ne désire plus les
choses charnelles, mais les spirituelles: "Désirant d'être dissous et
d'être avec le Christ." Car on passe de cette vie à la vie de la gloire. "Je
t'élèverai sur les hauteurs" des nuées, "et je te nourrirai avec
l'héritage de Jacob ton père, car la bouche du Seigneur a parlé".
Psaume de David.
1 Pour
l'achèvement du tabernacle.
Apportez au
Seigneur, enfants de Dieu.
2a Apportez au
Seigneur des petits de béliers.
2b Apportez au
Seigneur gloire et honneur, apportez au Seigneur de la gloire pour son nom
adorez le Seigneur en son saint parvis.
3 Voix du Seigneur
sur les eaux, le Dieu de majesté a tonné; le Seigneur [a tonné] sur les eaux
abondantes. 4 Voix du Seigneur avec force voix du Seigneur avec magnificence.
5 Voix du Seigneur
brisant les cèdres; et le Seigneur brisera les cèdres du Liban,
6 et les mettra en
pièces comme un jeune veau du Liban et le bien-aimé [sera] comme un petit de
licornes.
7 Voix du Seigneur
fendant une flamme de feu, 8 voix du Seigneur ébranlant le désert; et le
Seigneur ébranlera le désert de Cadès. 9 Voix du Seigneur préparant les cerfs,
et elle découvrira les lieux touffus; et dans son temple tous diront gloire.
10 Le Seigneur
fait habiter [sur la terre] le déluge; et le Seigneur roi siégera
éternellement. 11 Le Seigneur donnera de la force à son peuple: le Seigneur
bénira son peuple dans la paix.
Psaume de David. 1 Pour l'achèvement du tabernacle. Apportez au
Seigneur, enfants de Dieu.
Dans les autres psaumes, le psalmiste a rappelé sa confiance qui vient
de Dieu; mais ici, comme s'il était libéré, il rend grâce.
Et il expose d'abord des psaumes qui traitent de l'action de grâce.
Puis il rappelle les bienfaits donnés: "En toi, Seigneur, j'ai espéré."
Concernant l'action de grâce il fait deux choses.
Il invite d'abord les autres à rendre grâce.
Puis il rend grâce lui-même: 2 Je t'exalterai, Seigneur.
Le titre de ce psaume est: Psaume de David. 1 Pour l'achèvement du tabernacle. Considérez
l'histoire rapportée au premier livre des Rois, où les enfants d'Israël au
temps d'Heli, combattirent contre les Philistins, et où l'arche de Dieu fut
prise, et resta en leur territoire durant six mois; enfin ceux-ci à cause de
leur malheur la ramenèrent à Gabaa. Et à la mort de Saül, David la prit et la
transporta à Jérusalem, lui dressa un tabernacle et dansa devant elle, comme on
le rapporte au deuxième livre des Rois; et c'est à cette occasion, semble-t-il,
que ce psaume fut composé. Au sens mystique, par tabernacle est signifiée la
Sainte Église: "Voici le tabernacle de Dieu avec les hommes" Ce
tabernacle, c'est-à-dire l'Église, a été arraché aux mains des Philistins,
c'est-à-dire des démons. Et le contenu de ce psaume se rapporte aux dons du
Saint-Esprit, par lesquels ce tabernacle est achevé. Ce psaume se divise en
deux parties.
I. Dans la première partie, le psalmiste invite
les autres au devoir d'offrir à Dieu par l'action de grâce.
II. Puis il rappelle les bienfaits: 3 Voix du Seigneur
sur les eaux.
I. En parlant du devoir d'offrir à Dieu par
l'action de grâce, il fait trois choses.
A) Il montre
d'abord à qui il faut offrir.
B) Puis qui
offre.
C) Enfin ce
qu'ils doivent offrir.
A. Ainsi dit-il: Apportez. Mais
à qui ? au
Seigneur seul, non à d'autres. Le fait que l'on doit offrir à Dieu
seul est signifié au premier livre des Paralipomènes: "Tout est à toi, et
c'est de ta main que nous avons reçu ce que nous t'avons donné."
B. Qui devait
offrir, il le montre en disant: enfants de Dieu. - "Le Très-Haut n'approuve
pas les dons des hommes iniques." - "Le Seigneur regarda"
d'abord "Abel", et "ensuite ses dons", car l'homme doit
d'abord plaire à Dieu, et ensuite faire une offrande; et c'est pourquoi il dit:
enfants de
Dieu, par la foi: "Mais à tous ceux qui l'ont reçu, il a donné
le pouvoir de devenir enfants de Dieu, à ceux qui croient en son nom." De
même par la charité: "Voyez quelle charité [Dieu] le Père a eue pour nous,
de vouloir que nous soyons appelés, et que nous soyons réellement enfants de
Dieu !" Par les bonnes oeuvres: "Tous ceux qui sont conduits par
l'Esprit de Dieu, ceux-là sont enfants de Dieu."
2a Apportez
au Seigneur des petits de béliers.
C. Ici le
psalmiste montre ce qui doit être offert.
1) Et il expose
d'abord un sacrifice matériel.
2) Puis spirituel:
Apportez au
Seigneur de la gloire.
1. Le sacrifice
matériel s'accomplissait avec trois sortes d'animaux avec des boeufs, des
chèvres et des béliers; et par dessus les autres animaux c'était surtout un
agneau qu'on sacrifiait habituellement. C'est pourquoi dans l'Exode on rapporte
que chaque matin et chaque soir on immolait un agneau, car à travers l'agneau
c'était le Christ qui était surtout et plus expressément figuré: "Voici
l'Agneau de Dieu." Et c'est pourquoi il dit: Apportez au Seigneur des petits de béliers,
c'est-à-dire des agneaux. Au sens mystique, les béliers ce sont les
chefs du troupeau, c'est-à-dire les Apôtres "Les princes des peuples se
sont réunis." Leurs enfants, ce sont les fidèles: "Moi, je vous ai
engendrés par l'Évangile dans le Christ Jésus." Apportez donc vous-mêmes à Dieu,
vous qui êtes les petits des béliers.
2b Apportez
au Seigneur gloire et honneur, apportez au Seigneur de la gloire pour son nom adorez le
Seigneur en son saint parvis.
2. Ensuite il
expose le sacrifice spirituel.
a) Et il commence
par le mentionner.
b) Puis il
l'explicite: adorez
le Seigneur en son saint parvis.
a. Il faut noter
que le Seigneur a voulu que ces sacrifices lui soient offerts non pour lui, car
lui-même a dit: "Est-ce que je mangerai des chairs de taureaux ? Ou
boirai-je du sang des boucs ?", mais afin que nous le reconnaissions comme
le principe de tous nos biens, et la fin vers laquelle toutes choses doivent
être rapportées; et c'est pourquoi nous devons le glorifier, de telle sorte que
tout ce que nous accomplissons, nous l'accomplissions pour sa gloire: "Faites
tout pour la gloire de Dieu." De même Dieu est le principe, et c'est
pourquoi nous lui devons l'honneur: "Si moi je suis [le Seigneur,] où est
mon honneur ?" Et c'est pourquoi il dit: Apportez au Seigneur gloire et honneur
- -"Au
seul Dieu, honneur et gloire."
b. adorez le
Seigneur. Ici il explique le sacrifice spirituel.
- Et il montre d'abord comment nous devons lui rendre gloire.
- Puis comment nous lui devons l'honneur.
- Dieu lui-même est glorieux, et c'est pourquoi nous lui devons la
gloire; aussi dit-il: apportez au Seigneur de la gloire pour son nom. Lui-même
est glorieux en soi, mais son nom doit être glorieux en nous, c'est-à-dire
qu'il faut qu'il soit glorieux dans notre connaissance.
- Et du fait qu'il est lui-même glorieux et resplendissant en nous,
nous devons lui donner l'honneur; et c'est pourquoi il dit: adorez le
Seigneur en son saint parvis, c'est-à-dire dans cette Église, qui
est comme un parvis céleste. Ou bien en son parvis, c'est-à-dire en esprit: "Les
vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité."
3Voix
du Seigneur sur les eaux, le Dieu de majesté [a tonné]; le Seigneur a tonné sur
les eaux abondantes. 4 Voix du Seigneur avec force voix du Seigneur avec
magnificence.
II. Ici le psalmiste expose les bienfaits divins.
A) Et d'abord les
bienfaits passés.
B) Puis les
bienfaits futurs: 10 Le Seigneur fait habiter [sur la terre] le déluge.
A. À propos des
bienfaits passés il fait deux choses:
1) Il énumère d'abord
les bienfaits accordés.
2) Puis il
conclut par une action de grâce: et dans son temple.
1. Les bienfaits
accordés peuvent être expliqués au sens figuré et au sens mystique.
a. Au sens figuré:
dans la première partie de ces versets, il expose deux bienfaits accordés:
- D'abord dans la sortie de l'Égypte.
- Ensuite après sa sortie: Voix du Seigneur brisant.
- Et il rappelle:
· En premier lieu le bienfait de la sortie de l'Égypte.
· Puis il le manifeste.
· Il dit donc la Voix, c'est-à-dire l'ordre, du Seigneur, fut
sur les eaux,
de la mer qui fut divisée, comme on le rapporte au livre de l'Exode.
· Et il exalte cela de trois manières
D'abord du côté de l'autorité: le Dieu de majesté, qui est la majesté elle-même: "Toute
la terre est pleine de sa majesté." a tonné, car lorsque Moïse éleva les mains, le
vent souffla. Et en parlant de ce souffle il dit: a tonné, car le tonnerre est dû
au mouvement des vents.
De même du côté de la matière, car il n'assécha point de petites
quantités d'eau, mais des eaux abondantes, c'est-à-dire celles de la mer: "N'est-ce
pas toi qui a desséché la mer ?" - "Elle les a fait passer à travers
des eaux immenses."
Semblablement du côté de l'effet, car le fait qu'il renversa les
ennemis fut l'effet d'une grande force: "Ta droite, Seigneur, a frappé
l'ennemi." De même, un autre effet est dû à sa magnificence, aussi dit-il:
voix du
Seigneur avec magnificence, car il a fait traverser à sec la mer,
d'où ce qui suit dans ce même chapitre de l'Exode: "Magnifique en
sainteté, terrible et digne de louanges"
5 Voix
du seigneur brisant les cèdres; et le Seigneur brisera les cèdres du Liban,
- Ensuite le psalmiste rappelle les bienfaits accordés après la
traversée de l'Égypte. Et cela peut être interprété de deux manières.
· D'abord par l'éloignement du mal.
· Puis par la donation des biens: Voix du Seigneur brisant.
· Concernant l'éloignement du mal il fait deux choses
Il commence par exposer un bienfait.
Puis la facilité de le donner: et les mettra en pièces.
Ainsi dit-il: Voix du Seigneur brisant les cèdres. Les
cèdres, ce sont les grands hommes, et le psalmiste désigne les Amorrhéens qui
étaient grands et forts: "J'ai exterminé devant sa face l'Amorrhéen, dont
la hauteur était la hauteur des cèdres, et il était fort lui-même comme un
chêne." Semblablement dans toute la terre qui leur était promise, il y
avait des Amorrhéens et d'autres peuples qui ne pouvaient pas être exterminés
et soumis jusqu'au temps de David. Tous les Amorrhéens habitaient encore près
du Liban, comme on le rapporte dans le livre de Josué. Et c'est pourquoi il dit:
le Seigneur
brisera les cèdres du Liban, c'est-à-dire les Amorrhéens qui y
habitaient encore.
et les mettra en
pièces comme un jeune veau du Liban, et [Saron] le bien-aimé [sera] comme un
petit [des cornes] de licornes. Les
textes hébreux lisent: "Et les mettra en pièces comme un jeune veau du
Liban, et Saron comme le petit des buffles." Et c'est le sens littéral:
car il y a une différence entre des buffles et des boeufs; les buffles se
nourrissent dans les marais, tandis que les boeufs se nourrissent sur les
montagnes. Or il y avait sur la montagne du Liban de nombreux pâturages sur
lesquels croissaient de grands cèdres. Il y avait aussi des veaux et des
boeufs. Ainsi il sera facile à Dieu de mettre en pièces les cèdres du Liban,
comme s'il mettait en pièces le jeune veau du Saron. Saron est un lieu: "La
beauté du Carmel et du Saron." Ce lieu est marécageux, c'est là où les
buffles se nourrissent, autrement dit: il mettra en pièces même Saron comme un
petit de buffle ou un jeune taureau.
b. Voix du Seigneur
sur les eaux. Au sens mystique, le psalmiste indique un double
bienfait: celui de la conversion et des dons qui sont accordés aux convertis. Voix du Seigneur
avec force. Selon une signification cachée, on peut expliquer cela
de deux manières. Ou bien, en tant que cela se réfère à la prédication du
Christ, et il est alors question de la conversion des Juifs et des nations. Des
Juifs, lorsqu'il dit: Voix du Seigneur sur les eaux. Les hommes sont
comparés aux eaux, car "ils sont comme les eaux qui s'écoulent et qui ne
reviennent point", comme on le rapporte dans le deuxième livre des Rois.
C'est pourquoi la voix est dite sur les eaux, c'est-à-dire que la prédication
du Seigneur se fait sur le peuple des Juifs, parce que par la doctrine de Dieu
non encore incarné mais attendu, les Juifs se convertissent à Dieu. À propos de
la conversion des nations, il continue en disant: le Dieu de majesté a tonné. Le
tonnerre se forme dans les nuages, signifiant l'Incarnation elle-même qui est
comme une nuée: "Voici que le Seigneur montera sur un nuage léger."
Donc le Dieu
de majesté a tonné, c'est-à-dire le Tout-Puissant a tonné par la
prédication sous le voile de la chair: "Dieu tonnera merveilleusement par
sa voix." Et il dit: sur les eaux abondantes, parce que la voix du
Seigneur incarné ne fut pas seulement sur les Juifs, mais aussi sur les nations:
"Je t'ai destiné à être la lumière des nations, afin que tu sois mon salut
jusqu'à l'extrémité de la terre." Ou bien: sur les eaux, du baptême; voilà
pourquoi depuis le temps où le Christ a été baptisé, ce psaume est chanté.
- Voix
du Seigneur avec force. Plus haut le psalmiste a traité du mystère
de la conversion des Juifs et des nations selon le sens mystique; mais ici il
expose le bienfait des dons spirituels; et à cet égard il fait trois choses
· Il mentionne d'abord les dons spirituels.
· Puis il expose l'extirpation des vices, qui résulte de ces dons Voix du
Seigneur.
· Enfin le progrès ou l'avancement vers les biens: Voix du Seigneur préparant.
· Dans l'octroi des dons spirituels on fait la distinction suivante: en
effet, à certains ils sont donnés en vue de l'utilité commune et des choses à
accomplir, et ces derniers concernent la nécessité du salut; à d'autres ils
sont donnés en vue de choses ardues, comme accomplir des miracles ou d'autres
choses du même genre.
Au sujet des premiers il dit: Voix du Seigneur avec force, c'est-à-dire que
par l'ordre du Seigneur est donnée la force d'accomplir les préceptes.
Au sujet des seconds il dit: voix du Seigneur avec magnificence, c'est-à-dire
que par l'ordre du Seigneur il est donné aux saints d'accomplir de grandes
oeuvres: "Sa magnificence et sa force paraissent dans les nuées." La Glose applique
ces choses-là aux dons du Saint-Esprit. Et d'abord, la conversion des fidèles
au don de crainte laquelle s'accomplit par la puissance divine, et à celle-ci
il appartient d'admettre des craintes. La magnificence relève du don de
science, car il appartient à la science d'exécuter de grandes choses: "Qu'il
est grand celui qui a trouvé la sagesse."
· Voix
du Seigneur brisant. Il traite ici de la suppression des vices.
Et il traite d'abord du vice de l'orgueil.
Puis [de celui] de la concupiscence: Voix du Seigneur fendant une flamme de feu.
Enfin du vice de l'infidélité ou du mépris: voix du Seigneur ébranlant le désert.
Il montre donc d'abord la suppression de l'orgueil. C'est pourquoi il
faut noter que tout comme les sapins sont grands, ainsi en est-il également des
cèdres; aussi signifient-ils l'orgueil. Il dit donc: Voix du Seigneur brisant les cèdres, c'est-à-dire
la puissance du pouvoir divin sur tous les orgueilleux: "Ton orgueil a été
précipité dans les enfers." et brisera les cèdres du Liban, c'est-à-dire
la voix du Seigneur est sur tous les arrogants et les orgueilleux eux-mêmes en
les brisant par son pouvoir: car tous les rois se convertissent au Christ par
sa voix; et finalement elle est sur les cèdres du Liban, car les plus notables
des Juifs se convertissent, comme il en est de Nicodème.
6 Et
les mettra en pièces comme un jeune veau du Liban et le bien-aimé [sera] comme
un petit de licornes.
Le psalmiste expose ici la perfection de la conversion. Le mont Liban
est très abondant en pâturages, et les prêtres, à cause de la grande quantité
de leurs sacrifices, y faisaient paître les boeufs; et c'est pourquoi il dit: Et les mettra en
pièces comme un jeune veau du Liban. Et cela est manifeste puisque
beaucoup de grands se sont exposés au martyre pour le Christ: "Mes boeufs
et les animaux engraissés ont été tués."
et le bien-aimé
[sera] comme un petit de licornes. Ce verset peut se lire de deux manières.
D'abord, pour signifier l'autorité de celui qui met en pièces,
autrement dit: le bien-aimé accomplira ces choses. Et suivant cela le bien-aimé
est présenté comme celui qui a autorité: "Celui-ci est mon fils bien-aimé
en qui j'ai mis mes complaisances." Et il accomplira ces choses, comme un petit
de licornes, c'est-à-dire un enfant des Juifs, parce que le mystère
de l'Incarnation accomplissait ces choses; et les Juifs sont appelés petits de
licornes, en tant qu'ils se glorifient dans le culte du Dieu unique.
Ou bien on dit: petit
de licornes, parce que selon la génération éternelle il est sans
mère, et que selon la génération temporelle il fut un fils sans père.
Selon une autre lecture, le bien-aimé, etc., c'est
le Christ qui souffrira comme modèle de cet écrasement, afin de donner aux
autres l'exemple de souffrir: "Le Christ a souffert pour nous, vous
laissant un exemple, afin que vous suiviez ses traces." Et il souffrira
non en tant que Dieu, mais en tant qu'enfant des licornes, c'est-à-dire des
Juifs.
7 Voix
du Seigneur fendant une flamme de feu, 8 voix du Seigneur ébranlant le désert; et le
Seigneur ébranlera le désert de Cadès 9 Voix du Seigneur préparant les cerfs, et
elle découvrira les lieux touffus; et dans son temple tous diront gloire.
Ici le psalmiste rappelle le bienfait par lequel ils ont été libérés
d'un mal infligé par Dieu. On rapporte dans le livre des Nombres qu'en raison
du murmure du peuple un feu dévasta l'extrémité du camp, et qu'à la levée de la
main de Moïse le feu s'éteignit; et tel est ce que le psalmiste dit: Voix, c'est-à-dire
le pouvoir suprême, du Seigneur fendant, c'est-à-dire détruisant, une flamme de
feu.
Puis il rappelle les bienfaits qui font progresser dans le bien. Et il
en expose trois: D'abord le bienfait de l'accroissement du peuple. Puis celui
de l'éducation des petits. Enfin celui de la conduite à travers le désert.
Une version de Jérôme lit: "Vox Domini parturientis desertum (Voix du
Seigneur qui fait que le désert engendre)." C'est ce qu'on lit dans le
livre de Josué. Aucun de ceux qui sortirent d'Égypte, et qui vinrent au désert,
n'entrèrent dans la Terre promise, si ce n'est Josué et Caleb, comme on le voit
dans le livre des Nombres. Mais tous ceux qui entrèrent dans cette terre sont
nés dans le désert. Et c'est pourquoi il rappelle ce bienfait, à savoir que le
peuple ne fut pas réduit à l'extinction; aussi dit-il: "Voix du seigneur
enfantant", c'est-à-dire faisant enfanter, et en particulier le désert de
Cadès; car ce fut dans l'intention de Moïse qu'aussitôt après être sortis
d'Égypte, les enfants d'Israël entreraient dans la Terre promise et se
rendraient à Cadès. C'est pourquoi ils envoyèrent des explorateurs, mais
ceux-ci les dissuadèrent et ils craignirent d'entrer; et en raison de ce péché
tous moururent. Et c'est parce qu'ils renoncèrent à y entrer que tous moururent
dans ce désert. Ou bien selon notre version: voix du Seigneur ébranlant le désert, c'est-à-dire
ébranlant la génération à travers le désert de Cadès.
Voix du Seigneur
préparant les cerfs. Une
version de Jérôme lit: "Obstetricantis cervos (Accouchant les cerfs)".
L'hébreu lit: "Préparant les mulets." Les cerfs demeurent dans les
déserts. Et parce que les fils d'Israël furent dans le désert pendant quarante
ans, c'est la raison pour laquelle on les appelle cerfs "Qui a disposé mes
pas comme ceux des cerfs", car les femmes ont reçu la capacité d'engendrer
et de nourrir.
et elle découvrira
les lieux touffus, ou les
bois, parce qu'il lui a montré la direction à l'aide d'une colonne de feu au
cours de la nuit et d'une colonne de nuée pendant le jour: "Qui a conduit
son peuple à travers le désert." Au sens mystique, en disant: Voix du Seigneur
brisant, il signifie le don de force.
Et le psalmiste expose à présent la
suppression du péché de concupiscence. En disant: Voix du Seigneur fendant une flamme de feu,
c'est-à-dire de la concupiscence: "Le désir de la sagesse
conduit au royaume éternel." Et celle-ci entretient les autres maux dont
parle Jean dans sa première épître: "Tout ce qui est dans le monde est
convoitise de la chair, convoitise des yeux, orgueil de la vie; or cela ne
vient pas du Père, mais du monde." Et celle-ci consume: "C'est un feu
qui dévore jusqu'à la perdition." Basile commente ces versets: Voix du Seigneur
fendant une flamme de feu, etc., de la manière suivante: "Au jour du
jugement un feu se divisera par la puissance divine, car il y aura une chaleur
extrême sans lumière par un feu enveloppant les réprouvés; et il y aura un feu
resplendissant sans chaleur pour la gloire des élus." Et ce qu'il dit
relève du don de conseil.
voix du Seigneur
ébranlant le désert. Le
psalmiste expose ici la suppression d'une double infidélité, c'est-à-dire celle
des nations et des Juifs.
Concernant la première il dit: voix du Seigneur ébranlant le désert, c'est-à-dire
qui ébranla les nations en les convertissant à la foi: "Les fils de la
délaissée (c'est-à-dire du peuple païen) seront plus nombreux que [les fils] de
celle qui a un mari."
Concernant la seconde il dit: désert de Cadès, ce qui veut dire saint de la
Loi; car les Juifs sanctifiés par le législateur se convertiront à la fin du
monde: "Votre terre est déserte. Vos cités brûlées par le feu; votre pays,
devant vous, des étrangers le dévorent, et il sera désolé comme dans une
dévastation de l'ennemi." Et cela relève du don d'intelligence.
· Enfin le psalmiste rappelle le bienfait qui regarde le progrès vers
les biens.
Et il expose d'abord le don de la sagesse.
Puis son action: Voix du Seigneur préparant les cerfs, c'est-à-dire
les hommes; car de même que les cerfs rejettent ce qui est vénéneux, ainsi les
saints rejettent tout péché; et de même que les cerfs s'avancent à travers les
épines sans blessure, ainsi les saints traversent la vanité de ce monde sans en
jouir: "Nephtali, cerf échappé: il donne des paroles pleines de beauté."
Et ces derniers sont préparés par Dieu, non par eux-mêmes; et Dieu lui-même
leur découvrira
[les] lieux touffus, c'est-à-dire les choses qui sont cachées aux
autres: "Tu as révélé ces choses aux petits." Et cela relève du don
de sagesse.
2. Puis il
conclut par une action de grâce pour les bienfaits susmentionnés, en disant: dans son temple
tous diront gloire. - "Que les jeunes hommes et les vierges,
les vieillards et les enfants louent le nom du Seigneur." Une autre
version lit: "Omnis dicet vel loquetur gloriam (Chacun dira
ou proclamera [sa] gloire)." Il est vrai que chacun a des dons communs et
aussi des dons particuliers. Mais pour ce don particulier chacun dira sa gloire:
"À celui qui m'a donné la sagesse je rendrai gloire."
10 Le
Seigneur fait habiter le déluge; et le Seigneur roi siégera éternellement. 11 Le Seigneur
donnera de la force à son peuple: le Seigneur bénira son peuple dans la paix.
B. Le psalmiste
traite ici des bienfaits espérés.
1) Et il rappelle
d'abord le pouvoir du bienfaiteur.
2) Puis il expose
les bienfaits espérés: Le Seigneur donnera de la force à son peuple.
1. En hébreu on
dit: "Le Seigneur siège au déluge." Et le sens est clair, autrement
dit: c'est vrai, parce qu'il a accompli cela vis-à-vis du peuple d'Israël.
N'a-t-il pas exercé ce même pouvoir autrefois ? Bien plus, ses jugements ont
été manifestés dès la création du monde. Et il rappelle un jugement manifesté,
car en vertu de son jugement, à cause du péché des hommes, il amena le déluge. et le Seigneur
roi siégera éternellement, c'est-à-dire en jugeant les peuples avec
équité. Une version de Jérôme lit: "Dominus diluvium inhabitat (Le Seigneur habite
dans le déluge)", ou bien fait habiter. Le déluge inondant, la terre a été
vidée de ses habitants. Par la suite il a de nouveau fait habiter la terre par
l'accroissement des hommes.
Au sens mystique on peut lire ce verset de trois manières.
a. Selon une
première manière, en tant que ce mot diluvium (déluge) est comme un accusatif
apposé à cet infinitif inhabitare (habiter): car ceux-là seuls, qui
se trouvaient dans l'arche de Noé habitèrent le déluge; et ainsi par l'arche de
Noé est signifiée l'Église et les saints qui sont en elle, et qui habitent en
sécurité au milieu du déluge des tribulations.
b. Selon une
autre manière, c'est le contraire, comme si le déluge habitait dans son temple.
Le déluge, c'est le monde, et les charnels sont les mondains: "Par un déluge
qui passera, il consommera la ruine." Donc par ce déluge il fera habiter
dans son temple, lorsqu'ils se convertiront, et le roi siégera éternellement, comme
nous l'avons commenté plus haut.
c. Selon une
autre manière encore, il fait habiter le déluge, c'est-à-dire les eaux
baptismales, que lui-même habite par l'effet de sa grâce.
2. Le psalmiste
continue en rappelant les bienfaits espérés.
a) Et d'abord
ceux qui regardent le progrès.
b) Ensuite la
fin.
a. En parlant des
premiers il dit: Le
Seigneur donnera [la puissance] à son peuple, par laquelle ils
pourront progresser: "C'est lui qui donne de la puissance à celui qui est
fatigué, et il multiplie la force et la vigueur de ceux qui sont en
défaillance."
b. En parlant des
seconds il dit: le
Seigneur bénira son peuple dans la paix.
- "Mon peuple se reposera dans la beauté de la paix, dans des
tentes de confiance, et dans un repos opulent."
Psaume [pour
servir] de cantique. 1 À la dédicace de la maison de David. 2 Je t'exalterai, Seigneur,
parce que tu m'as accueilli et que tu n'as pas réjoui mes ennemis à mon sujet.
3 Seigneur mon
Dieu, j'ai crié vers toi, et tu m'as guéri; 4 Seigneur, tu as retiré de l'enfer
mon âme, et tu m'as sauvé de ceux qui descendent dans la fosse.
5 Chantez des
hymnes au Seigneur, [vous], ses saints; et glorifiez la mémoire de sa sainteté.
6 Parce que la
colère est dans son indignation, et la vie dans sa bonne volonté. Au soir
demeureront les pleurs, et au matin [reviendra] la joie.
7 Pour moi j'ai
dit dans mon abondance: "Je ne serai pas éternellement ébranlé." 8
Seigneur, par ta bonne volonté, tu m'as donné l'éclat de la puissance. Tu as
détourné ta face de moi, et je suis tombé dans le trouble.
9 Vers toi,
Seigneur, je crierai, et à mon Dieu j'adresserai ma supplication.
10 De quelle
utilité [sera] mon sang, lorsque je descendrai dans la corruption ? Est-ce que
la poussière te glorifiera, ou bien annoncera-t-elle ta vérité ?
11 Le Seigneur a
entendu, et il a eu pitié de moi: le Seigneur est devenu mon aide. 12 Tu as
changé ma plainte en joie: tu as déchiré mon sac, et tu m'as environné de joie;
13 afin que ma
gloire te chante, et que je ne sois plus tourmenté; Seigneur mon Dieu, je te
rendrai gloire à jamais.
Psaume [pour
servir ] de cantique. 1 À la dédicace de
la maison de David. 2 Je t'exalterai, Seigneur, parce que tu m'as accueilli et
que tu n'as pas réjoui mes ennemis à mon sujet.
Dans le psaume précèdent le prophète exhorte les autres à l'action de
grâce; mais ici lui-même rend grâce. Le titre de ce psaume est: Psaume [pour
servir] de cantique. 1 À la dédicace de la maison de David. Comme on
l'a dit plus haut, on appelle psaumes des cantiques, car le cantique était
d'abord chanté, et puis suivait le psaume, autrement dit: le psaume suivait le
cantique. Nous lisons cependant que David n'a pas consacré de maison à Dieu,
car il en fut empêché par Nathan de la part du Seigneur. Mais ici on ne parle
pas de la maison du Seigneur, mais de celle de David. On lit au deuxième livre
des Rois, qu'après la mort de Saül David prit Jérusalem, et qu'il y bâtit sa
maison. Or il est de coutume que lorsque quelqu'un prend possession de sa
maison, il fasse célébrer une fête solennelle. Et on pourrait dire que ce
psaume fut alors chanté par David lui-même quand il entra pour la première fois
dans cette maison neuve qu'il allait habiter. Mais on comprend mieux cela si on
l'applique à la signification cachée de la maison de David, c'est-à-dire au
mystère du Christ, qui est Tête et Corps de l'Église. Et cette même maison est aussi
appelée tabernacle. On a dit plus haut: "Pour l'achèvement du tabernacle",
et ici: À la
dédicace de la maison. Le tabernacle appartient, à ceux qui militent;
et c'est ainsi que l'Église présente est appelée tabernacle: "Voici le
tabernacle de Dieu avec les hommes, et il demeurera avec eux." La maison
appartient à ceux qui se reposent; ainsi l'Église attend-elle le repos de la
Patrie: "Nous irons dans la maison du Seigneur." L'une et l'autre de
celles-ci a une construction qui fut ordonnée à son Incarnation; et une
dédicace, qui eut lieu à la résurrection, lorsque le corps du Christ fut revêtu
de la gloire de l'immortalité. Sur le corps du Christ on construit
continuellement; et par la conversion des fidèles il sera consacré, lorsqu'il
sera dans la gloire.
Ce psaume comprend deux parties.
I. Dans la première partie, le psalmiste
rappelle en général les bienfaits pour lesquels il rend grâce.
II. Dans la seconde, il rappelle ces bienfaits en
particulier: 7 Pour
moi j'ai dit.
I. Dans la première partie il fait deux choses:
A) Il rend grâce
pour ses propres bienfaits.
B) Ensuite il
invite les autres à rendre grâce pour les bienfaits qui sont donnés à tous: 5 Chantez des
hymnes au Seigneur, [vous], ses saints.
A. En rendant
grâce pour ses propres bienfaits il fait trois choses.
1) Il expose
d'abord son action de grâce.
2) Puis il
rappelle ses bienfaits: Parce que tu m'as accueilli.
3) Enfin il en
donne l'explication: Seigneur mon Dieu.
1. Ainsi dit-il: Je t'exalterai,
Seigneur, non point en t'élevant, mais en confessant et en louant ta
grandeur: "En bénissant le Seigneur, exaltez-le autant que vous le pouvez",
attribue à deux bienfaits la raison pour laquelle il l'exalte: l'un du côté de
Dieu, et l'autre du côté des ennemis; et le second est l'effet du premier.
2. Du côté de
Dieu, parce que "tu m'as accueilli (suscepisti) sous ta protection, quand il l'a
choisi et protégé, ainsi qu'on le rapporte au premier livre des Rois". Ou
bien, Dieu accueille les justes lorsqu'il unit à lui ceux qui adhèrent à lui
par l'union de la charité. Mais il unit à lui le Christ homme en l'accueillant
dans l'unité parfaite: "Mais toi Seigneur tu es mon soutien (susceptor), ma
gloire, et tu élèves ma tête."
Du côté des ennemis, parce que tu n'as pas réjoui. Car ce n'est pas une chose
très odieuse que des ennemis se réjouissent à mon sujet, puisqu'ils ne se
réjouissent que de son propre malheur, et que personne ne souhaite le malheur
si ce n'est à celui dont on est détesté: "Si tu accordes à ton âme ses
désirs, elle te rendra la joie de tes ennemis." Mais il est certain que
David ne devint pas la joie de ses ennemis, car Saül n'est pas parvenu à ses
fins à son égard. Il ne semble pas qu'il en ait été ainsi pour le Christ, car
ils l'insultaient même crucifié: "Ah ! toi qui détruis ce temple de Dieu
et le rebâtis en trois jours, sauve-toi toi-même." Semblablement les
méchants insultent aussi les hommes justes, et se réjouissent à leur sujet: "Des
hommes plus jeunes que moi me tournent en ridicule. [...] Maintenant je suis
devenu le sujet de leurs chansons, et je suis passé parmi eux en proverbe."
Mais il faut dire que si à cette heure les Juifs se sont réjouis au sujet du
Christ, il n'en sera pas ainsi à la fin; car le Christ une fois ressuscité, son
nom s'est davantage propagé: "Ne te réjouis pas sur moi, mon ennemi, parce
que je suis tombée; je me relèverai."
3 Seigneur
mon Dieu, j'ai crié vers toi, et tu m'as guéri; 4 Seigneur, tu as
retiré de l'enfer mon âme, et tu m'as sauvé de ceux qui descendent dans la
fosse.
3. Ensuite
lorsqu'il dit: Seigneur
mon Dieu, il montre comment il est libéré.
a) Et d'abord des
maux intérieurs.
b) Puis des maux
extérieurs: Seigneur,
tu as retiré.
a. Le mal
intérieur est l'infirmité, soit corporelle, soit spirituelle. Ces deux maux ont
pu se trouver en David et peuvent se trouver en nous, mais non dans le Christ,
excepté l'infirmité corporelle à cause de sa passibibité; et c'est pourquoi il
dit: j'ai
crié, c'est-à-dire David: "Lorsque j'étais dans la tribulation,
vers le Seigneur, j'ai crié." De même, le Christ a crié, bien qu'en tant
que Dieu il soit celui qui exauce: "Dans les jours de sa chair, ayant
offert avec larmes et grands cris des prières et des supplications à celui qui
pouvait le sauver de la mort, il a été exaucé pour son humble respect." Et
le psalmiste continue: et tu m'as guéri. Il dit cela parce qu'il
souffre de l'une et l'autre infirmité; mais il a guéri le Christ seulement de
sa passibilité corporelle.
b. Ensuite il dit
qu'il a été libéré des maux extérieurs: Seigneur, tu as retiré.
- Et
d'abord des maux imminents.
- Puis de ceux dont il a été préservé: tu m'as sauvé.
- Ainsi dit-il: Seigneur, tu as retiré, etc.; verset
qu'on ne peut pas interpréter au sens littéral en l'appliquant à David: car il
n'était pas libéré de l'enfer, lorsqu'il composa ce psaume. On peut l'entendre
de lui selon un sens métaphorique, comme s'il était libéré d'un péril mortel.
Mais au sens littéral on l'entend du Christ, dont l'âme a été retirée de
l'enfer par Dieu: "Tu ne délaisseras pas mon âme dans l'enfer."
De même cela convient à ceux qui sont ressuscités par le Christ: "Toi
aussi par le sang de ton alliance tu as fait sortir tes prisonniers d'une fosse
qui était sans eau."
- Puis il dit qu'il a été préservé d'un danger mortel, lorsqu'il ajoute:
tu m'as sauvé
de ceux qui descendent dans la fosse. Au sens littéral le mot lacus (fosse)
signifie concavitas
(caverne); car ce fut une coutume de l'Antiquité d'enterrer dans des
cavernes profondes. tu m'as sauvé, dit-il, de ceux qui descendent dans la fosse, autrement
dit: tu m'as libéré du danger de la mort. Mais cela s'applique parfaitement au
Christ, car par fosse on entend la damnation éternelle; car bien que le Christ
soit descendu en enfer, il n'y est pas descendu en tant que livré à la
damnation, mais afin de délivrer ceux qui étaient dans la fosse, autrement dit:
Tu m'as livré, afin que je sois assimilé à ceux qui descendent dans la fosse: "Je
suis devenu comme un homme sans secours, libre entre les morts." Ou bien, dans la fosse, c'est-à-dire
dans le péché: car il fut exempt du péché.
5 Chantez
des hymnes au Seigneur, [vous], ses saints; et glorifiez la mémoire de sa
sainteté.
B. Ensuite
lorsqu'il dit:
Chantez des hymnes au Seigneur, [vous] ses saints, etc.,
1) Il amène
d'abord les autres à rendre grâce.
2) Puis il
rappelle les bienfaits: Parce que la colère est dans son indignation.
1. En traitant de
l'action de grâce il fait deux choses.
a) Car il montre
d'abord quels sont ceux qui doivent rendre grâce à Dieu.
b) Puis à quel
sujet: glorifiez.
a. Ainsi dit-il: Chantez des hymnes.
Voilà comment le psaume sert de cantique. Chantez des hymnes, dis-je, vous
ses saints, car "la louange n'est pas belle dans la bouche du pécheur".
- "Louez notre Dieu vous tous ses saints."
b. Mais à quel
sujet: glorifiez,
en rendant grâce, la mémoire de sa sainteté. Selon une première
manière on peut comprendre le mot mémoire dans le sens où Dieu se souvient de
nous: "Je me suis souvenu de toi, ayant compassion de ta jeunesse, et de
l'amour de tes fiançailles, lorsque tu me suivis dans le désert, dans une terre
qui n'est pas cultivée." Et il dit: de sa sainteté. Et on peut comprendre cela de
deux manières: ou bien, parce que cette mémoire vient de sa sainteté,
c'est-à-dire de sa miséricorde et de sa bonté: "Soyez saints, parce que
moi, je suis saint"; ou bien, parce qu'il se souvient de nous pour nous
sanctifier: "Je suis le Seigneur qui vous sanctifie." Selon une autre
manière, la
mémoire, c'est la nôtre, car nous nous souvenons de la sainteté de
Dieu, autrement dit: glorifiez-le en faisant mémoire de sa sainteté. - "Je
me souviendrai des miséricordes du Seigneur."
6 Parce
que la colère est dans son indignation, et la vie dans sa bonne volonté. Au
soir demeureront les pleurs, et au matin [reviendra] la joie.
2. Ensuite
lorsque le psalmiste dit: Parce que la colère, il rappelle les bienfaits
attribués a tous. À ce propos il fait deux choses:
a) Il énonce
d'abord les bienfaits qui concernent la clémence de Dieu.
b) Ensuite il
montre le signe de sa clémence: Au soir demeureront les pleurs, etc.
a. La miséricorde
de Dieu ne s'exerce pas sans la justice; aussi expose-t-il d'abord la justice.
Puis la miséricorde.
La justice, lorsqu'il dit: Parce que la
colère, etc. Cette colère est comprise comme effet de la
colère, c'est-à-dire au sens de châtiment; mais l'indignation ne désigne pas le
mouvement de la colère en Dieu, mais la justice de Dieu, en tant qu'elle
déteste l'impie, car "Dieu a également en haine l'impie et son impiété",
autrement dit: dans
son indignation, c'est-à-dire la justice de Dieu jugeant les péchés
dans sa colère, à savoir le châtiment. Une version de Jérôme est plus claire: "Quoniam ad
momentum est ira ejus (Car un moment dure sa colère)",
autrement dit: s'il se met quelquefois en colère contre les siens, c'est pour
leur correction et brièvement: "Dans un moment d'indignation je t'ai caché
ma face pendant un temps, mais dans ma miséricorde éternelle, j'ai eu pitié de
toi, a dit ton créateur le Seigneur." - "Je ne veux pas la mort [du
pécheur] qui meurt." et la vie dans sa bonne volonté. Une version
de Jérôme lit: "Vita in propitiatione ejus (La vie dans sa
propitiation)", autrement dit: Il punit pour un moment, et après pardonne,
et rend la vie: "Il blesse, et il donne le remède."
b. Mais il montre
le signe de sa clémence et de sa miséricorde au sens littéral, lorsqu'il ajoute:
Au soir
demeureront les pleurs, autrement dit: en un court moment le
Seigneur fait passer de la tristesse à la consolation: car si quelqu'un est
triste le soir, le matin il sera joyeux. Or on peut donner trois raisons pour lesquelles
la tristesse est inhérente au soir, et la joie au matin.
- La première vient de la disposition extérieure: car le soir est le
commencement des ténèbres qui rendent tristes, tandis que le matin est le
commencement de la lumière qui réjouit; c'est pourquoi les aveugles chantent
afin de se réjouir: "Quelle joie aurai-je, moi qui suis toujours dans les
ténèbres, et qui ne vois point la lumière du ciel ?"
- La deuxième vient de la disposition intérieure: car le matin est le
moment du sang (sanguis),
où l'homme est disposé à la joie; le soir est le moment de la bile (melancholiae), où
l'homme est disposé à la tristesse.
- La troisième provient de la nature du sommeil. Car le sommeil est le
repos des animaux; c'est pourquoi la tristesse s'apaise par le sommeil.
Au sens mystique le texte est clair: car Au soir de l'ensevelissement du
Seigneur ce fut la tristesse, parce que les fidèles pleuraient la mort du
Christ. Mais au
matin, à cause de l'annonce de la résurrection, ce fut la joie. Si
on applique cela au genre humain tout entier, alors Au soir, c'est-à-dire lors du
péché des premiers parents, ce fut la tristesse; car, comme on le lit dans la
Genèse, après
le milieu du jour, tandis que le soleil déclinait déjà pour se coucher, Adam
pécha. Et on ne peut dire que ce gémissement fut de courte durée, puisque même
après la restauration de la grâce ses séquelles demeurent. Mais au matin, c'est-à-dire
dans le Christ, c'est la joie. Ou bien, au soir, c'est-à-dire lorsque la
lumière spirituelle commence à s'affaiblir dans l'homme, et qu'alors vient en
lui le gémissement, mais lorsque la lumière brille de nouveau en lui, alors
c'est la joie: "Dès le matin je me présenterai à toi, et je verrai."
7 Pour
moi j'ai dit dans mon abondance: "Je ne serai pas éternellement ébranlé". 8 Seigneur, par ta
volonté, tu m'as donné l'éclat de la puissance. Tu as détourné ta face de moi,
et je suis tombé dans le trouble.
II. Plus haut le psalmiste a rendu grâce pour les
bienfaits divins; mais ici il expose tout le déroulement suivant lequel s'est
fait leur acquisition. Et il fait trois choses.
A) Il expose
d'abord la progression de sa démarche.
B) Puis son
recours à la prière: 9 Vers toi, Seigneur, je crierai.
C) Enfin il
montre l'exaucement de sa prière: 11 Le Seigneur a entendu.
A. Selon la Glose cela
s'entend tout d'abord du Christ et puis de tout homme. Mais nous expliquerons
en premier lieu comment ces versets s'entendent de tout homme: "Le
commencement de tout péché est l'orgueil." Et c'est pourquoi dans la
progression de sa démarche sont exposées:
1) D'abord la
présomption de ceux qui mettent leur confiance dans les biens: Pour moi j'ai
dit dans mon abondance, etc.
2) Puis la
fausseté de cette présomption: Seigneur, par ta volonté.
3) Enfin le
châtiment de cette présomption: Tu as détourné ta face de moi.
1. Ainsi dit-il: Pour moi j'ai
dit, c'est-à-dire dans mon coeur présomptueux, dans mon abondance, de la
prospérité matérielle, Je ne serai pas ébranlé, c'est-à-dire je ne
faillirai pas: "Je suis reine, je ne suis point veuve, et je ne serai
point dans le deuil." - "Au jour des biens ne perds pas le souvenir
des maux." Ou bien, dans l'abondance, des biens spirituels, comme
Adam étant en paradis: "Plein de sagesse et parfait en beauté, tu as été
dans les délices du paradis de Dieu." Et dans cette abondance ils disent: Je ne serai pas
ébranlé. Contre cette présomption il est écrit: "Que celui qui
se croit être ferme prenne garde de tomber."
2. Il montre la
fausseté de cette présomption lorsqu'il dit: Seigneur, par ta volonté, etc. La
beauté de l'homme en cette vie n'est qu'une prospérité temporelle; c'est
pourquoi elle est comparée à la fleur: "Toute chair est de l'herbe, et
toute sa gloire est comme la fleur du champ." Et cette beauté de sa nature
propre n'a pas la capacité de la mesure, comme on le voit dans Jacques: "Parce
qu'il passera comme la fleur de l'herbe, car le soleil s'est levé avec ses
ardeurs, et il a desséché l'herbe, et sa fleur est tombée, et le charme de sa
beauté s'est évanoui: ainsi le riche, lui aussi, se flétrira dans ses voies."
Mais d'où tient-elle sa force, sa stabilité et sa constance ? Assurément, de la
volonté de
Dieu. Et c'est pourquoi j'ai dit, mais présomptueusement, que je ne serai pas
ébranlé. Mais il n'en est pas ainsi, au contraire aussi longtemps
qu'il t'a plu, tu
m'as donné l'éclat de la puissance. Parfaitement à jamais, car pour
les saints ces biens sont éternels dans la Patrie; mais ici ils relèvent de son
vouloir. Semblablement la beauté peut être prise au sens de force spirituelle: "La
force et la beauté sont son vêtement." De même cette beauté, de par sa
nature propre, n'est pas forte, car nous possédons cette beauté "dans des
vases d'argile". - "Demeurez dans la cité, jusqu'à ce que vous soyez
revêtus de la force d'en haut." Et c'est pourquoi il dit: tu m'as donné
l'éclat de la puissance, mais par ta volonté. - "Il a pitié de qui il
veut."
3. Et il prouve
cela par l'effet: car lorsque Tu as détourné ta face, j'ai péri. Or on dit
que Dieu détourne sa face de l'homme, quand il ne le voit pas, ou bien quand il
n'est pas vu de lui. Or il voit tous les hommes par un simple regard et une
simple connaissance, mais certains avec un regard de miséricorde: "Regarde-moi,
et aie pitié de moi." Tu as détourné donc ta face de moi, pour ne pas me
prendre en pitié. Et aussitôt je suis tombé dans le trouble, soit
spirituellement en tombant dans le péché, soit temporellement en me trouvant
dans l'adversité. Ou bien, Tu as détourné ta face, afin de n'être pas vu de moi. Et
cela semble s'accorder avec le texte de Jérôme.
Dans toutes les adversités la force de l'homme consiste à tourner ses
yeux vers Dieu: "Je me suis souvenu de Dieu, et j'ai été ravi de joie."
Tu t'es donc détourné afin que je ne voie pas.
Mais si on applique cela au Christ, alors Pour moi j'ai dit signifie
assurément sans présomption, mais avec la certitude de la connaissance, dans mon
abondance, c'est-à-dire des vertus et des grâces: "Nous avons
vu sa gloire comme la gloire qu'un Fils unique reçoit de son Père." Je ne serai pas
ébranlé, par la volonté de Dieu: "Je fais toujours ce qui lui
plaît." Et ce, parce que tu m'as donné l'éclat de la puissance, c'est-à-dire
d'accomplir des miracles, et de résister aux adversaires: "Il a été
prédestiné Fils de Dieu en puissance." Et cela est manifeste, car lorsque Tu as détourné
ta face de moi, dans la passion: "Dieu, mon Dieu, pourquoi
m'as-tu abandonné ?", je suis tombé dans le trouble, non point dans
ma raison, mais dans ma sensibilité: "Maintenant mon âme est troublée."
9 Vers
toi, Seigneur, je crierai, et à mon Dieu j'adresserai ma supplication.
B. Ensuite il
recourt à la prière lorsqu'il dit: Vers toi, Seigneur, je crierai, etc.
1) Et il expose
d'abord sa prière.
2) Puis il donne
la raison de son recours à la prière: 10 De quelle utilité.
3) Enfin il
montre l'exaucement de sa prière: 11 Le Seigneur a entendu.
1. En exposant sa
prière il fait deux choses:
a) Car il prie
d'abord pour l'éloignement du mal.
b) Puis pour
l'obtention du bien: "Et à mon Dieu j'adresserai ma supplication."
a. Ainsi dit-il: Vers toi, Seigneur,
je crierai, afin que mon cri soit entendu comme une prière faite
pour éloigner le mal; pour le Christ dans sa Passion, pour le pécheur dans son
état de péché, pour l'homme dans son état d'adversité.
b. La
supplication est faite en vue de l'obtention d'un bien: pour le Christ, la
gloire; pour le pécheur, la grâce; pour l'homme affligé, la prospérité. Ou bien
le mot cri se
réfère à l'affliction du coeur, le mot supplication à l'assiduité de la prière: "La
prière assidue du juste peut beaucoup."
10 De
quelle utilité [sera] mon sang, lorsque je descendrai dans la corruption ?
Est-ce que la poussière te confessera; ou bien annoncera-t-elle ta vérité ?
2. Il donne la
raison de son recours à la prière de deux manières:
a) Et d'abord de
manière générale.
b) Puis de
manière particulière: Est-ce que la poussière te confessera ?
a. Ainsi dit-il: De quelle
utilité ? Si on applique cela au Christ, son sang fut d'une
souveraine utilité: "Car ceci est mon sang, le sang de la Nouvelle
Alliance, qui sera répandu pour un grand nombre en rémission des péchés."
Mais s'il n'était pas ressuscité aussitôt, et que sa résurrection eût été
reportée jusqu'à la fin du monde, il n'aurait eu aucune utilité en lui, et il
en aurait été de même si son corps avait été totalement corrompu. Mais sa
passion n'a-t-elle pas suffi au salut ? Oui. Mais si cet événement n'avait pas
eu lieu, c'est-à-dire s'il n'était pas ressuscité, et aussitôt, sa divinité
n'aurait pas été crue; et ainsi les hommes n'en auraient pas obtenu le bien
salutaire.
b. Il le montre
en particulier en disant: Est-ce que la poussière te confessera ? Le mot
poussière a
deux sens. Ou bien il s'agit de la poussière des pécheurs: "Ils sont comme
la poussière que le vent emporte de la face de la terre." Par la mort du
Christ les pécheurs, qui sont poussière, ont gagné deux biens: celui de la
confession de leurs péchés: "Ces choses entendues, ils furent touchés de
componction en leur coeur, et ils dirent à Pierre et aux autres apôtres:
"Hommes, mes frères, que ferons-nous ?" Et Pierre leur répondit:
"Faites pénitence, et que chacun de vous soit baptisé au nom de
Jésus-Christ, en rémission de vos péchés, et vous recevrez le don de
l'Esprit-Saint."" Et c'est pourquoi il dit: Est-ce que la poussière te confessera ?, c'est-à-dire
le pécheur, s'il descend dans la corruption, ce qui revient à dire: non.
L'autre bien est la confession de la vérité de la foi, aussi dit-il: ou bien
annoncera-t-elle ta vérité ? Ou bien la poussière résultant de la
décomposition du corps, sera-t-elle maintenant une matière, pour que les
peuples confessent ta vérité par l'intermédiaire des Apôtres, ou bien pour que
les Apôtres en personne la confessent ? Si par poussière on entend celle de
l'homme, alors le sens est le suivant: Est-ce que la poussière te confessera ? c'est-à-dire
que si je meurs, je ne pourrai pas te louer.
11 Le
Seigneur a entendu, et il a eu pitié de moi: le Seigneur est devenu mon aide. 12
Tu as changé
ma plainte en joie: tu as déchiré mon sac, et tu m'as environné de joie.
C. Enfin lorsque
le psalmiste dit:
Le Seigneur a entendu, il montre l'exaucement de sa prière.
1) Et il expose
d'abord l'exaucement.
2) Puis le mode
de cet exaucement: et il a eu pitié de moi.
3) Enfin son fruit: afin que ma gloire te chante.
1. Ainsi dit-il: Le Seigneur a entendu,
etc.
Il avait dit plus haut: je crierai, mais ici il dit qu'il a été
exaucé, car Le
Seigneur a entendu, puisqu'il a exaucé: "Et il arrivera
qu'avant qu'ils crient, moi je les exaucerai; eux parlant encore, j'écouterai."
- "Père, je te rends grâces de ce que tu m'as exaucé; pour moi, je savais
que tu m'écoutes toujours."
2. Ensuite il en
expose le mode: et
il a eu pitié de moi.
a) Et il montre
d'abord le mode proprement dit.
b) Puis il le
détaille: Tu
as changé ma plainte en joie, etc.
a. La Glose commente: je crierai, entre
les maux, et
j'adresserai ma supplication, en vue des biens; et dans l'une et
l'autre manière de prier j'ai été exaucé. Car en ce qui concerne la première
manière il dit: il
a eu pitié de moi, en écartant tout mal lié au châtiment. Et en ce
qui concerne la seconde manière il dit: le Seigneur est devenu mon aide, car j'ai
obtenu la gloire de l'immortalité: "Le Seigneur est mon aide et ma
protection; en lui a espéré mon coeur, et j'ai été secouru. Et ma chair a
refleuri."
b. Il détaille ce
mode lorsqu'il dit: Tu as changé. En tant qu'il parle du Christ il
fait deux choses:
- Car il montre d'abord le changement du mal en bien pour les choses
intérieures.
- Puis quant aux choses extérieures:tu as déchiré.
- Le Christ a émis un gémissement sur lui-même au temps de sa Passion,
car il a dit: "Mon âme est triste à en mourir; demeurez ici et veillez
avec moi." Et sur les siens: "Vous gémirez et vous pleurerez, vous,
mais le monde se réjouira." Tu as changé cette plainte, dit-il, en joie de
résurrection. Pour lui: "Seigneur, dans ta force le roi se réjouira",
c'est-à-dire le Christ. Pour les siens: car "les disciples se réjouirent à
la vue du Seigneur".
- Ensuite il montre le changement qui s'opère
du mal en bien pour les choses extérieures, car il dit: tu as déchiré mon sac. Ce sac est
une étoffe grossière, qu'on fixe aux reins au temps de la tristesse et qui est
fait de poils de chèvre. Ainsi ce sac est la chair du Christ en tant qu'elle a
une ressemblance avec la chair du péché. Les chèvres et les boucs signifient
les pécheurs) parce qu'ils étaient offerts pour les péchés, comme on le
rapporte dans la Glose.
tu as déchiré mon sac, c'est-à-dire tu as permis que je sois déchiré
par les clous et par la lance, et tu m'as restitué l'immortalité; et c'est
pourquoi il dit: tu
m'as environné. Ou bien ma plainte changée en joie peut s'entendre
de n'importe quel juste: "Votre tristesse se changera en joie." - "Après
la lamentation et les pleurs tu répands la joie."
13 Afin
que ma gloire te chante, et que je ne sois plus tourmenté; Seigneur mon Dieu,
je te rendrai gloire à jamais.
3. Puis lorsqu'il
dit: afin que
[la] gloire te chante, il expose le fruit de l'exaucement. Or ce
fruit est la gloire de Dieu; et le fait qu'il accède à la gloire de Dieu, on
peut le comprendre de deux manières: ou bien en l'appliquant à la gloire de la
résurrection du Christ, ou bien à celle des saints; c'est pourquoi il dit: ma gloire m'a
été donnée dans la résurrection, ou bien doit être donnée aux saints dans la
Patrie, te
chante, c'est-à-dire que ma louange soit pour toi: "Afin que
ton Fils te glorifie", et que ce soit pour toujours; aussi dit-il: Seigneur mon
Dieu, je te rendrai gloire à jamais. - "Bienheureux ceux qui
habitent dans ta maison, Seigneur; dans les siècles des siècles ils te
loueront."
1 Pour la fin.
Psaume de David. Pour l'extase. 2a En toi, Seigneur, j'ai espéré, je ne serai
pas confondu à jamais;
2b dans ta
justice, libère-moi. 3 Incline vers moi ton oreille, hâte-toi de m'arracher. Sois
pour moi un Dieu protecteur, et une maison de refuge, afin que tu me sauves.
4 Parce que ma
force et mon refuge, c'est toi, et à cause de ton nom tu me conduiras et me
nourriras. 5 Tu me tireras de ce filet qu'ils m'ont tendu en secret, parce que
c'est toi qui es mon protecteur.
6 En tes mains je
remets mon esprit; c'est toi qui m'as racheté, Seigneur, Dieu de vérité. 7a Tu
hais ceux qui observent les vanités sans raison.
7b Pour moi, dans
le Seigneur j'ai espéré; 8a j'exulterai et je me réjouirai dans ta miséricorde,
8b parce que tu as
regardé mon humiliation; tu as sauvé mon âme de ses nécessités pressantes. 9 Tu
ne m'as pas renfermé dans les mains de l'ennemi; tu as établi mes pieds dans un
lieu spacieux.
10 Aie pitié de
moi, Seigneur, parce que je suis dans la tribulation; mon oeil a été troublé
par la colère ainsi que mon âme et mes entrailles.
11 Parce que ma
vie a défailli dans la douleur, et mes années dans les gémissements. Ma force
s'est affaiblie par la pauvreté, et mes os ont été ébranlés.
12 À cause de tous
mes ennemis je suis devenu un objet d'opprobre, et pour mes voisins surtout, et
un objet de crainte pour mes connaissances. Ceux qui me voyaient dehors ont fui
loin de moi: 13a j'ai été livré à l'oubli, comme un mort [oublié] du coeur.
13b Je suis devenu
comme un vase perdu, 14a parce que j'ai entendu le blâme d'un grand nombre
demeurant à l'entour.
14b Pendant qu'ils
se rassemblaient contre moi, ils ont tenu conseil pour prendre mon âme.
15 Mais moi, j'ai
espéré en toi, Seigneur, j'ai dit: "Tu es mon Dieu." 16a En tes mains
sont mes destinées.
16b Arrache-moi à
la main de mes ennemis, et à ceux qui me persécutent. 17 Fais luire ta face sur
ton serviteur, sauve-moi dans ta miséricorde. 18a Seigneur, que je ne sois
point confondu, parce que je t'ai invoqué.
18b Que les impies
rougissent, et qu'ils soient précipités dans l'enfer. 19a Qu'elles deviennent
muettes les lèvres trompeuses 19b qui profèrent l'iniquité contre le juste,
avec orgueil et mépris.
20 Qu'elle est
grande, Seigneur, l'abondance de ta douceur que tu as réservée en secret à ceux
qui te craignent ! Tu l'as rendue parfaite pour ceux qui espèrent en toi, en
présence des enfants des hommes.
21 Tu les tiendras
cachés dans le secret de ta face, loin de l'intrigue des hommes. Tu les protégeras
dans ton tabernacle contre la contradiction des langues.
22 Béni le
Seigneur ! parce qu'il a signalé sur moi sa miséricorde dans une cité
fortifiée.
23a Pour moi, j'ai
dit dans le transport de mon esprit: "J'ai été rejeté loin de tes yeux."
23b C'est pourquoi
tu as exaucé la voix de ma prière, quand je criais vers toi.
24 Aimez le
Seigneur, vous ses saints, parce que le Seigneur recherchera la vérité, et il
rendra abondamment à ceux qui sont orgueilleux.
25 Agissez
virilement, et que votre coeur se fortifie, vous tous qui espérez dans le
Seigneur.
1 Pour
la fin. Psaume de David. Pour l'extase. 2a En toi, Seigneur, j'ai espéré, je ne serai
pas confondu à jamais;
Plus haut le prophète a décrit en détail les tribulations, les
bienfaits de Dieu, sa prière, sa confiance et son action de grâce; mais ici il
expose tout le déroulement de sa libération. Le titre de ce psaume est: Pour la fin.
Psaume de David. Pour l'extase. Les versions de Jérôme ne lisent pas: Pour l'extase, les
versions hébraïques non plus; et il est probable que les Septante l'ont ajouté
à cause de ce qui est exprimé plus bas: dans le transport. Car le mot ékstasis (extase)
en grec se dit en latin excessus (transport) ce qui relève de
l'esprit, parce que l'homme est mis hors de lui. Et cela peut arriver de deux
manières. Ou bien parce qu'il est attiré par les réalités supérieures, ou bien
parce qu'il est jeté à bas par les choses inférieures. Donc l'âme de l'homme,
dans la mesure où elle est ravie hors d'elle-même, on dit qu'elle est ou bien attirée
par les réalités d'en haut par la contemplation et l'amour: car l'amour divin,
comme le dit Denys dans les Noms divins, produit l'extase, parce qu'il la
fait vivre non de sa vie propre, mais de la vie de Dieu: "Je vis, non plus
moi, mais le Christ vit en moi"; ou bien qu'elle est attaquée, ou effrayée
par ce qui est au-dessous d'elle-même, aussi quand elle craint, elle est hors
d'elle-même: "Ils furent étonnés et hors d'eux-mêmes." Et comme le
veut la Glose,
le mot extase est pris ici selon ce mode, car il est question de
la tribulation du Christ dans sa Passion; aussi le Christ, pendant sur la
croix, dit: "Je remets mon esprit entre tes mains." Il est aussi
question des tribulations de l'Église, et cela sous la figure des événements
qui arrivèrent à David. Ou bien on entend les paroles de ce psaume comme si
elles étaient proférées par une seule personne: car la tête, le corps et les
membres sont une seule personne; c'est pourquoi le Christ parle pour lui et
pour son corps: "Comme l'époux paré d'une couronne, et comme l'épouse
ornée de ses colliers", car le Christ et l'Église sont une seule personne.
Ce psaume se divise en deux parties.
I) Car il parle d'abord de la prière.
II) Puis de l'exaucement: 20 Qu'elle est grande, Seigneur, l'abondance de
ta douceur.
I. Mais parce que la prière s'appuie sur
l'espérance, il parle d'abord de l'espérance et ensuite de la prière. Puis il
donne leur raison, à savoir pourquoi il espère et pourquoi il prie.
A. Concernant la
raison de son espérance il fait deux choses.
1) Car il parle
d'abord de l'espérance.
2) Puis il y
ajoute la raison: dans ta justice, libère-moi.
1. En parlant de
l'espérance il fait deux choses.
a) Il expose en
premier lieu sa rectitude.
b) Puis sa
certitude ou sa fermeté: je ne serai pas confondu à jamais.
a. Ainsi dit-il: En toi,
Seigneur, j'ai espéré. Il est écrit dans Jérémie: "Maudit
l'homme qui se confie dans l'homme, qui se fait un bras de chair, et dont le
coeur se retire du Seigneur." Et c'est pourquoi l'espérance ne peut être
droite dans l'homme, mais en Dieu: "Vous qui craignez le Seigneur, espérez
en lui, et sa miséricorde vous viendra en joie." Et on dit cela de la
personne du Christ et de l'Église.
En sens contraire: L'espérance n'a pas sa place dans le compréhenseur (comprehensor); or
le Christ fut compréhenseur. Donc il n'eut ni l'espérance ni la foi, mais la
vision.
Réponse: Espérer vient du mot espérance; or on parle de l'espérance de
deux manières: car parfois on désigne la vertu, mais parfois son objet, qui est
le bien, sous un double rapport: car il regarde Dieu comme béatitude éternelle,
et comme donateur de la béatitude. Le Christ n'a pas eu cette espérance, car
son objet est un bien futur, non acquis. En revanche, toutes les autres choses
étaient attendues par le Christ avec le secours de Dieu, comme la gloire de
l'immortalité, la conversion des hommes, et autres choses du même genre. Et par
rapport à cela il espérait, bien que la vertu d'espérance ne lui ait pas été
nécessaire.
b. Puis il expose
la fermeté de son espérance en disant: je ne serai pas confondu à jamais, parce qu'il
s'appuie sur Dieu qui est immuable; mais celui qui espère en l'homme pécheur
est parfois confondu.
2b dans
ta justice, libère-moi. 3 Incline vers moi ton oreille, hâte-toi de m'arracher.
Sois pour moi un Dieu protecteur, et une maison de refuge, afin que tu me
sauves.
2. Ensuite
lorsque le psalmiste dit: dans ta justice, il ajoute sa raison. Et il
fait trois choses.
a) Il commence
par donner la raison pour laquelle il demande d'être libéré.
b) Puis il expose
la rapidité de sa libération: Incline.
c) Enfin il en
expose le mode: Sois
pour moi.
a. Ainsi il dit:
Ô Seigneur, j'espère, et c'est pourquoi je demande d'être libéré. Mais pour
quelle raison ? Non en raison de ma justice, mais dans ta justice, parce que tu es
juste: "Ce n'est pas en vue de notre justice que, prosternés, nous
répandons nos prières devant ta face, mais en vue de tes miséricordes
abondantes." Ou bien: dans ta justice, celle que tu m'as donnée, non
la mienne. Il est écrit dans les Romains: "Ignorant la justice de Dieu, et
cherchant à établir la leur, ils ne sont pas soumis à la justice de Dieu."
b. De même je
demande d'être rapidement libéré, parce que je ne puis pas souffrir
l'affliction. Le délai peut se produire pour deux raisons. La première raison
peut tenir au fait que le libérateur est loin; tandis que l'autre tient au fait
qu'il est paresseux. Or Dieu semble être loin de nous; c'est pourquoi certains
ont dit qu'il n'a pas soin de nous: "Il parcourt les pôles du ciel, il ne
s'occupe pas de ce qui nous regarde." Et c'est pourquoi je demande que
toi, Dieu, qui habites les cieux, et que moi je ne puis atteindre, tu inclines ton oreille. L'oreille
de Dieu est sa volonté d'exaucer; et on dit que Dieu s'approche de nous,
lorsqu'il condescend à nos infirmités et à nos misères; et c'est pourquoi il
dit: hâte-toi
de m'arracher. - "Appelle son nom: Hâte-toi d'enlever les
dépouilles: Empresse-toi de prendre le butin", car il ne tarde pas dans la
nécessité.
c. Il y a deux
modes de libération, à savoir afin de ne pas blesser celui qui est dans les
maux, ou bien afin de fuir les maux.
- Touchant le premier mode, il dit: Sois pour moi un Dieu protecteur, afin que les
maux ne me blessent pas: "Il m'a caché dans son carquois."
- Touchant le second mode, il dit: et une maison de refuge; et c'est le nom du
Seigneur: "C'est une tour très forte que le nom du Seigneur." Et
c'est pourquoi celui-ci ajoute: afin que tu me sauves.
4 Parce
que ma force et mon refuge, c'est toi, et à cause de ton nom tu me conduiras et
me nourriras. 5 Tu me tireras de ce filet qu'ils m'ont tendu en secret,
parce que c'est toi qui es mon protecteur.
B. Ensuite
lorsqu'il dit:
Parce que, il montre ce qui le meut.
1) Et d'abord à
espérer.
2) Puis à prier: Aie pitié de
moi, Seigneur, parce que je suis dans la tribulation.
1. Concernant ce
qui le meut à espérer, il fait deux choses.
a) Car il est mû
d'abord à espérer en considérant la nature divine.
b) Puis par
l'expérience des bienfaits: Pour moi, dans le Seigneur j'ai espéré. Car
ces deux choses procurent la confiance.
a. Il montre la
disposition de Dieu de deux manières.
- D'abord par rapport à nous.
- Ensuite par rapport aux adversaires, car ils étaient et adversaires
et ennemis: Tu
hais ceux qui observent les vanités sans raison.
- Par rapport à nous il fait trois choses.
· Car il expose d'abord le comportement de Dieu à notre égard.
· Puis ce qu'il espère à partir de cela: et à cause de ton nom.
· Enfin, animé par l'espérance, il se répand en prière: En tes mains je
remets mon esprit.
· Or il faut savoir que Dieu a un comportement à notre égard, parce
qu'il est notre force pour accomplir toutes oeuvres bonnes que nous faisons
grâce à lui: "Ma force et ma louange, c'est le Seigneur; car il est devenu
mon salut." De même, parce qu'il est notre refuge pour éviter les maux: "Le
rocher (c'est-à-dire Dieu) est un refuge aux hérissons", et c'est pourquoi
il dit: j'espère en toi en raison de ces deux choses.
· Et ce qu'il espère, il le montre à partir de la personne du voyageur,
parce qu'il manque toujours de conducteur, de pourvoyeur et de défenseur.
D'abord pour ce qui regarde la voie. Puis pour ce qui regarde la vie. Enfin
pour ce qui regarde le salut.
Et c'est pourquoi en rapport avec le conducteur il dit: tu me conduiras,
c'est-à-dire par la voie du salut.
En rapport avec le pourvoyeur il dit: tu me nourriras, avec la nourriture
des vertus, mais aussi avec la nourriture corporelle: "Le Seigneur me
conduit, et rien ne me manquera."
En rapport avec le défenseur il dit: Tu me tireras de ce filet, c'est-à-dire
de l'embûche frauduleuse qu'ils m'ont préparée: "Viens avec nous, dressons
des embûches au sang, cachons des pièges à l'innocent qui ne l'a pas mérité;
comme l'enfer, engloutissons-le vivant et entier, comme celui qui descend dans
la fosse." - "Le filet s'est rompu." Et la raison tient au fait
que c'est toi
qui es mon protecteur, autrement dit: J'espère parce que tu
m'accorderas ces choses, parce que c'est toi qui es mon protecteur.
6 En
tes mains je remets mon esprit; c'est toi qui m'as racheté, Seigneur, Dieu de
vérité. 7a Tu hais ceux qui observent les vanités sans raison.
· Il se répand enfin en une prière soudaine; et à ce propos il fait
deux choses.
Il se recommande d'abord au Seigneur.
Puis il rappelle son bienfait divin, ou acquis, ou qu'il va bientôt
recevoir: tu m'as
racheté, Seigneur, Dieu de vente.
À propos de sa recommandation au Seigneur il
dit: En tes
mains je remets mon esprit. Il recommande ce qu'il a de plus cher à
celui qui le conduit. Et c'est pourquoi en cette vie dangereuse je te remets
mon esprit, ô Dieu. Le Christ fit cela pour nous donner un exemple, c'est
pourquoi il a dit sur la croix: En tes mains, etc. - "Je sais à qui j'ai cru,
et je suis sûr qu'il est puissant pour garder mon dépôt jusqu'à ce jour."
On comprend cela dans la, personne de l'Église, autrement dit: l'Église
s'adressant au Christ qui en est la Tête: toi, tu dis: En tes mains je remets mon esprit, etc.
Et il résulte de cela, à savoir de la croix, notre rédemption. Et il
dit: Dieu de
vérité, car il a accompli ce qu'il a promis.
- Mais par rapport aux adversaires il dit: Tu hais, autrement
dit: Tu te comportes ainsi vis-à-vis de moi, mais comment te comportes-tu
vis-à-vis des adversaires ? Car tu hais, et avec raison, ceux qui observent les vanités, etc., c'est-à-dire
ceux qui mettent leur espérance dans les choses de ce monde et qui s'y
attachent. Et cela, sans raison, car ils défaillent: "À quoi
nous a servi l'orgueil ? Ou que nous a rapporté l'ostentation des richesses ?"
Il en est de même des vanités, des augures, ou des songes, ou des pactes avec
les démons; et de telles choses sont haïes par Dieu, car elles sont sacrilèges
et idolâtres: "Bienheureux l'homme dont le nom du Seigneur est
l'espérance, et qui n'a point porté ses regards sur des vanités et des folies
mensongères."
7b Pour
moi, dans le Seigneur j'ai espéré; 8a j'exulterai et je me réjouirai dans ta
miséricorde.
b. Plus haut le
psalmiste a donné la raison de son espérance en se fondant sur la disposition
divine; mais ici il la donne en se fondant sur son expérience des bienfaits
divins.
- À ce propos il fait deux choses.
· Car il expose d'abord son espérance.
· Puis son effet: j'exulterai.
· Ainsi dit-il: Dieu hait les méchants; Pour moi, qui n'observe pas les
vanités, j'ai
espéré en Dieu seul, non dans le dieu des richesses.
· L'effet de l'espérance est la joie spirituelle: "Vous
réjouissant par l'espérance." Et il expose le mode de cette joie, car il
dit: j'exulterai
et je me réjouirai. Or l'exultation est la joie qui se répand
au-dehors par des signes extérieurs. La joie, en revanche, exprime la
dilatation intérieure du coeur. L'exultation exprime donc la grandeur de la
joie, l'allégresse la modération. Et il parle d'abord de l'exultation, car les
hommes enflammés par l'amour de Dieu se réjouissent davantage au commencement,
mais par la suite leur réjouissance devient modérée. je me réjouirai, non dans ma
justice, mais dans la tienne.
8b parce
que tu as regardé mon humiliation; ta as sauvé mon âme de ses nécessités
pressantes. 9 Tu ne m'as pas renfermé dans les mains de l'ennemi; tu as
établi mes pieds dans un lieu spacieux.
- Ici il rappelle le bienfait de sa libération.
· D'abord sa libération.
· Puis son mode: Tu ne m'as pas renfermé.
· Il dit qu'il a été libéré de deux choses: de l'abjection et de la
tribulation. La première chose s'oppose à l'honneur; la seconde à la
prospérité.
Concernant la première chose il dit: humiliation, c'est-à-dire
l'abjection, autrement dit: bien que toi tu sois élevé dans les cieux,
cependant tu
as regardé ici celui qui est rejeté, ou l'humiliation du coeur. - "Il
a regardé l'humilité de sa servante."
Concernant la seconde chose il dit: tu as sauvé [des] nécessités pressantes, c'est-à-dire
des tribulations, l'âme, non le corps; car selon le corps ils succombent parfois,
mais l'âme est libérée: "Arrache-moi à mes nécessités pressantes,
Seigneur." Ou bien il appelle nécessités les passibilités de la vie
présente, c'est-à-dire la mort, la famine, la disette, l'indigence: "Dans
les nécessités des saints, partageant avec eux."
· Puis il montre le mode de sa libération.
D'abord quant à l'affranchissement du mal.
Ensuite quant à la conservation dans le bien, car tu as établi.
À propos de l'affranchissement du mal il dit: Tu ne m'as pas renfermé. Une
chose est renfermée lorsqu'il n'y a rien d'elle au-dehors. Dieu permet que
quelqu'un soit tenté par les hommes, mais il ne le renferme pas entre leurs
mains, car il se réserve quelque chose contre lequel l'ennemi ne peut rien,
comme dans Job, dont la possession fut d'abord livrée entre les mains de Satan
sans qu'il ne puisse toucher à son âme; aussi dit-il: "Cependant conserve
son âme." Mais les impies, eux, sont renfermés dans les mains de l'ennemi.
Cependant il est écrit: "Il m'a tenu captif sous la puissance d'un
méchant; et il m'a livré aux mains d'hommes impies."
On répondra à cette objection en disant que c'est vrai selon
l'intention de l'ennemi qui croit se prévaloir, mais que cela n'est pas vrai
absolument parlant.
À propos de la conservation dans le bien il
dit: tu as
établi, etc., c'est-à-dire dans un lieu libre et spacieux,
mes pieds, c'est-à-dire
mes sentiments, car nulle part il n'est empêché de faire le bien: "Je te
conduirai par les sentiers de l'équité, lorsque tu y seras entré, tes pas ne
seront pas gênés, et en courant tu ne trouveras pas de pierre d'achoppement."
Ou bien ce lieu spacieux c'est la vie éternelle: "Ô Israël, qu'elle est
grande, la maison de Dieu, et qu'il est vaste, le lieu de sa possession !",
là où nos pieds se sont tenus: "Nos pieds se tenaient dans tes parvis, ô
Jérusalem."
10 Aie
pitié de moi, Seigneur, parce que je suis dans la tribulation; mon oeil a été
troublé par la colère ainsi que mon âme et mes entrailles.
2. Ensuite
lorsqu'il dit:
Aie pitié de moi, Seigneur, parce que je suis dans la tribulation, etc., il
donne une double raison à sa prière.
a) Il parle
d'abord de la prière en général et de sa cause.
b) Puis il
poursuit en traitant en détail de l'une et de l'autre: mon oeil a été troublé.
a. En parlant de
la prière en général et de sa cause il fait deux choses.
- Il expose d'abord sa demande en général: Aie pitié.
- Puis la cause de sa demande: parce que, etc.
- Concernant sa demande en général il est écrit dans Judith: "Nous
réclamons son indulgence avec larmes."
- Et pourquoi ? parce que je suis dans la tribulation. - "Nombreux
sont ceux qui me persécutent et qui me tourmentent."
En sens contraire: il a dit plus haut: tu as sauvé mon âme de ses nécessités
pressantes.
Réponse: je dis qu'il parle selon qu'il s'adresse à des membres divers,
ou bien à des moments différents.
b. a été troublé. Il
expose ici sa tribulation de manière détaillée, puis sa prière: Mais moi, j'ai
espéré en toi.
En exposant sa tribulation de manière détaillée, il fait deux choses.
- Car il en parle d'abord selon le point de vue interne.
- Puis selon le point de vue externe: Parce que ma vie a défailli.
- Selon le point de vue interne trois choses sont mentionnées: l'oeil,
l'âme et le ventre; par ces choses sont signifiées la raison, la volonté et la
sensualité. En ce sens que lorsque l'homme est dans la tribulation, toutes ces
puissances sont ébranlées.
Et c'est pourquoi il dit: mon oeil, c'est-à-dire intérieur. - "Qu'il
éclaire les yeux de votre coeur." par la colère, des ennemis qui persécutent, ou
de Dieu qui punit: "Mon oeil a été troublé par la fureur." Ou bien: par la colère, parce
que je me suis mis en colère contre les méchants. En effet cela n'aveugle pas
l'oeil comme le fait la colère dans le vice; mais cela trouble et assombrit,
parce qu'ainsi il ne voit pas clairement.
mon âme, c'est-à-dire la volonté, car le propre de la
volonté est de mouvoir le corps, et la volonté meut toutes choses qui sont en
nous: "Mon âme est troublée."
mes entrailles, c'est-à-dire faibles, et signifiant la
sensualité: "Mes entrailles sont pleines de douleur." Ou bien les
mots mon âme se
réfèrent à la sensualité, mais les mots mes entrailles se réfèrent au corps, autrement
dit: la sensualité est troublée, le corps aussi. Ou bien cela se réfère aux
divers membres de l'Église. Car les yeux, ce sont les docteurs, l'âme, les
prélats, les entrailles, ce sont tous les autres membres.
11 Parce
que ma vie a défailli dans la douleur, et mes années dans les gémissements. Ma
force s'est affaiblie par la pauvreté, et mes os ont été ébranlés.
- Ensuite lorsqu'il dit: Parce que ma vie, etc., il
expose la tribulation quant aux choses extérieures. Or la tribulation est
bannie par les biens de la vie présente, qui sont au nombre de trois: les
délices de la chair, les richesses et les honneurs: "Tout ce qui est dans
le monde est convoitise de la chair, convoitise des yeux, orgueil de la vie; or
cela ne vient pas du Père, mais du monde."
· Au premier bien il oppose la douleur.
·Au deuxième la pauvreté.
· Et au troisième les opprobres.
Le deuxième correspond à: s'est affaibli; et le troisième a: À cause de tous
mes ennemis.
· Concernant la douleur il fait deux choses.
Car il commence par l'exposer.
Puis il en donne le signe: mes années.
Ainsi dit-il: je suis la tribulation, intérieurement; et
cette tribulation vient de l'intérieur: Parce que ma vie a défailli dans la douleur. La
vie humaine progresse continuellement vers la défaillance: "Aussitôt nous
avons cessé d'être." Donc celui qui est triste peut dire: ma vie a
défailli dans la douleur. - "Car la tristesse hâte la mort."
Ou bien il s'agit de la vie spirituelle: "Le juste vit de la foi."
Ou bien on peut l'entendre de la vie selon laquelle quelqu'un se
réjouit du bien des autres: "Maintenant je me réjouis, non de ce que vous
êtes tristes, mais de ce que vous avez été contristés de manière à faire
pénitence." Et la douleur cause en eux la défaillance, aussi dit-il: et mes années, c'est-à-dire
la durée de ma vie, dans les gémissements, qui sont le signe de la
douleur.
· Concernant la pauvreté il dit: s'est affaiblie,
etc.
Les richesses affermissent les hommes: "Comme la sagesse
protège, l'argent protège aussi." Et c'est pourquoi la pauvreté se réfère
à la faiblesse extérieure. Or, de même que la pauvreté temporelle engendre la
faiblesse extérieure, ainsi la pauvreté spirituelle engendre la faiblesse
spirituelle. La force,
c'est-à-dire la force corporelle qui est faite de nerfs et d'os; et
c'est pourquoi il ajoute: mes os, autrement dit: toutes les choses sur
lesquelles sa force était fondée étaient affaiblies: "Ils ont compté tous
mes os."
12 À
cause de tous mes ennemis je suis devenu un objet d'opprobre, et pour mes
voisins surtout, et un objet de crainte pour mes connaissances. Ceux qui me
voyaient dehors ont fui loin de moi: 13a J'ai été livré à l'oubli, comme un mort
[oublié] du coeur.
· Le prophète, en montrant sa tribulation extérieure, a exposé ses
douleurs par opposition aux délices, sa pauvreté par opposition aux richesses;
mais ici il expose ses opprobres par opposition aux honneurs du monde.
Il commence par exposer la confusion dont il souffre.
Puis il introduit une comparaison: Je suis devenu comme un vase.
Enfin il expose une épreuve: parce que j'ai entendu.
En exposant la confusion il fait trois choses, en tant qu'on remarque
une triple gradation en ceux qui méprisent les autres: car certains lui font
des opprobres, d'autres évitent sa société, et il en est d'autres qui
l'oublient tout à fait, et cela a trait au mépris, car personne n'oublie ce
qu'il ne méprise pas.
Il expose donc le premier degré et dit: À cause de tous
mes ennemis, etc. Une version de Jérôme lit: "Apud omnes
hostes meos factus sum opprobrium vicinis meis nimis (Auprès de tous
mes ennemis je suis devenu [un objet] d'opprobre, grandement pour mes proches)",
autrement dit: je suis devenu un objet d'opprobre non seulement pour mes
ennemis, mais aussi pour mes proches. Et ce sont là les paroles du Christ
émanant de l'Église. Les proches de l'Église sont ceux qui ne sont pas encore
convertis, mais qui ont le propos de se convertir. Et il dit: opprobre, à
cause du châtiment et à cause de la faute. Et on expose l'un et l'autre, en
tant que le Christ parle par l'Église: je suis devenu un objet d'opprobre, à cause
des châtiments des martyrs. Et cela à cause de tous mes ennemis, car les saints
ont enduré des châtiments plus honteux que ceux des bandits: "Nous sommes
donnés en spectacle au monde, aux anges et aux hommes." De même, à cause
de la faute. Dans l'Église il y a des pécheurs et des gens de mauvaise vie, si
bien qu'en raison d'eux l'Église est tenue pour méprisable auprès de ceux qui
devraient s'en approcher. Et il dit bien: À cause de tous mes ennemis, car leur vie
apparaît plus honteuse que celle des infidèles. Il est écrit dans Ézéchiel: "C'est
là Jérusalem: je l'ai placée au milieu des nations, et j'ai mis autour d'elle
des pays." Et semblablement dans le même livre: "Tu as justifié tes
soeurs par toutes tes abominations que tu as faites."
De même quant au deuxième degré, aucun ne se joint à lui; c'est
pourquoi il dit: un
objet de crainte pour mes connaissances, c'est-à-dire pour mes
voisins qui craignent de s'approcher de moi. Ou bien à cause des châtiments
dont je souffre, ou bien à cause de la mauvaise vie des mauvais chrétiens. Et
il en montre le signe en disant: Ceux qui me voyaient, c'est-à-dire ceux qui
considéraient ces sortes d'opprobres que sont les fautes et les châtiments, ont fui loin de
moi, car ils n'ont pas voulu se convertir: "Mes frères ont
passé comme un torrent." - "Tu as éloigné mes proches de moi."
Enfin vient l'oubli. Et tel est ce qu'il dit: J'ai été livré à l'oubli. Mais
parce que l'homme, aussi grandement qu'il aime quelqu'un, après la mort il le
livre à l'oubli, aussi dit-il: comme un mort. - "Comme des blessés qui
dorment dans des sépulcres, dont tu ne te souviens plus." Ces paroles se
réfèrent au Christ dans sa propre personne, parce qu'il est devenu un objet
d'opprobre: "C'est à cause de toi que j'ai souffert l'opprobre, et que la
confusion a couvert ma face." De même un objet de crainte, car ses
disciples ont
fui. Et pareillement il fut livré à l'oubli, car "nous espérions que
c'était lui qui devait racheter Israël".
13b Je
suis devenu comme un vase perdu, 14a parce que j'ai entendu le blâme d'un grand
nombre demeurant à l'entour.
Puis il donne un exemple: Je suis devenu comme un vase perdu, c'est-à-dire
inutile, dont on ne se soucie guère. Il est écrit dans Jérémie: "Il m'a
rendue comme vase vide, il m'a engloutie comme un dragon, il a rempli son
ventre de ce que j'avais de plus délicieux et il m'a rejetée."
Enfin il expose son épreuve; et à cet égard il fait deux choses.
Car il parle d'abord du mépris dont il est l'objet.
Puis de la persécution dont il souffre: Pendant qu'ils se rassemblaient contre moi.
Ainsi dit-il: je suis devenu un objet d'opprobre [...] parce que j'ai
entendu le blâme, de la part de mes hommes: "J'ai entendu les
outrages d'un grand nombre et la terreur tout autour de moi." à l'entour. Augustin
commente: "Parfois des chrétiens pèchent; et les infidèles ne disent pas:
Les méchants font cela, mais les chrétiens font cela. Et si des religieux
pèchent, semblablement." Et il dit: à l'entour, parce qu'ils n'entrent pas dans la
considération de la vérité: autrement ils diraient alors, des mauvais chrétiens
font cela: "Les impies rôdent autour de nous."
14b Pendant
qu'ils se rassemblaient contre moi, ils ont tenu conseil pour prendre mon âme.
Ensuite lorsqu'il dit: Pendant ce temps, il montre comment il souffre
la persécution, et il souligne son ampleur en parlant de la multitude de ceux
qui le persécutent, quand il dit: Pendant qu'ils se rassemblaient contre moi, c'est-à-dire
unanimement, contre
moi, ce qui devait être redouté extrêmement: "Mon coeur a
redouté trois choses, et à la quatrième, ma face a pâli de frayeur: la délation
d'une cité, le rassemblement d'un peuple, la calomnie mensongère." À cause
de leur cruauté, car ils ne se rassemblèrent pas pour un motif peu important,
mais pour tuer; aussi dit-il: pour prendre mon âme, c'est-à-dire ma vie. ils ont tenu
conseil. - "Toi, Seigneur, tu connais tout leur dessein de mort
contre moi." - "Que dans leur conseil n'entre pas mon âme."
15 Mais
moi, j'ai espéré en toi, Seigneur; j'ai dit: Tu es mon Dieu. 16a En tes mains
sont mes destinées.
C. Plus haut le
psalmiste a exposé les maux dont il souffrait; mais ici il trouve un refuge
dans la prière. Et parce que la prière est inutile si elle ne s'appuie pas sur
l'espérance, c'est pourquoi il parle d'abord de l'espérance, et ensuite de la
prière: Arrache-moi
à la main, etc.
1. En parlant de
l'espérance il fait deux choses.
a) Car il
commence par l'exposer.
b) Puis il en
donne une raison: J'ai dit: "Tu es mon Dieu."
a. Le psalmiste
continue ainsi: Il ne dit pas simplement: moi, j'ai espéré en toi, mais: "Ego autem
etc. (Mais
moi, etc.)." Le commentaire d'Augustin que porte la Glose dit: "Les enfants
sont habituellement appelés nourrissons, parce qu'ils veulent sucer longuement
les mamelles, mais les mères y mettent des matières amères pour les en
dégoûter." Nos mamelles, avec lesquelles nous sommes allaités par le
Seigneur, sont la prospérité temporelle et le soutien des amis. Lorsque Dieu
voit que les hommes se confient trop en ceux-ci et y sont séduits, il les
retire et laisse le chagrin s'installer, afin qu'ils mettent leur espérance en
Dieu seul. Ainsi ce dernier déclare avec attention: j'ai entendu, dit-il, le blâme; et
c'est pourquoi il dit: Mais moi, etc., autrement dit: face à tous les
autres qui s'opposent et combattent contre moi, mon espérance fut seulement en
toi: "Bienheureux soit l'homme qui se confie dans le Seigneur."
b. Il donne à
l'espérance une double raison.
- L'une est due à la sollicitude et à la providence de Dieu.
- L'autre est due à son pouvoir.
- Il se confie d'abord en lui comme s'il était commis à la sollicitude
divine, et protégé par Dieu; car Dieu par son pouvoir étend sa sollicitude sur
toutes choses.
Il est écrit au livre de la Sagesse: "Il n'y a pas d'autre Dieu
que toi, qui prends soin de toutes choses." Et semblablement dans le même
livre: "Mais, ô Père, c'est ta providence qui gouverne toutes choses."
Voilà pourquoi le Dieu de toutes choses étend cependant sa sollicitude
particulière sur certains: "Déchargez-vous sur lui de toutes vos
sollicitudes, car lui-même prend soin de vous." Et c'est pourquoi il est
spécialement leur bien. Et d'où il dit: j'ai espéré en toi, parce que Tu es mon Dieu.
- Ensuite il se confie en lui à cause de son pouvoir, car s'il n'était
pas puissant, sa force défaillirait. Mais il ne pense pas ainsi à propos de
Dieu, aussi dit-il: En tes mains sont mes destinées, c'est-à-dire
tous les biens qui me sont donnés sont en ton pouvoir: "C'est aussi en lui
que nous avons été appelés par le sort, ayant été prédestinés selon le décret
de celui qui fait toutes choses suivant le conseil de sa volonté; afin que nous
soyons la louange de sa gloire, nous qui les premiers avons espéré en
Jésus-Christ." Or il faut savoir qu'il y a trois sortes de sorts: Des
sorts consultatifs, des sorts divinatoires et des sorts distributifs.
Généralement parlant, le sort n'est rien d'autre qu'un signe recherché de la
volonté divine. Et c'est pourquoi dans le commentaire d'Augustin que porte la Glose on
lit: "Le sort n'est point chose mauvaise, mais un signe qui dans le doute
humain indique la volonté de Dieu. Et c'est pourquoi rejeter les [mauvais]
sorts, ce n'est rien d'autre que rechercher le signe de la volonté divine."
Donc le sort en soi n'exprime pas quelque chose de mal; mais on accomplit le
mal de deux manières.
· D'abord, lorsqu'on recherche ce signe par un moyen indu, comme par
l'intermédiaire du démon; et suivant cela les sortilèges sont condamnés parmi
les autres pratiques qui ont trait à l'infidélité.
· Puis, si on recherche ce signe dans des choses sans qu'il y ait
nécessité. Ce signe doit être recherché en deux choses: dans les nécessités et
dans les choses qui ne peuvent être connues autrement. Car s'il ne s'agissait
pas de choses nécessaires, il y aurait alors de la curiosité: et c'est le
propre du sort divinatoire; car dans ce procédé on se soucie des choses qui
arriveront, et c'est pourquoi c'est une chose vaine et à réprouver. Mais dans
les choses nécessaires qui peuvent être connues autrement, les sorts aussi sont
interdits; car c'est tenter Dieu que de recourir au divin alors que ce signe
peut être connu par un moyen humain. Mais utiliser des sorts dans des partages,
pour savoir à qui revient telle chose, ou bien à propos des choses qu'on doit
faire, ce qui est préférable dans les affaires temporelles, je dis qu'en de
pareilles circonstances le sort n'est pas à blâmer. Aussi les partages se
font-ils souvent en recourant aux sorts. Semblablement aussi pour les dignités
temporelles, dans le cas où les hommes sont élus par le sort. Mais ce moyen
n'est pas permis dans les réalités spirituelles, car dans ces dernières l'homme
est dirigé par l'Esprit-Saint; c'est pourquoi celui qui utiliserait des sorts
en ce domaine outragerait l'Esprit-Saint. Voilà pourquoi les Apôtres
utilisèrent des sorts pour Matthias avant l'effusion de l'Esprit-Saint; mais
après l'effusion de l'Esprit-Saint, ils choisirent sept diacres sans avoir
recours aux sorts. En tes mains, dit-il donc, sont mes
destinées, c'est-à-dire que ce qui est donné selon le signe de ta
volonté, tout cela est sous ton pouvoir: "Les sorts sont jetés dans le pan
de la robe, mais ils sont disposés par le Seigneur." Une autre version lit:
tempora mea (mes
temps), c'est-à-dire quantitativement et qualitativement: "C'est lui qui
change les temps et les âges."
16b Arrache-moi
à la main de mes ennemis, et à ceux qui me persécutent. 17 Fais luire ta
face sur ton serviteur, sauve-moi dans ta miséricorde. 18a Seigneur, que je
ne sois point confondu, parce que je t'invoque.
2. Ensuite il
ajoute sa prière lorsqu'il dit: Arrache-moi.
a) Il prie
d'abord pour lui.
b) Puis contre
ses ennemis: Qu'ils rougissent.
a. En priant pour
lui il fait deux choses.
- Car il prie d'abord pour être libéré des maux.
- Puis afin d'être élevé vers le bien: Fais luire ta face.
- Dans ses ennemis il considère deux choses:
· D'abord leur sentiment; et il traite de cela quand il dit: à la main de mes
ennemis, c'est-à-dire de ceux qui me haïssent: "Arrache-moi à
mes ennemis, Seigneur, c'est vers toi que je me suis réfugié." Ces
derniers sont les démons: "C'est un ennemi qui a fait cela. Les serviteurs
lui demandèrent: "Voulez-vous que nous allions l'arracher ?" Il
répondit: "Non, de peur qu'arrachant l'ivraie, vous n'arrachiez aussi le
froment avec elle."" Semblablement ce sont les amis: "On aura
pour ennemis les gens de sa propre maison."
· Puis l'effet, car ils persécutent: "Nombreux sont ceux qui me
persécutent et me tourmentent; [mais je] ne me suis pas détourné de tes
témoignages."
- Puis il prie afin d'être élevé vers le bien, lorsqu'il dit: Fais luire. À
ce propos il fait deux choses.
· Il demande d'abord d'être élevé dans les biens.
· Puis de ne pas faillir à sa demande: que je ne sois point confondu.
· Concernant son élèvement dans les biens il fait une double demande:
D'abord touchant le progrès de la sagesse.
Puis touchant le progrès de la justice: sauve-moi.
La lumière de la raison n'est rien d'autre qu'une participation à la
lumière divine: "La lumière de ton visage a été gravée sur nous."
Cette lumière ne croît en nous qu'à partir de sa cause originelle elle-même.
C'est pourquoi si nous voulons croître en lui, il faut que cette croissance se
fasse par la lumière du visage divin: "Envoie ta lumière et ta vérité:
Elles m'ont conduit et m'ont amené à ta montagne sainte et dans tes
tabernacles."
Touchant le progrès de la justice, par laquelle on parvient au salut,
il le demande, il le dit: sauve-moi, et ce, à cause de ta miséricorde, non
à cause de mes mérites: "Il nous a sauvés, non à cause des oeuvres de
justice que nous faisions, mais selon sa miséricorde, c'est par le baptême de
régénération et de renouvellement de l'Esprit-Saint, qu'il a répandu sur nous
abondamment par Jésus-Christ notre Sauveur, afin que, justifiés par sa grâce,
nous soyons héritiers selon notre espérance, de la vie éternelle."
· Touchant sa crainte de faillir à sa demande il dit: que je ne sois
point confondu, c'est-à-dire en défaillant dans ton espérance; ou
bien, que je
ne sois point confondu, c'est-à-dire trompé par mon espérance. Et
cela parce
que je t'ai invoqué. - "Quiconque invoquera le nom du Seigneur
sera sauve." je t'ai invoqué. Le commentaire d'Augustin que
porte la Glose
lit: "Tu invoques Dieu, lorsque tu appelles Dieu en toi,
lorsque tu l'invites à entrer dans la maison de ton coeur; [mais] auparavant il
est nécessaire que tu sois purifié de tes souillures ou de tes fraudes, car
autrement tu ne l'invoquerais pas en vérité. Car si tu invoques Dieu afin qu'il
te donne un gain, tu invoques un gain, non Dieu. Invoque donc Dieu avec
désintéressement, ô avare, afin que Dieu te remplisse non d'argent [mais] de
lui-même. N'acceptes-tu pas qu'il vienne à toi sans or et sans argent ? Quel
don de Dieu te suffira, si Dieu lui-même ne te suffit pas ?"
18b Que
les impies rougissent, et qu'ils soient précipités dans l'enfer. 19a
Qu'elles
deviennent muettes les lèvres trompeuses.
b. Ensuite il
prie contre ses ennemis, lorsqu'il dit: Qu'ils rougissent.
- Et il expose d'abord sa demande.
- Ensuite il indique la raison de leur démérite: qui profèrent.
Il faut noter que cette prière doit être comprise plus sous la forme
d'un avertissement que d'une oraison, autrement dit:
Qu'ils rougissent
en conformant leur volonté à la justice divine.
- Touchant sa demande il expose trois choses qui leur surviennent:
· Car ils seront confondus au jugement dernier; aussi dit-il: Qu'ils rougissent. Parce
que le Seigneur leur dira: "J'ai eu faim, et vous m'avez donné à manger;
j'ai eu soif, et vous m'avez donné à boire ! Alors les justes lui répondront:
Seigneur, quand est-ce que nous t'avons vu avoir faim, et que nous t'avons
rassasié; ayant soif, et que nous t'avons donné à boire ? [...] Et le roi
répondra, disant: En vérité, je vous le dis: Chaque fois que vous l'avez fait à
l'un de ces plus petits d'entre mes frères, c'est à moi que vous l'avez fait.
[...]. Alors il dira aussi à ceux qui seront à gauche: Allez loin de moi,
maudits, au feu éternel, qui a été préparé au diable et à ses anges; car j'ai
eu faim, et vous ne m'avez point donné à manger; j'ai eu soif, et vous ne
m'avez point donné à boire [...] Alors il leur répondra, disant: En vérité, je
vous le dis, chaque fois que vous ne l'avez point fait à l'un de ces petits, à
moi non plus, vous ne l'avez point fait. Et ceux-ci s'en iront à l'éternel
supplice", parce que leur conscience le leur reprochera: "Vous
rougirez à cause des jardins que vous aviez choisis."
· Puis ils seront jetés au supplice éternel; et c'est ce qu'il dit: et qu'ils soient
précipités en enfer. - "Comme des brebis, ils ont été parqués
dans l'enfer: c'est la mort qui les paîtra."
· Enfin ils se tairont, aussi dit-il: Qu'elles deviennent muettes les lèvres
trompeuses. - "Toute iniquité aura la bouche close."
En sens contraire: ils seront bavards, car il est écrit: "Ils
blasphémèrent le Dieu du ciel à cause de leurs douleurs et de leurs plaies, et
ils ne firent point pénitence de leurs oeuvres." Et semblablement ils
gémiront: "Gémissant dans le serrement de leur coeur, et disant: Voici
ceux que nous avons eus autrefois en dérision, et en proverbes outrageants."
Réponse: ils se tairont dans leurs paroles d'orgueil, et de douleur
infligée aux saints.
19b Qui
profèrent l'iniquité contre le juste, avec orgueil et abus.
- Ensuite lorsqu'il ajoute: Qui profèrent, il mentionne leur triple
péché, et principalement celui de la bouche, lequel est aggravé par trois
circonstances: à cause de la personne contre laquelle s'adresse l'iniquité, à
cause de ce qui est dit, à cause de la racine de ce qui est dit.
· En relation avec la personne il dit: contre le juste, ce qui est pire
que contre un pécheur, autrement dit:
· Ces lèvres qui parlent de cette manière se tairont sur ce qu'elles
disent, car elles profèrent l'injustice et des choses fausses: "Les
paroles de sa bouche sont iniquité et tromperie."
· Mais à cause de la racine de ces propos, car on dit parfois une chose
contre un homme juste par ignorance et par erreur; mais si elle procède d'une
intention mauvaise, alors c'est mal. Et cette mauvaise racine est double,
l'orgueil et l'abus: "Si l'orgueil vient, viendra aussi l'ignominie."
De même ils abusent des biens qui leur sont donnés; car ces biens leur sont
donnés pour qu'ils s'humilient, tandis qu'eux-mêmes s'en glorifient. Une
version de Jérôme lit: et despectu (et avec mépris), car ils
méprisent les autres avec sottise. Et c'est un abus parce qu'en méprisant le
juste ils ne se comportent pas comme il se doit à son égard.
20 Qu'elle
est grande, Seigneur, l'abondance de ta douceur que tu as réservée en secret à
ceux qui te craignent ! Tu l'as rendue parfaite pour ceux qui espèrent en toi,
en présence des enfants des hommes.
II. Le psalmiste a traité plus haut de sa
tribulation et de sa prière; mais ici il aborde l'action de grâces, comme s'il
était exaucé. Il y fait deux choses.
A) Il rappelle
d'abord de manière universelle les bienfaits que Dieu confère au genre humain
et aux saints.
B) Puis il se répand
en action de grâces: 22 Béni le Seigneur ! parce qu'il a signalé, etc.
A. Et à propos
des bienfaits il fait deux choses.
1) Car il montre
d'abord la miséricorde de Dieu quant aux dons conférés aux saints.
2) Puis quant aux
maux dont il les protège: 21 Tu les tiendras cachés.
1. Touchant les
biens conférés aux saints il fait deux choses.
a) Il montre en
effet d'abord la préparation de ces biens.
b) Puis leur
parachèvement: Tu
l'as rendue parfaite.
a. Ainsi dit-il: Qu'elle est
grande, etc. On emploie le mot douceur dans les réalités
spirituelles par métalepse. Car de même que la douceur corporelle délecte le
goût charnel, ainsi parle-t-on de douceur spirituelle parce qu'elle délecte
l'esprit intérieurement. Or il arrive parfois que le goût charnel n'étant pas
bien disposé, il se délecte dans une mauvaise saveur, et alors sa délectation
est fausse; ainsi l'affection de l'homme, lorsqu'elle n'est pas bien ordonnée,
se délecte dans une chose qui n'est pas vraiment délectable; mais si elle est
bien disposée, elle se délecte dans le vrai bien, c'est-à-dire le bien divin.
Et c'est pourquoi la bonté substantielle de Dieu est appelée douceur divine: "Ta
substance montrait la douceur que tu as à l'égard de tes enfants." Ou bien
on appelle douceur de Dieu cette circonstance dans laquelle quelqu'un est dit
éprouver un sentiment amer, quand il songe à la manière d'affliger les autres,
Dieu lui disant par la bouche de l'Apôtre: "Que toute amertume soit bannie
de vous." À l'opposé, il éprouve la douceur de l'âme lorsqu'il se propose
de consoler les autres. C'est pourquoi on appelle douceur de Dieu son dessein
suivant. Lequel ? "Il veut que tous les hommes soient sauvés." - "Goûtez
et voyez combien le Seigneur est bon." Et de même, "le Seigneur est
doux et droit". Et quelle que soit la manière dont on parle de la douceur,
elle contient de la délectation; car bien qu'elle soit une et simple en
elle-même, elle est cependant la racine et la source de toute bonté. Et c'est
pourquoi tout ce qui est objet de délectation dans le monde se trouve
totalement en Dieu: ainsi en est-il de la sagesse, de la vérité, des honneurs,
de l'excellence, du plaisir, et toutes ces choses s'y trouvent en surabondance.
Aussi le psalmiste dit-il: Qu'elle est grande, l'abondance, insurpassable
selon sa grandeur, infiniment incompréhensible pour nous. Et il en est de même
de l'abondance quant à la douceur de l'effet; car tout ce qui peut échoir à
l'homme procède de la douceur de la bonté divine: "Qu'il est doux,
Seigneur, ton esprit en nous !" En Isaïe il est question de l'abondance
des justes: "Les fils de la délaissée seront plus nombreux que [les fils]
de celle qui a un mari, dit le Seigneur." Mais ce qu'il dit ensuite: que tu as
réservée en secret, peut se comprendre de deux manières.
- Selon une première manière: que Dieu se cache de ceux-ci afin qu'ils
le connaissent, c'est-à-dire pour que leur désir grandisse.
- Selon une autre manière: que tu as mise en secret afin que te
craignant ils la possèdent; et ce sens est préférable, autrement dit: tu l'as mise
en secret à cause d'eux. Et pourquoi ? Parce que cette douceur ne se trouve pas
dans les biens sensibles qui nous sont manifestés, mais elle se trouve dans les
réalités invisibles; non dans les choses créées, mais dans l'invisibilité de
Dieu lui-même: "Au vainqueur, je donnerai la manne cachée." - "Ce
que l'oeil n'a point vu, ce que l'oreille n'a point entendu, ce qui n'est point
monté dans le coeur de l'homme, ce que Dieu a préparé pour ceux qui l'aiment."
b. Donc une
préparation bonne se fait dans le secret; mais son parachèvement et son
exécution sont publics, aussi ajoute-t-il: Tu l'as rendue parfaite, etc. Entre
cette prédestination et son effet, c'est-à-dire celui qui a lieu dans la
gloire, il y a au milieu l'état de grâce qui est un commencement de gloire; et
passant outre il tend à ce qui est parfait et dit: Tu l'as rendue parfaite, c'est-à-dire
tu la rendras parfaite, et tu as commencé à parfaire ce qui est caché: "Quand
viendra ce qui est parfait, alors s'anéantira ce qui est imparfait." Mais
pour qui ? pour
ceux qui espèrent en toi, pour ceux auxquels cette perfection
reviendra, non à ceux qui se confient en eux-mêmes: "Nous nous glorifions
dans l'espérance de la gloire des enfants de Dieu." Mais alors ce ne sera
pas caché, au contraire cela sera une réalité. en présence des enfants des hommes, car
tous verront cette gloire, bons et méchants: "J'estime que les souffrances
du temps présent ne sont pas dignes de la gloire future qui sera révélée en
nous." - Ceux-ci le "voyant seront troublés par une crainte horrible,
et ils s'étonneront de ce salut soudain, disant en eux-mêmes, se repentant et
gémissant dans l'angoisse de leur esprit: Voici ceux que nous avons eus
autrefois en dérision, et en proverbes outrageants. Nous insensés, nous
estimions leur vie une folie, et leur fin sans honneur: et voilà qu'ils sont
comptés parmi les fils de Dieu". Ou bien: des enfants, c'est-à-dire des
saints qui verront en plénitude: "Les justes verront et se réjouiront, et
toute iniquité fermera sa bouche." Ou bien: qui espèrent en toi, et
manifestent cette espérance en présence des enfants des hommes. - "Car
je ne rougis point de l'Évangile."
21 Tu
les tiendras cachés dans le secret de ta face, loin de l'intrigue des hommes.
Tu les protégeras dans ta tente contre la contradiction des langues.
2. Ensuite quand
il dit: Tu
les tiendras cachés, il montre les bienfaits de Dieu à l'égard de
ses saints, par la libération du mal. Mais parce que l'homme peut souffrir un
double mal, en action et en parole:
a) Il montre
d'abord comment il les protégera du premier mal.
b) Puis comment
il les protégera du second: Tu les protégeras.
a. Ainsi dit-il: Tu les tiendras
cachés, etc. Il parle en usant d'une comparaison: de même
que si quelqu'un était recherché en vue d'être tué, chacun le cacherait dans
les lieux secrets de sa maison, là où il serait en sécurité; ainsi en est-il
pour les saints. Les impies les persécutent, mais Dieu les cache dans le
secret, c'est-à-dire les mènera vers ce lieu secret de sa douceur: "Votre
vie est cachée avec le Christ en Dieu"; mais cela se réalisera
parfaitement dans l'avenir, lorsqu'ils le verront face à face: "Alors nous
verrons face à face." Et encore: "Nous le verrons tel qu'il est."
Et c'est ce que le psalmiste dit: de ta face. Mais dans le présent aussi il se
cache, en tant que nous voyons quelque chose de la douceur de sa gloire en le
contemplant. Et pour autant qu'il se cache, pour autant les hommes affermis
dans l'amour de Dieu ne peuvent se troubler: "Les âmes des justes sont
dans la main de Dieu, et le tourment de la mort ne les atteindra pas." Ou
bien il n'éprouvera pas les troubles que les hommes endureront au jugement:
Ceux-ci le en voyant seront troublés par une crainte horrible, et ils
s'étonneront de ce salut soudain, disant en eux-mêmes, se repentant et
gémissant dans l'angoisse de leur esprit: Voici ceux que nous avons eus
autrefois en dérision, et en proverbes outrageants. Semblablement, en tant que
l'homme se cache dans la contemplation, et n'éprouve pas les troubles du monde:
"Entrant dans ma maison, je me reposerai en elle; car sa conversation n'a
pas d'amertume, ni sa société d'ennui, mais de l'allégresse et de la joie."
b. Ensuite il
montre comment ils sont cachés des médisants, lorsqu'il dit: Tu les
protégeras, etc. Car certains sont protégés des malfaiteurs,
mais non des médisants; car tous ne sont pas protégés contre ce mal. C'est
pourquoi Octavien répondit de sa propre bouche à Tibère qui s'indignait contre
ceux qui médisaient de lui: "Je ne veux pas que tu me troubles à propos de
cette affaire, ô Tibère. C'est à notre égard une faveur suffisante le fait que
nul ne puisse nous offenser." Il dit donc: Tu les protégeras dans [la tente]. Cela
regarde l'Église présente, qui est la tente de ceux qui militent: "Il y
aura une tente pour ombrage dans le jour contre la chaleur, et pour mettre en
sûreté et à couvert de la tempête et de la pluie." Et cela contre la
contradiction des langues, qui, soit en blasphémant Dieu, soit en
enseignant des choses fausses, contredisent la vraie doctrine; c'est le cas des
schismes et des diverses hérésies: "Un faux raisonneur est suscité devant
ma face, me contredisant." Donc si on recourt à la tente de Dieu,
c'est-à-dire à l'Église, et aux mystères de sa foi, on y trouve une défense
sûre contre de telles choses, contre la contradiction des langues.
22 Béni
le Seigneur ! Parce qu'il a signalé sur moi sa miséricorde dans une cité
fortifiée.
B. Ensuite
lorsqu'il dit: Béni,
il se réfère à l'action de grâces. Il y fait deux choses.
1) Car il
commence par rendre grâces.
2) Puis il amène
les autres à rendre grâces, c'est-à-dire ceux auxquels les bienfaits mentionnés
ont été donnés: Aimez.
1. En rendant
grâces il fait trois choses.
a) Car il fait
d'abord éclater son action de grâces.
b) Puis il en
fait connaître la matière: Parce qu'il a signalé, etc.
c) Enfin il en
fait connaître la cause: Pour moi, j'ai dit.
a. Ainsi dit-il: Béni le
Seigneur ! autrement dit: puisque le peuple des saints est ainsi
protégé par Dieu, il ne me reste pas autre chose que de bénir Dieu, c'est-à-dire
d'attribuer cela à sa bonté: "Bénissez Dieu, et racontez toutes ses
merveilles."
b. Et pourquoi ? parce qu'il a
signalé, c'est-à-dire a rendu digne d'admiration, sa miséricorde
sur moi. Car l'homme semble alors être tenu à l'action de grâces, quand
il est libéré de grands dangers de manière étonnante. Et comment a-t-il signalé
sa miséricorde ? dans
une cité, dit-il, fortifiée, autrement dit: il m'a libéré de
telle sorte qu'il a fait de moi comme une cité fortifiée. Une autre version lit:
"in civitate
circumstantiae (dans une cité entourée d'une enceinte)." Les
versions hébraïques lisent: "assiégée". Or cela peut se référer à
deux intentions; et dans les deux cas il montre admirablement la miséricorde de
Dieu; car il m'a libéré dans une cité fortifiée, de telle sorte qu'il a fait de
moi comme une cité fortifiée contre les maux. Et cette cité, c'est l'Église: "C'est
moi qui t'ai établi aujourd'hui comme une cité fortifiée, et une colonne de
fer, et un mur d'airain." Ou bien: dans une cité assiégée, ce qui est aussi une
miséricorde étonnante, parce que nous sommes libérés d'un plus grand mal. Car
les assiégeants ont préparé un grand péril, et c'est pourquoi il dit: j'étais
dans la cité assiégée, ou entourée, et cependant il m'a libéré comme le centre
par rapport à la circonférence. Car la circonférence est établie autour, tandis
que le centre est au milieu. Le peuple des Juifs était au milieu des nations
qui entouraient la Judée, et au coeur de ce peuple retentissaient des louanges
à Dieu, des sacrifices y étaient offerts et les prophéties ne cessaient point.
Mais à présent la miséricorde de Dieu s'est répandue dans toutes les nations: "Allez
dans tout l'univers, prêchez l'Évangile à toute créature." dans une cité entourée
d'une enceinte, dit-il donc, c'est-à-dire dans toutes les nations.
23a Pour
moi, j'ai dit dans le transport de mon esprit: "J'ai été rejeté loin de
tes yeux."
c. Ensuite quand
il dit: Pour
moi, il fait connaître la cause de son action de grâces.
- Il expose d'abord la grandeur de sa disposition.
- Puis l'exaucement de sa prière: C'est pourquoi tu as exaucé.
- Le transport de l'esprit est quelquefois dû
à une cause inférieure; et cela lorsque quelqu'un voit des choses étonnantes
qui le mettent hors de lui: "Ils furent étonnés et hors d'eux-mêmes."
Quelquefois il est dû à une cause supérieure, c'est-à-dire lorsque quelqu'un
contemple des réalités divines, et est ravi hors de lui-même, et au-dessus de
lui-même: "Si nous avons été hors de sens, c'était pour Dieu." Ainsi
donc, élevé vers les réalités divines, il dit: J'ai été rejeté, etc., c'est-à-dire
j'ai pensé que j'étais loin de toi: car plus l'homme s'approche de Dieu, plus
il s'aperçoit qu'il est petit: "Je t'avais entendu de mon oreille; mais
maintenant c'est mon oeil qui te voit." Ou bien, si on l'entend quant au
transport de l'esprit dû a une cause inférieure - ce que le texte de Jérôme
signifie -, l'homme considère parfois la gravité de ses péchés ou celle des
malheurs imminents, et à cause de cela il s'estime abandonné: comme le Christ
disait dans la personne des siens: "Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu
abandonné ?" Et David s'exprime de cette manière: en considérant les maux
qui m'arrivent, j'ai
dit dans le transport de mon esprit: "J'ai été rejeté." - "Je
suis rejeté de la présence de tes yeux."
23b C'est
pourquoi tu as exaucé la voix de ma prière, quand je criais vers toi.
- Ensuite lorsqu'il dit: C'est pourquoi tu [m']as exaucé, il expose
son exaucement, autrement dit: C'est pourquoi, parce que j'ai dit cela, tu as exauce. -
"Il a regardé la prière des humbles." Ainsi le publicain, parce qu'il
s'est reconnu pécheur, est descendu justifié dans sa maison: "La prière de
celui qui s'humilie pénétrera les nues." Ou bien, selon Jérôme, ce verset
est formulé de manière interrogative: "Moi j'ai dit [...] Donc
exauceras-tu ?", autrement dit: il est étonnant que tout en étant alors si
loin de toi, tu m'exauces. quand je criais vers toi. Le commentaire
d'Augustin que porte la Glose dit: "Le cri jeté vers Dieu n'est
pas [un cri] de la voix, mais [un cri] du coeur; car beaucoup se sont tus des
lèvres, et n'ont rien pu obtenir parce que leur coeur n'était pas en accord.
Donc crie intérieurement, là où Dieu entend."
24 Aimez
le Seigneur, vous ses saints, parce que le Seigneur recherchera la vérité, et
il rendra abondamment à ceux qui sont orgueilleux.
2. Ensuite
lorsqu'il dit:
Aimez le Seigneur, il amène ceux auxquels les bienfaits précités ont
été donnés à exprimer leur action de grâces.
a) Et il les
exhorte d'abord à l'affection.
b) Puis à une
pratique effective.
a. En les
disposant à l'affection il fait deux choses.
- Il les amène d'abord à aimer Dieu.
- Puis il leur en donne la raison: parce qu'[il] recherchera la vérité.
- Ainsi dit-il: parce qu'il a exaucé, et parce qu'il a signalé sa miséricorde,
Aimez le
Seigneur. - "Et maintenant, Israël, écoute les préceptes et les
ordonnances que moi je t'enseigne aujourd'hui pour que vous les mettiez en
pratique: afin que vous viviez, et que vous entriez pour en prendre possession
dans le pays que vous donne le Seigneur le Dieu de vos pères." Et quels
sont ceux qui doivent aimer, il le montre: car ce sont les saints. - "Les [coeurs]
droits t'aiment."
- En disant parce qu'[il] recherchera la vérité, il donne
la raison d'aimer. Et il est donné une double raison pour laquelle ils sont
tenus d'aimer: car ce que les saints aiment, Dieu l'aime pareillement; et ce
qu'ils haïssent, Dieu le hait aussi. La seconde raison c'est: et il rendra
abondamment à ceux qui sont orgueilleux.
· Touchant la première raison il dit: parce qu'[il] recherchera la vérité, autrement
dit: vous devez aimer le Seigneur, parce qu'il aime ce que vous aimez, et il
recherche cela. Les saints aiment la vérité, et c'est pourquoi Dieu qui
recherche la vérité doit être aimé de nous. D'autre part Dieu recherche la
vérité de la justice: "Le jugement de Dieu se fait selon la vérité à
l'égard de ceux qui font ces choses." Semblablement, la vérité de la vie: "Je
t'en conjure, Seigneur, souviens-toi, je te prie, comment j'ai marché devant
toi dans la vérité et avec un coeur parfait." Pareillement, la vérité de
la doctrine: "Nous savons que tu es vrai, et que tu enseignes la voie de
Dieu dans la vérité."
· La seconde raison pour laquelle vous êtes tenus d'aimer, c'est qu'il
punit ce que vous haïssez: car Dieu punit l'orgueil que les saints haïssent; et
c'est ce qu'il dit: et il rendra, c'est-à-dire un châtiment, abondamment, c'est-à-dire
au-dessus d'eux-mêmes: car eux-mêmes s'élèvent au-dessus de lui: "Son
orgueil, et son arrogance, et sa fureur sont plus grands que sa force."
25 Agissez
virilement, et que votre coeur se fortifie, vous tous qui espérez dans le
Seigneur.
b. Puis quand il
ajoute:
virilement, il les exhorte à une pratique effective. Et en premier
lieu, afin qu'ils soient forts en action, quand il dit: Agissez virilement.
- "Celui qui est mou et lâche dans son ouvrage est frère de celui
qui détruit ses ouvrages." De même, afin qu'ils soient forts dans leur
coeur: et que
votre coeur se fortifie. - "Attends le Seigneur, agis
virilement; et que ton coeur se fortifie, et patiente avec le Seigneur."
De l'intelligence
de David.
1 Bienheureux ceux
dont les iniquités ont été remises et dont les péchés ont été couverts. 2
Bienheureux l'homme à qui le Seigneur n'a pas imputé de péché, et dans l'esprit
duquel il n'y a point de fraude.
3 Parce que je me
suis tu, mes os ont vieilli, tandis que je criais tout le jour; 4 parce que
jour et nuit ta main s'est appesantie sur moi. Je me suis retourné dans mon
accablement, tandis qu'une épine s'enfonçait.
5 Je t'ai fait
connaître mon délit, et je ne t'ai point caché mon injustice. J'ai dit: "Je
confesserai contre moi mon injustice au Seigneur", et toi, tu as remis
l'impiété de mon péché.
6a C'est pour cela
que tout saint te priera au temps favorable.
6b Mais cependant,
dans le déluge des eaux abondantes, ils n'approcheront pas de lui.
7 Toi, tu es mon
refuge contre la tribulation qui m'a environné. Ô mon exultation, arrache-moi a
ceux qui m'environnent.
8 Je te donnerai
l'intelligence, et je t'enseignerai dans la voie où tu dois marcher:
j'arrêterai sur toi mes yeux.
9a Ne devenez
point comme le cheval et le mulet, qui n'ont point d'intelligence.
9b Resserre avec
le mors et le frein la bouche de ceux qui ne s'approchent pas de toi.
10 De nombreux
châtiments sont réservés au pécheur: mais celui qui espère dans le Seigneur, la
miséricorde l'environnera.
11 Réjouissez-vous
dans le Seigneur et exultez, justes, et glorifiez-vous tous les coeurs droits.
De l'intelligence
de David.
1
Bienheureux ceux dont les iniquités ont été remises et dont les péchés ont été
couverts. 2 Bienheureux l'homme à qui le Seigneur n'a pas imputé de
péché, et dans l'esprit duquel il n'y a point de fraude.
Ici commence la quatrième décade des cinquante premiers psaumes. Et de
même que dans la première décade figurent les psaumes dans lesquels on fait
mention de la persécution d'Absalom; dans la deuxième, de la persécution de
Saül; dans la troisième, de la persécution du peuple; ainsi dans cette
quatrième décade il est question de la tribulation que les bons endurent de la
part des pécheurs: "Habitant auprès de ceux qui tourmentaient jour après
jour son âme par leurs oeuvres impies." Et cette décade se divise en deux
parties.
Car il fait d'abord l'éloge de la dignité des justes.
Puis il implore le secours contre les persécutions des impies, et cela
au psaume 34: "Juge, Seigneur, ceux qui me font du mal."
En faisant l'éloge de la dignité des justes il rappelle deux choses.
D'abord la grâce justifiante.
Ensuite la dignité des justes: "Justes,
exultez dans le Seigneur, etc."
Enfin il exhorte les justes à se maintenir dans la justice: "Je
bénirai le Seigneur."
Le titre de ce psaume est nouveau, à savoir De
l'intelligence de David. Une version de Jérôme lit: "Eruditio
David (Enseignement de David)." Dans beaucoup de psaumes qui suivent on
rencontre ce titre. Et il est signifié par là que dans tous les psaumes ainsi
intitulés on traite d'une vérité commune, non seulement en relation avec une
seule personne, mais comme en relation avec la providence de Dieu, ou avec une
autre chose ardue. Et bien que dans tous les psaumes certaines choses y soient
contenues en vue de l'enseignement, ces psaumes-ci sont principalement ordonnés
à cela. Mais ce psaume est spécialement intitulé "ab intellectu (de
l'intelligence)" que doit avoir le pénitent, lui qui doit reconnaître par
l'intelligence qu'il est pécheur et que la grâce de Dieu le libère: Si un homme
"reconnaît par l'intelligence son délit: qu'il fasse pénitence pour son
péché, et qu'il offre d'entre les troupeaux une jeune brebis, ou une chèvre; et
le prêtre priera pour lui et pour son péché". - "Le tourment [donne]
cette intelligence."
Bienheureux ceux, etc. Ce
psaume est le deuxième psaume pénitentiel. Car dans le premier le psalmiste a
traité de la contrition du coeur, tandis que dans celui-ci il traite de la
confession. Ce psaume se divise en trois parties.
I) Dans la première partie est exposée la
rémission des péchés.
Il) Dans la deuxième, la voie qui mène à la
rémission: 3 Parce
que je me suis tu, etc.
III) Enfin le désir des saints à propos de la
rémission: 6 C'est
pour cela que tout saint te priera.
I. À propos de la rémission des péchés il fait
deux choses.
A) Car il expose
d'abord ce qui concerne Dieu.
B) Puis ce qui
concerne l'homme: et dans l'esprit duquel il n'y a point de fraude.
A. Or, dans le
péché on distingue:
1) D'abord
l'offense à Dieu.
2) Puis la tache.
3) Enfin
l'obligation à la peine.
Contre cela le psalmiste énumère trois choses. Car Dieu remet
l'offense, couvre la faute, enlève l'obligation à la peine en n'imputant pas le
péché.
1. En relation
avec l'offense il dit: Bienheureux ceux dont les iniquités ont été remises, etc. Mais
parce que la béatitude est double, c'est-à-dire en réalité et en espérance,
ceux-ci sont tels, c'est-à-dire ceux dont les iniquités ont été remises sont
bienheureux en espérance; et ces derniers seront finalement bienheureux en
réalité. Car celui-là est bienheureux en espérance, en qui précèdent la cause
de la béatitude et la voie qui est une vertu - surtout si cette vertu est
parfaite -; aussi celui en qui apparaît la vertu parfaite peut être dit
bienheureux en espérance: comme un arbre qui fleurit bien peut être dit
produisant du fruit. Car après la corruption du premier homme les fleurs n'existaient
plus, mais bien les épines des péchés. Et c'est pourquoi la béatitude du
pécheur, qui est en espérance, n'est pas quelque chose de ce genre, mais le
fait que Dieu remette le péché, et qu'alors l'homme justifié fructifie: "Renouvelez
pour vous une novale, et ne semez pas sur des épines." remises. - "Son
iniquité a été remise." -"Remettez et il vous sera remis."
2. En relation
avec la tache il dit: et dont les péchés ont été couverts. Les
péchés sont les taches de l'âme: "Combien tu es devenue vile en
renouvelant tes voies !" Lorsque quelqu'un commet en lui un acte honteux,
et que celui-ci est couvert, alors la turpitude n'offense pas les yeux de ceux
qui voient. Or Dieu couvre la turpitude des pécheurs: mais comment ?
Totalement, c'est-à-dire en lavant l'âme. Car dans le péché il y a une double
difformité. L'une vient de la suppression de la grâce dont le pécheur est privé:
et celle-ci est totalement enlevée, et non couverte, parce que la grâce lui est
donnée. L'autre tache est due à un acte peccamineux passé: et celle-ci n'est
pas détruite, non qu'on ne lui attribue pas ce qu'il n'a pas fait, mais parce
que cet acte ne lui est pas imputé comme faute: et cette tache-là est couverte.
3. En relation
avec l'obligation à la peine il dit: Bienheureux l'homme à qui le Seigneur n'a pas imputé de péché. Par
obligation à la peine on comprend que sa peine n'est pas maintenue à cause de
son péché: "Tu as exercé des jugements vrais dans tous les maux que tu as
faits venir sur nous et sur la sainte cité de nos pères, Jérusalem; parce que
c'est dans la vérité et dans la justice que tu as fait venir tous ces maux, à
cause de nos péchés." Selon la Glose , un triple péché est indiqué ici: le
péché originel, l'actuel mortel, et l'actuel véniel.
a. Le premier est
indiqué par le mot iniquité, qui est une inégalité: et cela se
trouve dans le péché originel, en tant que dans cette iniquité les facultés de
l'âme s'éloignent de l'égalité de l'innocence; et ce péché est remis et
diminué, parce qu'il est effacé quant à la dette et demeure en acte. Et il dit iniquités au
pluriel, parce que dans ces diverses iniquités il y a divers péchés d'origine,
mais tous se réduisent à un unique péché.
b. Le deuxième
est signifié par le péché actuel mortel. Car les péchés actuels mortels sont
dits être couverts, lorsqu'ils ne sont pas imputés au pécheur comme faute.
c. Le troisième
est indiqué par le péché véniel, que le Seigneur n'impute pas. Car le péché
véniel n'est pas imputé à peine éternelle. Ou bien il mentionne le premier à
cause du péché qui est commis avant le baptême. Le deuxième à cause des péchés
qui ont été commis après le baptême. Mais le troisième après la confession, car
le péché ne sera pas imputé à la peine.
B. Mais en ce qui
concerne l'homme il est requis qu'il se confesse sans hypocrisie; autrement il
n'obtient pas la grâce: "L'esprit saint qui éduque fuira l'hypocrisie."
Et c'est pourquoi il dit: dans l'esprit duquel il n'y a point de fraude, selon
qu'il aurait une façon de voir intérieurement, et qu'il en met une autre en
avant extérieurement.
3
Parce que je me suis tu, mes os4ont vieilli, tandis que je criais tout le jour; parce que
jour et nuit ta main s'est appesantie sur moi. Je me suis retourné dans mon
accablement, tandis qu'une épine s'enfonçait.
II. Ici commence la deuxième partie du psaume
dans laquelle est exposée la voie qui doit conduire à la rémission des péchés:
et à cet égard il fait trois choses.
A) Car il expose
d'abord l'état de péché.
B) Puis la
conversion en se détournant du péché: parce que jour et nuit.
C) Enfin la
confession qui est la cause de la rémission du péché: mon délit.
A. Ainsi dit-il:
Parce que je
me suis tu, etc.
Il semble qu'il y ait ici une contradiction. Car tandis qu'il crie tout
le jour, il affirme se taire.
Réponse: il se taisait sur ce qu'il devait dire, mais il criait ce
qu'il ne devait pas dire, et ce qu'il ne devait pas crier. Et dans l'un et
l'autre cas c'est un péché.
Au sujet du premier cas il est écrit: "Malheur à moi, parce que je
me suis tu." Car le pécheur doit dire ses péchés: "Si je me tais,
elle ne s'éloignera pas de moi, mais maintenant ma douleur m'accable; et tous
mes membres sont réduits à rien." Donc parce que j'ai tu mes péchés, mes os ont
vieilli, c'est-à-dire mn force intérieure a faibli. Souvent dans
l'Écriture sainte, par membres corporels on entend la force intérieure. C'est
pourquoi par les os en qui sont la force, on entend la force intérieure. Et
c'est parce qu'il a vieilli qu'il a faibli, c'est-à-dire diminué, d'où ce qu'il
dit: mes os
ont vieilli. - "D'où vient, Israël, que tu es dans la terre de
tes ennemis ? Tu as vieilli dans une terre étrangère, tu t'es souillé avec les
morts; tu es devenu semblable à ceux qui descendent dans l'enfer."
Au sujet du second cas il est écrit: "J'ai espéré qu'il rendrait
un jugement, et voilà l'iniquité; [qu'il rendrait] la justice, et voilà le cri."
Et c'est ce qu'il dit: tandis que je criais tout le jour. Car il
criait qu'il était juste, il criait à propos de la peine et il se taisait sur
sa faute.
B. Mais que fit
le Seigneur ? Il le convertit en appesantissant sa main, en infligeant un poids:
parce que
jour et nuit. Après quoi la conversion fut obtenue: Je me suis
retourné.
Ainsi dit-il: jour et nuit, c'est-à-dire continuellement, ta main s'est
appesantie sur moi. Parfois la main du Seigneur console: "La
main du Seigneur était avec moi, me fortifiant." Parfois elle
s'appesantit, comme dans le premier livre des Rois où il est écrit que "la
main [du Seigneur] devenait extrêmement pesante". - "Dans la
tribulation du murmure ton enseignement était avec eux." Et c'est pourquoi
il dit: Je me
suis retourné dans mon accablement, c'est-à-dire dans la peine que
j'endure pour mes péchés. tandis qu'une épine s'enfonçait, tandis qu'une
épine, c'est-à-dire le remords de la conscience, est infligée à mon coeur. Ou
bien il s'agit de l'épine dorsale qui tient tout l'homme droit, et elle
signifie l'orgueil qui, une fois réprimé, redresse l'homme. Ou bien pourquoi
criait-il ? À cause du poids, dit-il, de ta main. Et cela parce que je ne suis
pas converti à toi, mais au péché. Et cela tandis que l'épine des péchés
s'enfonçait, c'est-à-dire s'affermissait en moi; et telle est la signification
de l'épine, à savoir le péché. Ou bien tandis que la raison, qui est comme une
épine régissant le dos, baisse. Ou bien encore selon les versions hébraïques: "Ma
sève s'est changée en sécheresse d'été", c'est-à-dire à cause de
l'appesantissement de ta main, tout ce qui fut en moi de charnel et d'humide
s'est changé en sécheresse d'été. Une version de Jérôme lit: "Versatus sum in
miseria mea dum exardescit messis (je me suis retourné dans mon
malheur tandis que la moisson brûlait)", c'est-à-dire je me suis desséché
a la manière de la moisson.
5 Je
t'ai fait connaître mon délit, et je ne t'ai point caché mon injustice. J'ai
dit: "Je confesserai contre moi mon injustice au Seigneur", et toi,
tu as remis l'impiété de mon péché.
C. Ensuite quand
il dit délit:
1) Il expose
d'abord sa confession.
2) Puis son
efficacité: J'ai
dit: "Je confesserai."
1. Mais parce que
l'homme doit confesser deux choses, c'est-à-dire les biens omis et les péchés
commis, il dit touchant la première chose: mon délit, c'est-à-dire parce que j'ai omis de
faire ce que je devais, Je t'ai fait connaître; non point que Dieu
n'en ait pas connaissance, mais lorsque l'homme reconnaît son péché, alors il
veut aussi que Dieu en ait connaissance pour qu'il le pardonne. Touchant la
deuxième chose il dit: je ne t'ai point caché mon injustice. - "Si,
comme homme, j'ai dissimulé mon péché, et si j'ai caché dans mon sein mon
iniquité; si j'ai été saisi d'effroi à cause de la grande multitude, et si le
mépris de mes proches m'a épouvanté, et si je ne me suis pas plutôt tenu dans
le silence, sans sortir de ma porte: qui me donnera quelqu'un qui m'entende,
afin que le Tout-Puissant écoute mon désir, et qu'il écrive un livre celui-là
même qui juge, afin que sur mon épaule je porte ce livre, et que je le mette
comme une couronne autour de ma tête ?" - "Celui qui cache ses crimes
ne sera pas dirigé; mais celui qui les confesse et les abandonne obtiendra
miséricorde."
2. Quant à
l'efficacité de sa confession, il la montre quand il dit: J'ai dit: "Je confesserai."
L'effet de la confession est la rémission des péchés. Il dit donc: J'ai dit, c'est-à-dire
pour l'honneur du Seigneur: "Rends gloire au Seigneur Dieu d'Israël et
confesse, et déclare-moi ce que tu as fait: ne le cache pas." mon injustice, non
mes biens, contre
moi, non pour moi. On confesse son propre péché contre le prochain
en disant: un autre m'a induit. Contre la nature en disant: ce m'est arrivé
ainsi à cause de ma fragilité. Contre Dieu en disant: je n'ai pu résister: "C'est
moi qui ai péché et qui ai agi iniquement." Ou bien, contre moi, c'est-à-dire contre
mon intention suivant laquelle je me proposais de demeurer dans le péché. Il en
résulte la rémission: et toi, tu as remis. - "Il remettra les
péchés au jour de la tribulation." Cependant l'efficacité de la confession
est telle que non seulement quelqu'un obtient la rémission de ses péchés,
lorsqu'il se confesse en acte, mais encore lorsqu'il a le propos de se
confesser. Donc la faute lui est remise avant qu'il ne se confesse: "Et il
arrivera qu'avant qu'ils crient, moi je les exaucerai." Que réalise donc
la confession proprement dite ? Il faut dire que le propos d'agir opère par la
vertu de l'acte proposé, de telle sorte qu'il se réalise. C'est pourquoi si
l'acte de ce propos cesse, son effet cesse également. Aussi est-il nécessaire
de persévérer dans son propos. Cependant, dans la confession proprement dite
des péchés, et par l'absolution en vertu du pouvoir des clés, la peine est
remise au pénitent, et en raison du sentiment de honte une grâce plus abondante
lui est conférée, et il obtient de nombreux biens.
6a C'est
pour cela que tout saint te priera au temps favorable.
III. Enfin il expose ici le désir des saints
touchant la rémission des péchés; et à ce propos il fait trois choses.
A) Il fait
d'abord connaître le désir des saints touchant cette rémission.
B) Puis il donne
un avertissement aux pécheurs: 9a Ne devenez point comme le cheval et le mulet.
C) Enfin il
conclut le psaume par une action de grâce: 11 Réjouissez-vous.
A. À propos du
désir des saints touchant la rémission des péchés, il fait deux choses.
1) Car il exprime
d'abord le désir des saints touchant la rémission des péchés en général.
2) Puis en
particulier, en montrant son propre refuge: Toi, tu es.
1. En relation
avec le premier point il fait deux choses.
a) Il commence
par faire connaître le désir des saints par le signe de la prière.
b) Puis il montre
l'effet de leur prière: Mais cependant, dans le déluge.
a. Ainsi: J'ai dit: "Je
confesserai" pour cette raison, c'est-à-dire pour la rémission
des péchés. Et il dit trois choses.
- D'abord pourquoi il faut prier, c'est-à-dire afin que nous recevions
la rémission; car tous nous avons péché: "Si nous disons que nous n'avons
pas de péché, nous nous trompons nous-mêmes, et la vérité n'est pas en nous."
Et c'est pourquoi la rémission doit être demandée: "Prie le Seigneur, et
il te guérira." -"Remettez-nous nos dettes."
- Puis qui doit prier: tout saint. -"La prière assidue du juste
peut beaucoup."
- Enfin quand prier: au temps favorable, c'est-à-dire celui de la
grâce et de la vie présente, car il est écrit dans Matthieu à propos de la
parabole des dix vierges que "celles qui étaient prêtes entrèrent avec lui
dans la salle des noces, et [que] la porte fut fermée. [Qu']enfin les autres
vierges vinrent aussi disant: "Seigneur, Seigneur, ouvrez-nous." Mais
[que] l'époux, répondant, dit: "En vérité, je vous dis que je ne vous
connais point."" - "Voici maintenant le temps favorable, voici
maintenant le jour du salut." - "La nuit vient, pendant laquelle
personne ne peut agir."
6b Mais
cependant, dans le déluge des eaux abondantes, ils n'approcheront pas de lui.
b. Ensuite
lorsqu'il dit: Mais
cependant, il montre l'effet de la prière, car [c'est] dans le déluge
des eaux abondantes. L'eau est prise ici dans trois sens.
- Selon un premier sens elle signifie les jouissances: "Tu t'es
répandu comme l'eau."
- Selon un autre sens elle signifie les fausses doctrines: "Des
eaux dérobées sont plus douces ."
- Enfin elle signifie les tribulations: "Parce que des eaux sont
entrées dans mon âme."
n'approcheront pas
de lui. Le fait qu'il dit de lui peut
se comprendre de deux manières. Selon une première manière en tant que ce mot lui se
réfère au saint, autrement dit: bien que le saint prie, il souffre cependant
des grandes eaux, mais elles ne l'écrasent pas, que ce soient les eaux de la
jouissance, ou les eaux de la fausse doctrine, ou de la tribulation; c'est
pourquoi il dit: n'approcheront
pas. - "Lorsque tu passeras au travers des eaux, je serai avec
toi, et les fleuves ne te submergeront pas." - "Nous avons passé par
le feu et par l'eau; et tu nous as conduits au lieu de rafraîchissement."Selon
une autre manière, en tant que ce mot lui se réfère à Dieu; et ainsi il parle en
changeant de personne; car il s'adresse d'abord à Dieu, et présentement aux
autres, autrement dit: ceux qui dans le déluge des eaux abondantes, ainsi
dénommées, ne s'approcheront pas de Dieu.
7 Toi,
tu es mon refuge contre la tribulation qui m'a environné. Ô mon exultation,
arrache-moi à ceux qui m'environnent.
2. Ensuite quand
il dit: Toi,
tu es mon refuge, etc., il exprime le désir des saints en
particulier; et à ce propos il fait deux choses.
a) Il exprime
d'abord le désir d'être libéré.
b) Puis l'effet
du désir: l'intelligence.
a. Touchant son
désir d'être libéré il fait deux choses.
- Car il montre d'abord d'où il conçoit l'espérance de prier.
- Puis
il ajoute une demande: arrache-moi à ceux qui m'environnent.
- Il conçoit l'espérance de demander à partir de deux choses:
· D'abord à partir du fait que Dieu est le refuge particulier des
justes.
· Puis à partir du fait qu'il est leur refuge particulier dans la tribulation.
· Ainsi dit-il: Toi, tu es mon refuge contre la tribulation qui m'a
environné. La tribulation environne lorsqu'elle opprime de tous
côtés, de telle sorte que nulle part il ne se trouve de refuge accessible: "Parce
que des maux sans nombre m'ont environné; mes iniquités m'ont investi, et je
n'ai pu en soutenir la vue." Mais dans cette tribulation il n'est pas de
refuge en dehors de Dieu: "Comme nous ignorons ce que nous devons faire,
il ne nous reste qu'à diriger nos yeux vers toi." - "Celui qui habite
dans le secours du Très-Haut demeurera sous la protection du Dieu du ciel."
· Ainsi donc je sais, dit-il, vers qui me réfugier, je sais aussi en
qui me consoler, car il dit: Ô mon exultation. - "Béni soit Dieu, le
Père de Notre-Seigneur Jésus-Christ, le Père des miséricordes et le Dieu de
toute consolation, qui nous console dans toutes nos tribulations, afin que, par
la consolation que nous-mêmes recevons de Dieu, nous puissions à notre tour
consoler les autres en quelque affliction qu'ils se trouvent." - "Selon
la multitude de mes douleurs [qui étaient] dans mon coeur, tes consolations ont
réjoui mon âme."
- Puis il exprime ce qu'il demande quand il dit: arrache-moi à ceux qui m'environnent, c'est-à-dire
à la tribulation qui m'a environné. Et puisque la tribulation doit être
infligée par quelqu'un, il faut que, dans la mesure où la tribulation
[m']environne, ceux qui s'efforcent de l'infliger soient à l'entour,
c'est-à-dire les démons et les persécuteurs; et c'est pourquoi il dit: à ceux qui
m'environnent.
8 Je
te donnerai l'intelligence, et je t'enseignerai dans la voie où tu dois marcher:
j'arrêterai sur toi mes yeux.
b. Ensuite,
lorsqu'il dit: intelligence,
il montre l'effet de sa prière. Dieu est celui qui parle: Je te donnerai
l'intelligence, etc.; comme si Dieu disait: Tu me demandes que je
t'arrache, et moi je t'accorderai trois choses: car je te donnerai le don
d'intelligence, et je t'instruirai, et je te garderai. En effet il y a trois
choses venant de Dieu qui sont nécessaires à l'homme.
- D'abord, qu'il reçoive le don de sa grâce, afin que par ce don l'âme
humaine soit prête à agir avec promptitude. Mais si grand que soit le don
gratuit reçu par l'homme, dans la mesure où Dieu ne meut pas à accomplir une
oeuvre bonne, cela ne suffit pas; c'est pourquoi il faut qu'après la grâce
prévenante, Dieu opère et meuve vers le bien. Cependant la grâce et le don sont
reçus selon le mode de notre nature, et non pas de telle manière qu'ils donnent
la capacité d'éviter toutes choses; et c'est pourquoi il est nécessaire que la
protection de Dieu et sa défense soient accordées par surcroît. Et voilà
pourquoi il mentionne d'abord le don d'intelligence, lorsqu'il dit: Je te donnerai
l'intelligence. - "Le Seigneur le remplira de l'esprit de
sagesse et d'intelligence." Et cela est nécessaire à l'homme afin de
comprendre son propre péché, et parce qu'il ne peut être sauvé en dehors de
Dieu.
- Puis il expose l'usage dû à ce don, lorsqu'il dit: je
t'enseignerai. - "Je rendrai tes fils instruits par le
Seigneur."
- Enfin
la garde, lorsqu'il dit: dans la voie, c'est-à-dire des commandements,
où tu dois
marcher: j'arrêterai sur toi mes yeux, c'est-à-dire je te protégerai:
"Les yeux du Seigneur contemplent toute la terre, et ils donnent de la
force à ceux qui d'un coeur parfait croient en lui."
9a Ne
devenez point comme le cheval et le mulet, qui n'ont point d'intelligence.
B. Ensuite quand
il dit: Ne
devenez point, il se tourne vers les pécheurs, afin qu'ils
reviennent à la pénitence; et à ce propos il fait deux choses.
1) Il donne
d'abord un avertissement.
2) Puis il
adresse une menace: avec le mors.
1. Ainsi dit-il:
Dieu donne à l'homme l'intelligence, mais par l'intelligence il dépasse les
animaux. Donc, celui qui se rend indigne du don d'intelligence est comparé aux
animaux; et c'est pourquoi il dit: Ne devenez point comme le cheval et le mulet, etc. Selon
la Glose, le
cheval est un animal orgueilleux; tandis que le mulet est un animal paresseux,
c'est pourquoi il ne court pas. Donc ceux-là sont comme des chevaux, qui s'élèvent
par l'orgueil: "Tous ont suivi leur cours, comme le cheval qui s'élance
avec impétuosité au combat." Ceux-là sont comme le mulet, qui se dirigent
avec lenteur sur la voie de Dieu: "Le paresseux veut et ne veut pas."
Ou bien par mulet on entend les luxurieux. Le mulet est luxurieux, cependant il
n'engendre pas; ainsi les péchés de luxure sont infructueux: "Quel fruit
avez-vous donc tiré alors des choses dont vous rougissez maintenant ?" Ou
bien le cheval porte celui qui le monte avec indifférence, et le mulet porte
n'importe quelle charge. Deux choses sont imposées au pécheur: le cavalier,
c'est-à-dire le diable, et la charge, c'est-à-dire le péché. Donc ne soyez pas
comme le cheval qui ne discerne pas parmi ses cavaliers s'il s'agit du Christ
ou du diable. Ni comme le mulet qui porte avec indifférence n'importe quelle
charge, c'est-à-dire le péché.
9b Resserre
avec le mors et le frein la bouche de ceux qui ne s'approchent pas de toi.
2. Ensuite quand
il dit: avec
le mors, il expose sa menace.
a) Et d'abord
sous forme de prière.
b) Puis sous
forme de prédiction: De nombreux.
a. Ainsi dit-il: avec le mors, etc. Il
en est ainsi au sens métaphorique. Si l'homme se comporte en homme, Dieu le
traite comme un homme avec des avertissements et des enseignements; mais quand
il s'éloigne de sa dignité d'homme, il le traite comme un animal sans raison
qui est réprimé par des corrections et par la violence, c'est-à-dire avec le mors et
le frein, autrement dit: je les ai avertis de ne pas devenir comme
le cheval et le mulet; car s'ils n'acquiescent pas, traite-les comme le cheval
et le mulet, c'est-à-dire resserre avec le mors et le frein [leur] bouche, en
réprimant leur loquacité et en les privant de la nourriture dont il font usage
avec avidité. Car la bouche sert à la parole et à la dégustation: "Je
mettrai un cercle à tes narines, et un mors à tes lèvres, et je te ramènerai
par la voie par laquelle tu es venu." Ou bien: avec le mors et le frein, c'est-à-dire
dans une tribulation plus grande ou plus petite.
10 De
nombreux châtiments sont réservés au pécheur: mais celui qui espère dans le
Seigneur, la miséricorde l'environnera.
b. Puis quand il
dit: De
nombreux, il prédit; et d'abord ce qui est réservé aux méchants, car
De nombreux
châtiments [leur] sont réservés par Dieu: "Je te reprendrai, et
je te poserai devant ta propre face." Par leur propre conscience: "Il
est percé comme du glaive de sa conscience." Par le pouvoir: "Il est
le ministre de Dieu dans sa colère contre celui qui fait le mal." - "Le
fouet est pour le cheval, le mors pour l'âne, et la verge pour le dos des
insensés." Puis il prédit ce qui est réservé aux bons: mais celui qui
espère, etc. Le mot miséricorde peut être pris au cas nominatif,
de sorte que l'on comprenne que la miséricorde elle-même environnera celui qui
espère dans le Seigneur. Ou bien il peut être pris au cas ablatif, de sorte que
l'on comprenne que le Seigneur environnera de sa miséricorde celui qui espère
en lui. Et cela a lieu lorsque de tous côtés elle vient au secours des
détresses des hommes: "C'est lui qui rachète de la mort ta vie, qui te
couronne de miséricorde et de bontés."
11 Réjouissez-vous
dans le Seigneur et exultez, justes, et glorifiez-vous tous les coeurs droits.
C. Enfin le
psalmiste conclut le psaume par une action de grâce, lorsqu'il dit: Réjouissez-vous.
Et il est habituel aux psaumes de pénitence de commencer dans la
douleur et de terminer dans la joie, parce que la pénitence produit cela. Dans
cette conclusion il exhorte les justes et les hommes droits à agir bien et à
avoir une intention droite, en disant: Réjouissez-vous dans le Seigneur et exultez, justes, autrement
dit: deux choses sont nécessaires à l'homme, à savoir l'acte droit, et cela
c'est la justice qui le fait, et la droite intention, et cela c'est la joie dans
le Seigneur qui le fait. Ainsi dit-il: Réjouissez-vous et exultez, justes. Selon la Glose, se
réjouir c'est éprouver de la joie avec une douceur secrète, tandis qu'exulter
c'est éprouver de la joie avec la ferveur d'une âme passionnée. C'est pourquoi l'exultation
provient de la joie intérieure. Mais en qui ? dans le Seigneur, dit-il, non
dans le monde: "Réjouissez-vous dans le Seigneur, je le répète,
réjouissez-vous." Le psalmiste continue: et glorifiez-vous tous les coeurs droits. Ont
le coeur droit ceux qui conforment leur propre volonté à la volonté divine; et
ceux-ci mettent leur gloire en Dieu: "Que celui qui se glorifie, se
glorifie dans le Seigneur."
Pour la fin Psaume
de David.
1 Justes, exultez
dans le Seigneur. Aux [coeurs) droits convient la louange.
2 Louez le
Seigneur sur la cithare: jouez pour lui du psaltérion à dix cordes.
3 Chantez-lui un
cantique nouveau; psalmodiez bien en son honneur avec des cris de joie.
4 Parce que la
parole du Seigneur est droite et toutes ses oeuvres sont selon sa fidélité 5 Il
aime la miséricorde et la justice: la terre est remplie de la miséricorde du
Seigneur.
6 Les cieux ont
été affermis par la parole du Seigneur, et toute leur puissance par le souffle
de sa bouche.
7 Il rassemble comme
dans une outre les eaux de la mer: il renferme comme dans des trésors les
abîmes.
6 Que toute la
terre craigne le Seigneur: qu'à sa présence aussi soient émus tous ceux qui
habitent l'univers.
9 Car il a dit, et
les choses ont été faites: il a commandé, et elles ont été créées.
10 Le Seigneur
dissipe les conseils des nations: il réprouve aussi les pensées des peuples, et
il réprouve les conseils des princes.
11 Mais le conseil
du Seigneur demeure éternellement: les pensées de son coeur subsistent dans toutes
les générations.
12 Bienheureuse la
nation dont le Seigneur est son Dieu ! [Bienheureux] le peuple qu'il a choisi
pour son héritage.
13 Du haut du
ciel, le Seigneur a regardé: Il a vu tous les enfants des hommes.
14 De la demeure
qu'il s'est préparée, il a porté ses regards sur tous ceux qui habitent la
terre.
15 C'est lui qui a
formé un à un leurs coeurs, qui connaît toutes leurs oeuvres.
16 Un roi ne se
sauve point par sa grande
puissance, et un
géant ne se sauvera point par la grandeur de sa puissance. 17 Le cheval est [un
espoir] trompeur de salut: malgré l'abondance de sa puissance il ne sera point
sauvé.
18 Voilà que les
yeux du Seigneur sont sur ceux qui le craignent, et sur ceux qui espèrent en sa
miséricorde, 19 afin de délivrer les âmes de la mort, et de les nourrir dans la
famine.
20 Notre âme
attend avec constance le Seigneur, parce qu'il est notre aide et notre
protecteur; 21 parce que c'est en lui que se réjouira notre coeur, et que c'est
en son saint nom que nous avons espéré. 22 Que ta miséricorde, Seigneur, soit
sur nous, selon que nous avons espéré en toi.
Pour la fin.
Psaume de David.
1
Justes, exultez dans le Seigneur, aux [coeurs] droits convient la louange.
Le titre n'est pas nouveau. En effet ce psaume s'intitule: Pour la fin.
Psaume de David. Dans le psaume précédent le psalmiste a traité de
sa propre justification, mais dans ce psaume il traite de la dignité des justes:
et à ce propos il fait deux choses.
I) Car il commence par exhorter les justes à la
louange spirituelle.
Il) Ensuite il exprime leur dignité: 12 Bienheureuse la nation.
I. En exhortant les justes à la louange
spirituelle il fait deux choses.
A) Il exhorte
d'abord à la joie et à la louange spirituelle.
B) Puis il donne
le motif de cette joie et de cette louange: 4 Parce que la parole du Seigneur est droite.
A. En les
exhortant à la joie et à la louange spirituelle il fait deux choses.
1) Il commence
par exhorter à la joie et à la louange.
2) Puis il fait
connaître leur mode: 2 Louez le Seigneur, etc.
1. Il expose donc:
a) D'abord son
exhortation.
b) Puis il en
donne la raison: aux
[coeurs] droits convient la louange.
a. Car il avait
dit: "J'ai dit: "Je confesserai contre moi mon injustice au
Seigneur", et toi, tu as remis l'impiété de mon péché. C'est pour cela que
tout saint te priera au temps favorable." Donc, Justes, parce que vous êtes
justifiés, exultez
dans le Seigneur, non dans le monde; autrement vous n'êtes pas des
justes: car n'est pas juste celui qui ne prend pas plaisir à la justice. Or
Dieu lui-même est juste, et lui-même est la justice: "Le Seigneur est
juste, et il a aimé la justice." - "Mais moi, je me réjouirai dans le
Seigneur, et j'exulterai en Dieu mon Jésus."
b. Mais pourquoi
dit-il: Justes,
exultez dans le Seigneur, et non pas: Exultez tous dans le Seigneur
? La raison c'est qu'aux [coeurs] droits convient la louange, c'est-à-dire
celle de Dieu. Donc il faut voir s'ils sont droits, et de quelle manière la
louange leur convient.
Une chose n'est dite droite que dans la mesure où elle se conforme à sa
règle et à sa mesure. Or la mesure et la règle de la volonté humaine sont la
justice et la volonté divine. Donc ceux qui n'ont pas une disposition droite ne
peuvent pas bien louer Dieu, parce qu'ils refusent de conformer leur propre
volonté à la volonté divine, mais veulent plutôt que la volonté divine soit
conforme à la leur. Et c'est pourquoi Dieu accomplit une multitude de choses
qu'eux-mêmes n'approuvent pas. Mais ceux qui s'adaptent à la volonté de Dieu,
ceux-là se réjouissent dans les prospérités comme dans les adversités; et c'est
pourquoi il dit: "Louange pour toutes choses (Collaudatio)", car ils
louent en toutes circonstances, non en certaines seulement. De même ils louent
unanimement: "La louange n'est pas belle dans la bouche du pécheur."
- "L'exultation sera pour ceux d'Israël qui auront été sauvés."
2 Louez
le Seigneur sur la cithare: jouez pour lui du psaltérion à dix cordes.
2. Ensuite quand
il dit: Louez
le Seigneur, il expose le mode de la louange et de la joie. Or il
faut savoir que dans la louange divine on fait principalement attention à ce
que la disposition de l'homme tende vers Dieu, et s'y dirige. Et il faut savoir
aussi que les harmonies musicales changent le sentiment de l'homme. Voilà
pourquoi Pythagore, voyant qu'un jeune homme se mettait en fureur au son du
mode phrygien, fit changer le mode; ainsi apaisa-t-il l'esprit de l'adolescent
en l'amenant à l'état d'esprit le plus soumis, comme le rapporte Boèce au début
de son Traité
sur la musique. De là vient que pour tous les cultes on a pratiqué
des harmonies musicales dans le but d'inciter l'âme humaine à se tourner vers
Dieu. Les hommes se sont habitués de deux manières à la pratique de cette
harmonie musicale: parfois en recourant aux instruments de musique, mais
parfois aux chants. Et c'est pourquoi le psalmiste montre d'abord le premier
mode: car il dit: sur la cithare. Puis le deuxième: Chantez-lui. En effet le
sentiment de l'homme par les instruments et les harmonies musicaux se dispose à
trois choses: car il s'établit parfois dans une rectitude et fermeté d'âme,
parfois il est ravi vers la hauteur) parfois il repose dans la douceur et la
joie. Et à cette fin, comme le veut le Philosophe dans son ouvrage de la Politique, trois
genres de chant ont été institués. Le premier genre comprend le chant dorien,
qui correspond au premier et au deuxième ton, comme le veulent certains. Le
deuxième genre comprend le chant phrygien, qui correspond au troisième ton. Le
troisième genre est le chant hippolydien, qui correspond aux cinquième et sixième
tons. Les autres ont été découverts par la suite. Et il en est ainsi pour les
instruments, parce que certains instruments donnent le premier ton, comme la
flûte et la trompette; d'autres donnent le deuxième ton, comme l'orgue;
d'autres le troisième, comme le psaltérion et la cithare: "Le psaltérion
harmonieux avec la cithare." Mais parce que le psalmiste a l'intention de
nous introduire ici à l'exultation, il ne fait mention que de ces deux
instruments, c'est-à-dire du psaltérion et de la cithare. Mais puisqu'il est
écrit que "toutes ces choses leur arrivaient en figure", ils
utilisaient non seulement les instruments en vue de cela, mais aussi en figure.
La cithare donne le son le plus bas, et elle signifie la louange qui jaillit
des profondeurs, c'est-à-dire de la terre; tandis que le psaltérion donne le
son le plus haut, et signifie la louange qui a trait aux biens célestes. Et il
dit: à dix
cordes, parce que par celles-ci sont signifiés les dix préceptes du
Décalogue, lesquels renferment toute la doctrine spirituelle.
3
Chantez-lui un cantique nouveau; psalmodiez bien en son honneur avec des cris
de joie.
Ensuite lorsqu'il dit: Chantez, il traite de la voix humaine. Or il
faut savoir, selon le sens littéral, qu'il y a une double modulation: car l'une
consiste dans le chant tout simplement, l'autre se pratique en jouant sur des
instruments. Il fait allusion à la première lorsqu'il dit: un cantique nouveau. À la
seconde en disant: avec des cris de joie. Selon le sens
spirituel, l'homme doit exulter pour deux raisons. Pour les biens de la grâce
reçus, et pour les biens de la gloire attendus. Par les premiers biens nous
sommes renouvelés: "Renouvelez-vous dans l'esprit de votre âme." - "Afin
que nous aussi, nous marchions dans une nouveauté de vie" Donc celui-là
chante un cantique nouveau, qui exulte en Dieu à cause de la rénovation de la
grâce: "Les saints chantaient comme un cantique nouveau." Mais
celui-là accompagne le psaume de ses cris de joie, qui chante à cause des biens
de la gloire, et le cantique que l'homme conçoit dans son coeur, il l'exprime
en paroles. Ou bien in jubilatione ou in jubilo (avec des cris de
joie), selon Jérôme. Or la jubilation est une allégresse ineffable qui ne peut
s'exprimer en paroles; mais la voix fait saisir la plénitude immense des joies.
Et les biens qui ne peuvent être exprimés sont ceux de la gloire: "Ce que
l'oeil n'a point vu, ce que l'oreille n'a point entendu, et ce qui n'est pas
monté au coeur de l'homme, tout ce que Dieu a préparé pour ceux qui l'aiment."
Et c'est pourquoi il dit: psalmodiez bien en son honneur avec des cris de joie, parce
qu'ils ne peuvent pas être exprimés par le chant. Mais tu diras: dans l'Ancien
Testament il y avait des instruments de musique et des cantiques vocaux.
Pourquoi l'Église a-t-elle donc laissé de côté ceux-là, mais s'est approprié
ceux-ci ? Au sens mystique une double raison est donnée à ce choix. D'abord,
parce qu'ils étaient symboliques. La deuxième raison c'est que Dieu est loué en
esprit et par la voix, non par des instruments. Une autre raison encore se
fonde sur les paroles du Philosophe disant que c'est à l'encontre du bon sens
que les hommes se sont formés à la pratique de la lyre et des instruments de
musique, parce qu'ils accaparent leur âme dans leur pratique; alors que la
musique doit être simple, afin qu'en se consacrant aux louanges divines les
hommes soient détournés des choses matérielles.
4
Parce que la parole du Seigneur est droite et toutes ses oeuvres sont selon sa
fidélité. 5 Il aime la miséricorde et la justice: la terre est
remplie de la miséricorde du Seigneur.
B. Puis quand il
dit: Parce
que, il donne le motif de cette joie et de cette louange. Le motif
de cette louange et de cette joie est double. Le premier se fonde sur Dieu à
propos duquel on doit exulter. Le second se fonde sur ses effets: par la parole du
Seigneur.
1. Concernant le
premier motif il fait trois choses. Il expose en premier lieu quels en sont les
motifs du côté de Dieu.
a. Et d'abord, Parce que la
parole du Seigneur est droite, c'est-à-dire l'instruction: "Ta
parole est une lampe pour mes pas, une lumière pour mon sentier." Ou bien
la promesse elle-même: "Tous mes discours sont justes, il n'y a rien en
eux de dépravé ni de pervers. Ils sont droits pour ceux qui ont de
l'intelligence."
b. Puis, parce
que toutes
ses oeuvres sont selon sa fidélité, c'est-à-dire fidèles: "Le
Seigneur est fidèle dans toutes ses paroles, et saint dans toutes ses oeuvres."
On éprouve beaucoup de joie quand on rencontre un homme fidèle: "Mais un
homme fidèle, qui le trouvera ?" Ou bien, selon sa fidélité, dit-il, parce
que les oeuvres de Dieu sont des biens méritoires. Mais ces dernières ne le
sont que si elles sont pratiquées avec foi, car "sans la foi, il est
impossible de plaire à Dieu." Ou bien: droite est la parole, et ses oeuvres sont selon sa
fidélité. Mais chez qui apparaissent-elles selon sa fidélité ? Chez ses
fidèles; car chez les infidèles les oeuvres de Dieu et les paroles droites
n'apparaissent pas.
c. Enfin, parce
qu'il aime; et
à cet égard il fait deux choses.
- Car il montre d'abord la disposition de Dieu, lorsqu'il dit: Le
Seigneur aime.
- Puis il la manifeste par un signe: la terre est remplie de [sa] miséricorde.
- Parmi
toutes les choses qui causent de la joie au Seigneur, il y en a principalement
deux: la miséricorde et la justice: "La miséricorde et la vérité gardent
le roi." Par la justice les subordonnés sont défendus. Écarte la justice,
et nul ne sera en sécurité et dans la joie. De même, sans la miséricorde, tous
craignent et n'aiment pas. Le psalmiste fait comprendre cela à propos de Dieu
quand il dit: Le Seigneur aime la miséricorde et la justice. Car il les
aime en lui-même, parce que celles-ci sont en action: "Toutes les voies du
Seigneur sont miséricorde et vérité." De même, il les aime en chacun de
nous: "Je t'indiquerai, ô homme, ce qui est bon, et ce que le Seigneur
demande de toi: c'est de pratiquer la justice, d'aimer la miséricorde et d'être
vigilant à marcher avec ton Dieu." Et c'est pourquoi il dit: exultez, parce
qu'en vérité Dieu aime la miséricorde; car la terre est remplie de la miséricorde du
Seigneur.
- Voici qu'il manifeste cela par un signe. En
effet toute la plénitude de la terre procède de la miséricorde de Dieu, parce
que la terre n'est pas remplie de biens temporels, mais de biens spirituels, et
surtout après la venue du Christ: "Ils furent tous remplis de
l'Esprit-Saint et se mirent à parler des langues diverses, selon que l'Esprit
leur donnait de s'exprimer." Toutes ces choses sont dues à la miséricorde
de Dieu: "Cela ne dépend ni de celui qui veut, ni de celui qui court, mais
de Dieu qui fait miséricorde." Et il dit: la terre, etc., non
le ciel, car au ciel il n'y a aucune misère, et c'est pourquoi la miséricorde
n'est pas nécessaire; tandis que la terre, sur laquelle l'homme est saturé de
multiples misères, a besoin de la plénitude de la miséricorde.
6 Les
cieux ont été affermis par la parole du Seigneur, et toute leur puissance par
le souffle de sa bouche.
2. Puis quand il
dit: par la
parole, le psalmiste expose la cause de cette joie par le point de
vue des effets divins. Moïse, au début du récit de la création du monde, fait
mention de trois choses: du ciel, de l'eau, et de la terre: "Au
commencement Dieu créa le ciel et la terre", et un peu plus bas: "L'esprit
du Seigneur était porté sur les eaux."
a) Donc, suivant
cela, le psalmiste mentionne d'abord l'effet de Dieu dans les cieux.
b) Puis dans les
eaux: Il
rassemble.
c) Enfin sur la
terre: Que
toute la terre craigne le Seigneur.
a. Ainsi dit-il: Les cieux ont
été affermis par la parole du Seigneur. Selon la Glose,
ce verset est exposé au sens littéral et au sens mystique. Et ces paroles, qui
relèvent du point de vue divin, c'est-à-dire du Seigneur, parole (verbum) et
souffle (spiritus)
de sa bouche, sont interprétées dans les deux sens.
Le mot Seigneur
est un nom signifiant la puissance, et le pouvoir est approprié au
Père. Le verbe est la conception de l'esprit, c'est pourquoi il est aussi
appelé la sagesse engendrée. Et le verbe c'est le Fils, son esprit c'est
l'Esprit-Saint. Or on dit souffle (spiritus) de la bouche, parce que la bouche
est appropriée à la parole (verbo); aussi cela revient-il à exprimer la
même chose si l'on dit Esprit (Spiritus) du Verbe; car lui-même est l'Esprit
(Spiritus) du
Fils et de la Vérité. Et bien que les oeuvres de la Trinité soient indivises
dans les réalités divines: "Tout ce que [le Père] fait, cela le Fils le
fait pareillement", cependant ici il parle par appropriation. Au ciel il y
a deux choses admirables: sa perpétuité, car il est incorruptible; et sa
puissance grâce à laquelle tout le monde inférieur est changé, c'est-à-dire par
la chaleur en été, mais par le froid en hiver.
La perpétuité du ciel relève de la nature de sa forme; car les formes
des éléments sont particulières, et elles ne remplissent pas toute la puissance
de la matière: aussi leur matière demeure-t-elle en puissance par rapport à une
autre forme. Tandis que la forme du ciel a une certaine totalité, et remplit
toute la puissance de la matière. Mais la forme d'une chose créée procède de la
forme de l'artisan. Quant à la forme conçue dans le coeur du Père, c'est le
Verbe. Donc la formation de toute chose est attribuée au Verbe; aussi dit-il: Les cieux ont
été affermis par la parole du Seigneur.
Mais la puissance des cieux est dans le
mouvement. Or tout mouvement venant après dérive de ce qui est le plus en avant
comme de sa cause. Le premier mouvement dans les choses qui sont dues à la
volonté, est un mouvement d'amour: car tout mouvement dans les choses qui ont
de la volonté, est un mouvement de la volonté. Et c'est pourquoi Denys dit dans
son traité Des
noms divins, que l'amour divin ne tolère pas d'être sans fruit; il
meut lui-même pour opérer, etc. Il est donc nécessaire que la puissance des
cieux vienne du souffle; et c'est pourquoi il dit: et toute leur puissance [vient du] souffle
de sa bouche.
Au sens mystique, par cieux on entend les Apôtres: ceux-ci ont été
affermis par le verbe du Seigneur, c'est-à-dire du Christ, ou par le Fils du
Seigneur; et telles sont sa supplication et sa doctrine: "Moi, j'ai prié
pour toi, afin que ta foi ne défaille pas; et toi, quand tu seras converti,
affermis tes frères." De même leur puissance a été affermie par
l'Esprit-Saint: "Restez dans la ville, jusqu'à ce que vous soyez revêtus de
la puissance d'en haut."
7 Il
rassemble comme dans une outre les eaux de la mer: il renferme [comme] dans des
trésors les abîmes.
b. Ensuite
lorsqu'il dit:
Il rassemble comme dans une outre les eaux de la mer, il montre
l'effet de Dieu dans les eaux. Or dans les eaux il y a deux choses admirables à
considérer.
- La première, c'est que les eaux sont rassemblées en une partie de la
terre, et n'occupent pas toute la superficie, ce qui est admirable pour deux
raisons. D'abord, parce que l'ordre naturel est tel que l'eau entoure la terre,
comme l'air entoure l'eau. Semblablement la mer est plus haute que la terre.
- Puis, et c'est le deuxième sujet d'admiration, parce que même si
l'eau s'évapore continuellement à cause de la chaleur du soleil, elle se
conserve cependant dans la même quantité. Et c'est pourquoi il dit deux choses.
Qu'elles se rassemblent en un seul lieu sous le commandement de Dieu: "J'ai
mis le sable pour limite à la mer, précepte éternel qu'elle ne transgressera
pas; et ses flots s'agiteront et ils ne prévaudront pas; ils se soulèveront et
ils ne la dépasseront pas." - "Qui a enfermé la mer dans des digues,
quand elle s'élançait comme sortant d'un sein, lorsque je lui mettais un nuage
pour vêtement, et que je l'enveloppais d'obscurité comme des langes de
l'enfance ? Je l'ai environnée de mes limites, j'y ai mis un verrou et une
porte à deux battants; et j'ai dit: Tu viendras jusque-là, et tu n'iras pas
plus loin. Et ici tu briseras tes flots orgueilleux." Et c'est pourquoi il
dit: Il
rassemble comme dans une outre les eaux de la mer. L'eau rassemblée
dans une outre s'agite et se soulève, mais elle ne s'écoule pas, parce qu'elle
est retenue par la peau de l'outre; ainsi l'eau dans la mer s'enfle, et
cependant ne se répand pas, parce qu'elle est contenue par la puissance divine:
"Que les eaux qui sont sous le ciel se rassemblent en un seul lieu et que
la partie aride paraisse." L'autre chose admirable, c'est que l'eau
s'évapore continuellement, et ne diminue pas. C'est pourquoi, ainsi que le font
remarquer certains philosophes, sous l'effet de la chaleur du soleil toute
l'eau était asséchée suivant les lois de la nature. Aussi le psalmiste dit-il
en sens contraire: il renferme [comme] dans des trésors les abîmes. L'abîme,
selon Augustin, exprime la profondeur infranchissable des eaux: et il a une
double interprétation. Ce mot abyssus se compose de a qui signifie "sans",
et de bàsis qui
signifie "fondement"; autrement dit: sans fondement et sans éclat,
parce que profond et obscur. Il y a trois choses dans un trésor: Le mot trésor indique
une multitude d'or, et ce qui est déposé dans un trésor est conservé; donc
c'est comme si on disait theca (boîte) auri (contenant de l'or).
Semblablement, on dépose pour ensuite extraire le contenu à des fins utilitaires.
Tout cela est dans l'abîme: parce qu'en lui se trouve une immense abondance ou
une multitude d'eaux. Puis dans l'abîme l'eau est conservée et ne tombe pas;
enfin les eaux en sont extraites à des fins utilitaires, quand des vapeurs
s'élèvent de celles-ci, que des pluies sont produites et que la terre est
irriguée: "Les sources des eaux ont paru."
Au sens mystique on interprète cela de deux manières: en l'appliquant
aux bons et aux mauvais.
Aux bons, en ce sens que par les eaux de la mer nous entendons les
peuples: "Les eaux nombreuses que tu as vues, et où la prostituée est
assise, sont des peuples, des nations et des langues." Donc, comme s'il
s'agissait des eaux de la mer, il rassemble dans l'Église comme dans une outre
les peuples de ce monde. Et l'Église est comparée à une outre a cause de son
unité; et parce que l'outre est faite de peau d'animal mort, il est suggéré par
cela que certains viendront à l'Église afin de mortifier ses membres, qui sont
sur la terre; car ils sont comme les cieux. Les Apôtres sont affermis, et par
ces derniers les peuples sont rassemblés dans l'Église. il renferme les abîmes, c'est-à-dire
la profondeur des sentiments divins, dans des trésors, c'est-à-dire ceux de
l'Écriture sainte: "La sagesse et la science seront des richesses de salut;
la crainte du Seigneur est son trésor." Ou bien, les abîmes d'abord, à
savoir les pécheurs fermés et obscurcis par les ténèbres des vices, renfermant des trésors d'or
de l'Église. Un grand trésor de l'Église c'est Paul, et Matthieu, et Madeleine,
qui avaient été jadis comme une sorte d'abîme.
Mais chez les méchants, par l'eau de la mer on entend la tribulation de
cette vie: "Les eaux sont entrées dans mon âme." Et Dieu affermit les
cieux, mais il ne leur ôte pas les faiblesses; car la grâce protège
intérieurement sans supprimer les faiblesses extérieurement. Et c'est pourquoi
il dit qu'il rassemble leurs tribulations, à savoir des cieux, c'est-à-dire des
hommes célestes, dans
une outre, c'est-à-dire dans leur corps, renfermant les abîmes, c'est-à-dire
les persécuteurs de l'Église, dans des trésors, parce qu'il ne leur donne
pas la liberté de sévir contre l'Église autant qu'ils le veulent.
8 Que
toute la terre craigne le Seigneur: qu'à sa présence aussi soient émus tous
ceux qui habitent l'univers.
c. Enfin, quand
il dit: Que
toute la terre craigne, il montre l'effet de Dieu sur la terre.
- Et il commence par donner un avertissement.
- Puis il montre l'effet de Dieu à l'égard de la terre: Car il a dit, et
les choses ont été faites.
- Touchant son avertissement il fait deux choses:
· Car il commence par l'exposer.
· Puis il le précise: qu'à sa présence aussi soient émus tous ceux qui habitent
l'univers.
· Ainsi dit-il: Que toute la terre craigne le Seigneur. Mais
pourquoi donne-t-il un avertissement, alors qu'il a parlé des autres effets
sans en user, et que c'est seulement à propos de la terre qu'il en donne un ?
La raison est que toute autre créature obéit à Dieu sur son ordre, excepté
l'homme terrestre; et c'est pourquoi il dit: Que toute la terre, c'est-à-dire
tout homme terrestre, craigne le Seigneur. - "Crains Dieu, et
observe ses commandements; car c'est là tout l'homme." Car la locution
métonymique est telle que le contenant est pris pour le contenu, ainsi
lorsqu'il dit terre,
il signifie les habitants de la terre.
· Puis il précise son avertissement, en disant: qu'à sa présence aussi soient émus tous
ceux qui habitent l'univers, à savoir par une bonne émotion au
service de Dieu: car lui seul attire: "Nul ne peut venir à moi si le Père
qui m'a envoyé ne l'attire."
9 Car
il a dit, et les choses ont été faites: il a commandé, et elles ont été créées.
- Ensuite
lorsqu'il dit:
Car, il montre le double effet de Dieu à l'égard de la terre.
· Et d'abord l'effet de la création.
· Puis de son gouvernement: Le Seigneur dissipe les conseils des nations.
· Dans la création, deux choses sont à prendre en considération: la
formation elle-même, et la création elle-même. Et il est question de l'une et
de l'autre ici.
Car il montre d'abord la formation elle-même lorsqu'il dit: il a dit, et les
choses ont été faites.
Puis la création elle-même, quand il ajoute: il a commandé, etc.
Ainsi dit-il: Car il a dit. Augustin, dans son commentaire
de la Genèse, écrit: Toute formation s'accomplit par le Verbe, parce que les
choses créées se comportent à l'égard de Dieu comme les oeuvres vis-à-vis de
leur artisan. C'est pourquoi, de même que toutes les formes d'une oeuvre sont
conçues dans l'esprit de l'artisan, ainsi toute forme des choses est conçue par
le Verbe divin. D'où il a dit, c'est-à-dire a conçu le Verbe de
toute éternité, et selon cela toutes choses ont été faites, autrement dit: il a
engendré le Verbe en qui il était, afin de faire toutes choses, et telle est la
formation.
Puis la création, car il a commandé, et elles ont été créées. Car
dire implique le verbe (verbum) formé. Commander implique une
création de matière informe: "Sa parole est pleine de puissance." Au
sens mystique: il
a dit, et les choses ont été faites, par la semence de la grâce: "Tu
enverras ton esprit, et ils seront créés."
· Mais en parlant de l'oeuvre du gouvernement il dit:
10 Le
Seigneur dissipe les conseils des nations: il réprouve aussi les pensées des
peuples, et il réprouve les conseils des princes.
Parce que le Seigneur qui demeure stable bouleverse toutes choses.
Et le psalmiste expose d'abord le bouleversement de toutes choses.
Puis la stabilité du Seigneur: Le conseil du Seigneur demeure éternellement.
À propos des habitants de la terre, il faut remarquer que certains sont
petits, d'autres sont grands; et les uns et les autres sont bouleversés.
En parlant des petits il dit: Le Seigneur dissipe les conseils des nations; il réprouve
les pensées des peuples. Il traite ici de deux choses, à savoir du
propos qui relève de la fin, et du conseil qui relève de ces choses qui
regardent la fin. Et cela est bouleversé parce que Dieu n'agit pas selon ce qui
est conseillé, mais selon ce qu'il établit: "Formez un conseil et il sera
dissipé." Et c'est ce que le psalmiste dit: Le Seigneur dissipe les conseils des
nations. Et il dissipe spécialement le conseil de ceux qui veulent
dissiper la loi du Christ. il réprouve aussi les pensées des peuples, ayant
la science des choses humaines: car le Seigneur réprouve le propos de ces
derniers.
En parlant des grands il dit: et il réprouve les conseils des princes, autrement
dit: non seulement il réprouve les conseils des peuples, mais aussi des princes;
car il n'est pas en leur pouvoir d'obtenir l'effet de ce qu'ils ont projeté,
car cela relève de l'ordonnance divine: "Il amène les conseillers à une
fin insensée."
11 Mais
le conseil du Seigneur demeure éternellement: les pensées de son coeur
subsistent dans toutes les générations.
Ensuite quand il dit: Mais le conseil, le psalmiste expose la
stabilité de Dieu, parce que son conseil est inébranlable, et que sa pensée
persévère.
Mais y a-t-il un conseil en Dieu ? Il semble que non, car il
impliquerait une hésitation.
Réponse: le conseil est interprété différemment en Dieu, et
différemment en nous. Car la science en nous implique un discours, tandis qu'en
Dieu elle implique une certitude. Ainsi à propos du conseil, lorsqu'il est en
nous, il exprime une recherche; mais lorsqu'on l'applique à Dieu, il implique
une ordonnance à l'égard de toutes les choses qui tendent vers la fin qui leur
est due: "Mon conseil sera inébranlable, et toute ma volonté s'exécutera."
- "Si le conseil est de Dieu, vous ne pourrez pas le détruire." les pensées de
son coeur, c'est-à-dire le propos de sa volonté, demeurent: car s'il
change de sentence, il ne change pas son conseil: "Car mes pensées ne sont
pas vos pensées, ni vos voies mes voies."
12 Bienheureuse
la nation dent le Seigneur est son Dieu ! [Bienheureux] le peuple qu'il a
choisi pour son héritage.
II. Plus haut le psalmiste a exhorté les justes à
la joie; ici il expose leur dignité; et à cet égard il fait deux choses.
A) Car il expose
d'abord leur dignité;
B) puis il
l'éprouve: Du
haut du ciel.
A. La dignité des
saints est souveraine, parce qu'eux seuls parviennent à la fin que tous les
hommes désirent naturellement. Si un ou peu d'hommes parvenaient au bonheur
unique auquel tous désirent parvenir, ce serait une grande dignité. Or tous
désirent tendre à la béatitude, à laquelle seuls les justes parviennent, parce
qu'ils l'obtiendront en plénitude dans le futur, mais à présent de manière
inchoative et en espérance. Donc la dignité des justes est grande. À propos de
leur béatitude commencée ici-bas et aboutissant à sa plénitude dans la vie
future, il traite de deux choses: de sa matière et de sa cause: le peuple.
Ainsi dit-il: Bienheureuse la nation. Au sujet de la
béatitude, divers sont ceux qui la comprirent de manière différente. Et selon
les diverses opinions émises à son endroit, il y a une diversité de doctrines
philosophiques. Car certains établirent la béatitude dans les biens matériels,
tel Épicure. Certains dans les oeuvres de la vie active, comme les stoïciens.
D'autres dans la contemplation de la vérité, comme les péripatéticiens.
Chercher la béatitude dans ce qui est au-dessous de nous est chose vaine, car
la béatitude est au-dessus de nous. Et ce qui est au-dessus de nous, c'est
Dieu. Donc la béatitude de l'homme c'est d'adhérer à Dieu. Or chaque chose est
parfaite dans la mesure où elle adhère à son propre bien. Et le bien propre de
l'homme c'est Dieu: "Pour. moi, mon bien est de m'attacher à Dieu."
Or quelqu'un peut s'attacher à Dieu par l'esprit, c'est-à-dire par
l'intelligence et la volonté, non par les sens, parce qu'ici-bas ils sont aussi
communs aux animaux sans raison. Donc l'homme adhère à Dieu de deux manières:
en le contemplant et en le connaissant par l'intelligence, et en l'aimant par
l'affection. Et parce que ces actes sont imparfaits en cette vie, ils seront en
revanche parfaits dans la Patrie; c'est pourquoi ici-bas la béatitude est
imparfaite, tandis que là elle est parfaite. Et c'est pourquoi il dit: Bienheureuse la
nation. Et pourquoi ? Parce que le Seigneur est son Dieu, c'est-à-dire a un
esprit uni à Dieu. C'est pour cela que le psalmiste dit: Bienheureuse la nation dont le Seigneur est
son Dieu. - "Dieu ne rougit pas d'être appelé leur Dieu."
Mais quelle en est sa cause ? Est-ce la nature, le hasard, ou la
puissance propre ? Non. Mais c'est l'élection divine: "Ce n'est pas vous
qui m'avez choisi, mais c'est moi qui vous ai choisis." Et de même: "Nul
ne peut venir à moi, si le Père qui m'a envoyé ne l'attire." Et c'est
pourquoi il ajoute: le peuple qu'il a choisi. Autrement dit, ils
sont bienheureux, parce que choisis par Dieu: "Il nous a élus en lui avant
la fondation du monde." Et cela pour son héritage, c'est-à-dire afin que nous
soyons nous-mêmes son héritage. L'héritage implique une possession stable. Or
Dieu possède toutes choses par sa seigneurie. Mais seuls les justes lui sont
soumis par la volonté: d'où il les a choisis pour son héritage, c'est-à-dire
pour avoir une justice éternelle: "La justice est perpétuelle et
immortelle." - "Mon héritage est Israël." Donc le Seigneur est
leur Dieu, parce qu'ils jouissent de lui. Et eux-mêmes sont l'héritage de Dieu,
parce qu'ils lui sont assujettis.
13 Du
haut du ciel, le Seigneur a regardé: Il a vu tous les enfants des hommes.
B. Ensuite quand
il dit: Du
haut du ciel, il éprouve leur dignité par l'examen du jugement divin:
et à ce propos il fait trois choses.
1) Il parle
d'abord de la certitude du jugement divin.
2) Puis de la
vanité de la prospérité humaine: 16 Un roi ne se sauve point.
3) Enfin de
l'efficacité de la grâce dans les saints: 18 Voilà que les yeux du Seigneur.
1. En parlant de
la certitude du jugement divin il fait deux choses.
Puisque la certitude du jugement divin se manifeste par son élévation
et par sa causalité, le psalmiste montre cette certitude:
a) D'abord par la
première raison,
b) puis par la
seconde: 15 C'est
lui qui a formé.
a. Il montre donc:
- D'abord cette certitude.
- Puis il écarte un doute: 14 De la demeure qu'il s'est préparée.
- Plus une puissance est élevée dans sa hiérarchie et dans son genre,
plus elle est efficace pour les oeuvres qui conviennent à cette puissance. Et
c'est pourquoi plus une puissance cognitive est subtile, plus elle est efficace
dans l'acte de la connaissance. Rien n'est à ce point sublime que
l'intelligence divine, aussi son efficacité dans l'acte de connaître est-elle
souveraine. Et voilà pourquoi le psalmiste dit: Du haut du ciel, c'est-à-dire de
la hauteur de la majesté divine. Car de même qu'il n'y a rien de plus élevé
parmi les réalités matérielles que le ciel, ainsi il n'y a rien de plus élevé
dans les réalités spirituelles que Dieu. Et donc parce qu'il regarde depuis la
hauteur, il voit tous
les enfants des hommes; car plus il voit de haut, plus nombreux sont
ceux qu'il voit: "Toutes les voies de l'homme sont ouvertes à ses yeux."
14 De
la demeure qu'il s'est préparée, il a porté ses regards sur tous ceux qui
habitent la terre.
- Ensuite quand il dit: De la demeure qu'il s'est préparée, il écarte
un doute. Car certains ont cru que Dieu habite dans les cieux, comme si depuis
des régions éloignées il n'avait pas la connaissance des choses humaines: "Il
parcourt les pôles du ciel, et il ne s'occupe pas de ce qui nous regarde."
Le psalmiste exclut cela en disant: De la demeure qu'il s'est préparée, autrement
dit: nul ne la prépare. Car il serait sot le roi qui se préparerait un trône
d'où il ne pourrait pas diriger son royaume; et c'est ce que dit le psalmiste: De la demeure
qu'il s'est préparée, c'est-à-dire du ciel qu'il se prépara afin
qu'il soit sa demeure: non en vérité parce qu'il s'empare de lui, mais parce
que sa gloire brille sur lui. il a porté ses regards, dit-il, sur tous ceux
qui habitent la terre, c'est-à-dire sur la chair, en la dominant: "Qui
est comme le Seigneur notre Dieu, qui habite dans les lieux les plus élevés, et
regarde les choses basses dans le ciel et sur la terre." - "Le
Seigneur dans le ciel a préparé son trône; et son empire dominera sur toutes
choses." Ou bien: Du haut du ciel, c'est-à-dire le Christ a
regardé par ses Anges ou par ses Apôtres avec l'oeil de sa miséricorde pour
sauver les hommes.
15 C'est
lui qui a formé un à un leurs coeurs, qui connaît toutes leurs oeuvres.
b. Puis quand il
dit: C'est
lui qui a formé, il prouve la certitude de la connaissance divine
par sa causalité: et à ce propos il fait deux choses.
- Car il expose d'abord sa causalité.
- Puis il conclut sur la certitude de sa connaissance: qui connaît.
- Il serait insensé de dire de quelqu'un accomplissant une oeuvre
efficace qu'il en ignore l'usage; car il agirait en vain, puisque l'usage est
sa fin. Et c'est pourquoi le psalmiste dit ailleurs: "Celui qui a formé l'oeil
ne voit-il pas ?" Comment donc peut-il se faire qu'il accomplisse quelque
chose de proportionné à la connaissance des particuliers sans les connaître
lui-même ? Or l'homme connaît les choses individuelles par son intellect, par
son âme et par son coeur. Donc Dieu qui crée ce coeur les connaît. Et remarquez
que les mots ont leur poids. Car il a dit: coeurs, afin d'exclure l'unité de
l'intelligence en tous: car les divers habitants de la terre ont des
intelligences diverses. Et il dit: un à un, afin de montrer que l'âme n'est pas
double; autrement il n'aurait pas dit avoir formé un à un, mais bien une âme à
partir de laquelle il les aurait formées toutes, et ainsi semblablement une à
une. Donc lui-même a formé chaque âme par lui, c'est-à-dire par la création,
puisque l'âme est une substance subsistante par elle-même, non par la matière.
Semblablement il a dit: a formé, afin de montrer que cela ne se fait
pas à partir de la substance de Dieu, autrement on ne dirait pas formée, mais
consubstantielle. Et il dit expressément a formé, parce que façonner, c'est le propre
des potiers qui impriment une belle forme à une matière vulgaire; de la même
manière Dieu infuse l'âme en créant un corps fait d'argile: "Nous avons ce
trésor en des vases d'argile." "Est-ce qu'un ouvrage dit à celui qui
l'a façonné: "Pourquoi m'as-tu fait ainsi ?""
- Et de cela il conclut qu'il connaît toutes leurs oeuvres: car celui qui
connaît la cause, connaît l'effet. Et la cause de tous les effets humains c'est
le coeur. Or Dieu connaît le coeur; donc aussi ses oeuvres. Il a formé s'entend
de la production de la grâce, et cela un à un, parce qu'"il y a des grâces
diverses". Et cela parce que lui-même connaît leurs oeuvres en aidant, et en
promouvant.
16 Un
roi ne se sauve point par sa grande puissance, et un géant ne se sauvera point
par la grandeur de sa puissance. 17 Le cheval est [un espoir] trompeur de
salut: malgré l'abondance de sa puissance il ne sera point sauve.
2. Plus haut le
psalmiste a montré la dignité des saints par la certitude du jugement divin,
certitude à partir de laquelle il a eu l'intention de prouver la dignité des
saints; maintenant, dans cette partie, il montre la vanité de la prospérité
humaine: et à ce propos il fait deux choses.
a) Car il montre
d'abord qu'aucun pouvoir temporel ne peut acheminer les hommes vers le salut
des justes.
b) Puis il montre
que la miséricorde de Dieu accomplit cela: Voilà que les yeux du Seigneur.
a. Ainsi dit-il: Un roi ne se
sauve point. Mais parce que le pouvoir séculier est triple: un
premier consistant dans la multitude des sujets, un autre dans la force
corporelle, et un autre enfin dans les richesses extérieures; c'est pourquoi il
montre qu'aucun de ces derniers ne peut mener au salut.
Et il fait d'abord allusion au premier pouvoir, et il s'agit du pouvoir
royal; et c'est pourquoi il dit: Un roi ne se sauve point par [sa grande] puissance. Une
version de Jérôme lit: in multitudine (par la multitude). - "Ne
vous confiez pas dans les princes, ni dans les fils des hommes, dans lesquels il
n'y a pas de salut." Bien plus s'ils obtiennent quelquefois le salut,
c'est grâce à Dieu: "Ô toi, qui donnes le salut aux rois."
Puis il montre que le salut n'est pas dans la force corporelle; aussi
dit-il: et un
géant ne se sauvera point par la grandeur de sa puissance, c'est-à-dire
de sa force: "Là ont vécu ces géants de renom qui vécurent dès le
commencement, ces géants d'une haute stature et sachant la guerre."
Enfin, il montre que le salut n'est pas dans les richesses. Et il
expose deux soutiens: le cheval et l'abondance des biens extérieurs.
En parlant du premier soutien il dit: Le cheval est [un espoir] trompeur, c'est-à-dire
si grande que soit la possession d'un bon cheval, cependant l'homme ne peut
être sauvé corporellement ou spirituellement: "Le cheval est préparé pour
le jour du combat, mais c'est le Seigneur qui donne le salut."
En parlant du second soutien il dit: il ne sera point sauvé malgré l'abondance
de sa puissance, c'est-à-dire l'abondance des biens extérieurs: "Celui
qui se confie dans ses richesses tombera précipitamment." - "Malheur
à ceux qui descendent en Égypte pour [y chercher] du secours, qui espèrent dans
des chevaux."
Au sens mystique, moral et allégorique, on explique cela de la manière
suivante: l'homme ne se sauve pas par sa propre puissance, quel que soit le
bien qu'il possède. Or il y a un triple bien par lequel il semble que l'on
puisse obtenir le salut.
Le premier est la puissance; et en parlant de cela il dit: Un roi ne se
sauve point par sa grande puissance. Mais s'il est puissant pour
régir les autres, il ne tient pas cela de sa propre puissance, mais de Dieu.
Le deuxième bien est la constance; et il ne tient pas celle-ci de sa
propre puissance; aussi dit-il: et un géant ne se sauvera point par la grandeur de
sa puissance.
Le troisième bien est la bonne disposition du corps et la vigueur;
aussi dit-il: Le
cheval est [un espoir] trompeur, c'est-à-dire le corps fort et
robuste est trompeur. Ou bien universellement parlant: malgré l'abondance de sa puissance il ne
sera point sauvé, c'est-à-dire quelle que soit l'origine de son
aptitude au bien, il n'est pas sauvé sans que Dieu ne lui accorde le salut: "Pour
moi j'ai dit dans mon abondance, je ne serai jamais ébranlé." Et c'est ce
qui est écrit dans Jérémie: "Que le sage ne se glorifie point dans sa
sagesse; que le fort ne se glorifie point dans sa force, et que le riche ne se
glorifie point dans ses richesses."
18 Voilà
que les yeux du Seigneur sont sur ceux qui le craignent, et sur ceux qui
espèrent en sa miséricorde, 19 afin de délivrer les âmes de la mort, et de les nourrir
dans la famine.
3. Ensuite
lorsqu'il dit: Voilà
que les yeux, il montre l'efficacité de la miséricorde divine pour
sauver.
a) Et il expose
d'abord la miséricorde qui sauve.
b) Puis le
sentiment que les saints conçoivent en considérant celle-ci: Notre âme.
a. En parlant de
la miséricorde qui sauve il fait trois choses.
- Car il commence par montrer la miséricorde divine.
- Puis il montre sur qui la miséricorde divine produit son effet: sur ceux qui le
craignent.
- Enfin quel effet elle produit: afin de délivrer.
- Ainsi dit-il: Voilà que les yeux du Seigneur. Car il suggère
la miséricorde divine par le regard de Dieu: "Jette un regard sur moi, et
aie pitié de moi."
- Sur qui il jette son regard, il le dit quand il ajoute: sur ceux qui le
craignent, et sur ceux qui espèrent en sa miséricorde.
- "Tes yeux sont purs, afin de ne pas voir le mal; et tu ne
pourras pas regarder l'iniquité." Jette donc un regard sur ceux qui ont de
la crainte et de l'espérance. L'une sans l'autre ne suffit pas; car la crainte
sans l'espérance désespère, et l'espérance sans la crainte présume. Mais la
crainte naît de la considération de la puissance divine: "Qui ne te
craindra pas, ô roi des nations ?" Tandis que l'espérance naît de la
considération de la miséricorde divine. De la première naît la fuite du péché,
de la seconde l'espérance du pardon.
- Et il montre l'effet de la miséricorde divine lorsqu'il dit: afin de délivrer
leurs âmes de la mort et de les nourrir dans la famine. Il y montre
un double effet: car il libère du mal; et à ce propos il dit: afin de délivrer
de la mort. Semblablement il affermit dans le bien; et à cet égard
il dit: Et
les [nourrit].
· Il dit donc: afin de délivrer leurs âmes de la mort, de la
mort corporelle, de la mort du péché, et de la mort de la damnation future à la
résurrection: "Je les délivrerai de la mort, je les rachèterai de la mort;
je serai ta mort, ô mort; je serai ta morsure, ô enfer: la consolation s'est
cachée à mes yeux."
· Il affermit aussi dans le bien; aussi dit-il: et de les nourrir dans la famine, c'est-à-dire
dans la nécessité; et il parle de l'aliment corporel: "Les yeux de tous
espèrent en toi, Seigneur, et tu donnes leur nourriture en temps opportun."
Et de l'aliment spirituel: "L'homme ne vit pas seulement de pain, mais de
toute parole qui sort de la bouche de Dieu." Et de l'aliment sacramentel: "Ma
chair est vraiment une nourriture." - "C'est dans un lieu de pâture
qu'il m'a placé."
20 Notre
âme attend avec constance le Seigneur, parce qu'il est notre aide et notre
protecteur; 21 parce que c'est en lui que se réjouira notre coeur, et
que c'est en son saint nom que nous avons espéré.
b. Puis quand il
dit: Notre
âme, il montre quel effet cette considération engendre en ceux-ci.
Et cet effet est double.
- Le premier effet est d'espérer.
- Le second effet est de prier: Que ta miséricorde, Seigneur, soit sur nous, selon que
nous avons espéré en toi.
- Concernant le premier effet il fait deux choses.
· Il montre d'abord comment naît en eux l'effet de l'espérance.
· Puis il en donne la raison: parce qu'il est notre aide.
· Ainsi disait-il donc: Voilà que les yeux du Seigneur sont sur
ceux qui le craignent, etc. Et c'est pourquoi Notre âme attend avec constance le
Seigneur, c'est-à-dire si quelques maux nous sont envoyés par Dieu,
nous les supportons avec patience: "Vous avez appris la patience de Job."
Semblablement, nous sommes dans l'attente de ses promesses. Il attend donc
celui qui punit et celui qui promet.
· Et il y a une double raison à cela. L'une est due à l'expérience des
bienfaits passés; mais l'autre est due à l'espérance des bienfaits futurs: en lui se
réjouira. L'expérience des bienfaits est dans l'élévation aux biens;
aussi dit-il: parce
qu'il est notre aide. De même, dans la protection contre les maux;
et c'est pourquoi il dit: et notre protecteur. Mais nous espérons la
joie future; aussi dit-il: c'est en lui que se réjouira notre coeur, c'est-à-dire
dans sa vision: "Vous verrez et votre coeur se réjouira." - "Alors
tu abonderas en délices dans le Tout-Puissant, et tu élèveras ta face vers
Dieu." Et cette joie est ici-bas imparfaite, mais là, c'est-à-dire dans la
Patrie, elle est parfaite. Et cela, parce qu'en son saint nom nous avons espéré. Car
il est mis ici "et" pour "parce que". Son saint nom est le
nom de sa miséricorde, ce qui revient à dire: nous nous réjouirons, parce qu'en
son saint nom
nous avons espéré, c'est-à-dire dans sa bonté, ou dans sa
miséricorde, et non dans nos mérites.
22 Que
ta miséricorde, Seigneur, soit sur nous, selon que nous avons espéré en toi.
- Ensuite quand il dit: Que ta miséricorde soit, il expose le second
effet qui est de prier; car la prière est l'interprète de l'espérance, et c'est
pourquoi elle suit l'espérance. Et quoique tout bienfait particulier soit dû à
la miséricorde divine, deux sont cependant spécialement dus à celle-ci. Le
premier est le bienfait de l'Incarnation: "Par les entrailles de la
miséricorde de notre Dieu, avec lesquelles est venu nous visiter le soleil se
levant d'en haut, pour éclairer ceux qui sont assis dans les ténèbres et
l'ombre de la mort, pour diriger nos pas sur le chemin de la paix." Que ta
miséricorde soit, c'est-à-dire afin d'assumer la chair et de nous
libérer, sur
nous, c'est-à-dire au-dessus de nos mérites. L'autre bienfait est
celui du salut; et ce bienfait est sur nous, car "ce n'est point par les
oeuvres de justice que nous avons faites qu'il nous a sauvés, mais selon sa
miséricorde." selon que nous avons espéré en toi, car "nul
n'a espéré dans le Seigneur et n'a été confondu."
1 Psaume de David,
lorsqu'il changea son visage devant Abimelech, qui le renvoya, et qu'il s'en
alla.
2 Je bénirai le
Seigneur en tout temps: Toujours sa louange sera dans ma bouche.
3a Mon âme se glorifiera
dans le Seigneur.
3b Que les
[hommes] doux entendent, et se réjouissent.
4 Magnifiez le
Seigneur avec moi, et exaltons tous ensemble son nom.
5 J'ai recherché
le Seigneur, et il m'a exaucé, et il m'a retiré de toutes mes tribulations.
6 Approchez-vous
de lui, et soyez éclairés, et vos visages ne seront pas confondus.
7 Ce pauvre a
crié, et le Seigneur l'a exaucé; et de toutes les tribulations il l'a sauvé.
8 L'Ange du
Seigneur ira en mission autour de ceux qui le craignent, et il les délivrera.
8 Goûtez et voyez
combien le Seigneur est doux: Bienheureux l'homme qui espère en lui.
10 Craignez le
Seigneur, vous tous ses saints, parce qu'il n'y a pas d'indigence pour ceux qui
le craignent.
11 Les riches ont
connu l'indigence et ont eu faim; mais ceux qui cherchent le Seigneur
n'éprouveront l'amoindrissement d'aucun bien.
12 Venez, fils,
écoutez-moi; je vous enseignerai la crainte du Seigneur.
13 Quel est
l'homme qui veut la vie, qui aime à voir des jours de bonheur ? 14 Préserve ta
langue du mal; et que tes lèvres ne profèrent point de discours trompeurs. 15
Détourne-toi du mal et fais le bien; cherche la paix et poursuis-la.
16 Les yeux du
Seigneur sont sur les justes, et ses oreilles à leurs prières.
17 Mais le visage
du Seigneur est sur ceux qui font le mal, afin d'effacer de la terre leur
mémoire.
18 Les justes ont
crié, et le Seigneur les a exaucés: et il les a délivrés de toutes leurs
tribulations.
19 Le Seigneur est
près de ceux qui ont le coeur affligé; et il sauvera les humbles d'esprit.
20a Nombreuses
sont les tribulations des justes;
20b mais le
Seigneur les délivrera de toutes ces [peines].
21 Le Seigneur
gardera tous leurs os: et pas un seul de ces [os] ne sera brisé.
22 La mort des
pécheurs est très funeste; et ceux qui haïssent le juste seront traités comme
coupables.
23 Le Seigneur
rachètera l'âme de ses serviteurs: et tous ceux qui espèrent en lui ne seront
pas traités comme coupables.
1 Psaume
de David, lorsqu'il changea son visage devant Abimelech, qui le renvoya, et
qu'il s'en alla.
2 Je
bénirai le Seigneur en tout temps: Toujours sa louange sera dans ma bouche.
Le titre de ce psaume est: Psaume de David, lorsqu'il changea son visage devant
Abimelech, qui le renvoya, et qu'il s'en alla. Cette histoire est
rapportée au premier livre des Rois 1, où il est dit que David fuyant loin de
la face de Saül vint chez Achis, roi de Geth; et là il fut reconnu ainsi que sa
forcé, parce qu'il avait tué le Philistin; aussi craignant qu'il en résulte
pour lui un danger imminent, et aussi parce qu'ils enviaient sa force, il
voulut éviter cela, fit semblant d'être fou, et ainsi ce roi le méprisa. Tout
ce récit se trouve dans le premier livre des Rois, à l'exception du fait que le
nom n'est pas en accord, car la le roi est appelé Achis, tandis qu'ici il se nomme
Abimelech. Il n'y a pas de désaccord, car ou bien il eut deux noms, ou bien son
nom fut Achis mais il fut de la descendance d'Abimelech. C'est pourquoi il changea son
visage en montrant qu'il était fou, et le quitta et s'en alla, parce
que David, rejeté, le quitta et s'éloigna.
Au sens mystique, le Christ changea son visage, lorsqu'il changea son
sacrement, dans lequel la vérité divine fut cachée. Ou bien, le Christ changea
l'ancienne alliance en une nouvelle devant Abimelech, qui veut dire "royaume
de mon Père". Dieu est le Père du Christ selon la divinité, mais David
l'est selon l'humanité. Le royaume de David est le peuple juif, le royaume de
Dieu est l'Église. Or le Christ changea son visage devant Abimelech,
c'est-à-dire devant les Juifs, parce qu'ils étaient le royaume de son père
David, eux qui ne le reconnurent pas: "Il n'a ni éclat ni beauté; et nous
l'avons vu", et ils le méprisèrent: "Aussi nous l'avons compté pour
rien." Et il s'en alla vers les nations païennes. Ou bien Achis, qui veut
dire "incrédule", signifie les Juifs. Dans le psaume précédent le
psalmiste a exposé la dignité des justes; mais ici il invite les autres à la
louange de Dieu.
Et ce psaume se divise en deux parties.
I) Car le psalmiste expose d'abord une
exhortation à la louange.
II) Puis il donne une instruction nécessaire: 12 Venez, fils,
écoutez-moi; je vous enseignerai la crainte du Seigneur.
I. Concernant l'exhortation à la louange il fait
deux choses.
A) Car il
commence par traiter de la louange de Dieu.
B) Puis il expose
la matière de cette louange: J'ai recherché le Seigneur.
A. En traitant de
la louange de Dieu il fait deux choses.
1) Car il parle
d'abord de l'exemple de la louange.
2) Puis il
exhorte les autres à limiter: Que [les hommes] doux entendent.
1. En parlant de
l'exemple de la louange il fait deux choses.
a) Car il
commence par donner l'exemple de la louange en soi.
b) Puis il montre
le fruit de la louange de Dieu: 3a Mon âme se glorifiera dans le Seigneur.
a. Ainsi dit-il: Je bénirai le
Seigneur. Quelqu'un loue parfois Dieu pour soi-même, comme lorsqu'il
parle en langue, il parle pour lui seul. Parfois il loue Dieu pour la
consolation des autres, comme lorsqu'il prophétise aussi pour les autres. Donc
bénir le Seigneur (benedicere Domino), comme on l'a dit, c'est célébrer la
louange de Dieu; mais bénir le Seigneur (benedicere Dominum), c'est faire du bien en tout temps, c'est-à-dire
dans le temps de l'adversité et de la prospérité.
Cependant il est écrit au psaume 48: "Il te louera lorsque tu lui
auras fait du bien." Mais Job n'agissait pas ainsi: "Si nous avons
reçu les biens de la main du Seigneur, pourquoi n'en recevrions-nous pas les
maux ?" - "Bénis
Dieu en tout temps." Semblablement il faut que quelqu'un
bénisse Dieu non seulement en soi, c'est-à-dire dans son coeur, mais aussi
qu'il ait sa louange sur la bouche. Car la nécessité de la louange est vocale,
de telle sorte que non seulement tu loues Dieu, mais que tu le loues aussi pour
le bien et l'encouragement des autres. C'est pourquoi il dit: sa louange sera
dans ma bouche. - "On y trouvera la joie et l'allégresse,
l'action de grâce et la voix de la louange." Mais il dit: Toujours, c'est-à-dire
en tout temps établi. Ou bien dans le temps de la préparation de l'âme. Ou bien:
Toujours, en
faisant le bien, avec lequel Dieu est toujours loué. Remarquez que ce verset
est chanté à sexte, lorsque le Christ a souffert, et dont la Passion est pour
nous cause de louange.
3a Mon
âme se glorifiera dans le Seigneur.
b. Ensuite
lorsqu'il dit: dans
le Seigneur, il expose le fruit de la louange. Ainsi dit-il: Mon âme se
glorifiera dans le Seigneur. Car quelqu'un regarde toujours le bien
de son ami comme son propre bien. C'est pourquoi il dit: dans la louange de
Dieu se trouve aussi ma louange. Si Dieu est grand, il est clair que son ami
est grand: "Ma force et ma louange c'est le Seigneur." Et il dit: âme, parce
que la joie spirituelle s'applique principalement à l'âme elle-même.
3b Que les
[hommes] doux entendent, et se réjouissent.
2. Ensuite
lorsqu'il dit: entendent,
a) il amène
d'abord les autres à la cause de la louange.
b) Puis à la
louange elle-même: Magnifiez.
a. Le principe de
la louange est la joie intérieure; aussi dit-il: Que les [hommes] doux. Et c'est
pourquoi ils se réjouissent dans toutes les choses qui sont de Dieu, car les
hommes qui ne sont pas doux ne se réjouissent pas, mais se rebellent. Et il dit:
entendent, car
cette joie provient de l'acte d'entendre les autres agir bien.
4 Magnifiez
le Seigneur avec moi, et exaltons tous ensemble son nom.
b. Ensuite lorsqu'il
dit:
Magnifiez, il exhorte à la louange.
- Et d'abord à la louange intérieure.
- Puis à la louange extérieure: Et exaltons.
- Concernant la louange intérieure il dit: Magnifiez le Seigneur avec moi. Magnifier
et louer Dieu sont une même chose, car la bonté de Dieu et sa grandeur sont une
même chose: car dans le domaine des choses qui n'ont pas grand poids, dire
d'une chose qu'elle est plus grande ou meilleure revient au même, comme le dit
Augustin dans son Traité de la Trinité. Et c'est pourquoi il dit: Magnifiez. - "Mon
âme magnifie le Seigneur." Et cela répond à ce qu'il dit: Je bénirai le
Seigneur.
- Concernant la louange extérieure il dit: exaltons son nom. Ce qui en soi
est haut est dit être exalté, et est en même temps répandu sur beaucoup: "Glorifiez
le Seigneur autant que vous pourrez; car sa gloire l'emportera encore, et
admirable est sa magnificence." tous ensemble, c'est-à-dire avec concorde. Et
cela répond à ce qu'il dit: sa louange dans ma bouche.
5 J'ai
recherché le Seigneur, et il m'a exaucé, et il m'a retiré de toutes mes
tribulations.
B. Ensuite
lorsqu'il dit:
J'ai recherché, il expose la matière de la louange, qui est la
clémence divine dans l'exaucement. À cet égard il fait deux choses.
1) Car il expose
d'abord la clémence de son exaucement.
2) Puis le mérite
de l'exaucement: Ce
pauvre a crie.
1. En exposant la
clémence de son exaucement il fait deux choses.
a) Car il
mentionne d'abord le bienfait qui lui a été concédé.
b) Puis il invite
les autres à obtenir ce bien: Approchez-vous de lui, et soyez éclairés, et vos visages
ne seront pas confondus.
a. En mentionnant
le bienfait qui lui a été concédé il fait trois choses.
- Car il expose d'abord la demande.
- Puis l'exaucement: et il m'a exaucé.
- Enfin l'effet de l'exaucement: et de toutes mes tribulations il m'a retiré.
- Ainsi dit-il: J'ai recherché le Seigneur. Le choix le
meilleur est de chercher Dieu lui-même; c'est pourquoi dans l'oraison
dominicale on demande d'abord: "Que ton nom soit sanctifié." - "Cherchez
le Seigneur, tandis qu'on peut le trouver." Il dit donc: J'ai recherché, autrement
dit: je l'ai cherché avec un grand soin aimant.
- Et c'est pourquoi le psalmiste mentionne ensuite l'exaucement: et il m'a
exaucé.
- Mais l'effet de l'exaucement est qu'il m'a retiré de toutes mes tribulations. Car
il a retiré les justes de leurs tribulations, parfois afin qu'ils ne subissent
pas les tribulations: "Dans six tribulations il te délivrera, et à la
septième, le mal ne te touchera pas." Parfois, afin qu'ils ne soient pas
trop importunés: "Selon la multitude de mes douleurs qui étaient dans mon
coeur, tes consolations ont réjoui mon âme." - "Lui qui nous console
dans toutes nos tribulations": et les hommes saints ont toujours cette
consolation. De même il retira extérieurement, parce que jamais les méchants ne
peuvent séparer les saints du Christ: "Qui nous séparera de l'amour du
Christ ?"
6 Approchez-vous
de lui, et soyez éclairés, et vos visages ne seront pas confondus.
b. Ensuite
lorsqu'il dit:
Approchez-vous de lui, et soyez éclairés, et vos visages ne seront pas
confondus, il invite les autres à obtenir ce bienfait; et à ce
propos il fait deux choses.
- Car il expose d'abord une invitation.
- Ensuite l'effet de cette invitation: et vos visages ne seront pas confondus.
- Ainsi dit-il: Approchez-vous de lui, par la foi et la
charité: "Approchez-vous de Dieu, et il s'approchera de vous." Et
c'est pourquoi il ajoute: et soyez éclairés. Dieu est lumière; et celui
qui s'approche de la lumière est éclairé: "Lève-toi", avec un vif
désir, "et sois éclairé." - "Ceux qui s'approchent de ses pieds
recevront de sa doctrine."
- Mais l'effet de cette action d'amener, c'est que vos visages ne seront pas confondus, dans
un rejet, c'est-à-dire que vous ne souffrirez pas de celui-ci, parce qu'"il
n'est point de confusion pour ceux qui se confient en toi." Ou bien: vos visages, c'est-à-dire
vos pensées ne seront pas confondues par un manquement à la vérité.
7 Ce
pauvre a crié, et le Seigneur l'a exaucé; et de toutes les tribulations il
l'a sauvé.
2. Ensuite
lorsqu'il dit: Ce
pauvre a crié, il expose le mérite de l'exaucement; et à ce propos
il fait trois choses.
a) Il commence
par exposer le mérite lui-même.
b) Puis il promet
un bienfait semblable aux autres: L'Ange du Seigneur ira en mission.
c) Enfin il exhorte
les autres à l'éprouver: Goûtez.
a. Ainsi dit-il: Ce pauvre. Ce
verset ne diffère en rien de l'autre: 5 J'ai recherché; si ce n'est que là il parle de
lui, tandis qu'ici il parle du pauvre. Et c'est pourquoi on se pose uniquement
la question de savoir qui est ce pauvre. Et on dit que ce pronom ce (iste), désigne
soit lui-même, soit le Christ. Et par le fait qu'il dit: pauvre, il fait connaître le
mérite de l'exaucement, car il est pauvre en esprit, ou pauvre en orgueil, ou
pauvre dans son désir de posséder des biens terrestres. Et ceux-ci sont exaucés:
"La prière des hommes humbles et doux t'a toujours plu." - "Il a
regardé avec attention vers la prière des humbles, et il n'a pas méprisé leur
demande." a crié,
avec l'intensité de son vif désir intérieur: Les Séraphins "se
criaient l'un à l'autre, et ils disaient: "Saint, saint, saint est le
Seigneur des armées, toute la terre est pleine de sa gloire.""
8 L'Ange
du Seigneur ira en mission autour de ceux qui le craignent, et il les
délivrera.
b. Ensuite lorsqu'il
dit: L'Ange
ira en mission, il promet un bienfait semblable, autrement dit: les
autres sont exaucés de la même manière que ce pauvre. De nombreux manuscrits lisent: "Immitit
Angelus Domini (L'Ange du Seigneur est allé en mission)." La
version iuxta
Hebraeos de Jérôme lit: "Circumdat angelus Domini in gyro timentes eum (L'ange
du Seigneur environne ceux qui le craignent)." Il dit donc: L'Ange du
Seigneur ira en mission, en protégeant de la splendeur de sa
lumière, in
circuitu (autour). - "Des montagnes sont autour d'elle",
c'est-à-dire les anges. - "Il y en a un plus grand nombre avec nous
qu'avec eux." Et plus bas: "Voilà la montagne pleine de chevaux et de
chariots de feu autour d'Élisée." ira en mission, c'est-à-dire exercera une
mission: "Ne sont-ils pas tous des esprits chargés d'un ministère, et
envoyés pour l'exercer en faveur de ceux qui accueilleront l'héritage du salut
?" et il
les délivrera, c'est-à-dire du combat des ennemis et des démons: "Les
enfants d'Israël n'ont confiance ni dans la lance ni dans la flèche; mais les
montagnes les défendent", c'est-à-dire l'Ange, ou le Christ, suivant
l'interprétation d'Isaïe dans la version des Septante: "Il sera appelé
l'Ange du grand conseil." Parce qu'il est envoyé par Dieu en tant
qu'homme. Ou bien, l'Ange signifie le dignitaire de l'Église: "Il est
l'ange du Seigneur des armées." Or les dignitaires de l'Église doivent
garder leur troupeau.
9 Goûtez
et voyez combien le Seigneur est doux: Bienheureux l'homme qui espère en lui.
c. Enfin
lorsqu'il dit:
Goûtez et voyez combien le Seigneur est doux, il exhorte à
l'éprouver: et à cet égard il fait deux choses.
- Car il commence par exhorter à la connaissance expérimentale de la
communion divine.
- Puis à l'observance de la crainte divine: Craignez.
- À propos de l'exhortation à la connaissance expérimentale de la
communion divine, il fait deux choses.
· Car il exhorte d'abord à la connaissance expérimentale.
· Puis il expose l'effet de cette communion expérimentale: et voyez combien
le Seigneur est doux.
· Ainsi dit-il: Goûtez et voyez combien le Seigneur est doux: Bienheureux
l'homme qui espère en lui. La connaissance expérimentale d'une
réalité s'acquiert par les sens; mais différemment s'il s'agit d'une réalité
présente, et différemment s'il s'agit d'une réalité absente: car s'il s'agit
d'une réalité absente, elle s'acquiert par la vue, l'odorat et l'ouïe; mais
s'il s'agit d'une réalité présente, elle s'acquiert par le toucher et le goût;
mais par le toucher au sujet d'une réalité extérieurement présente, par le goût
au contraire au sujet d'une réalité intérieurement présente. Or Dieu n'est pas
loin de nous, ni en dehors de nous, mais en nous: "Toi, tu es en nous,
Seigneur." Et c'est pourquoi la connaissance expérimentale de la bonté
divine est appelée gustation: "Si toutefois vous avez goûté comme le
Seigneur est doux." - "Elle a goûté et elle a vu que son commerce est
bon."
· Et il expose un double effet de cette connaissance expérimentale. Le
premier est la certitude de l'intelligence, l'autre est la sécurité de
l'affection.
Concernant le premier effet il dit: et voyez. Car ce qu'on voit dans les réalités
corporelles, est ensuite aussi goûté; mais ce qui est d'abord goûté dans les
réalités spirituelles est ensuite vu; car nul ne connaît s'il ne goûte; et c'est
pourquoi il dit d'abord: Goûtez, et ensuite: voyez.
Concernant le second effet il dit: combien le Seigneur est doux. - "Qu'il
est bon et doux, Seigneur, ton esprit en nous !" - "Quelle est
grande, Seigneur, l'abondance de ta douceur."
Et le psalmiste dit ensuite: Bienheureux l'homme qui espère en lui. - "Bienheureux
tous ceux qui l'attendent."
10 Craignez
le Seigneur, vous tous ses saints, parce qu'il n'y a pas d'indigence pour ceux qui
le craignent.
- Ensuite lorsqu'il dit: Craignez, il exhorte:
· D'abord à l'observance de la crainte divine.
· Puis il donne une cause à la crainte: parce qu'il n'y a pas d'indigence pour ceux
qui le craignent.
· Enfin il manifeste cette cause: Les riches ont connu l'indigence.
· Ainsi dit-il: Le Seigneur est bon et doux. Mais pour qui ? pour ceux qui le
craignent. Donc craignez le Seigneur, vous tous ses saints. Et
il dit:
saints, car nul ne peut être saint sans craindre. Et il dit cela,
parce que non seulement la crainte est plus nécessaire pour ceux qui montent
vers la sainteté, mais aussi pour ceux qui demeurent en elle: "Si dans la
crainte du Seigneur tu ne te tiens fortement, bientôt sera renversée ta maison."
Et aussi parce qu'il n'est rien qui détruise autant la sainteté que l'orgueil;
et la crainte est une garde à l'orgueil: "Celui qui craint Dieu ne néglige
rien." - "Il n'y a pas dans la crainte de Dieu de détriment."
· Et la cause pour laquelle il doit craindre, il l'ajoute: parce qu'il n'y
a pas d'indigence pour ceux qui le craignent. Ceci est interprété de
multiples manières. On l'applique d'abord à l'indigence des biens spirituels: "La
sagesse et la science [seront] des richesses de salut; et la crainte du
Seigneur est son trésor." Si donc la crainte du Seigneur est un trésor, il
n'y a pas d'indigence pour ceux qui le craignent. On l'applique semblablement à
l'indigence matérielle, car il arrive parfois que celui qui craint Dieu ait peu
de biens, mais il n'arrive pas qu'il soit indigent. Est indigent celui qui
s'estime être dans la disette: ceux qui craignent Dieu sont contents de ce
qu'ils ont: "Je sais être humilié, et je sais aussi vivre dans l'abondance
(je me suis habitué partout et à tout); être rassasié et avoir faim; être dans
l'abondance et dans l'indigence." Pareillement, Dieu subvient aux
nécessités de ceux qui le recherchent.
Mais Augustin, commentant le sermon du Seigneur sur la montagne,
objecte le fait que l'Apôtre dise: "Jusqu'à cette heure nous souffrons et
la faim et la soif, nous sommes nus." Comment n'y a-t-il pas d'indigence
pour ceux qui le craignent ?
Et il dit que Dieu est à la fois nourricier et médecin. Or le médecin
supprime la nourriture au malade et le laisse avoir faim et soif, parce que
c'est utile à la santé. Ainsi Dieu, selon qu'il est utile à notre salut, envoie
parfois la disette, accorde parfois les richesses, concède quelquefois une
longue vie, réduit quelquefois la vie à la brièveté.
11 Les
riches ont connu l'indigence et ont eu faim; mais ceux qui cherchent le
Seigneur n'éprouveront l'amoindrissement d'aucun bien.
Mais lorsqu'il dit ensuite: Les riches ont connu l'indigence, il
manifeste la raison de la vraie crainte par un fait opposé. Car le contraire de
la crainte du Seigneur est le sentiment de ceux qui livrent leurs âmes aux
richesses.
Il montre donc d'abord que ceux qui sont dans les richesses connaissent
la privation.
Puis, que ceux qui cherchent Dieu n'éprouvent pas la privation.
Ainsi dit-il: Les riches ont connu l'indigence, à savoir
spirituellement, c'est-à-dire que ceux qui sont riches dans les biens du monde,
ont connu l'indigence dans les richesses spirituelles: "Car tu dis: je
suis riche et opulent, et je n'ai besoin de rien; et tu ne sais pas que tu es
malheureux et misérable, pauvre, aveugle et nu."
et ont eu faim, c'est-à-dire des biens spirituels: parce que
le désir naturel de la vertu est inhérent à l'homme; car bien que le désir
pervers le porte aux péchés, il désire cependant naturellement les vertus. Ou
bien dans le futur, ils ont connu l'indigence, c'est-à-dire seront
dans le dénuement, et ont eu faim, c'est-à-dire auront faim: "Mes
serviteurs mangeront, et vous, vous aurez faim."
De même cela se comprend au sens littéral: car les riches sont souvent
amenés à l'indigence, puisque les réalités du monde sont caduques: "Il a
rempli de biens les affamés, et il a renvoyé les riches les mains vides."
- "Cherchez le Seigneur tandis qu'on peut le trouver, invoquez-le tandis
qu'il est proche."
n'éprouvèrent
l'amoindrissement d'aucun bien, c'est-à-dire
ne seront pas dépourvus du bien parfait: car ils auront les biens spirituels en
désir, et les biens temporels dans la nécessité: "Cherchez premièrement le
royaume de Dieu et sa justice; et toutes ces choses vous seront données par
surcroît." - "L'objet de leur désir sera accordé aux justes." Et
"le désir des justes est toute espèce de bien". Et c'est pourquoi ils
auront toute espèce de bien.
12 Venez,
fils, écoutez-moi; je vous enseignerai la crainte du Seigneur.
II. Après avoir exposé plus haut son exhortation
à la louange, il expose ici la nécessité d'un enseignement; et à ce propos il
fait deux choses.
A) Car il donne
d'abord un enseignement sur la crainte de Dieu.
B) Puis sur la
providence divine: 16 Les yeux du Seigneur, etc.
A. En donnant
d'abord un enseignement sur la crainte de Dieu il fait deux choses.
1) Il commence
par le faire précéder par une sorte d'introduction.
2) Ensuite il
communique son enseignement: Quel est l'homme ?
1. Dans son
introduction il fait trois choses.
a) Il rend
d'abord bien disposé celui qu'il instruit.
b) Puis il le
rend attentif: écoutez-moi.
c) Enfin il le
rend docile: je
vous enseignerai la crainte du Seigneur.
a. Concernant la
bonne disposition il dit donc: Venez, fils. Car il appartient aux parents
d'aimer leurs enfants; et c'est pourquoi il dit: fils, afin de les rendre bien
disposés par l'amour paternel. Semblablement il appartient aux parents
d'inviter leurs enfants à recevoir un enseignement, et à les instruire; aussi
dit-il: Venez.
- "Or Jacob appela ses fils et leur dit: "Assemblez-vous,
afin que je vous annonce ce qui doit vous arriver dans les jours
derniers."" - "De plus, nous avons pour éducateurs les pères de
notre chair, et nous les révérons."
b. Concernant
l'attention il dit: écoutez-moi. - "Le sage, en écoutant,
sera plus sage." - "Écoutez-moi, grands, et vous tous peuples; et
[vous] chefs de l'assemblée, prêtez l'oreille."
c. Enfin il le
rend docile; et cela lorsqu'il donne un enseignement à propos de ce qu'il dira:
je vous
enseignerai la crainte du Seigneur, c'est-à-dire quel fruit vous
aurez si vous craignez Dieu. Ou bien comment il vous faut craindre Dieu.
Et il commence par la crainte, et c'est bien; parce que dans
l'enseignement de la science il faut commencer par les rudiments: "La
crainte du Seigneur est le principe de la sagesse", à savoir de la sagesse
divine.
13 Quel
est l'homme qui veut la vie, qui aime à voir des jours de bonheur ? 14
Préserve ta
langue du mal; et que tes lèvres ne profèrent point de discours trompeurs. 15
Détourne-toi
du mal et fais le bien; cherche la paix et poursuis-la.
2. Ensuite il
adjoint son enseignement lorsqu'il dit: Quel est l'homme ? Et à ce propos il fait deux
choses.
a) Il enseigne
d'abord le fruit de la crainte.
b) Puis [il
donne] son enseignement: Préserve.
a. Ainsi dit-il: Quel est l'homme
qui veut la vie: car l'homme désire deux choses: une longue vie et
la prospérité; mais parce qu'une longue vie écoulée dans le mal doit être
évitée, c'est pourquoi il dit: Quel est l'homme qui veut la vie ? Et l'homme
acquiert celle-ci par la crainte du Seigneur, qui est "le commencement de
la sagesse", comme le dit le psaume 110: sans cette sagesse il n'y a pas
de vie, aussi la sagesse elle-même dit-elle dans les Proverbes: "Celui qui
me trouvera trouvera la vie." Or certains vivent, mais dans le malheur et
l'épreuve: "Les jours de mon pèlerinage sont de cent trente ans, courts et
mauvais." Et c'est pourquoi il dit: qui aime a voir des jours de bonheur, c'est-à-dire de
plénitude, car en ces jours d'éternité il n'existe rien en dehors du bonheur: "Mieux
vaut un jour [passé] dans tes parvis, que des milliers [dans d'autres]."
b. Mais quel est
l'effet de la crainte, il le montre d'abord en parole. Puis en acte: Détourne-toi.
- En
parole il défend deux choses: le mal dans sa manifestation, et le bien
trompeur. En parlant du premier il dit: Préserve ta langue du mal, à savoir de la
détraction, de la diffamation et de l'erreur: "Qu'aucun discours mauvais
ne sorte de votre bouche" - "Si quelqu'un croit être religieux, et ne
met pas un frein à sa langue, mais séduit son propre coeur, sa religion est
vaine." En parlant du second il dit: Et que tes lèvres ne profèrent point de discours
trompeurs, autrement dit: de plus tu ne proféreras pas le bien avec
tromperie: "Que Dieu perde entièrement toute lèvre trompeuse." Et
remarquez qu'il parle d'abord de la préservation de la langue, et ensuite des
lèvres: car lorsque quelqu'un veut parler il meut d'abord sa langue, et ensuite
ses lèvres. Semblablement la langue forme d'abord les mots, mais les lèvres les
rendent distincts.
- Le psalmiste montre aussi en acte que deux choses doivent être
accomplies. L'homme doit en effet ordonner sa vie d'abord par rapport à lui; et
à ce propos il dit: Détourne-toi du mal. Puis par rapport au
prochain: et à cet égard il dit: cherche la paix et poursuis-la.
· Par rapport à lui il accomplit deux choses, conformément aux diverses
parties de la justice, qui sont: se détourner du mal, et faire le bien. La
seconde partie est mentionnée lorsqu'il dit: fais le bien.
Ainsi dit-il: Détourne-toi du mal. - "Ne fais pas de
mauvaises choses, et elles ne s'empareront pas de toi." Se détourner du
mal n'est pas quelque chose de méritoire, dans la mesure où l'acte de se
détourner du mal exprime seulement une négation: car par cet acte, à savoir de
ne pas faire le mal, on évite il est vrai le châtiment qu'on encourrait si on
admettait l'autre conduite; cependant, ce n'est pas à cause de cette fuite du
mal que la vie est acquise. Et c'est pourquoi en le prenant ainsi dans ce sens,
ne pas faire le mal n'est méritoire qu'à la seule condition qu'une telle volonté
soit informée par la charité, c'est-à-dire que le but de se détourner du mal
soit en vue de Dieu.
et fais le bien. -
"Apprenez à faire le
bien."
·
Puis par rapport au prochain il dit: cherche la paix et poursuis-la. Mais
il arrive parfois que le prochain t'attaque, et alors il t'appartient de
chercher la paix; et c'est pourquoi il dit: cherche la paix. - "S'il se peut, et
autant qu'il est en vous, ayez la paix avec tous les hommes." Mais il
arrive aussi parfois que quelqu'un cherche la paix par ton intermédiaire, alors
il t'appartient aussi de poursuivre la paix; aussi dit-il: et poursuis-la. Ou bien il parle
de la paix qu'il doit avoir en lui; et, dit-il, tu acquiers cette paix en cette
vie. Mais elle n'est pas possédée en plénitude, "car la chair convoite
contre l'esprit, et l'esprit contre la chair." Et il dit: et poursuis-la, c'est-à-dire
afin que tu l'aies davantage, bien qu'elle ne soit pas parfaite ici-bas, mais
qu'elle le sera dans la vie future, là où "le peuple se reposera dans la
beauté de la paix." Ou bien: cherche la paix, c'est-à-dire le Christ, qui "est
notre paix". Et: poursuis-la. - "Qu'est-ce que l'homme
pour pouvoir suivre le roi son créateur ?"
16 Les
yeux du Seigneur sont sur les justes, et ses oreilles à leurs prières.
B. Ensuite lorsqu'il
dit: Les yeux
du Seigneur sont sur les justes, il communique son enseignement sur
la divine providence: et à cet égard il fait deux choses.
1) Il parle
d'abord de la divine providence.
2) Puis il montre
l'effet de la divine providence: Les justes ont crié.
1. En parlant de
la divine providence il fait deux choses.
a) Il expose la
divine providence à l'égard des bons;
b) Puis à l'égard
des mauvais: Mais
le visage du Seigneur.
a. Ainsi dit-il: Les yeux du Seigneur, etc. À l'égard
de ceux qui font l'objet de notre sollicitude, nous portons une double
attention, par la vue en relation avec leurs actions; et à ce propos il dit: Les yeux du
Seigneur. Et par l'ouïe en relation avec leurs paroles; et à ce
propos il dit: et
ses oreilles. Et bien qu'en Dieu il n'y ait pas de vue et d'ouïe,
mais la sagesse divine elle-même, cependant en raison des divers modes de
connaissance on parle de l'une et de l'autre, à savoir de la vue et de l'ouïe.
La vue est signifiée par les yeux quant aux faits eux-mêmes; mais l'ouïe par
les oreilles quant aux paroles. Et c'est pourquoi il dit: Les yeux du Seigneur sont sur les justes, c'est-à-dire
avec un regard d'approbation: "Le Seigneur connaît ceux qui sont à lui."
- "Les yeux du Seigneur sont sur ceux qui le craignent, et lui-même connaît
toute oeuvre de l'homme." et ses oreilles, c'est-à-dire afin qu'il soit
attentif à exaucer leurs prières. Car celui qui veut exaucer
écoute volontiers ceux qui prient: aussi il signifie par cela qu'il est
volontairement disposé à exaucer. Et il dit: a leurs prières, parce qu'eux
parlant encore, il écoute: "Et il arrivera qu'avant qu'ils crient, moi je
les exaucerai; eux parlant encore, j'écouterai."
17 Mais
le visage du Seigneur est sur ceux qui font le mal, afin d'effacer de la terre
leur mémoire.
b. Ensuite
lorsqu'il dit: Mais
le visage du Seigneur est sur ceux qui font le mal, afin d'effacer de la terre
leur mémoire, il montre la providence du Seigneur au sujet des
méchants, et à ce propos il fait deux choses.
- Car
il expose d'abord le fait que la providence divine s'étend aux mauvais.
- Puis
comment elle s'étend de façon différente aux bons: afin d'effacer.
- Ainsi dit-il: Mais le visage du Seigneur, etc. Il
avait dit plus haut: Les yeux du Seigneur sont sur les justes. Un
méchant pourrait dire: Si les yeux du Seigneur ne sont pas sur moi, je puis
pécher librement, parce qu'il ne voit pas: "Les nuées sont sa retraite; il
ne s'occupe pas de ce qui nous regarde." - "Le Seigneur ne nous voit
point; le Seigneur a délaissé la terre." Mais il n'en est pas ainsi, parce
que le visage du Seigneur est sur les méchants: "L'enfer et la perdition
sont à nu devant le Seigneur; combien plus les coeurs des fils des hommes ?"
Et il dit: visage, parce qu'il est l'expression d'un
regard de colère sur les méchants eux-mêmes. Mais dans quel but ?
- Certainement afin d'effacer de la terre leur mémoire. Cela
peut se comprendre de deux manières. Ou bien parce que cela peut être référé à
la terre présente; et ainsi leur mémoire s'efface-t-elle de la terre
doublement. Soit en tant qu'elle disparaît entièrement. Soit en tant que leurs
maux disparaissent totalement: "Le nom des impies pourrira." De
nombreux méchants ont cherché à perpétuer leur mémoire, et cependant elle a
disparu. Et si la mémoire de certains s'est perpétuée, elle est cependant dite
avoir disparu, parce qu'elle est pourrie et mauvaise: "Leur mémoire a péri
avec bruit" Ou bien on peut l'entendre de la terre des vivants.
Mais les saints ne gardent-ils pas la mémoire des impies ? S'ils ne
gardent pas la mémoire des méchants qui ont souffert, comment donc "le
juste se réjouira, lorsqu'il aura vu la vengeance" ?
Il faut répondre en disant qu'ils garderont leur mémoire, mais non en
bien, car ils ne garderont pas d'eux une mémoire de compassion et de
commisération, ni ne prieront pour eux: "Tu les as brisés et tu as anéanti
toute leur mémoire."
18 Les
justes ont crié, et le Seigneur les a exaucés: et il les a délivrés de toutes
leurs tribulations.
2. Ensuite
lorsqu'il dit: Les
justes ont crié, il expose l'effet de la providence divine.
a) Et d'abord sur
les bons.
b) Puis sur les
méchants: La
mort des pécheurs est très funeste.
a. À propos de son effet sur les bons il fait deux choses.
- Car il montre d'abord comment les oreilles du Seigneur sont aux
prières des justes.
- Puis comment les yeux du Seigneur sont sur
eux: Le
Seigneur est près de ceux qui ont le coeur affligé, etc.
- En parlant des oreilles du Seigneur qui sont aux prières des justes,
il fait trois choses.
· Car il mentionne d'abord la prière des saints.
· Puis il expose leur exaucement: et le Seigneur les a exaucés.
· Enfin l'effet de cet exaucement: et de toutes leurs tribulations.
· Ainsi dit-il: ont crié. La prière des saints est appelée
cri: "Ils crieront vers le Seigneur à la vue de l'oppresseur." - "Leur
cri a pénétré jusqu'aux oreilles du Seigneur Sabaoth." Le cri est une voix
forte; et la prière des saints est une voix forte pour deux raisons: à cause de
la grandeur de leur amour et de leur demande, car ils demandent les réalités
éternelles: "Cherchez premièrement le royaume de Dieu."
· et
le Seigneur les a exaucés, car lui-même me donne pour que je demande:
"Lorsque j'étais dans la tribulation, vers le Seigneur j'ai crié et il m'a
exauce."
· Vient ensuite l'effet de l'exaucement: et il les a délivrés de toutes leurs
tribulations. À savoir pour qu'ils n'endurent pas les tribulations.
Ou bien s'ils souffrent, pour qu'ils ne soient cependant pas accablés par les
tribulations: "Ils sont devenus forts dans la guerre." Ou bien, il
s'agit de ceux qui sont libérés des limbes: "Toi aussi par le sang de ton
alliance tu as fait sortir tes prisonniers d'un lac qui est sans eau." - 7
Ce pauvre a
crié, et le Seigneur l'a exaucé, et il l'a sauvé de toutes ses tribulations.
19 Le
Seigneur est près de ceux qui ont le coeur affligé; et il sauvera les humbles
d'esprit. 20a Nombreuses sont les tribulations des justes;
- Puis
lorsqu'il dit:
Le Seigneur est près de ceux qui ont le coeur affligé, il montre
comment les yeux du Seigneur sont sur les justes: et à ce propos il fait trois
choses.
· Car il expose d'abord le mérite des justes.
· Ensuite leur danger imminent: Nombreuses sont les tribulations des justes.
· Enfin le secours qui leur est offert: et de toutes ces [peines].
· Concernant le mérite des justes il fait deux choses, selon qu'ils ont
un double mérite, d'où leur obtention de la miséricorde de Dieu.
Car il traite d'abord du mérite de la contrition au sujet des péchés;
et en parlant de cela il dit: Le Seigneur est près de ceux qui ont le coeur affligé. - "Le
Seigneur est près de tous ceux qui l'invoquent." Certains sont réellement
misérables, mais ne le reconnaissent pas; aussi ne sont-ils pas non plus
repentants; et c'est pourquoi ils n'obtiennent pas la miséricorde: "Tu dis:
"Je suis riche et opulent, et je n'ai besoin de rien"; et tu ne sais
pas que tu es malheureux, misérable, pauvre, aveugle et nu." Car il est
indispensable qu'ils reconnaissent leur misère avec un coeur gémissant; et
c'est pourquoi il dit: de ceux qui ont le coeur affligé. Voilà pour
la contrition des péchés: "Vers qui porterai-je mon regard, sinon vers le
pauvre et celui qui a l'esprit contrit, et qui craint mes paroles ?" - "Bienheureux
ceux qui pleurent, parce qu'ils seront consolés."
En traitant du second mérite il dit: et il sauvera les humbles d'esprit. Il
dit d'esprit,
non en paroles, car il est écrit dans l'Ecclésiastique: "Il est
[tel] qui s'humilie méchamment, et son intérieur est plein de tromperie."
Donc il
sauvera les humbles d'esprit, à savoir ceux qui ont une vraie
humilité dans le coeur: "La gloire accueillera l'humble d'esprit."
· Ensuite il expose leur danger imminent, car nombreuses sont les tribulations des
justes. - "Mes gémissements sont nombreux, et mon coeur triste."
- "Tous ceux qui veulent vivre pieusement en Jésus-Christ souffriront
persécution." Et ils souffrent ces tribulations de la part de ceux qui les
persécutent: "Nombreux sont ceux qui me persécutent et qui me tourmentent (tribulant)."
Semblablement ils souffrent de la société de ceux qu'ils voient pécher: "Habitant
au milieu de ceux qui tourmentaient chaque jour son âme juste par leurs oeuvres
iniques." Et pareillement des tentations du monde, de la chair, et de
l'Ennemi: "La chair convoite contre l'esprit, et l'esprit contre la chair:
en effet, ils sont opposés l'un à l'autre, de sorte que vous ne faites pas tout
ce que vous voulez."
20b mais
le Seigneur les délivrera de toutes ces [peines].
·
Ensuite lorsqu'il dit: mais de toutes ces peines [il] les délivrera, il
expose le secours qui leur est offert. Or ils sont aidés de deux manières.
D'abord, afin qu'ils soient totalement libérés: et en parlant de cela
il dit: mais
le Seigneur les délivrera de toutes ces peines.
Puis, afin qu'ils ne succombent pas aux tentations; et en parlant de
cela il dit: Le
Seigneur garde tous leurs os: et pas un seul ne sera brisé.
Ainsi dit-il: mais le Seigneur les délivrera de toutes ces peines, en
partie ici-bas, mais parfaitement au ciel, quand "ils n'auront plus ni
faim ni soif; et [que] le soleil, ni aucune chaleur ne tombera sur eux; parce
que l'Agneau qui est au milieu du trône sera leur pasteur; il les conduira à
des fontaines d'eau vive, et Dieu essuiera de leurs yeux toute larme". - "Tu
m'as délivré, selon la multitude des miséricordes de ton nom, des [lions]
rugissants prêts à me dévorer." - "Délivrés de grands périls par
Dieu, nous lui rendons aussi grandement grâce."
21 Le
Seigneur garde tous leurs os: et pas un seul de ces [os] ne sera brisé.
Ensuite lorsqu'il dit: Le Seigneur garde tous [ces] os, il montre
comment il les délivre pour qu'ils ne succombent pas.
Ainsi dit-il: Le Seigneur garde tous leurs os. De
même que la vision est dans l'oeil, ainsi la force est dans les os et les nerfs;
et c'est pourquoi, de même que la vision est signifiée par l'oeil, ainsi la
force et l'énergie sont signifiées par les os: car de même que le corps est
nourri par les os, ainsi la vie humaine l'est par les énergies. Dans la vie
future le Seigneur les en délivrera totalement, mais pour le moment il garde
les os, c'est-à-dire les énergies, qui sont utiles dans l'infirmité. Ou bien,
par les os on entend les hommes parfaits, que le Seigneur gardera: "Voici
ce que dit le Seigneur Dieu à ces ossements: "Voilà que moi j'enverrai en
vous un esprit, et vous vivrez. Et je mettrai sur vous des nerfs, et je ferai croître
sur vous des chairs, et j'étendrai en vous une peau; et je vous donnerai un
esprit, et vous saurez que je suis le Seigneur."" et pas un seul
de ces [os] ne sera brisé, car dans les tribulations aucune force de
l'homme, que Dieu garde, ne faiblit. Car la charité ne faiblissait pas chez les
saints par la haine, car ils priaient pour leurs persécuteurs; ni leur
mansuétude par la colère, parce que le murmure ne retentissait pas; ni la
patience par l'injustice, au contraire par leur patience ils possédaient leurs
âmes. Et c'est pourquoi on dit à propos de l'Agneau pascal: "Vous n'en
briserez aucun os." - "Lorsque [l'homme] tombera, il ne sera point
brisé." Ou bien: pas un seul de ces [os], à savoir des
prédestinés: "Aucun d'eux n'a péri, excepté le fils de perdition."
22 La
mort des pécheurs est très funeste; et ceux qui haïssent le juste seront traités
comme coupables.
b. Puis lorsqu'il
dit: La mort
des pécheurs est très funeste, il expose l'effet de la providence
divine sur les méchants; et à cet égard il fait deux choses.
- Car il commence par exposer les périls des méchants.
- Puis il montre comment il libère ses saints de ces périls: Le Seigneur
rachètera.
- En exposant les périls des méchants il fait deux choses.
· Car il montre d'abord le mal que les hommes injustes souffrent en
eux.
· Puis ce qui les menace du fait qu'ils persécutent les bons: et ceux qui
haïssent.
· Ainsi dit-il: La mort des pécheurs, corporelle ou
spirituelle: cependant cette mort corporelle est la plus funeste chez les
méchants, car ils sont envoyés en un endroit très funeste: "Le riche
mourut, et fut enseveli dans l'enfer." Semblablement, parce qu'ils perdent
l'espérance de la grâce après la mort: "Pour l'homme impie mort, il n'y
aura plus aucune espérance." Donc la mort des pécheurs est très funeste,
parce qu'ils meurent dans leur corps et dans leur âme.
La mort spirituelle: "Lève-toi d'entre les morts." Et cette
mort est très funeste. Car la mort est la privation de la vie. Donc la mort,
plus elle prive d'un bien supérieur, plus elle est funeste. En effet la mort
spirituelle prive l'âme de la vie de la grâce, qui est un bien souverain, parce
qu'elle est donnée par Dieu: "Celui qui s'unit au Seigneur est un seul
esprit avec lui." Donc elle est très funeste. La version iuxta Hebraeos de
Jérôme lit ainsi: "Interficiet impium malitia (La malice tuera
l'impie)", c'est-à-dire le fera périr. C'est la malice qui apporte la mort
aux pécheurs: "La solde du péché est la mort."
· Ensuite il montre ce qui menace les méchants parce qu'ils persécutent
les justes: "Qui vous méprise, me méprise."Et c'est pourquoi il dit: et ceux qui
haïssent le juste seront traités comme coupables. - "Les
hommes de sang haïssent le simple." Donc si celui qui hait Dieu sera
traité comme coupable, il en est par conséquent de même pour celui qui hait les
serviteurs de Dieu.
23 Le
Seigneur rachètera l'âme de ses serviteurs; et tous ceux qui espèrent en lui ne
seront pas traités comme coupables.
- Ensuite
lorsqu'il dit:
Le Seigneur rachètera, il montre comment les bons sont délivrés dans
ces dangers.
· Et d'abord comment ils le sont des péchés passés.
· Puis comment ils sont protégés des péchés futurs: ils ne seront
pas traités comme coupables.
· Ainsi dit-il: Le Seigneur rachètera l'âme de ses serviteurs. On
pourrait dire: Si la mort des pécheurs est très funeste, et qu'il n'est aucun
juste qui ne pèche, alors donc la mort des justes eux-mêmes est, elle aussi,
très funeste. Et c'est pourquoi, afin d'écarter cela, il dit: Le Seigneur
rachètera l'âme de ses serviteurs. Il rachètera, dis-je, au prix de sa
mort, l'âme
de ses serviteurs. Il ne dit pas de ses affranchis. Car ceux-là sont
libérés, qui secouent loin d'eux le joug de la justice: "Affranchis du
péché, vous êtes devenus esclaves de la justice." Donc ceux qui se sont affranchis
de leur condition de serviteurs de Dieu ne seront pas rachetés; mais ceux qui
se soumettent au joug de Dieu seront rachetés de leur faute et de leur
châtiment par le sang précieux du Christ: "Ce n'est point avec des choses
corruptibles, de l'or ou de l'argent, que vous avez été rachetés des vaines
pratiques que vous teniez de vos pères; mais par le sang précieux du Christ,
comme d'un agneau sans tache et immaculé." - "Je les rachèterai de la
mort."
· Puis il montre comment ils sont protégés du
péché futur: car ils ne seront pas traités comme coupables, c'est-à-dire
ils ne pécheront pas mortellement, tous ceux qui espèrent en lui. en lui, à
savoir dans le Seigneur, non dans leur propre force, car ces derniers tombent:
voilà pourquoi il est écrit dans un psaume: "Pour moi j'ai dit dans mon
abondance", c'est-à-dire dans ma force, "je ne serai pas
éternellement ébranlé. Seigneur, par ta bonne volonté, tu m'as donné l'éclat de
la force. Tu as détourné ta face de moi, et je suis tombé dans le trouble."
Mais ceux qui
espèrent dans le Seigneur, comme celui qui disait: "J'ai su que
je ne pouvais pas être continent si Dieu ne me donnait [de l'être]",
celui-là ne sera pas traité comme coupable, aussi longtemps que, protégé par
Dieu, il ne péchera pas mortellement, etc.
1 Pour la fin.
Psaume par David lui-même. Juge, Seigneur, ceux qui me nuisent; combats ceux
qui me combattent.
2 Prends les armes
et le bouclier, et lève-toi pour me secourir. 3 Tire l'épée à deux tranchants,
et barre le passage à ceux qui me persécutent; dis à mon âme: "Moi je suis
ton salut."
4 Qu'ils soient
confondus, et qu'ils redoutent, ceux qui cherchent mon âme. Qu'ils retournent
en arrière et qu'ils soient confondus, ceux qui pensent à me faire du mal.
5 Qu'ils deviennent
comme la poussière devant la face du vent, et que l'ange du Seigneur les serre
de près. 6 Que leurs voies deviennent ténébreuses et glissantes, et que l'ange
du Seigneur les poursuive.
7 Parce que sans
motif ils m'ont caché la perdition de leur piège; en vain ils ont outragé mon
âme.
8 Qu'il lui vienne
un piège qu'il ignore, et que l'embûche qu'il cache le saisisse; et qu'il tombe
dans son propre piège.
9 Mais mon âme
exultera dans le Seigneur, et se délectera dans son salut. 10 Tous mes os
diront: "Seigneur, qui est semblable à toi ?" Arrachant l'homme privé
de ressource à la main des plus forts que lui, l'indigent et le pauvre à ceux
qui le dépouillent.
11 Des témoins
iniques se levant m'interrogeaient sur des choses que j'ignorais. 12 Ils me
rendaient le mal pour le bien; stérilité pour mon âme.
13 Et moi, pendant
qu'ils me tourmentaient, j'étais revêtu d'un cilice. J'humiliais mon âme par le
jeûne, et ma prière revenait dans mon sein.
14 Comme pour un
proche, et comme pour notre frère, ainsi j'avais de la complaisance; comme en
deuil et tout contristé, ainsi je m'humiliais.
15 Et contre moi
ils se sont réjouis et se sont rassemblés; des fléaux se sont amassés sur moi,
et je suis resté dans l'ignorance.
16 Ils ont été
dissipés, et n'ont point été touchés de componction; ils m'ont tenté, ils m'ont
raillé de railleries, ils ont grincé de leurs dents contre moi.
17 Seigneur, quand
regarderas-tu ? Arrache mon âme à leur malignité, mon unique à des lions.
18 Je te
confesserai dans la grande assemblée; au milieu d'un peuple grave je te
louerai. 19 Qu'ils ne se réjouissent point à mon sujet ceux qui s'opposent à
moi injustement; qui me haïssent sans motif et clignent des yeux. 20 Car à la
vérité, ils me parlaient pacifiquement; et, dans leur colère ardente, parlant à
la terre, ils pensaient des fourberies. 21 Et ils ont ouvert contre moi leur
bouche; ils ont dit: Ah ! ah ! nos yeux ont vu.
22 Tu as vu,
Seigneur; ne garde pas le silence; Seigneur, ne t'éloigne pas de moi.
23 Lève-toi et
sois attentif à mon jugement: mon Dieu et mon Seigneur, [prends en main ma
cause]. 24 Juge-moi selon ta justice, Seigneur mon Dieu, qu'ils ne se
réjouissent point à mon sujet. 25 Qu'ils ne disent point dans leurs coeurs: Ah
! ah ! pour notre âme; et qu'ils ne disent point non plus: Nous le dévorerons.
26 Qu'ils
rougissent et qu'ils soient confondus ensemble ceux qui se félicitent de mes
maux. Qu'ils soient revêtus de confusion et de honte, ceux qui disent des
méchancetés sur moi.
27 Qu'ils exultent
et se réjouissent ceux qui veulent ma justice; et qu'ils disent toujours:
28 "Que le
Seigneur soit magnifié, ceux qui veulent la paix de son serviteur." Et ma
langue méditera ta justice, ta louange tout le jour.
1 Pour
la fin. Psaume par David lui-même.
Juge, Seigneur,
ceux qui me nuisent; combats ceux qui me combattent.
Dans les psaumes précédents est manifestée la dignité des justes; mais
ici on implore le secours contre les persécutions des impies: et à ce propos le
psalmiste fait trois choses.
Car il demande d'abord le secours divin contre les pécheurs
persécuteurs.
Puis il confesse qu'il souffre de pareilles tribulations à cause du
péché: "Seigneur, ne me reprends pas dans ta fureur."
Enfin il montre la confiance qu'il a en Dieu: "Attendant, j'ai
attendu le Seigneur."
À propos de sa demande du secours divin il fait trois choses.
Car il demande d'abord le secours divin contre la persécution des
impies.
Ensuite il décrit leur mal: "L'homme injuste a dit."
Enfin il montre que leur prospérité doit être méprisée: "N'envie
pas les méchants."
Le titre de ce psaume est habituel: Pour la fin. Psaume par David lui-même. Au
sens mystique il s'applique au Christ, le véritable David; et selon
l'explication mystique il s'agit du deuxième psaume parmi ceux qui parlent
longuement de la Passion du Christ. Le premier fut: "Dieu, mon Dieu,
regarde-moi."
Ainsi donc ce psaume, soit qu'on le lise en l'appliquant à la personne
de David, ou au Christ, ou encore à n'importe quelle personne, mentionne
principalement deux choses.
I) Car il demande d'abord l'échec des impies.
II) Puis il en donne la raison: 11 Des témoins
iniques se levant.
I. En parlant de l'échec des impies il fait
trois choses.
A) Car il
commence par demander la condamnation des adversaires.
B) Puis il fait
connaître la cause de leur condamnation: 7 Parce que sans motif
C) Enfin il
attribue un fruit à cette condamnation: 9 Mais mon âme.
A. En demandant
la condamnation des adversaires il fait deux choses.
1) Car il formule
d'abord sa demande en général.
2) Puis il
l'explique: Prends
les armes et le bouclier
1. En formulant
sa demande en général il sollicite deux choses: leur condamnation et le secours
divin: combats.
Car il demande ces deux choses précisément contre deux choses: en
effet il demande la condamnation contre ceux qui lui nuisent, et contre ceux
qui le combattent il demande le secours divin.
Un homme commence d'abord par combattre autrui; puis l'emportant sur
lui il lui cause du tort. Or cet ordre est ici renversé. Car lorsque quelqu'un
combat autrui, il ne mérite pas aussitôt condamnation, mais ayant été combattu
il est poussé à demander du secours; en revanche, quand quelqu'un lui nuit,
alors il demande la condamnation. Et c'est pourquoi il distingue ici l'un et
l'autre: car le préjudice est d'abord dans l'intention de celui qui le cause;
aussi demande-t-il d'abord la condamnation de ceux qui lui nuisent. Ainsi
dit-il: Ô
Seigneur, juge ceux qui me nuisent. Or il y a un triple jugement:
De condamnation: "Le jugement est sans miséricorde pour celui qui
n'a pas fait miséricorde."
Semblablement, de purification: "Voici le temps où doit commencer
le jugement par la maison du Seigneur."
Également, de discernement: "Juge-moi, ô Dieu, et discerne ma
cause."
Mais ici il est question du premier jugement. On trouve une semblable
demande dans Jérémie: "Mais toi, Seigneur Sabaoth, toi qui juges justement
et qui éprouves les reins et les coeurs, que je voie ta vengeance sur eux."
Cependant il est écrit dans Matthieu: "Priez pour ceux qui vous
persécutent et vous calomnient."
On répondra en disant que dans toutes ces imprécations il y a une
double interprétation. L'une selon laquelle elles sont prononcées par mode
d'annonce, comme lorsqu'il dit: Juge, autrement dit: tu jugeras. Ou bien en
tant que toutes ces choses proférées sont comprises non comme venant d'un zèle
de vengeance personnelle, mais comme émanant de la divine justice, à laquelle
les justes se conforment.
Puis celui qui est combattu désire que Dieu résiste à son adversaire;
aussi dit-il: combats
ceux qui me combattent, c'est-à-dire afin qu'ils ne l'emportent pas
sur moi: "Le Seigneur est avec moi comme un guerrier vaillant." - "C'est
moi qui parle justice, et qui viens pour défendre et sauver."
2 Prends
les armes et le bouclier, et lève- toi pour me secourir. 3 Tire l'épée à
deux tranchants, et barre le passage à ceux qui me persécutent; dis à mon âme:
Moi je suis ton salut.
2. Ensuite
lorsqu'il dit:
Prends les armes, il explique sa demande. Car il demande deux choses:
la condamnation de ceux qui lui font du mal et la prise d'assaut de ceux qui le
combattent. Et c'est pourquoi il explique ces deux choses en détail. Car il
commence d'abord par expliquer la seconde. Puis la première: Qu'ils soient
confondus.
a. Concernant la
prise d'assaut de ceux qui le combattent il fait connaître les cinq choses qui
sont nécessaires à un défenseur.
- La première est qu'il s'arme: chose à laquelle il fait allusion ici
en disant: Prends
les armes et le bouclier Les armes de Dieu ce sont ses élus: "Offrez-vous
à Dieu, comme des armes de justice." Aussi les anges sont-ils appelés les
armes de Dieu, dont il se sert pour combattre les méchants: "Le globe de
la terre combattra pour lui contre les insensés." Le bouclier de Dieu est
à proprement parler sa protection divine, et sa volonté avec laquelle il
protège: "Tu nous as couronnés de ta bonne volonté comme d'un bouclier."
Il dit donc: Prends
les armes et le bouclier, c'est-à-dire envoie tes anges, et toi
aussi protège-moi, par ta bonne volonté.
Ou bien, les
armes et le bouclier sont les vertus: "Il revêtira, pour cuirasse,
la justice, et pour casque, son jugement infaillible; il prendra pour bouclier
inexpugnable l'équité."
- La deuxième est qu'il s'avance au combat; et c'est pourquoi il dit: lève-toi pour me
secourir On dit de Dieu qu'il dort, lorsque l'homme se trouve dans
les tribulations et n'éprouve point le secours divin: "Voilà qu'une grande
tempête s'éleva sur la mer; de sorte que la barque était couverte par les
vagues; lui-même cependant dormait. C'est pourquoi ses disciples s'approchaient
de lui et l'éveillèrent, disant: "Seigneur, sauve-nous, nous
périssons." Jésus leur dit: "Pourquoi craignez-vous, hommes de peu de
foi ?" Alors, se levant, il commanda aux vents et à la mer, et il se fit
un grand calme." - "Lève-toi, pourquoi dors-tu, Seigneur ?"
- La troisième est l'action de tirer l'épée; et c'est pourquoi il dit: Tire l'épée à
deux tranchants. La version iuxta Hebraeos de Jérôme lit: "Evagina gladium (Dégaine
l'épée)." Framea
(épée à deux tranchants) a le même sens que gladius (épée). Mais cependant effunde (tire),
désigne ici le débordement de la vengeance divine. Selon la Glose: Tire
l'épée à deux tranchants, c'est-à-dire augmente ta vengeance: "Ô
épée à deux tranchants, réveille-toi contre mon pasteur, contre l'homme qui se
tient attaché à moi."
épée à deux
tranchants peut s'entendre
soit de la vengeance de Dieu, soit de l'âme du Christ, soit de n'importe quel
juste, qui sont l'épée de Dieu contre les méchants: "Mais l'homme
spirituel juge de toutes choses, et il n'est jugé de personne."
- La quatrième est l'action de frapper; et c'est pourquoi il dit: et barre le
passage à ceux qui me persécutent. La version iuxta Hebraeos de Jérôme lit: "Et praeoccupa ex
adverso perse quentes me (Accours au-devant de ceux qui me
persécutent)", autrement dit: frappe avant qu'ils ne puissent se défier de
tes coups. Et on appelle aussi à proprement parler l'acte d'être frappé le fait
de ne pas pouvoir en quelque sorte s'échapper: "Puisqu'il n'y a personne
qui puisse m'arracher de ta main." Ou bien quelqu'un est dit être frappé
lorsqu'il est convaincu de fausseté; aussi dit-il: Frappe, autrement dit:
convaincs-les pour qu'ils reconnaissent leur erreur.
- La cinquième est que soit délivré celui qui est protégé; aussi dit-il:
dis à
mon âme: "Moi
je suis ton salut"; autrement dit: manifeste-toi par l'effet,
afin que je reconnaisse par une inspiration intérieure que tu es le salut de
mon âme: "J'écouterai ce que dira au-dedans de moi le Seigneur Dieu."
- "C'est moi qui suis le Seigneur, et il n'y a pas, en dehors de moi, de
sauveur."
4 Qu'ils
soient confondus, et qu'ils redoutent, ceux qui cherchent mon âme. Qu'ils
retournent en arrière et qu'ils soient confondus, ceux qui pensent à me faire
du mal.
b. Ensuite
lorsqu'il dit:
Qu'ils soient confondus, il traite de la condamnation de ceux qui
font le mal.
- Et il demande d'abord leur condamnation.
- Puis il emploie une comparaison: 5 Qu'ils
deviennent comme la poussière, etc.
- Il formule une double demande de condamnation contre un double projet
que forment les méchants qui le persécutent.
· Car ces derniers projettent surtout de le détruire totalement: "Venez,
et perdons-les entièrement, en sorte qu'ils ne soient plus un peuple, et qu'on
ne se souvienne plus du nom d'Israël."
· Puis ils projettent au moins de lui causer quelques maux; et il
demande que l'un et l'autre projet soient condamnés. Le deuxième lorsqu'il dit:
Qu'ils
retournent en arrière.
· Concernant sa première demande il fait deux choses.
Car il commence par exposer le châtiment qu'il revendique.
Puis il fait mention de leur démérite: ceux qui cherchent mon âme.
Il demande un double châtiment: la confusion et la crainte. Or la
confusion consiste en l'incapacité pour le méchant d'accomplir son projet. Le
deuxième châtiment réside dans le fait qu'en abandonnant son projet, le méchant
craigne de tomber soit dans un châtiment semblable, soit aux mains de
l'adversaire. Et c'est pourquoi il dit à propos du premier châtiment: Qu'ils soient
confondus, et à propos du second: qu'ils redoutent, c'est-à-dire
qu'ils craignent un châtiment semblable. On lit également dans Jérémie: "Qu'ils
soient confondus ceux qui me persécutent, et que je ne sois pas confondu
moi-même." Ce mot redouter peut aussi être restreint de telle
sorte qu'on l'entende dans le sens de leur propre confusion, à savoir de la
bonne confusion et de la bonne crainte, pour qu'ils soient confondus
salutairement en vue de la pénitence.
et qu'ils
redoutent, c'est-à-dire
qu'ils craignent les châtiments, même s'ils croient ne pas les mériter, parce
qu'ils sont à la recherche de mon âme. À propos du second châtiment il dit: Qu'ils
retournent en arrière. Et à propos de cela il fait deux choses.
Car il commence par demander qu'ils soient empêchés dans leur dessein.
Puis, que soient confondus ceux qui sont empêchés: et qu'ils soient confondus.
Ainsi dit-il: Qu'ils retournent en arrière, ne pouvant pas
réussir dans ce qu'ils projettent, mais qu'ils abandonnent.
Et qu'ensuite ils soient par conséquent confondus.
Cela peut aussi se référer au bien: Qu'ils retournent en arrière, afin de me suivre:
"Retire-toi de moi, Satan." - "Quel fruit avez-vous donc tiré
alors des choses dont vous rougissez maintenant ?" ceux qui pensent à me faire du mal. -
"Mais toi, Seigneur, tu connais tout leur dessein de mort contre moi."
5 Qu'ils
deviennent comme la poussière devant la face du vent, et que l'ange du Seigneur
les serre de près. 6 Que leurs voies deviennent ténébreuses et glissantes, et
que l'ange du Seigneur les poursuive.
- Ensuite lorsqu'il dit: Qu'ils deviennent, il emploie
une comparaison. Et d'abord en parlant d'une première chose: Qu'ils
deviennent comme la poussière, etc. Puis d'une seconde chose: Que leurs voies
deviennent ténébreuses et glissantes.
· Ainsi dit-il: Qu'ils deviennent comme la poussière. Car il
demande d'abord le jugement contre ceux qui cherchaient à le détruire
totalement; et c'est pourquoi il emploie une comparaison à propos d'une chose
qui est totalement détruite, à savoir la poussière. Or la dispersion de la
poussière est due à trois choses: à sa dispersion proprement dite, car la
poussière est sèche et se divise en très petites particules; et c'est pourquoi
elle se répand facilement. Et c'est pour cette raison qu'il dit: Qu'ils
deviennent comme la poussière. De même que la poussière est réduite
en de multiples particules par défaut d'humidité, qu'il en soit ainsi également
pour les impies.
Une autre raison est due au vent qui l'agite; aussi dit-il: devant la face
du vent. Le vent signifie parfois la tribulation: "Un vent
brûlant le saisira et l'emportera, et comme un tourbillon l'enlèvera de sa
place." Parfois il signifie la tentation elle-même du péché: "Nos
iniquités comme le vent nous ont."
Enfin la dispersion de la poussière est due à l'instigation de
quelqu'un qui agite le vent; aussi dit-il: et que l'ange du Seigneur les serre de près, c'est-à-dire
afin qu'ils soient totalement dispersés: car de même que par le secours des
anges certaines choses prospèrent sous l'effet d'une puissance plus grande,
ainsi par l'intermédiaire des anges bons ou mauvais il arrive que les tribulations
s'accroissent davantage: car Dieu punit aussi quelquefois les pécheurs par
l'intermédiaire des bons anges: "Un ange du Seigneur sortit et frappa dans
le camp des Assyriens cent quatre-vingt-cinq mille hommes."
· Ensuite lorsqu'il dit: Que leurs voies deviennent ténébreuses, le
psalmiste expose une comparaison à propos d'un second empêchement, c'est-à-dire
à propos de la progression sur la voie; et il mentionne trois empêchements sur
cette voie.
Le premier empêchement c'est que cette voie est ténébreuse, et que dès
lors on trébuche facilement. Que leurs voies, c'est-à-dire leur
progression, deviennent
ténébreuses.
Le deuxième empêchement c'est que cette voie est glissante et propice à
la chute: "Nos pas ont glissé en parcourant nos voies."
Et le troisième c'est que quelqu'un poursuit et serre de près, afin
qu'ils tombent davantage.
et que l'ange du
Seigneur les poursuive. - "Un
ange cruel sera envoyé contre lui." Ainsi dit-il: Que leurs voies deviennent ténébreuses, c'est-à-dire
celles de l'ignorance: "Ils n'ont ni savoir ni intelligence, ils marchent
dans les ténèbres." et glissantes, c'est-à-dire les vices charnels
dans lesquels ils tombent facilement. et que l'ange du Seigneur les poursuive. Le
démon lui-même tente pour faire pécher, ou bien le bon ange permet de tomber,
afin que ceux qui ont été humiliés se relèvent plus forts.
7 Parce
que sans motif ils m'ont caché la perdition de leur piège; en vain ils ont
outragé mon âme.
B. Plus haut le
psalmiste a demandé que ceux qui font du mal soient jugés, et que ceux qui
combattent soient pris d'assaut; mais ici il montre comment ils souffrent à
juste titre.
1) Et il expose
d'abord leur faute.
2) Puis leur
châtiment: 8 Qu'il
lui vienne un piège.
1. En parlant de
la faute:
a) Il donne
d'abord l'explication de la malice.
b) Puis il montre
son exécution: en
vain.
a. Dans
l'explication de la malice sont mentionnées trois choses qui aggravent la
faute.
- La première est l'iniquité, et c'est pourquoi il dit: sans motif
- La deuxième est la fraude, et c'est pourquoi il dit: ils m'ont caché.
- La troisième est la cruauté, et c'est pourquoi il dit: la perdition de
leur piège.
- Ainsi dit-il: Parce que sans motif si quelqu'un veut du mal
à celui qui lui fait du mal, il ne semble pas qu'il soit tout à fait injuste;
mais lorsqu'il veut du mal à celui qui ne nuit en aucune manière, cette
disposition est absolument inique; et tel est ce qu'il dit: sans motif c'est-à-dire
sans offense que j'aurais commise: "Ils m'ont haï sans motif." - "Et
Assur, sans aucune cause, l'a traité avec violence."
- Mais la fraude est désignée lorsqu'il dit: ils m'ont caché, c'est-à-dire
que par la fraude ils m'ont voulu du mal: "Il est devenu pour moi un ours
en embuscade, un lion dans des lieux cachés." - "Il lui dresse des
embûches dans le secret, comme un lion dans sa caverne."
- Et il montre la cruauté, car ils préparent des embûches en vue de la
mort; c'est pourquoi il dit: la perdition de leur piège, c'est-à-dire ils
cachent leur piège en vue de la mort: "Viens avec nous, dressons des
embûches au sang, cachons des pièges à l'innocent qui ne l'a pas mérité; comme
l'enfer, engloutissons-le vivant et entier, comme celui qui descend dans la
fosse."
b. Puis lorsqu'il
dit: en vain
ils ont outragé, il expose l'exécution, pareillement sans cause. Et il
dit: ont
outragé, parce qu'ils ont infligé des opprobres. Or il y a opprobre
lorsque quelqu'un intente une accusation contre son prochain, ce qui est contre
son honneur. Parfois on intente une accusation contre quelqu'un afin de le
confondre et de l'avilir. Mais parfois c'est en vue de lui faire perdre la vie;
et c'est s'en prendre à son âme; et c'est pourquoi il dit: mon âme, autrement dit: ils
firent cela afin de m'ôter totalement la vie. Ainsi les Juifs intentèrent
contre le Christ des accusations dignes de mort: "Il soulève le peuple,
enseignant toute la Judée, commençant par la Galilée jusqu'ici." - "Les
outrages de ceux qui t'insultaient sont tombés sur moi." Mais cela en vain, c'est-à-dire
sans cause, comme on l'a dit plus haut, à savoir sans motif: "Qui de vous
me convaincra de péché ?" Donc, en vain, ils l'ont chargé de péché. Ou bien: en vain, c'est-à-dire
inutilement, quant à leur intention, parce qu'ils avaient l'intention de
détruire sa foi: "Que faisons-nous, car cet homme opère beaucoup de signes
? Si nous le laissons ainsi, tous croiront en lui, et les Romains viendront et
ruineront notre pays et notre nation." Cependant le conseil fut inutile,
car le monde entier se convertit à la foi après sa mort.
8 Qu'il
lui vienne un piège qu'il ignore, et que l'embûche qu'il cache le saisisse; et
qu'il tombe dans son propre piège.
2. Ensuite
lorsqu'il dit:
Qu'il lui vienne un piège qu'il ignore, etc., il expose le châtiment
proportionné à la faute; et cela, parce qu'ils sont jugés avec le jugement même
selon lequel ils voulaient juger: "D'après le jugement selon lequel vous
aurez jugé, vous serez jugés, et selon la mesure avec laquelle vous aurez
mesuré, mesure vous sera faite." Ceux-ci voulaient sa mort en trompant;
c'est pourquoi le psalmiste formule une demande contre eux, soit en conformant
sa volonté à la volonté divine, soit sous forme d'annonce. Et il demande trois
choses: qu'un piège soit préparé pour eux, qu'ils soient pris, et qu'ils ne
s'échappent pas.
En parlant de la première chose il dit: Qu'il lui vienne un piège, à
savoir au peuple, ou bien à celui qui est le chef parmi eux. Ce mot piège peut
se comprendre de trois manières.
a. Ou bien à
cause du piège du châtiment, parce qu'en raison de la mort du Christ ils sont
pris dans ses filets: "Le plus grand nombre d'entre eux se heurteront, et
seront brisés, et ils s'embarrasseront dans des filets et ils seront pris",
car ils sont prisonniers dans toutes les nations. Il dit: qu'il ignore, parce qu'ils ne
pouvaient pas soupçonner un tel châtiment: "Il y aura une grande détresse
dans le pays, et une grande colère contre ce peuple. Ils tomberont sous le
tranchant du glaive, et seront emmenés captifs dans toutes les nations." -
"Car alors la tribulation sera grande, telle qu'il n'y en a point eu
depuis le commencement du monde jusqu'à présent, et qu'il n'y en aura point."
b. Ou bien il
s'agit du piège de la faute: "Ceux qui veulent devenir riches, tombent
dans la tentation et dans le piège du diable." Autrement dit: qu'il lui
vienne le piège de la faute qu'il ne peut prévoir; parce que le pécheur n'a pas
l'impression d'être lié, mais bien de faire sa propre volonté; cependant à la
vérité il est pris dans un filet, car il est écrit: "Par les liens de ses
proches péchés il est enchaîné."
c. Ou bien il
s'agit du piège de la justice, autrement dit: Qu'il lui vienne un piège, le
contraignant au bien, qu'il ignore, car "l'homme naturel
n'accueille pas ce qui est de l'Esprit de Dieu".
En parlant de la deuxième chose il dit: et que l'embûche qu'il caché le saisisse, c'est-à-dire
qu'il soit pris, comme il a voulu me prendre en cachette: "Ses iniquités
saisissent l'impie."
En parlant de la troisième chose il dit: qu'il tombe dans le piège, c'est-à-dire
qu'il soit abattu par le piège, afin qu'il ne s'en libère pas. dans son propre
piège, c'est-à-dire le piège qu'il a préparé pour les autres: "Dans
son piège il le renversera, il s'inclinera, et tombera, lorsqu'il se sera rendu
maître des pauvres, car il a dit dans son coeur: "Dieu a perdu le
souvenir, il a détourné sa face pour ne rien voir à jamais."" Ainsi
arriva-t-il aux Juifs, car ils livrèrent eux-mêmes le Christ, et par la suite
ils furent livrés aux nations.
9
Mais mon âme exultera dans le Seigneur, et se délectera dans son salut. 10
Tous mes os
diront: Seigneur, qui est semblable à toi ? Arrachant l'homme privé de
ressource de la main de plus forts que lui, l'indigent et le pauvre à ceux qui
le dépouillent.
C. Ensuite
lorsqu'il dit:
Mais mon âme exultera dans le Seigneur, et se délectera dans son salut, etc., il
expose le fruit de la condamnation des impies. Et il expose pour sa part un
double fruit.
1) D'abord un
fruit d'exultation personnelle.
2) Puis un fruit
de respect divin: Tous mes os.
1. En parlant du
premier fruit il fait deux choses.
a) Car il expose
en premier lieu l'exultation qui résulte du jugement de Dieu.
b) Puis la
matière de l'exultation: et se délectera.
a. Ainsi dit-il:
je demande qu'il en soit ainsi, mais lorsque tu auras fait cela, mon âme exultera
dans le Seigneur. - "Mais moi, je me réjouirai dans le
Seigneur, et j'exulterai en Dieu mon Jésus." Et la raison de cette
exultation est due au fait que grâce à lui j'ai acquis le salut; aussi dit-il:
b. et se délectera
dans son salut, c'est-à-dire dans le Christ, ou dans le salut
apporté par le Christ: "Mon esprit a tressailli d'allégresse en Dieu mon
salut." Et cela peut être appliqué à l'Église.
2. Ensuite quand
il dit: Tous
mes os, il expose le deuxième fruit, qui est le respect divin: et à
cet égard il fait deux choses.
a) Car il expose
d'abord le respect vis-à-vis de Dieu.
b) Puis il en
donne la raison: Arrachant.
a. Ainsi dit-il: Tous mes os. Toute
force de l'homme est faible comparée à celle de Dieu: aussi plus quelqu'un
acquiert de la connaissance divine, plus il comprend que sa propre force fait
défaut. Mais parce qu'on pourrait penser que ce qui est faible en nous ne peut
être comparé à Dieu, mais qu'il n'en est pas de même pour ce qui est fort; il
montre qu'il n'en est pas ainsi, car si considérable que soit toute force, elle
ne peut être comparée à Dieu. Car ces réalités-là sont infinies, tandis que
celles-ci sont finies; et c'est pourquoi il dit: Tous mes os, c'est-à-dire mes
forces, car par os
on entend la force. Ou bien les apôtres diront: qui est semblable à toi ? - "On
ne lui égalera point l'or ou le verre, et on ne l'échangera point contre des
vases d'or."
Ou bien il parle au nom de celui qui dit: Tous mes os, c'est-à-dire tout
ce qu'il y a de vertueux en moi.
Ou bien il s'agit de la connaissance de la vérité. Ou encore de la
ferveur de la charité et des choses semblables.
Il dit: Seigneur,
qui est semblable à toi ? En disant cela, il affirme que rien n'est
comparable à Dieu.
Cependant il semble qu'il y ait quelque chose de semblable à Dieu. D'où
ce qui est écrit dans la Genèse: "Faisons l'homme à notre image et à notre
ressemblance."
Je réponds à cette objection en disant qu'on appelle semblables les
choses qui ont la même forme et le même caractère. Or il y a une double
similitude. L'une qui fait que les choses sont semblables parfaitement,
c'est-à-dire lorsque les deux choses participent à la même forme d'un seul
concept (ratio).
Mais il y a une similitude dans la dissemblance, c'est-à-dire lorsque
la forme se trouve en une chose véritablement, et dans une autre par
participation éloignée: et ainsi celui-ci est semblable à celui-là, non parce
qu'il a la même forme, mais parce qu'il s'en approche selon une faible
participation. Et ainsi les choses qu'on appelle semblables à propos de Dieu et
de l'homme, sont dites de l'homme par participation éloignée; autrement dit:
Dieu est et toi tu es; mais ton être est participé, tandis que le sien est
essentiel; et semblablement pour les autres choses: et c'est pourquoi cette
similitude est une similitude de réalités dissemblantes. Et ce qu'il dit, il le
manifeste par effet. Car quelqu'un semble être fort, lorsqu'il libère quelqu'un
de faible de la main d'un puissant: c'est en effet le propre d'une grande
force. Et Dieu accomplit ces choses en ce monde. Les forts, ce sont les riches:
"Le bien du riche est sa ville forte, et comme une muraille solide qui
l'environne." Or Dieu libère les pauvres de ceux-ci. Car les riches
s'emparent d'abord du bien des pauvres, puis ils dépouillent les faibles: mais
Dieu les libère de ces derniers.
b. En relation
avec la première chose il dit: Arrachant l'homme privé de ressources, sans
ressource (sine
ope), de la main de plus forts que lui.
En relation avec la seconde chose il dit: l'indigent et le pauvre à ceux qui le
dépouillent. On dit de quelqu'un qu'il est indigent (egenus), en
tant qu'il manque du nécessaire; mais pauvre, en tant qu'il n'a rien dans sa
besace. Et ces trois choses sont les mêmes, à savoir les mots inops (privé
de ressources), egenus
(indigent) et pauper (pauvre): "Un lion rugissant, un
ours affamé, [tel] un prince impie sur un peuple pauvre." - "Ses
princes sont au milieu d'elle comme des loups ravissant une proie pour répandre
le sang, perdre les âmes, et par avarice courir après le gain."
11 Des
témoins iniques se levant m'interrogeaient sur des choses que j'ignorais. 12
Ils me
rendaient le mal pour le bien; stérilité pour mon âme.
II. Ici commence la deuxième partie principale de
ce psaume. Plus haut le psalmiste a demandé l'échec des impies; mais ici il en
donne la raison.
A) Et il commence
par traiter de leur malice.
B) Puis il
demande le secours divin: 17 Seigneur, quand regarderas-tu ?
A. En traitant de
leur malice il fait deux choses.
1) Car il montre
d'abord leur iniquité.
2) Puis leur
entêtement cruel dans le mal: Et moi, pendant qu'ils me tourmentaient.
1. Il montre
d'abord l'iniquité.
a) Quant à la
fausseté.
b) Puis quant à
l'injustice: Ils
me rendaient le mal pour le bien.
a. Il dit donc en
parlant de la fausseté: Des témoins iniques se levant, comme les
princes des Juifs, et ceux qui sont séduits par eux, comme le peuple, m'intèrrogeaient
sur des choses que j'ignorais, avec un savoir qui met à l'épreuve,
autrement dit: Ils m'interrogeaient sur des choses que je
n'approuvais pas, c'est-à-dire qu'ils m'accusaient de péchés que je
n'approuvais pas: "Celui qui ne connaissait point le péché, il l'a rendu
péché pour nous, afin que nous devenions en lui justice de Dieu."
b. En parlant de
l'ingratitude il dit: Ils me rendaient le mal pour le bien; ces
actes d'ingratitude ont été accomplis dans l'Ancien Testament: "Mon
peuple, que t'ai-je fait, en quoi t'ai-je contristé ? Réponds-moi." Mais
aussi dans le Nouveau Testament, car le Christ a redonné la vue aux aveugles,
et il leur conféra beaucoup d'autres bienfaits: "J'ai fait devant vous
beaucoup d'oeuvres excellentes par la vertu de mon Père; pour laquelle de ces
oeuvres me lapidez-vous ?" - "Le mal sera-t-il rendu pour le bien,
puisqu'ils ont creusé une fosse à mon âme ?" Et quels maux ? stérilité pour
mon âme. Il fait allusion à cette parabole de la vigne choisie qu'il
planta et qui donna du verjus. Le peuple juif fut planté afin de donner du bon
fruit, mais il devint stérile. Et le peuple montre cette stérilité contre l'âme
du Christ qu'ils attaquèrent avec acharnement. Et c'est pourquoi il dit: stérilité pour
mon âme.
13 Et
moi, pendant qu'ils me tourmentaient, j'étais revêtu d'un cilice. J'humiliais
mon âme par le jeûne, et ma prière revenait dans mon sein.
2. Plus haut le
psalmiste a commencé par parler de la méchanceté des Juifs; mais ici il montre leur
entêtement avec lequel ils persistent dans le mal. Et l'entêtement de certains
est réprouvé, parce qu'aucun remède ne les ramène au bien. Or il y a un double
remède grâce auquel certains ont l'habitude d'être ramenés au bien. D'abord par
la sainteté de celui qu'ils persécutent; puis par le châtiment divin.
Il montre donc d'abord leur entêtement par le fait qu'ils ne sont pas
revenus au bien par sa sainteté; et qu'ensuite Ils ont été dissipés.
a. En parlant de
leur entêtement il fait deux choses.
- Il expose d'abord sa sainteté face aux tribulations. Et Puis leur
entêtement dans le mal: 15 contre moi.
- Concernant sa sainteté face aux tribulations il fait trois choses, en
tant qu'elle consiste en trois choses: en la macération de la chair, l'esprit
de dévotion, et la bonté du sentiment. Et le psalmiste expose ces trois choses
successivement:
· Car il parle d'abord de la macération de la chair.
· Puis de l'esprit de dévotion: et ma prière revenait dans mon sein.
· Enfin de la bonté du sentiment: 14 Comme pour un proche.
· En parlant de la macération de la chair il fait deux choses.
Car la chair a d'abord besoin de vêtements et de nourriture; la
mortification de la chair consiste ou bien dans la rudesse du vêtement, ou bien
dans la privation de nourriture: J'humiliais mon âme par le jeûne.
Au sujet de la rudesse du vêtement il dit: Et moi, pendant qu'ils me tourmentaient,
j'étais revêtu d'un cilice. Ce cilice est employé au sens
métaphorique si on l'applique au Christ, parce qu'on ne lit pas qu'il portait
un cilice. Ce cilice est fait de poils de chèvres. Et dans la Loi un bouc mâle
était "immolé pour [expier] le péché"; et c'est pourquoi le cilice
signifie le péché. Donc le Christ est dit porter un cilice, parce qu'il s'est
revêtu d'une chair non point pécheresse il est vrai, mais d'une chair semblable
à celle du péché. Et nous aussi nous devons porter le cilice, c'est-à-dire la
pénitence pour les péchés: "Et ce sera, au lieu d'une suave odeur, la
puanteur, et au lieu d'une ceinture, une corde, et au lieu d'une chevelure
brisée, la calvitie, et au lieu de la bandelette qui soutient leur gorge, un
cilice."
Au sujet de la privation de nourriture il dit: J'humiliais mon âme par le jeûne, autrement
dit non seulement j'ai affligé ma chair avec un vêtement rude, mais aussi par
la nourriture, tandis que je l'ai ôtée de moi en jeûnant. On traite du jeûne
corporel du Christ dans Matthieu. On peut aussi le dire du jeûne spirituel du
Christ. Car le Christ désirait le salut humain. Telle est cette eau que la
Samaritaine demanda. Et sur la croix le Christ dit: "J'ai soif." Or
il jeûnait parce qu'il trouva les hommes éloignés du salut.
Mais si on applique cela à la personne du juste, alors on peut
l'entendre de deux manières.
Selon une première manière, parce que le jeûne
est cause d'humilité dans le juste; et par l'âme on entend la vie charnelle,
d'où le sens de: J'humiliais,
etc.,
c'est-à-dire j'humiliais l'orgueil de la vie charnelle en la
mortifiant: "Mes genoux ont été affaiblis par le jeûne et ma chair a été
changée à cause de l'huile [qui m'a manqué]." - "Humilions devant lui
nos âmes, et le servant, établis dans un esprit humilié, disons en pleurant au
Seigneur que, selon sa volonté, il nous fasse miséricorde, afin que tout comme
notre coeur est troublé par l'orgueil de nos ennemis, de même aussi nous nous
glorifiions de notre humiliation, etc."
Selon une autre manière on peut aussi dire cela lorsque l'humilité est
accompagnée du jeûne, car lorsque l'humilité n'est pas associée au jeûne, ce
jeûne n'est pas agréé de Dieu: "Pourquoi avons-nous jeûné, et n'avez-vous
pas regardé ?" Mais lorsque l'humilité est associée au jeûne, un tel jeûne
plaît à Dieu. Et c'est pourquoi il dit: J'humiliais mon âme par le jeûne. Mais parce
qu'humilier la chair n'a aucune valeur si l'esprit ne s'enrichit et ne se
conforte point, car l'ennemi doit être affaibli, et celui qui combat doit être
fortifié; or l'esprit est fortifié par la prière, c'est pourquoi il ajoute:
· et
ma prière revenait dans mon sein. - "La prière est bonne avec
le jeûne." La prière est un secours spécial dans la tribulation: "Quelqu'un
de vous est-il triste ? qu'il prie. Est-il dans la joie ? qu'il chante des
cantiques." - "Mon âme a refusé d'être consolée. Je me suis souvenu
de Dieu, et j'ai été ravi de joie; je me suis exercé à méditer et mon esprit a
défailli." Mais il dit: revenait dans mon sein.
Si on l'applique au Christ, on l'entend de deux manières.
Selon une première manière, en tant qu'on le réfère à Dieu qu'il adore,
au Père parce qu'il était dans son sein: "Le Fils unique qui est dans le
sein du Père est celui qui l'a fait connaître."
Selon une autre manière, en tant qu'on le réfère à ceux pour lesquels
il priait, parce qu'il priait pour ceux qui étaient dans le sein du Christ. Or
le sein du Christ est le secret de Dieu, et ce secret est son propos de
prédestination; aussi priait-il pour les prédestinés: "Moi, je prie pour
eux; je ne prie point pour le monde, mais pour ceux que tu m'as donnés, parce
qu'ils sont a toi."
Mais si on le réfère à un juste qui prie pour un autre, il n'obtient
pas toujours pour lui: "Toi donc, ne prie pas pour ce peuple, ne m'adresse
pour eux ni louange ni prière, et ne t'oppose pas à moi, parce que je ne
t'exaucerai point", car ses péchés ne méritent pas qu'il soit exaucé.
Cependant il est exaucé pour lui-même lorsque sa prière est méritoire; aussi
dit-il: dans
mon sein, c'est-à-dire à moi-même: "Votre paix reviendra à vous".
S'il est vrai que les choses précitées sont utiles, cependant elles n'ont que
peu de valeur dans la mesure où l'on n'a pas de sentiment de bonté à l'égard du
prochain; et c'est pourquoi il ajoute:
14 Comme
pour un proche, et comme pour notre frère, ainsi j'avais de la complaisance; comme
pleurant et tout contristé, ainsi je m'humiliais.
Or le sentiment à l'égard du prochain est montré dans deux dispositions:
dans la complaisance à l'égard du bien d'autrui, et dans le déplaisir vis-à-vis
du mal: "Réjouissez-vous avec ceux qui se réjouissent, pleurez avec ceux
qui pleurent."
Il montre la première disposition lorsqu'il dit: Comme pour un proche; puis la
seconde quand il ajoute: comme pleurant.
Ainsi dit-il concernant la première disposition: Comme pour un proche. Cette
construction grammaticale est étonnante, parce que ces accusatifs ne sont régis
par rien. Selon la Glose, un cas est mis pour un autre cas,
c'est-à-dire l'accusatif pour l'ablatif, autrement dit: ainsi pour moi j'avais
de la complaisance à leur égard, comme pour un proche et un frère. Ou bien,
selon Jérôme, il manque ici le mot ad (pour); car selon la iuxta Hebraeos il lit ainsi: "Quasi ad amicum
et quasi ad fratrem meum (Comme pour un ami et comme pour mon
frère)." Ou bien il est écrit: "Quasi sic complacebam (Comme si j'avais de la
complaisance)" pour Dieu en me comportant vis-à-vis d'eux comme pour des
proches et des frères, car les Juifs furent des proches pour le Christ parce
qu'il vivait avec eux: "Après cela, il a été vu sur la terre, et il a
demeuré avec les hommes." Ils furent aussi ses frères par ascendance
originelle: "les Israélites, auxquels appartiennent l'adoption des
enfants, la gloire, l'alliance, la loi, le culte et les promesses, dont les
pères sont ceux de qui est sorti, selon la chair, le Christ même qui est
au-dessus de toutes choses, Dieu béni dans tous les siècles. Amen." - "Le
salut vient des Juifs." Mais il est écrit dans Job: "J'ai été frère
des dragons et compagnons des autruches."
Concernant sa seconde disposition,
c'est-à-dire son déplaisir vis-à-vis du mal, il dit: comme pleurant, etc. Cette
disposition fut surtout dans le Christ, "quand il pleura sur la ville"
de Jérusalem. Et il dit: pleurant. Car les pleurs sont une plainte pour
les morts. Alors donc l'homme pleure pour les autres, lorsqu'il pleure leurs
maux qu'eux-mêmes n'éprouvent pas, comme il en est pour les morts. Car les
pécheurs sont morts dans leurs péchés, et n'éprouvent point leurs maux; tandis
que les justes en souffrent par compassion: "Qui donnera à ma tête de
l'eau." Parfois quelqu'un souffre aussi à cause des maux d'autrui, maux
qu'il éprouve également en lui. Et cela s'appelle être contristé. Aussi la
version iuxta
Hebraeos de Jérôme lit-elle, cela avec une expression plus belle: "Quasi lugens
mater tristis incurvabar (j'étais courbé d'affliction comme une mère
en pleurs)", c'est-à-dire sur eux, autrement dit: je souffrais pour eux
comme si j'étais leur mère. Il leur montre donc cette pureté de sentiment grâce
à laquelle ils auraient dû être convertis, mais ils ont persisté davantage dans
le mal, car ils
se sont réjouis contre moi et se sont rassemblés.
15 Et
contre moi ils se sont réjouis et se sont rassemblés; des fléaux se sont amassés sur
moi, et je suis resté dans l'ignorance.
- Et
contre moi ils se sont réjouis et se sont rassemblés. À propos de
leur persistance dans le mal il fait deux choses.
· Il expose d'abord leur malice.
· Ensuite sa patience: et je suis resté dans l'ignorance.
· En traitant de la malice il fait trois choses. Car il expose trois
choses qui eurent lieu dans la passion du Christ.
Il expose d'abord le plaisir que les Juifs éprouvèrent dans le mal.
Ensuite leur consentement dans le mal: et se sont rassemblés.
Enfin la dure affliction du Christ: des fléaux se sont amassés sur moi.
Ainsi dit-il: Et contre moi ils se sont réjouis, en
m'insultant à mort: "Ils se sont réjouis, parce que c'est toi qui l'as
fait." Cependant il est écrit: "Lorsque ton ennemi sera tombé, ne te
réjouis pas: et qu'à sa ruine ton coeur n'exulte pas."
et se sont
rassemblés. En disant cela,
il signifie leur consentement dans le mal. Car les princes se sont rassemblés
ensemble avec le peuple, et les Juifs avec les païens pour machiner la mort du
Christ: "Les rois de la terre se sont levés, et les princes se sont ligués
contre le Seigneur et contre son Christ."
des fléaux se sont
amassés sur moi. En disant
cela il signifie la dure affliction du Christ, car il fut frappé par les Juifs
et les païens: "Mes gémissements sont nombreux, et mon coeur est triste."
En hébreu on lit: "Ils se sont "amassés" sur moi ceux qui me
tourmentent."
· Ensuite lorsqu'il dit: et je suis resté dans l'ignorance, il montre
la patience du Christ: car je suis resté dans l'ignorance, c'est-à-dire
je me suis comporté à la manière de celui qui ignore, à savoir en me taisant,
et en ne parlant pas: "Moi, comme un sourd, je n'entendais pas; et j'étais
comme un muet qui n'ouvre pas la bouche." - "Comme une brebis, il
sera conduit à la tuerie, et comme un agneau devant celui qui le tond, il sera
muet, et il n'ouvrira pas sa bouche." - "Moi, j'ai été comme un
agneau plein de douceur que l'on porte en victime; et j'ai ignoré qu'ils
formaient contre moi des projets, disant: "Rayons-le de la terre des
vivants, et que son nom ne soit plus rappelé dans la mémoire."" Ou
bien, je suis
resté dans l'ignorance, selon leur jugement; car je leur semblais
ignorer leurs desseins. Une autre version lit: ignorabant (ils ignoraient). Car
ils ignoraient trois choses:
Qui ils tourmentaient, car "s'ils l'avaient connu, jamais ils
n'auraient crucifié le Seigneur de gloire."
De même ils ignoraient pour quelle raison: "Si j'ai mal parlé,
rends témoignage du mal; mais si j'ai bien parlé, pourquoi me frappes-tu ?"
Semblablement ils ignoraient l'effet de leur iniquité; car pour cette
raison ils furent à jamais déchus: "Il y aura une détresse affreuse dans
le pays, et grande colère contre ce peuple. Ils tomberont sous le tranchant du
glaive, et seront emmenés captifs dans toutes les nations, et Jérusalem sera
foulée aux pieds par les païens, jusqu'à ce que les temps des nations soient
accomplis."
16 Ils
ont été dissipés, et n'ont point été touchés de componction; ils m'ont tenté,
ils m'ont raillé de railleries, ils ont grincé de leurs dents contre moi.
b. Puis lorsqu'il
dit: Ils ont
été dissipés, etc., il montre qu'ils ne sont pas revenus, et
qu'ils n'ont pas été mus vers le bien grâce au deuxième remède, qui est le
châtiment divin; et à ce propos il fait trois choses.
- Il montre d'abord le mal qu'ils enduraient.
- Puis le manque de componction de ces derniers: et n'ont point été touchés de componction.
- Enfin l'effet de leur endurcissement: ils m'ont tenté,
etc.
- Ainsi dit-il: Ils ont été dissipés. Cela s'explique de deux
manières, et d'abord de la manière suivante: Ils ont été dissipés, c'est-à-dire
stupéfaits dans leur coeur, tandis qu'ils ignoraient la raison des choses qui
s'accomplissaient, c'est-à-dire des miracles dans la passion: car "beaucoup
de corps des saints qui s'étaient endormis se levèrent; et sortant de leurs
tombeaux, après sa résurrection, ils vinrent dans la cité sainte, et apparurent
à un grand nombre de personnes". - "Le soleil s'obscurcit, et le
voile du temple se déchire par le milieu." Aussi "toute la multitude
de ceux qui assistaient à ce spectacle, et qui voyaient ce qui se passait s'en
retournaient, frappant leur poitrine".
Ou bien: Ils
ont été dissipés, c'est-à-dire divisés; car "les uns disaient:
"En effet, c'est un homme de bien"; mais d'autres disaient:
"Non, car il séduit la foule." - et n'ont point été touchés de componction, c'est-à-dire
convertis par la pénitence. - Et cela se manifeste par l'effet, parce qu'ils m'ont tenté en
disant: "Si tu es le Christ, dis-le nous ouvertement." Ou bien ils ne
se sont pas convertis par la Passion du Christ. Car après sa mort ils
l'insultaient encore, en disant des paroles blasphématoires contre le Christ,
car ils disaient des paroles de moquerie: "Ah ! toi qui détruis le temple
de Dieu et le rebâtis en trois jours, sauve-toi toi-même. Si tu es le Fils de
Dieu, descends de la croix." Et à ce propos il dit: ils m'ont raillé. La raillerie
c'est la moquerie qui se pratique avec un nez plissé: "Qui as-tu insulté;
qui as-tu blasphémé, et contre qui as-tu élevé la voix et porté en haut tes
yeux ? Contre le saint d'Israël."
Semblablement ils dirent des paroles d'indignation: "Nous nous
sommes rappelé que ce séducteur a dit, lorsqu'il vivait encore: "Après
trois jours je ressusciterai."" Et à ce propos il dit: "Ils ont
grincé de leurs dents contre moi." C'est le propre des gens grossiers qui
sont cruels, comme il en est des Juifs: "Ils ont grincé des dents, et ils
ont dit: Nous dévorerons; voici, c'est le jour que nous attendions; nous
l'avons trouvé, nous l'avons vu."
17 Seigneur,
quand regarderas-tu ? Arrache mon âme à leur malignité, mon unique à des lions.
B. Plus haut le
psalmiste a montré dans la personne du Christ, ou d'un juste, la méchanceté des
persécuteurs et leur obstination; mais ici il invoque Dieu contre l'une et
l'autre.
1) Et il commence
par demander le secours divin.
2) Puis il montre
le fruit du secours divin: Je te confesserai.
1. En demandant
le secours divin il fait deux choses.
a) Il demande
d'abord l'urgence de son secours.
b) Puis le
secours proprement dit: Arrache.
a. Ainsi dit-il: Seigneur, quand
regarderas-tu ? En disant cela il exprime l'urgence du secours, et
le sentiment de l'âme qui ne peut souffrir davantage de retard; comme si elle
se trouvait dans l'inquiétude. Et c'est pourquoi il dit: Seigneur, quand regarderas-tu ? Car
c'est en particulier l'attitude de celui qui ne supporte pas de retard: "Quand
viendrai-je, et paraîtrai-je devant la face du Seigneur ?" Et cela peut
s'expliquer de deux manières en tant qu'il y a un double regard de Dieu. Le
premier est un regard de miséricorde sur les justes en vue de leur salut: "La
grâce de Dieu et sa miséricorde sont pour ses saints, et son regard [favorable]
pour ses élus." L'autre se porte sur les méchants pour les punir: "Regarde
maintenant le camp des Assyriens, comme alors tu as daigné voir le camp des
Egyptiens, quand armés ils couraient après tes serviteurs."
Et on peut l'entendre de l'un et l'autre regard si on l'expose au sujet
du Christ: Seigneur,
quand [me] regarderas-tu, afin de me ressusciter ? - "Regarde,
et exauce-moi, Seigneur mon Dieu. Éclaire mes yeux. Que jamais je ne m'endorme
dans la mort: de peur qu'un jour mon ennemi ne dise: "J'ai prévalu contre
lui."" Ou bien: quand regarderas-tu mes adversaires ? - "Pourquoi
regardes-tu ceux qui font des iniquités et gardes-tu le silence, l'impie
dévorant celui qui est plus juste que lui ?"
b. Ensuite
lorsqu'il dit: Arrache,
il fait connaître ce secours qu'il demande; et dans cette demande il
donne deux choses à comprendre: la nécessité qu'il éprouvait; puis la malice de
ses adversaires: a
leur malignité.
Ainsi dit-il en parlant de la nécessité: Arraché, parce que la nécessité
est grande, car c'est une situation dangereuse, car c'est au péril de mon âme. Arraché, dis-je,
mon âme, c'est-à-dire
à mon corps dont elle fut séparée dans la mort, bien qu'elle n'ait pas été
séparée de la divinité: "J'ai le pouvoir de déposer [mon âme] et j'ai le
pouvoir de la reprendre." Il pouvait accomplir cela par la puissance de la
divinité qui n'est autre que la puissance du Père: par conséquent tout ce qu'il
fait ainsi de lui-même, il le tient cependant du Père. N'importe quel homme
juste peut aussi dire cela lorsqu'il est en danger, soit corporel, soit
spirituel; autrement dit: libère-moi des dangers.
La malice des ennemis est double. D'abord quant à la tromperie; aussi
dit-il: à
leur malignité, parce qu'ils agissent avec malice contre moi: "Je
vous écris, jeunes hommes, parce que vous êtes forts, que la parole de Dieu
demeure en vous, et que vous avez vaincu le malin." Pareillement quant à
la cruauté: mon
unique à dès lions, parce que l'âme unique est libérée des lions,
c'est-à-dire des démons, ou des tyrans: "Il a arraché mon âme du milieu des
petits des lions." - "Tu m'as délivré [...] des lions rugissants
prêts à me dévorer."
18 Je
te confesserai dans la grande assemblée; au milieu d'un peuple grave je te
louerai. 19 Qu'ils ne se réjouissent point à mon sujet ceux qui
s'opposent à moi injustement; qui me haïssent sans motif et clignent des yeux. 20
Car à la
vérité, ils me parlaient pacifiquement; et, dans leur colère ardente, parlant à
la terre, ils pensaient des fourberies. 21 Et ils ont ouvert contre moi leur bouche;
ils ont dit: Ah ! ah ! nos yeux ont vu.
2. Ici il expose
le fruit du secours.
a) Et d'abord
pour lui.
b) Puis pour ses
ennemis: 24 qu'ils
ne se réjouissent point.
c) Enfin pour les
justes: 27 Qu'ils
exultent.
a. Le fruit pour
celui qui est libéré, c'est la louange de Dieu; aussi dit-il: Je te
confesserai et je te louerai, parce que tu m'as libéré: "Je
te rendrai mes voeux, qu'ont proférés mes lèvres, et qu'a exprimés ma bouche
dans ma tribulation."
Si l'on applique cela au Christ, le fruit de la résurrection du Christ
c'est l'instruction de l'Église, et la foi avec laquelle l'Eglise confesse Dieu:
"On croit de coeur pour la justice, et on confesse de bouche pour le
salut." Ou bien l'Eglise sera décrite par la multitude des croyants. Puis
par leur puissance.
- En parlant de la première description il dit: dans la grande assemblée, c'est-à-dire
selon le nombre et l'expansion sur la terre: "Grand est mon nom parmi les
nations."
Semblablement elle est grande par sa constance et sa puissance, car "les
portes de l'enfer ne prévaudront point contre elle". - "J'ai annoncé
ta justice dans la grande assemblée."
- En parlant de la seconde description il dit: au milieu d'un peuple grave je te louerai. Le
mot gravitas (poids)
est parfois pris en bien, parfois en mal; car d'une manière à moitié
ressemblante il y a une double propriété dans la pesanteur corporelle.
· L'une est la pesanteur elle-même, qui tend vers le bas, et c'est une
chose mauvaise: car on dit de l'homme qu'il est lourd dans la mesure où il tend
vers la pesanteur terrestre et s'y assimile: "Fils des hommes, jusqu'à
quand aurez-vous le coeur appesanti ?" - "Malheur à la nation
pécheresse, au peuple chargé d'iniquité, à la race perverse, aux enfants
scélérats."
· L'autre propriété est la stabilité, qui s'oppose à la légèreté, et ne
connaît pas l'ébranlement. On appelle un homme léger celui qui est agité à tout
vent. Celui qui est stable dans le bien est appelé grave (gravis): "Ces lettres sont
graves et fortes." La version iuxta Hebraeos de Jérôme lit: "In populo forti
laudabo te (je te louerai au milieu d'un peuple fort)."
b. Qu'ils ne se
réjouissent point à mon sujet, ceux qui s'opposent à moi injustement. En
disant cela le psalmiste expose ici le fruit du côté des ennemis: il demande
que leur exultation soit réprimée.
- Et il fait d'abord connaître ce fruit.
- Puis il expose l'origine de leur joie insultante: ceux qui
s'opposent.
- Enfin l'émotion due à l'origine de leur joie insultante: 22 Tu as vu,
Seigneur. - Ainsi dit-il: Qu'ils ne se réjouissent point, autrement dit:
je demande d'être sauvé; Qu'ils ne se réjouissent point à mon sujet, comme
s'ils m'avaient vaincu. Et cela, parce que le Christ étant ressuscité leur joie
s'est changée en confusion. Ou bien: Qu'ils ne se réjouissent point à mon sujet, dans
mes membres, qui ne sont pas pesants, parce qu'ils sont nourris par le Christ: "Ne
te réjouis pas sur moi, mon ennemie, parce que je suis tombée."
-
ceux qui s'opposent. Ici il expose la cause de leur joie insultante.
La cause et l'origine d'une insulte est triple. Elle émane du coeur, des actes
et de la bouche.
· Des actes, lorsqu'il dit: Qu'ils ne se réjouissent point à mon sujet ceux qui
s'opposent à moi injustement. S'ils s'opposaient et se réjouissaient
à cause de la justice, ce serait bon et juste; mais parce qu'ils se réjouissent
injustement, cette manière d'agir est inconvenante: "Il a médité
l'iniquité sur son lit."
· Du coeur, c'est la haine indue, aussi dit-il: qui me haïssent sans motif, c'est-à-dire
sans cause: "Lorsque je leur parlais, ils m'attaquaient sans motif."
- "C'est afin que s'accomplisse la parole qui est écrite dans leur loi:
"Ils m'ont haï sans motif."" - "Ils rendaient le mal pour
le bien."
C'est aussi la haine de ceux qui simulent, car avec la haine dans le
coeur, ils clignent
des yeux. Et cela de deux manières.
Selon une première manière, pour montrer qu'ils simulent leur haine,
comme s'ils clignaient des yeux pour faire croire qu'ils aimaient. Ou bien ils
se faisaient mutuellement des clins d'yeux, se concertant en vue du mal: "L'homme
apostat, homme inutile." L'insulte émane de la bouche doublement.
D'abord quant aux paroles fourbes.
Puis quant aux paroles de moquerie: Et ils ont ouvert.
En parlant de la première forme d'insulte il dit d'abord ce qui est
dans la bouche; puis ce qui est dans le coeur: et, dans leur colère ardente.
Dans la bouche ils avaient des paroles de paix, aussi dit-il: Car à la vérité,
ils me parlaient pacifiquement. - "Maître, nous savons que tu
es vrai." - "Ils parlent de paix avec leur prochain, mais ils ont le
mal dans leur coeur." Dans leur coeur ils avaient des fourberies,
c'est-à-dire des paroles remplies de fourberies: "C'est une flèche
blessante que leur langue; elle ne profère que fourberie." Et dans leur colère
ardente, parlant à la terre, ils pensaient des fourberies, c'est-à-dire
s'irritant contre moi pour des choses terrestres: "Si nous le laissons
ainsi, tous croiront en lui, et les Romains viendront et ruineront notre pays
et notre nation." La version iuxta Hebraéos de Jérôme lit: "In rapina terrae
verba irrisoria concinnant (Dans leur usurpation ils infligent à la
terre des paroles de moquerie)."
Celui qui se moque de quelqu'un fait deux choses: parce que de telles
paroles molestent celui qui est objet de dérision, et réjouissent celui qui se
moque; et c'est pourquoi il dit: ils ont ouvert contre moi leur bouche, autrement
dit: ils disent du mal d'autrui avec audace et avec joie: "Contre qui
as-tu élevé la voix, et porté en haut tes yeux ?"
ils ont ouvert
contre moi leur bouche. Il
montre leur joie lorsqu'il dit: Ah ! ah ! (euge): interjection de celui qui
félicite: "Fort bien (euge), serviteur bon et fidèle: parce que tu
as été fidèle en peu de choses, je t'établirai sur beaucoup: entre dans la joie
de ton maître", autrement dit: ils se félicitent eux-mêmes de la victoire
qu'ils prévoyaient remporter sur moi. Et cela parce que nos yeux ont vu, à savoir la
Passion du Christ qu'ils ont désirée: "Ah ! toi qui détruis le temple de
Dieu et le rebâtis en trois jours, sauve-toi toi-même. Si tu es le Fils de
Dieu, descends de la croix." - "Voici, c'est le jour que nous
attendions; nous l'avons trouvé, nous l'avons vu."
22 Tu
as vu, Seigneur; ne garde pas le silence; Seigneur, ne t'éloigne pas de moi.
- Plus haut le psalmiste a exposé l'origine de l'insulte, qui fut la
malice; mais ici il rejette cette origine ou cette cause, en implorant le
jugement de Dieu. À ce propos il expose trois choses.
· D'abord le fait que la connaissance doit nécessairement précéder le
jugement.
· Puis il demande le jugement: ne garde pas le silence.
· Enfin l'effet du jugement: 25 Qu'ils ne disent point.
· Un juge ne peut porter équitablement une sentence sans être instruit
au préalable de l'acte à juger. Mais cette connaissance ne fait pas défaut au
jugement divin, parce que Dieu voit les actes qui ont été commis de part et
d'autre; aussi le psalmiste dit-il: Tu as vu, à savoir leur malice, et ma justice:
"Tout est à nu et à découvert aux yeux de celui dont nous parlons."
· Ensuite il demande le jugement.
Et il parle d'abord du délai du jugement.
Puis il demande la procédure du jugement.
Le fait que le jugement soit différé résulte de deux choses: de la
tolérance patiente à l'égard de la faute des hommes iniques, et du fait que le
juge n'aime pas celui auquel la sentence doit être donnée, et qu'il le fait enfermer.
Concernant la tolérance patiente il dit: ne garde pas le silence, c'est-à-dire
sur la malice que tu as vue, en passant sans t'arrêter: "Pourquoi
regardes-tu ceux qui font des iniquités et gardes-tu le silence, l'impie
dévorant celui qui est plus juste que lui ?"
Concernant l'attitude du juge, il dit: ne t'éloigne pas de moi, comme
s'il n'obtenait pas de secours dans la nécessité: "Malheur à eux, quand je
me serai retiré d'eux."
23 Lève-toi
et sois attentif à mon jugement: mon Dieu et mon Seigneur, [prends en main] ma cause. 24
Juge-moi
selon ta justice, Seigneur mon Dieu, qu'ils ne se réjouissent point à mon
sujet. 25 Qu'ils ne disent point dans leurs coeurs: Ah ! ah ! pour
notre âme; et qu'ils ne disent point non plus: Nous le dévorerons.
Il expose ici la procédure du jugement. Car trois choses sont requises
dans un jugement.
D'abord, que le juge assume sa charge pour juger.
Puis qu'il considère les mérites de la cause.
Enfin qu'il profère une sentence juste.
Concernant la première chose requise il dit: Lève-toi, c'est-à-dire de ta
torpeur, et mets-toi dans la disposition de celui qui doit juger: "Leve-toi:
pourquoi dors-tu, Seigneur ?"
Concernant la deuxième chose requise, il dit deux choses auxquelles le
juge doit être attentif: le jugement, et la cause sur laquelle il doit proférer
une sentence; aussi dit-il: sois attentif à mon jugement, c'est-à-dire en
le portant en ma faveur: "Ô Dieu, donne ton jugement au roi, et ta justice
au fils du roi."
Quant à la cause il dit: mon Dieu et mon Seigneur, [prends en main] ma cause. Ou
bien au sens de procès, comme on le lit dans le texte hébreu: "[prends en
main] mon procès." - "La cause que je ne connaissais pas, je
l'étudiais avec le plus grand soin." Ou bien: ma cause, selon que la cause est
la même chose que le principe, d'où il résulte une autre chose, autrement dit: [prends en main]
ma cause pour laquelle moi je souffre. Et c'est l'obéissance au Père:
"Il s'est humilié lui-même, s'étant fait obéissant jusqu'à la mort, et la
mort de la croix." Semblablement la cause est la charité qu'il eut à notre
égard, et c'est pour cette cause qu'il souffrait.
Concernant la troisième chose requise dans un jugement, il dit: Juge-moi selon
ta justice. Une version lit: "Secundum justitiam tuam (Selon
ta justice)"; une autre version lit: "Judica me secundum justitiam meam (juge-moi
selon ma justice)." La première version a le même sens, c'est comme si on
disait: Juge-moi
selon ta loi et ta justice: car la justice de Dieu consiste à rendre
à chacun selon ses mérites; et ces derniers ne peuvent être faussés et
infléchis par la vérité. Le jugement de Dieu se fait selon la vérité. Selon
ma justice, c'est-à-dire celle que moi je cherche. Et l'on peut dire que ma
justice et ta justice sont une même chose, c'est-à-dire la justice de Dieu qui
justifie, et celle de l'homme qui est comme justifié, car notre justice vient
de Dieu: "Parce que ignorant la justice de Dieu, et cherchant à établir la
leur, ils ne sont pas soumis à la justice de Dieu."
· Ensuite il demande l'effet du jugement: Qu'ils ne se réjouissent point à mon sujet,
et à ce propos il fait deux choses.
Il demande d'abord la réprimande de leur joie insultante.
Puis il demande leur confusion: 26 Qu'ils rougissent.
L'exultation extérieure naît de la joie intérieure.
Il commence donc par demander que leur joie intérieure soit réprimée.
Puis que soit réprimée extérieurement leur joie insultante.
Ainsi, concernant la répression de leur joie intérieure, il dit: 24 Qu'ils ne se
réjouissent point à mon sujet, autrement dit: que ton jugement les
réprime de telle sorte qu'ils ne se réjouissent pas à mon sujet: "Tous mes
ennemis ont appris mon malheur; ils se sont réjouis."
Concernant la répression de leur joie insultante il dit: 25 Qu'ils ne disent
point dans leurs coeurs. La joie insultante est due à deux choses,
et il en est de même pour la joie. Or la joie est due soit aux biens présents,
soit aux biens futurs. Semblablement la joie insultante est due soit aux maux
déjà accomplis, soit à accomplir.
Il demande donc d'abord que la joie insultante soit écartée à propos
des maux passés; et c'est pourquoi il dit: Qu'ils ne disent point dans leurs coeurs: Ah ! ah ! pour
notre âme, c'est-à-dire que leur âme ne se félicite pas de certaines
choses à mon sujet, et qu'ils ne disent point à notre âme: Nous le
dévorerons. Car parfois quelqu'un opprime autrui sans exultation,
mais en se laissant entraîner par sa faiblesse: et cela se voit dans le fait
qu'il se repent aussitôt. Mais quand il opprime par malice, alors il se réjouit
de l'avoir fait; et c'est ce que le psalmiste dit: qu'ils ne disent point non plus: Nous le
dévorerons, c'est-à-dire dans l'avenir: "Leur langue [est] un
glaive acéré." - "Leur exultation était comme [l'exultation] de celui
qui dévore le pauvre en secret."
26 Qu'ils
rougissent et qu'ils soient confondus ensemble, ceux qui se félicitent de mes
maux. Qu'ils soient revêtus de confusion et de honte, ceux qui disent des
méchancetés sur moi.
Ici le psalmiste demande leur confusion: et il sollicite deux choses
correspondant aux deux choses susmentionnées, à propos desquelles il était
question de joie insultante, c'est-à-dire de maux accomplis ou à accomplir.
Il demande d'abord qu'ils soient confondus à cause des maux accomplis.
Puis qu'ils soient confondus à cause des maux à venir: Qu'ils soient
revêtus de confusion.
Il commence donc par demander la rougeur de leur honte, ou la bonne
confusion, ou encore la confusion éternelle; et il dit cela sous forme de
prédiction ou pour se rendre conforme à Dieu: "Voilà que mes serviteurs se
réjouiront, et vous, vous serez confus." Il poursuit en demandant pour eux
d'être frappés d'incrédulité ou de crainte; aussi dit-il: et qu'ils soient confondus ensemble. Ou
en bien, autrement dit: qu'ils commencent à craindre Dieu: car la crainte
initiale et chaste est spécialement appelée révérence; et cette crainte
introduit au salut, car il est écrit: "Le commencement de la sagesse est
la crainte du Seigneur." Ou, qu'ils soient toujours dans la crainte: "Comme
la méchanceté est timide, elle donne un témoignage de condamnation." - "Le
bruit de la terreur est toujours à ses oreilles." Et pourquoi ces choses
leur arrivent-ils ? Parce qu'ils se glorifient de mes maux.
Ensuite il demande la confusion pour le futur et il demande certaines
choses par un autre moyen, car confusion et érubescence sont une même chose: et
comme celles-ci peuvent être comprises soit en bien soit en mal, ainsi en
est-il ici pour la confusion et la révérence. Mais du fait qu'il ajoute: Qu'ils soient
revêtus de confusion, il ajoute quelque chose. Car le mot "revêtement" (indumentum) désigne
un habit. Donc de celui qui absolument parlant et dès le principe craint, on ne
peut dire qu'il est revêtu d'un habit de crainte; mais on le dit de ceux qui
s'affermissent dans le mal, et qui désirent le mal: "Qu'ils soient
confondus, ceux qui me persécutent, et que je ne sois pas confondu moi-même;
qu'ils tremblent de peur, eux, et que je ne tremble pas moi-même." Et
pourquoi, maintenant qu'ils sont affligés, demande-t-il davantage qu'auparavant
? Parce que la faute est plus grande, autrement dit: ils ne sont pas satisfaits
de ce qu'ils ont accompli, mais ils méditent encore le mal contre moi. Tout
comme les Juifs, après la mort du Christ, voulaient cacher sa résurrection en
corrompant des gardes: "Éloignez de moi la vanité et les paroles
mensongères." Une version de Jérôme lit: "Qui maligna loquuntur contra me (Ceux
qui disent le mal contre moi)." - "Ne multipliez point des paroles
hautaines en vous glorifiant."
27 Qu'ils
exultent et se réjouissent ceux qui veulent ma justice; et qu'ils disent
toujours: Que le Seigneur soit magnifié, ceux qui veulent la paix
de son serviteur. 28 Et ma langue méditera ta justice, ta louange tout le
jour.
c. Le psalmiste
mentionne ici le troisième fruit qui provient du secours divin: et ce fruit est
la joie des saints. Et il commence par exposer le fruit de l'exultation en
disant: Qu'ils
exultent et se réjouissent. Or il donne comme fruit la manifestation
de la joie (jucunditas)
des saints, car la joie exprime la dilatation du coeur, aussi
signifie-t-elle la joie intérieure: "Tu as dilaté mon coeur." Et
cette joie se trouve à proprement parler chez les justes: "La lumière
s'est levée pour le juste, et la joie pour les [hommes] droits de coeur."
L'exultation exprime la joie extérieure qui éclate de l'intérieur; et cette
exultation convient aux justes: "Justes, exultez dans le Seigneur."
Et cela convient aux hommes droits; aussi dit-il: ceux qui veulent ma justice, c'est-à-dire
l'imiter.
Ou bien si on l'applique à la personne de David: ceux qui veulent ma justice, ce
sont ceux qui se réjouissent de mes biens; telle est la joie du coeur, et de
cette joie résulte l'exultation de la bouche: "On y trouvera la joie et
l'allégresse, l'action de grâce et la voix de la louange." Et c'est pourquoi
il ajoute: qu'ils
disent toujours: "Que le Seigneur soit magnifié", c'est-à-dire
que les saints magnifient Dieu. Car ce n'est pas nous en vérité qui faisons
qu'il est grand, mais il nous appartient de publier et de prêcher sa grandeur: "Magnifiez
le Seigneur avec moi: et exaltons tous ensemble son nom." - "Glorifiez
le Seigneur autant que vous pourrez; car sa gloire l'emportera encore, et
admirable est sa magnificence." Et encore: "Qui le magnifiera tel
qu'il est ?" Et quels sont ceux qui font cela ? Certainement ceux qui veulent
la paix de son serviteur, c'est-à-dire du Christ selon sa nature
humaine: paix que le Christ a faite et donne, car "c'est lui qui est notre
paix, lui qui des deux choses en a fait une seule". - "Je vous laisse
la paix, je vous donne ma paix." - "Je vous ai dit ces choses, afin
qu'en moi vous ayez la paix."
Mais si l'on interprète ces mots à partir de la personne de David, en
voici le sens: qui
veulent la paix de son serviteur, c'est-à-dire que ceux-là exultent
et se réjouissent, qui veulent que son serviteur, à savoir moi, ait la paix.
Et ma langue. Ici il montre que lui-même aussi est associé à
cette joie, autrement dit: ce ne sont pas seulement ceux-là qui ont la joie,
mais moi aussi je suis associé à la joie des saints. Et à ce propos il expose
deux choses.
D'abord la méditation intérieure.
Puis la louange intérieure.
Ainsi en parlant de la méditation intérieure il dit: Et ma langue
méditera ta justice.
On peut objecter que méditer ne concerne pas la langue, mais le coeur.
Il y a une triple réponse à cette objection.
1. Selon une
première manière on dira que la langue médite, c'est-à-dire exprime les choses
méditées: "Ma bouche proférera la sagesse", c'est-à-dire la sagesse
méditée. Celui qui est juste parle avec préméditation; ainsi en est-il du sage.
2. Selon une
autre manière on dira qu'il y a une double bouche ou une double expression:
intérieure et extérieure: "Ce qui sort de la bouche", c'est-à-dire du
coeur, "voilà ce qui souille l'homme". Et c'est en ce sens que la
langue est prise ici, c'est-à-dire la langue intérieure.
3. Selon une
troisième manière, ainsi: ma langue méditera, c'est-à-dire chantera, et
rythmera, ta
louange tout le jour, c'est-à-dire pensera sans cesse à la manière
de te louer: "Je bénirai le Seigneur en tout temps: toujours sa louange
sera en ma bouche."
1 Pour la fin. Au
serviteur de Dieu.
2 L'homme injuste
a dit en lui-même qu'il pécherait; la crainte de Dieu n'est pas devant ses
yeux. 3 Car il a agi frauduleusement en sa présence; en sorte que son iniquité
s'est trouvée [portée] jusqu'à la haine. 4 Les paroles de sa bouche sont
iniquité et tromperie; il n'a pas voulu acquérir l'intelligence pour qu'il fit
bien. 5 Il a médité l'iniquité sur son lit: il s'est arrêté dans toute voie qui
n'était pas bonne; et la malice, il ne l'a point haïe.
6 Seigneur, dans
le ciel est ta miséricorde; et ta vérité [s'élève] jusqu'aux nues. 7a Ta
justice est comme les montagnes de Dieu, tes jugements sont un abîme profond.
7b Tu sauveras,
Seigneur, les hommes et les animaux, 8a puisque tu as, ô Dieu, multiplié ta
miséricorde.
8b Mais les
enfants des hommes espéreront à l'abri de tes ailes. 9 Ils seront enivrés de
l'abondance de ta maison: et tu les abreuveras du torrent de tes délices. 10a
Parce qu'auprès de toi est la source de la vie.
10b Et que dans ta
lumière nous verrons la lumière.
11 Étends ta
miséricorde à ceux qui te connaissent, et ta justice à ceux qui ont le coeur
droit. 12 Que le pied du superbe ne vienne pas jusqu'à moi: et que la main du
pécheur ne m'ébranle point.
13 Là sont tombés
ceux qui opèrent l'iniquité; ils ont été chassés et n'ont pas pu se soutenir.
1 Pour
la fin. Au serviteur de Dieu.
2 L'homme
injuste a dit en lui-même qu'il pécherait; la crainte de Dieu n'est pas devant
ses yeux. 3 Car il a agi frauduleusement en sa présence; en sorte que
son iniquité s'est trouvée [portée] jusqu'à la haine. 4 Les paroles de
sa bouche sont iniquité et tromperie; il n'a pas voulu [acquérir]
l'intelligence pour qu'il fit bien. 5 Il a médité l'iniquité sur son lit: il
s'est arrêté dans toute voie qui n'était pas bonne; et la malice, il ne l'a
point haïe.
Dans le psaume précédent le psalmiste a imploré le secours de Dieu
contre les persécutions des pécheurs; mais ici il décrit le mal des pécheurs.
Ce psaume s'intitule: Pour la fin. Au serviteur de Dieu. Et ce qu'il
dit est nouveau: Au
serviteur de Dieu. Celui-là est un fidèle serviteur, qui n'usurpe
pas les biens de son maître, et qui ne rejette pas sur son maître ses propres
maux. Car il en est qui rejettent leurs péchés sur Dieu, en disant qu'ils
pèchent par nécessité: et ils revendiquent pour eux leurs propres biens, en
disant qu'ils les détiennent par leur propre pouvoir. David, lui, fait le
contraire: et à ce sujet le psalmiste mentionne deux choses.
I) Il commence par faire mention des maux qui
sont en nous et qui viennent de nous.
Il) Puis des biens qui sont en nous grâce à Dieu: 6 Seigneur, dans
le ciel est ta miséricorde.
I. En faisant
mention des maux, etc., il fait deux choses.
A) Il expose
d'abord la racine du mal.
B) Puis
l'extension du mal à partir de sa racine: Les paroles de sa bouche.
A. La racine du
mal est l'intention.
1) Il expose donc
d'abord l'intention mauvaise.
2) Puis il en
donne la cause: la
crainte de Dieu n'est pas devant ses yeux.
3) Enfin il le
prouve: Car
il a agi frauduleusement.
1. Comme le dit
le Philosophe, dans son traité de l'Éthique à Nicomaque, ici quelqu'un commet un
acte injuste et n'est pas justifié; là quelqu'un commet un acte injuste et est
justifié, mais il n'est pas injuste; ou encore quelqu'un commet un acte injuste
et est justifié, et est injuste.
Celui-là commet le premier acte injuste, qui garde un bien d'autrui
qu'il répute comme sien.
Celui-là commet le deuxième acte, qui n'agit pas par habitude, mais qui
commet un acte injuste sous la passion, cette passion venant à cesser il rend
le bien d'autrui.
Celui-là commet le troisième acte, qui commet un acte injuste
intentionnellement; et c'est pourquoi il dit: L'homme injuste a dit, c'est-à-dire
a délibéré intentionnellement, en lui-même qu'il pécherait: car il est en son
pouvoir de se proposer de pécher, et cela ne dépend pas du destin lié aux
étoiles: "Dieu dès le commencement a créé l'homme, et il l'a laissé dans
la main de son propre conseil." Mais la progression que l'on ne peut
réfréner dans l'acte de pécher est due au fait que l'on écarte l'obstacle au
péché. Or on dit qu'il y a péché contre l'Esprit-Saint, quand on pèche avec une
certaine malice, et cela se réalise quand l'obstacle est écarté. Et cet
obstacle est la crainte du Seigneur: "C'est par la crainte du Seigneur
qu'on se détourne du mal." - "Autant qu'il est en toi, tu as anéanti
la crainte de Dieu, et tu as détruit les prières devant Dieu."
2. Et c'est
pourquoi il dit: la
crainte de Dieu n'est pas devant ses yeux. La crainte réside dans le
sentiment, mais la cause de la crainte se trouve dans les yeux, du fait qu'ils
ne considèrent pas le jugement de Dieu: "Ils détournèrent leurs yeux afin
de ne pas voir le ciel, et de ne pas se souvenir des justes jugements."
3. Mais la cause
est due au fait qu'il a agi frauduleusement. Lorsque quelqu'un
commet sous les yeux d'un roi quelque chose qui lui est odieux, c'est le signe
qu'il ne le craint pas; ainsi lorsque le pécheur commet un péché devant Dieu qui
voit toutes choses, c'est le signe qu'il ne craint pas Dieu, puisqu'en sa
présence, à savoir de Dieu, il a agi frauduleusement, c'est-à-dire a commis une
fraude: "Tout est à nu et à découvert aux yeux de celui dont nous parlons."
Et il dit: frauduleusement,
car extérieurement il profère une chose, et en simule une autre
intérieurement: "Le Seigneur aura en abomination l'homme de sang et le
fourbe." - "Les dissimulés et les astucieux provoquent la colère de
Dieu." Et c'est pourquoi son iniquité s'est trouvée [portée] jusqu'à la haine, c'est-à-dire
son iniquité est telle que Dieu l'a en haine. Et le signe que Dieu hait de tels
simulateurs, c'est que dans les évangiles Dieu s'emporte beaucoup contre les
simulateurs. Une autre version lit: "In conspectu suo, ut inveniret iniquitatem suam, et
odisset (En sa présence, pour qu'il trouve son iniquité et qu'il la
prenne en haine)." Il arrive que quelqu'un examine sa conscience afin de
trouver son iniquité et de la haïr: il agit en cela souvent frauduleusement,
car il n'examine pas bien, mais traite avec légèreté les fautes graves, et
s'appesantit sur les fautes légères. Et c'est pourquoi il dit: il a agi
frauduleusement en sa présence, c'est-à-dire dans la conscience; car
s'il avait haï loyalement son iniquité, il l'aurait examinée.
Ou bien, selon le même sens: en sa présence, à savoir de Dieu, c'est-à-dire
selon le langage de la Sainte Écriture, qu'ils n'écoutent pas attentivement sa
vérité, ou celle de l'Esprit-Saint, mais qu'ils agissent frauduleusement; et
cela, parce qu'ils ne trouvent pas l'iniquité en eux.
B. Ensuite il
expose ce qui procède de la racine du mal.
1) Et il expose
d'abord les péchés de la bouche.
2) Puis ceux du
coeur et des actes.
1. L'homme commet
un péché par la bouche de deux manières: ou bien par une malice manifeste,
lorsqu'il ment manifestement; et c'est ce qu'il dit: Les paroles de sa bouche sont iniquité. -
"Vous ne trouverez pas d'iniquité sur ma langue." Ou bien par une
fraude cachée, et c'est la ruse: "C'est une flèche blessante que leur
langue; elle a proféré la ruse."
2. Quelqu'un
pèche dans le coeur de deux manières: par mépris du bien, et par zèle pour le
mal. Il arrive que l'un pèche par faiblesse, l'autre par ignorance. Mais
lorsqu'il s'agit d'une ignorance simulée, alors le péché est grave: "Ils
ont dit à Dieu: Retire-toi de nous; nous ne voulons pas connaître tes voies."
Et c'est pourquoi il dit: il n'a pas voulu [acquérir] l'intelligence pour qu'il fit
bien; aussi a-t-il voulu comprendre avec curiosité, et non dans le
but de bien agir: "Ils sont intelligents pour faire le mal, mais faire le
bien, ils ne le savent pas." Semblablement l'homme pèche parfois par zèle
pour la malice; aussi dit-il: Il a médité l'iniquité sur son lit, c'est-à-dire
dans son coeur: "La pensée de l'insensé est péché; et c'est l'abomination
des hommes que le médisant."
il s'est arrêté. Ici il expose ce qui est commis en acte.
a) Et il commence
par exposer la collaboration de l'homme injuste avec le mal.
b) Puis le fait
qu'il ne s'oppose pas au mal.
a. En parlant de
sa collaboration avec le mal il dit: il s'est arrêté dans toute voie qui n'était pas bonne, c'est-à-dire
a vécu et a donné sa faveur à toute voie mauvaise, ou bien à tout acte mauvais:
"Les rois de la terre se sont levés."
b. En parlant de
son opposition au mal il dit: la malice, il ne l'a point haïe. - "Tu as
aimé la malice plus que la bénignité; et un langage d'iniquité plutôt que
d'équité." - "Comme le mal est doux à sa bouche, il le cachera sous
sa langue."
6 Seigneur,
dans le ciel est ta miséricorde; et ta vérité [s'élève] jusqu'aux nues. 7a
Ta justice
est comme les montagnes de Dieu, tes jugements sont un abîme profond.
II. Ici le psalmiste montre ce qu'il a reçu de
Dieu.
A) Et il énumère
d'abord les biens eux-mêmes.
B) Puis il
demande que ces biens lui soient donnés: 11 Étends ta miséricorde, etc.
A. En énumérant
ces biens il fait deux choses.
1) Il commence
par faire connaître la cause des biens qu'il a reçus de Dieu.
2) Puis il
énumère les biens eux-mêmes: les hommes et les animaux.
1. Et il commence:
a) Par faire
valoir la cause.
b) Puis il fait
connaître la profondeur des effets: tes jugements sont un abîme profond.
a. Tout ce que
Dieu fait en nous est dû ou bien à sa justice, ou bien à sa miséricorde, ou
bien à sa vérité.
À sa justice, lorsqu'il récompense en vertu des mérites.
À sa vérité, lorsqu'il récompense ce qu'il promet.
À sa miséricorde, lorsqu'elle dépasse les mérites et les promesses.
Donnons une preuve de ces trois choses.
La justice de Dieu est élevée, car nul ne mérite au point que Dieu
rende davantage. La vérité est plus élevée, car Dieu promet et s'acquitte d'une
dette que nous n'avons jamais méritée, comme l'Incarnation, et d'autres choses
qui sont relatives au mystère de la Rédemption. Mais la miséricorde est la plus
élevée, parce qu'il accorde ce que nous ne pouvons pas imaginer: "Ce que
l'oeil n'a point vu, ce que l'oreille n'a point entendu, ce qui n'est point
monté dans le coeur de l'homme, ce que Dieu a préparé à ceux qui l'aiment."
Et c'est pourquoi il compare la justice aux montagnes, la vérité aux nues,
lesquelles sont plus élevées, la miséricorde aux cieux, lesquels surpassent
toutes choses.
Il dit: Seigneur,
[jusqu'au] ciel est ta miséricorde, c'est-à-dire la cause de tous
mes biens est dans le ciel: "Le Seigneur est doux pour tous, et ses
commisérations s'étendent sur toutes ses oeuvres." - "Je me
souviendrai des commisérations du Seigneur."
et ta vérité
[s'élève] jusqu'aux nues. Ta justice est comme les montagnes de Dieu. Toutes ces choses sont dites selon leurs effets,
car selon leur essence elles sont les mêmes. Au sens mystique, par ces trois
choses on entend les justes, car dans les justes eux-mêmes on trouve la
justice, la vérité et la miséricorde. Les justes sont signifiés par le ciel à
cause de la rétribution et de la charité: "Réjouissez-vous et tressaillez
de joie, parce que votre récompense est grande dans les cieux."
Semblablement, en eux brille surtout la miséricorde, car ils sont absolument
libérés de toute tribulation. Tandis que nous, nous sommes encore dans les
calamités. Par nues
on entend les docteurs: "Je commanderai aux nuées de ne pas
répandre de pluie sur [ma vigne]." Et en ceux-ci brille la vérité qu'ils
manifestent.
Par montagnes
on entend les hommes saints.
b. Et que
résulte-t-il de toutes ces choses ? Que ces jugements sont un abîme profond, c'est-à-dire
incompréhensibles: "Que ses jugements sont incompréhensibles et ses voies
impénétrables !"
7b Tu
sauveras, Seigneur, les hommes et les animaux, 8a puisque tu as, ô Dieu, multiplié
ta miséricorde.
2. Plus haut le
psalmiste a fait l'éloge de la justice de Dieu, de sa vérité et de sa
miséricorde, et de ses jugements, d'où nous proviennent les biens; mais ici il
énumère ces biens: et à cet égard il fait deux choses.
a) Il commence
par rappeler les biens qu'il accorde en général à toute créature.
b) Puis les biens
particuliers qu'il confère à la créature raisonnable: Mais les enfants des hommes.
a. En traitant du
don des biens en général il fait deux choses.
- Il rappelle d'abord les biens qui d'une manière générale proviennent
de Dieu.
- Puis il manifesté son admiration pour la miséricorde divine: puisque tu as, ô
Dieu,
multiplié ta miséricorde.
- Je dis donc que ta miséricorde est grande, et que grâce à celle-ci tu
sauves les hommes et les animaux, c'est-à-dire les créatures raisonnables et
sans raison. Ou bien par les hommes on entend les justes, par les animaux les
pécheurs eux-mêmes, qui sont sauvés temporellement par Dieu: lui "qui fait
lever son soleil sur les bons et sur les méchants, et pleuvoir sur les justes
et les injustes". - "L'homme, lorsqu'il était en honneur, ne l'a pas
compris: Il a été comparé aux animaux sans raison, et il est devenu semblable à
eux." Et ce salut général appartient à tous sur deux points: sur le salut
du corps: "Il n'y a pas de richesse plus grande que la santé (salus) du
corps"; et sur la dispensation des biens: "Sauve-moi, mon Seigneur le
roi. Le roi répondit: Le Seigneur ne te sauve pas: au moyen de quoi puis-je te
sauver ? au moyen de l'aire ou du pressoir ?"
- Ensuite il admire la miséricorde divine: puisque tu as, ô
Dieu, multiplié, à savoir puisque tu as beaucoup multiplié ta miséricorde, c'est-à-dire
que tu sauves non seulement les hommes, mais aussi les animaux. Ou bien parce
qu'il t'appartient de prendre soin non seulement des justes, mais aussi des
pécheurs, quant aux biens temporels que tu as multipliés pour eux. La version iuxta Hebraeos de
Jérôme lit: "Quam pretiosa est misericordia tua Domine, etc. (Comme
elle est précieuse ta miséricorde, Seigneur, etc.)." En effet grande est
la miséricorde de Dieu, puisqu'il sauve tous les hommes; grande elle est aussi,
car il donne plus à chacun qu'il n'a mérité: "Ta miséricorde est grande
envers moi."
8b Mais
les enfants des hommes espéreront à l'abri de tes ailes.
9 Ils
seront enivrés de l'abondance de ta maison: et tu les abreuveras du torrent de
tes délices. 10a Parce qu'auprès de toi est la source de la vie.
b. Ici le
psalmiste expose les biens spirituels, qui sont au nombre de trois: confiance,
réfection spirituelle, et connaissance intelligible; et ces biens correspondent
aux degrés des êtres.
- Certains d'entre ces êtres existent seulement, d'autres existent et
vivent, d'autres encore, en plus de l'existence et de la vie, sont doués
d'intelligence; et parmi ces êtres, la créature raisonnable participe d'une
certaine éternité, car l'âme raisonnable ne périt pas. Et c'est pourquoi il dit:
les enfants
des hommes, c'est-à-dire les enfants du Christ Dieu; ou bien par enfants des
hommes on entend généralement tous les hommes. espéreront à l'abri de tes ailes. Et
il parle en usant d'une métaphore. La poule protège ses poussins de ses ailes
pour qu'ils ne soient pas tués; ainsi Dieu lui-même protège spirituellement la
créature raisonnable afin qu'elle ne s'affaiblisse pas dans son âme: "Jérusalem,
Jérusalem, qui tues les prophètes et lapides ceux qui te sont envoyés, combien
de fois ai-je voulu rassembler tes enfants comme une poule rassemble ses petits
sous ses ailes, et tu n'as pas voulu." - "À l'ombre de sa main il m'a
protégé." Ou bien, à l'abri, c'est-à-dire sous la protection
spirituelle. Et ainsi les deux ailes sont la doctrine du Nouveau et de l'Ancien
Testament.
- Semblablement les êtres qui vivent ici-bas se refont avec une
nourriture appropriée.
· Et il expose d'abord la réfection elle-même.
· Puis il expose sa cause: auprès de toi.
· La réfection spirituelle consiste en deux choses: dans les dons de
Dieu, et dans sa douceur. En parlant des dons de Dieu il dit: Ils seront
enivrés de l'abondance de ta maison. La maison, c'est l'Église: "Afin
que tu saches comment te conduire dans la maison de Dieu, qui est l'Église du
Dieu vivant." Et cette maison, qui se trouve seulement sur terre, est
parfois transférée dans les cieux: "Je me suis réjoui des paroles qui
m'ont été dites: Nous irons [joyeux] dans la maison du Seigneur." Dans
l'une comme dans l'autre, il y a l'abondance des dons de Dieu; mais dans
l'Église ici-bas elle est imparfaite, tandis que dans l'autre l'abondance de
tous les biens est absolument parfaite, et les hommes spirituels sont rassasiés
de cette abondance: "Nous serons remplis des biens de ta maison." Et
qui plus est, ils seront enivrés, en tant que leurs désirs seront comblés
au-delà de toute la mesure de leur mérite: car l'ébriété est un certain excès: "L'oeil
n'a pas vu, ô Dieu, toi excepté, ce que tu as préparé à ceux qui t'attendent."
- "Mangez, mes amis, et buvez; enivrez-vous, mes bien-aimés." Et ceux
qui sont ivres ne sont pas en eux-mêmes, mais en dehors d'eux-mêmes. Ainsi ceux
qui sont remplis des charismes spirituels ont toute leur attention portée vers
Dieu: "Pour nous, notre cité est dans les cieux, d'où nous attendons aussi
comme Sauveur, le Seigneur Jésus-Christ." Et non seulement ils sont
refaits par les dons, mais aussi par l'amour de Dieu: "Alors tu abonderas
en délices dans le Tout-Puissant, et tu élèveras ta face vers Dieu." Et
c'est pourquoi il dit en parlant de la seconde chose, c'est-à-dire de la
douceur de Dieu: et
tu les abreuveras du torrent de tes délices. Il s'agit de l'amour de
l'Esprit-Saint qui fait irruption dans l'âme à la manière d'un torrent: "Ils
craindront, ceux qui sont de l'Occident, le nom du Seigneur, et ceux qui sont
du Levant, sa gloire; lorsqu'il viendra comme un fleuve impétueux, que l'esprit
du Seigneur agite." Et il est dit de tes délices, parce qu'il produit dans l'âme
les délices et la douceur: "Qu'il est bon et doux, Seigneur, ton esprit en
toutes choses !" Et les bons sont abreuvés par ce breuvage: "Ils ont
tous bu le même breuvage spirituel." Ou bien: du torrent de tes délices, c'est-à-dire
de Dieu, qui est appelé torrent: "C'est un torrent débordant que la source
de la sagesse", car sa volonté est si efficace que rien ne peut lui
résister, pas même un torrent: "Qui résiste à sa volonté ?"
· Mais la cause d'une telle réfection est due au fait qu'ils sont unis
à la source: et de même que ceux qui tiennent leur bouche à la source du vin
sont enivrés; ainsi ceux qui tiennent leur bouché, c'est-à-dire leur désir, à
la source de la vie et de la douceur, sont enivrés: "L'un souffre de la
faim et l'autre est ivre." Et ils sont ainsi enivrés, Parce qu'auprès de toi est la source de la
vie. Mais si on l'applique au Père, en voici le sens: auprès de toi
est la source de la vie, c'est-à-dire ton Verbe vivifiant toutes
choses, est
auprès de toi. - "Le Verbe était auprès de Dieu." - "Ils
m'ont abandonné, moi, source d'eau vive", moi qui suis en vérité la source
de la vie, c'est-à-dire les biens spirituels, grâce auxquels toutes choses sont
vivifiées.
- Enfin il y a la connaissance intelligible grâce à laquelle les
hommes, ou les créatures raisonnables, participent d'une certaine éternité;
c'est pourquoi il dit: 10b Et que dans ta lumière nous verrons la lumière.
La créature raisonnable a deux privilèges.
· Le premier consiste en ce que la créature
raisonnable voit dans la lumière de Dieu, et que les autres animaux ne voient
pas dans la lumière de Dieu; c'est pourquoi il dit: dans ta lumière. On ne l'entend
pas de la lumière créée par Dieu, car tel est le sens de ce qui est rapporté
dans la Genèse: "Que la lumière soit." Mais dans ta lumière, c'est-à-dire
avec laquelle toi tu brilles, lumière qui est une similitude de ta substance.
Les animaux dénués de raison ne participent pas de cette lumière; mais la
créature raisonnable participe d'abord de cette lumière par la connaissance
naturelle: car l'intelligence naturelle de l'homme n'est rien d'autre que le
resplendissement (refulgentia)
de la clarté divine dans l'âme: c'est par cette clarté qu'elle est à
l'image de Dieu: "Elle a été gravée sur nous la lumière de ton visage."
Puis elle participe de la lumière de la grâce: "Lève-toi d'entre les
morts, et le Christ t'illuminera." Enfin elle participe de la lumière de
la gloire: "Lève-toi, reçois la lumière, Jérusalem, parce qu'elle est venue
ta lumière, et que la gloire du Seigneur sur toi s'est levée."
Ou bien: dans
ta lumière, c'est-à-dire dans le Christ, qui est lumière de la
lumière: et cette lumière est telle qu'il est le vrai Dieu. Donc le Christ est
lumière en tant qu'il procède du Père; il est source de la vie, en tant qu'il
est principe de l'esprit vivifiant.
· L'autre privilège consiste dans le fait que seule la créature
raisonnable voit cette lumière; aussi dit-il: nous verrons ta lumière. Cette
lumière est ou bien la vérité créée, c'est-à-dire le Christ en tant qu'homme,
ou bien la vérité incréée par laquelle nous connaissons des choses vraies. En
effet la lumière spirituelle est la vérité: car de même que par la lumière une
chose est connue en tant que lucide, ainsi connaît-on une chose dans la mesure
où elle est vraie. Les animaux dénués de raison connaissent bien certaines
vérités, par exemple que cela est doux, mais non la vérité de cette proposition
"cela est vrai"; car "cela" consiste en l'équivalence de
cette intelligence avec la réalité intelligible, ce que les animaux dénués de
raison ne peuvent faire. Donc les animaux sans raison n'ont pas la lumière
créée. Semblablement ils n'ont pas la lumière incréée, car seul l'homme a été
fait pour voir Dieu par la foi et par l'espérance: et de même que nous voyons à
présent par la foi dans la lumière, ainsi nous le verrons face à face, lorsque
nous serons dans la Patrie.
11 Étends
ta miséricorde à ceux qui te connaissent, et ta justice à ceux qui ont le coeur
droit 12 Que le pied du superbe ne vienne pas jusqu'à moi: et que
la main du pécheur ne m'ébranle point.
B. Ici le
psalmiste se tourne vers la prière, et il demande la miséricorde.
1) Et il formule
une demande pour les autres.
2) Puis pour lui:
Que ne vienne
pas jusqu'à moi.
1. Il demande
deux choses selon les deux genres d'hommes qui vivent dans la demeure du
Seigneur: car certains connaissent Dieu par la foi; d'autres adhèrent aussi à
lui par la justice. Donc ceux qui ne connaissent pas Dieu ne sont pas dans sa
demeure; mais ceux qui ont la foi peuvent être exposés au péché, et c'est
pourquoi il demande pour eux la miséricorde, aussi dit-il: Ô Seigneur, à ceux qui te
connaissent, c'est-à-dire par la foi - et il appelle connaissance la
science à cause d'une adhésion sûre -, à ces derniers Étends, c'est-à-dire élargis,
étends vers eux, ta
miséricorde, en ayant pitié de leurs péchés: "Ce n'est pas un
peuple sage; à cause de cela, il n'aura pas pitié de lui, celui qui l'a fait;
et celui qui l'a formé ne l'épargnera pas." - "Que celui qui se
glorifie se glorifie de cela, de me connaître, et de savoir que c'est moi qui
suis le Seigneur." Mais à ceux qui ont le coeur droit, c'est-à-dire
qui ont le coeur droit et qui se sont affermis pour toi par la charité, Étends à
eux, c'est-à-dire élargis, ta justice, c'est-à-dire la couronne qu'ils
ont méritée, car ceux-ci méritent déjà la couronné: "Reste la couronne de
justice qui m'est réservée, que le Seigneur, juste juge, me rendra en ce jour;
et non seulement à moi, mais encore à ceux qui aiment son avènement." Et
c'est pourquoi il demande pour eux des choses justes.
2. Il demande
deux choses pour lui.
a. Il demande
d'abord d'être préservé du péché, et ce, en écartant deux causes du péché.
L'une est intérieure, et c'est l'orgueil qui est le commencement de tout péché;
aussi dit-il: Que
le pied du superbe ne vienne pas jusqu'à moi, c'est-à-dire que le
sentiment de celui qui s'enorgueillit s'éloigne de moi: "Ne me donne point
des yeux altiers." L'autre cause est extérieure, c'est lorsqu'on est incité
par quelqu'un à pécher: "Préserve ton serviteur [de la corruption] des
étrangers."
b. Et c'est
pourquoi il dit: que
la main du pécheur ne m'ébranle point, c'est-à-dire que les
séductions et les promesses, et les flatteries ne m'amènent pas à pécher.
13 Là
sont tombés ceux qui opèrent l'iniquité; ils ont été chassés et n'ont pu se
soutenir.
Ici est donnée la justification de sa demande: et elle est double.
D'abord, parce que le pied est une occasion de chute: comme lorsque quelqu'un
tombe à cause de son pied qui lui fait mal; et c'est pourquoi il dit: Là, c'est-à-dire
par le pied de l'orgueil, sont tombés. Ainsi "le commencement de
tout péché est l'orgueil". Car la raison pour laquelle l'homme pèche vient
du fait qu'il ne se maintient pas sous la règle de la loi divine. Mais de
l'orgueil procède l'arrogance: "Que celui donc qui se croit être ferme",
c'est-à-dire par l'orgueil, "prenne garde de tomber". Et il dit: ceux qui
opèrent, non ceux qui ont opéré, car quelqu'un pèche quelquefois par
faiblesse, ou par ignorance, et celui-là ne demeure pas dans le péché; mais
celui qui pèche par orgueil persiste dans le péché, car il est écrit: "Ils
se réjouissent lorsqu'ils ont mal fait, et tressaillent de joie dans les choses
les plus mauvaises."
Semblablement, une autre justification de sa demande est la
précipitation d'autrui; aussi dit-il: ont été chassés, c'est-à-dire ont été
précipités tandis qu'ils se sont vainement enorgueillis, comme ont été chassés
du ciel Lucifer, et l'homme du paradis à cause de leur orgueil.
n'ont pu se
soutenir. - "Il le
chassera de la lumière dans les ténèbres, et il le transportera hors de
l'univers." Mais l'humilité fait tenir debout: "Nos pieds se tenaient
dans tes parvis, ô Jérusalem."
1 Psaume par David
lui-même.
N'envie pas ceux
qui font le mal, et ne jalouse pas ceux qui commettent l'iniquité. 2 Parce que,
comme le foin, ils sécheront en un instant, et comme les herbes légumineuses,
ils tomberont promptement.
3 Espère dans le
Seigneur, et fais le bien: et habite la terre, et tu seras rassasié de ses
richesses.
4 Mets tes délices
dans le Seigneur, et il t'accordera les demandes de ton coeur. 5 Révèle au
Seigneur ta voie, espère en lui, et lui fera.
6 Il fera éclater
ta justice comme la lumière, et ton jugement comme le milieu du jour. 7a Sois
soumis au Seigneur, et prie-le.
7b N'envie pas
celui qui prospère dans sa voie, l'homme qui commet des injustices.
8 Renonce à la
colère et laisse la fureur: n'envie pas [les méchants] pour faire le mal. 9
Parce que ceux qui font le mal seront exterminés; mais ceux qui attendent avec
constance le Seigneur, ceux-là mêmes hériteront de la terre.
10 Encore un peu
de temps, et le pécheur ne sera plus: et tu chercheras son lieu, et tu ne le
trouveras pas.
11 Mais les hommes
doux hériteront de la terre, et ils jouiront d'une abondance de paix.
12 Le pécheur
observera le juste, et grincera des dents contre lui.
13 Mais le
Seigneur se rira de lui, parce qu'il voit que viendra son jour.
14 Les pécheurs
ont tiré le glaive: ils ont tendu leur arc, afin de tromper le pauvre et
l'homme sans ressources, afin de tuer les [hommes] droits de coeur. 15 Que leur
glaive entre dans leur propre coeur, et que leur arc soit brisé.
16 Mieux vaut au
juste un bien modique, que les grandes richesses des pécheurs.
17 Parce que les
bras des impies seront brisés; mais le Seigneur affermit les justes.
18 Le Seigneur
connaît les jours des [hommes] sans tache, et leur héritage sera éternel.
19 Ils ne seront
point confondus au temps mauvais, et dans les jours de famine, ils seront
rassasiés. 20 Parce que les pécheurs périront, mais les ennemis du Seigneur,
honorés et exaltés un moment, comme une fumée, s'évanouiront entièrement.
21 Le pécheur
empruntera et ne payera pas; mais le juste est compatissant, et il rendra. 22
Car ceux qui le bénissent hériteront de la terre, mais ceux qui le maudissent
périront totalement.
23 Par le Seigneur
les pas de l'homme seront dirigés, et il voudra sa voie. 24 Lorsqu'il tombera,
il ne sera point brisé, parce que le Seigneur met sa main sous [lui].
25 J'ai été jeune
et j'ai vieilli; et je n'ai point vu le juste abandonné, ni sa race cherchant
du pain. 26 Tout le jour il a pitié et il prête; sa race sera en bénédiction.
27 Détourne-toi du
mal et fais le bien, et tu auras une habitation dans les siècles des siècles.
28a Parce que le Seigneur aime la justice, et il ne délaissera pas ses saints:
ils seront conservés éternellement.
28b Les injustes
seront punis, et la race des impies périra. 29 Mais les justes hériteront de la
terre; et ils y habiteront dans les siècles des siècles.
30 La bouche du
juste méditera la sagesse, et sa langue dira l'équité. 31 La loi de Dieu est
dans son coeur, et ses pas ne chancelleront pas.
32 Le pécheur
considère le juste; et il cherche à le faire mourir. 33 Mais le Seigneur ne
l'abandonnera pas dans ses mains; et ne le condamnera pas quand on le jugera.
34 Attends le
Seigneur, et garde sa voie; et il t'exaltera, afin que tu prennes la terre en
héritage; lorsque les pécheurs auront péri, tu [le] verras.
35 j'ai vu l'impie
exalté et élevé comme les cèdres du Liban. 36 Et j'ai passé, et voilà qu'il
n'était plus; je l'ai cherché, et son lieu n'a pas été trouvé.
37 Garde
l'innocence, et vois l'équité; parce que des restes sont [assurés] à l'homme
pacifique. 38 Mais les injustes périront entièrement tous ensemble; les restes
des impies mourront. 39 Mais le salut des justes vient du Seigneur, et [il est]
leur protecteur au temps de la tribulation. 40 Et le Seigneur les aidera, et
les libérera; il les arrachera aux pécheurs, et il les sauvera, parce qu'ils
ont espéré en lui.
1 Psaume
par David lui-même.
N'envie pas ceux
qui font le mal, et ne jalouse pas ceux qui commettent l'iniquité. 2 Parce que, comme le foin, ils sécheront en un instant, et
comme les herbes légumineuses, ils tomberont promptement.
Le psalmiste a demandé plus haut le secours divin contre les pécheurs,
et il a montré leur malice; mais ici il enseigne le devoir de mépriser leur
bonheur.
Le titre de ce psaume n'est pas nouveau. Et l'intention est de montrer
que les prospérités des impies ne sont pas à prendre en considération. À ce
propos le psalmiste fait trois choses.
1) Il parle
d'abord de l'intention du psaume.
Il) Puis il donne des raisons en général: Parce que, comme le foin.
III) Enfin il les explique en détail: 7b N'envie pas
celui qui prospère.
I. En parlant d'abord de l'intention du psaume
il fait deux choses.
A) Car il
commence par écarter des bons l'envie des méchants.
B) Puis leur
jalousie: ne
jalouse pas.
A. Ainsi dit-il: N'envie pas. Le
psalmiste expose ici une chose du côté des pécheurs par mode de désignation. Et
à partir de cela il mentionne ceux qui font le mal et qui commettent
l'iniquité. Il en expose une autre du côté des bons par mode d'interdiction, et
il en rapporte deux: N'envie pas, et ne jalouse pas.
Or il désigne les pécheurs d'abord quant à leur intention mauvaise,
parce qu'ils font le mal: car la malice appartient au coeur; aussi dit-on de
quelqu'un qu'il est malin (malignus), comme s'il était habité par un feu
mauvais (malus
ignis), c'est-à-dire que lorsque quelqu'un commet une action avec
une intention mauvaise, on appelle cela une délibération maligne.
Puis il les désigne quant à leur exécution perverse; aussi dit-il: qui commettent
l'iniquité; mais il dit à n'importe quel juste: N'envie pas ceux qui font le mal. Selon
le Philosophe, dans son deuxième livre de l'Éthique, quatre choses se rapportent a un
même genre de passions: la miséricorde, l'envie, la jalousie et l'indignation (némêsis), et
toutes ces choses causent une tristesse à propos de ce qui échoit aux autres;
mais la miséricorde et l'envie s'appliquent à ceux auxquels échoient des biens,
tandis que les deux autres s'appliquent à ceux auxquels échoient des maux. Car
l'envie est une tristesse éprouvée à propos de la prospérité des bons, mais la
miséricorde est une tristesse éprouvée à propos du malheur des bons. Il y a
jalousie à proprement parler, lorsque quelqu'un s'afflige du bien d'autrui, non
du fait qu'il est en possession d'un bien, mais du fait que lui-même n'est pas
en possession de ce bien. L'indignation (némêsis) est une tristesse éprouvée à propos
des biens qui échoient à ceux qui en sont indignes. Mais parce qu'il parle ici
des méchants, il ne fait pas mention des deux premiers. Mais ici il faut faire
remarquer que si quelqu'un s'indigne ou envie la prospérité des méchants, il
n'est pas méprisé selon les philosophes, qui ont traité de la prospérité
civile, dans laquelle certaines choses peuvent être regardées comme grandes, si
elles sont considérées en elles-mêmes, non dans leur rapport avec les réalités
éternelles. Mais si elles sont comparées aux réalités spirituelles, puisque
aucune réalité temporelle, quelle que soit sa grandeur, ne peut être comparée
aux réalités éternelles, l'envie n'a pas de place dans de telles réalités; et
c'est pourquoi les méchants ne doivent pas être enviés pour ces biens qui leur
échoient. C'est pourquoi les théologiens observant la divine providence dans
ces biens qui échoient indistinctement aux bons comme aux méchants, à ceux qui
en sont dignes ou indignes, ne s'affligent pas quand ils adviennent à ceux qui
en sont indignes. Car ils considèrent qu'ils sont distribués selon une juste
ordonnance de Dieu, ou bien en vue de leur correction, ou bien pour leur
condamnation; et qu'ils ne sont quasi rien en comparaison des réalités futures
qui sont réservées aux bons. Et c'est pourquoi une tristesse de cette sorte est
interdite; aussi dit-il: N'envie pas, c'est-à-dire ne t'indigne pas,
contre ceux
qui font le mal, de ce qu'ils s'épanouissent: "N'envie pas
l'homme injuste, et n'imite pas ses voies."
B. Semblablement:
ne jalouse
pas ceux qui commettent l'iniquité, autrement dit: ne sois pas
triste si tu n'as pas ce que ceux-là possèdent; car des biens meilleurs te sont
réservés: "Ne jalouse point la gloire et les richesses du pécheur; car tu
ne sais pas quelle sera sa ruine."
II. 2 Parce que, comme le foin, ils sécheront en un instant.
Ici le psalmiste expose des raisons en général.
A) Et d'abord,
pourquoi il ne faut pas envier;
B) puis, pourquoi
il ne faut pas jalouser: Espère dans le Seigneur, et fais le bien.
A. Ainsi dit-il: Parce que, comme
le foin, autrement dit: il ne faut pas envier ceux qui font le mal,
parce que c'est peu de chose et transitoire. Et c'est pourquoi il dit: comme le foin,
ils sécheront en un instant. Il donne en effet un exemple à propos
des choses qui sont florissantes et fructifient, mais meurent rapidement: ainsi
en est-il de l'homme qui s'épanouit, devient vigoureux, et meurt rapidement: "Que
le matin, comme le foin, l'homme passe; que le matin il fleurisse et passe: que
le soir il tombe, il durcisse et se dessèche."
Et ces deux comparaisons sont exposées pour l'homme lui-même,
c'est-à-dire en vue d'une meilleure manifestation de sa personne.
Ou bien autrement, il y a deux choses dans l'homme qui semblent être
grandes. Il y a d'abord la beauté, lorsque les hommes semblent vivre dans les
joies: "Qu'il n'y ait aucune prairie par laquelle ne passent nos plaisirs."
Et c'est pourquoi il dit: comme le foin. Ou bien autrement encore, car
la beauté de la joie disparaît rapidement: "La gloire des impies a été
courte, et la joie de l'hypocrite comme un moment." - "Qu'ils
deviennent comme l'herbe des toits, qui, avant qu'on l'arrache, est desséchée."
- "Toute chair est de l'herbe, et toute sa gloire est comme la fleur du
champ."
Puis il y a la grandeur de la puissance séculière désignée par les
herbes légumineuses, qui croissent, et dont cependant la totalité meurt. Et
c'est pourquoi il dit: comme les herbes légumineuses. Ou bien par
foin on entend les grands, mais par herbe les petits. Donc il ne faut pas
s'indigner de leurs biens. Semblablement il ne faut pas jalouser ceux qui
commettent l'iniquité, car de plus grands biens te sont promis. Et il montre
cela lorsqu'il dit:
3 Espère
dans le Seigneur, et fais le bien: et habite la terre, et tu seras rassasié de
ses richesses.
B. Et parce que
la prospérité temporelle consiste en trois choses, c'est-à-dire dans les
richesses, les plaisirs, et les honneurs: "Tout ce qui est dans le monde
est convoitise de la chair, convoitise des yeux, orgueil de la vie", et
que la prospérité spirituelle consiste également en trois choses, le psalmiste
fait trois choses.
1) Car il
mentionne d'abord les richesses.
2) Puis les
plaisirs: 4 Mets
tes délices.
3) Enfin la
gloire: 6 Il
fera éclater ta justice comme la lumière; ce que Dieu promet à ceux
qui espèrent en lui.
1. En mentionnant
les richesses il fait trois choses.
a) Il commence
par montrer le moyen d'acquérir les richesses spirituelles.
b) Puis où il
faut les rechercher: et habite la terre.
c) Enfin il les
promet en abondance: et tu seras rassasie.
a. En traitant du
moyen d'acquérir les richesses spirituelles, il fait deux choses selon que dans
leur acquisition deux choses sont exigées:
- Car il fait connaître d'abord la fin.
- Puis l'effort pour atteindre cette fin: et fais le bien.
- Ainsi dit-il: Espère dans le Seigneur, c'est-à-dire espère
que tu acquerras les biens du Seigneur, c'est-à-dire le Seigneur lui-même: "Le
Seigneur est la part de mon héritage et de mon calice; c'est toi qui me rendras
mon héritage." - "Béni soit Dieu, le Père de Notre-Seigneur
Jésus-Christ, qui selon sa grande miséricorde, nous a régénérés pour une vive
espérance, par la résurrection de Jésus-Christ d'entre les morts, pour un
héritage incorruptible, qui n'est pas souillé, qui ne peut se flétrir, réservé
dans les cieux pour vous, qui par la vertu de Dieu êtes gardés au moyen de la
foi pour le salut qui doit être révélé à la fin des temps." Et telle est
la fin intentionnelle. Ou bien: Espère dans le Seigneur, c'est-à-dire en Dieu,
à savoir dans le secours du Seigneur: "Vous qui craignez Dieu, espérez en
lui, et sa miséricorde vous viendra en joie."
- Ensuite il dit qu'il fait des efforts pour atteindre cette fin en faisant
le bien; et c'est pourquoi il ajoute: et fais le bien, c'est-à-dire toutes les
oeuvres vertueuses: "Détourne-toi du mal et fais le bien."
b. Puis lorsqu'il
dit: et
habite la terre, il montre où ces richesses doivent être
recherchées. Cela ne peut s'entendre de la terre matérielle, parce que les
hommes injustes l'habitent également; mais on explique cela en l'appliquant à
quatre sortes de terre: et d'abord à la terre des vivants, qui est une terre de
gloire: "Je crois que je verrai les biens du Seigneur dans la terre des
vivants", que tu habites par désir: "Notre cité est dans les cieux."
Il s'agit aussi de la terre de ton âme: "Mais ce qui tombe dans la bonne
terre, ce sont ceux qui écoutent la parole, la conservent dans un coeur bon et
excellent, et portent du fruit par la patience", et tu habites toujours
celle-ci en revenant à la conscience: "Entrant dans ma maison, je me
reposerai avec elle." La troisième terre est l'Église militante: "Tu
as visité la terre, et tu l'as enivrée: Tu as multiplié ses richesses", et
tu habites celle-ci par la confession de la foi, en ne t'éloignant pas de
l'Église. La quatrième terre est celle de ta propre chair: "Elle te
produira des épines et des chardons", et tu habites celle-ci en extirpant
les vices et en y semant les vertus.
c. Le psalmiste
poursuit et montre que ces richesses sont accordées en abondance, lorsqu'il dit:
et tu seras
rassasié de ses richesses, soit de la Patrie céleste, soit de
l'Église, soit des manifestations de joie, soit de l'abstinence de la chair. La
version iuxta
Hebraeos de Jérôme lit: "Pereginare in terra, et pascere fide (Voyage
sur la terre, et nourris-toi de la foi)", c'est-à-dire sois comme un
pèlerin en ne songeant pas aux choses terrestres, "et nourris-toi de la
foi", en possédant les biens invisibles par la foi.
2. Ensuite il est
question du plaisir spirituel, qui est promis, lorsqu'il dit:
4 Mets
tes délices dans le Seigneur, et il t'accordera les demandes de ton coeur. 5
Révèle au
Seigneur ta voie, espère en lui, et lui fera.
Et à ce propos il fait deux choses, selon qu'ici la joie qui procède
des délices consiste en deux choses: dans l'obtention du désir, et dans
l'accomplissement de l'intention: Révèle au Seigneur ta voie.
a. Il dit donc au
sujet de l'obtention du désir: Mets tes délices dans le Seigneur, et il t'accordera les
demandes de ton coeur. - "Un désir, s'il s'accomplit, réjouit
l'âme." Si tu adhères à Dieu, le désir s'accomplit, car Dieu n'est pas
l'auteur de l'injustice; c'est pourquoi il expose d'abord le fondement d'un juste
désir, à savoir que l'homme mette ses délices en Dieu par amour; aussi dit-il: Mets tes délices
dans le Seigneur, c'est-à-dire que tout ton amour soit en Dieu: "Réjouissez-vous
toujours dans le Seigneur." En grec on lit: "Katatruphêson toû Kuriou (deliciare)",
c'est-à-dire "mets ta sensualité dans le Seigneur", autrement dit: Ne
te contente pas des choses nécessaires au salut, mais recherche une
surabondance de choses exquises, à la manière dont les hommes sensuels ne se
contentent pas des nourritures ordinaires: "Alors tu abonderas en délices
dans le Tout-Puissant." Et alors, il accordera les demandes de ton coeur, non
celles de ta chair: car les demandes du coeur, selon Origène, sont celles que
le coeur désire: selon lui, si à la faveur de la parole, l'oeil pouvait
demander, il désirerait les belles couleurs; l'oreille, quant à elle, les sons
agréables: ainsi l'objet du coeur, lorsqu'il est question de vérité et de
justice, est-il désiré par lui. Et il t'accordera ces choses, dit-il: "Demandez,
et il vous sera donne." Ou bien, du coeur, dit-il, c'est-à-dire que
lorsqu'elles émaneront du coeur, Dieu les exaucera, avant qu'il ne crie: "Et
il arrivera qu'avant qu'ils crient, moi je les exaucerai."
b. À propos de la
seconde chose, c'est-à-dire de l'accomplissement de l'intention, il dit: Révèle au
Seigneur ta voie. Car lorsque l'intention de quelqu'un se réalise,
alors il se réjouit. Pour cet accomplissement deux choses sont a priori nécessaires:
- D'abord, qu'il recoure à Dieu.
- Puis, qu'il mette sa confiance en lui: et c'est alors qu'enfin
l'intention se réalise.
- Ainsi dit-il: Révèle au Seigneur ta voie, c'est-à-dire ton
intention, quant à la première chose. Mais Dieu n'en a-t-il pas connaissance,
lui qui connaît les pensées des hommes ? Le psalmiste s'exprime au moyen d'une
comparaison: Révèle
au Seigneur ta voie, c'est-à-dire recours à lui pour
l'accomplissement de ton intention; et cela dans la prière: "Je t'ai
exposé mes voies, et tu m'as exaucé; enseigne-moi tes justifications." Car
n'importe quelle affaire doit toujours commencer par la prière, comme le dit
aussi Platon, et comme le faisait Scipion.
- Mais à ta demande tu ajouteras l'espérance; et c'est pourquoi il dit:
espère en
lui, en parlant de la seconde chose, c'est-à-dire de sa confiance en
lui. Et alors enfin ta demande sera réalisée. Et c'est ce qu'il ajoute: et lui fera, c'est-à-dire
accomplira tes voies.
Ou d'une autre manière: Révèle au Seigneur ta voie, c'est-à-dire tes
péchés: "J'exposerai mes voies en sa présence. Et lui-même sera mon
sauveur." Et c'est pourquoi il dit bien: espère en lui, c'est-à-dire le
pardon des péchés, et lui fera, c'est-à-dire remettra tes péchés.
3. Enfin ce qu'il
promet, c'est la gloire, lorsqu'il dit:
6 Il
fera éclater ta justice comme la lumière, et ton jugement comme le milieu du
jour. 7a Sois soumis au Seigneur, et prie-le.
a) Ici le
psalmiste promet d'abord la gloire.
b) Puis il montre
comment on parvient à celle-ci: Sois soumis au Seigneur.
a. En promettant
la gloire il fait deux choses.
- Car il commence par promettre la gloire qu'il obtient.
- Puis il montre le moyen de l'obtenir: et ton jugement.
- Ainsi dit-il: Et il fera éclater ta justice comme la lumière. Les
saints cachent sa justice: "Prenez garde à ne pas faire votre justice
devant les hommes, pour être vus d'eux." Mais "il n'est rien de caché
qui ne se révèle, ni de secret qui ne se sache." Aussi Dieu révèle-t-il,
soit ici-bas, soit dans la vie future; et c'est pourquoi il dit: fera éclater, c'est-à-dire
fera sortir au-dehors: "Il a scruté les profondeurs des fleuves, et il a
produit à la lumière des choses cachées." Selon Origène, c'est comme si
quelqu'un ayant un fidèle serviteur, qu'il a l'intention d'affranchir, se
glorifie en lui: "Mon serviteur, c'est toi, Israël, parce qu'en toi je me
glorifierai."
- Et cela aura lieu au jugement; d'ou ce qui suit: et ton jugement comme le milieu du jour, c'est-à-dire
que le jugement où tu seras jugé ne contiendra pas de ténèbres. Or deux choses
sont requises pour celui qui veut parvenir à la gloire qui est promise.
b. La première,
c'est l'humilité: "Celui qui aura été humilié sera dans la gloire; et
celui qui aura baissé les yeux, celui-là même sera sauvé."
Aussi dit-il: Sois soumis au Seigneur. - "Il est juste
d'être soumis à Dieu et qu'un mortel ne se croie pas égal à Dieu."
La seconde, c'est la prière par laquelle on parvient à Dieu, qui est la
gloire de notre béatitude; et c'est pourquoi il ajoute: et prie-le. - "La prière du
juste peut beaucoup."
7b N'envie
pas celui qui prospère dans sa voie, l'homme qui commet des injustices.
III. Plus haut le psalmiste a donné deux raisons
pour lesquelles il ne faut ni envier, ni jalouser les pécheurs: et la première
raison était du côté des pécheurs, dont la félicité est brève; tandis que
l'autre raison est du côté des bons, parce que les promesses leur sont
meilleures; mais ici le psalmiste les explique en détail.
A) Et il dit
d'abord ce qui résulte de la première raison.
B) Puis ce qui
résulte de l'excellence des justes; cependant les deux points se confondent ici:
16 Mieux vaut
au juste un bien modique, que les grandes richesses des pécheurs.
A. En disant ce
qui résulte de la première raison, c'est-à-dire du côté des pécheurs, le
psalmiste fait deux choses.
1) Il commence
par réitérer sa sentence et il fait connaître la raison qu'il a l'intention de
justifier.
2) Puis il
justifie cette raison: Renonce à la colère et laisse la fureur.
1. Ainsi dit-il: N'envie pas
celui. Il répète ici la sentence qu'il a exposée plus haut, et il
explicite ce qu'il avait dit: N'envie pas ceux qui font le mal. Or quelqu'un
pourrait se demander pourquoi il interdit chez eux le fait de devoir envier. Je
réponds que la prospérité temporelle est la raison; et c'est pourquoi il dit: N'envie pas, c'est-à-dire
ne t'indigne pas contre celui qui prospère dans sa voie, l'homme qui commet des
injustices. Ce qui peut se comprendre conjointement de la manière
suivante: N'envie
pas, etc., autrement dit: celui qui commet l'injustice
prospère, [et] même les justes s'en émeuvent: "J'ai porté envie aux [hommes]
iniques, voyant la paix des pécheurs." Semblablement cela peut se lire
séparément: et ainsi il y a deux raisons pour lesquelles il s'indigne contre
eux. La première, parce que toutes choses prospèrent pour eux à souhait; et
c'est pourquoi il dit: celui qui prospère, c'est-à-dire si tu vois
que ceux-ci prospèrent: "La prospérité des insensés les perdra." De
même, si tu vois qu'ils l'emportent sur les justes, ne t'indigne pas. Ainsi
disait Baruch: "Prends courage, peuple de Dieu, souvenir d'Israël [...]
Ils périront les méchants qui t'ont tourmenté; et ceux qui se sont félicités de
ta ruine seront punis." Et c'est pourquoi il dit: et l'homme qui commet des injustices.
8 Renonce
à la colère et laisse la fureur: n'envie pas [les méchants] pour faire le mal. 9
Parce que
ceux qui font le mal seront exterminés; mais ceux qui attendent avec constance
le Seigneur, ceux-là mêmes hériteront de la terre.
2. Ensuite
lorsqu'il dit: Renonce,
il justifie la raison de l'avertissement précité, et celle-ci est
double.
a) La première
est du côté de celui à qui s'adresse l'avertissement.
b) L'autre est du
côté des pécheurs: 10 Encore un peu de temps.
a. En parlant de
la première raison, il fait deux choses.
· Car il montre d'abord le péril présent, s'il n'acquiesce pas à l'avertissement.
· Puis le péril futur: n'envie pas [les méchants] pour faire le mal.
· En traitant du premier péril il expose: d'abord le péril lié à la
faute; puis celui qui est lié au châtiment: Parce que ceux qui font le mal.
À propos du péril lié à la faute il fait deux choses. Car il commence
par exposer la faute de ceux qui pèchent; puis la récompense de ceux qui
attendent avec constance le Seigneur: mais ceux qui attendent avec constance le Seigneur.
Ainsi dit-il: Renonce à la colère. Tel est le péril
présent, car l'indignation est de la colère, et la colère elle-même est un mal:
"Que toute amertume, toute colère, toute indignation, toute clameur et
toute calomnie soit bannie de vous, avec toute malice." Et c'est pourquoi
il dit: Renonce
à la colère. - "La colère de l'homme n'opère point la justice
de Dieu." La colère et la fureur sont une même chose, mais elles se
différencient entre elles selon qu'elles se manifestent avec plus ou moins de
force, car la fureur n'est rien d'autre que la colère enflammée: "Le choc
impétueux d'un emporté, qui pourra le soutenir ?" Donc, renonce à la
colère, dans le coeur, et laisse la fureur, c'est-à-dire ne la mets
pas en oeuvre.
· N'envie
pas [les méchants] pour faire le mal. Tel est le péril futur lié à
la faute. Car lorsque quelqu'un s'indigne à cause de la prospérité des autres,
il s'écarte quelquefois de la justice; et c'est pourquoi il dit: N'envie pas [les
méchants] pour faire le mal, c'est-à-dire de peur que peut-être ce
sentiment ne t'amène à commettre une injustice: "Vain est celui qui sert
Dieu: et quel a été notre avantage pour avoir gardé ses préceptes ?"
Parce que ceux qui
font le mal. Tel est le péril
futur lié au châtiment. Remarquez que tous les pécheurs font le mal. Car
lorsque quelqu'un pèche, ou par faiblesse, ou par ignorance, il ne fait pas le
mal: mais lorsque quelqu'un pèche par choix, alors il fait le mal. Les premiers
se corrigent facilement, mais les derniers difficilement: "Les pervers
difficilement se corrigent." Et c'est pourquoi il dit: seront
exterminés, c'est-à-dire seront établis en dehors des frontières, à
savoir de la justice et du bien: "Il le chassera de la lumière dans les
ténèbres, et il le transportera hors de l'univers." Ainsi seront
exterminés ceux qui font le mal.
mais ceux qui attendent
le Seigneur, c'est-à-dire
ceux qui ne s'indignent pas de telle sorte qu'ils font le mal, mais qui
l'attendent dans le futur, ceux-là mêmes hériteront de la terre, c'est-à-dire
des vivants, car ils la posséderont par droit héréditaire, comme des héritiers:
"Si nous sommes enfants, nous sommes aussi héritiers; héritiers de Dieu et
cohéritiers du Christ, pourvu cependant que nous souffrions avec lui, afin
d'être glorifiés avec lui." Et cette patrie céleste est appelée terre en
raison de sa stabilité: "La terre pour toujours reste debout." Et
comme le dit Augustin, de même que notre terre se tourne vers le ciel, ainsi la
vie supérieure des bienheureux se tourne plus haut vers le ciel, c'est-à-dire
vers Dieu, par qui elle est illuminée et fécondée: "La cité n'a pas besoin
du soleil ni de la lune pour l'éclairer, parce que l'éclat glorieux de Dieu
l'éclaire, et que sa lampe est l'Agneau."
10 Encore
un peu de temps, et le pécheur ne sera plus: et tu chercheras son lieu, et tu
ne le trouveras pas.
b. Ensuite
lorsqu'il dit: Encore
un peu de temps, il donne la raison de son avertissement du côté des
méchants: et à ce propos il fait deux choses.
Car il avait dit: N'envie pas celui qui prospère dans sa voie, l'homme qui
commet des injustices.
- Il donne donc d'abord la raison pour laquelle il ne faut pas envier
leur prospérité.
- Puis la raison pour laquelle il ne faut pas envier leur injustice: Le pécheur
observera le juste.
- En traitant le premier point il fait deux choses.
· Car il commence par faire connaître le péril imminent des méchants.
· Puis le fruit des justes: Mais les hommes doux hériteront de la terre, car
un contraire se fait mieux connaître par ses contraires.
· En parlant du péril imminent des méchants il fait deux choses.
Car il prédit d'abord leur destruction proprement dite.
Puis celle de leur lieu: et tu chercheras.
Ainsi dit-il en parlant d'eux-mêmes: Encore un peu de temps, et le pécheur ne
sera plus.
Mais s'il ne sera plus, il ne souffrira donc pas des châtiments
éternels.
Je réponds à cette objection en disant qu'il ne sera pas dans la gloire
dans laquelle il est à présent, mais en enfer: "Celui qui descend dans les
enfers ne montera pas. Il ne reviendra plus dans sa maison, et son lieu ne le
connaîtra plus", car il est une très petite chose.
Il arrive cependant que les pécheurs soient renversés en peu de temps: "La
vie de toute-puissance est courte." Mais même si durant tout le temps de
leur vie ils sont dans la prospérité, ce temps comparé à l'éternité n'est
encore rien et une très petite chose: "Encore un peu de temps, et moi
j'ébranlerai ensemble le ciel et la terre."
Mais quant au lieu il dit: et tu chercheras son lieu, et tu ne le trouveras pas.
Ce lieu peut être expliqué de trois manières.
En effet ce mot lieu peut d'abord signifier l'opportunité: car
on dit de quelqu'un, lorsqu'il possède un lieu, qu'il a une opportunité. Or le
pécheur a son lieu en ce monde: car il est au moins opportun pour l'ascèse des
justes. Mais lorsque cette ascèse cessera, alors il n'aura pas de lieu; et
c'est pourquoi il sera enlevé par les justes.
Puis, parfois quelqu'un ne cesse pas de pécher, et cependant son lieu
demeure. Mais finalement son lieu aussi ne restera pas, et ne sera pas trouvé.
Où est à présent le roi des Assyriens ? Où est Néron ? Et finalement tous les
royaumes de ce monde seront anéantis: "La fin suivra, lorsqu'il aura remis
le royaume à Dieu et au Père: qu'il aura anéanti toute principauté, toute
puissance."
Enfin, selon Origène, le lieu du pécheur c'est ce sur quoi il se
repose, là où se trouvent les réalités temporelles et terrestres: donc son lieu
est ce monde. Mais celui-ci passera: "Le ciel et la terre passeront; mais
mes paroles ne passeront point." Et c'est pourquoi si nous établissons
notre lieu en elle, ce lieu ne passera pas.
11 Mais
les hommes doux hériteront de la terre; et ils jouiront d'une abondance de
paix.
· Ensuite lorsqu'il dit: les hommes doux, il expose le fruit des
justes. Or celui-ci est double.
C'est pourquoi il expose d'abord le fruit des richesses.
Puis le fruit des jouissances: et ils jouiront.
C'est en effet cela que les hommes désirent en ce monde, et l'un et
l'autre bien est promis aux justes.
Ainsi dit-il: "Les hommes doux hériteront de la terre". Par
hommes doux il signifie les justes qui gardent leur coeur dans la pureté. Et
parce qu'il n'est rien qui mette à ce point l'homme hors de lui que la colère,
et que la mansuétude la tempère, c'est pourquoi il appelle les justes des
hommes doux. La version iuxta Hebraeos de Jérôme lit: "Mites (Doux)."
- "Bienheureux ceux qui sont doux, parce qu'ils posséderont la
terre", c'est-à-dire que la terre des vivants leur sera donnée en
possession. Augustin dit contre Valentin que le Christ n'a rien reçu de
l'Ancien Testament quant aux promesses; ce que Matthieu manifeste clairement.
En effet, dans l'Ancien Testament, on ne promettait que des biens temporels et
terrestres. Tel est le sens littéral. Les hommes doux cependant habitent cette
terre, parce que ceux-là se souillent qui souillent les autres. Mais les hommes
doux ne souillent personne. Ils ne doivent donc pas à juste titre être souillés
par les autres. Mais cependant ils hériteront spécialement de cette terre des
vivants, comme on l'a déjà dit.
Puis sont exposées leurs jouissances: "Et ils jouiront d'une
abondance de paix". Car cette paix est très délectable. Et il dit: "D'une
abondance", parce que là règne une paix considérable; tandis qu'ici-bas
ont lieu des guerres. C'est en effet quelque chose qui a lieu chez les hommes,
tandis que là cela n'aura pas lieu, puisque tous seront pacifiés dans l'unité: "Mon
peuple se reposera dans la beauté de la paix, dans des tentes de confiance, et
dans un repos opulent." Semblablement ici-bas il y a la guerre contre la
chair qui convoite contre l'esprit: "La chair convoite contre l'esprit, et
l'esprit contre la chair: en effet, ils sont opposés l'un à l'autre, de sorte
que vous ne faites pas tout ce que vous voulez." Mais alors ils auront la
paix entre eux: "Tu sauras que ta tente a la paix." De même la
volonté est divisée contre elle-même par ses désirs divers; mais là elle ne
sera pas divisée, mais unie dans le Seigneur: "C'est dans la paix qu'a été
fait son lieu: et son habitation dans Sion." Semblablement ici-bas il y a
la guerre contre Dieu à cause des péchés: "Tes péchés ou tes iniquités ont
mis une séparation entre toi et ton Dieu"; mais là tous auront la paix
avec lui: "Réconcilie-toi avec lui, et fais la paix; et par là tu auras
des fruits excellents."
12 Le
pécheur observera le juste, et grincera des dents contre lui.
- Le psalmiste a exposé plus haut une première raison pour laquelle les
hommes de Dieu ne doivent pas s'indigner contre le pécheur, à savoir parce que
sa prospérité n'est pas stable; ici il en expose une autre, à savoir parce que
les pécheurs ne peuvent pas nuire aux justes: et à cet égard il fait deux
choses.
a) Car il fait
d'abord connaître leur malice, celle qu'ils méditent dans leur coeur contre les
justes.
b) Puis leur
tentative extérieure: Les pécheurs ont tiré le glaive.
a. En traitant du
premier point il fait deux choses, en tant que leur malice intérieure est
double.
· Car il montre d'abord que les méchants tendent des embûches aux bons.
· Puis, qu'ils s'agitent contre eux: et [il] grincera.
· Ainsi dit-il: Le pécheur observera le juste, pour
voir si éventuellement il peut faire quelque chose contre lui: "Il arriva
que, comme Jésus était entré un jour de sabbat dans la maison d'un chef des
pharisiens pour y manger du pain, ceux-ci l'observaient." Ainsi les
pécheurs observent les bons en leur tendant des embûches, et en pervertissant
leur saint zèle. Car ils tendent des embûches à l'Église en changeant le bien
en mal, etc. Mais contre cette attitude il est dit: "Ne dresse pas
d'embûches, et ne cherche pas l'impiété dans la maison du juste, et ne détruis
pas son repos."
· Puis ils s'agitent contre le juste. Car ils disent: "Sa vue nous
est même à charge, parce que sa vie ne ressemble pas à la vie des autres et que
ses voies ont été changées." C'est pourquoi il dit: il grincera des
dents contre lui, c'est-à-dire les pécheurs se mettront en colère.
Il parle à la manière des méchants: "Le pécheur verra, et il sera irrité,
il grincera des dents, et se consumera; le désir des pécheurs périra." - "Ils
grinçaient des dents contre [Étienne]."
13 Mais
le Seigneur se rira de lui, parce qu'il voit que viendra son jour.
Ensuite lorsque le psalmiste dit: Mais le Seigneur se rira, il montre que leur
malice n'a pas l'effet attendu, car ils sont raillés par Dieu: et à ce propos
il fait deux choses.
· Car il expose d'abord sa raillerie.
· Puis sa justification: parce qu'il voit.
· Ainsi dit-il: le Seigneur se rira de lui, c'est-à-dire le
rend ou le considère digne d'être raillé.
· Et sa justification vient de ce que le Seigneur le voit s'appliquer à
de grandes choses, alors qu'il sait qu'il doit bientôt mourir; et c'est
pourquoi il ajoute: parce qu'Il voit que viendra son jour, c'est-à-dire
avec évidence; et c'est pour lui un jour de redevance, c'est-à-dire de
condamnation: "Vous reconnaîtrez que [...] le méchant est réservé pour le
jour de perdition, et qu'il sera conduit jusqu'au jour de la fureur."
C'est à ce jour qu'il fait allusion ici. Vous ne devez pas vous soulever contre
eux, dit le psalmiste, parce qu'ils ne peuvent pas l'emporter contre vous.
14 Les
pécheurs ont tiré le glaive: ils ont tendu leur arc, afin de tromper le pauvre
et l'homme sans ressources, afin de tuer les [hommes] droits de coeur. 15 Que leur glaive
entre dans leur propre coeur, et que leur arc soit brisé.
b. Puis lorsqu'il
dit: Les
pécheurs ont tiré le glaive, il ajoute la tentative
extérieure des méchants: et à ce propos il fait trois choses.
- Car il montre d'abord leur tentative.
- Puis leur dessein attendu: afin de tromper.
- Enfin le résultat de cette tentative: Que leur glaive.
- En montrant d'abord leur tentative il fait deux choses, en tant que
leur tentative contre les bons est double.
· Car il montre d'abord leur tentative par une persécution ouverte.
· Puis par une manoeuvre fourbe: ils ont tendu
leur arc.
· En parlant de leur tentative par une persécution ouverte il dit donc:
Les pécheurs
ont tiré le glaive. Par glaive on entend toute persécution ouverte en
acte: "Seigneur, si nous frappions du glaive." Le glaive est aussi
appelé persécution en parole: "Les fils des hommes, leurs dents sont des
armes et des flèches, et leur langue un glaive acéré." Et ce glaive est le
glaive du diable qui tue des multitudes par la langue de l'homme. Mais ce
glaive est dans son fourreau, aussi longtemps que la parole est dans le coeur;
mais quand elle est proférée, il est comme déjà dégainé. Il faut donc faire
attention d'abord à ce que nous ne l'ayons pas. Puis, dans la mesure où il se
trouverait en notre possession, à ce que nous ne le dégainions pas. Car s'il
est conservé dans la gaine, il commence par contracter la rouille, enfin finit
par se détruire, et la haine se refroidit tout comme la volonté d'injurier.
· En parlant de leur manoeuvre fourbe il dit: ils ont tendu
leur arc. L'arc
frappe de loin, et celui qui tire avec lui n'est pas vu comme celui qui frappe
avec un glaive: et c'est pourquoi l'arc signifie la persécution fourbe.
- Ensuite il montre ce qu'ils se proposent d'accomplir, lorsqu'il dit: afin de tromper.
À cet égard il fait deux choses selon qu'ils ont une double
intention.
· Car ils ont d'abord l'intention de tromper.
· Puis de tuer: afin de tuer.
· Ainsi dit-il: afin de tromper le pauvre et l'homme sans ressources. Tromper
se fait par un acte fourbe: "Lui-même connaît et celui qui trompe et celui
qui est trompé." Mais il ajoute: le pauvre et l'homme sans ressources. Le
pauvre est celui qui a peu; l'homme sans ressources est celui qui est privé de
moyens. Ou bien selon la Glose: le pauvre est celui qui ne se suffit
pas à lui-même; mais l'homme sans ressources est celui qui n'est pas soutenu
par les moyens d'autrui. Et il dit cela, parce que ces derniers ne trouvent
personne pour subvenir à leurs nécessités.
· Le meurtre est signifié par le glaive, soit au sens matériel, soit au
sens spirituel: "Ils sont morts frappés par le glaive."
- Mais le résultat de leur tentative est qu'il se retourne contre leur
tête.
· Et il montre d'abord cela quant au glaive,
en disant: Que
leur glaive entre dans leur propre coeur, etc. Toi, tu tires le glaive contre
autrui, et tu ne le frappes pas avec force, parce que tu ne peux lui nuire avec
violence; cependant au sens spirituel, toi tu en es frappé: "Eux aussi à
leur propre sang dressent des embûches, et machinent des fraudes contre leurs
propres âmes."
· Puis il montre cela quant à l'arc; c'est pourquoi il dit: et que leur arc
soit brisé. - "Là il a brisé la puissance des arcs, le
bouclier, le glaive et la guerre." Et cela aura lieu lorsque sera anéantie
leur fourberie, afin qu'ils ne puissent accomplir ce qu'ils ont commencé: C'est
Dieu "qui dissipe les pensées des méchants, afin que leurs mains ne
puissent accomplir ce qu'elles avaient commencé".
16 Mieux
vaut au juste un bien modique, que les grandes richesses des pécheurs.
B. Plus haut le
psalmiste donne la raison pour laquelle nous ne devons pas envier les méchants
et leur prospérité, raison fondée sur leur renversement; mais ici il donne une
raison fondée sur la conduite des justes.
1) Et il montre
d'abord leur dignité.
2) Puis il ajoute
une exhortation à suivre la justice: 34 Attends-le Seigneur, etc.
1. En montrant la
dignité des justes il fait deux choses.
a) Il commence
par faire connaître son intention.
b) Puis il
manifeste ce qu'il a fait connaître: 18 Le Seigneur connaît.
a. Ainsi dit-il: Mieux vaut au
juste, etc. Son intention est de prouver que les biens
des justes l'emportent sur les biens des pécheurs. Et ainsi, possédant moins,
ils ne jalousent pas ceux qui possèdent davantage; c'est pourquoi: Mieux, etc., autrement
dit: il arrive au juste de posséder peu et au pécheur d'avoir assez.
Mais que signifie le mot mieux ?
Il répond qu'il vaut mieux que les justes aient peu: "Mieux vaut
peu avec la justice que beaucoup de fruits avec l'iniquité."
La justification de ceci est due au fait que les justes ont
l'intelligence du bien, en ce sens qu'ils possèdent seulement les biens qui
sont utiles à la fin et non en vue d'une autre chose. Car ils ne sont bons que
dans la mesure où ils sont utiles; or quand ils commencent à être nuisibles,
ils ne sont plus bons. Ainsi en est-il de la médecine, si tu la prends plus
qu'elle n'est nécessaire à la santé, alors elle n'est pas bonne. Ainsi les
biens du monde ne sont bons que dans la mesure où ils servent matériellement à
la vertu. Donc quand tu possèdes seulement des biens qui suffisent à la vertu,
ils sont bons; mais s'ils détournent de la vertu, ils sont mauvais: et c'est
pourquoi il vaut mieux avoir peu de ces biens avec la justice, parce que c'est
bon, qu'une multitude avec l'injustice, car cette possession est alors
mauvaise. Et on doit comprendre cela également à propos de toutes les autres
richesses spirituelles, c'est-à-dire qu'il vaut mieux avoir peu de sagesse avec
la justice; et il en est de même pour les autres richesses spirituelles.
17 Parce
que les bras des impies seront brisés; mais le Seigneur affermit les justes.
Ensuite lorsqu'il dit: Parce que, il prouve que c'est mieux. Il y a à
cela une triple raison.
- D'abord du côté de la longueur du temps.
- Puis de l'utilité: 21 Le pécheur empruntera.
- Enfin de la vertu: 30 La bouche du juste.
- En parlant de la longueur du temps il fait deux choses. Car il
commence par exposer l'écrasement des méchants. Puis la fermeté des bons.
Ainsi dit-il: Parce que les bras des impies, autrement
dit: la modicité des biens des justes est meilleure que la multitude des biens
des impies, car ils sont stables, tandis que les leurs ne le sont pas. Et tel
est ce qu'il dit: Parce que les bras. Les noms des membres corporels
désignent les puissances. Donc par le nom du bras est signifié la puissance
efficace de l'homme: c'est pourquoi le psalmiste dit: les bras des impies seront brisés, c'est-à-dire
leur puissance efficace sera détruite: "La lumière des impies leur sera
ôtée, et leur bras élevé sera brisé." Mais ce bras sera brisé parfois par
Dieu, parfois par le diable, parfois simultanément par l'un et par l'autre. Il
sera brisé par Dieu, lorsque l'impie a l'intention de nuire aux justes, et il
sera empêché dans son dessein: "Il dissipe les pensées des méchants, afin
que leurs mains ne puissent accomplir ce qu'elles avaient commencé." Mais
par le diable, lorsque l'homme se propose de faire le bien, et en est empêché
par Satan: "Nous avons voulu venir vers vous, mais Satan nous en a
empêchés", comme lorsque quelqu'un se propose de faire l'aumône et en est
détourné par la cupidité. Mais simultanément par l'un et par l'autre: par Dieu,
indubitablement, dans le but d'éprouver par son autorité, mais par le diable
dans l'exécution, comme on le voit dans le livre de Job.
Puis lorsqu'il ajoute: mais [il] affermit, il montre que les justes durent
longtemps, sont fermes et stables. Ainsi dit-il: mais le Seigneur affermit les justes. Bien
que la justice soit une puissance et une fermeté de l'âme, elle ne se trouve
cependant pas naturellement dans l'homme; aussi est-il écrit: "Que nulle
chair ne se glorifie en sa présence. Et c'est par lui que vous êtes dans le
Christ Jésus, que Dieu a fait notre sagesse, notre justice, notre
sanctification et notre rédemption; afin, comme il est écrit, que celui qui se
glorifie, se glorifie dans le Seigneur." Car l'homme en soi est devenu
infirme: "Aie pitié de moi, ô Dieu, parce que je suis infirme." Et
c'est pourquoi il a besoin d'être conforté par quelqu'un, surtout par Dieu,
parce qu'il est précisément affermi, parfois dans les réalités temporelles,
dans la mesure où cela est utile au juste pour son salut; mais toujours dans
les réalités spirituelles, et cela par la grâce intérieure. Semblablement par
de bonnes paroles. Pareillement par de bons exemples.
À propos de la grâce il est écrit: "Je désire vous voir pour vous
communiquer quelque chose de la grâce spirituelle, afin de vous affermir."
- "Que Notre Seigneur Jésus-Christ lui-même, et que notre Dieu et Père,
qui nous a aimés et nous a donné une consolation éternelle et une bonne
espérance par sa grâce, ranime vos coeurs et vous affermisse en toute bonne
oeuvre et toute bonne doctrine." - "Rends-moi la joie de ton salut,
et par ton esprit souverain confirme-moi."
À propos des paroles il est écrit: "Mon âme s'est assoupie d'ennui;
affermis-moi par tes paroles." - "Judas et Silas, comme ils étaient
aussi prophètes, par de nombreux discours, consolèrent et affermirent les
frères."
À propos des bons exemples il est écrit: "Quand
tu seras converti, affermis tes frères." - "Le Christ a souffert pour
nous, vous laissant un exemple, afin que vous suiviez ses traces; lui qui n'a
pas commis de péché, et en la bouche de qui n'a pas été la tromperie; etc."
Et c'est pourquoi l'Apôtre écrit plus loin: "Le Dieu de toute grâce, qui
nous a appelés par le Christ Jésus à son éternelle gloire, après que vous aurez
souffert un peu de temps, vous perfectionnera lui-même, vous fortifiera et vous
affermira." Le juste est affermi par l'exemple de la croix, au sujet de
laquelle Augustin écrit dans ses Enar-rationes sur ce psaume: "Car la
croix a cessé d'être un supplice, mais sa gloire demeure: du lieu des supplices
elle a passé sur le front des empereurs. Cependant celui qui a donné de
l'honneur à ses supplices, que réservera-t-il à ses serviteurs ?"
18 Le
Seigneur connaît les jours des [hommes] sans tache, et leur héritage sera éternel.
b. Ensuite
lorsqu'il dit:
Le Seigneur connaît, il manifeste ce qu'il a fait connaître.
Et il parle d'abord de la stabilité des justes. Puis de l'écrasement
des injustes: 20 Parce
que les pécheurs périront.
Or les justes sont affermis par Dieu de deux manières: car leurs biens
sont d'abord rendus stables; puis ils sont protégés contre les méchants: 19 Ils ne seront
point confondus. Mais le bien ultime est double: et dans l'un comme
dans l'autre bien les justes trouvent leur stabilité. En parlant du premier
bien il dit: Le
Seigneur connaît. En parlant du second il dit: et leur héritage.
Ainsi dit-il: Le Seigneur connaît. "Tout est à nu et à
découvert aux yeux de celui dont nous parlons." Mais principalement parce
que l'homme sans tache lui a été associé et lui est devenu familier: "Le
Seigneur connaît ceux qui sont à lui", et ceux qu'il approuve: et c'est
dans ce sens qu'il est dit ici: Le Seigneur connaît, c'est-à-dire approuve, les jours des
[hommes] sans
tache.
Mais il est écrit dans le livre de Job: "Qu'est-ce qu'un homme,
pour qu'il soit sans tache, et paraisse juste, étant né d'une femme ?"
Je réponds à cette objection en disant qu'il est vrai que personne
n'est naturellement sans tache, si par tache on entend le péché mortel; mais
cependant par la grâce, il l'est. En revanche si par tache on entend le péché
originel, alors personne n'est sans tache.
les jours peuvent se comprendre de trois manières.
Car il s'agit d'abord des jours de la vie présente; et bien qu'ils
soient communs aux bons et aux mauvais, cependant ceux-ci sont bien utilisés
par ces bons: "Abraham mourut dans une heureuse vieillesse, étant d'un âge
fort avancé, et plein de jours." Mais les impies utilisent mal ces jours: "Les
hommes de sang et trompeurs n'arriveront pas à la moitié de leurs jours."
Et parce que les jours des justes sont remplis, ils sont approuvés, tandis que
les jours des méchants seront réduits de moitié, et c'est pourquoi ils ne
seront pas approuvés. Semblablement ces jours sont aussi mauvais et peu
nombreux, mais Dieu les connaît. D'autres jours sont les oeuvres vertueuses: "Comme
durant le jour, marchons honnêtement", et ces jours sont approuvés par
Dieu. D'autres sont les jours de l'éternité et de la justice: et ceux-ci sont
les jours des justes, mais sont connus de Dieu seul: "L'oeil n'a pas vu, ô
Dieu, toi excepté, ce que tu as préparé à ceux qui t'attendent."
Il montre le bien final lorsqu'il dit: et leur héritage sera éternel. On
appelle héritage ce en quoi quelqu'un trouve un appui et une fin. Les justes
auront leur fin dans le bien éternel: "Le Seigneur est la part de mon
héritage, et de ma coupe." - "Mon partage est le Seigneur, a dit mon
âme; à cause de cela je l'attendrai." Et c'est pourquoi leur héritage ne
peut disparaître. Mais les impies mettent leur fin dans les choses mondaines: "Laissons
partout des marques de réjouissance, parce que c'est là notre partage et notre
sort"; et c'est pourquoi leur héritage ne demeure pas. Et il est écrit à
leur sujet: "Béni soit Dieu, le Père de Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui
selon sa grande miséricorde, nous a régénérés pour une vive espérance, par la
résurrection de Jésus-Christ d'entre les morts, pour un héritage incorruptible,
qui n'est pas souillé, qui ne peut se flétrir, réservé dans les cieux pour
vous."
19 Ils
ne seront point confondus au temps mauvais, et dans les jours de famine, ils
seront rassasiés. 20 Parce que les pécheurs périront, mais les ennemis du
Seigneur, honorés et exaltés un moment, comme une fumée, s'évanouiront
entièrement.
Ensuite lorsqu'il dit: ils ne seront point confondus, il montre
comment les justes sont protégés contre les maux. Et cela de deux manières: car
il y a un mal qui est opposé au bien, et un mal qui est dû à la privation du
bien: et des jours
de famine.
Ainsi il dit en parlant du premier mal: ils ne seront point confondus au temps
mauvais, c'est-à-dire au temps de l'adversité: "C'est pour cela
que [l'homme] prudent en ce temps-là se tiendra en silence, parce que le temps
est mauvais." Car il y a un temps mauvais et doublement: ou bien il s'agit
du temps présent, et c'est le temps de l'adversité; c'est pourquoi ils ne seront
point confondus au temps mauvais, c'est-à-dire au temps de
l'adversité. Car les méchants au temps de l'adversité seront confondus, non les
bons: des lors, en effet, quiconque est confondu quand il perd ce en quoi il
espère; mais quand demeure ce en quoi il espère, il n'est pas confondu. Or dans
l'adversité se perdent les biens temporels, dans lesquels les bons n'espèrent
pas; et c'est pourquoi ils ne seront pas confondus au temps de l'adversité. Ou
bien il s'agit du temps à venir, au jour du jugement: et en ce temps-là les
impies seront confondus en rougissant de leurs péchés: "Qu'ils soient
confondus et qu'ils rougissent très promptement." - Mais les justes seront
honores: "À ceux qui, par la persévérance dans les bonnes oeuvres,
cherchent la gloire, l'honneur et l'immortalité, la vie éternelle."
Concernant le second mal, qui est dû à la privation du bien, il ajoute:
et dans les
jours de famine, ils seront rassasiés. Il y a trois explications à
cela.
Au sens littéral on peut expliquer cela en l'appliquant à la famine
temporelle: car Dieu a parfois prévu qu'une famine sévisse chez les infidèles,
et chez les fidèles ils s'échangeaient alors entre eux ce qu'ils pouvaient
avoir. Parfois aussi il est prévu par Dieu que les fidèles ne manquent de rien:
"Dans la désolation et la famine tu riras." Ainsi Élie est "rassasié
au temps de la famine". Cependant, pour nous mettre à l'épreuve on montre
que la nécessité due à la famine a préoccupé des serviteurs de Dieu. Aussi
l'Apôtre dit-il lui-même: "J'ai été [...] dans le travail et les soucis,
dans des veilles nombreuses, dans la faim et la soif, dans les jeûnes
fréquents, dans le froid et la nudité." Ou bien parce que les serviteurs
de Dieu sont rassasiés en se contentant de peu: "Je sais être humilié, et
je sais aussi vivre dans l'abondance (je me suis habitué partout et à tout);
être rassasié et avoir faim; être dans l'abondance et dans l'indigence."
En revanche les impies veulent beaucoup de choses et en cherchent beaucoup; et
c'est pourquoi en ces jours de famine ils ne seront pas rassasiés.
On explique aussi cela en l'appliquant à la famine de la parole de
Dieu. Et en ces jours les justes sont rassasiés par cette parole: "Bienheureux
ceux qui ont faim et soif de la justice, parce qu'ils seront rassasies."
Ou enfin on l'explique en l'appliquant à la famine qui aura lieu dans
la vie future, en ce lieu où les justes seront rassasiés, et les injustes
auront faim: "Voilà que mes serviteurs mangeront, et vous, vous aurez
faim." Dans un commentaire d'Origène que porte la Glose, il est écrit: "Celui
qui n'amassait pas de la manne au sixième jour souffrait de la faim le septième
jour." Or c'est maintenant le sixième jour, et c'est pourquoi celui qui
n'amasse pas ici-bas souffrira alors de la faim (dans la vie future).
Ensuite lorsqu'il dit: Parce que les pécheurs périront, il montre
comment les bras des pécheurs seront brisés. Et il expose trois choses. D'abord
la chute des impies. Puis l'ordre du déroulement de leur chute. Enfin son mode:
comme une
fumée.
Ainsi dit-il: Parce que les pécheurs périront, autrement dit:
les justes se sauvent parce que la perdition est due aux seuls pécheurs, tandis
que le salut est réservé aux justes: "Il en brisera une multitude
innombrable, et il en établira d'autres à leur place."
L'ordre du déroulement de leur chute consiste en ce qu'ils sont élevés
en hauteur afin de tomber plus violemment: "Tu m'as élevé, et me posant
comme sur le vent, tu m'as brisé entièrement." Et c'est pourquoi il dit: mais les ennemis
du Seigneur, honorés et exaltés un moment. - "Tu les as
renversé, tandis qu'ils s'élevaient."
Mais le mode est: comme une fumée, parce que si elle est dispersée,
elle ne se renouvelle pas. Et tel est ce qu'il dit: comme une fumée, [ils] s'évanouiront
entièrement. - "Qu'est-ce que votre vie ? c'est une
vapeur qui paraît pour un temps."
21 Le
pécheur empruntera et ne payera pas; mais le juste est compatissant, et il
rendra. 22 Car ceux qui le bénissent hériteront de la terre, mais ceux
qui le maudissent périront totalement.
- Le psalmiste a montré plus haut que la modicité des biens des justes
surpasse la multitude des biens des méchants en raison de leur stabilité; mais
ici il montre la même chose en raison de leur utilité.
· Et il montre d'abord que les biens des justes sont fructueux, tandis
que pour ceux des méchants c'est le contraire.
· Puis il montre cela par l'expérience: 25 J'ai été jeune.
· Enfin il conclut sur son intention première: 27 Détourne-toi du mal.
· En parlant de la fécondité des biens des justes il fait deux choses,
selon qu'un double fruit échoit à l'homme: car l'un est dû aux biens possédés,
l'autre aux oeuvres qu'il accomplit. C'est pourquoi il montre d'abord que les
biens fructueux sont bons quant aux biens possédés. Puis quant aux oeuvres
accomplies: 23 Par
le Seigneur.
En parlant de la fécondité des biens quant aux biens possédés, il fait
deux choses.
Car il mentionne d'abord la fécondité des bons, et le contraire pour
les méchants.
Ensuite il en donne la raison: ceux qui bénissent.
En traitant de la fécondité des bons il fait deux choses.
* Car il montre d'abord l'infécondité des méchants.
* Puis la fécondité des bons: mais le juste.
* Ainsi dit-il: Le pécheur empruntera. On interprète cela
d'abord selon le sens littéral du texte.
Un double signe indique que quelqu'un est dépourvu de biens temporels.
Le premier c'est lorsqu'il a besoin de consentir à un emprunt: "Lui te
prêtera à usure, et toi, tu ne lui prêteras point." Et c'est pourquoi il
dit: Le
pécheur empruntera, c'est-à-dire recevra un emprunt. L'autre signe
est indiqué lorsque quelqu'un a dépensé un emprunt, et ne peut le rendre; aussi
dit-il: et ne
payera pas. - "Mais s'il peut rendre, il s'en défendra, il
rendra à peine la moitié de la totalité."
* Mais au contraire, un signe d'abondance montre qu'il possède, aussi
donne-t-il gratuitement; d'où ce qu'il dit: mais le juste est compatissant, c'est-à-dire
vient en aide gratuitement, avec miséricorde, à ceux qui sont dans la nécessité:
"Dès mon enfance la compassion a crû en moi." Il y a un autre signe
qui montre l'abondance, c'est lorsque l'homme est prompt à rendre ce qu'il doit;
aussi dit-il: et
il rendra, c'est-à-dire ce qui est dû: "Rendez à tous ce qui
leur est dû."
Mais au fait que dit-il ? Les justes
abondent-ils toujours en biens temporels, et les méchants non ? Au contraire il
semble que ce soit l'inverse: "Dieu n'a-t-il pas choisi les pauvres en ce
monde pour être riches dans la foi, et héritiers du royaume que Dieu a promis à
ceux qui l'aiment ?" Mais Dieu, selon cette explication, parle selon
l'économie de l'Ancien Testament, dans laquelle les biens temporels sont promis
à ceux qui observent la loi, mais à ceux qui la transgressent les malheurs,
afin qu'ils soient amenés au moins par les biens temporels vers les biens
spirituels. Cependant dans ces biens sont signifiées des promesses spirituelles;
et c'est pourquoi il faut les exposer aussi dans la mesure où l'Ancien Testament
concerne le Nouveau Testament. Il faut donc donner à cela une explication plus
élevée: Le
pécheur empruntera et ne payera pas, etc. Un double emprunt peut s'y
référer. Car l'homme emprunte quelque chose à Dieu, et quelque chose à un
ministre de Dieu, c'est-à-dire à un homme. Or on dit que tout homme est
pécheur.
Ainsi dit-il: empruntera, c'est-à-dire à Dieu, car "qu'as-tu
que tu n'aies reçu ?" Et ceci est comme un emprunt: car Dieu nous donne
des biens, pour que par ces biens nous croissions dans ce qui contribue à
l'honneur de Dieu: "Pourquoi donc n'as-tu pas donné mon argent à la
banque, afin que, moi revenant, je le reprisse avec usure ?" Et ainsi nous
lui rendons par l'action de grâce. Mais Dieu a donné au pécheur des biens
naturels; et parfois il lui accorde des biens temporels et spirituels:
cependant le pécheur ne lui rend pas par le progrès spirituel et par l'action
de grâce: "J'ai nourri des fils et je les ai élevés, mais eux m'ont
méprise."
L'homme reçoit aussi un emprunt d'un ministre de Dieu. Car les
dignitaires de l'Église et les docteurs sont des prêteurs. Il est aussi écrit
dans Luc: "Appelant dix de ses serviteurs, il leur remit dix mines et leur
dit: "Faites-les valoir jusqu'à mon retour"." Ils sont donc des
négociants. Et donc le docteur donne un enseignement au peuple, comme s'il
donnait de l'argent: "Les paroles du Seigneur sont des paroles pures, un
argent éprouvé par le feu, purifié dans la terre, raffiné sept fois." Mais
il donne les paroles du Seigneur, non les siennes. Et les bons restituent,
parce qu'ils font ce qu'ils entendent; tandis que les méchants, non, parce
qu'ils ne satisfont pas en obéissant: "Ils écouteront tes paroles, et ils
ne les accompliront pas." Mais le juste, parce qu'il reçoit de Dieu, donne
à autrui quoi que ce soit et de n'importe quelle manière: "Chacun de vous
mettant au service des autres la grâce qu'il a reçue, comme de bons
dispensateurs de la grâce multiforme de Dieu": et ainsi il sera
compatissant; pareillement il sera remercié par Dieu, et ainsi il rendra: "Que
rendrai-je au Seigneur pour tous les biens qu'il m'a faits ?"
Ensuite il en donne la raison: Car ceux qui le bénissent.
Cela a trois sens selon la Glose.
ceux qui le
bénissent, c'est-à-dire ceux
qui rendent grâce à Dieu en toutes choses et suivent ses ordres, hériteront de la
terre, c'est-à-dire de la terre des vivants: "Qui sème dans les
bénédictions moissonnera aussi dans les bénédictions", la vie éternelle.
Ou bien, selon le sens littéral: hériteront de la terre, c'est-à-dire la terre
de la promesse. Et il s'adresse à un peuple charnel: "Si vous voulez, et
que vous m'écoutez, vous mangerez les biens de la terre." Au contraire, ceux qui
maudissent Dieu, c'est-à-dire non seulement en parole, mais en acte,
ou bien occasionnellement, disparaîtront: "La voie des impies périra."
Origène explique cela autrement: Ceux qui le béniront, c'est-à-dire le
juste, seront bénis. Car tout ce qui arrive au juste, Dieu l'accueille comme
fait à lui-même: "Qui vous méprise, me méprise; mais qui me méprise,
méprise celui qui m'a envoyé." - "Dans la mesure où vous avez fait à
l'un de ces plus petits d'entre mes frères, c'est à moi que vous l'avez fait."
Ils hériteront
de la terre, due au juste: "Celui qui reçoit un juste en
qualité de juste, recevra la récompense d'un juste." mais ceux qui le maudissent, à
savoir le juste, "périront totalement".
- "Que celui qui te maudira soit lui-même
maudit." Mais une version de Jérôme lit autrement: "Peccator
deficit, ut non solvat; sed justus miseretur et retribuet (Le
pécheur disparaît, puisqu'il ne paye pas; tandis que le juste a compassion et
il rendra)."
Ceux qui sont bénis par Dieu hériteront la terre: "La bénédiction du
Seigneur fait les riches, et l'affliction ne s'alliera pas à eux." Mais
les justes qui sont maudits par Dieu, c'est-à-dire punis, périront totalement;
et c'est pourquoi ils sont stériles: "Maudite sera la terre en ton oeuvre."
23 Par
le Seigneur les pas de l'homme seront dirigés, et il voudra sa voie. 24
Lorsqu'il
tombera, il ne sera point brisé, parce que le Seigneur met sa main sous [lui].
Ensuite quand il dit: Par le Seigneur, il montre la fécondité des
biens quant aux oeuvres. Or dans les oeuvres deux choses sont montrées.
En premier lieu leur prospérité.
Ensuite leur effet de relèvement: Lorsqu'il tombera.
Mais parce que la prospérité est due à l'élection de Dieu, on montre
d'abord que c'est à cause de l'amour de Dieu. Puis à cause de l'homme aimé: et il voudra sa
voie.
Ainsi dit-il: Par le Seigneur les pas de l'homme seront dirigés, c'est-à-dire
que le cheminement de l'homme est dirigé par Dieu, parce que l'homme se dirige
directement vers sa fin ultime. Or cela n'est pas naturel à l'homme: "Je
sais, Seigneur, qu'à l'homme n'appartient pas sa voie, et qu'il n'est pas
[donné] à l'homme de marcher et de diriger ses pas", mais à Dieu: "C'est
à l'homme de préparer son âme, et au Seigneur de gouverner sa langue. Toutes
les voies de l'homme sont ouvertes à ses yeux." - "Affermis mes pas
dans tes sentiers, afin que mes pieds ne soient point ébranlés." Mais Dieu
dirige les pas de l'homme dans la voie de la vérité à connaître, afin qu'il ne
tombe pas dans l'erreur: "Dirige-moi dans ta vérité, et instruis-moi;
parce que c'est toi qui es mon Sauveur, et que je t'ai attendu avec constance
durant tout le jour." Et il dirige aussi dans la voie de la justice afin
qu'il se détourne du mal et fasse le bien: "Dirige-moi dans une voie
droite à cause de mes ennemis."
En parlant de la seconde cause il dit: et il voudra sa voie. Cela peut
se comprendre de deux manières. Soit que l'on dise d'abord: l'homme dirigé par
Dieu voudra sa voie, c'est-à-dire celle de Dieu, autrement dit: Dieu dirige
l'homme, parce qu'il ne le contraint pas, mais il le fait marcher avec droiture
et choisir le bien, et cela appartient à Dieu: "Car c'est Dieu qui opère
en vous et le vouloir et le faire, selon sa bonne volonté." Ou bien
autrement: et
[le Seigneur] voudra, c'est-à-dire acceptera et récompensera sa
voie, c'est-à-dire nos bonnes oeuvres: "Les voies qui sont à droite, le
Seigneur les connaît."
Ensuite quand il dit: Lorsqu'il tombera, il montre la fécondité des
biens dans les oeuvres quant à leur effet de relèvement: et à ce propos il fait
deux choses.
* Car il expose d'abord le relèvement lui-même.
* Puis il en donne la cause et la raison: parce que le Seigneur met sa main sous
[lui].
* Ainsi dit-il: Lorsqu'il tombera. La direction du voyageur
est telle qu'il tombe quelquefois, mais celle du "compréhenseur" est
telle qu'il ne tombe pas. Mais le voyageur, s'il vient à tomber, Dieu le relève;
et c'est ce qu'il dit: il ne sera point brisé. Mais cela peut
s'entendre d'une deuxième chute, c'est-à-dire de celle qui est due à
l'adversité temporelle: "Comment des forts sont-ils tombés dans la
bataille ?" Et ainsi si le juste tombé, il ne sera point brisé, parce
qu'il supporte sa chute avec patience: "La patience rend les oeuvres
parfaites, de manière que vous soyez parfaits, accomplis, et ne manquant de
rien." Mais le pécheur, tandis qu'il tombe, sera brisé, parce qu'il est
impatient. Ou bien il s'agit de la chute due au péché véniel, car il n'est
personne qui ne commette quelquefois un tel péché: "Nous faisons tous
beaucoup de fautes." Et en voici le sens: s'il vient à tomber de cette
chute, il ne se brisera pas étant donné qu'il ne pèche pas mortellement; aussi
est-il écrit: "Le juste tombera sept fois et se relèvera." Mais si
l'on réfère cela à la chute due au péché mortel, dont le juste tombe parfois,
comme David par l'adultère et l'homicide, et comme Pierre en niant le Christ,
alors les pécheurs sont brisés par cette chute, tandis que désespérés ils ne
veulent pas retourner à la pénitence. C'est pourquoi il est écrit: "Ayant
perdu tout espoir, ils se sont livrés à l'impudicité, à toutes sortes de
dissolutions, à l'avarice." - "Que venant de nouveau, Dieu ne m'humilie
parmi vous, et que je n'aie à pleurer beaucoup de ceux qui, ayant déjà péché,
n'ont point fait pénitence des impuretés, des fornications, et des impudicités
qu'ils ont commises."
Mais le juste n'est pas brisé par le désespoir, mais retourne à la pénitence;
c'est pourquoi David dit à Nathan: "J'ai péché contre le Seigneur. Et
Nathan répondit à David: Le Seigneur aussi a transféré ton péché; tu ne mourras
point." Semblablement, "Pierre pleura amèrement." - "Ne te
réjouis pas sur moi, mon ennemie, parce que je suis tombée; je me relèverai
lorsque je me serai assise dans les ténèbres, le Seigneur est ma lumière."
* Et la raison pour laquelle il ne sera pas brisé, c'est que le Seigneur met
sa main sous [lui], c'est-à-dire le conforte de sa grâce: "La
main du Seigneur était avec moi, me confortant." - "Et ta droite me
retiendra."
25 J'ai
été jeune et j'ai vieilli; et je n'ai point vu le juste abandonné, ni sa race
cherchant du pain. 26 Tout le jour il a pitié et il prête; sa race sera en
bénédiction.
· Ensuite lorsqu'il dit: J'ai été jeune, il montre par l'expérience
que les biens des justes sont fructueux, mais non ceux des méchants. Et il
expose que cet état est durable à partir de deux constatations.
D'abord à partir de la préservation des bons contre les méchants.
Puis à partir de leur progrès dans le bien: Tout le jour.
En parlant de leur préservation il fait deux choses.
Car il montre d'abord la préservation du mal quant au juste lui-même.
Puis quant à sa race: ni sa race cherchant du pain.
Concernant la préservation du mal quant au juste lui-même, il fait deux
choses. Car il expose d'abord le caractère durable de l'expérience. Puis
l'expérience elle-même: je n'ai point vu.
Ainsi dit-il: J'ai été jeune. Comme si
quelqu'un lui disait: d'où tiens-tu tout ce que tu dis à propos des biens des
justes, etc. ? Il répond qu'il les tient de l'expérience: J'ai été jeune et j'ai vieilli. On
peut expliquer cela de deux manières.
D'abord en l'appliquant à l'âge corporel suivant lequel l'homme
commence par s'épanouir dans la jeunesse, et ensuite devient âgé: "Que le
matin, comme l'herbe, l'homme passe; que le matin il fleurisse et passe: que le
soir il tombe, il durcisse et se dessèche."
Mais Augustin objecte: Toi, David, tu fus toujours sur ta terre: et si
sur cette portion de terre un juste ne fut pas abandonné, il n'est cependant
pas étonnant qu'ailleurs il l'ait été.
Et c'est pourquoi Augustin veut que l'on parle dans la personne de
l'Église. Et cette dernière a son âge d'enfant en Abel, son âge de jeunesse
dans les Patriarches, son âge avancé dans les Apôtres, sa vieillesse à la fin
du monde. Il mentionne d'abord les deux âges intermédiaires, et expose les
derniers: et ainsi en fut-il dès l'origine du monde, et cela sera jusqu'à la
fin. Et cette distinction est exposée dans l'épître aux Galates.
Ou bien on peut l'interpréter au sens spirituel: car aussi longtemps
que l'homme met son plaisir dans les frivolités et les vanités, il garde une
mentalité d'enfant; mais lorsqu'il met son plaisir dans des choses raisonnables,
il devient un homme mûr. Et cette distinction est exposée dans la première
épître aux Corinthiens: "Quand j'étais petit enfant, je parlais comme un
petit enfant; mais quand je suis devenu homme, je me suis dépouillé de ce qui
était de l'enfant." Aussi dit-il: soit dans la condition d'enfant, soit
dans celle du vieillard j'ai jugé à l'expérience que le juste lui-même est
préservé des maux, et quant à lui-même et quant à sa race. C'est pourquoi en
disant: je
n'ai point vu le juste abandonné, il montre cela quant à lui-même.
Objection: si on applique cela aux biens temporels, il ne semble pas
que ce soit vrai, car il est écrit à propos des justes: "Les autres ayant
souffert les moqueries, les verges, et de plus les prisons, ont été lapidés,
sciés, mis à la question, sont morts frappés par le glaive, ont couru çà et là
sous des peaux de brebis et des peaux de chèvres, dans le besoin, dans
l'angoisse, dans l'affliction."
On répondra à cette objection en disant: quoique les biens temporels
leur soient ôtés, ils ne sont cependant pas abandonnés par Dieu, car tout cela
est utile à leur propre bien, ou pour leurs biens, ou pour que la cause du mal
soit enlevée, comme le dit Augustin: "Cherchez premièrement le royaume de
Dieu et sa justice, et toutes ces choses", c'est-à-dire les biens
spirituels, "vous seront données par surcroît." C'est vrai, mais dans
la mesure où Dieu voit que c'est utile à notre salut.
Quant à sa race il dit: ni sa race cherchant du pain. - "C'est
moi qui suis le Seigneur ton Dieu fort, jaloux, visitant l'iniquité des pères
dans les enfants jusqu'à la troisième et la quatrième génération de ceux qui me
haïssent, et faisant miséricorde des milliers de fois à ceux qui m'aiment et
gardent mes préceptes." - "Sa miséricorde se répand d'âge en âge sur
ceux qui le craignent." Et c'est pourquoi, de même que ceux-ci ne sont pas
abandonnés, ainsi en est-il de leur race.
Et cela peut se rapporter au pain temporel quant à l'Ancien Testament;
mais selon le sens spirituel ce pain s'entend de la participation au Christ,
c'est-à-dire à la vérité, à la sagesse et à la justice: "Moi, je suis le
pain vivant qui suis descendu du ciel." C'est le pain "qui fournit
des délices aux rois." Et il dit: cherchant du pain, car ce pain est à la
disposition de ceux qui le cherchent.
Objection: Abraham fut juste, Isaac aussi; mais Ismaël et Esaü, qui
furent des fils de justes, n'eurent pas le pain spirituel.
L'Apôtre résout cette objection en disant que les fils de la promesse
sont comptés au nombre des fils des justes. Donc on appelle race (semen) celui
qui imite le juste. C'est pourquoi tant les fils selon la chair qui imitent
leurs pères dans le bien, que les disciples qui imitent leur maître, sont une
race spirituelle, à savoir ceux qui imitent leur enseignement en acte.
26 Tout
le jour. Ici le psalmiste montre un autre signe de cette expérience,
ou une autre expérience; et il dit qu'il a fait une autre constatation à propos
de l'homme juste, car tout le jour, c'est-à-dire durant tout le
temps de sa vie, il
a pitié des misères d'autrui, et prête, c'est-à-dire des biens spirituels et
temporels: "Agréable est l'homme qui a de la pitié et qui prête", ou
en acte, ou dans sa disposition. Et c'est pourquoi sa race sera en bénédiction. - "Je
multiplierai ta race comme les étoiles du ciel, et comme le sable qui est sur
le rivage de la mer; ta race possédera les portes de ses ennemis."
27 Détourne-toi
du mal et fais le bien, et tu auras une habitation dans les siècles des siècles. 28a
Parce que le
Seigneur aime la justice, et il ne délaissera pas ses saints: ils seront
conservés éternellement.
· Plus haut le psalmiste a montré que les biens des justes sont
meilleurs quant au fruit; mais ici il lance une exhortation à leur sujet. Et à
ce propos il fait deux choses.
Car il commence par exposer son exhortation à l'égard de ceux-ci.
Puis il expose leur fruit: Parce que le Seigneur aime la justice.
La justice comprend deux parties intégrantes: s'éloigner du mal, et
faire le bien. Et c'est pourquoi il dit: Détourne-toi du mal et fais le bien. Et ces
deux parties intégrantes de la justice correspondent aux préceptes de la loi:
car la justice est réglée par la loi.
Dans la loi certains préceptes sont affirmatifs, lesquels sont
accomplis en faisant le bien; et d'autres sont négatifs, lesquels sont accomplis
en se détournant du mal. Semblablement par ces deux préceptes trouvé son
achèvement l'inclination de l'appétit naturel, qui a un double objet: le bien
et le mal. Car l'appétit tend naturellement vers le bien, et fuit le mal qui
est faux. Mais il dit: Détourne-toi du mal. Or il y a un double mal.
L'un qui rend les hommes mauvais, et celui-ci est véritablement appelé mal;
l'autre mal est celui qui ne rend pas les hommes mauvais, c'est le mal lié au
châtiment.
Le premier est un péché, et c'est de cela dont il est question
lorsqu'il dit: Détourne-toi
du mal, c'est-à-dire du péché: "Ne jalouse point la gloire et
les richesses du pécheur; car tu ne sais pas quelle sera sa ruine." Et il
ne dit pas qu'il ne fasse pas le mal, parce qu'en cela il ne serait question
que de négation seulement, mais détourne-toi du mal, c'est-à-dire pour qu'il
n'ait pas la volonté de l'accomplir: "Cessez d'agir avec perversité; apprenez
à bien faire." Ces deux préceptes sont souvent représentés dans la Sainte
Écriture. Mais parfois c'est le bien qui est d'abord mentionné, comme ici: "Tu
as aimé la justice et haï l'iniquité." Parfois c'est l'évitement du mal
qui est d'abord mentionné, comme ici: "Il mangera du beurre et du miel, en
sorte qu'il sache réprouver le mal et choisir le bien."
Et la raison est due au fait qu'il y a un double ordre.
Le premier ordre est celui de l'intention; et selon cet ordre le bien
doit toujours être mis avant l'évitement du mal, parce que le juste évite le
mal en vue de faire le bien.
Le second ordre est celui de l'exécution; et selon cet ordre il est
d'abord prescrit d'éviter le mal: car tous nous naissons fils de la colère, et
nous ne pouvons devenir justes sans repousser le mal.
et tu auras une habitation dans les siècles des siècles. Ici le psalmiste expose le fruit de la
justice, autrement dit: dans la mesure où tu te détourneras du mal, et que tu
feras le bien, tu auras une habitation; mais il ne dit pas explicitement où,
mais combien de temps, car c'est pour les siècles des siècles. Mais habite (inhabita) signifié
in tus habita
(habite à l'intérieur). Les réalités sensibles sont appelées biens
extérieurs, lesquels sont appréhendés par le sens extérieur. Les biens
intérieurs sont spirituels et intelligibles. Donc lorsqu'il dit: inhabita, il
dit tu habiteras à l'intérieur de la possession des biens spirituels: "Le
roi m'a introduite dans ses celliers." Et il dit: [pour] les siècles des
siècles, c'est-à-dire à jamais: "Tu les introduiras, et tu les
planteras sur la montagne de ton héritage, dans ta demeure inébranlable que tu
as faite, Seigneur; c'est ton sanctuaire, Seigneur, qu'ont affermi tes mains."
Parce que le Seigneur aime la justice, etc. Ici le psalmiste expose la raison pour
laquelle il habitera pour les siècles des siècles, autrement dit: il habitera
parce que cela a été établi par le jugement divin. Il prouve cela, à savoir
qu'il habitera toujours et avec plaisir, parce que le Seigneur aime la justice. - "Parce
que moi, le Seigneur, j'aime la justice." Et cette formulation est
exprimée pour une double raison. Ou bien il dit: Détourne-toi du mal et fais le bien, c'est-à-dire
afin que tu sois l'imitateur de Dieu, Parce que le Seigneur aime la justice, et cela
c'est se détourner du mal et faire le bien. Ou bien cela se réfère à ce qui
suit: et tu
auras une habitation dans les siècles des siècles, parce que c'est
juste. Et Dieu aime la justice. Car il est juste que, dans la mesure où l'homme
ne veut pas abandonner Dieu, il ne soit pas abandonné de lui, qui est éternel.
Et c'est pourquoi les justes qui veulent être avec lui ne seront pas abandonnés
de lui. Et voilà pourquoi il dit: il ne délaissera pas ses saints. Et en
conséquence ils
seront conservés éternellement, parce qu'il est éternel et puissant:
"C'est toi, Seigneur, qui nous sauveras, et qui nous préserveras de cette
génération éternellement." - "Regarde, Sion, la ville de nos
solennités; tes yeux verront Jérusalem, habitation opulente, tente qui en
aucune manière ne pourra être transportée; et ses pieux ne seront jamais
enlevés, et aucun de ses cordages ne sera rompu."
28b Les
injustes seront punis, et la race des impies périra. 29 Mais les justes
hériteront de la terre; et ils y habiteront dans les siècles des siècles.
Ici le psalmiste expose la procédure du jugement qui sera utilisée pour
les bons et les méchants.
Il commence donc par exposer ce qui sera donné aux méchants lors du
jugement.
Puis ce qui sera donné aux bons: les justes.
Aux méchants il enverra une punition, car les injustes seront punis. - "La
voie des pécheurs est pavée de pierres; mais à leur fin, sont les enfers, et
les ténèbres et le châtiment." - "Ils subiront les peines de la
perdition éternelle à la vue de la face du Seigneur et de la gloire de sa
puissance." Semblablement il enverra l'extermination, car la race des impies
périra. Ici il parle selon le jugement des hommes. Or les méchants,
lorsqu'ils meurent, croient au moins survivre dans leurs enfants. Mais il dit
que leur race
périra, c'est-à-dire soit les fils charnels qui imitent à proprement
parler leur malice, soit les sectateurs de la fausse doctrine, comme la race
d'Arius.
Aux justes en revanche, il donnera deux choses. Au lieu d'une punition
il donnera une récompense, aussi dit-il: Mais les justes hériteront de la terre, comme
s'ils la possédaient par héritage: "Ils y habiteront, et l'acquerront en
héritage."
- "Béni soit Dieu, le Père de Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui
selon sa grande miséricorde, nous a régénérés pour une vive espérance, par la
résurrection de Jésus-Christ d'entre les morts, pour un héritage incorruptible,
qui n'est pas souillé, qui ne peut se flétrir, réservé dans les cieux pour
vous." Au lieu de l'extermination de leur héritage, ils y habiteront dans les siècles, c'est-à-dire
seront toujours sur cette terre des vivants.
30 La
bouche du juste méditera la sagesse, et sa langue dira l'équité. 31 La loi de Dieu
est dans son
coeur, et ses pas ne chancelleront pas.
- Ici le psalmiste montre que les biens des justes sont plus grands
quant à l'usage de la vertu, car les injustes ont leur bouche inclinée au mal.
· Il traite donc d'abord des biens spirituels des justes.
· Puis de la perversité des méchants: 32 Le pécheur considère le juste.
· Concernant les biens spirituels des justes il fait deux choses.
Car il expose d'abord la supériorité des biens spirituels des justes.
Puis il expose le fruit de leurs biens: ses pas ne chancelleront pas.
Les biens spirituels consistent en deux choses: selon qu'ils sont dans
la bouche ou selon qu'ils sont dans le coeur.
Dans la bouche du juste ils ne sont que bien et vérité: "Quittant
le mensonge, que chacun dise la vérité avec son prochain, parce que nous sommes
membres les uns des autres." Et il y a une double vérité; et l'une et
l'autre obtiennent au juste des récompenses.
La première porte sur les réalités divines.
La seconde porte sur les réalités humaines.
En parlant de la première il dit: La bouche du juste méditera la sagesse.
Mais le psalmiste ne semble pas s'exprimer comme il sied: car méditer
est un acte du coeur, non de la bouche.
On répondra à cette objection en faisant remarquer qu'il a dit: il méditera, c'est-à-dire
exprimera des choses méditées, ou les modulera. Et il y a plusieurs manières de
méditer la sagesse. Certains méditent le Christ, qui est sagesse de Dieu le
Père, au moins en croyant: "Vous observerez [les préceptes et les lois] et
les accomplirez par vos oeuvres. Car telles sont votre sagesse et votre
intelligence devant les peuples, qu'en entendant parler de tous ces préceptes
ils diront: "Voici un peuple sage et intelligent, une grande nation.""
D'autres la méditent en l'acquérant auprès d'hommes intelligents: "Si tu
aimes écouter, tu seras sage." D'autres la méditent en lui chantant des
psaumes: "Chantant et psalmodiant du fond de vos coeurs le Seigneur."
- "Elle a ouvert sa bouche à la sagesse, et la loi de la clémence est sur
sa langue." Mais la bouche du juste méditera la sagesse en instruisant: "Cependant
nous prêchons la sagesse parmi les parfaits, non la sagesse de ce siècle, ni
des princes de ce siècle qui périssent; mais nous prêchons la sagesse de Dieu
dans le mystère." Mais Origène commente cela en disant: Les ignorants ont
un vice très pernicieux, puisqu'ils traitent d'inutiles ceux qui s'adonnent à
l'étude de la doctrine: en imitant leurs dénominations des choses, ils
méprisent leur étude, et font preuve de bavardage, d'incapacité et d'ignorance.
En parlant de la seconde il dit: et sa langue. On explique cela de trois
manières.
sa langue dira
l'équité, c'est-à-dire
proférera une parole avec jugement et discernement: "Il réglera ses
discours avec jugement." - "Les paroles des prudents seront pesées
dans la balance."
Selon une autre maniéré, en tant qu'on réfère cela aux juges: car le
juge, ou la bouche du juste, ou la langue du juge, profère un juste jugement
dans sa sentence.
Ou bien la langue du juste énonce les jugements de Dieu, et convertit
les pécheurs à la pénitence en considérant le jugement divin: "Fuyez à la
face du glaive, parce qu'il y a un glaive vengeur des iniquités."
Mais pourquoi dit-il au futur: il méditera, et dira ?
On répondra en disant qu'il parle au futur pour indiquer la continuité
de la méditation, autrement dit: il parle continuellement et médite. Ou bien il
dit cela au futur, parce que présentement nous ne pouvons dire que peu de
choses à propos de la sagesse, tandis que dans le futur nous pourrons méditer
de grandes choses sur la sagesse, et parler davantage des jugements de Dieu.
Mais il arrive qu'on n'ait pas dans le coeur ce qu'on exprime par la bouche: "Ce
peuple m'honore des lèvres; mais son coeur est loin de moi." Il n'en est
pas ainsi pour l'homme juste: au contraire il parle selon ce qu'il a dans le
coeur, parce qu'il grave la loi de Dieu dans sa mémoire par la méditation, dans
sa volonté par l'amour. Voilà pourquoi il dit: La loi de Dieu est dans son coeur, c'est-à-dire
il énonce la loi ainsi que le jugement, et médite. Il en résulte que ses pas ne
[chancellent] pas.
Et le psalmiste expose ici le fruit des bonnes oeuvres, car ils ne
défailliront pas, ni ne seront trompés: car celui qui a l'Écriture sainte et la
loi de Dieu dans son coeur n'est pas trompé par le diable: "Dans mon coeur
j'ai caché tes paroles, afin que je ne péche pas contre toi." Car la loi
est une lampe: et c'est pourquoi ceux qui la connaissent, ne commettent pas de
faute.
32 Le
pécheur considère le juste; et il cherche a le faire mourir. 33 Mais le Seigneur
ne l'abandonnera
pas dans ses mains; et ne le condamnera pas quand on le jugera.
Ici le psalmiste traite de la considération des mauvais.
Et il expose d'abord les pensées des mauvais contre les bons.
Puis il fait mention de la défense des bons.
Il dit donc: Le pécheur considère le juste, c'est-à-dire
pour voir de manière perfide comment il peut lui nuire: "Ils m'ont
eux-mêmes considéré et regardé attentivement." - "Ne dresse pas d'embûches,
et ne cherche pas l'impiété dans la maison du juste, et ne détruis pas son
repos." - et
il cherche à le faire mourir. Ici est montrée sa cruauté, ou son
intention: "Leurs pieds courent au mal, et ils se hâtent afin de verser le
sang." - "Condamnons-le à la mort la plus honteuse."
Mais les justes sont défendus. D'abord, parce qu'ils échappent à leur
persécution; aussi dit-il: Mais le Seigneur ne l'abandonnera pas dans ses mains; car
bien que les impies aient pour un temps le pouvoir sur eux, ils ne l'auront pas
toujours cependant: "Parce que le Seigneur ne laissera pas la verge des
pécheurs sur l'héritage des justes, afin que les justes n'étendent point leurs
mains vers l'iniquité." Puis, parce qu'ils sont libérés par le jugement
divin. Aussi dit-il que non seulement ils sont libérés ici-bas, mais qu'ils ne
seront pas condamnés.
quand on le
jugera, c'est-à-dire le
juste, à savoir pour le bien du juste. Ou bien illi (le), c'est-à-dire quand on
condamnera le pécheur: "Les impies ne ressusciteront pas au jugement",
c'est-à-dire parce qu'il sera rendu pour leur condamnation.
34 Attends
le Seigneur, et garde sa voie; et il t'exaltera, afin que tu prennes la terre
en héritage: Lorsque les pécheurs auront péri, tu [le] verras.
2. Précédemment
le psalmiste s'est entretenu longuement sur la louange des justes et
l'abaissement des mauvais: et il a rapporté toutes ces choses dans le dessein
de nous faire rechercher la justice et de nous détourner du mal; mais ici il
introduit une exhortation à la justice.
La justice est observée dans deux domaines:
a) Dans ce qui
appartient à Dieu,
b) et dans ce qui
appartient au prochain: 37 Garde l'innocence.
a. En exhortant à
la justice qui concerne Dieu, le psalmiste fait trois choses:
- Il expose d'abord son exhortation.
- Puis il montre une récompense: et il t'exaltera.
- Enfin il donne une preuve de ce qu'il a exposé: 35 J'ai vu l'impie.
- Il ordonne donc par une exhortation [de se tourner] vers Dieu.
· D'abord par l'attente.
· Puis par l'obéissance.
· Ainsi dit-il: Attends le Seigneur. Ici il dit deux choses.
D'abord, que si on subit une difficulté, on ne doit pas aussitôt
désespérer, ni se soulever contre Dieu, mais attendre jusqu'à ce qu'il secoure:
"Attendant, j'ai attendu le Seigneur, et il a fait attention à moi."
Et ainsi exhorté-t-il à la sagesse.
Ensuite il exhorté à la longanimité, autrement dit: si tu n'es pas
encore récompensé pour tes bonnes oeuvres, ne te laisse pas abattre, mais
attends la récompense: "S'il met un certain délai, attends-le; car il va
venir, et il ne tardera pas." - "Le laboureur espère recueillir le
fruit précieux de la terre, attendant patiemment jusqu'à ce qu'il reçoive celui
de la première et de l'arrière-saison."
· L'attente a lieu dans les maux, la garde dans les biens. Donc garde
les voies, c'est-à-dire de la charité et des préceptes, et garde-les avec une
soumission aimante: "Garde ton coeur en toute vigilance, parce que c'est
de lui que la vie procède." - "Mon pied a suivi ses traces; j'ai
gardé sa voie, et je ne m'en suis pas détourné." - "Je scruterai ta
loi, et je la garderai dans tout mon coeur."
- et
il t'exaltera. Ici le psalmiste montre la récompense ou le fruit des
bons. Ce fruit consiste en ce qu'ils soient exaltés par lui: Il "t'exaltera
parmi ses proches". - "En toutes choses, tu as glorifié ton peuple,
Seigneur, tu l'as honoré." Et en vue de quoi ? afin que tu prennes la terre en héritage. Ce
qu'il dit est étonnant. Puisque la terre est basse, comment t'exaltera-t-il
pour que tu la prennes ? Il faut dire que la terre dont il parle, c'est la
terre des vivants; et cette dernière est en haut, elle se présente comme la
stabilité des biens éternels et spirituels: et à cette terre l'esprit ne
parvient aussi longtemps qu'il se trouve dans les réalités d'en bas, mais il
faut qu'il soit exalté: "Je t'élèverai sur les hauteurs de la terre."
Ou bien on peut aussi l'entendre de cette terre. Ceux-là prennent donc
la terre en héritage, qui règnent sur elle: et tels sont ceux qui ont le coeur
élevé au-dessus de la terre, parce qu'ils n'ont pas le coeur ancré à la terre,
à la manière de ceux qui sont assujettis à la terre et à ses possessions. Et
c'est pourquoi il faut, pour qu'ils la prennent, qu'ils soient exaltés: "Saisis-la
et elle t'exaltera; tu seras glorifié par elle, lorsque tu l'auras embrassée."
lorsque les
pécheurs auront péri, tu [le] verras. Ceux-ci se réjouiront de la perdition des méchants: "Le
juste se réjouira, lorsqu'il aura vu la vengeance; il lavera ses mains dans le
sang du pécheur." - "Les justes verront et ils se réjouiront."
Mais ils ne se réjouiront pas à cause de la perdition des impies en tant que
telle, parce que Dieu ne se réjouit pas à cause de celle-ci: "Dieu ne se
réjouit pas de la perdition des vivants", mais ils se réjouiront de
l'accomplissement de la justice divine: "Ils sortiront, et ils verront les
cadavres des hommes qui ont prévariqué contre moi." Semblablement ils se
réjouiront de voir la miséricorde divine se manifester en eux-mêmes, et grâce à
laquelle ils ont été libérés des méchants, ou des châtiments des damnés. Et
pour voir cela il faut qu'il soit aussi exalté: car si tu es abaissé, tu ne
verras pas leur propre perte: "Une peine est devant mes yeux",
c'est-à-dire les faits des pécheurs, "jusqu'à ce que j'entre dans le
sanctuaire de Dieu."
35 J'ai
vu l'impie exalté et élevé comme les cèdres du Liban. 36 Et j'ai passé,
et voilà qu'il n'était plus: Je l'ai cherché, et son lieu n'a pas été trouvé.
- Ici le psalmiste prouve deux choses à propos de la perdition de
l'impie.
· Il expose d'abord leur prospérité.
· Puis il fait mention de leur perdition.
· Ainsi dit-il: J'ai vu l'impie, c'est-à-dire tout pécheur, exalté,
c'est-à-dire au-dessus de l'état de sa propre condition, et au-dessus des
autres hommes quant à la situation qu'il occupe dans le monde: "Pourquoi
donc les impies vivent-ils, sont-ils élevés et affermis dans les richesses ?
Leur race se perpétue devant eux, une troupe de leurs proches et de leurs
petits enfants est en leur présence."
et élevé comme les
cèdres du Liban. On peut lire
cela de deux manières. Ou bien: au-dessus des cèdres du Liban, qui parmi tous
les autres arbres ont la hauteur la plus élevée, autrement dit: je l'ai vu plus
éminent que tous les autres: "J'ai vu [...] l'insensé élevé",
c'est-à-dire le pécheur, "à une haute dignité." - "Sa hauteur
était la hauteur des cèdres, et il était fort lui-même comme un chêne."
Mais il y a une double raison pour laquelle les impies vivent. La première,
c'est que parfois les méchants sont exaltés à cause des péchés des hommes."
C'est lui qui fait régner un homme hypocrite à cause des péchés du peuple."
Et c'est pourquoi les méchants sont comme des châtiments de Dieu à l'égard de
son peuple, lorsqu'ils dominent: "Malheur à Assur ! la verge et le bâton
de ma fureur, c'est lui; dans sa main est mon indignation." Une autre
raison est due au fait que les méchants quand ils dominent, périssent plus
douloureusement: "Tu m'as élevé, et me posant comme sur le vent, tu m'as
brisé entièrement." C'est pourquoi il arrive que dans ce qu'ils convoitent
le plus, ils soient le plus rejetés. Une autre raison encore, c'est qu'ils
vivent pour l'instruction des justes, afin qu'ils ne prennent pas beaucoup en
considération ces biens temporels, que les bons possèdent aussi bien que les
méchants, comme le rapporte Augustin. - "Puisque leurs biens ne sont pas
en leur main", comme les biens de l'âme, je ne me soucie pas d'eux. De
même, afin que soient justement condamnés ceux qui abusent des biens donnés: "J'ai
nourri des fils et je les ai élevés, mais eux m'ont méprisé." Ou bien cela
peut être appliqué à l'hérétique, qui s'élève dans son propre sentiment.
· Et enfin il dit: Et j'ai passé.
Ici il montre d'abord le renversement du pécheur.
Puis il montre la destruction de son lieu.
Ainsi dit-il: j'ai passé. Il ne dit pas: "Il a passé",
autrement dit: j'ai donc passé en considérant: "Je passerai et je verrai
cette grande vision." Aussi longtemps que l'homme tient ses yeux fixés sur
les réalités de ce monde, il lui semble que les méchants sont puissants; mais
lorsque par l'esprit il passe aux réalités spirituelles et aux jugements de
Dieu, il les tient pour rien. C'est pourquoi il dit: j'ai passé, par la conversion:
car aussi longtemps que l'homme vit en ce monde avec attachement et de façon
matérielle, les choses de ce monde lui plaisent, mais lorsque son affection se
détache d'eux, il tient pour rien ceux qui en ce monde vivent dans l'abondance:
"Seigneur, qui habitera dans ton tabernacle, et qui reposera sur ta
montagne sainte ? [... Celui] en présence de qui le méchant est regardé comme
un néant, mais qui glorifie ceux qui craignent Dieu." Et c'est pourquoi
les hommes saints sont tenus pour orgueilleux, parce qu'ils n'apprécient et ne
considèrent les hommes à cause de leurs richesses et de leurs dignités que
s'ils sont pourvus de vertus; d'où ce qui suit: et voilà qu'il n'était plus, même
dans le présent, parce que l'homme juste tient pour rien la gloire des
pécheurs, qui semble être quelque chose selon ces paroles de l'Écriture: "Les
paroles d'un homme pêcheur, ne les craignez point, parce que sa gloire c'est de
la boue et un ver; aujourd'hui il s'élève, et demain on ne le trouvera pas,
parce qu'il est retourné dans la poussière, et sa pensée s'est évanouie."
- "J'ai regardé la terre", c'est-à-dire la gloire terrestre, "et
voici qu'elle était vide et néant". Ou bien selon Origène, "il
n'était plus", car lorsque l'homme s'élève vers les réalités divines, il
se conforme à l'intelligence divine: et les réalités qui sont futures lui sont
comme présentes. C'est pourquoi celui qui voit que le temps de cette vie est
bref, voit la condamnation des impies comme présente: "Dieu a choisi ce
qui est vil et méprisable selon le monde, et les choses qui ne sont pas, pour
détruire les choses qui sont; afin que nulle chair ne se glorifie en sa présence."
Aussi dit-il: je l'ai cherché, et son lieu n'a pas été trouvé, c'est-à-dire
ses dignités, ou sa famille et sa maison, autrement dit: non seulement
lui-même, mais tout ce qui le concerne est détruit: "L'oeil qui l'avait vu
ne le verra pas; et son lieu ne le regardera plus." Ou bien: son lieu, c'est-à-dire
le monde dans lequel il demeure, parce que le monde passe ainsi que sa
convoitise: "Car elle passe la figure de ce monde."
37 Garde
l'innocence, et vois l'équité; parce que des restes sont [assurés] à l'homme
pacifique. 38 Mais les injustes périront entièrement tous ensemble; les
restes des impies mourront. 39 Mais le salut des justes vient du Seigneur, et [il est]
leur protecteur au temps de la tribulation. 40 Et le Seigneur les aidera, et les libérera;
il les arrachera aux pécheurs, et il les sauvera, parce qu'ils ont espéré en
lui.
b. Ici le
psalmiste exhorte à la justice qui concerne le prochain; et à cet égard il fait
trois choses.
- Il commence par exposer son exhortation.
- Puis il mentionne une récompense: parce que des restes sont [assurés] à l'homme pacifique.
- Enfin il fait connaître ce qu'il avait dit: le salut.
- Vis-à-vis du prochain l'homme doit d'abord faire en sorte qu'il ne
lui nuise pas; puis qu'il rende ce qui lui est dû.
En parlant de sa première disposition, il dit: Garde l'innocence, en ne nuisant
en rien: "L'innocent sera sauvé, mais il sera sauvé à cause de la pureté
de ses mains." et vois l'équité. Une autre version lit: directionem (la
direction), c'est-à-dire la rectitude et la justice. vois, c'est-à-dire juge: "Disant
ce qui est juste, jugez."
- parce
que des restes sont [assurés] à l'homme pacifique, et c'est la
récompense des justes. Origène dit que lorsque l'esprit se sépare de la chair,
les os de l'homme sont appelés restes: ainsi lorsque l'âme se retire, ce qui
demeure, à savoir le corps, est appelé [restes]; et c'est pourquoi non
seulement il sera récompensé dans son âme, mais son corps sera aussi élevé à
l'immortalité. Ou bien on appelle reliquiae (restes), tout ce qui appartient à
l'homme après cette vie, lesquels restes sont nombreux, autrement dit: cela ne
se terminera pas en cette vie, mais il y a encore une multitude d'autres biens
au terme de cette vie. C'est pourquoi une autre version lit: "Extremum vitae
ejus est pax (À la fin de sa vie il y a la paix)."
Puis le psalmiste expose la condamnation des méchants. Les méchants
reçoivent une double condamnation.
· D'abord, parce qu'eux-mêmes périssent.
· Puis parce qu'ils ne laissent rien après eux.
· C'est pourquoi il dit: Mais les injustes périront. - "Parce que
nul n'a l'intelligence, ils périront éternellement." les restes des impies mourront, c'est-à-dire
leurs biens qui restent périront avec eux dans la géhenne.
· Ou bien: les restes, c'est-à-dire tout ce qu'ils ont
possédé, à savoir les richesses qui périssent, la renommée qui pourrit, la
postérité qui périra: "Est-ce que leur élévation n'a pas été entièrement
détruite ? Et leurs restes, un feu ne les a-t-il pas dévorés ?"
- Mais
le salut des justes. Il prouve que les restes des justes sont
conservés.
· Et il montre d'abord en général en quoi ils consistent.
· Puis il montre l'ordre de l'obtention de ces restes.
· Enfin la cause de ce salut.
· Il y a deux choses à considérer dans ces restes: le salut des bons,
et l'arrachement aux méchants.
Concernant le salut des bons il dit: Mais le salut des justes vient du Seigneur
seul, en qui ils espèrent, non d'un autre. Origène dit: "Apud Dominum (Auprès du
Seigneur), autrement dit: il n'est en aucune créature, mais en Dieu seul: "Israël
a été sauvé par le Seigneur d'un salut éternel."
Concernant l'arrachement aux méchants il dit: [il est] leur protecteur au temps de la
tribulation, à savoir de la tribulation présente, afin qu'ils ne
soient plus opprimés corporellement: "Il vous fera tirer profit de la
tentation même, afin que vous puissiez persévérer", ou bien au jour du
jugement, ou bien au moment de la mort: "Bon est le Seigneur, il fortifie
au jour de la tribulation, il sait ceux qui espèrent en lui."
· L'ordre de l'obtention de ces restes est quadruple.
L'homme est d'abord aidé en vue de bien agir. Aussi dit-il: le Seigneur les
aidera, c'est-à-dire coopérera: "Mon secours vient du Seigneur."
- "Tu as opéré toutes nos oeuvres pour nous."
et [il] les libérera, c'est-à-dire des méchants, et les arrachera
aux pécheurs, quant à la condition présente, lorsque les justes
seront libérés, et ne suivront pas les voies des pécheurs: "Bienheureux
l'homme qui n'est pas allé au conseil des impies, qui ne s'est pas arrêté dans
la voie des pécheurs, et qui ne s'est pas assis dans la chaire de pestilence."
Ou bien au jour du jugement, lorsqu'il séparera les brebis des boucs. Ou bien
aux démons au moment de la mort de tout homme: car à ce moment même les démons
viennent, cherchant s'ils trouvent quelque chose qui leur appartient: "Le
prince de ce monde vient, et il n'a rien en moi."
Et enfin il leur donnera le salut final, parce qu'il les sauvera.
· Et la cause est due au fait qu'ils ont espéré en lui, car ce salut est dû
à ceux qui espèrent.
1 Psaume de David,
en souvenir touchant le sabbat.
2 Seigneur, ne me
reprends dans ta fureur, et ne me corrige pas dans ta colère.
3 Parce que tes
flèches se sont fixées en moi, et que tu as appesanti sur moi ta main. 4 Il n'est
rien de sain dans ma chair à la face de ta colère; Il n'y a pas de paix dans
mes os en présence de mes péchés. 5 Parce que mes iniquités se sont élevées
au-dessus de ma tête; et comme un fardeau pesant, elles se sont appesanties sur
moi. 6 Mes plaies se sont putréfiées et corrompues en présence de ma folie.
7 Je suis devenu
misérable, et j'ai été courbé jusqu'à la fin; tout le jour je marchais
contriste. 8 Parce que mes reins ont été remplis d'illusions, et il n'y a rien
de sain dans ma chair.
9 J'ai été affligé
et j'ai été humilié à l'excès, je rugissais par suite du gémissement de mon
coeur.
10 Seigneur,
devant toi est tout mon désir, et mon gémissement ne t'est point caché.
11 Mon coeur a été
troublé, ma force m'a abandonné; et la lumière de mes yeux elle-même n'est plus
avec moi.
12 Mes amis et mes
proches contre moi se sont approchés, et ils se sont arrêtés. Et ceux qui
étaient près de moi se sont arrêtés au loin; 13 et ceux qui cherchaient mon âme
me faisaient violence. Et ceux qui me cherchaient des maux ont dit des choses
vaines, et tout le jour ils ne méditaient que des ruses.
14 Mais moi, comme
un sourd, je n'entendais pas; et [j'étais] comme un muet n'ouvrant pas la
bouche. 15 Et je suis devenu comme un homme n'entendant pas, et n'ayant pas dans
sa bouche de répliques.
16 Parce qu'en
toi, Seigneur, j'ai espéré; toi, tu m'exauceras, Seigneur mon Dieu.
17 Parce que j'ai
dit: Que jamais mes ennemis ne se gaussent de moi; et tandis que mes pieds sont
ébranlés, ils ont dit sur moi de grandes [insolences]. 18 Parce que moi je suis
prêt à [recevoir] des châtiments, et ma douleur est en ma présence toujours.
19 Parce que je
proclamerai mon iniquité, et je penserai à mon péché. 20 Mais mes ennemis
vivent, et se sont fortifiés contre moi; et ceux qui me haïssent iniquement se
sont multipliés. 21 Ceux qui rendent les maux pour les biens me dénigraient
parce que je recherchais le bien.
22 Ne m'abandonne
pas, Seigneur mon Dieu; ne t'écarte pas de moi. 23 Sois attentif à me secourir,
Seigneur Dieu de mon salut.
1 Psaume
de David, en souvenir touchant le sabbat.
2 Seigneur,
ne me reprends dans ta fureur, et ne me corrige pas dans ta colère.
Plus haut le psalmiste a imploré le secours divin contre ses
persécuteurs: "Juge, Seigneur, ceux qui me nuisent: combats ceux qui me
combattent"; il a montré aussi leur méchanceté: "L'homme injuste a
dit en lui-même qu'il pécherait; la crainte de Dieu n'est pas devant ses yeux";
enfin il a enseigné à mépriser la prospérité des impies dans le psaume
précédent: "N'envie pas." Mais dans ce psaume il confesse qu'il est
affligé à cause de ses propres péchés. Et à ce propos il fait deux choses.
Il commence par exposer son affliction.
Puis sa prudence pour l'avenir: "J'ai dit: Je garderai mes voies."
Ce psaume s'intitule: Psaume de David, en souvenir. Augustin ajoute:
"In
rememoratione sabbati (en souvenir touchant le sabbat)." Et il
faut savoir que ce psaume est le troisième psaume pénitentiel: et ces
diversités de psaumes se réfèrent à divers actes de pénitence et au souvenir des
péchés. Et c'est pourquoi il dit pour se souvenir, c'est-à-dire des péchés: "Je
repasserai devant toi toutes mes années dans l'amertume de mon âme." Mais
si on ajoute le mot sabbat, cela regarde la fin de ce souvenir,
c'est-à-dire pourquoi il faut s'affliger et se souvenir, à savoir à cause du
sabbat, autrement dit à cause du repos promis: "Si tu éloignes ton pied du
sabbat, [et] de faire ta volonté dans le jour qui m'est consacré; si tu
appelles le sabbat délicieux", c'est-à-dire un repos délicieux, "jour
du Seigneur saint et glorieux; si tu le glorifies en ne suivant pas tes voies,
et si tu ne mets pas ta volonté à dire des paroles [vaines], alors tu trouveras
des délices dans le Seigneur..."
Ce psaume se divise en deux parties.
I) Dans la première partie, le psalmiste demande
la miséricorde.
II) Puis, dans la seconde il expose sa misère: 3 Parce que tes
flèches se sont fixées en moi.
I. La miséricorde est demandée par le juge, dont
le châtiment est craint. Le juge reprend d'abord en paroles: "Je ne te
reprendrai pas pour tes sacrifices." Puis il corrige par des faits.
Le psalmiste ne demande donc pas de n'être pas repris, mais il demande
de ne pas l'être dans la fureur; aussi dit-il: Seigneur, ne me reprends pas dans ta
fureur. La fureur et la colère en Dieu ne signifient pas un
mouvement passionnel, car il est écrit: "Il juge avec tranquillité."
Mais quant à leur effet elles sont attribuées à Dieu, car lorsqu'il est furieux
il n'épargne pas. Voilà pourquoi il demande d'être corrigé, mais non dans la
colère; aussi dit-il: et ne me corrige pas dans ta colère, car il
est écrit: "La jalousie et la fureur du mari ne pardonneront pas au jour
de la vengeance." C'est pourquoi il reprend dans la fureur lorsqu'il
n'épargne pas, comme l'écrit Matthieu: "J'ai eu faim, et vous ne m'avez
point donné à manger; j'ai eu soif, et vous ne m'avez point donné à boire..."
Et de même: "Allez loin de moi, maudits au feu éternel." Ainsi donc
je demande d'être corrigé, mais non dans la fureur.
Ensuite il traite du châtiment du juge. Et il y a un double châtiment.
L'un est infligé en vue de l'extermination, et il est relatif à l'enfer: et il
demande que ce châtiment ne lui soit pas infligé, lorsqu'il dit: Seigneur, ne me
reprends pas dans ta fureur. L'autre est infligé en vue de la correction:
et il demande que ce châtiment lui soit infligé. Mais il demande de n'être pas
corrigé dans la colère: et dans ta colère, c'est-à-dire avec un châtiment
accablant, ne
me corrige pas. - "Corrige-moi Seigneur, mais cependant dans ta
justice, et non dans ta fureur, de peur que tu ne me réduises au néant."
3 Parce
que tes flèches se sont fixées en moi, et que tu as appesanti sur moi ta main. 4
il n'est rien
de sain dans ma chair à la face de ta colère; il n'y a pas de paix dans mes os
en présence de mes péchés. 5 Parce que mes iniquités se sont élevées au-dessus de ma
tête; et comme un fardeau pesant, elles se sont appesanties sur moi. 6
Mes plaies se
sont putréfiées et corrompues en présence de ma folie.
II. La miséricorde ne trouve de place que là où
il y a de la misère. Et c'est pourquoi le psalmiste fait deux choses à ce
propos.
A) Il rappelle
d'abord que sa misère est considérable.
B) Puis il
demande le secours divin: 22 Ne m'abandonne pas.
A. Il commence
par montrer sa misère, et:
1) D'abord celle
dont il souffre en vertu d'une cause supérieure, c'est-à-dire sous l'action de
Dieu qui l'inflige.
2) Puis il montre
la misère dont il souffre intérieurement, c'est-à-dire par le remords de la
conscience: il
n'y a
pas de paix.
3) Enfin celle
dont il souffre extérieurement, c'est-à-dire à cause de l'homme méprisant: 12 Mes amis.
1. En parlant de
la misère dont il souffre sous l'action de Dieu il fait deux choses.
a) Il expose
d'abord le coup divin.
b) Puis l'effet
de ce coup: 4 Il
n'est rien de sain dans ma chair.
a. Il parle ici
en tant qu'il se réfère, selon une première manière, au coup de la tribulation
que Dieu envoie; selon une autre manière, au mouvement de la contrition.
Selon une première manière, ces trois modes de souffrance ont une
raison de convenance. Le coup est grave pour deux raisons: à savoir parce qu'il
pénètre en profondeur: et à cause de cela l'homme se convertit. À ce propos il
est écrit d'abord que le coup parvient jusqu'aux profondeurs, aussi dit-il: tes flèches, c'est-à-dire
ton coup, se
sont fixées en moi, c'est-à-dire jusqu'à l'intime de mon être: "Les
flèches du Seigneur sont en moi; et leur indignation a épuisé mon esprit."
Puis, que de tels coups ne passent pas aussitôt, mais qu'ils demeurent;
aussi dit-il: tu
as appesanti sur moi ta main. - "Le passage de la verge sera
affermi; le Seigneur la fera reposer sur lui au milieu des tambours et des
harpes, et dans des guerres considérables il les vaincra." - "Il est
terrible de tomber aux mains du Dieu vivant."
Enfin, que ces coups sont graves, et c'est la raison pour laquelle il
dit: ne me
reprends pas dans ta fureur, car je suis déjà assez criblé de
flèches.
b. Il n'est rien de
sain. Ici il expose l'effet de son criblement de flèches. Ma chair
est désordonnée, sujette à la corruption et à l'infection: "Je sais que
n'habite pas en moi", c'est-à-dire dans ma chair, "le bien".
Selon une autre manière cela peut s'entendre du souvenir de la
contrition, et il donne ainsi la raison pour laquelle il ne veut pas être puni
par Dieu. Parce
que tes flèches. Les flèches de Dieu sont les paroles de Dieu: "Il
a disposé ma bouche comme un glaive aigu; à l'ombre de sa main il m'a protégé,
et il m'a disposé comme une flèche choisie; il m'a caché dans son carquois."
Mais lorsque le pécheur écoute les paroles de Dieu, et qu'elles se sont fixées
à son coeur, alors il les met dans son coeur; et cependant il n'est pas touché
de componction par elles; il est alors digne de fureur, parce qu'il n'a pas été
touché de componction par les paroles de Dieu. Et comme le dit Grégoire: La
langue du prédicateur peine extérieurement en vain, si intérieurement la force
du Rédempteur n'opère pas. Et c'est pourquoi il faut que la main de Dieu fixe
ces flèches jusqu'à l'intime de l'être; aussi dit-il: tu as appesanti sur moi ta main.
dans ma chair. - "La chair convoite contre l'esprit, et
l'esprit contre la chair: en effet, ils sont opposés l'un à l'autre de sorte
que vous ne faites pas tout ce que vous voulez." Lorsque la chair possède
la santé, l'esprit est faible, et vice versa, c'est-à-dire que lorsque l'esprit
est sain et fort, la chair, elle, est faible: car tout ce qui est sans force
concerne la chair: "Ma chair a été changée à cause de l'huile qui m'a
manqué."
Donc l'effet de la parole de Dieu envoyée, ou inculquée, c'est qu'elle
fait perdre la force à la concupiscence de la chair: "Faites mourir vos
membres qui sont sur la terre: la fornication, l'impureté, la luxure, les
mauvais désirs, et l'avarice, qui est une idolâtrie." Origène commente
cela en se conformant à la première exposition: à la face, c'est-à-dire à la
considération de ta colère, car par tes paroles la colère du jugement futur est
prise en considération. Et à cause de cela la chair perd de sa force.
2. Et il n'y a pas de
paix dans mes os. Ici le psalmiste montre sa misère intérieure,
c'est-à-dire le péché en raison duquel il souffre la tribulation, autrement dit:
la santé de la chair est ôtée à la considération de ta colère; mais en
reconnaissant mes péchés, l'esprit est également frappé; aussi dit-il: il n'y
a pas de paix
dans mes os, c'est-à-dire pour mon esprit: "Il n'est pas de
paix pour les impies, dit le Seigneur Dieu." Et cela en présence de mes péchés, c'est-à-dire
je ne puis garder la paix de l'esprit à cause de la multitude et de la gravité
de mes péchés. Mais éprouves-tu la tribulation ? Et il dit que oui. Aussi
a-t-il mentionné qu'il l'a éprouvée.
a) Et il expose
d'abord ses péchés.
b) Puis son
absence de paix.
a. Il y a trois
choses qui aggravent les péchés: leur multitude, leur gravité et leur réitération;
car si on pèche fréquemment, le péché devient grave.
- En parlant de leur multitude il dit donc: Parce que mes iniquités se sont élevées
au-dessus de ma tête. C'est une manière de parler. Par iniquités est
signifiée la multitude des péchés; car de même que l'eau recouvre l'homme,
ainsi les péchés le submergent. Et l'eau ne fait pas cela, excepté seulement
dans la mesure où elle s'accroît au point de dépasser la tête. Autrement dit:
elles se sont accrues tellement qu'elles sont montées au-dessus de ma tête: "Je
suis enfoncé dans une boue profonde et sans consistance." - "J'ai
péché plus que la quantité de sable de la mer, et mes péchés se sont
multipliés." Et il dit: au-dessus de ma tête, c'est-à-dire au-dessus
de mon esprit entraîné au consentement du péché. L'homme se comporte de trois
manières dans le péché.
· Parfois il est en état de concupiscence, et son esprit résiste; et
alors il n'atteint pas sa tête.
· Parfois il consent, mais sous la contrainte de la passion, et alors
bien qu'il parvienne à la tête, il ne la dépasse cependant pas.
· Mais lorsqu'ils se réjouissent d'avoir mal fait, et tressaillent de
joie dans les choses les plus mauvaises", alors les iniquités s'élèvent
au-dessus de leur tête.
- En parlant de la deuxième cause
d'aggravation, il dit: comme un fardeau pesant, elles se sont appesanties sur
moi. Et les péchés sont dits accabler, parce qu'ils oppriment à la
manière d'une chose lourde. Donc plus l'homme est accablé, plus il s'éloigne de
Dieu: "L'iniquité est assise sur une masse de plomb." - "Malheur à la
nation pécheresse, au peuple chargé d'iniquité." Une autre version lit: "Sustulit in
altum (Il s'est élevé)", car parfois les péchés graves mènent
au mépris, et l'impie s'enorgueillit, "lorsqu'il est venu au fond des
péchés".
- En parlant de la troisième cause d'aggravation il dit: Mes plaies se
sont putréfiées et corrompues, à cause de la récidive. Une plaie
résulte d'une blessure; ainsi de même lorsque quelqu'un pèche et que le péché
lui a été remis, mais qu'il a encore une propension à pécher, il y a comme une
plaie résultant de la blessure. Mais parfois Dieu la guérit par la satisfaction
et l'exercice des bonnes oeuvres: "Je fermerai ta plaie, et je te guérirai
de tes blessures." Mais parfois nous ne nous surveillons pas bien; et de
même que par l'incapacité d'un médecin, une maladie engendre quelquefois
intérieurement de la putréfaction, et corrompt un membre, ainsi en est-il dans
le pécheur: car lorsque son péché n'est pas soigné par la correction, ou par la
pénitence, la pourriture se manifeste intérieurement, c'est-à-dire la
délectation du péché commis dans le passé; et il consent à en commettre un
autre semblable: "Les bêtes de somme ont pourri dans leur ordure."
Il en résulte de la corruption lorsque le péché s'étend à l'acte. Ou
bien il y a corruption lorsque non seulement les pécheurs sont pourris en
eux-mêmes, mais qu'ils répandent sur les autres leur pourriture par leur
mauvaise réputation: en présence de ma folie. Lorsqu'un médecin
soigne, il arrive qu'une blessure pourrisse à cause de sa sottise; ainsi,
l'homme qui ne sait pas bien prendre garde à lui-même à cause de sa sottise
souffre de récidiver dans son péché: "Ils s'égarent, ceux qui opèrent le
mal."
7 Je
suis devenu misérable, et j'ai été courbé jusqu'a la fin; tout le jour je
marchais contristé. 8 Parce que mes reins ont été remplis d'illusions, et il
n'y a rien de sain dans ma chair.
b. Plus haut le
psalmiste a dit: il
n'y a pas de paix dans mes os, et il a montré quels sont ses propres
péchés, car ils sont nombreux, graves et répétés; ici il traite de la
suppression de la paix et à ce propos il fait deux choses.
- Il commence par exposer l'inquiétude qui s'oppose à la paix.
- Puis il expose le remède de la consolation et de l'espérance: 10 Seigneur, devant
toi est tout mon désir.
- Il montre l'inquiétude de son âme de deux manières.
· D'abord quant à l'humiliation, et quant à l'irascible.
· Puis quant à l'humiliation du coeur, ce qui regarde le mouvement du
concupiscible: tout
le jour.
· En parlant de l'humiliation et de l'irascible il fait deux choses.
Il fait d'abord connaître la cause de l'humiliation;
puis l'humiliation elle-même.
La cause de l'humiliation c'est que Je suis devenu misérable, c'est-à-dire que moi
je reconnais ma misère. La misère s'oppose à la félicité; et c'est pourquoi
elle consiste en son contraire. La félicité humaine consiste dans les biens de
ce monde: "On a dit bienheureux le peuple à qui sont ces avantages."
La vraie félicité consiste dans l'adhésion à Dieu; et d'où ce qui suit: mais
plutôt" bienheureux le peuple dont le Seigneur est le Dieu". Donc il
est misérable parce qu'il s'est détourné de Dieu par son péché: "La
justice élève une nation; mais le péché fait les peuples malheureux."
Ainsi celui qui sait qu'il est séparé de Dieu par son péché se
considère misérable; et à cause de cela son âme est dite humiliée; c'est
pourquoi le psalmiste dit: j'ai été courbé. Cette action de se courber
peut être appliquée à l'oppression de l'âme, à cause du poids du péché, car de
même que les péchés créent un poids tel qu'ils courbent l'homme, et le font
regarder à terre, ainsi font-ils regarder les choses basses et ne permettent
pas de tendre par l'affection vers les réalités supérieures: "Je suis
tellement courbé sous une pesante chaîne de fer." Ou bien elle peut être
appliquée à l'humilité, autrement dit: J'ai été courbé à cause de l'humilité,
car lorsque l'homme reconnaît son péché, il ne goûte pas les réalités d'en
haut. C'est l'attitude du publicain de l'Èvangile, "qui n'osait pas même
lever les yeux au ciel". Et cet acte de se courber ne doit pas être
momentané, mais il doit durer toute la vie; aussi dit-il: jusqu'à la fin, c'est-à-dire de
la vie, aussi longtemps que dure la corruption du corps: "Malheureux homme
que je suis, qui me délivrera du corps de cette mort ?"
· Ensuite le psalmiste traite de la tristesse du coeur, et il fait
trois choses.
Il commence par faire connaître cette tristesse.
Puis il mentionne la cause de cette tristesse.
Enfin son intensité.
Ainsi dit-il: non seulement j'ai été humilié face à mon orgueil, mais
j'ai aussi été contristé face à ma délectation du péché; et telle est la bonne
tristesse: "Car la tristesse qui est selon Dieu" est bonne. Et il
traite de deux choses à propos de la tristesse.
Il souligne d'abord le fait qu'elle doit être continuelle; aussi dit-il:
tout le jour.
- "Il y a une grande tristesse en moi, et une douleur
continuelle dans mon coeur." - "Je laverai chaque nuit mon lit [de
mes pleurs]; j'arroserai ma couche de mes larmes." - "Je pleurerai
jour et nuit les morts de la fille de mon peuple." Augustin commente: "Qu'il
souffre toujours, et qu'il se réjouisse toujours de sa douleur."
Puis, qu'il y a une tristesse qui préoccupe, celle qui mène au
désespoir: "Vous devez au contraire user avec lui d'indulgence et le
consoler, de peur qu'il ne soit préoccupé par une trop grande tristesse, se
trouvant dans une pareille situation." Il y a une tristesse qui accable,
et c'est la paresse spirituelle qui abat de telle sorte qu'elle ne permet pas
de faire le bien. Mais la tristesse de celui qui se repent n'est pas ainsi; au
contraire, elle est accompagnée de l'espérance et de l'exercice des bonnes
oeuvres; c'est pourquoi il dit: je marchais, c'est-à-dire dans la vie, et je
progressais dans les bonnes oeuvres. Le bien progresse, parce que les biens
spirituels vers lesquels tend l'homme bon sont intérieurs: "Oubliant ce
qui est en arrière", c'est-à-dire les biens temporels, vers lesquels
tendent les pécheurs, biens qui sont extérieurs, "et m'avançant vers ce
qui est devant, je tends au terme, au prix de la vocation céleste de Dieu dans
le Christ Jésus". - "Je te conduirai par les sentiers de l'équité;
lorsque tu y seras entré, tes pas ne seront pas gênés."
8 Parce
que mes reins ont été remplis d'illusions. Ici il expose la cause de
cette tristesse. Selon le commentaire de la Glose, par reins on entend l'âme. Et il dit:
les reins, parce
que là se trouve la jouissance, et il n'y a rien de sain dans ma chair, afin
de montrer qu'il est faible intérieurement et extérieurement. Mais il est
préférable de l'expliquer autrement, en disant qu'il est affligé par le péché,
lorsqu'il reconnaît sa propre misère. Et la misère se reconnaît principalement
dans la corruption de la sensualité: "Je vois dans mes membres une autre
loi qui combat la loi de mon esprit, et me captive sous la loi du péché,
laquelle est dans mes membres." Et il ajoute: "Malheur à moi homme,
qui me libérera du corps de cette mort ?" Autrement dit: je me reconnais
misérable, et j'ai été contristé, parce que mes reins [sont] remplis
d'illusions. Au sens littéral, la jouissance charnelle me remplit
d'illusions, parce que le diable se sert de notre sensualité comme d'un
instrument, et là où il nous voit faibles, là il nous combat: "L'insensé
se jouera du péché." Et ces illusions de choses variées résultent d'une
double cause.
Elles sont parfois dues à la corruption, car la chair cherche toujours
ce qui lui convient, en tant que cela lui est naturel; et à moins que l'esprit
ne la retienne, il faut qu'elle trouve sa jouissance dans ces choses. Et il est
impossible à l'esprit d'être toujours vigilant, c'est pourquoi il faut bien
qu'il soit dans l'illusion.
Parfois ces illusions résultent de l'esprit propre, à savoir lorsque
quelqu'un inculque toujours en lui des pensées charnelles: et cet acte
constitue un péché véniel dans un premier temps; enfin, s'il consent, cet acte
devient un péché mortel; et le pécheur reconnaît cela, non comme si c'était dû
à sa chair, mais comme venant de lui-même; aussi dit-il: il n'y a rien de sain dans ma chair. -
"Je sais que le bien n'habité pas en moi, c'est-à-dire dans ma chair."
9 J'ai
été affligé et j'ai été humilié à l'excès, je rugissais par suite du
gémissement de mon coeur.
Ici le psalmiste expose l'intensité de la tristesse.
Et il commence par exposer cette intensité.
Puis il en donne le signe: je rugissais.
Il a exposé deux choses dans la tristesse. D'abord, qu'il a été
contristé. Puisqu'il a été courbé. Par la première chose il désigne la
tristesse, mais par la seconde l'abattement. Et il tient à répéter ces deux
choses ici.
En relation avec le fait qu'il a été courbé il dit: j'ai été
humilié. En relation avec le fait qu'il a été contristé il dit: J'ai été
affligé, et à l'excès pour l'un comme pour l'autre; et cela en
raison de l'intensité du mal qu'il encourait, car le péché est le mal
souverain. Et c'est pourquoi il est affligé de multiples douleurs. Également,
en raison de la perte d'un bien considérable: "Sache et vois combien il
est mal et amer d'avoir abandonné le Seigneur ton Dieu, et de n'avoir plus ma
crainte auprès de toi, dit le Seigneur Dieu des armées." Semblablement,
selon Origène, à cause du passage de l'état de grâce et de vertu à l'état de
péché. Selon Boèce, il n'est de sorte d'infélicité plus grande que celle
d'avoir goûté la félicité. - "Qui m'accordera que je sois comme dans des
anciens mois, comme aux jours dans lesquels Dieu me gardait ?"
Le signe de sa grande tristesse est le rugissement; c'est pourquoi il
dit: je
rugissais par suite du gémissement de mon coeur. On appelle
rugissement le cri des bêtes, à savoir celui du lion et de l'ours, en raison de
la véhémence de la douleur ou de la faim. C'est pourquoi le rugissement est la
véhémence des larmes: "Comme les eaux qui débordent, ainsi sont mes
rugissements"; aussi dit-il: je rugissais, c'est-à-dire je pleurais
amèrement. Mais il arrive parfois que quelqu'un pleure extérieurement, non
cependant sous l'ébranlement de l'âme. Mais moi je ne pleure pas ainsi, au
contraire ce rugissement procède du rugissement de mon coeur: "Mes
gémissements sont nombreux, et mon coeur est triste." - "Nous
rugirons tous comme les ours, et comme les colombes, méditant, nous gémirons."
10 Seigneur,
devant toi est tout mon désir, et mon gémissement ne t'est point caché.
- Ici le psalmiste expose le remède de la consolation.
· Et il montre d'abord que le remède de sa consolation est en Dieu
seul.
· Puis il montre que cela lui est nécessaire, car il ne trouve en
lui-même aucun motif de consolation: Mon coeur.
· "Ta perte vient de toi, Israël; c'est seulement en moi qu'est
ton secours." Or il y a une double tristesse. Une tristesse qui mène au
désespoir; et cette tristesse ôte le désir et le gémissement, car l'un et
l'autre s'expriment en secret; et c'est pourquoi le désir et le gémissement
intérieur sont connus de Dieu; aussi dit-il: Seigneur, devant toi est tout mon désir. Devant
toi a été approuvé ce que je désire, et c'est pourquoi j'espère que cela me
sera donné par toi: "L'objet de leur désir sera accordé aux justes."
- "Le Seigneur a exaucé le désir des pauvres."
Ou bien selon une autre manière d'expliquer: devant toi, c'est-à-dire t'est
connu tout mon désir, toi qui scrutes les coeurs: "Dieu regardé le coeur."
- "L'enfer et la perdition [sont à nu] devant le Seigneur; combien plus le
coeur des hommes ?"
Ou encore de la manière suivante: devant toi, etc., c'est-à-dire
mon désir est que je sois devant toi: "Mon âme a eu soif du Dieu fort,
vivant."
et mon gémissement
ne t'est point caché, c'est-à-dire
toi tu l'approuves, ou bien toi tu le reconnais: "J'ai vu l'affliction de
mon peuple en Egypte, et j'ai entendu sa clameur à cause de la dureté de ceux
qui président aux travaux."
11 Mon
coeur a été troublé, ma force m'a abandonné; et la lumière de mes yeux
elle-même n'est plus avec moi.
Ici il montre que la nécessité de la consolation est telle qu'il n'y a
en lui-même aucun motif qui puisse le consoler.
Il y a trois choses dans l'homme, à savoir l'intelligence, la volonté,
et la force exécutive: l'intelligence dirige, la volonté commande, la forcé exécute:
et ces trois choses font défaut en moi. Car Mon coeur, c'est-à-dire l'affectivité, a été troublé, a
été ébranlé par la tristesse et l'émotion: "Tu as ébranlé la terre et tu
l'as bouleversée; guéris ses brisures, parce qu'elle a été ébranlée."
Ou bien: a
été troublé à cause du souci du monde. Semblablement la force
exécutive m'a abandonné, celle que j'avais avant le péché.
Ou bien il parle au nom du genre humain. La force que j'ai reçue dans
nos premiers parents, de telle sorte que je ne connaisse pas la corruption
intérieure ou extérieure, m'a abandonné, à cause du péché: "N'y
a-t-il pas en moi de forcé pour délivrer ?" et la lumière de mes yeux n'est plus avec
moi, c'est-à-dire ma raison et mon esprit sont privés de la lumière
de la raison, grâce à laquelle ils évitent le mal et font le bien. Ou bien la lumière de
mes yeux, c'est-à-dire Dieu, n'est pas avec moi à cause du péché,
car "vos péchés vous ont caché sa face, afin qu'il ne vous écoutât point".
12 Mes
amis et mes proches contre moi se sont approchés, et ils se sont arrêtés. Et
ceux qui étaient près de moi se sont arrêtés au loin; 13 et ceux qui
cherchaient mon âme me faisaient violence. Et ceux qui me cherchaient des maux
ont dit des choses vaines, et tout le jour ils ne méditaient que des ruses.
3. Plus haut le
psalmiste a exposé avec précision sa propre misère, misère dont il souffre pour
une raison supérieure et intérieure; mais ici il expose la misère dont il
souffre à cause de ses semblables. À cet égard il fait deux choses.
a) Il montre
d'abord ce qu'il souffre de la part des hommes.
b) Puis il montre
quelle en est la cause: 20 Mais mes ennemis.
a. En parlant de
ce qu'il souffre de la part des hommes il fait trois choses.
- Il commence par mentionner les maux dont il souffre de la part des
hommes.
- Puis il montre sa patience face à ceux-ci: 14 Mais moi.
- Enfin il montre le motif de sa patience: 16 Parce qu'en toi, Seigneur, j'ai espéré.
- Il montre donc qu'il a été affligé par tout le genre humain: et bel
et bien, puisqu'il montre d'abord qu'il a souffert de la part de ses amis. Puis
de la part de ses ennemis: et me faisaient violence.
Ses amis l'affligent doublement: en le persécutant et en le délaissant:
car par le fait même qu'ils ne l'aident pas, ils l'affligent.
Et ceux qui
étaient près de moi. Semblablement
il y a deux genres d'amis. Il y a des amis personnels et étrangers. Et il y a
des amis et des proches; et il dit avoir été affligé par les uns et par les
autres.
En parlant du premier genre il dit: Mes amis. Et cela peut s'entendre de la
personne du Christ, qui dans ce psaume parle parfois pour lui-même, parfois
pour ses membres; ou bien cela peut s'entendre de la personne du pénitent.
Si on le lit en l'appliquant à la personne du Christ, il est manifeste
que les Juifs, qui sont ses proches, furent ses adversaires; aussi le psalmiste
dît-il: contre
moi [ils] se sont approchés, et ils se sont arrêtés.
Ou bien si on l'applique à la personne du pénitent, alors Origèné
commente:
Tout homme se trouve en ce monde parmi les pécheurs, et aussi longtemps
qu'il vit dans les péchés ils lui montrent de l'amitié; mais lorsqu'il
abandonne le monde et le péché, alors les pécheurs s'opposent à lui; aussi le
psalmiste dit-il: Mes amis, c'est-à-dire ceux qui étaient auparavant mes amis:
"Il est tel ami qui se tourne vers l'inimitié." et mes proches, c'est-à-dire
unis par la chair: "Les ennemis de l'homme sont ses serviteurs." - "J'ai
entendu les outrages d'un grand nombre et la terreur tout autour."
contre moi se sont
approchés, et ils se sont arrêtés. Il arrivé parfois qu'un ami s'oppose à la parole ou à l'action de
quelqu'un; mais il a cependant un tel respect pour l'amitié, qu'il ne s'oppose
pas à lui en face. Et c'est pourquoi le psalmiste dit que non seulement ils se sont arrêtés
au loin, mais qu'ils se sont approchés, c'est-à-dire se sont
opposés comme devant un ennemi. Parfois aussi un ami se soulève contre lui en
action, cependant il ne persévère pas. Mais il dit à leur sujet qu'ils se sont arrêtés,
c'est-à-dire qu'ils furent pour moi des adversaires: "Les rois
de la terre se sont levés, et les princes se sont ligués contré le Seigneur et
contre son Christ."
Et ceux qui
étaient près de moi, se sont arrêtés au loin. Ici il montré comment il a été abandonné. Si on exposé
cela à propos du Christ, il fut vraiment abandonné:
"Tous les disciples l'abandonnant, s'enfuirent."
Semblablement le pénitent est abandonné, après qu'il s'est converti à Dieu;
d'où ce qui est écrit: Et ceux qui étaient près de moi, c'est-à-dire
mes amis par familiarité ou selon la chair, se sont arrêtés au loin. - "Voici que je
n'ai pas de secours en moi, et mes amis même se sont retirés de moi." - "Tu
as éloigné de moi amis et proches, et ceux qui m'étaient connus, à cause de ma
misère."
et ceux qui
cherchaient mon âme, me faisaient violence. Et non seulement il est ainsi affligé par ses amis,
mais aussi par ses ennemis. Et il y a deux genres d'ennemis. Certains sont des
ennemis mortels, et ils tuent. Il y en a d'autres qui ne sont pas mortels,
parce qu'ils ne cherchent pas a tuer: et il parle des uns et des autres ici.
Au sujet des premiers il dit: ceux qui cherchaient mon âme me faisaient violence, c'est-à-dire
cherchaient à me tuer. Au sens littéral on l'applique au Christ que les Juifs
cherchaient à tuer; aussi dit-il: faisaient violence, c'est-à-dire causaient de
la violence: "Ne fais point violence au pauvre, parce qu'il est pauvre."
Selon une version de Jérôme: "Ut vim facerent (Afin de faire violence)."
Ou bien: cherchaient,
à savoir les démons ou les amis, qui voulaient m'amener au mal après
que je me fus converti à Dieu, et qui me faisaient violence.
À propos des seconds il dit: Et ceux qui me cherchaient des maux ont dit des choses
vaines, c'est-à-dire
ont proféré le mensonge contré moi. Ainsi arriva-t-il aux Juifs contré le
Christ; eux qui, proférant le mensonge, disaient: "Nous avons trouvé
celui-ci pervertissant notre nation, défendant de payer le tribut à César, et
disant qu'il est Christ et roi." - "Et tout le jour ils ne méditaient
que des rusés, pour le surprendre dans ses paroles."
Semblablement cela arrive à n'importe quel pénitent: car un pénitent,
comme le dit Origène, confesse son péché, et si c'est nécessaire, il accomplit
une pénitence publique; et il est raillé par les autres qui persévèrent dans le
péché. - "La simplicité du juste est tournée en dérision."
- Et ils disent beaucoup de choses vaines et fausses contré lui: "Ils
ont dit des paroles vaines, chacun à son prochain." Et de même ils
dressent des embûches, s'ils trouvent de quoi le confondre: "Né dresse pas
d'embûches, et ne cherché pas l'impiété dans la maison du juste."
14 Mais
moi; comme un sourd, je n'entendais pas; et [j'étais] comme un muet n'ouvrant pas
la bouche. 15 Et je suis devenu comme un homme n'entendant pas, et
n'ayant pas dans sa bouche de répliques.
- Ici le psalmiste montre la patience qu'il a manifestée de lui-même.
· Et il expose d'abord sa patience.
· Puis l'effet de sa patience: je suis devenu comme un homme.
· Les hommes, lorsqu'ils sont affligés, à moins qu'ils ne supportent
avec patience, commencent par être ébranlés dans leur âme, puis deviennent
désordonnés dans leurs paroles. Mais le remède pour que l'homme ne soit pas
ébranlé dans son âme, c'est qu'il soit comme un sourd qui n'écoute pas les
paroles iniques. Et c'est pourquoi il dit: Mais moi, comme un sourd, je n'entendais pas, c'est-à-dire
quant à moi je feignais d'entendre: "Jusqu'à un certain temps souffrira
[l'homme] patient." Et il est écrit semblablement dans le même livre: "Entoure
tes oreilles d'une haie d'épines, et n'écoute pas la langue méchante." Et
le remède pour qu'il ne soit pas désordonné dans ses paroles, c'est qu'il soit
muet: "Je suis devenu muet, et je me suis humilié, et j'ai passé sous
silence de bonnes choses." Voilà pourquoi il dit: et [j'étais] comme un muet n'ouvrant pas la
bouche. Et le Christ réalise cela parfaitement, comme le rapporte
Matthieu: "Mais il ne lui répondit à aucune de ses paroles, de sorte que
le gouverneur en était extrêmement étonné." - "Comme une brebis il
sera conduit à la tuerie, et comme un agneau devant celui qui le tond, il sera
muet, et il n'ouvrira pas la bouche." Ainsi doivent aussi se comporter les
hommes justes: "J'ai mis à ma bouche une garde, lorsque le pécheur
s'élevait contre moi."
·Et
je suis devenu comme un homme n'entendant pas.
Ici le psalmiste expose l'effet de sa patience; mais ce comportement
s'oppose à la pensée des méchants, qui attribuent cela à la lâcheté et non à la
vertu. Et il dit: je suis devenu, c'est-à-dire selon l'opinion, comme un homme
n'entendant pas, et non vertueux. D'où ce qui est écrit au sujet du
Christ: "Tu ne me parles pas ?"
et n'ayant pas
dans sa bouche de répliques, c'est-à-dire
comme s'il n'était pas sage pour répondre. Aussi il est écrit à propos du
Christ qu'Hérode se joua de lui et le méprisa.
16 Parce
qu'en toi, Seigneur, j'ai espéré; toi, tu m'exauceras, Seigneur mon Dieu.
- Ici le psalmiste montre le motif de sa patience. Il est triple: du
côté de Dieu, du côté des ennemis, et de son propre côté.
· Du côté de Dieu le motif de sa patience est dû au fait que toute sa
cause est abandonnée à Dieu: "À moi la vengeance, et c'est moi qui ferai
la rétribution." Et c'est pourquoi il dit: mais moi en toi j'ai espéré, Seigneur, autrement
dit: en toi est ma cause: "Mon espérance, c'est toi, au jour de
l'affliction." Et qu'espères-tu de Dieu ? J'ai dit: toi, tu m'exauceras, Seigneur mon Dieu. Selon
Origène, lorsqu'un homme prie Dieu et n'est pas exaucé, c'est parce que
lui-même n'écoute pas celui qui le commande. - "Celui qui détourne ses
oreilles pour ne pas écouter sa loi, sa prière sera exécrable"; mais celui
qui obéit à Dieu et à sa loi, celui-là est alors exaucé: "La prière
assidue du juste peut beaucoup." Or Dieu recommande surtout la patience: "Si
quelqu'un te frappe sur la joue droite, présente-lui encore l'autre." Et
c'est pourquoi ceux-là sont exaucés par Dieu, qui ont su prier pour leurs
ennemis, comme le fait l'Eglise; c'est pourquoi le prophète Jérémie écrit: "Quand
même Möise et Samuel se présenteraient devant moi" - car ces derniers dans
l'Ancien Testament ont prié pour leurs ennemis, - "mon âme ne serait pas
pour ce peuple", c'est-à-dire je ne les exaucerais pas pour ce peuple,
autrement dit: car si je souffre avec patience, toi, tu m'exauceras.
17 Parce
que j'ai dit: Que jamais mes ennemis ne se gaussent de moi; et tandis que mes
pieds sont ébranlés, ils ont dit sur moi de grandes [insolences]. 18
Parce que moi
je suis prêt à [recevoir] des châtiments, et ma douleur est en ma présence
toujours.
Plus haut le psalmiste a exposé les maux qu'il a soufferts de la part
des hommes; et il a montré aussi sa patience, et il a donné un motif de sa
patience du côté de Dieu.
· Ici à présent il donne un motif de sa patience du côté de ses
ennemis. Il arrive parfois que, par la miséricorde de Dieu, celui qui souffre
une tribulation, souffre des maux qui sont infligés par d'autres, en vue
d'avoir la paix avec ses ennemis: "Lorsque plairont au Seigneur les voies
de l'homme, il convertira même ses ennemis à la paix." - "Les bêtes
de la terre seront pacifiques pour toi." Et ce comportement est aussi
naturel, car il n'est personne qui soit à ce point violent ou cruel que
lorsqu'il voit quelqu'un humilié, il l'afflige davantage. Même le chien ne mord
pas un homme qui est étendu. Donc lorsque quelqu'un résiste à un ennemi, il
provoque l'ennemi à le nuire, et Dieu ne l'aide pas: "Si j'ai rendu le mal
à ceux qui m'en avaient fait, que je tombe sous mes ennemis sans défense; je
l'ai mérité." Et c'est pourquoi il donne ici un motif de sa patience qui
consiste à ne pas tomber dans leurs mains; et à ce propos il fait deux choses.
Il commence par mentionner au sujet de ses ennemis leur joie
corporelle.
Puis leur insulte.
Ainsi dit-il: j'ai dit: Que jamais mes ennemis ne se gaussent de moi; si
Dieu ne veut pas me défendre, qu'il ne me prenne pas en considération, et ainsi
mes ennemis l'emporteront sur moi et se réjouiront.
En parlant de leur insulte il dit: et tandis que
mes pieds sont ébranlés. Une version de Jérôme lit: deficio (je
tombe en faiblesse), et notre version lit: "Super me magna locuti sunt (Ils
ont dit sur moi de grandes [insolences])." Et tandis que mes pieds
glissent, etc., ils disent. Si on l'entend au passé, en voici le sens: j'ai dit: Que
jamais, etc. Cela peut se référer à son expérience;
autrement dit: je sais par expérience qu'ils se réjouiraient. Mais si mes pieds
glissaient, etc. Certains tombent, d'autres vacillent mais ne tombent pas,
d'autres sont faibles. Les méchants insultent parfois un homme religieux, et
ils parlent surtout contre lui: "Ne multipliez point des paroles hautaines
en vous glorifiant." - "Que le Seigneur perde entièrement toutes les
lèvres trompeuses, et la langue qui profère des discours superbes."
· Le troisième motif [de sa patience] est de son propre côté,
c'est-à-dire du côté de celui qui souffre. Il fait d'abord connaître la
promptitude de son âme, puis sa cause.
Ainsi dit-il: Parce que moi je suis prêt à recevoir] des châtiments. Nul
n'est impatient si ce n'est de ce qu'il souffre à contre-coeur. Il faut
considérer deux genres d'hommes. Il y en a qui ne sont pas châtiés ici-bas,
mais qui sont réservés au feu éternel: "Ils n'ont point de part au labeur
des hommes, et ils ne sont pas frappés comme les autres hommes",
c'est-à-dire ne sont pas corrigés ici-bas. Il y en a d'autres qui sont châtiés
en ce monde, parce que Dieu les corrige comme des fils: "Le Seigneur
châtie celui qu'il aime, et il frappe de verges tout fils qu'il reçoit."
Selon Grégoire, "le signe de la réprobation éternelle, c'est lorsque Dieu
n'inflige aucun châtiment à un homme en ce monde". Ainsi Ambroise a-t-il
refusé d'être reçu dans la maison de quelqu'un qui avait toujours vécu dans la
prospérité. Et c'est pourquoi il dit: Parce que moi je suis prêt [à recevoir] des châtiments.
Il expose d'abord la douleur.
Puis la cause de la douleur.
En effet on remarque habituellement que lorsque quelqu'un souffre d'une
douleur violente, il supporte alors une autre douleur: comme lorsqu'un homme
supporte l'extraction d'une dent afin d'être délivré de la douleur dentaire. Et
c'est pourquoi il dit: je suis prêt [à
recevoir] des châtiments, parce que j'ai une autre douleur que je veux
soigner. Et c'est pourquoi il dit: ma
douleur, à savoir celle des péchés, est
en ma présence toujours. - "Il y a une grande tristesse en moi, et une
douleur continuelle dans mon coeur." - "Ô vous tous qui passez par la
voie, prêtez attention, et voyez s'il est une douleur comme ma douleur."
Et cette douleur est plus grande que toute douleur; non en vérité d'après le
sentiment, mais selon la vérité objective. Augustin dit que toutes les
affections de l'âme sont causées par l'amour. L'homme trouve sa jouissance dans
ce qu'il aime, et craint le contraire de ce qu'il aime, et souffre
pareillement. Donc plus grand est l'amour, plus grande est la douleur résultant
de son contraire. Mais la charité la plus petite est l'amour le plus grand.
Donc la douleur résultant du péché est la plus grande; mais elle n'est pas
perçue par l'homme, parce que son appétit sensible n'est mû qu'à partir de
l'appréhension des réalités sensibles, à travers la réflexion de la raison. Et
de là vient que l'homme éprouve plus la douleur à propos d'autres choses que le
péché: cependant selon sa raison il voudrait la souffrir plus que la douleur
due au péché.
La cause de cette grande douleur est le péché; et c'est pourquoi il dit:
19 Parce que je proclamerai mon
iniquité, et je penserai à mon péché. 20 Mais mes ennemis vivent; et se sont fortifiés contre moi; et ceux qui
me haïssent iniquement se sont multipliés. 21 Ceux qui rendent les maux pour les biens me dénigraient parce que je
recherchais le bien.
Parce que je proclamerai mon
iniquité. Autrement dit: je
souffre parce que je considère mon péché, et en tant que je le manifeste aux
autres. C'est pourquoi moi, je [la]
proclamerai, c'est-à-dire je la manifesterai aux autres, comportement que
je regarde comme le plus grand des remèdes, car il s'applique surtout dans la
confession qui réjouit celui qui se confesse: "Celui qui cache ses crimes
ne sera pas dirigé; mais celui qui les confesse et les abandonne obtiendra
miséricorde." - "Confessez donc vos péchés l'un à l'autre."
Puis il expose la satisfaction du péché à l'opposé de ceux qui se
confessent sans satisfaire: "Je repasserai devant toi toutes mes années
dans l'amertume de mon âme." - "A sa face je suis troublé, et le
considérant, je suis agité par la crainte." Et ici sont mentionnées les
trois parties de la pénitence.
Le mot douleur se réfère à la
contrition.
Les mots parce que je proclamerai
mon iniquité se réfèrent à la confession.
Enfin les mots je penserai, c'est-à-dire
je satisferai, à mon péché, se
réfèrent à la satisfaction.
b. 20 Mais mes ennemis vivent; etc. Ici le psalmiste donne la raison de la
miséricorde divine, à savoir la prospérité des ennemis; et il en expose la cause
selon trois points de vue.
- D'abord quant à la stabilité de leur coeur: vivent.
- Puis quant à la grandeur de leur puissance: et se sont fortifiés.
- Enfin quant à leur multitude: se
sont multipliés.
- Ainsi dit-il: mes ennemis
vivent. Et Origène commente ce verset comme suit: parfois un pénitent,
après avoir été remis dans la paix, pense à son péché; mais de si nombreuses
tribulations s'élèvent contre lui qu'il lui semble qu'il doive se défendre;
cependant ce dernier dit: bien que mes ennemis vivent et soient prospères, je
ne délaisse pourtant pas la douleur de mes péchés; car l'homme ne doit pas se
dérober à la pénitence. Le Christ a eu de nombreux ennemis, et il en a: "Ils
m'ont haï gratuitement." Et Dieu a ses ennemis: "Ils ont haï et moi
et mon Père." Et d'autres justes ont beaucoup d'ennemis, et ils ne vivent
pas sans châtiment.
- et se sont fortifiés, c'est-à-dire
ont une grande puissance, c'est-à-dire sont très puissants.
- et se sont multipliés ceux qui
me haïssent iniquement; c'est-à-dire injustement, car ils me persécutent en
raison de la justice que je recherchais.
21 Ceux qui rendent les maux pour
les biens. Or il y a une quadruple rétribution.
La première est celle qui rétribue le bien pour le bien; une autre est
celle qui rétribue le mal pour le mal: et ces dernières sont communes aux bons
et aux méchants, parce que même le bon attribue le mal de la peine au mal de la
faute; une autre encore rétribue les biens pour les maux, et cette rétribution
est le propre des bons; la quatrième est celle qui rétribue le mal pour le
bien, et cela relève des méchants: "Est-ce que pour le bien est rendu le
mal, puisqu'ils ont creusé une fosse à mon âme ?"
me
dénigraient. - "Et comme
ils n'ont pas montré qu'ils avaient la connaissance de Dieu, Dieu les a livrés
à un sens réprouvé, remplis de toute iniquité, malice, fornication, avarice,
méchanceté; pleins d'envie, de meurtre, de l'esprit de contention, de fraude,
de malignité; délateurs, détracteurs, etc." Il y a une triple détraction:
la première de celles-ci, c'est lorsqu'un homme dénigre son prochain à propos
de son péché, même si ses péchés sont cachés, car s'ils sont cachés, ils ne
doivent pas être publiés en usant du dénigrement. La deuxième est plus
mauvaise, c'est lorsqu'il dénigre faussement. La pire, c'est lorsqu'il dénigre
non pas le prochain en tant que tel, mais sa vertu, c'est-à-dire si l'on dit
par exemple que sa chasteté est souillée. Et tel est le contenu de son propos,
car il dit: je recherchais le bien, ils
me dénigraient. - "Malheur à
vous qui appelez le mal bien, et le bien mal." - "Nous ne trouvons
contre ce Daniel aucun moyen d'accusation, si ce n'est dans la loi de son Dieu."
La Glose [commente]: "Heureuse
conscience à laquelle rien ne peut être imputé si ce n'est qu'elle observe la
loi de son Dieu."
22 Ne m'abandonne pas, Seigneur
mon Dieu; ne t'écarte pas de moi. 23
Soit attentif a me secourir, Seigneur
Dieu de mon salut.
B. Ici le
psalmiste exposé sa prière; et il demandé que soit écarté de lui ce qu'il
craint et que lui soit accordé ce qu'il aime: Sois attentif à me secourir.
Celui-ci demande que ne lui soit pas retiré ce qu'il craint, à savoir
la présence de Dieu; aussi dit-il: Ne
m'abandonne pas, Seigneur, mon Dieu, à savoir dans ma tribulation: "Je
suis avec lui dans la tribulation." - "C'est le Seigneur ton Dieu,
qui marche avec toi; il ne té délaissera point et ne t'abandonnera point." Et si tu sembles m'abandonner un peu,
cependant ne t'écarte pas de moi tout
à fait, parce que je ne puis subsister par moi-même: "Ma miséricorde ne se
retirera pas de toi."
Sois attentif à me secourir, c'est-à-dire aide-moi pour que je progresse.
Et remarquez que l'Eglise dit ce petit verset au début de toutes les Heures,
parce qu'il a un pouvoir contre les tentations. Voilà pourquoi lorsque nous commençons à prier, le diable nous
tente. Et c'est la raison pour laquelle le psalmiste demandé le secours: aussi
dit-il: Soit attentif parce que toi,
Dieu, tu ès le donateur et le gardien de mon salut: "Ô toi, qui donnés le
salut des rois, qui as racheté David ton serviteur d'un glaive meurtrier."
1 Pour la fin, à Idithun lui-même,
cantique de David.
2 J'ai dit: "Je garderai mes voies,
afin que je ne pèche point par ma langue." J'ai mis une garde à ma bouche,
lorsque le pécheur s'élevait contre moi. 3 Je suis devenu muet, et je me suis
humilié, et j'ai passé sous silence de bonnes choses; et ma douleur a été
renouvelée. 4 Mon coeur s'est échauffé au-dedans de moi; et dans ma méditation
un feu s'est embrasé.
5 J'ai dit par ma langue: "Seigneur,
fais-moi connaître ma fin. Et le nombre de mes jours, quel il est; afin que je
sache ce qui me manque."
6a Voilà que tu as fait mes jours
mesurables, et mon être est comme rien devant toi.
6b En vérité, tout homme vivant est une
vanité universelle.
7 En vérité, comme une image passe un
homme; et c'est bien en vain qu'il se trouble.
Il thésaurise, et il ignore pour qui il
rassemblera ces [trésors].
8 Et maintenant quelle est mon attente ?
N'est-ce pas le Seigneur ? Et mon bien est en toi.
9 Arrache-moi à toutes mes iniquités; tu
m'as rendu un objet d'opprobre pour l'insensé. 10 Je suis resté muet, et je
n'ai pas ouvert ma bouche, parce que c'est toi qui l'as fait. 11 Détourne de
moi tes blessures. 12 Par la force de ta main, moi j'ai défailli au milieu de
tes réprimandes: À cause de [son] iniquité tu as puni l'homme. Et tu as fait
dépérir son âme comme une araignée: en vérité, c'est en vain que tout homme se
trouble.
13 Exauce ma prière, Seigneur, et mon
imploration: prête l'oreille à mes larmes. Ne garde pas le silence. Parce que
je suis auprès de toi un étranger et un pèlerin comme tous mes pères. 14
Remets-moi, afin que je sois rafraîchi, avant que je m'en aille et que je ne
sois plus.
1 Pour la fin, à Idithun lui-même,
cantique de David.
2 J'ai dit: "Je garderai mes voies,
afin que je ne pèche point par ma langue." J'ai mis une garde à ma bouche,
lorsque le pécheur s'élevait contre moi. 3 Je suis devenu muet, et je me suis
humilié, et j'ai passé sous silence de bonnes choses; et ma douleur a été renouvelée.
4 Mon coeur s'est échauffé au-dedans de moi; et dans ma méditation un feu s'est
embrasé.
Le psalmiste a confessé qu'il a souffert l'affliction pour son propre
péché; mais ici il promet sa prudence pour l'avenir. Ce psaume s'intitule: Pour la fin, à Idithun lui-même, cantique de David. Et ceci n'est pas nouveau,
bien que ce soit un nouveau titre, car on rapporte dans l'histoire du premier
livre des Chroniques ce qui suit: David, après avoir ramené l'Arche d'alliance
qui avait été prise par les Philistins, institua quatre mille chantres; parmi
ceux qu'il établit à l'intérieur, il appela Asaph, Ethan, et Idithun, et ce
dernier figure sur ce titre. Et comme Origène le dit, cette coutume se
pratiquait aussi chez les Grecs, à savoir que si parfois il se trouvait des
poètes récitant des poèmes dans le peuple, lorsque ces poèmes n'étaient pas
écrits par les récitants eux-mêmes mais par d'autres, la victoire n'était pas
attribuée au récitant mais au poète. Ainsi en est-il également pour les psaumes;
car David composa tous les psaumes, et en chanta lui-même certains devant
l'Arche, comme on le rapporte au second livre de Samuel, et il en donna
d'autres pour être chantés; et c'est pourquoi ceux auxquels ils étaient donnés,
étaient comme des chantres et figuraient sur ces titres: tantôt à cause de leur
dignité, parce qu'ils furent des prophètes, tantôt à cause du mystère. C'est
pourquoi cela s'applique au mystère d'Idithun, qui veut dire "homme qui
connaît intérieurement", ou "qui franchit", et signifie celui qui
franchit la vanité du monde, dont il est beaucoup question dans ce psaume.
Ce psaume se divise en deux parties.
I) Dans la première le psalmiste expose la
prudence dont il use pour échapper aux dangers.
II) Dans la seconde il montre la nécessité de la
prudence: 6a Voilà que tu as fait mes
jours mesurables.
I. Dans cette première partie il fait deux
choses.
A) Il fait
d'abord mention de la prudence.
B) Puis il montre
le danger occasionné par cette prudence: 3 Je
suis devenu muet.
A. En parlant de
cette prudence il fait deux choses.
1) Il commence
par la mentionner.
2) Puis il en
donne la justification: J'ai mis une
garde à ma bouche.
1. Trois choses
sont à considérer dans la prudence: l'intention de prendre garde; aussi dit-il:
J'ai dit, c'est-à-dire j'ai établi et
je me suis proposé dans mon coeur avec délibération: "J'ai dit, moi, dans
mon coeur: J'irai et je nagerai dans les délices, et je jouirai des biens." Puis il faut considérer quelle est son
intention: car je garderai mes voies, c'est-à-dire
mes progrès. Et l'homme doit garder les voies de Dieu afin qu'il soit imité: "Mon
pied a suivi ses traces; j'ai gardé sa voie, et je ne m'en suis pas détourné."
Semblablement, il doit garder ses voies afin de ne pas errer: "Gardez vos
voies et vos oeuvres." Enfin, il faut considérer le fruit qui en résulte: afin que je ne pèche point par ma langue. L'homme
doit se garder avec un soin attentif de tout péché, et principalement du péché
de la langue, car il se laisse entraîner facilement à ces péchés: car la langue
est mobile et fait facilement éclater le mal. Ou bien une autre raison est due
au fait que la langue est l'organe immédiat qui doit exposer ce qui est conçu
intérieurement dans le coeur. C'est pourquoi aussitôt que la parole est conçue
dans le coeur, elle est sur la langue; et il faut donc qu'elle soit gardée avec
un soin attentif.
2. Puis il donne
la raison de cette vigilance: J'ai mis
une garde à ma bouche, lorsque le pécheur s'élevait contre moi, autrement
dit: la raison pour laquelle je garde mes voies, c'est qu'il y a toujours un
adversaire contre moi. Il est écrit ailleurs que l'homme mette une garde à son
coeur: "Garde ton coeur en toute vigilance, parce que c'est de lui que la
vie procède." Ici il dit qu'il met une garde à sa bouche, qu'elle n'est pas
totalement fermée, mais elle doit être gardée, c'est-à-dire préservée des
paroles mauvaises quant au temps, et quant à ce qu'il dit: "À toute chose
est son temps et son opportunité."
Et pourquoi ai-je mis une garde à
ma bouche, lorsque le pécheur s'élevait contre moi ? Cela s'explique de
trois manières.
Selon un premier sens comme suit: contre
moi, pour me tendre un piège; et dès lors la prudence est davantage
nécessaire: "Si tu as l'intelligence, réponds à ton prochain; mais sinon
que ta main droite soit sur ta bouche." - "Ils se concertèrent pour
le surprendre en parole." Selon un deuxième sens comme suit: contre moi, pour m'injurier ou pour
m'attaquer: car c'est alors même qu'il t'attaque, que tu dois prendre garde à
toi, puisque là se trouve la vertu: "Lui, qui était maudit, ne maudissait
point." Selon un troisième sens comme suit: contre moi, c'est-à-dire en ma présence, afin qu'il soit instruit:
et alors la prudence est nécessaire pour qu'il ne publie pas toutes choses à
tous. Car certaines choses doivent être exprimées aux justes qui ne doivent pas
être dites aux pécheurs: "Je n'ai pas pu vous parler comme à des hommes
spirituels, mais comme à des hommes charnels." - "Ne donnez pas les
choses saintes aux chiens", autrement dit: J'ai mis une garde, afin de ne pas divulguer les secrets de la
doctrine aux pécheurs.
B. 3 Je suis devenu muet. Ici le psalmiste
expose le danger de la prudence, c'est-à-dire ce qu'elle peut occasionner;
voilà pourquoi il dit: voyant les pécheurs se battre contre moi, je me suis
proposé de me taire complètement; aussi dit-il: Je suis devenu muet, c'est-à-dire je me suis tu tout à fait. Mais
il arrive parfois qu'une personne se taise exagérément par prudence, et parfois
qu'elle se taise extérieurement et soit troublée intérieurement: "Le coeur
de l'insensé est comme la roue d'un char." Mais celui-ci n'est pas troublé
intérieurement; c'est pourquoi il dit: je
me suis humilié, c'est-à-dire au fond du coeur, mais il y a un danger: car
tandis que j'ai voulu me taire sur mes maux, j'ai aussi passé sous silence de bonnes choses; ou bien de bonnes paroles que
je n'ai pas dites, ou bien des hommes bons à qui je n'ai pas voulu parler: "Qu'aucun
discours mauvais ne sorte de votre bouche, que s'il en sort quelqu'un, qu'il
soit bon pour édifier la foi, et donner la grâce à ceux qui l'écoutent."
D'où ce qui suit: et ma douleur a été
renouvelée, autrement dit: J'ai d'abord souffert de la parole indiscrète, à
présent je souffre de la taciturnité indiscrète, comme s'il disait: la douleur
s'est renouvelée en moi. Mais le remède de la charité intérieure est appliqué;
et c'est pourquoi il dit: Mon coeur s'est
échauffé au-dedans de moi, c'est-à-dire la chaleur de la charité a fait
irruption dans mon coeur: "Est-ce qu'un homme peut cacher du feu dans son
sein, sans que ses vêtements s'embrasent ?" Ainsi il est impossible à
l'homme de cacher les paroles de Dieu lorsque son coeur s'enflamme de charité: "Ta
parole a été éprouvée par le feu, et ton serviteur l'a aimée." Et la cause
de cette irruption est la méditation des réalités divines; aussi dit-il: et dans ma méditation un feu s'est embrasé. Il
n'est rien d'aimable excepté le bien et le beau. C'est pourquoi dans les
affections sensibles la vision corporelle est cause de l'amour. Et par
conséquent si tu veux atteindre les réalités spirituelles, il faut que ton
coeur s'enflamme de l'amour de Dieu. L'effet de cette irruption est que celui
qui s'est proposé de se taire, est poussé à parler; aussi dit-il: J'ai dit. - "Ils furent tous remplis de l'Esprit-Saint, et ils
commencèrent à parler diverses langues, selon que l'Esprit-Saint leur donnait
de parler." Selon Grégoire: "Ceux que l'Esprit remplit, il leur
communique en même temps la ferveur et la parole." - "Qui peut
retenir les paroles qu'il a conçues ?" Et de même il est écrit dans
Jérémie: "La parole du Seigneur est devenue pour moi un sujet d'opprobre
et de dérision durant tout le jour. Et j'ai dit: "Je ne ferai pas mention
de lui, et je ne parlerai plus en son nom"; et alors il s'est allumé dans
mon coeur comme un feu ardent, et renfermé dans mes os; et j'ai défailli, ne
pouvant [le] soutenir." Ou bien selon le commentaire de la Glose: obsurdui (je suis devenu sourd),
c'est-à-dire j'ai fait la sourde oreille. Dieu ne donne sa grâce à l'homme que
dans la mesure où il en fait usage; et c'est pourquoi lorsque quelqu'un ne fait
pas usage de la grâce qui lui a été donnée, Dieu [la] lui enlève, comme on le
voit à propos du talent: "Ôtez-lui la mine, et donnez-la à celui qui a dix
mines." Et c'est pourquoi il dit: Je
suis devenu muet et je me suis humilié, c'est-à-dire j'ai été rejeté; et
alors cela n'a pas une consonance de vertu, mais de péché; aussi dit-il: Mon coeur s'est échauffé, à cause de ma
sollicitude. Origène expose d'une autre manière ces versets. Il les ponctue
comme suit: "J'ai dit: "Je garderai mes voies." Afin que je ne
pèche point par ma langue, j'ai mis une garde à ma bouche." Et ensuite: "Lorsque
le pécheur s'élevait contre moi, je suis devenu muet." Or il y a, à cet
égard, trois catégories d'hommes. Il y a ceux qui se trouvant dans les
tribulations maudissent ceux qui les persécutent; d'autres les bénissent;
d'autres enfin ont une attitude intermédiaire, ce sont ceux qui parviennent au
moins à se taire. Ainsi, le psalmiste a-t-il échappé à la première catégorie,
parce qu'il a mis une garde à sa bouche, et ne maudissait pas. Mais parce qu'il
est devenu muet, et ne bénissait pas, il a échappé à la deuxième catégorie: car
il éprouvait de la douleur et était tourmenté en lui-même à cause de son
indignation, etc.
5 J'ai dit par ma langue: "Seigneur,
fais-moi connaître ma fin. Et le nombre de mes jours, quel il est; afin que je
sache ce qui me manque."
Ici il se tourne vers Dieu, et il s'enflamme: J'ai dit par ma langue: "Seigneur, fais-moi connaître ma fin. Et
le nombre de mes jours, quel il est." Il expose ici une double
demande.
Une première en disant: Seigneur,
fais-moi connaître ma fin. Le sens du mot fin c'est ici le Christ: "La fin de la loi est le Christ."
Autrement dit: Seigneur, fais-moi connaître le Christ.
L'autre demande est: fais-moi connaître le nombre de mes jours, c'est-à-dire je veux considérer quelle est
la vie présente, afin que je puisse la comparer au regard de cette fin: car ces
jours sont mauvais, peu nombreux et imparfaits; tandis que ceux-là sont
souverainement parfaits: et alors on sait "que les souffrances du temps
présent ne sont pas dignes de la gloire future qui sera révélée en nous",
comme l'écrit l'Apôtre aux Romains. Et ainsi: que je sache ce qui me manque, c'est-à-dire combien je suis
imparfait pour entrer dans cette vie. Origène dit que le mot fin est pris ici au sens de perfection.
Car tout art a une fin qu'il se propose, laquelle est sa perfection; et ainsi
il dit: fais-moi connaître ma fin, c'est-à-dire
quel est le chemin le plus haut de perfection, sur lequel tu veux me faire
marcher: "J'ai vu la fin de toute perfection."
Et le
nombre de mes jours, c'est-à-dire
mes oeuvres, qui sont mes jours, autrement dit: fais-moi juger mes oeuvres avec
droiture, selon ce qu'elles valent. Et cela, afin que je sache ce qui me manque, c'est-à-dire à ma perfection.
Ou bien, on peut exposer cela simplement en l'appliquant à la fin de la vie:
car selon ce qui est écrit dans l'Ecclésiastique: "Dans toutes tes
oeuvres, rappelle-toi tes fins dernières." Et le nombre de mes jours, etc.,
c'est-à-dire combien de temps je vivrai, afin de me disposer à la
pénitence.
6a Voilà que tu as fait mes jours
mesurables, et mon être est comme rien devant toi.
II. Plus haut le psalmiste a fait mention de la
prudence manifestée dans son silence, du danger imminent exprimé par ce
silence, et du remède grâce auquel il s'est protégé contre ce danger; mais ici
il montre la nécessité de la prudence précitée, qui se fonde sur la misère de
la vie présente; et à cet égard il fait deux choses.
A) Il décrit
d'abord la misère de la vie présente.
B) Puis il
demande un remède contre celle-ci: 8 Et
maintenant quelle est mon attente ?
A. Dans sa
description il fait deux choses.
1) Il commence
par décrire la misère de cette vie en parlant de la vie elle-même.
2) Puis en
parlant de l'occupation de cette vie: 7 En
vérité, comme une image passe un homme.
1. En parlant de
la vie elle-même il fait deux choses.
a) Il commence
par décrire cette misère quant à la vie.
b) Puis il en
donne la raison: 6b En vérité, tout homme
vivant est une vanité universelle.
a. Il montre la
misère de cette vie quant à sa brièveté, et quant à sa faiblesse. À propos de
sa brièveté il dit: Seigneur, j'ai demandé que tu m'annonces le nombre de mes
jours. Mais mes jours peuvent-ils être comptés ? Oui, parce que tu as fait mes jours mesurables. L'homme
a été créé de telle sorte que s'il n'avait jamais péché, il ne serait pas mort,
et ainsi ses jours n'auraient pas été mesurables; mais en péchant il est devenu
mortel, et ainsi ses jours peuvent être comptés: "Les jours de l'homme
sont courts, le nombre de ses mois est en tes mains; tu as marqué son terme,
lequel ne pourra être dépassé." Mais en admettant que la vie soit brève et
puisse être si précieuse qu'elle doive être très estimée, cependant cela n'est
rien, parce que mon être et ma nature, et ma vie sont comme rien devant toi,
c'est-à-dire en comparaison de toi; bien qu'ils paraissent être quelque chose
en comparaison des faibles créatures: "Toutes les nations, comme si elles
n'étaient pas, ainsi sont-elles devant lui." On peut aussi l'expliquer de
la manière suivante: mon être, c'est-à-dire
tandis que je considère ce qui est devant toi, à savoir les biens éternels que
tu donneras aux saints, je regarde mon être comme rien. Ou bien ainsi: ceux qui
considèrent les choses de ce monde devant toi, c'est-à-dire avec ton oeil
divin, les regardent comme rien.
6b En vérité, tout homme vivant
est une vanité universelle.
b. Ici il
justifie la description de la misère de la vie selon le sens littéral.
Universa (universelle), selon notre version est ou bien
au cas nominatif féminin singulier, ou bien au cas nominatif neutre pluriel.
S'il s'agit du nominatif neutre pluriel, en voici le sens: "En
vérité, toutes choses", autrement dit: il n'est pas étonnant que la vie de
l'homme ne soit rien devant toi, car "toutes choses universelles",
c'est-à-dire toutes les choses inférieures sont vanité. Et c'est pourquoi la
version iuxta Hebraeos de Jérôme lit:
"Omnia enim vanitas (Car toutes
choses sont vanité)", comme pour justifier ce qui précède. Il est écrit
dans l'Ecclésiaste: "Vanité des vanités, et tout est vanité." Et
elles sont dites vanité, parce que la
vanité s'oppose à la solidité et à la stabilité: car toutes les choses qui sont
dans le monde sont sujettes au changement, et c'est pourquoi elles sont vaines;
et même parmi elles, tout homme vivant est
sujet au changement, et telle est la vanité: "Car la créature",
c'est-à-dire l'homme, "est assujettie à la vanité, non point volontairement".
Ou bien selon le sens littéral, si universa
est pris au nominatif singulier, en voici le sens. "Vanité universelle",
c'est-à-dire toute vanité, "est tout homme vivant", c'est-à-dire se
trouve en tout homme vivant avec un comportement mondain. On dit d'un homme
qu'il est vain parce qu'il suit les choses changeantes: "Ils ont marché
après la vanité, et sont devenus vains." Ou bien: tout homme vivant, c'est-à-dire
d'une manière charnelle, est toute, c'est-à-dire parfaite, vanité.
7 En vérité, comme une image
passe un homme; et c'est bien en vain qu'il se trouble. Il thésaurise, et il ignore pour qui il
rassemblera ces [trésors].
2. Ici le
psalmiste montre la misère de la condition humaine quant à son occupation; et à
ce propos il fait trois choses.
a) Il commence
par montrer qu'il y a quelque chose dans l'homme qui doit résister à la vanité.
b) Puis il montre
d'une manière générale la vanité de son occupation: et c'est bien en vain.
c) Enfin il
montre aussi cela d'une manière particulière: Il thésaurise.
a. Ainsi dit-il: tout homme est vanité; cependant il y a
dans l'homme quelque chose de ferme, qui demeure toujours en lui alors qu'il
passe; et c'est l'image. Et cela peut être expliqué de trois manières.
Selon une première manière en l'appliquant à l'image de Dieu, en tant
que l'homme est doué de raison: "Faisons un homme à notre image et à notre
ressemblance." Et cette image, à savoir la raison, doit résister à la
vanité, et elle doit écarter celle-ci, c'est-à-dire la vanité. Et tel est ce
qu'il dit: bien que l'homme soit sujet à la vanité, il est cependant doué de
raison. Mais parce qu'il n'est pas précisé ici de quelle image il s'agit, on
notera qu'il y a une double image: l'une de l'homme céleste, mais l'autre de
l'homme terrestre: "Comme nous avons porté l'image du terrestre, portons
aussi l'image du céleste." Je dis donc que tout homme est vanité;
cependant tout homme passe comme une image, car ou bien il représente en lui
par ses oeuvres l'image de l'homme céleste, ou bien par ses oeuvres mauvaises
l'image du terrestre.
Ou bien selon une autre explication: l'image implique une similitude.
Or le cours de cette vie est dirigé par une connaissance, car la volonté est
mue par ce qui est connu. Mais il y a une double connaissance. L'une se fait
par une apparence de vérité; et cette dernière est comme une connaissance de
l'image, car elle n'atteint pas la vérité elle-même mais une similitude de la
vérité. Si l'homme atteignait la vérité elle-même telle qu'elle est, il ne se
troublerait pas, car il considérerait la condition de cette vie, et ce que nous
serons après cette vie; et ainsi il ne se soucierait pas de cette vie, mais
tendrait vers les réalités qui sont dans l'autre vie.
b. Et c'est
pourquoi la version iuxta Hebraeos de
Jérôme lit: "Quantum ad imaginem
pertransit homo, tantum turbatur (Dans la mesure où l'homme passe comme une
image, il ne fait que se troubler)", c'est-à-dire dans la mesure où
l'homme s'éloigne de la vraie connaissance de la vérité, il se trouble par la
préoccupation de cette vie, soit dans les biens, soit dans les maux: "Marthe,
Marthe, tu t'inquiètes et tu te troubles de beaucoup de choses." Donc, lorsqu'il accomplit des bonnes
oeuvres, alors il ne se trouble pas en vain; mais lorsqu'il se préoccupe des
biens terrestres, alors il se trouble en vain: "Et moi j'ai dit: C'est
dans le vide que j'ai travaillé, c'est sans motif et vainement que j'ai consumé
ma force." Et il donne un exemple d'une préoccupation qui trouble les
hommes: c'est l'avarice; et cette dernière trouble surtout les hommes. La
concupiscence, elle, préoccupe les hommes pour un temps, tout comme la colère.
Mais comme il est écrit dans l'Ecclésiaste: "L'avare ne sera point
rassasié d'argent."
c. Et c'est
pourquoi il donne un exemple à ce propos, en disant: Il thésaurise, et il ignore pour qui il rassemblera ces [trésors], c'est-à-dire
il rassemble des trésors superflus en cette vie: "Ne vous amassez point de
trésors sur la terre", c'est-à-dire illusoirement et vainement, parce que
vous ignorez pour qui vous les rassemblez. Pour soi non, car "le riche,
lorsqu'il s'endormira, n'emportera rien avec lui". Donc pour d'autres,
mais il ignore pour qui: car parfois il ne rassemble pas pour ses enfants,
parce qu'ils ne subsistent pas après lui; et s'ils subsistent, il ne sait cependant
pas comment ils sont, car ils sont parfois opposés à leurs parents.
8 Et maintenant quelle est mon
attente ?
N'est-ce pas le Seigneur ? Et
mon bien est en toi.
B. Ici le
psalmiste demande le secours de Dieu contre la misère:
1) Et il expose
d'abord sa confiance, de laquelle procède sa prière.
2) Puis il
formule sa prière: 9 à toutes mes
iniquités.
3) Enfin il
demande qu'elle soit exaucée: 13 Exauce.
1. Parfois
l'homme est dans la misère, et alors ou bien il croit avec assurance s'en
libérer par lui-même, ou bien par quelqu'un d'autre.
S'il croit avec assurance s'en libérer par lui-même, il n'attend pas
quelqu'un d'autre, mais il trouve son secours en lui-même. Si c'est par
quelqu'un d'autre, alors il attend, car il espère être aidé par cet autre.
Ainsi en est-il dans cette misère, car ses jours sont peu nombreux; et il ne se
confie pas en lui, mais dit avec Job: "Voici que je n'ai pas de secours en
moi, et mes amis même se sont retirés de moi", mais il attend le secours
de Dieu: aussi dit-il: quelle est mon
attente ? N'est-ce pas le Seigneur ? autrement dît: seul il peut me
libérer, car lui seul est au-dessus de toute vérité, lui qui seul est la vérité:
"Bienheureux tous ceux qui l'attendent." Dans l'attente aussi il y a
un délai, autrement dît: Moi, j'attendrai: "S'il met un [certain] délai,
attends-le."
Et mon bien est en toi. Ici il justifie la confiance qu'il tient de
Dieu. Il est naturel à l'homme de se confier en Dieu, auprès duquel il acquiert
ce qu'il a. Donc, celui qui met en Dieu tout ce qu'il a peut se confier en Dieu;
et c'est pourquoi il dit: mon bien est en
toi, autrement dit: bien que je ne sois rien par moi-même, cependant tout
ce que j'espère être, et tout ce que j'ai, est en toi: "Sachant que vous
avez un bien meilleur et durable." - "Amassez-vous des trésors dans
le ciel." - "Je sais à qui
je me suis confié, et je suis sûr qu'il est puissant pour garder mon dépôt
jusqu'à ce jour." La Glose l'applique
au Christ: "Mon bien est en toi", c'est-à-dire toi, ô Christ, tu
assumeras ma chair: car "il est né de la race de David selon la chair".
9 Arrache-moi à toutes mes iniquités; tu m'as rendu un objet
d'opprobre pour l'insensé. 10 Je suis
resté muet, et je n'ai pas ouvert ma bouche,
parce que c'est toi qui l'as fait. 11 Détourne
de moi tes blessures. 12 Par la force
de ta main, moi j'ai défailli au milieu
de tes réprimandes: À cause de [son] iniquité tu as puni l'homme. Et tu as fait
dépérir son âme comme une araignée: en vérité, c'est en vain que tout homme se
trouble.
2. Plus haut le
psalmiste a exposé la confiance qui lui vient de Dieu, en disant: Et maintenant quelle est mon attente ?
N'est-ce pas Seigneur ? Mais ici il formule sa demande à Dieu: et à ce
propos il fait trois choses.
a) Il commence
par demander à Dieu l'éloignement de sa faute.
b) Puis celui du
châtiment: Détourne de moi tes blessures.
c) Enfin il donne
la raison qui lie ces demandes: À cause
de [son] iniquité.
a. En demandant à
Dieu l'éloignement de sa faute il fait deux choses.
- Il formule d'abord sa demande.
- Puis il allègue le mérite de l'exaucement: un objet d'opprobre.
- Ainsi dit-il: Arrache-moi à
toutes mes iniquités. Ici il faut
savoir que cette demande est louable à cause de la chose demandée et cela est
nécessaire, à savoir sa libération du péché: "Si tu ôtes de toi l'iniquité
qui est dans ta main, et que l'injustice ne demeure pas dans ta tente, tu
pourras lever ta face." Puis,
parce qu'il demande non point à cause de ses propres mérites, mais que cela lui
soit donné à cause de Dieu: "C'est moi-même qui efface tes iniquités à
cause de moi; et de tes péchés je ne me souviendrai plus." Enfin, parce
qu'il demande d'être libéré de toutes ses iniquités, car il est impie de
demander à Dieu le pardon de ses péchés sans espérer de lui une totale
libération: "J'ai rendu sain un homme tout entier le jour du sabbat."
Voilà pourquoi il dit: Arrache-moi à toutes mes iniquités, autrement dit: je
ne demande pas d'être libéré d'un seul péché, mais de tous: "Vous serez
purifiés de toutes vos souillures."
- "Remets-moi tous mes péchés."
- Le mérite se fonde sur celui qui souffre: "Toi qui au temps de
la tribulation remets tous les péchés des hommes."
· Et c'est pourquoi il montre d'abord ce qu'il souffre.
· Puis il montre la patience qu'il a eue.
· Enfin il en donne la raison.
· Ainsi dit-il: tu m'as rendu un
objet d'opprobre pour l'insensé; ce qui peut se comprendre de deux
manières.
Selon une première manière, en tant que l'opprobre est un châtiment qui
lui est infligé par Dieu: car de même que la récompense propre à un acte
vertueux est l'honneur, ainsi le châtiment du péché est l'opprobre: "Vous
avez scandalisé le plus grand nombre dans la loi."
Selon une autre manière, en tant que Dieu l'a favorisée, c'est-à-dire
la patience, non l'opprobre mais la cause de l'opprobre, du fait que le mépris
des choses terrestres est déjà commencé; parce que les sots et les insensés
considèrent comme opprobre la patience à laquelle je m'exerce.
· La patience qu'il a eue, il la montre en disant: Je suis devenu muet. Le signe de la patience se manifeste lorsque
l'homme, tandis que des paroles d'opprobre lui sont infligées, ne rend pas le
mal pour le mal, comme le Christ: "Lui qui étant maudit, ne maudissait
point." Et c'est pourquoi il dit: Je
suis resté muet, et je n'ai pas ouvert ma bouche. Et cela peut se référer à
deux choses.
Selon une première manière en tant que ces mots: je n'ai pas ouvert, désignent la continuité de sa patience: car
bien qu'un homme paraisse être patient pour un moment, et qu'il se taise, par
la suite devenu impatient il parle beaucoup: "Comme une brebis, il sera
conduit à la tuerie, et comme un agneau devant celui qui le tond, il sera muet,
et il n'ouvrira pas la bouche." - "Mais moi, comme un sourd, je
n'entendais pas, et j'étais comme un muet qui n'ouvre pas la bouche",
autrement dit: J'ai eu de la patience. Ou bien: Je suis resté muet, loin des opprobres contre le prochain, et je n'ai pas ouvert ma bouche, contre
Dieu.
· La raison est que c'est toi qui
l'as fait. Et cela peut se référer au mot opprobre. La raison pour laquelle il souffre patiemment les
injures, c'est qu'il pense que cela lui est infligé par le jugement divin.
David a fait cela quand il a dit: "Laissez-le maudire; car le Seigneur lui
a ordonné qu'il maudisse David." - "Ne rejette pas, mon fils, la
discipline du Seigneur: et ne te décourage pas, lorsque par lui tu es châtié."
Ou bien ce qu'il dit: Je suis resté muet,
[...] parce que c'est toi qui l'as fait, peut se référer à la patience.
b. La deuxième
demande est faite à propos de l'éloignement du châtiment.
- Et il commence par exposer sa demande.
- Puis il expose la raison de sa demande.
- Il dit: Détourne de moi tes
blessures, c'est-à-dire tes châtiments; et cela peut être expliqué de deux
manières.
Ou bien en l'appliquant aux châtiments corporels: et ces derniers sont
extérieurs, comme les châtiments et autres adversités par lesquels l'homme est
puni par Dieu pour ses péchés: "Je t'ai frappé d'une blessure d'ennemi,
d'un châtiment cruel." Donc éloigne de moi ces châtiments. Il y a aussi
les blessures spirituelles, c'est-à-dire intérieures, comme le remords de la
conscience: "Je te reprendrai, et t'établirai contre ta face." Et il
demande que ces blessures soient écartées.
- Mais, selon Origène, la
raison de cette demande est due à sa force. Le châtiment extérieur est très
utile dans la mesure où on le supporte avec patience, mais lorsqu'il n'est pas
patiemment supporté, l'homme s'affaiblit et se désespère, et il est alors
nuisible: "Consolez-le de peur qu'il ne soit accablé par une trop grande
tristesse." Et c'est pourquoi craignant cela, il demande que les plaies
soient écartées, parce qu'il défaille sous la force, c'est-à-dire à cause de la
violence du coup: "Avec une main puissante le Seigneur m'a instruit."
- "La main de Dieu devenait extrêmement pesante."
L'homme s'affaiblit de trois manières dans les châtiments.
· La première manière est commune aux bons et aux méchants: il s'agit
de la défaillance corporelle: "Par ta colère nous avons défailli."
· Une autre est due à l'impatience; et c'est le propre des méchants: "Maintenant
la plaie est venue sur toi, et tu as défailli."
· La troisième manière est le propre des bons, et suivant cette manière
on s'affaiblit de soi-même, et on tend vers Dieu: "Mon âme a défailli dans
[l'attente de] ton salut, et en ta parole j'ai beaucoup espéré." Et ce qui
est dit ici peut être compris selon n'importe laquelle de ces manières,
autrement dit: je demande que tu éloignes de moi tes châtiments, parce que je
suis corrigé selon la troisième manière de défaillir; puisque par la force de ta main, moi j'ai défailli
au milieu de tes réprimandes. Ou bien parce que je désespère, selon la
deuxième manière de défaillir. Ou bien parce que je ne puis souffrir, selon la
première manière de défaillir.
c. Cela n'a plus
de sens si on le lit selon une autre version: "In increpationibus ego defeci, etc. Propter iniquitatem corripuisti hominem (Dans les réprimandes moi
j'ai défailli, etc. À cause de son iniquité tu as puni l'homme)." Telle
est la raison pour laquelle il formule une double demande: car la cause est
d'abord ôtée, et ensuite l'effet. La faute est la cause des plaies: et c'est
pourquoi il dit que l'homme est châtié à cause de ses péchés. Aussi dit-il:
toi, tu as puni, c'est-à-dire châtié l'homme, à cause de [son] iniquité, c'est-à-dire
à cause de ses péchés. Et c'est pourquoi il demande d'abord que ses péchés
soient écartés, car les châtiments futurs sont en vue de la damnation, mais les
châtiments de cette vie sont en vue de la purification, cela va de soi, et ils
servent à la correction: "De nombreux châtiments sont réservés au pécheur."
Et tu as fait dépérir son âme
comme une araignée. Le
psalmiste expose ici le mode ou le terme de la correction en disant: dépérir, c'est-à-dire dessécher. On peut
donc l'interpréter au sens matériel, lorsqu'on se réfère à la tribulation
corporelle; parce que l'humidité et la graisse corporelle se dessèchent, et
alors la vie dépérit: "Sa chair dépérira." Et de même: "Sa chair
est consumée par les supplices." Selon une autre manière, on peut
l'interpréter en référant cela à l'âme. Il y a dans l'homme deux sortes de
graisses au sens spirituel. L'une, mauvaise, est due aux jouissances
corporelles: "Il s'est engraissé, a grossi, il a abandonné Dieu, son
créateur." Et il est bon de se dessécher de cette graisse; et c'est ce
qu'il dit: tu as fait dépérir, c'est-à-dire
dessécher, mon âme comme une araignée, en
la détournant de l'amour des choses charnelles: car l'araignée est un animal
vif, et il n'est pas gras, puisqu'il tisse des fils très subtils; ainsi l'âme
séparée des jouissances charnelles adhère par affection aux réalités
invisibles, et accomplit des actes et témoigne des sentiments d'amour
invisibles: "Nous ne considérons point les choses qui se voient, mais
celles qui ne se voient pas; car les choses qui se voient sont passagères, mais
celles qui ne se voient pas sont éternelles." Ou bien: dépérir, c'est-à-dire se dessécher de la
graisse de la dévotion, comme le dit le psalmiste: "Que mon âme soit
remplie comme d'une graisse abondante"; et tel est le mauvais
dessèchement. Cela arrive, parce que l'âme perd sa dévotion et adhère aux
péchés, et perd la graisse de la dévotion, comme l'araignée. De même que la
toile de l'araignée est fragile, ainsi les pensées des pécheurs sont vaines: "Ils
ont ourdi", c'est-à-dire ont fait, "des toiles d'araignée",
c'est-à-dire des choses inutiles et vaines. De même que l'araignée fabrique ses
propres fils, parce qu'elle meurt, ainsi les hommes meurent spirituellement à
cause des propres péchés qu'ils commettent: "Le péché, quand il a été
consommé, engendre la mort." Et on interprète cela de la manière suivante:
tu as fait dépérir son âme en vie, comme l'araignée, c'est-à-dire tu l'as fait
dessécher d'une bonne sécheresse.
En vérité, c'est en vain que
tout homme se trouble. Telle est
la limite de la punition: car bien qu'il fasse ainsi dépérir, cependant
beaucoup demeurent dans leur malice, ou retournent au mal. Et que certains ne
se troublent pas en vain n'est pas dû au fait qu'ils sont hommes, mais bien au
fait qu'ils sont élevés par Dieu des choses terrestres à la considération des
réalités célestes.
13 Exauce ma prière, Seigneur, et
mon imploration: prête l'oreille à
mes larmes. Ne garde pas le silence.
Parce que je suis auprès de toi un étranger et un pèlerin comme tous mes pères.
14 Remets-moi afin que je sois
rafraîchi, avant que je m'en aille et que je ne sois plus.
3. Ici le
psalmiste demande que sa requête soit admise, et plus loin il demande qu'elle
soit exaucée.
Et il mentionne trois choses qui font que sa demande à Dieu soit
acceptée.
Il est d'abord question de l'élévation de son esprit vers Dieu: et
c'est la prière qui est une élévation de l'intelligence vers Dieu; aussi dit-il: Exauce ma prière Seigneur. - "Pour moi, je t'adresse ma
prière, Seigneur."
Puis de la continuité de sa demande: et cela lorsqu'il dit: et mon imploration. - "L'imploration
assidue du juste peut beaucoup."
Enfin de la multitude des larmes: et il montre cela lorsqu'il dit: prête l'oreille à mes larmes.
Ne garde pas le silence. Le psalmiste expose ici le signe de
l'exaucement, c'est pourquoi il demande que Dieu ne garde pas le silence. En
effet on dit parfois que Dieu garde le silence à l'égard des méchants, quand il
ne les punit pas, comme l'écrit Isaïe: "Je me suis tu, j'ai toujours gardé
le silence, j'ai été patient; comme la femme au travail, je parlerai; je
détruirai, j'engloutirai tout à la fois." Ne garde pas le silence, c'est-à-dire ne te tais pas sur la
punition. De même Dieu garde parfois le silence en ne consolant pas les bons;
et ainsi dit-il: Ne garde pas le silence à
l'égard de mon âme, mais "dis à mon âme: Moi je suis ton salut". Et
Dieu accomplit cela en cette vie, lorsqu'il dit au pécheur: "Tes péchés te
sont remis." Et de même au jugement dernier, lorsqu'il dira: "Venez,
les bénis de mon Père; prenez possession du royaume préparé par vous depuis la
fondation du monde." La version iuxta
Hebraeos de Jérôme lit: "Ad
lacrymas meas non obsurdescas (Ne sois pas sourd à mes larmes)", et cela est en lien avec ce qui
précède.
Parce que je suis auprès de toi
un étranger. Ici le psalmiste
donne la raison de sa demande, autrement dit: Dieu ordonne ce précepte dans
l'Exode - "Tu ne contristeras point l'étranger, et tu ne l'affligeras
point", à savoir que les étrangers soient exaucés. Et puisque moi je suis
un étranger, il est juste que tu m'exauces. Moi, j'ai quitté le monde, et je me
suis réfugié chez toi, et je suis auprès de toi comme un étranger, car je ne
possède pas de demeure permanente en ce monde, mais je suis comme un pèlerin se
dirigeant ailleurs, à savoir vers la Patrie de la vie éternelle, comme [le furent] tous mes pères. Car il
y a beaucoup d'étrangers en ce monde qui n'ont pas d'affection pour les choses
mondaines.
comme tous mes pères, c'est-à-dire les saints qui furent pèlerins,
comme le dit l'Apôtre: "Nous savons que si cette maison de terre que nous
habitons présentement se dissout, nous avons une autre maison construite par
Dieu, non par la main des hommes, et éternelle dans les cieux. [...] Sachant
que, pendant que nous sommes dans ce corps, nous voyageons (peregrinari) loin du Seigneur (car c'est par la foi que nous
marchons, et non par une claire vision); oui, pleins de confiance, nous aimons
mieux sortir de ce corps, et aller jouir de la présence du Seigneur."
- "Ayant la nourriture et le vêtement, contentons-nous-en."
Remets-moi. Ici le psalmiste demande l'accélération de son
exaucement, autrement dit: que se réalisé rapidement ce que je demande.
a) Et il expose
d'abord l'effet de la demandé.
b) Puis il en
détermine le temps.
a. Ainsi dit-il: Remets-moi, c'est-à-dire mes péchés: car
"bienheureux [sont] ceux dont les iniquités ont été remises et dont les
péchés ont été couverts". Et cela afin qu'ici-bas je sois rafraîchi, à savoir du péché, ou de la peine que le Malin
s'efforce de m'infliger: "Mais le juste, s'il est prévenu par la mort,
sera dans le lieu du rafraîchissement."
b. Et que tu
fasses cela, à savoir que tu me remettes, avant
que je m'en aille, c'est-à-dire avant que je disparaisse de ce monde, car
dans l'autre il n'y a pas de rémission: "Avant que j'aille d'où je ne
reviendrai pas, dans une terre ténébreuse et couverte d'obscurité de mort;
terre de misère et de ténèbres, où règne l'ombre de la mort, et où il n'y a
aucun ordre, mais où habite une éternelle horreur."
et
que je ne sois plus. Cela
peut se comprendre de deux manières. Selon une première manière comme suit: Remets-moi, etc., car après m'en être allé, je ne serai plus dans l'état où les
péchés peuvent être remis: "Souviens-toi que ma vie est un souffle et que
mon oeil ne reviendra pas pour voir le bonheur", c'est-à-dire le bonheur
présent.
Selon une autre manière comme suit: Remets-moi, etc., parce que si je m'en vais de ce monde sans que tu ne me remettes
mes péchés, je ne pourrai jamais plus être dans le bien: "Qu'ils habitent
dans sa tente, les compagnons de ceux qui ne sont plus."
1 Pour la fin.
Psaume par David lui-même.
2 Attendant, j'ai
attendu le Seigneur, et il a fait attention à moi. 3 Et il a exaucé mes
prières, et il m'a retiré d'un lac de misère, et d'un bourbier de fange. Et il
a établi mes pieds sur le rocher, et il a dirigé mes pas. 4a Et il a mis dans
ma bouche un cantique nouveau, un chant à notre Dieu.
4b Beaucoup le
verront et craindront; et ils espéreront dans le Seigneur. 5 Bienheureux
l'homme dont le nom du Seigneur est l'espérance, et qui n'a point porté ses
regards sur des vanités et des folies mensongères.
6 Tu as fait, toi,
Seigneur mon Dieu, beaucoup de choses admirables; et dans tes pensées il n'y a
personne qui soit semblable à toi. J'ai annoncé et j'ai parlé; elles ont été
multipliées sans nombre.
7 Tu n'as pas
voulu de sacrifice et d'oblation; mais tu m'as parfaitement disposé les
oreilles. Tu n'as pas demandé d'holocauste et de sacrifice pour le péché; 8 alors,
j'ai dit: "Voici, je viens." En tête du livre, il est écrit de moi 9
que je ferai ta volonté; mon Dieu, je l'ai voulu, et [j'ai mis] ta loi au
milieu de mon coeur.
10 J'ai annoncé ta
justice dans la grande assemblée; voilà que je ne contiendrai pas mes lèvres,
Seigneur, toi tu le sais. 11 Je n'ai pas caché ta justice dans mon coeur; j'ai
dit ta vérité et ton salut. Je n'ai pas caché ta miséricorde et ta vérité à un
conseil nombreux.
12 Mais toi,
Seigneur, n'éloigne pas de moi les effets de ta miséricorde: Ta miséricorde et
ta vérité toujours m'ont soutenu. 13 Parce que des maux sans nombre m'ont
environné; mes iniquités m'ont saisi, et je n'ai pu en soutenir la vue. Elles
se sont multipliées plus que les cheveux de ma tête; et mon coeur m'a
abandonné.
14 Qu'il te
plaise, Seigneur, de me délivrer; Seigneur, regarde afin de m'aider. 15 Qu'ils
soient confondus et qu'ils soient couverts de crainte tous ensemble, ceux qui
cherchent mon âme pour me la ravir. Qu'ils soient rejetés en arrière et qu'ils
rougissent de honte ceux qui me veulent des maux. 16 Qu'ils portent promptement
leur confusion, ceux qui me disent: "C'est bien fait, c'est bien fait !"
17 Qu'ils exultent et soient dans l'allégresse à ton sujet, tous ceux qui te
cherchent; et qu'ils disent sans cesse: "Que le Seigneur soit magnifié !"
ceux qui aiment ton salut.
18 Pour moi, je
suis un mendiant et un pauvre: [mais] le Seigneur prend soin de moi. Toi, tu es
mon aide et mon protecteur: mon Dieu, ne tarde pas.
1 Pour la fin.
Psaume par David lui-même.
2 Attendant, j'ai
attendu le Seigneur, et il a fait attention à moi. 3 Et il a exaucé mes
prières, et il m'a retiré d'un lac de misère, et d'un bourbier de fange. Et il
a établi mes pieds sur le rocher, et il a dirigé mes pas. 4a Et il a mis dans
ma bouche un cantique nouveau, un chant à notre Dieu.
Dans les psaumes précédents, le psalmiste a invoqué le secours divin
contre la malice des méchants, et il a montré le propos de sa prudence; mais
ici il traite de la confiance dans le secours divin, et à cet égard il fait
deux choses. Il décrit d'abord la confiance elle-même, puis il traite de la
miséricorde qui est la cause de la confiance: "Bienheureux celui qui
comprend les nécessités."
En décrivant la confiance elle-même il fait deux choses.
1) Il fait d'abord
mémoire de la confiance qui lui vient de Dieu en se référant aux bienfaits
passés.
II) Puis en demandant des bienfaits futurs: 12 Mais toi, Seigneur.
I. En se référant aux bienfaits passés il fait
deux choses.
A) Il commence
par faire mémoire de la confiance qui lui vient de Dieu en énumérant les
bienfaits passés;
B) Puis il montre
la miséricorde de Dieu par laquelle il fait du bien: 6 Tu as fait, toi, Seigneur mon
Dieu, beaucoup de choses admirables.
Au sens mystique, ce psaume traite du passage de l'Ancien Testament au
Nouveau. Il est intitulé: Pour la fin.
Psaume par David lui-même. Dans les autres psaumes, le mot "fin"
s'entend du Christ: "La fin de la loi est le Christ, pour justifier tout
croyant." Ici, le mot fin s'entend
du Nouveau Testament, qui est la fin de l'Ancien: "La fin du précepte est
la charité."
A. Dans la
première partie de ce psaume, le psalmiste fait mémoire de trois choses.
1) D'abord de
l'efficacité de la confiance en général.
2) Puis il traite
de celle-ci en particulier: Et il m'a
retiré.
3) Enfin il
montre que cette dernière se trouve chez les autres: ils 4b verront.
1. En parlant de
l'efficacité de la confiance en général, il fait deux choses.
a) Il traite en
premier lieu de la confiance, en montrant qu'elle est efficace.
b) Puis il traite
du signe de la confiance.
a. Ainsi dit-il: Attendant. Au sens littéral on comprend
que David dans sa propre personne a attendu maintes fois le secours divin. Mais
parce qu'il parle au nom de l'Église, il est préférable qu'on l'entende du
genre humain attendant la grâce du Nouveau Testament. Et il dit: Attendant, j'ai attendu le Seigneur, afin
de montrer la continuité; car bien qu'il tarde, il ne fait cependant pas défaut:
"S'il met [un certain] délai, attends-le; car il va venir, et il ne tardera
pas." Et ainsi tout homme juste doit toujours demeurer dans la confiance
de Dieu, car il ne fait pas défaut à ceux qui espèrent en lui. Ou bien cela se
rapporte aux diverses situations de ceux qui attendent: car les patriarches et
les prophètes, et tous les autres ont attendu, comme on le pense assez
communément. À l'attente extérieure il joint l'intention, lorsqu'il dit: et il a fait attention à moi; car bien
que Dieu entende tous les hommes, cependant il ne fait pas attention à tous,
parce que tous ne sont pas ordonnés au bien; et c'est pourquoi il dit ici: il a fait attention à moi, c'est-à-dire
à mon bien.
b. Le signe de la
confiance est l'imploration: car nul ne demande finalement à moins d'espérer
d'être exaucé. Et c'est pourquoi il dit: Et
il a exaucé mes prières. - "Il a regardé favorablement la prière des
humbles."
2. et il m'a retiré d'un lac de misère. Il
expose ici l'efficacité de la confiance dans les choses où il a été exaucé. Et
il traite de trois choses.
a) D'abord de la
libération des maux.
b) Puis de la
donation des biens: Et il a établi.
c) Enfin de
l'action de grâce des bons: Et il a mis.
a. Il y a en
effet un double mal de la misère et de la peine. En parlant du premier il dit: il m'a retiré d'un lac de misère. Et
cela peut être aussi rapporté à la misère temporelle dans laquelle David se
trouvait jadis. Et on appelle lac la
misère temporelle, à cause de sa profondeur et de sa diversité. Cela peut
également être rapporté à la misère de la faute, car l'Ecriture dit: "Le
péché rend les peuples misérables." Et l'un et l'autre mal peut être
restreint à la faute des vices charnels, lorsqu'il dit: d'un lac de misère, c'est-à-dire de la profondeur des péchés
charnels. Ou bien cela peut se référer aux péchés spirituels dont l'homme juste
est couvert; aussi dit-il: d'un bourbier
de fange. En se référant aux péchés charnels il ne dit pas simplement boue,
mais bourbier de fange, ou de fumier
selon Jérôme, parce que la boue dans la terre n'est pas altérée, qu'elle n'est
pas de la fange, qu'elle n'est ni fétide ni abominable. Ou bien, lac de misère, c'est-à-dire l'enfer dont
les saints sont sortis par le Christ. Et la boue est l'opprobre dont les saints
sont sortis, et dans laquelle ils étaient retenus par les démons.
b. Ensuite il
traite du don des biens; et à ce propos il expose deux choses louables. D'abord
le fait que l'homme est affermi dans le bien; et en parlant de cela il dit: il a établi mes pieds sur le rocher, c'est-à-dire
mes affections avec lesquelles il me faut marcher dans la voie spirituelle. On
appelle rocher le fondement du secours divin: "Le Seigneur est mon rocher."
Ou bien on appelle rocher le Christ: "Or
ce rocher était le Christ." Et ainsi il a affermi sur le rocher,
c'est-à-dire le secours divin, ou bien il a affermi sur le Christ mes pieds,
c'est-à-dire mes affections. Puis le fait que l'homme progresse dans le bien;
et en parlant de cela il dit: et il a
dirigé mes pas, c'est-à-dire il m'a dirigé par sa prévenance vers les biens
les meilleurs: "Le coeur de l'homme dispose sa voie; mais c'est au
Seigneur de diriger ses pas."
c. Ensuite il
traite de l'action de grâce, autrement dit: La réalité même que nous louons est
au-dessus de mes forces, car elle est plus grande que toute louange: aussi
est-il digne de louer Dieu par Dieu; c'est-à-dire que lui-même a mis dans ma bouche un cantique nouveau.
- "Est-ce que vous voulez éprouver celui qui parle en moi, le Christ, qui
n'est pas affaibli, mais qui est puissant parmi vous ?"
un cantique nouveau, c'est-à-dire à propos des bienfaits nouveaux;
et c'est l'oeuvre de l'Incarnation: "Le Seigneur a créé un nouveau
[prodige] sur la terre: une femme environnera un homme." Semblablement un
nouveau mode de libération: "Avec son propre sang il est entré une fois
pour toutes dans le sanctuaire, nous ayant acquis une éternelle rédemption."
Et le Seigneur a mis dans ma bouche un
cantique nouveau, parce que le nouveau cantique, c'est le Nouveau Testament:
"Je ferai avec vous un pacte éternel [qui montrera] véritables les
miséricordes [promises] à David." - "Nul ne pouvait chanter ce
cantique, si ce n'est les cent quarante-quatre mille", parce qu'à nouveau
roi, nouvelle loi, nouvelles joies. Les hommes de l'ancienne Alliance
chantaient des vieux cantiques: oeil pour oeil, âme pour âme. Ils descendaient
aussi aux enfers: car la porte du Royaume leur était fermée, un Chérubin,
tenant en main une épée grande, longue et effilée, interdisait l'accès du
paradis. Mais tous les hommes de la nouvelle Loi chantent un cantique nouveau,
que l'Homme nouveau, le Christ, a apporté: "Voilà que je fais toutes
choses nouvelles." Donc le peuple nouveau chante des nouveaux cantiques,
c'est-à-dire à propos de l'Incarnation du Seigneur, de sa Résurrection, de son
Ascension, de sa Nativité, et de ses autres mystères. Voilà pourquoi à l'occasion
de ces principales solennités les ministres de l'Église, revêtus de blanc ou
d'ornements de soie, chantent et lisent un cantique nouveau, que personne ne
peut chanter s'il n'a été rénové. Je dis cantique, non point à propos de
turpitudes, mais un cantique qui plaise à Dieu; aussi dit-il: un hymne, ou bien
un chant (carmen) qui plaise à notre
Dieu, c'est-à-dire à la louange de Dieu: "A toi convient un hymne, ô Dieu,
en Sion." - "Chantant et psalmodiant du fond de votre coeur [à la
gloire] de Dieu."
4b Beaucoup le verront et
craindront; et ils espéreront dans le
Seigneur 5 Bienheureux l'homme dont
le nom du Seigneur est l'espérance, et qui n'a point porté ses regards sur des
vanités et des folies mensongères.
3. Le psalmiste
expose ici le bien (utilitas) de la
confiance en Dieu chez les autres, à savoir dans leur conversion.
a) Et il expose
d'abord le bien lui-même.
b) Puis son fruit:
Bienheureux l'homme.
a. Il y a ici un
ordre dans le déroulement de la conversion. En premier lieu, il faut que l'homme
voie ce à quoi il doit se convertir; aussi dit-il: Beaucoup verront, à savoir le Christ qui est né. Beaucoup de
peuples anciens, qui l'ont attendu, le virent: "Après cela, il a été vu
sur la terre, et il a demeuré avec les hommes." Siméon le vit, lui qui le
reçut dans le temple, et beaucoup d'autres: "Mes yeux ont vu ton salut."
- Et: "Beaucoup de rois et de prophètes ont désiré voir ce que vous voyez,
et ne l'ont point vu." Ou bien beaucoup ont vu les miracles du Christ: "Nous
avons vu des merveilles aujourd'hui." Et cela, ou bien par la foi, ou bien
par les yeux.
Puis il faut que l'homme craigne celui à qui il doit se convertir;
aussi dit-il: et craindront. - "Celui
qui est sans crainte ne pourra être justifié", car "la crainte du
Seigneur chasse le péché".
Enfin, il y a l'espérance: "C'est en espérance que nous avons été
sauvés." Car si l'espérance ne se tenait pas auprès de la crainte, l'homme
s'enfuirait loin de Dieu. Et c'est pourquoi il faut que la crainte soit là où
le péché fuit, ainsi que l'espérance grâce à laquelle l'homme accède à Dieu.
b. Son fruit sera
la béatitude; aussi dit-il: Bienheureux
l'homme dont le nom du Seigneur est l'espérance. Et il expose d'abord ce
fruit qui est la béatitude, et à qui elle est due, car elle appartient à ceux
qui adhèrent à Dieu. Et c'est pourquoi il expose en premier lieu une vraie
affirmation, et il en exclut une fausse. La vraie affirmation est que la
béatitude ne se trouve qu'en ceux qui ont l'espérance en lui: "Bienheureux
tous ceux qui l'attendent"; et c'est pourquoi il dit: Bienheureux l'homme dont le nom du Seigneur est l'espérance. Ce nom
de Jésus est la vraie espérance, parce que le salut est en lui-même. Aussi est
bienheureux celui-là qui n'attend pas les biens temporels de lui, mais le salut
éternel que son nom indique. Par conséquent ceux qui attendent le salut de
Dieu, ceux-là sont béatifiés. Ou bien: Bienheureux
l'homme dont le nom du Seigneur est l'espérance, c'est-à-dire dont
l'espérance est l'invocation du nom du Seigneur: "Ceux-ci [se confient] dans
des chars, et ceux-là dans des chevaux; mais nous, c'est le nom du Seigneur que
nous invoquerons." La fausse affirmation est que la béatitude consiste en
des choses temporelles ou dans le culte des idoles; et il exclut cela lorsqu'il
dit: il n'a point porté ses regards sur
des vanités, c'est-à-dire sur des choses temporelles et sur des
jouissances. Dans ce mot vanité est
inclus tout ce qui se rapporte aux jouissances et aux choses temporelles: "Vanité
des vanités, et tout est vanité." Il exclut la seconde chose lorsqu'il dit:
et dès folies mensongères, c'est-à-dire
les cultes des idoles, sur lesquelles sont figurées des choses fausses, à
savoir que les hommes sont représentés comme des dieux. De même il y a là
beaucoup de débauches et d'impuretés, et l'on s'adonne aux cruautés: "Lorsqu'ils
se réjouissent, ils s'abandonnent à la folie, ou ils annoncent comme certaines
des choses fausses." Semblablement elles étaient fausses, parce qu'elles
étaient fondées sur la fausseté et non sur la puissance divine, qui ne leur
convenait pas: "Assemblez-vous sur les montagnes de Samarie, et voyez les
folies nombreuses au milieu d'elle." À cette idolâtrie se rapportent
toutes les superstitions vaines et nuisibles, comme la nécromancie, les
divinations et les augures. Ou bien on appelle folies mensongères, l'emportement, la rixe ou les vains spectacles
des jeux.
6 Tu as fait, toi, Seigneur mon
Dieu, beaucoup de choses admirables; et dans tes pensées il n'y a personne qui soit semblable à toi.
J'ai annoncé et j'ai parlé; elles ont été multipliées sans nombre.
B. Plus haut le
psalmiste a fait connaître sa confiance du côté du Christ et de l'Eglise, ainsi
que ses effets, à savoir les multiples bienfaits de Dieu; mais ici il montre la
cause de cette confiance, à savoir comment il est amené à confesser ces
bienfaits et l'espérance qui résulte des mérites divins. Et ainsi la cause de
la confiance, ce sont les nombreux biens temporels: "Que rendrai-je au
Seigneur pour tous [les biens] qu'il m'a faits ?" Et c'est pourquoi on
interprète cela selon l'une ou l'autre manière: car le mérite du Christ est la
cause de la confiance, et la rétribution des mentes. Cela consiste dans la
prédication de la vérité divine: et à cet égard le psalmiste fait trois choses.
1) Il fait
d'abord connaître l'acte méritoire, à savoir l'annonce des oeuvres divines.
2) Puis la cause
de cette annonce: 7 Tu n'as pas voulu de
sacrifice.
3) Enfin son mode: 10 J'ai
annoncé ta justice.
1. En faisant
connaître l'acte méritoire il montre deux choses.
a) D'abord que sa
miséricorde est abondante en vue de l'annonce.
b) Puis il
manifeste la cause ou la nécessité de l'annonce: elles ont été multipliées.
a. La matière de
l'annonce est abondante. Et d'abord quant à la multiplicité des oeuvres
divines, car tu as fait beaucoup. Et
ensuite dans les oeuvres de la nature: "C'est lui qui a fait des choses
admirables, inscrutables." - "Admirables sont tes oeuvres, mon âme le
reconnaît parfaitement." Et pour accomplir des miracles il se suffit à
lui-même, car il n'est pas instruit par un autre mais uniquement par ses
propres pensées. Aussi dit-il: et dans
tes pensées, à savoir par les ordonnances de sa sagesse: "Combien
magnifiques sont tes oeuvres, Seigneur ! Tu as fait toutes choses avec sagesse."
- "A qui as-tu donné conseil ?" N'est-ce pas à Dieu ? - "Qui a
été son conseiller ?" Il est grand en oeuvre et suffisant. Semblablement
il excelle en l'une et l'autre chose; ainsi dans l'accomplissement des
miracles, lorsqu'il fit marcher Pierre sur le lac, et dans beaucoup d'autres
choses admirables, qui peuvent convenir ici. Et nul ne peut être comparé à ses
oeuvres, ni à ses pensées; aussi dit-il: il
n'y a personne qui soit semblable à
toi. - "Il n'est point de
semblable à toi parmi les dieux, Seigneur; et il n'est rien de comparable à tes
oeuvres." Voilà ce que l'Ecriture dit pour ses oeuvres. Et pour ses
pensées elle dit aussi: "Autant les cieux sont élevés au-dessus de la
terre, autant sont élevées mes voies au-dessus de tes voies et mes pensées
au-dessus de tes pensées." Ainsi donc tu as de la matière en abondance
pour prêcher; et voilà pourquoi le psalmiste ajoute: J'ai annoncé et j'ai parlé. Et il dit: J'ai annoncé, en quoi il désigne la manifestation des oeuvres
divines, et j'ai parlé, autrement dit:
je me suis exprimé plus expressément par le verbe que par le signe. Ou bien, il
désigne l'ordre de la prédication. Ou bien, j'ai
annoncé donc le Christ par les prophètes, et j'ai parlé, moi-même en personne: "C'est moi-même qui
parlais, me voici présent."
b. La nécessité
de prêcher fût la multitude des mauvais, car ils se sont multipliés plus que le nombre des bons. Et ainsi, pour que les
mauvais soient diminués en nombre et que les bons s'accroissent, il faut que
l'annonce leur soit faite: "Resserrée est la voie qui conduit à la vie, et large est la voie qui
conduit à la perdition." Ou bien: ils ont
été multipliés sans nombre. - "Infini est le nombre des insensés."
Ou bien autrement, pour signifier l'effet de la prédication, à savoir que les
bons se sont multipliés par la prédication au-delà du nombre estimé: "Que
le Seigneur Dieu de vos pères ajoute à ce nombre des milliers de milliers."
- "Les fils de la délaissée seront plus nombreux que les fils de celle qui
a un mari." La version iuxta
Hebraeos de Jérôme lit: "Multa
fecisti, Deus meus, mirabilia tua, et cogitationes tuas, pro nobis (Tu as
fait beaucoup de choses pour nous, tes [oeuvres] admirables et tes pensées, ô
mon Dieu)", pour nous, c'est-à-dire pour notre salut: "Moi je pense
des pensées de paix." Et la version iuxta
Hebraeos poursuit: "Non inveni
ordinem coram te (je n'ai pas trouvé d'ordonnance devant toi)." Et on
dit cela, parce qu'il n'y a personne qui soit semblable à toi. Et Jérôme
continue: "Si annuntiare et enarrare
voluero, plura sunt quam annuntiari queant (Si je voulais les annoncer et
les raconter, elles sont si nombreuses qu'elles ne peuvent être annoncées)";
autrement dit: elles sont si nombreuses qu'elles ne peuvent être énumérées. Et
ainsi Jérôme expose aussi l'effet des oeuvres divines lorsqu'il dit: elles ont été multipliées sans nombre.
7 Tu n'as pas voulu de sacrifice
et d'oblation; mais tu m'as parfaitement disposé les oreilles. Tu n'as pas
demandé d'holocauste et de sacrifice pour le péché; 8 alors, j'ai dit: "Voici,
je viens." En tête du livre, il est écrit de moi que je ferai ta volonté;
mon Dieu, je l'ai voulu, et [j'ai mis] ta loi au milieu de mon coeur.
2. Ici le
psalmiste justifie la raison pour laquelle il donne à Dieu cette compensation
pour ses bienfaits, ou bien il explique pourquoi il a prêché. Et il justifie
cette cause de deux manières.
a) Il expose
d'abord comme cause la volonté divine.
b) Puis son
intention: 8 alors, j'ai dit.
a. Concernant la volonté divine, il faut
savoir que dans l'Ancien Testament des sacrifices étaient offerts pour les
bienfaits reçus de Dieu; et en général il y avait quatre sortes de sacrifices
qui étaient offerts à Dieu. Car tout sacrifice est une oblation, mais toute
oblation n'est pas un sacrifice: car le sacrifice implique une action sacrée.
Aussi, lorsqu'il n'y avait rien d'autre dans une oblation que ce qui revenait à
l'usage du prêtre, ce n'était qu'une simple oblation; mais lorsque quelque
chose s'y ajoutait, par exemple ce qui était consumé, alors on l'appelait
sacrifice. Or on accomplissait dans l'Ancien Testament un triple sacrifice. Le
premier était appelé très digne, parce qu'on lui donnait le nom d'holocauste.
Le deuxième était le sacrifice pour le péché. Le troisième s'appelait sacrifice
d'immolation (victima), ou de paix (hostia pacificorum).
Et dans le premier sacrifice tout était brûlé; et cet holocauste était
très agréable à Dieu. Ce mot holocauste vient
du grec ólon, qui signifie "tout",
et de kaíô, qui signifie "consumer".
Au sujet du sacrifice de paix (hostia
pacificorum) pour le péché, une partie était brûlée, tandis que l'autre
était cédée à l'usage du prêtre, mais rien ne revenait à l'usage de ceux qui
offraient, car ils donnaient cette offrande pour leur péché; excepté,
éventuellement, dans deux cas: ou bien lorsqu'on offrait pour le péché du
prêtre, dans ce cas tout était consumé, puisqu'il n'en restait rien.
Semblablement quand on offrait pour tout le peuple, car il y avait aussi un
prêtre parmi eux. Quant à la victime, elle était divisée en trois parties: car
la première était offerte à Dieu, une autre était donnée aux prêtres, une autre
était donnée à ceux qui offraient. Et le psalmiste fait allusion à tous ces
sacrifices ici. Il fait mention du sacrifice de paix lorsqu'il dit: sacrifice. Il fait mention de la simple
oblation quand il dit: et tu n'as pas voulu
d'oblation. Il fait mention du sacrifice d'holocauste lorsqu'il dit: d'holocauste et de sacrifice pour le péché,
autrement dit: tu m'as accordé beaucoup de bienfaits, et j'ai voulu te
rendre, non cependant par des sacrifices ou d'autres choses du même genre; car
toi, tu n'en as pas voulu au temps de la Nouvelle Alliance, puisque à partir de
ce moment la figure a cessé, et que les autres sacrifices étaient des figures
du vrai sacrifice, à savoir du Christ. Et c'est pourquoi après le Christ le
Temple fut détruit, et les sacrifices cessèrent. Et par conséquent même les
Juifs gardent aujourd'hui peu de choses parmi ces rites, à savoir la circoncision comme valeur de signe. Ou bien: Tu n'as pas voulu, c'est-à-dire tu ne
les as pas acceptés en soi au nombre des bonnes oeuvres que l'homme accomplit:
car certaines choses sont acceptées par Dieu pour lui; comme l'oeuvre de la
justice, de la charité, de la foi et de la vertu; et le livre du Deutéronome
prescrit cela: "Maintenant, Israël, qu'est-ce que le Seigneur ton Dieu
demande de toi, si ce n'est que tu craignes le Seigneur ton Dieu de tout ton
coeur et de toute ton âme ?" Mais il n'accepte pas les oblations pour lui:
"Est-ce que je mangerai des chairs de taureaux ? ou boirai-je du sang des
boucs ?" Non, mais quoi ? "Immole à Dieu un sacrifice de louange, et
rends au Très-Haut tes voeux."
Pourquoi donc furent-ils prescrits dans la Loi ?
Pour deux raisons: comme figure du sacrifice futur: "Toutes ces
choses leur arrivaient en figure"; et comme précaution, pour qu'ils
n'offrent pas aux idoles ces sacrifices, car au contact des nations ils se
détourneraient facilement de Dieu pour s'adonner à cette idolâtrie; idolâtrie
vers laquelle les enfants d'Israël étaient portés des le début de la Loi. Mais
au livre de l'Exode on ne fait pas mention des sacrifices, si ce n'est qu'après
être tombé le peuple adora un veau. Et il est écrit dans Jérémie: "Je n'ai
point parlé à vos pères, je ne leur ai rien commandé au jour que je les ai
tirés de la terre d'Ègypte, au sujet des holocaustes et des victimes." On
est loin du sacrifice de la nouvelle Alliance qui contient le Christ lui-même,
lequel est en soi agréé par Dieu.
mais tu m'as parfaitement
disposé les oreilles. Une
autre version lit: corpus (corps). Et
c'est ainsi que l'Apôtre dans son épître aux Hébreux introduit ce mot en disant:
"Corpus autem aptasti mihi (Mais
tu m'as façonné un corps)." Et cela signifie: tu as voulu l'autre
sacrifice de la nouvelle Alliance, parce que cet autre sacrifice est venu. Car
tu m'as donné un corps, afin de l'offrir en sacrifice saint. Ou bien: perfecisti (tu as parfait), c'est-à-dire
tu m'as accordé un corps parfait sans tache. Ou bien: aptasti (tu as façonné), c'est-à-dire tu m'as uni. Ou bien: Aures perfecisti mihi (Tu m'as
parfaitement disposé les oreilles). Ou bien: fodisti (tu as ouvert); et cela concorde avec les versets qui
précèdent, car il veut que nous offrions davantage un sacrifice des lèvres,
c'est-à-dire davantage celui des prédications des oeuvres divines que
l'immolation des animaux. Et c'est pourquoi il dit: tu m'as parfaitement disposé les oreilles, autrement dit: tu exiges
de moi ce que tu m'as principalement donné, à savoir la capacité de percevoir
la sagesse. Et il exige cela afin que je manifeste la sagesse que nous avons
reçue pour la faire connaître et la prêcher: "Le Seigneur Dieu m'a ouvert
les oreilles."
Et Tu
n'as pas demandé, c'est-à-dire tu n'as pas accepté, d'holocauste et de sacrifice pour le péché. Ou bien: Tu n'as pas même demandé un sacrifice de paix (hostia) pour le péché: "Les holocaustes des
béliers, et la graisse des [animaux] gras, et le sang des veaux et des agneaux
et des boucs, je n'en veux point." Mais, comme l'Ecriture le rapporte
aussi, cet holocauste est parfois agréé par Dieu. Mais lorsqu'un holocauste est
seulement un simple sacrifice, alors il équivaut à l'accomplissement de nos bonnes oeuvres. Mais si toutes les
oeuvres sont faites pour Dieu, alors il s'agit d'un holocauste. Et si nous,
nous gardons la continence pendant un certain temps, c'est un sacrifice; si
nous gardons la virginité, alors c'est un holocauste, parce que ce sont des
oeuvres de perfection; c'est pourquoi elles sont très agréées par Dieu.
b. 8 Alors, j'ai dit: "Voici, je viens."
Ici il justifie la cause de la prédication des oeuvres divines selon son
point de vue, en montrant son intention.
- Et il montre d'abord son intention.
- Puis il montre que celle-ci est conforme à la volonté divine: En tête.
- On voudrait peut-être expliquer ces paroles en les rapportant à
David, autrement dit continuer comme suit: Voici,
je viens, en m'approchant spirituellement de toi, et en tête du livré, il est écrit de moi.
- "Je t'ai établi chef parmi les tribus d'Israël." Mais
puisque l'Apôtre explique cela en le rapportant au Christ, nous aussi, nous
l'expliquons en le rapportant à lui. Et c'est pourquoi lorsqu'il dit: alors, il désigne la cause et la
nécessité de la venue du Christ; car tous les sacrifices de l'Ancien Testament
n'étaient pas agréés par Dieu, car il est écrit dans l'épître aux Hébreux que "la
loi n'a amené [personne] à la perfection". Et "il est impossible que
les péchés soient effacés par du sang de taureaux et de boucs". Et c'est
pourquoi il était nécessaire afin qu'advienne le vrai sacrifice, et qu'il soit
manifesté. Et ainsi dit-il: Voici, je
viens, à savoir par l'Incarnation. Et il dit: Voici, autrement dit je suis prêt à cause de la proximité: "Près
de venir est son temps, et ses jours ne seront pas différés." - "Excite
ta puissance, et viens afin de nous sauver."
- Et cette intention est conforme à la volonté
divine; aussi dit-il: En tête du livre. Le
livre, c'est le Christ. Le livre, c'est l'instrument dans lequel sont écrits
les projets (conceptiones) du coeur;
mais dans le Christ sont les projets de l'intelligence divine: "En lui
tous les trésors de la sagesse et de la science sont cachés." La tête du
livre est Dieu le Père: "La tête du Christ [est] Dieu." Donc en tête du livre, c'est-à-dire dans la
volonté de Dieu le Père, il est écrit, à savoir
prescrit "à mon sujet", que je viendrai. Ou bien autrement: il s'agit
du livre de la prédestination qui est le livre de vie: "Qu'ils soient
effacés du livre de vie", c'est-à-dire des vivants. Dans ce livre sont
inscrits tous ceux qui doivent être sauvés, mais selon un ordre: car en tête de
ce livre il est écrit Sauveur, et tous sont inscrits par lui: "Il les a
prédestinés à être conformes à
l'image de son Fils, afin qu'il fût lui-même le premier-né entre beaucoup de
frères." - "Il nous a élus en lui avant la fondation du monde, afin
que nous fussions saints et sans tache en sa présence dans la charité";
autrement dit: le Christ n'est pas inscrit comme les autres, mais en tête du
livre. Ou bien en tête du livre des Psaumes, parce que le premier psaume a été
écrit au sujet du Christ: "Bienheureux l'homme qui n'est pas allé au
conseil des impies, etc." Ainsi donc il montre son intention de venir.
Ensuite il montre son intention d'obéir en tant qu'homme.
Or il y a principalement deux choses dans l'homme: La volonté et
l'intelligence. La volonté de l'homme doit être soumise à la volonté divine, et l'intelligence doit être dirigée selon la
loi de Dieu. Et c'est pourquoi il dit: ô mon
Dieu, Père, en tant que Dieu. Ou bien: mon
Dieu, en tant qu'homme, j'ai voulu
[faire] ta volonté, qui est aussi ma volonté en tant que Dieu: "Que ma
volonté ne se fasse pas, mais la tienne." Semblablement mon intelligence
est dirigée selon toi; aussi dit-il: et
ta loi au milieu de mon coeur Et il dit: au milieu, parce qu'il connaît parfaitement les raisons divines.
10 J'ai annoncé ta justice dans
la grande assemblée; voilà que je ne contiendrai pas mes lèvres, Seigneur, toi tu le sais. 11 Je n'ai pas caché ta justice dans mon coeur;
j'ai dit ta vérité et ton salut. Je n'ai pas caché ta miséricorde et ta vérité
à un conseil nombreux.
3. Ici le
psalmiste expose le mode de l'annonce. Nous devons donc annoncer trois choses à propos des réalités divines, à savoir
les oeuvres de la justice, les dogmes de la vérité, et les bienfaits de la
miséricorde divine; et il dit qu'il a annoncé ces trois choses.
a. En premier
lieu il dit qu'il a annoncé les oeuvres de la justice: J'ai annoncé ta justice, justice qu'il a annoncée ou prêchée de
trois manières.
D'abord publiquement, puis avec promptitude, enfin avec pureté
d'intention.
- Publiquement, lorsqu'il dit: dans
la grande assemblée. Pareillement dans la réunion d'un grand nombre. - "J'ai
parlé publiquement au monde." Ou bien: dans
la, grande assemblée, c'est-à-dire dans l'Eglise catholique, qui est grande
par son pouvoir et sa fermeté: "Les portes de l'enfer ne prévaudront point
contre elle." Et elle est grande par sa diffusion: "Depuis le lever
du soleil jusqu'à son coucher, grand est ton nom parmi les nations."
- Avec promptitude, lorsqu'il dit: voilà
que je ne contiendrai pas mes lèvres, autrement dit: Je ne céderai pas à
ceux qui m'interdisent de parler: "Donne à tes serviteurs d'annoncer ta
parole en toute confiance."
- Avec pureté d'intention, lorsqu'il dit: toi tu le sais, c'est-à-dire tu as approuvé mon intention "Toi,
tu sais tout leur dessein de mort contre moi." Ou bien, toi, tu le sais, c'est-à-dire tu as
prédestiné de toute éternité en ce qui concerne le Christ, lorsqu'il dit: Je n'ai pas caché ta justice dans mon coeur.
b. Il confesse
les dogmes de la vérité, lorsqu'il dit: j'ai
dit ta vérité. Le Christ a confessé cette vérité devant Pilate: "Si je
suis né et si je suis venu dans le monde, c'est pour rendre témoignage à la
vérité."
- "Ma bouche s'exercera à la vérité." Et j'ai dit ton salut, parce que par la confession
de la vérité le salut parvient à l'homme: "Quiconque invoquera le nom du
Seigneur sera sauvé."
c. Il reconnaît
les bienfaits de la miséricorde divine, lorsqu'il dit: Je n'ai pas caché ta miséricorde et ta vérité; parce que la
miséricorde et la vérité vont de pair; et c'est pourquoi il dit: vérité. Il ne met pas ici le mot vérité pour signifier la vérité de la
doctrine, mais la vérité de la justice dans les promesses: Car Dieu est
véridique. Et la vérité de Dieu consiste en ce qu'il donne ce qu'il promet, car
il n'a pas d'autre dette envers nous que sa promesse.
12 Mais toi, Seigneur, n'éloigné
pas de moi les effets de ta
miséricorde: Ta miséricorde et ta vérité toujours m'ont soutenu. 13 Parce que des maux sans nombre m'ont
environné né; mes iniquités m'ont saisi, et je n'ai pu en soutenir la vue.
Elles se sont multipliées plus que les cheveux de ma tête; et mon coeur m'a
abandonné.
II. Plus haut le psalmiste a fait mémoire de la
confiance qui lui vient de Dieu quant aux bienfaits passés; mais ici il expose
la confiance qui lui vient de Dieu quant aux bienfaits futurs, et il l'exprime
par la prière. À ce propos il fait deux choses.
A) Il expose
d'abord sa prière en général.
B) Puis en
particulier: 14 Qu'il te plaise.
A. En parlant de
la prière en général il fait deux choses.
1) Il formule
d'abord sa demande.
2) Puis il en
justifie la raison: Ta miséricorde.
1. Ainsi dit-il: J'ai annoncé ta justice [...]. Mais toi,
Seigneur, n'éloigne pas de moi les effets de ta miséricorde. Certains
reçoivent déjà les effets de la miséricorde, à savoir ceux qui jouissent de sa
grâce et de sa gloire: "La terre est remplie de la miséricorde du
Seigneur." D'autres en sont proches, et ce sont ceux qui ne font pas
obstacle à la miséricorde, au contraire ils ont un certain mérite: "Le
Seigneur est proche de tous ceux qui l'invoquent." Il y en a d'autres chez
lesquels réside un obstacle, aussi les effets de la miséricorde sont-ils loin
de ces derniers. Et c'est pourquoi je demande que les effets de ta miséricorde
ne soient pas éloignés de moi à cause de mes démérites.
2. Et la raison
de cette demande est double.
a. L'une est due
à la confiance qui est née de l'expérience de la bonté divine; l'autre est due
à la contrainte qu'il souffre. Il y a deux manières selon lesquelles Dieu vient
à notre secours: par sa miséricorde, en tant qu'il nous prodigue des bienfaits
qu'il n'a même pas promis: "Le Christ Jésus a été le ministre de la
circoncision pour montrer la véracité de Dieu, afin d'accomplir les promesses
faites aux patriarches, et afin que les nations glorifient Dieu pour sa
miséricorde"; et par sa vérité, afin que nous ayons confiance. Et ce n'est
pas comme si nous attirions Dieu à nous par nos propres mérites, mais c'est
Dieu qui par ces mérites nous attire et nous a attirés. Et c'est pourquoi il dit:
Ta miséricorde et ta vérité toujours
m'ont soutenu.
b. L'autre raison
est la contrainte exercée par les méchants. Et il expose deux sortes de maux;
les uns sont infligés de l'extérieur, les autres de l'intérieur: m'ont saisi. En parlant des maux extérieurs
il dit: Parce que des maux sans nombre
m'ont environné: ce sont les maux qui me sont infligés et par le monde, et
par mes ennemis: "Ils m'ont environné comme des abeilles"; et il dit:
sans nombre, parce que les dangers
dans le monde sont infinis, et les hommes méchants infinis également: "Infini
est le nombre des insensés." Les maux intérieurs sont les péchés: et ces
maux sont dangereux pour deux raisons: à cause de leur gravité, car mes iniquités m'ont saisi, c'est-à-dire
mes péchés m'ont lié par leur poids: "Ses iniquités saisissent l'impie."
et je n'ai pu en soutenir la vue. - "Leur
malice les a aveuglés." - "Vos iniquités ont mis une séparation entre
vous et votre Dieu." Semblablement, ils sont dangereux à cause de leur
multitude. Aussi dit-il: Elles se sont
multipliées plus que les cheveux de ma tête. Car de même que les cheveux
sont innombrables, ainsi les péchés sont innombrables, et surtout les péchés
véniels: et si ces derniers n'effraient pas à cause de leur poids, ils
effraient à cause de leur multitude. La Glose
commente: "Si tu as évité des péchés graves, prends garde de ne pas
être écrasé par le sable". Non point parce que des péchés véniels, quels
qu'ils soient ou de quelque manière qu'ils soient commis, fassent un péché
mortel, mais parce qu'ils y disposent: "Nous commettons tous des offenses
de bien des manières." L'effet de cet état peccamineux est la distraction
du coeur: "Les mouches mortes gâtent la suavité d'un parfum." Et
c'est pourquoi il dit: et mon coeur m'a
abandonné, autrement dit: s'ils n'ôtent pas la charité, ils empêchent
cependant la ferveur, et le coeur est distrait si bien qu'il n'est pas fervent:
"Ton serviteur a trouvé son coeur pour t'adresser cette prière." Ou
bien: mon coeur m'a abandonné, c'est-à-dire
n'a pas pensé aux choses qui sont utiles à mon bien: "La lumière de mes
yeux, elle-même n'est plus avec moi."
14 Qu'il te plaise, Seigneur, de
me délivrer; Seigneur, regarde afin
de m'aider. 15 Qu'ils soient
confondus et qu'ils soient couverts de crainte tous ensemble, ceux qui
cherchent mon âme, pour me la ravir. Qu'ils soient rejetés en arrière et qu'ils
rougissent de honte ceux qui me veulent des maux. 16 Qu'ils portent promptement leur confusion, ceux qui me disent: "C'est bien fait, c'est bien fait !"
17 Qu'ils exultent et soient dans
l'allégresse à ton sujet, tous ceux qui te cherchent; et qu'ils disent sans
cesse: "Que le Seigneur soit magnifié !" ceux qui aiment ton salut.
B. Ici le
psalmiste expose sa prière de manière explicite.
1) Et il commence
par expliciter la prière qu'il adresse pour lui-même.
2) Puis celle
qu'il fait à l'égard des méchants: 15 Qu'ils
soient confondus.
3) Enfin celle
qu'il fait à l'égard des bons: 17 Qu'ils
exultent et soient dans l'allégresse.
1. Pour lui-même
il demande d'être délivré des méchants: "Tu délivres, Seigneur, ceux qui
t'attendent avec patience." Et il demande d'être aidé pour atteindre les
biens; car par ta providence le secours m'est donné. Et ce secours n'est pas dû
à mon mérite, mais à ton bon plaisir. Aussi dit-il: Qu'il te plaise. En ce qui concerne ses adversaires, la condition
de leurs personnes est désignée lorsqu'il dit: de me délivrer, c'est-à-dire des choses mauvaises, ou des hommes
mauvais, ou des péchés. Et remarquez qu'il dit: Qu'il te plaise, ne désespérant pas de la miséricorde de Dieu;
autrement dit: si tu veux, tu peux; et c'est pourquoi il dit: regarde afin de m'aider, dans la
pratique du bien; autrement dit: regarde ceux qui se repentent dans leur
douleur. Le regard de Dieu est notre secours.
2. Qu'ils soient confondus. Ici il expose
la confusion de ses adversaires: certains d'entre eux sont mortels, et
cherchent à tuer. D'autres ne cherchent pas à tuer, mais à blesser. Il y en a
d'autres encore qui cherchent à railler par des paroles, ou à tromper. Et ces
trois genres de méchants sont désignés ici. Et on peut rapporter cela soit au
bien, soit au mal, en ce sens qu'il y a une double confusion: une bonne
confusion qui vient de la pénitence: "Quel fruit avez-vous donc tiré alors
des choses dont vous rougissez maintenant ?" L'autre confusion vient du
châtiment. Donc lorsqu'il dit: Qu'ils
soient confondus, cela veut dire: Qu'ils soient punis. Et il fait cette
prière en se conformant à la volonté divine, ou à la justice. Ou bien:Qu'ils soient confondus, c'est-à-dire qu'ils
fassent pénitence, et qu'ils soient
couverts de crainte tous ensemble; soit de la crainte des châtiments, et en
relation avec cette première interprétation l'Ecriture dit: "Comme la
méchanceté est timide, elle donne un témoignage de condamnation"contre
elle"; soit de la crainte qui invite à la pénitence. Et cela, parce qu'ils
cherchent mon âme, afin de tuer
corporellement ma vie. Ou bien, "les âmes", afin de les entraîner
dans les ténèbres: "Donne-moi les âmes, et prends le reste pour toi."
Il demande que ses ennemis matériels soient empêchés; aussi dit-il: Qu'ils soient rejetés en arrière, vers
le bien, c'est-à-dire qu'ils se mettent à la suite du Christ. Ou bien vers le
mal, c'est-à-dire qu'ils essuient un échec dans leur intention, afin qu'ils y
renoncent. et qu'ils rougissent de honte
ceux qui me veulent des maux, c'est-à-dire ceux qui se réjouissent de mes
maux: "Tous mes ennemis ont appris mon malheur; ils se sont réjouis, parce
que c'est toi qui l'as fait." Contre ces trois ennemis il demande à Dieu
de hâter son secours, car le retard est habituellement nuisible: "Parce
que la sentence n'est pas portée promptement contre les méchants, les fils des
hommes, sans aucune crainte, commettent le mal." Et c'est pourquoi il dit:
Qu'ils portent promptement leur
confusion, c'est-à-dire qu'ils soient aussitôt confondus, parce que ces
derniers sont ceux qui dans leur applaudissement me disent: "C'est bien fait, c'est bien fait !", c'est-à-dire
qui se réjouissent d'une manière mensongère dans leurs flatteries. Ou bien: C'est bien fait, c'est-à-dire ceux qui
se moquent, ou insultent. La version iuxta
Hebraeos de Jérôme lit ainsi ces paroles: "Vah (Ah !)"; c'est de cette manière que les Juifs se moquaient
du Christ.
3. Pour les bons,
il demande qu'ils se réjouissent de son secours et de sa libération, et qu'ils
louent Dieu. Et en relation avec sa première demande il dit: Qu'ils exultent et soient dans l'allégresse
à ton sujet, tous ceux qui te cherchent. En relation avec sa seconde
demande il dit: qu'ils disent sans cesse:
"Que le Seigneur soit magnifié !" ceux qui aiment ton salut. Il
mentionne ici quatre dispositions qui conviennent aux bons:
a. D'abord,
qu'ils préfèrent le salut de Dieu, qui est le Christ: "Mes yeux ont vu ton
salut."
b. Ensuite,
qu'ils cherchent des actes de charité: "Sur ma couche, pendant les nuits,
j'ai cherché celui que chérit mon âme." - "Cherchez le Seigneur,
tandis qu'on peut le trouver."
c. Puis, qu'ils
se réjouissent d'avoir trouvé le bien-aimé; aussi dit-il: Qu'ils exultent. - "Mais moi, je me réjouirai dans le
Seigneur, et j'exulterai en Dieu mon Jésus." On parle d'exultation dans la
mesure où il s'agit de signes extérieurs d'allégresse; mais on parle de joie
par rapport aux choses intérieures, comme s'il s'agissait d'une allégresse et d'une
dilatation du coeur.
d. Enfin, l'action de grâce et la louange; aussi dit-il: et qu'ils disent sans cesse: "Que le
Seigneur soit magnifié !" ceux qui aiment ton salut. - "Exulte et
loue, habitation de Sion, parce que grand est au milieu de toi le saint
d'Israël."
18 Pour moi, je suis un mendiant
et un pauvre: [mais] le Seigneur prend soin de moi. Toi, tu es mon aide et mon protecteur: mon Dieu, ne tarde pas.
Ici [le psalmiste] expose la cause de sa demande. Et il mentionne
d'abord son indigence; puis il expose le secours de Dieu face à celle-ci.
Ainsi dit-il: je demande toutes choses, parce que par moi-même je ne
puis faire quoi que ce soit, parce que je
suis un mendiant. On peut expliquer cela de deux manières. Selon une
première manière, au sens littéral, en l'appliquant au Christ dans sa personne,
lui qui a vécu dans ce monde et qui fut mendiant et pauvre: "Vous
connaissez la libéralité de notre Seigneur Jésus-Christ, qui pour vous s'est
fait pauvre, de riche qu'il était, afin de vous enrichir par sa pauvreté."
On appelle mendiant celui qui cherche à obtenir d'autrui sa nourriture; mais on
appelle pauvre, celui qui ne se suffit pas à lui-même. Et ces deux conditions
sont mentionnées à propos du Christ: "Le Fils de l'homme n'a pas où
reposer la tête." Ou bien, au sens spirituel, je dois nécessairement
mendier auprès de Dieu le secours de sa grâce, et je suis un pauvre, car ce que je possède ne me suffit pas. Et ainsi, parce
que je reconnais cela, le Seigneur prend
soin de moi. Et parce que je suis dans l'indigence, Toi, Seigneur, tu es mon
aide. Et à cause du danger, ne tarde
pas. - "Seigneur, viens à mon aide !"
1 Pour la fin.
Psaume de David.
2 Bienheureux
celui qui comprend les nécessités de l'indigent et du pauvre; au jour mauvais,
le Seigneur le délivrera.
3 Que le Seigneur
le conserve, et qu'il lui donne vie, et le fasse bienheureux sur la terre; et
qu'il ne le livre point à l'âme de ses ennemis.
4 Que le Seigneur
lui porte secours sur le lit de Sa douleur; tu as retourné toute sa couche dans
son infirmité. 5 Moi j'ai dit: "Seigneur, aie pitié de moi, guéris mon
âme, parce que j'ai péché contre toi."
6 Mes ennemis
m'ont dit de mauvaises choses: "Quand mourra-t-il, et [quand] périra son
nom ?" 7 Et si [quelqu'un d'eux] entrait pour [me] voir, il tenait de
vains discours: son coeur s'est amassé l'iniquité. Il sortait dehors, et il
parlait de même.
8 Contre moi
murmuraient tous mes ennemis: contre moi ils formaient de mauvais desseins. 9
Ils ont élevé une parole inique contre moi: Est-ce que celui qui dort
n'ajoutera pas qu'il ressuscite ?
10 Car l'homme de
ma paix, en qui j'ai espéré, qui mangeait mon pain, m'a tendu un grand piège.
11 Mais toi,
Seigneur, aie pitié de moi et ressuscite-moi, et je leur rendrai [ce qu'ils
méritent].
12 J'ai connu que
tu m'as voulu, en ce que mon ennemi ne se réjouira pas à mon sujet. 13 Pour
moi, à cause de mon innocence tu m'as pris sous ta protection, et tu m'as
affermi en ta présence à jamais.
14 Béni le
Seigneur Dieu d'Israël, d'un siècle jusqu'à un autre siècle ! Ainsi soit-il,
ainsi soit-il.
1 Pour la fin.
Psaume de David.
2 Bienheureux
celui qui comprend les nécessités de l'indigent et du pauvre; au jour mauvais,
le Seigneur le délivrera.
Au psaume précédent, le psalmiste a montré sa confiance à l'égard de
Dieu; mais ici de Dieu il demande sa miséricorde constante. Ce psaume est
intitulé: Pour la fin. Psaume de David. Ce
titre a déjà été présenté plus haut; il signifie en effet que David a composé
ce psaume, et qu'il nous conduit vers la fin, c'est-à-dire vers le Christ: car
il traite de sa Passion, en certains de ses passages. On rapporte cependant
dans la Glose que son titre original
d'après Jérôme serait: "Intellectus
filiis Core (Intelligence des fils de Coré)", et il s'agirait d'un
nouveau titre dans les intitulés des psaumes. Or il faut savoir, comme le
rapporte le livre des Nombres, que lorsque Dathan et Abiron se révoltèrent
contre Moïse pour se rendre maîtres du peuple, alors Coré se dressa contre
Aaron pour se rendre maître du sacerdoce; et qu'ainsi lui-même fut brûlé:
cependant tous les membres de sa tribu ne consentirent pas à ses vues: et c'est
pourquoi demeurèrent en vie ceux d'entre eux qui ne donnèrent pas leur
assentiment; cette conduite fit qu'au temps de David des fonctions leur furent
données parmi les chantres. On comprend que ce psaume fut prescrit pour être
chanté en ce temps-là . Mais il faut noter que dans les titres où il est dit: "Intellectus filiis Core (Intelligence
des fils de Coré)" - et ceci se dit littéralement dans tous les cas où
figure le mot intellectus (intelligence)
- il est donné de comprendre par ce psaume que le peuple est exhorté à la
compréhension des bienfaits divins, ou de quelques mystères, par exemple
lorsque le psalmiste dit: "Comprenez (Intelligite),
insensés du peuple"; ou encore: "Appliquez-vous (Attendite) à ma loi, ô mon peuple."
Au sens mystique, Coré veut dire calvaire, et le Christ fut crucifié
sur le lieu du calvaire; et c'est pourquoi ce psaume est attribué aux fils de
la Passion, c'est-à-dire de la croix du Christ. Et ce sont ceux "qui ont
crucifié leur chair", comme le rapporte l'épître aux Galates. L'intention
du psalmiste est de demander la miséricorde divine.
Ce psaume se divise en deux parties.
I) Dans la première partie, le psalmiste demande
la miséricorde divine en général.
II) Dans la seconde partie, en particulier: 11 Mais toi, Seigneur.
I. En parlant de la miséricorde divine en
général il fait deux choses.
A) Il commence
par demander la miséricorde.
B) Puis il
introduit la nécessité de demander la miséricorde: 8 Contre moi murmuraient tous mes ennemis.
A. En sollicitant
la miséricorde il fait deux choses.
1) Il montre
d'abord à qui est due la miséricorde.
2) Puis sentant
en lui-même qu'il mérite la miséricorde, il la demande: 5 Moi j'ai dit. Car il est écrit dans saint Matthieu: "Bienheureux
les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde."
1. Ainsi la
miséricorde est due aux miséricordieux pour une double raison.
D'abord, en vertu de l'agrément divin: car Dieu agrée la miséricorde
qui fait de l'homme un imitateur de Dieu: "Soyez miséricordieux, comme
votre Père est miséricordieux."
Puis, en vertu de la prière des saints: "Renferme l'aumône dans le
coeur du pauvre, et cette [aumône] priera pour toi [te préservant] de tout mal".
Et [le psalmiste] fait cela ici: 3 Que le
Seigneur le conserve.
En parlant de l'agrément divin il annonce d'abord le mérite; puis la
récompense: au jour mauvais, le Seigneur
le délivrera.
Ainsi dit-il: 2 Bienheureux celui qui comprend les nécessités de l'indigent et du
pauvre. Est bienheureux celui qui est miséricordieux, qui a pitié de
l'indigent et du pauvre: "Celui qui a pitié du pauvre sera bienheureux."
Et il dit: qui comprend, et non: "qui
secourt", car, ainsi qu'on l'a dit, il doit être miséricordieux à la
manière de Dieu; et Dieu n'attend pas qu'on lui demande toujours. C'est
pourquoi il vient au-devant du désir avant qu'on ne lui demande; et par
conséquent est vraiment miséricordieux celui qui non seulement vient au secours
de ceux qui demandent, mais qui se porte aussi au secours de l'indigent avant
qu'on ne lui demande: "Si j'ai refusé aux pauvres ce qu'ils voulaient, et
si j'ai fait attendre les yeux de la veuve, que mon épaule tombe séparée de sa
jointure, et que mon bras avec tous ses os soit entièrement brisé." Est
indigent celui qui a besoin de recevoir d'autrui; est appelé pauvre celui qui
possède peu. Une version de Jérôme lit: "Qui considerat, etc. (Qui
considère, etc.)", c'est-à-dire celui qui prend dans sa sollicitude les
intérêts des pauvres: "J'ai été un oeil pour l'aveugle, et un pied pour le
boiteux."
Au sens mystique, si on rapporte cela au Christ, bienheureux est le
chrétien dans la mesure où il est fils de Coré, c'est-à-dire de la croix du
Christ par la méditation. qui comprend, c'est-à-dire
celui qui a l'intelligence tournée vers le service, comprend les nécessités de l'indigent et du pauvre, c'est-à-dire le
bienfait que le Christ a réalisé par la croix: "Souviens-toi de ma
pauvreté et de ma transgression, de l'absinthe et du fiel."
Il expose la récompense lorsqu'il dit: au jour mauvais, le Seigneur le délivrera. Les jours selon leur
nature sont bons, parce qu'ils ont été créés par Dieu: "Par ton ordre
persévère le jour"; mais ils sont dits mauvais à cause des maux qui
arrivent dans leur cours: "Rachetant le temps parce que les jours sont
mauvais." Et il dit: au jour
mauvais, c'est-à-dire au jour d'une tribulation mauvaise. Or il y a
multiplicité de jours mauvais. Le jour du triomphe: "Au jour des biens ne
perds pas le souvenir des maux." Le sommet des mauvais jours est la
damnation éternelle, qui menace l'homme au jugement, soit particulier,
c'est-à-dire à la mort, soit au jugement universel, c'est-à-dire à la fin du
monde. Et ce jour est mauvais au cours duquel a lieu une telle condamnation,
c'est-à-dire que ce jour est "un jour de colère; jour de tribulation et
d'angoisse; jour de calamité et de misère; jour de ténèbres et d'obscurités,
jour de nuage et de tempête". En ce jour mauvais le Seigneur délivre le
miséricordieux: "Alors, le roi dira à ceux qui sont à sa droite:
"Venez, les bénis de mon Père; possédez le royaume préparé pour vous
depuis la fondation du monde: car j'ai eu faim, et vous m'avez donné à manger;
j'ai eu soif, et vous m'avez donné à boire; j'étais sans asile, et vous m'avez
recueilli; nu et vous m'avez vêtu, malade et vous m'avez visité; en prison, et
vous êtes venus a moi""; non point que seule la miséricorde délivre
l'homme sans les autres vertus, mais par la miséricorde l'homme satisfait pour
ses péchés.
3 Que le Seigneur le conserve, et
qu'il lui donne vie, et le fasse bienheureux sur la terre; et qu'il ne le livre
point à l'âme de ses ennemis.
Ici le psalmiste montre comment il mérite la miséricorde en vertu de la
prière des saints, eux qui prient pour les miséricordieux.
a) Et il expose
la prière pour le miséricordieux se trouvant dans un état de prospérité.
b) Puis pour le
miséricordieux se trouvant dans un état d'adversité.
a. Dans l'état de
prospérité l'homme manque de deux choses: d'être élevé dans le bien et d'y être
conservé; puis d'être délivré des maux.
Or il y a un triple bien: le bien de la nature, le bien de la grâce et
le bien de la gloire.
- Le premier, à savoir le bien de la nature, il demande qu'il lui soit
conservé; aussi dit-il: Que le Seigneur
le conserve, c'est-à-dire dans le bien acquis, à savoir dans le bien de la
nature: "Conserve-moi, Seigneur", de peur que le bien de la nature ne
soit corrompu par le péché, ou par les tribulations imminentes.
- Il demande que le bien de la grâce lui soit donné, lorsqu'il dit: et qu'il lui donne vie; car par la grâce
l'homme acquiert la vie spirituelle. Et cette vie doit être considérée et
acquise par une foi formée: "Le juste qui m'appartient vit de la foi."
- "Si je vis maintenant dans la chair, j'y vis en la foi du Fils de Dieu."
Pareillement, sans cette vie, à savoir de la grâce, la vie naturelle est une
mort: "Celle qui vit dans les délices est morte [toute] vivante."
- En parlant du troisième bien, à savoir du bien de la gloire, il dit: et le fasse bienheureux sur la terre. Si
on l'entend de la béatitude parfaite, on dit: sur la terre, à savoir sur la terre des vivants: "Je crois que
je verrai les biens du Seigneur dans la terre des vivants." - "Bienheureux
les doux, parce qu'ils posséderont la terre." Mais si on l'entend de la
béatitude de cette vie, dans la mesure où nous goûtons en esprit quelque chose
d'éternel, comme le rapporte l'épître aux Philippiens: "Notre vie est dans
les cieux", alors on dit: Qu'il le
fasse bienheureux sur la terre, à savoir par la participation à cette
béatitude.
et qu'il ne le livre point [aux âmes] de ses ennemis. Ici le psalmiste demande qu'il soit délivré des maux.
Parmi tous les maux, le mal souverain est de tomber dans les mains de ses
ennemis: "Arrache-moi à mes ennemis, ô mon Dieu", parce que les
ennemis persécutent et affligent avec haine; aussi dit-il: "de crainte que
tu ne le livres aux âmes", c'est-à-dire aux volontés des ennemis, qui
consistent à toujours haïr, ce qui n'est rien d'autre que de vouloir le mal.
Donc lorsque quelqu'un se soumet aux maux, il se livre à la volonté de
l'ennemi. Ou bien: [aux âmes] de ses
ennemis, c'est-à-dire au pouvoir du diable, et de ses ministres.
4 Que le Seigneur lui porte
secours sur le lit de sa douleur; tu as retourné toute sa couche dans son
infirmité. 5 Moi j'ai dit: Seigneur,
aie pitié de moi, guéris mon âme, parce que j'ai péché contre toi.
b. Le psalmiste
expose ici sa prière pour le miséricordieux se trouvant dans l'adversité.
- Et il demande d'abord le secours divin, ou son aide.
- Puis il allègue la nécessité.
- Ainsi dit-il: Que le Seigneur
lui porte secours sur le lit de sa douleur. Il demande pour le
miséricordieux, ou tout simplement pour l'homme juste, fils de Coré, que le
Seigneur lui donne vie, et qu'il le fasse bienheureux sur la terre. Puis qu'il
le conserve, et qu'il ne le livre point aux âmes de ses ennemis. Or, en lisant
cela, on pourrait en conclure que le miséricordieux n'est affligé en aucune
manière. C'est pourquoi, afin d'écarter cela, il dit que son lit est parfois
rempli de ses douleurs, et cela arrive quelquefois au miséricordieux lui-même
pour sa correction: "Il châtie parfois par la douleur dans son lit."
Ou bien pour son humiliation; par exemple il fut donné à Paul "un
aiguillon de chair". Ou bien pour le mettre à l'épreuve; comme ce fut le
cas pour Job en toutes choses, ou pour Tobie. Et c'est pourquoi il dit: Que le Seigneur lui porte secours, c'est-à-dire
au miséricordieux se trouvant dans la tribulation. sur le lit, c'est-à-dire au sens littéral le lit sur lequel il se
trouve, ou bien sur lequel il se repose: "Dieu est fidèle, et il ne
souffrira pas que vous soyez tentés au-delà de vos forces." Et que tu lui
portes secours, une grande nécessité exige cela: car tu as retourné toute sa couche dans son infirmité. Il parle ici en
usant de l'image de celui qui, atteint par la fièvre, ne trouve pas de place
sur son lit pour pouvoir se reposer, mais se retourne continuellement. Et c'est
pourquoi il dit: tu as retourné, autrement
dit: il manque de secours, parce que son infirmité est telle qu'il se retourne
continuellement sur son lit. Et tel est le sens littéral; cependant, absolument
parlant, toute sa satisfaction dans les choses temporelles se retourne pour lui
en amertume: car Dieu a mis l'amertume dans ces choses, de telle sorte qu'en
les méprisant il se convertisse à Dieu: "Et lorsque je me suis tourné vers
les divers ouvrages qu'avaient faits mes mains, et vers les travaux dans
lesquels j'avais sué, j'ai vu dans toutes ces choses vanité et affliction
d'esprit, et que rien n'est stable sous le soleil." Et parce que la
miséricorde est due au miséricordieux, conscient de sa miséricorde je demande
la miséricorde.
· Il demande donc d'abord la miséricorde en général.
· Puis il montre sur quoi repose principalement cette demande.
· Enfin il donne la cause de cette demande.
Ainsi dit-il: 5 Moi j'ai dit: "Seigneur,
aie pitié de moi", autrement dit:
je ne recours pas à la justice, mais à la miséricorde, parce que le salut n'est
pas dans nos propres justices: "Comme un linge souillé est toute notre
justice."
· Mais sur quoi repose la demande de sa miséricorde ? Principalement là
où il y a de la misère. Et cela est donné, à savoir la miséricorde, là où se
trouve la plus haute béatitude: parce que la béatitude n'est pas dans les
choses temporelles, car ces choses temporelles sont ordonnées à la béatitude
ultime. Donc la misère la plus importante n'est pas dans les choses
matérielles, mais dans ce qui porte en soi une disposition qui s'oppose à la
béatitude: par exemple dans les adultères, les vols, les homicides, et autres
péchés; et celui qui commet de pareilles actions n'obtiendra point le royaume
de Dieu, comme le dit l'Apôtre, mais est condamné: "Le péché fait les
peuples malheureux." Car le péché a désordonné le corps, et le corps a
désordonné l'âme: "Le corps qui se corrompt appesantit l'âme." Et
cette guérison est obtenue par Dieu seul: "Ce n'est ni une herbe, ni un
émollient, qui les a guéris, mais ta parole, Seigneur, qui guérit toutes
choses."
· Et la raison de cette demande est due au fait que j'ai péché contre toi. Mais les péchés
méritent-ils la miséricorde ? Non. Ce verset est donc construit de telle
manière que ce quia (parce que)
désigne la matière de la miséricorde, non le mérite. Il n'est pas question de
misère, s'il n'y a pas de place pour la miséricorde. Et par conséquent puisque
je suis misérable, je demande la miséricorde. Ou bien, en tant que ce quia (parce que) indique la cause
méritoire: et parce que la confession du péché est le mérite de la miséricorde,
ainsi dit-il: je demande la miséricorde, parce que je confesse que j'ai péché
contre toi: "Celui qui cache ses crimes ne sera pas dirigé; mais celui qui
les confesse, et les abandonne, obtiendra miséricorde." Ou bien d'une
autre manière: [parce que] j'ai péché
contre toi, autrement dit: pourquoi je demande la miséricorde ? Parce que
toi seul es celui qui peut guérir: car c'est envers toi que se font l'injure et
le péché, aussi est-ce toi que la rémission concerne. Et en tout péché Dieu est
offensé. Cette partie du verset se chante en troisième lieu, parce que par la
foi et l'opération de la Trinité le péché est remis.
6 Mes ennemis m'ont dit de
mauvaises choses: "Quand mourra-t-il, et [quand] périra son nom ?" 7
Et si [quelqu'un d'entre eux] entrait
pour [me] voir, il tenait de vains discours: son coeur s'est amassé l'iniquité.
Il sortait dehors, et il parlait de même.
- Plus haut le psalmiste a demandé la miséricorde qui guérit; mais ici
il expose la nécessité de cette demande, qui est causée par ses ennemis: et
selon le sens mystique - car le sens littéral est clair -, ces paroles sont
dites ici au sujet de la personne du Christ.
À ce propos, le psalmiste fait trois choses.
· Il expose d'abord le sentiment des méchants voulant son mal.
· Puis l'application de ceux qui dressent des embûches: Et si [quelqu'un d'entre eux] entrait.
· Enfin le conseil de ceux qui discutent: 8 Contre moi: car l'ennemi commence par désirer offenser. Ensuite il
dresse des embûches. Puis il pense à la manière de mettre un terme à son
dessein.
· Ainsi dit-il: Mes ennemis m'ont
dit, dans leur coeur, ou dans leur bouche, de mauvaises choses: "L'homme mauvais tire du mauvais trésor
de mauvaises choses"; et ces paroles mauvaises expriment leur désir de la
mort du Christ, ou de l'homme juste. Aussi est-il dit: Quand mourra-t-il ? C'est le mode expressif du désir: "Quand
viendrai-je, et paraîtrai-je devant la face de Dieu ?" - "Condamnons-le
à la mort la plus honteuse." Et ils voulaient la mort du Christ pour que
sa renommée, qui était alors célèbre, soit anéantie: "Rayons-le de la
terre des vivants, et que son nom ne soit plus rappelé dans la mémoire."
Aussi disent-ils: et [quand] périra son
nom ?. Mais il arriva le contraire: car par sa mort il fut davantage
exalté, et un grand nombre se convertirent après la mort du Christ: "Si le
grain de froment, tombant sur la terre, ne meurt pas, il reste seul; mais s'il
meurt, il porte beaucoup de fruits", quand bien même les méchants dressent
des embûches aux bons, dans le dessein d'anéantir leur nom. Mais, comme le
rapporte le livre des Proverbes, "la mémoire du juste sera accompagnée de
louanges; mais le nom des impies pourrira".
· Et les pécheurs travaillent à cela en dressant des embûches.
Voilà pourquoi le psalmiste expose d'abord leur manière de dresser des
embûches.
Puis il montre l'effet de ces embûches: Il sortait dehors, et il parlait de même.
En parlant d'abord de leur manière de dresser des embûches il fait
trois choses.
Car il fait d'abord connaître leur entrée cachant leur fourberie.
Puis leur parole mensongère.
Enfin leur coeur perfide.
Ainsi dit-il: si [quelqu'un
d'eux] entrait pour [me] voir. La version iuxta Hebraeos de Jérôme lit: "Ut visitaret (Pour me visiter)", autrement dit: ils ne
venaient pas à cause de leur amitié, mais en vue d'espionner. Ainsi les chefs
des Juifs venaient pour se saisir de Jésus. Et pareillement, après la mort du
Christ, beaucoup sont entrés dans l'Église afin de se saisir des hommes saints
et de leur dresser des embûches. C'est ce que l'Apôtre dit dans son épître aux
Galates: "La considération de quelques faux frères, qui s'étaient
furtivement introduits pour espionner la liberté que nous avons dans le Christ
Jésus, et nous réduire en servitude, ne nous fit pas consentir, même un seul
instant, à nous soumettre à eux, afin que la vérité de l'Évangile demeurât
parmi nous."
En parlant de leur parole mensongère, il dit: il tenait de vains discours, c'est-à-dire le peuple des Juifs
disait des choses fausses contre le Christ, parce qu'il simulait dans sa bouche
des paroles de douceur: "Maître, nous savons que tu es vrai, que tu
enseignes la voie de Dieu dans la vérité, sans souci de personne; car tu ne
regardes pas à l'apparence des hommes"; mais intérieurement il machinait
sa mort: "Chacun dit à son prochain des paroles vaines; lèvres trompeuses,
avec un coeur et un coeur, ils parlent."
En parlant de leur coeur perfide, il dit: son coeur s'est amassé l'iniquité. Le coeur perfide est celui qui
rassemble des paroles avec lesquelles il offense l'homme juste. Ceux-ci en effet
n'agissent pas comme les abeilles qui rassemblent le miel, mais comme les
scarabées qui rassemblent des déchets. Les bons, eux, rassemblent du miel, car
ils remplissent les autres de la douceur divine. Et c'est pourquoi il dit: son coeur s'est amassé l'iniquité. Et il
dit: s'est, c'est-à-dire contre lui: "Eux
aussi à leur propre sang dressent des embûches, et machinent des fraudes contre
leurs propres âmes." Ou bien: s'est,
c'est-à-dire pour obtenir son désir: car s'ils le surprennent dans quelque
malheur, ils s'en réjouissent beaucoup: "Si tu accordes à ton âme ses
désirs, elle te rendra la joie de tes ennemis." Ainsi parlaient-ils contre
le Christ: "Nous nous sommes rappelé que ce séducteur a dit, lorsqu'il
vivait encore: "Après trois jours je ressusciterai.""
Ensuite est montré l'effet de leurs embûches,
car en sortant dehors ils dénigraient. Aussi dit-il: Il sortait dehors et il parlait de même. Il sortait dehors, ou par
simulation, ou par malice, ou par familiarité, ou par amitié: car auparavant il
était un ami et semblait se comporter comme un ami, et ainsi il parlait de même, c'est-à-dire
faussement, comme avant et en disant des paroles de fausseté. Ou bien il
sortait hors du sein de la vérité, ou de l'amitié qu'il simulait, ou de
l'Église, ou de la société du Christ: "Beaucoup de ses disciples se
retirèrent." La Glose lit: Egrediebatur (Il sortait). Et puis ce
qui suit: in idipsum, etc. (de même, etc.). On lit aussi cela dans
une version de Jérôme, mais cela n'a pas de sens.
8 Contre moi murmuraient tous mes
ennemis: contre moi ils formaient de mauvais desseins. 9 Ils ont élevé une parole inique contre moi:
Est-ce que celui qui dort n'ajoutera pas qu'il ressuscite ?
B. · Ici le
psalmiste montre leur mauvais conseil, c'est-à-dire comment ils nuisent:
1) Et il expose
d'abord le conseil des ennemis.
2) Puis il montre
que quelques amis donnèrent aussi leur assentiment à ce conseil: 10 Car l'homme de ma paix.
1. Et il commence
par exposer le déroulement de leur conseil.
a) En montrant
qu'ils se rassemblent d'abord pour comploter.
b) Puis qu'ils
discutent sur l'objet de leur complot.
c) Enfin qu'ils
déterminent ce qu'il faut faire.
Et le psalmiste décrit ces trois choses ici.
a. tous mes ennemis murmuraient contre moi. Le
psalmiste dit: murmuraient, c'est-à-dire
parlaient silencieusement; et c'est la manière de procéder en particulier chez
les conseillers, et principalement à propos des mauvais conseils et des hommes
mauvais, qui font cela en cachette: "Tu ne seras point accusateur ni
murmurateur parmi le peuple." - "Le murmurateur et l'homme à deux
langues est maudit; car il troublera beaucoup de personnes qui vivent en paix."
Et il dit: Contre moi: et tels ne
sont pas les bons conseils, mais les mauvais: "Il a médité l'iniquité sur
son lit."
b. Et c'est pourquoi
ils formaient de mauvais desseins. - "Bienheureux l'homme qui n'est pas allé au
conseil des impies, etc.."
c. Ils ont élevé une parole inique contre moi, c'est-à-dire
une parole injuste. Ils déterminèrent donc cela dans leur conseil: "Il
vous est avantageux qu'un seul homme meure pour tout le peuple, et non pas que
toute la nation périsse. Dès ce jour donc ils pensèrent à le faire mourir."
- "Celui-ci est l'héritier; venez, tuons-le, et nous aurons son héritage."
- "Condamnons-le à la mort la plus honteuse." Cette parole est tenue
pour inique: "Toi, Seigneur, tu connais tout leur conseil de mal et de la
mort contre moi."
Est-ce
que celui qui dort n'ajoutera pas qu'il ressuscite ? Ici il expose la raison de leur mauvaise
détermination. Cette négation non (ne
pas) est superflue, autrement dit: celui qui dort, ne ressuscitera pas. Ou bien:
Si nous le tuons, il ne ressuscitera pas: "Il n'est personne qu'on sache
être revenu des enfers." Et c'est pourquoi ils croyaient que sa
résurrection était une tromperie. Ou bien d'une autre manière: Est-ce que celui qui dort n'ajoutera pas, etc., en tant que cette négation ne pas se construit avec ce verbe ajoutera, et signifie les paroles de
l'assemblée qui m'insulte, autrement dit: vous vous êtes décidés à le tuer,
mais vous faites cela en vain, parce qu'il ressuscitera; aussi dit-il: Est-ce que celui qui dort n'ajoutera pas
qu'il ressuscite ? Et il dit: qui
dort, parce que cette expression est aussi employée dans le livre de Daniel:
"Beaucoup de ceux qui dormirent dans la poussière de la terre
s'éveilleront": car absolument parlant la mort du Christ fut une
dormition, puisque lui-même s'offrit à la mort, et ne mourut pas par la
violence mais par sa propre volonté. Et c'est pourquoi il a eu le pouvoir de
reprendre son âme par la puissance de sa divinité: "Quoiqu'il soit mort
selon la faiblesse, il vit cependant par la puissance de Dieu."
10 Car l'homme de ma paix, en qui
j'ai espéré, qui mangeait mon pain, m'a tendu un grand piège.
2. Plus haut le
psalmiste a exposé en détail le conseil des ennemis machinant la mort du Christ;
mais ici il dépeint le conseil des faux amis. Et puisque dans l'évangile de
Jean le Christ lui-même reprend cette parole en l'appliquant à Judas, nous la
commentons quant à nous en l'appliquant ici au Christ. Le psalmiste fait ici
deux choses.
a) Il commence
par décrire sa condition.
b) Puis sa faute.
a. La condition
de la personne de Judas sera décrite par trois qualités qui aggravent son péché:
car il est ami, familier, et bénéficiaire.
- En parlant de sa qualité d'ami il déclare: Car l'homme de ma paix. Il a dit plus haut qu'il dormait, le
traître lui fournissant l'occasion d'exprimer cela. Ou bien: Mes ennemis ont élevé une parole inique contre moi. Mais
ce n'est pas étonnant, parce que l'homme
de ma paix, parce que Judas était compté parmi mes amis. Et cette prophétie
s'est réalisée, puisque Judas a trahi le Christ par un baiser, qui est le signe
de l'amitié et de la paix. D'où ces paroles du Seigneur dans l'évangile de Luc:
"Judas, c'est par un baiser que tu trahis le Fils de l'homme ?" Et il
est écrit dans un psaume: "Ne me perds pas avec ceux qui opèrent
l'iniquité: qui parlent paix avec leur prochain, et qui ont le mal dans leur
coeur." Et dans Jérémie: "J'ai entendu les outrages d'un grand nombre
et la terreur tout autour de moi: "Poursuivez-le, et nous le
poursuivrons"; j'ai entendu aussi de tous les hommes qui vivaient en paix
avec moi, et qui se tenaient à mes côtés: "S'il se laisse séduire, nous
prévaudrons contre lui, et nous tirerons vengeance de lui.""
- Semblablement, il était son familier; aussi dit-il: en qui j'espérais. Mais le Christ fut-il
trompé dans son espérance ? Non. Et c'est pourquoi il dit: en qui j'espérais, c'est-à-dire en qui je paraissais espérer,
mettre ma confiance, car le Christ lui avait confié l'administration de ses
biens matériels. Ou bien: en qui
j'espérais, c'est-à-dire d'une telle condition: et ainsi je me comportais
vis-à-vis de lui parce que je devais espérer en lui. Mais parfois quelqu'un
croit espérer en celui qu'il estime être son ami, et en qui il devrait se
confier, et cependant il est trompé: "Que chacun se garde de son prochain,
et qu'il ne donne sa confiance à aucun de ses frères." - "Ne crois
pas à un ami, et ne te confie pas à un guide." Ou bien: en qui j'espérais, c'est-à-dire dans mes
membres qui espéraient dans le Christ: "Chaque fois que vous l'avez fait à
l'un de ces plus petits d'entre mes frères, c'est à moi que vous l'avez fait."
- En parlant de la troisième qualité il dit: qui mangeait mon pain, parce que le Christ l'a désigné avec le
signe du pain: "C'est celui à qui je présenterai du pain trempé." Et
bien que Judas ait mangé le pain du Christ, il marcha contre lui: "Il
donnera à manger et à boire à des ingrats." Ou bien: mon pain, c'est-à-dire ma doctrine: "Aser, gras est son pain,
et il fournira des délices aux rois." Ce pain est le pain du Christ, qui
est gras à cause de la douceur de la doctrine: "Que tes paroles sont
douces à mon palais."
b. Il m'a tendu un grand piège. Tel est le
péché. La version iuxta Hebraeos de
Jérôme lit: "Levavit contra me
calcaneum suum (Il a levé contre moi son talon)." Et il parle en
employant la comparaison de celui qui veut absolument écraser quelqu'un,
autrement dit: il a entrepris de me briser totalement. Et il semble qu'une
diversité de traductions soit due à cette équivoque: car ce qui est élevé en
hauteur est agrandi. Ou bien:11 m'a tendu
un grand piège, c'est-à-dire a fait un grand complot contre moi, puisqu'il
m'a causé la mort: "Tout frère supplantant supplantera [son frère]."
- "Ils ont eu en haine celui qui les reprenait à la porte."
11 Mais toi, Seigneur, aie pitié
de moi et ressuscite-moi, et je leur rendrai [ce qu'ils méritent].
II. Le Christ a déjà explicité sa demande d'une
manière générale; mais ici il montre sur quoi porte la demande de la
miséricorde, autrement dit: eux-mêmes m'ont troublé, mais il me reste le
recours à Dieu; et c'est pourquoi le psalmiste dit: Mais toi, Seigneur, aie pitié de moi. La miséricorde doit être là
où il y a de la misère; or le Christ a pris part à notre misère non quant à
notre faute, mais quant à notre peine; et principalement quant à la peine de la
mort. Et c'est pourquoi le psalmiste dit: aie
pitié de moi. - "Je ne
retirerai pas ma miséricorde de lui." Mais sur quoi porte la demande de sa
miséricorde, il le montre lorsqu'il dit: ressuscite-moi,
autrement dit: Ceux-là disent: Est-ce
que celui qui dort n'ajoutera pas qu'il ressuscite ? mais toi ressuscite-moi.
Mais le Christ ne serait-il pas ressuscité par sa propre puissance,
puisqu'il dit: ressuscite-moi ? Il semble au contraire que si, car le
psalmiste dit. au nom du Christ: "J'ai dormi et je me suis relevé."
Il faut dire que le Christ en tant qu'homme n'a pas le pouvoir de
ressusciter, mais bien selon la puissance de sa divinité, qui est la même dans
le Père et dans le Fils. Et c'est pourquoi s'il ressuscita par le pouvoir du
Père, il ressuscita par son propre pouvoir. Et il demande au Père en tant
qu'homme, puisqu'il avait ce pouvoir en tant que Dieu, afin de montrer que sa
résurrection se fit par la puissance de sa divinité.
et je leur rendrai [ce qu'ils
méritent]. Ici il expose
l'effet [de sa résurrection]. Le Christ eut un double pouvoir après sa
résurrection: au ciel et sur la terre; et c'est pourquoi il leur rendit ce
qu'ils méritaient, à savoir la captivité temporelle, parce qu'ils ont été
dispersés à travers le monde, et il les punira par la damnation au jugement
dernier: "Il lui a donné le pouvoir d'exercer le jugement." Une
version de Jérôme lit: "Resuscita me
et retribuam tibi (Ressuscite-moi et je te rendrai)", autrement dit:
ce fruit de ma résurrection, c'est qu'une fois ressuscité j'amènerai des
multitudes à la connaissance de ton nom: "Que rendrai-je au Seigneur pour
tous les biens qu'il m'a faits ?"
12 J'ai connu que tu m'as voulu,
en ce que mon ennemi ne se réjouira pas à mon sujet. 13 Pour moi, à cause de mon innocence tu m'as
pris sous ta protection, et tu m'as affermi en ta présence à jamais.
Ici le psalmiste expose sa confiance dans l'exaucement. Et il commence
par exposer le fait que Dieu l'a voulu, c'est-à-dire que la volonté paternelle
s'est complu en lui; c'est pourquoi il dit: que
tu m'as voulu. - "Celui-ci est mon Fils bien-aimé en qui j'ai mis mes
complaisances." - "Voici mon serviteur, je le soutiendrai; mon élu,
en qui s'est complu mon âme." Semblablement il dit: mon ennemi ne se réjouira pas à mon sujet, c'est-à-dire Judas: et
s'il s'était réjoui de ma mort, cependant il ne se réjouira pas à la fin, car
il sera contristé à la résurrection: "Ne te réjouis pas sur moi, mon
ennemie, parce que je suis tombée; je me relèverai." Et ce verset peut
s'ordonner de deux manières. Ou bien, en tant que la première partie est un
argument de la seconde; et d'où la signification suivante: en considérant que
je suis agréé par toi, J'ai [re] connu que tu m'as voulu. Ou bien, en
tant que la seconde partie est la cause de la première; et d'ou la
signification suivante: puisque mon ennemi n'aura pas pu se réjouir sur moi, J'ai connu que tu m'as voulu. Mais parce
qu'il manquait d'un signe, il dit: J'ai
connu, c'est-à-dire j'ai fait connaître, ou bien parce que d'autres ont
connu ce signe.
Pour moi, à cause de mon
innocence tu m'as pris sous ta protection, et tu m'as affermi en ta
présence à jamais. Ici exaucé, le psalmiste rend grâce.
A) Et il commence
par proclamer le bienfait reçu.
B) Puis il y
ajoute la louange:14 Béni le Seigneur.
A. En parlant du
bienfait il proclame tout ce qui a trait à lui.
1) Car il fait
d'abord connaître son mérite.
2) Puis il montre
le bienfait de sa résurrection.
3) Ensuite il
montre la condition de celui qui ressuscite.
4) Enfin son
exaltation.
1. À propos de
son mérite nous considérons son innocence; aussi dit-il: Pour moi, à cause de mon
innocence tu m'as pris sous ta protection. - "Lui qui n'a pas commis de péché." - "Moi j'ai
marché dans mon innocence." Et
il dit qu'en vertu de ce mérite il a été pris sous sa protection, ou assumé. Il
ne dit pas cela en se référant à l'assomption dans l'unité de sa personne, car
cette assomption ne fut pas due aux mérites du Christ homme lui-même, mais à la
pure grâce; aussi cela se fit-il par l'opération du Saint-Esprit. Mais il dit
cela en parlant de sa protection contre les enfers dont il ressuscita: "Mais
toi, Seigneur, tu es mon soutien."
2. Et il dit: tu m'as pris sous ta protection, à
savoir tu as protégé mon âme des enfers, et ma chair du tombeau.
3. Mais de quelle
manière a-t-il été pris sous sa protection ? Était-ce en vue de la vie
mortelle, comme Lazare ? Non, mais il a été pris sous sa protection en vue d'un
état d'immortalité; aussi dit-il: et tu
m'as affermi en ta présence à jamais, c'est-à-dire dans l'état
d'immortalité: "Le Christ ressuscité d'entre les morts ne meurt plus."
4. Et plus
encore, car il l'a établi en sa présence: "Ce n'est pas dans un sanctuaire
fait de main d'homme, image du véritable, que le Christ est entré; mais [il est
entré] dans le ciel même afin de paraître maintenant pour nous devant la face
de Dieu." Et cela à jamais, c'est-à-dire
toujours.
14 Béni le Seigneur Dieu d'Israël,
d'un siècle jusqu'à un autre siècle ! Ainsi soit-il, ainsi soit-il.
B. Ici le
psalmiste expose la louange, et à cet égard il fait deux choses.
1) Il commence
par exposer des choses du côté de celui qui est loué.
2) Puis du côté
de celui qui loue.
1. Il expose:
a. Une première
chose lorsqu'il dit: Béni. Bénir
n'est rien d'autre que dire du bien. Nous, nous bénissons Dieu d'une manière,
et Dieu nous bénit d'une autre manière. Nous, nous bénissons Dieu, en
reconnaissant sa bonté: "Bénissez le Dieu du ciel, et rendez-lui gloire
devant tous les vivants, parce qu'il a exercé sa miséricorde envers vous."
- "En bénissant le Seigneur, exaltez-le autant que vous pouvez."
Dieu, lui, nous bénit, en causant sa bonté en nous: car chez lui dire équivaut
à faire: "Car lui-même a dit, et les choses ont été faites."
b. Il expose une
deuxième chose lorsqu'il dit: Seigneur. La
puissance de Dieu est considérée selon deux choses.
D'abord selon l'oeuvre de son gouvernement: "Mais toi, dominateur
de la puissance, c'est avec tranquillité que tu juges, et avec une grande
réserve que tu nous gouvernes"; et puis selon l'oeuvre de sa création. Le
psalmiste traite de ces deux choses lorsqu'il dit: Seigneur Dieu: Seigneur, à qui il appartient de gouverner; puis,
lorsqu'il dit: Dieu, il fait allusion
à son oeuvre de création: c'est qu'en effet tous pensent que Dieu est le
premier principe de l'être pour tous; mais son oeuvre de gouvernement implique
des serviteurs, tandis qu'il ne peut y avoir aucun intermédiaire dans son
oeuvre de création. Aussi l'honneur qui est dû à celui qui gouverne, peut-il
être communiqué à d'autres: "Vous m'avez reçu comme un ange de Dieu."
Et telle est la dulie. Mais la latrie, qui est due au Créateur, n'est due à
personne d'autre. Et c'est pourquoi la Glose
commente: "le Seigneur, à qui est due la dulie; et Dieu, à qui est due
la latrie." Et il dit: d'Israël, c'est-à-dire
de ceux qui voient Dieu; car bien qu'il gouverne toutes choses, cependant seuls
les fidèles reçoivent le fruit fécond de son gouvernement, qui est la vie. Et
si tous honorent Dieu, cependant seuls les fidèles offrent à Dieu seul un culte
de latrie.
c. Il expose une
troisième chose lorsqu'il dit: d'un
siècle jusqu'à un autre siècle, c'est-à-dire que ta puissance n'est pas
matérielle, mais éternelle: "Ton règne est un règne de tous les siècles,
et ta domination s'étend à toutes les générations."
2. Du côté de
celui qui loue il dit deux choses: la confession de bouche: "On croit de
coeur pour la justice, et on confesse de bouche pour le salut." Et il fait
cela lorsqu'il dit: Béni le Seigneur Dieu
d'Israël, d'un siècle jusqu'à un autre siècle ! Il exprime aussi un
sentiment de complaisance: "Réjouissez-vous toujours dans le Seigneur; je
le dis encore, réjouissez-vous." Et c'est pourquoi il dit: Ainsi soit-il, ainsi soit-il, autrement
dit: il se complaît dans ses bonnes oeuvres: et il réitère cette interjection
pour signifier la continuité de cette complaisance: "Seigneur Dieu
d'Abraham, d'Isaac et d'Israël, nos pères, garde éternellement cette volonté de
leur coeur, et que toujours ce sentiment de vénération pour toi persiste."
En hébreu on lit: Amen, amen. Et
étant donné que ces mots amen, amen figurent
à la fin des livres de l'Écriture, certains croient que le livre des Psaumes
est lui-même divisé en plusieurs livres, et que ce dernier psaume constitue
précisément la fin d'un livre. Mais cela n'est pas vrai, car ce fiat (ainsi soit-il), ou amen, est mis ici pour signifier la
continuité du consentement, et non pas l'achèvement d'un ouvrage.
1 Pour la fin,
intelligence des fils de Coré.
2 Comme le cerf
désire les sources des eaux, ainsi mon âme te désire, ô Dieu. 3 Mon âme a eu
soif de Dieu source vive: quand viendrai-je, et paraîtrai-je devant la face de
Dieu ?
4 Mes larmes m'ont
servi de pains le jour et la nuit: pendant qu'on me dit chaque jour: "Où
est ton Dieu ?"
5a Je me suis
souvenu de ces choses, et j'ai répandu en moi mon âme; parce que je passerai
dans le lieu de la tente admirable, jusqu'à la maison de Dieu;
5b au milieu d'un
chant d'exultation et de louange, [pareil] au bruit d'un festin. 6 Pourquoi
es-tu triste, mon âme, et pourquoi me troubles-tu ? Espère en Dieu, parce que
je le louerai encore; il est le salut de mon visage, 7 et mon Dieu. Mon âme a
été troublée sur moi-même; c'est pourquoi je me souviendrai de toi de la terre
du Jourdain et d'Hermoniim, de [cette] petite montagne.
8 Un abîme appelle
un [autre] abîme, à la voix de tes cataractes. Toutes tes hauteurs et tes flots
ont passé sur moi.
9 Pendant le jour,
le Seigneur a commandé à sa miséricorde [de m'environner], et pendant la nuit
[il m'a donné] son cantique. En moi la prière au Dieu de ma vie; 10 je dirai à
Dieu: "Tu es mon soutien. Pourquoi m'as-tu oublié et pourquoi faut-il que
je marche tout contristé, tandis qu'un ennemi m'afflige ?" 11 Tandis qu'on
brise mes os, mes ennemis, qui me tourmentent, m'ont accablé de reproches, en
disant tous les jours: "Où est-il ton Dieu ?" 12 Pourquoi es-tu
triste mon âme ? et pourquoi me troubles-tu ? Espère en Dieu, parce que je le
louerai encore: il est le salut de mon visage, et mon Dieu.
1 Pour la fin,
intelligence des fils de Coré. 2 Comme le cerf désire les sources des eaux,
ainsi mon âme te désire, ô Dieu. 3 Mon âme a eu soif de Dieu source vive: quand
viendrai-je, et paraîtrai-je devant la face de Dieu ?
Ici commence la cinquième décade des cinquante premiers psaumes; et
elle est ainsi établie en vue d'implorer le secours divin contre les maux
présents. Et c'est une figure des maux temporels qui arrivèrent à David, lui
qui a souffert la persécution de la part d'Absalom: et ce fut l'objet de la
première décade. Semblablement de la part de Saül: ce fut l'objet de la
deuxième décade. Pareillement de la part de tout le peuple: ce fut l'objet de
la troisième décade. Également de la part d'une multitude de rivaux: ce fut
l'objet de la quatrième décade: "Juge, Seigneur, ceux qui me nuisent."
Reste la cinquième décade, dans laquelle le psalmiste parle en particulier de
ce qui concerne son royaume. Et dans cette décade il demande le secours divin
contre ceux qui combattent le royaume. Et si on réfère cela au mystère, l'homme
juste demande le secours divin contre ceux qui combattent le royaume de
l'Église.
Cette décade se divise en deux parties:
Dans la première le psalmiste formule une demande à propos de l'état du
royaume; dans la seconde, étant donné que le royaume semble être troublé par le
péché, il demande pardon pour le péché: "Aie pitié de moi, ô Dieu."
En formulant une demande au sujet de l'état du royaume il fait deux
choses: il fait d'abord connaître sa demande contre les ennemis du royaume;
puis, exaucé, il rend grâce au sujet de la gloire du royaume: "Mon coeur a
émis une bonne parole."
Et parce que toute demande résulte d'un désir, il fait deux choses en
faisant connaître sa demande: il commence par faire connaître son désir; puis
il y ajoute une prière: "Ô Dieu, nous avons entendu de nos oreilles."
Il fait deux choses en faisant connaître son désir: il montre d'abord
le désir qu'il a de Dieu. Puis il demande l'accomplissement de son désir: "Juge-moi,
ô Dieu."
Le titre de ce psaume est: In
finem intellectus filiis Core (Pour la fin, intelligence des fils de Coré).
On a déjà donné une explication de ce titre au psaume précédent; cependant une
autre version lit: "In finem
intellectu (Pour la fin, par l'intelligence)", c'est-à-dire que ce
psaume est attribué aux fils de Coré, "par l'intelligence",
c'est-à-dire par l'intelligence qui nous conduit vers la fin. Coré veut dire
calvaire. Aussi ceux-là sont appelés fils de Coré qui souffrent de la raillerie
à cause de la croix. Et l'on rapporte au quatrième livre des Rois que des
enfants se moquaient d'Élisée en disant: "Monte, chauve; monte, chauve; et
Élisée [...] les maudit; et deux ours sortirent du bois, et les mangèrent."
Ceux-là montent de Bethel - qui autrefois était appelé maison de Dieu - qui se
convertissent finalement au Christ parmi les habitants de Juda. Et ceux-ci sont
raillés par des enfants, c'est-à-dire par des Juifs ayant une mentalité
puérile, puisqu'ils sont encore sous le pédagogue, et outragent la croix du
Christ: et ces deux ours les ont dévorés, à savoir Titus et Vespasien.
Ce psaume se divise en deux parties.
I) Dans la première partie le psalmiste expose
son désir.
II) Dans la seconde la tristesse qui stimule ce
désir: 4 Mes larmes m'ont servi de pains
le jour et la nuit.
I. En exposant son désir il fait trois choses.
A) Il fait
connaître son désir en usant d'une comparaison.
B) Puis il donne
la raison de cette comparaison: 3 Mon âme
a eu soif.
C) Enfin il
mentionne la réalité désirée: quand
viendrai-je ?
A. Il prend la
comparaison du cerf qui a notamment cette propriété d'écraser de ses pattes les
serpents; et quand il veut éprouver un changement il les mange: et ainsi
brûlant de soif sous l'action du venin, il court alors vers l'eau, et s'en
trouve restauré. De même que le cerf désire en général les eaux, ainsi le
fidèle désire Dieu; cependant cette comparaison s'applique plus spécialement
aux catéchumènes et aux hommes parfaits. Car le catéchumène est comme un cerf
qui éprouve l'ardeur du venin en lui, parce qu'il a été distillé par la
suggestion du serpent. Le péché originel résulte de ce venin: "Le péché
est entré dans ce monde par un seul homme." Et ce venin est la souillure
de la concupiscence, et la souillure du premier péché. C'est pourquoi le
catéchumène doit désirer la source du baptême: "Il y aura une source
ouverte à la maison de David pour laver les pêches." - "Je répandrai
sur vous une eau pure, et vous serez purifiés de toutes vos souillures, et je
vous purifierai de toutes vos idoles." Et l'homme a été affermi comme le
cerf établi sur un rocher: "Qui a affermi mes pieds comme ceux des cerfs."
B. Mon âme a eu soif. Celui-ci a déjà
mangé, c'est-à-dire détruit le péché:
"Comme à la vue d'un serpent fuis le péché." C'est pourquoi
n'ayant rien en ce monde à convoiter, il désire venir à la source de la vie. Et
voilà pourquoi, étant donné que cette comparaison convient à ceux-ci,
c'est-à-dire aux catéchumènes et aux hommes parfaits, ce psaume est chanté à
l'office du baptême le Samedi saint et à la Pentecôte, lorsqu'un baptême
solennel est célébré pour les catéchumènes. Semblablement, il est chanté aux
obsèques des morts, parce qu'il convient aux hommes parfaits d'aller vers la
source de la vie éternelle.
ainsi mon âme te désire, ô Dieu. Ici
il applique sa comparaison. Mon âme te désire avec un élan intérieur: "Mon
âme t'a désiré pendant la nuit." - "Mon partage est le Seigneur, a
dit mon âme; à cause de cela je l'attendrai." Mais n'y a-t-il pas en Dieu
une source d'eaux ? Oui, aussi dit-il: "Mon âme a eu soif de Dieu source
vive." On appelle source, celle qui fait jaillir et qui produit des eaux
vives, et qui laisse échapper des eaux continuellement et indéfiniment. Toute
l'eau des grâces émane de cette source, à savoir de Dieu le Père: "Ils
m'ont abandonné, moi, la source d'eau vive." Semblablement, elle émane du
Fils, en tant qu'il est également Dieu: "En toi est la source de la vie."
- "La source de la sagesse est le Verbe de Dieu dans les cieux."
Pareillement de l'Esprit-Saint: "L'eau que moi je lui donnerai deviendra
en lui source d'eau jaillissant en vie éternelle." Et encore: "Si
quelqu'un a soif, qu'il vienne à moi, et qu'il boive, celui qui croit en moi.
Comme dit l'Écriture, de son sein couleront des fleuves d'eau vive. Or il
disait cela de l'Esprit, que devaient recevoir ceux qui croiraient en lui."
Donc, puisque lui-même est la source, mon âme a soif de lui. La soif signifie
un désir accompagné d'anxiété. Ainsi cette soif signifie qu'il endure
l'anxiété, non seulement à cause du retard de l'objet désiré, mais encore à
cause des maux qui affligent ici-bas: "Bienheureux ceux qui ont faim et
soif de la justice, parce qu'ils seront rassasiés."
C. Mais à propos
de cette source il formule ce désir: quand
viendrai-je, et paraîtrai-je devant la face de Dieu ? Ces paroles sont le
propre de celui qui désire, et elles expriment le désir du catéchumène de
recevoir le baptême; et le sens est le suivant: quand viendrai-je au baptême
sacré du Christ ? - "Venez à moi, vous tous qui prenez de la peine et qui
êtes chargés, et je vous soulagerai." - "Venez, mes enfants,
écoutez-moi: je vous enseignerai la crainte du Seigneur." Comme le dit
Augustin, cela convient aux catéchumènes, car depuis le début de leur
initiation et jusqu'à ce qu'ils deviennent adultes, ils n'étaient pas admis aux
saints mystères, mais pouvaient seulement y participer jusqu'à l'Évangile.
Voilà pourquoi le psalmiste dit: quand
viendrai-je, et paraîtrai-je, au sens littéral, puisque tu nourris, devant la face de Dieu, c'est-à-dire
quand participerai-je aux sacrements du Christ ? De même, cela convient aux
hommes parfaits; et en voici le sens: quand
viendrai-je et paraîtrai-je ?, c'est-à-dire pour que je te voie face à
face, car à présent je suis loin de toi, puisque je te vois par la foi. Mais
quand je te verrai par une claire vision, alors je serai proche: "Désirant
d'être dissous et d'être avec le Christ, chose bien meilleure [pour moi]."
Et il ne dit pas: le Seigneur m'apparaîtra, mais je paraîtrai devant la face du
Seigneur: car du fait que je verrai la face du Seigneur, je serai rendu visible
aux yeux de tous beaucoup plus que Moïse qui l'a vu en cette vie: "Ce que
nous serons n'est pas encore apparu. Car nous savons que lorsqu'il apparaîtra
nous serons semblables à lui; parce que nous le verrons tel qu'il est." - "Les
souffrances du temps présent ne sont pas dignes de la gloire future qui sera
révélée en nous." Autrement dit: Je fais partie de la société de ceux qui
voient Dieu; et par conséquent je serai visible et glorieux. Mais l'hypocrite
est exclu de cette vision: "Aucun hypocrite ne viendra en sa présence."
4 Mes larmes m'ont servi de pains
le jour et la nuit: pendant qu'on me
dit chaque jour: Où est ton Dieu ?
II. Ici le psalmiste décrit d'où lui vient ce
désir ou cette anxiété.
A) Et il en
expose d'abord la cause.
B) Puis il expose
le remède qu'il oppose à celle-ci: 5a Je
me suis souvenu de ces choses.
A. Et il commence
par exposer:
1) La grandeur de
sa tristesse;
2) Puis sa cause.
1. En parlant de
la tristesse il procède comme suit:
a) Car il exprime
d'abord la grandeur de sa tristesse.
b) Puis son
effet.
c) Enfin sa
persistance.
a. Il montre sa
grandeur lorsqu'il dit: Mes larmes m'ont
servi de pains le jour et la nuit, ce qui signifie que par celles-ci
l'homme fait éclater avec véhémence l'abondance de sa tristesse. Et cette
tristesse provient soit des péchés qui font obstacle à l'obtention du bien
désiré, soit des vexations d'autrui.
b. Il montre son
effet lorsqu'il dit: de pains. Le
pain refait; et ainsi les larmes refont pour une double raison.
- Selon une première raison, parce que pour chaque chose est délectable
l'action qui lui convient: Aussi à la tristesse est délectable l'action qui
convient à celle-ci: et l'action de pleurer est une action de la tristesse.
- Selon l'autre raison, parce que lorsque la chaleur s'évapore, elle
diminue; et c'est pourquoi il dit que les larmes lui sont comme un pain, comme
si elles le refaisaient. Ou bien comme un pain: car de même que par le pain on
est nourri, ainsi lui-même est nourri dans le bien par les larmes.
c. Enfin il
montre sa persistance lorsqu'il dit: le
jour et la nuit, c'est-à-dire dans la prospérité et l'adversité: "Je
pleurerai jour et nuit les morts de la fille de mon peuple."
2. Et sa cause
est: pendant qu'on me dit chaque jour: "Où
est ton Dieu ?" S'il s'agit de paroles dites par des païens, on les
applique aux catéchumènes: autrement dit: Nous, disent les païens, nous avons
un dieu que nous voyons: le soleil. Mais où est votre Dieu, celui que vous
inventez ? Répondez: Dieu peut être vu, mais non par vous, parce que vous
n'êtes pas purs de coeur. Semblablement, si ces paroles sont dites au juif
converti par un juif infidèle: Où est ton
Dieu ? Que le juif converti à la foi réponde: Où que soit mon Dieu, il
apparaît dans votre châtiment, c'est-à-dire celui des juifs, puisque vous avez
été dispersés. Pareillement, ce sont les paroles du pécheur adressées à l'homme
juste se trouvant dans l'affliction, autrement dit: Où est[-il] ton Dieu ? Pourquoi ne te libère-t-il pas de
l'affliction dont tu souffres ? Que le juste réponde: Parce que ces choses
temporelles ne sont pas la récompense que Dieu donne à ses serviteurs, mais
bien les réalités célestes.
5a Je me suis souvenu de ces choses,
et j'ai répandu en moi mon âme; parce
que je passerai dans le lieu de la tente admirable, jusqu'à la maison de Dieu.
B. Le psalmiste a
exposé plus haut son désir, et la cause de ce désir; mais ici il expose le
remède qui s'oppose à cette cause, à savoir la tristesse: et à cet égard il
expose ou fait deux choses.
1) Il expose
d'abord le remède du côté de sa méditation personnelle.
2) Puis du côté
du secours divin: Mon âme a été troublée
sur moi-même.
1. Concernant le
remède se fondant sur sa méditation personnelle il fait deux choses.
a) Il commence
par faire connaître ce remède.
b) Puis il montre
par ce remède l'empêchement de céder à la tristesse: 6 Pourquoi es-tu triste, mon âme ?
a. En faisant
connaître ce remède,
- il mentionne d'abord sa méditation.
- Puis la délectation de son âme:
j'ai répandu en moi mon âme.
- Et il en donne la raison: parce
que je passerai.
- Ainsi dit-il: Je me suis souvenu de ces choses, c'est-à-dire
des outrages des infidèles disant: Où
est[-il] ton Dieu ? - "J'en conserverai toujours la mémoire, et mon
âme séchera en moi [de douleur]."
- Et j'ai la consolation de l'âme, parce que j'ai répandu en moi mon âme. Lorsqu'un liquide se répand, il
s'étend. Étant donné que la disposition du coeur se rapporte à l'allégresse,
qui est comme une délectation, c'est pourquoi dans l'effusion de l'âme est
désignée la délectation: "Répandez devant lui vos coeurs: Dieu est notre
aide pour l'éternité." Une autre version lit: "Effudi super me animam meam (j`ai répandu sur moi mon âme)."
Et d'après cette version on lit d'une autre manière; en voici le sens. Ils
disent: Où est ton Dieu ? Et moi je
me suis souvenu de ces choses, et j'ai commencé par rechercher dans les
créatures sans raison si je trouvais mon Dieu; mais j'ai découvert en elles des
traces de Dieu: "Les perfections invisibles [de Dieu], rendues
compréhensibles depuis la création du monde par les choses qui ont été faites,
sont devenues visibles aussi bien que sa puissance éternelle et sa divinité."
Mais j'ai poussé mon enquête plus loin dans le domaine des réalités
intellectuelles de l'âme. Et j'ai répandu
[sur] moi mon âme, c'est-à-dire
j'ai recherché avec un examen attentif ce qui est en elle, comme si je
disposais toutes choses devant moi, à la manière de celui qui extrait toutes
les choses d'un récipient, afin d'examiner ce qu'il y a à l'intérieur: et
cependant mon Dieu n'y est pas.
- Mais il y a encore une démarche plus haute;
et je l'ai entreprise: parce que je
passerai dans le lieu de la tente admirable, jus qu'à là maison de Dieu, autrement
dit, toute la consolation que je pourrais avoir, c'est l'espérance de tendre
vers Dieu. Et il dit deux choses: où il tend, et comment: au milieu d'un chant d'exultation et de louange, etc. Où il tend,
il faut l'imaginer de la manière suivante. Dans l'Ancien Testament il y avait
deux lieux assignés au culte divin, à savoir la tente, dont parle l'Exode. Et
par la suite, l'état du peuple s'accroissant ainsi que la religion, on
construisit la maison de Dieu, c'est-à-dire le Temple: non point comme une
tente, mais comme un édifice stable. David voulut réaliser cela, mais il en fut
empêché par Dieu:: "Est-ce que tu ne me bâtiras point une maison pour
l'habiter ?" C'est aussi ce que rapporte le premier livre des Chroniques.
Mais il lui a promis que son fils construirait la maison de Dieu, aussi
lui-même fit-il des économies; et c'est pourquoi il dit: [Ils me disent:] "Où est[-il] ton Dieu ?" Et moi,
m'étant souvenu de ces choses, je me suis délecté de l'avoir trouvé; et c'est
pourquoi je tendrai vers lui de tout mon coeur. Et je passerai dans le lieu de la tente admirable, autrement dit: Je
ne me reposerai pas jusqu'à ce que je le trouve. Et il dit: je passerai, parce que par la tente, qui était mobile, est
signifiée la condition de l'Église présente, laquelle n'est ni perpétuelle, ni
stable si ce n'est qu'elle durera jusqu'à la fin du siècle, et qu'alors elle
sera transférée dans les cieux. C'est ce que rapporte le livre de l'Apocalypse:
"Voici la tente de Dieu avec les hommes", c'est-à-dire l'Église
présente avec les hommes, à savoir tant que les hommes seront en cette vie. Et
de cette tente je passerai à la maison stable de Dieu: "Nous serons
remplis des biens de ta maison." - "Il y a beaucoup de demeures dans
la maison de mon Père; sinon je vous l'aurais dit, car je vais vous préparer un
lieu." Et ainsi il indique le chemin pour aller dans la tente admirable et
la maison de Dieu. Et on dit dans la
tente admirable à cause des merveilles qu'il fait pour les saints.
5b au milieu d'un chant
d'exultation et de louange, [pareil]
au bruit d'un festin. 6 Pourquoi
es-tu triste, mon âme, et pourquoi me troubles-tu ? Espère en Dieu, parce que
je le louerai encore: il est le salut de mon visage, 7 et mon Dieu. Mon âme a été troublée sur moi-même; c'est pourquoi je me
souviendrai de toi de la terre du Jourdain et d'Hermoniim, de [cette] petite
montagne.
Ici sera décrite la manière de passer à la maison de Dieu. Et il y faut
pareillement une certaine imagination. Il y avait en effet une coutume selon
laquelle, lorsque certains se rendaient à la tente parmi les foules, ils y
allaient avec joie: "Vous chanterez comme [dans] la nuit d'une sainte
solennité, et la joie de votre coeur sera comme celui qui marche joyeusement
avec la flûte"; et c'est pourquoi il dit: j'irai dans le lieu de la tente admirable, jusqu'à la maison de Dieu. Et
avec joie, car il dit: au milieu d'un
chant d'exultation et de louange, [pareil] au bruit d'un festin. Une autre
version lit: "Sonus epulantis (Du
bruit d'un festin)", autrement dit, je marcherai au milieu du bruit d'un
festin, car dans les festins on entend résonner la joie, et cela d'autant plus
qu'il y a là d'autres motifs d'allégresse. Ainsi nous rapportons cela à
l'entrée dans la joie; car il y aura là trois sortes de joie.
Il y aura d'abord l'exultation résultant des biens acquis: "Ils
obtiendront la joie et l'allégresse, et la douleur fuira ainsi que le
gémissement."
Ensuite la louange pour les bienfaits de la grâce; parce qu'ils
reconnaîtront avoir obtenu ces bienfaits par la grâce de Dieu; et c'est
pourquoi ils loueront les merveilles de Dieu: d'où leur action de grâce et leur
louange.
Enfin la réfection spirituelle: "Mes
serviteurs mangeront, et vous, vous aurez faim; voilà que mes serviteurs se
réjouiront et vous, vous serez confus; voilà que mes serviteurs chanteront des
louanges dans l'exultation de leur coeur, et vous, vous jetterez des cris dans
la douleur de votre coeur, etc." - "Bienheureux ceux qui ont faim et
soif de la justice, parce qu'ils seront rassasiés"; et c'est pourquoi en ce
lieu résonnera le bruit du festin. Pareillement le bruit de la joie d'un jour
de fête, c'est-à-dire l'exultation ininterrompue: "Jérusalem, regarde vers
l'orient, et vois la joie qui te vient de Dieu." Et parce que toutes ces
choses sont imparfaites dans l'Église, il ajoute: Pourquoi es-tu triste, mon âme ?
b. Le psalmiste applique ici le remède
contre la cause de la tristesse.
- Et il commence par écarter ce sentiment.
- Puis son effet.
- Ainsi dit-il: Pourquoi es-tu triste, mon âme ?, alors
que tu dois te réjouir, puisque tu es dans la tente, et que tu iras à la maison
du Seigneur. Pourquoi donc es-tu triste ? Car les petits maux ne doivent pas
être considérés au regard des biens éternels: "Chasse la tristesse",
à savoir celle du siècle, "loin de toi". - "La tristesse du
siècle produit la mort."
- L'effet de la tristesse est le trouble, car à cause du dérèglement de
l'appétit sensible la raison elle-même est troublée. Et qui parle ? L'âme selon
cette connaissance sensible. L'âme a deux parties: la partie sensitive, qu'il
nomme ici âme à cause de son
caractère animal; et la raison supérieure, qui se nomme elle-même; car chacun
excelle par ce qu'il a de meilleur en lui: et c'est pourquoi la raison
supérieure dit à l'inférieure: pourquoi
me troubles-tu ? Et quelle en est la cause ? Il montre qu'il ne doit pas
être triste, parce qu'il y a l'espérance de la louange future; et c'est
pourquoi il dit: Espère [dans le
Seigneur], parce que je le louerai
encore, autrement dit: Espère en Dieu lui-même, parce que tu viendras
encore vers ce que tu désires, à savoir je
le louerai encore, c'est-à-dire j'espère encore voir son visage, soit en
cette vie, soit dans la Patrie, ce qui constitue la matière principale de la
joie: "Quelqu'un de vous est-il triste ? Qu'il prie. Est-il content ?
Qu'il chante des cantiques."
le salut de mon visage. Ce mot salut
est ici au nominatif selon la Glose, et
en voici le sens: Moi je dis que je le louerai. Et ce pronom le s'adresse à qui ? Au Christ, en qui
il y a deux natures, à savoir la nature humaine qui est semblable à une mère;
et c'est pourquoi il dit: le salut de
mon visage, c'est-à-dire portant mon
visage: "Mes yeux ont vu ton salut, que tu as préparé à la face de tous
les peuples; pour être la lumière qui éclairera les nations, et la gloire
d'Israël ton peuple." - "C'est ton salut que j'attendrai, Seigneur."
Pareillement la nature divine, et selon celle-ci, il est mon Dieu; aussi dit-il:
mon Dieu. - "De qui est sorti,
selon la chair, le Christ même qui est au-dessus de toutes choses, Dieu béni
dans tous les siècles. Amen." Ou bien selon Jérôme, ce mot salut est à l'accusatif, autrement dit:
je le louerai comme salut, c'est-à-dire la rédemption grâce à laquelle il me
sauva. Et ce qui suit, mon Dieu, est
relié à ce qui précède.
2. Ensuite le
psalmiste applique le remède, c'est-à-dire celui du secours divin.
a) Il commence
par exposer ce remède.
b) Puis il en
donne une explication.
a. Ainsi dit-il: sur moi-même. Une autre version lit: "À me meipso anima mea conturbata (Mon
âme a été troublée en moi-même)." La première version est meilleure,
autrement dit: Quelle en est la raison, je cherche à savoir: pourquoi me troubles-tu [mon âme] ? Et
ce trouble vient parce que, de quelque manière que je me tourne vers moi-même,
je rencontre pour moi la tribulation: "Ta perte vient de toi, Israël;
c'est seulement en moi qu'est ton secours." Et c'est pourquoi la version iuxta Hebraeos de Jérôme lit: "Deus meus in meipso (Mon Dieu en
moi-même)." Selon cette version le sens est le suivant, autrement dit: la
cause du trouble vient de moi-même: car si nous nous référons au genre humain,
la corruption des sens vient de la raison, c'est-à-dire de la corruption de
l'intelligence de nos premiers parents. Semblablement, tout homme en péchant
corrompt sa nature; et c'est pourquoi après le péché la sensualité résiste
davantage à la raison. Et parce qu'il ne se trouve en moi que la cause du
trouble, c'est pourquoi je me souviendrai
de toi, c'est-à-dire je recourrai à toi: "Son souvenir sera comme le
vin du Liban". Et d'où ? de la terre
du Jourdain et d'Hermoniim. Le Jourdain est un fleuve qui coule sur la
Terre promise. L'Hermon est une montagne proche du Jourdain. Et selon
l'histoire rapportée au livre des Rois, lorsqu'Absalom marcha sur Jérusalem, et
tint conseil en vue de poursuivre David qui se tenait en deçà du Jourdain,
alors Chusai l'en empêcha; et c'est pourquoi il dit: Si je me trouvais dans une
tribulation telle que celle que j'ai endurée alors, je dirais face à celle-ci: je me souviendrai de toi.
Trois éléments figurant dans le baptême sont ici désignés. Par le
Jourdain est désignée la descente des grâces dans le baptême: "Toute grâce
excellente et tout don parfait vient d'en haut et descend du Père des lumières,
en qui il n'y a ni changement, ni ombre de vicissitudes." Et de la terre, parce que par l'influx de
la grâce la terre du coeur est fécondée. Hermon veut dire "anathème",
et désigne la renonciation que nous faisons au diable et à ses pompes au
baptême; car en cette circonstance n'importe qui anathématise, c'est-à-dire se
sépare du diable. de [cette] petite
montagne, car cette renonciation et la grâce résultent d'un coeur humble,
puisque "Dieu donne sa grâce aux humbles." Et le diable "est le
roi de tous les fils de l'orgueil."
8 Un abîme appelle un [autre]
abîme, à la voix de tes cataractes.
Toutes tes hauteurs, et tes flots ont passé sur moi.
b. Il explique le
remède quant aux choses qui ont été mentionnées, quant au trouble qu'il a en
lui et quant au souvenir qu'il a de Dieu: Pendant
le jour, le Seigneur a commandé.
En parlant de son trouble il donne une comparaison et en,fait connaître
la cause.
L'abîme dans l'Écriture signifie la multitude des eaux: "Des
ténèbres étaient sur la face de l'abîme." Il arrive aussi que les eaux,
lorsqu'elles sont engendrées en abondance dans les airs, puissent être appelées
abîme. Et dans ces pluies il y a un certain mouvement circulaire: car elles
descendent vers la terre, et d'elles s'élèvent des vapeurs qui génèrent
d'autres eaux; et dans l'intervalle il y a souvent du tonnerre résultant du
mouvement des nuages, lesquels sont engendrés par les vapeurs et les pluies. Il
arrive également que des éclairs succèdent au tonnerre: "Il a changé des
éclairs en pluie."
Le psalmiste dit donc: Un abîme, c'est-à-dire la multitude des eaux, appelle un [autre] abîme, c'est-à-dire à lui la multitude des
autres eaux; et cela, à la voix de tes
cataractes, c'est-à-dire qu'il y a des lieux cachés dans lesquels les eaux
sont engendrées, et dont elles descendent. C'est pourquoi les cataractes,
c'est-à-dire les nuages qui sont comme des cataractes, sont engendrées à partir
de ces lieux. Et ces choses dans l'Écriture, à savoir l'abîme et la tempête,
causent le mal: "Les abîmes les ont couverts"; d'où un abîme, autrement dit une punition de
Dieu appelle un [autre] abîme, c'est-à-dire
en amène une autre, autrement dit: le jugement de Dieu qui cause les maux
présents, appelle le jugement qui cause les maux futurs: "Tes jugements
sont un abîme profond." Et cela de la manière suivante: à la voix de tes cataractes, c'est-à-dire
par la voix de tes Écritures, ou de tes prédicateurs. Et cela se réfère à ce
qu'il dit: Mon âme a été troublée. Pourquoi
? À cause de l'abîme, en ce sens que d'un seul mal ou d'un seul péché résulte
un grand châtiment. Ou bien autrement: c'est
pourquoi je me souviendrai de toi, etc.,
en supposant que par le mot abîme on
comprenne la doctrine sacrée; et le sens est alors le suivant: Un abîme, c'est-à-dire l'Ancien
Testament en appelle un [autre], c'est-à-dire
le Nouveau Testament. Et il introduit ces deux choses ensemble pour que je me [souvienne] de toi, parce que dans l'une et l'autre chose il promet le secours
de Dieu à l'homme: et cela, à la voix de
tes cataractes, c'est-à-dire à la voix de tes prédicateurs et docteurs. Ou
encore autrement: c'est pourquoi je me
souviendrai de toi, etc., parce
que l'abîme c'est l'homme: "Qui
des hommes sait ce qui est dans l'homme, sinon l'esprit de l'homme qui est en
lui ?" Selon un autre passage de l'Écriture il est écrit: "Le coeur
de l'homme est un abîme et il est inscrutable." Donc un abîme, c'est-à-dire un homme, en appelle un [autre] au Christ. Et cela ne se fait pas par sa propre
puissance, mais à la voix de tes
cataractes, c'est-à-dire sous l'inspiration de l'Esprit-Saint, d'où la
langue du prédicateur reçoit son efficacité. Toutes tes hauteurs. Plus haut le psalmiste a exposé une
comparaison relative à sa tribulation, mais ici il explique cette comparaison.
Il a dit plus haut: Un abîme appelle un
[autre] abîme, et il se réfère à cela pour signifier qu'il a enduré non
seulement un châtiment, mais une multitude de châtiments; et à cela fait suite
sa comparaison: l'homme est affligé par l'eau, soit descendant de l'air, soit
étant dans l'air, ou se trouvant sur la terre. Et ce dernier dit être affligé
de l'une et de l'autre manière. Selon la première manière lorsqu'il dit: Toutes tes hauteurs; selon la seconde
[manière] lorsqu'il dit: et tes flots ont
passé sur moi. Ces hauteurs, ce sont les supplices futurs, et ils
concernent le jugement dernier, à l'image de celui qui eut lieu dans la mer
quand "[les Égyptiens] se sont enfoncés comme le plomb dans des eaux
impétueuses". Les flots sont les châtiments présents qui appellent ce
jugement; et c'est pourquoi je suis troublé: "Ils se sont fait un chemin
au travers de moi." Selon la Glose:
tes flots ont passé, c'est-à-dire se
sont éloignés de moi. Et telle est
selon ce commentaire la raison de sa consolation, autrement dit: je me souviendrai de toi, parce que Toutes tes hauteurs et tes flots se sont
éloignés de moi, autrement dit des châtiments plus grands, qui sont signifiés
par les flots, ont passé sur moi, c'est-à-dire semblaient dépasser la mesure de
mes forces. Cependant le premier commentaire est meilleur.
9 Pendant le jour, le Seigneur a
commandé à sa miséricorde [de
m'environner], et pendant la nuit, [il m'a donné] son cantique. En moi la
prière au Dieu de ma vie; 10 je dirai
à Dieu: "Tu es mon soutien.
Pourquoi m'as-tu oublié et pourquoi faut-il que je marche tout contristé,
tandis qu'un ennemi m'afflige ?" 11 Tandis qu'on brise mes os, mes ennemis, qui me tourmentent, m'ont
accablé de reproches, me disant tous les jours: "Où est ton Dieu ?" 12
Pourquoi es-tu triste, mon âme ? et
pourquoi me troubles-tu ? Espère en Dieu, parce que je le louerai encore: il
est le salut de mon visage et mon Dieu.
Comme on l'a déjà dit, il a mentionné deux choses: le trouble vis-à-vis
de lui-même et sa confiance: c'est
pourquoi je me souviendrai de toi. Et il a exposé la cause de son trouble;
à présent il explicite la raison pour laquelle il se souvient de Dieu.
- Et il expose d'abord son expérience de la miséricorde divine;
- puis il y ajoute sa prière: En
moi la prière.
- Il fait deux choses selon le caractère ambivalent de la miséricorde
divine; car la miséricorde de Dieu apporte la paix aussi bien dans la
prospérité que dans l'adversité. Et c'est pourquoi en parlant de la prospérité
il dit: Pendant le jour, le Seigneur a
commandé à sa miséricorde [de
m'environner], c'est-à-dire au temps de la prospérité, autrement dit: Tout
ce que je possède au temps de la prospérité, je l'attribue à la miséricorde
divine: "C'est grâce aux miséricordes du Seigneur que nous n'avons pas été
consumés; c'est parce que ses bontés n'ont pas fait défaut." En parlant de
l'état d'adversité il dit: et pendant la
nuit, c'est-à-dire au temps de l'adversité, il m'a donné son cantique, à savoir l'allégresse,
c'est-à-dire que pour moi qui suis dans la tribulation une très grande
miséricorde m'est donnée par la miséricorde divine. C'est pourquoi une autre
version lit: "In die declaravit (Pendant le jour il a
déclaré)", à savoir la
miséricorde s'est déclarée, c'est-à-dire s'est manifestée au temps de
l'adversité: "Belle est la miséricorde de Dieu au temps de la tribulation,
comme la nuée au temps de la sécheresse." - "Selon la multitude de
tes bontés, efface mon iniquité, et purifie-moi de mon péché." Cependant
selon Jérôme ce verset se lit comme suit: "In die mandavit Dominus misericordiam suam, et nocte canticum ejus apud
me (Pendant le jour, le Seigneur a commandé à sa miséricorde [de
m'environner], et pendant la nuit son cantique est en moi."
- Et telle est la prière du Seigneur, etc.,
autrement dit: je reçois la miséricorde de Dieu, etc., pendant le jour naturel,
ou au temps de l'adversité; pendant la nuit le cantique de Dieu, et je prie de
nouveau au Dieu de ma vie. Cette
dernière version est plus claire. Mais nous suivons le commentaire de la Glose et nous disons: "Apud me orataio (En moi la prière)."
Ici le psalmiste explicite sa prière, et il fait trois choses à ce
propos.
· Il commence par décrire sa manière de prier.
· Puis le temps de sa prière.
· Enfin l'effet de sa prière.
· À propos de sa prière il dit deux choses. Comment il est disposé pour
prier; car parfois l'homme prie, et sa prière n'est pas tournée vers Dieu,
lorsqu'il ne prie pas pour soi mais afin d'être vu comme s'il était en public: "Mais
toi, quand tu pries, entre dans ta chambre, et, la porte fermée, prie ton Père
en secret." Puis comment il se comporte à l'égard de celui qu'il prie, car
il dit: au Dieu de ma vie, c'est-à-dire à l'auteur de ma vie
naturelle: "C'est le Seigneur qui fait mourir et qui fait vivre."
Semblablement, à l'auteur de la vie de la grâce. Lui-même est ta vie: car l'âme
vit par la grâce puisqu'elle vit pour Dieu. Également à l'auteur de la vie de
la gloire: "En toi est la source de la vie, et dans la lumière nous
verrons la lumière."
· Puis il expose sa prière: Et je dirai à Dieu: "Tu es mon soutien, etc." Et il fait deux choses.
Il commence par rendre grâce pour les bienfaits reçus.
Puis il s'interroge sur la raison des maux qu'il endure.
L'homme doit d'abord faire mention des bienfaits qu'il reçoit, parce
que s'il n'est pas reconnaissant, il est indigne de les recevoir: "L'espérance
de l'ingrat, comme la glace de l'hiver, se fondra; et elle périra entièrement
comme une eau inutile." Et c'est pourquoi il dit: Tu es mon soutien. La version iuxta
Hebraeos lit: petra mea (mon
rocher), c'est-à-dire ma force. Et c'est pourquoi il est appelé soutien pour le
défendre: "Mais toi, Seigneur, tu es mon soutien." Ou bien: Tu es mon soutien, c'est-à-dire le
soutien de ma nature: "Voici mon serviteur, je le soutiendrai; mon élu, en
qui s'est complu mon âme; j'ai répandu mon esprit; il annoncera la justice aux
nations." Ou bien: mon soutien au
baptême: "Il m'a retiré d'un gouffre d'eaux."
Et si tu es mon soutien, je m'étonne des maux que j'endure.
Et il s'interroge d'abord sur le motif de ses maux;
puis il mentionne certaines choses
qui sont les signes d'un mal et la cause d'un autre mal: tandis qu'un ennemi.
À propos des maux il considère deux choses.
* La première du côté de Dieu, à savoir qu'il l'a oublié.
* L'autre de son côté, puisqu'il était accablé de tristesse.
* Du côté de Dieu, parce qu'il permettait qu'il soit affligé; et c'est
pourquoi il dit: Pourquoi m'as-tu oublié,
puisque jadis tu m'as ainsi soutenu ? - "Le Seigneur m'a oublié."
* Mais en réalité il n'est pas oublié, celui qui était affligé; aussi
dit-il: et pourquoi faut-il que je marche
tout contristé ? c'est-à-dire quelle est la raison pour laquelle tu me
donnes de la tristesse ?
- "Tout le jour je marchais contristé."
tandis qu'un ennemi m'afflige. Ici il montre la douleur qu'il endure de la
part de son adversaire; et il montre l'effet de sa persécution, autrement dit
le motif pour lequel je marche tout
contristé, c'est que je suis affligé parfois par des ennemis temporels,
parfois par des ennemis spirituels: "C'est un homme ennemi qui a fait
cela." La cause de la douleur ou son effet, il la montre en disant: Tandis qu'on brise mes os. Les os de
l'Église, ce sont les forts, par exemple les dignitaires ou les hommes
parfaits. Et ces derniers sont parfois affligés par des adversaires temporels,
parfois par des tentations: "Ils ont compté tous mes os." En chaque
homme toute vertu est comme un os; et s'il arrive à un homme juste et chaste de
tomber dans le péché, ses os se brisent.
m'ont accablé de reproches. Ici il traite de la cause de la tristesse
qu'il éprouve par des paroles injurieuses; aussi dit-il: m'ont accablé de reproches, à savoir par des paroles injurieuses: "Je
suis devenu un objet de dérision durant tout le jour, [et] tous me raillent."
Et cet outrage est très grave. Un outrage est d'autant plus grave qu'il porte
sur l'objet de celui qui a confiance d'en tirer gloire. Or celui-ci se
glorifiait surtout de Dieu; et c'est pourquoi cet opprobre lui est très grave.
C'est la raison pour laquelle mes ennemis [me disent] tous les jours: Où est ton Dieu ? - "De peur que mon ennemi ne
dise: "J'ai prévalu contre lui".""
· Pourquoi
es-tu triste, mon âme ? et pourquoi me troubles-tu ? Ici il montre l'effet
de sa prière. Et sa prière a un double effet. L'un est le bannissement de la
tristesse; l'autre est l'accroissement de l'espérance. Le premier effet est que
par la prière l'intelligence de l'homme s'élève vers Dieu; et parce que Dieu
est souverainement bon, lorsque l'âme adhère à lui, elle éprouve une très
grande délectation, et la délectation bannit la tristesse ou la diminue; et
c'est pourquoi il dit: Pourquoi es-tu
triste, etc. ? c'est la raison
pour laquelle j'ai prié. Et cela a été expliqué plus haut. L'autre effet est
qu'il croît en espérance: car si un roi admet quelqu'un à son service et à son
audience, il donne la confiance de pouvoir demander et d'obtenir. Or dans la
prière l'homme s'entretient en particulier avec Dieu: "En lui mon coeur a
espéré, et j'ai été secouru"; et c'est pourquoi il ajoute: Espère en Dieu. Et cela a également été
expliqué plus haut.
1 Juge-moi, ô Dieu, et discerne ma cause
d'une nation qui n'est pas sainte; délivre-moi de l'homme inique et trompeur. 2
Car toi tu es ma force, ô Dieu; pourquoi m'as-tu repoussé, et pourquoi dois-je
marcher attristé, pendant que l'ennemi m'afflige ?
3 Envoie ta lumière et ta vérité: elles
me conduiront et m'amèneront à ta montagne sainte et dans tes tabernacles. 4a
Et j'irai à l'autel de Dieu, vers Dieu qui réjouit ma jeunesse. 4b Je te
louerai sur la cithare, ô Dieu, mon Dieu. 5 Pourquoi es-tu triste, mon à me, et
pourquoi me troubles-tu ? Espère en Dieu, parce que je le louerai encore, lui,
le salut de mon visage et mon Dieu.
1 Juge-moi, ô Dieu, et discerne ma cause
d'une nation qui n'est pas sainte; délivre-moi de l'homme inique et trompeur. 2
Car tu es ma force, ô Dieu; pourquoi m'as-tu
repoussé, et pourquoi dois-je marcher attristé, pendant que l'ennemi m'afflige
?
Dans le psaume précédent David a fait connaître son désir, mais ici il
a recours à la prière afin d'accomplir son désir.
I) Et à cette fin il expose d'abord sa prière.
Il) Ensuite son effet: 4b Je te
louerai.
I. Il commence donc par exposer:
A) Sa prière en
général.
B) Puis en
particulier: de l'homme inique.
A. Ainsi
demande-t-il d'abord le jugement, ensuite l'effet du jugement. Il demande donc
en disant: Juge-moi, ô Dieu.
Mais il semble que cette demande soit présomptueuse, car lui-même dit: "N'entre
pas en jugement."
On répondra en disant qu'il y a deux sortes de jugement: un jugement de
sévérité, et un jugement de miséricorde ou d'équité.
Le premier s'exerce quand on considère uniquement la nature de l'objet
et non la condition de la personne: ce jugement doit être craint. Il dit à ce
sujet: "N'entre pas en jugement." Car nos justices ne sont rien en
présence de Dieu, comme le dit Isaïe. Et ce "jugement est sans miséricorde",
selon Jacques.
Le second s'exerce en considérant non seulement la nature du fait
condamnable, mais la condition de la personne: "Le Seigneur a compassion
de ceux qui le craignent, car il sait de quoi nous sommes faits." Et le
psalmiste demande ce jugement-là . Ou bien encore, il y a deux sortes de
jugement: un jugement de discussion, lorsque les mérites sont discutés, mais
cela il ne le demande pas ici, car la discussion est à craindre: "Je
redoute toutes mes oeuvres, sachant que tu ne me tiendras pas pour innocent."
L'autre est un jugement de discernement, c'est-à-dire de séparation à l'égard
des méchants, et c'est ce jugement qu'il demande; aussi ajoute-t-il: discerne ma cause. Et cela se rapporte à
l'état présent; ainsi nous demandons à être séparés des méchants, et si ce
n'est pas dans le lieu, au moins dans la cause. En effet, beaucoup de choses
sont communes entre eux et nous, parce que le lieu est dû au hasard mais non la
cause, car les bons et les méchants usent des mêmes choses de manière
différente; car dans l'adversité, les bons brillent par la patience, tandis que
les méchants fument d'impatience. Mais si nous nous référons au jugement futur,
nous demandons qu'il y ait un discernement: car la cause des méchants sera
jugée en vue de leur condamnation, celle des bons en vue de leur salut.
B. Mais il
demande en particulier d'être jugé quant à deux choses: quant a sa libération
du mal et quant à son progrès dans le bien.
1. Il demande
donc d'être libéré du mal, ou présent ou futur, aussi dit-il: délivre-moi de l'homme inique et trompeur. L'homme
inique c'est le diable: "C'est un ennemi qui a fait cela." Ou bien un
autre homme séducteur, ou n'importe quel injuste. Et on appelle inique celui
qui s'applique ouvertement à l'injustice, mais trompeur celui dont la fraude
est cachée: "La ruse est dans le coeur de ceux qui méditent le mal."
On est donc libéré doublement de ces hommes iniques. D'abord, afin de n'être
pas séduit par la ruse cachée. Ensuite, afin de ne pas être opprimé par
l'adversité: Car toi tu es ma force, ô Dieu. Ici est donnée la raison
de cette libération, et elle est double: la première vient de Dieu qui peut
libérer, aussi dit-il: toi tu es ma
force. - "Seigneur tu es ma force et ma louange." Et on l'appelle
notre force de manière effective parce qu'elle vient de lui-même: "Il
donne de la force à celui qui est fatigué, et redouble la vigueur de ceux qui
sont défaillants." La seconde raison vient. de l'homme, c'est-à-dire des
maux qu'il souffre. Nous endurons certains maux selon notre jugement, car
lorsque nous sommes dans les adversités, nous nous voyons rejetés de Dieu;
aussi dit-il: pourquoi m'as-tu repoussé ?
Mais "le Seigneur ne rejette pas son peuple". Et c'est ainsi que
ce mal est seulement envisagé de manière subjective. Mais autre est la vérité,
d'où ce qui suit: pourquoi dois-je
marcher attristé ? c'est-à-dire triste, de la tristesse du siècle qui opère
la mort; et tel est le sens de: pourquoi
dois-je marcher attristé ? c'est-à-dire temporellement, pendant que l'ennemi m'afflige, c'est-à-dire
l'homme mauvais, temporellement. Ou bien: triste, de la bonne tristesse qui
opère la pénitence en vue du salut. Et tel est uniquement le sens de: pourquoi dois-je marcher attristé ? car
la joie doit aussi être associée à la pénitence.
3 Envoie ta lumière et ta vérité:
elles me conduiront et m'amèneront à ta montagne sainte et dans tes
tabernacles. 4a Et j'irai a l'autel
de Dieu, vers Dieu qui réjouit ma jeunesse. 4b Je te louerai sur la cithare, ô Dieu, mon Dieu. 5 Pourquoi es-tu triste, mon à me, et pourquoi
me troubles-tu ? Espère en Dieu, parce que je le louerai encore, lui, le salut
de mon visage et mon Dieu.
2. Ici il expose
son progrès dans le bien.
a) Et il commence
par demander les biens divins au moyen desquels on progresse.
b) Puis il
demande de progresser par ces biens.
a. Il demande
deux biens: la lumière et la vérité. On parvient à Dieu par les souffrances de
l'âme, et par la connaissance: "L'entrée [dans le repos] est promise à
ceux qui croient." Deux choses sont nécessaires à la connaissance: la
lumière et l'objet à connaître: "Tout ce qui est manifesté est lumière."
Et c'est pourquoi il demande deux choses: la lumière et la vérité, biens
auxquels je ne puis accéder par moi-même. Aussi dit-il: Envoie ta lumière et ta vérité. Ici lumière et vérité sont une même
chose, car elles sont prises pour le Christ. Envoie ta lumière, c'est-à-dire le Christ: "Il était la
lumière, la vraie, qui illumine tout homme venant en ce monde", et [la] vérité. - "Moi je suis le chemin et la vérité", car le
Christ est lui-même la vérité et la vie, autrement dit: Dieu le Père envoie le
Christ. Ou bien, lumière est pris ici
dans le sens de la loi, car "le commandement [du Seigneur] est une lampe,
et [sa] loi une lumière." Et la vérité,
c'est le Nouveau Testament.
b. Ensuite il
expose son progrès dans le bien. Et il commence par donner la direction pour y
parvenir: elles me conduiront, c'est-à-dire
ta lumière et la vérité me conduiront vers toi. Ou bien: elles me conduiront, c'est-à-dire m'arracheront aux méchants, et m'amèneront à ta montagne sainte et dans tes
tabernacles. Cette prière répond au désir exprimé dans le psaume précédent:
"Je passerai dans le lieu du tabernacle admirable, jusqu'à la maison de
Dieu." Et parce que cela ne suffit pas encore, je demande d'être amené par
Dieu à la montagne, etc. Jérusalem était au pied de la montagne du côté de
l'Aquilon. Et ainsi ceux qui s'y rendaient parvenaient d'abord à la montagne.
Ensuite ils allaient vers l'habitation. Enfin ils s'acheminaient vers le lieu
du sacrifice, c'est-à-dire vers l'autel. Et là encore mon esprit ne se repose
pas, mais il monte vers Dieu; et c'est pourquoi il dit: m'amèneront à ta montagne
sainte et dans tes tabernacles, c'est-à-dire vers ton habitation. Et là
encore mon esprit ne se repose pas en cet endroit, mais il va vers la maison de
Dieu, c'est-à-dire vers l'autel. Aussi dit-il: j'irai [vers] l'autel de
Dieu. Et là encore il ne s'y repose pas de peur de paraître idolâtre, mais
il va vers Dieu qui réjouit [sa]
jeunesse. Au sens mystique les mots [sur la] montagne et dans [ton] tabernacle désignent l'Église présente,
ou bien l'Église céleste; autrement dit: ils me mèneront vers ton Église: "La
montagne de la maison du Seigneur sera établie au sommet des montagnes."
Et vers tes tabernacles, c'est-à-dire
les diversités des saints qui sont "des voyageurs sur la terre". Et
cette Église est appelée porte du ciel: "Ce n'est rien moins que la maison
de Dieu, et la porte du ciel." Et c'est pourquoi il est également appelé
autel de Dieu, c'est-à-dire Dieu lui-même: "Dieu en est le temple";
car tous les sacrifices spirituels doivent être offerts à Dieu, non à une
créature humaine. Et là sera la joie: "Vous verrez, et votre coeur se
réjouira" - "Entre dans la joie de ton maître." Et voilà pourquoi
il dit qui réjouit ma jeunesse, c'est-à-dire
là il y aura la rénovation et la jeunesse, car il est écrit: "Tous nous
apparaîtrons à l'état d'homme parfait, à la mesure de l'âge et de la plénitude
du Christ", et c'est pourquoi il dit: ma
jeunesse. - "Ta jeunesse se renouvellera comme celle de l'aigle."
Et les prêtres disent ce psaume lorsqu'ils s'avancent vers l'autel; car ces
deux choses, c'est-à-dire la joie et la rénovation, sont nécessaires à ceux qui
veulent s'approcher de l'autel céleste: "Comment aurais-je pu manger de
cette hostie, ou plaire au Seigneur dans ces cérémonies, avec un esprit plein
d'affliction ?" De même au ciel il n'y a pas la vétusté du péché: "Je
vous écris, jeunes gens." Ou bien tout ce qui est dit se rapporte à la
Patrie céleste dans laquelle nous devons fixer notre désir et vers laquelle
nous devons nous acheminer avec ardeur; et il désigne cela lorsqu'il dit: à ta montagne sainte. - "Tu les
introduiras et tu les établiras, Seigneur, sur la montagne de ton héritage",
car là est la stabilité parfaite. Et de même, là se trouve l'assemblée des
saints; aussi dit-il: et dans tes
tabernacles. - "Que tes tabernacles sont beaux, ô Jacob, et tes
tentes, ô Israël !" - "Que tes demeures sont aimables, Seigneur des
armées !" Et on les appelle tabernacles, car bien que les hommes soient
citoyens des cieux selon la grâce, ils sont cependant là en tant qu'hôtes selon
la condition de la nature humaine. Enfin l'autel signifie l'humanité du Christ:
"Ils regarderont le roi dans sa beauté." Et le Christ est appelé
autel de Dieu: "Nous avons un autel auquel n'ont pas le droit de manger
ceux qui restent au service du tabernacle"; car de même que tous les
sacrifices charnels étaient offerts sur l'autel, ainsi toutes les prières sont
offertes par le Christ. C'est pourquoi toute oraison se termine par: "Per Christum Dominum nostrum (Par le
Christ notre Seigneur)." Mais parce que le repos n'est pas dans l'humanité
du Seigneur, il se dirige plus loin, vers la divinité; aussi dit-il: vers Dieu. - "Tu feras tes délices
du Tout-Puissant, et tu lèveras vers Dieu ton visage."
II. L'effet de la
prière est la confession de la louange; aussi dit-il: Je te louerai sur la cithare, ô Dieu, et il dit cela en raison de
son sentiment, car il est écrit: "On y trouvera la joie et l'allégresse."
Et il dit: sur la cithare, à la
différence du psaltérion, car le psaltérion donne un son aigu, tandis que la
cithare donne un son grave; d'où, Je te
louerai sur la cithare, car nous sommes libérés des maux du monde. Et sur
le psaltérion, car nous avons acquis ces joies célestes. Pourquoi es-tu triste, etc. Tout
ce qui suit a été commenté plus haut, au psaume précédent.
1 Pour la fin, aux fils de Coré pour
l'intelligence.
2 Ô Dieu, nous avons entendu de nos oreilles;
nos pères nous ont annoncé l'oeuvre que tu as opérée en leurs jours et dans les
jours anciens. 3 Ta main a exterminé des nations et tu as planté [nos pères à
leur place]; tu as affligé des peuples et tu les as chassés. 4 Car ce n'est
point par leur glaive qu'ils se sont mis en possession d'une terre, et ce n'est
point leur bras qui les a sauvés; mais ta droite, et ton bras, et la lumière de
ton visage, parce que tu t'es complu en eux.
5 C'est toi qui es mon roi et
mon Dieu: c'est toi qui décrètes les saluts de Jacob. 6 Avec toi, nous dissiperons nos ennemis avec la corne,
et en ton nom, nous mépriserons ceux qui s'élèvent contre nous.
7 Car ce n'est pas en mon arc que
j'espérerai, et mon glaive ne me sauvera pas. 8 Car tu nous as sauvés de ceux
qui nous affligeaient, et tu as confondu ceux qui nous haïssaient.
9 C'est en Dieu que nous serons loués
tout le jour; et c'est ton nom que nous confesserons à jamais.
10 Mais maintenant tu nous as repoussés
et confondus, et tu ne sortiras pas, ô Dieu, avec nos armées.
11 Tu nous as fait tourner le dos à nos
ennemis, et ceux qui nous haïssent pillaient pour eux. 12 Tu nous as livrés
comme des brebis que l'on mange, et tu nous as dispersés parmi les nations. 13
Tu as vendu ton peuple sans en recevoir le prix; et il n'y a pas eu une
multitude [d'acheteurs] dans leurs échanges.
14 Tu nous as rendus un sujet d'opprobre
à nos voisins, un objet de grimace et de dérision pour ceux qui sont autour de
nous. 15 Tu nous
as faits la fable des nations et le
hochement de tête des peuples.
16 Tout le jour ma honte est devant moi,
et la confusion de ma face m'a couvert, 17 à la voix de celui qui m'adresse des
reproches et qui m'invective, à la face de mon ennemi et de celui qui me
persécute.
18 Tous ces [maux] sont venus sur nous
et nous ne t'avons pas oublié, et nous n'avons pas iniquement agi contre ton
alliance. 19 Et notre coeur ne s'est pas retiré en arrière; et tu as détourné
nos sentiers de ta voie.
20 Parce que tu nous as humiliés dans un
lieu d'affliction, et l'ombre de la mort nous a enveloppés. 21 Si nous avons
oublié le nom de notre Dieu, et si nous avons étendu nos mains vers un dieu
étranger; 22 est-ce que Dieu ne s'en enquerra pas ? car il connaît, lui, les
choses cachées du coeur. Puisque, à cause de toi, nous sommes mis à mort tout
le jour; nous sommes regardés comme des brebis de tuerie.
23 Lève-toi, pourquoi dors-tu Seigneur ?
Lève-toi, et ne nous rejette pas jusqu'à la fin. 24 Pourquoi détournes-tu ta
face, oublies-tu notre misère et notre tribulation ? 25 Car notre âme est
humiliée dans la poussière, et notre ventre est collé à la terre. 26 Lève-toi,
Seigneur, aide-nous, et rachète-nous à cause de ton nom.
1 Pour la fin, aux fils de Coré pour
l'intelligence.
2 Ô Dieu, nous avons entendu de nos
oreilles; nos pères nous ont annoncé l'oeuvre que tu as opérée en leurs jours
et dans les jours anciens. 3 Ta main a exterminé des nations et tu as planté
[nos pères à leur place]; tu as affligé des peuples et tu les as chassés. 4 Car
ce n'est point par leur glaive qu'ils se sont mis en possession d'une terre, et
ce n'est point leur bras qui les a sauvés; mais ta droite, et ton bras, et la
lumière de ton visage, parce que tu t'es complu en eux.
Plus haut le psalmiste a montré son désir à l'égard de Dieu; mais ici
il en vient à prier face à l'affliction de tout le peuple. Ce psaume est
intitulé: "In finem, filiis Core ad
intellectum (Pour la fin, aux fils de Coré pour l'intelligence)." Les
fils de Coré sont les fils de la Passion du Christ; et ces derniers sont à
proprement parler des martyrs, parce qu'ils imitent le Christ: "Le Christ
a souffert pour nous, vous laissant un exemple, afin que vous suiviez ses
traces". Et c'est pourquoi il convient spécialement aux martyrs. Il est
vrai que tous les biens, temporels et spirituels, sont donnés par Dieu. Les
temporels sont des biens plus modestes, tandis que les spirituels sont plus
importants. Un père donne à ses petits enfants des biens modestes, mais aux
adultes il donne de grands biens. Et ainsi fait Dieu: car lorsque les hommes
étaient dans la condition de petits enfants, il leur donna des biens modestes,
c'est-à-dire temporels, comme on le voit dans l'Ancien Testament: "Ils
étaient comme des petits enfants sous le pédagogue", c'est-à-dire sous les
observances de la Loi. Il est écrit dans Isaïe: "Si vous voulez, et que
vous m'écoutiez, vous mangerez les biens de la terre"; mais à ceux qui
sont à présent parfaits dans le Nouveau Testament, ce ne sont pas les biens
temporels qui sont promis, mais de dures afflictions; et cela dans l'espérance
des réalités spirituelles: "Vous serez heureux lorsque les hommes vous
haïront, vous éloigneront, vous injurieront, et rejetteront votre nom comme
mauvais, à cause du Fils de l'homme." Et ainsi l'intention du psalmiste
est-elle de soustraire d'abord les hommes du Nouveau Testament à l'appétit de
la prospérité terrestre promise dans l'Ancien Testament.
Ce psaume se divise en trois parties.
I) Dans la première partie il est question de la
prospérité passée.
II) Dans la deuxième partie, de l'adversité
présente: 10 Mais maintenant tu nous as
repoussés.
III) Dans la troisième partie, le secours est
demandé face à ces adversités: 23 Lève-toi.
I. En parlant de la prospérité passée il fait
deux choses:
A) Il énumère
d'abord les bienfaits prodigués aux anciens.
B) Puis il montre
qu'il a l'espérance de recevoir des biens plus grands: 5 C'est toi qui es mon roi.
A. En énumérant
les bienfaits prodigués aux anciens il fait trois choses:
1) Il commence
par parler de l'écoute des bienfaits.
2) Puis du temps:
l'oeuvre que tu as opérée en leurs jours.
3) Enfin il
expose le bienfait lui-même: Ta main.
1. À propos de
l'écoute des bienfaits il fait:
a) D'abord
connaître la manière d'entendre.
b) Puis qui ils
ont entendu.
a. Il commence
par mentionner l'invocation du nom divin, lorsqu'il dit: Ô Dieu. Et ainsi ce psaume débute sous la forme d'une prière, qui
est une élévation de l'intelligence vers Dieu. Ou bien le psalmiste traite dans
ce psaume de choses relatives à la prospérité et à l'adversité. Dans
l'adversité l'homme a recours à Dieu, comme à l'égard d'un défenseur: "Lorsque
j'étais dans la tribulation, vers le Seigneur j'ai crié et il m'a exaucé."
Dans la prospérité il invoque Dieu avec joie: "Comme celui qui est
assoiffé s'avance avec joie vers une fontaine."
nous avons entendu. L'écoute est nécessaire pour acquérir la
sagesse: "Si tu aimes à écouter, tu seras sage", et elle est aussi
nécessaire au sage: "Le sage, en écoutant, sera plus sage."
Semblablement elle est nécessaire à tout homme; car personne n'est capable de
penser à tout ce qui concerne la sagesse, et c'est pourquoi personne n'est sage
sans être enseigné par autrui: car s'il entend de bonnes choses, il est aidé en
les recevant; mais s'il entend de mauvaises choses, il est aidé en
reconnaissant les choses meilleures.
de nos oreilles. Il entend de ses propres oreilles, celui qui
entend avec les oreilles soumises à la raison. C'est pourquoi on dit de
quelqu'un qu'il est homme dans la mesure où il a la raison. Quand les oreilles
sont soumises à la raison, elles sont humaines; lorsqu'elles ne sont pas
soumises à la raison, elles sont animales: "Que celui qui a des oreilles
pour entendre, entende", c'est-à-dire considère.
b. nos pères nous ont annoncé. Ici il
montre ce qu'il a entendu de ceux qui ont voulu enseigner la vérité, puisque ce
sont nos pères: "Interroge tes pères, et ils te le raconteront; tes
ancêtres, et ils te le diront." Pareillement, ce qu'il a entendu de ceux
qui ont pu enseigner la vérité, puisque ce sont nos anciens: "Dans les
anciens est la sagesse."
2. l'oeuvre que tu as opérée en leurs jours et
dans les jours anciens. Ici il expose le temps où il a entendu ces choses.
Certains bienfaits sont des bienfaits anciens qu'eux-mêmes ont vus; aussi
dit-il: et dans les jours anciens.
3. Ta main.
a) Ici il expose
le bienfait lui-même.
b) Puis il expose
l'ordonnance de ce bienfait.
a. Dans le
bienfait, nous considérons l'oeuvre et le fruit de l'oeuvre. L'oeuvre de la
puissance divine, c'est qu'elle chassa devant eux des nations, aussi dit-il: Ta main, c'est-à-dire ton pouvoir. Or,
par les membres on désigne en Dieu l'action que nous accomplissons par
eux-mêmes. Ta main a exterminé des
nations, c'est-à-dire a détruit aussi matériellement celles qui habitaient
dans la terre promise: "Disperse-les par ta puissance et fais-les déchoir,
ô mon protecteur, ô Seigneur."
Le fruit de l'oeuvre, c'est qu'eux-mêmes leur ont succédé: "Il en
brisera une multitude innombrable, et il en plantera d'autres à leur place." Voilà pourquoi il dit: Tu [les] as plantés. - "Tu les introduiras et les planteras sur la
montagne de ton héritage, dans ta demeure inébranlable que tu as faite,
Seigneur; c'est ton sanctuaire, Seigneur, qu'ont affermi tes mains." Ce
qui est planté prend racine afin de produire du fruit: "Il a espéré qu'elle
produirait des raisins et elle a produit des grappes sauvages."
b. tu as affligé des peuples. Ici il expose
le mode et l'ordonnance du bienfait: Car cette terre ne fut pas aussitôt
détruite, autrement elle serait devenue inculte et les bêtes sauvages se
seraient multipliées; et c'est pourquoi il les détruisit peu à peu. D'où ce
qu'il dit: tu as affligé des peuples, et
par des guerres, et par des bêtes, et par des frelons: "J'envoyai devant
vous des frelons." - "Tu as envoyé, comme avant-coureurs de ton
armée, des guêpes, afin qu'elles les exterminassent peu à peu." et tu les as chassés. - "Il chassa
de leur face des nations."
Car ce n'est point par leur
glaive qu'ils se sont mis en possession d'une terre. Le psalmiste expose ici la cause du bienfait.
- Et il écarte d'abord une cause conjecturée.
- Puis il expose la véritable cause.
- La cause conjecturée pourrait être la force
du peuple, parce qu'il les aurait chassés; et c'est pourquoi en écartant cela
il dit: ce n'est point par leur glaive, etc. Double est la force de l'homme: l'une
repose sur son expérience des armes; et il écarte celle-ci en disant: ce n'est point par leur glaive qu'ils se
sont mis en possession d'une terre. Il est écrit au livre de Judith: "Les
enfants d'Israël n'ont pas de confiance dans la lance ni dans la flèche."
Et ce qui suit dans ce même livre: "Ils ont vaincu mais sans le glaive."
L'autre est sa puissance naturelle; et il écarte celle-ci en disant: ce n'est point leur bras qui les a sauvés, c'est-à-dire
leur pouvoir: "Un roi ne se sauve point par sa grande puissance, et un
géant ne se sauvera point par la grandeur de sa force." - "De peur
qu'ils ne disent: "C'est notre main élevée, et non le Seigneur, qui a fait
toutes ces choses.""
- Mais la véritable cause est due à Dieu; aussi
dit-il: mais ta droite, etc. Et il expose quatre choses: trois
relatives à l'exécution de son action, la quatrième concerne son effet. Si un
roi veut aider quelqu'un, il fait trois choses à son égard.
Il lui accorde d'abord sa faveur; puis il lui procure son secours pour
oeuvrer. Enfin il lui donne conseil en le dirigeant.
Ainsi Dieu fait-il à leur égard. Car il leur fut d'abord favorable, et
il leur donna la prospérité; et celle-ci est signifiée dans le mot droite: "Ta [main] droite,
Seigneur, s'est signalée dans sa force; ta droite, Seigneur, a frappé l'ennemi."
Semblablement il leur accorda son secours; et cela est signifié dans le mot bras: "Il a déployé la force de son
bras." Enfin il les dirigea: et la
lumière de ton visage, c'est-à-dire émanant directement de ta providence.
La quatrième chose concerne son effet: parce que tu t'es complu en eux, autrement dit: Pourquoi nous
a-t-il prodigué ces bienfaits ? Est-ce à cause de nos mérites ? Non. - "Ne
dis point en ton coeur, lorsque le Seigneur ton Dieu les aura détruits en ta
présence: "C'est à cause de ma justice que le Seigneur m'a introduit dans
cette terre pour la posséder, puisque c'est à cause de leurs impiétés que ces
nations ont été détruites."" Mais ce fut à cause de la grâce de Dieu:
"Parce que tel a été ton bon plaisir."
5 C'est
toi qui es mon roi et mon Dieu: c'est toi qui décrètes les saluts de Jacob. 6 Avec
toi, nous dissiperons nos ennemis avec la corne, et en ton nom, nous
mépriserons ceux qui s'élèvent contre nous.
B. Ici il expose
l'espérance qu'il a d'obtenir un bienfait plus grand, laquelle naît de
l'espérance de Dieu lui-même. Et c'est pourquoi il fait trois choses.
1) Il fait
d'abord connaître la cause de l'espérance.
2) Puis il expose
la confiance: 6 Avec toi, nous
dissiperons nos ennemis.
3) Enfin l'action
de grâce: 9 C'est en Dieu que nous serons loués tout le jour.
1. En faisant
connaître la cause de l'espérance il fait trois choses.
a) Il expose
d'abord l'immutabilité de Dieu.
b) Puis son
gouvernement.
c) Enfin
l'expérience du secours divin.
a. Il montre
l'immutabilité de Dieu, car Dieu fit cette oeuvre pour nos pères, et il la
renouvela à plusieurs reprises parce que sa puissance ne s'est pas amoindrie;
et c'est pourquoi il peut également accomplir des oeuvres plus grandes, aussi
dit-il: C'est toi qui es mon roi et mon
Dieu, toi qui n'es pas amoindri.
b. Semblablement,
comme en ce temps-là, l'attention de l'homme se porte aussi vers toi, aussi
dit-il: mon roi, toi qui me défends
et me gouvernes, et mon Dieu, toi qui
prends soin de moi: "Écoute, Israël: le Seigneur notre Dieu est l'unique
Seigneur." Donc j'ai confiance en Dieu comme eux aussi ont eu confiance.
c. Pareillement,
l'expérience du secours divin, car toi seul es celui qui sauve, aussi dit-il: qui décrètes les saluts de Jacob. Et il dit cela, parce qu'autrefois il
sauvait par des intermédiaires, mais à présent il sauve lui-même: "Voici,
c'est notre Dieu, celui-ci; nous l'avons attendu et il nous sauvera."
2. Avec toi, nous dissiperons nos ennemis avec
la corne. Ici il expose la confiance qu'il a en Dieu.
a) Et il fait
d'abord connaître ce qu'il espère.
b) Puis il montre
ce qu'il attribue à Dieu.
c) Enfin il
expose la cause de son espérance.
a. Il espère un
secours face à ses ennemis, et il en a deux pour s'opposer à ces derniers; le
premier est de vaincre l'ennemi; et à ce propos il dit: Avec toi, c'est-à-dire par ta puissance, non par la nôtre, nous dissiperons avec la corne, c'est-à-dire
nos ennemis, soit dans le présent, soit dans le futur. Et il dit: avec la corne, en usant d'une
comparaison, parce que la force combative du boeuf est dans sa corne. Et il dit:
nous dissiperons, parce que sur
l'aire les pailles sont séparées du blé, comme au jugement dernier les méchants
seront emportés, et les bons resteront. L'autre secours est qu'il ne soit pas
vaincu par l'ennemi; et en parlant de cela il dit: en ton nom, nous mépriserons ceux qui s'élèvent contre nous, c'est-à-dire
nous mépriserons par ta puissance tous nos ennemis dans le futur, ou dans le
présent, parce qu'ils n'ont pu nous nuire en aucune manière.
7 Car ce n'est pas en mon arc que
j'espérerai, et mon glaive ne me sauvera pas. 8 Car tu nous as sauvés de ceux qui nous affligeaient, et tu as confondu
ceux qui nous haïssaient.
b. Au verset
précédent le psalmiste a exposé son espérance du rejet des ennemis; mais ici il
montre la raison des paroles qu'il a dites: Avec
toi, nous dissiperons nos ennemis. Et c'est pourquoi il montre qu'il
n'espère pas en lui-même: Car ce n'est
pas en mon arc que j'espérerai. Car il est écrit au livre des Rois: "L'arc
des forts a été vaincu, et les faibles ont été ceints de force." De même il n'espère pas non plus dans
le glaive, aussi dit-il: et mon glaive ne
me sauvera pas. Et dans un autre psaume: "Que leur glaive soit brisé."
Car on combat avec ces deux armes: avec l'arc pour ceux qui sont éloignés; d'où
par l'arc est signifiée l'astuce avec laquelle l'homme se fait sa propre
providence pour l'avenir, autrement dit, je n'espère pas dans ma providence.
Avec le glaive on combat ceux qui sont proches: et dans le glaive est signifié
le pouvoir, autrement dit, je n'espère pas en mon pouvoir, mais en toi.
c. D'où tiens-tu
cette espérance ? De Dieu. Et il le montre par l'expérience: Car tu nous as sauvés de ceux qui nous
affligeaient, ou bien dans le présent: car bien qu'ils nous nuisent
corporellement, cependant ils ne peuvent pas nous nuire spirituellement; ou
bien dans l'avenir. Les saints sont affligés de deux manières: parfois dans les
choses corporelles, en paroles ou en actions: "Sa rivale l'affligeait
aussi et la tourmentait violemment, au point de lui reprocher que le Seigneur
l'avait frappée de stérilité." Parfois ils sont affligés spirituellement,
lorsque pèchent ceux qui habitent auprès d'eux. Et ils sont libérés de ces
afflictions par Dieu: et tu as confondu
ceux qui nous haïssaient, puisqu'ils ne peuvent poursuivre contré nous leur
intention: et ils sont confondus ici-bas, et ils seront confondus au jugement
dernier: "Voici qu'ils seront confondus et qu'ils rougiront, tous ceux qui
combattent contre toi; ils seront comme s'ils n'étaient pas; et ils périront,
les hommes qui te contredisent."
9 C'est en Dieu que nous serons
loués tout le jour; et c'est ton nom que nous confesserons a jamais.
3. Ici il expose
l'action de grâce. Et d'abord la louange dont eux-mêmes seront loués. Puis la
louange avec laquelle eux-mêmes loueront: car dans la Patrie ils loueront et
seront loués; c'est pourquoi il dit: tout
le jour, c'est-à-dire pour l'éternité: et cette louange est sainte, parce
qu'elle n'est pas en eux-mêmes mais en Dieu: "Parce que ma louange, c'est
toi" - "Louez le Seigneur dans ses saints." De même, elle sera
continuelle, car elle durera tout le jour
de l'éternité: "Mieux vaut un jour [passé] dans tes parvis, que des
milliers [dans d'autres]." Ils seront loués, dis-je, par le Christ: "Quiconque
m'aura confessé devant les hommes, moi aussi je le confesserai",
c'est-à-dire je le louerai, "devant mon Père qui est dans les cieux".
Une version de Jérôme lit: "In Deo
laudabunt (C'est en Dieu qu'ils loueront)", car les saints loueront
Dieu dans la Patrie en considérant sa bonté, et ils le confesseront en rendant
grâce pour ses bienfaits.
10 Mais maintenant tu nous as
repoussés et confondus, et tu ne sortiras pas, ô Dieu, avec nos armées.
II. Ici le psalmiste expose l'adversité qu'ont
subie les saints du Nouveau Testament.
A) Et il expose
d'abord l'adversité qu'ils subissent.
B) Puis il expose
leur patience et leur fermeté: Tous ces
[maux] sont venus sur nous.
A. Et à propos de
l'adversité subie par les saints:
1) il traite
d'abord de la cause de l'adversité, à savoir la suppression du secours divin;
2) puis il traite
de son enchaînement: 11 Tu nous as fait
tourner le dos.
1. L'homme saint
a trois choses en Dieu. Son refuge: "Seigneur, tu es devenu un refuge pour
nous, de génération en génération." - "C'est une tour très forte que
le nom du Seigneur"; le juste court vers Lui et il sera exalté. Ensuite,
il a sa gloire en Dieu: "Mais toi, Seigneur, tu es mon soutien, ma gloire,
et tu élèves ma tête." Enfin le secours lui-même: "Mon secours vient
du Seigneur, qui a fait le ciel et la terre." Mais parfois, dans les
choses extérieures, il semble que l'homme n'ait pas un refuge en Dieu; et c'est
pourquoi il dit: Mais maintenant tu nous
as repoussés, parce qu'autrefois tu étais un refuge, et cela en tant que tu
nous as défendus contre celui qui nous fait violence: "Le Seigneur a
rejeté son autel, il a maudit sa sanctification; il a livré à la main de
l'ennemi les murs de ses tours; ils ont élevé la voix dans la maison du
Seigneur"; mais son rejet ne porte pas sur les choses intérieures, "parce
que le Seigneur ne rejettera pas son peupeé; et son héritage, il ne
l'abandonnera pas". Semblablement,
tu n'es pas ma gloire, puisque tu nous as
confondus, puisque tu sembles nous confondre dans les choses extérieures,
lorsque tu soutiens notre confusion. De même, tu avais coutume de nous
conseiller et de nous aider; mais à présent tu ne le fais pas, puisque tu ne sortiras pas, ô Dieu, avec nos armées.
Et il s'exprime à la manière d'un chef. Il était habituel dans l'Ancien
Testament que, lorsque Dieu secourait son peuple au combat, il sorte au-devant
de lui: "Tu es sorti pour le salut de ton peuple, pour le salut avec ton
Christ." Mais cela ne signifie pas en Dieu un mouvement local, mais
l'action de sa providence à l'égard des choses extérieures. Or maintenant Dieu
ne sort pas, tandis qu'il permet que nous tombions sous nos ennemis. Il fait
cela afin de nous détourner des biens terrestres, car s'il jouissait toujours
de la prospérité dans les choses temporelles, l'homme servirait Dieu en vue de
ceux-ci. Et si telle était notre intention, il nous frustrerait de ces biens.
Donc, afin que notre amour ne soit pas mercenaire, et que notre intention ne
s'applique pas aux choses matérielles, il soustrait cela à ses amis.
11 Tu nous as fait tourner le dos
à nos ennemis, et ceux qui nous
haïssent pillaient pour eux. 12 Tu
nous as livrés comme des brebis que l'on mange, et tu nous as dispersés parmi
les nations. 13 Tu as vendu ton
peuple sans en recevoir le prix; et il n'y a pas eu une multitude [d'acheteurs]
dans leurs échanges.
2. Ici il expose
l'enchaînement de l'adversité subie par les hommes saints quant à deux choses:
Quant à la consolation qu'ils n'ont pas, et quant à l'affliction qu'ils
subissent.
a. Les hommes qui
vont à la guerre fuient, prennent, tuent, dispersent, et vendent.
En parlant de la fuite il dit: Tu
nous as fait tourner le dos à nos ennemis, c'est-à-dire tu nous as fait
fuir: "Que tu sortes par une seule voie contre eux", c'est-à-dire
contre les ennemis, "et que ce soit par sept que tu fuies". Cela se
rapporte surtout aux saints martyrs, parce que dans la persécution, certains,
ne pouvant pas la supporter, se sont détournés de la foi: "Il eût mieux
valu pour eux de ne pas connaître la voie de la justice, que de l'avoir connue
et de revenir ensuite en arriéré, s'éloignant du saint commandement qui leur
avait été donné." D'autres fuyaient: "Lors donc qu'on vous
persécutera dans une ville, fuyez dans une autre."
En parlant du pillage il dit: et
ceux qui nous haïssent pillaient pour eux. - "C'est pour cela que nous
avons été livrés au pillage, et à la captivité, et à la mort, et à la risée et
à l'insulte chez toutes les nations parmi lesquelles vous avez été dispersés."
- "Mais le peuple lui-même a été pillé et ravagé." Cela arrive même
aux saints: car certains ont été dépouillés par le diable, c'est-à-dire ceux
qui ont nié la foi; pareillement certains ont été faits prisonniers par des
ennemis qui fuyaient.
En parlant de la tuerie il dit: Tu
nous as livrés comme des brebis que l'on mange, et cela parce qu'ils nous
tuèrent corporellement.
En parlant de la dispersion il dit: et
tu nous as dispersés parmi les nations, car c'est ce qui arriva
littéralement aux Juifs. Il est écrit: "Tu seras dispersé dans tous les
royaumes de la terre." Et encore: "Je les disperserai à tous les
vents ces hommes aux tempes rasées, et de tous côtés je ferai venir leur ruine"; et semblablement les saints martyrs
ont été dispersés.
En parlant de la vente il dit: Tu
as vendu ton peuple sans en recevoir le prix; car les martyrs ont ainsi été
tués sans prix, c'est-à-dire sans grand prix. On montre par là qu'ils étaient
tenus pour vils: "Pour rien vous avez été vendus, et sans argent vous
serez rachetés." Et il n'y a pas eu une multitude d'acheteurs dans leurs
échanges. Une version de Jérôme lit: "Non
foenerasti (Tu n'as pas prêté à usure)." L'usurier donne peu et reçoit
beaucoup, autrement dit: Ils ne sont pas nombreux ceux qui sont gagnés ici, car
ils furent plus nombreux à mourir qu'à se convertir. Ou bien: il n'y a pas eu une multitude, [ils ne
furent pas nombreux ceux] qui à l'occasion de la mort de ceux-là chantèrent en
l'honneur de Dieu: "Les voies de Sion sont en deuil, de ce qu'il n'y a
[personne] qui vienne pour une solennité."
14 Tu nous as rendus un sujet
d'opprobre à nos voisins, un objet de grimace et de dérision pour ceux qui sont
autour de nous. 15 Tu nous as faits
la fable des nations et le hochement de tête des peuples.
b. Plus haut le
psalmiste a exposé l'oppression des saints; mais ici il exposé leur
avilissement.
- Et il expose d'abord l'avilissement qu'ils ont subi extérieurement.
- Puis il montre ce qui en résulte dans leur coeur: 16 Tout le jour ma honte.
- En parlant de l'avilissement subi extérieurement, il expose l'action
de cet avilissement du côté du mépris des hommes et du côté de l'objet du
mépris.
Du côté du mépris des hommes, il y a d'abord le fait qu'on inflige un
opprobre à quelqu'un, en disant par exemple qu'il est un bandit ou un adultère.
Puis cet opprobre est subi comme sujet de dérision. Enfin il devient une fable,
c'est-à-dire un objet d'infamie.
Du côté des personnes, parce que l'opprobre est dû d'abord à un
compagnon; puis il gagne d'autres personnes; et pour finir il est divulgué.
Et le psalmiste dit cela en parlant d'abord de l'opprobre: Tu nous as rendus un sujet d'opprobre à nos
voisins, c'est-à-dire à nos frères et à nos parents; car les saints étaient
qualifiés de sacrilèges, d'homicides, ou d'autres choses du même genre. Et
cette action de se jouer (illusio) se
fait par un signe, aussi dit-il: un objet
de grimace. Et par la parole, aussi dit-il: et de dérision. Il y a grimace, lorsque quelqu'un tourne son
prochain en dérision par un plissement du nez. Il y a dérision lorsqu'on dit
avec amusement ou allégresse des choses qui se rapportent à la vitupération: "Je
suis devenu un objet de dérision tout le jour, [et] tous me raillent en
grimaçant."
À ceux qui sont autour de nous, autrement
dit: non seulement nous avons été livrés à nos voisins pour notre vitupération
et notre opprobre, mais même aux autres. Ainsi les saints martyrs furent
également raillés par tous: "Nous sommes devenus les ordures du monde, et
les balayures rejetées de tous."
Enfin les saints sont raillés par la divulgation: car les hommes
parlent d'eux afin de le publier, aussi dit-il: Tu nous as faits la fable des nations. Lorsqu'on inflige du mal à
quelqu'un, ce mal devient un sujet de fable, et l'on dit: ainsi il t'advient
comme à un tel. Et de cette façon celui qui est maltraité est exposé à
l'opprobre. Peut-être certains disaient-ils: cela t'arrive de la même manière
qu'à Laurent ou à d'autres; et c'est pourquoi il dit: Tu nous as faits la fable des nations, tu nous as donnés en exemple
de mal et d'opprobre: "Il m'a rendu comme le brocard du peuple, et je suis
un exemple devant eux."
- "Et cette maison sera en exemple; et quiconque passera auprès
d'elle sera étonné, sifflera, et dira: "Pourquoi le Seigneur a-t-il fait
ainsi à cette terre et à cette maison ?"" Cette moquerie se manifeste
également par un acte et par un signe, aussi dit-il: le hochement de tête des peuples.
- "Les passants le blasphémaient, hochant la tête." - "Ils
ont parlé des lèvres, et ils ont hoché la tête." Ou bien Tu nous as faits, c'est-à-dire à la
ressemblance du Christ, en ce sens que tu nous as fait souffrir cela parce que
le Christ a souffert, autrement dit: de même que les nations ont hoché la tête
devant le Christ en le blasphémant, ainsi firent-ils à notre égard.
16 Tout le jour ma honte est
devant moi, et la confusion de ma face m'a couvert, 17 à la voix de celui qui m'adresse des reproches
et qui m'invective, à la face de mon ennemi et de celui qui me persécute.
- Le psalmiste traite ici de ce qui naît dans le coeur de l'opprobre
extérieur.
· Et il expose d'abord la honte.
· Puis il y ajoute la cause: à la
voix.
· Il commence par exposer la honte, et il dit:
Tout le jour ma honte est devant moi, c'est-à-dire
en ma présence. Ou bien: contre moi (contra
me), c'est-à-dire continuellement contre ce qui m'est dû, à savoir
l'honneur qui est dû aux hommes vertueux. La honte, selon le Philosophe, est la
crainte de ce qui est honteux. Et il y a deux sortes de sentiments de honte. Le
premier est en fonction de la vérité: et c'est le sentiment de honte dû au
péché; et cette honte n'arrive pas aux vertueux, parce qu'ils n'ont pas en eux
la conscience du péché qui peut leur donner de la honte, mais elle échoit aux
mauvais: "Quel fruit avez-vous donc tiré alors des choses dont vous
rougissez maintenant ?" L'autre
sentiment de honte est relatif à la réputation, à savoir les abjections et les
opprobres que l'on subit extérieurement: ce sentiment de honte se trouve aussi
chez les hommes parfaits; et c'est à ce propos qu'il dit ici: Tout le jour ma honte est devant moi, etc. Le signe de la honte est la rougeur sur
la face. La honte est la crainte de la confusion; et cette passion excite le
souffle vital, et c'est pourquoi le sang en est altéré. Si bien que les
impudents pâlissent, tandis que les pudiques rougissent. Cependant les timides
qui craignent la mort deviennent pâles, mais non point ceux qui craignent
l'opprobre. Et la raison est due au fait que la nature se retranche dans un
endroit où il y a de la défaillance; aussi lorsque quelqu'un craint pour sa
vie, le sang et le souffle se retirent vers le principe de la vie, c'est-à-dire
vers le coeur. Mais lorsqu'il craint quelque chose extérieurement, le souffle
et le sang se retranchent vers les choses extérieures. Ainsi dit-il: et la confusion de ma face m'a couvert, c'est-à-dire
a recouvert mon visage de rougeur. Et il dit: la confusion de ma face, parce qu'elle naît sur la face; mais
lorsqu'elle est grande au point qu'elle couvre tout le coeur, elle est causée
par le mauvais traitement et l'avilissement.
· En parlant de la cause de la honte il dit: à la voix de celui qui m'adresse des reproches. On parle de reproche
lorsqu'on lance un outrage à la face de quelqu'un: "Durant tout le jour
mes ennemis me faisaient des reproches." La contradiction est une
détraction cachée: "Si un serpent mord dans le silence, celui qui médit en
cachette n'a rien de moins que ce serpent." Ainsi arriva-t-il aux saints
au temps de la persécution. Par exemple Maximin décréta que l'on arrête des
femmes de mauvaise vie, et qu'elles déclarent que les chrétiens commettaient
dès abominations avec elles; aussi dit-il: à la voix de celui qui m'adresse des reproches. Ils adressèrent aussi
des reproches au Christ, et vis-à-vis de lui-même et vis-à-vis de ses membres.
Et c'est pourquoi il dit: à la face de
mon ennemi et de celui qui me persécute. de mon ennemi, parce que la haine
est la cause de la persécution: "Nous souffrons la persécution", à
cause de la justice, "et nous le supportons".
18 Tous ces [maux] sont venus et
nous ne t'avons pas oublié, et nous n'avons pas iniquement agi contre ton
alliance. 19 Et notre coeur ne s'est
pas retiré en arrière; et tu as détourné nos sentiers de ta voie.
B. Ici il montre
leur persévérance dans le bien. Et il fait connaître leur stabilité dans deux
domaines. L'homme doit persister dans ce qui regarde la foi, et dans la droite
opération. Et il dit que malgré tous ces
[maux] qui sont venus sur nous,
c'est-à-dire malgré toutes les adversités précitées, ils n'ont ni abandonné la
loi dans leur coeur (aussi dit-il: nous
ne t'avons pas oublié - "Tu as fait passer tous tes flots sur moi"
-) ni abandonné le culte divin, d'où ce qui suit: et nous n'avons pas iniquement agi contré ton alliance, c'est-à-dire
nous n'avons pas abandonné la connaissance que nous avons de toi par la foi, ni
ton alliance. L'alliance de Dieu est le pacte conclu avec lui dans la loi et au
baptême; c'est pourquoi celui qui agit contre l'observance du culte divin
commet alors l'iniquité contre l'alliance de Dieu. Et cela les martyrs ne le
commirent pas. La iuxta Hebraeos de
Jérôme lit: "Et non sunt mentiti in
te (Et ils ne t'ont pas menti)", c'est-à-dire qu'ils ne l'ont point
offensé en parole: "Tiens-toi ferme dans ton alliance [avec Dieu]."
Semblablement ils sont stables dans les oeuvres de la justice, qui procèdent
d'un coeur droit; et c'est pourquoi il dit: notre
coeur ne s'est pas retiré en arrière, par l'abandon de la charité: "Quiconque,
ayant mis la main à la charrue, regarde en arrière est impropre au royaume de
Dieu." - "Ils ont abandonné le Seigneur, ils ont blasphémé le Saint
d'Israël, ils sont retournés en arrière", c'est-à-dire les pécheurs. Mais
la charité des martyrs ne s'est aucunement amoindrie quant à leurs propres
oeuvres. Et il dit: "Tu n'as pas détourné nos sentiers de ta voie",
autrement dit tu n'as pas permis que nos actions se détournent de la voie de ta
justice: "Voici la voie, marchez-y; et ne vous détournez ni à droite ni à
gauche." Ou bien: tu as détourné, selon
une autre version, nos sentiers, c'est-à-dire
ceux vers lesquels notre nature propre nous conduit, à savoir notre
concupiscence. Et ainsi puisqu'elle conduit vers les voies de notre coeur,
voies sur lesquelles il ne faut pas marcher, tu as écarté ces voies de ta
propre voie.
20 Parce que tu nous as humiliés
dans un lieu d'affliction, et l'ombre de la mort nous a enveloppés. 21 Si nous avons oublié le nom de notre Dieu,
et si nous avons étendu nos mains vers un dieu étranger; 22 est-ce que Dieu ne s'en enquerra pas ? car
il connaît, lui, les choses cachées du coeur. Puisque, à cause de toi, nous
sommes mis à mort tout le jour; nous sommes regardés comme des brebis de
tuerie.
Plus haut le psalmiste a exposé les maux que les saints ont subis,
ainsi que leur constance; mais ici il donne la raison des choses précitées. Et
l'on peut relier ce verset à ce qui précède de deux manières, selon les deux
sens susmentionnés. tu as détourné nos
sentiers, c'est-à-dire les voies par lesquelles nous cherchons ce qui
concerne la chair: et selon ce sens ce verset se relie à ce qui suit de la
manière suivante; autrement dit: tu n'as pas permis que nous nous détournions
des choses qui concernent la chair, parce
que tu nous as humiliés dans un lieu d'affliction. Ou bien: nous ne t'avons
pas oublié, parce que tu nous as affligés et humiliés. Et ce sens est meilleur.
Il expose deux maux, c'est-à-dire celui de la douleur et de la crainte. En
parlant du premier mal il dit: dans un
lieu d'affliction, c'est-à-dire en ce monde: "J'ai vu toutes les choses qui se font sous le
soleil, et voilà qu'elles sont toutes vanité et affliction de l'esprit."
Et en cela Dieu humili les saints de deux manières: par une humiliation mettant
à l'épreuve leur vertu: "J'humiliais mon âme par le jeûne, et ma prière
revenait dans mon sein"; et par une humiliation de contrainte: "On
humilia ses pieds dans des entraves; un fer transperça son âme, jusqu'à ce que
s'accomplît sa parole."
En parlant de l'humiliation de contrainte il dit: et l'ombre de la mort nous a enveloppés, c'est-à-dire le signe de
la mort future: car l'ombre s'avance; ensuite nous recevons la prédiction de la
mort. Ou bien: l'ombre de la mort, c'est-à-dire
les pécheurs qui sont dans les ténèbres, et [qui] nous ont soumis à eux et à
leur servitude: "Il considère lui-même la fin de toutes choses, et aussi
la pierre [cachée] dans l'obscurité et l'ombre de la mort. Un torrent sépare
d'un peuple étranger ceux que le pied de l'homme indigent a oubliés, et qui
sont hors de la voie."
Si
nous avons oublié le nom de notre Dieu, etc. Ici il
prouve ce qu'il a dit.
1) Et il commence
par faire connaître ces choses.
2) Puis il expose
le jugement divin.
3) Enfin il en
donne un signe visible.
1. Ainsi dit-il: "J'ai
dit: nous ne t'avons pas oublié, etc."
Et c'est pourquoi il le fait connaître: Si
nous avons oublié le nom de notre Dieu, si, c'est-à-dire non. De même: si nous avons étendu nos mains vers un dieu
étranger, c'est-à-dire étranger à la nature de la divinité et au culte des
Juifs, autrement dit si nous les prions comme des dieux, ce qui est agir iniquement
contre l'alliance de Dieu.
2. Et si nous
commettons ces choses, cela exigé le jugement de Dieu. Et le jugement de Dieu
est suffisant pour s'enquérir de cela; aussi dit-il: est-ce que Dieu ne s'en enquerra pas ?, autrement dit au contraire,
puisqu'il sait toutes choses; d'où ce qui suit: car il connaît, lui, les choses cachées du coeur. - "Le coeur
de l'homme est dépravé et inscrutable; qui le connaîtra ?", autrement dit
Dieu seul.
3. De même il
prouve cela par un signe visible: car s'ils avaient voulu s'écarter de Dieu,
les saints n'auraient aucunement souffert en ce monde de maux tels qu'ils les
endurent à présent.
a. Et il expose
d'abord la cause pour laquelle ils souffrent, car c'est la cause qui fait le
martyre; c'est pourquoi il dit: à cause
de toi, nous sommes mis à mort tout le jour. - "Mais qu'aucun de vous
ne souffre comme homicide, ou voleur, ou médisant, ou avide du bien d'autrui.
Et si c'est comme chrétien, qu'il ne rougisse point, mais qu'il glorifie Dieu
en ce monde."
b. Puis il expose
les maux qu'ils subissent: et il commence par montrer que ces maux sont dus à
la gravité de leur châtiment, à sa persistance, et à l'opinion.
- La gravité de leur châtiment: Puisque
[...] nous sommes mis à mort.
- La persistance, car c'est tout
le jour.
- "Chaque jour, je meurs, par la gloire que je reçois de vous en
Jésus-Christ notre Seigneur."
- L'opinion, c'est qu'ils croyaient les tuer non en tant que
bienheureux, mais comme mauvais et dignes de mort; et c'est pourquoi il dit: nous sommes regardés comme des brebis de
tuerie, pour le bien des hommes, ou pour la patience des martyrs, autrement
dit: pourquoi sommes-nous mis à mort tout le jour, et pourquoi sans
protestation supportons-nous cela comme des brebis conduites à la tuerie ?
Parce qu'il en fut ainsi pareillement pour le Christ.
23 Lève-toi, pourquoi dors-tu
Seigneur ? Lève-toi, et ne nous rejette pas jusqu'à la fin. 24 Pourquoi détournes-tu ta face, oublies-tu
notre misère et notre tribulation ? 25 Car
notre âme est humiliée dans la poussière, et notre ventre est collé à la terre.
26 Lève-toi, Seigneur, aide-nous, et
rachète-nous à cause de ton nom.
III. Dans cette troisième partie du psaume, le
psalmiste invoque le secours de Dieu.
A) Et il expose
d'abord la question de celui qui s'étonne.
B) Puis il
formule sa demande du secours divin.
A. Nous nous
étonnons donc de ce que Dieu permette à ses saints d'être ainsi affligés. Et
cet étonnement peut être dû à un manque de volonté, ou de connaissance de sa
part.
Le fait qu'il ne veuille pas est dû à deux choses: ou bien à cause de
sa paresse, ou bien à cause de son mépris.
En parlant de la paresse il dit: pourquoi
dors-tu Seigneur ? autrement dit: est-ce à cause de la paresse que tu
permets que nous soyons affligés ? Et il est dit s'endormir (obdormire) à cause de l'effet: "Vois,
il ne s'endormira pas, ni ne dormira, celui qui gardé Israël."
En parlant du mépris il dit: et
ne nous rejette pas jusqu'à la fin, c'est-à-dire finalement, bien que tu
paraisses nous avoir rejetés pour un temps. Et on dit cela du Christ, afin
qu'il soit notre parole, autrement dit: tu t'es caché, et tu n'es pas encore
ressuscité dans la foi dès nations. Lève-toi sur eux, et que nous ne soyons pas
rejetés loin de celles-ci.
Pourquoi détournes-tu ta face ? Son manque de connaissance est dû à deux
choses:
Ou bien parce qu'il ne voit pas, et c'est pourquoi il dit: détournes-tu ? Lorsque Dieu vient en
aide, il semble regarder; quand il ne vient pas en aide, il semble se détourner:
en regardant, "j'ai vu l'affliction de mon peuple en Égypte, et j'ai
entendu sa clameur à cause de la dureté de ceux qui président aux travaux".
- "Ne détourne pas ta face de moi; ne te retiré point, dans ta colère, de
ton serviteur." Ou bien: Pourquoi
détournes-tu ta face ?, de sorte que nous ne te voyons pas: car dans la
mesure où nous te verrions, nous ne souffririons d'aucun mal.
Ou bien parce qu'il a oublié; et c'est pourquoi il dit: Pourquoi oublies-tu notre misère et notre
tribulation ? Ici il énumère les maux que nous endurons. Et il y a un
triple mal: Dans les choses extérieures, dans le corps, et dans l'âme.
En parlant des choses extérieures il dit: oublies-tu notre misère ? car au sens littéral ils étaient pauvres
à cause des biens qui leur avaient été enlevés: "Vous avez supporté avec
joie l'enlèvement de vos biens, sachant que vous avez une meilleure et durable
richesse."
En parlant du corps il dit: notre
tribulation, car "nombreuses sont les tribulations des justes".
En parlant de l'âme il dit: Car notre âme est humiliée dans la
poussière. Certains sont humiliés dans leur âme, d'autres dans leur corps,
d'autres encore dans le tréfonds de leur esprit; et c'est pourquoi il dit: notre ventre est collé à la terre. Et il
emploie le mot ventre pour désigner
le corps. Ou bien notre âme est humiliée
dans la poussière se réfère à l'effet dans les réalités spirituelles: car l'âme, c'est-à-dire la pensée de l'âme,
pense à des choses terrestres: "C'est [du sein] de la terre que tu
parleras, et de la poussière que sera entendue ta parole." Et le ventre, c'est-à-dire la sensualité,
adhère totalement à la terre. Ou bien autrement: Car notre âme est humiliée dans la poussière, etc., c'est-à-dire les plus parfaits d'entre
nous sont humiliés par la poussière, c'est-à-dire
par le pécheur: "Ils sont comme la poussière qu'emporte le vent de la face
de la terre." Semblablement, notre
ventre, c'est-à-dire ceux qui parmi nous sont faibles, ont adhéré aux
hommes terrestres, car ils se sont écartés de la foi.
B. Face à l'oubli
il dit: aide-nous. Face à
l'endormissement il dit: Lève-toi. Et
face aux maux il dit: et rachète-nous à
cause de ton nom.
1 Pour la fin,
pour ceux qui seront changés, des fils de Coré, pour l'intelligence, cantique
pour le bien-aimé.
2 Mon coeur a émis
une bonne parole; moi je dis mes oeuvres au roi. Ma langue est une plume de
scribe écrivant rapidement.
3 Admirable en
beauté par-dessus les enfants des hommes, la grâce est répandue sur tes lèvres;
c'est pourquoi Dieu t'a béni pour l'éternité.
4 Ceins ton glaive
sur ta cuisse, ô très puissant, dans ton aspect et ta beauté.
5 Sois attentif,
avance avec prospérité et règne. Pour la vérité et la mansuétude; et ta droite
te conduira admirablement. 6 Tes flèches sont acérées, des peuples tomberont à
tes pieds, [elles pénétreront] aux coeurs des ennemis du roi.
7 Ton trône, ô
Dieu, [est établi] dans les siècles des siècles; [c'est un] sceptre de droiture
[que] le sceptre de ton règne. 8 Tu as aimé la justice et haï l'iniquité; c'est
pour cela que Dieu, ton Dieu, t'a oint d'une huile d'allégresse de préférence à
tes compagnons.
9 La myrrhe, la
goutte et la casse [s'exhalent de] tes vêtements, [et] de tes palais d'ivoire,
dont t'ont délecté 10a des filles de roi en ton honneur.
10b La reine s'est
tenue debout à ta droite, dans un vêtement orné d'or, environnée d'ornements
divers.
11 Écoute ma
fille, et vois, et incline ton oreille; et oublie ton peuple, et la maison de
ton père. 12 Et le roi désirera ta beauté; parce que lui-même est le Seigneur
ton Dieu et ils l'adoreront. 13 Et les filles de Tyr [viendront] avec des
présents; tous les riches du peuple imploreront ton visage.
14 Toute la gloire
de la fille du roi est à l'intérieur, avec des franges d'or, 15a elle est
enveloppée d'ornements variés.
15b Des vierges
seront amenées au roi après elle; ses proches te seront présentées. 16 Elles te
seront présentées dans l'allégresse et l'exultation, elles seront conduites
dans le temple du roi.
17 À la place de
tes pères des fils te sont nés; tu les établiras princes sur toute la terre. 18
Ils se souviendront de ton nom, Seigneur, dans toute la suite des générations.
C'est pour cela que les peuples te confesseront éternellement, et dans les
siècles des siècles.
Plus haut le psalmiste a exposé sa prière à cause de l'opposition au
royaume et au roi; ici il semble exposer la gloire du royaume et du roi en
mentionnant le bienfait divin.
Il commence par exposer ce bienfait divin; ensuite il invite par cet
exemple les autres nations à servir Dieu: "Toutes les nations, battez des
mains."
À propos du bienfait divin il fait deux choses. Il expose en premier
lieu la gloire du roi et la magnificence du royaume; ensuite il expose la paix
du royaume: "Dieu est notre refuge et notre force."
Ce psaume est appelé épithalame. En effet, il était habituel de chanter
au cours des noces quelques chants à la louange de l'époux et de l'épouse, et
ces chants sont appelés épithalamiques. La matière de ce psaume traite donc des
épousailles du Christ et de l'Église, qui furent entamées tout d'abord lorsque
le Fils de Dieu s'unit à la nature humaine dans le sein virginal: "En lui
comme un époux qui sort de la chambre nuptiale." C'est pourquoi la matière
de ce psaume et celle du livre appelé le Cantique des Cantiques est la même.
1 Pour la fin, pour ceux qui
seront changés, des fils de Coré, pour l'intelligence, cantique pour le
bien-aimé.
2 Mon coeur a émis une bonne
parole; moi je dis mes oeuvres au roi. Ma langue est une plume de scribe
écrivant rapidement.
Ce psaume est intitulé: Pour la
fin, pour ceux qui seront changés, des fils de Coré, pour l'intelligence,
cantique pour le bien-aimé. Cela peut s'entendre de deux manières. Selon
une manière, comme complément au psaume, afin d'expliquer son sens. Ce psaume,
en nous conduisant au Christ comme fin, s'adresse à ceux qui seront changés,
c'est-à-dire à ceux qui passeront de l'état d'infidélité au Christ. Aussi
dit-il: À la place de tes pères des fils te sont nés. De même, ce psaume
convient à la Passion du Christ, c'est-à-dire à ceux qui croient dans le Christ
qui a souffert; et cela afin de comprendre le mystère du Christ et de l'Église.
Et il ne s'agit pas seulement d'un psaume, mais aussi d'un cantique pour le bien-aimé, c'est-à-dire pour le Christ: "Celui-ci
est mon fils bien-aimé en qui j'ai mis mes complaisances." Une version de
Jérôme lit ainsi: "Victoria pro
liliis filiorum Core, canticum pro dilectissimo (Victoire pour les lis des
fils de Coré, cantique pour le très bien-aimé." En disant: "pour les
lis", il montre que ce psaume traite des délices de l'époux et de
l'épouse. Et cela est signifié par les fleurs, les roses et les lis: "Soutenez-moi
avec des fleurs, fortifiez-moi avec des pommes, parce que je languis d'amour"
Ceci s'applique aux vierges qui sont comme des lis.
Ce psaume se divise en trois parties.
I) Le psalmiste commence par exposer le
préambule à ce cantique.
II) Puis il fait l'éloge de l'époux: 3 Admirable en beauté.
III) Enfin il fait l'éloge de l'épouse: 11 Écoute ma fille.
I. En exposant le préambule à ce cantique il
fait trois choses.
A) Il expose
d'abord la publication du psaume.
B) Ensuite il
fait connaître son destinataire: moi je
dis mes oeuvres au roi.
C) Enfin il
désigne son auteur: Ma langue est une
plume.
A. La publication
de ce psaume est désignée par ces mots: Mon
coeur a émis (eructavit) une bonne
parole. L'éructation est due à une trop grande abondance, ou rassasiement:
ce qui signifie qu'il parle ici avec une dévotion et une sagesse abondantes: "C'est
de l'abondance du coeur que la bouche parle." Il faut noter que la
publication de ce psaume est attribuée au coeur qui l'a composé avec une grande
dévotion; car David n'est pas de ceux dont il est dit: "Ce peuple m'honore
des lèvres, mais son coeur est loin de moi"; mais il proclame avec le
coeur les louanges du Christ: "Je chanterai d'esprit des cantiques, mais
je les chanterai aussi avec l'intelligence." ce coeur a émis une parole,
c'est-à-dire de ce psaume: parole qui est bonne, parce qu'elle apporte la
consolation; en effet elle exprime les mystères du Christ et de l'Église: "Elle
est sûre cette parole", et aucune parole n'est meilleure que celle-là. - "Le
Seigneur répondit à l'ange qui parlait en moi de bonnes paroles, des paroles de
consolation."
B. moi je dis, c'est-à-dire j'annonce, mes oeuvres au roi, c'est-à-dire en
l'honneur du Christ roi: "Voici que dans la justice régnera un roi",
autrement dit: je chante ce psaume pour honorer le Christ auquel nous devons
dédier toutes nos oeuvres: "Quoi que vous fassiez en parole ou en oeuvre,
faites tout au nom du Seigneur Jésus-Christ, en rendant grâces par lui à Dieu
et Père."
C. Ma langue est une plume de scribe. Ici
il expose l'auteur du psaume, qui est une langue, autrement dit: il ne faut pas
comprendre que j'ai écrit ce psaume de moi-même, mais avec le secours de
l'Esprit-Saint, qui se sert de ma langue comme le scribe se sert de sa plume.
Et c'est pourquoi l'auteur principal de ce psaume est l'Esprit-Saint: "L'Esprit
du Seigneur a parlé par moi", comme par un instrument: "Ce n'est pas
par la volonté des hommes que la sagesse a jamais été apportée; mais c'est
inspirés par l'Esprit-Saint qu'ont parlé les saints hommes de Dieu." Et de
qui est la plume ? D'un scribe écrivant
rapidement, du Saint-Esprit qui écrit rapidement dans le coeur de l'homme.
Car ceux qui cherchent la sagesse par l'étude étudient pendant longtemps; mais
ceux qui l'obtiennent de l'Esprit-Saint, l'acquièrent rapidement: "Tout à
coup il y eut un bruit comme le souffle d'un violent coup de vent, et il
remplit toute la maison où ils se tenaient." Ceux qui acquièrent la
science par la révélation divine, sont subitement remplis de sagesse, comme le
sont ceux qui sont remplis de l'Esprit-Saint: "Aussitôt court sa parole."
- "Il est facile aux yeux du Seigneur d'enrichir soudain le pauvre."
Ou bien c'est la plume de celui qui oeuvre rapidement, car "il a dit, et
les choses ont été faites." Mais la langue peut se rapporter à une autre
chose, car non seulement elle a voulu dire, mais elle a d'abord pensé dans le
coeur, puis elle a exprimé par la bouche, et enfin elle a écrit, autrement dit
non seulement elle fut utile à ceux qui sont présents, mais aussi aux
générations futures: "Prends-toi un grand livre et écris sur celui-ci en
style d'homme." - "Écris la vision, et expose-la sur des tablettes."
Tel est donc le sens littéral de cette exposition. Mais certains affirment que
ces paroles sont dites pour louer le Christ selon sa divinité, comme si ces
paroles étaient de Dieu le Père. Mais Augustin et Jérôme n'approuvent pas cette
exposition; il faut toutefois noter que Denys se réfère à cette exposition dans
son livre des Noms divins, là où il
commente cette parole: mon coeur a émis
(eructavit).
Selon cette exposition le Christ est loué par le Père de trois
manières.
1) On décrira
d'abord son émanation.
2) Puis sa
puissance: moi je dis.
3) Enfin son opération:
Ma langue.
1. À propos de
son émanation du Père il expose quatre choses:
a. D'abord sa
procession naturelle, lorsqu'il dit: a
émis: ce qui est une émanation de la plénitude; aussi la procession du Fils
par rapport au Père est-elle une émission (eructatio)
divine, puisqu'il procède de la plénitude la nature divine: "Le Père
aime le Fils et il a tout remis dans sa main."
b. Puis il expose
le mode de son émanation, car ce n'est pas d'une manière corporelle ni d'une
autre nature, mais par mode spirituel. Mon
coeur, non pas comme si c'était de rien, ni venant d'une autre essence,
mais de mon coeur: "De mon sein avant l'étoile du matin je t'ai engendré."
c. Ensuite il
expose la propriété de celui qui procède, car il est le Verbe: "Dans le
principe était le Verbe."
d. Enfin il expose la perfection de celui qui procède, car il est bon,
comme ayant toute la bonté de la divinité: "Nul n'est bon si ce n'est Dieu
seul."
2. Il montre sa
puissance lorsqu'il dit: moi je dis, c'est-à-dire
j'agis par le verbe, toutes mes oeuvres
au roi, c'est-à-dire en l'honneur du roi, à savoir du Fils, qui est un seul
Dieu avec moi: "Toutes choses ont été faites par lui."
3. Son opération
propre est désignée lorsqu'il dit: Ma
langue est une plume de scribe, autrement dit, puisque lui-même est ma
langue, il est aussi une plume de scribe. Dans l'Écriture sainte les opérations
sont désignées de manière métaphorique par les instruments ou par les membres,
qui sont les principes des opérations; et ainsi par la langue et la plume est désignée
l'opération de Dieu qui convient à la langue et à la plume. L'opération de la
langue est de répandre par elle la sagesse du coeur chez les autres; tandis que
celle de la plume est de traduire en matière sensible, c'est-à-dire sur un
parchemin, la sagesse qui est dans le coeur. Or Dieu parle et écrit. Il parle
lorsqu'il répand sa sagesse dans les âmes raisonnables: "J'écouterai ce
que dira au-dedans de moi le Seigneur Dieu." Et cette opération est
appelée Verbe, parce que par lui-même se fait toute illumination: "Et la
vie était la lumière des hommes." Il écrit, parce qu'il imprime les
jugements de sa sagesse dans les créatures raisonnables: "Ses perfections
invisibles, rendues compréhensibles depuis la création du monde par les choses
qui ont été faites, sont devenues visibles aussi bien que sa puissance
éternelle et sa divinité." - "[Dieu] a répandu sa [sagesse] sur
toutes ses oeuvres et sur toute chair, selon le don qu'il en a fait; or, il l'a
donnée à ceux qui l'aiment." Car de même que celui qui regarde un livre
reconnaît la sagesse de l'écrivain, ainsi lorsque nous, nous considérons les
créatures, nous reconnaissons la sagesse de Dieu. La plume est donc le Verbe de
Dieu.
3 Admirable en beauté par-dessus
les enfants des hommes, la grâce est répandue sur tes lèvres; c'est pourquoi
Dieu t'a béni pour l'éternité.
II. Après avoir exposé le prologue en lui
conférant un premier sens, ou bien selon un autre sens en le référant au Christ
selon sa divinité, le psalmiste loue ici le Christ selon son humanité. Et en
disant: moi je dis mes oeuvres au roi, il
loue le Christ sous la représentation d'un roi, c'est-à-dire du roi David, en
considérant quatre choses: sa gracieuseté, sa force à la guerre, son pouvoir
judiciaire, la multitude de ses délices. La deuxième considération se rapporte
à: 4 Ceins ton glaive. La troisième à:
7 Ton trône. La quatrième à: 9 La myrrhe.
A. En parlant de
sa gracieuseté il fait deux choses.
1) Il commence
par décrire la gracieuseté du roi.
2) Ensuite la
cause ou l'effet de sa gracieuseté: c'est
pourquoi.
1. Notons qu'il y
a deux sens qui exercent principalement leur puissance dans l'homme: ce sont la
vue et l'ouïe. Et ces deux sens font apparaître la beauté de quelqu'un: la
beauté à la vue; la parole gracieuse à l'ouïe. Or ces deux qualités furent
avant tout dans le Christ; d'où ces paroles du Cantique: "Montre-moi ta
face, que ta voix retentisse à mes oreilles; car ta voix est douce et ta face
gracieuse." Car le Christ fut beau, et il fut éloquent dans les choses qui
illustrent son éloquence. Concernant la première qualité il dit: "beau
dans sa forme".
Et il faut noter qu'il y a dans le Christ quatre sortes de beauté.
La première est selon sa forme divine: "[Le Christ Jésus] qui,
étant dans la forme de Dieu, n'a pas cru que ce fut une usurpation de se faire
égal à Dieu." Et selon celle-ci il fut beau par-dessus les enfants des
hommes: car tous ont seulement la grâce par dérivation et participation, tandis
que lui l'a de lui-même et en plénitude: "En lui toute la plénitude de la
divinité habite corporellement." - "Lui qui, étant la splendeur de sa
gloire et l'empreinte de sa substance, et soutenant toutes choses par la
substance de sa parole, après avoir opéré la purification des péchés, est assis
à la droite de la majesté, au plus haut des cieux." - "Il est l'éclat
de la lumière éternelle, le miroir sans tache de la majesté de Dieu."
La deuxième est la beauté de la justice et de la vérité: "Que le
Seigneur te bénisse, beauté de justice, montagne sainte." - "Le Verbe
s'est fait chair, et il a habité parmi nous et nous avons vu sa gloire comme la
gloire qu'un Fils unique reçoit de son Père, plein de grâce et de vérité."
La troisième est la beauté de la conduite
honnête, et il est écrit à ce propos: "Faites-vous le modèle (forma) du
troupeau." Et selon ce modèle (forma) il fut beau par-dessus les enfants des hommes,
car sa conduite fut plus honnête et vertueuse que quiconque: "Lui qui n'a
pas commis de péché, et en la bouche de qui n'a pas été trouvée la tromperie."
Augustin commente ce passage en disant: "Pour nous qui le contemplons il
est toujours beau: beau dans les bras de ses parents, beau dans ses miracles,
beau sous les coups de fouet, beau lorsqu'il dépose son âme, beau au gibet,
beau sur la croix, beau dans le ciel."
La quatrième sorte de beauté est la beauté du corps: et cette dernière
fut aussi inhérente au Christ: "Vois que toi, tu es beau, mon bien-aimé,
et plein de grâce."
Mais, selon cette beauté, fut-il beau pardessus les enfants des hommes
? Il semble que non, car il est écrit dans Isaïe: "Nous l'avons vu, et il
n'avait en lui ni éclat ni beauté." De même on prouve par un argument de
raison que le Christ a voulu avoir la pauvreté, et non jouir des richesses,
afin de nous enseigner à mépriser celles-ci. Mais tout comme ces richesses sont
méprisables, ainsi en est-il de la beauté corporelle: "Trompeuse est la
grâce, et vaine est la beauté."
Réponse: la beauté, la santé, et autres choses du même genre sont dites
en quelque sorte en considération de quelque chose: car un certain mélange
d'humeurs qui donne la santé à l'enfant ne la donne pas au vieillard; car ce
qui fait la santé du lion engendre la mort pour l'homme. C'est pourquoi la
santé consiste dans une proportion équilibrée des humeurs en fonction de telle
ou telle nature. Et semblablement la beauté consiste dans le rapport harmonieux
des membres et des couleurs. Et c'est pourquoi différente est la beauté de
l'un, différente celle de l'autre: et ainsi le Christ eut-il cette beauté
corporelle selon qu'elle convenait à l'état et au rapport de sa condition. Il
ne faut donc pas comprendre que le Christ eut des cheveux blonds, ou bien qu'il
aurait été roux, parce que cela ne lui aurait pas convenu; mais qu'il eut cette
beauté corporelle par excellence, celle qui convenait à l'état, au respect et
au charme de son aspect: il rayonnait sur son visage quelque chose de tellement
divin que tous le révéraient, comme le dit Augustin.
En résumé, pour répondre à la première objection, il faut dire que le
prophète Isaïe veut exprimer le mépris [dont le] Christ [fut l'objet] dans sa
Passion, au cours de laquelle la forme de son corps fut déformée à cause d'une
multitude de tourments. Pour répondre à l'autre objection, il faut dire que
doivent être méprisées ces richesses et ces beautés dont nous faisons mauvais
usage.
Le Christ fut aussi gracieux dans sa parole, aussi le psalmiste dit-il:
la grâce est répandue sur tes lèvres.
- "La langue gracieuse produit dans l'homme de bien des fruits abondants."
Et sa parole est gracieuse. Une parole de quelqu'un est considérée comme
gracieuse en trois circonstances: Lorsqu'il dit des choses qui plaisent et sont
utiles; ainsi la parole du Christ fut gracieuse, parce qu'elle imposait des
choses faciles et promettait le repos: "Venez à moi, vous tous qui prenez
de la peine et qui êtes chargés, et je vous soulagerai." - "Seigneur,
à qui irions-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle." Semblablement
on dit de quelqu'un qu'il a la parole gracieuse à cause de sa manière ordonnée
et chaleureuse de s'exprimer; ainsi le Christ s'exprima-t-il d'une manière
ordonnée et chaleureuse: "Ta parole a été très éprouvée par le feu et ton
serviteur l'a aimée." De même on dit de quelqu'un qu'il a la parole
gracieuse à cause de son efficacité à persuader; pareillement le Christ
s'exprima de cette manière: "Il les instruisait [dans le Temple] comme
ayant autorité, et non comme leurs scribes et les pharisiens." Et c'est
pourquoi Luc dit que "tout le peuple venait de grand matin vers lui au
Temple pour l'écouter." Et Jean écrit: "Jamais homme n'a parlé comme
cet homme."
2. c'est pourquoi Dieu t'a béni pour
l'éternité. Ici le psalmiste expose la cause ou l'effet de sa beauté. Comme
on l'a déjà dit, quand Dieu bénit, cela signifie l'effet de sa bonté, ou qu'il
fait le bien en la prodiguant. Ainsi donc Dieu donna au Christ un double
bienfait. Le bienfait de la gloire ou du royaume: et c'est la récompense des
mérites du Christ: "C'est pourquoi Dieu l'a exalté et lui a donné un nom
qui est au-dessus de tout nom." Et ainsi ce mot c'est pourquoi indique une cause méritoire, autrement dit, parce
que tu es beau dans ta forme, gracieux dans ton enseignement, c'est pourquoi Dieu t'a béni pour
l'éternité, de la bénédiction spirituelle du royaume: "En ta postérité
toutes les nations de la terre seront bénies." L'autre bienfait est celui
de la grâce; et en voici le sens: c'est
pourquoi Dieu t'a béni pour l'éternité, étant donné que toi tu étais beau,
et que la grâce s'était répandue sur tes lèvres.
4 Ceins ton glaive sur ta cuisse,
ô très puissant, dans ton aspect et ta beauté.
B. Ici le
psalmiste le décrit puissant dans sa force.
1) Et d'abord sa
force dans la guerre.
2) Puis sa marche
au combat: Sois attentif
3) Enfin son
effet: ta droite te conduira.
1. Sa force dans
la guerre consiste dans sa force naturelle et dans la préparation des armes.
Il présente ainsi d'abord le fort armé lorsqu'il dit: Ceins ton glaive. Selon une autre
version il dit: "Super femur tuum
potentissime (Sur ta cuisse, ô très puissant)", et ici est signifiée
la force des armes: "Chacun a son glaive sur sa cuisse." Mais selon
la Glose, autre chose est d'être
ceint (accingi) être attaché par une
ceinture), parce que ceux qui sont ceints de cette manière se préparent à la
guerre, à savoir les soldats: "Ceignez-vous, et soyez des fils puissants,
et soyez prêts pour le matin [...]; parce que mieux vaut pour nous de mourir
dans le combat, que de voir les maux de notre nation et des choses saintes."
Autre chose est d'être ceint (praecingi, être entouré d'une ceinture), car sont
ceints de cette manière ceux qui se préparent à servir: "Il se ceindra, et
les fera mettre à table, et passant de l'un à l'autre, il les servira."
Autre chose est d'être ceint par-dessous (succingi);
parce que sont court-vêtus ceux qui se préparent à marcher: "Le voleur
ayant retroussé son vêtement par la ceinture (succinctus) erre de cité en cité." Autre chose est d'ôter sa
ceinture (discingi), parce qu'ôtent
leur ceinture ceux qui vont se reposer: "Que celui qui a mis sa ceinture (accinctus) ne se glorifie point comme
celui qui a ôté sa ceinture (discinctus)."
Ton glaive. Le glaive du Christ est
sa doctrine. À propos de ce glaive, il est écrit dans les Éphésiens: "Le
glaive de l'Esprit est la parole de Dieu." Par ce glaive le Christ a mis
la division dans ce monde, afin que le bien soit discerné du mal: "Je ne
suis pas venu apporter la paix, mais le glaive." Ce glaive est "à
deux tranchants", comme l'atteste l'Apocalypse, car le Christ enseigne au
sujet des réalités éternelles et temporelles. Et sur ta cuisse, parce que
par l'instrument de son humanité il s'est servi de la parole de sa doctrine: "Moi-même
qui parlais, me voici présent."
ô très puissant. Le psalmiste montre ici sa force ou sa
puissance naturelle: "Il n'est pas de fort comme notre Dieu." - "Si
j'ai recours à la force, il est très puissant." Selon Jérôme et les
versions hébraïques, dans ton aspect est
relié à ô très puissant, et le tout
ne fait qu'un seul verset; et c'est de cette manière qu'on le lit dans la Glose; et si on relie ainsi ce mot avec ô très puissant, en voici le sens: toi,
ô Christ, tu es très puissant, dans ton
aspect, c'est-à-dire celui de ton humanité, selon laquelle tu es aussi très
grand en force: "Son aspect est comme celui du Liban." et [dans] ta beauté, c'est-à-dire celle de ta divinité: "Si, ravis de
leur beauté, ils les ont crus des dieux, qu'ils sachent combien est plus beau
leur dominateur; car c'est l'auteur de la beauté qui a établi toutes ces
choses." Ou bien, tu es très puissant dans
ton aspect, c'est-à-dire dans ta beauté éclatante. C'est pourquoi une
version de Jérôme lit: laude tua (dans
ta louange), car tu es louable et glorieux, parce que tu es armé et fort.
5 Sois attentif, avance avec
prospérité et règne. Pour la vérité et la mansuétude et la justice; et ta
droite te conduira admirablement 6 Tes
flèches sont acérées, des peuples tomberont à tes pieds, [elles pénétreront]
aux coeurs des ennemis du roi.
2. Plus haut le
psalmiste a loué le Christ en exposant sa force et sa magnificence royale, mais
ici il traite de la marche du roi; et à ce propos il fait deux choses.
a) Il parle
d'abord de la marche du roi.
b) Puis il en
donne la cause.
a. À propos de la
marche du roi, il faut savoir qu'à la place des trois choses qui sont
mentionnées ici: Sois attentif avance
avec prospérité et règne, dans la iuxta
Hebraeos de Jérôme on lit seulement: "Prospere ascende (Monte avec prospérité)." Dans l'ascension
est signifiée la marche: "Comme un lion, il montera de l'orgueil du
Jourdain vers une beauté puissante."
Il est donc manifeste que ces trois choses se rapportent à une certaine
perfection et élévation.
Dans l'escalade de celui qui guerroie il y a trois choses: le début, le
milieu et la fin.
Le début doit être une considération attentive et accompagnée de
discernement: "Parce que c'est avec réflexion que s'entreprend une guerre."
Et dans Luc il est écrit: "Quel est le roi qui, devant aller faire la
guerre à un autre roi, ne s'assied pas auparavant, et ne songe pas en lui-même,
s'il peut, avec dix mille hommes, aller à la rencontre de celui qui vient
contre lui avec vingt mille ?" C'est pourquoi Sois attentif, c'est-à-dire considère avec attention. Et dans le
Christ être attentif (intendere) signifie
l'économie de sa miséricorde avec laquelle il se rend attentif au salut du
genre humain: "Sois attentif à venir à mon aide."
Le milieu est la marche prospère. Quant à la
marche du Christ, elle s'entend de deux manières. Ou bien, en tant qu'il
procéda du sein de la Vierge dans sa nativité: "Comme un époux sortant de
sa chambre nuptiale." Et cela fut une procession prospère, car il naquit
sans péché et n'enleva pas la virginité à sa mère ni ne lui causa de la
douleur. Ou bien, en tant qu'il procéda de l'homme pour convertir l'homme, un
tel et un tel. Et en cela sa marche fut prospère, puisqu'il parvint finalement
à la conversion du monde entier: "[Ma parole] fera tout ce que j'ai voulu,
et elle réussira dans toutes les choses pour lesquelles je l'aurai envoyée."
- "Ô Seigneur, fais-moi bien prospérer." Le mot Sois attentif peut être relié à dans
ton aspect, autrement dit: Sois donc attentif dans la force éclatante de
ton humanité, etc., et dans la beauté de ta divinité.
Sa fin, c'est son règne: "Dieu régnera
sur [toutes] les nations." Sa fin, c'est qu'il règne par la foi dans tous
les coeurs: "Et il régnera éternellement sur la maison de Jacob." Et
c'est pourquoi il dit: et règne.
b. La cause de sa
marche est la vérité. Et c'est une cause ou dispositive ou finale. Si ce propter (pour) est mentionné en tant que
cause dispositive, suivant cette version de Jérôme: "Propter verbum veritatis et mansuetudinem justitiae (À cause de la
parole de la vérité et de la mansuétude de la justice)", il faut noter que
deux choses sont nécessaires pour qu'un roi agisse avec prospérité. D'abord,
qu'on lui donne la confiance; car si on ne lui donne aucune confiance et que
lui-même accorde sa confiance aux autres, il ne pourrait rien faire de plus
qu'un homme: "Les paroles graves ne conviennent pas à un." Puis qu'il
soit aimé, car s'il n'est pas aimé il ne peut prospérer dans son règne ni dans
ses affaires; et la mansuétude et la clémence du roi suscitent cet amour: "Mon
fils, accomplis tes oeuvres avec mansuétude, et tu seras encore plus aimé que
glorifié par les hommes." Et ainsi ces deux choses contribuent à la prospérité
du roi: "La miséricorde et la vérité gardent le roi." - "Les
hommes doux hériteront de la terre, et ils jouiront d'une abondance de paix."
Mais d'après notre version, pour qu'un roi puisse prospérer dans ses affaires,
il doit avoir trois choses: la vérité, la mansuétude, et la justice. Et ces
trois choses firent prospérer le Christ: car il fut vrai dans son enseignement,
doux dans sa souffrance, juste dans ses actes.
Au sujet de sa véracité dans son enseignement, il est écrit dans
Matthieu: "Nous savons que tu es vrai, que tu enseignes la voie de Dieu
dans la vérité, et que tu n'as égard à qui que ce soit; car tu ne considères
point la face des hommes."
Au sujet de sa douceur dans sa souffrance il est écrit: "Lui qui,
maltraité, ne menaçait point." - "Et moi, j'ai été comme un agneau
plein de douceur que l'on porte pour [en faire] une victime."
Au sujet de sa justice dans ses actes, il est écrit qu'en aucun cas il
ne s'est départi de la justice: "Le Seigneur est fidèle dans toutes ses
paroles."
Mais si ce mot Pour (propter) indique
la cause finale, en voici le sens: Sois
attentif, avance avec prospérité et règne, c'est-à-dire afin que tu fasses
la vérité. Or le Christ fit la vérité de deux manières: en accomplissant les
promesses, et en réalisant les figures: "Je dis que le Christ Jésus a été
le ministre de la circoncision pour [justifier] la vérité de Dieu et confirmer
les promesses faites à nos pères." - "Toutes les promesses de Dieu
ont en effet leur oui en lui." Et d'autre part pour faire descendre sa
mansuétude sur ses disciples: "Apprenez de moi que je suis doux et humble
de coeur, et vous trouverez du repos pour vos âmes." Et de même: règne, à cause de la justice: "Le
Père a remis tout jugement au Fils."
3. et ta droite te conduira admirablement. Ces mots signifient avec précision la manière
de s'avancer. avance avec prospérité. Et
comment ? ta droite te conduira. Et
il parle à la manière de celui qui guerroie, lequel, s'il se trouve face à un
ennemi, se dit: il faut que ta main te prépare la voie, et ainsi en faisant la
guerre tu passeras, autrement dit, avance, si ta main droite te prépare la
voie. Et cela de manière admirable, car tous seront dans l'admiration. La
version iuxta Hebraeos de Jérôme lit:
"Docebit te dextera tua (Ta
droite t'enseignera)", c'est-à-dire tandis que tu feras des exploits, ta
main te montrera admirable. Cependant dans un autre psaume on lit: "Manus tua deducet te (Ta main te conduira)."
Mais il faut dire que cette version ne s'oppose pas à celle de ce psaume, car
le Christ est Dieu et homme. Et c'est pourquoi en tant qu'il est Dieu, sa
droite et celle du Père sont la même. Et sa droite a conduit le Christ
admirablement dans l'attaque des ennemis: "Ta droite, Seigneur, s'est
signalée dans sa force; ta droite, Seigneur, a frappé l'ennemi." Et dans
l'accomplissement des miracles par la puissance de sa divinité. C'est pourquoi
il s'est préparé une voie dans le coeur des hommes: "La droite du Seigneur
a exercé sa puissance, la droite du Seigneur m'a exalté, la droite du Seigneur
a exercé sa puissance." Et si nous considérons sa voie, il est admirable: "Seigneur,
tu es très admirable, et ta face est pleine de grâces." Semblablement si
nous considérons ses paroles: "Admirables sont tes oeuvres, mon âme le
reconnaît parfaitement."
Tes flèches sont acérées, autrement dit: je te préparerai une voie,
parce que tes flèches sont acérées. Et il expose ici la force des armes et leur
effet. Les armes du Christ sont les flèches, qui sont les paroles du Christ, et
elles sont appelées flèches pour trois raisons.
a. D'abord, parce
que la flèche par son acuité pénètre jusqu'au coeur: "Je la conduirai dans
la solitude, et je parlerai à son coeur"; ainsi en est-il des paroles du
Christ: "La parole de Dieu est vivante, efficace, et plus pénétrante que
tout glaive à deux tranchants."
b. Semblablement
la flèche se déplace rapidement: "Comme une flèche lancée vers un but;
l'air qu'elle sépare se réunit aussitôt, en sorte qu'on ignore son passage."
Ainsi la parole du Christ la soudain rempli toute la terre, puisque, avant la
destruction de Jérusalem, la parole du Christ fut presque répandue à travers le
monde entier: "C'est lui qui envoie sa parole à la terre. Avec vitesse
court sa parole."
c. Semblablement
la flèche atteint des objectifs éloignés; ainsi en est-il aussi de la parole du
Christ: "Leur bruit s'est répandu dans toute la terre, et leurs paroles
jusqu'aux confins du globe de la terre." Et ainsi la parole de Dieu est un
glaive, en tant qu'elle a blessé les Juifs, lesquels se sont convertis au Christ
qui était proche; voilà pourquoi il est dit: Ceins ton glaive; et elle est aussi une flèche en tant qu'elle
parvint aux nations éloignées, et elles se sont converties au Christ: "Il
a annoncé la paix et à vous qui étiez loin, et la paix à ceux qui étaient près."
des
peuples tomberont à tes pieds. Ici le psalmiste expose
l'effet de la parole divine, qui est la conversion du peuple à Dieu; aussi
dit-il: des peuples tomberont à tes pieds, c'est-à-dire tous courent
vers toi: "Qu'au nom de Jésus, tout genou fléchisse dans le ciel, sur la
terre et dans les enfers, et que toute langue confesse que le Seigneur
Jésus-Christ est dans la gloire de Dieu le Père." Mais pourquoi
ajoute-t-il: aux coeurs des ennemis du
roi ? Cela peut se comprendre de deux manières. Ou bien en tant que ces
mots sont reliés à la première partie de ce verset, et que: des peuples tomberont à tes pieds est
une intercalation; et en voici le sens: tes flèches acérées entrent dans le
coeur des ennemis du roi. Tes paroles sont comme des flèches qui pénètrent les
coeurs, etc. Et à cause de cela des
peuplés tomberont à tes pieds. Ou bien en tant que cette fin du verset est
reliée à des peuples tomberont à tes
pieds, c'est-à-dire [dans les] coeurs,
ou bien aux coeurs des ennemis du
roi, c'est-à-dire de toi qui es roi. Car certaines choses se soumettent
avec violence, c'est le cas de la soumission d'ennemis. Et il dit qu'il ne
parle pas de cette soumission-là, mais bien de la soumission volontaire; et
c'est pourquoi il dit [dans les] coeurs, autrement
dit, en tant que ces coeurs se soumettent, d'ennemis du Christ qu'ils étaient: "Je
t'offrirai volontairement un sacrifice." Ou bien autrement: Tes flèches sont acérées, des peuples
tomberont sous tes pieds aux coeurs des ennemis du roi. Des peuples, dis-je,
qui étaient ennemis du roi, c'est-à-dire du Christ, autrement dit: ceux qui
étaient contre le roi, c'est-à-dire le Christ, se sont soumis à lui. Et
littéralement parlant cela eut lieu de cette manière: car les nations païennes
qui se sont efforcées de détruire la foi du Christ, servent à présent le Christ:
"Voilà que tu appelleras une nation que tu ne connaissais pas; et les
nations qui ne t'ont pas connu accourront vers toi, à cause du Seigneur, ton
Dieu, et du saint d'Israël qui t'a glorifié." - "Leur peuple que je
n'ai pas connu m'a servi."
7 Ton trône, ô Dieu, [est établi]
dans les siècles des siècles; [c'est un] sceptre de droiture [que] le sceptre
de ton règne. 8 Tu as aimé la justice
et haï l'iniquité; c'est pour cela que Dieu, ton Dieu, t'a oint d'une huile
d'allégresse de préférence à tes compagnons.
C. Plus haut le
psalmiste a loué le Christ pour sa gracieuseté et sa force dans la guerre; ici
il le loue pour son pouvoir judiciaire.
a) Et il décrit
d'abord son pouvoir judiciaire.
b) Puis l'exécution
de son pouvoir: sceptre de droiture.
c) Enfin la
raison: c'est pour cela que Dieu, ton
Dieu, t'a oint.
a. Ainsi dit-il: Ton trône, ô Dieu. Le mot "trône"
signifie dans l'Écriture le pouvoir judiciaire: "Là ont été établis des
trônes pour le jugement." Or le pouvoir judiciaire convient ou s'applique
au Christ: "Le Père a remis tout jugement au Fils"; et c'est pourquoi
par le trône on entend son pouvoir: "Lorsque à la régénération le Fils de
l'homme sera assis sur le trône de sa gloire, vous aussi vous serez assis sur
douze trônes, jugeant les douze tribus d'Israël." Mais les prélats et les
rois jouissent aussi de ce pouvoir judiciaire, mais en vérité en tant que
ministres: "Parce qu'étant ministres de son royaume, vous n'avez pas jugé
équitablement, vous n'avez pas gardé la loi de la justice, et vous n'avez pas
marché selon la volonté de Dieu." Le Christ, quant à lui, jouit de ce
pouvoir en tant que juge principal, et comme vrai Dieu; et c'est pourquoi il
dit: Ton trône, ô Dieu. Car la
vengeance appartient au Seigneur; et le psalmiste parle ici expressément du
Christ, parce que sa parole vise le Christ. L'Apocalypse dit à ce sujet: "Celui
qui aura vaincu, je le ferai asseoir avec moi sur mon trône; comme moi j'ai
vaincu aussi, et me suis assis avec mon Père sur son trône." - "J'ai
vu le Seigneur assis sur un trône haut et élevé."
De même, autre est le pouvoir judiciaire temporel, autre le perpétuel,
et tel est le pouvoir du Fils de Dieu; aussi dit-il: dans les siècles des siècles, parce que son jugement porte sur les
réalités éternelles: "Son pouvoir [est] un pouvoir éternel, qui ne [lui]
sera pas enlevé." C'est ainsi que le psalmiste décrit donc le pouvoir de
Dieu, sa dignité et son éternité.
b. Il traite
ensuite de l'exécution de ce pouvoir, lorsqu'il dit: sceptre de droiture.
- Et il expose d'abord l'exécution de son pouvoir.
- Puis il en donne l'explication.
- Il est en effet nécessaire qu'un roi réprouve des délits: car, comme
le dit le Philosophe, si les êtres humains étaient ordonnés à Dieu au point d'obéir
à sa monition paternelle, les rois et les juges ne seraient pas nécessaires;
aussi, pour que les semeurs de trouble soient corrigés, les rois sont-ils
nécessaires, d'où la possession de leur sceptre: "La folie est liée au
coeur de l'enfant, et la verge de la discipline la fera fuir." D'autre
part il a une verge pour châtier les ennemis: "Tu les gouverneras avec une
verge de fer, et tu les briseras comme un vase de potier." Pareillement,
pour gouverner ses sujets: "Seigneur, pais avec ta verge ton peuple, le
troupeau de ton héritage, qui demeure seul dans la forêt, au milieu du Carmel";
et c'est pourquoi le psalmiste dit: [c'est
un] sceptre de droiture que le sceptre de ton règne, c'est-à-dire pour
conduire le peuple sur la voie droite, car telle est la fin de la loi comme du
gouvernement, non point de meurtrir les hommes, mais de les rendre vertueux;
telle est aussi la fin de la politique, et cela convient au Christ: "Dirige-moi
dans ta vérité, et instruis-moi; parce que c'est toi qui es mon Sauveur, et que
j'ai attendu avec constance durant tout le jour." Mais cette direction
consiste en ce que l'homme délaisse le mal et adhère au bien: "Voici la
voie, marchez-y; et ne vous détournez ni à droite ni à gauche",
c'est-à-dire ni par excès ni par manquement. - Et c'est pourquoi il dit: Tu as aimé la justice. Semblablement il
doit haïr l'iniquité, car s'il n'aime pas la justice, il ne conduit pas au bien:
et le Christ réalisa parfaitement cela, car "le Seigneur est juste et il
aime la justice." Semblablement, s'ils ne haïssent pas l'iniquité, ils ne
punissent pas: et parce que le Christ hait principalement l'iniquité, il punit
les méchants.
c. c'est pour cela que Dieu, ton Dieu, t'a
oint. Ici le psalmiste expose la cause, ou finale, ou efficiente, de son
pouvoir; autrement dit: tu as opéré la justice afin que Dieu t'oigne. Mais le
Christ a-t-il mérité cette onction ? Non, mais il a mérité la manifestation de
cette onction. Et dans l'Écriture on dit que Dieu fait quelque chose quand il
se fait connaître. Le Christ par sa Passion a mérité son exaltation dans la foi
de tous les peuples. Et ainsi, au sens littéral, c'est pour cela que désigne la cause finale. Mais s'il s'agit de la
cause efficiente, on le comprend de la manière suivante: puisque ton trône, ô
Dieu, est établi dans les siècles des siècles, puisque ton sceptre est un
sceptre de droiture, etc., voilà pourquoi Dieu t'a oint. Dans l'Ancien
Testament, les prêtres et les rois étaient oints, comme on le voit pour David
et Salomon. Les prophètes aussi étaient oints, comme on le voit à propos
d'Élisée, qui fut oint par Élie; et ces onctions conviennent au Christ, qui fut
roi: "Il régnera éternellement sur la maison de Jacob." Semblablement
il fut prêtre, lui qui s'offrit lui-même en sacrifice à Dieu. Il fut également
prophète, lui qui annonça la voie du salut: "Le Seigneur ton Dieu te
suscitera un prophète d'entre les fils d'Israël. Mais comment oignit-il ? Non
avec de l'huile visible, car son "royaume n'est pas de ce monde." De
même il ne s'est pas acquitté du sacerdoce matériel, et c'est pourquoi il fut
oint non d'une huile matérielle, mais de l'huile de l'Esprit-Saint; et c'est
pourquoi il dit: d'une huile
d'allégresse. Et l'Esprit-Saint est appelé huile; car de même que l'huile émerge au-dessus de tous les liquides,
ainsi en est-il de l'Esprit-Saint au-dessus de toutes les créatures: "L'Esprit
de Dieu était porté sur les eaux", c'est-à-dire qu'il doit être au-dessus
de toutes choses dans les coeurs des hommes, d'abord parce qu'il est l'amour de
Dieu, puis à cause de sa suavité. La miséricorde et toute suavité de l'âme
viennent de l'Esprit-Saint: "Montrons-nous, en toutes choses, comme des
ministres de Dieu" par la mansuétude, "par la suavité, par
l'Esprit-Saint, par une charité sans feinte." Enfin, de même que l'huile
se répand, ainsi l'Esprit-Saint se communique: "Que la communication du
Saint-Esprit soit avec vous tous. Amen." - "La charité de Dieu a été
répandue dans nos coeurs par l'Esprit-Saint qui nous a été donné."
Pareillement, l'huile alimente le feu et la chaleur, et l'Esprit-Saint
réchauffe et nourrit la chaleur en nous: "Ses lampes sont des lampes de
feu et de flammes." Semblablement l'huile éclaire, et ainsi en est-il de
l'Esprit-Saint: "L'Esprit est dans les hommes, et l'inspiration du
Tout-Puissant donne l'intelligence." Mais il dit: Dieu, ton Dieu. Ce mot Dieu est
ou au nominatif, ou au vocatif; et c'est pourquoi en latin il y a un doute;
tandis qu'en grec ce n'est pas le cas, car l'un est au nominatif et l'autre au
vocatif, puisqu'il dit: "Theé, ho Theôs
sou élaion charâs (O Deus, Deus tuus unxit te oleo laetitiae - O Dieu, ton
Dieu t'a oint d'une huile d'allégresse)." Il nous est donné de comprendre
par là que le psalmiste parle du Christ qui est Dieu, et qui ne peut être oint
en tant que Dieu, car en tant que Dieu il ne peut être élevé; et c'est pourquoi
il faut que le Christ assume quelque chose qu'il n'a pas en tant que Dieu et
qui fasse l'objet d'une onction: et c'est sa nature humaine. Selon cette nature
il a l'onction divine, car en tant que Dieu il ne l'a pas.
Enfin cette huile est appelée huile
d'allégresse, parce qu'au temps de l'allégresse les Orientaux s'oignaient
d'huile: "Pour disposer et donner à ceux qui pleurent dans Sion une
couronne au lieu de cendre, de l'huile de joie au lieu de deuil."
L'Esprit-Saint est cause de la joie: "Le royaume de Dieu n'est ni le
manger ni le boire; mais il est justice, paix et joie dans l'Esprit-Saint."
- "Les fruits de l'Esprit-Saint sont: la charité, la joie, la paix, la
patience, la douceur, la bonté, la longanimité, la mansuétude, la foi, la
modestie, la continence, la chasteté. Contre de pareilles choses, il n'y a
point de loi"; car l'Esprit-Saint ne peut être en quelqu'un sans qu'il ne
se réjouisse du bien et de l'espérance du bien futur; aussi dit-il: de préférence à tes compagnons, car le
Christ fut oint de préférence à tous les autres saints: "Nous avons vu sa
gloire comme la gloire qu'un Fils unique reçoit de son Père, plein de grâce et
de vérité." Ses compagnons sont dits être oints, car tout ce qui vient de
cette huile, c'est-à-dire de la grâce de l'Esprit-Saint, découle de la
surabondance du Christ: "Nous avons tous reçu de sa plénitude, et grâce
pour grâce." - "C'est comme un parfum [répandu] sur la tète, qui
descend sur la barbe, la barbe d'Aaron."
9 La myrrhe, la goutte et la
casse [s'exhalent de] tes vêtements, et de tes palais d'ivoire, dont t'ont
délecté 10a des filles de roi en ton
honneur.
D. Ici il traite
des délices du roi, et il décrit ces délices de quatre manières: par son
vêtement, sa demeure, son service et son union nuptiale.
1. En parlant de
son vêtement il dit: La myrrhe, la goutte
et la casse [s'exhalent de] tes vêtements. Les vêtements du Christ peuvent
être de deux sortes. Son corps: "Pourquoi donc rouge est ta robe, et tes
vêtements comme le vêtement de ceux qui foulent dans un pressoir ?"
Semblablement, le vêtement du Christ, ce sont tous les saints: "Je vis,
moi, dit le Seigneur: de tous ceux-ci, comme d'un vêtement, tu seras revêtue,
et t'en pareras comme une épouse." Et de ceux-ci émane une odeur de
myrrhe, de goutte et de casse, soit du vêtement qui est son corps, soit des
saints. La myrrhe contient de l'amertume; et si on la met en relation avec le
corps du Christ, elle signifie l'amertume de sa Passion: "Ses doigts",
fixés à la croix, "étaient pleins de la myrrhe la plus pure". Mais si
l'on met la myrrhe en relation avec les saints, elle signifie la pénitence: "Comme
la myrrhe de choix j'ai exhalé une odeur suave." Là où en latin nous
lisons le mot gutta (goutte), le grec
lit: alôf (aloès), et les hébreux
lisent: "stactes (le stacte)".
La goutte est une liqueur extraite d'une herbe ayant la vertu de chauffer, elle
est un remède contre les enflures et signifie l'humilité qui fut surtout dans
le Christ: "Apprenez de moi que je suis doux et humble de coeur, et vous
trouverez du repos pour vos âmes." Semblablement elle fut aussi dans les
saints: "Vers qui porterai-je mes regards, sinon vers le pauvre et celui
qui a l'esprit contrit, et qui tremble à mes paroles ?" L'aloès est le suc
d'une herbe, mais ce n'est pas dans ce sens qu'il est pris ici, mais bien au
sens d'un arbuste, et on l'appelle aloès, parce qu'il est odoriférant. Le
stacte est la gomme de la myrrhe, et il est plus beau que la myrrhe. Il y a
trois sortes de casses. L'une se présente comme de la canne aromatique; et
cette dernière est la même que la myrrhe quant à son odeur; une autre est le
fruit d'un arbre, et ce n'est pas d'elle qu'il est question ici, parce qu'elle
n'est pas aromatique; mais il existe une tige de casse qui est aromatique, et
c'est a cette troisième sorte de casse que se réfère ce qui est dit ici. Ou
bien, selon la Glose, il s'agit d'un arbuste qui pousse dans
les marécages; et par cela est signifiée l'eau des larmes, ou bien l'eau du
baptême, autrement dit: l'odeur de tous ces derniers émane des saints et de ton
corps: "Nous sommes pour Dieu la bonne odeur du Christ à l'égard de ceux
qui se sauvent."
2. En parlant de
sa demeure il dit: de tes palais
d'ivoire, autrement dit il s'exhale aussi de tes palais d'ivoire l'odeur que les aromates exhalent. Dans
l'Antiquité les murs étaient recouverts de bois, chez nous ils sont recouverts
de marbre. Et chez les Hébreux et les Orientaux, les murs étaient recouverts
d'ivoire: "Les maisons d'ivoire périront." La maison signifie les
fidèles: "Soyez vous-mêmes posés sur lui, comme pierres vivantes, maison
spirituelle, sacerdoce saint, pour offrir des hosties spirituelles à Dieu par
Jésus-Christ." Ces maisons d'ivoire sont froides en raison de la chasteté:
"Son ventre est d'ivoire." Elles sont aussi blanches à cause de la
pureté, rouges à cause de la chasteté: "Ses Nazaréens étaient plus blancs
que la neige, plus éclatants que le lait, plus vermeils que l'ivoire antique;
plus beaux que le saphir."
3. En parlant de
son service il dit: dont t'ont délecté 10a
des filles de roi en ton honneur, autrement
dit: il est si délicieux qu'il a des filles de roi à son service, c'est-à-dire
tes vêtements ont préparé des filles de roi qui te servent. Au sens littéral,
des filles des rois de ce monde nous délectent pour l'honneur du Christ, car
elles se consacrèrent au Christ et moururent pour le Christ, et cela en ton honneur, c'est-à-dire pour ton
honneur, autrement dit: non seulement des filles de roi servent un roi, mais
bien plus le Christ. Ou bien autrement: les rois sont les Apôtres, leurs filles
sont les âmes fidèles. Ou bien les rois sont les docteurs: "Vous avez fait
de nous un royaume et des prêtres pour notre Dieu; et nous régnerons sur la
terre." Leurs filles sont le peuple chrétien et fidèle: "C'est moi
qui par l'Évangile vous ai engendrés en Jésus-Christ." Celles-ci sont des
filles en l'honneur du Christ, non en l'honneur des rois, à savoir de Pierre et
de Paul, mais du Christ: "Nous, nous prêchons le Christ crucifié." Celles-ci
se sont délectées de ses aromates.
10b La reine s'est tenue debout à
ta droite, dans un vêtement orné d'or, environnée d'ornements divers.
4. Plus haut le
psalmiste a loué le Christ pour sa gracieuseté, sa force à la guerre, et ses
délices; mais ici il le loue lui-même par son épouse qu'il décrit de quatre
manières: quant à la présence de l'époux, quant à sa dignité, quant à sa
gloire, et quant à sa parure.
L'épouse du Christ est l'Église, et les épouses du roi sont appelées
reines: telle Esther qui fut établie reine. Et cette reine est l'Église: "Je
vous ai fiancés à un époux unique, au Christ, pour vous présenter à lui comme à
une vierge pure."
Sa dignité est d'être reine. Celle-ci se tient toujours attachée à Dieu
et unie à lui, c'est pourquoi les anges qui ne sont pas envoyés sont qualifiés
d'assistants de Dieu: "Des milliers de milliers [d'anges] assistaient
devant lui." - "Dès le matin je me présenterai devant toi."
Selon Grégoire, "on voit par la foi, on s'élève par l'espérance, on s'unit
par la charité".
La gloire de cette reine est la prérogative qu'elle a, car elle s'est tenue debout à ta droite, c'est-à-dire
dans les biens supérieurs. Par conséquent le Fils aussi, en tant qu'il est dans
les biens supérieurs du Père, selon qu'il est homme, est dit être à sa droite: "Le
Seigneur Jésus, après leur avoir parlé, fut enlevé au ciel, et il s'assit à la
droite de Dieu." Et ces biens sont les meilleurs; mais si les biens
spirituels sont comparés aux biens temporels, les biens spirituels sont
supérieurs. Cette reine s'est tenue debout dans les biens spirituels: "La
longueur des jours est dans sa droite; et dans sa gauche sont les richesses et
la gloire." De même, si par la droite sont signifiées les bonnes oeuvres,
celles-ci l'emportent sur les péchés: "Les voies qui sont à ta droite, le
Seigneur les connaît: mais perverses sont celles qui sont à ta gauche." Et
cette reine s'est tenue debout dans ces bonnes oeuvres.
Sa parure est décrite lorsqu'il dit: dans un vêtement orné d'or. Ni Jérôme dans le Psautier romain, ni
les versions hébraïques ne lisent "revêtue d'habits brodés"; en
revanche Jérôme, dans la iuxta Hebraeos, lit:
"in diademate deaurato (Avec un
diadème d'or)". En hébreu on lit: "avec une masse d'or". Et
selon notre version l'Église est revêtue d'un double vêtement. Le premier est
la doctrine des deux Testaments: "Toutes les personnes de sa maison ont un
double vêtement." Et ce vêtement n'est pas seulement d'or, mais il est
orné d'or, parce qu'il est un reflet de la sagesse divine, dont cette doctrine
est remplie. Cependant elle est environnée
d'ornements divers. Et cela peut se rapporter aux divers genres de langues,
ou à un mode plus profond de la sagesse. L'autre vêtement est l'acte vertueux: "Je
revêtirai ses prêtres de salut." Et par l'or est signifiée la charité: "L'or
de cette terre est excellent." Car la charité est lumineuse et vermeille.
Et c'est pourquoi ce vêtement est dit orné d'or, parce qu'il est informé par la
charité: "Que toutes vos oeuvres se fassent dans la charité." Ou bien:
environnée d'ornements divers, c'est-à-dire
des divers actes des vertus; car les uns furent revêtus d'or par le martyre,
les autres furent revêtus de vermeil par le gémissement de la pénitence: "Revêtez-vous
donc, comme élus de Dieu, saints et bien aimés, d'entrailles de miséricorde, de
bonté, d'humilité, de modestie, de patience." Et tout cela peut être
exposé à propos de la Vierge bienheureuse, qui est la reine et la mère du roi,
qui se tient debout au-dessus de tous les choeurs avec un vêtement orné d'or,
c'est-à-dire orné de l'or de la divinité: non en tant que Dieu, mais parce
qu'elle est mère de Dieu.
11 Écoute ma fille, et vois, et
incline ton oreille; et oublie ton peuple, et la maison de ton père. 12 Et le roi désirera ta beauté; parce que
lui-même est le Seigneur ton Dieu et ils l'adoreront. 13 Et les filles de Tyr [viendront avec des
présents; tous les riches du peuple imploreront ton visage.
III. Ici l'épouse est louée de quatre manières.
Pour sa beauté, pour l'excellence de sa gloire: Toute la gloire de la fille du roi est à l'intérieur Pour sa
compagnie: 15b Des vierges seront
amenées. Et pour sa descendance: 17 À
la place de tes pères.
A. En parlant de
sa beauté il fait deux choses.
1) Il expose
d'abord comment elle acquiert sa beauté ou sa gracieuseté.
2) Ensuite il
traite de la gracieuseté proprement dite: Et
le roi désirera ta beauté.
1. Elle est ainsi
d'abord rendue attentive à l'admonition; aussi dit-il: Écoute ma fille. Il appelle l'Église future fille pour une double raison.
Selon une première raison, comme si David parlait en son nom, car dans
la mesure où nous adhérons au Christ fils d'Abraham, nous sommes fils d'Abraham;
et pareillement nous sommes fils de David dont le Christ est le fils.
Ou bien il parle au nom des Apôtres, grâce auxquels nous sommes
enfantés dans le Christ Jésus par l'Évangile. Aussi dit-il: Écoute ma fille. - "Que tout homme
soit prompt à écouter", c'est-à-dire l'Évangile, ou la parole du Christ: "Bienheureux
ceux qui écoutent la parole de Dieu et qui la gardent." Ou bien les écrits
des prophètes, afin de croire au Christ: "Qui a cru à ce qu'il a entendu
de nous ?" et vois, ici-bas par
la foi, mais dans la vie future tu verras face à face: "Nous voyons
maintenant à travers un miroir en énigme; mais alors nous verrons face à face."
Ou bien vois le Christ né: "Après
cela, il a été vu sur la terre, et il a demeuré avec les hommes." - "Le
Verbe s'est fait chair, et il a habité parmi nous et nous avons vu sa gloire
comme la gloire qu'un Fils unique reçoit de son Père, plein de grâce et de
vérité."
et incline ton oreille, c'est-à-dire par humilité, afin que tu
obéisses: "Si tu prêtes l'oreille, tu recevras la doctrine; et si tu aimes
à écouter, tu seras sage."
oublie ton peuple. Avertissement allégorique, puisque cette reine
viendra à David ou à Salomon depuis un peuple étranger. Et c'est pourquoi elle
est avertie de se souvenir de lui. Cela s'applique à l'Église, qui est appelée
au Christ depuis un peuple étranger, soit des Juifs, soit des païens, parce
que, selon Augustin, personne ne peut venir à la vie nouvelle du Christ, s'il
ne se repent de sa vie ancienne, c'est-à-dire du péché. Et c'est pourquoi il
dit: oublie ton peuple. - "Et
ils passèrent de nation en nation, et d'un royaume à un autre peuple." et la maison de ton père, c'est-à-dire
la maison du diable: "Vous, vous êtes issus du diable, votre père, et
voulez accomplir les désirs de votre père." - "Ton père [était]
Amorrhéen." Ou bien la maison du péché, ou de l'affection charnelle: "Dieu
m'a fait oublier toutes mes peines, et la maison de mon père." Et le
Deutéronome indique cela à propos de la fille des captifs, qui doit être rasée
et qui doit pleurer son père et sa mère comme on pleure un mort.
2. et le roi désirera ta beauté. Ici il
promet à l'épouse elle-même la gracieuseté du roi.
a) D'abord du
roi, et cela relève de l'amour.
b) Puis du
peuple, et cela relève de l'honneur: imploreront
ton visage.
a. Il promet donc
l'amour du roi et il montre sa dignité. Ainsi dit-il: Si tu oublies ton peuple
et la maison de ton père, alors tu acquerras la beauté spirituelle: "Seigneur,
j'ai aime la beauté de ta maison." Et cette beauté est désirée par l'époux
spirituel, voilà pourquoi il dit: Et le
roi désirera ta beauté. Et ici, la beauté est celle de la justice: "Que
le Seigneur te bénisse, beauté de justice." désirera, c'est-à-dire se délectera en elle: "Parce que le
Seigneur s'est complu en toi." Et cette beauté doit être désirée, parce
que ce roi est grand dans son pouvoir, dans sa nature, dans son honneur.
Il a le pouvoir parce qu'il est roi, aussi est-il Seigneur: "Sachez
que le Seigneur est Dieu."
Puis il a la nature, parce que lui-même est Dieu: "Parce que le
Seigneur est le grand Dieu."
Enfin, parce qu'ils l'adoreront, à savoir ceux qui sont éloignés, et
tous les peuples du monde entier: "Toutes les nations que tu as faites
viendront, et adoreront devant toi, Seigneur." - Tous "les hommes
l'adoreront, [chacun] en son lieu, [ainsi que] toutes les îles des nations".
Pareillement les proches l'adoreront, parce que les filles de Tyr [viendront avec des présents, c'est-à-dire parce
que Tyr est à proximité de la Terre promise.
b. C'est pourquoi
les filles, c'est-à-dire les
habitants de cette terre, imploreront ton
visage, c'est-à-dire te seront soumises avec des présents: car cela s'est
accompli quand une femme cananéenne, sortie du territoire de Tyr, vint à Jésus.
Ou bien, tous les riches du peuple
imploreront ton visage, c'est-à-dire les hommes qui sont dans Tyr. Tyr veut
dire "angoisse"; aussi tous ceux qui sont dans l'angoisse te
supplieront. Au sens littéral, tous venaient au Christ: "Lorsque le soleil
fut couché, tous ceux qui avaient des infirmes atteints de diverses maladies
les lui amenaient." - "Seigneur, dans l'angoisse ils t'ont recherché,
dans la tribulation du murmure ta doctrine [était] avec eux." Et ils
offriront des présents, c'est-à-dire eux-mêmes, ou des aumônes: "Ils
voueront des voeux et ils les acquitteront."
14 Toute la gloire de la fille du
roi est à l'intérieur, avec des franges d'or, 15a elle est enveloppée d'ornements variés.
B. Plus haut le
psalmiste a loué l'épouse pour sa beauté; mais ici il la loue pour sa gloire et
intérieure et extérieure.
1. Il fait
mention de la gloire intérieure lorsqu'il dit: Toute [sa] gloire. Ce
pronom possessif ejus (sa) est
superflu; aussi est-il mis comme un explicatif: de la fille du roi est à l'intérieur; et cela de trois manières.
a. D'abord, parce
qu'elle est dans la conscience intérieure, non dans la réputation extérieure
des hommes, comme il en est de la réputation des pécheurs: "Notre gloire,
la voici: c'est ce témoignage de notre conscience que nous nous sommes conduits
dans ce monde, et plus particulièrement envers vous, avec simplicité et
sincérité devant Dieu, non avec une sagesse charnelle, mais avec la grâce de
Dieu."
b. Puis parce
qu'elle est dans la justice intérieure, non dans l'observance extérieure, comme
dans l'Ancien Testament: "La circoncision est celle du coeur", non de
la chair, "en esprit et non selon la lettre; et [ce juif] tire sa louange
non des hommes, mais de Dieu".
c. Enfin, parce
qu'il s'agit de la gloire qui est dans l'espérance éternelle, laquelle est
intérieure; non dans l'espérance des choses temporelles, laquelle est à
l'extérieur: "Prenez garde à ne pas faire votre justice devant les hommes,
pour être vus d'eux; autrement vous n'aurez point de récompense de votre Père
qui est dans les cieux. Lors donc que tu fais l'aumône, ne sonne pas de la
trompette devant toi, comme font les hypocrites dans les synagogues et dans les
rues, afin d'être honorés des hommes."
2. Il fait
mention de la gloire extérieure lorsqu'il dit: avec des franges d'or. Par ces franges, on entend la doctrine de
l'Église.
Dans le livre de l'Exode, le Seigneur prescrit que des sonnettes soient
attachées sur les franges du vêtement du prêtre, afin que le son en soit
entendu. Ainsi par le son est désignée la doctrine. Donc, dans la doctrine de
la sagesse divine, qui est désignée par l'or, se trouve une grande gloire; et
cependant elle est enveloppée d'ornements
variés, c'est-à-dire ornée et vêtue d'autres langues, c'est-à-dire de
diverses manières d'enseigner, mais qui font entendre la même vérité: "Les
Apôtres disaient les merveilles de Dieu en diverses langues." Ou bien
autrement: avec des franges d'or, et
cela se réfère à la pureté intérieure et à l'ornement des vertus; elle est enveloppée, a l'extérieur,
autrement dit: toute sa gloire vient de l'intérieur; et ces deux choses se
trouvent principalement sur les franges d'or. C'est la raison pour laquelle on
entend par là la fin de la vie, soit en relation avec l'Église entière, soit en
relation avec tout le genre humain, car les franges sont les extrémités d'un
vêtement; et il ne dit pas qu'elles sont ornées d'or mais qu'elles sont d'or.
La Glose dit en effet, a propos de
ceux qui seront trouvés à la fin du monde, qu'ils seront parfaits et saints. De
même l'homme, aussi longtemps qu'il progresse, est comme orné d'or; mais quand
il sera parvenu à la fin de sa vie, alors il sera totalement rempli de la
clarté divine: "Mais le sentier des justes s'avance comme une lumière
éclatante, et croît jusqu'au jour parfait." Et il dit: enveloppée[s] d'ornements variés, à l'extérieur, c'est-à-dire des nations
diverses, ou des grâces diverses et des vertus.
15b Des vierges seront amenées au
roi après elle; ses proches te seront
présentées. 16 Elles te seront
présentées dans l'allégresse et l'exultation, elles seront conduites dans le
temple du roi.
C. Ici l'épouse
est louée pour sa compagnie; et à cet égard il fait trois choses.
1) Car il
commence par décrire sa compagnie.
2) Puis comment
on arrive en sa compagnie: seront
amenées.
3) Enfin quand
commence cette compagnie, et où elle s'achemine: elles seront conduites.
1. La version iuxta Hebraeos de Jérôme lit autrement: "Omnis gloria filiae regis a peifasciis
aureis vestita (Toute la gloire de la fille du roi est revêtue de bandes
d'étoffe d'or)." Et ici il y a un point, autrement dit: Elle a un vêtement
avec des bandes d'étoffe d'or. Et après: "in varietate, etc.,
adducentur, etc. (d'ornements
variés, etc., elles seront conduites, etc.)". En hébreu on lit autrement: "de
vêtements incrustés d'or", c'est-à-dire enveloppée. Et puis ce qui suit: "Insuper cum subtilibus quae sunt plumariae;
quae eam attingunt adducentur sic indutae (Parées d'étoffes fines au
plumetis; celles qui l'accompagnent seront amenées ainsi revêtues)." Et il
énumère deux choses, les vierges et les proches. À propos des vierges il dit: seront amenées, parce qu'elles se
convertiront au Christ plus facilement. À propos des proches il dit: seront présentées, parce qu'elles sont
attirées plus difficilement: "Insiste à temps et à contretemps." Si
l'on considère que ce sont les mêmes, en voici le sens: les vierges
intérieurement, c'est-à-dire les âmes fidèles non corrompues par le péché, seront amenées au roi, c'est-à-dire au
Christ qui est le Roi des rois. Elles seront amenées, dis-je, parce qu'elles
n'y parviendront pas d'elles-mêmes: "Personne ne peut venir à moi, si le
Père qui m'a envoyé ne l'attire." Et c'est pourquoi l'épouse du Cantique
dit: "Entraîne-moi; après toi nous courrons à l'odeur de tes parfums."
2. Mais elles seront amenées après elle, c'est-à-dire
après l'Église universelle, car nul ne viendra ni ne sera amené au Christ sans
qu'il ne suive la doctrine de l'Église. Ou bien après elle, c'est-à-dire après la Vierge bienheureuse, parce qu'à
son exemple les vierges seront amenées au Christ pour garder la chasteté et
pour pratiquer d'autres vertus. Et ces vierges sont ses proches, c'est-à-dire
soit de l'Église, soit de la Vierge bienheureuse, et ces dernières seront
présentées. Mais si l'on considère qu'elles sont différentes, alors par les
vierges on entend ceux qui sont parfaits; et ces derniers sont amenés comme
s'ils pouvaient y aller d'eux-mêmes: "Il fit sortir son peuple dans
l'exultation, et ses élus dans l'allégresse"; parce qu'elles seront présentées dans l'allégresse, intérieure,
et dans l'exultation, extérieure. Car
elles s'offrirent volontairement au Christ: "Je t'offrirai volontairement
un sacrifice." Ou bien elles seront présentées par les anges du ciel: "Or
il arriva que le mendiant mourut, et fut porté par les anges dans le sein
d'Abraham."
3. Et où
seront-elles conduites ? dans le temple
du roi. Il est clair qu'il parle ici du Christ roi et Dieu, puisqu'il dit: temple, autrement dit, pour qu'eux-mêmes
soient le temple du roi: "Le temple de Dieu est saint, et vous êtes ce
temple." Ou bien, afin qu'elles contemplent dans le temple de Dieu,
c'est-à-dire vaquent à la contemplation de Dieu; car c'est en vue de cela que
l'assemblée des vierges a été établie, c'est-à-dire afin de vaquer à Dieu: "La
femme qui est mariée pense aux choses du monde: comment elle plaira à son mari;
mais celle qui n'est pas mariée et la vierge pensent comment plaire à Dieu."
17 À la place de tes pères des
fils te sont nés; tu les établiras princes sur toute la terre. 18 Ils se souviendront de ton nom, Seigneur,
dans toute la suite des générations. C'est pour cela que les peuples te
confesseront éternellement, et dans les siècles des siècles.
D. Ici le
psalmiste loue l'épouse pour sa descendance. Et à ce propos il expose quatre
choses: l'origine de sa descendance, sa dignité, son ministère et son fruit.
1. Ainsi dit-il: À la place de tes pères des fils te sont
nés. Les fils de l'Église primitive sont les Apôtres et leurs successeurs.
Des fils sont dits être nés de l'Église par la doctrine du Christ son époux,
d'autres par la doctrine des Apôtres, d'autres encore par la doctrine d'autres
prédicateurs. Et c'est pourquoi il n'est pas inconvenant de dire que les fils
et les pères sont les mêmes: car les Apôtres eux-mêmes sont les pères de ceux
qu'ils ont convertis: "C'est moi qui, par l'Évangile, vous ai engendrés en
Jésus-Christ." D'autres sont
aussi pères et fils. Ces derniers sont donc les fils nés de l'Église. Ce sont
les Apôtres, et les autres hommes saints et les docteurs. Ou bien les bons
pères furent les prophètes: "Louons les hommes glorieux dans leur
génération, et [qui sont] nos pères." Et à leur place sont nés les fils de
l'Église qui se sont acquittés de leur dignité; et telle est manifestement la
descendance et l'origine de l'épouse.
2. Il expose
ensuite la dignité de sa descendance: tu
les établiras princes sur toute la terre, c'est-à-dire que tu prendras ceux
qui les premiers ont le pouvoir. Ces derniers sont donc appelés princes, parce
qu'ils ont reçu les premiers les dons de l'Esprit-Saint: "Non seulement
[toutes les créatures], mais aussi nous-mêmes avons [reçu] les prémices de
l'Esprit", les premiers dans le temps, et plus abondamment que les autres,
dit la Glose. C'est pourquoi, de même
qu'aucune femme n'est comparée à la Vierge bienheureuse, ainsi aucun saint ne
peut être comparé ou égalé aux Apôtres. De même, ils sont appelés princes,
parce qu'ils furent et sont ceux qui gouvernent les Églises. Pareillement,
parce qu'ils furent les premiers à être nos docteurs après le Christ: "Des
princes joints à des joueurs de psaltérion ont précédé, au milieu de jeunes
filles battant du tambour." Ces princes doivent être aimés: "Votre
coeur aime les princes d'Israël." Tu établiras princes ceux qui ne sont
pas établis par eux-mêmes, mais par le Christ: "Ce n'est pas vous qui
m'avez choisi, mais c'est moi qui vous ai choisis et vous ai établis."
Semblablement, les autres dignitaires de l'Église sont établis par le souverain
pontife: "Nul ne s'attribue à lui-même cet honneur, sinon celui qui est
appelé de Dieu, comme Aaron." Et non dans une partie du monde, mais sur
toute la terre: "Leur bruit s'est répandu dans toute la terre, et leurs
paroles jusques aux confins du globe de la terre." - "Mais pour moi,
ô Dieu, tes amis sont extrêmement honorables." Et cela convient
spécialement à Pierre et à Paul; car Pierre obtint la primauté universelle de
l'Église: "Pais mes brebis." Paul obtint la primauté sur le monde
entier quant aux nations païennes: "Voici que je t'ai établi lumière des
nations, afin que tu sois mon salut jusqu'à l'extrémité de la terre." Et
Paul dit lui-même cela, comme le rapporte le livre des Actes des Apôtres.
3. Ils se souviendront de ton nom, Seigneur,
dans toute la suite des générations. Ici il expose le ministère des
Apôtres, qui est de prêcher le nom de Dieu: "Allez dans le monde entier,
et prêchez l'Évangile à toute créature"; et c'est pourquoi il dit: Ils se souviendront, c'est-à-dire feront
en sorte de garder la mémoire, de ton nom
dans la suite des générations, quant au lieu, car c'est dans toutes les
parties du monde; des générations, quant
au temps, car "le ciel et la terre passeront, mais mes paroles ne
passeront point"; - "Voici que je suis avec vous tous les jours,
jusqu'à la consommation du siècle."
4. C'est pour cela que les peuples te confesseront
éternellement, et dans les siècles des siècles. Ici le psalmiste expose le fruit de la descendance de
l'épouse, qui consiste en ce que tous les peuples te confesseront, ô Christ; et
il dit: [des] peuples, parce qu'il ne
s'agit pas seulement d'un seul peuple, mais de tous les peuples: "Que les
peuples te confessent, ô Dieu, que tous les peuples te louent." - "Que
toute langue confesse que le Seigneur Jésus-Christ est dans la gloire de Dieu
le Père." Ceux-ci te confesseront
éternellement. En grec eis aiôna (in
aeternum, éternellement) a le même sens que ho aiôn (saeculum, siècle) ou ê
aidiôtês (aevum, l'éternité); c'est
pourquoi la Glose commente: in aeternum (éternellement), à savoir le
siècle présent, et in saeculum saeculi (dans
les siècles des siècles), c'est-à-dire dans le futur. Et ce souvenir durera
éternellement: "Ils obtiendront la joie et l'allégresse, et la douleur
fuira ainsi que le gémissement." Une autre version lit: "Memor ero nominis tui, etc. Je me souviendrai de ton nom)." Et
cette version est meilleure: elle s'applique alors au fruit des Apôtres, et
elle sera la voix du peuple converti, autrement dit: je dis que tu les établiras
princes; et moi, peuple chrétien, je me souviendrai de ton nom, etc. En cela
est signifiée la foi qui est dans le coeur; et ensuite la louange qui vient
après la foi.
Ce psaume se chante en la fête de la Nativité du Seigneur à cause de la
louange de l'époux. Il se chante aussi aux fêtes de la Vierge, en raison de sa
louange. En relation avec la fête de la Nativité du Seigneur il dit: beauté. Et en relation avec les fêtes de
la Vierge il dit: La reine s'est tenue
debout. Il se chante pareillement aux fêtes des vierges, car elles seront amenées au roi. Semblablement aux
fêtes des Apôtres, car il dit: À la place
de tes pères.
1 Pour la fin, des fils de Coré, pour
les secrets, psaume.
2 Dieu est notre refuge et notre force,
notre aide dans les tribulations qui nous ont par trop assaillis. 3 C'est pour
cela que nous ne craindrons pas, tandis que la terre sera bouleversée, et que
les montagnes seront transportées au coeur de la mer.
4 Leurs eaux ont retenti et ont été
agitées; les montagnes ont été ébranlées par sa force.
5 L'impétuosité d'un fleuve réjouit la
cité de Dieu; le Très-Haut a sanctifié son tabernacle.
6 Dieu est au milieu d'elle, elle ne
sera pas ébranlée; Dieu la secourra des le matin, au point du jour.
7 Des nations ont été troublées et des
royaumes ont chancelé; il a fait entendre sa voix, [et] la terre a été
ébranlée.
8 Le Seigneur des armées est
avec nous: notre soutien est le Dieu de Jacob.
9 Venez et voyez les oeuvres du
Seigneur, les prodiges qu'il a opérés sur la terre, 10 en faisant cesser les
guerres jusqu'à l'extrémité de la terre. Il brisera l'arc et mettra les armes
en pièces; et il brûlera les boucliers au feu.
11 Vaquez au repos et voyez que
je suis Dieu, je serai exalté dans les nations et je serai exalté sur la terre.
12 Le Seigneur des armées est avec nous: notre soutien est le Dieu de Jacob.
1 Pour la fin, des fils de Coré, pour
les secrets, psaume.
2 Dieu est notre refuge et notre force,
notre aide dans les tribulations qui nous ont par trop assaillis. 3 C'est pour
cela que nous ne craindrons pas, tandis que la terre sera bouleversée, et que
les montagnes seront transportées au coeur de la mer.
Le psalmiste, après avoir
demandé le secours divin face aux adversités qu'il endure de la part de ses
ennemis, en disant: "Ô Dieu, nous avons entendu de nos oreilles I" )
et montré, comme s'il avait déjà été exaucé, la gloire du roi, en disant: "Mon
coeur a émis une bonne parole"; maintenant qu'il a été exaucé en faveur du
peuple, montre le bienfait donné au peuple. Et de même que dans le psaume
précédent est signifiée la gloire du Christ, ainsi dans ce psaume sont
signifiés les bienfaits attribués aux fidèles du Christ. D'où la même
signification contenue dans le titre de ce psaume, lequel comporte une double version.
"In finem Psalmus David pro
arcanis (Pour la fin, psaume de David, pour les secrets)." Les
secrets, qui sont dans le principe, sont cachés, à savoir que le Fils de Dieu
s'est fait homme, que le Fils de Dieu est mort, que les nations païennes se
sont converties au Christ. Ces vérités furent très secrètes: "Mon secret
est pour moi." - "Mystère [du Christ] qui, dans les autres
générations, n'a pas été découvert aux enfants des hommes." Et ces vérités
ont été révélées par le Christ: "Je dirai des choses cachées depuis la
fondation du monde." - "Il a produit à la lumière des choses cachées."
Donc ce psaume tend à la fin, c'est-à-dire au Christ. Il est de David, pour les
secrets, c'est-à-dire en vue de la manifestation des secrets. L'autre version
lit: "Pro filiis Core (Pour les
fils de Coré)." Par Coré, qui veut dire calvaire, on entend la croix du
Christ. Donc ce psaume est attribué aux fidèles de la croix du Christ pour la
révélation des secrets. La iuxta Hebraeos
de Jérôme lit: "Pro viventibus (Pour
les vivants)." Car le psalmiste traite ici de la tribulation et de la
conservation de la vie en eux. Il est donc destiné aux vivants, c'est-à-dire à
ceux qui sont conservés en vie; et ceux qui sont gardés par le secours de Dieu,
sont dits être dans le secret: "Tu les cacheras dans le secret de ta face,
contre la persécution des hommes."
Ce psaume se divise en deux parties.
I) Le psalmiste traite d'abord du secours divin
contre les tribulations.
II) Puis de la paix accordée après ces
tribulations: 9 Venez et voyez.
I. En traitant du secours divin contre les
tribulations il fait deux choses.
A) Il commence
par parler de la cause de ces bienfaits.
B) Puis il fait
connaître les maux et les bienfaits donnés contre les maux: 4 Leurs eaux ont retenti.
A. En faisant
connaître la cause de ces bienfaits il fait deux choses.
1) Il expose
d'abord le secours de Dieu contre les tribulations passées.
2) Puis il expose
sa confiance conçue a propos des [tribulations] futures: 3 C'est pour cela que nous ne craindrons pas.
1. En exposant
d'abord le secours de Dieu contre les tribulations passées il fait deux choses.
a) Il traite en
premier lieu du secours de Dieu.
b) Puis de la
tribulation contre laquelle le secours divin est donné.
a. Si quelqu'un
veut secourir un affligé, il fait cela de trois manières. D'abord, en
accueillant le fuyard lui-même: et cela est peu de chose; ensuite, en
l'assistant dans la tribulation où il se trouve; enfin, en lui offrant son
secours extérieurement.
Et Dieu, qui est un refuge, accomplit ces trois choses; c'est pourquoi
le psalmiste dit: Dieu est notre refuge.-
"C'est une tour très forte que le nom du Seigneur."
De même, il aide et fortifie ceux qui combattent et sont affligés;
c'est pourquoi il dit: notre force.- "[C'est
lui] qui donne la force à [l'homme] las."
Semblablement, il aide extérieurement de lui-même et par les autres;
aussi dit-il: notre aide.- "Et
le Seigneur s'est fait le refuge du pauvre, son aide dans les nécessités, dans
les tribulations."
b. Ce secours est
nécessaire dans les tribulations qui nous
ont par trop assaillis. Ces tribulations sont et spirituelles et
corporelles. Les tribulations spirituelles sont les péchés: et celles-ci
arrivent beaucoup aux hommes, car la douleur de la pénitence est la plus grande
de toutes les douleurs: "J'ai été affligé et j'ai été humilié à l'excès."
Et dans cette tribulation le Christ est un refuge: car dans celle-ci l'homme
est consolé, et fortifié par lui, ainsi qu'aidé. Les tribulations corporelles
furent réservées aux saints dans l'Église primitive: "Le poids [de la
tribulation] a été excessif et au-dessus de notre force, au point que nous
étions las de vivre." Et c'est pourquoi il dit: par trop. La version iuxta
Hebraeos de Jérôme lit: "Auxilium
inventum est in tribulationibus validum (Le secours a été trouvé efficace
dans les tribulations)." Et ainsi ce mot nimis (par trop) se rapporte à l'aide divine.
2. C'est pour cela que nous ne craindrons pas.
- "Le Seigneur est ma lumière et mon salut: qui craindrai-je ?"
Autrement dit: Je ne craindrai nullement. Et à juste titre, parce que lui-même
est Dieu, notre refuge et notre force,
notre aide dans les tribulations qui nous ont par trop assaillis.
Il montre ensuite ce qui doit être craint. Or deux choses sont à
craindre: la tribulation générale, et l'oppression des grands. Il y a
tribulation générale lorsque tous sont massacrés. L'autre a lieu lorsque les
princes sont pris. Dans ces deux cas la crainte se produit. Mais moi je ne
craindrai pas tandis que la terre sera
bouleversée, c'est-à-dire si tout le peuple est dans la tribulation, et que des montagnes seront transportées au
coeur de la mer. Je rie craindrai même pas si des grands sont pris. Mais au
sens mystique, par la terre qui est ferme, on entend la Judée, qui fut ferme
dans la connaissance du Dieu unique, et elle était bien établie et entourée de
nations païennes, comme la terre est entourée par la mer et ceinturée par les
eaux: "Votre terre est déserte", et elle signifie ainsi la
persécution que les fidèles ont soufferte de la part des Juifs, autrement dit:
je ne craindrai pas tandis que la Judée sera bouleversée par la prédication du
Christ: "Ayant appris cela, le roi Hérode se troubla, et tout Jérusalem
avec lui." Et je ne craindrai pas, parce que les montagnes, c'est-à-dire les Apôtres, se transporteront vers les
nations païennes: "Voilà que nous nous tournons vers les nations païennes."
au coeur de la mer, c'est-à-dire dans
l'étendue des nations païennes, car elles tinrent les Apôtres en grand respect.
Ou bien, au coeur de la mer, c'est-à-dire jusqu'aux
profondeurs et aux extrémités de la terre: "Je t'enverrai bien loin vers
les nations."
4 Leurs eaux ont retenti et ont
été agitées; les montagnes ont été ébranlées par sa force.
B. Leurs eaux ont retenti et ont été agitées.
1. Ici le
psalmiste montre quelles sont ces tribulations.
a) Et il les fait
d'abord connaître par une métaphore.
b) Puis il en
donne l'explication.
a. Ainsi dit-il: Leurs eaux ont retenti et ont été agitées. Selon
une version de Jérôme on lit: "aquae
ejus (ses eaux)". Et cette version est meilleure. En voici le sens:
ses eaux, c'est-à-dire de la mer, "seront transportées au coeur de la mer",
c'est-à-dire les peuples "ont retenti", à cause de leur colère contre
nous: "Sur moi s'est appesantie ta fureur, et tu as fait passer tous tes
flots sur moi." Mais les montagnes, c'est-à-dire
les princes comme Néron et d'autres, ont
été ébranlées par sa force, c'est-à-dire de Dieu, car en vertu de cette
force les montagnes aussi ont été ébranlées. L'hébreu lit: "par son
orgueil".
b. Au sens mystique
il s'exprime ainsi: les montagnes [...]
ont retenti, c'est-à-dire les Apôtres qui sont appelés montagnes. [Les] eaux [...] ont été agitées, c'est-à-dire
les peuples des nations païennes, ont été
agités au bruit des montagnes, c'est-à-dire à la prédication des Apôtres.
Les eaux signifient la sagesse, autrement dit les eaux, c'est-à-dire les
prophéties des nations païennes, ont été agitées: "Je perdrai la sagesse
des sages, et, la prudence des prudents, je la réprouverai." Ou bien les montagnes, c'est-à-dire les Apôtres,
ont été ébranlées, à savoir
extérieurement par les tribulations, par [la]
force de la mer.
Mais il semble qu'il dit le contraire ailleurs: "Le juste ne sera
pas troublé."
Il faut dire que c'est vrai intérieurement, parce que la tribulation
n'affligera pas le juste, quoi qu'il lui arrive.
5 L'impétuosité d'un fleuve
réjouit la cité de Dieu; le Très-Haut a sanctifié son tabernacle.
2. Le psalmiste a exposé par une similitude
les tribulations que les saints ont endurées; mais ici il recourt à une autre
similitude pour faire connaître la consolation divine à l'égard de deux choses:
quant à l'abondance de la grâce divine, et quant à l'assistance de la présence
divine: 6 Dieu est au milieu d'elle.
De même que la tribulation est exprimée par la similitude des eaux qui
mugissent et qui s'agitent, ainsi la consolation est exprimée par la similitude
d'un fleuve, parce qu'il signifie la grâce en raison de l'abondance de l'eau,
puisque dans la grâce est contenue l'abondance des dons: "Le fleuve de
Dieu a été rempli d'eaux, tu as par là préparé la nourriture des hommes."
Et puisque le fleuve dérive de son principe, c'est-à-dire de sa source, mais
non point la source du fleuve, car la source est dans son principe, ainsi
l'Esprit-Saint est du Père et du Fils: "Il me montra aussi un fleuve d'eau
vive, brillant comme du cristal, sortant du trône de Dieu et de l'Agneau."
Semblablement, puisqu'un fleuve déplace du sable et des pierres, ainsi
l'Esprit-Saint meut le coeur en vue d'agir: "Celui qui croit en moi, de
son sein, comme dit l'Écriture, couleront des fleuves d'eau vive." Mais il
y a des fleuves qui ont un débit lent; ce n'est pas le cas de celui-ci;
puisqu'il est rapide; aussi dit-il: L'impétuosité
d'un fleuve. Et cela se rapporte à deux choses. D'abord au fait que
l'Esprit-Saint envahit soudainement le coeur de sa grâce: "Il se fit
soudain un bruit du ciel, comme celui d'un vent impétueux qui arrive, et il
remplit toute la maison où ils demeuraient." Ou bien autrement:
l'Esprit-Saint meut le coeur par un élan d'amour: "Lorsqu'il viendra comme
un fleuve impétueux." - "Ceux qui sont conduits par l'Esprit de Dieu
sont fils de Dieu." - "Source de jardin, puits d'eaux vives, qui
coulent avec impétuosité du Liban." La version iuxta Hebraeos de Jérôme lit: "fluminis divisiones (les canaux du fleuve)". Et ces canaux
sont les grâces du Saint-Esprit; car "à la vérité, il y a des grâces
diverses, mais c'est le même Esprit". L'effet est double.
a. Le premier est
celui de la joie; et le psalmiste désigne cela lorsqu'il dit: réjouit la cité de Dieu. Et ceci est
manifesté par l'autorité de l'Écriture disant: "Le royaume de Dieu n'est
ni le manger ni le boire; mais il est justice, paix et joie dans
l'Esprit-Saint." - "Les fruits de l'Esprit sont: la charité, la joie,
la paix, la patience, la douceur, la bonté, la longanimité, la mansuétude, la
foi, la modestie, la continence, la chasteté."
Et puis cela se rapporte au fait que l'Esprit-Saint fait aimer Dieu. Et
dans cet amour il y a toujours de la joie, car n'importe qui jouit de la
présence de l'aimé; et celui qui aime Dieu, garde Dieu présent: "Qui
demeure dans la charité demeure en Dieu, et Dieu en lui." Cette cité est
l'Église: "Des choses glorieuses ont été dites de toi, cité de Dieu."
Il y a trois choses dans cette cité qui relèvent de son organisation. Il y a
d'abord le fait qu'il y a là une multitude de citoyens de condition libre, car
s'il n'y en a qu'un seul ou peu, il n'y a pas de cité; et semblablement s'ils
sont esclaves. Et cela se rencontre surtout dans l'Église: "Nous ne sommes
pas les fils de la servante, mais de la femme libre." Puis il y a le fait
qu'elle se suffit à elle-même. Car dans un village on ne trouve pas toutes les
choses nécessaires à la vie humaine, pour les bien-portants et pour les malades;
tandis que dans une ville il convient de trouver tout ce qui est nécessaire à
la vie. Et cette capacité se rencontre dans l'Église; car on trouve en elle
tout ce qui est nécessaire à la vie spirituelle: "Nous serons remplis des
biens de ta maison." La troisième chose est l'unité des citoyens; car
c'est d'elle, c'est-à-dire de l'unité des citoyens, que la cité reçoit sa
dénomination; car le mot cité équivaut
à unité de citoyens. Et cette unité est dans l'Église: "Afin qu'ils soient
un [en nous,] comme nous sommes un." Donc cette cité se réjouit par la
grâce de l'Esprit-Saint descendant sur elle.
b. Le deuxième
effet est celui de la sainteté, aussi dit-il: le Très-Haut [y] a sanctifié
son tabernacle. Ce tabernacle est d'une certaine manière la cité elle-même.
Dans la cité habitent ceux qui se reposent; dans le tabernacle est l'Église
militante, qui jouit ici-bas de la paix, à savoir de celle qui vient de Dieu;
et cependant elle souffre de l'agitation du monde: "Je vous ai dit ces
choses, afin que vous ayez la paix en moi. Dans le monde vous aurez des
tribulations; mais prenez confiance, moi j'ai vaincu le monde." Et c'est
pourquoi, en raison de la première chose, l'Église est appelée cité; en raison de la deuxième chose
elle est appelée tabernacle. Donc le
Très-Haut a sanctifié ce tabernacle par son propre sang: "C'est pourquoi
Jésus lui-même, pour sanctifier le peuple par son sang, a souffert hors de la
porte." Semblablement, il a sanctifié ce tabernacle par les sacrements
dans lesquels opère la vertu du sang du Christ: "Mais vous avez été lavés,
mais vous avez été sanctifiés, mais vous avez été justifiés au nom de
Notre-Seigneur Jésus-Christ et par l'Esprit de notre Dieu." Ou bien d'une
autre manière: dans la cité et dans l'armée se trouve la tente principale du
roi ou du chef; ainsi dans cette cité, à savoir dans l'Église, le tabernacle
principal est le corps du Christ. Et le corps est appelé tabernacle: "Certain que bientôt se fera l'enlèvement de ma
tente (tabernaculum)." Et ainsi
le corps du Christ est le tabernacle, parce qu'en lui réside toute la plénitude
de la divinité. Le Très-Haut a sanctifié ce tabernacle: non point en ce sens
qu'il n'aurait pas été saint autrefois, mais parce que dans sa conception
proprement dite lui-même l'a formé saint: sainteté qui fut à un degré unique
dans le Christ.
6 Dieu est au milieu d'elle, elle
ne sera pas ébranlée; Dieu la secourra dès le matin, au point du jour.
3. Ici le
psalmiste expose la consolation de la présence divine.
a) Et il expose
d'abord le bienfait de cette présence.
b) Puis son effet:
elle ne sera pas ébranlée.
a. Ainsi dit-il: Dieu est au milieu d'elle, c'est-à-dire
de l'Église: "Il publiera que Dieu est vraiment au milieu de vous."
Et il dit: au milieu, afin de montrer
qu'il ne fait pas acception des personnes, comme le rapportent les Actes des
Apôtres et l'épître aux Éphésiens. Or on appelle milieu ce qui est à distance
égale des extrémités. Et Dieu en tant que tel se comporte avec équité vis-à-vis
de tous: "Jésus se tint debout au milieu" de ses disciples. - "L'arbre
de vie [était] au milieu du paradis." Ou bien il dit: au milieu, parce qu'on dit que le coeur est au milieu de l'homme.
Donc, puisque Dieu habite dans nos coeurs, il est dit être au milieu.
b. L'effet est
double: la stabilité contre les maux, et la fermeté en vue des biens.
Ainsi il est dit que Dieu est au
milieu d'elle, c'est-à-dire de cette cité; elle ne sera pas ébranlée, c'est-à-dire qu'elle est rendue ferme et
stable: "Ceux qui se confient dans le Seigneur sont comme la montagne de
Sion: il ne sera jamais ébranlé, celui qui habite dans Jérusalem." - "Les
portes de l'enfer ne prévaudront point contre elle."
À propos de la fermeté en vue des biens il dit: Dieu la secourra, parce que non seulement il faut que la stabilité
lui soit donnée contre les maux, mais aussi le secours pour accomplir les
biens. Ainsi dit-il: Dieu la secourra, c'est-à-dire
l'Église, au point du jour. Par le
matin on entend le principe d'une bonne oeuvre. Certains disent que le principe
du bien résulte d'un principe naturel, mais sa fin et son achèvement résultent
de Dieu. Mais c'est le contraire, puisqu'il dit ici: le matin, c'est-à-dire dès le début d'une bonne oeuvre. Il y a un
commencement d'une bonne oeuvre qui se fonde sur l'intelligence, autrement dit
sur la pensée, et un autre commencement qui se fonde sur la volonté: et ces
deux choses appartiennent à Dieu, car "nous ne sommes pas suffisants pour
donner une pensée par nous-mêmes, comme [venant] de nous", ainsi que
l'écrit l'apôtre Paul dans sa seconde épître aux Corinthiens, "mais notre
suffisance vient de Dieu". Et de même, "c'est [Dieu] lui-même qui
opère en vous et le vouloir et le faire", comme l'écrit encore l'Apôtre
dans son épître aux Philippiens. Et par le fait que le psalmiste ajoute: au point du jour, il signifie que
l'Église est aidée par l'illumination spirituelle de l'Esprit-Saint: "Lève-toi,
reçois la lumière, Jérusalem, parce que ta lumière est venue, et que la gloire
du Seigneur sur toi s'est levée." Une autre version lit: "vultu suo (par son visage)", et
cela se réfère à la condition présente; et ainsi ce mot signifie la présence de
son secours, comme s'il lui venait en aide en tant qu'agent principal, selon ce
verset du psaume 79: "Montre[-nous, Seigneur,] ta face, et nous serons
sauvés." Ou bien cela se réfère à la condition présente, autrement dit: à
présent il est au milieu d'elle, et il permet qu'elle soit ébranlée, mais dans
le futur il lui offrira son secours par la vue de son visage: "Tu le
rempliras de joie par [la vue de] ton visage." On lit cette version en
hébreu. Et ainsi mane (dès le matin)
et diluculo (au point du jour) ont le
même sens, à savoir le sens d'observation du point du jour, car l'heure
matinale est la meilleure pour contempler: "Dès le matin je me présenterai
devant toi, et je verrai que tu n'es pas un Dieu qui veut l'iniquité." Et
de même: "Je méditerai les matins sur toi, parce que tu as été mon aide",
autrement dit: "Dieu la secourra par son visage", c'est-à-dire par la
contemplation de sa hauteur. Et ces paroles peuvent être rapportées à la Vierge
bienheureuse, car elle est elle-même la cité, et dans cette cité habita
l'impétuosité du fleuve, c'est-à-dire l'Esprit-Saint, qui réjouit le Christ, et
le sanctifia dans le sein de sa mère, après que son corps fut formé et son âme
créée. Dès ce moment-là la gloire du Seigneur commença à couvrir la tente (tabernaculum) du Seigneur, comme on le
rapporte dans l'Exode. Mais autre est la sanctification de la Vierge
bienheureuse et celle des saints; car ces derniers furent sanctifiés de telle
sorte qu'ils n'ont jamais péché mortellement, mais bien véniellement: "Si
nous disons que nous n'avons pas de péché, nous nous trompons nous-mêmes, et la
vérité n'est pas en nous." Mais la Vierge, elle, n'a jamais péché, ni
mortellement, ni véniellement: "Tu es toute belle, mon amie, et aucune
tache n'est en toi." Et c'est pourquoi il dit: elle ne sera pas ébranlée, pas même par le péché véniel. Aussi
dit-il: Dieu la secourra dès le matin, au point du jour, c'est-à-dire tandis
qu'elle est encore dans le sein. Et c'est ce qu'il dit, puisque le Seigneur lui
porta secours dans sa propre naissance matutinale.
7 Des nations ont été troublées
et des royaumes ont chancelé; il a fait entendre sa voix, [et] la terre a été
ébranlée.
4. Plus haut le
psalmiste a exposé l'affliction des autres ainsi que sa propre consolation par
une similitude; mais ici il explique:
a) D'abord ce
qu'il a dit à propos de l'affliction.
b) Puis ce qu'il
a dit à propos de la consolation: 8 Le
Seigneur des armées; et il explique toutes ces choses avec ordre.
a. En parlant
plus haut de la tribulation il a dit: Leurs
eaux ont retenti et ont été agitées; il y traitait de son trouble et de sa
cause: par sa force. Semblablement,
de l'agitation de l'eau; et il explique cela lorsqu'il dit: Des nations ont été troublées. - "Les
eaux que tu as vues, et où la prostituée est assise, sont des peuples, des
nations et des langues." Ils ont été troublés, dans le mal, parce qu'ils
ont agi en insensés contre le Christ. Ou dans le bien: car celui qui se tourne
vers le bien éprouve de l'affliction à l'égard de son habitude passée.
Semblablement, les montagnes ont été ébranlées. Et il dit: des royaumes ont chancelé, c'est-à-dire les rois de la terre se
sont humiliés en se tournant vers la foi au Christ: "La face contre terre,
ils se prosterneront devant toi, et ils lécheront la poussière de tes pieds."
Et il explique la cause de la tribulation lorsqu'il dit: il a fait entendre sa voix. Il a dit
plus haut: par sa force; ainsi dans
l'Ancien Testament il dit: il a fait entendre
sa voix, mais par les prophètes;
ensuite cependant par lui-même: "Et le Seigneur a tonné du ciel, et le
Très-Haut a fait entendre sa voix; [et il est tombé] de la grêle et des
charbons de feu." - "Que ta voix retentisse à mes oreilles." À
cette voix, la terre a été ébranlée, d'abord
la terre de Judée, ensuite toute la terre de manière universelle: "Par
l'ébranlement sera ébranlée la terre." Mais certains ont été ébranlés pour
le mal par la voix du Christ: par exemple les pharisiens et beaucoup d'autres.
D'autres ont été ébranlés en vue du bien, comme les Apôtres et ceux qui se sont
convertis à la foi.
8 Le
Seigneur des armées est avec nous: notre
soutien est le Dieu de Jacob.
b. Ici il
explique ce qu'il dit de la consolation: Dieu
est au milieu d'elle. Et il décrit Dieu aidant, et sa présence et son
secours.
Il décrit Dieu de deux manières: car il est le Seigneur des armées,
parce qu'il ne domine pas seulement sur les créatures inférieures, mais aussi
sur les puissances célestes. Il ne suffisait pas à l'homme que des anges lui
soient envoyés - ces anges que Dieu envoya pour donner l'Ancienne Alliance -,
mais il fallait que lui-même vînt, pour faire connaître que l'âme de l'homme
est d'une excellence telle qu'elle ne peut être béatifiée, si ce n'est dans le
Dieu des armées: "Dieu des armées, reviens, regarde du haut du ciel et
vois, et visite cette vigne."
Et il est avec nous d'abord par la ressemblance de la chair: "Il
s'est anéanti lui-même, prenant la forme d'esclave, ayant été fait semblable
aux hommes, pour son aspect." De même il est avec nous par sa conversation
familière: "Après cela, il a été vu sur la terre, et il a conversé avec
les hommes." De même, il habite en nous par sa grâce: "Que le Christ
habite par la foi dans vos coeurs, et qu'enracinés et fondés dans la charité,
vous puissiez comprendre avec tous les saints quelle est la largeur et la
longueur, la hauteur et la profondeur, et connaître aussi la charité du Christ,
qui surpasse toute science, afin que vous soyez remplis de toute la plénitude
de Dieu." Et c'est pourquoi on dit Emmanuel, c'est-à-dire "Dieu avec
nous".
notre
soutien est le Dieu de Jacob. Il montre ici le secours qu'il obtient
de Dieu, car lui-même est notre soutien, lui qui nous accueille dans sa
sollicitude: "Mais toi, Seigneur, tu es mon soutien, ma gloire, et tu
élèves ma tête." Ou bien il montre comment il est avec nous, puisqu'il
assume notre nature: "Nulle part il ne prend les anges, mais c'est la race
d'Abraham qu'il prend." Voilà pourquoi il est appelé Dieu de Jacob. Il est
appelé [Dieu] des armées à cause des
nations païennes, de crainte qu'elles ne croient que nous n'avons pas un autre
Dieu qu'eux-mêmes: "Il ne rougit pas de les appeler frères, disant:
"J'annoncerai ton nom à mes frères; je te louerai au milieu de l'assemblée.""
9 Venez et voyez les oeuvres du
Seigneur, les prodiges qu'il a opérés sur la terre, 10 en faisant cesser les guerres jus qu'à l'extrémité de la terre. Il
brisera l'arc et mettra les armes en pièces; et il brûlera les boucliers au
feu.
II. Le psalmiste exprime ici la tranquillité qui
résulte de la présence et de l'aide divines; et il fait trois choses.
A) Il commence
par éveiller l'attention.
B) Puis il expose
ce qu'est la tranquillité.
C) Enfin il
introduit une conclusion.
A. Il commence
donc par amener à la considération des oeuvres divines; et c'est pourquoi il
dit: Venez par la foi: "C'est
par la foi que nous marchons, et non par une claire vision." et voyez, par le zèle et l'attention
aimante: "Venez à moi, vous tous qui prenez de la peine et qui êtes
chargés, et je vous soulagerai." et
voyez, c'est-à-dire considérez, les
oeuvres du Seigneur. - "L'oeuvre du Seigneur, vous n'y avez pas égard,
et les ouvrages de ses mains, vous ne les considérez pas." Cela s'adresse
aux pécheurs. - "Merveilleuses sont tes oeuvres, mon âme le reconnaît
parfaitement."
les prodiges qu'il a opérés sur
la terre. Ces oeuvres sont
des prodiges qui annoncent un événement à venir. Et ce sont des merveilles qui
eurent lieu au temps du Christ, soit autour de sa mort, soit celles qu'il
accomplit au cours de sa vie: toutes choses qui furent des signes d'un
événement futur. Et ils ont lieu sur la
terre, c'est-à-dire sur toute puissance naturelle.
Et quelles sont ces oeuvres, il le montre en disant: en faisant cesser les guerres.
1) Ce fut d'abord
une oeuvre de paix.
2) Puis il montre
la grandeur de cette oeuvre.
3) Enfin son
utilité.
1. Il fit cesser
les guerres, parce qu'au temps de la nativité du Christ la paix se fit dans le
monde entier: "Dans ses jours s'élèvera la justice, et une abondance de
paix: jusqu'à ce que la lune disparaisse entièrement." - "Là il a
brisé la puissance des arcs, le bouclier, le glaive et la guerre." Et ces
oeuvres signifiaient la paix que le Christ vint établir entre Dieu et la nature
humaine.
2. La grandeur de
la paix est montrée quant au lieu, car il dit: jusqu'à l'extrémité de la terre, puisque ce fut comme une paix
universelle. Au sens littéral, cela eut lieu au temps de la nativité du Christ,
car, les guerres civiles ayant alors cessé, Octave dominait sur le monde
entier. Et cette paix annonçait que la paix du Christ devait descendre sur tous
les hommes: "Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et sur la terre, paix
aux hommes de bonne volonté." Puis la grandeur de la paix est montrée
quant au temps, car elle est de longue durée. Et il décrit cette longue durée,
car si l'homme craint la guerre, il conserve les armes; et c'est pourquoi il
dit: Il brisera l'arc et mettra les armes
en pièces, autrement dit, aussi longtemps que durera la paix, que tous livrent
leurs armes à l'oubli; car cette paix durera longtemps: "De leurs glaives
ils forgeront des socs de charrue, et de leurs lances des faux." Et il
décrit les armes de combat qui frappent à distance, aussi dit-il: il brisera l'arc.
- "Je briserai l'arc d'Israël dans la vallée de Jezrahel." Et il
décrit les armes qui frappent parfois de près: tels le glaive et la lance.
Semblablement il décrit les armes de défense, car il brûlera les boucliers au feu. Et ces oeuvres signifiaient la
perpétuité de la paix qui doit être réalisée par le Christ: "Son empire
s'accroîtra et la paix n'aura pas de fin." Il brisera l'arc, c'est-à-dire les machinations trompeuses: "Que
leur arc soit brisé." Et il mettra
les armes en pièces, c'est-à-dire les embûches manifestes: "Lorsque le
fort armé garde l'entrée de sa maison, ce qu'il possède est en sûreté." et il brûlera les boucliers au feu, c'est-à-dire
les défenses des esprits obstinés, au moyen desquelles ils s'efforcent de
résister à la volonté divine: "Son corps est comme des boucliers jetés en
fonte et couverts d'écailles épaisses et serrées." Et il brûlera ces armes avec le feu de l'Esprit-Saint, qui
dissout la dureté des coeurs: "Je suis venu jeter un feu sur la terre; et
que veux-je, sinon qu'il soit allumé ?"
11 Vaquez
au repos et voyez que je suis Dieu, je serai exalté dans les nations et je
serai exalté sur la terre. 12 Le
Seigneur des armées est avec nous: notre soutien est le Dieu de Jacob.
B. Vaquez au repos et voyez. Telle est la
fin de la paix. La fin de la paix temporelle, selon le Philosophe, est la
contemplation de la vérité. C'est pourquoi la paix est la fin utile de la vie
active, et la paix est ordonnée à la contemplation. Et, selon Augustin, le
Christ a ménagé la paix à l'Empire romain afin que les Apôtres parcourent le
monde entier. Et c'est pourquoi il dit en quoi consiste une si grande paix: Vaquez au repos et voyez. Il est donc
manifeste que Dieu donne la paix afin qu'ils ne vaquent pas aux oeuvres
mauvaises, mais à la contemplation de la vérité: "Que le mari rende à la
femme ce qu'il lui doit, et pareillement la femme à son mari [...] Ne vous
refusez point l'un à l'autre ce devoir, si ce n'est de concert, pour un temps,
afin que vous vaquiez à la prière." - "Le sage vaquera à l'étude des
prophètes." voyez. Il dit deux
choses:
1) D'abord que le
Christ est le vrai Dieu.
2) Puis que sa
foi doit être répandue à travers le monde entier.
1. Il dit d'abord
qu'il est Dieu: "Voyez que moi je suis seul, et qu'il n'y a point d'autre
Dieu que moi."
2. Quant à
l'extension de la foi, il dit: je serai
exalté dans les nations, je me révélerai pleinement dans la foi des nations:
"Depuis le lever du soleil jusqu'à son coucher, grand est mon nom parmi
les nations; et en tout lieu l'on sacrifie, et une oblation pure est offerte à
mon nom, parce que grand est mon nom parmi les nations, dit le Seigneur des
armées." Et il expose cela une seconde fois: je serai exalté sur la terre, c'est-à-dire sur la terre des Juifs, qui est appelée terre à cause de sa
stabilité: "Une partie d'Israël est tombée dans l'aveuglement, jusqu'à ce
que la plénitude des nations soit entrée; et qu'ainsi tout Israël soit sauvé."
C. En mentionnant
ces choses il montre la grandeur de Dieu, lorsqu'il dit: Le Seigneur des armées est avec nous, autrement dit, par ces
grandes oeuvres de Dieu alors manifestées, nous pouvons dire que le Seigneur
des armées est avec nous. Ce verset a été commenté plus haut.
1 Pour la fin. Des
fils de Coré. Psaume.
2 Toutes les
nations, battez des mains, jubilez à Dieu avec une voix d'exultation.
3 Parce que le
Seigneur est très élevé et terrible, grand roi sur toute la terre. 4 Il nous a
soumis des peuples, et [il a mis] des nations païennes sous nos pieds.
5 Il nous a
choisis pour son héritage; c'est la beauté de Jacob qu'il a aimée. 6 Dieu est monté avec jubilation, et le
Seigneur à la voix de la trompette. 7 Chantez en l'honneur de notre Dieu,
chantez: chantez en l'honneur de notre roi, chantez.
8 Parce que Dieu
est le roi de toute la terre, chantez avec sagesse. 9 Dieu régnera sur les
nations: Dieu est assis sur son trône saint. 10 Les princes des peuples se sont
réunis avec le Dieu d'Abraham; parce que les dieux puissants de la terre ont
été souverainement élevés.
1 Pour la fin. Des
fils de Coré. Psaume.
2 Toutes les
nations, battez des mains, jubilez à Dieu avec une voix d'exultation.
Dans les psaumes précédents, le psalmiste a exposé la gloire du roi et
du royaume; mais ici il exhorte les nations étrangères à se convenir à Dieu. Et
il exhorte d'abord à la louange divine. Puis à mettre leur espérance en Dieu: "Écoutez
ces choses, [vous] toutes, nations." Enfin il leur enseigne le culte divin:
"Le Dieu des dieux, le Seigneur a parlé, et il a appelé la terre."
Le titre de ce psaume est déjà connu, puisqu'il a été commenté plus
haut: Pour la fin. Des fils de Coré.
Psaume de David. Au sujet de la première exhortation il fait deux choses.
Il exhorte d'abord toutes les nations à la louange de Dieu. Puis il expose la
matière de cette louange: "Le Seigneur est grand."
En exhortant toutes les nations à la louange de Dieu il fait trois
choses.
I. Car il expose d'abord son invitation à la
louange de Dieu.
II. Puis sa cause: 3 Parce que le Seigneur est très élevé.
III. Enfin il manifeste cette cause: 6 Dieu est monté.
I. La louange de Dieu doit procéder de la joie
du coeur, et il en est de même dans la Patrie: "On y trouvera la joie et
l'allégresse, l'action de grâce et la voix de la louange." Cette
allégresse du coeur est manifestée par un signe extérieurement, c'est-à-dire
par celui d'une action ou d'une parole.
A) Le psalmiste
introduit donc à la louange d'abord par des actions.
B) Puis par des
paroles.
A. Ainsi dit-il: Toutes les nations, autrement dit: Dieu
a fait tant de bien à notre égard, donc louez-le en action: battez des mains. Le battement des mains
se fait en signe d'exultation: "Les prêtres battaient des mains",
autrement dit: applaudissez, c'est-à-dire montrez l'exultation du coeur par le
battement des mains. Et cela a lieu lorsque l'homme se met extérieurement au
service de Dieu avec joie: "Servez le Seigneur avec allégresse. Entrez en
sa présence avec exultation." - "Tous les arbres du pays battront des
mains", c'est-à-dire tous les peuples applaudiront.
B. Semblablement,
louez-le par la parole; aussi dit-il: jubilez
à Dieu avec une voix d'exultation, c'est-à-dire en montrant par la voix
extérieure le sentiment intérieur. Selon la Glose,
la jubilation est une joie ineffable qui ne peut être tue, mais qui ne peut
être exprimée, parce qu'elle dépasse la compréhension. Et telle est la bonté de
Dieu qui ne peut pas être exprimée; et si elle est exprimée, elle est cependant
imparfaitement exprimée. Et c'est pourquoi Jérémie disait: "A, a, a,
Seigneur Dieu; vois, je ne sais point parler, parce que moi, je suis un enfant."
Et l'Église signifie cette jubilation, lorsque sur un même mot elle multiplie
des notes musicales: "Jubilate Deo, Jubilez
à Dieu, toute la terre, dites un psaume à son nom; donnez gloire à sa louange."
3 Parce que le Seigneur est très
élevé et terrible, grand roi sur toute la terre. 4 Il nous a soumis des peuples, et [il a mis] des nations païennes sous
nos pieds.
II. Ici le psalmiste expose la cause de la
louange, et les biens qui proviennent de la grandeur de Dieu.
A) Il expose
d'abord la grandeur de Dieu.
B) Puis le signe
de sa grandeur.
A. La grandeur de
Dieu est manifestée de deux manières.
1) D'abord par la
hauteur de sa puissance.
2) Puis par la
majesté de sa domination.
1. Ainsi dit-il:
Dieu doit être loué à cause de la hauteur de sa nature, car le Seigneur est très élevé - "Il
est élevé au-dessus de toutes les nations, le Seigneur, et au-dessus des cieux
est sa gloire." Et parce que les choses élevées nous sont éloignées, on
pourrait croire que Dieu ne doit pas être craint, et qu'il n'exerce pas sa
providence sur nous, comme certains insensés l'ont prétendu, et au nom desquels
le livre de Job rapporte: "Il parcourt les pôles du ciel, il ne s'occupe
pas de ce qui nous regarde." Et c'est pourquoi il disait: dans la mesure
où cela dépend de toi, tu as aboli la crainte. Mais il n'en est pas ainsi.
Celui-ci est très élevé, parce qu'il est terrible, parce qu'il voit toutes
choses, punit toutes choses.
2. Semblablement
il doit être craint à cause de sa domination, car il est grand roi sur toute la terre. - "Au Seigneur est la terre et
toute sa plénitude; le globe du monde et tous ceux qui l'habitent." Il est
grand par l'universalité de sa domination, car "son règne est un règne de
tous les siècles". Pareillement par sa durée, car il est éternel. De même
par son autorité, parce qu'il est le roi de tous les rois.
B. Le signe de la
grandeur de ce roi se fonde sur ce qu'il a fait envers nous, et ce sont les
bienfaits de Dieu.
1) D'abord dans
la soumission des autres.
2) Puis dans le
don des bienfaits.
1. Ainsi dit-il: Il nous a soumis des peuples. Ce sont
les paroles de l'Église, à laquelle même ses ennemis se sont soumis
temporellement. Selon Augustin d'après la Glose,
combien à présent qui, sans être encore chrétiens, accourent vers l'Église,
demandent son assistance, veulent être secourus temporellement, bien qu'ils
refusent encore de régner éternellement avec nous." Ce sont aussi les
paroles des Apôtres: Il nous a soumis des
peuples, c'est-à-dire des Juifs, et des païens, c'est-à-dire des nations, sous nos pieds. Il est écrit dans Isaïe:
"Qu'ils sont beaux sur les montagnes, les pieds de celui qui annonce et
qui prêche la paix." Et encore: "Afin d'assujettir devant sa face les
nations." Certains se sont convertis à la foi, et ceux-ci se sont soumis
par leur propre volonté. D'autres ne se sont pas convertis, mais vivent à la
façon des païens; mais ceux-ci ont été soumis sous nos pieds, parce que
finalement ils seront écrasés sous notre pouvoir judiciaire.
5 Il nous a choisis pour son
héritage; c'est la beauté de Jacob
qu'il a aimée. "Dieu est monté avec jubilation, et le Seigneur à la voix
de la trompette. 7 Chantez en
l'honneur de notre Dieu, chantez: chantez en l'honneur de notre roi, chantez.
2. Ici le
psalmiste expose l'autre bienfait du don des biens. Il faut noter à ce propos
que le choix implique une acceptation de l'un envers l'autre. Or le choix de
Dieu peut être accueilli selon un double point de vue.
a. D'abord, en
considérant les biens qui sont conférés; et dans ce cas il faut faire la
distinction suivante: car certains d'entre ces biens sont temporels, d'autres
spirituels. Les pécheurs impies, eux, reçoivent en partage les biens temporels
qui leur échoient: "Tel est notre partage et notre sort." Mais les
justes reçoivent en partage Dieu lui-même: "Le Seigneur est la part de mon
héritage et de mon calice." Tandis que Dieu s'est choisi des biens
spirituels, c'est-à-dire nous a fait choisir des biens spirituels. Il nous a choisis pour son héritage, autrement
dit: alors qu'il y a diverses parts de biens, il a choisi de nous donner son
héritage.
b. Puis le choix
de Dieu est considéré du côté de ceux à qui l'héritage est donné; et ainsi a
lieu le partage, car tous les damnés sont dans le péché originel, cependant
certains sont sauvés par le choix de Dieu. Et c'est pourquoi il dit: Il nous a choisis, etc. Et quel est cet héritage, il le montre
en disant: c'est la beauté de Jacob qu'il a aimée. Une version de Jérôme
lit: "gloriam, vel superbiam Jacob (c'est la gloire, ou l'orgueil de Jacob)."
Et ici le mot superbia (orgueil) a le
sens d'excellence: "Je ferai de toi l'orgueil", c'est-à-dire
l'excellence, "des siècles". De même avec le mot "gloire",
c'est-à-dire avec l'aspect ou la beauté; car dans ce même héritage éternel ils
seront excellents, glorieux et beaux: "Que le Seigneur te bénisse, beauté
de justice, montagne sainte." qu'il
a aimée, ou bien que Jacob aima, autrement dit: cet héritage est la gloire
de Jacob, c'est-à-dire du fidèle; cette gloire que Dieu a aimée, parce que "le
Seigneur a aimé les portes de Sion plus que toutes les tentes de Jacob".
Ou bien: l'aspect de Jacob, c'est-à-dire ce qui est représenté par Jacob; car
lui ont été représentés des biens spirituels, pour lesquels nous avons été
choisis; ainsi en est-il de l'échelle qu'il a vue, et d'autres choses
semblables. Mais la première lecture est meilleure.
III. Dieu
est monté avec jubilation. Ici le psalmiste manifeste la cause et l'ordre
de la louange divine. Il dit qu'il est très élevé et qu'il est un grand roi: et
pour cette raison il doit être loué. Mais est-il vraiment très élevé ? Oui
vraiment.
A) Et il commence
par montrer son excellence.
B) Puis il montre
l'étendue de son règne: 8 Parce que Dieu.
A. En montrant
son excellence il fait deux choses.
1) Il expose
d'abord son excellence.
2) Puis il
conclut sur une exhortation: 7 chantez.
1. Ainsi je dis
qu'il est très élevé, parce qu'il monte. Mais s'il est très élevé, comment
est-il monté ? Parce qu'il est descendu: "Que signifie: "Il est
monté", sinon qu'il était descendu d'abord dans les régions inférieures de
la terre ? Celui qui est descendu est celui-là même qui est monté au-dessus de
tous les cieux, afin de tout remplir." Mais comment est-il monté ? avec jubilation. La jubilation est une
joie immense, et cette jubilation signifie la connaissance imparfaite. Il y eut
deux genres de chants dans l'Ascension du Christ: celui des Apôtres et celui
des Anges. Les Apôtres, eux, ont une connaissance imparfaite des réalités
divines; et c'est pourquoi la jubilation exprimant la joie de l'Ascension du
Christ en gloire leur convient. Semblablement il y eut les Anges qui, eux,
eurent une connaissance claire; mais à ces derniers ne convient pas la
jubilation, mais l'annonce manifeste; et c'est pourquoi le psalmiste dit: et le Seigneur à la voix de la trompette. D'où
ces paroles des Anges: "Hommes de Galilée, pourquoi vous tenez-vous là,
regardant au ciel ? Ce Jésus, qui au milieu de vous a été enlevé au ciel,
viendra de la même manière que vous l'avez vu s'en aller au ciel."
2. Donc, s'il est
très élevé, chantez en l'honneur de notre
Dieu, de bouche, chantez en l'honneur
de notre roi, de coeur: "Je chanterai d'esprit des cantiques, mais je
les chanterai aussi avec l'intelligence."
8 Parce que Dieu est le roi de
toute la terre, chantez avec sagesse. 9 Dieu
régnera sur les nations: Dieu est assis sur son trône saint. 10 Les princes des peuples se sont réunis avec
le Dieu d'Abraham; parce que les dieux puissants de la terre ont été
souverainement élevés.
B. Ensuite le
psalmiste montre qu'il est un grand roi; et il montre cela dans un ordre
inverse.
1) Car il les
amène d'abord à chanter en l'honneur du roi.
2) Puis il en
assigne la cause.
3) Enfin il la
manifeste.
1. Ainsi je dis: Chantez en l'honneur de Dieu, et de
nouveau: chantez en l'honneur [du] roi, car
il est grand. Et il dit deux fois: chantez,
chantez, parce que dans ce même honneur nous honorons l'humanité et la
divinité dans le Christ, et que ce même honneur est signifié dans ce verset de
l'évangile de Jean: "Afin que tous honorent le Fils comme ils honorent le
Père: qui n'honore point le Fils n'honore point le Père qui l'a envoyé."
2. Et qu'on doive
chanter en son honneur, il le montre, puisque 8 Dieu est le roi de toute la
terre. Et c'est pourquoi vous, habitants de la terre, chantez en son honneur.
Et il dit: de toute la terre, non
seulement de la Judée, ou de la Grèce, mais du monde entier. Mais chantez avec sagesse, c'est-à-dire avec
discernement. Et chantez non seulement de bouche, mais de coeur, renouvelés
intérieurement: car "la louange n'est pas belle dans la bouche du pécheur",
comme le dit l'Ecclésiastique. Semblablement, ne chantez pas avec un esprit
troublé: "Quelqu'un de vous est-il triste ? qu'il prie. Est-il content ?
qu'il chante des cantiques." De
même, chantez de manière continue: "Chante bien, réitère souvent ton
chant."
3. Ensuite il
manifeste comment il est roi de toute la terre.
a) Et il prédit
d'abord que le règne du Christ s'étendra sur toutes les nations.
b) Puis sur tous
les princes des nations.
a. Autrement dit:
je dis qu'il est roi de toute la terre; car même si à présent il règne
seulement sur la Judée, il régnera cependant sur toutes les nations, puisque
toutes les nations se convertiront à Dieu: "Toutes les nations louez le
Seigneur, louez-le tous les peuples." Et cela se justifie par le fait que
le Christ est Dieu, et qu'il est déjà monté à la droite du Père: il est assis sur son trône saint, c'est-à-dire
à la droite de Dieu; et ainsi il ne lui reste plus rien à accomplir si ce n'est
que tous lui soient soumis: "On lui donnera le royaume, et l'honneur, et
l'empire."
b. Non seulement
les nations lui sont soumises, mais aussi les princes; aussi dit-il: Les princes des peuples, c'est-à-dire de
tous les peuples, se sont réunis, par
la foi et l'amour, avec le Dieu
d'Abraham. Et il dit Abraham parce
que lui-même fut le fondement de la foi et au Père et au Fils: "Dieu peut
de ces pierres mêmes susciter des enfants à Abraham." - "Les rois
d'Arabie et de Saba lui apporteront des dons, et tous les rois de la terre
l'adoreront; toutes les nations le serviront." Et la raison pour laquelle
ils se sont réunis, c'est parce que les
dieux puissants de la terre ont été souverainement élevés. Et cela peut se
comprendre de deux manières. Selon une première manière en l'appliquant aux
Juifs: car eux-mêmes furent des dieux, puisqu'ils furent instruits par Dieu: "[votre]
loi appelle dieux ceux à qui la parole de Dieu a été adressée". De même
ils furent puissants, parce que constants dans la foi au Dieu unique, mais de la terre, parce que leurs yeux et
leurs affections étaient tournés vers la terre. Ceux-ci ont été élevés, par leur orgueil, souverainement, en tant qu'ils ont refusé la doctrine du Christ. Et
c'est pourquoi les Apôtres allèrent vers les nations. Selon une autre manière
de comprendre, les dieux puissants, ce
sont les Apôtres. Et ils sont appelés dieux
à cause de leur pouvoir judiciaire. Les juges aussi étaient appelés dieux
dans l'Ancien Testament: "Tu ne parleras point mal des dieux." Et: "Sois
conduit aux dieux", c'est-à-dire aux juges. Et ils sont appelés puissants à cause de leur constance dans
la souffrance: "Qui donc nous séparera de l'amour du Christ ?" de la terre, c'est-à-dire vivant encore
dans les choses terrestres: "Nous avons ce trésor en des vases d'argile."
Et ils ont été élevés souverainement par
la prédication: "Et eux, étant partis, prêchèrent partout, le Seigneur
coopérant avec eux, et confirmant leur parole par des signes qui
l'accompagnaient." Semblablement, par l'accomplissement des miracles.
Pareillement par l'acquisition de la gloire. Une version de Jérôme lit: "Quoniam dii scuta terrae (Parce que les
dieux boucliers de la terre)", car les Apôtres furent les protecteurs de
tous les peuples.
1 Psaume du Cantique des fils de Coré
pour le deuxième jour de la semaine. 2 Grand est le Seigneur et louable
hautement, dans la cité de notre Dieu, et sur sa montagne sainte.
3 La montagne de Sion est fondée pour
l'exultation de toute la terre, le côté de l'aquilon, la cité du grand roi. 4
Dieu sera connu dans ses demeures, quand il en prendra la défense.
5 Car voilà que les rois de la terre se
sont réunis, ils se sont assemblés dans l'unité. 6 Eux-mêmes, voyant, furent
ainsi dans l'étonnement, ils furent troublés, ils ont été émus, 7 un
tremblement les a saisis. Là [ils ont ressenti] comme les douleurs de celle qui
enfante; 8 par un vent véhément tu briseras les vaisseaux de Tharsis.
9 Comme nous l'avons entendu, de même
nous l'avons vu dans la cité du Seigneur des armées, dans la cité de notre Dieu:
Dieu l'a fondée pour l'éternité.
10 Nous avons reçu, ô Dieu, ta
miséricorde, au milieu de ton temple. 11 Selon ton nom, ô Dieu, ainsi ta
louange s'étend jusqu'aux extrémités de la terre. Ta droite est pleine de
justice. 12 Que la montagne de Sion se réjouisse, et que les filles de Juda
tressaillent d'allégresse, à cause de tes jugements, Seigneur.
13 Entourez Sion, et embrassez-la;
racontez sur ses tours. 14 Appliquez vos coeurs sur sa force, et distribuez ses
demeures, afin que vous [le] racontiez à l'autre génération. 15 Parce que tel
est Dieu, notre Dieu pour l'éternité, et dans les siècles des siècles: lui-même
nous conduira dans les siècles.
1 Psaume du Cantique des fils de Coré
pour le deuxième jour de la semaine. 2 Grand est le Seigneur et louable hautement,
dans la cité de notre Dieu, et sur sa montagne sainte.
Plus haut le psalmiste a invité les nations à chanter en l'honneur de
Dieu pour ses bienfaits; mais ici il décrit la grande exultation du peuple ou
de la cité.
Ce psaume est intitulé: Psaume louange
du Cantique des fils de Coré pour le
deuxième jour de la semaine. Chez les Juifs le sabbat était regardé comme
un jour très solennel: et ils nommaient tous les jours de la semaine à partir
du jour du sabbat, de telle sorte que le jour du Seigneur était appelé premier
jour de la semaine; le jour de la lune était appelé deuxième jour de la semaine;
et ainsi en était-il pour les autres jours.
Il dit: pour le deuxième jour de
la semaine, car il est écrit dans le récit de la création de la Genèse que
le premier jour Dieu a dit: "Que la lumière soit"; le deuxième jour
il a dit: "Qu'il y ait un firmament." Par la lumière on entend le
Christ; par le firmament est désignée l'Église. Donc parce qu'il traite ici de
la grandeur de l'Église, il sied de dire pour
le deuxième jour de la semaine. Cependant la mention pour le deuxième jour de la semaine ne figure ni dans l'hébreu, ni
dans la iuxta Hebraeos de Jérôme.
Ce psaume se divise en deux parties.
I) Car le psalmiste décrit d'abord la grandeur
de la cité.
II) Puis il ajoute l'action de grâce: 10 Nous avons reçu, ô Dieu, ta miséricorde.
I. En décrivant la grandeur de la cité il fait
deux choses.
A) Il commence
par la décrire.
B) Puis il
introduit un témoignage: 5 Car voilà que
les rois de la terre.
A. La dignité de
la cité dépend de son Seigneur.
1) Et c'est
pourquoi il fait d'abord l'éloge du Seigneur.
2) Puis de la
cité: 3 est fondée.
1. Il décrit le
Seigneur par sa propre dignité, et par ses oeuvres.
Par sa dignité, car grand est le
Seigneur. - "Quel dieu est grand comme notre Dieu ?" Et sa
grandeur est l'immensité de sa bonté. Selon Augustin, dans les réalités qui ne
sont point grandes par leur masse, être grand c'est être bon.
Par ses oeuvres, car il est louable
hautement. La louange concerne en particulier les oeuvres. Et il dit: hautement, car quelle que soit la mesure
de ta louange envers lui, elle restera encore insuffisante: "Glorifiez le
Seigneur autant que vous pourrez, il sera encore au-dessus [de vos louanges]."
Et cette réalité, bien qu'elle soit manifeste en toute créature, apparaît
cependant plus spécialement dans les bienfaits de la grâce pour lesquels
l'Église a été établie. Et c'est pourquoi il dit: dans la cité de notre Dieu, c'est-à-dire de l'Église: "Je vis
descendre du ciel, d'auprès de Dieu, la cité sainte, la Jérusalem céleste,
vêtue comme une nouvelle mariée pour son époux." Et cette cité,
c'est-à-dire l'Église, est fondée sur sa
montagne sainte. Cette montagne est le Christ: "La montagne de la
maison du Seigneur sera établie au sommet des montagnes." À propos de
cette cité il est écrit dans Matthieu: "Une cité située au sommet d'une
montagne ne peut être cachée."
3 La montagne dé Sion est fondée
pour l'exultation de toute la terre, le côté de l'aquilon, la cité du grand
roi. 4 Dieu sera connu dans ses
demeures, quand il en prendra la défense.
2. Ici le
psalmiste fait l'éloge de la cité de trois manières.
a) D'abord par
son étendue ou par sa joie.
b) Puis par sa
disposition.
c) Enfin par la
sagesse de ses citoyens.
a. Ainsi dit-il: fondée pour l'exultation de toute la terre, autrement
dit, elle est fondée sur la montagne, c'est-à-dire sur le Christ. Mais cette
fondation concerne-t-elle une terre seulement ? Non, mais elle déborde pour la
joie de la terre entière, car tous recueillent la joie de cette fondation: "Jubilez
à Dieu toute la terre, dites un psaume en l'honneur de son nom: rendez gloire à
sa louange." - "Ils viendront à Sion avec des chants de joie." -
"Est-ce là, disaient-ils, cette ville d'une beauté parfaite, la joie de
toute la terre ?" Une autre version lit: fundator (fondateur), autrement dit: grand est le Seigneur. Et je
dis: le Seigneur, lui qui est le fondateur de cette cité. Et cela pour l'exultation.
b. La montagne de Sion [...] le côté de l'aquilon, c'est-à-dire établie sur le côté
de la montagne de Sion vers l'aquilon. Sion signifie les Juifs, mais l'aquilon
signifie les nations idolâtres. Donc cette cité est composée de Juifs et de
païens. La version iuxta Hebraeos de
Jérôme lit autrement, et cela convient au mystère de l'épouse: "Germinet gaudio universae terrae montis
Sion, inlateribus aquilonis civitaculae regis magni (Qu'elle fructifie pour
la joie de la terre entière, de la montagne de Sion, sur les côtés de
l'aquilon, de la petite cité du grand roi)." On explique cela selon le
mystère. Cette cité est louée pour l'ordre civil qu'elle cultive, et pour
l'humanité du Christ qu'elle a assumée. Je dis qu'elle est grande; et cela à
cause de son admirable croissance elle-même, c'est-à-dire à cause du Christ. Et
telle est la joie de toute la terre. En hébreu on lit: "superbe
d'exultation" , à savoir le Christ, et cela sur la montagne de Sion.
c. Dieu sera connu dans ses demeures. Ici
le psalmiste fait l'éloge de la cité à cause de la sagesse des citoyens, car la
vraie sagesse consiste en la connaissance de Dieu: "Que celui qui se
glorifie se glorifie en ceci: d'avoir de l'intelligence et de me connaître."
Et il fait l'éloge de cette cité, parce que Dieu est connu dans celle-ci, et il
dit: Dieu sera connu dans ses demeures. Or
il y a une triple connaissance de Dieu: car cela peut s'appliquer à l'état de
la cité de Jérusalem, à l'Église, et à la gloire future.
- Ainsi la première connaissance de Dieu est figurée et obscure; cette
connaissance eut lieu dans l'Ancien Testament: et une telle connaissance fut
dans cette cité, à savoir dans Jérusalem, et dans le peuple juif: "Dieu
est connu en Judée, dans Israël son nom est grand." Et selon cela il est
dit: Dieu sera connu dans ses demeures. La
version iuxta Hebraeos de Jérôme lit:
"Deus in domibus eius agnitus est (Dieu
s'est fait connaître dans ses demeures)", à savoir non point en un seul
lieu, mais dans toutes les demeures et les cités. Et il dit: dans ses demeures, car Dieu était connu
chez les Athéniens: "C'est en lui que nous avons la vie, le mouvement et
l'être." - "Les perfections invisibles [de Dieu], son éternelle
puissance et sa divinité sont, depuis la création du monde, rendues visibles à
l'intelligence par le moyen de ses oeuvres." Mais en réalité, dans les
demeures, il n'était pas connu, sauf pour quelques-uns dans les écoles; en
revanche dans cette nation tous connaissaient Dieu.
- Autre est la connaissance réelle, mais obscure et imparfaite; et
telle est la connaissance par laquelle Dieu est connu par la foi: "Maintenant
nous voyons dans un miroir, d'une manière obscure, mais alors [nous verrons)
face à face", et ainsi Dieu est connu dans ses demeures par une
connaissance réelle, celle de la foi: "Pour nous tous, le visage
découvert, réfléchissant comme dans un miroir la gloire du Seigneur." Et
il dit: dans ses demeures, parce que
toute l'Église universelle renferme en elle de nombreuses Églises et de
nombreuses communautés, dont chaque demeure est dite avoir la connaissance de
Dieu: "Ils me connaîtront tous, depuis le plus petit jusqu'au plus grand."
- Autre est la connaissance réelle, qui est
parfaite et claire: "Alors je connaîtrai comme je suis connu", dans
les demeures de la Jérusalem céleste. Et on dit qu'il y a plusieurs demeures à
cause des divers ordres de saints, à savoir des Apôtres, des martyrs, des
confesseurs et des vierges, etc.: "Il y a beaucoup de demeures dans la
maison de mon Père." Et selon cela il est écrit dans le Psautier romain: "Deus in gradibus ejus cognoscetur (Dieu
sera connu dans ses degrés)"; car tous ne le connaîtront pas également,
mais il y aura divers degrés de connaissance selon certains: "Une étoile
diffère en éclat d'une autre étoile." Mais cela aura lieu, quand il en prendra la défense, pour lui
donner son aide, car lui-même est notre défenseur et notre secours. Une autre
version de Jérôme lit: in auxiliando (en
aidant).
5 Car voilà que les
rois de la terre se sont réunis, ils se sont assemblés dans l'unité. 6 Eux-mêmes, voyant, furent ainsi dans l'étonnement, ils furent troublés, ils ont
été émus, 7 un tremblement les a
saisis. Là [ils ont ressenti] comme les douleurs de celle qui enfante; 8 par un vent véhément tu briseras les
vaisseaux de Tharsis.
B. Ici le
psalmiste prouve la dignité de la cité par un témoignage.
1) Et il commence
par présenter les témoins.
2) Puis il expose
leur probité.
3) Enfin leur
confession.
1. Pour qu'un
témoignage soit crédible, trois choses sont nécessaires: la dignité des
témoins, en tant qu'ils sont les témoins de l'autorité; car s'ils sont légers,
leur témoignage ne doit pas être approuvé. Semblablement il faut qu'il y ait un
grand nombre de témoins, et la concordance de leurs témoignages; et ces trois
choses sont chez ces témoins.
Car ils sont d'une grande dignité, puisqu'il est écrit: les rois de la terre. L'un fut
Constantin, un autre fut Justinien, ou encore Charlemagne, lesquels affermirent
l'Église par leurs privilèges.
De même ils furent nombreux, puisqu'ils se sont réunis [venant] de
nations diverses et à des moments divers. Par les rois on peut aussi entendre
les sages et les justes, qui rendirent témoignage à l'Église en se
convertissant à la foi: "les princes des peuples".
Pareillement, ils sont concordants, car ils se sont assemblés dans l'unité, à savoir pour donner leur
témoignage et prononcer leur sentence: "En y rassemblant dans l'unité les
peuples et les rois pour qu'ils servent le Seigneur."
On peut encore donner une autre explication; cependant le premier
commentaire est littéral, puisqu'on lit dans une version de Jérôme: testati sunt (ont attesté).En grec on
lit: "ils la prendront", c'est-à-dire pour la défendre. Et c'est
nécessaire, car voilà que les rois de la
terre se sont réunis, ils se sont assemblés dans l'unité, à savoir contre
l'Église. Et ceux qui enfin rendent témoignage furent autrefois contre
l'Église, la persécutèrent, et par la suite l'affermirent.
2. Eux-mêmes. Ici le psalmiste décrit leur
probité; et à ce propos il y a sept choses à considérer.
a. D'abord la
vision, c'est-à-dire la connaissance de la foi, aussi dit-il: Eux-mêmes, c'est-à-dire reconnaissant
par la foi des miracles que le Christ et les Apôtres accomplissaient: "Les
nations verront ta justice et tous les rois ta gloire."
b. La deuxième
chose est l'étonnement dû à ce qu'ils voient, car cela dépasse le sens et la
raison humaine: "Tu verras et tu seras dans l'abondance, et ton coeur
s'étonnera et se dilatera." - "Étonnantes sont tes oeuvres, mon âme
le reconnaît parfaitement."
c. La troisième
chose est le trouble dû aux péchés. Concernant l'étonnement il dit: furent dans l'étonnement. Et à propos du
trouble il dit: ils furent troublés.
- "Tu as ébranlé la terre, et tu l'as troublée."
d. Là quatrième chose est l'émotion. Il arrive que quelqu'un soit
troublé à cause de son péché et tombe dans le désespoir, ou bien persiste dans
le mal; mais ceux-ci sont émus jusqu'au repentir: "La terre sera ébranlée
par des secousses."
e. La cinquième chose est que cette émotion doit être accompagnée de la
crainte de Dieu, afin de ne pas s'attribuer le fait d'être mû par soi vers le
bien, mais à Dieu; et il dit: un
tremblement les a saisis. - "Servez le Seigneur dans la crainte."
f. Cette douleur et ce tremblement sont fructueux, aussi dit-il: Là [ils ont ressenti] comme les douleurs de
celle qui enfante, douleurs qui se changent en joie à cause de l'espérance
de la descendance et du fruit: "En te craignant, Seigneur, nous avons
conçu et nous avons enfanté un esprit de salut." Telle est la sixième
chose.
g. La septième chose est: par un
vent véhément tu briseras les vaisseaux de Tharsis, c'est-à-dire la mer au
sens universel, et ainsi tu briseras les vaisseaux de la mer.
Ou bien il faut dire que Là désigne
une province, qui est appelée Cilicie, et que Tharse en est la métropole. En ce
lieu naquit Paul, et cette cité de Tharse donna son nom à toute la région, et
il y a là beaucoup de navires; ou bien, comme les premiers navigateurs en mer
Méditerranée édifièrent Carthage, ainsi se battant avec les gens de Tyr, ils
l'emportèrent. Et c'est pourquoi Tharsis désigne toute la mer du monde. Par les
vaisseaux, qui s'en vont faire du commerce, est signifiée la cupidité, et c'est
l'abondance des biens du monde. Et comme les vaisseaux flottent sur la mer,
ainsi les riches nagent dans les biens du monde. Mais quand l'homme se
convertit en faisant pénitence, alors les vaisseaux, c'est-à-dire les cupidités
de ce monde, seront brisés; mais par un
vent véhément, c'est-à-dire par l'Esprit-Saint: "Proche est le jour du
Seigneur pour toutes les nations." - "Hurlez, vaisseaux de la mer,
car le lieu d'où les navires avaient coutume de venir a été détruit."
Mais, selon Cassiodore, dans ce qui vient d'être dit est signifié tout le temps
de l'incarnation du Christ. Dieu sera
connu dans ses demeures, quand il en prendra la défense, c'est-à-dire la
nature humaine assumée dans l'unité de sa personne: "C'est pourquoi mon
peuple connaîtra mon nom en ce jour-là, car moi qui parlais, me voici." Et
pourquoi ? Car voilà que les rois de la
terre se sont réunis, ils se sont assemblés dans l'unité. Les rois,
c'est-à-dire les princes des Juifs et des scribes du peuple se sont réunis à la
demande d'Hérode, afin de s'enquérir auprès d'eux du lieu où était né le
Christ. "Et ils se firent unanimes" pour dire qu'il était né à
Bethléem. Et voyant bien cela, comme
l'ont dit les prophètes, ils furent ainsi
dans l'étonnement, et en ont été émus;
car "Hérode en fut troublé et tout Jérusalem avec lui". Et ils ont été émus, pour certains jusqu'à
la foi. La peur fut Si grande que le corps fut saisi de tremblement: un tremblement les a saisis; et Là [ils ont ressenti] comme les douleurs de
celle qui enfante, à cause du meurtre des enfants tués par Hérode; et par un vent véhément, parce que dans sa
fureur il envoya tuer tous les enfants depuis l'âge de deux ans et au-dessous.
Et dans sa fureur il fit brûler tous les vaisseaux de Tharsis, c'est-à-dire
dans la cité de Tharse de Cilicie, vaisseaux qu'il croyait avoir été emportés
par les mages, quand ils s'en étaient retournés par un autre chemin vers leur
patrie. Voilà pourquoi il dit: par un
vent véhément.
9 Comme nous l'avons entendu, de
même nous l'avons vu dans la cité du Seigneur des armées, dans la cité de notre
Dieu: Dieu l'a fondée pour l'éternité.
3. Ici le
psalmiste expose la confession et le témoignage des témoins. Ils confessent
d'abord la vérité de ce qu'ils ont entendu: Comme
nous l'avons entendu, par la prédication des Apôtres, de même nous l'avons vu, c'est-à-dire nous avons perçu que c'était
vrai. Ils dirent cela après s'être convertis au Christ. Ou bien en tant qu'il
s'agit de la conversion des Juifs. Nous, nous avons entendu par les prophètes,
et voici que déjà nous avons vu. Mais il arrive parfois que quelqu'un entende
quelque chose de grand, et qu'il n'y croie pas jusqu'à ce qu'il en fasse
l'expérience: et Jacob dit cela dans la Genèse: "Vraiment ce lieu est
saint, et je ne le savais pas." On rapporte dans le premier livre des Rois
que la reine de Saba vint constater ce qu'elle avait appris, mais elle ne
croyait pas que la sagesse de Salomon fût aussi grande; et elle vit un grand
nombre de choses incroyables touchant ce qu'elle avait appris. Tels sont ceux
qui voient plus de choses qu'ils n'en entendent, avant d'en venir à la foi. Et
où voyons-nous cela ? dans la cité du
Seigneur des armées, c'est-à-dire dans la cité des cieux. Là il montre
qu'il peut t'y conduire. Et pour qu'on ne croie pas qu'il est élevé de manière
à ce que toi tu ne puisses aller vers lui, il dit: dans la cité de notre Dieu, autrement dit: le Dieu des armées est
tel qu'il est cependant notre Dieu. Celui-ci l'a fondée, à savoir cette cité, non pour un temps mais pour l'éternité: "Comme des
fondations éternelles sur un rocher solide, ainsi sont les préceptes divins
dans le coeur d'une sainte femme."
10 Nous avons reçu, ô Dieu, ta
miséricorde, au milieu de ton temple.
11 Selon ton nom, ô Dieu, ainsi ta
louange s'étend jus qu'aux extrémités de la terre. Ta droite est pleine de
justice. 12 Que la montagne de Sion
se réjouisse, et que les filles de Juda tressaillent d'allégresse, à cause de
tes jugements, Seigneur.
II. Le psalmiste a exposé plus haut la grandeur
de la cité; mais ici il expose l'action de grâce: et à cet égard il fait deux
choses.
A) Il commence
par exposer l'action de grâce.
B) Puis les
hommes sont invités à considérer encore les grandeurs de cette cité: 13 Entourez.
A. Puisqu'il est
écrit ailleurs: "Toutes les voies du Seigneur sont miséricorde et vérité",
1) c'est pourquoi
l'action de grâce concerne d'abord les effets de la miséricorde divine;
2) puis elle
concerne les effets de la justice divine: Ta
droite est pleine de justice.
1. En parlant des
effets de la miséricorde divine il fait deux choses.
a) Il fait
connaître d'abord la perfection de la miséricorde divine.
b) Puis l'effet
de cette perfection: Selon ton nom.
a. Selon une
lecture superficielle, cela se lit non point dans la personne des Juifs, mais
de celles qui s'étonnent et qui disent: Comme
nous l'avons entendu [...]. Nous
avons reçu, ô Dieu, ta miséricorde. Cependant cela peut aussi être lu dans
la personne des Juifs. Mais le psalmiste dit: Nous avons reçu, ô Dieu, ta miséricorde, etc. La miséricorde du Seigneur a deux interprétations:
- C'est l'effet de la grâce, effet qui est conféré dans les sacrements:
"Il nous a sauvés, non à cause des oeuvres de justice que nous faisions,
mais selon sa miséricorde, par le bain de la régénération et en nous
renouvelant par le Saint-Esprit." Et dans l'Église tous reçoivent en
général la miséricorde: mais les bons avec les sacrements reçoivent la
miséricorde, c'est-à-dire la grâce, et l'effet du sacrement; tandis que les
mauvais reçoivent seulement le sacrement. Ainsi les bons disent: Nous avons reçu ta miséricorde, c'est-à-dire
ta grâce, au milieu de ton temple. Dans
le temple, à l'extrémité duquel sont les pécheurs, et au milieu duquel sont les
vertueux et les justes.
- Selon une autre interprétation, la miséricorde est le Christ
lui-même, qui nous a été donné par la miséricorde de Dieu: "Car il est
temps d'avoir pitié d'elle, car le temps est venu." On peut exposer ces
paroles à propos d'un double temple, et d'une double réception. Du temple
corporel, et ce sont alors les paroles de Siméon le juste: ô Dieu, nous avons reçu ta miséricorde, c'est-à-dire le Christ,
dans nos bras, au milieu de ton temple, matériel.
De même, à propos de la réception de la foi; et en voici le sens: ô Dieu, nous avons reçu le Christ
miséricordieusement donné par la foi: "Recevez avec mansuétude la parole
qui a été entée en vous, et qui peut sauver vos âmes." au milieu de ton temple, c'est-à-dire
avec le consentement de l'Église: car ceux qui ne reçoivent pas la doctrine
commune de l'Église, ne reçoivent pas cette miséricorde: "[La sagesse] lui
ouvrira la bouche au milieu de l'assemblée."
b. Selon ton nom. Le psalmiste expose ici
les effets de cette réception, autrement dit: par le fait que nous, nous avons
reçu ton nom, ta louange a été répandue à travers toute la terre. Et cela, selon ton nom, ô Dieu, qui est
essentiellement bon. Et quiconque connaît Dieu selon cette mesure le loue selon
qu'il le connaît; c'est pourquoi il dit: Selon
ton nom, ô Dieu, c'est-à-dire selon la connaissance qu'il a de toi, ainsi ta louange. Et parce qu'il est
connu en tout lieu, il dit: jusqu'aux
extrémités de la terre. - "Du lever du soleil à son coucher, grand est
mon nom parmi les nations." Ou bien: jusqu'aux
extrémités de la terre, dans toute l'Église, qui a été répandue en tout
lieu. Ou bien, parce que ta louange véritable ne se trouve que dans les saints
qui te louent en vérité, parce qu'ils te connaissent en vérité: "Moi, je
le connais."
2. Ta droite est pleine de justice. Ici le
psalmiste fait l'éloge de la justice.
a) Et il en fait
d'abord l'éloge.
b) Puis il expose
son effet.
a. Ainsi je dis
que nous avons reçu ta miséricorde, et
cela non point sans la justi ce; au contraire, ta droite est pleine de justice. La main de Dieu est appelée sa
puissance opérative. Et Dieu a deux mains: la droite avec laquelle il rémunère
les bons, et la gauche avec laquelle il punit les mauvais: "Il mettra les
brebis à sa droite, et les boucs à sa gauche." Dans l'une et l'autre main
est la justice; mais dans sa gauche la justice n'est pas pleine, parce qu'elle
punit en deçà du mérite; tandis que dans sa droite la justice est pleine, parce
qu'elle rémunère abondamment: "On versera dans votre sein une bonne
mesure, pressée, secouée et débordante, car on se servira, pour vous rendre, de
la même mesure avec laquelle vous aurez mesure." - "J'estime que les
souffrances du temps présent sont sans proportion avec la gloire à venir qui
sera manifestée en nous." Ta droite,
c'est-à-dire la gloire future, est pleine de justice, car nul ne s'y trouve
à moins qu'il ne soit juste: "Ton peuple rien que des justes."
b. Que la montagne de Sion se réjouisse. Ici
le psalmiste expose les effets de la justice que sa gauche a accomplis, et
c'est un gémissement; tandis que les effets de la justice que sa droite a
accomplis, sont une allégresse: "Les justices du Seigneur sont droites,
réjouissant les coeurs." Plus haut il a dit que l'effet de la miséricorde
s'étend jusqu'aux extrémités de la terre; mais ici il attribue l'effet de la
justice à la montagne de Sion et aux filles de Juda. L'Apôtre dit aussi cela: "J'affirme
que le Christ a été ministre de la circoncision pour montrer la véracité de
Dieu, afin d'accomplir les promesses faites aux patriarches." Car il fut
donc promis à la fille de Sion: "Exulte d'une grande joie, fille de Sion,
pousse des acclamations, fille de Jérusalem: voici que ton roi vient a toi."
Que la montagne de Sion se réjouisse, car
c'est le propre de la justice que de lui garder sa promesse. Mais parce que la
promesse ne fut pas faite aux nations, la miséricorde le fut, puisqu'elle était
donnée. On peut dire cependant que la montagne de Sion est appelée Jérusalem
prise dans sa totalité. et que les filles
de Juda, c'est-à-dire de la confession, exultent,
c'est-à-dire tout le peuple des Juifs. Et ils feront cela à cause de tes jugements, Seigneur, car
ils sont droits.
13 Entourez Sion, et embrassez-la;
racontez 14 sur ses tours. Appliquez
vos coeurs sur sa force, et
distribuez ses maisons afin que vous [le] racontiez à l'autre génération. 15
Parce que tel est Dieu, notre Dieu pour
l'éternité, et dans les siècles des siècles: lui-même nous gouvernera dans les
siècles.
B. Ici le
psalmiste amène les hommes à une considération plus attentive, c'est-à-dire
afin de comprendre que les rois ont déjà vu autrefois de grandes choses; mais
David invite cependant tous les hommes à approfondir leur considération.
1) Et il invite
d'abord à cette fin.
2) Puis il ajoute
la cause de cette invitation.
1. Il dit donc: Entourez Sion, c'est-à-dire l'Église
militante ou triomphante avec un oeil contemplatif: "Je me lèverai, et je
parcourrai la ville." Certains entourent l'Église avec un oeil inique pour
la combattre, mais nous, nous l'entourons pour l'aimer; et c'est pourquoi il
dit: embrassez-la, c'est-à-dire en
l'aimant: "Seigneur, j'ai aimé la beauté de ta demeure." La version iuxta Hebraeos de Jérôme lit: circuite (parcourez), autrement dit:
allez à l'extérieur, et parcourez les villages, et racontez sur ses tours. Ici le psalmiste amène les hommes à une
considération plus spirituelle. Dans une cité il y a trois choses remarquables:
les tours, les murs et les places.
À propos des tours il dit: racontez
sur ses tours. Une version de Jérôme lit: "Mirate turres ejus (Admirez ses tours)." Il y a des
tours pour voir au loin. Ainsi les tours de l'Église sont les chefs de
l'Église, et ce furent les Apôtres, autrement dit: admirez les Apôtres et les
chefs de l'Église. Ou bien: racontez, c'est-à-dire
vous les docteurs, en vous conformant à la doctrine des Apôtres et des
docteurs.
Concernant les murs il dit: Appliquez
vos coeurs sur sa force. La version iuxta
Hebraeos de Jérôme lit: "Ponite cor vestrum in moenibus ejus (Appliquez
votre coeur sur ses remparts)." Telle est la force de l'Esprit-Saint qui
protège la cité: "Demeurez dans la cité jusqu'à ce que vous soyez revêtus
de la force d'en haut." Cette force est l'amour: "L'amour est fort
comme la mort."
À propos des places il dit: et
distribuez ses demeures. Une version de Jérôme lit: "Separate domos ejus, distinguite palatia
ejus (Séparez ses maisons, distinguez ses palais)." Distinguez,
c'est-à-dire avec un jugement droit. Car il en est qui veulent condamner
l'Église à cause de quelques méchants. Il dit donc: distribuez, c'est-à-dire vous ne devez pas condamner les bons à
cause des méchants: "Loin de toi, Seigneur, de perdre le juste avec
l'impie !" Ou bien: distribuez ses
maisons, c'est-à-dire en faisant administrer les diverses Églises par
différents ministres, afin qu'il n'y ait pas de confusion dans l'Église: comme
Paul fut l'Apôtre des Gentils, et Pierre fut le ministre de la circoncision,
c'est-à-dire l'Apôtre des Juifs. Une autre version lit: gradus ejus (ses degrés), c'est-à-dire ses différents ordres; les
uns étant sous-diacres, d'autres diacres, d'autres prêtres: "C'est lui
aussi qui a fait les uns apôtres, d'autres évangélistes, d'autres pasteurs et
docteurs, en vue du perfectionnement des saints, pour l'oeuvre du ministère,
pour l'édification du corps du Christ."
2. La finalité de
cette considération est la louange de Dieu.
a) Et il expose
d'abord à qui est annoncée la louange de Dieu.
b) Puis pourquoi
elle est annoncée.
a. Il dit donc: afin que vous racontiez, à savoir ce que
vous avez entendu: "Ce que j'ai entendu du Seigneur des armées, du Dieu
d'Israël, je vous l'ai annonce"; car ce que l'un a reçu, il doit le
communiquer aux autres. à l'autre
génération, c'est-à-dire aux pécheurs. Ou bien: à l'autre, c'est-à-dire à la génération future. Et que
raconterez-vous ? Deux choses: que toute prédication doit être ordonnée à deux
choses; à montrer la magnificence de Dieu, comme lorsqu'on prêche la foi, ou
bien à annoncer les bienfaits de Dieu, afin que la charité s'enflamme dans leur
coeur.
b. En parlant du
premier objet de la prédication il dit: Parce
que tel est Dieu, notre Dieu. - "Après cela, il a été vu sur la terre
et il a conversé avec les hommes." - "Jésus-Christ est le même hier
et aujourd'hui; et il le sera éternellement."
En parlant du second objet de la prédication, il dit: lui-même nous conduira dans les siècles. - "Voici que moi je
suis avec vous tous les jours jusqu'à la fin du monde." - "Le
Seigneur me conduit, et rien ne me manquera."
1 Pour la fin.
Pour les fils de Coré. Psaume.
2 Écoutez ces
choses, toutes les nations; percevez de vos oreilles, vous tous qui habitez
l'univers; 3 gens de la terre et fils des hommes, ensemble et de concert, le
riche aussi bien que le pauvre.
4 Ma bouche
proférera la sagesse, et la méditation de mon coeur la prudence. 5 J'inclinerai
mon oreille à une parabole, je découvrirai mon propos sur le psaltérion.
6 Pourquoi
craindrai-je au jour mauvais ? L'iniquité de mon talon m'environnera. 7 Ceux
qui se confient en leur propre force, et se glorifient dans la multitude de
leurs richesses. 8 Le frère ne rachète point, un homme rachètera-t-il ? Il ne
donnera pas à Dieu sa rançon; 9 ni le prix du rachat de son âme, et il peinera
éternellement, 10 et vivra encore jusqu'à la fin.
11 Il ne verra pas
la mort, lorsqu'il aura vu les sages mourir. L'insensé et le sot périront
également.
12 Et ils
laisseront à des étrangers leurs richesses, et leurs sépulcres [seront] leurs
demeures pour toujours. Leurs tentes [subsisteront] de génération en
génération, ils invoqueront leurs noms dans leurs terres.
13 Et l'homme,
lorsqu'il était en honneur, n'a pas compris; il fut comparé aux bêtes sans
raison, et il est devenu semblable à elles.
14 Telle est leur
voie, [qui] leur est [une occasion de] scandale; et après cela ils se
complairont dans leurs discours.
15 Comme des
brebis ils ont été mis dans l'enfer, la mort les fera paître. Et les justes
domineront sur eux dès le matin; et leur secours vieillira dans l'enfer après
leur gloire. 16 Mais Dieu rachètera mon âme de l'enfer, lorsqu'il m'aura pris.
17 Ne crains pas
lorsqu'un homme sera devenu riche, et que la gloire de sa maison se sera
accrue. 18 Parce que, lorsqu'il sera mort, il ne prendra pas tous ces [biens],
et sa gloire ne descendra pas avec lui.
19 Car son âme,
pendant sa vie, sera bénie: il te confessera lorsque tu lui auras fait du bien.
20 Il ira rejoindre les générations de ses pères, et jusque dans l'éternité, il
ne verra pas la lumière. 21 L'homme, lorsqu'il était en honneur, n'a pas
compris; il fut comparé aux bêtes sans raison, et il est devenu semblable à
elles.
1 Pour la fin.
Pour les fils de Coré. Psaume.
2 Ecoutez ces
choses, toutes les nations; percevez de vos oreilles, vous tous qui habitez
l'univers; 3 gens de la terre et fils des hommes, ensemble et de concert, le
riche aussi bien que le pauvre.
Plus haut le psalmiste a invité les nations à la joie et à l'action de
grâce pour les bienfaits donnés au peuple de Dieu; mais ici il les exhorte à
mettre leur confiance en Dieu, et à ce propos il fait deux choses.
1) Il éveille
d'abord leur attention.
II) Puis il poursuit son propos.
I. Le titre n'est pas nouveau. Mais selon ce
titre l'homme est rendu doublement attentif. Ou bien on dit de quelqu'un qu'il
est rendu attentif en considérant les auditeurs; ou bien en considérant ce qui
doit être dit, lorsqu'il promet qu'il dira de grandes choses: "Ecoutez[-moi],
car je vais parler de grandes choses, et mes lèvres s'ouvriront pour annoncer
ce qui est droit." Et c'est de cette manière qu'il parle ici.
A) Il les rend donc
d'abord attentifs en considérant ceux à qui il s'adressait.
B) Puis en
considérant les choses à dire: 4 Ma
bouche.
A. Il dit donc
que ces paroles s'appliquent à chaque catégorie d'hommes et à tous les hommes;
ce qu'il va développer. Et il traite de quatre différences chez les hommes. La
première différence consiste en la diversité des peuples; car autre était le
peuple des Juifs, et autre celui des païens. Une autre différence est due aux
lieux. Une autre vient de l'origine. Car certains étaient nobles et distingués,
d'autres non.
1. Il expose la
première différence lorsqu'il dit: Ecoutez
ces choses, toutes les nations, non seulement des Juifs, car il appartient
à tous d'écouter ces choses; et c'est nécessaire: "En écoutant le sage
deviendra plus sage, et celui qui est intelligent acquerra l'art de gouverner."
2. Il expose la
deuxième lorsqu'il dit: percevez de vos
oreilles, vous tous qui habitez l'univers, c'est-à-dire en toute partie de
l'univers; et il dit: percevez de vos
oreilles, car il faut écouter et percevoir: "Que celui qui a des
oreilles écoute", c'est-à-dire soit attentif La version iuxta Hebraeos de Jérôme lit: "Auribus percipite universi habitatores
Occidentis (Percevez de vos oreilles tous les habitants de l'Occident)."
Comme si c'était une prophétie: car la foi au Christ prospère surtout chez les
peuples d'Occident; car dans le Nord il y a encore beaucoup de païens, et en
Orient beaucoup de schismatiques et d'infidèles. Ou bien: Ecoutez ces choses, toutes les nations, se réfère aux méchants; et vous tous qui habitez l'univers se
réfère aux bons qui dominent la terre.
3. Il expose la
troisième différence lorsqu'il dit: gens
de la terre, c'est-à-dire de basse origine, et fils des hommes, c'est-à-dire nobles. La version iuxta Hebraeos de Jérôme lit: "Tam filii Adam quam filii singulorum (Tant
fils d'Adam que fils de chaque [homme])", car certains n'ont rien reçu
d'extraordinaire de leurs parents. Au sens mystique, les gens de la terre, ce
sont les pécheurs qui adhèrent à la terre par leur passion; aussi sont-ils
comparés au serpent: "Pour le serpent", c'est-à-dire pour les
mondains, "la poussière [sera] son pain". Les fils des hommes sont
appelés bons, eux qui possèdent l'image de Dieu et du Christ, qui est le fils
de l'homme.
4. Il expose la
quatrième différence lorsqu'il dit: ensemble
et de concert, le riche aussi bien que le pauvre, autrement dit: écoutez
tous ces instructions, car elles sont utiles pour tous. Et quelles sont-elles ?
"Bienheureux les pauvres en esprit, car le royaume des cieux est a eux."
- "Bienheureux le riche qui a été trouvé sans tache, et qui n'a pas couru
après l'or, et qui n'a pas mis son espérance dans l'argent et dans les trésors."
Cependant un tel est riche en acte, mais non par attachement, et celui-ci peut
être saint, comme Abraham et Louis roi de France. Un autre est riche en acte et
en attachement; et celui-là n'est pas saint. Il est écrit à ce propos: "Il
est plus facile à un chameau d'entrer par le trou d'une aiguille, qu'à un riche
d'entrer dans le royaume des cieux", car de même qu'il est contre nature
qu'un chameau entre par le trou d'une aiguille, ainsi l'entrée d'un riche dans
le royaume des cieux s'oppose à la justice divine. Et tels sont les gens de la
terre, mais les premiers sont les fils des hommes.
4 Ma bouche proférera la sagesse,
et la méditation de mon coeur la prudence. 5 J'inclinerai mon oreille à une parabole, je découvrirai mon propos sur
le psaltérion.
B. Ici il les
rend attentifs à la promesse des choses à dire. Quiconque enseigne, enseigne ou
bien des choses, ou bien des paroles. Lorsque nous prêchons la foi et les
moeurs, nous enseignons, des choses; lorsque nous expliquons l'Ecriture, nous
enseignons des paroles.
1) Il parle donc
d'abord du premier enseignement.
2) Puis du second:
J'inclinerai mon oreille.
1. Quant à la
connaissance des choses, elle est nécessaire pour deux raisons: pour la
connaissance de la vérité, et pour la pratique des oeuvres. Donc toute
connaissance de la vérité, qui nous est nécessaire pour d'autres choses, doit
se référer à la connaissance de la vérité des réalités divines. C'est pourquoi
Augustin dit: "Celui qui scrute ces choses sans se référer aux réalités
éternelles est oiseux." Par conséquent toute connaissance de la vérité
appartient à la sagesse, et d'où ces paroles: Ma bouche proférera la sagesse. - "C'est de sagesse que nous
parlons parmi les parfaits, mais non d'une sagesse de ce monde ni des princes,
voués à la destruction." Or ce qui est nécessaire à la pratique des
oeuvres appartient à la prudence, par laquelle est donnée la direction des
choses humaines; et c'est pourquoi il dit: et
la méditation de mon coeur la prudence, c'est-à-dire énoncera: "La
sagesse est la prudence pour l'homme", car la sagesse comparée aux choses
humaines et matérielles est la prudence.
2. J'inclinerai mon oreille. Ici le
psalmiste traite du deuxième enseignement, à savoir des paroles obscures; et il
y a à cet égard deux choses nécessaires:
a) D'abord, que
l'homme s'applique à les comprendre.
b) Puis qu'il
s'applique à les expliquer aux autres.
a. En parlant de
la compréhension il dit: J'inclinerai mon
oreille à une parabole. La parabole est une sentence, lorsqu'elle a une
similitude obscure, autrement dit, je mettrai mon application à comprendre les
paroles des autres: "Il appliquera son esprit aux proverbes et à leur
interprétation; aux paroles des sages et à leurs énigmes." Ou bien: J'inclinerai mon oreille à une parabole que
Dieu dit, car il parle d'une manière énigmatique, autrement dit, j'inclinerai
mon intelligence à la voix du Seigneur, qui parle en parabole.
b. je découvrirai mon propos sur le psaltérion.
Le propos se dit de deux manières. Ou bien, c'est ce que je souhaite de
préférence aux autres choses, et c'est ce que je désire davantage; ce que je découvrirai sur le psaltérion, c'est-à-dire
dans mes oeuvres, parce que c'est le meilleur moyen de découvrir son propos:
car si toi tu te proposes d'entrer dans la vie éternelle, tu ne manifestes pas
ton propos si tu n'as pas une oeuvre bonne. Ou bien, le propos est une parole
soit obscure, soit présentée comme une épreuve; ainsi Samson dans le livre des
Juges proposa-t-il une énigme en disant: "Si vous n'aviez pas labouré avec
une génisse, vous n'auriez pas trouvé mon énigme", et c'est dans ce sens
que se comprend ici le mot propos. Et
voilà pourquoi Jérôme dit que c'est une parole obscure. Les versions hébraïques
lisent: "ma prophétie", ce qui veut dire la même chose.
6 Pourquoi craindrai-je au jour
mauvais ? L'iniquité de mon talon
m'environnera. 7 Ceux qui se confient en leur propre force, et se glorifient dans la
multitude de leurs richesses. 8 Le
frère ne rachète point, un homme rachètera-t-il ? il ne donnera pas à Dieu sa
rançon; 9 ni le prix du rachat de son
âme, et il peinera éternellement, 10 et
vivra encore jusqu'à la fin.
II. Après avoir exposé le préambule du psaume
dans lequel le psalmiste a suscité l'attention du peuple, il aborde ici le
propos principal qui est d'amener les hommes à ne pas craindre les maux
présents, pour qu'ils ne mettent pas leur confiance dans les biens présents;
mais que leur crainte et leur confiance soient en Dieu seul: et à cet égard le
psalmiste fait deux choses.
A) Il montre
d'abord sur quoi doit porter la crainte.
B) Puis il montre
sur quoi ils ne doivent pas la porter: 17 Ne
crains pas.
A. En montrant
sur quoi doit porter la crainte il fait deux choses.
1) Il manifeste
d'abord son intention.
2) Puis il prouve
son propos: Ceux qui se confient.
1. En manifestant
son intention il fait deux choses.
a) Il pose
d'abord une question.
b) Puis il
établit une conclusion.
a. La question
est: Pourquoi craindrai-je au jour
mauvais ? Ici il faut voir d'abord quels sont ces jours mauvais, car tous
les jours sont créés par Dieu. Mais ils sont dits mauvais à cause des maux qui
surviennent en eux: "Rachetez le temps, car les jours sont mauvais."
On peut donc parler de jour mauvais quand un danger y survient, et surtout
quand menace le danger de la damnation éternelle, et tel est le jour du
jugement: "Le bruit du jour du Seigneur est amer; là le fort sera dans la
tribulation." Donc, pourquoi
craindrai-je au jour mauvais ? c'est-à-dire qu'est-ce qui me fera craindre
en ce jour-là ?
b. Et il répond: L'iniquité de mon talon m'environnera. En
effet, il ne faut rien craindre excepté le péché: car aucune adversité ne
nuira, dans la mesure où ne règne aucune iniquité: "L'impie prend la fuite
sans que personne le poursuive." - "Celui qui craint le Seigneur ne
redoutera rien, et il n'aura point peur, parce que lui-même est son espérance";
et c'est pourquoi il dit: L'iniquité de
mon talon. Par talon on peut
comprendre trois choses. - D'abord, qu'il s'agit de l'extrême partie du corps.
Et c'est pourquoi L'iniquité de mon
talon, c'est l'iniquité qui persévère jusqu'à la fin de la vie; et le mot talon se comprend alors de cette manière:
"Elle-même", c'est-à-dire la femme, "te brisera la tête", à
savoir la raison supérieure brisera la tête du serpent, "et toi tu lui
dresseras des embûches au talon", c'est-à-dire tu lui dresseras des
embûches jusqu'à la fin de la vie.
- De même, par talon on peut
comprendre l'infirmité de la chair: car lorsque l'homme tombe en faiblesse, son
talon glisse. Et ainsi L'iniquité [du]
talon, c'est-à-dire le péché
procédant de l'infirmité de la chair, m'environnera.
- Enfin la persécution injuste que quelqu'un mène contre un autre,
selon ces paroles de Jean: "Celui qui mange le pain avec moi, a levé le
talon contre moi." Et ainsi L'iniquité
[du] talon, c'est-à-dire la
persécution injuste, se retourne contre celui qui persécute: "L'impie est
pris dans ses iniquités, et il est lié par les chaînes de ses péchés."
2. Ceux qui se confient en leur propre force. Le
psalmiste expose ici la raison pour laquelle il faut craindre; car c'est à
cause du péché. Et il y a deux raisons pour lesquelles le péché doit être
craint.
D'abord, à cause de l'impossibilité d'échapper au châtiment du péché: "Pour
eux point de refuge, et ce que l'âme a eu en abomination, voilà leur espérance."
L'autre raison est due aux maux qui menacent les méchants.
a) Il expose donc
d'abord l'impossibilité d'échapper à la peine.
b) Puis il montre
les maux qui menacent les méchants: 11 Il ne
verra pas.
a. Quelqu'un
échappe à des châtiments: d'abord par un secours extérieur, puis par sa propre
sollicitude, enfin par absence de sujet, comme lorsqu'il meurt.
Et il montre qu'il n'y échappe par aucun de ces moyens.
- En premier lieu, ni par un secours.
- Ensuite, ni par un remède venant de lui.
- Enfin, ni par absence de sujet.
- Celui qui veut être libéré par un secours est parfois libéré par la
puissance de son armée: "Si mon royaume était de ce monde, mes serviteurs
auraient combattu pour que je ne fusse pas livré aux Juifs." Parfois par
ses richesses: "Il donnera tout le bien de sa maison", et se
libérera. Parfois par ses amis. Et il montre qu'aucun de ces secours ne peut le
libérer de la peine du péché. Et bien que la lecture de la Glose soit différente, cependant celle des Hébreux est la suivante:
parce que Dieu libère ceux qui se confient en lui, Le frère ne rachètera point, autrement dit, le frère ne rachètera
point ceux qui se confient en lui. C'est pourquoi le psalmiste montre d'abord
que par le secours des amis il n'est pas aidé pour échapper à la peine du
péché, car la force des amis est insignifiante. Et par conséquent il ne faut
pas se confier dans la force matérielle des amis. Aussi dit-il: Ceux qui se confient en leur propre force, c'est-à-dire
en leurs amis, ou bien en leur propre force spirituelle; car "telle voie
paraît droite à un homme, mais son issue c'est la voie de la mort".
Semblablement ceux qui se confient dans la force de leurs richesses ne
sont pas libérés par tous ces biens de la peine du péché, parce que "ceux
qui se confient dans leurs richesses se flétriront". Car il ne faut pas se
confier dans les richesses matérielles ou spirituelles; mais que l'homme
cherche son salut comme il peut: "Que le sage ne se glorifie pas dans sa
sagesse; que le fort ne se glorifie pas dans sa force; que le riche ne se
glorifie pas dans ses richesses."
Et aucune personne unie à lui n'est en mesure de le racheter,
c'est-à-dire de le libérer du péché, ou de la peine: "Si ces trois hommes,
Noé, Daniel et Job, se trouvent au milieu de lui, ils délivreront leurs âmes
par leur justice." Mais puisqu'un frère ne peut racheter malgré sa
proximité, un homme rachètera-t-il ? Non,
parce qu'un homme ne peut délivrer quiconque de la main de Dieu, mais seul Dieu
ainsi que l'homme, c'est-à-dire le Christ, les rachètera; lui qui est un homme,
en tant que prix, c'est-à-dire en qui la mort peut avoir place, et qui est Dieu
ayant la puissance de racheter. Ou bien autrement: Le frère, c'est-à-dire le Christ, qui est notre véritable frère: "Je
raconterai ton nom à mes frères; je te louerai au milieu de l'assemblée."
- "Qui me donnera de t'avoir pour frère, suçant les mamelles de ma mère,
afin que je te trouve dehors, que je t'embrasse, et que désormais personne ne
me méprise ?" Si celui-ci ne rachète pas, qui d'autre rachètera ?
Autrement dit: personne.
- il ne donnera pas à Dieu sa
rançon. Ici le psalmiste montre qu'ils n'échappent pas à la peine en raison
de ce qu'ils accomplissent en état de péché: car les pécheurs ont besoin d'un
double remède à cause d'un double mal qu'ils encourent, c'est-à-dire l'offense
à Dieu et l'obligation à la peine. Et c'est pourquoi ils ont besoin d'apaiser
Dieu: ce qu'eux-mêmes ne peuvent faire, puisqu'ils ne plaisent pas à Dieu, sont
ses ennemis, et qu'il n'agrée pas leurs présents; aussi dit-il: Il ne donnera pas à Dieu sa rançon, car
les choses extérieures ne plaisent pas à Dieu, à moins qu'il ne s'agisse d'une
grâce intérieure, ce que l'homme comme tel ne peut donner. Semblablement ils
ont besoin d'être absous de la peine, et cela aussi l'homme ne peut
l'accomplir, aussi dit-il: ni le prix du
rachat de son âme, c'est-à-dire que l'homme comme tel ne peut pas le donner
et que par conséquent il ne peut pas libérer de la peine: "Quel est
l'homme qui vivra et ne verra pas la mort ? [qui] retirera son âme de la main
de l'enfer ?" Mais le Christ, qui est Dieu et homme, a donné sa rançon à
Dieu pour nous: "Si, lorsque nous étions ennemis, nous avons été
réconciliés avec Dieu par la mort de son Fils, à plus forte raison, étant
réconciliés, serons-nous sauvés par sa vie." De même, il a donné l'unique
prix de la rédemption: "Vous avez été affranchis de la vaine conduite
héritée de vos pères, mais par un sang précieux, comme d'un agneau sans
reproche et sans tache, le Christ." Ou bien, Il ne donnera pas, c'est-à-dire ne se souciera pas de donner sa rançon, ni le prix du rachat de son âme, à
savoir celui qui se confie dans les richesses. Et selon cela une autre
interprétation peut y être ajoutée: Le
frère, c'est-à-dire le Christ, ne
rachète[ra] point, parce que ceux-là ne se soucient pas d'apaiser Dieu par
la pénitence, parce que le Christ n'aide pas ceux qui refusent de s'aider.
- et il peinera éternellement. Ici
le psalmiste montre qu'il n'y échappe pas par sa propre absence, car il est
toujours puni; aussi dit-il: il peinera
éternellement, c'est-à-dire sera puni par un supplice éternel: "Ceux-ci
iront au supplice éternel", car ils ont refusé de peiner ici-bas, "mais
les justes à la vie éternelle." - "Ils ne seront pas sujets à la
peine des hommes, et avec les [autres] hommes ils ne seront pas frappés."
Et pour autant qu'il se peut, ils péchèrent éternellement, car ils préférèrent
le péché à la loi de Dieu; c'est pourquoi ils ne craignent pas la peine; mais
voudraient toujours commettre le péché. et
vivra encore jusqu'à la fin, c'est-à-dire sa vie ne cessera pas dans les
peines: "Il expiera tout ce qu'il a fait, et cependant il ne sera pas
consumé."
11 Il ne verra pas la mort,
lorsqu'il aura vu les sages mourir. L'insensé et le sot périront également.
b. Plus haut le
psalmiste a montré qu'il faut craindre à cause du péché. Car il n'y a aucun
remède pour échapper à la peine; mais ici il traite des malheurs qui les
menacent à cause de leur imprévoyance: et à ce propos il fait trois choses.
- Il rappelle d'abord leur imprévoyance à propos des maux futurs.
- Puis il rappelle les maux qui les menacent: 12 ils laisseront à des étrangers leurs richesses.
- Enfin il expose l'espérance en Dieu grâce à laquelle il espère être
libéré de ces maux: 16 Mais Dieu
rachètera mon âme.
- En rappelant leur imprévoyance il fait deux choses.
· Il commence par montrer leur imprévoyance.
· Puis la cause de l'ignorance: lorsqu'il
aura vu.
· Ainsi dit-il: tel est celui que tant de maux menacent: Il ne verra pas, c'est-à-dire ne
considérera pas sa perte, à savoir sa damnation. Car il appartient aux justes
de se souvenir de la fin. Mais à propos de ceux-ci il est écrit dans le
Deutéronome: "Le peuple est dénué de sens, et il n'a aucune prudence."
· Et pourquoi les hommes injustes n'ont-ils pas de prévoyance vis-à-vis
d'eux-mêmes ? La raison en est donnée par ce verset de l'Ecclésiastique: "C'est
là ce qu'il y a de pire parmi tout ce qui se fait sous le soleil: les mêmes
choses arrivent à tous." Et c'est pourquoi ils ne considèrent pas ce qui
peut leur arriver dans le futur. Aussi le psalmiste dit-il: lorsqu'il aura vu [même] les sages mourir; mais voyant la mort
corporelle des justes, ils ne considèrent pas leur gloire: "Ils verront la
fin du sage et ne comprendront pas ce que Dieu a décidé à son sujet, et en vue
de quoi il l'a mis en sécurité."
Il y a une différence entre l'insensé et le sot. L'insensé est celui
qui possède la connaissance humaine, mais qui ne considère pas les réalités
éternelles; le sot est celui qui ne prend même pas en considération les
réalités présentes. Ou bien, l'insensé est celui qui ne fait pas attention aux
maux présents, mais aux maux futurs; le sot est celui qui y fait attention,
mais ne les évite pas; aussi dit-il: L'insensé
et le sot périront également. Selon Jérôme, double est la cause du mépris
des hommes injustes: la longévité de la vie, et le fait qu'ils voient les sages
et les insensés mourir également.
12 Et ils laisseront à des
étrangers leurs richesses, et leurs
sépulcres [seront] leurs demeures pour toujours. Leurs tentes [subsisteront] de
génération en génération, ils invoqueront leurs noms dans leurs terres.
- Ici le psalmiste expose les maux qui arrivent aux pécheurs.
· Et il expose d'abord les maux qui arrivent dans le présent.
· Puis il expose les maux qui arriveront dans le futur: 15 Comme des brebis.
· À propos des maux qui arrivent dans le présent il fait deux choses:
Il expose d'abord les maux qui arrivent dans le présent quant aux biens
extérieurs.
Puis quant aux biens intérieurs: 13 Et
l'homme, lorsqu'il était en honneur.
Il montre d'abord ce que le méchant perd par la mort. Il dit qu'il perd
les richesses; aussi déclare-t-il: Et ils
laisseront a des étrangers leurs richesses.- "Celui qui amasse des
richesses, mais d'une façon injuste, au milieu de ses jours il les quittera."
Et il dit: leurs, comme si elles
étaient possédées par eux; ou bien parce qu'ils n'en ont pas usé pour le bien
des autres: "Tous cherchent leurs intérêts personnels." Il dit aussi:
à des étrangers, parce que souvent
des étrangers, c'est-à-dire des étrangers à la famille selon la chair,
reçoivent leurs propres richesses: "Il thésaurise, et il ignore pour qui
il les aura amassés." Que si parfois ils laissent leurs richesses à leurs
fils, ils sont cependant étrangers, comme le dit Luc: le prochain est "celui
qui a exercé la miséricorde" ? Et il arrive que les fils et les neveux ne
fassent rien de bon à l'égard des morts; au contraire il leur reste deux choses
des biens du monde: le tombeau et la réputation des hommes. En parlant de la
seconde chose, c'est-à-dire de la réputation des hommes, il dit: Leurs tentes.
En parlant de la première chose, des biens du monde il dit: ils ont eu
des maisons, et des vignes et des chars, et beaucoup de biens précieux. Mais
qu'auront-ils dans la mort ? Pour palais ils auront un tombeau, et cela
éternellement, c'est-à-dire que jusqu'au jour du jugement ils habiteront dans
des tombeaux. Ou bien du fait qu'ils se bâtissent des tombeaux recherchés, ils
croient y habiter éternellement; mais ils se font illusion, car leurs tombeaux
seront aussi détruits. Aussi, bien que dans leur idée ces tombeaux soient leurs
demeures éternellement, il n'en est cependant pas ainsi. La version iuxta Hebraeos de Jérôme lit autrement: "Interiora eorum domus illorum in aeternum (Leurs
intérieurs [seront] leurs demeures pour toujours)", car l'homme a une
double demeure: extérieure, et cette dernière ne subsiste pas pour toujours: "Mets
ordre à ta demeure, car tu vas mourir, et tu ne vivras plus"; et
intérieure, à savoir la conscience, et celle-ci subsiste toujours, soit bonne,
soit mauvaise.
Leurs tentes. Ici le psalmiste montre que la réputation, ou
ce qui rappelle la mémoire de l'homme après sa mort, ne subsiste pas. Les faits
mémorables de l'homme sont ses grands édifices; c'est pourquoi il dit: Leurs tentes [subsisteront] de génération en
génération, autrement dit: elles sont construites comme si elles allaient
durer jusqu'à la fin; mais ils se font illusion, car elles seront détruites: "Où
est la maison d'un prince, et où sont les tentes des impies ?" - "Vois-tu
tous ces grands édifices ? Il n'en restera pas pierre sur pierre qui ne soit
renversée." Et il dit: Leurs tentes,
parce qu'elles ne subsistent pas longtemps en leur possession. ils invoqueront leurs noms dans leurs
terres, autrement dit, l'intention de cette édification, c'est qu'ils
soient invoqués dans leurs terres: "Venez, bâtissons-nous une cité et une
tour dont le sommet touche le ciel; et rendons notre nom célèbre avant que nous
ne nous dispersions en toute la terre." - "Des enfants et la
fondation d'une cité perpétuent le nom"; voilà pourquoi ils appellent les cités de leur nom, et il dit: leurs (suis), car le nom d'un homme ne
s'étend pas au-delà de sa propre terre. Et c'est pourquoi il est insensé pour
l'homme de glorifier son nom sur des terres. Ou bien: ils invoqueront leurs noms, c'est-à-dire celui des défunts, sur leurs terres, en apportant de la
nourriture à leurs tombeaux.
13 Et l'homme, lorsqu'il était en
honneur, n'a pas compris; il fut comparé aux bêtes sans raison, et il est
devenu semblable à elles.
Plus haut le psalmiste a mentionné les maux qui menacent les méchants,
quant à la perte des biens extérieurs; mais ici il expose ce qui les menace à
cause de la corruption des biens intérieurs: et à cet égard il fait deux
choses.
Il mentionne d'abord le mal de la corruption intérieure.
Puis il montre ce qui résulte de ce mal: 14 Telle est leur voie.
Or il faut savoir que l'homme est composé d'une nature raisonnable et
sensitive. Selon la nature raisonnable, l'homme a une ressemblance avec Dieu et
les anges: "Faisons l'homme à notre image, selon notre ressemblance."
- "Tu l'as abaissé un peu au-dessous des anges, tu l'as couronné de gloire
et d'honneur." Mais selon la nature sensitive il a quelque chose de commun
avec les bêtes. Il expose donc d'abord l'honneur de l'homme en tant qu'il a une
ressemblance avec les anges; c'est pourquoi il dit: L'homme, lorsqu'il était en honneur. Selon le Philosophe, l'honneur
est quelque chose de plus excellent que la louange: car la louange est ordonnée
à une autre chose; tandis que l'honneur se suffit par lui-même et en lui-même.
Il dit: était, c'est-à-dire semblable
à Dieu. Et parce qu'il a ces ressemblances, il mentionne d'abord trois choses:
il mentionne en premier lieu ce que l'homme ne prend pas en considération, à
savoir qu'il est semblable à Dieu. Puis, qu'il se tourne vers l'ignorance et
l'abjection bestiale.
En parlant de la première chose il dit: n'a pas compris, à savoir qu'il est fait à l'image de Dieu et qu'il
était apte à posséder les réalités célestes: "Ils n'ont point espéré la
récompense de la justice, et ils n'ont point cru à l'honneur des âmes saintes."
En parlant de la deuxième chose il dit: il fut comparé aux bêtes sans raison. Les animaux sans raison
agissent sous la passion; et cela est manifeste, car le chien, dès qu'il se met
en colère, aboie; le cheval, lorsqu'il exprime son désir, hennit; mais on ne
leur impute pas cela, parce qu'ils sont privés de raison. Donc si l'homme, dès
qu'il convoite, se met à suivre sa passion, et frappe sous le coup de la
colère, il est comparé dans son action aux bêtes sans raison: "Ne devenez
point comme un cheval et un mulet, qui n'ont point d'intelligence."
En parlant de la troisième chose il dit: "Il est devenu semblable
à elles"; car lorsque la nature des bêtes sans raison se tourne vers
quelque chose, elle agit ainsi sous la passion, et l'habitude retourne vers la
nature. Donc lorsque l'homme a l'habitude de vivre selon la passion, il
retourne vers la nature; aussi le psalmiste dit-il qu'il est devenu semblable à elles, par le poids acquis des oeuvres
mauvaises: "Ils sont devenus comme des chevaux emportés par l'amour";
et c'est pourquoi le Philosophe dit qu'un homme mauvais est pire qu'une bête
mauvaise, parce qu'avec la malice il possède l'intelligence pour inventer
encore des maux divers.
14 Telle est leur voie, [qui]
leur est [une occasion] de scandale;
et après cela ils se complairont dans leurs discours.
Ici il montre ce qui résulte de ce mal qu'ils encourent, à savoir
qu'ils sont devenus semblables aux bêtes: car on pourrait dire qu'il n'en
résulte rien de mal. Mais il n'en est pas ainsi. Au contraire il en résulte un
autre effet.
* Et il montre d'abord ce qui résulte pour eux-mêmes.
* Puis pour les autres.
* Pour eux-mêmes il dit: Telle
est leur voie, car il en résulte des passions, [qui] leur [sont] [une
occasion de] scandale, parce qu'ils sont troublés intérieurement: "Que
leur table soit devant eux une occasion de scandale." De même
extérieurement ils sont aussi troublés, parce qu'ils sont punis et déshonorés.
Selon le Philosophe, les dépravés sont remplis de regret.
* Pour les autres il en résulte qu'après
cela ils se complairont dans leurs
discours. Et il explique cela de deux manières.
Selon une première manière comme suit: après avoir scandalisé
intérieurement et accompli le mal, ils veulent que les autres les imitent. Et
c'est pourquoi ils s'appliquent à plaire aux autres, afin de les entraîner à
pécher: "Si les pécheurs t'attirent par leurs caresses, ne te laisse pas
gagner par eux."
Selon une seconde manière il blâme ainsi la simulation, autrement dit:
après avoir ainsi troublé et poursuivi le mal, ils se complairont dans leurs discours, c'est-à-dire s'appliqueront
à dire des choses saintes et flatteuses: "Malheur à vous, scribes et
pharisiens hypocrites, parce que vous ressemblez à des sépulcres blanchis, qui
au-dehors paraissent beaux, mais au-dedans sont pleins d'ossements de morts et
de toute sorte de pourriture. Ainsi vous, au-dehors, vous paraissez justes aux
hommes, mais au-dedans vous êtes pleins d'hypocrisie et d'iniquité" Selon
la Glose, ceux qui simulent sont
pires que ceux qui sont ouvertement mauvais.
Mais cela est-il vrai ? Il semble que non: "Ils ont publié leur
péché comme Sodome, et ils ne l'ont point caché." Selon une Glose de Jérôme, la seconde planche
après le naufrage est de pécher en cachette.
Il faut dire qu'une chose est de ne pas publier un péché, et une autre
est de simuler l'innocence. Car publier un péché, c'est un mal parce qu'il
scandalise les autres; mais simuler l'innocence afin d'entraîner les autres au
péché est un mal plus grand. Et c'est de cela qu'il parle ici. Une autre
version lit: "Et in ore suo
benedicent Deum (Ils béniront Dieu dans leurs discours)"; et on
explique cela comme suit: bien qu'intérieurement ils soient des bêtes,
cependant extérieurement ils béniront Dieu de leurs lèvres: "Ce peuple
m'honore de ses lèvres, tandis que son coeur est éloigné de moi." Ou bien
autrement: ils béniront Dieu pour les maux qu'ils ont accomplis. La version iuxta Hebraeos de Jérôme lit: "Post eos justitiae eorum current (Leurs
justices courront après eux)", autrement dit, il n'a pas compris, et il
est devenu semblable aux bêtes, et pour cette raison ils scandalisent; et cela
a lieu, parce qu'ils ont voulu être des bêtes. C'est pourquoi après [eux], c'est-à-dire à la fin ils
seront mangés par les bêtes, c'est-à-dire par les démons, autrement dit: ils
courront à la suite des démons en enfer.
15 Comme des brebis ils ont été
mis dans l'enfer, la mort les fera paître. Et les justes domineront sur eux dès
le matin; et leur secours vieillira dans l'enfer après leur gloire. 16 Mais Dieu rachètera mon âme de la main de
l'enfer, lorsqu'il m'aura pris.
Ici le psalmiste expose les maux qui arrivent aux pécheurs après cette
vie. Et puisqu'il a déjà mentionné deux maux, à savoir qu'ils sont semblables
aux bêtes et qu'ils méprisent la sagesse, le troisième mal est qu'ils mettent
leur confiance dans la force.
Pour s'opposer au premier mal il dit: puisque ceux-ci sont comme des
bêtes, il est juste qu'ils soient punis comme des bêtes; d'où ces paroles: Comme des brebis ils ont été mis dans
l'enfer. Les brebis ne sont pas pourvues de secours par la nature pour se
défendre, et c'est pourquoi elles sont exposées au massacre: "Nous sommes
regardés comme des brebis de tuerie." Donc, puisque les méchants en enfer
sont tout à fait exposés aux peines, ils sont comme des brebis: "Rassemble-les
comme un troupeau pour la boucherie, et prépare-les pour le jour du carnage."
Semblablement les brebis sont tondues, et une fois tondues elles sont tuées;
ainsi les méchants sont d'abord tondus de leur laine, ils sont privés ou
dépouillés de leurs biens extérieurs, et ensuite ils sont tués en enfer.
la mort les fera paître.- "Leur lot sera l'étang de feu et de
soufre, c'est-à-dire la seconde mort." Là elle les fera paître; et il dit:
fera paître, car bien que la mort
implique une peine, cependant elle ne l'efface pas totalement; mais elle se
maintient toujours comme une peine. Ou bien, la mort, c'est-à-dire le diable: "Et je vis paraître un cheval
de couleur pâle. Celui qui le montait se nommait la Mort, et l'Enfer le
suivait." Elle les fera paître, c'est-à-dire
les mènera des pâturages vers d'autres pâturages, c'est-à-dire des peines vers
d'autres peines: "Qu'il passe des eaux des neiges à une excessive chaleur,
et que jusques aux enfers son péché la conduise." Une autre version lit: "Mors pastor eorum erit (La mort sera
leur pasteur)", autrement dit, en cette vie ils sont comme des brebis
destinées à l'enfer, et le diable est leur pasteur.
Et [ils] domineront.
Ceci s'oppose à ce qu'il a dit plus haut, à savoir que les sages semblent
mourir en même temps que les insensés. Il dit ici que les justes domineront sur eux, c'est-à-dire sur les méchants. Ou
bien les sages, qui sont appelés justes, domineront
sur eux dès le matin, c'est-à-dire au jour du jugement, lorsqu'ils
recevront le pouvoir judiciaire: "Vous foulerez les impies, lorsqu'ils
seront comme de la cendre sous la planté de vos pieds, en ce jour où j'agirai,
dit le Seigneur des armées."
et leur secours. Tel est ce qu'il a dit: et se glorifient dans la multitude de leurs richesses, autrement
dit, leur secours, qui venait de
leurs amis et de leurs richesses, vieillira,
c'est-à-dire périra en enfer: "Vers qui fuiriez-vous pour avoir du
secours ?" - "Voici que je n'ai pas de secours en moi." après leur gloire, c'est-à-dire
proportionnellement à leur gloire: "Autant elle s'est glorifiée, autant
donnez-lui de tourment et de deuil."
- 16 Mais Dieu rachètera mon âme,
autrement dit: les méchants ont ces tourments, mais je serai libéré de ceux-ci.
Et par quoi ? Par l'effusion du sang du Christ. Mais Dieu rachètera de la main de l'enfer, c'est-à-dire de la main
du diable, sous laquelle les hommes étaient avant la venue du Christ: "Je
les rachèterai de la mort." lorsqu'il
m'aura pris, c'est-à-dire lorsqu'il aura pris mon âme: "Ce n'est
certes pas à des anges qu'il vient en aide, mais c'est à la postérité
d'Abraham."
17 Ne crains pas lorsqu'un homme
sera devenu riche, et que la gloire
de sa maison se sera accrue. 18 Parce
que, lorsqu'il sera mort, il ne prendra pas tous ces [biens], et sa gloire ne
descendra pas avec lui.
B. Plus haut le
psalmiste a montré ce qui est à craindre dans le monde pour l'homme; ici il
montre ce qu'il ne doit pas craindre, à savoir la prospérité des impies.
1) Et il exhorte
d'abord à ne pas craindre la prospérité des méchants.
2) Ensuite il en
donne la raison: Parce que, lorsqu'il
sera mort.
1. La prospérité
des méchants comprend deux choses: l'abondance des richesses, et la sublimité
de la gloire.
a) En parlant de
l'abondance des richesses il dit: Ne
crains pas lorsqu'un homme sera devenu riche.
b) En parlant de
la sublimité de la gloire il dit: et que
la gloire de sa maison se sera accrue.
a. Et il dit: l'homme. L'homme est composé d'une
double nature: animale et raisonnable. Et parfois il est considéré selon l'une,
parfois selon l'autre. Ici il est considéré selon sa nature animale, autrement
dit: ne crains pas si l'homme animal devient riche, car ces derniers
s'enrichissent souvent: "Pourquoi les impies vivent-ils, sont-ils élevés
et affermis dans leurs richesses ?" Et de même: "Les tentes du voleur
sont dans l'abondance"; ainsi lorsque tu verras ces choses, ne crains pas.
La cause de la crainte peut être double: l'une est de les voir déchaîner leur
fureur sur les hommes; l'autre est que les bons en soient scandalisés, et
qu'ils faiblissent dans leur espérance, selon ce verset d'un psaume: "Mais
mes pieds ont presque chancelé, et mes pas ont presque dévié [...] Et j'ai dit:
"C'est donc sans cause que j'ai gardé mon coeur pur"", autrement
dit, par le fait que Dieu fait tant de bien aux méchants, il semblé qu'il ne se
soucié pas de nous, selon ce verset de Malachie: "C'est en vain que l'on
sert Dieu; qu'avons-nous à garder ses préceptes, et à marcher avec tristesse
devant le Seigneur des armées ?"
b. En parlant de
la sublimité de la gloire il dit: et que
la gloire de sa maison se sera accrue.- "N'envie pas la gloire et les
richesses du pécheur; car tu ne sais pas quelle sera sa ruine." - "J'ai
vu l'impie exalté et élevé comme les cèdes du Liban; et j'ai passé, et voici
qu'il n'était plus, et je l'ai cherché et sa place ne s'est plus trouvée."
2. 18 Parce que, lorsqu'il sera mort. Ici le
psalmiste donne la raison pour laquelle ils ne doivent pas craindre si les
méchants deviennent riches.
a) D'abord, parce
qu'un jour ils seront privés de tous les biens extérieurs.
b) Puis qu'ils
manqueront aussi de tous les biens intérieurs: Car son âme, pendant sa vie, sera bénie.
a. C'est pourquoi
il dit: ils ne doivent pas craindre, parce que Dieu te réserve de plus grands
biens. Et ces biens qui leur sont donnés sont transitoires.
Et il montre d'abord que les richesses sont transitoires en disant: Parce que, lorsqu'il sera mort, à savoir
le riche, il ne prendra pas tous ces
`biens], c'est-à-dire ne pourra rien avoir de tout ce qu'il possède: "Le
riche, lorsqu'il s'endormira, n'emportera rien avec lui." - "Nous
n'avons rien apporté dans ce monde, et sans aucun doute nous n'en pouvons rien
emporter."
Puis il montre la privation de la gloire de l'homme pécheur: et sa gloire ne descendra pas avec lui; car
alors sa gloire cesse en même temps que périt sa chair, et l'ignominie lui est
réservée en enfer: "Je changerai leur gloire en ignominie." - "Autant
elle s'est procuré de gloire et de délices, autant donnez-lui de tourment et de
deuil."
19 Car son âme, pendant sa vie,
sera bénie: il te confessera lorsque
tu lui auras fait du bien. 20 Il ira
rejoindre les générations de ses pères, et jusque dans l'éternité, il ne verra
pas la lumière. 21 L'homme, lorsqu'il
était en honneur, n'a pas compris: il fut comparé aux bêtes sans raison, et il
est devenu semblable à elles.
b. Ici le
psalmiste expose:
- D'abord la privation des biens intérieurs relatifs au corps.
- Puis la privation des biens intérieurs relatifs à l'âme: Il ira rejoindre.
- Il montre donc:
D'abord qu'après cette vie le bien du corps leur fera défaut.
· Puis que le bien de la vertu cessera, si tant il est vrai qu'ils
l'ont eu.
· Il dit donc: Car son âme. De
même que l'homme est considéré tantôt selon sa nature animale, tantôt selon sa
nature raisonnable, ainsi l'âme est-elle considérée de deux manières: parfois
selon la vie raisonnable, comme le dit ce verset du Deutéronome: "Tu
aimeras le Seigneur ton Dieu, de tout ton coeur, de toute ton âme et de toute
ta force." Parfois selon la vie animale: "Mon âme, tu as de grands
biens en réserve pour beaucoup d'années; repose-toi, mange, bois, fais bonne
chère." Suivant cela il dit donc: Car
son âme, c'est-à-dire sa vie animale, pendant
sa vie sera bénie, autrement dit: tout ce qu'il a de richesses et de
gloire, c'est tout son bien en cette vie; et au terme de cette vie cessera sa
gloire; et c'est pourquoi il ne peut bénir sa vie sinon pendant sa vie
terrestre.
· De même il arrive que des pécheurs louent Dieu, ou accomplissent des
oeuvres qui portent sur une catégorie de biens; mais si l'adversité menace,
leur louange cesse, ou leur bonne oeuvre. Et c'est pourquoi il se tourne vers
Dieu en disant: "Ô Dieu", c'est-à-dire tel ce pécheur ou quelqu'un se
trouvant dans la prospérité te
confessera, c'est-à-dire te louera, lorsque
tu lui auras fait du bien, à savoir lorsque tu lui auras donné les biens
temporels qu'il aime: "La bénédiction du Seigneur enrichit, et
l'affliction n'y sera pas mêlée."
Selon la version iuxta Hebraeos de
Jérôme on lit: "Laudabunt te cum
bene tibi fuerit (Ils te loueront lorsque cela ira bien pour toi)",
c'est-à-dire les hommes louent et se servent des riches, aussi longtemps qu'ils
sont dans l'abondance et qu'ils prospèrent dans les richesses; mais si leur
fortune vient à changer, ils changent, ne louent plus, et deviennent au
contraire détracteurs.
- 20 Il ira rejoindre. Ici le psalmiste expose la privation des biens
spirituels.
· Et il montre d'abord leur privation.
· Ensuite il expose l'ordre suivant lequel on aboutit à cette privation:
21 L'homme.
· Et il expose:
D'abord la privation due à la faute.
Puis la privation due à la peine.
En parlant de la privation due à la fauté il
dit: ira rejoindre, à savoir ce
pécheur riche en quelque sorte, et que tous louent, tandis que tout va bien
pour lui; ira rejoindre, dis-je, les générations de ses pères, c'est-à-dire par imitation, tandis que tous les maux que
toute sa propre génération a commis, lui-même les accomplit: "Et vous,
comblez la mesure de vos pères." - "Ils sont retournés aux anciennes
iniquités de leurs pères, qui n'ont pas voulu écouter mes paroles." Ou
bien: il ira rejoindre, etc., car ses propres pères impies sont en
enfer, et celui-ci y ira.
En parlant de la privation due à la peine il dit: et jusque dans l'éternité, il ne verra pas la lumière, car de même
qu'ici-bas dans sa propre éternité, c'est-à-dire durant sa vie, il a refusé de
suivre la lumière de la raison, ainsi jusque
dans l'éternité, il ne verra pas la lumière.- "Il ne croit pas qu'il
puisse revenir des ténèbres à la lumière."
- "Quant à ce serviteur inutile, jetez-le dans les ténèbres
extérieures; là il y aura des pleurs et des grincements de dents."
· Et suivant quel ordre aboutit-il à cette privation ? Etant donné que
lorsqu'il jouissait de la lumière de la raison, comme l'homme établi en
honneur, il a refusé d'être dirigé par cette lumière, il fut comparé aux bêtes sans raison; et c'est pourquoi il agit
comme les bêtes sans raison, et doit être voué à la tuerie.
1 Psaume d'Asaph.
Le Dieu des dieux, le Seigneur a parlé,
et il a appelé la terre. 2 Depuis le lever du soleil jusqu'à son coucher, de
Sion se manifestera l'éclat de sa gloire.
3 Dieu viendra manifestement: notre
Dieu, et il ne gardera pas le silence. Un feu s'allumera en sa présence, et
autour de lui [s'élèvera] une tempête violente.
4 Il a appelé le ciel d'en haut et la
terre pour faire le discernement de son peuple. 5 Rassemblez-lui ses saints,
qui exécutent son alliance sur les sacrifices. 6 Et les cieux annonceront sa
justice, parce que Dieu est juge.
7 Écoute, mon peuple, et je parlerai;
Israël, et je te prendrai à témoin: Dieu, ton Dieu, [c'est] moi [qui] le suis.
8 Je ne te reprendrai pas pour tes
sacrifices; car tes holocaustes sont en ma présence toujours. 9 Je ne prendrai
pas les veaux de ta maison, ni les boucs de tes troupeaux. 10 Car sont miennes
toutes les bêtes sauvages des forêts, [ainsi que] les animaux sur les montagnes
et les boeufs. 11 Je connais tous les volatiles du ciel, et la beauté des
champs est avec moi. 12 Si j'ai faim, je ne te le dirai pas; car à moi est le
globe de la terre et sa plénitude.
13 Est-ce que je mangerai des chairs de
taureaux ? Ou boirai-je du sang des boucs ? 14 Immole à Dieu un sacrifice de louange,
et rends au Très-Haut tes voeux.
15 Et invoque-moi au jour de la
tribulation: je te délivrerai et tu m'honoreras.
16 Mais au pécheur Dieu a dit: "Pourquoi
racontes-tu mes justices, et prends-tu mon alliance en ta bouche ?" 17
Mais toi, tu as haï la discipline, et tu as rejeté mes paroles derrière toi. 18
Si tu voyais un voleur, tu courais avec lui, et avec les adultères tu mettais
ta part.
19 Ta bouche a abondé en malice, et ta
louange ajustait des tromperies. 20 Assis, tu parlais contre ton frère, et
contre le fils de ta mère tu posais une pierre d'achoppement. 21 Voilà ce que
tu as fait, et je me suis tu. Tu as estimé injustement que je serai semblable à
toi; je te reprendrai, et mettrai [tout] devant ta face.
22 Comprenez ces choses, vous qui oubliez
Dieu; de peur qu'il n'enlève, et qu'il n'y ait personne qui [vous] délivre. 23
Le sacrifice de louange m'honorera, et là est le chemin par lequel je lui
montrerai le salut de Dieu.
1 Psaume d'Asaph.
Le Dieu des dieux, le Seigneur a parlé,
et il a appelé la terre. 2 Depuis le lever du soleil jus qu'à son coucher, de
Sion se manifestera l'éclat de sa gloire.
Plus haut le psalmiste a invité les nations à se confier en Dieu; ici
il les instruit à propos du culte de Dieu. Ce psaume est intitulé: Psaume d'Asaph. Asaph fut l'un de ceux
qui dirigeaient les chantres des peuples, et de ceux qui chantaient et louaient
avec des cymbales, comme le rapporte le premier livre des Chroniques. Il est
appelé psaume d'Asaph parce qu'il est chanté au cours du service d'Asaph. Et il
convient au mystère, en ce sens qu'Asaph veut dire synagogue, et qu'on le lit
en tant qu'il personnifie la synagogue.
Après avoir donné une instruction au sujet des sacrifices, il fait
connaître deux choses concernant le culte de Dieu:
I) Celles qui préparent le jugement de Dieu, et
c'est la première chose.
II) Puis la discussion de Dieu avec son peuple à
propos de son culte: 7 Écoute, mon
peuple.
I. Avant le jugement, trois choses auront lieu:
la convocation du juge, la venue du juge et les préparatifs du jugement.
A) Le psalmiste
mentionne donc d'abord la convocation du juge.
B) Puis sa venue:
3 Dieu viendra manifestement: notre Dieu.
C) Enfin les
préparatifs du jugement: Un feu
s'allumera en sa présence.
A. En parlant de
la convocation du juge il fait trois choses:
1) Il montre
d'abord qui est le convocateur.
2) Puis qui sont
les convoqués: il a appelé.
3) Enfin dans
quel ordre ils sont convoqués: de Sion.
1. Celui qui
convoque est grand, parce qu'il est le Dieu de toutes choses, même des dieux; aussi
dit-il: Le Dieu des dieux a parlé. Ainsi le convocateur est d'abord
loué pour l'excellence de sa nature, car il est le Dieu des dieux et non un
Ange. La version iuxta Hebraeos de
Jérôme lit: fortis Deus (le Dieu
fort). Mais sont-ils une multitude de dieux ? - "Il y a beaucoup de dieux
et beaucoup de seigneurs." - Dieu se dit en effet de trois manières
Par nature: et ce dernier est seulement un seul Dieu: "Écoute,
Israël: le Seigneur ton Dieu est l'unique Seigneur."
Semblablement, par participation, et ceux-ci sont nombreux: "S'il
est des êtres qui sont appelés dieux, soit dans le ciel, soit sur la terre - il
y a de la sorte beaucoup de dieux et beaucoup de seigneurs -, pour nous,
néanmoins, il n'y a qu'un seul Dieu, le Père, de qui viennent toutes choses et
pour qui nous sommes, et un seul Seigneur, Jésus-Christ, par qui sont toutes
choses et par qui nous sommes."
De même, par dénomination et renommée, comme les idoles et les astres,
par exemple Vénus et Saturne: Tous les dieux des nations sont des démons. 9
Mais certains dieux peuvent être appelés de quatre manières:
Selon une première manière par l'union; et ainsi seul le Christ est
appelé Dieu: "Mon Seigneur, et mon Dieu."
D'autres, par la grâce de l'adoption: "Moi j'ai dit: "Vous
êtes des dieux, et fils du Très-Haut, tous.""
Certains, par la participation à la puissance divine dans
l'accomplissement des miracles: "Je t'ai établi le Dieu du Pharaon; et
Aaron ton frère sera ton prophète."
D'autres, par la fonction, comme les juges: "Tu ne médiras pas des
dieux."
Semblablement le convocateur est loué pour son gouvernement, lorsqu'il
dit: le Seigneur a parlé. Celui-ci a
parlé intérieurement par l'inspiration: "J'écouterai ce que dira au-dedans
de moi le Seigneur Dieu."
De même pour sa parole extérieure: "Dans ces derniers temps, Dieu
nous a parlé par le Fils, qu'il a établi héritier de toutes choses et par
lequel il a aussi créé le monde."
2. et il a appelé la terre, à savoir toute
la terre, c'est-à-dire les habitants de la terre entière; c'est pourquoi sont
convoqués non point seulement quelques-uns choisis au milieu du monde, mais 2 depuis le lever du soleil jusqu'à son
coucher. - "Allez par le monde entier, et prêchez l'Évangile à toute
créature." - "Les nations viendront à toi des extrémités de la terre et
diront: "Nos pères n'ont eu en héritage que le mensonge, des vanités qui
ne servent à rien.""
3. L'ordre de
l'appel est exposé lorsqu'il dit: de Sion
se manifestera l'éclat de sa gloire; autrement dit: cet appel a commencé à
Sion: "De Sion sortira la loi, et de Jérusalem la parole du Seigneur",
car les Apôtres, lorsqu'ils reçurent l'Esprit-Saint, étaient à Sion, et c'est
alors qu'ils sont devenus forts pour aller à travers le monde. De Sion donc, là
où étaient les Apôtres, l'éclat de sa gloire commença à se répandre. Le Christ,
quant à lui, commença également à se répandre, mais son éclat ne paraissait
pas, car il était enveloppé de faiblesse comme l'écrit Isaïe: "Nous
l'avons vu; et il n'avait pas d'apparence, et nous l'avons méconnu. Il était
méprisé, le dernier des hommes, un homme de douleurs, qui connaît la souffrance;
son visage était caché; il était méprisé et nous n'avons fait aucun cas de lui."
Mais après sa Passion sa puissance et son pouvoir apparurent.
3 Dieu viendra manifestement:
notre Dieu, et il ne gardera pas le silence. Un feu s'allumera en sa présence,
et autour de lui [s'élèvera] une tempête violente.
B. Ici le
psalmiste traite de la venue du juge; et il dit deux choses à propos de sa
seconde venue, en rapport avec deux choses qui eurent lieu lors de sa première
venue. Lors de sa première venue Dieu vint caché dans la faiblesse de son
humanité: "Je couvrirai le soleil d'une nuée, et la lune ne donnera plus
sa lumière." - Et ce verset d'Isaïe: "Toi tu es vraiment un Dieu
caché, le Dieu d'Israël, le sauveur"; mais alors il sera manifesté: "Le
voici qui vient avec les nuées et tout oeil le verra, même ceux qui l'ont
transpercé." - "Alors se découvrira l'impie, que le Seigneur Jésus
exterminera par le souffle de sa bouche, et anéantira par l'éclat de son
avènement." Semblablement, lors de sa première venue, il montre sa
mansuétude: "Comme une brebis qu'on mène à la tuerie, comme un agneau
devant celui qui le tond, il a gardé le silence et il n'a pas ouvert la bouche."
Voilà pourquoi il n'a rien dit devant les chefs et les prêtres, rien devant
Pilate. Mais alors il ne gardera pas le silence, mais parlera: "Toujours
je me suis tu, j'ai gardé le silence, je me suis contenu", lorsqu'à mon
jugement j'étais jugé, lorsque je supportais les méchants; mais il criera comme
la femme qui enfante. Et il dit: notre, autrement
dit: ce Dieu qui vient n'est pas autre que le nôtre, et en dehors de celui-ci
il n'est point de salut. La version iuxta
Hebraeos de Jérôme lit: "Ex Sion
perfecta decore Deus apparebit (De Sion Dieu apparaîtra dans sa beauté
parfaite)", autrement dit: Dieu apparaîtra de Sion, qui est la beauté
parfaite de l'Esprit-Saint. En parlant donc de la première chose il ajoute: Dieu viendra manifestement. En parlant
de la seconde chose il dit: Un feu
s'allumera en sa présence.
C. Ici le
psalmiste expose les préparatifs de celui qui vient. Les princes se font
apporter en sa présence leurs insignes et leurs glaives: "Ce n'est pas en
vain qu'il porte le glaive, étant ministre de Dieu pour tirer vengeance de
celui qui fait le mal", autrement dit: parce qu'ils ont le pouvoir de
juger. Ainsi, avant la venue du Christ, précèdent les signes de sa vengeance,
ainsi que les ministres du juge.
1) Le psalmiste
expose donc d'abord les signes et les instruments de sa vengeance.
2) Puis il montre
son pouvoir dans ses ministres: Il a
appelé.
1. L'instrument
du jugement divin est double. Le premier, le principal, vient du feu qui punit,
et l'autre "de la création tout entière qui combat les insensés".
- En parlant du feu qui punit il dit: Un feu s'allumera en sa présence. Au sens littéral le feu le
précède, comme on le lit dans l'Exode: "Le Seigneur allait devant eux, le
jour dans une colonne de nuée, pour les guider dans leur chemin, et la nuit
dans une colonne de feu, pour les éclairer, afin qu'ils pussent marcher le jour
et la nuit", parce que le feu brûlera en détruisant, et purifiera la
surface de la terre, purifiera si quelque chose doit être purifié chez les
bons, et enfin enveloppera les méchants en enfer. Ou bien le feu est celui de
la conscience en tourment: "Marchez à la lumière de votre feu."
- En parlant du second instrument du jugement divin, il dit: et autour de lui [s'élèvera] une tempête
violente, qui naît de l'ébranlement de tous les éléments avant le jugement:
"Il y aura des signes dans le soleil, dans la lune et dans les étoiles,
et, sur la terre, les nations seront dans l'angoisse et la consternation, au
bruit de la mer et des flots, les hommes séchant de frayeur dans l'attente de
ce qui doit arriver à la terre entière; car les puissances des cieux seront
ébranlées", et il y aura un tel ébranlement que même les puissances des
cieux seront ébranlées. La tempête, c'est-à-dire
l'indignation, aura lieu. autour de lui, c'est-à-dire
des saints qui seront autour de lui-même: "Le Seigneur s'est levé pour
rendre la justice, et il est debout pour punir les pécheurs." - "L'indigence
le surprendra comme l'eau." - "Lorsque soudain se précipitera la
calamité, et que la ruine fondra comme la tempête; lorsque la tribulation et
l'angoisse viendront sur vous."
4 Il a appelé le ciel d'en haut
et la terre pour faire le discernement de son peuple. 5 Rassemblez-lui ses saints, qui exécutent son
alliance sur les sacrifices. 6 Et les
cieux annonceront sa justice, parce que Dieu est juge.
2. Après avoir
exposé la venue du juge pour le jugement, et les préparatifs du jugement quant
à l'instrument du châtiment, il expose ici les préparatifs du jugement quant
aux ministres.
a) Et il traite
d'abord de l'assistance des ministres.
b) Puis de la
fonction des anges: Rassemblez-lui.
c) Enfin de la
fonction des apôtres: annonceront.
a. Dans la
première partie, il fait mention du ciel et de la terre. Et on comprend [cela]
de deux manières.
- Selon une première manière en tant que, par métonymie, le contenant
s'entend pour le contenu, de sorte que par le ciel il désigne les saints qui
sont dans les cieux, et par la terre il désigne les hommes qui sont sur la
terre; et ces derniers sont tous appelés au jugement. Et c'est un deuxième
appel, car il a dit plus haut: et il a
appelé la terre, car cet appel est un appel à la foi auquel tous, bons et
mauvais, sont appelés: "Le royaume des cieux est semblable à un filet
qu'on a jeté dans la mer et qui ramasse des poissons de toutes sortes."
Mais ce second appel est destiné à séparer, car "ils choisissent les bons
pour les mettre dans des vases, mais rejettent les mauvais"; et c'est
pourquoi il dit: pour faire le
discernement de son peuple, par la séparation des bons et des méchants: "Il
séparera les uns d'avec les autres; comme le pasteur sépare les brebis d'avec
les boucs." - "Juge-moi, ô Dieu, et discerne ma cause." Mais
autre est l'appel des cieux, et autre celui de la terre; car les hommes
célestes sont appelés comme juges: "En vérité je vous le dis, à vous qui
m'avez suivi: dans la régénération, quand le Fils de l'homme siégera sur son
trône de gloire, vous siégerez vous aussi sur douze trônes, pour juger les
douze tribus d'Israël." Les hommes terrestres sont appelés afin d'être
jugés: "Je rassemblerai toutes les nations, et je les amènerai dans la
vallée de Josaphat." Ou bien: Il a
appelé le ciel, c'est-à-dire les hommes célestes, c'est-à-dire les justes
pour leur récompense: "Ceux qui ont été savants brilleront comme la
splendeur du firmament; et ceux qui en auront instruit plusieurs dans la
justice [luiront] comme des étoiles dans les éternités sans fin." et la terre, c'est-à-dire les
terrestres, les méchants pour leur châtiment.
- Il peut aussi y avoir un autre sens, en tant que le ciel et la terre
sont pris pour les créatures corporelles elles-mêmes: et ainsi sont-elles
appelées par mode de témoignage ou de lutte contre les infidèles, car en elles
les méchants ont pu sévir du ciel et de la terre: "Les cieux révéleront
son iniquité, et la terre s'élèvera contre lui", c'est-à-dire contre le
pécheur. Ou bien: Il a appelé le ciel
d'en haut, afin qu'il lui donne les âmes saintes qu'il possède, et la terre, afin qu'elle donne les âmes
des méchants qu'elle détient dans sa profondeur. Et la version iuxta Hebraeos de Jérôme s'accorde avec
cela; elle dit: "Congregate mihi
omnes sanctos meos (Rassemblez-moi tous mes saints)", autrement dit:
il appelle dans le dessein de faire paraître ses saints.
b. Rassemblez-lui ses saints. C'est la
fonction des anges de rassembler les élus au jugement dernier: "Il enverra
ses anges avec la trompette retentissante, et ils rassembleront ses élus des
quatre vents, depuis une extrémité du ciel jusqu'à l'autre." Ainsi le
prophète Daniel parle-t-il des anges envoyés pour l'aider. Car ses saints sont
ceux qui exécutent son alliance sur les
sacrifices. Ce mot sur s'entend
de deux manières.
- Selon une première manière, pour désigner l'ordre de la cause
matérielle; le sens est alors le suivant: sur
les sacrifices, c'est-à-dire ceux qui font une alliance avec Dieu sur les
sacrifices à offrir. Et il fait mention des sacrifices pour deux raisons.
D'abord parce que la discussion qui suit portera sur les sacrifices, puis parce
qu'elle aura lieu au jugement dernier seulement avec les fidèles qui seront
jugés; et ceux-là sont ceux qui ont fait alliance avec Dieu sur les sacrifices.
- Selon une autre manière, en tant que ce mot exprime un dépassement;
et alors il faut dire que par le mot "testament" on comprend le
Nouveau Testament (alliance), qui les dépasse. D'où ce sens: sur les sacrifices, c'est-à-dire les
sacrifices du Nouveau Testament ont prévalu sur les sacrifices de l'Ancien
Testament. Ou bien le testament promis par Dieu; et ainsi les mots sur les sacrifices signifient ceux qui
regardent les biens promis par Dieu comme plus grands que tous nos mérites: "J'estime
que les souffrances du temps présent sont sans proportion avec la gloire à
venir qui sera manifestée en nous." Ou bien, par ce mot "testament",
on entend l'âme qui fait alliance avec la justice, la miséricorde, la fidélité
et autres choses du même genre: "Je te fiancerai à moi dans la fidélité,
et tu sauras que je suis le Seigneur." Et ainsi les mots sur les sacrifices signifient ceux qui
préfèrent les biens spirituels, et autres choses du même genre, aux sacrifices
matériels: "Je veux la miséricorde et non le sacrifice."
Ou bien: qui exécutent son
alliance sur les sacrifices, c'est-à-dire que ceux qui montrent leur
appartenance à Dieu dans les sacrifices ont du respect pour l'alliance de Dieu:
car certains rapportent les biens qu'ils accomplissent à autre chose, pour ils
soient rassemblés à cette même fin: "Faites toutes choses pour la gloire
de Dieu."
c. les cieux annonceront. La fonction des
Apôtres est d'annoncer; et ces derniers sont désignés par les cieux. C'est
pourquoi les cieux, c'est-à-dire les
Apôtres, annonceront la justice de
Dieu. Et on les appelle cieux, parce
qu'eux-mêmes surpassent tous les choeurs des saints, et illuminent toute
l'Église: "Les cieux racontent la gloire de Dieu." Mais ils
annonceront, parce que Dieu est juge, en
instruisant par la doctrine: "C'est lui que Dieu a établi juge des vivants
et des morts." Ils instruisent donc à propos du jugement futur: "Nous
tous, il nous faut comparaître devant le tribunal du Christ." Selon un
autre mode ils annonceront par l'autorité du juge, promulguant une sentence
contre les méchants, quand ils siégeront sur douze trônes, comme le rapporte
Matthieu: "Vous siégerez vous aussi sur douze trônes, et vous jugerez les
douze tribus d'Israël."
7 Écoute, mon peuple, et je
parlerai; Israël, et je te prendrai à témoin: Dieu, ton Dieu, [c'est] moi [qui]
le suis.
II. Ici le psalmiste traite de la discussion du
jugement. Dans la discussion d'un jugement, trois choses sont nécessaires.
Une première chose est requise de notre côté; une autre du côté de Dieu;
une troisième est la discussion elle-même.
De notre côté est requise non seulement une écoute extérieure
matérielle, vis-à-vis des choses qui sont entendues matériellement, mais aussi une
écoute intérieure: "Si tu aimes à écouter, tu seras sage." Et c'est
pourquoi il dit: Écoute, c'est-à-dire
sois aussi attentif intérieurement: "Que celui qui a des oreilles pour
écouter, écoute." mon peuple, car
celui qui n'est pas de son peuple ne l'écoute pas: "Quiconque s'est mis à
l'écoute du Père et à son écoute vient à moi." Et encore: "Si vous,
vous n'écoutez pas, c'est que vous n'êtes pas de Dieu."
Du côté de Dieu sont requis la parole et le témoignage. Or il y a un
double langage de Dieu. L'un est extérieur et se communique par les
prédicateurs: "Dieu parlant jadis à nos pères par les prophètes."
L'autre est intérieur et se communique par l'inspiration: "J'écouterai ce
que dira au-dedans de moi le Seigneur Dieu."
Le témoignage aussi est double: l'un a lieu par des miracles: "Les
oeuvres mêmes que je fais, rendent témoignage de moi." L'autre par des
témoins: "Vous êtes mes témoins, dit le Seigneur." - "Vous serez
mes témoins à Jérusalem, et dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu'aux
extrémités de la terre." Et ainsi ces paroles peuvent être regardées comme
des paroles du Christ instruisant son peuple: Écoute, mon peuple, et je parlerai; Israël, et je te prendrai a témoin,
par des miracles: "Les oeuvres que le Père m'a données pour que je les
accomplisse, ces oeuvres que je fais rendent témoignage de moi." Et encore:
"Vous scrutez les Écritures, dans lesquelles vous pensez avoir la vie
éternelle; or ce sont elles qui me rendent témoignage." Et c'est pourquoi
je parlerai par les miracles et par les Écritures, c'est-à-dire il apparaîtra
dans les Écritures que moi je dis la vérité, et que je suis la vérité. Et quel
sera mon témoignage ? Dieu, ton Dieu,
[c'est] moi [qui] le suis, c'est-à-dire d'une manière unique: "Moi je
suis le Seigneur."
Et il dit: [je] suis, à cause
de [son] éternité, car il ne décline ni au passé, ni au futur; et il dit: ton Dieu, car il est issu de la
descendance d'Abraham "de qui est issu le Christ selon la chair".
8 Je ne te reprendrai pas pour
tes sacrifices; car tes holocaustes sont en ma présence toujours. 9 Je ne prendrai pas les veaux de ta maison,
ni les boucs de tes troupeaux. 10 Car
sont miennes toutes les bêtes sauvages des forêts, [ainsi que] les animaux sur
les montagnes et les boeufs. 11 Je
connais tous les volatiles du ciel, et la beauté des champs est avec moi. 12
Si j'ai faim, je ne te le dirai pas; car
à moi est le globe de la terre et sa plénitude.
Ici le psalmiste traite de la discussion elle-même; et à ce propos il
fait trois choses.
A) Il désapprouve
d'abord le sacrifice ancien.
B) Puis il fait
mention du sacrifice nouveau: 14 Immole à
Dieu.
C) Enfin il
écarte les méchants de ce sacrifice: 16 Mais
au pécheur.
A. Les sacrifices
sont des protestations de foi; et parce que son peuple va devoir mettre ces
sacrifices devant la face de Dieu, il parle d'abord de la foi au Dieu unique.
1) Et il dévoile
d'abord son intention.
2) Puis il en
donne la raison.
1. Ainsi dit-il:
je viendrai, et je jugerai, et je ne te
reprendrai pas pour tes sacrifices, c'est-à-dire pour ceux que tu n'as pas
omis.
Mais alors celui qui omettrait un sacrifice, commettrait une erreur; or
"pour toute erreur il sera amené en jugement", comme le dit
l'Ecclésiaste.
On répondra que l'homme est repris lorsqu'il n'accomplit pas la volonté
d'un supérieur: "Car la volonté de Dieu, c'est votre sanctification."
Mais ces sacrifices ne contribuent pas à votre sainteté; et c'est pourquoi ils
ne sont pas voulus en soi par Dieu, mais ils existent en tant qu'ils sont des
signes d'une autre réalité; aussi le Seigneur dit-il dans Osée: "Je veux
la miséricorde et non le sacrifice, et la connaissance de Dieu plutôt que des
holocaustes"; et ils existent encore en tant qu'ils sont des signes de la
vertu intérieure, et c'est pourquoi les hommes sont repris en soi pour les vertus
qu'ils n'ont pas pratiquées, non pour les sacrifices.
2. Il manifeste
la raison de son intention:
a) D'abord de
leur côté.
b) Puis de son
propre côté.
a. Ainsi dit-il: tes holocaustes sont en ma présence
toujours, autrement dit, je ne te reprendrai pas pour tes sacrifices, car
tu es prompt à offrir des sacrifices matériels: car les Juifs offraient
volontiers des sacrifices, parce qu'ils prenaient leur plaisir en eux dans des
festins: "Voici la joie et l'allégresse, on tue des veaux et on égorge des
béliers, on mange de la viande et on boit du vin." Ou bien autrement: Je ne te reprendrai pas pour tes sacrifices,
matériels, car tes holocaustes, spirituels,
sont en ma présence toujours, c'est-à-dire
me plaisent. Et ces holocaustes le sont, comme le dit Grégoire, lorsque l'homme
s'offre tout entier à Dieu, c'est-à-dire lorsqu'il s'offre lui-même et tout ce
qu'il a, et se dépense ainsi au service de Dieu.
b. Du côté de
Dieu il manifeste la raison, lorsqu'il dit: 9 Je ne prendrai pas les veaux de ta maison. La raison pour laquelle
je ne te reprendrai pas pour tes sacrifices, c'est que je ne les cherche pas
principalement, je ne reprends pas principalement pour ceux-ci. Il y avait deux
sacrifices principaux: celui du veau, et celui du bouc. Et ces deux sacrifices, il
montre qu'il ne les prend pas, c'est-à-dire ne les accepte pas, de la maison
des choses matérielles. ni de tes
troupeaux, matériels, je ne prendrai,
c'est-à-dire n'accepterai, les boucs.
- "Est-ce que le Seigneur peut être apaisé par des milliers de béliers ?"
10 Car sont miennes toutes les
bêtes sauvages des forêts. Il prouve ce qu'il a dit, à savoir qu'il
n'approuve ni les veaux, ni les boucs; et que s'il en avait besoin, il ne les
prendrait pas de sa maison. Nul ne demande quelque chose qui est en son pouvoir;
or tous les sacrifices que ceux-ci offraient étaient au pouvoir de Dieu. Trois
choses étaient offertes dans l'Ancien Testament: les animaux quadrupèdes, les
oiseaux et les fruits, c'est-à-dire les prémices et les pains.
En parlant de la première offrande il dit: toutes les bêtes sauvages des forêts sont miennes. Les quadrupèdes
se divisent en deux genres: car certains sont des forêts, et d'autres
domestiques, et bien que les quadrupèdes des forêts ne soient pas offerts, il
les énumère cependant afin qu'il apparaisse davantage que même les quadrupèdes
domestiques sont siens. Mais au sens mystique, par ces animaux divers genres de
personnes peuvent être désignés, aussi dit-il: les bêtes sauvages, c'est-à-dire les infidèles, les bêtes de somme,
c'est-à-dire les fidèles, les boeufs sur
les montagnes, c'est-à-dire les Apôtres; toutes ces bêtes sont miennes.
En parlant de la deuxième offrande il dit: 11 Je connais tous les volatiles du ciel, c'est-à-dire ceux-ci se
soumettent à ma providence. Par ces volatiles on entend les saints anges, qui
sont leur similitude.
En parlant de la troisième offrande il dit: et la beauté des champs est avec mot, c'est-à-dire tout ce qui est
beau en eux me sert. Ou bien: la beauté
des champs est avec moi, car je suis en tout lieu. Et le psalmiste dit est, parce que je suis toujours, sans
passé, et sans futur.
12 Si j'ai faim, je ne te le
dirai pas. Il conclut par l'impossible. Si j'avais besoin d'eux, je ne te
le dirais pas, c'est-à-dire je ne l'exigerais pas de toi. Pourquoi ? Parce qu'à
moi est le globe de la terre et sa
plénitude. - "Au Seigneur est la terre et toute sa plénitude; le globe
du monde et tous ceux qui l'habitent."
13 Est-ce que je mangerai des
chairs de taureaux ? Ou boirai-je du sang des boucs ?
Plus haut le psalmiste, au nom du Seigneur, a donné la raison pour
laquelle le Seigneur ne prendra pas les boucs, même s'il en avait besoin; mais
ici il montre qu'il n'en a pas besoin. Et il faut savoir qu'il est prescrit
dans la loi que les chairs d'holocaustes devaient être brûlées, et que le sang
devait être répandu au pied de l'autel. Et l'on pourrait supposer que Dieu se
délecte du sang et des chairs de ces holocaustes. Les païens pensaient aussi
que leurs dieux se délectaient des odeurs des chairs et de l'effusion du sang,
comme le rapporte Augustin. Et le Seigneur dit qu'il ne se délecte pas dans ce
qui ne procure pas de délectation en soi; et c'est pourquoi il déclare: Est-ce que je mangerai des chairs de
taureaux ? Ou boirai-je du sang des boucs ? Autrement dit: non, parce que
je n'en ai pas besoin, ni ne m'en délecte, car je me délecte dans ce qui de soi
est nourriture de Dieu, or la nourriture et la boisson de Dieu sont différentes
des chairs et du sang des animaux: car la nourriture de Dieu est ce qui fait la
nourriture de tous les saints: "Moi je vous prépare le royaume, comme mon
Père me l'a préparé." Et ainsi la réfection des saints et de Dieu est-elle
la même. Mais les saints sont refaits par l'amour de Dieu lui-même, tandis que
Dieu se refait dans sa propre fruition: "Moi je me nourris d'une
nourriture invisible, et d'un breuvage qui ne peut être vu des hommes."
14 Immole à Dieu un sacrifice de
louange, et rends au Très-Haut tes voeux.
B. Ici le
psalmiste montre en quoi consiste ce sacrifice que Dieu accepte.
1) Et il montre
d'abord ce que Dieu accepte de la part de l'homme.
2) Puis ce qu'il
rétribue.
1. Dieu requiert
deux choses de la part de l'homme.
a. D'abord un
sacrifice de louange. Et ce sacrifice est appelé louange, parce qu'il n'est rien d'autre que la protestation de la
dévotion intérieure et de la foi: car par ce sacrifice nous reconnaissons Dieu
créateur de toutes choses: "Tout est à toi, et ce que nous avons reçu de
ta main, nous te l'avons donné." Augustin dit, dans son Traité de la doctrine chrétienne, qu'il n'est aucun signe aussi expressif et
signifiant l'intention du coeur que la parole. Et la foi extérieure et la
dévotion ne peuvent mieux être expliquées que par l'offrande de la louange: et
ainsi la louange est-elle davantage acceptée par Dieu que la tuerie des animaux:
"Par lui offrons à Dieu sans cesse une hostie de louange." - "Offrons,
au lieu de taureaux, [l'hommage] de nos lèvres."
b. Ensuite le
Seigneur requiert qu'il rende ses voeux au Très-Haut. Et c'est pourquoi il dit:
et rends au Très-Haut tes voeux. La
louange est le sacrifice de Dieu, en tant qu'elle est le signe de la dévotion
intérieure; car la louange signifie que l'homme offre son esprit à Dieu, et
Dieu veut que cela lui soit rendu; et tel est le voeu, et ainsi est-il un acte
de latrie: "Ils l'honoreront par des sacrifices et des oblations; ils
feront des voeux au Seigneur, et ils les accompliront." - "Si tu as
fait un voeu à Dieu, ne tarde pas à l'accomplir, car la promesse infidèle et
insensée lui déplaît; mais tout ce que tu voues, accomplis-le."
15 Et invoque-moi au jour de la
tribulation: je te délivrerai et tu
m'honoreras.
2. Ici le
Seigneur expose ce qu'il rétribue à ceux qui l'honorent.
a) Et il montre
d'abord ce que les saints endurent.
b) Puis ce qu'ils
font dans les tribulations.
c) Ensuite, ce
qu'ils reçoivent de Dieu.
d) Enfin, ce
qu'ils donnent en retour à Dieu.
a. Il dit donc
que le fait pour une personne de rendre des voeux n'amoindrit pas pour autant
son affliction: "Mes ennemis me persécutent injustement." La raison
est due au fait que si les justes n'étaient pas affligés en ce monde, beaucoup
serviraient Dieu non pour lui-même, mais à cause de la prospérité.
b. Puis il montre
ce qu'ils font au temps de la tribulation, car ils doivent invoquer Dieu: Et invoque-moi.
c. Dieu que
fera-t-il ? Il le libérera: je te
délivrerai. - "Lorsque j'étais dans la tribulation, vers le Seigneur
j'ai crié et il m'a exaucé."
d. Et ensuite, après avoir été libéré, il doit honorer Dieu: et tu m'honoreras.
16 Mais au pécheur Dieu a dit:
Pourquoi racontes-tu mes justices, et
prends-tu mon alliance en ta bouche ? 17 Mais toi, tu as haï la discipline, et tu as rejeté mes paroles derrière
toi. 18 Si tu voyais un voleur, tu
courais avec lui, et avec les adultères tu mettais ta part.
C. Ici le
psalmiste écarte certains, à savoir les pécheurs, du sacrifice de louange; et
il expose trois choses.
1) D'abord la
perversité humaine.
2) Puis la
patience de Dieu.
3) Enfin il
menace le pécheur de la sévérité divine.
1. La perversité
humaine consiste en ce qu'ils disent du bien et font le mal; et c'est pourquoi
il montre comment ils sont indignes de dire du bien.
a. Or il y a un
double bien: le premier est l'instruction des moeurs, l'autre est l'action de
former à la louange de Dieu. Il dit donc: toi, c'est-à-dire mon peuple, immole à Dieu un sacrifice de louange, etc. Mais au pécheur Dieu a dit, c'est-à-dire
il a été établi par une disposition divine qu'il est injuste de dire le bien et
de faire le mal. Et il a dit cela parce que cette disposition a été gravée dans
l'esprit de tous, même des pécheurs. Et qu'a-t-il dit ? Pourquoi racontes-tu mes justices ? - "Toi qui prêches qu'il
ne faut pas voler, tu voles."
Mais celui qui est en état de péché mortel, pèche-t-il mortellement
lorsqu'il prêche ou enseigne ? Il faut dire que son péché est ou bien public,
ou bien secret: et s'il est secret, il est soit commis avec mépris et sans
regret, soit accompagné de regret.
Il faut donc dire que si quelqu'un est en état de péché public, il ne
doit pas prêcher publiquement ou enseigner. Et je dis en public, parce que si
le péché n'est pas public, il pourrait en secret reprendre avec charité son
frère pour un péché plus petit que son propre péché, qui est secret, en se
reprenant cependant lui-même. Mais s'il est en état de péché secret, et sans
regret, alors il provoque Dieu, parce qu'il simule: "Par sa bouche celui
qui feint trompe son ami." Et c'est de ces péchés dont il parle ici, comme
le rapporte la Glose d'Augustin: "Que
la langue n'ait pas la présomption de louer ce que la conscience contredit."
Mais si le péché est secret et cause de la douleur, il ne pèche pas en
prêchant ou en enseignant, même s'il parle publiquement contre le péché: car en
détestant ainsi les péchés des autres il déteste aussi le sien.
et prends-tu mon alliance en ta
bouche ? La justice se réfère
à l'instruction, l'alliance se réfère à la louange de la foi: "La louange
n'est pas belle dans la bouche du pêcheur", car le nom de Dieu est très
saint; et c'est pourquoi il ne convient pas qu'il soit approprié par les
pécheurs comme s'il était usurpé: "De même que le boiteux a en vain de
belles jambes, ainsi la sentence est choquante dans la bouche des insensés."
b. 17 Mais toi, tu as haï la discipline. Ici
le psalmiste montre les maux que commettent les pécheurs. Et ils commettent
deux maux:
Il y a d'abord le fait qu'ils haïssent la correction divine; aussi
dit-il: Mais toi, tu as haï la
discipline. Cette correction des moeurs se fait par des moyens difficiles: "Toute
correction, il est vrai, semble au moment même un sujet non de joie, mais de
tristesse." Les mauvais haïssent cette correction: "Si vous êtes
exempts de la correction à laquelle tous ont part, vous êtes donc des enfants
illégitimes, et non de [vrais] fils." - "Enseigne-moi la bonté, et la
discipline et la science, parce que j'ai cru à tes commandements." - "Ils
ont haï celui qui les reprenait à la porte, et ils ont cu en abomination celui
qui tenait un langage parfait." Toi donc, tu ne veux pas être châtié par
les autres alors que chaque jour tu pèches. et
tu as rejeté mes paroles derrière toi, grâce auxquelles tu es instruit en vue de bien agir et d'être digne de
récompense. De telles paroles doivent être considérées avec respect. Mais
ceux-ci, à savoir les pécheurs, ne les accueillent pas, et ne les prennent pas
en considération: "Ils écoutent tes paroles, et ne les mettent point en
pratique, car ils les changent en chansons pour la bouche." Ou bien: tu as rejeté, c'est-à-dire tu as tenu
pour rien, derrière toi, de telle
sorte que tu ne les prennes même pas en considération.
18 Si tu
voyais un voleur, tu courais avec lui. Ici il fait connaître la malice des
pécheurs quant à la pratique du mal. Mais un peu avant il montre leur défaut
concernant leur manquement au bien, lorsqu'il dit: Mais toi, tu as haï la discipline, etc.
- Et il expose d'abord leur méchanceté quant au mal opéré.
- Ensuite quant au mal proféré de bouche.
- Ainsi dit-il: Si tu voyais. Il
faut savoir ici que ces paroles proférées au nom de Dieu sont adressées au
pécheur qui annonce et prêche la justice de Dieu. Et elles s'appliquent surtout
aux supérieurs et aux docteurs qui ne tombent pas facilement d'eux-mêmes dans
le péché, mais donnent leur consentement aux autres pécheurs, aussi ces paroles
sont-elles dirigées contre eux: "Ceux qui font de telles choses sont
dignes de mort, non seulement ceux qui les font, mais encore ceux qui
approuvent ceux qui les font." Héli fut puni, lui qui ne parvint pas à
corriger ses fils. Et c'est pourquoi le Seigneur les reprend. Et il traite de deux
choses, a savoir du vol et de l'adultère.
En parlant du vol il dit: Si tu
voyais un voleur, pour que tu le défères en justice, tu courais avec lui, sans le corriger: "Tes princes sont
infidèles, complices des voleurs."
De même, en parlant de l'adultère, il dit: avec les adultères tu mettais ta part, parce
que tu ne corriges pas les adultères, mais tu les flattes, coopères avec eux et
les favorises, dès qu'ils parviennent à ta connaissance: "Ils sont tous
adultères." Et il y a vol spirituel, lorsque d'après les paroles de
l'Écriture sainte le corrupteur vole le véritable sens; et ainsi voyant le
véritable sens corrompu et occulte, toi y consentant aussi, tu cours avec lui: "Voici
que je viens aux prophètes, dit le Seigneur, qui volent mes paroles chacun à
son prochain." L'adultère est spirituel, lorsque les paroles sont
détournées vers un autre sens, ou vers une autre finalité; par exemple s'ils
les prêchent en vue du lucre ou de la séduction: "Nous ne sommes pas comme
la plupart, nous ne frelatons pas la parole de Dieu; mais c'est avec sincérité,
mais c'est de par Dieu, c'est face à Dieu, dans le Christ que nous prêchons."
19 Ta
bouche a abondé en malice, et ta langue ajustait des tromperies. 20 Assis, tu
parlais contre ton frère, et contre le fils de ta mère tu posais une pierre
d'achoppement. 21 Voilà ce que tu as fait, et je me suis tu. Tu as estimé
injustement que je serai semblable à toi; je te reprendrai, et mettrai [tout]
devant ta face.
- Ici il traite du péché de la bouche qui est aggravé de deux manières.
· D'abord par les circonstances.
· Puis par la condition des personnes: Assis.
· Concernant les circonstances il fait deux choses.
Il expose d'abord les circonstances aggravantes, à savoir la fréquence.
Une autre circonstance est la tromperie.
La fréquence: car si quelqu'un commet quelquefois un péché, c'est en
quelque façon tolérable. Ou bien, s'il dit quelque chose de désordonné par un
abus de langage, on le supporte facilement: "Si quelqu'un n'offense pas en
parole, c'est un homme parfait." Mais si quelqu'un emplit sa bouche de
malédictions, cela procède alors de sa propre malice, car "c'est de
l'abondance du coeur que la bouche parle". - "Leur bouche est pleine
de malédiction et d'amertume."
Le péché de la langue est aussi aggravé par la tromperie, ou la fraude:
"Leur langue est une flèche qui blesse; elle parle pour tromper"; et
c'est pourquoi il dit: et ta langue ajustait des tromperies, c'est-à-dire
inventait, et à la manière de celui qui enseigne, elle organisait des
tromperies afin que ses paroles soient agréées: "Le témoin précipité se
fait une langue de mensonge."
· 20 Assis,
tu parlais contre ton frère. Ici il montre comment le péché de la
langue est aggravé par la condition des personnes.
Et d'abord par la condition de celui qui parle.
Puis par la condition de celui contre qui il parle.
Enfin par la condition de ceux qui écoutent.
Ainsi dit-il: Assis. Il arrive parfois que quelqu'un dise
une parole amère, après avoir été troublé et sous le coup d'une provocation, et
cela est en tout cas tolérable. Mais lorsque quelqu'un a le coeur tranquille,
non excité, et dit du mal, cela est inique et détestable; et c'est pourquoi il
dit: Assis, c'est-à-dire
tranquille: "Ceux qui étaient assis à la porte parlaient contre moi."
Le péché est aggravé à cause de la condition de la personne contre
laquelle il parle: car s'il parlait contre une personne inique, ce serait avec
raison. Mais il dit: contre ton frère. - "Que chacun se garde
de son prochain."
et contre le fils
de ta mère tu posais une pierre d'achoppement. Ici il montre comment le péché est aggravé par ceux
qui s'en scandalisent, c'est-à-dire par la condition de ceux qui écoutent; et
c'est pourquoi il dit: tu posais une pierre d'achoppement, c'est-à-dire
pour les autres en parlant contre ton frère. Et en disant: le fils de ta mère, il montre
que les petits qui tètent sont appelés fils d'une mère, et que les tout-petits
se scandalisent des paroles mauvaises qu'il dit.
2. 21 Voilà ce que tu
as fait, et je me suis tu. Le psalmiste traite ici de la simulation
de Dieu.
- Et il expose d'abord la dissimulation de Dieu.
- Puis l'effet de cette dissimulation sur les méchants: Tu as estime.
- Ainsi dit-il: Voilà ce que tu as fait, à savoir toutes les
choses qui ont été mentionnées plus haut: tu as dit du bien, et tu as accompli
le mal, comme l'exprime le psalmiste au nom de Dieu, et moi je me suis tu, c'est-à-dire
je ne t'ai pratiquement pas corrigé et puni aussitôt; mais par clémence et
miséricorde j'ai attendu ta repentance: "Longtemps je me suis tu, j'ai
gardé le silence." - "Ignores-tu que la bénignité de Dieu t'amène à
la pénitence ?" Mais l'homme mauvais et le pécheur abusent de cette
clémence dans leur orgueil: "Par ton endurcissement et ton coeur
impénitent, tu t'amasses un trésor de colère pour le jour de la colère et de la
manifestation du juste jugement de Dieu, qui rendra à chacun selon ses oeuvres."
- Et c'est pourquoi il dit: Tu as estimé
injustement que je serai semblable à toi. Mais on a dit plus haut: Si tu voyais un
voleur, etc. Les pécheurs y trouvent leur prétexte et les
hommes injustes croient que le péché plaît à Dieu et qu'il ne punit pas, parce
qu'il se tait: Voilà
ce que tu as fait, et je me suis tu, mais cette estimation est
injuste, parce que "sont également odieux à Dieu et l'impie, et son
impiété", comme le rapporte la Sagesse; et on lit dans Habacuc: "Tes
yeux sont trop purs pour voir le mal, et tu ne peux regarder l'iniquité."
3. Mais je te
reprendrai. En disant cela le psalmiste expose la sévérité divine.
a) Et d'abord
dans son reproche.
b) Puis dans son
effet.
a. Ainsi dit-il: je te
reprendrai, c'est-à-dire je te condamnerai: "Seigneur, ne me
châtie pas dans ta colère." - Dans la colère est l'effet: et mettrai
[tout] devant ta face. Dieu, qui punit, punit non seulement par
lui-même, mais aussi par les autres créatures: "L'univers combattra avec
lui contre les insensés." Semblablement, l'homme, quant à lui, combat
aussi contre lui-même par le remords de la conscience. Et ainsi il combat aussi
contre lui-même et se reprend par lui-même; tel est ce qu'il dit: et [je] mettrai
[tout] devant ta face, c'est-à-dire toi-même tu te condamneras: "Personne
ne t'a condamnée ? Celle-ci dit: Personne, Seigneur. Alors Jésus dit: Moi non
plus je ne te condamnerai pas." Ou bien: je mettrai [tout] devant ta face, c'est-à-dire
les créatures, comme le dit la Sagesse; soit les créatures raisonnables,
c'est-à-dire les Anges et les saints, soit les créatures sans raison, dont on
fait mauvais usage dans le péché: "Pourquoi m'as-tu mis en opposition avec
toi, et suis-je à charge à moi-même ?", car le pécheur dira contre
lui-même: "Nous avons erré hors du chemin de la vérité." - "Je
révélerai tes parties honteuses jusqu'à ton visage." - "L'air de leur
visage témoigne contre eux." Et ce châtiment est le ver de la conscience.
22 Comprenez
ces choses, vous qui oubliez Dieu; de peur qu'il n'enlève, et qu'il n'y ait personne
qui [vous] délivre. 23 Le sacrifice de louange m'honorera, et là est le chemin
par lequel je lui montrerai le salut de Dieu.
b. Ici il exhorte
les pécheurs à une considération.
- Et d'abord à considérer la sévérité de Dieu.
- Puis il montre ce qui est agréé par Dieu dans les sacrifices.
- Le psalmiste les exhorte donc d'abord à comprendre; aussi dit-il: Comprenez ces
choses, vous qui oubliez Dieu, c'est-à-dire considérez les choses
qui ont été dites. Et cela est nécessaire, parce que vous êtes oublieux de Dieu:
"Tu as oublié le Seigneur ton Créateur." Ensuite il montre ce qu'ils
comprennent: de peur
qu'il n'enlève, c'est-à-dire le diable, et qu'il n'y ait personne qui [vous]
délivre, c'est-à-dire de son pouvoir. Lorsque le diable entraîne au
châtiment de l'enfer, il n'y a personne qui vous délivre. Parfois il entraîne
au péché, et Dieu délivre le pécheur: "Je le délivrerai." Que Dieu ne
délivre pas du pouvoir du diable celui qui est entraîné à la damnation n'est
pas dû à son impuissance, mais au fait qu'il le veut à cause de sa propre
justice.
- 23
Le sacrifice
de louange m'honorera. Ici le psalmiste conclut sur ce qui est agréé
de Dieu dans les sacrifices.
Et il montre qu'il y a un double fruit en eux. Le premier fruit est du
côté de Dieu, afin que son excellence soit manifestée, et cela se fait par le
sacrifice de la louange vocale: "Faites tout pour la gloire de Dieu."
L'autre fruit est de notre côté, c'est-à-dire le véritable salut; aussi dit-il:
et là est le
chemin par lequel je lui montrerai le salut de Dieu, c'est-à-dire
pour voir Dieu: "Ils ont élevé la voix, ils loueront ensemble." La
version iuxta
Hebraeos de Jérôme lit: "Et qui ordinate ambulat, ostendam illi salutare Dei (Et
[à] celui qui marche de façon ordonnée, je lui montrerai le salut de Dieu)";
autrement dit, deux choses sont nécessaires au salut, c'est-à-dire le sacrifice
de la louange, et la marche ordonnée.
1 Psaume de David
2 lorsque le prophète Nathan vint le trouver après qu'il fût allé vers
Bethsabée.
3 Aie pitié de
moi, ô Dieu, selon ta grande miséricorde; et selon la multitude de tes bontés,
efface mon iniquité. 4 Lave-moi complètement de mon iniquité, et purifie-moi de
mon péché.
5 Parce que moi je
reconnais mon iniquité, et mon péché est toujours devant moi. 6 Contre toi seul
j'ai péché, et j'ai fait le mal devant toi, de sorte que tu sois reconnu juste
dans tes paroles, et que tu sois victorieux lorsque tu es jugé.
7 Car dans les
iniquités j'ai été conçu, et ma mère m'a conçu dans les péchés. 8a Car tu as
aimé la vérité.
8b Tu m'as
manifesté les choses obscures et cachées de ta sagesse. 9 Tu m'aspergeras avec
de l'hysope et je serai purifié; tu me laveras, et je deviendrai plus blanc que
la neige.
10 Tu me feras
entendre une parole de joie et d'allégresse, et mes os humiliés exulteront.
11 Détourne ta
face de mes péchés, et efface toutes mes iniquités.
12 Crée en moi un
coeur pur, ô Dieu, et renouvelle dans mes entrailles un esprit droit. 13 Ne me
rejette pas de devant ta face et ne retire pas de moi ton esprit saint. 14
Rends-moi la joie de ton salut, et par ton esprit souverain confirme-moi.
15 J'enseignerai
tes voies aux injustes, et les impies se convertiront à toi. 16 Délivre-moi des
sangs, ô Dieu, le Dieu de mon salut; et ma langue célébrera ta justice. 17
Seigneur, tu ouvriras mes lèvres, et ma bouche annoncera ta louange.
19 Parce que si tu
avais voulu un sacrifice, je te l'aurais offert; [mais] tu ne prendras pas
plaisir aux holocaustes. 19 Le sacrifice [digne] de Dieu, c'est un esprit brisé;
d'un coeur contrit et humilié, ô Dieu, tu n'auras point de mépris.
20 En ta
bienveillance, Seigneur, fais du bien à Sion, afin que les murs de Jérusalem
soient bâtis. 21 Alors tu agréeras un sacrifice de justice, des oblations et
des holocaustes; alors on offrira de jeunes taureaux sur ton autel.
1 Psaume de David
2 lorsque le prophète Nathan vint le trouver après qu'il fût allé vers
Bethsabée.
Tout au long des dix derniers psaumes, le
psalmiste semble avoir traité de ce qui concerne l'état du royaume des cieux,
il en a décrit la gloire et nous y a conviés; mais ici, dans ce psaume, parce
que la gloire de ce Royaume est entravée par le péché, il va traiter de son
abolition. Et à ce sujet deux choses sont à prendre en considération. D'abord
quant à l'ordre des psaumes. Ce psaume est le cinquantième, nombre jubilaire,
comme le dit le Lévitique, et à la faveur duquel toutes les fautes étaient
remises. Voilà pourquoi ce nombre convient à ce psaume qui traite de la totale
rémission des péchés. Et de même, ce psaume occupe la quatrième place dans
l'ordre des psaumes pénitentiels, et à bon droit, car le premier a pour objet
la contrition du corps: "Je laverai chaque nuit mon lit, etc." Le
deuxième traite de la confession orale: "J'ai dit: "je confesserai
contre moi mon injustice au Seigneur, et toi, tu m'as remis l'impiété de mon
péché."" Le troisième concerne la satisfaction: "J'ai été
affligé et j'ai été humilié à l'excès, je rugissais par suite du gémissement de
mon coeur." Et le quatrième dont nous parlons regarde l'effet de la
pénitence. Ce psaume nous montre comment la pénitence restaure l'homme dans
l'état de perfection; aussi parmi tous les autres psaumes est-il celui qui est
le plus répété dans l'Église, car ce dernier imploré uniquement la miséricorde,
et obtient ainsi le pardon. Cette démarche est facile et peut convenir à
n'importe qui. Tandis que les six autres psaumes pénitentiels proposent des
choses difficiles, comme par exemple au psaume 6: "je laverai chaque nuit
mon lit; j'arroserai ma couche de mes larmes." Ou au psaume 101: "Je
mangeais la cendre comme du pain, et je mêlais mon breuvage avec mes pleurs",
ce qui ne peut pas convenir à n'importe qui.
Le titre de ce psaume est: Psaume de David 2 lorsque le prophète Nathan vint le trouver,
après qu'il fût allé vers Bethsabée. Cette histoire est clairement
racontée dans le deuxième livre des Rois: alors que David était dans la
prospérité, il vit une femme qui se lavait, il la désira, commit l'adultère et
fit tuer son mari. Cet acte déplut à Dieu qui lui envoya le prophète Nathan, et
ce dernier l'amena à prendre son péché en exécration, en prenant l'image de la
brebis perdue. Et David de dire: "J'ai péché contre le Seigneur." Et
le péché lui fût pardonné. Et telle est la matière de ce psaume, à savoir la
rémission des péchés. À propos du titre de ce psaume, il faut savoir que David
parle dans les autres psaumes de choses diverses et différentes, comme par
exemple au psaume 21: "Mon Dieu, mon Dieu", il parle en annonçant la
Passion du Christ; tandis qu'ici il consacre ce psaume à lui-même. Il montre sa
faute qui a été rendue manifeste, ainsi que le pardon. Et cela s'est accompli
tel que le Seigneur l'a déclaré: "Car tu as agi en secret, mais moi
j'accomplirai cette parole en la présence de tout Israël, et en la présence du
soleil." Le motif de cette manifestation est la miséricorde divine, car
elle est utile aux justes afin qu'ils ne se prévalent pas de leur justice. Car
si David, après tant de victoires, malgré le don du Saint-Esprit, malgré une si
grande familiarité avec Dieu et malgré le don de prophétie, a péché, à plus
forte raison ne devons-nous pas être sur nos gardes, nous qui sommes fragiles
et pécheurs - "Que celui qui se flatte d'être debout prenne garde de
tomber." Elle est également utile aux pécheurs pour qu'ils ne désespèrent
pas: "Si tu t'es laissé abattre, ta vigueur, au jour mauvais ne sera que
faiblesse", car David recouvra la grâce de la prophétie après avoir commis
l'homicide et l'adultère.
Il faut aussi faire remarquer la manière de s'exprimer dans le titre.
En disant: lorsqu'[il]
vint, il désigne le pardon dont il est question dans ce psaume, car
grâce à cette démarche le Seigneur l'écouta et remit son péché; en revanche
lorsqu'il dit: après
qu'il fût allé vers Bethsabée, il désigne la faute. Ici deux choses
sont soulignées: la première est qu'il nomme la faute en disant: il fût allé, car
les paroles du Seigneur sont de chastes paroles. Semblablement l'Écriture n'a
nommé que l'adultère alors qu'il avait commis deux péchés: l'adultère et
l'homicide. Et cela pour deux raisons: d'abord, afin de nous apprendre à ne pas
être prompts à considérer et à divulguer les péchés d'autrui, mais à être très
discrets: "Ne tends pas, ô méchant, des embûches à la demeure du juste."
Et cela est signifié dans Matthieu, où le Seigneur énumère les mérites des bons
et passe sous silence le démérite des méchants. De même, afin de noter que
lorsque quelqu'un commet deux péchés et qu'il en commet un pour en accomplir un
autre, l'Écriture passe sous silence le premier pour considérer plus
spécialement le second: comme, par exemple, celui qui commet un vol dans le but
de s'adonner à la débauche est appelé plutôt fornicateur.
3 Aie
pitié de moi, ô Dieu, selon ta grande miséricorde; et selon la multitude de tes
bontés, efface mon iniquité. 4 Lave-moi complètement de mon iniquité, et purifie-moi de
mon péché.
Ce psaume comprend deux parties.
I) Dans la première [David] implore la miséricorde;
II) dans la seconde il promet la correction: 15 J'enseignerai
tes voies aux injustes.
I. Dans la première partie il fait deux choses.
A) David demande
d'abord le pardon de sa faute;
B) ensuite il
demande la restauration de la sainteté et de la grâce: Parce que moi je reconnais mon iniquité.
A. Il demande
donc en premier lieu la miséricorde divine en disant: Aie pitié de moi, ô Dieu. Aussi
faut-il savoir que de même qu'il est écrit dans les Proverbes: "Le péché
est l'opprobre des peuples", et que n'est pas heureux celui qui abonde en
richesses, jouit des plaisirs et se signale par les honneurs, ainsi n'est pas
misérable celui qui est pauvre, misérable, débile et infirme, mais bien celui
qui est pécheur. Et c'est pourquoi le pécheur dit: Aie pitié de moi, ô Dieu, c'est-à-dire
"toi qui as pitié de tous, et qui n'as en dégoût rien de ce que tu as fait".
Et selon l'Apôtre: "J'aurai pitié de qui j'ai pitié, et je ferai
miséricorde à qui je ferai miséricorde." Donc, s'il dépend de ta volonté
de prendre en pitié, aie pitié de moi, c'est-à-dire du pécheur. Il
ne veut rien prétendre, il ne cherche pas à discuter, mais il prend la voie la
plus courte: Aie
pitié de moi. De même il n'allègue pas le prétexte de la
miséricorde, ni ses services rendus à Dieu, ni les dangers qu'il a encourus
pour lui, mais il implore seulement la miséricorde de Dieu, aussi dit-il: selon ta grande
miséricorde. - "Ce n'est pas à cause de nos justices que nous
déposons devant toi nos supplications, mais à cause de tes grandes miséricordes."
Et il faut noter qu'on peut espérer en la miséricorde divine pour une double
raison: la première raison vient de la considération de la nature divine, la
seconde vient de cette considération et de la multitude de ses effets.
En premier lieu il montre donc qu'il espère en la miséricorde divine en
partant de la considération de la nature divine, car le propre de cette
dernière est d'être la bonté même. C'est pourquoi Denys dit que Dieu est
l'essence même de la bonté. Et semblablement Boèce, dans son De Trinitate.
Aussi cette miséricorde divine n'est-elle rien d'autre que la bonté qu'on
implore pour écarter la misère. Donc, lorsque je considère que le propre de la
bonté est d'écarter la misère et que Dieu est la bonté même, je recours avec
confiance à sa miséricorde.
On dit de cette miséricorde qu'elle est grande en raison de
l'incompréhensibilité avec laquelle elle accomplit toutes choses: "De la
miséricorde du Seigneur la terre est remplie." Elle a sa place en tous: en
effet les justes ont gardé l'innocence à cause de la miséricorde de Dieu.
Augustin disait: "Seigneur, j'impute à ta grâce les maux que je n'ai pas
commis." De même les pécheurs se sont convertis à la justice à cause de la
miséricorde de Dieu: "J'ai obtenu miséricorde." De même ceux qui sont
en état de péché éprouvent la miséricorde de Dieu: "C'est grâce aux
innombrables miséricordes du Seigneur que nous n'avons pas été consumés."
Elle est également grande par sa sublimité, car sa compassion dépasse
toutes ses oeuvres; en effet la miséricorde ne désigne pas en Dieu la
souffrance de l'âme, mais la bonté pour écarter la misère.
Elle est dite grande pour sa constance: "Dans ma miséricorde
éternelle, j'ai eu pitié de toi."
Elle est dite grande pour sa puissance, car Dieu le Père fit Dieu
homme, il fit descendre Dieu du ciel sur la terre et il le fit mourir en étant
immortel: "Mais Dieu qui est riche en miséricorde."
Semblablement, elle est dite grande quant à son effet, car l'homme peut
être relevé de toute misère par la miséricorde: "Ta miséricorde est grande
envers moi." - "Tu as remis l'impiété de mon péché." Et c'est
pourquoi je demande avec confiance: Aie pitié de moi, ô Dieu.
De même pour une autre raison: c'est qu'en toutes choses on trouve
l'effet de ta miséricorde dès l'origine du monde. Et c'est pourquoi il dit: et selon la
multitude de tes bontés, effacé mon iniquité, ce qui revient à dire:
aie pitié de moi, parce que bien des fois et en diverses circonstances tu as
pris tous les hommes en pitié; aussi est-il écrit: "Je me souviendrai des
miséricordes du Seigneur." - "Souviens-toi de tes bontés, Seigneur."
efface mon
iniquité. Il expose ici
l'effet de celui qui fait miséricorde. Nathan dit à David: "Le Seigneur a
déjà transféré ton péché; tu ne mourras point." Et ainsi il était sûr de
son pardon, mais il voulait que son péché soit totalement extirpé. Car il
restait un double effet du péché: l'obligation à la peine et la souillure dans
l'âme. Il demande donc en premier lieu que l'obligation à la peine lui soit
ôtée, et c'est pourquoi il dit: 4 Lave-moi complètement de mon iniquité. Il faut
savoir qu'il est dit dans Jérémie que le péché de Juda fut écrit avec un stylet
de feu et avec une pointe de diamant, à la manière du juge écrivant une faute
qui reste écrite aussi longtemps qu'il a l'intention de punir, mais s'il
renonce à cette intention, alors il ne garde pas ce qui est écrit. Et c'est
dans ce sens qu'on dit qu'un péché est écrit avec un stylet à la pointe de
diamant, quand il n'est pas effacé. Et tel est ce qu'il dit: efface mon
iniquité, c'est-à-dire n'impute pas mon iniquité à châtiment: "C'est
moi, c'est moi-même qui efface tes iniquités." Et encore: "J'ai
effacé tes transgressions comme une nuée, et comme une vapeur tes iniquités."
Complètement.
Il demande ici que soit effacée l'impureté de sa faute. L'homme qui
a l'esprit bien disposé déteste plus l'impureté de sa faute que la rigueur du
châtiment, et c'est pourquoi il dit: Lave-moi complètement, ce qui revient à dire:
je demande que tu effaces ma peine, mais je demande plus encore que tu purifies
ma souillure. Ou bien: Lave-moi complètement, c'est-à-dire au-delà de
la faute que moi je reconnais: "Nous ne savons pas ce que dans nos prières
il nous faut demander." - "À celui qui peut faire infiniment plus que
tout ce que nous demandons ou concevons." Deux choses sont nécessaires
pour effacer la souillure: l'ablution qui précède et la pureté qui en résulte.
Cette ablution s'opère sur les corps au moyen de l'eau; et ainsi, selon la Glose, ce
psaume préfigurait par l'eau la puissance du baptême par laquelle Dieu allait
effacer le péché: "Je répandrai sur vous une eau pure, et vous serez
purifiés de toutes vos souillures, et je vous purifierai de toutes vos idoles."
- "Il y aura une source ouverte à la maison de David pour le péché et
l'impureté." Et bien que le baptême n'ait pas encore été institué,
cependant la puissance divine qui lavait était dans ce baptême. D'où ces
paroles: Lave-moi
complètement de mon iniquité. - "Lave ton coeur de la malice,
Jérusalem, afin d'être sauvée." De même je demande que tu me purifies du
péché, car nul n'est purifié si ce n'est par toi: "Qui peut rendre pur
celui qui a été conçu d'une semence impure ?" - "De l'impur que
peut-on tirer de pur ?" Et il dit deux choses: l'iniquité et le péché.
L'iniquité est opposée à la justice, tandis que le péché est opposé à la
pureté, et c'est l'adultère. Et ainsi pour David l'iniquité fut en tant qu'il
offensa son prochain par l'homicide; tandis que son péché fut commis par
l'adultère dans lequel il se souilla.
5 Parce
que moi je reconnais mon iniquité, et mon péché est toujours devant moi. 6
Contre toi
seul j'ai péché, et j'ai fait le mal devant toi, de sorte que tu sois reconnu
juste dans tes paroles, et que tu sois victorieux lorsque tu es juge.
B. Il avoue ici
sa faute.
1) Et il commence
par l'avouer.
2) Ensuite, il
montre que cette confession a été acceptée par Dieu.
1. Il confesse
donc:
a) D'abord sa
faute.
b) Ensuite il en
souligne la gravité: Contre toi seul j'ai péché.
c) Enfin il en
manifeste l'origine par ces paroles: 7 Car dans les iniquités.
a. Il reconnaît
donc sa faute en disant: Parce que moi je reconnais mon iniquité. Il y
en a qui ne reconnaissent pas leurs péchés pour trois raisons. Parce que la
raison est obscurcie par la gravité du péché: "L'impie, lorsqu'il est
descendu au fond des péchés, méprise." - "Mes iniquités m'ont saisi,
et je ne puis plus voir." De même, parce qu'ils ne s'en souviennent pas: "Il
ne se souvient plus de ses délices." Semblablement, à cause des flatteries
des hommes: "L'impie applaudit aux désirs de son âme." Aussi, parce
que les autres le louent pour ses péchés, le pécheur ne les reconnaît pas. Mais
heureux celui qui reconnaît son péché comme David: "Le coeur connaît le
chagrin de son âme et nul étranger ne partagera sa joie." Il dit ensuite: et mon péché est
toujours devant moi. Il y en a d'autres qui, s'ils reconnaissent
leur péché, ne le détestent cependant pas; tandis que David a toujours son
péché devant lui comme une chose hostile, nuisible et détestable. Et il dit: toujours, car
il en est qui détestent le péché pour un temps: "À peine s'est-il observé
qu'il part." - "Je songerai à toi durant mes années dans l'amertume
de mon âme." Dans le psaume dont il est question, on lit: moi je reconnais
mon iniquité. Une autre version lit: coram me (devant moi); et ainsi
est signifié le fait qu'il reconnaît sa faute et qu'il médite continuellement
sur celle-ci. Et ce péché fut exposé devant Dieu par le prophète Nathan sous
forme de parabole.
b. 6 Contre toi seul
j'ai péché. Plus haut le psalmiste a exposé la reconnaissance de sa
propre faute, mais ici il en souligne la gravité. Et à ce propos il fait deux
choses.
- Il commence par grossir la faute elle-même.
- Puis il expose ce qui résulte de ce grossissement: de sorte que tu
sois reconnu juste.
- Il grossit cette faute par respect à l'égard de Dieu, et cela pour
deux raisons, comme le rapporte Jérémie: "Moi je serai le juge et le
témoin." Car il semble mépriser le Dieu juge, celui qui ne craint pas de
pécher à cause de son jugement. Et semblablement il méprise le Dieu témoin,
celui qui pèche devant ses yeux, et c'est pourquoi il dit: Contre toi seul j'ai péché. Mais
n'a-t-il pas péché contre Urie qu'il a tué ? Assurément. Mais il dit Contre toi seul,
c'est-à-dire Dieu, car lui-même n'est pas soumis à son serviteur,
mais à la sentence divine. Car lorsque le maître, qui est au-dessus de
l'esclave, pèche, il ne pèche pas contre son serviteur mais contre Dieu: "C'est
le Seigneur qui vous a donné le pouvoir et le Très-Haut la souveraineté, c'est
lui qui examinera vos oeuvres et scrutera vos pensées." Ou bien: Contre toi seul,
c'est-à-dire j'ai péché par rapport à toi seul. Et cela peut se
référer soit à Dieu, soit au Christ. On dit en effet pécher contre Dieu par
rapport au juste. Et donc Contre toi seul j'ai péché, parce que toi seul
es sans péché. De même pour le Christ qui fut absolument sans péché. Ainsi Contre toi seul
j'ai péché, en méprisant ton jugement. Et je t'ai également méprisé
comme témoin, car j'ai fait le mal devant toi, je l'ai fait sous ton regard
et en ta présence: "Schéol et abîme sont devant le Seigneur: combien plus
le coeur des enfants des hommes." - "Les yeux du Seigneur sont
beaucoup plus lumineux que le soleil."
- Il expose ensuite la conséquence de l'amplification de sa faute. Et
cela peut être interprété de deux manières. Mais je dirai surtout ce qui est le
plus vraisemblable. Car la conjonction ut peut être prise parfois au sens causal,
parfois au sens de conséquence uniquement, et alors son sens est: j'ai fait le mal
[à tes yeux] de sorte que toi tu sois reconnu, car personne
n'est justifié en raison de son péché, mais il résulte du péché, c'est-à-dire
du fait que l'homme pèche, que la justice divine est rendue plus manifeste; car
il est évident que Dieu l'a puni à cause de ses péchés. Or cette punition
consiste en deux choses. Il commence d'abord par menacer. Ensuite il fait subir
un châtiment. Et dans l'une et l'autre chose il est juste.
Au sujet de la menace il dit: dans tes paroles, avec lesquelles tu le
menaces d'un châtiment: "Toutes les paroles de ma bouche sont
justes."
Ensuite il dit: que tu sois victorieux lorsque tu es jugé, c'est-à-dire
que tu sois associé aux autres dans le jugement. Souvent Dieu, afin de
manifester sa justice ainsi que la nôtre, veut être jugé par nous-mêmes: "Jugez
entre moi et ma vigne." Et en cela Dieu apparaît encore plus juste: "S'il
veut disputer avec Dieu, il ne pourra répondre une chose sur mille." Et
que ce soit l'intention de ce psaume, ce verset de l'Apôtre aux Romains nous le
montre: "Dieu est véridique, tout homme est menteur." Mais, selon la Glose, ces
paroles: de
sorte que tu sois reconnu juste dans tes paroles, etc. ne
dépendent pas de: j'ai fait le mal en ta présence, mais de: Contre toi seul,
c'est-à-dire par rapport à toi qui seul es juste, et en tant que
toutes tes paroles sont justes. Et donc ce ut est pris au sens causal, ce qui revient à
dire: c'est en tant que tu es juste que tu [seras] reconnu juste. Ou bien si on
rapporte ces paroles au Christ, en voici le sens: Contre toi seul, c'est-à-dire
contre le Christ, j'ai péché, parce que tu es juste, et que tu sois victorieux, sur
tous les hommes, lorsque
tu es jugé, c'est-à-dire même quand tu es jugé par Pilate. Ou bien
autrement: que
tu sois reconnu juste, en cela je demande surtout que tu me laves
précisément pour que tu sois reconnu juste, c'est-à-dire afin que nos promesses
soient parfaitement vraies, à savoir que le Christ naîtrait, lui qui fut promis
à David: "Du fruit de tes entrailles je mettrai un fils sur ton trône",
et que son péché serait remis: "Le Seigneur aussi a transféré ton péché;
tu ne mourras point." que tu soit victorieux lorsque tu es jugé par
les hommes, parce que tu n'es pas tenu d'accomplir tes promesses, et que tu
n'es pas obligé d'ôter mes péchés.
7 Car
dans les iniquités j'ai été conçu, et ma mère m'a conçu dans les péchés. 8a
Car tu as
aimé la vérité.
c. Il expose ici
la racine de la faute. La racine de toute faute actuelle est le péché originel,
qui fut contracté par la souillure des premiers parents; cette souillure était
dans le père et la mère de David lui-même. Quant à son père il dit: dans les
iniquités j'ai été conçu, iniquités non actuelles, car il fut né ou
engendré non de l'adultère mais du mariage et de saint Jessé, comme le rapporte
le livre de Ruth; mais il fut conçu dans le péché originel, car tous naissent
dans ce péché: "De même que par un seul homme le péché est entré dans le
monde, et la mort par le péché, ainsi la mort a passé dans tous les hommes par
celui en qui tous ont péché." Cependant, étant donné que le péché originel
est unique, pourquoi dit-il: dans les iniquités ? Il faut répondre que le
péché originel est unique dans son essence, comme on l'a dit, mais qu'il est
multiple en puissance, car il donne l'occasion de commettre tous les autres
péchés: "Le péché qui est dans ma chair a fait son oeuvre." Et cela
diminue la faute, ce qui revient à dire: Quoi d'étonnant si je pèche car j'ai
été conçu dans les péchés. Quant à sa mère il déclare: ma mère m'a conçu dans les péchés. Mais
les parents de David n'étaient-ils pas purifiés du péché originel par la
circoncision ? Il faut dire que le baptême et la circoncision purifient l'âme
de la faute originelle, mais que le foyer demeure encore, et que la
circoncision s'accomplissait dans la chair, et que l'homme engendre des fils
charnels selon la chair; et c'est pourquoi il était nécessaire que le fils
nouveau-né soit circoncis comme est baptisé celui qui est né de parents
baptisés. Une autre version lit: "Aluit me mater mea (m'a nourri)." Cela se
rapporte aux péchés actuels, car on aperçoit aussi des mouvements désordonnés
chez les enfants, comme le dit Augustin dans ses Confessions. Une autre version
lit: "Peperit
me, etc. (m'a enfanté)." Et elle s'exprime ainsi
parce que certains sont sanctifiés dans le sein, mais tous sont conçus dans le
péché originel, excepté le Christ; et c'est pourquoi il dit qu'il n'a pas été
sanctifié dans le sein, mais qu'il est né dans le péché originel. 8a Car tu as aimé
la vérité. Celui qui veut satisfaire doit aimer ce que Dieu aime. Or
Dieu aime la vérité de la foi: "Quiconque est de la vérité écoute ma voix."
Et aussi la justice: "Miséricorde et vérité marchent devant ta face."
Cette justice est requise pour celui qui fait pénitence afin de punir en lui
son manque. La confession est aussi nécessaire pour avouer ses péchés.
8b Tu
m'as manifesté les choses obscures et cachées de ta sagesse. 9 Tu m'aspergeras
avec de l'hysope et je serai purifié; tu me laveras, et je deviendrai plus
blanc que la neige.
2. Le psalmiste demande
ici d'être entièrement relevé.
a) Et il expose
d'abord son espérance.
b) Ensuite sa
demande.
a. Il commence
donc:
- Par exposer le bienfait qu'il a reçu [et] grâce auquel son espérance
a été ranimée.
- Ensuite, il expose sa confiance: Tu m'aspergeras.
- Il a fait mémoire du bienfait de sa puissance lorsqu'il dit: les choses
obscures et cachées, car le roi a reçu le bienfait de la prophétie: "L'esprit
du Seigneur s'est exprimé par moi, sa parole est sur ma langue." Et il
expose trois choses: la matière de la prophétie, son mode et sa cause.
Il fait connaître la matière de la prophétie lorsqu'il dit: les choses
obscures et cachées. La prophétie traite de ces choses, c'est-à-dire
des choses
obscures et cachées, qui sont renfermées dans ta sagesse. Il y a en
nous une double ignorance par rapport à la connaissance de Dieu. Ou bien nous
ignorons quelque chose à cause de notre faiblesse, ou bien à cause de notre
limite. Par faiblesse nous ignorons un événement qui doit arriver parce qu'il
n'a pas encore de vérité déterminée. Par notre limite nous ignorons les
réalités divines qui dépassent notre capacité. Ces deux connaissances furent
données à David par l'esprit de prophétie: "En vérité, le Seigneur Dieu né
fait rien qu'il n'ait révélé son dessein à ses serviteurs les prophètes." Tu m'as
manifesté les choses obscures, c'est-à-dire celles qui sont sujettes
au changement par nature, et celles-ci lui furent révélées, comme le dit le
psaume. On appelle cachées les choses qui échappent à l'oeil de
notre esprit: "La sagesse a une origine secrète." Et: "C'est moi
qui ai habité dans les lieux les plus élevés, et mon trône est dans une colonne
de nuée." Et ces choses sont le propre de la sagesse de Dieu, ce qui
revient à dire: bien que ces choses nous soient cachées, elles sont cependant
comprises dans ta sagesse. Et parmi ces choses cachées il rappelle le mystère
de l'Incarnation, ce que Tu m'as [aussi] manifesté. La miséricorde divine
est également comptée au nombre de celles-ci, car il lui a remis ses péchés.
Mais il vaut mieux que le mot occulta (les choses cachées) soit pris au sens
universel.
Il expose le mode de la révélation lorsqu'il dit: Tu m'as manifesté. La prophétie
comprend deux modes. Le premier révèle la vérité surnaturelle et intelligible
sous des similitudes corporelles et imagées; et ainsi il est écrit: "Je
vis le Seigneur assis." Le deuxième révèle la vérité surnaturelle et
intelligible sans l'ombre de l'imagination irréelle; ou plutôt cette vérité
surnaturelle n'est pas encore révélée, mais elle le fut d'une certaine manière
à Moïse: "Il vit la forme de Dieu dans l'évidence, non en énigmes."
Telle fut également la révélation qui fut faite à David: "Le Dieu d'Israël
m'a parlé." Et plus loin: "Comme la lumière du matin au lever du
soleil, un matin sans nuages." - 9 Tu m'aspergeras avec de l'hysope. Plus haut le
psalmiste a rappelé le bienfait que Dieu lui a donné par la grâce de la
prophétie, grâce qui l'élevait dans l'espérance; mais ici il montré ce qu'il
espérait obtenir de Dieu. Et il y eut deux choses. Il espère d'abord
l'éloignement des maux qu'il encourt par le péché. Puis il espère la
restitution des biens qu'il avait perdus: Tu me feras entendre. Car il faut savoir que
l'homme encourt par le péché d'abord l'impureté: "Tu es souillée par ton
iniquité." Ensuite il encourt la honte; d'où ces paroles des Lamentations:
"Leur face est devenue plus noire que des charbons." Et David espère
que ces deux choses s'éloigneront de lui: la souillure et la honte spirituelle.
L'impureté est due au fait que l'affection de l'homme s'attache aux choses
temporelles, auxquelles il s'assimile; c'est pourquoi s'il s'attache aux choses
temporelles qui sont viles; comme l'or uni au plomb, il devient vil: "Ils
devinrent abominables comme l'objet de leur amour." La honte en revanche
est due au fait qu'il s'attache aux choses terrestres; la lumière de sa raison
s'en trouve obscurcie puisqu'il dévient semblable aux animaux grossiers: "Mais
dans sa splendeur, l'homme ne dure pas, il est semblable aux bêtes qui
périssent." Et c'est pourquoi l'âme devient noire ou obscure. Aussi,
touchant la pureté, il dit: Tu m'aspergeras avec de l'hysope, et en disant
cela il fait allusion au rite de l'Ancien Testament où le troisième jour on
aspergeait l'impureté avec de l'eau lustrale, et le septième jour on se lavait
ainsi que ses vêtements. Cette purification se faisait avec de l'hysope, c'est
pourquoi il dit: Tu
m'aspergeras avec de l'hysope. Cette eau était composée de cendres
de veaux roux, par laquelle était préfiguré le Christ. Aussi par cette
aspersion qu'il demande est signifiée l'aspersion du sang du Christ: "selon
la prescience de Dieu le Père, dans la sanctification de l'Esprit, pour obéir
et être aspergés du sang de Jésus-Christ". - "Vous vous êtes
approchés de la montagne." Et plus loin: "D'une aspersion de sang
plus éloquente que celle du sang d'Abel." Cela se faisait avec de
l'hysope. L'hysope est une plante qui adhère à la terre et soigne l'enflure,
comme on le rapporte dans la Glose; et elle convient à la foi qui possède
l'humilité, car l'intelligence est soumise à Dieu par la foi: "Nous
faisons toute pensée captive pour l'amener à obéir au Christ." Elle est
aussi enracinée sur la pierre, c'est-à-dire sur le Christ: "Sur cette
pierre je bâtirai mon Église, et les portes de l'enfer ne prévaudront point
contre elle." - "Cette pierre était le Christ." Semblablement
elle chasse l'orgueil de l'esprit humain qui habite en ceux qui n'obéissent pas
à la foi au Christ: "Si quelqu'un enseigne autre chose et ne reste pas
attaché aux saines paroles de notre Seigneur Jésus-Christ", "celui-là
ne lui appartient pas". Il dit donc: Seigneur, moi j'ai la ferme espérance
que tu m'aspergeras avec l'eau lustrale: "Je répandrai sur vous une eau
pure et vous serez purifiés." tu me laveras. Car après la foi le baptême est
nécessaire: "Il y aura une source ouverte à la maison de David et aux
habitants de Jérusalem, pour laver le pécheur et la femme qui est dans ses
mois." - "Lavez-vous, purifiez-vous." Le psalmiste expose
l'effet de cette purification en disant: je deviendrai plus blanc que la neige, car la
noirceur sera enlevée, et cela parce que l'âme sera plus blanche que la neige: "Quand
vos péchés seraient comme l'écarlate, comme neige ils blanchiront." Et il
dit: plus que
la neige, car la candeur de l'âme sanctifiée surpasse toute beauté
corporelle, comme le dit Matthieu à l'occasion de la transfiguration du Christ
dont les vêtements devinrent blancs comme de la neige. Tous les justes
appartiennent aux vêtements du Christ: "Ils seront eux tous comme une parure
dont tu te revêtiras." Et en disant: plus blanc que la neige, il signifie qu'il
appartient au vêtement du Christ par le baptême: "Vous qui avez été
baptisés dans le Christ, vous avez revêtu le Christ", dit l'Apôtre aux
Galates.
10 Tu
me feras entendre une parole de joie et d'allégresse, et mes os humiliés
exulteront.
b. Il expose ici
comment il a l'espérance de recouvrer les biens qu'il avait perdus. Et ils sont
deux: le don de prophétie et la joie de la conscience.
- Le don de prophétie est comparé à l'oreille,
car le prophète ne voit pas l'essence de Dieu au point de voir en elle des
révélations, mais certains signes de la vérité révélée sont donnés à l'âme du
prophète, et ces signes se communiquent par mode de locution: "Parle,
seigneur, car ton serviteur écoute." Et encore: "Ce que j'ai entendu
du Seigneur des armées, Dieu d'Israël, je vous l'ai annoncé." David avait
entendu mais son péché l'en avait empêché, aussi espérait-il qu'il recouvrerait
ce qu'il avait perdu, et c'est pourquoi il dit: Tu me feras entendre, etc. Ou
bien: "à mon oreille", par laquelle j'ai entendu de Nathan que mon
péché avait été effacé et d'où j'éprouvai de la joie. Quant à la joie de la
conscience il faut savoir que la joie spirituelle comprend trois degrés.
· Le premier consiste en la complaisance du sentiment.
· Le deuxième dans la dilatation du coeur.
· Le troisième dans l'expansion vers l'extérieur.
· La complaisance est signifiée par la joie
lorsqu'il dit: Tu
me feras entendre, etc., c'est-à-dire parce que j'entends ce que tu
dis, ou bien ce qu'a dit Nathan: "Réjouissez-vous toujours dans le
Seigneur; je le dis encore, réjouissez-vous."
· Lorsque son sentiment se repose dans l'objet aimé, alors son âme se
dilate pour recevoir plus de joie; et cela se manifeste également dans les
réalités sensibles: "Notre coeur s'est dilaté", et c'est pourquoi il
dit: laetitiam
(l'allégresse), qui implique ici la dilatation à la manière de
l'allégresse.
· Mais par la suite l'allégresse rejaillit également sur le corps: "Un
coeur joyeux rend la santé florissante, une âme triste dessèche les os",
et c'est pourquoi dans la vision de la gloire, dans la Patrie après la
résurrection, le corps sera glorifié en raison de la joie de l'âme: "Vous
verrez et votre coeur se réjouira, et vos os comme l'herbe germeront." Et
c'est ce que le psalmiste dit lui-même: mes os humiliés exulteront; et cela à la
glorification présente, car par la tristesse de la pénitence le coeur de
l'homme est broyé; et c'est pourquoi lorsque les hommes sont joyeux cela
signifie que leurs os, qui ont été broyés et brisés, participent à la joie: "La
tristesse dans le coeur de l'homme l'humiliera." Et encore: "Il
remplira de splendeurs ton âme et il délivrera tes os." Ou bien: mes os
exulteront, c'est-à-dire les vertus spirituelles qui grandissent par
l'allégresse spirituelle, et parce que par cette allégresse le juste est
fortifié.
11 Détourne
ta face de mes péchés, et efface toutes mes iniquités. 12 Crée en moi un
coeur pur, ô Dieu, et renouvelle dans mes entrailles un esprit droit. 13
Ne me rejette
pas de devant ta face et ne retire pas de moi ton esprit-saint. 14 Rends-moi la
joie de ton salut, et par ton esprit souverain confirme-moi.
- Il demande ici le recouvrement de son innocence. Et parce qu'il
considère qu'il y a en lui le mal de la faute et le bien de la grâce:
· Il demande d'abord que le mal ou le péché soit écarté.
· Ensuite il demande que l'effet du péché soit ôté: Crée en moi, ô
Dieu, un coeur pur.
· Car le péché n'est pas effacé au point qu'il n'ait pas existé, mais le
péché commis qui encourt un châtiment ne lui est pas imputé, selon ce verset
d'un psaume: "Bienheureux l'homme à qui le Seigneur n'impute pas le péché."
Il parlé à la manière d'un juge punissant qui évalue la grandeur de la faute et
qui ensuite détermine le châtiment; aussi demande-t-il de ne pas considérer son
péché, et c'est pourquoi il dit: Détourne ta face de mes péchés. Puis il
demande que le châtiment ne lui soit pas infligé, aussi dit-il: efface toutes
mes iniquités, ce qui revient à dire: je sais que j'ai accompli le
mal à tes yeux et c'est pourquoi je demande que tu détournes ta face de mes
péchés, c'est-à-dire que tu ne considères pas mes péchés pour me punir: "Je
ne me souviendrai plus de toutes ses iniquités." Semblablement j'ai mérité
le châtiment de la damnation, mais je demande que tu l'effaces; car Dieu, bien
qu'il soit immuable dans son dessein, modifie cependant sa sentence.
· un
coeur pur Plus haut le psalmiste a demandé que le péché soit
supprimé; ici il demande que les effets du péché soient supprimés. Il y en a
deux: la souillure de l'âme et le désordre de l'affection.
Le premier effet est dû au fait que l'homme s'adonne aux choses
terrestres, c'est pourquoi il demande la pureté du coeur: "Bienheureux les
coeurs purs, ils verront Dieu"; aussi dit-il: Ô Dieu, crée en moi un coeur pur et
renouvelle dans mes entrailles un esprit droit. Dieu seul peut
restituer cette pureté du coeur: "Qui peut rendre pur celui qui a été
conçu d'un sang impur ? N'est-ce pas toi seul ?" c'est-à-dire toi qui es
parfaitement pur. Et il dit: Crée. Quelque chose est créé comme être de
nature lorsqu'il est produit comme être à partir de rien: "Au commencement
Dieu créa le ciel et la terre." De même lorsque quelque chose est produit
comme être de la grâce: "Quand j'aurais le don de prophétie et que je
connaîtrais tous les mystères et toute la science; quand j'aurais toute la foi,
au point de transporter des montagnes, si je n'ai point la charité, je ne suis
rien" dans l'ordre de la grâce. Mais lorsque Dieu, par l'opération de la
grâce, opère en celui qui l'a, on dit qu'il le magnifie. Mais quand d'un
pécheur il fait un juste, on dit alors qu'il crée à proprement parler: "Nous
sommes son ouvrage, créés dans le Christ Jésus en vue des bonnes oeuvres."
Et encore: "Afin que nous soyons comme les prémices des créatures de Dieu",
c'est-à-dire de ses créatures spirituelles.
Le second effet dû au péché est le désordre de l'esprit qui consiste en
l'aversion de la fin à laquelle nous sommes destinés. Comme en se tournant vers
quelque bien passager l'âme devient impure, ainsi se détourne-t-elle de sa fin
par l'aversion; et à ce désordre s'oppose la rectitude par laquelle l'homme est
dirigé vers Dieu: "Ceux qui ont le coeur droit t'aiment", et c'est
pourquoi il dit: et
renouvelle un esprit droit, c'est-à-dire tu m'accorderas de nouveau
ce que j'ai perdu par le péché: "Renouvelez-vous dans l'esprit de votre
âme." Et: renouvelle,
non extérieurement, mais dans mes entrailles, c'est-à-dire afin que non
seulement les lèvres soient droites pour parler mais que le coeur soit droit
pour connaître.
- 13 Ne
me rejette pas de devant ta face et ne retire pas de moi ton esprit saint. Le
psalmiste demande ici la restitution de la grâce.
· Et il demande d'abord la restitution de la grâce proprement dite;
· Ensuite il demande l'effet de la grâce: Rends.
· On dit avoir la grâce de Dieu de deux
manières: car on dit avoir la grâce de Dieu et la grâce de l'homme; et dans ce
cas il y a une ressemblance entre elles, à savoir lorsqu'on est agréable à l'un
comme à l'autre, c'est-à-dire à Dieu et à l'homme. Et cette grâce est appelée
grâce gratum
faciens (qui rend agréable): "Lui qui nous a prédestinés à
l'adoption de ses enfants par Jésus-Christ, selon le dessein de sa volonté;
pour la louange de la gloire de sa grâce dont il nous a gratifiés par son
bien-aimé Fils." Et selon cela la grâce est appelée bienveillance de Dieu;
c'est par cette bienveillance que Dieu aime l'homme en vue de la vie éternelle.
Mais elles diffèrent entre elles, car la grâce de l'homme ne le rend pas bon,
mais par sa bonté il devient agréable à son prochain; tandis que pour Dieu
c'est le contraire: car il résulte de la bienveillance divine que l'homme
devient bon. Il y a donc deux choses dans la grâce de Dieu: la bienveillance
proprement dite, et son effet dans l'âme. Et David demande l'une et l'autre
quand il dit: Ne
me rejette pas. Ce qui peut être interprété de deux manières. Celui
qui est devant le visage de quelqu'un est vu de lui et il peut également le
voir. On dit que David est devant le visage de Dieu selon ces paroles: "Il
vit, le Seigneur Dieu d'Israël, devant qui je me tiens." Et encore: "Dieu
en présence duquel nos pères ont marché." Et cela parce que les coeurs
droits sont faits pour vivre de la vie de Dieu: "J'ai demandé au Seigneur
une seule chose: c'est d'habiter dans la maison du Seigneur tous les jours de
ma vie." Par le péché on perd l'un et l'autre: car les pécheurs
abandonnent Dieu et sont abandonnés de Dieu. Et ils perdent aussi la confiance
qu'ils doivent mettre en lui. Il est écrit dans Isaïe: "Vos iniquités ont
mis une séparation entre vous et votre Dieu, etc.". Voilà pour ce qui
regarde l'abandon. Et ce qui suit: "Vos péchés vous ont caché sa face,
afin qu'il ne vous écoutât point." Voilà pour ce qui regarde la perte de
la confiance. David est donc rejeté de la face de Dieu par le péché. Et c'est
pourquoi il demande de ne pas être finalement rejeté selon l'une et l'autre
manière. Semblablement il faut savoir qu'il y a deux choses dans l'homme: la
faute à cause de laquelle il mérite un châtiment, et la nature par laquelle il
se conforme à la grâce. Aussi demande-t-il que Dieu ne considère pas sa fauté
mais sa nature; c'est pourquoi il dit: Ne me rejette pas. De même, le don de la grâce
est donné par la charité; et un tel don est accordé par le Saint-Esprit, aussi
dit-il: ne
retire pas de moi ton esprit saint, dont j'avais été le temple, mais
que j'ai perdu par le péché: "L'esprit saint qui nous enseigne fuit la
duplicité." Donc ne me l'enlève pas, c'est-à-dire finalement, rends-moi. Car
la grâce produit deux effets dans l'homme: l'un a trait aux réalités
supérieures, parce qu'il donne la joie; car celui qui a la grâce a la charité,
et celui qui a la charité aime Dieu et le possède; et celui qui a ce qu'il aime
se réjouit. Donc là où est la charité, là est la joie: "Le règne de Dieu
n'est pas affaire de nourriture et de boisson, mais il est joie dans
l'Esprit-Saint."
· Cette joie, le psalmiste l'avait perdue; et c'est pourquoi il demande
qu'elle lui soit restituée, lorsqu'il dit: Rends-moi la joie, non des choses mondaines,
mais de ton salut, c'est-à-dire de ta rédemption. Une autre version lit: "laetitiam Jesu (l'allégresse
de Jésus)", c'est-à-dire du Sauveur par qui s'opère la rémission des
péchés: "J'exulterai en Dieu mon Jésus." L'autre effet a trait aux
réalités inférieures. Et cet effet est la confirmation dans la grâce qui
s'opère par le Saint-Esprit. par ton esprit souverain confirme-moi. Or le
Saint-Esprit confirme de deux manières. Selon une première manière il affermit
contre les maux: "Le Seigneur me tenant de sa main puissante et
m'instruisant." Selon une seconde manière il confirme dans le bien: "Ceux
qui espèrent dans le Seigneur renouvellent leurs forces." Cette force
s'acquiert par le Saint-Esprit: car le corps n'est pas ferme pour se soutenir
ni pour agir sans la force spirituelle; de même l'homme n'est pas fort sans
l'Esprit-Saint. Mais celui-là ne donne la force que s'il est l'Esprit
souverain. Car la puissance inférieure n'est pas suffisante pour accorder son
secours contre la puissance supérieure. Et la puissance du diable est
considérable: "Il n'est pas sur terre de puissance qui puisse être
comparée à lui." Contre le diable l'homme a donc besoin d'être aidé par
l'Esprit souverain, c'est-à-dire l'Esprit qui est à la tête et qui domine sur
toutes choses. Et l'homme a besoin de cet Esprit contre l'esprit de la chair: "Dieu
très fort des esprits de toute chair." De même contre l'esprit du monde: "Nous
n'avons point reçu, nous, l'esprit du monde, mais l'Esprit qui vient de Dieu."
Semblablement contre l'esprit du diable: "L'esprit malin, envoyé de Dieu,
saisit Saül." Il faut noter que dans ce passage il y a trois mentions de
l'esprit: car il est appelé esprit droit, esprit saint et esprit
souverain. Et selon la Glose, certains prennent le mot esprit essentiellement
en tant qu'est esprit tout ce qui n'appartient pas au corps. C'est pourquoi le
mot esprit désigne
le Père et le Fils et l'Esprit-Saint. Mais il vaut mieux le prendre
personnellement. Or l'Esprit-Saint accomplit trois choses dans l'homme. D'abord
la rectitude de l'intention: "Ton esprit qui est bon me conduira." De
même il nous sanctifie: "selon l'Esprit de sanctification".
Semblablement il nous ennoblit et fait de nous des princes: "Et parce que
vous êtes fils de Dieu, Dieu a envoyé dans vos coeurs l'Esprit de son Fils."
15
J'enseignerai tes voies aux injustes, et les impies se convertiront a toi. 16
Délivre-moi
des sangs,
ô Dieu, le Dieu de mon salut; et ma langue célébrera ta justice. 17 Seigneur, tu ouvriras
mes lèvres, et ma bouche annoncera ta louange.
II. Plus haut le psalmiste a exposé ses demandes
à Dieu; ici il promet une compensation.
A) Et il promet
d'abord ce qu'il fera pour Dieu dans le présent.
B) Ensuite ce
qu'il fera pour Dieu dans le futur: 20 En ta bienveillance.
A. Concernant sa
promesse présente il fait deux choses.
1) Il promet
d'abord à Dieu quelques sacrifices spirituels.
2) Ensuite il
justifie son abstention de sacrifices charnels: 18 Parce que si tu avais voulu.
1. Il promet à
Dieu un double sacrifice spirituel, à savoir un sacrifice d'enseignement par
lequel le prochain sera instruit. Puis il promet un sacrifice de louange par
lequel Dieu sera loué: Délivre-moi.
Il dit donc: J'enseignerai tes voies aux injustes. Il faut
noter ce qu'il a affirmé plus haut dans un autre psaume: "Mais au pécheur
Dieu a dit: "Pourquoi racontes-tu mes justices, et prends-tu mon alliance
en ta bouche ?"" En disant cela il montre qu'il ne convient pas à un
pécheur de répandre l'enseignement divin. Et c'est pourquoi, aussi longtemps
qu'il s'estimé pécheur, il ne promet pas de manifester sa doctrine; mais après
que Dieu lui a restitué son esprit souverain, il lui convient et de posséder
une telle doctrine, et de l'enseigner aux autres: "Je vous pourvoirai de
pasteurs selon mon coeur, qui vous nourriront avec intelligence et doctrine."
Et au sujet du Christ il est écrit dans les Actes: "Jésus a commencé par
faire et [ensuite] enseigner." Cependant le fruit de cette doctrine est
non seulement la spéculation de la vérité en vue de la contemplation
bienheureuse, mais aussi la considération de sa fin qui est la conversion des
pécheurs; et c'est pourquoi il dit: et les impies se convertiront à toi. - "Eux
reviendront vers toi, et toi, tu n'auras pas à revenir vers eux !" Et
encore: "Toutes les nations se convertiront au Seigneur." Et selon la
Glose,
il dit que les impies et les injustes sont les mêmes, bien qu'il comprenne que
les injustes sont ceux qui pèchent contre Dieu; et c'est pourquoi il dit
expressément: J'enseignerai
aux injustes, ce qui revient à dire: certains, même s'ils vénèrent
Dieu, agissent contre le prochain et commettent des actions injustes; aussi je
leur enseignerai tes voies, c'est-à-dire afin qu'ils n'offensent pas le
prochain: "Nous avons reçu de Dieu un commandement, que celui qui aime
Dieu aime aussi son frère." Délivre-moi des sangs. Il promet ici un
sacrifice de louange. Or ce sacrifice comprend deux empêchements. L'un est la
culpabilité qui vient du pécheur, l'autre est la faiblesse intérieure. Il
demande donc l'éloignement du premier empêchement, ensuite l'éloignement du
second: Seigneur,
tu ouvriras mes lèvres. Il demande donc l'éloignement du premier
empêchement et promet un sacrifice de louange. L'empêchement à la louange
divine, comme on l'a dit, est la culpabilité de la faute: "La louange ne
sied pas à la bouche du pécheur." Or David était coupable d'une faute
grave, et c'est pourquoi il demande d'en être délivré; aussi dit-il: Délivre-moi des
sangs. Selon la Glose, ce mot sang n'est pas employé au
pluriel, mais le traducteur a voulu l'utiliser pour exprimer la pluralité du
péché. Et cela se rapporte à la concupiscence de la chair, qui est la chair et
le sang: "Ni la chair ni le sang ne t'ont révélé ceci, mais mon Père qui
est dans les cieux", ce qui revient à dire: délivre-moi des péchés commis
à cause de la chair et du sang. Ou bien il faut dire que David avait commis un
péché d'adultère et d'homicide; et dans l'un et l'autre cas il est question de
sang, car dans l'homicide le sang est répandu: "Le Seigneur aura en
abomination l'homme de sang et le fourbe." Mais l'adultère est causé par
le bouillonnement du sang; et c'est pourquoi il dit: des sangs. - "Le sang s'est
mêlé au sang." Ô Dieu, délivre-moi donc des sangs, car toi seul le peux: "C'est
moi qui efface tes iniquités, par égard pour moi." Et parce que tu es le Dieu de mon
salut, c'est-à-dire qui peux me sauver. et ma langue célébrera, c'est-à-dire
avec la délectation et la joie intérieure du coeur je raconterai ta justice. Il
est écrit dans Isaïe: "Vous ferez retentir vos cantiques comme la nuit de
la fête solennelle." Et encore: "Ils arriveront à Sion en chantant
des louanges et une joie éternelle couronnera leur tête." Et dans un
psaume: "Au milieu d'un chant d'exultation et de louange." Seigneur, tu
ouvriras mes lèvres. Or il faut savoir que parfois l'homme se voit
entravé dans son enseignement même à cause d'un empêchement intérieur, et que
parfois cela arrive par la faute des auditeurs. Le prophète Ézéchiel écrit: "J'attacherai
ta langue à ton palais, et tu seras muet". Et plus bas: "Car c'est
une maison qui m'exaspère." Ou bien à cause de son propre péché: "Toute
iniquité fermera sa bouche." Donc parce que Dieu seul "rend les
langues des petits enfants éloquentes", il demande: Seigneur, écarte les
obstacles que j'ai encourus par le péché, par mes lèvres. Et toi, tu ouvriras mes
lèvres. - "Afin qu'il me soit donné d'ouvrir la bouche pour
parler et annoncer avec assurance le mystère de l'Évangile." Il faut noter
que dans l'acte d'ouvrir la bouche est signifiée la profondeur de
l'enseignement, et que cette expression se rencontre partout dans les Écritures;
par exemple dans Job: "Après cela Job ouvrit la bouche." Ou dans
Matthieu: "Jésus ouvrant la bouche", c'est-à-dire en vue de manifester
la profondeur de l'Écriture. Et alors ma bouche annoncera ta louange, ce qui revient
à dire: ce que j'ai dans le coeur, je le confesserai de bouche.
18 Parce
que si tu avait voulu un sacrifice, je te l'aurais offert; [mais] tu ne
prendras pas plaisir aux holocaustes. 19 Le sacrifice [digne] de Dieu, c'est un
esprit brisé; d'un coeur contrit et humilié, ô Dieu, tu n'auras point de
mépris.
2. Ici il se
justifie.
a) Et il montre
d'abord que le sacrifice n'est pas agréé par Dieu.
b) Ensuite il
montre qu'il l'est: Le sacrifice [digne] de Dieu.
a. Ainsi dit-il:
moi je te promets l'enseignement et la louange, car ce sacrifice t'honorera;
mais le sacrifice charnel tu ne l'acceptes pas; et c'est pourquoi il dit: Si tu avais
voulu un sacrifice, c'est-à-dire charnel, je te l'aurais offert, mais tu ne prendras
pas plaisir aux holocaustes.
En sens contraire: Dieu ne veut-il pas des sacrifices charnels ? Si
Dieu n'approuve pas ces sacrifices, pourquoi a-t-il donc ordonné de les offrir
dans l'ancienne Loi ?
Réponse: il n'a pas ordonné de les offrir pour lui, mais parce qu'ils
étaient une figure du vrai sacrifice intérieur par lequel le Christ s'est
offert, et qu'ils sont des signes du sacrifice intérieur, en tant que l'homme
offre son âme à Dieu. Et d'autre part, que ces sacrifices furent établis pour
des esprits grossiers qui n'avaient pas la connaissance de Dieu; aussi
convenait-il qu'ils honorent et connaissent Dieu dans les réalités matérielles,
afin qu'ils n'immolent pas de sacrifices aux idoles vers lesquelles ils étaient
portés. Mais parce que David savait par l'Esprit-Saint que le sacrifice du
coeur était agréé par Dieu, il ne lui offrit pas alors de sacrifices matériels.
Cependant, parmi tous les sacrifices, les holocaustes plaisaient davantage à
Dieu. Mais ces holocaustes n'étaient pas agréés par Dieu en sa faveur, c'est
pourquoi il dit: tu
ne prendras pas plaisir aux holocaustes, car s'ils avaient été
agréés je te les aurais offerts tout simplement. Et si l'on objecte qu'ils
étaient une odeur très suave pour le Seigneur, on répondra que c'était en tant
que sacrifice figuratif, et en signe d'un sacrifice intérieur, ce qui plaît à
Dieu.
b. Aussi
ajoute-t-il: Le
sacrifice [digne] de Dieu, c'est-à-dire agréé par lui, c'est un esprit
brisé. Selon Augustin, "tout sacrifice qui est offert
extérieurement est le signe d'un sacrifice intérieur dans lequel on offre son
âme à Dieu". Mais il faut savoir que l'âme de l'homme est entraînée au
péché d'abord par une joie vaine: "Le rire, je l'ai regardé comme une
erreur; et à la joie, j'ai dit: Pourquoi me séduiras-tu en vain ?"
c'est-à-dire pourquoi me conduiras-tu au péché ? Ensuite, l'âme s'endurcit
contre les réalités spirituelles par le péché: "Le coeur dur sera
malheureux à la fin." Et encore: "Par ta dureté et ton coeur impénitent,
tu t'amasses un trésor de colère pour le jour de la colère et de la
manifestation du juste jugement de Dieu, qui rendra à chacun selon ses oeuvres."
Enfin, l'âme est entraînée au péché parce qu'elle trouve son contentement dans
les choses matérielles et qu'elle ne se soucie pas des réalités spirituelles;
alors elle s'enorgueillit, ce qui est "le commencement de tout péché".
Il faut donc que le pénitent qui offre son coeur en sacrifice à Dieu
accomplisse des actes opposés à toutes ces dispositions. Et il doit d'abord
accomplir un acte opposé à la joie vaine en assumant la tristesse de la
pénitence, et c'est pourquoi le psalmiste ajoute: Le sacrifice [digne] de Dieu, c'est un
esprit brisé, c'est-à-dire qu'il s'attriste de tous les péchés à la
fois et non d'un seul uniquement: "La tristesse selon Dieu, dit l'Apôtre,
produit pour le salut une pénitence stable." Et il est écrit dans Baruch: "L'âme
qui est triste à cause de la grandeur du mal, et qui s'avance courbée, infirme
et les yeux défaillants, et l'âme affamée, voilà ce qui te rend gloire et
justice, Seigneur." Contre l'endurcissement il oppose la contrition, aussi
dit-il: d'un
coeur contrit. Notons ici la différence qu'il y a entre confracta (choses
brisées) et contrita
(choses broyées): car sont brisées les choses qui sont divisées en
de grands fragments, tandis que sont broyées les choses qui sont divisées en de
très petits fragments. Donc, aussi longtemps qu'on garde le coeur endurci, on
le garde alors quasi tout entier dans la malice, mais lorsqu'on abandonne
totalement le péché en s'adonnant aux réalités spirituelles, on dit alors qu'on
est contrit: "Moi, autrefois puissant", c'est-à-dire dans les biens
temporels, "j'ai été soudain contrit". Contre la troisième
disposition il oppose l'humilité, aussi dit-il: d'un coeur humilié, ô Dieu, tu n'auras
point de mépris, car "Dieu résiste aux orgueilleux, mais il
donne sa grâce aux humbles". Et il faut noter qu'il fait mention du coeur
et de l'esprit. De l'esprit qui est en rapport avec l'animosité et donc avec
l'irascible: "La colère des puissants est comme une tempête qui vient
fondre contre une muraille." Du coeur qui est en rapport avec le
concupiscible; et ainsi faut-il entendre par là que tout ce qui est dans la
puissance appétitive doit être offert en sacrifice à Dieu.
20 En
ta bienveillance, Seigneur, fais du bien à Sion, afin que les murs de Jérusalem
soient bâtis. 21 Alors tu agréeras un sacrifice de justice, des oblations
et des holocaustes; alors on offrira de jeunes taureaux sur ton autel.
B. Ici il promet
ce qu'il doit accomplir dans l'avenir.
1) Il commence
par demander ce qui doit être accompli par Dieu.
2) Ensuite il le
proclame: Alors
tu agréeras.
1. L'oeil de
David considérait deux choses: la première était proche, parce qu'elle était
visuelle; l'autre était éloignée, parce qu'elle revêtait un sens figuré.
La première, parce qu'on lit que David
construisit les murs de la cité de Jérusalem, mais qu'il ne les avait pas
achevés, et que ces murs une fois achevés, le temple devait être construit; et
c'est pourquoi il dit: En ta bienveillance, Seigneur, fais du bien à Sion, afin
que les murs de Jérusalem soient bâti. Et les murs une fois bâtis,
le temple sera construit. Et alors tu agréeras un sacrifice, etc. Tout
cela concernait l'aspect matériel.
Mais si nous nous référons au sens figuré, alors il faut dire qu'il y a
deux Jérusalem; la céleste: "La Jérusalem d'en haut est libre, c'est elle
qui est notre mère." L'autre est l'Église présente à l'image de celle-ci: "Et
je vis la Cité sainte, la Jérusalem nouvelle." Et chacune a ses propres
murs. Les murs de la Jérusalem céleste sont les défenses de l'éternité et de
l'immortalité que les saints ont obtenues grâce au Christ: "Celui qui a
ressuscité le Christ Jésus donnera aussi la vie à vos corps mortels." Les
murs de la Jérusalem présente, c'est-à-dire de l'Église, sont les sacrements de
la grâce et les docteurs: "Vous n'êtes pas montés aux brèches, vous n'avez
pas construit une enceinte pour la maison d'Israël, pour tenir ferme dans le
combat." David avait prévu la construction de ces murs par l'esprit de
prophétie. Donc pour que ces murs soient bâtis, toi, Seigneur, fais du bien, c'est-à-dire
montre cette bénignité dont l'Apôtre dit qu'elle s'est répandue: "La
bénignité et l'humanité de Dieu notre Sauveur sont apparues." Et cela non
à cause de nos mérites mais en raison de ta bonne volonté: "Que votre
jugement vous fasse discerner quelle est la volonté de Dieu, ce qui est bon, ce
qui lui plaît, ce qui est parfait." Et encore: "Voici quelle est la
volonté de Dieu: c'est votre sanctification." Et que tu fasses cela afin que les
murs de Jérusalem soient bâtis, c'est-à-dire les murs de la
Jérusalem militante ou triomphante. Mais qu'adviendra-t-il alors ? Alors tu
agréeras un sacrifice de justice. Or il y a trois manières
d'interpréter ce sacrifice de justice. Les deux premières se rapportent à
l'Église présente.
La première manière consiste à rapporter cela au sacrifice - non à
celui où l'on tue du bétail - mais à celui où des hommes sont tués pour le
Christ; et ici il faut noter deux degrés: car le sacrifice du Christ occupé la
première place: "Il m'a aimé, et il s'est livré lui-même pour moi."
2. C'est pourquoi
le psalmiste dit: Alors, c'est-à-dire lors de l'édification des murs de
Jérusalem, de l'Église, tu agréeras [le] sacrifice de justice par lequel
le Christ s'offrit, lui qui est juste: "Qui d'entre vous me convaincra de
péché ?" Et sa puissance est telle qu'il satisfait pour l'homme, de telle
sorte qu'il le justifie. Les autres saints occupent la seconde place, eux qui
se sont offerts en sacrifice à Dieu; c'est pourquoi il dit: des oblations, c'est-à-dire
les confesseurs qui, en confessant le Christ, s'offrirent à la mort, bien
qu'ils n'aient pas été mis à mort: "Vous qui des enfants d'Israël avez
librement offert vos âmes au péril, bénissez le Seigneur." et des
holocaustes. Ce sont les martyrs: "Il n'est pas de plus grand
amour que de donner sa vie pour ses amis." Et alors tu agréeras, quand ainsi
les saints eux-mêmes s'offriront comme de jeunes taureaux sur ton autel, à
savoir sur ta confession et sur le Christ, c'est-à-dire s'exposeront comme de
jeunes taureaux à cause du Christ et pour offrir en sacrifice leur confession
au Christ.
La deuxième manière consiste à rapporter le mot sacrifice de justice aux oeuvres
des justes; et en voici le sens: tu agréeras la justice comme un sacrifice, car
les oeuvres de justice et de miséricorde sont comme un sacrifice: "N'oubliez
ni la bienfaisance ni la solidarité, car c'est en pareils sacrifices que Dieu
se complaît." Et alors tu accepteras les oblations. Selon Grégoire, le mot
holocauste veut
dire "brûler totalement", et il désigne les hommes parfaits qui se
donnent totalement à Dieu. Les oblations représentent ceux qui offrent quelque
chose et qui se réservent quelque chose. alors on offrira de jeunes taureaux sur ton autel. Et
alors les
prêtres offriront de jeunes taureaux, c'est-à-dire des nouveaux convertis, sur ton autel, c'est-à-dire
sur la confession du Christ. Ou bien: alors les hauts dignitaires de l'Église
offriront des prédicateurs qui retentiront par la doctrine de la foi, sur ton autel, c'est-à-dire
sur la confession de la foi.
La troisième interprétation traite de la Jérusalem céleste, et en voici
le sens: alors,
c'est-à-dire lorsque les murs de la Jérusalem céleste seront bâtis, tu agréeras un
sacrifice de justice. Ici-bas, il s'agit parfois d'un sacrifice de
pénitence, mais là-haut il est uniquement question d'un sacrifice de louange: "Quant
à ton peuple, tous seront justes, et ils posséderont la terre à jamais."
Et tel est ce sacrifice de louange dont il est dit: "Bienheureux ceux qui
habitent dans ta maison, ils te loueront dans les siècles des siècles." Et
alors tu
agréeras des oblations, c'est-à-dire les saints les plus humbles (minores), et
des holocaustes, c'est-à-dire les plus grands saints. Et ce sera
l'offrande des Anges, dont il est dit dans Matthieu: "Amassez le froment
dans mon grenier." Et ces anges offriront les saints sur ton autel, c'est-à-dire dans
la gloire céleste: "On lui donna beaucoup d'encens pour qu'il fît une
offrande des prières de tous les saints sur l'autel d'or." Et encore: "Et
cela plaira plus à Dieu qu'un jeune taureau poussant cornes et sabots."
1 Pour la fin. Intelligence de David. 2
Lorsque Doëg l'Iduméen vint annoncer à Saül que David était venu dans la maison
d'Abimelech.
3 Pourquoi te glorifies-tu en ta malice,
toi qui es puissant en iniquité ? 4 Tout le jour, ta langue a médité
l'injustice: comme un rasoir aiguisé, tu as trompe.
5 Tu as aimé la malice plus que la
bénignité, et un langage d'iniquité plutôt que d'équité. 6 Tu as aimé toutes
les paroles de perdition, ô langue trompeuse.
7 C'est pour cela que Dieu te détruira
pour toujours, et t'enlèvera, et te fera sortir de ta tente, et ta racine de la
terre des vivants.
8 Les justes verront cela et ils
craindront, et ils se riront de lui et ils diront: "9 Voici un homme qui
n'a pas pris Dieu pour son aide, mais qui a espéré dans la multitude de ses
richesses, et qui s'est prévalu de sa vanité."
10 Pour moi, comme un olivier verdoyant
dans la maison de Dieu, j'ai espéré dans la miséricorde de Dieu pour
l'éternité, et pour les siècles des siècles. 11 Je te louerai à jamais, car tu
as agi; et j'espérerai ton nom, parce qu'il est bon, en présence de tes saints.
Ici commence la deuxième division de cinquante psaumes. Et comme on l'a
dit au début de ce livre, la première division de cinquante psaumes est
ordonnée aux pénitents, tandis que cette deuxième division est ordonnée aux
progressants. En relation avec ces derniers il y a successivement trois choses
à considérer: en effet le premier degré des progressants est la justification.
Le deuxième degré est l'exercice des bonnes oeuvres. Le troisième est la
considération des oeuvres divines.
Et ainsi cette division de cinquante psaumes comprend trois parties. La
première traite des choses qui concernent la justification. La deuxième traite
des choses qui sont relatives à l'accomplissement des bonnes oeuvres: "O
Dieu, donne ton jugement au roi." La troisième traite des choses qui ont
trait à la considération des oeuvres divines: "Dieu se tient en
l'assemblée des dieux."
Deux choses sont nécessaires à la justification: l'aversion du péché et
la conversion à Dieu. Et de même, il y a deux choses dans le péché qui sont en
opposition. Il expose donc d'abord les psaumes qui sont ordonnés à l'aversion
et à la détestation du péché; ensuite ceux qui sont ordonnés à la pratique ou
au maintien de la soumission à Dieu: "Est-ce que mon âme ne sera pas
soumise à Dieu ?"
Touchant l'aversion et la détestation du péché, il montre deux choses:
d'abord la malice des pécheurs; ensuite les maux qui sont perpétrés par les
pécheurs.
Le péché est aggravé par deux choses: par l'attachement de celui qui le
commet et par le mépris de Dieu. Donc le péché aggrave en premier lieu la
malice des pécheurs par leur attachement, ensuite il aggrave leur malice par le
mépris de Dieu: "L'insensé a dit dans son coeur: "Il n'est pas de
Dieu.""
1 Pour
la fin. Intelligence de David. 2 Lorsque Doëg l'Iduméen vint annoncer à Saül que David
était venu dans la maison d'Abimelech.
Le titre de ce psaume est: Pour la fin.
Intelligence de David. Lorsque Doëg l'Iduméen vint annoncer à Saül que David
était venu dans la maison d'Abimelech. Cette histoire est rapportée
par le premier livre des Rois. Lorsque David fuyant Saül se rendit à Nob où se
trouvaient les prêtres, et prit le glaive de Goliath ainsi que les pains de
proposition. Et Doëg l'Iduméen était présent, lui qui était le premier parmi
les gardiens de Saül; et Saül se plaignant de ce que personne ne combattait
pour lui contre David, ce Doëg raconta comment le prêtre Abimelech avait reçu
David, et lui avait donné le glaive de Goliath ainsi que les pains de
proposition. Alors Saül irrité ordonna de tuer tous les prêtres. Il y a
cependant une différence entre le titre du psaume et l'histoire, car le prince
des prêtres est appelé Abimelech dans l'histoire, et dans le titre on lui donne
le nom d'Abimelech. La Glose dit que cela est dû à une faute de
scribe, ou bien que c'est en raison d'une signification cachée, car par David
est signifié le Christ: tantôt parce qu'il usa de la fonction de la dignité
royale, tantôt aussi parce qu'il usa de la fonction de la dignité sacerdotale
en mangeant les pains de proposition. Doëg veut dire" mouvement";
Iduméen "terrestre"; Saül "demande"; Abimelech "royaume
de mon père". Donc Doëg qui fut mû par les choses terrestres, lorsque
David vint, c'est-à-dire le Christ, chez Abimelech, c'est-à-dire chez les
Juifs, qui sont le royaume de mon Père, [Doëg annonça) à Saül, c'est-à-dire à la mort,
que les impies l'ont appréhendé et accusé, et l'ont tué. Ou bien Doëg,
c'est-à-dire l'Antéchrist qui ébranlera les hommes à la fin du monde. Quand le
Christ vint dans son Église, il annonça au diable qu'il serait persécuteur de
l'Église. Aussi tout ce psaume s'entend principalement des méchants qui
persécutent le Christ, ou en lui-même, ou dans ses membres.
3 Pourquoi
te glorifies-tu en ta malice, toi qui es puissant en iniquité ? 4 Tout le jour, ta
langue a médité l'injustice: comme un rasoir aiguisé, tu as trompé.
Ce psaume se divise en deux parties.
I) Dans la première partie il traite de la
malice du pécheur, qui participe à l'iniquité.
Il) Puis il traite de la justice des saints: 10 Pour moi, comme un olivier.
I. En traitant de la malice du pécheur il fait
deux choses.
A) Il traite
d'abord de la faute des méchants.
B) Ensuite de
leur châtiment: 7 C'est pour cela que Dieu te détruira.
A. Il faut savoir
que dans l'homme qui s'adonne au péché, trois choses se succèdent selon un
ordre. Il y a d'abord la jouissance du péché. Puis la pensée du péché, car nous
portons notre pensée sur ce que nous aimons. Enfin l'exaltation résultant du
péché commis. N'importe qui se réjouit naturellement quand il accomplit ce
qu'il aime. Ainsi donc le psalmiste procède-t-il à partir de la fin.
1) Il commence
par mentionner l'exaltation des méchants résultant de l'acte du péché.
2) Ensuite il
mentionne la pensée du péché: Tout le jour.
3) Enfin l'amour
du péché: Tu
as aimé.
1. Concernant
l'exaltation des méchants résultant de l'acte du péché il fait deux choses.
a) Il expose
d'abord la puissance de certains à accomplir le mal.
b) Puis il montre
que certains se glorifient de leur oeuvre mauvaise.
a. Certains sont
donc prompts et forts pour accomplir des actes mauvais, mais faibles quand il
s'agit d'actes bons. Il dit donc: toi, pécheur, qui es puissant en iniquité. - "Tu
as fait le mal, et tu as prévalu." - "Malheur à vous qui êtes
puissants à boire le vin, et des hommes vaillants à mêler des boissons
enivrantes; qui justifiez l'impie pour des présents, et ravissez au juste sa
propre justice !"
b. Donc toi qui
es tellement puissant, quid, c'est-à-dire quare, pourquoi te glorifies-tu en ta
malice ? En conséquence tu dois avoir honte, être rempli de
confusion, et être attristé: "Ils se réjouissent lorsqu'ils ont mal fait,
et ils tressaillent de joie dans les choses les plus mauvaises."
2. Tout le jour, ta
langue a médité l'injustice, etc. Le psalmiste montre ici la deuxième chose
qu'il avait mentionnée plus haut: que non seulement ils se glorifient dans
leurs maux, mais qu'ils méditent comment accomplir le mal. Et il expose d'abord
l'assiduité ininterrompue de leur pensée, aussi dit-il: Tout le jour, ta langue a médité l'injustice.
On dit de manière impropre que la langue médite, parce que l'acte de
penser relève du coeur, et c'est pourquoi cela peut se comprendre de deux
manières: ta
langue, c'est-à-dire ton coeur, car il se manifeste dans la langue: "Dans
la bouche des insensés est leur coeur"; car il ne fait qu'un avec la
langue, c'est-à-dire que le coeur est prêt à parler. Ou bien: ta langue a
médité l'injustice, en tant qu'elle exprime les choses méditées tout le jour. Et
spécialement parce que le coeur enseigne à pécher par la langue. Puis il
accomplit efficacement ce qu'il médite, aussi dit-il: comme un rasoir aiguisé, tu as trompé. Et
c'est une similitude pour trois raisons.
a. D'abord, parce
qu'un couteau aiguisé, c'est-à-dire un rasoir, coupe efficacement et rapidement,
car aucun poil ne lui résiste; ainsi Doëg n'a ni respecté la dignité
sacerdotale, ni manifesté de la crainte envers David, ni envers quoi que ce
soit, mais il tua tous les prêtres: "À la lumière du matin ils
accomplissent le mal", c'est-à-dire aussitôt.
b. Ou bien: comme un rasoir
aiguisé, etc., car de même qu'un rasoir rase les poils,
ainsi les méchants aiguisent leur ruse contre les justes, c'est-à-dire envoient
des persécuteurs; mais à vrai dire ils font cela à la manière d'un rasoir qui
rase les poils superflus, car les pécheurs n'enlèvent rien aux saints Si ce
n'est des choses superflues, c'est-à-dire temporelles, mais jamais des biens
spirituels.
c. Ou bien: comme un rasoir,
etc.,
car il promet seulement la purification; mais de même que des
barbiers inexpérimentés entaillent la chair, ainsi font les méchants, eux qui
par leur machination entaillent la chair des justes, c'est-à-dire s'appliquent
à détruire leur réputation par leur langue inique: "Ils parlent de paix
avec leur prochain." Une version de Jérôme lit: "Quid gloriaris in malitia ? potens
misericordia Dei tota die (Pourquoi te glorifies-tu en ta malice ?
Puissante est la miséricorde de Dieu tout le jour)." Et en voici le sens:
autrement dit, toi qui es puissant dans le mal, pourquoi te glorifies-tu en ta
malice ? La miséricorde est prête pour que tu puisses te convertir.
5 Tu
as aimé la malice plus que la bénignité, et un langage d'iniquité plutôt que
l'équité. 6 Tu as aimé toutes les paroles de perdition, ô langue
trompeuse.
3. Le psalmiste traite
ici de la disposition du méchant, ou du pécheur, à nuire au prochain, et cette
disposition porte sur deux domaines: sur le domaine des choses extérieures et
des choses intérieures.
a. Il montre
d'abord qu'il se soustrait à la justice dans les choses extérieures. Il dit
donc: Tu as
aimé la malice plus que la bénignité. La bénignité, c'est-à-dire le
bon feu: et ainsi fait-elle fondre l'âme de l'homme pour lui communiquer des
biens; la malice au contraire provoque l'emportement de l'homme en vue de nuire.
Et ces méchants ou pécheurs ont aimé la malice plus que la bonté, c'est-à-dire
la bénignité, car ils sont davantage disposés au mal qu'au bien, du fait qu'ils
sont sans coeur et relâchés: "Comme le mal est doux à sa bouche, il le
cachera sous sa langue." Quant au fait de se soustraire à la justice il
dit: Tu as
aimé le langage d'iniquité plutôt que [le langage de] l'équité.
- "Celui qui aime l'iniquité hait son âme."
b. À propos des
choses intérieures il dit: Tu as aimé toutes les paroles de perdition, en
entraînant les autres vers la mort, comme Doëg; et souvent vers le mal du péché:
"Les mauvaises compagnies corrompent les bonnes moeurs." Ou bien, en
t'y précipitant toi-même; et c'est pourquoi il dit: langue trompeuse. Et toi qui es
bavard et trompeur, ou toi qui fais cela avec une langue trompeuse: "C'est
une flèche blessante que leur langue, elle parle pour tromper."
7 C'est
pour cela que Dieu te détruira pour toujours, et t'enlèvera, et te fera sortir
de ta tente, et ta racine de la terre des vivants.
B. Le psalmiste a
traité plus haut de la malice des pécheurs, mais ici il traite de leur
châtiment.
1. Et à cet égard
il fait deux choses.
a) Il expose
d'abord le châtiment de ces méchants.
b) Puis le moyen
pour parvenir à cette destruction: il t'enlèvera.
a. Ainsi dit-il: C'est pour cela,
c'est-à-dire parce que tu as aimé la malice, etc., et que tu as aimé
les paroles qui entraînent la perte des autres, Dieu te détruira jusqu'à la fin,
c'est-à-dire pour
toujours: "Tu les détruiras, et tu ne les rétabliras pas."
Et il est écrit à juste titre: "Précipite-les, Seigneur, divise leurs
langues."
b. Le moyen, car
il t'enlèvera.
Il faut noter ici que cette destruction est d'abord exposée quant au
moyen proprement dit. Ensuite, quant à la perte des biens futurs.
- Quant au moyen proprement dit, deux choses sont à considérer. En
effet il arrive parfois aux hommes de s'appuyer en quelque façon sur leur
prospérité, par exemple sur leurs amis et leurs richesses, ou autres choses
semblables, et c'est pourquoi il dit: il t'enlèvera, de toutes ces choses sur
lesquelles et par lesquelles tu es enraciné dans la prospérité: "Il m'a
ôté l'espérance comme à un arbre arraché."
- "Voilà aujourd'hui je t'ai établi sur les nations et sur les
royaumes, afin que tu arraches et que tu détruises, et que tu perdes et que tu
dissipes, et que tu édifies et que tu plantes." Puis il émigre à la suite
de sa première perte, c'est-à-dire se déplace entièrement; d'où ces mots: il te fera sortir, c'est-à-dire
te fera quitter ta
tente, c'est-à-dire ta demeure, ta condition et ta dignité: "Je
te chasserai de ton rang." - "L'oeil qui l'avait vu ne le verra pas."
Une autre version lit: "de tabernaculo suo (de sa tente)",
c'est-à-dire l'Église: "Voici la tente de Dieu avec les hommes." À
présent les bons sont mêlés aux mauvais, mais à la fin du monde ces derniers
seront exclus de l'Église où ils sont maintenant par le nombre, non par le
mérite.
- Quant à la perte des biens futurs il dit: et ta racine de la terre des vivants, c'est-à-dire
t'enlèvera. Par racine
on entend cette charité qui est la racine de tous les biens: "Qu'enracinés
et fondés dans la charité, vous puissiez comprendre avec tous les saints quelle
est la largeur et la longueur, la hauteur et la profondeur, et connaître aussi
la charité du Christ, qui surpasse toute science, afin que vous soyez remplis
de toute la plénitude de Dieu." Dieu enlève cette racine de la terre des
vivants, parce qu'il t'enlève le don de la charité qu'il t'a donné.
Semblablement la cupidité, qui peut être signifiée par la racine, est ôtée aux
bons: "La racine de tous les maux est la cupidité." Dieu enlève
celle-ci aux hommes spirituels, parce que ceux qui s'adonnent aux choses
temporelles ne peuvent parvenir à la terre des vivants: "Car ceux qui
veulent devenir riches tombent dans la tentation." Dans ces cupidités sont
enracinés les méchants, c'est-à-dire l'Antéchrist, et le diable: "J'ai vu
l'insensé", c'est-à-dire le pécheur, "avec une forte racine, et j'ai
maudit sa beauté aussitôt".
8 Les
justes verront cela et ils craindront, et ils se riront de lui et ils diront: "9
Voici un
homme qui n'a pas pris Dieu pour son aidé, mais qui a espéré dans la multitude
de ses richesses, et qui s'est prévalu de sa vanité."
2. Le psalmiste
expose ici le fruit du châtiment: car Dieu punit ici-bas et il annonce des
châtiments pour le bien des justes.
D'abord pour susciter la crainte du châtiment: et ils craindront. Et cela peut
être appliqué à la vie présente, au cours de laquelle les justes craignent en
ayant du respect à l'égard de Dieu, et périssent dans la condition où ils sont:
"Ne cherche pas à t'élever, mais crains." Mais ceux qui sont dans la
Patrie ne craignent pas de déchoir de leur condition, puisqu'ils sont confirmés
dans la perfection de la grâce, car ils n'en sont pas séparés mais craignent
avec une crainte filiale: "La crainte du Seigneur est sainte, elle
subsiste dans les siècles des siècles; les jugements du Seigneur sont vrais,
ils se justifient par eux-mêmes." Et ils révéreront la justice de Dieu.
Cependant ils craignent plus spécialement dans la vie présente.
Puis pour susciter le mépris du péché et de la prospérité d'ici-bas.
a) Et il expose
d'abord la moquerie.
b) Puis la cause
de la moquerie: Voici
un homme.
a. En parlant de
la moquerie il dit: de lui, c'est-à-dire contre lui, entendez le
pécheur, ils
se riront, c'est-à-dire mépriseront sa confiance et sa prospérité.
Et cela aura lieu plus particulièrement au jugement dernier: "Le juste se
réjouira, lorsqu'il aura vu la vengeance."
b. "Les
justes verront et ils se réjouiront", et ils se riront de l'orgueil des
pécheurs; puis de leur vaine présomption et de leur gloire éphémère:
De leur orgueil, parce qu'ils n'espéraient pas en Dieu mais se
confiaient en eux-mêmes: et ils diront, les justes: 9 Voici un homme
qui n'a pas pris Dieu pour son aide, c'est-à-dire qui n'a pas admis
qu'il avait besoin du secours de Dieu: "Nos lèvres sont à nous, qui est
notre maître ?" - "Il a abandonné son créateur."
De leur vaine présomption, c'est pourquoi il dit: mais qui a espéré dans la multitude de ses
richesses. Il est écrit dans les Proverbes: "Celui qui se
confie dans ses richesses tombera précipitamment." Et dans la première
épître de Paul à Timothée: "Ordonne aux riches de ce siècle de ne point
s'élever d'orgueil, de ne point se confier en des richesses incertaines, mais
dans le Dieu vivant (qui nous donne abondamment toutes choses pour en jouir);
de faire le bien, de devenir riches en bonnes oeuvres, de donner de bon coeur,
de partager, de se faire un trésor qui soit un bon fondement pour l'avenir,
afin d'acquérir la véritable vie."
De leur vaine gloire, car ils se sont prévalus
de faire le mal et d'agir comme avec le consentement de Dieu; aussi dit-il: et qui s'est
prévalu de sa vanité. Et les justes se riront de cela: "Le
Seigneur sait que les pensées des hommes sont vaines." Ou bien: il s'est prévalu, etc., en
tant qu'on applique cela à l'avare qui par son avarice l'emporte sur tous les
autres pécheurs: "Rien n'est plus criminel que l'avare." Et du fait
qu'il est entraîné à l'avarice, il tombe facilement dans d'autres péchés. Ou
bien on peut appliquer cela à l'Antéchrist, parce qu'il l'emporte sur tous les
autres pécheurs.
10 Pour
moi, comme un olivier verdoyant dans la maison de Dieu, j'ai espéré dans la miséricorde
de Dieu pour l'éternité, et pour les siècles des siècles. 11 Je te louerai à
jamais, car tu as agi; et j'espérerai ton nom, parce qu'il est bon, en présence
de tes saints.
II. Ici le psalmiste traite de la sainteté des
bons.
A) Et il montre
d'abord ce qu'ils font dans le temps présent.
B) Puis ce qu'ils
promettent: Je
te louerai.
A. Les saints
accomplissent un double bien dans l'Église présente.
1. D'abord, dans
le fait qu'ils se comportent bien vis-à-vis du prochain, en produisant du fruit
à leur égard. Et c'est pourquoi le juste est comparé à un olivier, ce qui
revient à dire: ainsi le pécheur est anéanti sans fruit, mais moi, je
suis comme un
olivier verdoyant dans la maison de Dieu. Et il est comparé à un
olivier à cause de sa fertilité, car l'olivier a toujours un fruit onctueux: "Les
arbres allèrent pour oindre et [établir] sur eux un roi, et ils dirent à
l'olivier: "Commande-nous." L'olivier leur répondit: "Est-ce que
je peux abandonner mon huile dont les dieux et les hommes se servent, et venir
pour être promu, parmi les arbres ?"" - "Olivier fertile, beau,
chargé de fruits, superbe, le Seigneur t'a appelé de ce nom." Ici
cependant il est comparé à l'olivier spécialement à cause de son fruit, car on
extrait l'huile des oliviers, ce qui signifie la miséricorde, dont les justes
usent envers les autres et grâce à la quelle ils produisent du fruit dans
l'Église: "Je vous ai établis pour que vous alliez, et rapportiez du
fruit." Et j'ai produit ce fruit, dans la maison de Dieu, non dans le monde: "J'ai
choisi d'être méprisé dans la maison de Dieu."
2. De même, à
l'égard de Dieu, les justes accomplissent en ce monde un autre bien, à savoir
en espérant en lui, aussi dit-il: j'ai espéré dans la miséricorde de Dieu, non
dans mes mérites mais en sa miséricorde: "Il nous a sauvés non en vertu
d'oeuvres que nous aurions accomplies nous-mêmes dans la justice, mais en vertu
de sa miséricorde." Et cette miséricorde est pour l'éternité. Et l'on peut
expliquer cela de deux manières.
Selon une première manière, en tant que ce mot signifie l'éternité, et
ainsi l'éternité peut être appliquée à l'essence de la miséricorde divine, qui
est éternelle: "Je t'ai aimé d'un amour d'éternité, aussi est-ce par
miséricorde que je t'attire à moi."
Selon une autre manière, en tant qu'on l'applique à l'effet de la
miséricorde. Les biens éternels sont parfois accordés par la miséricorde de
Dieu, et ainsi dit-il: pour les siècles des siècles, c'est-à-dire
pour tous les siècles.
B. Je te louerai. Il
promet ici ce qu'il fera, et il promet deux choses.
1. La première se
rapporte aux choses passées, et c'est l'action de grâce pour les bienfaits
reçus. Voilà pourquoi il dit: Je te louerai à jamais, c'est-à-dire c'est à
toi que je rapporterai les louanges, et cela parce que toi tu as agi, parce que j'étais un olivier
verdoyant dans la maison du Seigneur, et parce que j'espère dans la miséricorde
de Dieu.
2. L'autre se
rapporte aux choses futures: j'espérerai ton nom, parce qu'il est bon. Il
espère que le nom de Jésus soit son salut. Et cela se réalise spécialement pour
ceux qui sont dans la Patrie, c'est pourquoi il dit: parce qu'il est bon, en présence de tes
saints, qui voient l'essence même de ta bonté, aussi ne peuvent-ils
qu'aimer Dieu.
1 Pour la fin.
Pour Amalech. Intelligence de David. L'insensé a dit dans son coeur: "Il
n'est pas de Dieu".
2 Ils sont
corrompus, et sont devenus abominables par leurs iniquités; il n'en est pas un
qui fasse le bien.
3 Le Seigneur, du
haut du ciel, a jeté un regard sur les fils des hommes, afin de voir s'il en
est un d'intelligent ou qui cherche Dieu.
4 Tous se sont
détournés, ensemble ils sont devenus inutiles. Il n'en est pas un qui fasse le
bien. Il n'en est pas même un seul.
5 Est-ce qu'ils ne
connaîtront point, tous ceux qui opèrent l'iniquité, qui dévorent mon peuple
comme la nourriture du pain ?
6 Ils n'ont pas
invoqué Dieu, là ils ont tremblé de crainte, là où il n'y avait pas de crainte.
Parce que Dieu a dispersé les os de ceux qui plaisent aux hommes; ils ont été
confondus, parce que le Seigneur les a méprisés.
7 Qui donnera de
Sion le salut d'Israël ? Lorsque le Seigneur aura détourné la captivité de son
peuple, Jacob exultera, et
Israël se réjouira.
1 Pour la fin.
Pour Amalech. Intelligence de David.
L'insensé a dit
dans son coeur: "Il n'est pas de Dieu."
Plus haut le psalmiste a examiné la méchanceté des pécheurs dans leur
attachement au péché; mais ici il examine leur méchanceté dans leur mépris de
Dieu. Le titre de ce psaume est: Pour Amalech. Intelligence de David. Cette
histoire est décrite au premier livre des Rois, lorsque David, s'enfuyant, vint
vers Achis, roi des Philistins, qui lui donna la cité de Siceleg. Et il arriva
que les Amalécites, en son absence, incendièrent la cité; David enfin les
poursuivit et recouvra le butin.
Au sens mystique, par David est signifié le Christ; et comme on le dit
dans la Glose,
les Amalécites sont un peuple qui suce le sang, et ils signifient
l'Antéchrist et ses satellites qui sucent avec passion les choses charnelles. -
"Ni la chair ni le sang ne t'ont révélé ceci, mais mon Père qui est dans
les cieux." Donc on l'entend de leur malice, et à partir de cette dernière
ils sont amenés au Christ.
Augustin dit: "Pour Maheleffi", ce qui veut dire "celui
qui souffre et qui enfante", et signifie l'Église au sujet de laquelle
Jean écrit: "La femme, lorsqu'elle enfante, a de la tristesse, parce que
son heure est venue." Et ainsi ce psaume exprime les tribulations que
l'Église endure de la part des méchants de ce monde. Il a été composé par Coré,
qui fut l'un des principaux chantres; et c'est ainsi que ce psaume fut chanté
au cours de sa fonction.
De même il faut savoir que ce psaume a été commenté plus haut; il ne
s'agit cependant pas purement et simplement d'un même psaume, ni de tous les
mêmes versets, car là le psalmiste décrit le premier avènement du Christ;
tandis qu'ici il décrit l'avènement du Christ au jugement dernier. Et à ce
propos il fait deux choses.
I) Il expose d'abord la malice des pécheurs.
II) Puis il décrit le jugement divin: 3 Le Seigneur, du
haut du ciel.
I. Concernant la malice des pécheurs il fait
deux choses.
A) Il commence
par exposer la racine du mal, c'est-à-dire le mépris.
B) Puis il montre
ce qui résulte d'une telle racine: 2 Ils sont corrompus.
A. Il faut savoir
que la sagesse, si on la considère à proprement parler, diffère de la science,
parce que la sagesse concerne la connaissance des choses divines, tandis que la
science concerne la connaissance des choses humaines. L'homme insensé méprise
la connaissance des choses divines: "Retire-toi de nous; nous ne voulons
pas connaître tes voies." - "Ils se sont perdus dans leurs pensées,
et leur coeur insensé a été obscurci; ainsi en disant qu'ils étaient sages ils
sont devenus fous." A l'encontre de cette affirmation, Anselme dit que nul
ne peut penser que Dieu n'est pas. Il faut dire qu'une chose peut être ignorée
en nous de deux manières. D'abord en soi; puis en nous.
En soi sont ignorées de nous les choses qui portent d'abord sur l'être,
comme la contingence, la matière première, le mouvement et le temps. Puis sont
ignorées en nous les choses qui surpassent notre connaissance.
Je dis donc que si nous considérons Dieu en lui-même, alors on ne peut
penser qu'il n'est pas, et aucune proposition n'est plus connue que celle dont
le prédicat est inclus dans le sujet. L'être de Dieu est son essence, et c'est
pourquoi cette proposition: "Dieu est", signifie qu'il est
parfaitement connu par lui-même; cependant par rapport à nous l'essence de Dieu
ne nous est pas connue, mais elle se fait connaître à travers ses effets, par
exemple la providence des hommes bons et mauvais, et de toutes choses
universellement, et les miracles de Dieu; et celui qui dit qu'il n'est pas
tout-puissant nie Dieu. Et le psalmiste dit: dans son coeur, parce que le
fait que Dieu est dans le coeur de tous vient de Dieu lui-même, et que celui
qui en vérité refuse cela, est considéré comme insensé, étant donné qu'il dit
que Dieu n'est pas. Ou bien: L'insensé, c'est-à-dire le Juif: "Comprenez,
insensés", parce qu'il a dit que le Christ n'est pas Dieu. - "Parce
que toi, étant homme, tu te fais Dieu."
2 Ils
sont corrompus, et sont devenus abominables par leurs iniquités; il n'en est
pas un qui fasse le bien.
B. Il est
question ici de l'effet de leur malice. De même que la crainte, la connaissance
et l'amour de Dieu sont le principe de toute bonne oeuvre, ainsi la suppression
de la connaissance et de l'amour de Dieu entraîne la disparition de toute vie
droite.
1) Et le
psalmiste montre d'abord ce qui résulte de l'accomplissement du mal.
2) Puis de la
perte du bien.
1. Il y a deux
maux qui en résultent. Le premier est qu'ils sont corrompus. Un corps est corrompu
par l'exhalaison de la chaleur naturelle et par la perte de la chaleur actuelle
extérieure. La chaleur naturelle de l'âme humaine est Dieu lui-même; et c'est
pourquoi, aussi longtemps que dans l'âme se trouve la connaissance de Dieu,
l'âme contient sa propre forme que Dieu a imprimée en elle, c'est-à-dire
l'innocence et l'image divine, mais lorsque cette chaleur s'exhale, la chaleur actuelle
disparaît, à savoir la chaleur du désir ardent et de la crainte, l'âme s'en
trouve alors corrompue et il en résulte que beaucoup rejettent loin d'eux la
crainte, l'amour et la connaissance de Dieu, et se corrompent dans les
impuretés; et c'est pourquoi ils sont devenus abominables par leurs iniquités.
- "Ils sont devenus abominables comme les choses qu'ils ont aimées."
Et il dit: par
leurs iniquités, c'est-à-dire à cause de leurs iniquités,
2. et ils perdent
aussi le bien: Il
n'en est pas un qui fasse le bien. - "Ils sont intelligents
pour faire le mal, mais faire le bien, ils ne le savent pas."
3 Le
Seigneur, du haut du ciel, a jeté un regard sur les fils des hommes, afin de
voir s'il en est un d'intelligent ou qui cherche Dieu.
II. Du haut du ciel [il] a jeté un regard. Le psalmiste
expose ici le jugement de Dieu contre les méchants.
A) Et il
introduit d'abord l'examen du jugement.
B) Puis il montre
ce que le juge découvre, car 4 tous se sont détournés.
C) Enfin il
ajoute sa sentence: 5 Est-ce qu'ils ne connaîtront point ?
A. Le motif pour
lequel ils nient que Dieu est, c'est qu'ils croient qu'en raison de sa
sublimité Dieu ne considère pas les choses les plus lointaines: "Ne
songes-tu pas que Dieu est plus élevé que le ciel, et qu'il est au-dessus du
sommet des étoiles ? Et tu dis: "Mais que connaît Dieu ?" car c'est
comme à travers une profonde obscurité qu'il juge. Des nuées le cachent; il
parcourt les pôles du ciel et ne s'occupe pas de ce qui nous regarde."
Mais cela concerne la perfection de sa sagesse parce qu'il est attentif à
toutes choses: "Qui est comme notre Dieu, qui habite dans les lieux les
plus élevés, et regarde les choses basses dans le ciel et sur la terre ?"
Et c'est pourquoi il dit que le Seigneur a jeté un regard du haut du ciel, c'est-à-dire
considère les
fils des hommes depuis sa hauteur: "Qu'est mon âme dans une
création si immense ?" - "Toutes les voies de l'homme sont ouvertes à
ses yeux." - Le Seigneur a jeté un regard du haut du ciel sur la terre.
Ou bien du ciel, c'est-à-dire le regard du Christ. Ou bien celui de l'âme du
juste. Il cherche parmi les fils des hommes afin de voir s'il en est un d'intelligent, ou qui cherche
Dieu. Il y a une différence entre Dieu et les hommes, car les juges
de la terre enquêtent sur les actes extérieurs, tandis que Dieu considère le
coeur: "Ô Dieu qui sonde les coeurs et les reins." Il y a deux
dispositions qu'il faut avoir à l'égard de Dieu: que l'intelligence se fixe
intérieurement dans la connaissance de Dieu et que l'affection tende vers Dieu
comme vers sa fin. Aussi dit-il: [il] a jeté un regard afin de voir s'il en est un
d'intelligent. Et si on le comprend en l'appliquant au juste, il
convainc dans sa douceur; mais si on le comprend en l'appliquant au méchant,
comme on le dit à son sujet: "Il n'a pas voulu acquérir l'intelligence
pour qu'il fît le bien", alors il cherche, c'est-à-dire ce qu'il fera pour qu'il
parvienne à lui: "Cherchez le Seigneur et votre âme vivra." Mais le
Seigneur regarde, c'est-à-dire afin de voir s'il trouve une malice abondante.
4 Tous
se sont détournés, ensemble ils sont devenus inutiles. Il n'en est pas un qui
fasse le bien. Il n'en est pas même un seul.
B. Le psalmiste
1) traite d'abord
de l'éloignement des pécheurs par la racine du mal;
2) puis il dit ce
qui en résulte. Et voici son explication:
1. A propos de
leur éloignement il dit donc que le Seigneur recherche, mais trouve que tous se sont
détournés, qu'ensemble ils sont devenus inutiles; et d'autre part qu'il n'en est
pas un qui fasse le bien. Tous se sont détournés de l'intelligence
et de la recherche de Dieu: "Chacun s'est détourné vers sa voie."
2. Il en résulte
qu'ils sont inutiles et à eux-mêmes et aux autres. Car ceux qui ne possèdent
pas l'amour de Dieu ne possèdent pas la vraie foi; quelles que soient les
bonnes oeuvres qu'ils accomplissent, elles leur sont inutiles en vue de la
récompense de la vie éternelle. C'est pourquoi il dit: ensemble ils sont devenus inutiles, c'est-à-dire
qu'ils font des oeuvres inutiles: "Quand je distribuerais tout mon bien pour
la nourriture des pauvres et que je livrerais mon corps pour être brûlé, si je
n'ai point la charité, cela ne sert de rien." - "Tu as été jeté loin
de ton sépulcre; comme un tronc inutile [et] souillé."
Et il explique comment ils sont inutiles: c'est parce qu'il n'en est pas un
qui fasse le bien, car les actions qui sont accomplies sans la vertu
de foi et qui ne sont pas informées par l'amour de Dieu ne sont pas bonnes
absolument parlant: "Ce qui ne procède pas de la foi est mort." Et le
fait qu'ils se sont détournés, il le montre lorsqu'il dit: Il n'en est pas un qui fasse le bien, c'est-à-dire
il ne s'en trouve pas un qui soit bon. Mais n'y a-t-il pas quelqu'un de bon
dans l'univers ? Il faut dire selon une première manière que si on applique
cela à la société des méchants, alors nul n'est bon. Selon une autre manière,
si on l'applique au sens universel: Il n'en est pas un qui fasse le bien signifie
il n'en est pas un qui soit bon par sa propre vertu jusqu'au Christ: "C'est
Dieu qui opère en nous."
5 Est-ce
qu'ils ne connaîtront point, tous ceux qui opèrent l'iniquité, qui dévorent mon
peuple comme la nourriture du pain ?
C. Plus haut le
psalmiste a présenté le juge regardant l'iniquité et l'inutilité. Ici il traite
de la sentence du juge.
1) Et d'abord
quant à la condamnation des méchants.
2) Puis quant au
salut des bons: 7 Qui donnera de Sion, etc.
1. En parlant de
la condamnation des méchants il fait deux choses.
a) Il pose
d'abord une question.
b) Puis il fait
connaître l'intention liée à cette question: Parce que Dieu a dispersé.
a. En posant
cette question il fait deux choses.
Il s'interroge d'abord sur le manquement au repentir.
Puis il justifie le mérite du châtiment: qui opèrent.
- Concernant l'absence elle-même de repentir on fera la remarque suivante:
il arrive fréquemment aux hommes qui jouissent de la prospérité de ne pas
reconnaître Dieu, mais grâce aux châtiments infligés par Dieu ils se
souviennent que Dieu est, autrement dit: c'est nécessaire en raison de leur
faute: "Le Seigneur s'est fait connaître en exerçant ses jugements."
Et nous en avons un exemple dans l'attitude de Pharaon: "Je ne connais pas
le Seigneur." Et après les châtiments infligés, les Égyptiens dirent: "Fuyons
devant Israël, car le Seigneur combat pour eux contre nous." Et parce
qu'il a déclaré plus haut: L'insensé a dit: "Il n'est pas de Dieu",
voilà pourquoi il dit maintenant: Est-ce que tous ceux qui opèrent l'iniquité ne
connaîtront point, au moins par les châtiments, que Dieu est ?
Autrement dit: au contraire ils sauront que nul ne peut infliger des châtiments
si ce n'est Dieu.
- Et cela est très nécessaire à cause de la faute qu'ils ont commise.
Et ils ont commis une double faute, c'est-à-dire en acte et dans leur
disposition. La faute est l'acte de l'iniquité; et c'est pourquoi il dit: qui opèrent
l'iniquité. L'iniquité est à proprement parler le péché contre le
prochain, parce qu'elle s'oppose à l'équité. Il souligne cette faute lorsqu'il
dit: qui
dévorent mon peuple comme la nourriture du pain. La nourriture du
pain est régulière et agréable, autrement dit: ceux-ci persévèrent agréablement
dans leurs méchancetés et se plaisent à causer des injustices: "Ils ont
dévoré la chair de mon peuple ainsi que leurs cadavres, et ont emporté leurs
biens." - "C'est un troupeau dispersé qu'Israël; des lions l'ont
chassé; le premier qui l'a mangé est le roi d'Assur."
6 Ils
n'ont pas invoqué Dieu, la ils ont tremblé de crainte, là où il n'y avait pas de
crainte. Parce que Dieu a dispersé les os de ceux qui plaisent aux hommes; ils
ont été confondus, parce que le Seigneur les a méprisés.
Les pécheurs sont désordonnés dans leur affection de deux manières.
· D'abord par leur mépris de Dieu.
· Puis par leur amour désordonné à l'égard des biens temporels.
· Concernant leur mépris de Dieu il dit: Ils n'ont pas invoqué Dieu, pour
deux raisons.
D'abord, parce qu'ils ne croient pas en Dieu: "Comment
invoqueront-ils celui en qui ils n'ont pas cru ?"
Puis parce qu'ils croient se suffire à eux-mêmes: "Nos lèvres sont
à nous."
· Concernant leur amour désordonné des biens temporels il dit: là ils ont
tremblé de crainte, là où il n'y avait pas de crainte, autrement dît: parce
qu'ils ont craint là où il ne fallait pas craindre. Par le mot illic (là) il
ne désigne pas le lieu mais la cause. Voilà pourquoi Augustin dit que la
crainte est causée par l'amour. Ceux-ci, c'est-à-dire les méchants, ou les
pécheurs, n'ont d'amour que celui des biens temporels; et c'est pourquoi ils
craignent seulement les dommages temporels, c'est-à-dire pour un motif sans
fondement, à savoir un motif pour lequel il ne faut pas craindre: "Ne
craignez pas ceux qui tuent le corps, et ne peuvent tuer l'âme"; et c'est
pourquoi il ne faut pas craindre la perte des biens temporels, car en ceux-ci
ne réside pas à proprement parler notre vrai bien, et il est certain que si
nous adhérons à Dieu, cela aussi nous sera donné: "Cherchez d'abord le
royaume de Dieu et sa justice, et tout cela vous sera donné par surcroît."
b. Parce que Dieu a
dispersé. Ici le psalmiste répond clairement à sa question qui
portait sur la manière dont se fait la correction, c'est-à-dire à propos du
châtiment. Et il décrit un double châtiment, intérieur et extérieur.
- Il montre le premier lorsqu'il dit: Dieu a dispersé les os de ceux qui plaisent
aux hommes, c'est-à-dire ceux qui désirent finalement plaire aux
hommes. Par os
on entend la force. Or toute force est ou bien corporelle, et cette
dernière est anéantie par Dieu; ou bien spirituelle, et celle-ci est anéantie
par le péché. Ces os sont les vertus des hommes bons, voilà pourquoi les os du
Christ n'ont pas été brisés sur la croix, mais bien les os des bandits.
Mais il dit: de ceux qui plaisent aux hommes. Est-ce une
chose mauvaise de plaire aux hommes ? Il semble que non: "Ne soyez une
occasion de scandale ni pour les Juifs, ni pour les païens, ni pour l'Église de
Dieu." De même: "Je complais à tous en toutes choses", dit
l'Apôtre.
Il faut répondre à cette objection en disant que si quelqu'un veut
plaire à autrui en vue de la vaine gloire, ou d'obtenir une gloire humaine,
c'est une chose mauvaise pour ceux qui mettent leur fin en cela, car ceux-ci
pèchent résolument en secret pourvu seulement qu'ils plaisent. Mais parfois
quelqu'un veut plaire aux autres en vue de les attirer à Dieu; et alors une
telle complaisance est méritoire et bonne; et c'est dans ce sens que l'Apôtre
voulait que nous plaisions aux autres, et c'est ainsi qu'il plaisait lui-même.
- Par opposition le psalmiste expose le châtiment extérieur, aussi
dit-il: ils
ont été confondus, c'est-à-dire sont confondus, parce que leurs
péchés ont été dévoilés: "Les cieux révéleront son iniquité", parce
qu'ils ont trompé, et parce qu'ils perdront les biens temporels grâce auxquels
ils croyaient obtenir la félicité: "Ils seront confondus grandement."
- "Qu'ils soient confondus ceux qui me persécutent." Et ils
souffraient cela parce
que [Dieu] les a méprisés. Sont honorables ceux que Dieu
aime: "Tes amis, ô Dieu, sont devenus extrêmement honorables"; tandis
que ceux que Dieu a méprisés ont été confondus.
7 Qui
donnera de Sion le salut d'Israël ? Lorsque le Seigneur aura détourné la
captivité de son peuple, Jacob exultera, et Israël se réjouira.
2. Ici le
psalmiste traite des bons.
a) Et il formule
d'abord une question.
b) Puis il donne
la réponse.
a. La question
est celle-ci: qui venant de Sion sauvera Israël ? Qui ?
b. Le Christ,
parce que "le salut vient des Juifs": donc de Sion, c'est-à-dire des
Juifs, et de David, et du cénacle de Sion où les Apôtres ont reçu
l'Esprit-Saint, sont venus les prédicateurs du salut. Et cela nul ne le donnera
si ce n'est Dieu. Et comment ? Lorsqu'[il] aura détourné la captivité de son peuple. Car
le peuple fidèle était en captivité, c'est-à-dire était retenu dans la prison
du diable que Dieu détourna lorsqu'il l'ouvrit: "Fais revenir, Seigneur,
notre captivité, comme le torrent au midi."
Et que résultera-t-il de cela ? La joie et l'allégresse: "Quand le
Seigneur a fait revenir la captivité de Sion, nous fûmes comme des consolés."
Mais on distingue une double condition parmi les fidèles, c'est-à-dire celle de
l'affliction et du couronnement, du mérite et de la récompense; et dans l'un et
l'autre cas il y a la joie. Et la première est la joie due à la participation
de la grâce: "Le Royaume de Dieu n'est pas affaire de nourriture et de
boisson, mais il est justice, paix et joie dans l'Esprit-Saint." Et c'est
pourquoi il dit: Jacob exultera. - "Mon âme a exulté dans le
Seigneur." Dans la récompense se trouve la joie, commente la Glose.
- "Une allégresse éternelle sera sur leur tête; ils obtiendront la joie et
l'allégresse, et la douleur fuira ainsi que le gémissement." Et c'est
pourquoi le psalmiste dit: Israël se réjouira.
1 Pour la fin, intelligence de David,
dans les cantiques.
2 Lorsque les habitants de Ziph furent
venus et eurent dit à Saül: "Est-ce que David n'est pas chez nous ?"
3 Dieu, sauve-moi par ton nom, et juge-moi par ta puissance.
4 Dieu, exauce ma prière, prête
l'oreille aux paroles de ma bouche.
5 Parce que des étrangers se sont élevés
contre moi, et [des ennemis] puissants ont cherché mon âme; et ils n'ont pas
mis Dieu devant leurs yeux.
6 Mais voilà que Dieu vient à mon aide;
et le Seigneur est le soutien de mon âme.
7 Détourne les maux contre mes ennemis;
et par ta force extermine-les.
8 Je t'offrirai volontairement un
sacrifice, et je louerai ton nom, Seigneur, parce qu'il est bon.
9 Parce que tu m'as retiré de toute
tribulation, et que sur mes ennemis mon oeil a jeté un regard de mépris.
1 Pour la fin, intelligence de David,
dans les cantiques. 2 Lorsque les habitants de Ziph furent venus et eurent dit
à Saül: "Est-ce que David n'est pas chez nous ?" 3 Dieu, sauve-moi
par ton nom, et juge-moi par ta puissance.
Plus haut, dans les autres psaumes, le psalmiste a souligné l'iniquité
des pécheurs quant à leur disposition peccamineuse et à leur mépris de Dieu;
ici il expose la persécution qu'il endure de leur part.
Le titre de ce psaume est: Pour la fin, intelligence de David, dans les cantiques.
La première partie du titre est claire. La seconde traite de
l'histoire qui est décrite au premier livre des Rois: quand David parvint au
désert des environs de la cité de Ziph, les hommes de cette cité accusèrent
David auprès de Saül, et Saül le poursuivit, mais il ne put s'emparer de lui;
aussi cette accusation n'a pas nui à David en qui il est signifié que les
Ziphéens, c'est-à-dire ceux qui s'épanouissent en ce monde. - "La gloire
du monde est comme la fleur du champ" - accusent les saints mais ne
peuvent leur nuire, parce que le saint est caché aux Ziphéens, parce que le
saint ne s'épanouit pas parmi les pécheurs, mais sa floraison se fait en
secret, c'est-à-dire les fleurs de l'honnêteté: "Votre vie est cachée avec
le Christ."
David traite donc dans ce psaume des bons qui sont cachés parmi les
méchants et de la persécution qu'ils endurent de leur part.
Ce psaume se divise en trois parties.
I) Le psalmiste parle d'abord de la prière.
II) Puis il montre la nécessité de prier: 5 Parce que des
étrangers.
III) Enfin il fait valoir sa compensation: 8 Je t'offrirai volontairement.
I. En parlant de la prière il fait deux choses.
A) Il expose
d'abord sa demande.
B) Puis son
exaucement: 4 Dieu,
exauce ma prière.
A. Sa demande
consiste en deux choses.
1) Car il demande
d'abord pour lui.
2) Puis pour ses
ennemis.
1. Pour lui, il
demande d'être sauvé non à cause de ses mérites, mais en raison de l'amour du
nom divin. C'est pourquoi il dit: Dieu, par ton nom, sauve-moi. - "Nul
autre nom n'a été donné sous le ciel aux hommes par lequel nous devions être
sauvés." - "Le nom du Seigneur est une tour très forte."
2. Pour ses
adversaires il demande le jugement, lequel peut se comprendre de trois
manières.
a. Selon une
première manière, on peut l'entendre d'un jugement de discernement,
c'est-à-dire pour que sa cause soit séparée d'eux: "Juge-moi, ô Dieu, et
discerne ma cause."
b. Selon une
autre manière, on peut l'entendre d'un jugement de poursuite, c'est-à-dire pour
qu'il le juge selon sa propre justice, en le libérant des méchants: "Il
jugera les pauvres avec justice."
c. Enfin, on peut
l'entendre d'un jugement de condamnation. Et il ne demande pas cela par désir
de vengeance, mais en se conformant à la justice divine. Ou bien il dit cela en
prévoyant le jugement des méchants. Et c'est bien ce qu'il dit: et juge-moi par
ta puissance.
4 Dieu,
exauce ma prière, prête l'oreille aux paroles de ma bouche.
B. Le psalmiste
expose ici sa prière. Dans la prière on distingue deux choses: ce qui est
demandé, et la demande.
Car parfois Dieu exauce ce qui est demandé, et non point la demande
elle-même, parce que ce qui est demandé on l'obtient par la grâce et par la
miséricorde; et ces choses sont données par Dieu. Et c'est pourquoi il demande,
c'est-à-dire afin que sa prière ou sa demande soit satisfaite, lorsqu'il dit: Dieu, exauce ma
prière, et aussi qu'il prête l'oreille à ses paroles: prête l'oreille
aux paroles de ma bouche; ce qui se réalise lorsque Dieu agrée et
approuve ses propres paroles: "Prête l'oreille à mes paroles, Seigneur,
entends mon cri."
5 Parce
que des étrangers se sont élevés contre moi, et des ennemis puissants ont
cherché mon âme; et ils n'ont pas mis Dieu devant leurs yeux.
II. Le psalmiste expose ici la nécessité de
prier.
A. Et il souligne
l'importance de la persécution des ennemis:
1) D'abord par
leur sentiment.
2) Puis par leur
puissance.
3) Enfin par leur
mépris de Dieu.
1. D'abord par
leur sentiment, car lorsque quelqu'un persécute un autre, qui lui est
totalement étranger, c'est dangereux, parce qu'il s'élève contre lui sans
miséricorde; et c'est pourquoi il dit: Parce que des étrangers, c'est-à-dire les
démons ou les pécheurs. Si on l'applique à n'importe quel juste, on dira qu'ils
se sont
élevés contre moi sans aucune compassion ou miséricorde. Mais on
peut appeler étrangers ceux qui se comportent autrement que des amis, comme
Saül était étranger à David, et comme les Ziphéens qui l'accusèrent auprès de
Saül: "Mes proches, comme des étrangers, se sont retirés de moi."
2. Par leur
puissance, car lorsqu'une personne faible attaque, on peut se défendre, mais
ceux-ci sont puissants, car [des ennemis] puissants ont cherché mon âme. -
"Saül choisit trois mille hommes en vue de le poursuivre." Ou bien:
[Les] [ennemis]
puissants, ce sont les démons: "Lorsque l'homme fort armé",
c'est-à-dire le diable, "garde l'entrée de sa maison, ce qu'il possède est
en sécurité".
3. Par leur
mépris de Dieu, car parfois une personne renonce à la persécution dans la
mesure où elle se maintient dans l'amour de Dieu. Mais ceux-ci n'y renoncent
pas pour cette raison, aussi dit-il: ils n'ont pas mis Dieu devant leurs yeux. - "Car
il a dit dans son coeur: Il ne demandera pas de comptes."
6 Mais
voilà que Dieu vient à mon aide; et le Seigneur est le soutien de mon âme.
B. Le psalmiste
montre ici qu'il a été exaucé dans sa prière.
1) Et d'abord
qu'il a été exaucé à propos d'une chose.
2) Puis il
mentionne qu'il a été exaucé à propos d'autres choses: Détourne les maux.
1. On a dit plus
haut que sa prière était adressée en sa faveur, lorsqu'il disait: sauve-moi, et
contre ses ennemis, quand il disait: par ta puissance.
Ainsi dit-il qu'il a été exaucé en sa faveur parce qu'il déclare avoir
été sauvé; et ensuite il l'a dit à propos des ennemis qui se sont élevés contre
lui et qui cherchaient son âme; et il a été sauvé dans l'un et l'autre cas,
puisque contre l'insulte des ennemis il dit: voilà que Dieu vient à mon aide, c'est-à-dire
me prête son secours: "Le Seigneur Dieu est mon aide; c'est pour cela que
je n'ai pas été confondu." Contre le fait qu'ils cherchent son âme il dit:
le Seigneur
est le soutien de mon âme, autrement dit, le Seigneur m'a sauvé en
me prenant sous sa tutelle: "Les âmes des justes sont dans la main de
Dieu." - "Mais toi, Seigneur, tu es mon soutien, ma gloire, et tu
élèves ma tête."
7 Détourne
les maux contre mes ennemis; et par ta force extermine-les.
2. Ici il demande
d'être exaucé au sujet de ses ennemis. Et il demande deux choses en échange de
deux choses qu'ils faisaient à son égard: car ils le persécutaient, et ils
cherchaient à le tuer; et c'est pourquoi il demande qu'eux-mêmes endurent la
persécution et qu'ils soient tués.
En parlant de la persécution il dit: Détourne, c'est-à-dire de moi, les maux contre
mes ennemis, qui cherchent à me les infliger, autrement dit:
détourne ces maux contre ceux qui veulent me les infliger.
En parlant de leur intention de tuer il dit: extermine-les, c'est-à-dire fais
qu'ils soient exterminés, autrement dit: qu'ils soient tués; et cela par ta force. Ou
bien par ta
force, c'est-à-dire en raison de ta puissance.
Mais cette attitude semble être en contradiction avec la parole du
Christ qui dit: "Priez pour ceux qui vous persécutent."
Il faut répondre à cette objection en disant que toutes les
imprécations qu'on lit dans les prophètes peuvent se comprendre de trois
manières.
Ou bien, sous forme d'annonce, car ils
parlaient sous l'esprit de Dieu et prédisaient l'avenir. Sous forme de prière,
autrement dit: Détourne,
etc., c'est-à-dire tu détourneras. D'où le présent en hébreu: "Tu
détournes".
Ou bien, en conformité avec la justice divine.
Enfin, selon une signification spirituelle. Les pécheurs, lorsqu'ils
cessent de pécher, meurent alors et cessent d'être pécheurs. Et cela doit faire
l'objet d'une supplication incessante.
8 Je
t'offrirai volontairement un sacrifice, et je louerai ton nom, Seigneur, parce qu'il
est bon. 9 Parce que tu m'as retiré de toute tribulation, et que sur
mes ennemis mon oeil a jeté un regard de mépris
III. Le psalmiste expose ici sa compensation.
A) Et d'abord sa
compensation.
B) Puis la raison
de sa compensation.
A. Il a
l'intention de compenser en recourant à deux choses: au sacrifice et à la
louange.
En parlant du sacrifice il dit: Je t'offrirai volontairement.
Dans un sens opposé il a dit plus haut: "Si tu avais voulu un
sacrifice, je te l'aurais donné."
Il faut répondre à cette objection en disant que celui-ci parle du
sacrifice qui a été agréé par Dieu, parce que c'est un sacrifice d'un esprit
brisé et d'un corps mortifié: "Je châtie mon corps, et le réduis en
servitude." - "Je vous en conjure donc, frères, par la miséricorde de
Dieu, d'offrir vos corps en hostie vivante, sainte, agréable à Dieu, pour que
votre culte soit raisonnable." Le troisième sacrifice porte sur les choses
les meilleures: "N'oubliez point la charité et la communication de vos
biens, car c'est par de telles hosties qu'on se concilie Dieu",
c'est-à-dire qu'on l'apaise. Je t'offrirai donc ce triple sacrifice
volontairement, parce qu'avec joie: "Et après cela fut offert
l'holocauste perpétuel, tant dans les calendes que dans toutes les solennités
du Seigneur, qui lui étaient consacrées, et dans toutes celles dans lesquelles
on offrait volontairement un présent au Seigneur." - "Dieu aime celui
qui donne avec joie."
En parlant de la louange il dit: je louerai ton nom, Seigneur, parce qu'il est bon, c'est-à-dire
par l'action de grâce: "Bénissez le Dieu du ciel", c'est-à-dire
rendez lui grâces. Et pourquoi ? Non en raison des biens temporels, comme le
font les pécheurs, dont il est dit: "Je te louerai lorsque tu lui feras du
bien", mais à cause de la bonté de Dieu et de sa bénignité, ainsi que pour
les bienfaits reçus, parce que je suis exaucé dans mes demandes.
B. Ainsi dit-il
qu'il a été exaucé lorsqu'il déclare: Parce que tu m'as retiré de toute
tribulation. Et il dit: j'offrirai pour toi, par rapport à ses
ennemis, parce que sur mes ennemis mon oeil a jeté un regard de mépris, puisqu'ils
n'ont pu me nuire. Ou bien: mon oeil a jeté un regard de mépris sur mes ennemis, parce
qu'il a méprisé leur bonheur et leur prospérité: "En présence [du juste]
le méchant est regardé comme un néant."
1 Pour la fin.
Dans les cantiques. Intelligence de David.
2 Exauce, ô Dieu,
ma prière, et ne méprise pas ma supplication.
3 Prête attention
à moi, et exauce-moi. J'ai été contristé dans mon exercice: et j'ai été troublé
4 à la voix de l'ennemi, et à cause de la tribulation du pécheur. Parce qu'ils
ont détourné sur moi des iniquités; et dans leur colère ils me tourmentaient.
5 Mon coeur a été
troublé au-dedans de moi; et la frayeur de la mort est tombée sur moi. 6
Crainte et tremblement sont venus sur moi; et les ténèbres m'ont couvert.
7 Et j'ai dit: "Qui
me donnera des ailes comme [les ailes] d'une colombe, et je m'envolerai, et je
me reposerai."
8 Voilà que je me
suis éloigné en fuyant: et je suis demeuré dans la solitude.
9 J'attendais
celui qui m'a sauvé de la pusillanimité de [mon] esprit et de la tempête.
10 Précipite-les,
Seigneur, divise leurs langues; parce que j'ai vu l'iniquité et la discorde
dans la cité.
11 Jour et nuit
l'iniquité l'entourera sur ses murs: le travail est au milieu d'elle, 12 ainsi
que l'injustice. L'usure n'a pas fait défaut dans ses places publiques, ni la
fraude.
13 Car si c'eût
été mon ennemi qui m'eût maudit, je l'aurais supporté certainement. Et si celui
qui me haïssait avait parlé contre moi avec hauteur, je me serais sans doute
caché de lui.
14 Mais c'est toi,
homme qui vivais avec moi dans un même esprit, mon guide et mon familier, 15
qui partageais avec moi les doux mets [de ma table]; nous avons marché dans la
maison du Seigneur avec un parfait accord.
16 Que vienne la
mort sur eux; et qu'ils descendent dans l'enfer tout vivants, parce que la
méchanceté est dans leurs demeures, au milieu d'eux.
1 Pour la fin.
Dans les cantiques. Intelligence de David.
2 Exauce, ô Dieu,
ma prière, et ne méprise pas ma supplication.
Plus haut le psalmiste a montré l'insulte de ses ennemis à son égard.
Ici il expose sa libération d'entre eux. Et il commence par demander d'être
libéré de tous ses ennemis en général. Puis il demande d'être libéré plus
spécialement de certains d'entre eux: "Arrache-moi à mes ennemis."
Concernant sa demande en général il fait deux choses. Il implore
d'abord le secours de Dieu contre les maux qu'il souffre de la part de ses
ennemis. Puis il rend grâce de ce qu'il a été exaucé: "Aie pitié de moi, ô
Dieu, aie pitié de moi."
En implorant de Dieu son secours il fait deux choses. Il souligne
d'abord la gravité des maux dont il souffre, quant à la tristesse. Puis quant à
la constance de la tribulation: "Aie pitié de moi, ô Dieu, parce que
l'homme m'a foulé aux pieds."
Dans ce psaume, selon la Glose, le psalmiste parle en son nom en
exprimant les tribulations elles-mêmes dont il souffrait. Il peut aussi être
appliqué à la personne de l'Église ou d'un homme juste, ou du Christ en tant
qu'il préfigure notre faiblesse.
Ce psaume s'intitule: Pour la fin. Dans les cantiques. Intelligence de David. Et
le sens de intellectus
David c'est: ce psaume est intelligence de David, Dans les
cantiques. Et il est intitulé de l'intelligence, pour que celui qui
est dans la tribulation sache reconnaître les maux qu'il souffre, ainsi que les
biens qu'il attend, selon ce verset des Proverbes: "[Quant] au coeur qui
connaît l'amertume de son âme, un étranger ne se mêlera pas dans sa joie."
Ce psaume se divise en trois parties.
I) Car le psalmiste expose d'abord la
tribulation qu'il souffrait.
II) Puis la malice de ses ennemis: 10 Précipite-les.
III) Enfin, il rappelle le secours de Dieu qui lui
est offert: 17 Mais
moi vers Dieu.
I. En exposant sa tribulation il fait deux
choses.
A) Il formule
d'abord sa prière de demande, afin d'être exauce.
B) Ensuite il
fait connaître sa tribulation: J'ai été contristé.
A. Ainsi dit-il: Exauce, ô Dieu,
ma prière; cela signifie que lorsqu'un homme affirme ce qu'il demande,
ce dernier répète sa prière; et ce n'est pas superflu, car la répétition de la
prière excite le désir: "La prière assidue du juste peut beaucoup."
Parfois on obtient ce qu'on demande, bien que la prière ne soit pas acceptée
par Dieu, comme lorsque le pécheur demande, mais l'objet même de sa demande
mérite l'indignation: "Il leur accorda leur demande, et il leur envoya le
rassasiement de leurs âmes." - Mais "leurs nourritures étaient encore
dans leur bouche, quand la colère de Dieu tomba sur eux". Souvent celui
qui est en colère accorde ce qu'il refuse dans sa bienveillance. Et c'est
pourquoi il dit: et
ne méprise pas ma supplication.
La prière de quelqu'un est méprisée pour deux raisons. Ou bien
lorsqu'il ne demande pas à bon droit, ou bien parce qu'il demande non avec
piété mais avec orgueil: "Il a été attentif à la prière des humbles, et il
n'a point méprisé leur demande." La prière du Pharisien fut rejetée, parce
qu'il demanda avec orgueil. Mais différente est la demande du psalmiste: "Que
ma prière soit dirigée comme l'encens en ta présence."
3 Prête
attention à moi, et exauce-moi. J'ai été contristé dans mon exercice:
et j'ai été troublé 4 à la voix d'un ennemi, et à cause de la tribulation du
pécheur. Parce qu'ils ont détourné sur moi des iniquités; et dans leur colère
ils me tourmentaient.
Ici le psalmiste décrit l'ordre suivant lequel Dieu agrée une prière,
c'est-à-dire quand il tient pour acceptée une prière ou une demande, car celui
qui demande n'est pas agréé par sa prière, mais la prière de ceux qui doivent
être agréés est acceptée par la demande. D'où ce qui est écrit dans la Genèse: "Le
Seigneur a regardé Abel [d'abord,] et [puis] ses présents." Prête attention
à moi, c'est-à-dire accepte-moi. Ou bien prête attention à mon
affliction: "J'ai vu l'affliction de mon peuple en Égypte, et j'ai entendu
sa clameur à cause de la dureté de ceux qui président aux travaux." et exauce-moi.
- "Exauce, ô Dieu, ma prière lorsque je supplie."
B. J'ai été
contristé. Le psalmiste fait connaître ici ses tribulations.
1) Et il expose
d'abord la cause de sa tribulation.
2) Puis sa
gravité.
3) Enfin son
remède.
1. La cause de sa
tribulation fut la tribulation qu'il souffrait. Cela convient aussi au Christ: "Mon
âme est triste jusqu'à la mort." Or cette tribulation peut être considérée
quant à son fruit, son mode et son motif.
Le fruit de la tribulation des saints est leur exercice de la justice,
comme dans l'apprentissage des armes; et c'est pourquoi il dit: dans mon
exercice, c'est-à-dire dans la tribulation que tu envoies pour mon
exercice.
Cependant il est écrit dans les Proverbes: "Rien ne contristera le
juste quoiqu'il lui arrive."
On répondra à cette objection en disant que le juste n'est pas
contristé par la tristesse du siècle qui tend à la mort, mais par la tristesse
de la pénitence qui est selon Dieu. Ou bien il faut dire qu'il y a une
tristesse qui est une passion; et cette dernière imite matériellement la
passion, mais elle ne s'abat point sur l'homme sage. Il y en a une autre
appelée propassion, laquelle est un mouvement subit: et cette tristesse-là fut
dans le Christ. Et il y a un double exercice dans la justice. L'un est assumé: "Exerce-toi
à la piété." L'autre exercice est infligé, comme c'est le cas ici.
Le mode de la tribulation est double. Le premier est dans les paroles,
c'est-à-dire en menaçant. L'autre, lorsque la tribulation est causée par des
actes, c'est-à-dire en persécutant.
En parlant du premier mode il dit: j'ai été troublé à la voix [de l']ennemi. Quelqu'un
est troublé lorsque la tranquillité du coeur s'éloigne totalement. à la voix [de
l']ennemi menaçant
et blasphémant: "Mon héritage est devenu pour moi comme un lion dans la
forêt."
En parlant du second mode il dit: à cause de la tribulation du pécheur, c'est-à-dire
qu'il m'a infligée: "Nombreux sont ceux qui me persécutent."
Le motif de cette tribulation est double. Parfois ils souffrent
tribulation à cause d'une certaine malice; parfois à cause de la passion.
A propos de la malice il dit: Parce qu'ils ont détourné sur moi des iniquités, c'est-à-dire
ont exécuté sur moi l'iniquité qu'ils avaient pensé perpétrer.
A propos de la passion il dit: et dans leur colère ils me tourmentaient. - "Maudite
leur fureur, parce qu'elle est opiniâtre, et leur indignation, parce qu'elle
est implacable."
3 Mon
coeur a été troublé au-dedans de moi; et la frayeur de la mort est tombée sur
moi. 6 Crainte et tremblement sont venus sur moi; et les ténèbres m'ont
couvert.
2. Le psalmiste
expose ici la gravité de la tribulation selon trois points de vue. Car elle est
proche, grande et agissante.
Lorsque quelqu'un veut souligner la gravité de sa douleur, il dit qu'il
a été touché jusqu'au coeur. Et c'est pourquoi il dit: Mon coeur a été troublé au-dedans de moi, autrement
dit, il est blessé non extérieurement mais jusque dans son coeur: "Mes
entrailles sont pleines de douleur."
Grande est aussi la tribulation, parce qu'il n'est pas de mal plus
grand parmi les réalités du monde que la mort. Aussi dit-il: la frayeur de la
mort, c'est-à-dire la crainte de la mort, est tombée sur moi, parce que
Saül voulait le tuer.
La tribulation est également agissante, car la crainte lorsqu'elle est
forte produit un double effet: l'un sur le corps, c'est-à-dire le tremblement;
l'autre sur l'âme, à savoir le trouble. Et c'est pourquoi il dit: 6 Crainte et
tremblement de mort sont venus sur moi, c'est-à-dire sur les
forces de mon âme, et les ténèbres m'ont couvert, c'est-à-dire la
stupeur m'a enveloppée. Ou bien: les ténèbres, c'est-à-dire du mal: "Elles
m'ont environné comme des abeilles."
7 Et
j'ai dit: "Qui me donnera des ailes comme [les ailes] d'une colombe, et je
m'envolerai, et je me reposerai."
3. Plus haut le
psalmiste a exposé l'affliction du coeur qu'il a endurée; maintenant il expose
le remède qu'il a utilisé; et ce remède consiste principalement à s'adonner à
la contemplation, précisément parce qu'il est souvent accablé par les oeuvres
de la vie active. Selon Grégoire, les maux qui nous oppriment ici-bas nous
contraignent à marcher vers Dieu. Et à ce propos le psalmiste fait trois
choses.
a) Il fait
d'abord connaître son désir de vie contemplative.
b) Puis il montre
ce qu'il a fait en s'y disposant: s Voilà que je me suis éloigné en fuyant.
c) Enfin ce qu'il
attend pour être parfait par Dieu: 9 J'attendais.
a. Dans la
contemplation trois choses sont requises: la facilité de contempler, l'acte de
la contemplation, et son effet.
- La facilité est signifiée par les ailes. D'où ces paroles, tandis
qu'il était accablé par la vie active: J'ai dit: "Qui me donnera des ailes comme [les ailes]
d'une colombe", considérant qu'il n'a pas de moyen pour
échapper à cette affliction si ce n'est par la contemplation, et qu'il n'a pas
la facilité de s'échapper parce qu'il n'a pas d'ailes pour pouvoir voler.
Il y a trois sortes d'ailes selon trois exigences que réclame la
contemplation.
En effet elle requiert d'abord la régulation
dans les affections vicieuses, régulation qui est une certaine disposition à la
contemplation; et celle-ci s'acquiert par les vertus morales. Aussi les ailes
sont-elles les vertus morales, comme la patience, l'humilité, etc.: "La
guérison sera dans ses ailes."
Une autre sorte d'aile est la charité, qui suscite surtout l'envol vers
la contemplation: "Et les ailes de l'un étaient jointes à celles de
l'autre."
Une autre sorte d'aile est la sagesse; et par les ailes de la sagesse
la vérité est contemplée, car sans ces ailes on glisse facilement vers des
erreurs lorsque les réalités divines sont contemplées. A propos de ces ailes il
est écrit dans Isaïe: "Ils prendront des ailes comme des aigles",
lesquels signifient la sagesse par leur vol élevé. Ces exigences que réclame la
contemplation sont appelées ailes, parce qu'elles ne sont pas entièrement
possédées et qu'elles sont données comme étant pour ainsi dire absolument
possédées. Et toutes ces choses sont données par Dieu. Parfois elles sont
données à certains qui, tout en étant en possession de ces ailes, sont entravés
dans leur usage, et c'est par exemple le cas des prélats quand ils reçoivent
leur siège. Et il dit: des ailes comme [les ailes] d'une colombe, non
d'un corbeau. Car le corbeau n'est pas revenu vers l'arche, tandis que la
colombe y est retournée portant un rameau d'olivier verdoyant. Ils volent comme
des corbeaux, ceux qui ne reviennent pas vers l'arche par la disposition de la
sainteté, car ils ne pensent à rien si ce n'est qu'à eux-mêmes, c'est-à-dire
comment rechercher la vérité, à la manière des Philosophes; mais ils volent
comme des colombes ceux qui et contemplent, et reviennent vers le prochain pour
lui enseigner les réalités contemplées, ceux qui portent dans leur bouche le
rameau de l'olivier verdoyant, dispensant au prochain l'huile de la
miséricorde. Comme la colombe est un animal pur, aimable, gémissant, ainsi les
saints se montrent aimables à l'égard de leur prochain et ont de la compassion
pour lui. Semblablement la colombe est un animal simple; et les saints aussi
ont la simplicité: "Soyez simples comme des colombes."
- L'acte de la contemplation est signifié par le vol: je m'envolerai. Dans
l'Écriture sainte la progression des bonnes oeuvres est désignée par un triple
mouvement animal, c'est-à-dire par la marche: "Marchez tant que vous avez
la lumière." Par la course: "J'ai couru dans la voie de tes
commandements lorsque tu as dilaté mon coeur." Et par le vol: "Ils
voleront et ne défailliront pas." La marche est désignée par les vertus
morales, grâce auxquelles l'homme vit avec humanité. La course par la charité.
Le vol par la contemplation.
Selon Richard de Saint Victor, la contemplation se diversifie comme le
vol chez les oiseaux. Tantôt les oiseaux volent haut, tantôt ils volent bas,
tantôt à droite, tantôt à gauche, tantôt en avant et en arrière, tantôt en
cercle. Tantôt certains tournent sur place, ou avancent ou reculent. Ainsi
pareillement dans la contemplation, monter c'est considérer les causes
sublimes, descendre c'est considérer les effets infimes. De même, aller en
avant c'est considérer davantage les contraires, lesquels contiennent des
effets multiples; aller en arrière c'est considérer les particuliers.
Semblablement aller à droite et à gauche c'est considérer certaines
circonstances. On procède de manière circulaire quand on considère le côté
accidentel des choses; mais lorsque le point de vue individuel est signifié
alors on est en état de repos.
- L'effet est signifié lorsqu'il dit: et je me reposerai, c'est-à-dire
dans la considération. Ce repos est acquis après cette vie: "Entrant dans
ma maison, je reposerai avec elle." Et dans la Patrie: "En paix tout
à la fois je m'endormirai et je reposerai."
8 Voilà
que je me suis éloigné en fuyant: et je suis demeuré dans la solitude.
b. Ici le
psalmiste expose sa disposition à contempler.
- Et il montre d'abord ce qu'il a évité.
- Puis ce qu'il a observé.
- Il a évité les obstacles de la contemplation, qui sont principalement
au nombre de deux: la préoccupation des affaires de ce monde et le péché. Et
ces deux choses doivent être évitées, à savoir avec rapidité et énergie.
Avec rapidité, de telle sorte qu'il ne tarde pas; et c'est pourquoi
cela doit être fait aussitôt. Aussi dit-il: en fuyant. - "Comme à l'aspect d'un
serpent fuis le péché." - "Ah ! ah ! fuyez de la terre de l'aquilon."
Avec énergie, de telle sorte que non seulement les actes peccamineux
mais aussi ses occasions soient évités. Et c'est pourquoi il dit: je me suis
éloigné, autrement dit, j'ai quitté toutes les occasions du péché: "Ne
t'arrête point dans toutes les régions d'alentour."
- Parfois quelqu'un demeure dans un lieu de solitude, parce qu'il y
demeure corporellement, parfois par l'âme, car au milieu des troubles il pense
aussi aux réalités selon Dieu: "Je l'amènerai dans la solitude." - "Il
s'assiéra solitaire." Et ces versets, selon la Glose, sont commentés
différemment selon qu'on les applique au Christ, qui a des ailes à cause de sa
charité, qui s'envola de chez les Juifs et se reposa parmi les nations
païennes, qui s'est éloigné des Juifs et demeura dans la foi des nations
païennes, qui était une solitude.
9 J'attendais
celui qui m'a sauvé de la pusillanimité de [mon] esprit et de la tempête.
c. Ici il montre
ce qu'il attend de Dieu, à savoir le secours divin qui est l'achèvement de son
désir: J'attendais
celui qui m'a sauvé de la pusillanimité de [mon] esprit et de la tempête. Ainsi
dit-il: celui
qui m'a sauve. Et pourquoi ? Parce que lui seul est Sauveur. Et de
quoi sauve-t-il ? De deux choses à cause desquelles il semblait être troublé:
la première est de se servir de ses ailes, à savoir de sa possibilité, parce
qu'il souffrait au milieu des hommes. Une autre est la tristesse du coeur,
parce qu'il croit trouver ici-bas le repos. Aussi dit-il: de la pusillanimité de [mon] esprit. Est
trop audacieux celui qui cherche à obtenir le repos au milieu des troubles: "Dites
aux pusillanimes: Prenez courage." et de la tempête, c'est-à-dire de la
tribulation des hommes sauve-moi, aussi bien de la temporelle que de la
spirituelle.
10 Précipite-les,
Seigneur, divise leurs langues; parce que j'ai vu l'iniquité et la discorde dans
la cité.
II. Dans la partie précédente le psalmiste a
exposé l'affliction qu'il a endurée de la part des méchants; ici il traite de
leur malice. Et en décrivant la malice des pécheurs,
A) il demande
d'abord d'en être préservé;
B) puis il
demande qu'elle soit punie d'un châtiment: 16 Que la mort vienne sur eux.
A. À propos de la
description de la malice des péchés il fait deux choses.
1) Il demande
d'abord d'être préservé de leur malice.
2) Puis il la
décrit: parce
que j'ai vu l'iniquité.
1. Les méchants
ont doublement le pouvoir et la puissance de nuire, c'est-à-dire en raison de
leur condition élevée, et de l'unanimité de leur consentement sur un seul
dessein. Cette situation est dangereuse, et c'est pourquoi un double remède
doit être utilisé contre cela.
Un premier remède consiste à les faire déchoir de leur condition. Un
autre remède consiste à établir une division entre eux.
Concernant le premier remède il dit: Précipite-les, Seigneur, c'est-à-dire
en les éloignant de leur condition, autrement dit: fais-les déchoir en les
humiliant.
Concernant le second remède il dit: et divise leurs langues, parce que
leur malice est d'abord dans leur langue avec laquelle ils parlent
orgueilleusement: "Ne multipliez point des paroles hautaines", et
parce qu'en parlant avec leur langue ils consentent au mal. Et l'exemple d'une
telle division est décrite dans l'Ancien Testament, là où il est question de la
division des langues des nations.
2. parce que j'ai
vu l'iniquité. Ici le psalmiste décrit leur malice.
a) Et il décrit
d'abord la malice commune de la multitude en général.
b) Puis en particulier:
11 Jour et
nuit.
a. Dans la
multitude il y a un double désordre. L'un vient de la part des princes. L'autre
de la part du peuple.
Car la cité est ordonnée lorsque les princes gouvernent avec justice et
que le peuple obéît; autrement elle n'est pas bien ordonnée. Et cette cité
représente le monde dans lequel les princes ne gouvernent pas avec justice, et
dans lequel le peuple n'obéit pas. Mais la cité de Dieu est bien ordonnée. Donc
dans la cité du
monde j'ai vu
l'iniquité et la discorde. J'ai vu l'iniquité de la part des princes
et des juges: "Vos assemblées sont iniques." De même j'ai vu la
discorde chez les dignitaires: "Ton peuple est comme la boue qu'on foule."
11 Jour
et nuit l'iniquité l'entourera sur ses murs: le travail est au milieu d'elle, 12
ainsi que
l'injustice. L'usure n'a pas fait défaut dans ses places publiques, ni la
fraude.
b. Jour et nuit. Ici
il le montre en particulier. Or dans toute cité il y a trois choses, à savoir
les murs qui l'entourent, l'habitation au milieu, et les places. Et le
Philosophe distingue trois genres d'hommes. Par murs on entend les chefs et les
notables de la cité qui protègent le peuple comme les murs protègent la cité: "Comme
une ville ouverte, et sans enceinte de murailles; ainsi est l'homme qui ne peut,
en parlant, retenir son esprit." - "Sur tes murs, Jérusalem, j'ai
établi des gardes", c'est-à-dire des chefs et des dirigeants: "Tes
princes sont infidèles." Et jour, en mettant la malice à exécution, et nuit, en
la méditant. Ou bien Jour, dans la prospérité, et nuit, dans l'adversité. Aussi
dit-il: l'iniquité
[les] entourera
sur ses murs, c'est-à-dire l'injustice des chefs entourera la cité
du monde, comme les murs entourent une cité. Le centre de cette cité c'est le
peuple au milieu duquel est le travail, ainsi que l'injustice, à savoir quant
au mal qu'ils font; et ainsi leur ardeur à commettre le mal est soulignée
lorsqu'il dit le
travail, imposé: "Ils ont travaillé à agir iniquement." - "Nous
nous sommes lassés dans la voie de l'iniquité."
Et la forme elle-même du mal est mentionnée, lorsqu'il dit: ainsi que
l'injustice. Et cela s'entend au sens passif de l'injustice dont ils
souffrent de la part des supérieurs, ainsi que du travail imposé. Les places
sont les lieux publics, et elles représentent ceux qui exercent des charges
publiques, comme les négociants en qui est manifestée l'injustice, par exemple
dans les usures: "Celui qui n'a point donné son argent à usure." Et
c'est pourquoi il dit: L'usure n'a pas fait défaut dans ses places publiques. Il
en est de même pour les choses occultes, aussi dit-il: ni la fraude.
13 Car
si c'eut été mon ennemi qui m'eut maudit, je l'aurais supporté certainement. Et
si celui qui me haïssait avait parlé contre moi avec hauteur, je me serais sans
doute caché de lui.
Ici il décrit la malice d'une personne en particulier et chef parmi la
multitude.
Et peut-être cela se réfère-t-il ou bien à Saül, ou bien à Doëg
l'Iduméen.
- Et il expose d'abord ce qui peut être toléré d'une certaine manière.
- Puis il expose ce qui n'est pas tolérable.
- Est tolérable d'une certaine manière le fait que l'homme endure la
persécution de la part de ses ennemis. Et c'est pourquoi il décrit d'abord la
persécution des ennemis.
· Et en premier lieu du côté de l'ennemi qui persécute.
· Puis du côté de l'ami persécuteur.
· Enfin du côté de celui qui endure la persécution.
· On dit quelquefois d'un ennemi qu'il persécute, c'est-à-dire quand il
manifeste son inimitié extérieurement: "Ne te fie jamais à ton ennemi."
Quelquefois quand il manifeste son inimitié à l'égard d'un ennemi en gardant de
la haine dans son coeur: "Ne hais point ton frère dans ton coeur."
· Mais du côté du persécuteur il y a une différence, car parfois celui
qui persécute dit expressément du mal de celui qu'il persécute, soit en médisant,
soit en injuriant. Et ce genre de persécution est appelée malédiction. C'est
pourquoi il dit: Si
c'eût été mon ennemi qui m'eût maudit. - "Leur bouche est
pleine de malédiction et d'amertume; leurs pieds sont prompts à verser le sang."
Parfois il ne dit pas expressément du mal, mais il garde une mesure en
l'exprimant, parce qu'il parle avec mépris.
· Du côté de celui qui subit il y a aussi une
diversité, car parfois il écoute les opprobres et les supporte avec patience: "Vous
avez appris la patience de Job." C'est pourquoi il dit: je l'aurais
supporté certainement. Parfois il se cache loin de la face de son
ennemi. Aussi dit-il: je me serais sans doute caché de lui. - "Ne
résiste pas en face de ton ennemi." - "Jésus se cacha."
Ainsi, en parlant de la diversité des
persécuteurs, il dit: divise leurs langues, etc., car non seulement je souffre
de l'ennemi, mais aussi de l'ami.
En parlant de l'ami il dit: Si celui qui me haïssait avait parlé contre moi avec
hauteur, je me serais sans doute caché de lui. Mais c'est toi, homme qui vivais
avec moi dans un même esprit.
14 Mais
c'est toi, homme qui vivais avec moi dans un même esprit, mon guide et mon
familier, 15 qui partageais avec moi les doux mets [de ma table]; nous
avons marché dans la maison du Seigneur avec un parfait accord.
- Ici le psalmiste expose le mal qui n'est pas tolérable, c'est-à-dire
le fait qu'il souffre l'injustice de la part de ses amis, car il n'est pas de
peste plus agissante pour nuire que l'ennemi familier.
· Et il décrit l'inimitié d'abord en parlant des choses intérieures.
· Puis en parlant de la familiarité extérieure: qui partageais avec moi.
· En parlant des choses intérieures il décrit le mal selon trois
choses.
D'abord selon la concorde de la voix: "Gardez l'unité d'un même."
Et c'est pourquoi il dit: Mais c'est toi, homme qui vivais avec moi, autrement
dit, tu as médit de moi; et c'est pourquoi c'est intolérable. Suivant cela on
peut parler de Saül, dont il était familier. Mais la Glose commente ce passage au
sens mystique de trois manières.
Selon une première manière, en tant que cela convient au fidèle.
Selon une autre manière, en tant que cela convient au Christ à l'égard
des Juifs.
Selon une troisième manière, en tant que cela convient au Christ à
l'égard de Judas.
Ainsi donc selon une première manière, n'importe quel fidèle peut dire
cela lorsqu'il souffre persécution de la part d'un autre fidèle.
Selon une deuxième manière, le Christ peut le dire à propos des Juifs
qui furent unanimes, parce qu'ils se lièrent à ses commandements: "Tout ce
que le Seigneur nous a commandé, nous le ferons, et nous serons obéissants."
Enfin le Christ peut le dire en parlant de Judas qui s'était lié à ses
conseils.
Et quand il dit: mon guide, on expose cela également de trois
manières.
D'abord, en tant que quelqu'un peut être appelé guide, parce qu'il
donne un bon conseil ainsi que son aide, et puis soulève une persécution: "Ne
vous fiez pas à un guide."
Puis, on peut l'appliquer au Christ vis-à-vis des Juifs, lui qui est mon guide sans
me conduire, mais qui a été établi par moi guide des nations: "Tu te
flattes d'être le guide."
Ou bien cela peut s'appliquer aux prêtres qui sont les guides dans le
peuple. Le Christ dit à l'apôtre Judas: toi, tu as été constitué guide par moi,
tout d'abord parce que tu es un guide du peuple chrétien aux côtés des autres
qui doivent guider: "Les princes de Juda, leurs chefs." Ou bien il
est appelé guide, parce qu'il a été établi par le Christ avec ceux qui le
précédaient partout où lui-même devait aller.
Un fidèle peut dire à un autre fidèle: mon familier, 15 qui partageais
avec moi les doux mets [de ma table], parce qu'ils vivent ensemble
dans l'Église.
De même le Juif qui vivait selon la parole de Dieu fut familier du
Christ
Et il en était de même pour Judas, puisque le Christ a connu par avance
sa malice: "L'un de vous est un démon."
· Ensuite l'amitié consiste en la familiarité extérieure. Et cela se
manifeste dans deux domaines, c'est-à-dire d'abord dans les choses matérielles
et humaines. Puis dans les réalités divines.
Dans les choses matérielles et humaines, ceux-là témoignent
mutuellement de l'amitié qui partagent ensemble la table. Et si on entend cela
du Christ parlant à Judas, comme le rapporte la Glose, il partageait avec le
Christ les mets matériels à sa table: "Celui qui mangeait mon pain, a fait
éclater sur moi sa trahison." Et il dit: doux, car les mets de ceux qui
mangent ensemble donnent habituellement une disposition de douceur d'âme: "L'ami
est le compagnon de la table." Au sens matériel, on peut aussi appliquer
cela à n'importe quel familier.
Il y a également des mets spirituels que Judas avait pris avec le
Christ, à savoir la parole de Dieu: "Elle le nourrira du pain de vie et
d'intelligence." Dieu les appelle mets, parce que les paroles de Dieu sont plus
suaves que n'importe quel mets matériel: "Que tes oracles sont doux à mon
palais, plus que le miel à ma bouche."
Dans la deuxième partie du verset il dit donc: nous avons marché avec un parfait accord. Jérôme,
dans son commentaire sur Matthieu, dit qu'il n'est pas de chose qui contribue
autant à l'incrédulité que la diversité de la foi et du culte divin. Et cela a
lieu surtout au temps de la persécution, lorsque les pères persécutent leurs
fils, et vice
versa. Et ainsi l'unité de la foi et de la religion est surtout un
lien d'amour; et c'est pourquoi c'est une très grande malice que de persécuter
ceux qui pratiquent un même culte. Et il arrive de deux façons que certains
appartiennent à des cultes différents.
Dans un premier cas, parce que l'un n'appartient pas totalement au
culte d'un autre, par exemple lorsque l'un est chrétien, et l'autre est juif ou
païen; et ceux-là ne sont pas ensemble dans la maison de Dieu. Parfois les uns
et les autres appartiennent à la même religion, cependant ils ne sont pas dans
un parfait accord, par exemple le catholique et l'hérétique; et il exclut ces
deux formes de dissensions lorsqu'il dit: nous avons marché avec un parfait accord dans la maison
du Seigneur, c'est-à-dire dans l'Église, qui est la maison de Dieu.
Dans le second cas, lorsqu'il dit: avec un parfait accord. - "N'ayez tous
qu'un même langage."
Mais si nous appliquons cela aux Juifs, alors dans la maison, cela signifie
dans Jérusalem. Et le Christ y fut pareillement avec Judas, parce qu'il n'a pas
rejeté le lien avec la Loi ancienne: "Je ne suis pas venu abolir la Loi et
les prophètes, mais les accomplir."
16 Que
vienne la mort sur eux; et qu'ils descendent dans l'enfer tout vivants, parce
que la méchanceté est dans leurs demeures, au milieu d'eux.
B. Ici le psalmiste
demande que leur soit appliqué un juste châtiment.
1) Et il demande
qu'un châtiment soit infligé.
2) Puis il montre
leur faute.
1. A propos de
l'infliction d'un juste châtiment, il faut savoir qu'on expose ici l'histoire
que rapporte le livre des Nombres, lorsque Dathan et Abiron se révoltèrent.
Moïse fit s'éloigner les autres d'eux, et dit que le Seigneur ferait une chose
inouïe si la terre s'ouvrait, etc.; et aussitôt la terre s'ouvrit et les
engloutit. Ainsi le psalmiste dit en faisant allusion à cette histoire: Que vienne sur
eux la mort, autrement dit, qu'un châtiment vienne sur eux parce
qu'ils commettent une nouvelle faute en persécutant l'ami, c'est-à-dire le
Christ; et doublement. D'abord en tant que la première demande détermine
l'autre, autrement dit: Que vienne la mort, telle qu'ils descendent en
enfer. Ou bien, en tant qu'il y a deux châtiments: l'un étant un châtiment de
mort et l'autre étant la descente en enfer. Car en cette circonstance Dathan et
Abiron, qui étaient des princes, ont été punis autrement, puisqu'ils furent
engloutis; tandis que les autres furent tués par l'incendie qui eut lieu dans
le camp.
En s'adressant à ceux qui sont inférieurs il dit: Que vienne la mort sur eux. En
s'adressant aux plus grands il dit: et qu'ils descendent dans l'enfer. Dans ces
derniers est signifié un double châtiment que le psalmiste ne souhaite pas,
mais qu'il proclame. L'un qu'ils obtiendront en enfer après cette vie; l'autre
qu'ils subissent ici en cette vie. Après cette vie ils subiront la mort de la
damnation éternelle: "La solde payée par le péché, [c'est] la mort."
- "La mort du pécheur est affreuse." Mais en cette vie ils descendent
en enfer, c'est-à-dire dans le gouffre des vices: "L'impie, lorsqu'il est
descendu au fond de l'abîme du péché, se moque, mais la honte et l'opprobre le
suivent." Ou bien: qu'ils descendent tout vivants après cette
vie, c'est-à-dire qu'ils descendent avec la disposition qu'ils ont, qui est
leur vie, dans l'enfer.
Ou bien si on le dit sous forme de souhait, alors on l'expose de la
manière suivante: la mort, c'est-à-dire de la justice par laquelle on meurt
intérieurement au péché: "Vous êtes morts, et votre vie est cachée avec le
Christ en Dieu."
qu'ils descendent
tout vivants, de la vie de la
justice, dans
l'enfer, en le considérant, selon ce verset d'Isaïe: "Au milieu
de mes jours j'irai aux portes de l'enfer." Et ceux qui prennent les
châtiments en considération pour y échapper, descendent dans l'enfer tout
vivants, et n'y descendront pas mourants: "Rappelle-toi tes fins
dernières, et jamais tu ne pécheras."
2. parce que la
méchanceté est dans leurs demeures, au milieu d'eux. Le psalmiste
expose ici la justification du châtiment.
a) Il expose
d'abord leur faute cachée.
b) Puis leur
faute visible.
a. Il fait
allusion à cette histoire que rapporte le livre des Nombres: "Moïse se
leva, alla vers Dathan et Abiron, et, les anciens d'Israël le suivant, il dit à
la multitude: "Retirez-vous des tentes de ces hommes impies, et ne touchez
pas ce qui leur appartient, de peur que vous ne soyez enveloppés dans leurs
péchés."" On appelle méchanceté les péchés occultes: "Marchons
honnêtement, comme en plein jour, ne nous laissant point aller aux excès de la
table et du vin, à la luxure et a l'impudicité, aux querelles et aux jalousies."
Aussi dit-il: dans
leurs demeures, c'est-à-dire en secret.
b. En disant: au milieu, c'est-à-dire
en public, il expose leur faute visible: "Comme Sodome, ils publient leur
péché." - "Si tu ôtes de toi l'iniquité qui est dans ta main, et que
l'injustice ne demeure point dans ta tente, alors, étant sans tache, tu pourras
lever ta face." Il y a deux genres de fautes: elles sont parfois dues à
une brusque action subreptice, parfois à la malice. Le premier péché qui est dû
à une brusque action subreptice est comme extérieur à l'homme. Au deuxième
livre des Rois, Nathan fait allusion sous forme de parabole à un étranger,
c'est-à-dire à la concupiscence qui entra brusquement en David. Aussi une autre
version ne lit-elle pas: in tabernaculis (dans leurs tentes), mais in hospitiis (dans
leurs hôtelleries), qui sont comme des lieux de passage selon la Glose.
Le sens est que le péché est comme naturel, parce qu'il est au milieu d'eux,
c'est-à-dire au milieu du coeur.
Deo gratias.
Les commentaires scripturaires de saint Thomas d'Aquin constituent une
part importante de son enseignement, alors que paradoxalement on s'est contenté
jusqu'à notre temps d'exposer dans les écoles de théologie sa Somme
théologique, qu'il n'a lui-même vraisemblablement jamais enseignée.
Les maîtres en théologie de l'époque de saint Thomas commentaient la Sainte
Écriture, chapitre par chapitre et section par section. Ce commentaire faisait
l'objet ordinaire d'un cours ou lectio (leçon). Sans se désintéresser pour
autant des questions exégétiques, les commentaires de l'Écriture sont au XIIIe
siècle avant tout des ouvrages théologiques, lesquels sont toujours ordonnés à
la lectio
divina. La fonction éminemment contemplative du théologien
consistait à méditer et à prier la parole de Dieu pour ensuite l'interpréter et
tâcher d'en faire saisir tous ses sens.
Ces commentaires scripturaires se fondent sur la doctrine des quatre
sens: sens littéral, allégorique, moral et anagogique. Déjà esquissée chez les
Pères du désert, cette doctrine du quadruple sens, telle qu'elle parviendra à
saint Thomas, va se préciser chez les Pères de l'Église, surtout à partir de
saint Grégoire le Grand qui en sera l'un des principaux initiateurs. Elle
deviendra la quadriformis
ratio, c'est-à-dire les quatre formes d'interprétation
traditionnelle des livres sacrés. Cette doctrine du quadruple sens de
l'Écriture a fourni un cadre de pensée et de prière à de nombreuses générations
de chrétiens, mais elle a été peu à peu rejetée sous l'influence du
rationalisme des siècles derniers, dont une partie de l'exégèse d'aujourd'hui
reste encore tributaire. Cependant la remise en valeur de cette doctrine des
quatre sens grâce à des publications de valeur, tel l'ouvrage sur l'exégèse
médiévale du père Henri de Lubac, réhabilite cette doctrine qui, confrontée
avec tous les résultats positifs des méthodes exégétiques de notre temps,
contribue à un nouvel enrichissement de l'intelligence spirituelle de
l'Écriture.
"Saint Thomas, écrit le père de Lubac, sans vouloir innover en
rien, s'est contenté de dégager en termes sobres et nets, qui en dessinent
vigoureusement les traits majeurs, une doctrine de douze siècles, dans laquelle
s'affirme l'originalité de l'allégorie chrétienne. Belle illustration de cette
vérité, que le génie est, au plus beau sens du mot, simplificateur. Grâce à ses
ordinaires qualités de simplicité robuste, de justesse et de précision, saint
Thomas résume l'enseignement commun avec bonheur. Hormis quelques expressions
plus récentes, qui sont celles de tout son siècle et qui s'imposeront
désormais, les mots dont il use dans ses exposés sont les mots les plus
habituels. Chaque fois il fait ressortir le nerf essentiel de la théorie, de
telle sorte qu'on soit forcé de reconnaître combien cette dialectique des
quatre sens, qui fournit un axe à toute la synthèse chrétienne, est vraiment de necessitate
Scripturae."
Dans ses commentaires scripturaires, saint Thomas distingue donc de
manière constante un sens littéral et un sens mystique ou spirituel, mais on
rencontre aussi la division suivante: Litteraliter, allegorice, moraliter, c'est-à-dire
au sens littéral, allégorique et moral. Et parfois même s'y ajoute encore le
sens anagogique.
Selon saint Thomas, le sens littéral ou historique est "celui que
l'auteur a en vue. Or l'auteur de l'Écriture sainte est Dieu, qui comprend
toutes choses simultanément dans son intelligence". Et lorsque ces
premières réalités historiques sont elles-mêmes l'objet d'autres significations,
il est alors question de sens mystique ou spirituel. Ce sens spirituel qui
"se fonde sur le sens littéral et procède de lui" se subdivise encore
en trois autres sens: - le sens allégorique suivant lequel "ce qui est de
l'Ancienne Loi signifie ce qui est de la Loi nouvelle"; - le sens moral
suivant lequel ce qui a été réalisé dans le Christ est signe de ce que nous
devons accomplir; - le sens anagogique selon lequel est signifié ce qui est
dans la gloire éternelle. Par exemple, en commentant le psaume 3, rédigé sous
forme de prière, saint Thomas expose successivement son sens historique ou
littéral, son sens allégorique, et enfin son sens moral: "Le sens
historique de ce psaume est exprimé dans son titre: "Lorsque David eut fui
Absalom."" Son sens allégorique est la persécution de David en tant
que préfiguration de celle que le Christ endurera de la part de son fils Judas.
Cette persécution peut encore préfigurer toutes les persécutions de l'Église.
"Son sens moral est le combat de chaque fidèle contre les vices et les
mauvais désirs; David représentant alors tout fidèle et Absalom les vices et
les désirs charnels."
Parmi les livres de l'Écriture que saint Thomas a
commentés, celui des Psaumes est resté jusqu'à ces derniers temps le plus
méconnu. Sans doute est-ce dû pour une large part au fait qu'il n'a pas été
achevé et qu'il ne semble pas faire preuve d'innovation. Ce jugement hâtif a
été remis en question, notamment par le père James A. Weisheipl, op, dans son ouvrage:
Friar Thomas
d'Aquino. His Life, Thought, and Works. Dans les pages qui sont
consacrées au Super
Psalmos de saint Thomas, l'auteur qualifie au contraire cette oeuvre
de "remarquable" en ce sens que "les Psaumes sont regardés dans
leur rapport avec le Christ et son Église". Par ailleurs, étant donné que
ce commentaire se situe tout à la fin de la vie de saint Thomas (1272-1273), on
peut aussi le considérer comme un fruit de sa longue pratique du psautier.
Son récit hagiographique, écrit par Guillaume de Tocco, confirme
effectivement, comme nous allons le voir, le retentissement que la récitation
du psautier eut sur la vie spirituelle de saint Thomas.
Sur sa vie
spirituelle
Vers l'âge de cinq ans, nous rapporte son biographe,
Thomas fut confié par ses parents aux moines bénédictins du Mont Cassin, afin
d'y recevoir, comme oblat, sa première éducation. C'est donc à l'école de
Saint-Benoît qu'il va se familiariser avec le langage des psaumes et s'initier
à cette grande prière de l'Église. Si, en relatant sa vie de frère prêcheur,
Guillaume de Tocco ne souligne pas la dévotion que frère Thomas avait pour le
psautier, les quelques brefs passages qui y font allusion sont cependant riches
d'enseignement et montrent à quel point il était nourri, façonné, habité par
les psaumes. On raconte que sa préoccupation constante de chercher la vérité et
de la garder lui faisait répéter avec larmes ce verset du psaume:
"Seigneur, sauve-moi, car les vérités ont été diminuées par les enfants
des hommes (Ps 11, 2). "Ou encore que" lorsqu'on chantait ce verset
des complies pendant le temps du carême: "Ne me rejette pas au temps de la
vieillesse; quand ma force sera épuisée, ne m'abandonne pas" (Ps 70, 9),
on le voyait fréquemment, comme ravi et absorbé dans la dévotion, répandre
d'abondantes larmes qu'il semblait tirer des yeux de son âme pieuse."
Enfin, Guillaume de Tocco nous apprend qu'au cours de son ultime voyage qui
devait le mener au concile de Lyon, frère Thomas, sentant ses forces décliner,
se retire au monastère cistercien de Fossa Nova, et qu'à peine entré, il
déclare en citant un psaume: "C'est ici le lieu de mon repos pour
toujours; j'y habiterai car je l'ai désiré" (Ps 132, 14).
Sur sa vie
intellectuelle
Le fait le plus marquant et qui pourrait à lui seul témoigner du
profond retentissement que les psaumes ont eu sur la vie intellectuelle de
frère Thomas, est sa leçon inaugurale (Principium "Rigans montes de superioribus
suis") donnée à l'occasion de la prise de possession de son
titre de maître en théologie à l'université de Paris. En commentant de manière
métaphorique le verset suivant du psaume 103: "Arrosant les montagnes
depuis ses hauteurs: du fruit de tes oeuvres la terre sera rassasiée", il
expose en quoi consistent la doctrine sacrée et la fonction des docteurs.
La doctrine sacrée, dit-il, est haute en vertu de son origine céleste,
de la subtilité de sa matière, et de sa fin qui est la vie éternelle.
La fonction des docteurs est de prêcher (praedicare), d'enseigner (legere), et
de réfuter les erreurs (disputare): "Les docteurs sont signifiés
par les montagnes à travers ces mots: "Arrosant les montagnes." Et
cette comparaison se justifie pour trois raisons. À cause de la hauteur des
montagnes. [...] Puis à cause de leur splendeur. [...] Enfin à cause de leur
défense. [...] Donc tous les docteurs de la Sainte Écriture doivent être élevés
par l'éminence de leur vie, afin d'être capables de prêcher avec efficacité
[...]. Ils doivent être éclairés afin de remplir leur mission enseignante avec
compétence [...]. Ils doivent être prémunis afin de réfuter les erreurs dans
les controverses."
En parlant d'un de ses écrits de controverse, le Contra
impugnantes Dei cultum et religionem (1256), Guillaume de Tocco fait
remarquer que frère Thomas commence son apologie de la vie mendiante par une
citation d'un psaume: "Seigneur, voici tes adversaires en tumulte, tes
ennemis relèvent la tête. Contre ton peuple ils ourdissent un complot, ils
conspirent contre tes fidèles" (Ps 82, 3).
Au témoignage du récit hagiographique de Thomas, on peut encore ajouter
la liste impressionnante des citations du psautier qui abondent dans ses
écrits. La fréquence de ces citations manifeste aussi l'étendue de la
connaissance que Thomas avait des psaumes, et montre à quel point ils lui
étaient devenus familiers.
"La seule oeuvre académique de Thomas qui
puisse être attribuée avec certitude à sa période napolitaine (1272-1273)",
écrit le père James A. Weisheipl, "est sa série de leçons sur
les psaumes 1 à 54. Le catalogue de Barthélemy de Capoue, inséré dans le procès
de canonisation, fait simplement référence à cette oeuvre en l'intitulant: Sur quatre
nocturnes du psautier, reporté par frère Raynald (de Piperno).
Nicolas Trevet met cette oeuvre au nombre des reportations faites par Raynald
et l'appelle: Sur
trois nocturnes du psautier. Selon Bernard Gui, "on dit que
frère Raynald, son socius, a reporté une postille (postilla) sur trois
nocturnes du psautier, pendant que Thomas donnait ses leçons". Le
commentaire sur les psaumes 1 à 51 figure dans toutes les éditions imprimées
des oeuvres de Thomas; le commentaire sur les psaumes 52 à 54 fut découvert par
Uccelli et publié à Rome en 1880.
"Les psaumes 1 à 51 comprennent les
nocturnes de l'ancien office des matines: dimanche (psaumes 1 à 20, à
l'exception des psaumes 4 et 5), lundi (psaumes 26 à 37, à l'exception des
psaumes 21 à 25, lesquels sont chantés aux laudes), mardi (psaumes 38 à 51, à
l'exception des psaumes 42 et 50), et mercredi (psaumes 52 à 67, excepté les 62,
64 et 66).
C'est pourquoi l'usage médiéval mentionnait l'oeuvre de Thomas comme une
postille (postilla) sur les
trois premiers nocturnes du psautier. Barthélemy de Capoue cependant a eu
connaissance, directement ou indirectement, du commentaire sur les trois premiers
psaumes du mercredi (psaumes 52 à 54), et il le mentionnait comme une postille sur
les "quatre" premiers "nocturnes du psautier".
"Si la description de cette oeuvre comme une postille sur un
nombre déterminé de nocturnes s'explique d'elle-même pour un historien de la
liturgie, elle ne rendrait pas compte de l'oeuvre si Thomas avait vécu jusqu'à
l'achèvement de son commentaire. Il serait préférable de l'intituler Super Psalmos ou
Super
Psalterium, étant donné que le commentaire de Thomas suit exclusivement
l'ordre de la Vulgate, et non celui de l'office divin comme tel.
"Dès les tout premiers siècles du christianisme,
le psautier fut intégré au culte chrétien comme le chant liturgique officiel de
l'Église. Vers le IIe siècle
l'ensemble des cent cinquante psaumes du psautier était récité une fois par
semaine par les clercs astreints à la célébration du culte liturgique, et par
les moines, qui par leur profession étaient tenus à l'office divin au choeur.
Au temps de saint Benoît, la coutume existait depuis longtemps de chanter le
psautier en son entier chaque semaine. Dans sa Règle, saint Benoît a précisé
que la distribution des psaumes peut être modifiée par le moine qui en a la
charge, pourvu que "chaque semaine les cent cinquante psaumes soient chantés"
(RB 18, 23). Au temps de Charlemagne, l'ensemble du psautier fut divisé en deux
parties: les psaumes 1 à 108, avec quelques exceptions, formaient l'office
nocturne des matines, et les psaumes 109 à 150, à l'exception du psaume 118,
formaient l'office diurne de vêpres. Au XIIe siècle, les ordres religieux, les
Dominicains y compris, ont adopté cette répartition fondamentale, mais
précisèrent, suivant l'usage ancien, que certains psaumes pouvaient être omis à
matines et chantés à laudes et aux petites heures. Le commentaire de Thomas ne
suit pas strictement l'ordre des psaumes chantés au choeur ou récités dans le
bréviaire, mais l'ordre des psaumes dans la Vulgate. D'autre part, si Thomas
avait complété son commentaire, il aurait inclus l'office du jour aussi bien
que celui de la nuit. C'est pourquoi la désignation la plus appropriée pour le
commentaire serait simplement Super Psalmos (inachevé).
"Dans le Prologue à son commentaire des
psaumes, Thomas note qu'il existe "trois traductions" latines des
psaumes, reconnues de tous. Aux temps apostoliques il existait une ancienne
traduction latine (Vetus Latina) qui avait été "corrompue par les
scribes" à l'époque de saint Jérôme. C'est pourquoi, à la demande du pape
Damase, Jérôme "corrigea le psautier, et cette version est utilisée en
Italie". Cette "version corrigée", nous le savons, fut faite par
Jérôme en 383, et devint connue sous le nom de "Psautier romain", à
cause de son usage en Italie. Thomas poursuit en disant: "Étant donné que
cette traduction ne concordait pas avec le texte grec, Jérôme traduisit à
nouveau le psautier du grec en latin, à la demande de Paula, et le pape Damase
ordonna que cette version soit chantée en France; elle concorde mot à mot avec
le texte grec."
En fait cette traduction fut faite à Bethléem en 392 à partir des Septante et à
l'aide des Hexaples
d'Origène. Elle fut adoptée au VIe siècle à Tours et fut connue sous le nom de Psautier gallican;
plus tard cette deuxième traduction de Jérôme fut adoptée par l'ensemble de la
Chrétienté latine et devint le texte de référence qu'est la Vulgate. Thomas
raconte l'origine de la troisième version comme suit: "Par la suite, un
certain Sophronius, entrant un jour en discussion avec les Juifs - qui
soutenaient que certaines choses ne figuraient pas en hébreu telles qu'il les
avait introduites dans sa deuxième traduction du psautier -, demanda à Jérôme
de traduire le psautier de l'hébreu en latin. Jérôme consentit à sa demande, et
sa traduction concorde en tout point avec l'hébreu; mais cette version n'est
chantée dans aucune Église, cependant beaucoup la possèdent."
"Thomas n'a pas précisé sur quelle version il
s'est fondé pour ses leçons. Cependant la comparaison entre le Psautier romain
et gallican (PL 29, 119-398) montre clairement que son texte de base fut le
Psautier gallican, tandis que le Psautier romain est mentionné comme l'alia littera.
"La liturgie dominicaine fut repriser du rite alors en usage dans
les basiliques romaines au XIIIe siècle. Leur distribution des psaumes était
identique, mais les Dominicains adoptèrent le texte du Psautier gallican. Les
Franciscains suivirent le rite de la curie romaine, mais eux aussi adoptèrent
le Psautier gallican. Plus tard le rite liturgique franciscain fut repris par
la curie romaine pour son propre usage. Dans l'uniformisation des rites
liturgiques sous le pape Pie V, tous les ordres religieux et les diocèses ne
possédant pas un rite propre dont l'usage régulier remontait à plus d'une
centaine d'années, durent se conformer au rite de la curie romaine; celui-ci
devint "le rite romain" communément en usage après le concile de
Trente, rite distinct du "rite dominicain", qui avait été adopté par
beaucoup d'autres ordres, congrégations, ainsi que par des diocèses de pays
scandinaves. Seuls des fragments de l'ancien Psautier romain subsistèrent dans
l'usage liturgique, du XIIIe siècle jusqu'à la première moitié du XXe siècle,
par exemple dans les répons, les graduels et les invitatoires. Le texte de la
Vulgate était celui du Psautier gallican. Il n'est donc pas du tout surprenant
que Thomas ait donné ses leçons à Naples, au cours des années 1272-1273, en se
fondant sur le Psautier gallican [...].
"En suivant la majorité des savants
contemporains, nous devons dire que Thomas a donné à Naples (1272-1273) un
enseignement scripturaire portant exclusivement sur les psaumes. [...] Il se
termine brusquement au psaume 54, sans aucun doute à cause de l'extraordinaire
expérience du 6 décembre 1273, lorsque Thomas fut contraint d'interrompre tout
travail. L'unique manuscrit de la partie du commentaire sur les psaumes 52 à
54, qui fut découvert par Uccelli dans les Grandes Archives de Naples (Regio
Archivio 25),
se termine par le colophon suivant: "Ici s'achève la postille sur une
partie du psautier selon frère Thomas d'Aquin de l'ordre des Prêcheurs, parce
qu'on ne trouve rien de plus dans l'exemplaire de frère Raynald de Piperno, qui
fut le socius
(compagnon) de frère Thomas jusqu'à sa mort, et qui avait tous ses
écrits.""
Dans son admirable Prologue bâti sur les quatre causes d'Aristote - les
causes matérielle, modale ou formelle, finale et efficiente -, saint Thomas
nous donne une clef de lecture du psautier et de l'Écriture sainte tout
entière. "La matière du psautier, dit-il, est universelle, parce qu'il
renferme toute l'Écriture, la matière générale de toute la théologie, qu'il
traite de toute l'oeuvre divine, c'est-à-dire de la création, du gouvernement,
de la rédemption et de la glorification, et qu'il se rapporte au Christ et à
ses membres. Et c'est la raison pour laquelle le livre des psaumes est le plus
utilisé dans l'Église. [...] Le mode du psautier est la louange et la prière.
Sa finalité est l'union de l'âme à Dieu. Son auteur, c'est l'Esprit-Saint
lui-même qui le révèle."
Dans son commentaire proprement dit, on portera son attention
principalement sur trois choses: sur l'importance des plans qui introduisent
chaque psaume commenté; sur ses sources et ses références; sur son caractère
particulièrement christologique et ecclésiologique.
Les plans que saint Thomas donne au début de ses leçons scripturaires,
et en l'occurrence de son commentaire sur le psautier, méritent qu'on s'y
attarde pour en percevoir tout l'intérêt. Sous un procédé déroutant pour nous
qui sommes habitués aux analyses de l'exégèse contemporaine, et qui pourrait ne
paraître qu'artificiel, nous sommes amenés en réalité à devoir prendre en
considération la portée objective des mots du texte inspiré et à les saisir
dans le contexte de la logique spirituelle. Saint Thomas n'est jamais
prisonnier de ses structures, au contraire elles servent de support à sa
pensée, lui permettent de pousser plus loin ses analyses et d'exprimer son
génie. Ainsi, dans son commentaire sur le psautier, sa recherche d'un fil
conducteur dans le groupement des psaumes répond à quelque chose de juste et de
suggestif.
Les principales sources et références du Super Psalmos de
saint Thomas sont en tout premier lieu l'Écriture sainte, avec dans l'Ancien
Testament une préférence accordée au livre des psaumes, au livre d'Isaïe et au
livre de Job; dans le Nouveau Testament, aux évangiles de saint Matthieu et de
saint Jean, ainsi qu'à l'épître de saint Paul aux Romains. Puis ce sont les
traductions du psautier faites par saint Jérôme, c'est-à-dire, pour résumer ce
qui a été dit plus haut, le Psautier gallican qui est son texte de base, et sa
version d'après l'hébreu, la iuxta Hebraeos. Nombreuses sont aussi les
références aux ouvrages d'Aristote (Ethique, Métaphysique, Météorologiques, Politique,
Rhétorique, De la génération et de la corruption, Histoire des animaux), de
Sénèque (Questions
naturelles), de Cicéron (De natura deorum), de Pline l'Ancien (Histoire
naturelle), etc. Étendus sont enfin ses emprunts aux Pères de
l'Église, et surtout à Augustin (Enarrationes in Psalmos), à divers ouvrages
de Jérôme, de Grégoire le Grand, de Denys l'Aréopagite, de Jean Damascène,
d'Origène (Homélies
sur les Psaumes), de Boèce, ainsi qu'à d'autres auteurs, sans
oublier bien entendu les Gloses sur les psaumes, avec au premier rang
celle de Pierre Lombard.
Le lecteur s'étonnera peut-être de l'importance que
saint Thomas accorde à la cosmologie dans le Super Psalmos, par exemple quand
il commente le psaume 17. Il faut savoir à ce propos que tout en donnant
ses leçons sur le psautier, saint Thomas se penchait aussi sur le De caelo et
mundo d'Aristote. S'il est vrai que ces enseignements sont les plus
marqués par le temps, ils témoignent cependant de son souci de réalisme et de
la place de l'homme dans le cosmos à l'intérieur du plan divin. Mais la matière
fondamentale traitée par saint Thomas dans son commentaire sur le psautier est
le Christ et ses membres, ou le Christ et l'Église. Il s'oppose en cela à
l'exégèse littérale de Théodore de Mopsueste, et suit la règle donnée par saint
Jérôme dans son commentaire sur Ézéchiel, selon laquelle les prophéties sont
comme une figure des événements à venir. Cette règle, dit-il, nous devons
l'appliquer pour les psaumes, dont les faits doivent être exposés comme une
figure du Christ ou de l'Église (Prologue). Dans la quadruple oeuvre divine
dont parlent les psaumes, il y a notamment celle de la rédemption de l'homme
opérée par le Christ: "Tout ce qui a trait à la fin de l'Incarnation est
clairement exposé dans ce recueil, de telle sorte qu'il semble être presque un
évangile et non une prophétie" (Prologue). Cette vue christocentrique du Super Psalmos de
saint Thomas est à mettre en parallèle avec sa rédaction de la troisième partie
de la Somme
théologique, qui date de la même époque et qui aborde aussi le
mystère de l'Incarnation (S. Th. 3a, Q. 1-59). Saint Thomas n'a pas rédigé de
traité sur l'Église, mais on peut dégager son ecclésiologie en recueillant dans
l'ensemble de ses ouvrages les citations qui la concernent. Et son commentaire
sur le psautier renferme à cet égard une richesse doctrinale qui mérite d'être
mise en valeur. En voici deux passages remarquables: "Les choses qui
concernent les membres, le Christ les dit de lui-même, pour cette raison que le
Christ et l'Église forment un seul corps mystique; conséquemment, ils parlent
comme une seule personne: le Christ se transformant en Église et l'Église en
Christ (Ps 21, 2)." - "Le Christ et l'Église sont une seule personne
(Ps 30, 1)." Ce lien inséparable entre le Christ, l'Église et ses membres
que saint Thomas souligne avec constance tout au long du Super Psalmos traduit bien son
expérience vécue de la liturgie. Sa spiritualité ecclésiale nous invite à
entrer dans une prière plus profonde des psaumes qu'il considérait
"presque comme un évangile", et à faciliter l'actualisation de leur
pratique.
Moustier-en-Fagne
ce 18 mai 1993.
Action de grâce.
Le psalmiste rend grâce de trois manières: par le
coeur, par la bouche et par l'action (Ps 9, 2-3).
Âge.
Le premier âge va d'Adam jusqu'à Noé.
Le deuxième de Noé jusqu'à Abraham.
Le troisième d'Abraham jusqu'à David.
Le quatrième de David jusqu'à la déportation à Babylone.
Le cinquième de la déportation à Babylone jusqu'au Christ.
Le sixième du Christ jusqu'à la fin du monde. Le
sixième et le septième âge vont de pair, car c'est l'âge de ceux qui se
reposent et de ceux qui travaillent; et au terme de ces derniers aura lieu le
huitième âge des ressuscités (Ps 6, 1).
Âme.
L'âme est une substance subsistante par elle-même, non
par la matière. Elle est créée ou formée par Dieu (Ps 32, 15).
L'âme a deux parties: la partie sensitive et la raison
supérieure (Ps 41, 6).
L'âme contient le corps, et elle en est le fondement;
et une partie de l'âme est une partie du corps (Ps 17, 9).
L'âme n'est pas créée par une créature, et elle agit
librement. Elle ne périt pas non plus avec son corps (Ps 8, 6).
Notre âme a deux faces: l'une est tournée vers
Dieu par la raison, l'autre est tournée vers la chair par la nature sensitive
qui ne perçoit uniquement que les réalités corporelles (Ps 10, 6b).
La candeur de l'âme sanctifiée surpasse toute beauté
corporelle (Ps 50, 9).
L'âme raisonnable ne peut plus modifier son jugement
après la mort (Ps 6, 6).
L'âme unie à Dieu n'est pas souillée, au
contraire elle est glorifiée (Ps 9, 26a).
L'âme s'élève vers Dieu de quatre manières: pour admirer l'élévation de
sa puissance. C'est l'élévation de la foi; pour tendre à l'excellence de la
béatitude éternelle. C'est l'élévation de l'espérance; pour adhérer à la bonté
divine et à la sainteté. C'est l'élévation de la charité; pour imiter la
justice divine dans son action. C'est l'élévation de la justice (Prologue).
L'âme est aussi appelée temple de Dieu, parce
que Dieu est adoré dans le temple et dans l'âme du fidèle (Ps 10, 5a).
Amour.
Aimer d'un amour de charité (diligere) est le propre des
êtres raisonnables, tandis qu'aimer (amare) est universel (Ps 17, 2).
La charité la plus petite est l'amour le plus grand
(Ps 37, 18).
La force de l'amour augmente l'ardeur de la recherche
(Ps 26, 4).
Le propre de celui qui aime est de rechercher souvent
la chose aimée (Ps 26, 8).
Ange.
Chez les anges, l'image de Dieu se découvre par un
simple regard sur la vérité, sans le recours à l'investigation (Ps 8, 6).
Certains anges reçoivent immédiatement de Dieu
l'illumination. D'autres anges sont instruits par ces derniers, comme les "anges
des hiérarchies" moyennes et inférieures (Ps 23, 10).
Les anges qui ne sont pas envoyés sont
qualifiés d'assistants de Dieu (Ps 44, 10b).
Les anges sont appelés les armes de Dieu, dont il se
sert pour combattre les méchants (Ps 34, 2).
Apôtre.
Par cieux on comprend les Apôtres, dans lesquels Dieu
habite comme dans les cieux (Ps 18, 2). Et on les appelle "cieux",
parce qu'eux-mêmes surpassent tous les choeurs des saints, et illuminent toute
l'Église (Ps 49, 6).
Ils sont aussi étoilés en raison de l'abondance de
leurs venus (Ps 18, 2).
Ils sont lumineux par la doctrine et par l'exemple (Ps
18, 2).
Ils sont "empressés" dans l'obéissance et
volubiles dans le discours de leur prédication (Ps 18, 2).
L'Apôtre, dans la mesure où il est "la nuit",
c'est-à-dire vivant dans la chair et mortel, condescend à l'infirmité et à
l'ignorance des gens incultes (Ps 18, 3).
Selon la vérité, les Apôtres sont appelés "jour",
parce qu'ils profèrent la parole de la sagesse divine "au jour",
c'est-à-dire aux parfaits (Ps 18, 3).
Les Apôtres sont appelés pierres précieuses à cause du
prix de leur enseignement (Ps 20, 4).
Au sens mystique, les béliers ce sont les
chefs du troupeau, c'est-à-dire les Apôtres (Ps 28, 2a).
Les fils de l'Église primitive sont les Apôtres et
leurs successeurs (Ps 44, 17).
Ils sont appelés princes, parce qu'ils ont reçu les
premiers les dons de l'Esprit-Saint, parce qu'ils furent et sont ceux qui
gouvernent les Églises, parce qu'ils furent les premiers à être nos docteurs
après le Christ (Ps 44, 17).
Les Apôtres sont appelés montagnes (Ps 45, 4).
Les Apôtres sont appelés "dieux" à cause de
leur pouvoir judiciaire, et "puissants" à cause de leur constance
dans la souffrance (Ps 46, 10).
Ils furent les protecteurs de tous les peuples (Ps 46,
10).
Apôtre Pierre.
Pierre obtint la primauté universelle de l'Église (Ps
44, 17).
Apôtre Paul
Paul obtint la primauté sur le monde entier quant aux
nations païennes (Ps 44, 17).
Ministère des
Apôtres.
Le ministère des Apôtres est de prêcher le nom de Dieu
(Ps 44, 18).
Autel.
L'autel est dans le temple, et de même qu'il y a trois
sortes de temples, il y a aussi trois sortes d'autels. Le premier est l'homme
juste. L'autel de ce, temple est le coeur. L'autre temple est l'Église, et
l'autel de ce temple est le Christ. Le troisième temple c'est Dieu lui-même, et
l'autel de ce temple c'est la miséricorde de Dieu (Ps 25, 6).
L'autel signifie l'humanité du Christ (Ps 42, 4).
Voir aussi: Temple.
Avènement.
Désir du premier
avènement.
Les raisons chez les anciens Pères:
une première raison est relative à l'exaltation de la nature humaine;
une deuxième raison se fonde sur le fait que les captifs étaient
libérés de la prison de l'enfer ou des limbes;
une troisième raison est relative à l'humiliation du diable;
une quatrième tient au fait que Dieu nous a pacifiés par la venue du
Christ;
une cinquième est relative à la jouissance qu'ils espéraient avoir avec
la venue du Christ, en le voyant, en l'écoutant, en conversant avec lui.
Désir du second
avènement.
Les raisons chez les modernes:
parce qu'alors nous serons glorifiés;
parce que nous serons affranchis de toute peine;
parce que nous serons affranchis de tout péché;
parce que nous serons arrachés à l'emprise du diable;
parce que nous serons libérés de la servitude du corps;
parce que nous verrons Dieu face à face (Ps 12, 1).
Baptême.
Fonction.
Le baptême et la circoncision purifient l'âme de la
faute originelle, mais le foyer demeure toujours (Ps 50, 7).
Éléments.
"Je me souviendrai de la terre du Jourdain et
d'Hermoniim, de cette petite montagne." Trois éléments figurant dans le
baptême sont ici désignés. Par le Jourdain est désignée la descente des grâces
dans le baptême. "Et de la terre", parce que par l'influx de la grâce
la terre du coeur est fécondée. Hermon veut dire anathème, et signifie la
renonciation que nous faisons au diable et à ses pompes au baptême (Ps 41, 7).
Voir aussi: Eau, Catéchumène, Psaume.
Béatitude.
Tous recherchent la béatitude mais diffèrent quant à
la voie qui les y mène et quant à l'issue; car certains y parviennent et
d'autres non (Ps 1, p. 40).
Tous désirent tendre à la béatitude, à laquelle seuls
les justes parviennent, parce qu'ils l'obtiendront en plénitude dans le futur,
mais à présent de manière inchoative et en espérance (Ps 32, 12).
La béatitude de l'homme est en Dieu (Ps 1, 1).
La béatitude ne se trouve qu'en ceux qui ont
l'espérance dans le Seigneur (Ps 39, 5).
La béatitude consiste en la vision plénière de Dieu,
en la joie parfaite, dans les délices intarissables (Ps 15, 11).
La béatitude de l'homme c'est d'adhérer à Dieu.
Ici-bas elle est imparfaite (Ps 32, 12).
Quelle en est la cause ? Est-ce la nature, le hasard,
ou la puissance propre ? Non, mais c'est l'élection divine (Ps 32, 12).
La voie droite qui mène à la béatitude, c'est avant
tout notre soumission à Dieu: par la volonté, en obéissant à ses commandements.
Par l'intelligence, en méditant sans cesse (Ps 1, 2).
Les enseignements et les préceptes du Christ sont le
chemin conduisant à la béatitude (Ps 15, 11).
Bienheureux est le chrétien dans la mesure où il est
fils de la croix du Christ par la méditation (Ps 40, 2).
Par l'acte même de leur péché les pécheurs
s'éloignent de Dieu et sont empêchés d'atteindre la fin, c'est-à-dire la béatitude
(Ps 24, 4a).
Les opinions sur la béatitude sont diverses. Certains
établirent la béatitude dans les biens matériels, tel Épicure. Certains dans
les oeuvres de la vie active, comme les stoïciens. D'autres dans la
contemplation de la vérité, comme les péripatéticiens (Ps 32, 12).
Beauté.
La beauté suprême est en Dieu lui-même, car la beauté
est faite d'une force harmonieuse; or Dieu est la forme elle-même informant
toutes choses (Ps 26, 4).
Voir aussi: Christ, Homme.
Bénédiction.
Bénir, c'est dire du bien; et dire du bien de Dieu,
c'est le faire sien. C'est pourquoi dans la bénédiction de Dieu on comprend
l'effusion de sa bonté (Ps 20, 4).
Pour Dieu, nous bénir, c'est causer sa bonté en nous.
Pour nous, bénir, c'est reconnaître sa bonté qui nous fait du bien; mais notre
bénédiction ne lui ajoute rien. Cependant, nous devons le bénir pour les
bienfaits reçus (Ps 27, 6; Ps 40, 14; Ps 44, 3).
Bénir le Seigneur (benedicere Domino), c'est célébrer la louange
de Dieu; mais bénir le Seigneur (benedicere Dominum), c'est faire du bien "en
tout temps", c'est-à-dire dans le temps de l'adversité et de la prospérité
(Ps 33, 2).
Biens.
Il y a un triple bien: le bien de la nature, le bien
de la grâce et le bien de la gloire (Ps 40, 3).
Les biens spirituels sont au nombre de trois:
confiance, réfection spirituelle, et connaissance intelligible (Ps 35, 8b).
Supériorité des
biens spirituels.
Celui qui l'emporte, c'est le bien de la joie du
coeur. Pour deux raisons: parce qu'il sera éternel, et parce qu'il est unique
et simple (Ps 4, 9).
Les biens
matériels.
Les biens du monde ne sont bons que dans la mesure où
ils servent matériellement à la vertu (Ps 36, 16).
Bons, justes.
Les bons adhèrent radicalement aux réalités
spirituelles et aux biens divins (Ps 1, 4).
Le juste est affermi surtout par Dieu, parfois dans
les réalités temporelles, dans la mesure où elles sont utiles pour son salut,
mais toujours dans les réalités spirituelles, et cela par la grâce intérieure.
Semblablement par de bonnes paroles et de bons exemples comme celui de la croix
(Ps 36, 17).
Quatre dispositions conviennent aux bons. D'abord,
qu'ils préfèrent le salut de Dieu, qui est le Christ. Ensuite, qu'ils cherchent
des actes de charité. Puis, qu'ils se réjouissent d'avoir trouvé le bien-aimé.
Enfin l'action de grâce et la louange (Ps 39, 17).
Les bons haïssent ce qui regarde la nature
sensitive (Ps 10, 6b).
Les justes ont l'intelligence du bien, en ce sens
qu'ils possèdent seulement les biens qui sont utiles à la fin et non en vue
d'autre chose (Ps 36, 16).
Le jeûne est cause d'humilité dans le juste (Ps 34,
13).
Le juste qui prie pour un autre n'obtient pas toujours
pour lui. Et il est exaucé pour lui-même lorsque sa prière est méritoire (Ps 34,
13).
Celui qui est bon, et qui est exempt de maux, aura
l'abondance des biens et la suppression des maux (Ps 7, 9).
Le sort des bons est comparé à la plantation d'un
arbre, à sa fructification et à sa conservation (Ps 1, 3).
Les justes souffrent du péché des pécheurs par
compassion (Ps 34, 14).
Le juste se maintient dans le bien pour quatre raisons:
parce qu'il n'est pas entravé de l'extérieur; par la stabilité des biens acquis;
parce qu'il est sans inquiétude; par le repos acquis par le travail (Ps 4, 9-10).
Catéchumène.
"Quand viendrai-je, et paraîtrai-je devant la face
de Dieu ?" Ces paroles sont le propre de celui qui désire, et elles
expriment le désir du catéchumène de recevoir le baptême (Ps 41, 3).
Châtiment.
Il y a un double châtiment. L'un est infligé en vue de
l'extermination, et il est relatif à l'enfer (Ps 37, 2; Ps 9, 18). L'autre est infligé en vue de la correction (Ps 37,
2).
La cause de l'aversion est la colère de Dieu
dans le châtiment du péché, et c'est le plus grand des châtiments (Ps 26, 9a).
La cause du châtiment est l'oubli de Dieu (Ps 9, 18).
Un châtiment infligé interroge celui qui se
trouve dans les tribulations pour savoir s'il aime Dieu en vérité (Ps 10, 6a).
Le châtiment extérieur est très utile dans la mesure
où on le supporte avec patience, mais lorsqu'il n'est pas patiemment supporté,
l'homme s'affaiblit et se désespère, et le châtiment est alors nuisible (Ps 38,
11).
Dieu retarde parfois un châtiment afin que les
prédestinés se convertissent, que les méchants manifestent davantage leur
malice, et que ses jugements apparaissent justes (Ps 7, 9).
Dieu ne punit pas aussitôt les pécheurs, non point
parce qu'il n'est pas juste ou puissant, mais parce qu'il est patient (Ps 7,
12).
Christ.
Le Christ est né du Père ayant la nature la plus
élevée (Ps 18, 7).
Il est consubstantiel au Père, le même dans son
essence (Ps 18, 7).
La marche du Christ s'entend de deux manières. Ou bien
en tant qu'il procéda du sein de la Vierge dans sa nativité, ou bien en tant
qu'il procéda de l'homme pour convertir l'homme, un tel et puis un tel (Ps 44,
5).
Il y a deux natures dans le Christ: la nature humaine
qui est semblable à une mère, et la nature divine (Ps 41, 6).
Le glaive de Dieu c'est le Christ (Ps 7, 13).
Le nom du Seigneur c'est le Christ incarné (Ps 8, 2).
Le Christ est appelé fils par antonomase (Ps 9, 1).
Il est le fils de David selon la promesse (Ps 9, 1).
Le Christ est la montagne (Ps 10, 2; Ps 47, 2).
Le Christ est appelé droite de Dieu (Ps 16, 8).
La pupille de l'oeil signifie le Christ qui dirige (Ps
16, 8).
L'âme du Christ est un glaive acéré à deux tranchants
grâce auquel le diable est anéanti (Ps 16, 14).
Le temple de Dieu c'est le Christ lui-même (Ps 17, 7).
Par soleil on entend le Christ (Ps 18, 6).
Le Christ est roi des anges (Ps 19, 3).
Le Christ est la main de Dieu (Ps 20, 9).
Le Christ a été appelé cerf. Le cerf signifie la
nature humaine dans le Christ; de même que le cerf traverse les buissons
d'épines sans se blesser les pieds, ainsi le Christ a traversé cette vie
présente sans aucune souillure. Pareillement le cerf sait très bien sauter;
ainsi le Christ est monté de la fosse de la mort à la gloire de la résurrection
(Ps 21, 1).
L'âme du Christ, ce sont ceux en qui repose
l'Esprit-Saint, c'est-à-dire les spirituels (Ps 21, 31).
Le rocher veut dire le Christ (Ps 26, 6a).
Par l'agneau c'était le Christ qui était
surtout et plus expressément figuré (Ps 28, 2a).
Le Christ est "un petit de licornes", parce
que selon la génération temporelle il fut un fils sans père (Ps 28, 6).
Le Christ est Tête et Corps de l'Église (Ps 29, 1).
Le Christ est lumière de la lumière et source
de la vie (Ps 35, 10b).
"En tête du livre." Le livre c'est le
Christ. Le livre, c'est l'instrument dans lequel sont écrits les projets du
coeur; mais dans le Christ sont les projets de l'intelligence divine (Ps 39, 8).
Le Christ est lumière et vérité (Ps 42, 3; Ps 47, 1).
Le Christ est appelé autel de Dieu (Ps 42, 4). Le
Christ est le Verbe de Dieu et sa plume (Ps 44, 2).
Le Christ fut roi, prêtre et prophète (Ps 44, 8).
Le Christ est le roi des rois (Ps 44, 15b).
Le Christ est notre véritable frère (Ps 48, 8).
Le Christ préfigure notre faiblesse (Ps 54).
Le nom de Jésus est la vraie espérance, parce que le
salut est en lui-même (Ps 39, 5).
Le Christ fut engendré par la seule opération du
Saint-Esprit (Ps 21, 7).
Le Christ a été tiré du sein de sa mère, car il a été
conçu de manière extraordinaire, et né sans semence, la virginité de la mère
ayant été préservée (Ps 21, 10).
Dans le Christ la chair a refleuri par sa
résurrection, car il fut conçu de l'Esprit-Saint sans péché (Ps 27, 7).
Il n'y eut dans le Christ absolument aucune tache (Ps
14, 2).
On dit du Christ qu'il porte un cilice, parce qu'il
s'est revêtu d'une chair non point pécheresse mais d'une chair semblable à
celle du péché (Ps 34, 13).
Par sa nativité le Christ vint établir la paix entre
Dieu et la nature humaine (Ps 45, 10).
Le Christ fut oint de l'huile de l'Esprit-Saint comme
roi et comme prêtre. Il fut d'abord oint de l'onction de la grâce, ensuite de
la gloire (Ps 26, 1).
Le Christ fut oint non avec de l'huile visible, matérielle,
mais avec l'huile de l'Esprit-Saint (Ps 44, 8).
Il y a dans le Christ quatre sortes de beauté. La
première est selon sa forme divine. La deuxième est la beauté de la justice et
de la vérité. La troisième est la beauté de la conduite honnête. La quatrième
sorte de beauté est la beauté du corps (Ps 44, 3).
L'âme du Christ a été retirée de l'enfer par Dieu (Ps
29, 4).
L'âme du Christ fut séparée de son corps dans la mort,
bien qu'elle n'ait pas été séparée de la divinité (Ps 34, 17).
La volonté du Christ est comme la volonté du Père, et
en tant qu'homme il accomplit la volonté du Père (Ps 15, 3).
Il accomplit ses volontés dans les saints qui sont sur
sa terre, c'est-à-dire dans l'Église militante et triomphante (Ps 15, 3).
Le voeu du Christ fut de se donner pour le salut des
croyants: et lui-même voulut cela en tant qu'homme (Ps 21, 26).
Le Christ s'est acquitté de ces voeux en se donnant à
la Passion, et une nouvelle fois lorsqu'il donna son corps en nourriture pour
ses fidèles (Ps 21, 26).
La tristesse appelée propassion, qui est un mouvement
subit, fut dans le Christ (Ps 54, 3).
Bien qu'il y eût dans le Christ une crainte naturelle,
elle ne fut pas telle qu'elle fasse fondre le coeur. Aussi faut-il l'entendre
du Christ non quant à lui-même mais dans ses membres, qui sont véritablement le
coeur du Christ, et qu'il aime avec prédilection (Ps 21, 15).
Le Christ a-t-il espéré ? Oui. Il a espéré la vie
éternelle pour les autres, mais pour lui la glorification de son corps (Ps 15,
1).
Le Christ a joui de son libre arbitre au premier
instant de sa conception, donc il a espéré dès ce moment (Ps 21, 10).
L'espérance du Christ n'a pas porté sur la
béatitude éternelle en tant que bien futur et non acquis. En revanche il
attendait la gloire de l'immortalité, la conversion des hommes, etc. Et par
rapport à cela il espérait, bien que la vertu d'espérance ne lui ait pas été
nécessaire (Ps 30, 2a).
Le corps du Christ n'a pas connu la corruption de la
putréfaction ou de la décomposition, mais il a subi la corruption de la mort
(Ps 15, 10).
Le Christ a placé sa tente, c'est-à-dire son corps
dans le soleil, à savoir dans la Vierge Marie, qui n'a aucune obscurité de
péché. Ou bien il a placé son corps dans le soleil, c'est-à-dire dans la
clarté, car puisqu'il était invisible, il est devenu visible en ayant pris un
corps; parce qu'il a assumé un corps passible, parce qu'il s'est soumis au
changement (Ps 18, 6).
Dans le Christ il n'y a pas d'infirmités dues a la
faute, ou de souillure, car sa chair ne combat point contre l'esprit, mais il a
éprouvé les infirmités corporelles, hormis le péché, pour nous ressembler (Ps
15, 7).
On ne trouve dans le Christ que l'infirmité corporelle
à cause de sa passibilité (Ps 29, 3).
Le sommeil du Christ est préfiguré dans celui d'Adam
(Ps 3, 6).
Le Christ a dormi profondément, parce qu'il s'offrit
spontanément à la Passion (Ps 3, 6).
On parle du jeûne corporel du Christ dans saint
Matthieu 4.
On peut aussi parler du jeûne spirituel du Christ en tant qu'il désirait le
salut des hommes. C'est le sens de sa parole prononcée sur la croix: "J'ai
soif" (Ps 34, 13).
Sur le corps du Christ on construit continuellement;
et par la conversion des fidèles il sera consacré, lorsqu'il sera dans la
gloire (Ps 29, 1).
Dans l'Église, le tabernacle principal est le corps du
Christ. Il est le tabernacle, parce qu'en lui réside toute la plénitude de la
divinité (Ps 45, 5).
La Glose distingue quatre sortes de ténèbres
relatives au Christ: de son humanité;des matières sacramentelles, dans
lesquelles la puissance divine agit secrètement; le fait qu'il se cache dans la
foi des croyants; qu'il réalise quelque chose de manière cachée par les
méchants, qui sont les ténèbres (Ps 17, 16).
Il n'y eut pas de tristesse sensible dans la partie
supérieure de l'âme du Christ; cependant elle souffrait tout entière dans sa
constitution naturelle, mais non en tant qu'elle était tournée vers Dieu (Ps 18,
6).
Avant sa Passion le Christ a souffert de trois choses:
il a été rejeté, abandonné, et n'a pas été exaucé (Ps 21, 25).
Le Christ souffrira comme modèle de l'écrasement, afin
de donner aux autres l'exemple de souffrir (Ps 28, 6).
Le Christ face à ses persécuteurs s'est comporté à la
manière de celui qui ignore, c'est-à-dire en se taisant (Ps 34, 15).
Le Christ par sa Passion a mérité son exaltation dans
la foi de tous les peuples (Ps 44, 8).
Effets de sa
Passion:
Concernant les
Apôtres.
Les Apôtres mangeront le sacrifice, c'est-à-dire le
sacrement du corps et du sang du Christ, sacramentellement et spirituellement.
Et il en résulte un triple effet: le rassasiement spirituel, la louange et la
vie (Ps 21, 27).
Concernant les
autres.
Il y a un triple effet: le premier est la connaissance
divine à laquelle les nations accèdent par les Apôtres; le deuxième consiste en
la conversion au Christ. le troisième effet est manifesté à travers
l'achèvement de l'oeuvre (Ps 21, 28).
Le verset: "Je bénirai le Seigneur en tout temps:
toujours sa louange sera dans ma bouche" est chanté à sexte, lorsque le
Christ a souffert et dont la Passion est pour nous cause de louange (Ps 33, 2).
Par la mort du Christ les pécheurs ont gagné deux
biens: celui de la confession de leurs péchés et la confession de la vérité de
la foi (Ps 29, 10).
La mort du Christ fut une dormition, puisque lui-même
s'offrit à la mort, et ne mourut pas par la violence, mais par sa propre
volonté (Ps 40, 9).
Utilité de son
sang.
Son sang fut d'une souveraine utilité. Mais si le
Christ n'était pas ressuscité aussitôt, et que sa résurrection eût été reportée
jusqu'à la fin du monde, il n'aurait eu aucune utilité en lui, et il en aurait
été de même si son corps avait été totalement corrompu (Ps 29, 10).
Bien que le Christ soit descendu en enfer, il n'y est
pas descendu en tant que livré à la damnation, mais afin de délivrer ceux qui
étaient dans la fosse (Ps 29, 4).
Le Christ en tant qu'homme n'a pas le pouvoir de
ressusciter, mais bien selon la puissance de sa divinité, qui est la même dans
le Père et dans le Fils (Ps 40, 11).
Si la résurrection du Christ n'avait pas eu lieu,
c'est-à-dire s'il n'était pas ressuscité, et aussitôt, sa divinité n'aurait pas
été crue; et ainsi les hommes n'en auraient pas obtenu le bien salutaire (Ps 29,
10).
Le fruit de la résurrection du Christ c'est
l'instruction de l'Église, et la foi avec laquelle l'Église confesse Dieu (Ps
34, 18).
En montant dans son ascension le Christ envoie
l'Esprit-Saint aux disciples (Ps 18, 7).
Dans le royaume du Christ le joug est la loi de la
charité et les liens sont les vertus (Ps 2, 3).
Le pouvoir appartient au Christ selon un double droit:
par héritage et par mérite (Ps 2, 7).
Il régit le peuple avec un sceptre de fer, et cela
pour signifier la discipline de la justice (Ps 2, 9).
Il y a deux jugements du Christ. Le premier est caché
et se trouve dans l'ordonnance, en tant que Dieu permet aux bons de souffrir
persécution de la part des méchants. L'autre sera manifesté au jugement dernier
(Ps 9, 1).
La parole du Christ fut gracieuse, parce qu'elle
imposait des choses faciles et promettait le repos; parce qu'il s'exprimait
d'une manière ordonnée et chaleureuse; parce qu'il persuadait avec efficacité
(Ps 44, 3).
Les paroles du Christ sont appelées flèches pour trois
raisons. À cause de leur acuité, de leur vélocité et de leur capacité à
atteindre des objectifs éloignés (Ps 44, 6).
Par le coeur du Christ on entend la Sainte Écriture
qui révèle son coeur. Mais ce coeur était fermé avant la Passion, parce que
l'Écriture était obscure; mais elle est ouverte après la Passion, puisque ceux
qui la comprennent a présent considèrent et discernent de quelle manière les
prophéties doivent être interprétées (Ps 21, 15).
Sens de ce verset du Psaume 21, 2: "Dieu, mon
Dieu [...] pourquoi m'as-tu abandonné ? Loin de mon salut sont les paroles de
mes fautes", et de ce verset de l'Évangile de saint Matthieu 26, 39: "Père,
s'il est possible, que ce calice passe loin de moi...": Ces paroles du
Christ en prière peuvent s'expliquer d'une double manière. D'abord, en ce sens
que le Christ les a proférées comme s'il avait tenu la place des membres
faibles de l'Église [...]. D'une autre manière, en ce sens qu'il proféra cette
demande au nom de la faiblesse charnelle dans le Christ, laquelle, tout
naturellement, craint et fuit la mort. On peut donc dire que s'il a demandé
d'être délivré, ce fut en des mots qui provenaient, soit des membres dans
lesquels la faute peut exister, soit de la chair du Christ dans laquelle se
trouve une similitude de faute ou de péché (Ps 21, 2).
Le Christ a crié, bien qu'en tant que Dieu il soit
celui qui exauce (Ps 29, 3).
Le Christ priait pour ceux qui étaient dans son sein,
c'est-à-dire dans le secret de Dieu. Il priait pour les prédestinés (Ps 34, 13).
La sainteté fut à un degré unique dans le Christ (Ps
45, 5).
Le Christ fut le premier d'entre les bienheureux, et
Adam le premier d'entre les méchants (Ps 1, p. 40).
Le Christ est avec nous d'abord par la ressemblance de
la chair. Semblablement par sa conversation familière. De même, il habite en
nous par sa grâce (Ps 45, 8).
Tous les hommes ont seulement la grâce par dérivation
et participation, tandis que le Christ l'a de lui-même et en plénitude (Ps 44,
3).
Les vêtements du Christ peuvent être de deux sortes:
son corps et tous les saints (Ps 44, 9).
Le Christ est la Tête de l'Église fondée au milieu des
tempêtes des persécutions (Ps 3, 9).
La voie du Christ est la Vierge bienheureuse (Ps 17,
31).
Le Christ,
l'Église et ses membres.
Relations:
Les choses qui concernent les membres, le Christ les
dit de lui-même, pour cette raison que le Christ et l'Église forment un seul
corps mystique; conséquemment, ils parlent comme une seule personne: le Christ
se transforme (transformat
se) en Église et l'Église en Christ (Ps 21, 2).
Dans les membres du Christ, c'est-à-dire dans l'Église, on trouve des
fautes et des péchés; mais dans la Tête, c'est-à-dire dans le
Christ, il n'y a aucune faute, sinon seulement une
similitude de péché (Ps 21, 2).
Le Christ et l'Église sont une seule personne (Ps 30,
1).
Ciel, cieux.
Les cieux matériels sont conçus pour nous faire
découvrir la gloire de Dieu (Ps 18, 2) .
On appelle ciel le berceau de l'âme dans
lequel Dieu repose afin de faire de sa création son ciel (Ps 10, 5a).
Confession.
Il y a trois sortes de confessions: de la foi, des
péchés, de louange (Ps 9, 2).
L'efficacité de la confession est telle que non
seulement quelqu'un obtient la rémission de ses péchés lorsqu'il se confesse en
acte, mais encore lorsqu'il a le propos de se confesser. Donc la faute lui est
remise avant qu'il ne se confesse. Mais si l'acte du propos cesse, son effet
cesse également (Ps 31, 5).
Connaissance.
La connaissance de Dieu est donnée naturellement à
tous (Ps 13, 1).
Si l'on parle de la connaissance de Dieu en soi, alors
on ne peut pas penser qu'il n'est pas. Mais on peut dire qu'il n'est pas par
rapport à nous, si on pense qu'il n'est pas tout-puissant, et qu'il ne s'occupe
pas des réalités humaines (Ps 13, 1).
Deux choses sont nécessaires à la connaissance: la
lumière et l'objet à connaître (Ps 42, 3).
Il y a une triple connaissance de Dieu: car cela peut
s'appliquer à l'état de la cité de Jérusalem, à l'Église et à la gloire future.
La première connaissance de Dieu est figurée et obscure; et cette connaissance
eut lieu dans l'Ancien Testament. Autre est la connaissance réelle, mais
obscure et imparfaite; et telle est la connaissance par laquelle Dieu est connu
par la foi. Enfin, autre est la connaissance réelle, qui est parfaite et claire
(Ps 47, 4).
Toute connaissance de la vérité, qui nous est
nécessaire pour d'autres choses, doit se référer à la connaissance de la vérité
des réalités divines (Ps 48, 4).
Contemplation.
Trois choses sont requises dans la contemplation. La
facilité de contempler qui est signifiée par les ailes de la colombe, l'acte de
la contemplation qui est signifié par le vol, et son effet qui consiste en la
considération (Ps 54, 7).
Les obstacles à la contemplation sont principalement
au nombre de deux: la préoccupation des affaires de ce monde et le péché (Ps 54,
8).
Conversion.
La conversion de l'âme à Dieu est un effet du
sacrement de l'autel (Ps 21, 28).
Dieu se tourne d'abord vers nous en nous convertissant
à lui (Ps 6, 5).
L'homme ne se convertit que par les menaces (Ps 7, 13)
et au temps de la tribulation (Ps 9, 10).
Il faut d'abord que l'homme voie ce à quoi il
doit se convertir; puis celui à qui il doit se convertir; enfin, il y a
l'espérance (Ps 39, 4b).
Cosmologie.
Perturbations de
l'air.
On distingue une triple perturbation: elle se
situe dans les vents, dans les nuages et dans les tonnerres.La perturbation
dans les vents: leur cause effective, leur matière et leur mode (Ps 17, 11b);la
perturbation dans les nuages (Ps 17, 12-13); la perturbation dans le tonnerre
(Ps 17, 14).
Pluies (Ps 17,
12, etc.).
Tremblements de
terre.
Leur cause, leur matière et leur durée (Ps 17, 9).
Vapeurs, exhalaisons, fumée, feu (Ps 17, 9).
Vents (Ps 17,
10-11a).
Crainte.
Il y a deux sortes de craintes: une crainte sainte qui
est engendrée par un amour saint; une crainte non sainte qui est engendrée par
un amour non saint (Ps 18, 10).la crainte sainte fait trois choses. Elle craint
d'abord d'offenser Dieu. Ensuite elle se refuse à être séparée de lui. Enfin
elle se soumet à Dieu par respect. Cette crainte est appelée chaste et filiale
(Ps 18, 10);la crainte non sainte est double: la crainte servile, qui est issue
d'un amour de soi, et la crainte mondaine qui procède de l'amour du monde (Ps
18, 10).
La crainte mondaine ne subsiste pas si ce n'est avec
le monde; la crainte servile subsiste chez les méchants pour l'éternité, mais
la sainte crainte ou crainte filiale subsiste chez les bons de deux manières:
dans la Patrie et selon un acte qui lui est propre (Ps 18, 10).
Il y a deux sortes de craintes: l'une est filiale,
celle qui craint d'offenser Dieu et d'en être séparé, et elle lui manifeste du
respect; et cette dernière procède de la charité. Mais l'autre est la crainte
servile, celle qui craint le châtiment; et cette dernière ne procède pas de la
charité (Ps 21, 24).
Il y a une double cause intrinsèque à la crainte:
l'ignorance et la faiblesse. La cause extrinsèque à la crainte est l'opposition
de l'homme (Ps 26, 1).
Remèdes à ces
causes.
Aux causes intrinsèques il y a la lumière et le salut
donnés par Dieu; à la cause extrinsèque il y a le bouclier protecteur de Dieu
(Ps 26, 1)
La cause de la crainte se trouve dans les yeux, du
fait qu'ils ne considèrent pas le jugement de Dieu (Ps 35, 2).
La crainte initiale et chaste est spécialement appelée
révérence et elle nous introduit au salut (Ps 34, 26).
La crainte nous conduit à l'observation des préceptes
(Ps 18, 10).
La crainte est une garde à l'orgueil (Ps 33, 10).
Non seulement la crainte est plus nécessaire pour ceux
qui montent vers la sainteté, mais aussi pour ceux qui demeurent en elle (Ps 33,
10).
Dieu doit être craint à cause de sa domination (Ps 46,
3).
Il ne faut rien craindre excepté le péché: car aucune
adversité ne nuira dans la mesure où ne règne aucune iniquité (Ps 48, 6).
Il y a deux raisons pour lesquelles le péché doit être
craint. D'abord, à cause de l'impossibilité d'échapper au châtiment du péché;
l'autre raison est due aux maux qui menacent les méchants (Ps 48, 7).
La crainte, lorsqu'elle est forte, produit un double
effet: l'un sur le corps, c'est-à-dire le tremblement; l'autre sur l'âme, à
savoir le trouble (Ps 54, 6).
Créature.
Créature
raisonnable. Ses privilèges:
La créature raisonnable a deux privilèges: le
premier consiste en ce qu'elle voit dans la lumière de Dieu, et que les autres
animaux ne voient pas dans la lumière de Dieu. L'autre privilège consiste dans
le fait que seule la créature raisonnable voit cette lumière (Ps 35, 10b).
Créature sans
raison.
Traces de Dieu en
elle:
J'ai commencé par rechercher dans les
créatures sans raison si je trouvais mon Dieu, mais j'ai découvert en elles des
traces de Dieu (Ps 41, 5a).
Croix.
Nous sommes marqués par le signe de la croix,
dont le sceau a été gravé en nous au baptême, et que chaque jour nous devons
appliquer (Ps 4, 7a).
Culte.
Culte de dulie.
L'honneur qui est dû à celui qui gouverne peut être
communiqué à d'autres: telle est la dulie (Ps 40, 14).
Culte de latrie.
La latrie, qui est due au Créateur, n'est due à
personne d'autre. Tous honorent Dieu, cependant seuls les fidèles offrent à
Dieu un culte de latrie (Ps 40, 14).
David.
Désir de David.
David a un désir très profond, inquiet et juste,
persévérant, de rechercher la face divine (Ps 26, 8).
David figure du
Christ
Voir Ps 2, 2; Ps 2, 3.
Louange de David.
David proclame avec le coeur les louanges du Christ
(Ps 44, 2).
Onction de David.
David fut oint comme roi à trois reprises. D'abord par
Samuel. Puis à Hébron. Enfin, lorsque Isboseth, fils de Saül, fut tué, David
régna sur tout Israël (Ps 26, 1).
Patience de David.
Le motif de la patience de David est triple. Du côté
de Dieu, le motif de sa patience est dû au fait que toute sa cause est
abandonnée à Dieu (Ps 37, 16). Du côté de ses ennemis, le motif de sa patience
consiste à ne pas tomber dans leurs mains (Ps 37, 17). De son côté, il consiste
en sa disposition à recevoir des châtiments (Ps 37, 18).
Persécution de
David.
Au sens allégorique, la persécution de David préfigure
celle que le Christ souffrit de la part de son fils Judas, ainsi que toutes les
tribulations de l'Église (Ps 3, 1).
Au sens moral, ce sont les tribulations que l'homme
souffre des ennemis temporels et spirituels (Ps 3, 1).
Prière de David.
Au cours de son règne David prie face à une double
persécution: contre sa personne et contre tout le peuple de Dieu (Prologue, p.
39).
David a composé les psaumes en priant (Ps 1, p. 40).
David prie contre les tribulations menaçantes en
implorant le secours divin (Ps 2, p. 44).
Sa prière est tournée vers Dieu, auteur de sa vie
naturelle et de la vie de la gloire (Ps 41, 9).
Effet de sa
prière.
Sa prière a un double effet. L'un est le bannissement
de la tristesse. L'autre est l'accroissement de l'espérance (Ps 41, 12).
Voir aussi: Psalmiste.
Délectation.
Différence entre
les délectations corporelles et spirituelles.
Les délectations corporelles consistent dans le
devenir et le mouvement. Or le mouvement est quelque chose d'imparfait, et il
implique quelque chose de futur et de passé, car on n'obtient pas tout à la
fois (Ps 18, 11).
Les délectations spirituelles ne sont pas dans le
mouvement, car elles consistent dans l'acte d'aimer et de saisir le bien, qui
ne se trouve pas dans le mouvement (Ps 18, 11).
Les délectations spirituelles
sont-elles plus délectables ?
Oui, et pour une triple raison.
La première raison se fonde sur le bien dont on se délecte, lequel est
un bien préféré, et sur la cause de la délectation, qui est un plus grand bien,
donc plus délectable.
La deuxième raison se fonde sur le pouvoir de celui qui procure la
délectation, parce que la puissance intellective est plus forte que la
sensitive.
La troisième raison se fonde sur le mode des
délectations (Ps 18, 11).
Désir.
Il y a deux sortes de désir. L'un qui est seulement
dans le coeur, l'autre qui s'exprime par la bouche (Ps 20, 3).
La qualité du désir consiste en deux choses: en
l'unité et en la sollicitude; et l'un et l'autre relèvent de la perfection du
désir (Ps 26, 4).
La perfection du désir dépend de la perfection de sa
cause, c'est-à-dire de l'amour qui, lorsqu'il est parfait, rassemble toutes les
forces dans l'unité et les meut vers l'objet aimé (Ps 26, 4).
Nous devons fixer notre désir dans la Patrie céleste
et nous acheminer avec ardeur vers elle (Ps 42, 4).
Détraction.
Il y a une triple détraction: la première de
celles-ci, c'est lorsqu'un homme dénigre son prochain à propos de son péché. La
deuxième est plus mauvaise, c'est lorsqu'il dénigre faussement. La pire, c'est
lorsqu'il dénigre non pas le prochain en tant que tel, mais sa vertu (Ps 37,
21).
Dévotion.
La dévotion est la cause qui suscite l'écoute de Dieu.
Elle est le cri du coeur qui incite Dieu à écouter (Ps 26, 7).
La dévotion de celui qui prie consiste en deux choses:
dans les dispositions du coeur et dans les oeuvres extérieures (Ps 27, 2).
Diable, démon.
Le diable est un boulanger rôtisseur qui fournit de
mauvaises pensées, comme le boulanger s'occupe de son bois à brûler (Ps 20, 10).
Le glaive du diable tue des multitudes par la langue de
l'homme (Ps 36, 14).
Le diable "est le roi de tous les fils de
l'orgueil" (Ps 41, 7).
Le démon tente pour faire pécher (Ps 34, 6).
Lorsque nous commençons à prier, le diable nous tente
(Ps 37, 23).
Le diable est persécuteur de l'Église (Ps 51, 2).
L'homme est aidé dans sa lutte contre le diable par trois remèdes: la joie
spirituelle, la prière fervente, les bonnes oeuvres (Ps 12, 6).
Celui qui a l'Écriture sainte et la loi de Dieu dans
son coeur n'est pas trompé par le diable (Ps 36, 31).
Dieu.
Personne ne peut dire que Dieu n'est pas, parce que sa
connaissance est donnée naturellement à tous (Ps 13, 1).
Dieu se dit de trois manières. Par nature: et ce
dernier est seulement un seul Dieu. Semblablement par participation, et [ces
dieux] sont nombreux. De même par dénomination et renommée, comme les idoles et
les astres, par exemple Vénus et Saturne (Ps 49, 1).
Le propre de Dieu, c'est qu'il est d'une bonté
infinie, et que rien ne peut lui être ajouté, car il est le bien substantiel
étendant sa bonté à toutes choses (Ps 15, 2).
Il est l'être de la bonté (Ps 24, 7; Ps 50, 3).
En Dieu on considère la bonté, c'est-à-dire la
communication des biens dans les créatures, car le bien est diffusif de soi (Ps
24, 7).
La bonté de Dieu est telle qu'elle corrige
ceux qui s'égarent (Ps 24, 8b).
La bonté substantielle de Dieu est appelée douceur
divine (Ps 30, 20).
La connaissance expérimentale de la bonté divine est
appelée gustation (Ps 33, 9).
La puissance divine se manifeste surtout dans les
réalités matérielles, parce que les réalités spirituelles nous sont moins
connues; et principalement dans celles que les hommes regardent avec étonnement;
et ce sont les ébranlements des éléments du monde, c'est-à-dire de la terre, de
l'air, de l'eau et du feu (Ps 17, 8).
Par la main de Dieu on entend la puissance d'agir de
Dieu, et cette main est une droite avec laquelle il exalte les bons dans les
biens spirituels. Elle est appelée gauche, parce qu'elle punit les méchants, ou
dispense des biens temporels (Ps 20, 9).
La main de Dieu est appelée sa puissance d'agir. Et
Dieu a deux mains: la droite avec laquelle il rémunère les bons, et la gauche
avec laquelle il punit les mauvais. Dans l'une et l'autre main est la justice;
mais dans sa gauche la justice n'est pas pleine, parce qu'elle punit en deçà du
mérite; tandis que dans sa droite la justice est pleine, parce qu'elle rémunère
abondamment (Ps 47, 11).
Dieu possède toutes choses par sa seigneurie, mais
seuls les justes lui sont soumis par la volonté: d'où il les a choisis pour son
héritage, c'est-à-dire pour avoir une justice éternelle (Ps 32, 12).
La miséricorde divine désigne une profusion
particulière de sa bonté pour écarter le malheur (Ps 24, 7).
Dieu donne la paix afin que les hommes vaquent à la
contemplation de la vérité (Ps 45, 11).
L'amour divin fait tendre l'homme tout entier vers
Dieu sans vaciller (Ps 26, 4).
L'amour divin n'a de cesse d'être sans fruit;
il meut lui-même pour opérer, etc. (Ps 32, 6).
Dieu aime la vérité de la foi et la justice
(Ps 50, 8a).
On appelle douceur de Dieu son dessein suivant lequel "il
veut que tous les hommes soient sauvés" (Ps 30, 20).
Dieu est lumière (Ps 33, 6).
La vérité de Dieu consiste en ce qu'il donne ce qu'il
promet, car il n'a pas d'autre dette envers nous que sa promesse (Ps 39, 11).
Aux autres on souhaite la bénédiction, tandis que Dieu
lui-même est la bénédiction (Ps 17, 47).
Dieu est un torrent de délices (Ps 35, 9).
La réfection des saints et de Dieu est la même, mais
les saints sont refaits par l'amour de Dieu lui-même, tandis que Dieu se refait
dans sa propre jouissance (Ps 49, 13).
Dieu connaît les réalités matérielles de manière
immatérielle (Ps 13, 2).
La connaissance de Dieu est supérieure à celle
des anges et elle leur est insaisissable (Ps 17, 11b).
Dieu est parfaitement connu par lui-même, cependant
par rapport à nous l'essence de Dieu ne nous est pas connue, mais elle se fait
connaître par ses effets (Ps 52, 1).
Dieu connaît l'oeuvre extérieure de l'homme, son
intention et sa délectation. Ces deux dernières choses sont cachées pour nous,
mais manifestes pour Dieu (Ps 7, 10).
Personne ne peut être soustrait à la
connaissance divine, car le Seigneur voit la disposition du pauvre et de
l'impie, du pécheur et du juste (Ps 10, 5b).
La volonté même de Dieu est bonne comme un bouclier qui
protège contre tous les maux, qui nous défend ici-bas, et qui nous couronne
dans la Patrie (Ps 5, 13).
En vertu de sa volonté antécédente Dieu veut que tous
les hommes soient sauvés (Ps 13, 2).
Dieu veut trouver en nous ce qui a trait au salut,
c'est-à-dire que nous le connaissions par l'intelligence, que nous l'aimions
par l'affection, et que nous le désirions (Ps 13, 2).
L'oreille de Dieu est sa volonté d'exaucer (Ps 30, 3).
Le temple de Dieu est l'excellence même de sa
sainteté, car le Seigneur est son temple (Ps 17, 7).
Dieu habite dans un sanctuaire et spécialement dans le
Christ (Ps 21, 4).
Dieu n'est pas loin de nous, ni en dehors de nous,
mais en nous (Ps 33, 9). "Dieu est au milieu de la cité",
c'est-à-dire de l'Église. Ou bien "au milieu", parce qu'on dit que le
coeur est au milieu de l'homme. Donc puisque Dieu habite dans nos coeurs, il
est dit être au milieu (Ps 45, 6).
Dieu est l'auteur et le donateur du salut, de la grâce
dans le présent et de la gloire dans le futur (Ps 17, 47).
Dieu est l'auteur des deux Alliances (Ps 21, 6).
L'oeuvre de Dieu est quadruple: la création, le
gouvernement, la rédemption et la glorification (Prologue, p. 33).
Il y a un double regard de Dieu. Le premier est un
regard de miséricorde sur les justes en vue de leur salut. L'autre se porte sur
les méchants pour les punir (Ps 34, 17).
Le regard de Dieu est notre secours (Ps 39, 14).
La discrétion de Dieu interroge, c'est-à-dire
éprouve et examine (Ps 10, 5b).
Lorsque Dieu examine, il fait trois choses. Il
éprouve, il visite, et il examine (Ps 16, 3).
La parole de Dieu est un glaive, en tant qu'elle a
blessé les Juifs, lesquels se sont convertis au Christ qui était proche; elle
est aussi une flèche en tant qu'elle parvint aux nations éloignées (Ps 44, 6).
Dieu parle et écrit: il parle, lorsqu'il répand sa
sagesse dans les âmes raisonnables. Il écrit, parce qu'il imprime les jugements
de sa sagesse dans les créatures raisonnables (Ps 44, 2).
Dieu recherche la vérité: la vérité de la justice et
la vérité de la doctrine (Ps 30, 24).
Si l'homme se comporte en homme, Dieu le
traite comme un homme avec des avertissements et des enseignements; mais quand
il s'éloigne de sa dignité d'homme, il le traite comme un animal sans raison
qui est réprimé par des corrections et par la violence (Ps 31, 9b).
Tout ce que Dieu fait en nous est dû ou bien à sa
justice, ou bien à sa miséricorde, ou bien à sa vérité (Ps 35, 6).
La voie de Dieu, par laquelle Dieu va vers l'âme, est
sans souillure. Et c'est la charité. Ou bien la voie de Dieu, c'est le Christ
lui-même, qui n'a pas commis de péché (Ps 17, 31).
Deux choses sont nécessaires pour que l'homme soit
aidé par Dieu: d'abord, que son coeur tende totalement vers Dieu. Ensuite,
qu'il soit contempteur des choses mondaines (Ps 24, 16).
Le secours de Dieu est double: celui de la
miséricorde, et celui de la justice (Ps 7, 11).
Dieu vient à notre secours de deux manières: par sa
miséricorde, en tant qu'il nous protège des bienfaits qu'il n'a même pas promis;
et par sa vérité afin que nous ayons confiance (Ps 39, 12).
Dieu dirige les pas de l'homme dans la voie de la
vérité à connaître afin qu'il ne tombe pas dans l'erreur, et il le dirige aussi
dans la voie de la justice afin qu'il se détourne du mal et fasse le bien (Ps
36, 23).
Parfois Dieu guérit la plaie due à la blessure du
péché par la satisfaction et l'exercice des bonnes oeuvres (Ps 37, 6).
Dieu humilie les saints de deux manières: par une
humiliation mettant à l'épreuve leur venu et par une humiliation de contrainte
(Ps 43, 20).
La force de Dieu résiste à ses adversaires,
car elle combat afin de vaincre les maux temporels et spirituels (Ps 17, 3c).
Dieu est à la fois juge et témoin: en tant que juge,
il rend un jugement; en tant que témoin, il défend les causes (Ps 9, 5).
Les qualités du
jugement de Dieu.
Il y en a six: le jugement de Dieu n'est pas
momentané, mais éternel;il est toujours prompt; il est universel; il est juste;
il est plein de miséricorde; il se fonde sur le temps (Ps 9, 8-10).
Ses délais se prolongent en ce monde (Ps 2, 12).
Dieu retarde parfois un châtiment afin que les
prédestinés se convertissent, que les méchants manifestent davantage leur
malice, et que ses jugements apparaissent justes (Ps 7, 9).
Parfois Dieu permet que certains pèchent, parce qu'il
a en vue un bien qui va en découler (Ps 9, 36).
Dieu permet la persécution des bons en vue de la
purification de leur désir charnel (Ps 26, 2).
Dieu, quand il ne punit pas les péchés, semble dormir
comme s'il ne gardait pas la vigilance de la prudence (Ps 7, 7).
On dit de Dieu qu'il dort, lorsque l'homme se trouve
dans les tribulations et n'éprouve point le secours divin (Ps 34, 2).
Les blessures de Dieu sont les châtiments corporels
extérieurs et intérieurs. Extérieurs, ce sont les châtiments et autres
adversités que l'homme endure pour ses péchés. Intérieurs, ce sont les
blessures spirituelles, comme le remords de la conscience (Ps 38, 11).
Dieu ne hait pas ce qu'il a fait, mais bien ce qu'il
n'a pas fait, c'est-à-dire le péché (Ps 5, 7).
Dieu hait le pécheur dans la mesure où il n'arrive pas
à le détourner du péché; en tant qu'il inflige des châtiments à celui qui ne se
réconcilie pas (Ps 5, 7).
Lorsque Dieu détourne sa face, ce n'est pas
seulement de l'aversion ou de la colère dans le châtiment du péché, mais cela
peut aussi être un acte de sa miséricorde ou de sa providence (Ps 26, 9a).
On dit de Dieu qu'il se met en colère, parce qu'il se
comporte à la manière de celui qui est irrité, non en lui-même mais quant à
l'effet (Ps 17, 9).
Il manifeste sa colère par l'intermédiaire des causes
secondes (Ps 17, 9).
Elle se manifeste sur la terre comme un tremblement de
terre (Ps 17, 16).
La colère de Dieu est comprise comme effet de la
colère, c'est-à-dire au sens de châtiment (Ps 29, 6; Ps 37, 2).
Dieu punit quelquefois les pécheurs par les bons anges
(Ps 34, 5).
Discrétion.
La discrétion modère la sagesse humaine (Ps
10, 5b).
Doctrine.
On distingue une double doctrine: celle des prophètes,
et elle est obscure, car elle porte un voile. Celle du Nouveau Testament qui
est claire, plénière et unique (Ps 17, 16).
Parfois, la doctrine est empêchée lorsqu'elle ne peut
être apprise à cause du temps, parfois en raison de la variété des langues,
parfois à cause de la diversité des lieux et à leur éloignement (Ps 18, 3-5).
La doctrine spirituelle comprend deux effets. Le
premier est intérieur, il consiste en la conversion de l'âme à Dieu,
lorsqu'elle se retranche totalement des choses du monde. L'autre effet est
extérieur, il consiste en l'accomplissement d'oeuvres extérieures (Ps 22, 3).
Le fruit de la doctrine divine est non seulement la
spéculation de la vérité en vue de la contemplation bienheureuse, mais aussi la
considération de sa fin qui est la conversion des pécheurs (Ps 50, 15).
Doctrine divine et
humaine.
Leur différence: la doctrine divine possède la vérité,
tandis que la doctrine humaine est fausse (Ps 18, 8).
Dulie.
Voir: Culte.
Écriture sainte.
Dans l'Écriture sainte, on trouve le mode narratif, d'admonestation,
d'exhortation, de commandement, de discussion, de dépréciation ou de louange
(Prologue).
L'arc symbolise la Sainte Écriture (Ps 7, 14).
Les choses qui sont exprimées en image dans
l'Écriture sont des signes de la vérité spirituelle (Ps 17, 11b).
Voir aussi: Doctrine.
Eau.
"Des grandes eaux", c'est-à-dire du baptême,
ou de la multitude des péchés (Ps 17, 1).
"L'eau du repos", c'est l'eau du baptême. Ou
bien il s'agit de l'eau de la sagesse, la doctrine sacrée (Ps 22, 2).
"Voix du Seigneur sur les eaux." Les hommes
sont comparés aux eaux qui s'écoulent et ne reviennent point. Ou bien ce sont
les eaux du baptême (Ps 28, 5).
"Le Seigneur fait habiter le déluge." Le
Seigneur fait habiter le déluge, c'est-à-dire les eaux baptismales, que
lui-même habite par l'effet de sa grâce (Ps 28, 10).
"Les sources des eaux." L'eau des grâces émane de la source
qui est Dieu le Père.
Elle émane aussi du Fils, en tant qu'il est également
Dieu. Et pareillement de l'Esprit-Saint (Ps 41, 2).
Voir aussi: Baptême, Péché.
Église.
La constitution de l'Église est préfigurée dans le
psaume 2.
Car dès son origine les rois de la terre prescrivirent des lois contre le
Christ et les chrétiens, mais par la suite ils édictèrent des lois en faveur du
Christ (Ps 2, 11).
L'Église fut formée du côté du Christ mort sur la
croix (Ps 3, 6).
L'Église devait être édifiée par la Passion du Christ
(Ps 27, 2).
Au sens spirituel, pressoir signifie l'Église (Ps 8,
1).
Au sens spirituel, la lune c'est l'Église (Ps 8, 4; Ps
10, 3).
Par la tente ou le tabernacle est signifiée l'Église
militante (Ps 14, 1; Ps 18, 6).
Le temple de Dieu c'est l'Église (Ps 17, 7).
La terre, c'est l'Église qui est une bonne terre
produisant du fruit en abondance (Ps 23, 1).
Le globe signifie l'Église et tous ceux qui l'habitent
(Ps 23, 1).
Au sens mystique, par tabernacle ou tente est
signifiée la Sainte Église (Ps 28, 1; Ps 29, 1; Ps 41, 5a).
Si l'on recourt à cette tente ou à ce tabernacle, et
aux mystères de sa foi, on y trouve une défense sûre contre le blasphème, les
fausses doctrines, "contre la contradiction des langues" (Ps 30, 21).
L'Église est une cité fortifiée (Ps 30, 22).
L'Église est comparée à une outre à cause de son unité
(Ps 32, 7).
Le royaume de Dieu est l'Église (Ps 33, 1).
La maison de Dieu c'est l'Église (Ps 35, 9).
La grande assemblée, c'est l'Église catholique, qui
est grande par son pouvoir, sa fermeté et sa diffusion (Ps 39, 10).
Les os de l'Église ce sont les forts, par exemple les
dignitaires ou les hommes parfaits (Ps 41, 11).
La montagne et le tabernacle désignent l'Église
présente ou bien l'Église céleste (Ps 42, 3).
L'Église est appelée porte du ciel (Ps 42, 3).
L'Église est l'épouse du Christ, dont la
dignité est d'être reine, dont la gloire est la prérogative qu'elle a de se
tenir à sa droite, dont la parure est d'or (Ps 44, 10b).
La cité de Dieu est l'Église (Ps 45, 5).
Par le firmament est désignée l'Église (Ps 47, 1).
Par la robe du Christ qui n'est pas déchirée est
signifiée l'unité de l'Église que quiconque croit détenir; mais il n'en existe
pas à l'exception d'une seule, car unique est l'unité de l'Église (Ps 21, 19).
L'Église "est fondée au-dessus des mers",
c'est-à-dire au-dessus des tribulations, et "au-dessus des fleuves",
c'est-à-dire des persécutions auxquelles elle est préparée en vue des couronnes
des martyrs. Ou bien "au-dessus des mers", c'est-à-dire au-dessus des
amertumes (Ps 23, 2).
L'Église est fondée sur le Christ (Ps 47, 2).
L'Église a été établie pour dispenser les bienfaits de
la grâce (Ps 47, 2).
L'Église du Christ ne peut en aucune manière être
abattue, même après sa résurrection (Ps 3, 7).
La clarté de la lune vient du soleil, la clarté de
l'Église vient du Christ (Ps 10, 3).
L'Église devient obscure dans l'engouement pour la
nouveauté, lorsque les prédicateurs et les docteurs ne sont pas en elle; elle
devient sanguinolente à cause de la persécution des tyrans, noire à cause des
nuages, c'est-à-dire à cause de la séduction des hérétiques (Ps 10, 3).
L'homme se sépare de l'Église par le péché, par
l'excommunication, et par le schisme ou par l'hérésie (Ps 26, 4).
Par les vêtements du Christ sont signifiés les sacrements
de l'Église (Ps 21, 19).
L'Église est revêtue d'un double vêtement: le
premier est la doctrine des deux Testaments, l'autre vêtement est l'acte
vertueux (Ps 44, 10b).
Il y a trois choses dans l'Église qui relèvent de son
organisation: on y trouve une multitude de citoyens de condition libre; tout ce
qui est nécessaire à la vie; et enfin l'unité (Ps 45, 5).
Dans l'Église il y a beaucoup de lampes ardentes, comme les fidèles et
les saints.
Il y a aussi beaucoup de gens obscurs, comme les
infidèles et les pécheurs (Ps 17, 29).
Dans l'Église les intimes sont les hommes parfaits qui
louent Dieu spécialement dans leur coeur (Ps 21, 23).
Les proches de l'Église sont ceux qui ne sont pas
encore convertis, mais qui ont le propos de se convertir (Ps 30, 12).
Dans l'Église il y a des pécheurs et des gens de
mauvaise vie, si bien qu'en raison d'eux l'Église est tenue pour méprisable
auprès de ceux qui devraient s'en approcher (Ps 30, 12).
Celui qui habite dans l'Église jusqu'à la fin habite
en elle pour toujours (Ps 26, 4). La maison appartient à ceux qui se reposent;
ainsi l'Église attend-elle le repos de la Patrie (Ps 29, 1).
L'Église dit le verset: "Sois attentif à me
secourir" au début de toutes les heures, parce qu'il a un pouvoir contre
les tentations (Ps 37, 23).
Éloignement.
De Dieu: par
le fait qu'on se détourne de Dieu, on devient inutile (Ps 13, 3).
Enfer.
L'enfer est l'obstination de l'esprit dans le péché,
et sa cause est l'oubli de Dieu (Ps 9, 18).
Envie.
L'envie est une tristesse éprouvée à propos de la
prospérité des bons (Ps 36, 1).
Espérance.
Objet de.
L'objet de l'espérance est un bien ardu,
futur, possible à acquérir (Ps 17, 3b).
Différence entre
espérance et amour.
L'amour est une vertu unitive. Nous aimons
quelque chose dans la mesure où nous la considérons comme nôtre. L'espérance
introduit une défense par rapport à ce qui vient de l'extérieur (Ps 17, 3b).
Raisons d'espérer
dans le Seigneur.
Il y a trois raisons qui doivent susciter l'espérance
dans le Seigneur: d'abord la providence divine; ensuite la miséricorde; enfin
la puissance (Ps 20, 8).
Droiture de.
L'espérance ne peut être droite dans l'homme,
mais en Dieu (Ps 30, 2a).
Effet de.
L'effet de l'espérance est la joie spirituelle
(Ps 30, 7b).
Esprit-Saint.
L'Esprit-Saint est un feu qui brûle tout ce qu'il y a
de charnel dans les jouissances, et de vain dans la pensée (Ps 25, 2), et qui
dissout la dureté des coeurs (Ps 45, 10).
L'Esprit-Saint est répandu partout, et demande d'être
reçu par tous les hommes, à moins qu'on ne s'en cache par malice (Ps 18, 7).
L'Esprit-Saint est un scribe qui écrit rapidement dans
le coeur de l'homme (Ps 44, 2).
L'Esprit-Saint est appelé huile (Ps 44, 8).
Il est l'amour de Dieu (Ps 44, 8).
L'Esprit-Saint est cause de la joie (Ps 44, 8).
L'Esprit-Saint est du Père et du Fils (Ps 45, 5).
L'Esprit-Saint est un "vent véhément" (Ps 47,
8).
L'Esprit-Saint réchauffe (Ps 18, 7) et nourrit la
chaleur de l'amour en nous (Ps 44, 8).
L'acte de fondre le coeur est aussi l'oeuvre du
Saint-Esprit (Ps 21, 15).
L'amour de l'Esprit-Saint fait irruption dans l'âme à
la manière d'un torrent (Ps 35, 9).
Il envahit soudainement le coeur de sa grâce (Ps 45,
5).
L'Esprit-Saint se communique comme l'huile qui se
répand (Ps 44, 8).
L'Esprit-Saint éclaire comme l'huile (Ps 44, 8).
L'Esprit-Saint meut le coeur par un élan d'amour (Ps
45, 5).
L'Esprit-Saint meut le coeur en vue d'agir (Ps 45, 5).
L'Esprit-Saint fait aimer Dieu (Ps 45, 5).
L'Esprit-Saint aide l'Église par son illumination
spirituelle (Ps 45, 6).
L'Esprit-Saint habita la Vierge bienheureuse, réjouit
et sanctifia le Christ dans le sein de sa mère, après que son corps fut formé
et son âme créée (Ps 45, 6).
L'Esprit-Saint confirme de deux manières: en
affermissant contre les maux et en confirmant dans le bien (Ps 50, 14).
L'Esprit-Saint accomplit trois choses dans l'homme.
D'abord la rectitude de l'intention. De même il les sanctifie. Semblablement il
les ennoblit et fait d'eux des princes (Ps 50, 14).
Dons.
Le contenu du psaume 28 se rapporte aux dons du
Saint-Esprit. Voir en particulier le commentaire des versets 5 à 9.
Sceau.
Nous sommes marqués du sceau de l'Esprit (Ps
4, 7a).
État de grâce.
L'état de grâce est un commencement de gloire (Ps 30,
20).
Exultation.
L'exultation est la joie qui se répand
au-dehors par des signes extérieurs. Elle exprime la grandeur de la joie (Ps
30, 8a).
Voir aussi: Homme (Exultation).
Famine.
"Dans les jours de famine." Au sens littéral
il s'agit de la famine temporelle que Dieu prévoit parfois pour éprouver. Au
sens spirituel il s'agit de la famine de la parole de Dieu ou encore de la
famine qui aura lieu dans la vie future, là où les injustes auront faim (Ps 36,
19).
Fils de Dieu.
Le Fils est la main du Père (Ps 16, 14).
Il y a deux avènements du Fils de Dieu. Le premier fut
caché quant à sa divinité et à sa gloire qui étaient cachées sous la faiblesse
de la chair. Le second avènement sera manifeste (Ps 9, 1).
On dit du Fils de Dieu qu'il s'humilie et
incline les cieux, car il a voulu venir à nous dans l'humilité (Ps 17, 11b).
Voir aussi: Christ.
Foi.
L'acte de foi consiste à confesser Dieu, soit en
croyant dans le coeur, ou bien extérieurement en le louant, en témoignant par
des faits (Ps 15, 2).
Force.
La force a pour objet d'affermir l'âme, de crainte
qu'elle ne s'éloigne du bien à cause de difficultés imminentes (Ps 17, 2).
Gloire.
On distingue deux sortes de gloire chez l'homme: la
gloire naturelle et spirituelle (Ps 7, 6).
Deux choses sont requises pour celui qui veut
parvenir à la gloire qui est promise: la première c'est l'humilité, la seconde
c'est la prière par laquelle on parvient à Dieu (Ps 36, 6-7a).
Grâce.
La grâce protège intérieurement sans supprimer les
faiblesses extérieurement (Ps 32, 7).
La grâce de l'Esprit-Saint [...] découle de la
surabondance du Christ (Ps 44, 8).
La grâce de l'Esprit réjouit l'Église en descendant en
elle (Ps 45, 5).
La grâce qui rend agréable à Dieu est appelée gratum faciens (Ps
50, 13).
La grâce produit deux effets dans l'homme: l'un a
trait aux réalités supérieures, parce qu'il donne la joie. L'autre effet a
trait aux réalités inférieures. Et cet effet est la confirmation dans la grâce
qui s'opère par le Saint-Esprit (Ps 50, 14).
Graisse.
La graisse dans l'Écriture est parfois comprise dans
le sens du bien, parfois dans le sens du mal. Dans le sens du bien, en tant
qu'elle exprime la ferveur de l'âme. Dans le sens du mal: d'abord en tant
qu'elle signifie la méchanceté du coeur. Puis celle de la bouche. Enfin celle
de l'action (Ps 16, 10).
Il y a dans l'homme deux sortes de graisse au sens
spirituel. L'une, mauvaise, est due aux jouissances corporelles; l'autre, la
bonne, est la graisse de la dévotion (Ps 38, 12).
Haine.
Il y a deux sortes de haine. La première haine est
bonne, c'est lorsqu'on hait le péché ou le pécheur à cause de la faute.
Semblablement il y a une haine inique, c'est lorsqu'on hait la nature ou la
justice (Ps 24, 19).
Héritage.
Sens du mot.
Pour les mondains, il s'agit des possessions matérielles ainsi que de
leurs jouissances. Pour les spirituels, il s'agit de la possession de Dieu.
Ou bien pour le Christ, l'héritage ce sont les fidèles, et de cet
héritage Dieu est la part.
Ou bien le mot héritage signifie la clarté du corps
que l'homme a perdue en péchant (Ps 15, 5).
Homme.
L'homme a été créé pour jouir de Dieu (Ps 13, 3).
L'homme a été fait pour voir Dieu par la foi
et par l'espérance, à présent par la foi dans la lumière, c'est-à-dire la
vérité créée ou incréée; dans la Patrie face à face (Ps 35, lob).
L'homme a été créé de telle sorte que s'il
n'avait jamais péché, il ne serait pas mort, et ainsi ses jours n'auraient pas
été mesurables (Ps 38, 6a).
On distingue dans l'homme quatre choses: la raison,
les puissances sensitives, les facultés naturelles et le corps (Ps 17, 9).
Il y a principalement deux choses dans l'homme: la
volonté et l'intelligence. La volonté de l'homme doit être soumise à la volonté
divine, et l'intelligence doit être dirigée selon la loi de Dieu (Ps 39, 9).
L'homme a une double demeure: extérieure, et cette
dernière ne subsiste pas toujours; et intérieure, à savoir la conscience, et
celle-ci subsiste, soit bonne, soit mauvaise (Ps 48, 12).
Il y a deux sortes de force dans l'homme. La première
est la force corporelle, et elle est faite d'os et de nerfs. La seconde est la
force de l'âme qui se trouve dans le coeur (Ps 21, 15).
Il y a deux genres d'hommes. Certains mettent leur
espérance dans le pouvoir séculier. D'autres mettent leur espérance en Dieu (Ps
19, 8).
L'homme est corruptible, mais pour peu de temps (Ps 8,
6).
Une fois dans la Patrie, l'homme connaîtra toutes
choses sans avoir recours au raisonnement, et il sera corporellement
incorruptible (Ps 8, 6).
L'honneur de l'homme consiste en ce que son âme ne
périt pas non plus avec son corps (Ps 8, 6).
La beauté de l'homme en cette vie n'est qu'une
prospérité temporelle, c'est pourquoi elle est comparée à la fleur. Et cette
beauté, de par sa nature propre, n'a pas la capacité de la mesure. Mais d'où
tient-elle sa force, sa stabilité et sa constance ? Assurément, "de la
volonté de Dieu" (Ps 29, 8).
La beauté spirituelle de l'homme, de par sa nature
propre, n'est pas forte elle non plus, car l'homme possède cette beauté "dans
un vase d'argile", et il a besoin "d'être revêtu de la force d'en
haut et de l'éclat de la puissance par la volonté divine" (Ps 29, 8).
L'homme adhère à Dieu de deux manières: en le
contemplant et en le connaissant par l'intelligence, et en l'aimant par
l'affection (Ps 32, 12).
On parvient à Dieu par les souffrances de l'âme et par
la connaissance (Ps 42, 3).
L'homme doit avoir deux dispositions à l'égard de Dieu:
que son intelligence se fixe intérieurement dans la connaissance de Dieu et que
son affection tende vers Dieu comme vers sa fin (Ps 52, 3).
Plus l'homme s'approche de Dieu, plus il
s'aperçoit qu'il est petit (Ps 30, 23a).
L'image de Dieu se découvre chez l'homme par le
raisonnement (Ps 8, 6).
Tout homme aime le beau: les charnels aiment le beau
charnel, les spirituels aiment le beau spirituel, et c'est la beauté de la
maison de Dieu (Ps 25, 8).
Tout homme passe comme une image, car ou bien il
représente en lui par ses oeuvres l'image de l'homme céleste, ou bien par ses
oeuvres mauvaises l'image du terrestre (Ps 38, 7).
Deux choses préservent l'homme du mal: la crainte de
Dieu et l'amour de la vérité (Ps 11, 2).
L'homme doit se garder avec un soin attentif de tout
péché, et principalement du péché de la langue, car il se laisse entraîner
facilement à ces péchés (Ps 38, 2).
Les hommes se comportent de trois manières dans les
tribulations. Il y a ceux qui maudissent ceux qui les persécutent; d'autres qui
les bénissent; d'autres qui ont un comportement intermédiaire, et ce sont ceux
qui parviennent au moins à se taire (Ps 38, 4).
L'homme a recours à Dieu dans l'adversité, comme à
l'égard d'un défenseur; dans la prospérité il invoque Dieu avec joie (Ps 43, 2).
L'homme saint a trois choses en Dieu: son refuge, sa
gloire, le secours lui-même (Ps 43, 10).
L'homme doit exulter pour deux raisons: pour les biens
de la grâce reçus, et pour les biens de la gloire attendus (Ps 32, 3).
L'homme doit être miséricordieux à la manière de Dieu,
qui n'attend pas qu'on lui demande toujours (Ps 40, 2).
L'homme doit persister dans ce qui regarde la foi, et
dans la droite opération (Ps 43, 18).
Nous sommes d'abord oints de l'onction sacerdotale en
préfiguration du royaume futur: car nous sommes rois et libres. Et parce que
nous souffrons encore de nos ennemis, nous serons ensuite oints d'une double
gloire actuelle: avec la parure de gloire de l'âme et du corps (Ps 26, 1).
L'homme a été établi par Dieu comme roi des créatures
inférieures (Ps 8, 6).
L'homme est gloire, c'est-à-dire clarté de l'image
divine (Ps 8, 6).
La jeunesse de l'homme est comparée à une fleur: car
de même qu'une fleur annonce du fruit, ainsi la jeunesse de l'homme la vie
future (Ps 27, 7).
Les hommes sont appelés anges parce qu'ils ont une
petite ressemblance avec eux (Ps 8, 6).
Il y a en nous une double ignorance par
rapport à la connaissance de Dieu. Ou bien nous ignorons quelque chose à cause
de notre faiblesse, ou bien à cause de notre limite. Par faiblesse, nous
ignorons un événement qui doit arriver parce qu'il n'a pas encore de vérité
déterminée. Par notre limite nous ignorons les réalités divines qui dépassent
notre capacité (Ps 50, 8b).
Une chose peut être ignorée en nous de deux manières.
D'abord en soi, puis en nous. En soi, sont ignorées de nous les choses qui
portent d'abord sur l'être, comme la contingence, la matière première, le
mouvement et le temps. Puis, sont ignorées en nous les choses qui surpassent
notre connaissance (Ps 52, 1).
Honte.
Il y a deux sortes de sentiment de honte: le premier
est en fonction de la vérité: et c'est le sentiment de honte dû au péché.
L'autre sentiment de honte est relatif à la réputation, à savoir les abjections
et les opprobres que l'on subit extérieurement (Ps 43, 16).
On rougit de honte pour trois raisons. Ou bien
lorsqu'on est opprimé par un ennemi, ou bien lorsqu'on est déçu dans son
espérance, ou encore lorsqu'on repasse en son esprit les péchés que l'on a
commis (Ps 24, 2).
Humilité.
L'humilité fait tenir debout (Ps 35, 13).
L'humilité fait courber le corps, et cet acte doit
durer toute la vie (Ps 37, 7).
Hymne.
Une hymne est une louange divine accompagnée du chant
(Prologue, p. 34).
Imprécation.
Sens du mot dans
les Prophètes.
Toutes les imprécations qu'on lit dans les
Prophètes peuvent se comprendre de trois manières. Ou bien, sous forme
d'annonce, car ils parlaient sous l'esprit de Dieu et prédisaient l'avenir.
Sous forme de prière, autrement dit: "Détourne, etc.", c'est-à-dire
tu détourneras. Ou bien, en conformité avec la justice divine. Enfin, selon une
signification spirituelle. Les pécheurs, lorsqu'ils cessent de pécher, meurent
alors et cessent d'être pécheurs. Et cela doit faire l'objet d'une supplication
incessante (Ps 53, 7).
Incarnation.
Fruits du mystère.
Le mystère de l'Incarnation comprend deux fruits:
d'abord celui de l'abaissement des démons, puis celui de la conversion des
hommes (Ps 7, 7).
Incrédulité.
La diversité de la foi et du culte divin contribue
surtout à l'incrédulité (Ps 54, 15).
Indignation.
L'indignation est une tristesse éprouvée à propos des
biens qui échoient à ceux qui en sont indignes (Ps 36, 1).
Innocence.
Allégation.
L'allégation de l'innocence peut parfois provenir de
l'orgueil, c'est-à-dire lorsque quelqu'un l'attribue à soi, et c'est un mal;
parfois elle vient de la miséricorde divine, et c'est un bien (Ps 25, 2).
Insulte.
Cause et origine.
La cause et l'origine d'une insulte est triple. Elle
émane du coeur, des actes et de la bouche (Ps 34, 19).
Intelligence.
Voir: Raison.
Jalousie.
Il y a jalousie à proprement parler, lorsque quelqu'un
s'afflige du bien d'autrui du fait que lui-même n'est pas en possession de ce
bien (Ps 36, 1).
Joie.
La joie exprime la dilatation intérieure du
coeur (Ps 30, 8a).
Il y aura dans la maison de Dieu trois sortes
de joie. L'exultation résultant des biens acquis; la louange pour les bienfaits
de la grâce; la réfection spirituelle (Ps 41, 5b).
La vision du visage de Dieu, soit en cette vie en
espérance, soit dans la Patrie, constitue la matière principale de la joie (Ps
41, 6).
Il faut savoir que la joie spirituelle comprend trois
degrés. Le premier consiste en la complaisance du sentiment. Le deuxième dans
la dilatation du coeur. Le troisième dans l'expansion vers l'extérieur (Ps 50,
10).
On peut donner trois raisons pour lesquelles la joie est inhérente au
matin.
La première vient de la disposition extérieure: car le matin est le
commencement de la lumière qui réjouit. La deuxième vient de la disposition
intérieure: car le matin est le moment du sang, où l'homme est disposé à joie.
La troisième provient de la nature du sommeil. Car le sommeil est le repos des
animaux; c'est pourquoi la tristesse s'apaise par le sommeil.
Au sens mystique, "au matin", à cause de
l'annonce de la résurrection du Christ, ce fut la joie. Ou bien "au matin",
lorsque la lumière spirituelle brille de nouveau dans l'homme, alors c'est la
joie (Ps 29, 6).
La joie doit aussi être associée à la pénitence (Ps 42,
2).
Jour.
Sens du mot.
"Le jour", c'est-à-dire Gabriel, "profère
la parole au jour", c'est-à-dire à la Vierge Marie la parole du Sauveur
(Ps 18, 3).
"Les jours" peuvent se comprendre de trois
manières. Il s'agit d'abord des jours de la vie présente. D'autres jours sont
les oeuvres vertueuses. D'autres sont les jours de l'éternité et de la justice
(Ps 36, 18).
On peut parler de jour mauvais quand un danger y
survient, et surtout quand menace le danger de la damnation éternelle, et tel
est le jour du jugement (Ps 48, 6).
Juge.
Aptitude.
Deux qualités sont requises pour l'aptitude d'un juge:
qu'il soit sage et juste (Ps 7, 10).
Jugement.
Il y a un double jugement: de discussion ou
d'examen, et de condamnation (Ps 1, 5; Ps 5, 11b).
Il y a un triple jugement: de condamnation, de
purification, de discernement (Ps 34, 1).
Il y a deux sortes de jugement: un jugement de
sévérité, et un jugement de miséricorde ou d'équité; ou bien un jugement de
discussion et de discernement (Ps 42, 1).
Trois choses sont requises dans un jugement:
d'abord que le juge assume sa charge pour juger, puis qu'il considère les
mérites de la cause, enfin qu'il profère une sentence juste (Ps 34, 23-24a).
Dans la discussion d'un jugement trois choses sont
nécessaires. Une première chose est requise de notre côté; une autre du côté de
Dieu; une troisième est la discussion elle-même. De notre côté est requise non
seulement une écoute extérieure matérielle, mais aussi une écoute intérieure.
Du côté de Dieu sont requis la parole et le témoignage (Ps 49, 7-16).
La procédure du jugement est double: la
première met un obstacle aux maux que les ennemis projettent (Ps 5, 11c). La
seconde les chasse de la compagnie des bons (Ps 5, 11d).
Jugement dernier.
Au jugement dernier trois choses auront lieu. Il y
aura d'abord un feu embrasant la surface du monde. Puis la sentence du jugement
au cours de laquelle Dieu reprochera aux impies leurs péchés, et proférera la
sentence de damnation, soit de manière vocale, soit de manière mentale. Enfin
les impies seront enveloppés par le feu (Ps 20, 10).
Au jour du jugement un feu se divisera par la
puissance divine, car il y aura une chaleur extrême sans lumière par un feu
enveloppant les réprouvés; et il y aura un feu resplendissant sans chaleur pour
la gloire des élus (Ps 28, 7).
Justice.
Les deux parties de la justice sont de faire le bien
et d'éviter le mal (Ps 13, 1; Ps 33, 15; Ps 36, 27).
Notre justice vient de Dieu (Ps 34, 24).
Les hommes satisfont à la justice par leur propre
jugement (Ps 1, 5).
Justification.
Deux choses sont nécessaires à la justification:
l'aversion du péché et la conversion à Dieu (Ps 51).
Latrie.
Voir: Culte.
Loi.
La loi humaine régit les choses qui relèvent de cette
vie seulement, tandis que la loi divine ordonne en vue de la vie future (Ps 18,
8).
Dans la loi humaine les choses illicites sont
permises, comme l'usure et la prostitution, car elle ne peut corriger toutes
choses. Telle n'est pas la loi du Seigneur, car elle est "sans tache",
c'est-à-dire excluant tous les maux (Ps 18, 8).
La loi ancienne accomplissait imparfaitement, la loi
nouvelle parfaitement; car la loi ancienne réprime par des peines temporelles,
qui châtient la main, mais la loi nouvelle réprime par des peines éternelles,
qui châtient le coeur (Ps 18, 8).
Trois choses sont contenues dans la loi: les
témoignages, les jugements et les préceptes (Ps 18, 8).
Louange.
La louange est une parole qui met en lumière la
grandeur d'une vertu, ou qui en résulte du moins (Ps 17, 4).
La louange est le sacrifice de Dieu, en tant qu'elle
est le signe de la dévotion intérieure; car la louange signifie que l'homme offre
son esprit à Dieu, et Dieu veut que cela lui soit rendu (Ps 49, 14).
La louange de Dieu doit procéder de la joie du coeur
(Ps 46, 2).
Dieu doit être loué à cause de la hauteur de sa nature
(Ps 46, 2).
Maison.
On distingue deux sortes de maisons spirituelles du
seigneur, et la troisième est matérielle, c'est l'Église, demeure qui apporte
le salut. La maison spirituelle de Dieu, c'est l'Église militante. L'autre
c'est l'Église triomphante (Ps 26, 4).
On habite dans la maison du Seigneur par la foi et la
charité, et par la conformité des bonnes oeuvres (Ps 26, 4).
Voir aussi: Église.
Mal, maux, malice.
Le fait que l'homme ne garde pas Dieu dans son coeur
constitue le principe de la malice (Ps 13, 1).
La malice du coeur est multiple. Parfois il s'agit de
la délectation du péché que les méchants commettent. De même il s'agit de
l'orgueil et de la fausseté. Ou encore de la passion charnelle (Ps 16, 10).
Il y a trois sortes de maux qui correspondent à trois
péchés. Ou bien il y a le péché contre Dieu, ou contre le prochain, ou contre
soi (Ps 25, 4-5).
Se détourner du mal est méritoire à la seule condition
qu'une telle volonté soit informée par la charité, c'est-à-dire que le but de
se détourner du mal soit en vue de Dieu (Ps 33, 15).
Selon Grégoire, les maux qui nous oppriment ici-bas
nous contraignent à marcher vers Dieu (Ps 54, 7).
Deux choses préservent l'homme du mal: la crainte de
Dieu et l'amour de la vérité (Ps 11, 2).
Mansuétude.
La mansuétude est une vertu qui apaise la colère (Ps
24, 9).
Matin.
Sens du mot
Le mot matin s'entend de quatre manières: il signifie
le jour naturel; la vie humaine; le jour de la grâce de la première conversion
de l'homme à Dieu; l'éternité (Ps 5, 5).
Ou bien, par matin, on entend le principe d'une bonne
oeuvre (Ps 45, 6).
Méchants, mauvais, injustes.
Les méchants nient que Dieu est en raison de sa
sublimité (Ps 52, 3).
Il en est qui pervertissent leur instinct naturel, et
ces derniers rejettent la connaissance de Dieu (Ps 8, 3).
Selon Aristote, un homme mauvais est pire qu'une bête
mauvaise, parce qu'avec la malice il possède l'intelligence afin d'inventer
encore des maux divers (Ps 48, 13).
Il est au pouvoir de l'homme injuste de se proposer de
pécher, et cela ne dépend pas du destin lié aux étoiles (Ps 35, 2).
Les méchants se haïssent eux-mêmes en quelque
façon. Ils haïssent ce qui a trait à la nature raisonnable (Ps 10, 6b).
Le méchant trompe le prochain de trois manières: dans
les promesses, et cela par serment, dans les contrats, dans les jugements (Ps
14, 5).
Les méchants se nourrissent de biens extérieurs (Ps 1,
4).
Leur sort
En bien: ce
sort entraîne la honte de leurs péchés, la douleur de leurs péchés, la
conversion à Dieu, la honte (Ps 6, 11).
En mal: le
sort des méchants est comparé à poussière qui est sans consistance, éparpillée,
sèche et aride (Ps 1, 4). Aussi ne ressusciteront-ils pas (Ps 1, 5).
Ils rougiront à cause du dévoilement de leur péché
devant tous, et la reconnaissance de leur péché sera pour eux un objet de
confusion (Ps 6, 11).
Mensonge.
Il y a trois sortes de mensonges: le mensonge
pernicieux qui nuit à quelqu'un, soit spirituellement, soit matériellement; le
mensonge joyeux qui est proféré pour amuser; le mensonge officieux qui est
proféré en vue d'un avantage temporel ou spirituel (Ps 5, 7).
Le mensonge pernicieux est le plus grave. Il est
toujours mortel. Le mensonge officieux peut être quelquefois véniel. Le
mensonge joyeux est toujours véniel (Ps 5, 7).
Miséricorde.
La miséricorde est une tristesse éprouvée à propos du
malheur des bons (Ps 36, 1).
La miséricorde de Dieu a deux sens: c'est l'effet de
la grâce, effet qui est conféré dans les sacrements. Selon une autre
interprétation, la miséricorde est le Christ lui-même, qui nous a été donné par
la miséricorde de Dieu (Ps 47, 10).
On dit de la miséricorde divine qu'elle est grande en
raison de l'incompréhensibilité avec laquelle elle accomplit toutes choses, à
cause de sa sublimité, pour sa constance, pour sa puissance, quant à son effet
(Ps 50, 3).
Au ciel il n'y a aucune misère, et c'est pourquoi la
miséricorde n'est plus nécessaire; tandis que la terre, sur laquelle l'homme
est saturé de multiples misères, a besoin de la plénitude de la miséricorde (Ps
32, 5; Ps 37, 3).
La miséricorde prévenante et la miséricorde
subséquente sont nécessaires: la miséricorde prévenante est nécessaire parce
qu'elle inspire l'âme, et la miséricorde subséquente aide à la réalisation (Ps
22, 6).
La miséricorde se manifeste dans l'homme lorsqu'il
compatit aux malheurs d'autrui. Mais en Dieu ce n'est pas selon ce mode, car
Dieu est impassible et "ne compatit pas". Il y a miséricorde en Dieu
lorsqu'il éloigne l'adversité en toute chose, de telle sorte que les adversités
sont largement assumées à la place de ce défaut (Ps 24, 10).
La miséricorde divine est utile aux justes afin qu'ils
ne se prévalent pas de leur justice (Ps 50, 1-2).
La miséricorde de Dieu apporte la paix aussi bien dans
la prospérité que dans l'adversité (Ps 41, 9).
On peut espérer en la miséricorde divine pour une
double raison: la première raison vient de la considération de la nature
divine, la seconde vient de cette considération et de la multitude de ses
effets (Ps 50, 3).
Dans l'Église tous reçoivent en général la miséricorde: mais les bons
avec les sacrements reçoivent la miséricorde, c'est-à-dire la grâce, et l'effet
du sacrement; tandis que les mauvais reçoivent seulement le sacrement.
Ceux qui ne reçoivent pas la doctrine commune de
l'Église ne reçoivent pas cette miséricorde (Ps 47, 10).
Par la miséricorde l'homme satisfait pour ses péchés
(Ps 40, 2).
La miséricorde abonde toujours avec la tentation (Ps
25, 3).
Monde.
Dans le monde se trouvent Dieu, les anges, les
animaux, les plantes et les éléments (Ps 17, 9).
Ce monde est le lieu des voyageurs, non de ceux qui
habitent en un lieu déterminé, car ils sont dans un mouvement continuel (Ps 18,
6).
Musique.
La musique doit être simple, afin qu'en se consacrant
aux choses divines les hommes soient détournés des choses matérielles (Ps 32,
3).
Harmonies
musicales.
Dans tous les cultes on a pratiqué des harmonies musicales
dans le but d'inciter l'âme humaine à se tourner vers Dieu (Ps 32, 2).
Les hommes se sont habitués à la pratique de cette
harmonie musicale de deux manières: parfois en recourant aux instruments de
musique, mais parfois aux chants (Ps 32, 2).
Le sentiment de l'homme par les instruments et les
harmonies musicaux se dispose à trois choses: il s'établit parfois dans une
rectitude et fermeté d'âme, parfois il est ravi vers la hauteur, parfois il
repose dans la douceur et la joie (Ps 32, 2).
Chants.
Trois genres de chant ont été institués. Le premier
genre comprend le chant dorien, qui correspond au premier et au deuxième ton.
Le deuxième genre comprend le chant phrygien, qui correspond au troisième ton.
Le troisième genre est le chant hippolydien, qui correspond aux cinquième et
sixième tons. Les autres ont été découverts par la suite (Ps 32, 2).
Il y eut deux genres de chant dans l'ascension du
Christ: celui des Apôtres et celui des Anges. Les Apôtres, eux, ont une
connaissance imparfaite des réalités divines; et c'est pourquoi la jubilation
exprimant la joie de l'ascension du christ en gloire leur convient.
Semblablement il y eut les Anges, qui eux eurent une connaissance claire; mais
à ces derniers ne convient pas la jubilation, mais l'annonce manifeste (Ps 46,
6).
Instruments.
Certains instruments donnent le premier ton, comme la
flûte et la trompette; d'autres donnent le deuxième ton, comme l'orgue;
d'autres le troisième, comme le psaltérion et la cithare (Ps 32, 2).
"Je te louerai sur la cithare." Sur la
cithare, à différence du psaltérion, car le psaltérion donne un son aigu et
signifie que nous avons acquis les joies célestes. La cithare donne un son
grave et signifie que nous sommes libérés des maux du monde (Ps 42, 4).
Au sens mystique les dix cordes du psaltérion
signifient la loi de Dieu qui comprend dix préceptes (Ps 2, p. 45).
Le psaltérion donne le son le plus haut, et signifie
la louange qui a trait aux biens célestes (Ps 32, 2).
Nature.
Seule la nature douée de raison est capable de Dieu,
en connaissant et en aimant (Ps 8, 5).
Nombre.
Signification.
Huit: par le nombre huit est signifiée la résurrection
(Ps 6, 1).
Quatre: par le nombre quatre est signifiée la première
vie, parce que c'est le nombre des corps (Ps 6, 1).
Trois: par le nombre trois est signifiée la seconde
vie, laquelle est spirituelle (Ps 6, 1).
Sept: les deux vies achevées, c'est-à-dire la vie
corporelle signifiée par le nombre quatre, et la vie spirituelle signifiée par
le nombre trois, le nombre sept ayant été atteint, vient alors la joie du
jugement et justice est rendue à chacun selon ses mérites (Ps 6, 1).
Nuit.
Le temps de la nuit est le temps propre à la
méditation à cause du repos; et c'est pourquoi dans le repos de la nuit l'homme
médite et découvre une multitude de choses qui lui procurent la science; et
c'est pourquoi c'est le temps consacré à la connaissance (Ps 18, 3).
Oeuvre(s).
Toutes nos oeuvres doivent aboutir à la gloire de Dieu
(Ps 9, 3).
La crainte, la connaissance et l'amour de Dieu, sont
le principe de toute bonne oeuvre (Ps 52, 2).
Il y a deux genres de bonnes oeuvres. Certaines sont
appelées sacrifice lorsque quelqu'un consacre ses biens à Dieu. Mais lorsque
quelqu'un donne tout [...], ne se réservant rien, on appelle cela holocauste
(Ps 19, 4).
On dit d'une oeuvre qu'elle est impure en raison de la
passion charnelle et de la vaine gloire (Ps 17, 25).
Onction.
Voir: Christ, David et Homme.
Orgueil.
Le premier signe distinctif de l'orgueil, c'est
lorsque quelqu'un estime pouvoir vivre par lui-même. Le second signe distinctif
de l'orgueil, c'est lorsque quelqu'un veut se glorifier en quelque chose de
préférence aux autres (Ps 11, 5).
Paix.
La fin de la paix temporelle, selon Aristote, est la
contemplation de la vérité. C'est pourquoi la paix est la fin utile de la vie
active, et la paix est ordonnée à la contemplation (Ps 45, 11).
Pardon.
Celui qui pèche par faiblesse ou par ignorance obtient
facilement le pardon (Ps 17, 23).
Péché.
Le péché est une infirmité spirituelle (Ps 6, 3).
Le péché est le mal souverain (Ps 37, 9).
Les péchés sont les taches de l'âme (Ps 31, 1).
Dans le péché H y a une double difformité ou tache.
L'une vient de la suppression de la grâce dont le pécheur est privé: et
celle-ci est totalement enlevée, et non couverte, parce que la grâce lui est
donnée. L'autre tache est due à un acte peccamineux passé: et celle-ci n'est
pas détruite, non qu'on ne lui attribue pas ce qu'il n'a pas fait, mais parce
que cet acte ne lui est pas imputé comme faute: et cette tache-là est couverte
(Ps 31, 1).
Dans le péché on distingue d'abord l'offense à Dieu,
puis la tache, enfin l'obligation à la peine (Ps 31, 1).
Il y a deux genres de péchés: l'un est un péché de
transgression, et l'autre d'omission. Et ces derniers, c'est-à-dire les péchés
d'omission, sont appelés fautes (Ps 24, 7).
Le péché est double: de transgression, et cela se
discerne plus facilement, car l'homme sait qu'il a commis un acte mauvais.
D'omission, et cela se voit difficilement, parce que ces actes n'obligent pas
sans cesse, mais ils ont lieu en une circonstance déterminée et à un moment
donné (Ps 18, 13).
Le péché naît en nous principalement en vertu de trois
causes: par la corruption de l'irascible, de la raison et du concupiscible (Ps
4, 5).
Le péché qui est dû à l'orgueil est plus
important que celui qui se commet par l'ignorance, ou par la faiblesse: car
l'orgueil est le principe et la cause de tout péché (Ps 18, 14b).
Le péché de l'homme est dû au fait qu'il ne se
maintient pas sous la règle de la loi divine (Ps 35, 13).
Les causes de l'incitation au péché sont la flatterie,
le mépris de Dieu et la présomption (Ps 9, 24-27).
Le premier genre de péché prend son origine en nous,
et c'est principalement le péché originel, et ces péchés viennent de la
corruption du foyer, c'est le cas des péchés charnels. Parfois ils tirent leur
origine d'autrui (Ps 18, 13).
Le péché originel est la racine de toute faute
actuelle. Il est unique dans son essence, mais multiple en puissance (Ps 50, 7).
Il y a divers péchés d'origine, mais tous se réduisent
à un unique péché (Ps 31, 2).
Quelqu'un commet un péché en acte de deux manières:
par une injustice manifeste, et par la fraude (Ps 27, 3).
Le péché commis après la venue du Seigneur est plus
grave que celui qui a été commis avant (Ps 12, 1).
Il n'est pas de plus grand péché que de se
détourner de Dieu, et cela se fait par l'orgueil (Ps 18, 14b).
Les péchés véniels, quels qu'ils soient ou de quelque
manière qu'ils soient commis, ne font pas un péché mortel mais y disposent (Ps
39, 13).
Plus un homme est doué de qualités intellectuelles, et
occupe une haute situation, plus la gravité de son péché augmente en lui (Ps 24,
7).
L'iniquité, la fraude et la cruauté aggravent la faute
(Ps 34, 7).
Lorsqu'il s'agit d'une ignorance simulée, alors le
péché est grave (Ps 35, 4).
Il y a trois choses qui aggravent les péchés: leur
multitude, leur gravité et leur réitération (Ps 37, 5).
Le péché de la bouche est aggravé par trois
circonstances: à cause de la personne contre laquelle s'adresse l'iniquité, à
cause de ce qui est dit, à cause de la racine de ce qui est dit (Ps 30, 1 9b);
ou encore par la fréquence et la tromperie (Ps 49, 19).
Le péché est aggravé par deux choses: par
l'attachement de celui qui le commet et par le mépris de Dieu (Ps 51).
Trois choses contribuent à la croissance du péché: le
mauvais propos, la tentative, et l'effet (Ps 7, 15).
Il y a péché contre l'Esprit-Saint quand on pèche avec
une certaine malice, et cela se réalise quand l'obstacle, c'est-à-dire la
crainte, est écarté (Ps 35, 2).
Le péché de la bouche se commet de trois manières:
parfois en maudissant Dieu ou le prochain, ce qui est proférer un blasphème;
parfois en proférant des injures; parfois en trompant (Ps 9, 28).
Ou bien il se commet de deux manières: soit par une
malice manifeste, et c'est le mensonge; soit par une fraude cachée, et c'est la
ruse (Ps 35, 4).
Le péché du coeur se commet de deux manières: par
mépris du bien, et par zèle pour le mal (Ps 35, 4).
Les deux effets du péché sont la souillure de l'âme et
le désordre de l'affection (Ps 50, 12).
L'effet de l'état peccamineux est la distraction du
coeur (Ps 39, 13).
Tout homme en péchant corrompt sa nature, et c'est
pourquoi après le péché la sensualité résiste davantage à la raison (Ps 41, 7).
Le péché a désordonné le corps, et le corps a désordonné
l'âme (Ps 40, 5).
Par l'esclavage du péché l'homme est amène au
vieillissement, et devient membre du vieil homme (Ps 6, 8).
La douleur du péché est plus grande que toute douleur;
non en vérité d'après le sentiment, mais selon la vérité objective (Ps 37, 18).
Les péchés doivent être purifiés par les larmes, car
les larmes lavent le péché qu'il est honteux d'avouer (Ps 6, 7).
On obtient la rémission des péchés de trois manières:
par les tribulations qui opèrent la rémission des péchés, si on les supporte
avec patience. De même par l'humilité. Semblablement par la peine (Ps 24, 18).
Par la confession proprement dite des péchés, et par
l'absolution en vertu du pouvoir des clés, la peine est remise, et en raison du
sentiment de honte une grâce plus abondante est conférée au pénitent, et il
obtient de nombreux biens (Ps 31, 5).
Il y en a qui ne reconnaissent pas leurs péchés pour
trois raisons. Parce que la raison est obscurcie par la gravité du péché. Parce
que les autres les louent pour leurs péchés. Ou encore, s'ils reconnaissent
leur péché, ils ne le détestent cependant pas (Ps 50, 5).
David a toujours son péché devant lui comme une chose
hostile, nuisible et détestable. Il reconnaît sa faute et médite
continuellement sur celle-ci (Ps 50, 5).
Pécheur.
Les pécheurs sont à proprement parler ceux qui pèchent
par habitude, ou qui ont le propos de pécher en acte et qui le mettent à
exécution (Ps 27, 3).
Les pécheurs méprisent Dieu pour deux raisons.
D'abord, parce qu'ils ne croient pas en Dieu. Puis parce qu'ils croient se
suffire à eux-mêmes (Ps 52, 6).
Les pécheurs sont désordonnés dans leur affection de
deux manières. D'abord par leur mépris de Dieu. Puis par leur amour désordonné
à l'égard des biens temporels (Ps 52, 6).
Les pécheurs ont besoin d'un double remède â cause
d'un double mal qu'ils encourent, c'est-à-dire l'offense à Dieu et l'obligation
à la peine. Et c'est pourquoi ils ont besoin d'apaiser Dieu et d'être absous de
la peine, ce qu'ils ne peuvent faire eux-mêmes (Ps 48, 8).
Les voies du pécheur sont les pensées ou les
volontés (Ps 9, 26a).
L'homme se comporte de trois manières dans le péché.
Parfois il est en état de concupiscence, et son esprit résiste; et alors il
n'atteint pas sa tête. Parfois il consent, mais sous la contrainte de la
passion, et alors bien qu'il parvienne à la tête, il ne la dépasse cependant
pas. Mais lorsqu'"ils se réjouissent d'avoir mal fait, et tressaillent de
joie dans les choses les plus mauvaises", alors les iniquités s'élèvent
au-dessus de leur tête (Ps 37, 5).
La tentative du pécheur aboutit selon son intention à
la ruine du pauvre, mais selon le dessein de Dieu elle aboutira à
l'anéantissement de son pouvoir, et à sa ruine totale (Ps 9, 31).
L'homme qui est en état de péché souffre de trois maux:
de la perversité de son action, de la blessure de la nature et de sa faiblesse,
de la culpabilité due à un châtiment imminent (Ps 6, 1).
Les pécheurs sont morts dans leurs péchés et
n'éprouvent point leurs maux (Ps 34, 14).
Les pécheurs sont inutiles aux autres et
vis-à-vis d'eux-mêmes. Aux autres par la parole et l'action (Ps 13, 3b et c).
Vis-à-vis d'eux-mêmes en perdant le bien qu'ils possèdent et en étant privés du
bien qu'ils espèrent, c'est-à-dire le bonheur (Ps 13, 3d).
Les pécheurs reçoivent en proportion de leurs péchés
(Ps 10, 7).
La mort des pécheurs est très funeste, parce qu'ils
meurent dans leur corps et dans leur âme (Ps 33, 22).
Peine.
Il y a deux sortes de peines. L'une est infligée par
nécessité. L'autre est assumée par la volonté (Ps 24, 17).
Les peines infligées font deux choses: elles affligent
le coeur et contraignent extérieurement le corps (Ps 24, 17).
Pénitence.
Les trois parties de la pénitence, contrition,
confession et satisfaction, sont mentionnées au psaume 37, 18-19.
Père.
Le Père loue le Christ de trois manières: pour son
émanation, sa vertu et son opération (Ps 44, 2).
Peuple.
Le peuple est la multitude des hommes unie par le lien
du droit. On dit des Juifs qu'ils sont un peuple, parce qu'ils ont et sont sous
la loi de Dieu (Ps 2, 1).
Précepte(s).
On appelle précepte ce qui est pour ainsi dire conçu
avec précision, c'est-à-dire en vue de son accomplissement, autrement dit, ce
que nous sommes tenus d'accomplir avec précision (Ps 18, 9).
On distingue les préceptes cérémoniels, lesquels sont
dus à la seule autorité divine; les préceptes moraux qui se fondent sur
l'obligation résultant de toute vertu; les préceptes judiciaires se fondant sur
l'obligation qui lie les hommes entre eux par un contrat (Ps 18, 9).
Prédication.
La prédication doit être ordonnée à deux choses: à
montrer la magnificence de Dieu, comme lorsqu'on prêche la foi, ou bien à
annoncer les bienfaits de Dieu, afin que la charité s'enflamme dans leur coeur
(Ps 47, 14).
Prière.
La prière est un acte de la raison (Ps 21, 3).
La prière est une élévation de l'esprit vers Dieu, ou,
selon Jean Damascène, une élévation de l'intelligence vers Dieu (Prologue, p. 34).
Dans la prière l'homme s'entretient en particulier
avec Dieu (Ps 41, 12).
La prière est l'interprète de l'espérance, et c'est
pourquoi elle suit l'espérance (Ps 32, 22).
La prière est l'unique refuge au milieu des
tribulations (Ps 16, 1; Ps 34, 13).
La prière doit comprendre trois qualités: elle doit
être attentive, droite et fervente (Ps 3, 5).
Il faut s'appliquer sans relâche à la prière
(Ps 21, 12b).
La répétition de la prière excite le désir (Ps 54, 2).
Il faut prier "au temps favorable",
c'est-à-dire celui de la grâce et de la vie présente (Ps 31, 6a).
N'importe quelle affaire doit toujours commencer par
la prière (Ps 36, 5).
On se prépare à la prière de deux manières: ou bien
par l'élévation de son esprit vers Dieu, ou bien par la confiance qu'on a en
Dieu (Ps 24, 1-2).
Tout saint doit prier (Ps 31, 6a).
Il faut prier afin de recevoir la rémission de
nos péchés (Ps 31, 6a).
La prière est inutile si elle ne s'appuie pas sur
l'espérance (Ps 30, 15).
L'homme doit d'abord attribuer son propre bien à Dieu,
ensuite avoir la justice, puis crier, enfin être exaucé (Ps 4, 2).
Il y a trois raisons pour lesquelles une prière est
digne d'être exaucée: la première est la bonté divine; la deuxième les
suffrages des saints; la troisième le mérite personnel (Ps 19, 2).
Lorsque la demande procède d'un très profond désir,
alors elle est acceptée par Dieu, et dans ce cas, ce n'est pas seulement la
bouche qui demande, mais bien plutôt le coeur (Ps 26, 8).
Lorsqu'un homme prie Dieu et n'est pas exaucé, c'est
parce que lui-même n'écoute pas celui qui le commande; mais celui qui obéit à
Dieu et à sa loi, celui-là est alors exaucé (Ps 37, 16).
Parfois Dieu exauce ce qui est demandé, et non point
la demande elle-même, parce que ce qui est demandé, on l'obtient par la grâce
et la miséricorde (Ps 53, 4).
Dieu exauce et approuve la prière de celui qui crie ou
prie avec une intention droite, mais lorsqu'il crie vers Dieu avec une prière
simulée et mensongère, il ne l'exauce pas (Ps 17, 42).
La prière de quelqu'un est méprisée pour deux raisons.
Ou bien lorsqu'il ne demande pas à bon droit, ou bien parce qu'il demande non
avec piété mais avec orgueil (Ps 54, 2).
Les effets de la prière sont le don de la grâce
divine, et en particulier le don d'intelligence, de l'instruction et de la
protection de Dieu (Ps 31, 8).
Par la prière l'intelligence de l'homme monte vers
Dieu (Ps 41, 12).
L'effet de la prière est la confession de la louange
(Ps 42, 4).
Prophétie.
La prophétie traite des choses obscures et
cachées qui sont renfermées dans la sagesse divine (Ps 50, 8b).
Il y a un triple mode de prophétie. Par
l'intermédiaire des choses sensibles. Par des représentations imaginaires. Par
la manifestation de la vérité elle-même. Ce dernier convenant à David
(Prologue, p. 36).
Ou bien la prophétie comprend deux modes. Le
premier révèle la vérité surnaturelle et intelligible sous des similitudes
corporelles et imagées. Le deuxième révèle la vérité surnaturelle et
intelligible sans l'ombre de l'imagination irréelle (Ps 50, 8b).
Providence.
La providence est la prévision des événements qui
doivent se dérouler dans le futur (Ps 15, 7).
La providence est la cause de l'ordonnance de la création
(Ps 23, 2).
Psalmodie.
Psalmodier est une oeuvre manuelle, et par cette
oeuvre est signifiée une bonne action (Ps 9, 3; Ps 17, 50).
Nous devons psalmodier, c'est-à-dire nous réjouir par
le coeur et par la bouche, et par les oeuvres, à cause des bienfaits reçus (Ps
9, 12).
Psaume(s).
On appelle psaume un cantique que David chantait ou
faisait chanter sur le psaltérion (Ps 2, 0).
Le mot psaume vient à proprement parler de psaltérion,
qui est un instrument à dix cordes qu'on touche avec la main (Ps 2, 0).
Certains psaumes sont historiques, mais n'ont pas été
établis selon le déroulement de l'histoire. Ils ont une signification qui
transcende donc leur contexte historique (Prologue, p. 38-39).
En hébreu les psaumes sont ordonnés selon l'ordre des
lettres de l'alphabet (Ps 2, p. 45).
Matière.
Le psaume 1 décrit de manière quasi universelle la condition et
l'évolution du genre humain.
Le psaume 2 traite des tribulations du psalmiste qui signifient celles
du Christ.
Le psaume 3 implore le secours divin contre la tentative des
adversaires du psalmiste et il est rédigé sous forme de prière.
Le psaume 4 est une exhortation du psalmiste qui, après avoir fait
l'expérience de la miséricorde divine, encourage les autres à ne point
désespérer.
Au psaume 5 David demande d'être amené sur la voie de la justice à
cause de ses ennemis.
Au psaume 6 David demande que sa chute soit réparée.
Au psaume 7 David demande que ses ennemis soient vengés.
Au psaume 8 le psalmiste rend grâce pour les bienfaits accordés au
genre humain tout entier.
Au psaume 9 il rend grâce spécialement pour le bienfait qui lui a été
prodigué dans la destruction de ses ennemis.
Au psaume 10 le psalmiste montre la confiance qu'il a conçue à la suite
de la libération de ses ennemis.
Dans cette première décade le psalmiste traite de la persécution que
lui-même avait soufferte de la part de son fils Absalom, persécution qui
préfigurait celle que le Christ souffrirait de la part de Judas.
Dans la deuxième décade il est question de la persécution qu'il a
soufferte de la part de Saül, persécution qui préfigurait celle que le Christ
souffrirait de la part des princes des prêtres.
Au psaume 11 le psalmiste expose les tromperies de ses adversaires.
Au psaume 12 le psalmiste blâme la tromperie de ses ennemis et il réclame
de Dieu un remède contre eux.
Au psaume 13 il expose la malice de ses ennemis.
Au psaume 14 le psalmiste énumère en détail la justice que Dieu exige
de l'homme.
Au psaume 15 il montre comment il adhérait lui-même à la justice.
Au psaume 16 le psalmiste demande en priant d'être libéré de ses
ennemis.
Au psaume 17 il rend grâce d'avoir été libéré.
Au psaume 18 le psalmiste loue Dieu en tant que bienfaiteur de tout ce
qui lui a été accordé.
Au psaume 19 il demande d'être élevé à des biens supérieurs.
Au psaume 20, comme s'il était déjà exaucé, il annonce son exaltation.
Dans la troisième décade il s'agit de la persécution que David eut à
souffrir de la part du peuple tout entier, qui le rejeta sur l'ordre de Saül.
Le psaume 21 traite de la tribulation de David et préfigure d'une
manière spéciale la Passion du Christ.
Au psaume 22 le psalmiste parle du remède grâce auquel il est soutenu
dans sa propre tribulation.
Au psaume 23 le psalmiste fait valoir la puissance de celui qui lui
vient en aide.
Au psaume 24 il expose sa prière contre ses tribulations.
Au psaume 25 il expose sa justice pour que sa prière soit agréée.
Au psaume 26 il exprime la confiance en Dieu qu'il a conçue de sa
prière.
Au psaume 27, pour ne pas défaillir dans sa confiance, le psalmiste ajoute
encore un psaume de prière.
Au psaume 28 le prophète exhorte les autres à l'action de grâce.
Au psaume 29 lui-même rend grâce.
Au psaume 30 le psalmiste expose tout le déroulement de sa libération.
Dans la quatrième décade il est question de la tribulation que les bons
endurent de la part des pécheurs.
Le psaume 31 est le deuxième psaume pénitentiel. Dans le premier psaume
pénitentiel, c'est-à-dire au psaume 6, le psalmiste traite de la contrition du
coeur, tandis que dans celui-ci il traite de la confession.
Au psaume 32 le psalmiste traite de la dignité des justes.
Au psaume 33 il invite les autres à la louange de Dieu.
Au psaume 34 le psalmiste implore le secours divin contre les
tribulations des impies.
Au psaume 35 il décrit le mal des pécheurs.
Au psaume 36 le psalmiste enseigne le devoir de mépriser le bonheur des
impies.
Au psaume 37 il confesse qu'il est affligé à cause de ses propres
péchés.
Au psaume 38 il promet sa prudence pour l'avenir.
Au psaume 39 le psalmiste traite de la confiance dans le secours divin.
Au psaume 40, de Dieu il demande sa miséricorde constante.
La cinquième décade est établie en vue d'implorer le secours divin
contre les maux présents. Et elle est une figure des maux temporels qui
arrivèrent à David. Au sens mystique il s'agit de l'homme juste demandant le
secours divin contre ceux qui combattent le royaume de l'Église.
Au psaume 41 le psalmiste fait connaître le désir qu'il a de Dieu.
Au psaume 42 il a recours à la prière afin d'accomplir son désir.
Au psaume 43 il prie face à l'affliction de tout le peuple.
Au psaume 44 il expose la gloire du royaume et du roi en mentionnant
les bienfaits divins. Il traite des épousailles du Christ et de l'Église, qui
furent entamées tout d'abord lorsque le Fils de Dieu s'unit à la nature humaine
dans le sein virginal.
Au psaume 45 le psalmiste après avoir été exaucé en faveur du peuple,
montre le bienfait donné au peuple.
Au psaume 46 il exhorte les nations étrangères à se convertir à Dieu.
Au psaume 47 il décrit la grande exultation du peuple ou de la cité.
Au psaume 48 il exhorte les nations à mettre leur confiance en Dieu.
Au psaume 49 il instruit les nations à propos du culte de Dieu.
Au psaume 50 il traite de la totale rémission des péchés.
Ici se termine la première division des cinquante
psaumes qui est ordonnée aux pénitents. La deuxième division est ordonnée aux
progressants (voir Prologue, p. 38).
Au psaume 51 le psalmiste examine la méchanceté des
pécheurs dans leur attachement au péché. Ce psaume s'entend principalement des
méchants qui persécutent le Christ, ou en lui-même, ou dans ses membres (Ps 51,
2).
Au psaume 52 le psalmiste examine la méchanceté des pécheurs dans leur
mépris de Dieu.
Au psaume 53 il expose la persécution qu'il endure de la part des
pécheurs.
Au psaume 54 il expose sa libération des ennemis.
Psaumes
pénitentiels.
Les psaumes de pénitence commencent dans la douleur et
se terminent dans la joie (Ps 31, 11).
Usage liturgique.
Le psaume 41 est chanté à l'office du baptême, le
Samedi saint et à la Pentecôte, lorsqu'un baptême solennel est célébré pour les
catéchumènes. Il est aussi chanté aux obsèques des morts, parce qu'il convient
aux hommes parfaits d'aller vers la source éternelle (Ps 41, 2).
Le psaume 44 se chante en la fête de la
Nativité du Seigneur à cause de la louange de l'époux. Il se chante aussi aux
fêtes de la Vierge, en raison de sa louange: "La reine s'est tenue debout."
Il se chante pareillement aux fêtes des vierges, car "elles seront amenées
au roi" (Ps 44, 1 5b). Et semblablement aux fêtes des Apôtres, car le
psalmiste dit: "A la place de tes pères" (Ps 44, 18).
Le psaume 50 est le plus répété dans l'Église, parce
qu'il implore la miséricorde, et obtient ainsi le pardon (Ps 50, 1).
Psautier.
C'est l'Esprit-Saint lui-même qui révèle le psautier.
La matière de ce livre est le Christ et ses membres.
Sa matière est universelle.
Le psautier renferme la matière générale de toute la théologie et
traite de toute l'oeuvre divine.
Son mode ou sa forme est la déprécation ou la louange.
Le psautier peut être dit parole de gloire de quatre manières: quant à
sa cause originelle, quant à son contenu, quant à son mode d'émanation, quant à
son invitation à la gloire.
Sa finalité est la prière qui est une élévation de l'esprit vers Dieu,
et l'union de l'âme au Dieu très-haut et saint.
Il y a trois divisions du Psautier: une première division considère le
nombre des 150 psaumes et leur mystère; une deuxième division se fait d'après
cinq livres, chacun de ces livres se terminant par un psaume ayant Fiat, Fiat comme
conclusion; une troisième division comprend trois groupes de cinquante psaumes.
Chacun de ces groupes représente un état du peuple fidèle. À la première
cinquantaine est ordonné l'état de la pénitence. À la deuxième cinquantaine est
ordonné l'état de la justice. La troisième cinquantaine se conclut sur la
louange de la gloire éternelle.
Le psautier est le livre le plus utilisé dans l'Église, parce qu'il
renferme toute l'Écriture; parce qu'il nous donne l'espérance de la miséricorde
divine.
Les faits du psautier doivent être exposés comme une figure du Christ
ou de l'Église.
Les traductions du Psautier sont au nombre de
trois:la première (la Vetus Latina) remonte au temps des Apôtres et fut corrigée
par saint Jérôme à cause de son altération par les scribes. C'est la version
qu'on lit en Italie "et qui est connue sous le nom de Psautier romain";la
deuxième fut la version latine que saint Jérôme réalisa d'après le grec, "et
qui devint connue sous le nom de Psautier gallican. Cette version devint le
texte de base de la Vulgate";la troisième traduction est la version faite
par saint Jérôme d'après l'hébreu: "c'est le Psautier iuxta Hebraeos" (Prologue,
p. 34-37).
Raison.
L'intelligence naturelle de l'homme n'est rien
d'autre que le resplendissement de la clarté divine dans l'âme (Ps 35, 10b).
La lumière de la raison n'est rien d'autre qu'une
participation à la lumière divine (Ps 30, 17).
La raison naturelle innée nous enseigne à
discerner le bien du mal (Ps 4, 7a).
Le Seigneur a pourvu l'homme de la raison en vue de la
sagesse (Ps 15, 7).
Rétribution.
Il y a une quadruple rétribution. La première est
celle qui rétribue le bien pour le bien; une autre rétribue le mal pour le mal;
une autre rétribue les biens pour les maux; la quatrième est celle qui rétribue
le mal pour le bien (Ps 37, 21).
Sacrifice.
Il y a deux sortes de sacrifices: le sacrifice
intérieur par lequel l'homme donne son âme à Dieu. Et tout sacrifice extérieur
qui est ordonné à la représentation de ce sacrifice intérieur (Ps 26, 6b).
Les sacrifices ne sont pas voulus en soi par Dieu,
mais ils existent en tant qu'ils sont des signes d'une autre réalité, ou encore
en tant qu'ils sont des signes de la vertu intérieure, et c'est pourquoi les
hommes sont repris en soi pour les vertus qu'ils n'ont pas pratiquées, non pour
les sacrifices (Ps 49, 8).
On accomplissait dans l'Ancien Testament un triple
sacrifice. Le premier était appelé très digne, parce qu'on lui donnait le nom
d'holocauste. Le deuxième était le sacrifice pour le péché. Le troisième
s'appelait sacrifice d'immolation, ou de paix (Ps 39, 7).
Parmi les sacrifices, celui de la louange
semble avoir la prééminence (Ps 26, 6b). Ce dernier n'est rien d'autre que la
protestation de la dévotion intérieure et de la foi (Ps 49, 14).
Le sacrifice matériel s'accomplissait avec
trois sortes d'animaux: avec des boeufs, des chèvres et des béliers; et
par-dessus les autres animaux c'était surtout un agneau qu'on offrait
habituellement (Ps 28, 2a).
Le Seigneur a voulu que les sacrifices lui
soient offerts non pour lui, mais afin que nous le reconnaissions comme le
principe de tous nos biens, et la fin vers laquelle toutes choses doivent être
rapportées (Ps 28, 2b).
Le sacrifice de louange comprend deux empêchements.
L'un est la culpabilité qui vient du pécheur. L'autre est la faiblesse
intérieure (Ps 50, 16).
Sagesse.
La vraie sagesse consiste en la connaissance de Dieu
(Ps 47, 4).
Saint-Esprit.
Voir: Esprit-Saint.
Sainteté.
La sainteté repose sur la crainte et le culte de Dieu
(Ps 11, 2).
La sainteté consiste en trois choses: en la macération
de la chair, l'esprit de dévotion et la bonté du sentiment (Ps 34, 13).
Un seul péché mortel détruit aussitôt la sainteté (Ps
11, 2).
Il n'est rien qui détruise autant la sainteté que
l'orgueil (Ps 33, 10).
Le signe de la disparition de la sainteté est double:
la vanité et la tromperie (Ps 11, 3).
Saints.
Il y a une double communauté des saints. L'une se
compose de ceux qui règnent avec Dieu dans la gloire; l'autre de ceux qui
militent sur la terre (Ps 19, 3).
Les saints voient l'essence même de la bonté divine
dans la Patrie (Ps 51, 11). Les saints qui sont dans la Patrie dirigent leur
contemplation vers Dieu lui-même (Ps 26, 4).
La joie des saints dans la Patrie est éternelle, sûre
et plénière (Ps 5, 12).
Les saints loueront Dieu dans la Patrie en considérant
sa bonté, et ils le confesseront en rendant grâce pour ses bienfaits (Ps 43, 9).
La réfection des saints et de Dieu est la même. Mais
les saints sont refaits par l'amour de Dieu lui-même, tandis que Dieu se refait
dans sa propre jouissance (Ps 49, 13).
Les saints gardent-ils la mémoire des impies ? Ils
gardent des impies une mémoire, non en bien, mais de compassion et de
commisération, et ils ne prient pas pour eux (Ps 33, 17).
Les saints aiment la vérité (Ps 30, 24).
Les saints ne peuvent qu'aimer Dieu (Ps 51, 11).
Les saints n'ont dans le monde aucune raison d'espérer
si ce n'est en Dieu (Ps 13, 6).
La prière des saints est une voix forte à cause de la
grandeur de leur amour et de leur demande, car ils demandent les réalités éternelles
(Ps 33, 18).
De même que les cerfs rejettent ce qui est vénéneux,
ainsi les saints rejettent tout péché; et de même que les cerfs s'avancent à
travers les épines sans blessure, ainsi les saints traversent la vanité de ce
monde sans en jouir (Ps 28, 9).
Les saints sont représentés dans la peinture antique
avec un bouclier rond sur la tête, qui leur tient lieu de couronne (Ps 5, 13).
La dignité des saints est souveraine, parce qu'eux
seuls parviennent à la fin que tous les hommes désirent naturellement (Ps 32,
12).
Salut.
Il y a deux sortes de salut: l'un, corporel, commun
aux hommes et aux bêtes: "Tu sauveras, Seigneur, les hommes et les animaux"
(Ps 35, 7); l'autre spirituel et éternel, qui est propre au Christ. Si le
psalmiste dit ainsi: "Mon salut", c'est parce que le salut du Nouveau
Testament a été opéré par le Christ: "Israël a été sauvé par le Seigneur
d'un salut éternel" (Is 45, 17] (Ps 21, 2).
Le salut humain consiste principalement dans la
connaissance de la vérité (Ps 24, 5).
Trois choses sont requises pour parvenir au salut: le
don de la grâce, la direction, et le progrès spirituel (Ps 27, 9).
Il y a un triple bien divin par lequel il semble que
l'on puisse obtenir le salut. Le premier est la puissance. Le deuxième bien est
la constance. Le troisième est la bonne disposition du corps et la vigueur (Ps
32, 17).
Par la confession de la vérité le salut parvient à
l'homme (Ps 39, 11).
Le pouvoir séculier, c'est-à-dire la multitude des
sujets, la force corporelle, les richesses extérieures, ne peut mener au salut
(Ps 32, 15-16).
Sang.
On distingue trois sortes de sang. La première qui est
produite par la nourriture et la boisson, c'est pourquoi la nourriture et la
boisson sont appelées sang des pauvres. La deuxième, c'est le sang de l'homme,
et l'homicide le répand. La troisième, c'est le sang de la semence en vue de la
conservation de l'espèce, et le fornicateur le répand, car il n'agit pas en vue
d'engendrer (Ps 25, 9).
Serment.
Il y a deux sortes de serment: par témoignage et par
imprécation (Ps 7, 4).
Similitude.
Il y a une double similitude. L'une qui fait que les
choses sont semblables parfaitement, c'est-à-dire lorsque les deux choses
participent à la même forme d'un seul concept (ratio). Mais il y a une
similitude dans la dissemblance, c'est-à-dire lorsque la forme se trouve en une
chose véritablement, et dans une autre par participation éloignée (Ps 34, 10).
Soliloque.
Le soliloque est la conversation de l'homme avec Dieu
seul à seul, ou avec soi uniquement (Prologue, p. 34).
Sort.
Le sort n'est rien d'autre qu'un signe
recherché de la volonté divine (Ps 30, 1 6a). Il y a trois sortes de sorts: des
sorts consultatifs, des sorts divinatoires, et des sorts distributifs (Ps 30, 16a).
Le sort en soi n'exprime pas quelque chose de
mal, mais il devient mauvais de deux manières. D'abord, lorsqu'on recherche le
signe de la volonté divine par un moyen indu, comme par l'intermédiaire du
démon. Puis, si l'on recherche ce signe dans des choses sans qu'il y ait
nécessité (Ps 30, 16a).
Tabernacle ou tente.
Au sens littéral, le tabernacle (la tente) était le
lieu dans lequel ceux qui priaient étaient protégés par le secours divin, et
surtout dans le Saint des saints où était le propitiatoire, et ainsi ils
appelaient tabernacle (tente) la défense proprement dite de Dieu (Ps 26, 5).
Au sens mystique, le tabernacle (la tente) peut être
appelé l'humanité assumée, ou la chair du Christ dans laquelle il nous cache
par la foi et l'espérance. Ou bien autrement, le tabernacle (la tente) est
appelé l'ordonnance de l'Église (Ps 26, 5).
Table.
"Tu as préparé devant moi une table..." Il
s'agit de la table d'une double doctrine, là où se trouvent les diverses
nourritures, c'est-à-dire les diverses doctrines spirituelles. Ou bien il
s'agit de la table sacramentelle, c'est-à-dire de l'autel (Ps 22, 5).
On lit dans la Sainte Écriture qu'il y a une triple
table. La première est la table de l'Ancienne Loi. La deuxième est celle du
Nouveau Testament. La troisième table est dans la Patrie (Ps 22, 5).
Témoignage(s).
Les témoignages sont toutes les promesses de Dieu. Ou
bien le mot "témoignage" désigne l'Ancien Testament qui est le
témoignage du Nouveau. Ou bien on dit témoignage lorsqu'une vérité est
attestée. Ou encore, on appelle témoignage l'attestation de la loi de l'esprit
selon les juristes. Ou bien, selon Papias, on appelle témoignage tout ce qui
est emprunté à une réalité extérieure pour engendrer la foi (Ps 24, 10).
Pour qu'un témoignage soit crédible, trois choses sont
nécessaires: la dignité des témoins, un grand nombre de témoins, et la
concordance de leurs témoignages (Ps 47, 5).
Tentation.
L'homme est très éprouvé par la tentation qui est une
mise à l'épreuve: la tentation est l'acceptation de la mise à l'épreuve à
propos de ce qu'on ignore, tandis que l'épreuve relève de ce qu'on sait par la
manifestation de la vertu (Ps 25, 2).
Voir aussi: Diable.
Terre.
Au sens spirituel il y a quatre sortes de terre: la
terre des vivants qui est une terre de gloire; la terre de l'âme qu'on habite
toujours par un retour à la conscience; la troisième terre est l'Église
militante qu'on habite par la confession de la foi; la quatrième terre est
celle de notre propre chair qu'on habite en y extirpant les vices et en y
semant les vertus (Ps 36, 3).
Testament.
Le testament est en général tout pacte de Dieu. Ou
bien le mot "testament" est pris au sens de Nouveau Testament, dans
lequel toutes les promesses sont accomplies. [...] L'attestation peut être
appelée manifestation, ou confirmation, ou certitude. Car les témoins
manifestent et certifient, et c'est dans ce sens que le testament est pour
ainsi dire appelé une manifestation ou une certification de l'esprit divin, ou
ce que Dieu veut. Ou bien, selon Papias, on appelle testament dans la
Sainte-Écriture le pacte ou l'accord (Ps 24, 10).
Triomphe.
Il y avait dans l'Antiquité deux genres de triomphe:
l'un était plus solennel, l'autre plus modeste. Le premier était dit orné de
lauriers, parce que le vainqueur était couronné de lauriers; et cela se faisait
sur un char. Le second était dit ovation, et cela se faisait sur un cheval (Ps
19, 8).
Tristesse, infélicité.
La bonne tristesse contriste face à la délectation du
péché, et elle doit être continuelle. Cette tristesse de repentir est
accompagnée de l'espérance et de l'exercice des bonnes oeuvres. La mauvaise
tristesse préoccupe et mène au désespoir; elle accable et c'est la paresse
spirituelle (Ps 37, 7). La bonne tristesse opère la pénitence en vue du salut
(Ps 42, 2).
Il n'est de sorte d'infélicité plus grande que celle
d'avoir goûté la félicité (Ps 37, 9).
Il y a la tristesse du siècle qui tend à la mort, et
la tristesse de la pénitence qui est selon Dieu. Ou bien, il faut dire qu'il y
a une tristesse qui est une passion; et cette dernière imite matériellement la
passion, mais elle ne s'abat point sur l'homme sage. Il y en a une autre
appelée propassion, laquelle est un mouvement subit (Ps 54, 3).
On peut donner trois raisons pour lesquelles la
tristesse est inhérente au soir: la première vient de la disposition extérieure:
car le soir est le commencement des ténèbres qui rendent tristes. La deuxième
vient de la disposition intérieure, le soir étant le moment de la bile (melancholiae), où l'homme est disposé à
la tristesse. La troisième provient de la nature du sommeil. Car le sommeil est
le repos des animaux; c'est pourquoi la tristesse s'apaise par le sommeil (Ps
29, 6).
Au sens mystique, "au soir" de
l'ensevelissement du Seigneur ce fut la tristesse, parce que les fidèles
pleuraient la mort du Christ. Ou bien, "au soir", c'est-à-dire lors
du péché des premiers parents, ce fut la tristesse (Ps 29, 6).
Tromperie.
Ce mot a une double acception. Car il signifie une
dissimulation de la bouche, et une dissimulation à l'égard de l'action, puisque
l'action ne concorde pas avec la bouche (Ps 16, 1).
Vérité(s).
La vérité primordiale est une, c'est la vérité qui est
dans l'intelligence divine (Ps 11, 2).
Il y a une triple vérité créée dans les saints:
la vérité de la vie dont parle Moïse: "Souviens-toi que j'ai marché devant
toi dans la vérité (Is 38, 3)"; la vérité de la doctrine: "Nous
savons que tu es vrai, et que tu enseignes la voie de Dieu dans la vérité"
(Mt 22, 16); la vérité de la justice à propos de laquelle il est écrit dans
l'Exode: "Choisis d'entre tout le peuple des hommes capables et craignant
Dieu, en qui soit la vérité et qui haïssent l'avarice" (Ex 18, 21a). C'est
de cette vérité que ce psaume semble parler (Ps 11, 2).
"Dans ta lumière nous verrons la lumière."
Cette lumière est ou bien la vérité créée, c'est-à-dire le Christ en tant
qu'homme, ou bien la vérité incréée par laquelle nous connaissons des choses
vraies. En effet, la lumière spirituelle est la vérité (Ps 35, 10b).
La loi, car "le commandement [du Seigneur] est
une lampe, [et] sa loi une lumière" (Ps 6, 23). Et "ta vérité",
c'est le Nouveau Testament (Ps 42, 3).
Il y a une triple vérité créée chez lés saints: la
vérité de la vie, la vérité de l'enseignement et la vérité de la justice (Ps 11,
2).
Des vérités diverses dérivent dans les différentes
âmes de l'unique vérité divine (Ps 11, 2).
Ces vérités diverses sont diminuées lorsque l'âme
s'éloigne de Dieu à cause de ses fautes (Ps 11, 2).
Vierge (bienheureuse).
Le temple de Dieu est la bienheureuse Vierge (Ps 17,
7).
Le Christ a placé son corps dans le soleil,
c'est-à-dire dans la Vierge Marie (Ps 18, 6).
La Vierge bienheureuse est la reine et la mère
du roi, elle se tient debout au-dessus de tous les choeurs avec un vêtement
orné d'or, c'est-à-dire orné de l'or de la divinité, parce qu'elle est la Mère
de Dieu (Ps 44, 10b).
La bienheureuse Vierge a contracté le péché originel
(Ps 13, 1).
La Vierge n'a jamais péché, ni mortellement, ni
véniellement (Ps 45, 6).
Il n'y eut dans la Vierge Marie absolument aucune
tache (Ps 14, 2).
Aucune femme `n'est comparée à la Vierge bienheureuse
(Ps 44, 17).
Voeu.
Le voeu est un acte de latrie (Ps 49, 14).
Voir aussi: Culte.